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1 Le mardi 15 juillet 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes
6 dans le prétoire.
7 Je vous prie d'annoncer le numéro de l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame, Monsieur le Président,
9 bonjour à tout le monde. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur
10 contre Ante Gotovina et consorts.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
12 Madame Mahindaratne, j'imagine que c'est vous qui allez interroger le
13 témoin.
14 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etes-vous prête à l'interroger ?
16 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui. Le Procureur fait venir à la barre
17 Mme Elisabeth Rehn.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites entrer le témoin, s'il vous
19 plaît, Monsieur l'Huissier.
20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Madame.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Conformément au Règlement de procédure,
24 vous devez faire la déclaration solennelle aux termes de laquelle vous
25 direz la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
26 L'huissier vous présentera le texte de la déclaration.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je déclare que je dirai la vérité,
28 toute la vérité et rien que la vérité.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.
2 LE TÉMOIN: ELISABETH REHN [Assermentée]
3 [Le témoin répond par l'interprète]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir. Tout
5 d'abord, Madame Rehn, c'est l'Accusation qui va vous interroger et c'est
6 Mme Mahindaratne qui va mener l'interrogatoire.
7 Interrogatoire principal par Mme Mahindaratne :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Madame.
9 R. Bonjour.
10 Q. Je vous prie de décliner votre identité.
11 R. Je suis Marta Elisabeth Rehn, originaire de la Finlande.
12 Q. Avez-vous fait une déclaration --
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi, je n'aime pas
14 poser la question que je vais vous poser maintenant, mais nous avons
15 plusieurs dates de naissance dans votre déclaration. Je vous prie de nous
16 dire la date correcte.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est un bon départ parce que je
18 vois qu'il y a de l'humour. Ils étaient si gentils lors de ma première
19 audition qu'ils m'ont rajeunie de dix ans.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà, vous avez répondu dans ce cas-là
21 à ma question. Merci.
22 Veuillez poursuivre, Madame Mahindaratne.
23 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci.
24 Q. Madame Rehn, avez-vous fait une déclaration pour le bureau du Procureur
25 le 13 et le 14 octobre 2005 ?
26 R. Oui.
27 Q. Après, le 21 février 2007, avez-vous fait une déclaration
28 supplémentaire dans laquelle vous avez précisé et apporté des ajouts à
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1 votre déclaration préalable que vous avez signée le 3 avril 2008 ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Hier, avez-vous eu l'occasion de relire les deux déclarations ?
4 R. Oui.
5 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document
6 5315 à l'écran, s'il vous plaît, Monsieur le Greffier.
7 Q. Madame Rehn, dans un instant, vous allez voir affiché à l'écran un
8 document, est-ce que vous pouvez confirmer qu'il s'agit de votre
9 déclaration de 2005 ?
10 R. Oui, c'est exact. C'est le document dont nous sommes en train de
11 parler.
12 Q. Lorsque vous avez revu vos déclarations hier, vous avez apporté deux
13 ajouts, deux corrections --
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi encore une fois, mais sur
15 notre écran de gauche, si l'on appuie le bouton e-court, prétoire
16 électronique, je ne vois qu'un écran bleu.
17 Voilà. Apparemment, maintenant ça fonctionne.
18 Vous pouvez poursuivre.
19 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Hier, lorsque vous avez examiné vos déclarations, vous avez apporté
21 deux modifications. Pour ne pas perdre trop de temps, j'aimerais les lire
22 maintenant.
23 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'aimerais que
24 vous affichiez la troisième page.
25 Q. Madame Rehn, pouvez-vous lire ce qui est affiché à l'écran ?
26 R. Oui.
27 Q. Vous avez apporté une modification au premier paragraphe de la
28 troisième page en anglais, où il est dit que vous avez vu des cadavres et
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1 des carcasses. Vous avez dit qu'en fait vous n'avez pas vu des cadavres,
2 donc des personnes tuées, mais que vous n'avez vu que des carcasses; est-ce
3 exact ?
4 R. Oui, c'est exact, la confusion s'est établie parce que lorsque j'ai été
5 auditionnée la première fois en 2005, j'ai parlé de beaucoup de choses que
6 j'avais vues, non seulement à Srebrenica mais également à Kravica, c'est
7 pourquoi la confusion s'est instaurée.
8 Q. Vous avez également apporté une autre modification, Madame Rehn.
9 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la page 5.
10 Q. A partir d'en haut, le septième paragraphe, c'est l'avant-dernier
11 paragraphe en fait. Vous parlez d'une réunion, et vous avez dit que vous
12 avez eu plusieurs rencontres avec le président Tudjman. Vous vouliez dire
13 que vous n'avez eu que deux réunions. L'une s'est tenue en décembre 1995,
14 et l'autre s'est tenue lorsque vous étiez le rapporteur spécial des Nations
15 Unies, n'est-ce pas ?
16 R. C'est exact.
17 Q. A part ces modifications, est-ce que vous considérez que la teneur de
18 vos déclarations reflète d'une manière véridique ce que vous avez déclaré
19 aux membres du bureau du Procureur ?
20 R. Oui. J'ai parcouru ces documents hier soir une fois encore, et je
21 considère que tout est véridique. Tout correspond à ce que j'avais dit.
22 Q. Est-ce que la teneur de ces déclarations est véridique, pour autant que
23 vous vous en souveniez ?
24 R. Oui, assurément.
25 Q. Si aujourd'hui l'on vous posait les mêmes questions, est-ce que vous
26 répondriez de la même manière ?
27 R. Oui. La teneur serait certainement la même. Peut-être que la
28 formulation pourrait être différente, mais le sens et la teneur seraient
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1 identiques.
2 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
3 versement --
4 Q. Non, mais avant de ce faire, vous avez confirmé que la déclaration
5 affichée à l'écran est votre première déclaration, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je demande le versement au dossier de
8 ce document.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné qu'il n'y a pas d'objection,
10 ça sera la pièce --
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça sera P598.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P598 est versé au dossier.
13 Veuillez poursuivre.
14 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document
15 5316. Il s'agit de la déclaration supplémentaire à laquelle nous avons fait
16 référence, Monsieur le Président. Je demande son versement au dossier.
17 Q. Madame Rehn, est-ce que le document affiché à l'écran est la
18 déclaration supplémentaire que vous avez faite ?
19 R. Oui, et là s'agissant de ma date de naissance, la date est exacte.
20 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je demande son versement au dossier.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si l'on vous posait les mêmes questions
22 s'agissant de la deuxième déclaration, est-ce que cela reflète la vérité de
23 vos souvenirs, c'est-à-dire si l'on vous posait les mêmes questions, de la
24 même manière --
25 Il semble qu'il n'y ait pas d'objection de la part de la Défense.
26 Monsieur le Greffier.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P599.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce est versée au dossier.
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1 Veuillez poursuivre.
2 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
3 Q. Madame Rehn, lorsque vous avez fait la première déclaration, est-ce que
4 vous avez examiné un certain nombre de documents et est-ce que vous avez
5 fourni un certain nombre d'explications au sujet des documents auxquels on
6 se réfère dans votre première déclaration ?
7 R. Oui. Il y avait un grand nombre de rapports et de documents réalisés
8 pendant ces deux ans et demi, lorsque j'ai travaillé en tant que rapporteur
9 spécial pour les droits de l'homme en ex-Yougoslavie. Donc il y avait un
10 certain nombre de documents se référant à la Croatie et également à
11 d'autres régions que j'avais examinés.
12 Q. Hier, avez-vous eu l'occasion de les examiner une fois encore ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous pensez que la teneur de ces documents est exacte et que
15 vos explications portant sur chacun de ces documents sont également exactes
16 ?
17 R. Oui.
18 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai présenté 17
19 documents en vertu de l'article 92 ter. J'aimerais retirer néanmoins un
20 document qui a déjà été versé au dossier. Il s'agit du document 17, à
21 savoir le dernier document, j'ai également demandé à ce que ce document
22 soit ajouté sur la liste 65 ter. Il s'agit du rapport du secrétaire général
23 du 24 [comme interprété] décembre 1995. C'est P47 --, il est déjà versé au
24 dossier. Mais tous les autres, je demande leur versement au dossier.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections au sujet
26 de ces documents ?
27 Oui, Maître Misetic.
28 M. MISETIC : [interprétation] Je pense que nous avons versé l'un de ces
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1 documents la semaine dernière. Il s'agit du document 10 sur la liste. C'est
2 également 1D33-0336. C'est la Défense de Gotovina qui l'a versé au dossier.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
4 M. MISETIC : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A part les documents 17 et 16 [comme
6 interprété], j'aimerais que les 15 documents de la liste reçoivent une cote
7 provisoire.
8 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] S'agissant des 15 documents, j'ai
9 demandé qu'on document soit ajouté à la liste 65 ter. Il s'agit du document
10 de notre requête 92 ter, à savoir le document 16. Il s'agit de la lettre
11 envoyée par le Haut-commissariat des droits de l'homme des Nations Unies
12 envoyée au président de la République de Croatie, en date du 2 octobre
13 1995.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné qu'il n'y a pas d'objection
15 au versement au dossier, j'imagine qu'il n'y a pas d'objection à ce que ce
16 document soit ajouté à la liste 65 ter ?
17 M. MISETIC : [interprétation] C'est exact. Il n'y a pas d'objection.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vous prie de
19 poursuivre, conformément à ce qui a été suggéré.
20 Veuillez poursuivre, Madame Mahindaratne.
21 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Pour le besoin du compte rendu d'audience, je demande que le document 4312,
23 c'est le numéro 65 ter, je demande que ce document soit versé sous pli
24 scellé. Si vous souhaitez, je peux expliquer pourquoi je présente ces
25 demandes à huis clos partiel.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections ?
27 M. MISETIC : [interprétation] Je ne sais pas exactement auquel document
28 vous vous référez.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Il s'agit du compte rendu d'audience
2 d'une réunion tenue entre le témoin et les membres du gouvernement croate
3 et de certains organismes internationaux.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il s'agit de la réunion du 9
5 octobre 1995.
6 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] C'est exact.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que nous pourrions passer à
8 huis clos partiel rapidement pour que vous nous expliquiez de quoi il
9 s'agit.
10 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
12 [Audience à huis clos partiel]
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13 Page 6501 expurgée. Audience à huis clos partiel.
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1 [Audience publique]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
3 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'aimerais maintenant lire le résumé de
4 la déclaration du témoin.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'imagine que vous l'avez expliqué au
6 témoin.
7 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui.
8 Mme Elisabeth Rehn a été le rapporteur spécial des Nations Unies de la
9 Commission des droits de l'homme pour la situation sur les territoires de
10 l'ex-Yougoslavie de septembre 1995 à janvier 1998. En cette qualité, elle
11 s'est rendue en Krajina après l'opération Tempête. Elle a eu des réunions
12 avec les membres du gouvernement croate, y compris le président de la
13 République de Croatie, Franjo Tudjman, le ministre de la Défense, Gojko
14 Susak, et le ministre de l'Intérieur, Ivan Jarnjak, au cours desquelles les
15 crimes commis par les membres de l'armée croate et la possibilité du retour
16 de la population serbe ont été abordés. Elle a sollicité des informations
17 de la part du gouvernement de la République de Croatie sur des mesures
18 prises pour empêcher les crimes ou enquêter sur eux et elle a recueilli
19 leurs réponses. Mme Rehn a présenté ses conclusions, entre autres, à
20 l'assemblée générale des Nations Unies et au Conseil de sécurité des
21 Nations Unies.
22 Mme Rehn a été membre du Parlement finlandais de 1979 à 1995, puis ministre
23 de la Défense de 1990 à 1995, et candidate à la présidence en 1994 et 2000.
24 En janvier 1998, elle a été nommée représentante spéciale des Nations Unies
25 auprès du secrétaire général en Bosnie-Herzégovine.
26 Ceci termine la lecture du résumé.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
28 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le
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1 document 309.
2 Monsieur le Président, j'aimerais que l'on présente au témoin les copies
3 papier.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela semble pratique comme
5 approche.
6 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
7 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
8 Q. Madame Rehn, c'est à l'intercalaire 3 dans votre classeur. Les
9 intercalaires portent des numéros.
10 Lorsque vous rédigiez vos rapports, Madame Rehn, sur la situation en
11 Croatie, vous receviez une réponse de la part du gouvernement croate,
12 n'est-ce pas ?
13 R. Oui, c'est exact.
14 Q. Est-ce que ce document est l'une des réponses présentées par le
15 gouvernement croate ?
16 R. Oui.
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je demande le versement au dossier de
18 ce document.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'objections.
20 Monsieur le Greffier.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P600.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P600 est versé au dossier.
23 Madame Mahindaratne, je vois que sur votre liste P141, vous vous référez à
24 la déclaration de témoin P141, ce qui crée de la confusion étant donné que
25 P141 semble être une cote même s'il est évident que vous n'avez pas
26 l'intention de le verser au dossier. Si vous voulez, vous pouvez peut-être
27 mentionner le nom du témoin étant donné qu'il n'y a pas de mesures de
28 protection.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, c'est ce que je vais faire,
2 Monsieur le Président. Excusez-moi.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
4 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le
5 document 4351.
6 Q. Je vous prie de regarder votre déclaration en attendant que le document
7 soit affiché à l'écran. C'est à l'intercalaire 1.
8 A la page 5, j'aimerais que vous examiniez le cinquième -- non,
9 plutôt le quatrième paragraphe.
10 A la page 6, paragraphe 5, vous relatez la réunion que vous avez eue avec
11 le président Tudjman, M. Jarnjak et le ministre Susak.
12 J'aimerais que vous examiniez le document qui est affiché à l'écran. Il
13 s'agit du compte rendu de cette réunion, c'est à l'intercalaire 11 de votre
14 classeur.
15 Est-ce que ce compte rendu contient la teneur de ces réunions ?
16 R. Oui.
17 Q. Qui est-ce qui a rédigé ce compte rendu ?
18 R. Comme vous pouvez le voir à l'écran, vous pouvez voir que lors de cette
19 réunion, M. Roman Werocevski [phon] du Centre des droits de l'homme était
20 toujours présent avec moi. Puis du côté croate, Diakite Mamadi, du Centre
21 des droits de l'homme croate, était toujours présent et c'est lui qui a
22 rédigé ce compte rendu.
23 Q. Est-ce que vous avez rencontré le président et ces ministres ensemble
24 lors de cette réunion ou lors des réunions, ou vous les avez rencontrés
25 chacun à part ?
26 R. Il y avait toujours des réunions à part, c'était la meilleure manière
27 de procéder. Et c'était plus pratique parce qu'il était difficile d'avoir
28 une réunion en même temps avec le président et les ministres.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'aimerais que la page suivante soit
2 affichée -- excusez-moi, c'est en fait la page suivante, à savoir la page 3
3 où la cote ERN se termine avec les chiffres 77. Voilà, c'est affiché
4 maintenant.
5 Q. Madame Rehn, j'aimerais que vous examiniez le dixième paragraphe. On
6 fait état de votre réunion avec le ministre Jarnjak.
7 J'attire votre attention sur le document à l'écran.
8 Le paragraphe numéro 10, l'on parle des expulsions illégales par la force
9 des appartements appartenant à l'armée. Et dans le troisième paragraphe au
10 sein de ce paragraphe 10, il est dit : "Demandé au sujet des obligations du
11 ministère de l'Intérieur et surtout pourquoi la police spéciale ne pouvait
12 pas empêcher la violence et les attaques réalisées, le ministre Jarnjak a
13 dit que la police civile était toujours présente et avait tout fait dans le
14 cadre de ses pouvoirs et compétences. Il a dit que les expulsions par la
15 force demandent à ce qu'il y ait des sanctions judiciaires. Cela dit, si
16 les auteurs de ces actes sont des militaires, il n'y a que la police
17 militaire qui a la compétence d'intervenir."
18 Est-ce que vous vous souvenez de cette déclaration faite par M. Jarnjak ?
19 R. Oui.
20 Q. Ce même jour, vous avez rencontré le ministre de la Défense, M. Susak.
21 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Il s'agit du document dont la référence
22 ERN se termine avec le chiffre 7185. Je sais qu'il est difficile de suivre,
23 mais j'aimerais que vous examiniez maintenant le haut de cette page.
24 Q. Vous avez ici le procès-verbal de votre réunion avec M. Susak, n'est-ce
25 pas ?
26 R. Oui, en effet. Il ne m'aimait pas du tout, ni mes rapports.
27 Q. Vous a-t-il dit pourquoi il n'aimait pas vos rapports ?
28 R. Parce qu'il croyait que nous mettions trop l'accent sur l'activité
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1 militaire, plutôt que de nous pencher sur tous les actes criminels commis
2 par des civils, et cela renvoie également à ce qui s'était passé avant que
3 je prenne mes fonctions de rapporteur spécial.
4 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Bien. Passons à la page suivante.
5 Q. Ici, au paragraphe 7, il semblerait que la même question revienne, à
6 savoir la question d'expulsion forcée d'appartements militaires, que cette
7 question ait été évoquée avec M. Susak également. La réponse qu'il vous a
8 donnée sur cette question correspondait-elle à ce que vous a dit M.
9 Jarnjak, à savoir que seule la police militaire était habilitée à résoudre
10 la situation, ou y a-t-il eu contradiction dans les réponses apportées ?
11 R. Il y a eu contradiction dans la mesure où M. le Ministre Jarnjak a
12 indiqué clairement que la police civile ne pouvait pas intervenir dès lors
13 qu'il s'agissait d'expulsions effectuées par des militaires; mais d'après
14 M. Susak, il fallait une décision, une ordonnance d'un tribunal indiquant
15 que ces expulsions étaient illégales. Il fallait donc obtenir une décision
16 du tribunal, les tribunaux étant compétents pour connaître de toutes
17 plaintes.
18 Mais ensuite --
19 Q. Vous souvenez-vous, Madame, si M. Susak a confirmé que la police civile
20 n'était pas habilitée à intervenir à ce moment-là ou dans ce genre de
21 situation -- vous en a-t-il parlé ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic.
23 M. MISETIC : [interprétation] C'est la première fois que je fais ceci, mais
24 j'avoue que la pertinence de cet ensemble de questions m'échappe tout à
25 fait. Je ne vois pas pourquoi l'on pose des questions sur le personnel
26 militaire en novembre 1995, nous aimerions comprendre la pertinence de tout
27 ceci.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, la pertinence,
2 la voici. Nous avons entendu beaucoup d'éléments de preuve sur la capacité
3 de la police civile de se mêler d'affaires militaires dès lors que certains
4 actes de violence avaient été commis, vous le savez bien. Si je reviens au
5 procès-verbal de la discussion avec M. Jarnjak, on nous parle de violence
6 et non pas seulement d'expulsions. La référence renvoie à des violences
7 perpétrées par des soldats.
8 M. MISETIC : [interprétation] Je me dois d'objecter. Il faut examiner le
9 droit croate pour savoir ce qu'il en est de la compétence vis-à-vis des
10 actes de militaires. On trouve des réponses de son application, à ce qu'il
11 en est de la situation en matière de sécurité, nous en avons parlé. Bien
12 sûr, mon éminente consœur peut utiliser le temps qui lui est imparti de la
13 manière qu'elle le souhaite, mais nous avons une objection quant à la
14 pertinence de la question de savoir qui est habilité à intervenir en cas de
15 problèmes avec des militaires et qui est responsable au titre de la loi en
16 matière d'expulsion d'appartements appartenant à l'armée.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.
