Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 19 mars 2009

  2   [Règle 98 bis]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, appeler l'affaire

  8   inscrite au rôle.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 10   Messieurs les Juges. C'est l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante

 11   Gotovina, et consorts.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 13   La Chambre informe les parties du fait qu'elle est parvenue à une décision

 14   sur la demande de sursis et de report du procès. Je vais vous dire

 15   l'essentiel de la décision, parce que cette décision de sursis ou de report

 16   exige une ordonnance portant calendrier modifié qui va bientôt être

 17   diffusée. Ce qui veut dire que, probablement aujourd'hui ou demain, vous

 18   aurez tous les détails par écrit. Néanmoins, il peut présenter un intérêt

 19   pour vous de savoir déjà quelle sera cette décision, à quoi elle aboutit.

 20   Il est fait droit à la demande de cinq semaines supplémentaires aux fins

 21   d'enquête et d'investigation et de préparation. Ces cinq semaines pourront

 22   être utilisées après la procédure 98 bis, ce qui fera que la conférence

 23   préalable à la présentation des thèses de la Défense pourrait avoir lieu le

 24   27 mai, et la Défense pourra donc commencer à présenter ses moyens le 28

 25   mai.

 26   Comme je l'ai dit, vous aurez une décision par écrit qui donnera les

 27   détails et qui va être diffusée sous peu.

 28   Je voudrais également informer les parties du fait que demain, vendredi, il

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  1   était prévu que nous siégions dans l'après-midi, mais il y a maintenant une

  2   modification; et d'après ce que j'ai compris, les parties ont été

  3   consultées sur ce point, pour que ce soit finalement une audience du matin.

  4   Enfin, avant que je donne la possibilité aux membres de la Défense de

  5   présenter leurs arguments 98 bis, je voudrais demander aux parties combien

  6   de temps il leur faudra sur cette question. Je pense que pour le premier

  7   tour, la Chambre a accordé trois heures à chacun, et je voudrais savoir si

  8   chacun va utiliser tout le temps qui lui est alloué, parce que d'après ce

  9   que j'ai compris, avec l'exception de l'Accusation, d'après ce que l'on m'a

 10   dit, nous pourrions terminer avant le week-end, la fin de semaine. J'ai du

 11   mal à comprendre cela, si les parties prennent tout le temps qui leur est

 12   alloué.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Au nom de la Défense de Gotovina, Monsieur le

 14   Président, et franchement, je n'ai pas consulté nos confrères, mais nous

 15   prendrons nos trois heures intégralement.

 16   M. KAY : [interprétation] Nous prendrons nos trois heures pour la Défense

 17   de Me Cermak.

 18   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous ne prendrons pas les trois heures

 19   intégrales, ceci dépendra en fait des questions qui sont communes à la

 20   Défense; et d'après ce que je vois, nous ne prendrons pas les trois heures.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, parce que ça ferait en tout neuf

 22   heures et ceci nous amènerait certainement au-delà du week-end, tandis que

 23   si c'est six heures complètes et une partie des trois heures qui sont

 24   utilisées mais seulement une partie, à ce moment-là, il se peut que les

 25   présentations des arguments de la Défense soient terminées avant le week-

 26   end.

 27   Je voudrais donc que les parties m'informent maintenant de la séquence qui

 28   sera suivie.

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  1   M. KEHOE : [interprétation] C'est la Défense de Gotovina qui commencera

  2   aujourd'hui.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  4   Ensuite je pense que la Chambre sera prête à entendre les arguments

  5   présentés au titre de l'article 98 bis.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Juste avant que nous ne passions à cela, bien

  7   entendu, je n'ai pas eu la possibilité d'examiner la décision que vous avez

  8   prise sur le report, mais juste pour savoir pour l'objection qui était

  9   élevée au nom de Gotovina, en ce qui concerne la procédure relative à 98

 10   bis avant qu'on ait terminé de présenter les moyens de l'Accusation. Je

 11   pense que ceci va à l'encontre de ce que prescrit l'article 98 bis, et il y

 12   a plusieurs questions qui restent pendantes, et je pense que nous les avons

 13   énumérées, notamment pour ce qui est de M. Rajcic et d'un certain nombre de

 14   présentations directement à l'audience de documents.

 15   Sans entrer dans les détails supplémentaires, je n'ai pas vu encore

 16   votre décision, et je voudrais donc placer cette objection au compte rendu

 17   avant cela, et avant que nous n'arrivions à Prijedor pour pouvoir

 18   progresser.

 19   Je voudrais également demander qu'on puisse donner la parole à Me

 20   Akhavan pour la première partie de notre argument.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 22   M. AKHAVAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président et aux

 23   membres du Tribunal.

 24   J'ai le privilège de comparaître devant vous pour le compte du

 25   général Ante Gotovina. La présente requête demande un jugement

 26   d'acquittement conformément aux dispositions de l'article 98 bis du

 27   Règlement de procédure et de preuve, pour ce qui est de tous les chefs

 28   d'accusation retenus dans l'acte d'accusation conjoint modifié.

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  1   Notre thèse, c'est que l'Accusation n'a fourni aucune preuve

  2   susceptible d'étayer une reconnaissance de culpabilité contre le général

  3   Gotovina, ni pour aucun des chefs d'accusation. Avec votre permission,

  4   Monsieur le Président, je vais d'avoir énoncer quel est le critère

  5   applicable en vertu de l'article 98 bis, puis j'exposerais un résumé de la

  6   théorie de l'Accusation, les éléments juridiques des crimes et de la

  7   responsabilité criminelle telle qu'elle est reprochée dans l'acte

  8   d'accusation, et un résumé de notre argumentation concernant les faits,

  9   ainsi que les raisons pour lesquelles les éléments de preuve ne démontrent

 10   pas et ne prouvent pas ceci au-delà d'un doute raisonnable.

 11   A la suite de cela, mes collègues Me Kehoe et Me Misetic

 12   développeront nos arguments en ce qui concerne les preuves de façon plus

 13   détaillée.

 14   C'est un droit bien établi que l'article 98 bis est une procédure qui

 15   applique certains critères dans lesquels, s'il y a certains éléments de

 16   preuve, s'ils sont acceptés au-delà d'un juge raisonnable du fait qu'il

 17   puisse se satisfaire de la culpabilité de l'accusé sur le chef

 18   d'accusation. En particulier, l'article 98 bis, pour ce qui est de la

 19   jurisprudence, identifie quatre éléments-clés pour l'appréciation de ces

 20   éléments de preuve. Premièrement, pour pouvoir étayer un chef d'accusation,

 21   il faut faire droit à la requête. Deuxièmement, lorsqu'il y a certains

 22   éléments de preuve, mais qui sont tels, que si c'était pris par la Chambre

 23   de première instance ne pourrait pas condamner; à ce moment-là, la requête

 24   doit être acceptée. Troisièmement, lorsqu'il y a certains éléments de

 25   preuve mais que leur force ou leur faiblesse dépend du point de vue de la

 26   crédibilité ou de la fiabilité d'un témoin et des faits sur lesquels une

 27   Chambre de première instance condamnerait, à ce moment-là, la requête ne

 28   doit pas être retenue. Quatrièmement, si les seules preuves pertinentes

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  1   prises en leur ensemble ne sont pas susceptibles d'être crédibles, il

  2   faudrait qu'à ce moment-là l'Accusation suive les prescriptions de

  3   l'article 98 bis en vue d'un acquittement.

  4   Nous reconnaissons la portée limitée de la requête aux fins d'acquittement.

  5   Et dans l'affaire Strugar, la Chambre de première instance avait considéré

  6   qu'il n'y avait pas de possibilité de considérer la fiabilité d'un témoin

  7   ou la force ou la faiblesse d'éléments de preuve contradictoires lorsqu'ils

  8   étaient présentés devant la Chambre.

  9   Toutefois --

 10   L'INTERPRÈTE : Le conseil est prié de bien vouloir lire plus lentement,

 11   parce qu'il n'a pas fourni le texte aux interprètes.

 12   M. AKHAVAN : [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez leur fournir le

 14   texte, ceci pourrait les aider, Maître Akhavan ?

 15   [Le conseil de la Défense se concerte]

 16   M. AKHAVAN : [interprétation] Il y a certainement -- on s'écarte du texte,

 17   c'est la raison pour laquelle je n'ai pas fourni ce texte, mais je vais

 18   ralentir de façon à ce que nous puissions --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous vous écartez du texte mais qui

 20   n'est pas entièrement neuf, à la fois pour la sténographie et les

 21   traducteurs, ça aurait pu aider si le texte avait été disponible, et on

 22   verrait à ce moment-là.

 23   Veuillez poursuivre. En tous les cas, vous verrez pour la version

 24   électronique qui sera copiée après l'audience --

 25   M. AKHAVAN : [interprétation] J'ai une version que je pourrais donner

 26   au greffier.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suggère qu'elle soit d'abord

 28   recopiée, à moins que vous n'ayez quatre copies, qu'elles soient copiées --

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  1   M. AKHAVAN : [interprétation] Non, ceci va bien. Bon, je peux fournir ceci

  2   aux traducteurs.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je considère là encore qu'il faut

  4   prendre le soin de les copier -- enfin, de façon à ce que les interprètes

  5   et les sténos sachent qu'il pourrait y avoir des écarts par rapport au

  6   texte ça et là.

  7   L'INTERPRÈTE : Les microphones, s'il vous plaît.

  8   M. AKHAVAN : [interprétation] Nous avons une version électronique qui

  9   pourrait être immédiatement transmise par M. Misetic.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bon, je ne sais pas si c'est

 11   faisable ou non. Je le laisse entre vos mains. Je pensais simplement qu'un

 12   autre exemplaire pourrait être imprimé, mais il y avait déjà une copie

 13   papier supplémentaire qui était disponible.

 14   Pour ce qui est des questions techniques, c'est entre vos mains.

 15   M. AKHAVAN : [interprétation] Pour décider, la Chambre de première instance

 16   doit faire une appréciation de tous les éléments de preuve qui figurent au

 17   dossier du procès. En particulier, comme ça été indiqué par l'équipe

 18   Hadzihasanovic au cours de la présentation des moyens à charge, il

 19   s'agirait de modifier une erreur de droit. En outre, alors que l'article 98

 20   bis, la procédure suivant cet article, n'examine pas nécessairement les

 21   détails des arguments en ce qui concerne les chefs d'accusation, la Chambre

 22   de première instance a en partie rejeté certains chefs, alors qu'il y a des

 23   éléments de preuve à l'appui des aspects distincts par rapport à un chef

 24   d'accusation plus vaste.

 25   Dans la décision Strugar, par exemple, en ce qui concerne les chefs

 26   d'accusation de pilonnage illicite d'éléments civils, la Chambre a écarté

 27   le cas de 52 bâtiments et structures contestés par la Défense, au motif que

 28   les éléments de preuve ne mentionnaient pas ou n'identifiaient pas quels

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  1   étaient les objectifs ou que les éléments de preuve n'établissaient pas que

  2   ces objectifs avaient été endommagés. Ceci est au paragraphe 78 de la

  3   décision prise en vertu de l'article 98 bis pour ce qui est de Strugar.

  4   Le rejet partiel des charges est compatible avec l'objet et le but de

  5   l'article 98 bis du Règlement, c'est-à-dire pour citer la décision Strugar

  6   :

  7   "De séparer et de mettre fin à cette procédure en ce qui concerne un

  8   chef d'accusation pour lequel il n'y a pas d'éléments de preuve sur

  9   lesquels la Chambre de première instance pourrait se prononcer ou prononcer

 10   une condamnation. Ceci est compatible avec un principe fondamental, ceci

 11   suit le principe fondamental de la justice, qui est que l'accusé ou le

 12   défendant n'a pas l'obligation de répondre d'une accusation lorsqu'elle n'a

 13   pas été correctement présentée par l'Accusation."

 14   Dans la présente espèce, ce principe est particulièrement pertinent par

 15   rapport aux attaques illicites et aux chefs d'accusation contre le général

 16   Gotovina comme constituant un actus reus distinct de persécution, le tout

 17   pris sous le titre général du chef d'accusation numéro 1, qui est

 18   l'essentiel de la théorie de l'Accusation, l'entreprise criminelle commune,

 19   comme je l'expliquerai.

 20   Ceci est pertinent également pour les nombreuses charges de meurtre comme

 21   faisant partie des chefs d'accusation 1, 6 et 7. Compte tenu des actes

 22   distincts prohibés qui constituent les éléments matériels de persécution,

 23   notre thèse, c'est que la Chambre peut rejeter le chef d'accusation numéro

 24   1 en partie, bien qu'à notre avis il doit être rejeté dans son ensemble.

 25   L'Accusation a présenté deux théories de responsabilité. La première, c'est

 26   une allégation qui est au paragraphe 12 de l'acte d'accusation, selon

 27   laquelle le général Gotovina aurait participé à la catégorie 1,

 28   l'entreprise criminelle commune, le but commun étant d'expulser de façon

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  1   permanente la population serbe de la région de Krajina. Les membres de

  2   cette entreprise criminelle commune comprenaient les autorités les plus

  3   hautes de l'Etat croate, agissant conjointement de façon à favoriser une

  4   politique criminelle. Cette entreprise criminelle commune aurait été conçue

  5   au cours d'une réunion dans l'île de Brioni le 31 juillet 1995, et mise en

  6   œuvre par l'opération Tempête au cours des journées du 4, 5 août 1995, qui

  7   sur une très grande échelle aurait forcé la population a un exode en masse

  8   qui, en fait, aurait pour résultat leur déplacement forcé en masse. En

  9   poursuivant la même politique criminelle commune, l'opération Tempête

 10   aurait été suivie par des destructions sur grande échelle qui auraient

 11   empêché la population déplacée de revenir.

 12   En plus de ces crimes qui constituent le but de la catégorie 1 d'entreprise

 13   criminelle commune, les allégations de l'acte d'accusation en ce qui

 14   concerne l'entreprise criminelle commune catégorie 3, c'était de prévoir

 15   que les crimes de meurtre, actes inhumains et traitements cruels étaient

 16   possibles comme conséquences de cette entreprise. La théorie alternative de

 17   l'Accusation en ce qui concerne la responsabilité, c'est que le général

 18   Gotovina est responsable des crimes qui ont été commis par ses subordonnés

 19   en vertu de la doctrine de responsabilité de commandement, au titre de

 20   l'article 7(3) du Statut. Bien qu'il ne soit pas contesté par l'Accusation

 21   que les ordres aient été, de façon répétée, donnés de respecter le droit

 22   humanitaire, et il y a eu une augmentation de 151 % de mesures

 23   disciplinaires, et de plus, que les appelés responsables des crimes ont été

 24   démobilisés, il est encore allégé que ceux-ci n'ont pas constitué les

 25   mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou punir ces crimes.

 26   Il ne peut y avoir aucun doute que les allégations de pilonnage illicite

 27   sur une grande échelle sont l'essentiel de la théorie de l'Accusation

 28   contre le général Gotovina. Dans la déclaration liminaire d'ouverture de M.

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  1   Tieger, à la page 418 et 419 du compte rendu, il déclare ceci :

  2   "Au moment où l'opération Tempête et les opérations de nettoyage qu'ils ont

  3   accompagnées concernaient pratiquement l'ensemble de la population qui

  4   avait été expulsée de la communauté serbe, alors laissant un terrain

  5   dévasté de villages détruits et de maisons détruites. A la fin du premier

  6   jour de l'opération, la grande majorité des Serbes de la Krajina était

  7   prise de panique et était en fuite, pas par accident, mais à dessein, par

  8   un plan mis en œuvre de façon réussie pour réaliser précisément cela,

  9   notamment au moyen de pilonnage des villes et villages civils. Le général

 10   Gotovina a planifié et ordonné l'opération d'artillerie qui avait pour but

 11   de faire partir les civils."

 12   Plus loin, à la page 443, lignes 23 à 24 du compte rendu, M. Tieger, encore

 13   une fois, confirme la théorie de l'Accusation, je le cite : "Le pilonnage

 14   de Knin et d'autres villes était l'essentiel du plan pour chasser les

 15   Serbes."

 16   Par conséquent, si cette allégation de pilonnage illicite sur une grande

 17   échelle n'est pas étayée par les éléments de preuve, l'ensemble de la

 18   théorie de l'entreprise criminelle commune présentée par l'Accusation

 19   s'effondre.

 20   Comme nous le présenterons dans nos arguments d'aujourd'hui, après une

 21   enquête exhaustive qui a duré 14 ans, le Procureur n'a pas réussi à fournir

 22   des éléments de preuve susceptibles d'étayer une certitude concernant les

 23   chefs d'accusation énoncés dans l'acte d'accusation. Pour commencer, en ce

 24   qui concerne la persécution au titre du chef d'accusation 1, il n'y a

 25   aucune preuve quelle qu'elle soit que l'opération Tempête était, en fait,

 26   illicite, et une attaque discriminatoire dirigée non pas contre des

 27   objectifs militaires mais plutôt dirigée contre la population civile serbe.