18 Madame Mahindaratne.
19 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, je ne veux pas
20 nous faire perdre de temps. Je vais poursuivre.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
22 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
23 Q. Madame Rehn, j'aimerais que nous examinions le procès-verbal de votre
24 réunion avec M. Tudjman.
25 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Revenons en arrière, Monsieur le
26 Greffier, à la page qui correspond au numéro ERN 7183.
27 Q. Madame Rehn, vous nous avez parlé de cette réunion et de votre
28 conversation avec M. Tudjman déjà dans votre déclaration. Confirmez-vous
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1 que c'est bien là le procès-verbal de cette rencontre ?
2 R. Oui.
3 Q. Bien. Examinez la page suivante, je souhaite attirer votre attention,
4 Madame Rehn, sur le paragraphe numéroté 6, où il est dit que : "Le
5 rapporteur spécial a indiqué qu'une solution pacifique revêtait une
6 importance particulière, même s'il existe des sentiments de haine et de
7 méfiance très forts parmi les membres de la population. Par conséquent, la
8 protection de tous les droits humains des Serbes doit être garantie, et la
9 justice est un droit humain fondamental. Un procès équitable doit être
10 garanti et la justice doit être rendue avec diligence pour tous ceux qui
11 ont été accusés de pillage ou d'incendies volontaires, pour démontrer que
12 le système judiciaire fonctionne."
13 Ensuite, il y a une discussion avec vous et M. Tudjman, et au
14 paragraphe 7, deuxième paragraphe précisément, M. Tudjman s'adresse à vous
15 en mettant en lumière "la bonne volonté de la Croatie en faisant référence
16 à un possible décret d'amnistie (qui avait déjà suscité une certaine
17 résistance) dans le cadre de procès qui seraient lancés pour ceux accusés
18 seulement de crimes de guerre et non pas de rébellion armée.
19 "D'après le président, cette décision est un pas positif vers la
20 normalisation des rapports entre la Croatie et la Serbie."
21 Madame Rehn, dans certains de vos rapports, vous appelez de vos vœux une
22 amnistie globale pour les anciens combattants, les soldats de la RSK.
23 Alors, la communauté internationale a demandé une amnistie générale, on le
24 voit ici, mais quelle était la nature de cette amnistie ? Etait-ce une
25 amnistie dans le cadre de la poursuite de crimes ou --
26 M. MISETIC : [interprétation] C'est une question directrice, Monsieur le
27 Président.
28 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas fini la question.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je crois que la partie
2 directrice est déjà passée de toute façon.
3 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
4 Q. Madame Rehn, pourriez-vous nous expliquer ce dont il s'agit ici lorsque
5 l'on parle d'amnistie, l'amnistie que la communauté internationale appelle
6 de ses voeux ?
7 R. La communauté internationale bien sûr ne demandait pas l'amnistie pour
8 les criminels, pour les criminels s'étant rendus coupables de crimes de
9 guerre. Ce que nous demandions, c'était une amnistie qui permettrait
10 d'atténuer les peurs de ceux qui devaient rentrer chez eux, quel que soit
11 leur camp. C'était important pour les Serbes notamment qui avaient quitté
12 la région de la Krajina, de façon à ce que ceux-ci ne craignent pas de
13 rentrer et d'être emprisonnés dès leur retour chez eux, si toutefois ils
14 étaient autorisés à rentrer chez eux.
15 Voilà ce que l'on entendait par cet appel de la communauté
16 internationale. Nous en avons beaucoup parlé, et nous nous sommes dit que
17 l'amnistie était importante. Mais si vous n'accordez l'amnistie qu'à
18 quelques centaines de personnes, d'autres auront peur, ceux qui diront :
19 "Je ne suis pas sûr la liste, que va-t-il m'arriver ?" Même si ce n'était
20 que de simples soldats qui se contentaient d'obéir à des ordres.
21 Q. Bien. Lors de votre rencontre avec M. Tudjman, il dit qu'une amnistie
22 est envisagée pour ceux -- et qu'est-ce qui est dit ici, il parle de
23 "procès qui seront organisés pour les accusés qui ne sont accusés que de
24 crimes de guerre et non pas de rébellion armée."
25 Pensez-vous qu'ici M. Tudjman fait référence aux mêmes crimes que ceux
26 qu'évoque la communauté internationale ?
27 R. Oui, je crois que son intention était très bonne, mais lorsque l'on
28 voit ce à quoi ça a mené et lorsque l'on voit les craintes ressenties par
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1 la population, ce n'était pas la bonne manière de faire les choses. C'est
2 la raison pour laquelle nous avons lancé cet avertissement, et c'est la
3 raison pour laquelle la communauté internationale a appelé de ses vœux une
4 amnistie globale, à l'exception bien sûr des criminels.
5 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je demande le versement au dossier de
6 ce document, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objections.
8 Monsieur le Greffier.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, il s'agira
10 de la pièce P601.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P601 est versée au dossier.
12 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je souhaitais simplement indiquer que
13 ce document figure déjà dans notre requête présentée au titre de l'article
14 92 ter.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors nous n'avons plus que 14
16 documents sur la liste, Monsieur le Greffier.
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'aimerais que
18 vous affichiez à l'écran le document 4365.
19 Q. Madame Rehn, si vous voulez examiner la copie papier de ce document
20 vous le trouverez à l'intercalaire 12.
21 Dans votre déclaration, vous dites avoir envoyé une lettre au ministre des
22 Affaires étrangères de la Croatie à propos d'une enquête sur l'incident
23 survenu le 25 août 1995 à Grubori.
24 Je demanderais à ce que vous examiniez ce document qui est à l'écran que
25 vous avez également sur papier. C'est une lettre que vous avez envoyée,
26 n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Passons en page 2 de l'anglais, s'il
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1 vous plaît.
2 Q. Madame Rehn, j'attire votre attention sur le paragraphe 3 de la
3 première page de la lettre. Vous dites : "Eu égard à l'enquête signalée sur
4 l'affaire Grubori, il est dit, dans le rapport récent du gouvernement de la
5 République de la Croatie sur la mise en œuvre de la Résolution du Conseil
6 de sécurité 1019, 1995, que le lieu du crime a fait l'objet d'une
7 inspection par la police le jour même où il a été fait rapport par l'Equipe
8 d'action pour les droits de l'homme des Nations Unies le 25 août 1995,
9 (page 8).
10 "En outre, le général Cermak a indiqué dans un entretien avec des membres
11 du personnel des Nations Unies le 26 août que les autorités croates étaient
12 parvenues jusqu'au village et s'étaient occupées des habitants au soir du
13 25 août. Il a également fait remarquer, dans une lettre adressée aux
14 Nations Unies le 31 août, qu'il s'était rendu personnellement dans le
15 hameau le lendemain."
16 Alors, d'où avez-vous obtenu cette information ?
17 R. J'ai obtenu cette information auprès des membres du personnel chargés
18 des droits de l'homme pour les Nations Unies qui s'étaient rendus sur place
19 et d'autres au sein de l'UNCRO. Il s'agissait d'informations qui m'ont été
20 données par ces personnes qui s'étaient rendues sur place.
21 Q. Bien. Et qui vous a informé de la déclaration de M. Cermak ?
22 R. Là, je ne le sais plus, je ne sais plus du tout qui m'en a parlé parce
23 que, vous le savez, un rapporteur spécial est entouré d'une équipe de gens
24 qui lui disent ce qui s'est passé à tel et tel endroit, et nous tirons
25 ensuite les conclusions qui s'imposent de ces rapports. Malheureusement, je
26 n'ai pas l'information que vous me demandez, je ne sais pas exactement qui
27 dans mon équipe m'a communiqué cette information.
28 Q. Madame Rehn, passons à la page suivante.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Greffier, également, je
2 vous demanderais de bien vouloir passer à la page 2 à l'écran, en B/C/S et
3 en anglais.
4 Q. Au paragraphe numéro 2, on trouve une liste de plaques
5 d'immatriculation de véhicules, des véhicules vus dans les environs de
6 Grubori le 25 août 1995.
7 Qui vous a communiqué ces plaques d'immatriculation ?
8 R. Je vous ferai la même réponse, l'équipe des Nations Unies, la nôtre et
9 l'équipe de l'UNCRO, le bureau donc des droits de l'homme. Ces personnes
10 étaient sur place, ont procédé à ces observations et m'ont fait part de ces
11 informations ensemble lors d'une réunion d'information.
12 Q. Avez-vous jamais reçu une réponse de la part du gouvernement croate
13 vous indiquant à qui appartenaient ces véhicules à l'époque ou en tout cas
14 qui les utilisaient ? Avez-vous obtenu une réponse à ces questions ?
15 R. J'ai reçu de très nombreuses lettres de réponse sur un grand nombre
16 d'affaires, de cas, et je suis très reconnaissante au gouvernement croate
17 de m'avoir communiqué ces réponses. Malheureusement, en l'espèce, je n'ai
18 obtenu d'autres réponses que la suivante : l'enquête est en cours. Ce qui
19 était un peu préoccupant. Nous avions des données extrêmement précises,
20 numéros de plaques d'immatriculation, par exemple, heure de survenue des
21 événements, des incidents, sans parler de cette réunion aux Nations Unies
22 très particulière qui avait été convoquée. Tout le monde, quasiment tout le
23 monde avait quitté le village de Grubori.
24 J'ai donc demandé des explications du ministre, de M. Granic, mais
25 également de son équipe de temps en temps et personne n'a jamais pu me
26 fournir de réponse appropriée.
27 Q. Bien. Au cours de la période au cours de laquelle vous avez occupé les
28 fonctions de rapporteur spécial, savez-vous si votre bureau ou qui que ce
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1 soit a reçu une réponse satisfaisante de la part du gouvernement croate ou
2 des autorités croates sur une enquête menée suite aux incidents de Grubori
3 ?
4 R. Malheureusement pas, non, ils n'ont rien reçu. Bien sûr, on pourrait se
5 demander pourquoi nous nous sommes concentrés sur cet incident-là très
6 triste alors qu'il y en avait tant d'autres. Mais ma méthode de travail
7 était que les droits humains des personnes étaient les choses les plus
8 importantes, donc chaque incident méritait une réponse particulière et nous
9 ne l'avons jamais reçue.
10 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
11 versement au dossier de ce document.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il n'y a pas d'objections, semble-
13 t-il, Monsieur le Greffier.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P602.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P602 est versée au dossier.
16 Poursuivez.
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 Je demandais à ce que l'on affiche le document 2566.
19 Q. Madame Rehn, vous ne trouverez pas ce document dans votre classeur.
20 Vous allez pouvoir le suivre à l'écran.
21 Dans le document que nous venons d'examiner -- bon, j'ai lu le premier
22 paragraphe. M. Cermak a fait remarquer, dans une lettre adressée aux
23 Nations Unies le 31 août, qu'il s'était rendu personnellement dans le
24 village le lendemain.
25 Avez-vous déjà vu ce document ?
26 R. Non, jamais.
27 Q. Vous faites référence à une lettre de M. Cermak adressée aux Nations
28 Unies sur sa visite à Grubori, dans le secteur de Grubori en tout cas, le
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1 lendemain. A ce moment-là, un exemplaire de cette lettre vous a-t-il été
2 montré ou vous a-t-on dit que cette lettre existait ?
3 R. Il m'a été dit que cette lettre existait. Si je m'en tiens à la plus
4 stricte vérité, je ne me souviens pas qu'on me l'ait montrée. Quoi qu'il en
5 soit, on ne m'a pas remis d'exemplaire et je ne me souviens pas de l'avoir
6 vue.
7 Q. Dans ce document, M. Cermak fait rapport de cet incident.
8 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'aimerais que vous examiniez la page
9 suivante.
10 Q. Dans le dernier paragraphe, M. Cermak dit qu'il s'est rendu
11 personnellement dans le secteur le lendemain et qu'il s'est convaincu de la
12 vérité et du déroulement des incidents en question. C'est ce qu'il dit.
13 Je voulais simplement vous l'indiquer puisque c'est ce que vous faites
14 figurer également dans votre lettre adressée au ministre des Affaires
15 étrangères.
16 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
17 versement au dossier de ce document.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'objections, Monsieur le
19 Greffier.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P603.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P603 est versée au dossier.
22 Veuillez poursuivre.
23 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci. Monsieur le Greffier, je
24 voudrais que vous affichiez à l'écran le document 5317.
25 Q. En attendant que le document s'affiche, Madame Rehn, je vous renvoie à
26 votre déclaration, la déclaration de 2005. Page 8, paragraphe 5, vous
27 parlez de deux courriers. Vous dites que : "Dans le rapport du secrétaire
28 général ER/2, paragraphe 28, il est fait référence à des courriers rédigés
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1 par le haut-commissaire pour les droits de l'homme et adressés au président
2 Tudjman sur le retour des Serbes, un retour empêché par des violations
3 graves des droits humains ainsi que des mesures exécutives et législatives.
4 Je connais ces deux courriers et j'ai produit un exemplaire de la lettre
5 datée du 18 août 1995."
6 A l'époque, l'autre lettre n'était pas disponible. Reconnaissez-vous le
7 document à l'écran ?
8 R. Oui. Oui, je la reconnais.
9 Q. Est-ce l'autre lettre qui porte la date du 2 octobre 1995, à laquelle
10 vous faites référence dans ce paragraphe dans votre déclaration ?
11 R. Oui.
12 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je demande le versement au dossier de
13 ce document, Monsieur le Président. Ceci se trouve parmi les documents
14 auxquels il est fait référence dans les écrits présentés aux termes de
15 l'article 92 ter. A la fin de la session d'aujourd'hui, je vous dirai ce
16 qu'il en est des documents qui font l'objet d'une demande de versement au
17 dossier.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je crois que ça écourte encore la
19 liste à 13. Je me demande si nous allons arriver jusqu'à 0.
20 Y a-t-il des objections ?
21 M. MISETIC : [interprétation] Non. Je souhaitais simplement indiquer pour
22 le compte rendu que j'aurais besoin de ces numéros de façon à ce que je
23 puisse mener à bien le contre-interrogatoire et y faire référence dans le
24 cadre de ce contre-interrogatoire. Peut-être que nous pourrons voir pendant
25 la pause ce qu'il en est.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait, les pauses sont
27 toujours plus utiles que les séances proprement dites, comme d'habitude.
28 Monsieur le Greffier, la liste est maintenant écourtée; il n'y en a plus
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1 que 13. Pourrait-on nous produire cette liste de 13 après la pause ?
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. Cette
3 pièce sera la pièce P604.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P604 est versée au dossier.
5 Poursuivez.
6 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'en ai terminé de mon interrogatoire
7 principal, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, merci, Madame Mahindaratne.
9 Nous n'aurons les numéros correspondants qu'après la pause. Ceci pourrait
10 poser problème à ce moment-là, Monsieur Misetic ?
11 M. MISETIC : [interprétation] Non, ce ne sera pas un gros problème.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ferons preuve de patience comme
13 d'habitude.
14 Madame Rehn, vous allez être contre-interrogée par Me Misetic qui
15 représente M. Gotovina.
16 Contre-interrogatoire par M. Misetic :
17 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Rehn.
18 R. Bonjour.
19 Q. J'aimerais commencer par vous ramener à la réunion du 4 décembre 1995
20 que vous avez eue avec M. Tudjman. Vous y faites référence en page 5 de
21 votre première déclaration écrite. Dans votre déclaration, vous donnez une
22 description du président Tudjman dans le cadre de cette rencontre. Vous
23 dites notamment dans votre déclaration : "Je me souviens avoir dit à
24 Tudjman que les auteurs de crimes…" -- pardon, excusez-moi. Cela commence
25 plus tôt.
26 "Mon impression du président Tudjman, lorsque je lui ai parlé à plus d'une
27 reprise, a été qu'il était assez détaché dès lors que nous essayions de
28 parler des réfugiés serbes et de leur retour vers la Krajina. Ça ne
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1 l'intéressait pas. Ensuite, dans le procès-verbal, il est indiqué, et je
2 m'en souviens que Tudjman a suggéré que punir les auteurs de crimes dans le
3 cadre de l'opération Tempête poserait des problèmes et que punir qui que ce
4 soit ne l'intéressait pas. Il a indiqué que globalement les auteurs de ces
5 crimes étaient des civils, et il n'a pas parlé de crimes commis par des
6 soldats ou des membres de l'armée. En fait, il tâchait simplement de
7 protéger la réputation de l'armée croate."
8 Et au dernier paragraphe, vous dites : "Je me souviens avoir dit à Tudjman
9 que les auteurs de crimes, y compris de pillages et d'incendies
10 volontaires, devaient être punis rapidement pour montrer que le système
11 judiciaire fonctionnait. Tudjman a répondu en parlant des crimes commis par
12 les Musulmans contre les Croates. En fait, ce que je lui disais ne
13 l'intéressait pas. D'une part, il essayait de justifier ce qui était
14 arrivé, en parlant des crimes commis à l'encontre des Croates ailleurs ou
15 au cours d'une autre période, et j'ai eu la claire impression, après lui
16 avoir parlé à plusieurs reprises, qu'il n'y avait pas de volonté politique
17 de sanctionner les auteurs de crimes commis au cours de l'opération
18 Tempête."
19 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, je signale que
20 le témoin a apporté une modification à cette déclaration.
21 M. MISETIC : [interprétation] J'allais y arriver. Je voulais simplement
22 finir de lire ceci. J'attendais la fin de l'interprétation.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, vous êtes -- oui,
24 ça y est. Maintenant, votre commentaire apparaît à l'écran. J'écoutais le
25 français.
26 M. MISETIC : [interprétation] Oui. Oui, j'attendais simplement la fin de
27 l'interprétation et j'allais y venir.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
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1 Bien, poursuivez, Monsieur Misetic.
2 M. MISETIC : [interprétation]
3 Q. Oui. Et vous avez corrigé en disant qu'en fait vous ne lui avez pas
4 parlé à plusieurs occasions en l'occurrence, mais à deux occasions, n'est-
5 ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Bien. Est-il exact de dire que vous avez tiré ces impressions de la
8 réunion du 4 décembre 1995; c'est exact, n'est-ce pas ?
9 R. Tout à fait. La réunion a été assez longue.
10 Q. Madame Rehn, nous avons l'enregistrement audio. Je ne sais pas si vous
11 le savez, mais le président Tudjman enregistrait toutes ses conversations.
12 Nous allons vous passer cet enregistrement. Je vais vous demander d'écouter
13 avec soin et d'essayer de prendre des notes au fur et à mesure de cette
14 écoute et de nous dire de quoi sont venues ces impressions qui ont été les
15 vôtres, que vous avez acquises. Vous allez voir un compte rendu également
16 au fur et à mesure que nous allons entendre cet enregistrement.
17 M. MISETIC : [interprétation] J'ai un compte rendu sur papier, de façon à
18 ce que le témoin puisse y apposer des notes ou faire référence à des
19 parties particulières de la conversation.
20 Q. Ensuite, je vous ramènerai à votre déclaration et je vous demanderais
21 quelles sont les parties de la conversation où vous pensez que le président
22 Tudjman a dit ce que vous lui faites dire.
23 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'aimerais savoir s'il y a un
24 exemplaire disponible pour nous également.
25 M. MISETIC : [interprétation] Oui, sur e-court.
26 Je demanderais à ce que l'on affiche 1D40-0087.
27 [Diffusion de la cassette audio]
28 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
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1 "Et quand êtes-vous arrivée à Zagreb ?
2 Avant-hier, très tard. Nous avons fait une visite très utile, très
3 intéressante, du territoire de l'ex-Yougoslavie. J'ai appris beaucoup. Tout
4 ce j'ai appris, malheureusement, n'est pas bien. Mais j'ai été très bien
5 accueillie partout, et je pense que l'atmosphère devient très ouverte.