 28   L'Accusation n'a pas produit d'élément concluant d'une seule attaque

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  1   illicite ou d'un seul décès de civil ou de blessure résultant d'une telle

  2   attaque, en dépit de la charge qu'elle a de prouver que ces actes illicites

  3   avaient été commis sur une échelle systématique et étendue comme l'exige

  4   l'article 5.

  5   Deuxièmement, en ce qui concerne les expulsions et transferts forcés

  6   mentionnés aux chefs 1 et 3, parce qu'il n'y a aucun élément d'attaque

  7   illicite contre les civils, il s'ensuit qu'il n'y a également aucun élément

  8   de preuve que leur déplacement ait résulté d'éléments, de motifs qui

  9   n'étaient pas permis en droit international, comme l'exige l'article 5(d)

 10   et (i). En plus de cela, il n'y a aucun élément de preuve que le pilonnage,

 11   qu'il ait été illicite ou non, ait été la cause de la fuite des civils. Il

 12   n'y a également aucun élément de preuve selon lequel les civils seraient

 13   restés sur place si la Croatie avait pris la Krajina par des moyens autres

 14   que des tirs d'artillerie. Les éléments de preuve de la propagande de la

 15   RSK et les ordres d'évacuation ne font que renforcer la conclusion qu'il

 16   n'y a pas de lien de cause à effet entre les pilonnages et la fuite des

 17   civils comme l'exigeraient les articles 5(d) et (i).

 18   Notre thèse, c'est qu'il y a tout simplement aucun élément de preuve direct

 19   ni indirect pour soutenir que la théorie essentielle de l'Accusation,

 20   l'entreprise criminelle commune à Brioni, avec l'intention de terroriser et

 21   d'obliger des civils pour des raisons de discrimination à s'enfuir, et pour

 22   étayer la thèse de l'Accusation, que des crimes d'attaque illicites et

 23   d'expulsion aient été, en fait, commis, indépendamment de l'existence d'une

 24   entreprise criminelle commune. Les éléments de preuve ne prouvent tout

 25   simplement ni l'intention coupable mens rea ni l'actus reus pour ces crimes

 26   qui sont à l'essentiel de l'acte d'accusation.

 27   Troisièmement, en ce qui concerne les destructions sans motif, et le fait

 28   de terroriser des civils, les obliger à s'enfuir, je voudrais maintenant

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  1   présenter --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Akhavan, la vitesse de ce que

  3   vous dites est encore très élevée, et bien qu'ils aient maintenant le

  4   texte, les interprètes et peut-être également les sténos essaient de

  5   rattraper, mais ce n'est pas de cette façon que vous devriez ralentir de

  6   façon à ce que nous puissions avoir une transcription et une traduction

  7   directe.

  8   Veuillez poursuivre.

  9   M. AKHAVAN : [interprétation] Mes excuses à la Chambre et aux

 10   traducteurs.

 11   Compte tenu du fait qu'il existe des éléments de preuve non contestés de

 12   l'existence des ordres cherchant à maintenir l'ordre et de faire respecter

 13   la loi, et indépendamment des éléments de preuve démontrant la destruction

 14   et l'appropriation des biens serbes comme étant le résultat d'un chaos qui

 15   régnait après l'opération Tempête, il n'y a aucun élément de preuve

 16   montrant qu'il y ait existé une entreprise criminelle commune additionnelle

 17   avec l'intention de piller ou de détruire les biens et aucun élément de

 18   preuve montrant que le général Gotovina aurait contribué de manière

 19   significative à la commission de tels crimes.

 20   Qui plus est, il n'y a pas d'élément de preuve démontrant qu'il y a eu

 21   existence d'une politique visant à accepter que ces crimes d'actes de

 22   violence dans une situation chaotique soient commis comme cela est exigé au

 23   titre de l'article 5.

 24   Quatrièmement, s'agissant des crimes de meurtre et d'actes inhumains, de

 25   traitements cruels, au titre des chefs d'accusation 6 à 9, et sans qu'il y

 26   ait eu preuve de l'existence de la catégorie 1 de l'entreprise criminelle

 27   commune, il n'y a pas de base permettant d'attribuer une responsabilité

 28   criminelle au général Gotovina au titre de la catégorie 3 de l'entreprise

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  1   criminelle commune.

  2   Cinquièmement, s'agissant de la responsabilité pénale, au titre des chefs

  3   d'accusation 1 à 5, fondés sur la responsabilité du supérieur hiérarchique

  4   au titre de l'article 7(3), il n'y a pas d'élément de preuve permettant

  5   d'étayer la théorie de l'Accusation disant que le général Gotovina a failli

  6   de prendre des mesures  raisonnables et nécessaires afin d'empêcher ou de

  7   punir les crimes commis par ses subordonnées. Il n'y a pas d'élément de

  8   preuve démontrant qu'au-delà des ordres réitérés, aux fins d'assurer le

  9   respect du droit international humanitaire, des mesures disciplinaires et

 10   la démobilisation des conscrits, rien de tout cela n'a été contesté par

 11   l'Accusation que le général Gotovina avait des attributions, quelles

 12   qu'elles soient, lui permettant de prendre des mesures supplémentaires. En

 13   particulier, il n'y a pas d'élément de preuve permettant de démontrer que

 14   le général Gotovina exerçait le commandement et le contrôle du 72e

 15   Bataillon de la Police militaire aux fins d'enquêtes au pénal.

 16   Sixièmement, s'agissant de la responsabilité engagée au titre des chefs

 17   d'Accusation 6 à 9, fondés sur la responsabilité du supérieur hiérarchique,

 18   il n'y a pas d'élément de preuve permettant de démontrer que le général

 19   Gotovina a été informé du fait de quelque -- s'est informé de quelque

 20   manière que ce soit du fait qu'au-delà du pillage et des destructions, ses

 21   subordonnées étaient responsables de meurtre ou assassinat ou traitement

 22   inhumain ou cruel des civils.

 23   A présent, permettez-moi d'exposer les éléments en droit qui sont

 24   nécessaires pour démontrer l'existence de chacun de ces crimes et pour

 25   étayer les théories de responsabilité pénale, telles qu'invoquées par

 26   l'Accusation, ainsi que le résumé des éléments permettant de voir que les

 27   éléments de preuve présentés ne permettent pas d'étayer une déclaration de

 28   culpabilité. A cet égard, il n'y a pas lieu de démontrer davantage qu'au

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  1   titre de l'article 98 bis, la charge de l'Accusation ne consiste pas

  2   uniquement à démontrer tous les éléments physiques et le mens rea des

  3   crimes qui ont été invoqués au-delà de tout doute raisonnable, mais

  4   également de démontrer la théorie de responsabilité spécifique telle

  5   qu'elle est exposée par l'Accusation. La Défense doit nécessairement se

  6   reposer sur la théorie de l'Accusation en l'espèce. Elle ne peut pas se

  7   permettre de se lancer dans des conjectures sur des théories hypothétiques

  8   qui n'ont pas été, elles, invoquées par l'Accusation.

  9   Je commencerai par aborder le chef d'accusation invoquant des attaques

 10   illicites sur des civils et des objectifs civils au titre du chef 1. Comme

 11   cela a été mentionné, il s'agit là du cœur même de la théorie de

 12   l'Accusation consistant à dire que le général Gotovina aurait pris part à

 13   travers l'entreprise criminelle commune Brioni telle qu'alléguée et par

 14   l'entremise de l'opération Tempête, et que cette opération de combat aurait

 15   constitué une attaque illicite de persécution sur une grande échelle contre

 16   les civils avec l'intention de les terroriser, de les forcer à partir en

 17   violation à l'article 5(h).

 18   La théorie sur l'entreprise criminelle commune exige que le général

 19   Gotovina ait partagé l'objectif criminel d'une attaque illicite et qu'il

 20   ait contribué de manière significative. Dans l'affaire Brdjanin, la Chambre

 21   d'appel a dit, et je cite :

 22   "Lorsque toutes les exigences pour une responsabilité pénale au titre de

 23   l'entreprise criminelle commune sont satisfaites au-delà de tout doute

 24   raisonnable, l'accusé a fait bien plus que de simplement s'associer avec

 25   des personnes agissant de manière criminelle. Il a l'intention de commettre

 26   le crime; il s'est associé afin d'atteindre cet objectif; et il a fait une

 27   contribution significative."

 28   Qui plus est, dans l'arrêt Krajisnik qui a confirmé récemment le mens rea

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  1   pour la première catégorie de l'entreprise criminelle commune, consiste à

  2   dire que :

  3   "Les participants à l'entreprise criminelle commune, y compris l'accusé,

  4   partageaient le mens rea; en particulier, le mens rea que les crimes tels

  5   qu'articulés dans les dispositions constituant l'objectif doivent être

  6   perpétrés."

  7   Et j'ai cité le paragraphe 200.

  8   "Autrement dit, il est nécessaire qu'il y ait preuve qu'une

  9   entreprise criminelle commune en l'espèce, l'objective criminelle commune a

 10   existé afin de terroriser des civils, spécifiquement par l'entremise des

 11   attaques illicites contre les civils et les objectifs civils, et que le

 12   général Gotovina se soit associé à d'autres afin d'atteindre cet objectif."

 13   L'Accusation se repose sur des portions de la transcription de Brioni.

 14   Afin d'attribuer cette entreprise criminelle commune à nos clients,

 15   donc afin d'attaquer des civils serbes, lorsque nous la repassons dans le

 16   contexte, nous verrons qu'au mieux, elle est très ambiguë, sinon tout à

 17   fait contraire à la théorie de l'Accusation. L'existence d'une entreprise

 18   criminelle commune doit être et en réalité est quelque chose qu'on déduit

 19   de manière indirecte, et c'est ce qui est fait par l'Accusation sur la base

 20   de la manière dont on a mené l'opération Tempête. La question, par

 21   conséquent, qui se pose est de savoir quelles sont les circonstances qui

 22   auraient permis une telle déduction et qu'elle soit acceptée en tant que

 23   preuve ?

 24   Afin de déterminer si la manière de mener les hostilités pendant

 25   l'opération Tempête a constitué une attaque à grande échelle ou

 26   systématique contre la population civile, c'est quelque chose qui dépend

 27   des exigences de l'article 5, la Chambre d'appel dans l'affaire Kunarac a

 28   estimé que, et je cite, :

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  1   "Les lois de la guerre constituent un garde-fou et que la Chambre

  2   doit, par rapport à ce critère qu'il constitue, apprécier la nature de

  3   l'attaque et la légalité des actes qui sont commis pendant l'évolution des

  4   événements."

  5   Par conséquent, s'il n'y a pas d'élément de preuve démontrant que des

  6   opérations de combat ont enfreint aux droits de la guerre sur une grande

  7   échelle, une déclaration de culpabilité au titre de l'article 5 ne peut pas

  8   être maintenue par rapport à l'opération Tempête.

  9   A cet égard, nous nous permettons de relever que pendant la procédure

 10   au titre de l'article 72 sur la compétence du Tribunal, l'Accusation a

 11   invoqué de manière tout à fait véhémente l'argument que le droit de la

 12   guerre sur la conduite des hostilités, ce qu'on appelle le droit de La

 13   Haye, ne s'applique pas aux chefs d'accusation au titre de l'article 5.

 14   L'Accusation a, par conséquent, ajouté des allégations distinctes sur des

 15   attaques illicites en tant qu'acte de persécution, premièrement, dans son

 16   mémoire préalable au procès, et par conséquent dans l'acte d'accusation tel

 17   que modifié au titre du chef 1, et en substance elle a cité le protocole

 18   additionnel I de 1977 tout au long de sa présentation des moyens à charge.

 19   Vous le savez mieux que qui que ce soit, Monsieur le Président, dans

 20   l'affaire Galic, l'Accusation a affirmé, et la Chambre de première instance

 21   a reconnu que, et je cite le paragraphe 144 :

 22   "Lorsqu'on se penche sur les exigences générales de l'article 5, le

 23   corpus des dispositions judiciaires sur la guerre joue un rôle important de

 24   l'appréciation de la légalité des actes qui ont été perpétrés pendant un

 25   conflit armé et quant à savoir si on peut considérer qu'une population a

 26   été prise pour cible en tant que telle."

 27   L'Accusation allègue que les dispositions du protocole I ont été

 28   violées sur une grande échelle en l'espèce des dispositions de l'article 5.

Page 17231

  1   S'agissant des attaques illicites contre les civils et les objectifs

  2   civils, les installations civiles au titre du chef 1, l'affaire Galic

  3   permet d'avoir une déclaration tout à fait utile sur le droit applicable de

  4   la guerre, sur la protection de la population civile au titre de l'article

  5   51 du protocole additionnel I, et je vais m'y pencher brièvement à présent.

  6   Dans ce jugement, la Chambre de première instance a conclu au paragraphe 56

  7   que le crime d'attaque sur les civils exige les éléments spécifiques comme

  8   suit, et je cite :

  9   "Premièrement, des actes de violence dirigés contre la population civile ou

 10   contre des civils pris à titre individuel qui ne participent pas aux

 11   hostilités et qui causent soit la mort, soit portent une atteinte grave à

 12   l'intégrité physique ou à la santé des membres de la population civile.

 13   Deuxièmement, celui qui perpètre un tel acte intentionnellement contre la

 14   population civile ou des civils pris à titre individuel qui ne prennent pas

 15   part aux hostilités a agi donc intentionnellement en en faisant l'objectif

 16   de tels actes de violence."

 17   La Chambre de première instance poursuit au paragraphe 57 que des attaques

 18   arbitraires, à savoir des attaques dont les cibles sont à la fois des

 19   civils ou des bâtiments civils, des objectifs militaires, donc sans aucune

 20   distinction, peuvent être considérées comme étant des attaques contre la

 21   population civile. Par conséquent, le mens rea exigé pour les deux

 22   catégories est étroitement lié.

 23   Pour ce qui est du mens rea d'attaque disproportionnée, la Chambre de

 24   première instance a estimé que l'Accusation doit démontrer dans Galic,

 25   paragraphe 59, que l'attaque a été lancée intentionnellement et en

 26   connaissance des circonstances permettant de savoir qu'il y aura pour

 27   conséquence des victimes civiles en nombre excessif.

 28   Puisque la principale théorie de l'Accusation, le cœur de sa théorie est

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  1   que l'opération Tempête avait pour intention de terroriser la population

  2   civile par le biais de l'utilisation illicite de l'artillerie, il serait

  3   peut-être utile de se pencher brièvement sur le droit applicable sur le

  4   crime du fait de propager la terreur contre les civils au titre de

  5   l'article 51(2) du protocole additionnel I. Même s'il n'a pas été reproché,

  6   ou même si l'Accusation n'a pas allégué cela, ceci nous permet de voir

  7   comment apprécier les allégations consistant à dire que l'opération Tempête

  8   avait pour intention de terroriser les civils.

  9   En expliquant le contexte des opérations de combat au sein duquel sont

 10   censés s'appliquer le droit de la guerre, le commentaire du CICR au

 11   paragraphe 1 940 précise, et je cite :

 12   "Il ne fait aucun doute que des actes de violence qui sont liés à un état

 13   de guerre, pratiquement toujours, donnent lieu à un certain degré de

 14   terreur au sein de la population et parfois même au sein des forces armées.

 15   Il se produit également que des attaques menées sur des forces armées

 16   soient menées intentionnellement brutalement afin d'intimider les

 17   militaires ennemis et afin de les persuader de se rendre. Ce n'est pas le

 18   type de terreur dont on parle ici. Cette disposition a pour intention de

 19   prohiber des actes de violence dont l'objectif premier est de semer la

 20   terreur dans la population civile, sans en contrepartie apporter un

 21   avantage militaire substantiel."

 22   Je ne m'attarderai pas dans une discussion portant sur la nature

 23   d'avantages militaires telle que définie à l'article 52(2) ou sur la longue

 24   liste de ce que peut constituer un objectif militaire tel qu'articulé dans

 25   le droit de la guerre ou par le comité international de la Croix-Rouge.

 26   Mais quels sont les éléments de preuve en l'espèce qui permettent d'étayer

 27   une déclaration de culpabilité consistant à dire que le général Gotovina a

 28   partagé l'objectif criminel commun visant à terroriser et à expulser toute

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  1   une population à travers des attaques illicites sur une grande échelle

  2   contre des civils et des bâtiments civils et que de tels crimes ont

  3   effectivement été perpétrés.

  4   Avec tous le respect à l'égard de l'Accusation, je me permets d'affirmer

  5   que rien en l'espèce, rien ne nous permet de conclure qu'une entreprise

  6   criminelle commune Brioni aurait existée visant à commettre des attaques

  7   illicites ou que de telles attaques se soient jamais produites. La théorie

  8   de l'Accusation, au mieux, démontre uniquement que les forces croates ont

  9   lancé des attaques d'artillerie contre Knin et à d'autres endroits. Les

 10   listes de cibles et les dépositions des témoins nous permettent de voir que

 11   ces sites comportaient toujours de multiples cibles militaires. Rien, aucun

 12   élément de preuve ne permet de démontrer qu'il s'agissait d'attaques

 13   dirigées contre des civils.

 14   L'Accusation n'a présenté aucune analyse de cratères nous permettant

 15   de parler d'arme qui aurait été utilisée pour tirer depuis des positions

 16   croates. Qui plus est, l'Accusation n'a pas présenté ne serait-ce qu'un

 17   seul élément de preuve démontrant l'existence de pertes civiles

 18   disproportionnées ou de dégâts qui auraient été conséquence de feu

 19   d'artillerie sur Knin ou sur toute autre localité dans ce qu'on a appelé

 20   Krajina. Qui plus est, on n'a pas démontré une seule mort de civil, une

 21   seule blessure mortelle de civil qui aurait été conséquence d'attaques

 22   illicites.

 23   Les éléments de preuve consistant à dire qu'en plus de l'artillerie des

 24   lance-roquettes multiples ont été utilisés pendant le combat, ces éléments

 25   de preuve ne démontrent pas non plus l'existence d'attaques illicites. Il

 26   n'y a pas d'élément de preuve quel qu'il soit permettant de démontrer que

 27   des lance-roquettes multiples n'ont pas été dirigés en réalité ou n'étaient

 28   pas capables d'être dirigés contre des cibles militaires spécifiques. Et il

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  1   n'y a pas non plus d'élément de preuve quel qu'il soit, qu'en réalité ils

  2   auraient causé des morts ou des blessures de civils contraire aux

  3   dispositions de la loi ou des dégâts contraire à la loi aux cibles civiles.

  4   Manifestement, l'Accusation, quand elle a tissé sa cause, elle a appliqué

  5   le critère erroné lorsqu'elle a allégué l'existence des attaques illicites.

  6   En particulier, s'agissant de la question de M. Russo adressée à Marko

  7   Rajcic page 16 284 du compte rendu d'audience lignes 12 à 14, lorsqu'il

  8   pose la question comme suit, je cite :

  9   "Question : Les canons de 130 millimètres et les systèmes de lance-

 10   roquettes de 122 millimètres, pouvait-on les utiliser pour tirer sur ces

 11   cibles pour toucher uniquement ces cibles et rien d'autre dans les parages

 12   ?"

 13   Cette question remarquable repose sur une supposition, à savoir qu'il doit

 14   y avoir nécessairement une exactitude de 100 % lorsqu'on se sert de

 15   systèmes d'armes. C'est ne pas tenir compte du tout des exigences des

 16   critères du protocole I qui permettent l'existence de pertes collatérales

 17   et de dégâts collatéraux à condition que ce ne soit pas excessif par

 18   rapport aux avantages militaires qui seront réalisés.

 19   Vu les critères extravagants de M. Russo, toute opération de combat

 20   qui soit menée où que ce soit, constituerait un crime de guerre puisqu'il y

 21   a toujours une marge d'erreur, même lorsqu'on emploie des systèmes

 22   d'armements sophistiqués et précis, tels que les emploient les armées les

 23   plus avancées du monde. En revanche, ce qui existe, ce sont des éléments de

 24   preuve tout à fait considérables démontrant que l'opération Tempête a été

 25   menée avec une précision et des résultats militaires exceptionnels.

 26   M. Kehoe l'expliquera, les seuls éléments de preuve qui ont été

 27   soumis à la Chambre de première instance sur les dégâts collatéraux dus au

 28   pilonnage, y compris les rapports des UNMO et de la police civile des

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  1   Nations Unies, démontrent en fait que ces dégâts n'ont été que minimes par

  2   rapport à la taille de l'opération et qu'ils étaient concentrés autour des

  3   cibles militaires. Par exemple, nous renvoyons la Chambre de première

  4   instance aux pièces P64, P228, D66, et D276.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Akhavan, je vais vous

  6   interrompre un instant, si vous voulez, pour que d'autres n'ont pas à

  7   résoudre ces problèmes par la suite.

  8   La page 17, ligne 10, je pense que le compte rendu est exact. Je

  9   pense que vous avez bien évoqué la page 12 684, mais je pense qu'il

 10   faudrait plutôt lire 16 284. Peut-être que vous vous êtes trompé.

 11   M. AKHAVAN : [interprétation] Oui, c'est exactement comme cela. Vous avez

 12   raison, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maintenant cela figure au

 14   compte rendu d'audience. Vous pouvez poursuivre.

 15   M. AKHAVAN : [interprétation] Nous affirmons que les événements vagues, qui

 16   ne sont que des éléments qui tendent à dire qu'on a tiré de l'artillerie

 17   sur les zones habitées par des civils, ne sont pas suffisants pour affirmer

 18   qu'il s'agissait là d'une attaque illicite. Vous connaissez, Monsieur le

 19   Président, quels étaient les critères en ce qui concerne les moyens de

 20   preuve et qui ont été adoptés dans l'affaire Galic. Dans cette affaire, la

 21   majorité est arrivée à la conclusion que l'attaque à grande échelle a été

 22   prouvée sur une enquête détaillée sur les dépositions au sujet des nombreux

 23   incidents qui concernent aussi bien les pilonnages que les tireurs

 24   embusqués. Et dans le jugement, on parle notamment des civils qui ont été

 25   des cibles au cours des différentes activités telles que les passages des

 26   ambulances dans les hôpitaux, dans les tramways, dans les bus, en faisant

 27   du vélo, en étant à la maison, et cetera. Donc, quand on applique ces

 28   critères, il n'y a absolument pas de preuve qui corrobore une seule attaque

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  1   illicite, et ne parlons même pas des attaques à grande échelle ou

  2   systématiques.

  3   Les éléments présentés par le Procureur ne peuvent même pas

  4   satisfaire cette cause probable, ces critères-là, et ne parlons pas d'une

  5   preuve au-delà de tout doute raisonnable.

  6   Donc, nous considérons que l'allégation de l'attaque illicite contre la

  7   population civile et les objets appartenant aux civils, nous considérons

  8   qu'il ne peut pas être retenu dans son intégralité. Et nous considérons

  9   qu'à cause de cela, l'allégation qui porte sur la théorie de l'ECC à Brioni

 10   aussi tombe dans l'eau.

 11   Je vais vous expliquer pourquoi aussi les allégations concernant

 12   l'expulsion à grande échelle et systématique des civils ne tient pas

 13   debout. Je vais vous expliquer pourquoi.

 14   Donc sur la base des critères qui sont avancés dans l'appel Stakic,

 15   jugement Stakic donc, en vertu de l'article 5(d) et (i), le Procureur doit

 16   prouver au-delà de tout doute raisonnable, que l'intention de l'opération

 17   Tempête était : "De déplacer par la force les personnes, sans qu'il y ait

 18   des coercitions qui sont permises dans le droit international."

 19   Puisqu'il n'y a pas d'élément qui corrobore une attaque illicite,

 20   cette allégation ne peut pas être retenue. Parce que s'il n'y a pas

 21   d'attaque illicite, il n'y a pas non plus de déportation ou d'expulsion

 22   forcée des civils, parce que si le fait est que les civils fuient dans le

 23   cadre ou à cause des situations de guerre, un combat légal ne serait pas

 24   possible, n'existerait pas. Et c'est pour cela qu'on ne peut pas retenir

 25   les chefs 1, 2, et 3. Mais le Procureur, de plus, n'a pas donné de preuve,

 26   aucune preuve que les civils sont partis à cause du pilonnage, qu'il

 27   s'agisse du pilonnage illégal ou légal, et même si c'est l'allégation qui

 28   est au cœur de l'acte d'accusation. Et aussi, on peut dire en revanche que

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  1   les éléments de preuve ont démontré que les civils sont partis conformément

  2   aux ordres et instructions donnés par la Republika Srpska Krajina. Aussi,

  3   on n'a pas donné de preuve que les forces croates sont restées là-bas. On a

  4   démontré même le contraire, à savoir que la propagande de la RSK était

  5   telle que les Serbes indiquaient que la population serbe ne pourrait jamais

  6   vivre dans un Etat croate.

  7   Et aussi, il faut dire que dans l'affaire Stakic, dans le jugement

  8   dans le paragraphe 674, on a dit que : "Le fait de déplacer quelqu'un d'un

  9   territoire est le fait d'exercer l'autorité souveraine."

 10   Je réfère la Chambre au paragraphe 473, à savoir que le contenu du

 11   crime commis ne diffère pas lorsqu'il s'agit de savoir si ça a été perpétré

 12   en tant que crime de guerre, en tant que crime contre l'humanité.

 13   Par conséquent, nous estimons que les éléments de preuve ne

 14   permettent pas d'étayer une déclaration de culpabilité au titre du chef 1

 15   dans sa partie pertinente, au titre des chefs 2 et 3 lus dans leur

 16   intégralité. Il n'y a pas de fondement permettant d'arriver à une

 17   conclusion indirecte qu'il y ait eu une intention d'expulser, et il n'y a

 18   en fait aucune preuve de l'existence de l'actus reus du déplacement forcé

 19   contraire au droit international. La thèse de l'Accusation consiste à dire

 20   qu'il a existé un objectif fondamental de l'entreprise criminelle commune

 21   de Brioni, qui consistait à vouloir pilonner de manière illicite afin

 22   d'expulser massivement la population. Mais ces deux éléments substantiels

 23   n'ont absolument pas été démontrés. Il est difficile, par conséquent, de

 24   démontrer comment est-ce que cette théorie de l'entreprise criminelle

 25   commune puisse être maintenue.

 26   Le manque de preuve indiquant que l'opération Tempête aurait été

 27   illicite est démontré aussi par le fait qu'il n'y a pas d'intention

 28   discriminatoire qui est exigée pour retenir une condamnation par rapport au

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  1   chef 1 tout entier. Sur la base de l'appel Stakic, le Procureur doit

  2   prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'en plus de ces exigences, le

  3   général Gotovina a agi avec l'intention de commettre ces actes sous-jacents

  4   et avec l'intention de procéder à une discrimination sur les bases

  5   politiques, raciales ou religieuses. La Chambre d'appel a aussi indiqué que

  6   l'intention discriminatoire, ces exigences relèvent du dolus specialis.

  7   C'est le degré le plus élevé de mens rea dans le droit international. Dans

  8   le jugement Kupreskic, on peut lire : "L'exigence du mens rea pour le

  9   Procureur est plus élevée que les exigences qui s'appliquent aux crimes

 10   ordinaires contre l'humanité." Aussi on peut lire : "Le Procureur est juste

 11   à un pas du génocide." Cet élément mental veut dire que le Procureur doit

 12   prouver au-delà de tout doute raisonnable que le général Gotovina avait le

 13   désir intentionnel de placer la population serbe civile dans une situation

 14   de discrimination, uniquement à cause de leur appartenance ethnique. Aussi,

 15   dans l'appel Stakic, il est clairement dit que :

 16   "Cette intention discriminatoire ne peut être ni imaginée ni

 17   transférée des auteurs directs. Car il n'est pas important quand il s'agit

 18   d'évaluer l'intention d'un auteur indirect de savoir si l'auteur avait une

 19   telle intention discriminatoire."

 20   Donc, il n'est pas suffisant de dire qu'à cause de l'intention

 21   discriminatoire du président Tudjman, le général Gotovina aussi avait cette

 22   même intention particulière. Ceci n'est pas suffisant pour accepter et pour

 23   élucider de ces éléments une condamnation du général Gotovina par rapport à

 24   ces chefs.

 25   Puisqu'il n'y a pas d'élément de preuve pour appuyer ce qui est au cœur de

 26   la théorie de l'entreprise criminelle commune du Procureur, ou il

 27   s'agissait de terroriser et expulser la population serbe, le Procureur doit

 28   prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'il existait une telle ECC par

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  1   rapport aux pillages et aux destructions sans motif. Il n'y a pas eu

  2   d'élément de présenté comme quoi de tels actes ont jamais été imaginés ou

  3   prévus à Brioni. M. Kehoe va montrer et démontrer que le Procureur ne

  4   conteste pas qu'il y a eu toute une série de réunions de très haut niveau

  5   avant l'opération Tempête, et que les plus hauts officiels de l'Etat croate

  6   ont planifié à reconquérir Krajina et à instaurer l'état de droit dans la

  7   Krajina après la libération. M. Misetic va expliquer que le général

  8   Gotovina a effectivement émis des ordres d'attaque dans lesquels il a

  9   demandé qu'on respecte les conventions de Genève, et aussi qu'on agit de la

 10   façon la plus correcte avec les civils.

 11   Aussi, le Procureur indique tout simplement que l'Etat croate et le

 12   général Gotovina n'ont pas pris les mesures adéquates pour mettre fin à une

 13   politique discriminatoire et des crimes perpétrés contre la population

 14   civile. Il était exact qu'il n'y a pas d'exigences légales pour une telle

 15   politique, mais quand on lit l'article Kupreskic, on peut lire qu'il existe

 16   le besoin que les crimes contre l'humanité ont été au moins tolérés par un

 17   Etat, par un gouvernement ou par une entité. Aussi dans l'article 72(A) du

 18   Statut de l'ICC, on dit clairement qu'un tel agissement doit comprendre

 19   plusieurs actes commis, actes qui sont interdits, et ceci en accord avec la

 20   politique d'un Etat.

 21   En ce qui concerne le jugement Tadic, paragraphe 653, on peut y lire

 22   que la raison pour lesquelles les crimes contre l'humanité sont aussi

 23   choquants est parce qu'il ne s'agit là pas des actes isolés contre des

 24   individus. C'est le caractère cumulatif qui est choquant, donc des crimes

 25   commis contre les individus ne peuvent pas représenter un crime contre

 26   l'humanité. Le Procureur, effectivement, a peut-être prouvé que l'Etat

 27   croate aurait dû faire plus d'effort et aurait dû fournir plus de

 28   ressources pour empêcher les crimes, puisqu'au fur et à mesure des milliers

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  1   de personnes retournaient chez elles dans leurs maisons, dans cette région

  2   lointaine. Mais on n'a pas présenté des preuves que l'Etat croate vraiment

  3   avait ces ressources, disposait de ces ressources. Le Procureur a peut-être

  4   au mieux prouvé, comme c'est le cas avec les forces de l'OTAN au Kosovo,

  5   que les forces croates étaient peut-être un peu négligentes quand il s'agit

  6   d'assurer l'existence de l'état de droit après l'opération. Mais ceci n'est

  7   pas suffisant en vertu de l'article 5.

  8   Par rapport à cela, le Procureur ne peut pas tout simplement pas

  9   alléguer qu'il y a eu une entreprise criminelle commune qui a été décidée à

 10   Brioni. L'appel Krajisnik a récemment indiqué que le concept de

 11   l'entreprise criminelle commune n'est pas un concept fluide, et qu'au-delà

 12   on ne peut pas attribuer tous les crimes à l'accusé sans preuves

 13   supplémentaires. Le Procureur ne peut pas tout simplement dire qu'il y a eu

 14   une entreprise criminelle commune ayant pour but à procéder au nettoyage

 15   ethnique. Mais il faut vraiment montrer de moyens de preuve extrêmement

 16   précis pour corroborer chacun des crimes. Le Procureur doit prouver, comme

 17   il est indiqué dans l'appel Krajisnik, qu'il existe des preuves concrètes

 18   quant aux dates de crimes allégués, et au moment où ces crimes ont été

 19   incorporés dans l'entreprise criminelle commune. Ceci figure à l'article

 20   171.

 21   Puisqu'il n'y a pas de preuve qu'il existait une telle entreprise

 22   criminelle commune ayant pour but à terroriser et expulser la population

 23   civile, et ceci par le biais du pilonnage illicite, cela veut dire qu'on ne

 24   peut pas accepter toute cette théorie, surtout en ce qui concerne les chefs

 25   1, 4 et 5. De plus, puisqu'il n'a pas été prouvé qu'il y a eu cette

 26   entreprise criminelle commune au-delà de tout doute raisonnable, on ne peut

 27   pas retenir les chefs 6 à 9. Donc, nous affirmons qu'il faut rejeter tous

 28   les chefs de l'acte d'accusation dans la mesure où ces chefs reposent sur

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  1   la responsabilité en vertu de l'entreprise criminelle commune.

  2   Enfin, Monsieur le Président, j'examinerai maintenant la seule base qui

  3   reste de responsabilité, qui est la responsabilité du commandement au titre

  4   de l'article 7(3).