6 Vous avez eu des discussions avec les miens en Croatie déjà ?
7 Oui, avec l'intérieur, avec les affaires sociales, et je suis très heureuse
8 de voir qu'il est possible de rencontrer mon ancien collègue, le ministre
9 de la Défense Susak, à l'aéroport, parce que je pars directement d'ici vers
10 Rome, et ensuite vers chez moi.
11 Avez-vous déjà été à Sarajevo ou à Belgrade ?
12 J'y ai été la dernière fois. Maintenant, en fait, je vais aller de Banja
13 Luka à Pristina, et de Pristina à Mostar; et oui, hier, je suis allée dans
14 le secteur de la Slavonie orientale, le secteur est, et je pense que nous
15 allons avoir un bon accord qui pourrait être rempli dans toutes ses
16 parties.
17 Madame, vous l'avez dit, malheureusement vous n'avez pas été en mesure de
18 voir des choses qui étaient belles. Mais vous devez garder à l'esprit que
19 les choses qui se sont passées au cours des années pendant la dissolution
20 de l'ex-Yougoslavie, l'agression des Serbes communistes et tout ce qui
21 s'est passé jusqu'à maintenant avant ces accords, finalement l'accord de
22 Washington, l'accord croate musulman de Dayton, c'est l'une des crises les
23 plus compliquées dans le monde. C'est important que nous sortions de cette
24 crise de façon à être en mesure de pouvoir nous consacrer vraiment à cela
25 et le fait d'ôter tous les facteurs qui ont causé les souffrances du
26 peuple, qui ont causé pour la population ces problèmes anormaux. Nous
27 sommes maintenant bien en route, après les accords de Dayton qui seront
28 signés à Paris, vers une normalisation de nos relations. Je vous remercie.
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1 Mais comme je l'ai dit, Madame, malheureusement, vous n'avez pas eu
2 la possibilité de voir des choses plaisantes au cours de votre visite.
3 Toutefois, il faut garder à l'esprit que ce qui s'est passé au cours des
4 années après la dissolution de la Yougoslavie avec l'agression communiste
5 yougoslave, les accords de Washington entre les Croates, les Musulmans de
6 Bosnie et maintenant, récemment, les accords de Dayton, représentent l'une
7 des crises locales les plus compliquées. Ce qui est essentiel maintenant,
8 c'est de laisser derrière nous cette crise de façon à ce qu'on puisse se
9 consacrer aux questions humanitaires, à l'élimination de tout ce qui a pu
10 causer tant de souffrances pour toute la population dans la région, et
11 sortir de cette situation qui est véritablement anormale. Néanmoins,
12 maintenant, après les accords de Dayton et, on peut l'espérer, après la
13 signature de tous les documents à Paris, nous serons en route vers une
14 normalisation et nous pourrons nous consacrer aux questions qui
15 correspondent à vos préoccupations.
16 Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir prêter mon appui
17 aux pensées que vous avez exprimées en ceci parce qu'à tout moment, j'ai
18 déclaré que j'espère que dans mon travail je pourrai cesser de simplement
19 enregistrer ce qui s'est passé, que l'on puisse faire des recommandations,
20 voir comment nous pouvons envisager l'avenir et simplement travailler
21 ensemble pour une meilleure compréhension des droits de l'homme, au lieu de
22 dire simplement telles et telles personnes ont été assassinées sur place,
23 ici il y a eu pillage, ici il y a eu des maisons incendiées et il y a des
24 personnes qui sont dans des fosses communes. Nous devrions pouvoir
25 surmonter cette situation.
26 C'est précisément les pensées que je souhaite exprimer. Nous, en Croatie,
27 nous voulions également éviter tout ce qui a eu lieu ici, et après Tito
28 nous avons proposé une solution à la crise yougoslave par des moyens
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1 pacifiques sur une base confédérale. Nous avons eu à faire face à tout ce
2 qu'il y avait là; par conséquent, les Croates et ensuite la Bosnie ont
3 souffert cette agression. Je ne sais pas si vous vous êtes rendue en visite
4 à Vukovar, par conséquent, un tiers de la Croatie a été détruit. Quatre
5 cent mille Croates, Hongrois, Tchèques, Slovaques ont été expulsés de chez
6 eux, des personnes ont été assassinées. Il est compréhensible qu'au cours
7 de la libération de ces zones du côté croate qu'il était également
8 impossible de continuer à lutter en portant en prenant des gants. Par
9 conséquent -- une telle agression dont le but était la création d'une
10 Grande-Serbie. Et plus tard, dans la libération de ces zones, il n'était
11 pas possible non plus d'empêcher que la population ne souffre, et alors
12 qu'ils rentrent dans ces régions, on ne pouvait pas empêcher qu'ils
13 commettent des actes de vengeance et des stupidités de ce genre.
14 Par conséquent, il est plus important maintenant d'oublier tout cela le
15 plus rapidement possible et d'établir des relations normales dans la
16 population, entre les nations plutôt, bien qu'il soit nécessaire de punir
17 les crimes commis, et dans cette mesure, si nous avons cette approche, ceci
18 veut dire qu'il pourrait y avoir un approfondissement du manque de
19 confiance. Donc il est important que nous puissions créer un nouvel ordre
20 et rétablir la confiance.
21 C'est précisément les pensées que je voulais moi aussi exprimer. Nous, en
22 Croatie, nous avons voulu éviter les développements après Tito et nous
23 avons proposé une solution à la crise par des moyens pacifiques. Toutefois,
24 par la suite, nous avons eu à faire face à tout ce que nous avons souffert
25 en Croatie. Et plus tard en Bosnie, nous avons souffert une terrible
26 agression. Je ne sais pas si vous avez été voir à Vukovar ou non.
27 Oui, j'y étais hier et j'ai pu voir de mes propres yeux.
28 Un tiers de la Croatie a été détruit, plus de 400 000 ont été expulsées,
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1 des Croates, des Hongrois, des Tchèques, des Slovaques, et un grand nombre
2 d'entre eux ont également trouvé la mort dans ce processus de libération de
3 ces zones par les forces croates. Bien entendu, on n'a pas pu rester
4 simplement en guerre, la guerre n'est pas menée en portant des gants où que
5 ce soit dans le monde. Pour commencer, il y avait eu cette agression
6 yougoslave communiste qui a causé des crimes horribles dans le secteur.
7 Dans leur agression, leur but était de créer une Grande-Serbie. Et plus
8 tard, au cours de la libération, bien sûr, nous n'avons pas pu empêcher
9 notre population. Avec toutes ces personnes qui avaient souffert, perdu des
10 parents, il y a eu ces sacrifices, il y a eu des actes de vengeance qu'on
11 n'a pas pu empêcher, des choses stupides telles que des destructions de
12 maisons, et ainsi de suite.
13 Ce qui est important maintenant, c'est d'oublier tout cela et de passer à
14 la normalisation des relations entre les personnes, les nations et les
15 régions. Si nous allons de façon trop large dans ce domaine, je pense que
16 ceci ne peut qu'approfondir le manque de confiance et peut-être conduire à
17 de nouveaux conflits, donc je pense à de nouvelles haines.
18 Donc ce qui est important maintenant, je pense, c'est que nous portions
19 notre attention pleinement à l'établissement d'un nouvel ordre dans la
20 région.
21 Oui. Je pense qu'il est important vraiment de ne pas regarder trop à ce qui
22 s'est passé. Bien sûr, il est très difficile d'oublier lorsqu'on a perdu
23 tout ce en quoi l'on croit, les personnes que l'on aimait, sa maison et
24 peut-être sa patrie. Mais peut-être faut-il maintenant davantage regarder,
25 non pas aux vengeances, mais à la justice et la vérité, parce qu'il vient
26 toujours un moment où la vérité va sortir, et le plus tôt sera le mieux.
27 J'ai été plus particulièrement préoccupée au cours de cette tournée avec
28 les questions du retour des réfugiés. Et également la question des
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1 personnes portées disparues qui semble être une question difficile parce
2 c'est quelque chose que tout le monde veut savoir, savoir ce qui s'est
3 passé. Même si on a compris que telle personne a été tuée, il vaut mieux
4 savoir que de ne pas savoir. Ensuite, bien sûr, également du point de vue
5 de la santé mentale des enfants parce que l'avenir est très important. Donc
6 il y a là de nombreux aspects qui me préoccupent, et parfois j'ai eu le
7 sentiment que peut-être on n'avait pas cette compréhension bien claire,
8 peut-être en paroles, mais pas en action. Et je ne parle pas de la Croatie,
9 je parle de l'ensemble du territoire. Parce que si nous devons mettre en
10 œuvre l'accord de Dayton, il faut qu'il y ait le respect de ces droits.
11 Vous le savez, Monsieur le Président, je suis membre du Parlement européen,
12 et pour nous il est extrêmement important que la Croatie qui, d'une
13 certaine manière, a été à la tête d'une procédure démocratique par rapport
14 à ce qui reste de l'ex-Yougoslavie -- que l'on puisse mettre en œuvre dès
15 que possible une démocratie normale et mettre en œuvre ces droits humains"
16 --
17 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous demander qu'on arrête un
19 instant l'enregistrement.Je n'ai pas eu la traduction en français sur le 5
20 pour la dernière partie de l'interview. Je passe d'un canal à l'autre pour
21 savoir exactement où ça commençait. Je suggère que maintenant nous
22 continuions à entendre l'enregistrement et que pendant la suspension on
23 pourra vérifier pour ce qui est de la traduction en français qui sera
24 fournie.
25 Et comment on peut résoudre la question, on verra ensuite pour qu'on
26 ne soit pas obligé de faire repasser les 20 minutes en question.
27 Donc poursuivons et --
28 [Diffusion de la cassette audio]
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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
2 "-- qui ont de graves difficultés pour faire face à cette situation.
3 Et quand il s'agit de concessions, en ce qui concerne la partie croate,
4 nous avons également contribué. Nous avons fait des concessions et il ne
5 peut pas y avoir de paix sans concessions fournies par toutes les parties.
6 Donc, nous avons fait face au manque de satisfaction de ces personnes qui
7 ont dû combattre ces maux, il y a eu des opérations de combat, des actes de
8 vengeance. Mais nous allons nous assurer du développement des principes en
9 Croatie le long des lignes que vous avez mentionnées plus tôt de façon à
10 que ceci soit absolument respecté, le gouvernement croate s'y engage.
11 Soyez assurée que le gouvernement croate s'est absolument engagé à
12 respecter cela. Nous avons donné notre accord aux accords de Dayton, ça
13 fait partie de la solution pacifique concernant la libération du reste des
14 parties occupées de la République de Croatie et de la Slavonie orientale.
15 Parce qu'il y a eu tant de haine qui s'est accumulée au cours de la
16 période, toutefois nous sommes pleinement conscients du fait que la paix
17 est ce qu'il y a de plus important. Donc, certainement nous ne voulons pas
18 que tous ces Serbes partent, nous ne voulions pas -- nous leur avons offert
19 la protection des droits humains et ainsi de suite, dans nos tentatives de
20 libérer de façon pacifique nos régions. Nous avons aussi plusieurs fois, à
21 plusieurs reprises, garanti tous les droits de l'homme pour eux. Bien
22 entendu, il y a eu cette question particulière des personnes portées
23 disparues, je pense qu'il s'agit de quelque chose pour laquelle ces
24 personnes s'inquiétaient, pour leurs amis, leurs parents, les membres de
25 leurs familles qui sont morts. Mais il y a encore des milliers de personnes
26 qui trouvent difficile de faire face à cela et qui trouvent également
27 difficile de faire face à ces concessions. Et la Croatie a également fait
28 sa contribution à cet égard.
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1 Nous avons fait des concession parce qu'il n'y a pas de paix sans
2 concession pour toutes les parties qui ont souffert tellement au cours de
3 cette période. Et c'est la raison pour laquelle ils voulaient que la
4 question soit résolue de façon militaire et même ont ces sentiments de
5 vengeance. Mais néanmoins, nous avons un ordre démocratique stable et vous
6 pouvez être assurée que nous fournirons la mise en œuvre de tous ces
7 principes dans notre domaine d'activité.
8 Il y a près de 20 ans, j'ai écrit sur la nécessité de scandinaviser
9 cette partie au sens à la fois de la démocratisation, de la reconnaissance
10 mutuelle et de la coexistence de différentes ethnies. Dans les échanges les
11 plus élevés des autorités croates, je pense qu'il y a de nombreux
12 humaniste, d'après leur profession et leurs sentiments personnels. Le
13 président du Parlement est un écrivain; le premier ministre adjoint est
14 également une humaniste. Et également l'un de mes plus proches
15 collaborateurs, qui est également un écrivain, un humaniste, et ainsi de
16 suite. En Croatie, ce gouvernement démocratique a des personnes qui
17 vraiment sont engagées du point de vue politique. Et lorsqu'il s'agit de la
18 Croatie, ils sont engagés dans le sens de la contribution de la Croatie en
19 Bosnie-Herzégovine, dans l'ensemble, vers une normalisation de la situation
20 croate-musulmane, croate-serbe, pour ce qui est de leurs relations, et
21 comme je l'ai dit, dans ce domaine, au lieu d'être un baril de poudre, ça
22 devient conformément aux exemples donnés par la Scandinavie, une zone de
23 paix et de coopération entre les nations.
24 Il y a plus de 20 ans j'avais déjà écrit sur la nécessité de
25 scandinaviser la zone sur la base de la démocratisation et la
26 reconnaissance mutuelle et la coexistence entre les peuples et les nations,
27 et je pense que tout en haut des préoccupations du gouvernement croate, il
28 y a des humanistes de profession et de sentiment. Le président de notre
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1 Parlement, notre vice-premier ministre qui est présent ici, l'un de mes
2 plus proches collaborateurs est aussi un humaniste pour le gouvernement
3 démocratique croate, et nous avons nos engagements à l'égard de ces
4 principes, mais également cette composition montre que nous sommes
5 véritablement engagés à trouver des solutions en Bosnie-Herzégovine qui
6 pourraient conduire à la normalisation générale de la question entre les
7 Croates et les Musulmans, les Croates et les Serbes, de façon à ce que les
8 choses ne soient pas comme on l'avait dit dans le passé, comme un baril de
9 poudre, mais plutôt en suivant l'exemple des pays scandinaves.
10 Oui, je suis heureuse d'entendre ceci, il y a beaucoup de mafia
11 nordique à présent ici maintenant, avec Stoltenberg, Bildt, Rehn et ainsi
12 de suite, mais j'espère qu'on arrivera à quelque chose qui soit vraiment
13 positif et non pas négatif, en tout état de cause, parce que nous voulons
14 vraiment faire de notre mieux.
15 Je pense que c'est justement ce processus démocratique, même dans les
16 détails -- pour lesquels nous sommes parfois accusés maintenant -- pour les
17 questions de pillage et de meurtre et ainsi de suite de l'opération
18 Tempête, ou la partie serbe, je crois qu'il y en a un grand nombre qui sont
19 en prison et -- il y a des cas comme ceci, il serait bon qu'on puisse les
20 régler très rapidement. Donc le sentiment a été que, du point de vue de la
21 justice, les choses marchent, il faut qu'il y ait des procès équitables et
22 qu'ils aient lieu rapidement après que ces crimes aient été commis.
23 Je suis également préoccupée de la cela, peut-être pour ce qui est de
24 la situation dans les camps, notamment dans la région de Velika Kladusa, je
25 crois qu'ils ont des difficultés, et si c'est possible d'apporter des
26 amélioration de leur condition de vie, je pense que ça prend du temps avant
27 qu'ils ne puissent rentrer un pour un, donc je crois que c'est quelque
28 chose qui est très important.
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1 Voyez-vous, en ce qui concerne les réfugiés de Velika Kladusa, vous
2 avez là un exemple de la complexité de la situation parce que les Musulmans
3 ont peur de revenir dans la population musulmane. Dans ce cas, nous avons
4 fait, nous en Croatie, tout ce que nous pouvions faire. Nous avons même
5 appelé le président du gouvernement turc pour nous aider et user de leur
6 influence sur les dirigeants musulmans. Et nous avons également demandé à
7 la police croate une unité pour qu'ils nous aident à les aider à revenir où
8 ils étaient.
9 Nous, dans la République de Croatie, nous avons fait tout ce que nous
10 avons fait tout ce que nous pouvions, nous avons demandé au gouvernement
11 turc de nous aider et d'utiliser leur influence sur la population et même
12 d'envoyer une unité de police pour nous aider. Nous avons également envoyé
13 une unité de police croate et cette question pourra être réglée aussitôt
14 que possible.
15 En ce qui concerne la première question que vous avez évoquée, je
16 dois dire sincèrement que j'ai déjà fait prendre un décret, une mission
17 pour tous ceux qui avaient participé à la rébellion contre le gouvernement
18 croate. Je dois admettre que nous rencontrons des résistances du point de
19 vue purement juridique, y compris au niveau de nos tribunaux, et récemment
20 j'ai dit ne faites pas passer les gens au jugement simplement parce qu'ils
21 ont participé à des actes de rébellion, parce que d'une certaine façon ils
22 ont été forcés de le faire. Ne jugez les personnes que s'ils ont commis des
23 crimes de guerre. Par conséquent, nous en Croatie, nous devrons vraiment
24 nous efforcer de prendre des mesures dans le sens que vous avez décrit, et
25 de faire en sorte que les personnes puissent sortir, soit elles sont
26 libérées de prison plus rapidement que possible, et renouveler la confiance
27 mutuelle entre les Croates et les Serbes en Croatie, et également aller
28 vers une normalisation des relations serbes/croates dans leur ensemble.
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1 Quant à votre question, j'ai déjà pris un décret pour que tous les
2 Serbes qui ont pris part à la rébellion contre le Croates. Je dois dire que
3 nous rencontrons certaines résistances du point de vue juridique, même du
4 point de vue des tribunaux, mais même récemment j'ai dit n'essayez pas de
5 juger ces personnes. Occupez-vous seulement de ceux qui sont coupables de
6 crimes de guerre, et en fait nous pourrons -- j'ai dit : 'Relâchez toutes
7 les personnes qui ne sont pas coupables de crimes de guerre.' Nous pensons
8 que ceci est une mesure importante pour reconstruire la confiance entre les
9 Croates et le peuple serbe bien entendu dans le domaine d'une normalisation
10 générale des relations.
11 Nous faisons ceci en dépit du fait qu'il y a ceux qui sont radicaux,
12 extrémistes et opposés à cela et qui nous critiquent, et qui disent :
13 'Pourquoi négocier pour essayer de se réconcilier avec ceux qui sont
14 coupables de l'agression ?'
15 Nous allons persévérer dans ce sens, bien qu'il y ait cette opposition.
16 Oui, je crois qu'il est très important pour nous tous. Comme vous le savez,
17 l'Europe a mis des conditions pour la construction et pour les budgets, et
18 ainsi de suite. Pour nous, il est très important que tôt ou tard, il y ait
19 une ex-Yougoslavie qui ferait totalement part du Conseil de l'Union
20 européenne pour commencer, et j'ai le sentiment que vous êtes ceux qui vont
21 pouvoir commencer ce processus. C'est ça mon rôle essentiellement, c'est un
22 rôle de rapporteur. Mais je ne suis pas très heureuse d'avoir simplement à
23 rendre compte, comme je vous l'ai dit au début, de ce qui s'est passé. Je
24 préférerais beaucoup contribuer au processus démocratique dans l'ensemble
25 du territoire et, par conséquent, vous pouvez certainement compter sur moi.