  5   Comme énoncé précédemment et comme l'expliquera Me Misetic de façon

  6   plus détaillée, le général Gotovina a pris un certain nombre de mesures

  7   disciplinaires et de mesures de prévention. La théorie de l'Accusation en

  8   vertu de l'article 7(3) se repose essentiellement sur l'allégation que ces

  9   mesures ne constituaient pas des mesures nécessaires et raisonnables pour

 10   empêcher ou pour prévenir ou pour punir ces crimes, que le général Gotovina

 11   aurait dû faire des efforts plus sérieux.

 12   L'Accusation, dans son mémoire préalable au procès, au paragraphe 67,

 13   présente des allégations précises selon lesquelles les mesures nécessaires

 14   et raisonnables qui auraient pu être prises par Gotovina comprenaient des

 15   enquêtes sur les allégations d'utilisation de la police militaire, et le

 16   fait d'avoir prévenu les autorités militaires et le procureur en imposant

 17   immédiatement des mesures disciplinaires ou des sentences disciplinaires

 18   aux subordonnés qui étaient soupçonnés pour empêcher qu'il y ait de

 19   nouveaux crimes.

 20   Comme mon confrère Me Misetic expliquera, au-delà de ces allégations,

 21   l'Accusation n'a pas fourni de preuves sur ce qui constitue des mesures

 22   raisonnables et nécessaires pour un commandant opérationnel ayant les

 23   responsabilités du général Gotovina. Et comme l'Accusation l'admet dans son

 24   mémoire préalable au procès, le général Gotovina était responsable de 130

 25   000 soldats au cours de l'opération Tempête.

 26   Nous notons également que l'Accusation a décidé de ne pas faire

 27   déposer Andrew Pringle, qui faisait partie de la liste des témoins experts

 28   de l'Accusation sur la question de la responsabilité du commandement.

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  1   Le jugement de première instance Halilovic indique lorsqu'il est

  2   nécessaire et que les mesures raisonnables sont en fait prises -- ceci est

  3   décrit au paragraphe 74 sur la question de savoir si les ordres précis pour

  4   empêcher ou prévenir les activités criminelles ont été prises, quelles

  5   mesures ont été prises pour assurer la mise en œuvre de ces ordres qui ont

  6   été pris, quelles autres mesures ont été prises pour assurer que les actes

  7   illicites soient interrompus, et après la commission des crimes, quelles

  8   mesures ont été prises pour assurer une enquête adéquate et pour traduire

  9   les auteurs en justice. L'Accusation ne nie pas que le général Gotovina ait

 10   donné des ordres et ait pris des mesures disciplinaires. Au contraire, à la

 11   place, elle se centre sur le fait qu'il n'y a pas eu d'investigation ou

 12   d'enquête sur les crimes. A cet égard, le jugement de première instance

 13   dans l'affaire Hadzihasanovic indique au paragraphe 1061 que : "Le fait de

 14   renvoyer la question aux autorités judiciaires militaires appropriées est

 15   une mesure nécessaire et raisonnable, lorsqu'un commandant n'est pas en

 16   mesure d'effectuer ses propres enquêtes pénales."

 17   Comme Me Misetic l'expliquera, il n'y a aucun élément de preuve selon

 18   lequel le général Gotovina n'aurait pas référé les crimes à la police

 19   militaire. On n'a pas confié les enquêtes à ce sujet. Il n'y a aucun

 20   élément de preuve selon lequel une enquête criminelle ait été de la

 21   compétence du général Gotovina. Dans l'arrêt Blaskic, on lit au paragraphe

 22   72 que : "…les mesures raisonnables nécessaires sont celles qui peuvent

 23   être prises dans la compétence d'un commandant, comme ceci est démontré par

 24   le degré de véritable contrôle qu'il avait sur ses subordonnés."

 25   A cet égard, les preuves présentées par l'Accusation, prises au

 26   niveau le plus élevé, se bornent à prouver que le général Gotovina avait

 27   des droits d'intervention généraux en ce qui concerne la police militaire.

 28   L'arrêt Halilovic indique, de façon expresse, que ceci ne constitue pas une

Page 17244

  1   base suffisante pour l'attribution d'une responsabilité du commandement.

  2   Dans l'espèce, la Chambre d'appel, citant la célèbre affaire du haut

  3   commandement devant le tribunal militaire des Etats-Unis, a estimé ceci, au

  4   paragraphe 212 :

  5   "En tant que commandant en chef d'un groupe d'armée, les devoirs qui

  6   s'imposent au maréchal von Leeb étaient exclusivement opérationnels, et son

  7   quartier général et son personnel avaient des fonctions strictement

  8   opérationnelles. Par conséquent, son autorité sur le terrain, ou son droit

  9   exécutif, était davantage de la nature d'un droit d'intervenir que d'une

 10   responsabilité directe."

 11   Le tribunal militaire a jugé que dans les circonstances de l'espèce, il

 12   n'était pas estimé qu'une responsabilité pénale s'attachait au maréchal

 13   simplement sur la base de la théorie de la subordination et du commandement

 14   global.

 15   Envisageant un acquittement à cet égard du maréchal von Leeb dans l'affaire

 16   du haut commandement, en dépit des éléments de preuve qu'il y avait eu des

 17   atrocités en masse par les forces nazies dans les territoires occupés, il

 18   serait inconcevable de retenir la responsabilité du général Gotovina au

 19   titre de l'article 7(3), simplement parce qu'il aurait eu des droits

 20   d'intervention généraux en ce qui concerne la police militaire. Nous

 21   faisons donc valoir qu'il n'y a pas d'élément de preuve selon lequel on

 22   pourrait étayer un prononcé sur la base de l'article 7(3) de culpabilité,

 23   et que, par conséquent, tous les chefs d'Accusation doivent être rejetés

 24   par la Chambre de première instance.

 25   En résumé, Monsieur le Président, membres de la Chambre, l'Accusation n'a

 26   pas présenté la preuve au-delà de tout doute raisonnable de la

 27   responsabilité pénale du général Gotovina pour aucun des chefs d'Accusation

 28   dans l'acte d'accusation commun. En conséquent, nous prions

Page 17245

  1   respectueusement la Chambre de première instance de rendre un jugement

  2   d'acquittement sur tous les chefs d'accusation.

  3   Ceci conclut ma plaidoirie. Je vous remercie de votre attention et prie

  4   maintenant la Chambre de donner la parole à mon collègue, Me Kehoe.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Akhavan.

  6   Maître Kehoe, regardons la pendule, est-ce que vous préfériez commencer

  7   maintenant et suspendre au bout de 12 ou 15 minutes, ou est-ce que vous

  8   préfériez que nous suspendions maintenant pour reprendre à 11 heures moins

  9   le quart ?

 10   M. KEHOE : [interprétation] Je suis à votre disposition, Monsieur le

 11   Président.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais --

 13   M. KEHOE : [interprétation] Peut-être que nous pouvons suspendre maintenant

 14   et on commencera comme vous l'avez dit. Ça sera peut-être un peu plus

 15   facile.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc, nous allons suspendre la

 17   séance maintenant, et nous reprendrons à 11 heures moins le quart.

 18   --- L'audience est suspendue à 10 heures 19.

 19   --- L'audience est reprise à 10 heures 49.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 22   Bonjour à toutes et à tous.

 23   Je souhaite prendre la parole à la suite de M. Akhavan, et je me

 24   pencherai avant tout sur les allégations en égard à l'existence de

 25   l'entreprise criminelle commune.

 26   En substance, comme Me Akhavan l'a déjà rappelé, l'allégation de

 27   participation du général Gotovina à l'entreprise criminelle commune

 28   consistait à lui imputer l'existence d'un plan visant à expulser la

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  1   population civile serbe de Krajina, disant que ce plan est quelque chose

  2   qui a été conçu lors de la réunion de Brioni, et que le général Gotovina a

  3   partagé l'objectif criminel, et qu'il a apporté une contribution

  4   significative à la réalisation de cette entreprise à travers l'utilisation

  5   de l'artillerie pendant l'opération Tempête.

  6   Je vais essayer de présenter et de rappeler les éléments de preuve

  7   qui concernent cet aspect des allégations. Il convient de prendre en

  8   considération l'ensemble des éléments de preuve sur lesquels se repose

  9   l'Accusation. En formulant ces allégations eu égard à l'entreprise

 10   criminelle commune, plusieurs éléments sont importants. Premièrement, bien

 11   entendu, la libération de la Krajina comme ayant été quelque chose de

 12   planifié par les forces croates pendant des années. Le deuxième élément,

 13   que le plan d'utiliser l'artillerie et les lance-roquettes sur les

 14   objectifs militaires de Knin et dans d'autres localités, que c'est quelque

 15   chose qui a été planifié bien avant la réunion de Brioni. Ensuite, que la

 16   population civile serbe a commencé à quitter la Krajina avant l'opération

 17   Tempête. De même, qu'en parallèle avec la planification de l'opération

 18   Tempête, les ministères de tutelle croates se préparaient à procéder à une

 19   réintégration pacifique de la Krajina et la restauration de l'ordre public

 20   dans cette région. Enfin, que le pilonnage a été fait afin d'apporter appui

 21   à l'offensive militaire, et nous allons donc passer en revue ces différents

 22   éléments. Il n'y avait pas de perte de vie ni de dégâts causés aux

 23   structures civiles de Knin de manière abusive ou dans d'autres localités,

 24   suite à ces pilonnages du 4 et 5.

 25   Pendant ces propos liminaires et dans son mémoire préalable au

 26   procès, l'Accusation a souligné l'importance de la réunion de Brioni.

 27   J'appelle l'attention de la Chambre sur un point. Avant de passer en revue

 28   ces points qui ont été soumis par l'Accusation, replaçons la réunion de

Page 17247

  1   Brioni dans le contexte de l'ensemble des éléments de preuve qui ont été

  2   présentés à la Chambre. Ce que nous savons c'est qu'avant la réunion de

  3   Brioni, un plan a été conçu afin de reprendre la Krajina, et le plan afin

  4   de se servir de l'artillerie contre Knin et contre d'autres localités a été

  5   conçu également avec une liste d'objectifs précisés, et que ceci a existé

  6   au moins depuis 1993. Je m'appuie là sur la déclaration de Rajcic, D1425,

  7   paragraphe 50.

  8   Qu'en savons-nous de plus ? Nous savons que comme nous avançons vers

  9   la date du 31 juillet, il nous faut nous polariser sur la directive qui

 10   émane de l'état-major principal de la HV du 26 juin 1995, il s'agit là de

 11   la pièce D956. Que nous permet d'apprendre cette directive qui se situe à

 12   plus d'un mois avant la réunion de Brioni ? Ce que nous y apprenons c'est

 13   que l'état-major principal donne l'instruction au général Gotovina et à

 14   d'autres commandants qui se situent au niveau des districts qu'il va

 15   falloir se servir de l'artillerie et des lance-roquettes contre Knin,

 16   contre Benkovac et contre d'autres localités. Si vous vous penchez sur le

 17   texte anglais de ce document, cela se situe page 5.

 18   Nous pouvons remarquer également page 6 de la pièce D956, au chapitre

 19   7, appui d'artillerie et des lance-roquettes, que cet appui devrait se

 20   focaliser sur le fait de neutraliser l'état-major principal de la VRS, et

 21   le poste de commandement du 7e Corps d'armée à Knin, les postes de

 22   commandement des brigades, les concentrations des effectifs ennemis, et

 23   cetera, puis la dernière phrase évoque le fait d'empêcher une contre-

 24   attaque lancée par l'ennemi en provenance de Knin, Kastel, Zegarski et

 25   Benkovac.

 26   Puis ce que nous savons également c'est qu'après la réunion de Brioni une

 27   visite s'est déroulée, la visite rendue par l'ambassadeur Galbraith au

 28   président Tudjman, au compte rendu d'audience du procès page 4 928, ligne

Page 17248

  1   13, jusqu'à la page 4 929, ligne 2. Lors de cette conversation, entre

  2   autres, l'ambassadeur Galbraith précise à l'attention du président Tudjman

  3   que la population serbe devrait être protégée, que les prisonniers de

  4   guerre devront recevoir un traitement correct, et que la sécurité des

  5   forces de paix onusiennes est de première importance.

  6   Cette même date, Marko Rajcic, il s'agit de la pièce D425, paragraphe 9,

  7   lors d'une réunion avec le général Gotovina, le général Gotovina souligne

  8   que l'objectif des efforts qu'il déploie est de remporter une victoire

  9   militaire et que l'opération a uniquement pour objectif de s'en prendre aux

 10   militaires ennemis.

 11   Personne ne s'attendait à ce qu'il y ait des changements dramatiques dans

 12   les ordres qui sont donnés par les commandants de districts militaires,

 13   tels que le général Gotovina, afin d'expulser la population civile de Knin.

 14   En fait, ce que nous voyons c'est quelque chose qui va à l'opposé de cela.

 15   Je cite maintenant la pièce P1125, l'ordre Kozjak, il s'agit de l'ordre en

 16   date du 2 août 1995. En fait, deux autres villes devaient être attaquées en

 17   plus suite aux ordres du 26 juin de l'état-major principal, il s'agit

 18   d'Obrovac et de Gracac. Mais ce qui est très important c'est que la

 19   première localité qui figure sur cette liste c'est la ville de Drvar.

 20   Quelle est l'importance de Drvar qu'il convient d'attaquer avec des pièces

 21   d'artillerie comme les autres villes ? Cette ville se situe en Bosnie-

 22   Herzégovine, et non pas en Krajina, non pas sur le territoire de la

 23   République de Croatie. Quel est l'objectif militaire qui préside à cela ?

 24   C'est que l'armée des Serbes de Bosnie est déployée dans cette zone, bien

 25   entendu, et le général Gotovina devait protéger son flan pendant sa

 26   progression vers Knin et vers le reste de la Krajina.

 27   S'il s'agissait d'une opération lancée par l'artillerie dirigée

 28   contre une population civile, si cela avait été le cas il y aurait eu des

Page 17249

  1   bombardements significatifs de la population civile avec autant de pièces

  2   d'artillerie que possible compte tenu des circonstances dans lesquelles se

  3   trouvait l'armée croate à ce moment-là. Mais malheureusement, l'ordre

  4   initial du 26 juin de l'état-major principal prévoit six dotations de

  5   combat, et contrairement à cela, l'ordre du 2 août du général Gotovina

  6   réduit cela à quatre dotations de combat. Donc ce qui se passe c'est que le

  7   général Gotovina donne l'ordre suite à la réunion de Brioni et avant

  8   l'opération Tempête, le général Gotovina donne l'ordre d'utiliser moins

  9   d'artillerie.

 10   L'Accusation, pour sa part, dans son mémoire préalable au procès, dans ses

 11   propos liminaires et en présentant ses éléments de preuve affirme qu'il y a

 12   eu un désaccord exprimé pendant la réunion de Brioni sur l'expulsion des

 13   Serbes de Krajina, et s'agissant du général Gotovina sur l'utilisation de

 14   l'artillerie. Penchons-nous maintenant, si vous le voulez bien, sur les

 15   références qui ont été soumises à la Chambre de la part de l'Accusation

 16   pour étayer cette affirmation. A travers l'ensemble de la présentation des

 17   moyens de preuve de l'Accusation, ces références sont assez parlantes.

 18   Premièrement, nous en avons une page 425 du compte rendu d'audience

 19   présentée par M. Tieger, lignes 9 à 11. M. Tieger souligne des commentaires

 20   qui ont été proférés par le général Gotovina : "S'il y a un ordre

 21   d'attaquer à Knin, nous détruirons la ville dans sa totalité en quelques

 22   heures."

 23   Quelle est l'importance de cette référence ? Ça prête à confusion, on

 24   se pose des questions lorsqu'on voit cela puisque nous savons qu'on n'a pas

 25   détruit Knin. Effectivement, page 444 du compte rendu d'audience, le

 26   Procureur reconnaît cela, lignes 13 et 14.

 27   Voyons maintenant quel est l'extrait suivant, page 426, lignes 20 à 24. Ici

 28   il y a un certain désaccord, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

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  1   Juges, sur la traduction de cet extrait puisque la Défense offre une

  2   articulation différente dans la traduction. Il est dit ici, à ce moment-là,

  3   comme ayant été prononcé par le général Gotovina :

  4   "A ce moment-là nous pouvons nous lancer dans des opérations tout à

  5   fait précises à Knin de manière systématique sans nous en prendre," et

  6   cetera.

  7   "A ce stade, tous les éléments et toutes les armes étaient guidés."

  8   Le général Gotovina dit ici que "des opérations tout à fait précises

  9   peuvent être menées sans s'en prendre aux casernes où sont situés les

 10   effectifs de la mission ONURC en Croatie."

 11   Nous savons également, et nous avons cette référence dans ce même document

 12   page 461, lignes 21 et 22, que le général Zagorec, qui était l'officier

 13   chargé de la logistique, est présent à cette réunion, qu'il exprime

 14   certaines préoccupations pour ce qui est de leurs munitions. Il dit :

 15   "La seule chose qui m'intéresse maintenant c'est cela. Je lance un

 16   appel à tous les commandants de prendre en considération la quantité des

 17   munitions utilisées pendant ces opérations. Nous avons des réserves pour

 18   quelque cinq jours."

 19   Donc nous avons une appréciation du chef de la logistique disant que les

 20   munitions sont limitées et nous avons aussi le commentaire du général

 21   Gotovina disant que les pièces d'artillerie peuvent être utilisées afin de

 22   diriger leurs tirs de manière précise et planifiée.

 23   Puis la page 426 des propos liminaires du Procureur, un commentaire

 24   qui cite les propos du général Gotovina. Il s'agit de la date du 31 juillet

 25   1995, donc c'est avant l'opération Tempête. Ligne 4 : "si nous continuons à

 26   exercer cette pression, probablement pendant les moments qui sont devant

 27   nous, il n'y aura pas autant de civils, juste ceux qui doivent rester et

 28   qui n'ont pas la possibilité de partir."

Page 17251

  1   Alors, le Procureur rappelle que cela se réfère à l'artillerie. Mais

  2   reprenons un point très important dans ce contexte, à savoir avant le 4

  3   août 1995, l'armée croate n'avait jamais pilonné Knin et c'est vrai

  4   également pour la plupart des localités dont les noms ont été présentés en

  5   l'espèce. Je pense qu'il y a eu des éléments de déposition disant que par

  6   intermittence on aurait bombardé Benkovac en 1993 et 1994, mais de toute

  7   évidence, avant le 31 juillet il n'y avait jamais eu de pilonnage. Nous

  8   avons vu que la HV a avancé considérablement en 1994, puis on a pris Glamoc

  9   et Bosanski Grahovo, et cetera. La pression qui a été exercée ce n'était

 10   pas la pression exercée par l'artillerie, c'est quelque chose qui va

 11   seulement se produire au futur.

 12   Enfin, le commentaire disant que les Serbes partiraient lorsqu'on dit

 13   qu'il n'y aura pas autant de civils, premièrement, on sait que la

 14   population serbe après la chute de Bosansko Grahovo et Glamoc était en

 15   train de partir. Puis aussi, le Procureur reconnaît lui-même à travers son

 16   propre témoin, l'ambassadeur Galbraith, que si les secteurs nord et sud

 17   allaient tomber, il dit que les Serbes de la Krajina allaient partir. Je

 18   vous réfère au journal de l'ambassadeur. Je cite les propos mêmes de

 19   l'ambassadeur : "Si les Croates s'emparaient du territoire," pièce P459, et

 20   il se réfère aux secteurs sud et nord, "les Serbes de Krajina partiraient.

 21   Ils pourraient être réinstallés dans le secteur est et pourraient

 22   constituer une menace aux aspirations de Milosevic sur ce territoire, le

 23   territoire qu'il souhaite pour la Grande-Serbie."

 24   Si cela ne prouve rien -- là je précise qu'il s'agit d'une note dans

 25   le journal de l'ambassadeur Galbraith du 15 juin 1995.

 26   Voyons ce qui en est des commentaires prononcés par le président

 27   Tudjman, et c'est quelque chose qui a été également cité par l'Accusation.

 28   Franchement, si nous nous penchons sur la première remarque, page 429

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  1   [comme interprété], il est dit ici par le Procureur que le président

  2   Tudjman est ambigu dans ses propos.

  3   Il s'agit du compte rendu d'audience, pages 423 et 424, et on cite

  4   les propos du président Tudjman, le début ligne 3 :

  5   "De quelle manière allons-nous résoudre cela ? C'est justement de

  6   cela que nous parlons aujourd'hui. Il nous faut infliger de telles pertes

  7   que les Serbes disparaîtront, en tout état de cause, ces zones que nous ne

  8   prendrons pas, il faudra qu'elles capitulent en quelques jours. Par

  9   conséquent, notre mission principale n'est pas Bihac, mais de lancer de

 10   telles actions dans différentes directions que les forces serbes ne

 11   pourront plus s'en remettre, il leur faudra capituler."

 12   De toute évidence, des propos du président Tudjman, il ressort qu'il

 13   se réfère à une attaque visant à l'emporter sur les forces serbes,

 14   remporter une victoire sur les forces serbes. C'est tout à fait clair et

 15   limpide.

 16   Et le commentaire suivant qui a souvent été cité par le Procureur,

 17   c'est encore page 424 et 425, mais je vais vous replacer cela entièrement

 18   dans le contexte.

 19   "Messieurs, j'accepte vos points de vue en principe. Mais il y manque

 20   quelque chose, à savoir le fait que dans une telle situation, lorsque nous

 21   lancerions une offensive générale dans cette zone, il y aurait même plus de

 22   panique dans Knin que maintenant."

 23   De toute évidence, il se réfère à cette situation de panique le 31

 24   juillet à Knin, et c'est la suite des offensives qui ont été lancées par

 25   l'armée croate tout au long de l'été, et en effet, cela date de l'hiver

 26   1994, et c'est prolongé en été 1995.

 27   Maintenant, si vous reprenez les commentaires entendus par mon

 28   confrère, Me Akhavan, il y aurait encore plus de panique comme résultat

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  1   d'une offensive militaire. Bien entendu, je ne pense pas qu'on pourrait

  2   contester cela.

  3   Mais il n'y a pas eu une référence qui se réfère à une panique qui

  4   serait due au recours à l'artillerie, mais une panique qui est due à la

  5   situation générale qui prévaut. Donc, regardons ce qui figure dans le

  6   transcript de Brioni, parce qu'il a été utilisé comme la base pour avoir

  7   cette réunion avec, à l'esprit, une entreprise criminelle commune. Il n'y a

  8   pas eu de réunion, il n'y a pas eu d'accord, il n'y a pas eu d'accord pour

  9   prendre part à une entreprise criminelle. Il n'y avait pas de preuve sur la

 10   base de cet accord et le Procureur a beaucoup insisté pour dire qu'il

 11   s'agissait-là, en réalité, d'une entreprise criminelle commune, mais il ne

 12   l'a pas prouvé.

 13   Parce que le Procureur a dit : Bon, regardons comment cette opération

 14   s'est faite. Regardons comment elle s'est développée, l'opération Tempête.

 15   Parce que si on regarde cela, effectivement que là, on va pouvoir trouver

 16   l'intention à mener à bien cette entreprise criminelle commune quelle que

 17   soit sa forme, même en ayant à l'esprit le problème soulevé dans l'appel

 18   Krajisnik. Donc, on va examiner cela, même à la lumière la plus favorable

 19   au Procureur, parce que je pense que même en adoptant ce point de vue, il

 20   n'a pas été prouvé l'existence de l'entreprise criminelle commune ou d'une

 21   participation importante dans une entreprise criminelle commune parce que

 22   l'attaque a eu lieu à Krajina les 4 et 5 août 1995 était une attaque licite

 23   du début à la fin. Et on va regarder quelques points soulevés par le

 24   Procureur, parce que vous allez devoir examiner tous les éléments présentés

 25   par le Procureur, et nous sommes bien d'accord avec cela.

 26   Donc, un des points, c'est encore l'ordre Kozjak. Là, il s'agit de la

 27   pièce P1125 [comme interprété] page 14, et ils ont cité à de nombreuse

 28   reprises cette phrase : Placer sous les feux d'artillerie, les villes de

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  1   Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac. De quoi s'agit-il là ? Tout

  2   d'abord, il faut placer dans le contexte la phrase toute entière et ne pas

  3   regarder juste le document et les paragraphes du document, mais aussi

  4   placer cela dans le contexte de toutes les pièces, notamment les pièces

  5   écrites par la personne qui a écrit l'ordre Kozjak, à savoir Marko Rajcic.

  6   Donc, quand on regarde ce document, là, on voit l'intention du

  7   commandant et je vais lire ce que l'on peut y lire là : 

  8   "La mission de groupes d'artillerie et de lance-roquettes organisés,

  9   les TRS et TRS-2 le long des axes de l'attaque principale s'est focalisée

 10   sur le support en artillerie donné aux forces principales dans l'opération

 11   d'offensive à travers de frappes puissantes pour percer les lignes de

 12   l'ennemi, le poste de commandement, le centre de communication, et les

 13   postions des tirs de l'artillerie."

 14   M. Rajcic, on l'a fait venir, et quand on l'a fait venir, on ne lui a

 15   pas posé de question sur cette portion-là du document. Donc, la Défense

 16   Gotovina lui a posé la question, et je voudrais vraiment placer cela dans

 17   le contexte. Pour ce faire, je fais référence à la page 16 535, ligne 7, et

 18   page 16 536, line 6. Et on lui a posé la question, on lui a dit qu'il a

 19   écrit lui-même cet ordre, on lui a posé la question :

 20   "Question : Est-ce que l'intention de cette ligne qui figure dans cet

 21   ordre était de tirer sur les cibles militaires planifiées à l'avance ou

 22   est-ce qu'il s'agissait-là de tirer de façon indiscriminée dans la ville ?

 23   "Réponse : Moi, je n'ai jamais écrit un tel ordre, à savoir de tirer

 24   de façon indiscriminée."

 25   Ensuite le paragraphe -- enfin la ligne 24 de cette même page :

 26   "L'autre question que je posais, est-ce que l'intention de cet ordre

 27   était de tirer sur les cibles militaires que vous avez définies et

 28   planifiées avant le début de l'opération Tempête ?"

Page 17255

  1   "Réponse : "Excusez-moi. C'est quelque chose toujours impliqué,

  2   c'était comme cela qu'on l'a compris, en tout cas, en ce qui me concerne.

  3   Autrement dit, pour moi, c'était une obligation. Il ne s'agissait que de

  4   tirer sur des cibles, des cibles ayant des coordonnées précises. Moi, j'ai

  5   toujours dit que c'était le cas, et c'est comme cela qu'on l'a compris. Et

  6   c'est pour cela que je ne l'explique pas à chaque fois à nouveau."

  7   Ce qui est intéressant, c'est que cette formulation qui se trouve

  8   dans l'ordre Kozjak et dans les pièces qui ont été jointes à cet ordre, on

  9   n'y trouve pas ces mêmes propos parce que ceci n'a été adressé qu'à

 10   quelques personnes. Donc, qu'est-ce qu'on peut en tirer de ce qui a été dit

 11   ici parce que le Procureur y tient tant ? Tout d'abord, on ne parle pas de

 12   la population civile, on ne cible pas la population civile; ensuite, on ne

 13   cible pas la population civile afin de provoquer une situation de panique

 14   auprès de la même population; et ensuite troisièmement, on ne dit pas qu'il

 15   faut gaspiller la munition si chère sur les cibles qui ne sont pas des

 16   cibles militaires. C'est vraiment le contraire qui est dit ici.

 17   Mais le Procureur a aussi présenté l'argument que l'attaque du 4 et

 18   du 5 août était dirigée contre la population civile en réalité et que la

 19   façon dont ont été menés les combats constituait une attaque à large

 20   échelle et systématique perpétrée contre la population civile. Comme vous

 21   le savez, et je sais que vous avez travaillé dans l'affaire Galic, Monsieur

 22   le Président, pour déterminer une infraction au titre de l'article 5, il

 23   faut être gouverné par les lois de la guerre, et pour être accusé de cela,

 24   il faut aussi satisfaire les critères de l'article 3 qui fait partie de

 25   l'article 5.

 26   Il n'y a pas eu de moyens de preuve présentés par les Procureurs, pas

 27   un seul élément qui indiquerait qu'il y a eu une seule attaque illicite

 28   pendant l'opération Tempête, et nous ne parlons même pas d'une attaque à

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  1   grande échelle et systématique perpétrée contre la population civile. Il

  2   n'y en a pas eu une seule, d'attaque illicite. Evidemment, le fait est

  3   qu'il ait pu y avoir quelques balles égarées qui ont eu pour cible la

  4   population civile à la fin. Cela ne veut pas dire et cela ne représente pas

  5   une attaque systématique perpétrée contre la population civile.

  6   Ce que nous savons, c'est que le Procureur n'a pas pu satisfaire les

  7   exigences de l'article 51 du protocole I, et parce qu'il n'a pas été prouvé

  8   que c'était la population civile qui était la cible de l'attaque. Au

  9   contraire, ce que les Juges ont entendu au cours de la présentation des

 10   moyens de preuve du Procureur c'est un, que la population civile n'a pas

 11   été prise pour cible, et que quand le HV avait planifié ses opérations

 12   d'artillerie, ils ont fait l'effort pour minimiser les victimes parmi la

 13   population civile. Où est-ce que nous trouvons cela ? Tout simplement dans

 14   la déclaration de M. Rajcic au paragraphe 17 de la pièce D1425.

 15   Quand on parle d'une attaque dont la cible est la population civile,

 16   si on avait pu avoir accès aux analyses des cratères telles que vous avez

 17   eues, par exemple dans l'affaire Galic, de façon assez fréquente

 18   d'ailleurs, ceci aurait pu représenter un moyen de preuve d'une telle

 19   attaque, d'un tel caractère de l'attaque. Mais nous n'avons pas -- nous

 20   avons une analyse de cratère qui a été effectuée, présentée par M. Anttila,

 21   ceci figure à la page 2 686, ligne 19, et 2 689, ligne 9. Mais il se trouve

 22   que ce cratère était provoqué par un tir venant des lignes serbes. Et pour

 23   cela, je vous demande aussi d'examiner davantage des pièces telles que les

 24   pièces D80, D81, D82, D166, et D167.

 25   Donc, on va imaginer de façon hypothétique que cet obus qui a été trouvé

 26   par M. Anttila était effectivement un obus tiré par le HV, et pas par les

 27   forces serbes. Cet événement à lui seul, cet incident ne prouve d'aucune

 28   façon que la population civile était la cible de l'attaque.

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  1   Ensuite, nous a-t-on parlé, le Procureur notamment, évidemment par le

  2   biais du colonel Konings, et je pense aussi par M. Rajcic, on a exprimé un

  3   doute quant à l'utilisation des systèmes d'artillerie qui ont été utilisés

  4   au cours de l'attaque. Et quand on parle des armes qui ont été utilisées

  5   pour attaquer Knin, on parle des canons T130 et 122 millimètres. Et

  6   apparemment, le problème se pose au niveau des lance-roquettes multiples

  7   qui ne peuvent pas, quand on les utilise, être suffisamment précis pour

  8   faire une différence entre les cibles civiles et militaires. Mais ceci

  9   n'est pas prévu dans l'article 51, parce que dans cet article, on parle des

 10   armes chimiques ou des engins incendiaires. On en sait quelque chose parce

 11   qu'en Irak, par exemple, il y a eu pas mal d'engins semblables qui ont été

 12   utilisés, comme les missiles SCUD, par exemple, qui ont une marge d'erreur

 13   de 6 à 10 kilomètres. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. On n'a pas

 14   utilisé de tels engins pendant l'opération Tempête. Mon confrère vous a

 15   parlé de cette conclusion exprimée par M. Russo, à savoir que quand on

 16   utilise un canon T130 ou un lance-roquettes multiple, est-ce qu'il y a une

 17   marge d'erreur ou une précision à 100 %. Même une arme à main ne peut pas

 18   être aussi précise.

 19   Avec la distance impliquée, ceci n'existe pas, et les lois

 20   internationales n'interdisent pas l'utilisation de ces armes, contrairement

 21   à l'utilisation des armes chimiques, par exemple.

 22   Mais la question qui se pose, c'est de savoir si ces systèmes d'armes

 23   peuvent être utilisés contre des cibles militaires, c'est l'exigence de

 24   l'article 51. Nous savons, à partir de cette directive du 26 juin 1995, que

 25   le quartier général principal du HV est arrivé à la conclusion que c'était

 26   bien le cas, qu'on pouvait les utiliser dans ce cadre. Et nous le savons

 27   aussi, d'après ce que M. Rajcic a dit, à nouveau, cela se trouve dans la

 28   pièce D1425, paragraphe 16, à savoir qu'ils ont choisi précisément ces

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  1   armes parce qu'on pouvait les utiliser contre les cibles militaires.

  2   Et ce qui est encore plus important, c'est que l'expert du Procureur, à

  3   savoir le lieutenant Konings, a dit que de telles armes peuvent être

  4   utilisées contre les cibles militaires. Ce qui veut dire que l'utilisation

  5   même de ces armes ne constitue pas une infraction par rapport à

  6   l'utilisation des armes licites.

  7   L'article 51 parle aussi de la question de proportionnalité et, c'est

  8   important parce que là, je vais citer rapidement l'article 51, 5(B) :

  9   "L'attaque peut être faite afin d'infliger des dégâts aux biens civils et à

 10   la population civile qui serait disproportionnée par rapport aux objectifs

 11   des combats ou par rapport à l'avantage militaire, au gain militaire

 12   anticipé par l'opération."