26 Bien sûr, je vais rendre compte des choses terribles qui ont eu lieu. Il y
27 a des choses sur lesquelles il faudra que je rende compte, mais j'espère
28 que ce ne sera plus nécessaire bientôt. Jusqu'à présent, je n'ai pas eu
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1 cette chance.
2 Il faut que nous nous efforcions de sortir de cette situation dans
3 laquelle nous nous trouvons dès que possible.
4 C'est la raison pour laquelle j'ai dit cela.
5 Nous avons notre journée nationale après demain. Est-ce que je peux
6 présenter mes respects à votre président à ce sujet ?
7 Je l'espère."
8 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, je regarde la pendule.
10 M. MISETIC : [interprétation] Oui, j'allais suggérer notamment pour les
11 interprètes que nous puissions suspendre la séance.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons voir ça et pourra
13 vérifier également en ce qui concerne l'interprétation en français, gardant
14 à l'esprit que nous avons entendu pratiquement tout ce qui avait été dit en
15 B/C/S deux fois.
16 M. MISETIC : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci donnera également la possibilité à
18 Mme Rehn peut-être de parcourir le compte rendu et se préparer pour des
19 réponses aux questions que vous vouliez lui poser avant de faire présenter
20 cette audio et vidéo.
21 M. MISETIC : [interprétation] Oui, et si je pouvais simplement lui demander
22 de confirmer certains points.
23 Q. Il y a trois voix là, donc je voudrais vous demander d'ajouter la voix
24 du président Tudjman et son interprète. C'est bien cela ?
25 R. C'est tout à fait exact, et c'était tout à fait intéressant de pouvoir
26 mémoriser à nouveau cette discussion.
27 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suggère que nous suspendions la
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1 séance pour un moment.
2 Nous reprendrons à 11 heures moins 10.
3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.
4 --- L'audience est reprise à 11 heures 08.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre s'excuse pour ce retard.
6 Sachez que nous avions une bonne raison, mais c'est une piètre consolation
7 j'en suis conscient.
8 Avant de poursuivre, je regarde le compte rendu d'audience et, Madame Rehn,
9 en ce qui concerne votre deuxième déclaration, je vous ai demandé si elle
10 reflétait d'une manière véridique ce que vous avez dit, et cetera, mais
11 dans le compte rendu d'audience, il n'y a pas de confirmation explicite de
12 votre part. Mais moi j'ai compris que la situation était exactement la même
13 en ce concerne la deuxième déclaration comme pour ce qui est de la
14 première.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Misetic.
17 M. MISETIC : [interprétation]
18 Q. Madame Rehn, conviendriez-vous que lors de cette réunion du 4 décembre
19 que vous avez eue avec le président Tudjman, il a montré son désir qu'il y
20 ait une réconciliation entre les Serbes et Croates en Croatie et de manière
21 générale en Ex-Yougoslavie ?
22 R. C'est exact, et je l'ai mentionné dans mes rapports. Vous avez pu le
23 constater lors de notre discussion, mais c'est vrai que le langage
24 diplomatique est tel que c'est peut-être un petit peu différent lorsqu'un
25 président et un ancien ministre sont présents, mais c'est absolument vrai
26 ce que vous avez dit s'agissant de la réconciliation.
27 Q. Après avoir écouté l'enregistrement audio, êtes-vous d'accord pour dire
28 que dans le contexte de cette discussion portant sur la réconciliation, le
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1 président Tudjman a parlé du besoin d'amnistier les personnes qui avaient
2 commis des crimes de guerre ?
3 R. Oui. Cette exception est très importante. Je l'ai répété, cette
4 amnistie voulait dire que ceux qui n'ont pas commis de crimes de guerre ou
5 de crimes réels -- donc il pouvait y avoir également des crimes civils.
6 Mais ce qui n'était pas mentionné lors de la discussion est quelque chose
7 que j'avais abordé s'agissant des actes de pillages et des agissements non
8 appropriés de la part des Croates.
9 Q. Nous en parlerons dans un instant, s'agissant des crimes civils qui
10 étaient couverts par l'amnistie générale et si la communauté internationale
11 voulait que ces crimes soient amnistiés de cette manière-là.
12 Mais revenons à votre déclaration, page 5, vous avez dit : "Je me souviens
13 avoir dit à Tudjman que les auteurs de ces crimes, comme par exemple, les
14 actes de pillages et d'incendies volontaires, qu'il fallait traiter cette
15 question de manière rapide pour montrer que le système judiciaire
16 fonctionnait. Tudjman a répondu en parlant des crimes qui avaient été
17 commis par les Musulmans à l'encontre des Croates. En fait, il n'était pas
18 intéressé par ce que je lui disais."
19 Avez-vous entendu quoi que ce soit de ce genre dans cet enregistrement
20 audio ?
21 R. Au début, nous avons parlé de ce qui s'était passé, de ces crimes qui
22 s'étaient passés par le passé, et il était évident qu'il voulait soulever
23 cette question, à savoir qu'il n'y avait pas seulement le côté croate qui
24 était coupable, mais que tout le monde était coupable.
25 Je souhaite dire que là il n'y avait pas de surprise pour moi en écoutant
26 cet enregistrement 13 ans plus tard.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Rehn, vous vouliez parler de ce
28 qui s'est passé par le passé, n'est-ce pas, et non pas de ce qui allait se
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1 passer dans l'avenir ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ma langue a fourché, excusez-moi.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
4 M. MISETIC : [interprétation]
5 Q. Madame Rehn, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire --
6 R. [aucune interprétation]
7 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi.
8 M. MISETIC : [interprétation]
9 Q. -- mais sachez, Madame, qu'il est important que nous ne nous
10 chevauchions pas pour les besoins du compte rendu d'audience.
11 Etes-vous d'accord pour dire que lorsqu'il a parlé des Musulmans, cette
12 remarque était d'ordre général, lorsqu'il a parlé de ce qui s'était passé
13 lors des quatre années précédentes ?
14 R. Oui. En fait, il a fait référence à deux groupes de Musulmans, il a
15 parlé d'un acte précis.
16 Q. Mais vous êtes d'accord avec moi pour dire que le président Tudjman a
17 parlé de ce camp parce que vous avez évoqué cette question ?
18 R. Oui.
19 Q. Et pour que les Juges sachent de quoi il s'agit, il s'agit des réfugiés
20 musulmans qui étaient près de la poche de Bihac et qui ont échappé au
21 conflit avec d'autres Musulmans de Bosnie et avec l'armée musulmane de
22 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
23 R. Oui. C'étaient les partisans d'Abdic qui s'étaient sauvés de la région
24 de Bihac. Il y en avait des milliers qui étaient dans ce camp de Kuplensko.
25 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Lorsqu'on a parlé de cette longue
26 histoire, d'après ce que je peux lire dans le compte rendu d'audience,
27 c'est à la page 2. M. Tudjman parle de l'histoire en répondant à la
28 question posée par Mme Rehn. Donc il a répondu à une question précise posée
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1 par Mme Rehn.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez de la deuxième page du
3 compte rendu, je pense qu'en fait l'enregistrement audio et la
4 transcription de cet audio n'ont pas été versés au dossier; donc la Chambre
5 ne l'a pas à sa disposition pour l'instant. Nous ne l'avons vue qu'une fois
6 à l'écran.
7 M. MISETIC : [interprétation] Ce n'était pas ce que je voulais soulever,
8 mais, bien sûr, je vais demander son versement au dossier. Si mon éminente
9 consoeur souhaite dire quelque chose --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je pense que Mme Mahindaratne
11 voulait dire que vous avez présenté d'une manière erronée ce qui était dit.
12 Mme MAHINDARATNE : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une question
14 d'interprétation --
15 M. MISETIC : [interprétation] Oui, je suis d'accord [comme interprété] avec
16 le point de vue de ma consoeur. Je voulais dire qu'il y avait discussion au
17 sujet des actes d'incendie volontaire et de pillage qui ont eu lieu après
18 la discussion portant sur le conflit entre les Musulmans et les Croates.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que cela a été mentionné à deux
20 instants.
21 Madame Rehn, vous avez au moins la transcription devant vous.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dans ce sens-là, je suis bien placée pour
23 répondre à votre question.
24 J'ai posé la question au président Tudjman au sujet des actes de pillage et
25 des maisons brûlées, et j'ai dit qu'il fallait les régler une fois pour
26 toutes. J'ai mentionné tous ces crimes qui avaient été commis, et ensuite
27 le président Tudjman a fait une présentation historique de ces événements.
28 Je suis reconnaissante à l'Accusation de m'avoir signalé cela et je pense
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1 que la Défense avait également raison de soulever cette question.
2 En fait, c'est moi qui ai soulevé cette question en parlant au président
3 Tudjman, et ensuite il s'est lancé dans sa tirade, n'est-ce pas ?
4 M. MISETIC : [interprétation] Oui --
5 Je pense que Mme Rehn dit dans la transcription qu'il s'agit d'une
6 déclaration d'ordre plus général, qu'elle ne veut pas être simplement
7 quelqu'un qui enregistre les choses telles qu'elles se passent, mais
8 qu'elle veut avoir une meilleure compréhension des droits de l'homme plutôt
9 que de constater tout simplement qu'il y a des actes de meurtres, de
10 pillages et d'incendies volontaires et qu'il fallait procéder à des
11 autopsies dans les fosses communes.
12 Ensuite, le président Tudjman a commencé à parler du contexte général, et
13 je pense que Mme Mahindaratne a soulevé cette question au sujet de
14 l'opération Tempête. Et ensuite, le président Tudjman --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, donc il s'agissait des crimes, mais
16 dans un contexte plus large.
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] -- si mon confrère souhaite demander le
18 versement au dossier de ce document, je ne peux pas lui demander de le
19 faire, mais je pense qu'il faudrait le faire pour que la Chambre puisse
20 suivre le texte --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous avons le texte dans la
22 transcription, mais il serait plus facile de l'avoir en copie papier.
23 M. MISETIC : [interprétation] Oui. Je demande le versement au dossier de
24 l'enregistrement audio et de la transcription. Il s'agit de 1D -- en fait,
25 non. L'enregistrement, c'est 1D40-0087, et on me dit que c'est également la
26 référence de la transcription.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas d'objections ?
28 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, Monsieur le Greffier,
2 l'enregistrement audio et la transcription seront ?
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Après que la cote a été attribuée dans le
4 mémo interne, je souhaite préciser que la prochaine cote sera sous le
5 numéro D681.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D681 est versé au dossier.
7 Je souhaite dire aux parties que pendant la pause il a été établi que la
8 traduction en français n'a pas été fournie que pour la deuxième fois,
9 lorsque les mêmes paroles ont été prononcées. Donc à part quelques détails
10 où il y a des différences, nous avons l'interprétation en français de ce
11 qui a été dit dans l'enregistrement audio.
12 Veuillez poursuivre.
13 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Madame Rehn, revenons maintenant à la question de l'amnistie générale.
15 M. MISETIC : [interprétation] Tout d'abord, j'aimerais que l'on affiche
16 1D33-0325, j'aimerais que l'on affiche la page 8 de ce document.
17 Q. Il s'agit d'un rapport du secrétaire général en date du 14 février 1996
18 s'agissant de la situation des droits de l'homme en Croatie.
19 Dans le paragraphe numéro 30, il est dit : "Le 31 décembre 1995, le
20 président de Croatie a rendu un décret accordant l'amnistie aux 451 Serbes
21 qui étaient détenus en prison depuis l'été dernier et qui étaient accusés
22 de rébellion armée pour avoir fourni un soutien militaire à la République
23 serbe de Krajina. D'après la Croix-Rouge internationale, 103 personnes ont
24 été relâchées tout de suite, tandis que 348 ont été transférées au camp des
25 réfugiés de Gasinci en Croatie orientale où ils ont été auditionnés par les
26 représentants de la Croix-Rouge internationale. Conformément à leurs
27 souhaits, 306 personnes ont été transportées, avec l'aide de la Croix-Rouge
28 internationale, en République fédérale de Yougoslavie, tandis que les
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1 autres ont été relâchés en Croatie. Le gouvernement de Croatie a pris la
2 décision d'amnistier ces personnes, et cela a été bien accueilli au sein du
3 Conseil de sécurité dans sa déclaration présidentielle en date 8 janvier
4 1996."
5 Madame Rehn, saviez-vous que trois semaines après la conversation que vous
6 avez eue avec le président Tudjman, lors de laquelle il a parlé de la
7 réconciliation, d'amnistier les Serbes de manière générale, qu'en fait, il
8 a fait ce qu'il avait dit, à savoir qu'il a amnistié les Serbes qui avaient
9 été emprisonnés lors et après l'opération Tempête ?
10 R. Je pense que j'ai mentionné cette amnistie dans mes rapports, et toutes
11 ces personnes ont été relâchées. C'est absolument vrai. Mais cela a été un
12 acte qui avait été planifié même avant notre conversation, et je n'ai
13 jamais nié cela.
14 Q. Je ne veux pas dire que vous êtes en train de nier quoi que ce soit. Je
15 veux tout simplement vous rafraîchir la mémoire.
16 R. Oui. J'en suis tout à fait consciente.
17 Q. Une question générale : vous savez que dans votre rapport du 14 mars
18 1996, dans les paragraphes 72 et 109, vous avez recommandé une amnistie
19 pour tous les anciens combattants en ancienne Krajina serbe ?
20 R. Oui, c'est exact.
21 Q. --
22 M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche maintenant le
23 document 1D33-0316; j'aimerais que l'on affiche la page 9, s'il vous plaît,
24 de ce document.
25 Q. C'est un rapport du secrétariat général conformément à la Résolution du
26 Conseil de sécurité 1025, en date du 13 décembre 1995. C'était presque une
27 semaine après votre rencontre avec le président Tudjman. Et dans le
28 paragraphe 25, la dernière phrase, le secrétaire général dit : "Je pense
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1 que la mise en place des tâches civiles prévues en vertu de l'accord
2 pourrait être réalisée d'une manière beaucoup plus simple si les parties se
3 mettaient d'accord sur l'amnistie et l'exemption de poursuites pour
4 certaines catégories de délits, en excluant, bien entendu, les crimes de
5 guerre."
6 Est-ce que vous connaissez la base de ce document où l'on parle des
7 catégories de délits auxquelles se réfèrent le secrétaire général ?
8 R. Non. Je ne suis pas juriste. Je ne pourrais pas vous dire quels sont
9 ces crimes qui n'étaient pas amnistiés. Dans ce sens-là, il m'est difficile
10 de répondre à votre question. Je suis tout à fait franche lorsque je vous
11 le dis.
12 Q. D'accord. Je vous présenterai d'autres rapports qui vont peut-être vous
13 rafraîchir la mémoire.
14 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'aimerais que l'on
15 affiche 1D40-0015, page 6, s'il vous plaît.
16 Q. Il s'agit d'un rapport supplémentaire portant sur la situation des
17 droits de l'homme en Croatie conformément à la Résolution du Conseil de
18 sécurité 109 en date du 5 mars 1997.
19 M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le paragraphe 22
20 en bas.
21 Q. Le secrétaire général dit : "Comme il a été constaté dans les rapports
22 précédents, une loi portant sur l'amnistie générale a été approuvée par le
23 Parlement de Croatie et a été mise en vigueur le 3 octobre 1996. Cet acte
24 s'applique aux personnes accusées ou condamnées d'avoir commis des actes
25 criminels liés à l'agression, la rébellion et le conflit armé entre le 17
26 août 1990 et le 23 août 1996. Les enquêtes judiciaires et les poursuites
27 judiciaires liées à ces actes vont être annulées, et toutes ces personnes
28 détenues auxquelles s'applique l'amnistie seront relâchées. Cet acte ne
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1 porte pas sur les personnes accusées d'avoir commis des crimes de guerre."
2 M. MISETIC : [interprétation] Passons maintenant à la page suivante,
3 paragraphe 24, s'il vous plaît.
4 Q. "Dans la région qui est à l'heure actuelle administrée par l'UNTAES,
5 l'application de cette loi portant sur l'amnistie continue à susciter des
6 inquiétudes généralisées parmi les Serbes. Au moment où ce rapport est en
7 train d'être rédigé, les autorités croates préparaient une liste définitive
8 des personnes qui, d'après les autorités croates, se trouvent dans cette
9 région, et qui, d'après le ministère de la Justice, ne sont pas couvertes
10 par l'amnistie."
11 Et dans la dernière phrase, il est dit, parlant du ministre de la Justice,
12 il a dit : "La liste finale des personnes soupçonnées d'avoir commis des
13 crimes de guerre sera communiquée très bientôt."
14 Passons maintenant au paragraphe 25. Il est dit dans la deuxième phrase :
15 "Le gouvernement croate souhaite que les personnes soupçonnées d'avoir
16 commis des crimes de guerre soient détenues et poursuivies. Néanmoins, des
17 appels ont été interjetés auprès du gouvernement, y compris par le
18 rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, pour que cette
19 liste des personnes soupçonnées d'avoir commis des crimes de guerre soit
20 finalisée sur la base des preuves qui existent, pour qu'il n'y ait pas
21 d'arrestations arbitraires s'agissant des Serbes qui rentrent en Croatie."
22 Est-ce que cela rafraîchit votre mémoire, et que ces crimes qui n'étaient
23 pas ordinaires étaient couverts par l'amnistie, et que la communauté
24 internationale demandait à la Croatie de préparer une liste portant sur les
25 personnes qui n'étaient pas couvertes par l'amnistie ?
26 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'objecte. Ici, il est dit que
27 l'amnistie couvre les actes d'agression, de rébellion et de conflit armé,
28 mais je ne vois pas où l'on fait état de crimes ordinaires.
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1 M. MISETIC : [interprétation] Ce n'est pas exact --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Misetic peut poser la question au
3 témoin.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai quelques difficultés parce qu'il s'agit
5 là de questions d'ordre juridique qui dépassent mes connaissances. D'après
6 mon souvenir, nous avons mis en exergue qu'il était très important que les
7 crimes réels ne soient pas amnistiés et, par conséquent, je suis un petit
8 peu surprise que l'on puisse même remettre en question que les crimes
9 commis lors de l'opération Tempête et par ailleurs soient également
10 amnistiés. Peut-être que je pourrais vous fournir une explication portant
11 sur le travail du rapporteur spécial.
12 Puis-je le faire ?
13 M. MISETIC : [interprétation]
14 Q. Madame Rehn, j'ai tout un ensemble de documents. Alors, je pense qu'il
15 vaudrait mieux que je vous les montre, et qu'ensuite vous vous prononciez.
16 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin
17 souhaitait donner des explications. Peut-elle finir ?
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, ce que suggère Me Misetic, je
19 crois que c'est la bonne chose à faire. C'est d'abord de lui permettre de
20 finir de poser ses questions à lui, et si le témoin souhaite donner
21 davantage d'explications, qu'elle puisse le faire une fois que les
22 questions lui auront été posées.
23 Maître Misetic, je crois que vous avez raison. Procédez.
24 M. MISETIC : [interprétation] Merci.
25 Q. Je vais demander à ce que l'on présente toute une série de documents,
26 ensuite je vous poserai la question, Madame Rehn, une fois que vous aurez
27 eu l'occasion de tous les examiner.
28 M. MISETIC : [interprétation] D'abord, je demanderais le versement au
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1 dossier de ce rapport.
2 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objections.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D682.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D682 est versée au dossier.
6 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Monsieur le Greffier, j'aimerais que vous affichiez 1D40-0025, s'il vous
8 plaît.
9 Q. C'est une déclaration du président du Conseil de sécurité, 19 mars
10 1997.
11 M. MISETIC : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on examine la page
12 2, le paragraphe du haut.
13 Q. "Le Conseil de sécurité exhorte le gouvernement de Croatie à éclaircir
14 les incertitudes concernant la mise en oeuvre de sa loi d'amnistie; en
15 particulier en achevant sans délai la liste des suspects de crimes de
16 guerre sur la base des éléments d'information existants, conformément au
17 droit international, et de mettre un terme aux arrestations arbitraires,
18 particulièrement des Serbes rentrant en Croatie."
19 M. MISETIC : [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'il n'y a pas d'objection ?
21 Monsieur le Greffier.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D683.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D683 est versée au dossier.
24 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
25 Je demanderais à ce que l'on affiche maintenant la pièce 1D40-0027.
26 Q. Madame Rehn, voici un rapport que vous avez rédigé vous-même en date du
27 31 octobre 1997.
28 M. MISETIC : [interprétation] Donnez-moi un instant. Paragraphe 58, page
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1 15, Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.
2 Q. Madame Rehn, vous avez écrit au paragraphe 58 la chose suivante en
3 parlant de la loi d'amnistie : "La législation s'applique aux personnes
4 accusées ou condamnées pour des actes criminels commis dans le cadre
5 d'actes d'agression, de rébellion, ou de conflit armé entre le 17 août 1990
6 et le 23 août 1996. Les enquêtes ou procédures pénales liées à de tels
7 actes doivent être déclarées nulles et non avenues, et toute personne
8 détenue à qui s'applique l'amnistie doit être libérée. La législation
9 exonère de son application les auteurs supposés de crimes de guerre."
10 Le paragraphe 59 fait référence à la déclaration présidentielle que
11 je vous ai montrée du 19 mars 1997, exhortant le gouvernement de la Croatie
12 à lever toute incertitude s'agissant de la mise en œuvre de sa loi
13 d'amnistie, "En particulier en achevant sans délai sa liste de suspects de
14 crimes de guerre sur la base des éléments de preuve ou d'information
15 existant, et dans la stricte application du droit international, et de
16 mettre un terme aux arrestations arbitraires, particulièrement de Serbes
17 revenant en Croatie. L'application de la loi d'amnistie toutefois continue
18 de provoquer de grandes préoccupations parmi la population serbe."
19 M. MISETIC : [interprétation] Passons maintenant à la page 23 de ce
20 document, paragraphe 98 :
21 Q. "La liste finale du gouvernement de 150 suspects qui auraient commis
22 des crimes de guerre toutefois n'a pas eu l'effet attendu de renforcer la
23 confiance parmi la population serbe. Les gens continuent d'avoir des
24 incertitudes quant à la teneur exact et à la signification réelle de la
25 liste. Conformément à la déclaration de l'UNTAES", c'est-à-dire l'autorité
26 transitoire aux Nations Unies pour la Slavonie orientale, la Baranja et le
27 Srem occidental, "conformément à ces déclarations, tous ceux qui ne
28 figurent pas sur la liste devraient se considérer comme étant exonérés de
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1 toute poursuite future pour crimes de guerre."
2 Madame Rehn, c'est votre rapport du 31 octobre 1997. Ceci vous rafraîchit-
3 il la mémoire quant au fait que la communauté internationale, pour
4 encourager les Serbes à rester en Croatie, souhaitait voir s'appliquer une
5 loi d'amnistie la plus large possible, n'est-ce pas ?
6 R. Par rapport à ce rapport, à ce que vous venez de lire si vous voulez,
7 c'est exact, mais vous avez laissé de côté quelques phrases. Or, dans ces
8 phrases, il est précisé qu'une grande inquiétude règne parmi la population
9 serbe, puisqu'ils ne savent pas s'ils sont en sécurité ou pas, puisqu'il y
10 a énormément de listes différentes, et puis il y a cette mention qui est
11 faite aux déclarations de l'UNTAES, ce qui veut dire que ce n'est pas mon
12 rapport, mais ce sont-là des déclarations de l'UNTAES que je rapporte. Je
13 n'exprime pas ici mon opinion personnelle.
14 Q. Oui, mais au cours de l'interrogatoire principal, on ne vous a pas
15 demandé votre opinion, on vous a demandé quelle avait été la position de la
16 communauté internationale. C'est la raison pour laquelle je vous parle de
17 l'UNTAES, puisque l'UNTAES faisait partie de la communauté internationale.
18 Mais je suis d'accord avec ce que vous venez de dire.
19 Il y avait, c'est vrai, une certaine anxiété parmi la population
20 serbe, qui ne savait pas qui allait bénéficier ou pas de la loi d'amnistie.
21 Alors seriez-vous d'accord avec moi pour reconnaître que la communauté
22 internationale a insisté auprès de la Croatie pour que celle-ci prépare une
23 liste d'individus suspectés d'avoir commis des crimes de guerre, et que
24 toute personne qui ne se trouvait pas sur la liste pouvait se considérer,
25 disons, amnistiée pour tous les crimes commis dans le cadre du conflit
26 armé, même si par la suite il a été découvert qu'ils avaient en réalité
27 commis des crimes de guerre ?
28 R. Je crois que c'est une question un peu directrice, et --
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est autorisé dans le cadre du contre-
2 interrogatoire.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi néanmoins de le signaler.
4 Comme je l'ai déjà dit, vous faites référence ici à des déclarations de
5 l'UNTAES. L'UNTAES pense -- enfin, le gouvernement croate dit qu'il n'y a
6 pas de liste et qu'il y a beaucoup d'opinions différentes là-dessus. Je
7 vous dirais qu'à l'époque il était extrêmement difficile d'obtenir une
8 opinion coordonnée de la communauté internationale, une opinion unifiée.
9 C'est une question qui nous a souvent été posée parce qu'il y avait
10 différentes opinions. Nous souhaitions une amnistie, mais pas une amnistie
11 qui représente une menace pour certaines personnes. Et par ailleurs, pour
12 que les choses soient claires, il fallait faire les choses de sorte à ce
13 que chacun sache qu'il ne pourrait échapper à sa responsabilité s'il avait
14 commis un crime de guerre ou même un crime très grave au regard du droit
15 civil, qu'il y ait eu assassinat, qu'il y ait eu incendie volontaire de
16 maisons, et autres.
17 Ceci figurait parmi les discussions que j'ai eues avec le président
18 Tudjman si je me souviens bien, ce sont des questions très épineuses; alors
19 demander une seule opinion de la communauté internationale, je crois que ce
20 serait impossible ici.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, allez-vous présenter par
22 la suite la liste en question ? Allez-vous demander le versement de cette
23 liste au dossier ?
24 M. MISETIC : [interprétation] Nous sommes en train d'essayer de l'obtenir
25 auprès du ministère de la Justice, mais il y a eu plusieurs listes qui ont
26 été distribuées. Nous étudions toutes ces listes.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien. J'entrevois un petit
28 problème.
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1 D'après ce que je comprends, mais n'hésitez pas à me corriger si je
2 me trompe, Madame Rehn, d'après ce que je comprends, vous avez exprimé
3 quelques préoccupations sur le fait que certains actes avaient été commis
4 et qu'aucune poursuite n'avait été engagée. Certains actes répréhensibles,
5 vous parlez surtout, je crois, des actes commis par les Croates pendant ou
6 après l'opération Tempête, c'est à ce moment-là, c'est dans ce contexte-là
7 que vous parlez de pillages ou d'incendies volontaires.
8 Or, toutes ces questions que l'on vous pose là ne me semblent pas
9 aborder le même problème. Les Serbes craignaient qu'à leur retour ils
10 soient poursuivis, et ils s'en inquiétaient. Ils avaient peur d'être
11 poursuivis pour avoir participé activement à une rébellion, ou en tout cas
12 pour avoir été membres des forces ennemies de la Croatie.
13 Ce qui m'aiderait c'est de savoir si cette absence d'exclusion des
14 Croates qui auraient commis des crimes de guerre, si ces crimes de guerre
15 avaient été commis, c'est ce qui vous intéresse dans le cadre de ces
16 questions, ou lorsque vous avez abordé la question avec M. Tudjman, Madame,
17 vous souhaitiez mettre l'accent sur une distinction claire à effectuer
18 entre les Serbes ayant participé au conflit ?
19 Ceci m'aiderait à mieux comprendre et c'est aussi la raison pour
20 laquelle je vous pose cette question sur les listes, parce que pour
21 l'instant, je crois qu'il y a une certaine confusion, et je suis un peu
22 perdu.
23 M. MISETIC : [interprétation] Je vais essayer de vous répondre, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne fais qu'exprimer ma préoccupation.
26 Bien sûr, vous êtes tout à fait libre de poser les questions au témoin.
27 Mais au moins, vous savez ce qui m'aiderait à mieux comprendre.
28 M. MISETIC : [interprétation] Je n'en suis pas tout à fait sûr. Je ne sais
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1 pas très bien quel est le problème en réalité. Vous voulez la liste ?
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça pourrait être un élément de réponse
3 pour essayer d'expliquer ce qui me pose problème. J'aimerais savoir très
4 exactement ce dont Mme Rehn a parlé avec le président Tudjman, et ce sur
5 quoi la législation et la liste se concentraient.
6 M. MISETIC : [interprétation] Je crois que je peux vous répondre parce que
7 tout ceci a été versé au dossier. La législation, c'est-à-dire la loi
8 d'amnistie dont j'ai demandé le versement au dossier, 1D33-0495 est une loi
9 qui doit s'appliquer à tous. Il est également incorrect de dire que la
10 communauté internationale souhaitait une amnistie pour les crimes de
11 rébellion, c'est la raison pour laquelle j'ai parcouru avec le témoin ces
12 différents documents.
13 La communauté internationale a insisté pour que tout crime, incendie,
14 pillage, vol, et cetera - vous pouvez lire le texte de loi vous-même - soit
15 amnistié et que cette loi s'applique, comme dans tout pays démocratique, à
16 tout le monde.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, je n'entre pas dans un
18 débat avec vous ici. Ce que j'ai dit c'est que dans la série de questions
19 que vous avez posées et les réponses du témoin, j'ai eu une difficulté. Le
20 fait que j'ai du mal à me positionner me paraissait utile pour vous
21 également, de façon à ce que vous puissiez éventuellement tirer les choses
22 au clair.
23 Poursuivez.
24 M. MISETIC : [interprétation]
25 Q. Madame Rehn, vous avez entendu la discussion sur la politique visant à
26 encourager la loi d'amnistie. Je reviens sur ce qu'est la communauté
27 internationale et sur ce que vous avez dit dans votre dernière réponse.
28 Vous serez d'accord avec moi pour reconnaître que le Conseil de sécurité au
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1 sein de la communauté internationale est le plus haut échelon - en tout cas
2 l'un des plus haut, si ce n'est pas le plus haut - au sein de la communauté
3 internationale et qui parle en son nom, n'est-ce pas ?
4 R. Bien sûr.
5 Q. Alors le 19 mars 1997 : "Le président du Conseil de sécurité exhorte le
6 gouvernement de Croatie à lever l'incertitude sur la mise en œuvre de sa
7 loi d'amnistie, en particulier en achevant sans délai la liste de suspects
8 de crimes de guerre sur la base des éléments d'information et des preuves
9 disponibles et dans le strict respect du droit international."
10 Je reviens en essayant de répondre à la question du Juge Orie. La politique
11 du Conseil de sécurité qui exhorte la Croatie à procéder ainsi consistait à
12 éliminer toute incertitude pour les Serbes quant à leur avenir en Croatie,
13 de façon à ce que ceux qui y rentraient n'aient pas peur de se voir arrêtés
14 pour crime, que ce soit pour rébellion armée, pour vol ou autre crime de
15 droit commun. La communauté internationale, par le biais du Conseil de
16 sécurité, voulait que les Serbes aient des certitudes quant au sort qui
17 leur serait réservé et quant aux lois s'appliquant à eux, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Bien. A la lumière de cette politique, la Croatie, vous le savez, a
20 adopté une loi d'amnistie ?
21 R. Oui.
22 Q. Vous savez que cette loi d'amnistie s'appliquait à tous les citoyens de
23 Croatie et non pas seulement à ceux d'origine serbe ?
24 R. Bien sûr, parce qu'il y a d'autres minorités également.
25 Q. Il y a des majorités également ?
26 R. Non, j'ai dit il y a d'autres minorités également, et des majorités,
27 oui. Il y a d'autres nationalités disons.
28 M. MISETIC : [interprétation] Je ne sais pas si j'ai demandé au versement
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1 le rapport de Mme Rehn du 31. Si je ne l'ai pas fait, j'aimerais le faire
2 maintenant.
3 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objections, Monsieur le
4 Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
6 M. MISETIC : [interprétation] Je vais donner le numéro au document au
7 Greffier, 1D40-0027.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce
9 D684.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D684 est versée au dossier.
11 M. MISETIC : Pendant que je suis là-dessus, j'aimerais que l'on affiche un
12 document sur cette question de l'amnistie dont je demanderai le versement
13 et qui pourrait être pertinent pour des raisons sur lesquelles je ne vais
14 pas m'étendre. Il s'agira du document 1D40-0093.
15 Q. C'est un rapport de la MOCE reçu par la Défense Gotovina du 9 août
16 1995. Au troisième paragraphe, on trouve une expurgation, on voit ensuite
17 les mots "met with", "a rencontré", ensuite, une autre expurgation, "qui a
18 déclaré que le nombre de victimes croates au cours de l'opération Tempête
19 s'élevait à 118 et que les pertes serbes n'étaient pas très importantes
20 parce que la HV n'avait pas rencontré une résistance très forte de la part
21 des Serbes. Il a ajouté que les soldats arrêtés de Krajina qui n'avaient
22 pas commis de crimes de guerre seraient amnistiés d'ici un mois."
23 Malheureusement, les expurgations ne sont pas de notre main.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre le sait.
25 M. MISETIC : [interprétation] Je demanderais donc le versement au dossier
26 de ce document, Monsieur le Président.
27 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D685.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D685 est versée au dossier.
3 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Madame Rehn, j'aimerais maintenant attirer votre attention sur votre
5 rencontre avec le ministre Susak le 4 décembre. Dans votre déclaration,
6 vous évoquez le fait, en page 5, que : "Susak a défendu l'armée croate en
7 faisant référence à mon rapport. Il a dit que j'aurais dû me concentrer
8 davantage sur les civils qui avaient commis des crimes dans mon rapport
9 précédent, plutôt que de montrer du doigt les membres de l'armée croate
10 comme étant les auteurs des crimes. Mon rapport reposait sur les faits qui
11 avaient été recueillis par les représentants de la communauté
12 internationale sur le terrain, et j'avais observé personnellement certaines
13 de ces situations. Il était mécontent de mon rapport et de ma réponse."
14 J'aimerais que l'on affiche à l'écran votre rapport du 7 novembre. J'ai
15 encore le numéro 65 ter, 2710.
16 Je sais, Madame Rehn, qu'en page 2 de votre déclaration vous avez dit que
17 vous aviez "préparé des rapports pour le Conseil de sécurité reposant sur
18 des informations reposant sur de nombreuses sources, y compris la MOCE, le
19 CICR et d'autres organisations dont notamment, l'OMNU, la FORPRONU. Mais
20 les membres de mon équipe auditionnaient les personnes et vérifiaient les
21 informations avant que j'en fasse rapport."
22 C'est ainsi que ce rapport du 7 novembre a été préparé, en
23 recueillant des informations auprès d'autres organisations internationales
24 ?
25 R. Oui. Tous mes rapports ont été préparés ainsi. Nous parlions aux uns et
26 aux autres, à ceux qui étaient présents sur le terrain, nous parlions avec
27 les dirigeants politiques et nous recueillions des informations auprès de
28 toutes les organisations chargées de défendre les droits de l'homme auprès
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1 des Nations Unies ainsi que d'autres organisations sur le terrain, de même
2 auprès des organisations croates nationales chargées de la défense des
3 droits de l'homme.
4 Q. Je vous remercie, Madame Rehn.
5 M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais que nous examinions la page 5 de
6 ce rapport.
7 Q. Au paragraphe 9, le secrétaire général dit la chose suivante : "Au
8 cours de sa première mission en Croatie, le rapporteur spécial a été
9 informé par les observateurs internationaux et des représentants des ONG
10 locales de la situation quant aux différents problèmes en matière de droits
11 de l'homme persistant dans le pays. Sa mission a également consisté à
12 établir des contacts importants avec les autorités compétentes. Dans le
13 cadre de futures missions, le rapporteur spécial a l'intention de mener ses
14 propres enquêtes, des enquêtes directes sur les violations alléguées des
15 droits de l'homme."
16 Est-il exact de dire que ce rapport en l'occurrence ne repose pas sur des
17 enquêtes directes que vous auriez effectuées vous-même et que ceci se
18 ferait par la suite ?
19 R. Non, non, pas du tout. C'est une interprétation erronée. J'ai étudié
20 les choses lorsque je suis allée au secteur nord, je me suis entretenue
21 avec des personnes, j'ai observé des choses terribles sur place. Donc votre
22 interprétation est tout à fait erronée.
23 Q. Examinons la page 7 de ce rapport, s'il vous plaît. Au paragraphe 15,
24 vous dites que : "Au cours de l'opération militaire, des cibles civiles, y
25 compris des zones résidentielles de Knin, ont été visées délibérément par
26 l'armée croate."
27 M. MISETIC : [interprétation] Voilà, nous nous interrompons ici pour
28 l'instant.
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1 Q. Alors, de quels éléments d'information disposiez-vous au moment où vous
2 avez préparé ce rapport pour affirmer que l'armée croate visait
3 délibérément des cibles civiles ?
4 R. Il y avait l'affaire Grubori --
5 Q. Je vous interromps. Ici, nous parlons des actions militaires.
6 R. Excusez-moi, excusez-moi. Alors ce sont des rapports qui m'ont été
7 présentés par les membres de mon équipe de la Commission pour les droits de
8 l'homme, des informations qu'ils ont eux-mêmes obtenues grâce à la
9 coopération avec d'autres organisations des Nations Unies. Donc dans ce
10 sens, ce sont là des informations directes qui ont été communiquées au
11 rapporteur.
12 Et tôt ou tard, j'aimerais avoir la possibilité, en quelques mots
13 seulement, d'expliquer aux Juges la manière dont travaille un rapporteur
14 sur les droits de l'homme.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr. Mais bien sûr que nous
16 vous donnerons la possibilité de le faire. Le moment s'y prête-t-il, Maître
17 Misetic ? Je ne veux pas vous interrompre.
18 M. MISETIC : [interprétation] Je peux continuer à poser encore quelques
19 questions au témoin.
20 Q. Et vous aurez toute liberté pour nous donner ces explications.
21 M. MISETIC : [interprétation] Mais revenons à l'écran et revenons à la page
22 8, la page suivante.
23 Q. Au paragraphe 23, voici ce que l'on peut y lire : "Les éléments de
24 preuve rassemblés jusqu'à présent indiquent que des violations des droits
25 de l'homme et du droit humanitaire qui ont été commises pendant et après
26 l'opération Tempête incluent les choses suivantes :"
27 Et au B, on trouve : "La prise pour cible par des armes lourdes de sites ne
28 présentant pas d'importance militaire dans les villes, y compris des zones
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1 résidentielles de Glina et de Knin."
2 Ce sont là des informations obtenues par les membres de votre équipe ?
3 R. Tout à fait.
4 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'aimerais que
5 vous affichiez à l'écran la pièce P64.