 13   On va réfléchir à cela à la lumière des éléments présentés.

 14   Donc ce que nous savons, ce que nous avons déduit de la déposition de

 15   M. Rajcic, c'est que l'attaque sur Knin a représenté un avantage militaire

 16   important, significatif, car il s'agissait d'anéantir le quartier général

 17   principal de l'armée de la Krajina, d'anéantir les moyens de communication,

 18   de neutraliser le 7e Corps de la Krajina, et il s'agissait d'un effort

 19   militaire qui a été couronné de succès très rapidement et qui a fait que

 20   l'ARSK a capitulé très rapidement.

 21   Donc si l'on examine cela à la lumière de la proportionnalité, et

 22   nous regardons ce qui s'est passé après coup et quand il s'agit de

 23   respecter les droits de guerre, vous agissez en tant que commandant

 24   raisonnable. Mais de toute façon, quand on regarde le produit de la

 25   campagne de cette action militaire, c'est cela qui est important

 26   d'examiner, parce qu'on souhaite savoir si le général Gotovina n'a pas

 27   réussi à évaluer les dégâts disproportionnels éventuellement provoqués par

 28   l'attaque.

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  1   Et maintenant, nous savons q'il n'y a pas eu de tels dégâts

  2   disproportionnés. Nous savons qu'il n'y en a pas eu. Comment ? Parce que

  3   nous avons examiné cela à travers différents rapports et dépositions des

  4   Nations Unies, de l'UNCIVPOL, et d'autres individus qui étaient présents

  5   sur le terrain. Et tout ceci est reflété dans les pièce P64, P228, D66,

  6   D276.

  7   Mais à nouveau, quand on réfléchit à la proportionnalité, c'est

  8   important de savoir exactement quels sont les cibles civiles endommagées. A

  9   nouveau, nous n'avons pas d'analyse de cratères qui a été faite suite aux

 10   tirs d'artillerie sur Knin le 4 et le 5. Mais il est aussi important

 11   d'évaluer les dégâts infligés à la population civile. Combien de civils

 12   sont morts suite à cette prétendue attaque disproportionnée ? Le Procureur

 13   a réussi à prouver la mort d'une personne. Le Dr Clark ne pouvait que

 14   conclure qu'il n'y avait qu'une seule victime civile à Knin, et ceci suite

 15   aux blessures provoquées par éclats d'obus sans pouvoir pour autant établir

 16   s'il s'agissait d'une mine, d'une grenade à main, ou bien autre chose, il

 17   ne pouvait pas se prononcer par rapport à cela.

 18   Encore ce qui est plus important, c'est que le Pr Puhovski, au niveau

 19   du compte rendu d'audience pages 15 971 et 15 972, n'était pas capable de

 20   dire qu'il y a eu une perte excessive au niveau de la population civile

 21   suite à l'attaque d'artillerie.

 22   Donc qu'est-ce qui nous reste ? Nous avons une bonne et adéquate

 23   utilisation des armes concentrée sur les cibles militaires, infligeant des

 24   dégâts minimaux aussi bien aux bâtiments et aux structures civiles qu'à la

 25   population civile, puisque nous n'avons qu'un civil qui est mort suite à

 26   l'opération Tempête. Donc il n'a pas été prouvé du tout qu'il s'agissait là

 27   d'une attaque ayant des conséquences disproportionnées par rapport aux

 28   avantages qui auraient pu être acquis, à savoir neutraliser la force

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  1   ennemie, les moyens de communication et aboutir à une capitulation rapide

  2   des forces de la RSK.

  3   En ce qui concerne les chefs du Procureur, l'attaque illicite et les chefs

  4   de persécution ne peuvent pas être retenus. Il faut absolument les rejeter

  5   parce que le Procureur a omis à démontrer que le général Gotovina avait

  6   cette intention discriminatoire de persécuter la population civile.

  7   On va maintenant revenir sur l'élément de l'entreprise criminelle commune.

  8   Le général Gotovina n'a certainement pas partagé un but criminel avec qui

  9   que ce soit, il n'a certainement pas participé à l'entreprise criminelle

 10   commune.

 11   Si l'on examine le paragraphe 12 de l'acte d'accusation, il y a une

 12   tentative qui vise à englober pratiquement tous ces crimes en un total et

 13   d'une façon quelque peu artificielle. Je vais tenter d'expliquer tout cela.

 14   Très clairement, le général Gotovina est accusé d'avoir fait partie d'une

 15   entreprise criminelle commune ayant un objectif commun notamment qui semble

 16   être le pillage et l'incendie systématique. Etant donné le fait qu'il n'y a

 17   eu qu'une seule réunion à laquelle l'Accusation fait référence sur cette

 18   question à Brioni, on doit exclure, à moins que nous entendions autre chose

 19   à ce sujet et nous n'avons pas entendu dans le passé quoi que ce soit de

 20   différent, que ce plan pour incendier et piller, là encore, aurait été

 21   ourdi à Brioni le 31 juillet 1995. Alors, Monsieur le Président, vous

 22   rechercherez en vain une discussion de ce genre, elle n'existe pas.

 23   Au contraire nous avons une situation tout à fait remarquable, là

 24   encore si on replace cette réunion de Brioni dans son contexte, avec toute

 25   une variété d'événements intéressants présentés au cours des moyens à

 26   charge. J'ai déjà mentionné cette réunion du 1er août avec l'ambassadeur

 27   Galbraith. Il en est question à la page 428 et 429, où l'ambassadeur

 28   Galbraith dit au président Tudjman de protéger la population civile,

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  1   assurer sa sécurité.

  2   Excusez-moi, donc 4928, 4929.

  3   Ceci est suivi par une réunion qui a eu lieu le 2 août 1995 dont il

  4   est question en D409 où le ministre Susak, le général Cervenko, et le

  5   général Markac, et bien d'autres, il y a un grand nombre de personnes là,

  6   vous voyez que le général Susak met en garde ces personnes pour dire que

  7   toutes les infractions doivent être empêchées, les commandants de districts

  8   militaires ou de régions militaires avec une Défense territoriale doivent

  9   transmettre à leurs autres commandants l'interdiction d'incendier ou de

 10   piller, et doivent empêcher que les personnes en question soient traduites

 11   en justice.

 12   Par la suite, le même jour dans l'après-midi, à 17 heures 30, une

 13   réunion analogue a eu lieu où le ministre Susak, le ministre Jarnjak se

 14   trouvent avec M. Lausic et M. Moric, là encore, en train de planifier ce

 15   qui va se passer lorsque la Krajina sera prise. Il y a encore une réunion

 16   le 3 où Moric et Lausic ont d'autres plans encore pour cet aspect. Nous

 17   avons le général Gotovina le 2 août après sa réunion avec Susak, et cetera,

 18   qui donne un ordre selon lequel il ne doit y avoir aucun pillage ni

 19   incendie. C'est à D201, qui fait partie de P1125. Je me dois d'ajouter que

 20   quand j'ai montré ce document à l'ambassadeur Galbraith il a noté que

 21   c'était le type de documents qu'il cherchait à voir transmettre par

 22   quelqu'un comme le général Gotovina pendant l'opération Tempête, référence

 23   5035, lignes 1 à 4.

 24   Regardons les allégations faites par l'Accusation en ce qui concerne

 25   Brioni. Il faut que nous voyions également qu'il y a une série d'ordres qui

 26   sont donnés par les niveaux les plus élevés du gouvernement croate pour

 27   protéger la population civile et pour arrêter tout pillage et incendie et

 28   établir l'ordre, donnés donc aux niveaux les plus élevés, et certainement

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  1   par le ministre Susak et le ministre Jarnjak. Si on devait suivre la

  2   position intenable présentée par l'Accusation, ces ordres étaient donnés

  3   avec l'idée que personne ne les suivrait parce que c'est la seule équation

  4   sur laquelle la position de l'Accusation aurait un sens.

  5   Mais ce qui est intéressant c'est que j'ai posé cette question

  6   précise à l'ambassadeur Galbraith à la page 5 079, aux lignes 23 à 25, il y

  7   a un peu des allées et venues là-dessus, il y a des discussions antérieures

  8   à cela. Mais pour l'essentiel, j'ai demandé à l'ambassadeur Galbraith si le

  9   ministre Jarnjak et le ministre Susak auraient donné des ordres que le

 10   président Tudjman ne voulait voir obéis.

 11   La réponse était non. Là encore, en ce qui concerne cette réunion

 12   Brioni ou toute autre réunion, il n'y a tout simplement aucun accord de

 13   participer aux pillages ou aux incendies dans la Krajina ni qu'il y ait la

 14   moindre preuve que le général Gotovina ait contribué d'une façon quelconque

 15   à une tentative de ce genre.

 16   Voyons les autres aspects de l'entreprise criminelle commune, à savoir les

 17   destructions qui ont eu lieu dans la Krajina après l'opération Tempête.

 18   Nous n'allons pas dire qu'il n'y a pas eu d'incendie ni de pillage après

 19   l'opération Tempête. L'appréciation des observateurs militaires de l'ONU,

 20   certainement la dernière que l'on voit en P176. Ce qui était clair à partir

 21   de l'analyse de ce document et pas seulement d'après les témoins, mais les

 22   documents qui ont été présentés par la Défense Gotovina, en fait, à la fois

 23   les villages serbes et croates ont été détruits à l'occasion et que dans

 24   d'autres cas des villages à la fois serbes et croates n'ont pas été

 25   détruits selon les cas. Donc nous avons essayé de comprendre quelle était

 26   cette position paradoxale de thèse de l'Accusation en D1327. Le Procureur

 27   soutient dans sa déclaration liminaire à la page 457, lignes 21 à 23, que

 28   les soldats de la HV et de la police ont continué à piller les maisons à

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  1   Knin, à l'exception des maisons marquées comme appartenant à des Croates

  2   qui ont été de façon très visible protégées ou préservés.

  3   Ceci finalement n'a pas été exact non plus. Si nous regardons le

  4   compte rendu de Peter Marti à la page 4 686 où il parle d'une personne qui

  5   a indiqué que telle ou telle maison était croate en l'inscrivant à

  6   l'extérieur et qu'il avait été interrogé à ce sujet, il commence par parler

  7   d'une jeune femme qui avait écrit ceci sur sa maison, maison croate. A la

  8   ligne 13 : 

  9   "Question : Est-ce que c'était une jeune femme, une femme âgée ?

 10   "Réponse : Elle était très jeune, mais c'était une civile, oui.

 11   "Question : Vous avez noté à la ligne 16 qu'écrire 'maison croate' n'était

 12   pas toujours une garantie que la maison resterait intacte. Est-ce que

 13   c'était votre expérience ?

 14   "Réponse : Oui.

 15   "Question : Il est arrivé que parfois des maisons aient été incendiées ou

 16   en partie endommagées qui avaient déjà l'indication 'propriété croate' ou

 17   quelque chose de ce genre."

 18   Je lis ici littéralement ce qui est dit :

 19   "Question : Parfois ça ne faisait aucune différence, n'est-ce pas ?

 20   Réponse : Oui."

 21   Ceci en fait a été étayé par les commentaires faits par M. Boucher à la

 22   page 14 047, ligne 13, où il dit que :

 23   "Il y a bien eu -- on voyait bien 'ne pas toucher', 'Hrvatska kuca', ce qui

 24   veut dire 'maison croate'. Mais on voyait qu'il y avait des portes qui

 25   avaient été enfoncées dans ces maisons."

 26   Alors que montrent les éléments de preuve ? Certainement qu'il n'y a

 27   rien qui provienne de la réunion Brioni ou d'une autre réunion selon

 28   laquelle un accord aurait été formé pour permettre que ce comportement ait

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  1   lieu. Alors que nous reste-t-il ? Il nous reste les commentaires et

  2   l'appréciation là encore faite par un témoin de l'Accusation Peter Marti,

  3   où il parle -- je crois que ceci est dans sa déclaration à la pièce P415,

  4   pages 3 et 4, il dit que la meilleure description du pillage qui a eu lieu

  5   à Knin serait en fait de faire des courses sans payer. Son opinion

  6   personnelle était qu'il y avait vraiment des civils, et il parle de

  7   personnes qui causaient des dommages. "Mon opinion personnelle est que

  8   c'étaient vraiment des civils, peut-être qu'ils avaient été précédemment

  9   dans l'armée. Mais le pillage n'avait pas été ordonné par quelqu'un. Parce

 10   qu'on ne pouvait pas voir de schéma systématique à cela si ce n'est le fait

 11   que le pillage était plus ou moins total."

 12   Tout ce que nous avons comme élément de preuve présenté par

 13   l'Accusation c'est aucune preuve que ce comportement ait été approuvé,

 14   aucun élément de preuve que le général Gotovina ait en quoi que ce soit

 15   contribué à cela dans cette réunion, et que de tels actes criminels

 16   faisaient partie de son objectif à partir du moment où l'opération Tempête

 17   a été achevée. En fait, ils ont remporté un succès trop grand en agissant

 18   trop vite pour le reprendre. Le simple argument en l'occurrence, c'est que

 19   le gouvernement croate aurait dû essayer plus fort de rétablir l'ordre et

 20   la force de la loi sur place. Alors il se peut qu'il y ait un acte de

 21   négligence de la part du gouvernement croate, mais certainement ceci

 22   n'équivaut pas à une conduite criminelle de la part de qui que ce soit, et

 23   moins encore de la part du général Gotovina.

 24   Revenons à Brdjanin : Un accusé qui devait avoir une intention de

 25   commettre un crime; ceci se référant à la responsabilité pour l'entreprise

 26   criminelle commune. Il aurait eu l'intention de commettre un crime avec

 27   d'autres en adhérant à un objectif; en apportant une contribution

 28   importante à la commission d'un crime.

Page 17266

  1   Il suffit de dire qu'il n'y a aucun élément de preuve à l'appui des

  2   allégations selon lesquelles il y aurait eu la moindre intention de la part

  3   du général Gotovina de commettre un crime ou un délit, et qu'il se soit uni

  4   à d'autres pour commettre de tels crimes, et qu'il ait volontairement et

  5   intentionnellement rejoint d'autres personnes à commettre de tels crimes,

  6   non plus qu'il ait contribué de façon significative à la commission d'un

  7   crime étant donné le fait que la seule chose dont il soit accusé c'est des

  8   tirs d'artillerie sur Knin, dont nous avons compris qu'en fait à tous

  9   égards ils étaient licites.

 10   La dernière partie de l'argument est le fait de ne pas avoir puni en

 11   vertu de la responsabilité 7(3).

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi.

 14   La question est de savoir si le général Gotovina a pris des mesures

 15   nécessaires et raisonnables pour prévenir et punir des délits par ses

 16   subordonnées.

 17   C'est la seule question qui reste à examiner parce que les thèses de

 18   l'Accusation au total ne tiennent pas à la suite des motifs indiqués

 19   précédemment, il n'a pas été établi de façon à pouvoir satisfaire aux

 20   critères de l'article 98 bis.

 21   Nous allons passer maintenant à la discussion des mesures

 22   nécessaires, et je voudrais maintenant donner la parole à mon confrère, Me

 23   Misetic.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kehoe.

 25   Maître Misetic, à en juger d'après mon décompte du temps, la Défense

 26   Gotovina a utilisé deux heures et trois minutes. Non, sept ou huit jusqu'à

 27   présent.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Donc j'ai jusqu'à midi ?

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi.

  2   M. MISETIC : [interprétation] Je peux prendre la parole jusqu'à 12 heures

  3   40.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je ne sais pas s'il nous faudra une

  5   autre pause ou non. Mais si vous parlez jusqu'à 12 heures 40, nous aurons

  6   peut-être une petite pause à ce moment-là. J'ai peur que ça fasse un peu

  7   trop pour une bande d'enregistrement, essayez de voir où on pourrait

  8   suspendre.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Oui, j'essaierai de trouver le moment qui s'y

 10   prête le mieux.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, vous avez la parole.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

 13   Juges.

 14   Je reprends là où se sont arrêtés Me Kehoe et Me Akhavan, à savoir la

 15   question de la responsabilité pénale au titre de l'article 7(3) et la

 16   question de la responsabilité pour des meurtres. Il s'agit de deux

 17   questions dont je m'occuperai aujourd'hui. Comme Me Akhavan l'a déjà dit

 18   aujourd'hui, la question est de savoir si l'Accusation a présenté des

 19   éléments de preuve valables qui permettent une déclaration de culpabilité

 20   au-delà de tout doute raisonnable.