6 Q. Madame Rehn, voici un rapport des observateurs militaires de l'ONU du
7 18 août, donc plusieurs mois avant votre rapport. Au paragraphe 1 -- en
8 fait, le titre que l'on voit en dessous de la date, c'est : "Appréciation
9 provisoire des dommages causés par les opérations du HV du 4 au 6 août 1995
10 à Knin. Les observateurs militaires de l'ONU, cette équipe a procédé à une
11 appréciation dans la ville de Knin. Ce rapport est basé sur l'attaque sur
12 70 % de Knin et donne un résumé seulement de la situation."
13 Au paragraphe 2, on lit : "D'une façon générale, les tirs d'artillerie ont
14 été concentrés contre des objectifs militaires. Les dommages causés par des
15 obus aux installations civiles ont été concentrés sur le voisinage
16 d'objectifs militaires. Il n'y a eu que trois à cinq impacts qui ont été
17 observés dans d'autres quartiers de la ville.
18 M. MISETIC : [interprétation] Maintenant, si on pouvait présenter à l'écran
19 le P228, Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.
20 Q. Ici il y a une appréciation des dommages de la CIVPOL pour la ville de
21 Knin causés par l'Armée de libération croate, en date du 18 août 1995. Il
22 dit : "Vendredi 18 août 1995, à 10 heures 30, avec l'officier chargé
23 d'enquêter, je me suis rendu dans la ville de Knin pour apprécier les
24 dommages en ville causés par des obus, des incendies et des dommages
25 volontaires.
26 "Nous avons couvert l'ensemble de la ville et observé plusieurs impacts
27 d'obus ou de roquettes autour de l'usine de Tvik, d'une façon générale en
28 direction du nord, et de casernes provenant du nord-est, et entre
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1 l'immeuble du gouvernement de Knin et les bâtiments de la radiotélévision
2 et la colline qui se trouve sous le château de Knin. L'enceinte qui se
3 trouve au nord des casernes n'a pas été vérifiée, et l'observation a été
4 faite au niveau des rues.
5 "Nous avons compté 20 maisons ou bâtiments qui avaient été touchés par des
6 obus, et environ 20 immeubles vraisemblablement endommagés par le feu."
7 Lorsque vous prépariez votre rapport, est-ce que ce rapport de la
8 CIVPOL de l'ONU a été disponible pour que vous puissiez l'examiner avant de
9 parvenir aux conclusions que vous avez placées dans votre rapport ?
10 R. Il est impossible pour moi de m'en souvenir. Excusez-moi.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'attendais que l'interprétation
12 française soit finie. Sinon --
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est tout à fait impossible pour moi de
14 m'en souvenir, en particulier lorsqu'il s'agit de documents spéciaux sur
15 chaque occurrence et pour chaque paragraphe de mon rapport. Vous devez vous
16 rappeler que je ne couvrais pas seulement la Croatie. Ce n'était qu'une
17 petite partie de la mission, de sorte que maintenant vous répondre sur ce
18 point avec ces documents qui sont là comme base de mon rapport sur ce
19 paragraphe précis, c'est impossible pour moi de m'en souvenir.
20 M. MISETIC : [interprétation]
21 Q. Si vous aviez accès à ces documents des observateurs militaires de
22 l'ONU et de l'UNCIVPOL, est-ce que vous pensez que ceci aurait affecté
23 votre conclusion dans votre rapport selon laquelle l'armée croate avait
24 délibérément pris pour objectif des objectifs civils ?
25 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'objecte à cette question, Monsieur le
26 Président, parce qu'il y a eu d'autres éléments de preuve obtenus dans la
27 Chambre pour poser des questions concernant ces deux documents, et de le
28 faire isolément maintenant est inéquitable. Le témoin a déjà indiqué
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1 qu'elle ne se souvenait pas quels rapports elle avait pu examiner et quelle
2 était la base de cela.
3 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'est pas une
4 objection légitime.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, la Chambre ne trouve pas
8 utile qu'on pose une question au témoin sur le point de savoir si elle a
9 établi un rapport sur la base, à ce moment-là, des éléments d'information
10 non spécifiés dans la mesure où la source générale est connue mais pas les
11 détails de cette source, et donc qu'on lui présente un ou deux exemples de
12 rapports au témoin, et lui demander si ça aurait modifié son opinion s'il
13 n'avait pas été à même de voir tous ces renseignements. Dans cette mesure,
14 l'objection de Mme Mahindaratne est justifiée.
15 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, ça devient très
16 difficile de procéder à un contre-interrogatoire lorsqu'on présente un
17 rapport en disant que le témoin ne connaît pas la base des conclusions de
18 son propre rapport, et les questions qui lui sont posées sur des éléments
19 de preuve qui existent et nous dire que c'est en-dehors de ce domaine. Je
20 ne comprends pas à ce moment-là comment ce rapport a été présenté.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai dit que ça n'aidait pas la Chambre.
23 J'espère que vous comprenez essentiellement ce que ça veut dire.
24 M. MISETIC : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président. Oui.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame Rehn.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que c'est le moment où je pourrais
27 préciser et clarifier les choses. Nous en avions beaucoup dans le monde qui
28 sont totalement indépendants. Ils ne dépendent pas de l'ONU, et dans ce
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1 sens ils ne font pas partie de l'organisation des Nations Unies. Ils ne
2 reçoivent même pas un traitement ou un salaire de l'organisation des
3 Nations Unies pour leur travail qui est considéré ou appelé comme une
4 mission honoraire. Il y a eu le personnel de la Commission des droits de
5 l'homme qui existait précédemment, et cette commission a maintenant un
6 nouveau nom et qui aide le rapporteur spécial lorsqu'il procède à des
7 visites sur le terrain, qui peuvent interviewer d'autres organisations,
8 notamment des juristes qui ont tous les détails de façon claire.
9 Ce qui est important pour un rapport des Nations Unies -- il y a des
10 questions de bon sens qui se posent et quelles sont les impressions du
11 rapporteur spécial. Apparemment, on considère que cette personne a une
12 certaine intégrité, et par conséquent -- pour la commission ils donnent
13 leurs réponses concernant des rapports et reprennent certaines questions
14 importantes.
15 J'ai déjà dit clairement que ces questions des droits de l'homme sont
16 très importantes. J'ai déjà signalé que les questions juridiques ne sont
17 pas mon fort; les droits de l'homme le sont, et des difficultés qui se
18 posent dans des situations analogues. Je ne doute pas qu'il y a des
19 problèmes de source qui se posent. Vous parlez de tirs d'artillerie sur des
20 sites civils, mais dans le rapport qui a été mentionné, en disant que d'une
21 façon générale ce n'était pas en dehors d'enceintes militaires, vous avez
22 là trois à cinq situations différentes où c'était possible. Donc, ce
23 n'était pas une déclaration absolue.
24 Ce que je voudrais dire, c'est que ces rapports sont très importants
25 pour ce qui est de donner une vue générale des souffrances des gens
26 ordinaires et de rendre compte des réponses et des mesures qui sont prises
27 par les politiques.
28 En ce sens, ce qui doit être clair pour nous, c'est le rôle que doit
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1 jouer véritablement un rapport de ce genre, et lorsque je dis que je ne
2 peux pas m'exprimer en disant qu'ils sont vraiment fiables, au contraire
3 ils sont très fiables, mais il ne donne évidemment qu'un son de cloche en
4 ce qui concerne les misères subies en l'espèce après une guerre très, très
5 brutale.
6 Avec la liste que vous avez mentionnée, vous avez voulu que je sois
7 un peu moins convaincante, et cette question de l'amnistie -- bon, il est
8 très facile pour nous de comprendre ce dont je parlais précisément sur ce
9 qui s'était passé en Croatie à ce moment-là, c'était la situation de la
10 population serbe, et ce qui leur est arrivé. J'ai eu toutes les
11 possibilités dans d'autres parties de l'ex-Yougoslavie de voir les crimes
12 qui avaient été commis contre des Croates, des Musulmans, et ainsi de
13 suite.
14 Donc, je dirais que bien sûr, je ne parlais pas personnellement, et
15 je ne voulais pas dire personnellement une amnistie qui exclurait tous ceux
16 qui avaient commis des crimes graves. Pourquoi dans ce cas-là aurais-je
17 évoqué la question et le cas de Grubori si souvent et demandé des réponses
18 ?
19 Donc j'espère -- excusez-moi d'avoir pris tant de temps d'audience, mais il
20 est important que l'on comprenne bien ce que fait un rapporteur spécial,
21 sur quoi il travaille.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'est pas nécessaire de vous excuser,
23 Madame Rehn, pour avoir donné cette explication.
24 Je voudrais moi-même poser une question. Me Misetic vous a parlé d'un
25 endroit où il était question des : "Eléments de preuve réunis jusqu'à
26 présent indiquent que des violations des droits de l'homme et des droits
27 humanitaires ont été commis pendant et après l'opération Tempête et qui
28 incluent les suivants…" et puis : "B, prise pour cible par des armes
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1 lourdes sur des objectifs en ville qui présentaient un intérêt militaire
2 presque nul, y compris le quartier résidentiel de Glina et de Knin."
3 Il vous a également parlé -- disons, il vous a dit ceci. Est-ce que vos
4 sources étaient unanimes sur ces questions, parce que, comme vous pouvez
5 l'avoir remarqué, Me Misetic vous a présenté certains rapports qui tendent
6 à aller un peu dans le sens que les objectifs étaient essentiellement des
7 objectifs militaires, ceux qui étaient pris pour cible, et que les impacts
8 étaient au moins proches de l'objectif militaire.
9 Alors ma question est : est-ce que vos sources étaient unanimes à l'époque
10 ou est-ce que vous rendiez compte aussi de comptes rendus ou de rapports
11 qui n'auraient pas été pleinement conformes à vos conclusions ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, ce que j'ai compris dans mon rapport
13 c'étaient les rapports qui m'étaient présentés sur ce que ces personnes
14 avaient subi elles-mêmes -- avaient eu l'expérience. Comme je l'ai déjà
15 dit, du moins dans le rapport des observateurs militaires de l'ONU, comme
16 je l'ai dit à Me Misetic, il y avait de trois à cinq exceptions à cette
17 question des objectifs militaires. Il aurait pu y avoir trois à cinq
18 objectifs qui n'étaient pas militaires et sur lesquels on avait tiré.
19 Vous retrouverez cela dans les documents qui viennent de nous être
20 présentés.
21 Il est difficile pour moi de donner une réponse tout à fait globale qui
22 recouvre l'ensemble, Monsieur le Président, parce que lorsque nous avons
23 discuté de ce qu'il fallait inclure ou non dans le rapport, et lorsque je
24 dis "nous", je veux dire l'équipe ou ceux qui étaient chargés de
25 l'opération sur le terrain pour les droits humains. Il y avait une question
26 de savoir ce que l'on y mettrait ou non, et certainement pas de donner des
27 renseignements qui étaient faux parce que ça aurait été contre notre
28 intérêt.
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1 Donc je dois maintenir les opinions qui sont exprimées et les
2 renseignements qui ont été fournis par mes interlocuteurs.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La question ne se pose pas en ce
4 qui concerne -- personne n'a pensé que vous essayeriez de donner une fausse
5 impression. Je voulais simplement voir la façon dont vous travaillez.
6 Par exemple, si vous receviez 98 rapports qui diraient que les tirs
7 d'artillerie étaient sans discrimination contre les objectifs civils et
8 qu'il y avait deux rapports disant qu'aucun objectif n'était véritablement
9 un objectif militaire, est-ce que vous auriez conclu qu'un tel nombre de
10 tirs, de façon indiscriminée, vous aurait amené à la même conclusion ou
11 est-ce que vous auriez mis une note de bas de page ? J'essaye de comprendre
12 dans quelle mesure des rapports qui n'étayent pas pleinement vos propres
13 conclusions ont été pris en considération et s'ils ont été mentionnés de
14 façon explicite, si, à votre connaissance, ils étaient là.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'espère vraiment avoir réussi à faire comme
16 vous venez de conseiller ce que j'aurais dû faire. Par exemple, il aurait
17 pu y avoir des notes de bas de page sur des points qui n'étaient pas
18 clairs. Mais je ne me rappelle pas que nous ayons eu même une discussion
19 concernant d'autres opinions sur les éléments sur lesquels nous rendions
20 compte. Nous avions nos listes, nous savions qui avait été sur place, qui
21 avait vu ce qu'il y avait à voir. Il s'agit d'une liste très longue
22 concernant différents cas que nous avons compilés.
23 Nous avons posé nos questions aux autorités à différents niveaux pour avoir
24 des confirmations, et ensuite, bien sûr, il pouvait y avoir des questions
25 un peu difficiles. Evidemment, si c'était, par exemple, un auteur qui avait
26 perpétré quelque chose et qu'il nous disait que ce n'était pas vrai, à ce
27 moment-là, si nous pensions que ça pouvait être quelqu'un qui avait commis
28 cela, à ce moment-là, peut-être que nous n'insistions pas tellement sur
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1 l'opinion qu'il nous donnait.
2 Mais j'aurais tendance à dire que notre façon de rendre compte était
3 très juste, très équitable, très exacte, et que si quelque chose était très
4 peu clair -- bon, parfois il est arrivé, bien sûr, que je doive prendre une
5 décision moi-même de ne pas mentionner ceci ou cela pour savoir si c'était
6 suffisamment clair ou non. Si ce n'était pas assez clair, il ne fallait pas
7 le mentionner parce qu'il valait mieux avoir un rapport exact que d'avoir
8 des choses qui seraient imaginaires. C'était très difficile pour ces
9 questions qui faisaient l'objet du rapport, lorsque je rendais compte de
10 Bosnie-Herzégovine, du Kosovo, de la Serbie, de la Croatie ou de l'ex-
11 république de Macédoine, les termes employés étaient très forts. Il fallait
12 que je réveille en quelque sorte les gens. C'était la fonction de réveiller
13 les gens, leur faire comprendre que quelque chose n'était pas comme ça
14 devrait être. Je ne pouvais pas employer un langage diplomatique lorsque je
15 parlais aux gens, mais pas dans les rapports.
16 Donc vous faisant maintenant une réponse assez longue, je dirais qu'à
17 ma connaissance, il s'agissait de rapports précis et exacts.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
19 Veuillez poursuivre, Maître Misetic.
20 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, je voudrais demander si
21 on pourrait présenter à nouveau à l'écran la pièce 2710 de la liste 65 ter,
22 page 27, s'il vous plaît.
23 Q. Madame Rehn, il s'agit de la page 27 de votre rapport du 7 novembre
24 1995. Au paragraphe 105, vous écrivez : "Des violations graves des droits
25 humanitaires, des violations des droits de la guerre lorsque les auteurs
26 des crimes graves ont été commis --"
27 A la fin de ce rapport, il y a une annexe où vous donnez le nom des
28 personnes que vous avez rencontrées lors de vos voyages entre le 9 octobre
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1 1995 jusqu'au 14 octobre 1995 dans la région. On note que le jeudi 12
2 octobre, vous avez rencontré l'ambassadeur Peter Galbraith. Et M. Galbraith
3 a dit devant cette Chambre, le 24 juin 2008, à la page 4 985, on lui pose
4 la question : "Donc c'était votre conclusion" --
5 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il
6 était entendu avec le témoin qu'on n'allait pas présenter des témoignages
7 d'autres témoins que celui-ci, et on lui demande maintenant de --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, la question s'est
9 posée également hier lorsque M. Hedaraly a posé la question.
10 La décision qui a été prise à ce moment-là, c'était que s'il
11 s'agissait de quelque chose qui n'avait pas été évoqué lors de
12 l'interrogatoire principal ou dans la déposition déjà faite, dans la mesure
13 où il s'agirait plus ou moins d'un nouveau document et non pas simplement
14 de contre-interrogatoire ou de réponses, il fallait d'abord savoir du
15 témoin s'il avait une connaissance d'autres documents.
16 Je pense qu'en fait Me Misetic pose des questions au contre-
17 interrogatoire sur des questions dont le témoin a parlé par le biais de la
18 disposition de l'article 92 ter lors de l'interrogatoire principal, donc il
19 n'est pas nécessaire de réintroduire cet élément, mais au cours du contre-
20 interrogatoire d'une façon limitée, il n'y a pas de problème à ce qu'il
21 pose cette question puisque ceci a déjà été présenté à la Chambre.
22 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
23 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 Q. M. Galbraith a dit devant cette Chambre de première instance, lorsqu'on
25 lui a posé la question : "Ainsi votre conclusion c'était que l'attaque qui
26 a eu lieu dans l'opération Tempête au cours de ces premiers jours posait
27 des problèmes de droit international humanitaire; c'est bien cela ?
28 "Réponse : "Je ne pense pas qu'il y ait eu des violations importantes
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1 du droit international humanitaire au cours de ces premiers jours."
2 Madame Rehn, au paragraphe 105, vous dites qu'au cours de
3 l'opération, il y a eu des violations du droit humanitaire. Est-ce que vous
4 vous rappelez si l'ambassadeur Galbraith, lors de la réunion que vous avez
5 eue avec lui le 12 octobre 1995, vous a fait connaître ses vues, à savoir
6 qu'il n'y avait pas de violations importantes du droit humanitaire au cours
7 de l'opération elle-même ?
8 R. Je me rappelle que nous avons parlé d'un grand nombre de problèmes
9 concernant l'opération Tempête et dans le cadre de l'opération Tempête.
10 Mais il est impossible de me rappeler exactement tout ce dont nous avons
11 parlé. Je me rappelle qu'il m'a invitée à un excellent dîner.
12 Mais, bien entendu, il maintient sa propre opinion, et quant à moi,
13 je représente ma propre opinion. Donc, certainement, s'il pense qu'il n'y
14 avait pas eu de graves violations du droit international humanitaire, je
15 pense que toutes les violations contre des individus constituent une
16 violation.
17 Mais je ne peux pas me rappeler que nous ayons précisément parlé de
18 cet aspect. Nous avons parlé de tout ce qui s'était passé alors, et je
19 pense que nous étions, dans l'ensemble, tout à fait de la même opinion.
20 Q. Revenons maintenant à votre réunion avec le ministre Susak le 4, il est
21 vrai, n'est-ce pas, que le ministre Susak était mécontent des conclusions
22 de votre rapport selon lesquelles l'armée croate avait pris délibérément
23 pour cible des civils pendant l'opération; c'est bien cela ?
24 R. Oui.
25 Q. Et --
26 R. C'est dit ici dans ma déclaration.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, j'ai vérifié, page
28 4 985, la première page concernant le 24 juin et je ne retrouve pas cela.
Page 6568
1 Ne s'agirait-il pas d'une autre page ?
2 M. MISETIC : [interprétation] C'est la 5 043, Monsieur le Président,
3 excusez-moi.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
5 M. MISETIC : [interprétation]
6 Q. C'était également l'opinion du ministre Susak pendant votre réunion
7 que, pendant l'opération Tempête, il n'y avait pas eu de violations
8 importantes du droit international humanitaire, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, c'était son opinion.
10 Q. Bien. Il y a eu des discussions concernant les expulsions des
11 appartements. Et Mme Mahindaratne vous a posé des questions à ce sujet.
12 La question là n'était pas l'expulsion de Serbes ordinaires de chez
13 eux, la question véritable c'était l'expulsion d'officiers de l'ex-armée
14 yougoslave de leurs appartements qui à partir de ce moment-là appartenaient
15 au ministère de la Défense de la République de Croatie ?
16 R. Je pense que oui, mais je pense qu'il y avait également des Serbes qui
17 étaient ordinaires. Mais il y a quelque chose sur lequel je ne suis pas
18 tout à fait au clair.
19 Q. Alors cela --
20 R. Il s'agit de détails et on remonte à ce qui s'est passé il y a 13 ans,
21 donc je ne peux pas tout simplement m'y retrouver et me rappeler.
22 Q. Mais ces personnes ordinaires auraient été peut-être des familiers
23 d'une personne de l'armée ?
24 R. C'est possible.
25 Q. Bien. Je crois que nous avons une très longue liste de ces expulsions.
26 Je ne l'ai pas ici avec moi. Ça a été présenté --
27 L'INTERPRÈTE : Il est demandé que les microphones inutiles soient éteints.
28 Merci.
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1 M. MISETIC : [interprétation]
2 Q. Vous rappelez-vous si les violations en question ont eu lieu dans un
3 processus à la suite d'une ordonnance rendue par une juridiction d'expulser
4 des personnes d'appartements occupés par des militaires ou --
5 R. Je ne peux pas me souvenir. Mon problème c'était qu'il y avait toutes
6 ces expulsions d'appartements pour les militaires, qui étaient en
7 contradiction avec ce que m'avait dit le ministre de l'Intérieur Jarnjak et
8 ce que Susak m'avait dit, qui était présent, et ainsi de suite. Les
9 violences dont je parle concernaient le problème des retours des Serbes
10 chez eux, et dans certains cas, de savoir quand ils auraient pu retourner
11 chez eux.
12 Q. Ceci aurait fait l'objet d'une question que vous avez évoquée avec le
13 ministre de l'Intérieur, M. Jarnjak; c'est bien cela ?
14 R. Cette question des évictions des militaires, c'est quelque chose qui
15 est dans mon rapport, je crois.
16 Q. Excusez-moi, ce que je dis, c'est que vous avez eu ces conversations
17 concernant des appartements pour des militaires avec le ministre Susak ?
18 R. Oui, et avec Jarnjak.
19 Q. Bien. Mais la question générale de ces violences contre des Serbes,
20 vous avez eu ces conversations avec le ministre de l'Intérieur, le ministre
21 Jarnjak ?
22 R. J'ai également eu des conversations avec le ministre Susak. Vous devez
23 vous rappeler que nous étions d'anciens collègues et que je l'avais
24 rencontré précédemment en 1993, et que je l'avais rencontré en dehors de
25 toutes ces procédures à diverses reprises en Croatie.
26 Q. D'après vos notes de réunion avec le ministre Susak, il est dit que le
27 ministre Susak vous aurait dit que 220 procédures pénales étaient en cours
28 concernant des incendies et du pillage.
Page 6570
1 R. [inaudible]
2 Q. Est-ce que c'est ça qu'a dit le ministre Susak ?
3 R. Si c'est dit ici, alors certainement.
4 Q. Bien. Est-ce qu'on vous a indiqué que le ministre Susak avait reconnu
5 qu'il y avait des poursuites au pénal qui étaient nécessaires pour des
6 comportements illégaux ou illicites qui avaient été commis après
7 l'opération Tempête ?
8 R. Il n'était pas très intéressé par la question dans son ensemble pour ce
9 qui est du côté civil.
10 Q. Est-ce que ceci pourrait être parce qu'il y avait cette question des
11 poursuites --
12 R. J'espère qu'il comprenait bien la situation, notamment pour son
13 ministère ainsi que pour d'autres.
14 Q. Je vous remercie.
15 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que ce
16 serait un bon moment pour suspendre la séance.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En avez-vous terminé avec le document
18 2710 de la 65 ter ?
19 M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que je peux le présenter
21 comme un élément à être versé au dossier ?
22 M. MISETIC : [interprétation] Mme Mahindaratne l'a présenté ce matin.
23 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Ceci fait partie d'ailleurs de la
24 présentation au titre de l'article 92 ter.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien qu'il y ait encore une cote aux
26 fins d'identification seulement.
27 M. MISETIC : [interprétation] Il faudra que je fasse imprimer la liste
28 pendant la suspension parce que je n'ai pas les numéros avec moi ici.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Puisque Mme Mahindaratne l'a
2 présenté, je pense que, s'il n'y a pas d'objections, on pourrait à ce
3 moment-là considérer qu'il s'agit d'une pièce qui est versée au dossier.
4 Nous allons donc suspendre la séance et nous reprendrons à 1 heure
5 moins 10.
6 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.
7 --- L'audience est reprise à 13 heures 00.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, veuillez poursuivre.
9 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Q. Madame Rehn, j'aimerais maintenant aborder le sujet de votre réunion
11 avec le ministre Jarnjak du 4 décembre 1995.
12 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'aimerais que l'on
13 affiche la pièce P601 à l'écran.
14 Q. Madame Rehn, dans votre déclaration, vous avez parlé de votre entretien
15 avec le ministre Jarnjak et vous avez dit -- je vais retrouver la référence
16 de la page.
17 C'est la page 6, vous avez dit : "Jarnjak a dit qu'il n'avait pas de
18 données sur les abus humanitaires, et j'ai compris qu'il ne voulait pas que
19 nous lui présentions de telles informations. Jarnjak a également dit qu'il
20 n'allait pas enquêter au sujet des fosses communes."
21 Dans les notes, dans le deuxième paragraphe, il est dit que : "M.
22 Jarnjak a répondu que…" -- il faudrait que je sois dans le deuxième
23 paragraphe, en fait.
24 "Le ministre Jarnjak a répondu en disant que la situation sur le
25 point de la sécurité s'est normalisée et que les enquêtes judiciaires
26 avaient été entreprises à l'encontre des auteurs de ces crimes, à savoir
27 les actes de pillage, incendies volontaires, et ainsi de suite."
28 Passons maintenant à la troisième page, s'agissant de cette
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1 affirmation qu'il a faite qu'il n'avait pas d'information au sujet des
2 violations du droit humanitaire -- excusez-moi, c'est à la deuxième page.
3 C'est le septième paragraphe. "S'agissant du retour des réfugiés,
4 elle a dit qu'il y avait un grand nombre d'obstacles administratifs qui ne
5 facilitent pas le retour des réfugiés. Elle a demandé s'il y avait des
6 informations au sujet du nombre de réfugiés qui rentraient.
7 "Le ministre Jarnjak a dit qu'il n'avait pas d'information là-dessus
8 et qu'il n'avait pas reçu de commentaires portant sur les violations de
9 droits de l'homme après le retour des réfugiés. Il a accepté qu'il y avait
10 des difficultés au sujet de la situation telle qu'elle était après leur
11 retour et que les réfugiés rencontraient des problèmes avec leurs voisins."
12 Donc est-ce qu'on peut dire que le ministre Jarnjak dit, lors de cette
13 réunion, qu'il n'avait pas d'information au sujet des violations des droits
14 de l'homme; mais qu'en fait, plutôt, il n'avait pas d'information au sujet
15 des violations des droits de l'homme commises à l'encontre des réfugiés qui
16 étaient rentrés dans la zone ?
17 R. Bien sûr que vous pouvez le présenter de telle manière, mais je pense
18 que nous avons tous les deux compris ce qu'il voulait dire dans ce rapport
19 et ce que j'ai dit ici.
20 Q. Oui, mais Madame Rehn, je pose la question de savoir --
21 R. Oui, mais je vous dis qu'il n'avait pas d'information sur ce que je
22 voulais savoir, à savoir le retour et les violations des droits de l'homme
23 s'y référant. Dans ce sens-là, oui, c'est ça la réponse à la question que
24 je lui avais posée.
25 Q. Mais vous dites qu'il n'avait pas --
26 R. Mais il est consigné ici, il n'avait pas d'information.
27 Q. Il n'avait pas d'information au sujet des violations commises à
28 l'encontre des personnes qui --
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Ce n'est pas la question à laquelle le
2 témoin peut répondre d'une manière claire.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne.
4 Madame Rehn, vous avez compris, j'imagine, ce que Me Misetic voulait vous
5 demander. La question est de savoir ce que M. Jarnjak vous a dit, en fait,
6 ce qu'il a dit c'est qu'il n'avait pas d'information. Si vous pouvez vous
7 référer à une partie de ces notes où vous pouvez trouver des informations
8 pertinentes, alors dites-nous.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je lui ai posé la question au sujet des
10 réfugiés et il a dit qu'il n'avait pas d'information à ce sujet. Il
11 s'agissait d'information au sujet des réfugiés qui rentraient et des
12 violations des droits de l'homme au sujet de ces réfugiés.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la période du retour de ces
14 personnes et non pas de la période avant le retour ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrais pas répondre à cette question
16 comme ça, mais d'après mes souvenirs, il ne voulait pas vraiment savoir
17 quels étaient les problèmes occasionnés par le retour de ces personnes et
18 au sujet des pertes civiles liées à l'opération Tempête.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Misetic.
20 M. MISETIC : [interprétation]
21 Q. S'agissant de ce que vous venez de dire, est-ce que quoi que ce soit
22 était consigné dans ces notes qui pourrait indiquer que M. Jarnjak n'était
23 pas intéressé au sujet des pertes civiles occasionnées par l'opération
24 Tempête ?
25 R. Non, je ne peux pas me référer à quoi que ce soit de précis, je vous
26 parle de mon souvenir. Mais tous ces rapports se fondent sur les
27 discussions que nous avons eues avec ces gens, parce que vous savez que
28 dans le procès-verbal vous ne notez pas tout ce qui a été dit, ce n'est pas
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1 une transcription littérale.
2 Et là mon impression est consignée, mon impression telle qu'elle
3 était après la rencontre avec lui.
4 M. MISETIC : [interprétation] Passons maintenant à la deuxième page de ces
5 notes, paragraphe 11.
6 Q. Il s'agit de ce que vous avez dit, à savoir que : "Jarnjak n'allait pas
7 enquêter au sujet des fosses communes."
8 Dans le onzième paragraphe, il est dit : "Le rapporteur spécial a émis ses
9 inquiétudes au sujet de la situation des fosses communes qui devrait être
10 enquêtée maintenant ou bientôt en ex-Yougoslavie. Elle a mis en exergue le
11 fait que la police des deux côtés devrait être présente lors des enquêtes,
12 surveiller, et qu'il y ait des observateurs internationaux pour que cette
13 procédure soit menée d'une manière impartiale et pour qu'il n'y ait pas de
14 confusion portant sur le résultat de ces enquêtes.
15 "Par la suite, le ministre Jarnjak a expliqué que le Parlement a adopté des
16 lois aux termes desquelles toutes les informations portant sur les crimes
17 de guerre devraient être communiquées au Tribunal pénal chargé des crimes
18 de guerre et qu'il fera tout ce qui est nécessaire pour que la transparence
19 règne."
20 M. MISETIC : [interprétation] Passons maintenant à la page suivante.
21 Q. Il dit : "Le rapporteur spécial a mentionné qu'il était également
22 important de préserver la dignité de ces personnes lorsqu'on ouvre les
23 fosses communes ainsi que de faciliter et de rendre possible la présence
24 des représentants religieux, à savoir les prêtres orthodoxes, catholiques,
25 et ainsi de suite. Le ministre Jarnjak a entièrement accepté cette
26 suggestion et il a ajouté que pour l'instant il n'y a que des allégations
27 au sujet des fosses communes qu'à l'encontre de la Croatie, et il a parlé
28 du cas de Pakrac et que la communauté internationale a été invitée et
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1 qu'ils attendent l'issue de ces enquêtes. Néanmoins, il a dit que dans des
2 zones libérées il y a des indications selon lesquelles il y a des fosses
3 communes dans certaines zones."
4 Pourriez-vous nous dire sur quoi vous vous basez lorsque vous dites que le
5 ministre Jarnjak a dit qu'il n'allait pas enquêter au sujet des fosses
6 communes ?
7 R. C'était mon impression générale. Il a dit "qu'il y avait peut-être des
8 fosses communes, qu'il y a une loi qui a été adoptée se référant aux fosses
9 communes de la part du Parlement de Croatie." Il a également parlé du
10 Tribunal pénal international et qu'il "soutenait les actions de toutes les
11 personnes", mais il n'a pas dit exactement ce qu'il allait faire, lui.
12 Voilà justement ce qui manque. Je ne suis pas la seule à avoir eu cette
13 impression.
14 Q. D'après ces notes, vous avez dit que les observateurs internationaux
15 allaient pouvoir participer aux enquêtes portant sur ces fosses communes,
16 n'est-ce pas ?
17 R. C'est exact. Oui, c'est consigné dans mes notes.
18 Q. Ça veut dire que le ministre Jarnjak a dit que les observateurs
19 internationaux pouvaient être présents ?
20 R. Oui.
21 Q. Et participer à ces enquêtes ?
22 R. Oui.
23 Q. Et que les résultats de ces enquêtes allaient être communiqués au
24 Tribunal pénal international, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, c'est exactement ce qui est consigné ici.
26 Q. Passons maintenant à la troisième page de votre déclaration --
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, vous avez cité qu'il
28 fallait transmettre les enquêtes, alors que dans le texte il est dit qu'il
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1 fallait transmettre les "informations". Ce n'est pas exactement la même
2 chose. La question était de savoir non pas ce que vous deviez faire vous-
3 même, mais quelle devrait être la réponse par rapport à ce que les autres
4 ont diligenté. Autrement dit, je n'aurais pas attiré votre attention là-
5 dessus s'il ne s'agissait pas d'une différence importante.
6 Veuillez poursuivre.
7 M. MISETIC : [interprétation]
8 Q. A la page de votre déclaration, parlant de votre rapport du 7 novembre
9 1995, vous dites : "A la page 14, je parle du ministère de l'Intérieur
10 croate qui devait fournir des informations sur les enquêtes menées au sujet
11 des crimes occasionnés par l'opération Tempête. Dans les chiffres cités,
12 juste un soldat croate a été mentionné en tant que personne qui a fait
13 l'objet d'enquête. C'est pourquoi je pense que ce chiffre n'est pas exact,
14 parce que nous avons un grand nombre d'informations qui indiquent le
15 contraire."
16 M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous passions au
17 document 2710 de la liste 65 ter, page 14, s'il vous plaît.
18 Q. Madame Rehn, c'est la page dont vous parlez dans votre déclaration
19 écrite préalable. Au paragraphe 35, dans la deuxième phrase, il y est dit :
20 "Le 18 octobre 1995, le ministre de l'Intérieur croate a présenté les
21 résultats de l'enquête sur les crimes commis dans le cadre de l'opération
22 Tempête, sur la base desquels la police a enregistré de 25 à 41 cas de
23 meurtre. La police a arrêté 13 personnes suspectées d'avoir commis des
24 crimes dans les villages de Gosici et à Varivode. D'après le gouvernement,
25 seul un soldat de l'armée croate figurait parmi les suspects, tandis que
26 tous les autres étaient des civils qui portaient une tenue militaire."
27 Vous avez interprété cette phrase de la manière suivante : le ministre de
28 l'Intérieur croate avait dit que seul un soldat de l'armée croate était
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1 mentionné comme ayant fait l'objet d'une enquête pour des crimes commis
2 après l'opération Tempête.
3 R. Oui, c'est assez logique.
4 Q. Est-il possible que le rapport parle en fait d'un soldat de l'armée
5 croate qui ait figuré parmi les suspects des crimes commis dans le village
6 de Gosici et à Varivode, et qu'il ne s'agissait pas en réalité qu'il n'y
7 avait qu'un seul soldat qui aurait été suspecté que de l'ensemble des
8 crimes ?
9 R. Je suis dans l'impossibilité de vous le dire. Bien sûr, tout est
10 possible. L'équipe chargée des droits de l'homme s'y est penchée avec soin.
11 Il est donc difficile pour moi de croire qu'ils n'ont pas bien compris la
12 phrase.
13 Q. Mais ce n'est pas une phrase du gouvernement croate. C'est une phrase
14 du secrétaire général sur la base de votre rapport.
15 R. Oui, mais c'est quelque chose qui est basé sur mon rapport.
16 Q. Tout à l'heure, nous nous sommes dit que M. Susak vous avait dit que
17 222 personnes avaient été accusées de pillage et d'incendies criminels,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Oui. Oui.
20 Q. Le ministre, M. Susak, parlait-il de soldats ?
21 R. Oui, je pense qu'ils avaient été mis en accusation.
22 Q. Avez-vous remarqué quoi que ce soit, à savoir qu'à partir du 7 novembre
23 1995, vous semblez être d'avis que les autorités croates n'ont suspecté
24 qu'un soldat de tous les crimes commis après Tempête et qu'à partir du 4
25 décembre 1995, le ministre de la Défense vous parle de 222 personnes; est-
26 ce que cela vous a amenée à réfléchir ?
27 R. C'est un chiffre que je n'étais pas en mesure de vérifier. C'est
28 quelque chose que l'on m'a dit, et il nous a bien fallu tenir compte de
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1 cette information en demeurant pertinente. Mais cette différence entre les
2 chiffres ne me paraît pas très importante. L'important c'était l'attitude
3 générale eu égard à la mise en accusation de membres de l'armée, cette mise
4 en accusation qui n'était pas aussi populaire, si je puis dire, que la mise
5 en accusation de civils.
6 Q. Très bien. Alors parlons-en. Comme je l'ai fait ce matin, et pour
7 gagner du temps, je vais vous montrer tout un ensemble de rapports
8 supplémentaires qui ont été préparés par vous et par le secrétaire général,
9 et je vous poserai quelques questions sur l'attitude dont vous parlez.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant, Monsieur Misetic, j'aimerais
11 obtenir une précision.
12 L'une des questions que vous a posées M. Misetic, c'est de savoir si M.
13 Susak parlait de soldats lorsqu'il parlait de ces 222 individus, et vous
14 avez répondu : "Je le crois. Ils ont été mis en accusation, oui."
15 Sur quoi vous fondez-vous pour penser qu'il parlait de soldats ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'il ne parlait pas d'autres groupes si
17 ce n'est les soldats. Il était toujours très vigoureux sur ce sujet. Il
18 était chargé de la défense des gens. Pour le reste, d'autres ministres
19 étaient habilités, cela relevait du mandat d'autres personnes.
20 Mais c'est ce je crois, je crois qu'il pourrait faire référence à l'armée.
21 C'est mon impression.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous pose la question parce que, dans
23 votre déclaration, vous dites avoir été critiquée pour vous concentrer sur
24 les soldats plutôt que sur des auteurs potentiels civils de tels actes.
25 Bien sûr, je me demande comment vous pouvez réconcilier cette critique, et
26 le fait que l'on parle d'un nombre important d'individus dont vous avez
27 compris que c'étaient des soldats.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me poussez maintenant à réfléchir à
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1 nouveau à la question de savoir ce que l'on entendait ici. Les membres de
2 mon équipe n'ont pas confirmé que M. Susak était mécontent du rapport de
3 mon travail.
4 Nous avons toujours eu la sensation qu'il ne souhaitait intervenir de
5 manière utile auprès de nous dès lors que nous abordions des questions
6 ayant trait à l'armée.
7 Je crois que logiquement c'était à l'armée qu'il faisait référence.
8 C'est ainsi que nous l'avons compris en tout cas, mais je dois vous dire
9 qu'il est impossible à ce stade-ci pour moi de me souvenir. Je m'en excuse
10 vraiment.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
12 Les données objectives doivent être la base de notre réflexion et non pas
13 la logique susceptible de présider aux conversations.