 21   Notre position est qu'aucun élément de preuve n'a été présenté

 22   permettant de démontrer que des attaques illicites à grande échelle ont été

 23   lancées dans le cadre de l'opération Tempête, aucun élément de preuve d'une

 24   entreprise criminelle commune afin de commettre des pillages et des

 25   incendies à grande échelle, ou, en tout état de cause, aucun élément de

 26   preuve de l'intention qu'aurait eu le général Gotovina et de la

 27   participation du général Gotovina à une telle entreprise criminelle

 28   commune. Donc, la seule chose qui reste c'est la question de la

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  1   responsabilité pénale au titre de l'article 7(3) du Statut.

  2   La théorie de l'Accusation repose sur le manquement allégué de

  3   l'accusé de prendre des mesures nécessaires et raisonnables afin d'empêcher

  4   de punir des crimes commis par ses subordonnés. Alors quels sont les

  5   éléments de preuve nécessaires pour prononcer une déclaration de

  6   culpabilité lorsqu'il y a manquement d'agir. Dans le jugement Halilovic, on

  7   lit comme suit : quant à savoir si des ordres spécifiques empêchant ou

  8   arrêtant des activités criminelles ont été émis, quelles mesures permettant

  9   de garantir la mise en œuvre de ces ordres ont été prises, quelles sont

 10   d'autres mesures qui ont été prises interrompant la commission ou la

 11   perpétration d'actes illicites, et quant à savoir est-ce que ces mesures

 12   ont été raisonnablement suffisantes dans des circonstances spécifiques, et

 13   après la perpétration du crime, quelles sont les mesures qui ont été prises

 14   afin d'assurer une enquête appropriée afin de traduire devant la justice

 15   les auteurs.

 16   L'Accusation ne nie pas le fait que le général Gotovina a pris les mesures

 17   suivantes pour empêcher des crimes : formation sur le plan du droit

 18   humanitaire, rapport Theunens, page 252 à l'ordre d'attaque Gotovina. A

 19   D201, il a exigé des rapports, des rapports démontrant qu'il y a eu

 20   conformation au droit international humanitaire de la part de ses

 21   effectifs. Il a émis des ordres réitérés afin de maintenir la discipline,

 22   et cetera. Nous avons également la pièce P71, page 83. Dans la soirée du 4,

 23   un ordre oral demandant que Knin ne traverse pas la même expérience que

 24   Grahovo. Nous avons la pièce P71, page 84, dans la matinée du 5, le général

 25   Gotovina donne un autre ordre oral. Il demande lorsque l'information est

 26   parvenue au commandement opérationnel du général Gotovina, que la 7e

 27   Brigade de la Garde allait rentrer dans Knin. Il est enregistré que le

 28   général Gotovina a ordonné que l'on respecte de la plus grande correction

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  1   les civils et que l'on se comporte correctement à l'égard des forces

  2   onusiennes. Cet ordre a été transmis à tous les groupes opérationnels et

  3   leurs commandants.

  4   Puis le 5 ou le 6, vous avez vu quelle est l'ambiance dans laquelle

  5   le général Gotovina agit. Nous avons la fameuse vidéo de la réunion du 6 à

  6   la forteresse de Knin. Puis cette même vidéo est celle où le général

  7   Gotovina émet un ordre oral exigeant que tout le butin de guerre soit

  8   enregistré en bonne et due forme. Le lendemain, la pièce D981, l'ordre

  9   écrit de Gotovina du 7 août demandant expressément qu'il y ait

 10   l'enregistrement du butin de guerre, et un comité qui va mener une

 11   vérification des listes. Sur la base des éléments qui viennent du terrain,

 12   le général Gotovina émet un autre ordre le 10 août, la pièce D204, où il

 13   agit afin de prévenir les vols de biens, comportement contraire aux règles

 14   de la discipline. Afin de sauver des vies humaines, il prohibe tout

 15   mouvement arbitraire des effectifs de la HV dans les zones libérées. Il

 16   ordonne que les commandants prennent toutes les mesures nécessaires afin

 17   d'empêcher l'incendie et le comportement contraire à la discipline.

 18   Ensuite, le 15 [comme interprété] août, la branche des affaires

 19   politiques du commandement du district militaire de Split, c'est la pièce

 20   P911 [comme interprété], émet une mise en garde aux affaires politiques à

 21   un échelon inférieur aux officiers de ce secteur-là, leur demandant de se

 22   montrer plus énergique dans la prévention de la criminalité, y compris

 23   l'incendie et le vol. C'est une pièce qui est particulièrement importante

 24   et qui n'est pas contestée par l'Accusation. En revanche, il s'agit d'une

 25   pièce de l'Accusation. Parce qu'ici nous avons une référence au fait qu'il

 26   s'agit d'une politique du président Tudjman et du ministre Susak, que ce

 27   sont eux qui exigent que ce type d'activité criminelle soit arrêtée. Là

 28   encore, dans le contexte général qui est de savoir si l'Accusation a soumis

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  1   suffisamment de preuves de l'entreprise criminelle commune, nous estimons,

  2   nous avançons que la pièce P911 [comme interprété] est le seul élément

  3   discret de preuve présenté par l'Accusation quant aux intentions des deux

  4   des membres allégués de l'entreprise criminelle commune. Sans aucun doute,

  5   il s'agit d'élément de preuve qui montre qu'il s'agissait que ces individus

  6   estimaient que la politique provenait du président Tudjman et du ministre

  7   Susak.

  8   Après avoir donné l'ordre à ses subordonnés d'émettre des mesures, de

  9   prendre des mesures disciplinaires afin de protéger la vie et les biens, il

 10   a été confirmé par l'expert de l'Accusation, M. Theunens, que dans le

 11   district militaire de Split il y a eu 151 % de plus de mesures

 12   disciplinaires prononcées pendant le troisième quart de l'année que pendant

 13   les deux premiers semestres. Donc, les statistiques montrent que les

 14   mesures disciplinaires qui ont été prises étaient nombreuses précisément

 15   contre des soldats qui étaient absents sans autorisation ou qui s'étaient

 16   absentés sous quelque forme que ce soit de leur unité. C'est quelque chose

 17   qui est directement dû à l'ordre du 10 août, émis par le général Gotovina,

 18   l'ordre D204, la pièce D204, qui est la première mesure que le général

 19   Gotovina a prise afin d'empêcher les vols des biens et les manquements à la

 20   discipline afin de protéger les vies humaines, la première mesure qu'il

 21   prend pour empêcher des mouvements arbitraires des effectifs de la HV, et

 22   cetera.

 23   S'agissant d'unité spécifique ou particulière, les éléments de preuve

 24   qui ont été présentés en l'espèce montrent qu'un commandant particulier a

 25   eu du mal à mettre en œuvre les ordres visant à empêcher le crime. Je parle

 26   maintenant de la pièce D984, eu égard à un rapport du SIS du 18 août,

 27   lorsque le commandement du district militaire de Split apprend que "la 134e

 28   Brigade de la Garde nationale continue de détruire et d'incendier des

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  1   maisons, des habitations, parce que le commandant n'est pas capable

  2   d'exercer l'autorité nécessaire afin de traduire dans les faits les ordres

  3   du Groupe opérationnel ouest." Le commandement du district militaire de

  4   Split agit sur-le-champ sur la base de cet ordre, prend de mesures afin de

  5   s'occuper de l'unité problématique.

  6   La pièce D985, un ordre provenant du général Gotovina qui porte la

  7   même date, immédiatement ordonne la constitution d'une commission afin de

  8   vérifier la liste du butin de guerre de cette unité, la 134e, et d'opérer

  9   une comparaison avec ce qui a été effectivement trouvé sur le terrain.

 10   Les pièces D884 et D885 constituent des ordres du commandement du

 11   district militaire de Split afin de relever de leur fonction tous les

 12   soldats de la 134e Unité qui avaient pris part à un comportement illicite

 13   ou qui enfreignaient la discipline militaire.

 14   La Chambre de première instance se rappellera le contre-

 15   interrogatoire de M. Theunens; 75 % des effectifs de la 134e Unité ont été

 16   démobilisés. Nous pouvons nous en apercevoir en opérant une comparaison

 17   entre la pièce D986, qui évoque l'existence de 2302 membres de cette unité,

 18   la 134e, et le 21 août; la pièce D987, qui, en page 19, cite 581 membres

 19   laissés dans l'unité, moins de 200 étaient des effectifs d'active à ce

 20   moment-là.

 21   Ce qui est très important dans l'appréciation de l'affirmation de

 22   l'Accusation disant que le général Gotovina a failli de prendre des mesures

 23   nécessaires et raisonnables, il est important donc, disais-je, de relever

 24   que M. Theunens reconnaît, page 12 847, qu'après le 18 août, et après ce

 25   rapport sur la 134e, il n'y a plus de rapports dans le journal ou dans le

 26   registre du district militaire de Split, ou tout autre rapport adressé au

 27   commandement du district militaire de Split qui permettrait de comprendre

 28   qu'il y aurait eu des incendies ou des pillages commis par les unités de la

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  1   HV sur le territoire de la République de Croatie, et que c'était quelque

  2   chose qui se poursuivait. Par conséquent, nous soumettons que l'Accusation

  3   n'a pas démontré et n'a pas présenté d'éléments de preuve démontrant que le

  4   général Gotovina aurait été au courant de l'existence que les mesures qu'il

  5   avait prises, y compris celles du 18 août, n'étaient pas suivies des faits.

  6   Il est également important de savoir, en plus des obligations du général

  7   Gotovina, que l'Accusation, dans son mémoire préalable au procès, au

  8   paragraphe 107, affirme que le conflit armé avait lieu et se poursuivait

  9   entre la HV et l'armée de la RSK après la fin de l'opération Tempête, tout

 10   au long du mois d'août, septembre et octobre. Au paragraphe 107 du mémoire

 11   préalable, l'Accusation se réfère même à la contre-offensive du 1er [comme

 12   interprété] août contre les forces du général Gotovina en Bosnie, et

 13   l'Accusation affirme que c'est l'ARSK et non pas la VRS qui a été l'auteur

 14   de cette opération. La position de l'Accusation dans le mémoire préalable

 15   est que les hostilités entre l'ARSK et la HV se sont poursuivies à peu près

 16   jusqu'au 15 octobre.

 17   Donc, en plus des obligations qu'il avait en Bosnie, ce qui fait partie de

 18   la thèse de l'Accusation, il s'est occupé, il a pris des mesures

 19   nécessaires et raisonnables dans la zone qu'il avait libérée. Par

 20   conséquent, la théorie de la responsabilité du supérieur hiérarchique,

 21   telle que présentée par l'Accusation en l'espèce, n'est pas que le général

 22   Gotovina a omis de prendre des mesures nécessaires et raisonnables, mais

 23   plutôt qu'il aurait omis de prendre suffisamment de mesures nécessaires et

 24   raisonnables. Ce qui fait défaut dans la thèse de l'Accusation, cependant,

 25   c'est tout élément de preuve présenté sur des mesures spécifiques qu'aurait

 26   pu prendre le général Gotovina, et qu'il n'a pas prises. A cet effet, il

 27   est important de se pencher sur le rapport d'expert du général Andrew

 28   Pringle, qui était censé témoigner sur des questions de commandement et de

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  1   contrôle. Dans le résumé qui a été déposé, le bureau du Procureur affirme

  2   que le général Pringle allait déposer sur les questions de commandement et

  3   de contrôle, et je cite l'Accusation ici :

  4   "En particulier, sur les accusés Ante Gotovina et Ivan Cermak, sur la

  5   base des documents que l'expert a examiné."

  6   A la fin de la présentation des moyens de l'Accusation, cependant, le

  7   bureau du Procureur n'a pas interrogé le général Pringle sur cette question

  8   de la première importance, et nous estimons que ce manquement est fatal à

  9   la thèse de l'Accusation sur la responsabilité du supérieur hiérarchique.

 10   Qui plus est, l'Accusation a omis d'interroger le témoin pertinent qui

 11   aurait pu le faire, par exemple, M. Theunens ou un autre témoin, le général

 12   Lausic, de les interroger sur des mesures nécessaires et raisonnables que

 13   le général Gotovina aurait pu prendre et ne l'a pas fait.

 14   Vous vous rappellerez le débat que j'ai eu au sujet de l'affirmation de M.

 15   Theunens sur l'imposition de la loi militaire à Drvar en Bosnie. Nous

 16   estimons que, de toute évidence, il ne s'agissait pas d'une mesure

 17   nécessaire et raisonnable. Nous attendons de voir s'il y a une contestation

 18   de la part de l'Accusation. Mais je pense que rien ne peut permettre

 19   d'étayer l'affirmation que le général Gotovina aurait autorisé la junte

 20   militaire dans les zones libérées de la République de Croatie.

 21   L'Accusation, dans son mémoire préalable au procès, au paragraphe 67,

 22   allègue que le général Gotovina aurait pu faire trois choses : il aurait pu

 23   enquêter sur les allégations en se servant de la police militaire; il

 24   aurait pu informer l'autorité militaire ou civile de tutelle, le procureur

 25   en l'occurrence; il aurait pu s'adresser, par exemple, au bureau du

 26   procureur qui est à sa disposition; il aurait pu imposer des mesures

 27   disciplinaires immédiates, prononcer des sanctions disciplinaires.

 28   Même au mieux, si l'on apprécie les éléments de preuve de

Page 17274

  1   l'Accusation que c'est le général Lausic, par l'entremise du commandant

  2   Juric, qui a exercé le commandement et le contrôle de la police militaire,

  3   la prévention du crime, les enquêtes criminelles, et cetera. Dans les

  4   questions supplémentaires qui ont été posées à M. Lausic, l'Accusation lui

  5   a demandé si le général Gotovina avait émis un ordre, et nous estimons que

  6   ce n'est pas une question légitime, c'est une question hypothétique sur un

  7   droit potentiel d'intervenir, et nous estimons que ceci ne suffirait pas

  8   pour constater un manquement de prendre des mesures raisonnables et

  9   nécessaires.

 10   Mais je tiens à signaler pour le compte rendu d'audience que la

 11   Défense Gotovina conteste l'affirmation qu'il avait le droit lui permettant

 12   d'intervenir.

 13   S'agissant de la question d'informer les autorités militaires ou civiles, à

 14   savoir le Procureur en l'occurrence --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous demander, s'il vous plaît,

 16   de manière générale il faudrait que vous ralentissiez votre débit, parce

 17   que je vois que nous avons des problèmes avec l'interprétation française,

 18   sans aucun doute. Même si les mots se ressemblent parfois dans les deux

 19   langues, cela ne signifie pas qu'ils n'ont pas besoin de respirer par

 20   moment.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. Je

 22   présente mes excuses aux cabines et à la Chambre.

 23   Il n'y a pas d'élément de preuve permettant de voir que le général Gotovina

 24   avait une connaissance quelle qu'elle soit de l'existence des crimes,

 25   quelque chose qui n'aurait pas été connu des autorités civiles ou

 26   militaires. C'est tout au contraire. Le général Gotovina se serait reposé

 27   sur des autorités civiles et militaires dans l'obtention de ses éléments

 28   d'information et non pas le contraire. S'agissant des mesures

Page 17275

  1   disciplinaires qu'il a imposées immédiatement, nous en avons déjà parlé.

  2   Nous avons évoqué l'augmentation de 151 % dans les mesures qui ont été

  3   prononcées pendant le troisième semestre de l'année. Alors, qu'est-ce une

  4   mesure nécessaire et raisonnable, quelle est cette mesure que l'Accusation

  5   estime que le général Gotovina a omis de prendre. Puisque cette question

  6   n'a pas été posée à M. Theunens, à M. Lausic, ou à tout autre témoin

  7   pertinent, en décidant de relancer à la déposition du général Pringle, nous

  8   estimons qu'il ne nous reste plus que des conjectures qui ont été avancées

  9   par le conseil de l'Accusation sur ce qu'auraient été des mesures

 10   raisonnables et nécessaires. Nous relevons la réponse hypothétique du

 11   général Forand, page 4 535 du compte rendu d'audience sur le fait de

 12   relever de ses fonctions un commandant si les ordres ne sont pas exécutés.

 13   Toutefois, nous signalons qu'il n'y a pas d'élément de preuve en l'espèce,

 14   qu'une question a été posée au général Forand ou à tout autre témoin sur

 15   des circonstances spécifiques du général Gotovina et sur les circonstances

 16   spécifiques de l'espèce, sur ce qui aurait constitué une mesure appropriée

 17   compte tenu de la situation.