14 M. MISETIC : [interprétation] Oui, il y aura beaucoup d'autres témoins à
15 contre-interroger, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
17 M. MISETIC : [interprétation]
18 Q. Madame Rehn, comme je le disais, je vais vous montrer toute une série
19 de documents et vous poser quelques questions sur ces documents.
20 M. MISETIC : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on affiche le
21 document 2365 sur la liste 65 ter. C'est l'un des rapports de Mme Rehn.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, le document 2365 a déjà
23 été enregistré aux fins d'identification, D669, mais sans traduction en
24 B/C/S. S'agira-t-il finalement du document D669 avec traduction, ou
25 décidez-vous de vous défaire de cette cote ?
26 M. MISETIC : [interprétation] Pardon.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc D669 pour ce document 2365.
28 M. MISETIC : [interprétation] Oui, le document D669.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors il n'est plus
2 nécessaire que Mme Mahindaratne verse le document 2365 au dossier.
3 Mais y a-t-il une traduction --
4 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Nous avons une traduction pour le
5 document 2365, et je crois qu'effectivement on a attribué une cote aux fins
6 d'identification à ce document, la cote P638. C'est à vous de voir,
7 Monsieur le Président, quel document vous souhaitez utiliser. Notre
8 document a néanmoins été traduit, je vous le précise.
9 M. MISETIC : [interprétation] Ça m'est égal, Monsieur le Président --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Puisque c'est la Défense qui est
11 intervenue en premier, je propose que ce soit la cote D669 qui soit
12 attribuée au document et que vous empruntiez la traduction qui existe pour
13 le document 65 ter 2365, de sorte que la cote P638 est maintenant libre
14 pour un autre document.
15 Poursuivez.
16 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie.
17 Pourrait-on voir la page 26 de ce rapport, s'il vous plaît ?
18 Q. Paragraphe 104, voici ce qui y est dit : "L'information communiquée par
19 le gouvernement de la Croatie indique qu'un grand nombre de procédures
20 judiciaires ont été entamées eu égard à des crimes et des violations des
21 droits de l'homme qui auraient été commis surtout contre des Serbes de
22 Croatie, après les opérations militaires. Toutefois, de nombreux cas de
23 signalés de meurtres demeurent non résolus, et peu de faits indiquent que
24 des procès aient lieu pour des actes d'incendie criminel ou de pillage, en
25 tout cas, peu d'éléments indiquent qu'ils soient parvenus à leur terme."
26 M. MISETIC : [interprétation] Je demanderais maintenant que l'on présente
27 le document 2820, numéro de la liste 65 ter, c'est un rapport sur la
28 situation en matière de droits de l'homme sur le territoire de l'ex-
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1 Yougoslavie. Il porte la date du 12 novembre 1996. Il me semble que c'est
2 un document P467 enregistré aux fins d'identification.
3 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, il y a une
4 erreur au compte rendu. Ce n'est pas P460, je crois que c'est plutôt P640.
5 M. MISETIC : [interprétation] C'est exact.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Mahindaratne.
7 M. MISETIC : [interprétation]
8 Q. C'est un rapport du secrétaire général, là encore, qui fait état de
9 votre rapport périodique.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si je regarde le compte rendu, la
11 correction n'a pas été apportée et on lit toujours "P460", il faut donc
12 modifier cette cote car il s'agit de la pièce P640 et pas 460.
13 Veuillez poursuivre.
14 M. MISETIC : [interprétation] Page 33, s'il vous plaît.
15 Q. Paragraphe 127, le paragraphe s'insère dans le contexte des droits de
16 propriété et de la législation croate en matière de propriété. On y dit que
17 c'est là un élément de préoccupation. Je vous renvoie à la dernière phrase
18 : "Le gouvernement de Croatie doit être remercié des mesures positives
19 qu'il a prises en coopération avec les organismes internationaux pour
20 atténuer les difficultés humanitaires des Serbes de Croatie qui continuent
21 de vivre dans les anciens secteurs ouest, nord et sud, nombre de ces
22 personnes sont en effet des personnes âgées."
23 Ensuite page 37, paragraphe 148 : "La République de Croatie n'a eu de cesse
24 de participer aux efforts de coopération constructive avec les entités
25 internationales, y compris le rapporteur spécial et le bureau du haut-
26 commissaire pour les droits de l'homme. L'acceptation récente par la
27 Croatie de la présence d'une mission de l'OSCE qui s'intéressera
28 particulièrement à la question des droits des minorités est une autre
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1 preuve de cette coopération."
2 J'aimerais maintenant que nous voyions votre rapport de janvier 1998,
3 Madame Rehn, qui correspond à la cote P551 [comme interprété], enregistré
4 aux fins d'identification. Vous remarquerez qu'il s'agit du 14 janvier
5 1998, le rapport porte cette date. C'est le rapport que vous avez présenté.
6 M. MISETIC : [interprétation] A la page 9 du rapport.
7 Q. On lit, au paragraphe 28, vous dites, au milieu : "Le rapporteur
8 spécial souhaite encore une fois remercier les autorités croates de leur
9 coopération constructive tout au long de son mandat."
10 Puis le paragraphe 29, on voit : "Sécurité des personnes et des biens :
11 Après plus de deux ans d'observation des tendances en matière de droits de
12 l'homme en Croatie, le rapporteur spécial est d'avis que bien qu'il reste
13 encore beaucoup à accomplir, il y a de bonnes raisons d'être optimistes
14 pour l'avenir. Quand elle a commencé son mandat en 1995, de graves
15 violations de droit humanitaire et de droits de l'homme lui avaient été
16 signalées pendant l'opération militaire en Croatie au cours de l'été de
17 cette année, lorsque le gouvernement a repris le contrôle de territoires
18 qui avaient précédemment été tenus par des Serbes. Ces violations dont un
19 grand nombre à l'évidence avaient été effectuées par des soldats croates
20 impliquaient des meurtres de civils, du pillage massif et des incendies
21 criminels, des attaques contre des civils en fuite et des réfugiés.
22 "D'après des renseignements reçus récemment du gouvernement, à partir
23 du mois d'octobre 1997, un total de 5 580 procès ont été effectués en ce
24 qui concerne les opérations militaires effectuées dans les anciens secteurs
25 nord et sud, sur lesquels 559 sont au stade de l'enquête, 3 785 sont au
26 niveau de la première instance et 1 236 ont finalement abouti à une
27 décision définitive."
28 M. MISETIC : [interprétation] La page suivante, s'il vous plaît.
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1 Q. Au paragraphe 34, en ce qui concerne la situation en Slavonie
2 orientale. Au milieu du paragraphe : "Avant la conclusion du mandat de
3 l'UNTAES, les autorités croates ont essayé d'encourager les Serbes croates
4 de rester dans la région. Toutefois, les craintes et l'incertitude des
5 membres de la population serbe auraient conduit à un grand nombre de
6 départs de la région, essentiellement en direction de la République
7 fédérale de Yougoslavie, bien qu'il soit difficile de vérifier si ces
8 départs devaient être permanents ou non."
9 Madame Rehn, je vous ai montré une partie des déclarations faites
10 concernant 1995, 1996, jusqu'à janvier 1998. Serait-il juste de dire que
11 vous avez vu une amélioration qui vous amène à dire dans le rapport de 1998
12 que bien qu'il restait encore beaucoup à faire, il y avait de bonnes
13 raisons pour être optimiste pour l'avenir ?
14 R. Oui, certainement, je n'ai jamais hésité à rendre hommage pour les
15 mesures prises. Je crois qu'il est beaucoup plus important de faire
16 également remarquer les questions qui restent à régler tout en
17 reconnaissant les améliorations tout au long de mon rapport. Si je devais
18 encore le rédiger aujourd'hui, je pense que je serais d'ailleurs beaucoup
19 plus favorable dans mes appréciations.
20 Donc il y a eu clairement une évolution dans le sens de la
21 démocratie. C'est sur ma recommandation qu'on a mis en place un ombudsman.
22 J'étais très satisfaite de cela et des nombreuses mesures qui ont été
23 prises. Bien sûr, nous parlons maintenant de ce qui s'est passé pendant
24 l'opération Tempête et immédiatement après, et par conséquent, j'ai été
25 obligé de dire également de façon assez brutale quelle était la situation.
26 Mais quant aux améliorations, elles existaient, comme il est dit clairement
27 dans mon rapport.
28 Q. Juste en ce qui concerne les statistiques que vous avez citées, vous
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1 avez dit dans votre déclaration que vous n'avez jamais pu vérifier ces
2 statistiques. Mais vous n'aviez aucun souvenir d'avoir jamais demandé des
3 dossiers de juridiction, notamment concernant les investigations des
4 chiffres, vous-mêmes; est-ce exact ?
5 R. C'est une question importante, parce que j'ai demandé, pour moi-même,
6 et nous avons demandé, au niveau de l'équipe, des documents concernant les
7 procès, et je ne peux pas répondre à votre question parce que je suis
8 pratiquement sûre que mon équipe les a demandés. Mais ici, à la barre, je
9 ne peux pas répondre avec assurance. Pas seulement à cause du manque
10 d'intérêt des officiels de la Croatie qui ne les avaient peut-être pas ou
11 peut-être qu'on a pas demandé avec assez d'insistance ces documents.
12 Q. Est-ce que vous pensez, sur la base de votre expérience en tant que
13 rapporteur spécial et le fait que vous avez rédigé de nombreux rapports,
14 pensez-vous que si en fait vous aviez demandé au gouvernement croate ces
15 documents et qu'il ne les avait pas fournis, est-ce que c'est quelque chose
16 qui aurait été compris dans l'un de vos rapports ?
17 R. Certainement, je l'aurais inclus. Donc en ce cens, c'est plus probable
18 que nous n'avons pas insisté suffisamment pour les obtenir, ces documents.
19 Q. Je vous remercie.
20 Je vais maintenant passer au domaine des droits des citoyens, pages 7 et 8,
21 et je vais essayer d'en terminer avant que l'on ne lève l'audience
22 aujourd'hui. Pages 7 et 8 de votre déclaration.
23 Vous dites au début : "Je n'ai aucun doute que les obstacles administratifs
24 pratiques concernant les réfugiés qui essayaient de revenir avaient été
25 préparés à dessein par les autorités croates pour rendre les retours
26 difficiles et décourager les Serbes de revenir. Je n'ai aucun doute que
27 l'administration croate de l'époque n'allait pas considérer comme bienvenue
28 l'idée du retour des réfugiés serbes qui avaient fui à la suite de
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1 l'opération Tempête. Sous le sous-titre 'Questions humanitaires et
2 sociales', je traite de la question du refus des libertés publiques pour
3 les résidents qui étaient là depuis longtemps en tant que citoyens.
4 C'étaient essentiellement des Serbes."
5 Pour commencer, vous rappelez-vous quels Serbes étaient résidents en
6 Croatie et qui se sont vu refuser les droits des citoyens ?
7 R. Pourriez-vous s'il vous plaît --
8 M. MISETIC : [interprétation] Je vais essayer de retrouver --
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Pourriez-vous me reposer la question,
10 s'il vous plaît, parce que je n'ai pas bien compris ce que vous demandiez.
11 M. MISETIC : [interprétation]
12 Q. Je vais essayer de vous montrer d'où c'est pris. Il s'agit de ce
13 dernier rapport que nous avons observé.
14 M. MISETIC : [interprétation] Si on pouvait y revenir, Monsieur le
15 Greffier. Le P651.
16 Si on pouvait aller à la page suivante, s'il vous plaît. Pourrait-on
17 maintenant voir la page 11, s'il vous plaît. Est-ce qu'on pourrait aller
18 vers le bas de la page, s'il vous plaît.
19 Q. La partie de votre déclaration dans votre rapport de 1998, au
20 paragraphe 39 en bas. Vous parlez de la Slavonie orientale, et l'avant-
21 dernière phrase dit : "Environ 140 000 documents de citoyenneté et 126 000
22 passeports ont été donnés à des résidents dans la région," ce qui veut dire
23 la Slavonie orientale. "Toutefois, des préoccupations demeurent en ce qui
24 concerne quelque 900 refus de reconnaissance de citoyenneté en attendant --
25 "
26 M. MISETIC : [interprétation] Il faut passer à la page suivante.
27 Q. " -- des décisions de tribunaux administratifs qui doivent faire
28 l'objet d'une solution."
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1 La question de la citoyenneté, comme vous dites dans votre rapport, la
2 Croatie avait émis 140 000 documents d'identité au département --
3 R. En Slavonie orientale, oui.
4 Q. Et il y avait un problème concernant environ 900 refus, n'est-ce pas ?
5 Est-ce que vous savez quelle était la base du problème concernant ces 900
6 personnes à qui on ne reconnaissait pas ces droits ?
7 R. Ce dont je parle plus particulièrement dans mes déclarations et d'après
8 mes souvenirs, parce que je ne m'occupais pas des questions de Slavonie
9 orientale, en ce sens qu'il y avait une administration de l'UNTAES, et je
10 pensais qu'il ne fallait pas que je m'implique trop dans ces questions de
11 l'administration là-bas. Bien sûr, je suis allée là-bas.
12 Mais le problème qui était le mien était que ces questions de nationalité,
13 pour la prouver, il fallait des documents pour ceux qui étaient partis, qui
14 avaient quitté les secteurs nord et sud pendant l'opération Tempête, parce
15 qu'un grand nombre d'entre eux avaient perdu leurs documents d'identité,
16 cartes d'identité, et il y avait de grande difficultés pour eux simplement
17 pour prouver qu'ils étaient bien des ressortissants de la Croatie. Et
18 c'étaient là les personnes pour lesquelles j'étais particulièrement
19 préoccupée. Je savais qu'il y en avait des centaines qui attendaient du
20 côté hongrois pour obtenir leurs papiers. Il fallait qu'ils aillent à
21 Belgrade pour avoir une partie de ces documents. En pratique, c'était très
22 difficile pour eux quand ils essayaient de ravoir leur propriété, parce
23 qu'ils avaient une limite de 90 jours pendant laquelle ils devaient
24 revendiquer leur propriété.
25 Tout ceci faisait que l'un dépendait de l'autre, et c'est de cela que
26 je veux parler essentiellement dans ma déclaration écrite.
27 Q. Nous n'avons que trois minutes.
28 R. Oui, d'accord. Allons-y rapidement.
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1 Q. Je voudrais en terminer avec ce sujet aujourd'hui.
2 M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais demander au greffier de nous
3 présenter la 1D40-0082.
4 Q. Pourriez-vous me dire si vous savez, oui ou non, qu'en Croatie à
5 l'époque, voulant dire 1997, 1998 et avant cela, que la nationalité d'une
6 personne était établie en se basant sur les extraits de naissance dans les
7 registres locaux de sa propre ville. Vous connaissez cela ?
8 R. Oui. Je savais également que ces personnes qui avaient pris la Krajina,
9 que parfois ils n'avaient pas de papiers du tout, les personnes qui étaient
10 nées en Krajina parce qu'elles n'étaient pas enregistrées, ce n'était pas
11 une région où il y avait enregistrement des naissances.
12 Q. Vous pouvez voir ici la date de ces règlements qui n'existaient pas
13 précédemment jusqu'en 1999 [comme interprété].
14 M. MISETIC : [aucune interprétation]
15 Q. Nous voyons : "Pour ce que dit pour ce qui est des enregistrements pour
16 ce qui est des papiers d'identité, il y avait un bureau d'état civil dans
17 une municipalité de," et cetera, et cetera.
18 Maintenant, je voudrais qu'on vous montre le document 1D40-0098.
19 Madame Rehn, ceci est un protocole entre la Serbie et la Croatie en 2003.
20 Jetez-y un coup d'œil, vous voyez que le gouvernement de Serbie -- il est
21 question des retours en Croatie. Vous pouvez aller ensuite à la page
22 suivante, les registres d'état civil locaux qui avaient été enlevés de
23 Croatie en 1995 et avant cela. Et il y a littéralement des centaines de
24 registres d'état civil de différentes villes qui ont été ramenés en 2003.
25 Regardons la page suivante, s'il vous plaît.
26 Y compris la ville de Knin, différentes villes dans le secteur sud. Ça vous
27 donne les années dont nous sommes en train de parler.
28 Est-ce que vous saviez à l'époque où vous prépariez votre rapport que la
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1 Croatie n'avait pas en fait d'archives centrales concernant les naissances
2 ou autres archives nécessaires pour établir la citoyenneté ?
3 R. Dans ce que vous avez là, j'ai mentionné quelque part, mais je ne sais
4 plus où, que l'un des stades faisait qu'il fallait aller à Belgrade et donc
5 --
6 Q. Ma dernière question aujourd'hui. Ayant examiné, je suppose, une partie
7 de votre travail en tant que rapporteur spécial pour les droits humains, en
8 ce qui concerne le fait de la population serbe qui est partie, est-ce que
9 le fait que les autorités en Serbie s'étaient trouvées en possession de
10 centaines de registres de naissances, est-ce que ceci indiquerait que, pour
11 vous, il y avait un certain niveau d'organisation pour le départ des Serbes
12 de la Krajina ?
13 R. Je ne pense pas que je dois faire des estimations pour savoir si
14 c'était la vérité ou non. Je sais qu'il y avait simplement eu une demande
15 de la partie serbe, des dirigeants serbes qu'il fallait qu'ils partent, et
16 je sais que le président Tudjman a demandé à la population serbe de rester.
17 Mais j'ai vu tant d'autres zones de guerre pendant la guerre que, quoique
18 l'on vous dise : S'il vous plaît, restez, tout va bien, les gens ne le
19 croient pas. Et ils sont à ce moment-là pris par une psychose de masse et
20 ils craignent que quelque chose de terrible va leur arriver.
21 Donc je pense que des deux côtés ils n'ont pas été suffisamment efficaces
22 ou que l'un des deux côtés était trop efficace.
23 Q. Je vous remercie, Madame Rehn.
24 M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais demander, Monsieur le Président,
25 que l'on puisse verser au dossier ces deux documents et j'en ai fini pour
26 aujourd'hui.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne.
28 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour le document 1D40-0082, il devient le
2 numéro D686. Et le document 1D40-0098 devient la pièce D687.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc le D686 et le D687 sont versées au
4 dossier comme éléments de preuve.
5 Maître Misetic, vous avez dit que c'était votre dernière question pour
6 aujourd'hui.
7 M. MISETIC : [interprétation] C'est exact.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et en ce qui concerne demain ?
9 M. MISETIC : [interprétation] Nous sommes parvenus à un accord et j'en
10 terminerai lors du premier volet d'audience. Pour Cermak et Markac, ce sera
11 le deuxième volet d'audience --
12 Mme MAHINDARATNE : [aucune interprétation]
13 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, je ne suis pas absolument sûr
14 du moment, mais il faudra que j'aie environ au moins une heure, sinon une
15 heure et demie. Donc la Chambre sait combien de temps il me faudra.
16 M. KAY : [interprétation] Pour nos questions, on peut les ramener à moins
17 d'une demi-heure pour le moment.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Rehn, il est important que vous
19 sachiez exactement --
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Exactement.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce qu'il y a une bonne chance que
22 nous terminions votre déposition demain.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Indépendamment de cela, ce sont les
25 parties qui ont donné ces renseignements. Nous levons la séance pour
26 aujourd'hui. Nous reprendrons demain, mercredi, 16 juillet, à 9 heures dans
27 cette même salle d'audience.
28 Mais je dois d'abord vous donner pour instruction de ne pas parler, Madame
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1 Rehn, de ce que vous avez dit dans votre déposition et de ce que vous
2 pourriez encore dire dans votre déposition.
3 Je lève la séance.
4 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mercredi 16 juillet
5 2008, à 9 heures 00.
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