 18   De plus, nous avons une occasion où un commandant n'était pas en

 19   mesure de mettre en œuvre un ordre, et je pense que là, il s'agit du

 20   commandant de la 134e Brigade dont j'ai déjà parlé. Et là, le district

 21   militaire de Split a pratiquement démobilisé toute l'unité 134e, donc

 22   l'unité Domobrani. Et on peut difficilement dire que par rapport à cet

 23   événement, le Procureur a démontré que des mesures n'ont pas été prises, au

 24   moins par rapport à cette unité. Ensuite, vu que le général Gotovina

 25   n'était pas au courant que les mesures prises n'étaient pas efficaces après

 26   le 18 août, le Procureur doit donc montrer quelles étaient ces autres

 27   mesures qu'il aurait pu prendre, et qui auraient mis fin aux activités

 28   criminelles avant le 18 août. Nous affirmons qu'il n'y a pas d'élément pour

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  1   corroborer des telles hypothèses avancées par le bureau du Procureur.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, apparemment vous

  3   réfléchissez à quelque chose, et je voudrais vous informer du fait qu'en ce

  4   qui concerne le côté technique, on pourrait poursuivre jusqu'à 12 heures

  5   40, mais ceci pourrait être long pour les interprètes et les sténotypistes.

  6   Voilà, je voudrais leur poser la question de savoir s'ils s'opposent à ce

  7   que M. Misetic termine son élocution au cours de cette section.

  8   Apparemment, le canal anglais n'a pas de problème avec cela.

  9   L'INTERPRÈTE : On peut poursuivre, on peut poursuivre, Monsieur le

 10   Président.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà, la cabine française nous a donné

 12   sa réponse. Donc on va poursuivre.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Très bien. Donc moi, je vais essayer de

 14   terminer même plus rapidement que cela, et je remercie les interprètes qui

 15   vont travailler davantage.

 16   En ce qui concerne la question du commandement et de contrôle de la police

 17   militaire, c'est un sujet dont on a beaucoup débattu, et les Juges n'ont

 18   pas besoin que l'on repasse par ces questions à nouveau. Toujours est-il

 19   qu'on peut dire qu'il est clair qu'il n'y a pas eu d'élément tel qu'ils

 20   sont en mesure de prouver au-delà de tout doute raisonnable que c'est le

 21   général Gotovina qui était le commandant de la police militaire quand il

 22   s'agit des activités de la prévention de la criminalité, des enquêtes

 23   criminelles et des fonctions judiciaires. Vous avez vu M. Lausic, vous avez

 24   vu les documents, et le Procureur n'a pas contesté le fait que M. Lausic,

 25   par le biais du commandant Juric, avait le contrôle et le commandement

 26   effectif sur la police militaire pour ces fonctions-là. Et ce qui est de

 27   plus important, ou tout au moins aussi important, c'est que tout cela est

 28   consistant avec le système qui existait, qui est entré en vigueur le 2

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  1   août, et les plans qui ont été élaborés le 3 août, et avec les ordres

  2   donnés par le général Lausic en ce qui concerne le "reporting," donc le

  3   commandant Juric était censé faire des rapports à lui directement et pas au

  4   général Gotovina.

  5   Donc, ce qu'on a jusqu'à présent, ce sont des faits suivants, les ordres

  6   ont été émis par le général Lausic par le biais du commandant Juric, et

  7   ensuite les rapports ont été envoyés le long de la même chaîne de

  8   commandement en ce qui concerne les questions de la prévention de la

  9   criminalité, l'enquête criminelle, et les questions judiciaires relatives à

 10   la criminalité. Donc il n'y a pas eu d'élément indiquant que le général

 11   Gotovina a donné des ordres à la police militaire en ce qui concerne ce

 12   domaine d'activité, et il n'y a pas eu de rapports reçus par celui-ci par

 13   rapport à ces activités. Le Procureur ensuite peut dire, et c'est tout ce

 14   qui lui reste, que le général Gotovina recevait les rapports quotidiens,

 15   réguliers du 72e Bataillon de la Police militaire, mais nous pensons qu'il

 16   faut aussi regarder à qui ces rapports ont été envoyés. Parce qu'ils ont

 17   été envoyés aux procureurs militaires, aux commandants de garnison, aux

 18   officiers chargés des questions politiques, et cetera, et cetera. Le

 19   Procureur n'a jamais allégué que le bureau du procureur militaire avait

 20   pour autant le commandement et le contrôle effectif sur la police

 21   militaire.

 22   Donc nous pensons que la question est extrêmement claire. Il n'a pas été

 23   prouvé quoi que ce soit pour corroborer cette théorie. Et je pense que ceci

 24   contredit même l'expert du Procureur quand il dit qu'il existait cette

 25   chaîne de commandement double. M. Theunens était très clair dans son

 26   rapport d'expert. Il a dit que dans la HV, en ce qui concerne la police

 27   militaire aussi, il y avait cette règle de l'unité de commandement, ce qui

 28   veut dire qu'il n'y avait qu'un seul commandant qui pouvait donner des

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  1   ordres sur le même sujet en même temps. Vu la position de M. Theunens, nous

  2   pensons que s'il n'y avait qu'un seul commandant chargé de la prévention de

  3   la criminalité, des enquêtes criminelles, et de la charge de traduire ces

  4   crimes en justice, le seul commandant qui existait était Mate Lausic.

  5   En ce qui concerne les chefs d'assassinat, la Défense demande que les chefs

  6   6 et 7 soient rejetés parce que ceci comprendrait les incidents comprenant

  7   les meurtres ou assassinats qui sont identifiés dans les documents ainsi

  8   que les 337 victimes qui maintenant sont proposées dans la pièce jointe C.

  9   La première raison pour laquelle ces chefs ne peuvent pas être retenus est

 10   qu'on n'a pas prouvé que le général Gotovina savait ou avait des raisons de

 11   savoir que ses subordonnées étaient en train de commettre de tels crimes,

 12   et quand on se réfère au jugement de la Chambre d'appel dans l'affaire

 13   Oric, on peut en tirer la conclusion que le général Gotovina, le fait qu'il

 14   était au courant de l'existence des corps dans le cadre des opérations

 15   d'assainissement, cela ne prouve pas, soit qu'il s'avait que là, il

 16   s'agissait des actes illégaux tels que meurtres ou des assassinats, et cela

 17   ne prouve pas non plus que c'était les subordonnées de Gotovina qui étaient

 18   responsables de ces crimes.

 19   Au cours de la présentation des moyens de preuve du Procureur et la

 20   procédure préalable au procès, on était livré à des conjectures, quant à ce

 21   que le Procureur affirme exactement quand il s'agit de rétablir le mens rea

 22   du général Gotovina quand il s'agit des meurtres ou assassinats. Quand on

 23   analyse les propos préalables du Procureur, nous pensons qu'il s'appuie sur

 24   les rapports d'assainissement du terrain du district militaire de Split, et

 25   il s'agit là des pièces P507, D1057. Cependant, par rapport à cela, il est

 26   important de noter et d'avoir à l'esprit le contre-interrogatoire de M.

 27   Theunens justement à ce sujet.

 28   Parce que M. Theunens, dans son rapport, a consacré un paragraphe

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  1   particulier à la connaissance des crimes du général Gotovina, et quand on

  2   l'a contre-interrogé, dans son rapport, rien n'indique que le général

  3   Gotovina était au courant du fait que ces meurtres étaient été commis. M.

  4   Theunens a eu la possibilité d'examiner et réexaminer son rapport,

  5   d'examiner la base des données du Procureur pour voir s'il est en mesure de

  6   trouver un seul document qui indiquerait que le général Gotovina était au

  7   courant de ces meurtres ou assassinats. Et quand il est revenu le

  8   lendemain, Theunens - et là, ceci se trouve au niveau du compte rendu

  9   d'audience page 12 570 lignes 6 à 16, ainsi que 12 609 lignes 1 à 6 et 13 à

 10   25 - M. Theunens, donc en revenant, a reconnu que lui, il n'a pas pu

 11   trouver d'éléments écrits ou autres éléments qui corroboraient la thèse que

 12   le général Gotovina était au courant de meurtres.

 13   Il est important de dire que c'est l'expert du Procureur qui dit

 14   cela, l'expert qui travaille au bureau du Procureur. Il est aussi important

 15   de dire que M. Theunens citait les rapports d'assainissement de terrains

 16   dans son rapport, ce qui se trouve à la page 167 de son rapport, qui est la

 17   page 427 dans la version en PDF, la page 241 qui est la page 501 dans la

 18   version PDF ainsi que les pages 245 à 246 correspondant aux pages 505 et

 19   506 en version PDF ainsi que la page 262 qui correspond à la page 522 en

 20   version PDF, et surtout les pièces P507 et D1057, et c'est sur cela que

 21   s'appuie le bureau du Procureur quand il s'agit du mens rea et quand il

 22   s'agit du rapport Theunens. Donc là, c'est ce qui nous reste, ce sont les

 23   documents qui nous restent, à moins que ce soit une nouvelle théorie du

 24   Procureur, parce qu'on lui a demandé, on lui a demandé, à ce Procureur s'il

 25   peut réfléchir pour voir s'il peut trouver d'autres éléments qui

 26   corroboraient cela. Il n'a pas pu les trouver. Et lui-même, il ne pensait

 27   pas que les rapports d'assainissement du terrain prouvaient le mens rea du

 28   meurtre.

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  1   Donc nous considérons que si l'expert du Procureur ne pense pas que

  2   de tels documents sont suffisants pour dire que le général Gotovina était

  3   au courant des meurtres, on ne voit pas comment alors le Procureur s'attend

  4   à ce que les Juges en tirent la conclusion sur la base de ces mêmes

  5   rapports et de ces mêmes éléments que le général Gotovina était au courant

  6   de ces meurtres. Il n'a pas prouvé cela au-delà de tout doute raisonnable

  7   comme il se doit.

  8   Ensuite, il n'y a pas suffisamment de base pour ce meurtre. Il n'y a

  9   pas eu suffisamment d'élément pour prouver le meurtre ou les assassinats ou

 10   pour prouver l'entreprise criminelle commune. Et nous voudrions aussi

 11   évoquer la décision Strugar par rapport à l'article 98 où il est possible

 12   donc de rejeter différentes théories, parce que différentes théories n'ont

 13   pas été prouvées suffisamment. Nous pensons qu'en ce qui concerne les chefs

 14   des meurtres ou assassinats, il faudrait que les Juges de la Chambre soient

 15   guidés par la décision Strugar par rapport à l'article 98 bis et rejeter

 16   ces chefs. Ensuite, en ce qui concerne l'omission dans le cadre du mens rea

 17   du général Gotovina, nous pouvons faire une demande par écrit, si vous le

 18   souhaitez, là-dessus. Mais en ce qui concerne ces cas, les cas suivants, il

 19   n'y a pas eu d'élément de preuve présenté par les Procureurs par rapport

 20   aux victimes identifiées dans la pièce jointe de l'acte d'accusation. Il

 21   n'y a pas eu de témoins qui ont déposé au sujet des circonstances alléguées

 22   et il n'y a pas eu de dépositions de témoins concernant ces cas qui sont

 23   comme suit le 9, 11, 21, 23, 24, 29, 31 jusqu'au 34 et y compris le 34, 36

 24   à 38, 39, 41, 77, 78 [comme interprété], 80, 82, 83, 85, 108, 109, 115,

 25   116, 118, 131, 132, 135, 140, 141, les numéros allant du numéro 164

 26   jusqu'au et y compris le numéro 179, les numéros 192, 194, 210, 223, 225,

 27   262, 276, 283 jusqu'à y compris 285, 300, 301, 303, 304, 308 et jusqu'à y

 28   compris 315, 318 et jusqu'à et y compris 320, 322 et 324 jusqu'au 337

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  1   inclus.

  2   Et les éléments non contestés versés par le biais du témoin Clark, le

  3   docteur Clark, concernant les patients de l'hôpital, il était clair que

  4   différentes victimes alléguées dans le cadre de l'acte d'accusation étaient

  5   en réalité les patients de l'hôpital de Knin, et il n'y avait aucun indice

  6   qu'il s'agissait-là de personnes qui avaient été tuées -- enfin de

  7   meurtres. Il s'agit des numéros dans la pièce de clarification numéro 12,

  8   234, 239, 243 et 270.

  9   En ce qui concerne des cas où la cause de la mort n'a pas été

 10   déterminée, il y a 37 incidents. Il s'agit des incidents 15, 16, 51, 55,

 11   58, 59, 65, 104, 113, 191, 193, 197, 200, 202, 205 jusqu'au 207 inclus, 213

 12   jusqu'au 220 inclus, 224, 226, 228 jusqu'au 230 inclus, 238, 240, 241, 264,

 13   268, 288, 297 et 302.

 14   De plus, il y a quelques incidents -- donc nous avons compris que les

 15   Juges nous ont accordé cinq semaines pour mener l'enquête par rapport à ces

 16   meurtres allégués. Là, il s'agit d'une liste provisoire. Mais le Procureur,

 17   de toute façon, n'a pas réussi à prouver qu'il existait un lien de

 18   subordination par rapport aux incidents qui sont énumérés sous les numéros

 19   4, 5, 7, 9, 10, donc c'est un incident qui n'a pas eu lieu dans la zone de

 20   responsabilité du district militaire de Split.

 21   Meurtres 1, 6 répertoriés, et le 8.1, qui selon nous devraient être rejetés

 22   parce que la déposition contredit en fait le fait qu'il y aurait eu

 23   meurtres. Par exemple 8.1, il y avait l'indication que cette personne

 24   s'était suicidée. Finalement, les éléments pour finir du dossier en ce qui

 25   concerne les incidents suivants indiquent qu'une enquête et des poursuites

 26   ont été effectuées en ce qui concerne les incidents de meurtre figurant au

 27   tableau 8.2, Uros Saric, un incident pour lequel des éclaircissements ont

 28   été obtenus par la suite de 95 à 103, et Sava Babic où il y a également des

Page 17283

  1   éclaircissements qui ont été donnés pour l'incident numéro 7.

  2   Nous demandons, Monsieur le Président, que tous ces événements soient

  3   rejetés : Tous les articles qui ont trait à la Communauté démocratique

  4   croate, parce qu'il n'y a pas eu d'attaque directe systématique ou étendue

  5   contre une population civile. Donc ceci aboutit à rejeter les persécutions

  6   au titre de 5(h), actes inhumains, transfert forcé en vertu de l'article

  7   5(i), meurtre à l'article 5(a), et d'une façon générale, actes inhumains à

  8   l'article 5 [comme interprété].

  9   Par conséquent, le chef d'accusation 1 ne tient pas parce que l'opération

 10   Tempête était licite en vertu des droits de la guerre et ne constitue pas

 11   un crime contre l'humanité. Il n'y a pas eu de discrimination à l'égard de

 12   la population dans l'opération Tempête. Il n'y a pas eu d'intention

 13   discriminatoire en ce qui concerne les incendies et les pillages.

 14   Les chefs d'accusation 2 et 3 également ne pourraient être retenus

 15   parce que les civils ne se sont pas enfuis, et il n'y a aucune preuve

 16   qu'ils se soient enfuis en raison de tirs d'artillerie illicites.

 17   Néanmoins, en dépit des tirs d'artillerie licites, des civils ne se sont

 18   pas enfuis à la suite d'opérations de combat. Il y a eu des centres où ils

 19   se sont assemblés, ceci ne constituait pas des transferts forcés. Les chefs

 20   d'accusation 4 et 9 ne peuvent être retenus parce qu'il n'y a aucun élément

 21   de preuve selon lequel le général Gotovina a eu l'intention de commettre un

 22   crime contre l'humanité ou un crime de guerre par destruction ou le pillage

 23   de propriété ou qu'il ait en quoi que ce soit contribué de façon

 24   significative à la commission de tels crimes. En fait les éléments de

 25   preuve incontestés sont que le général Gotovina a donné des ordres et a

 26   pris des mesures pour empêcher de telles activités criminelles. Il n'y a

 27   donc aucune politique étendue. Même si la Chambre de première instance

 28   devait constater qu'il y en avait de façon générale, il n'y a aucun élément

Page 17284

  1   de preuve que le général Gotovina ait pris part à cela ou y ait donné son

  2   consentement.

  3   Par conséquent, il n'y a pas d'entreprise criminelle commune après

  4   l'opération Tempête. Ceci est donc un cas de responsabilité du

  5   commandement, et les preuves sont que le général Gotovina a pris toutes les

  6   mesures nécessaires et raisonnables contre ses subordonnés. L'Accusation

  7   soutient apparemment qu'il n'en a pas pris suffisamment, pas assez de

  8   mesures nécessaires et raisonnables, mais l'Accusation n'a pas pu présenter

  9   de preuve de cela, et non plus que d'expliquer ce que c'était que des

 10   mesures raisonnables ou quelles auraient été les mesures qu'il aurait dû

 11   prendre.

 12   Monsieur le Président, l'Accusation n'a pas pu prouver une attitude

 13   criminelle de la part du général Gotovina. Nous demandons donc à la Chambre

 14   de première instance de bien vouloir rendre un jugement d'acquittement sur

 15   tous les chefs d'accusation le concernant. Ceci au nom de M. Akhavan et M.

 16   Kehoe.

 17   Je vous remercie de votre attention.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Misetic.

 19   Avant que nous ne suspendions la séance, je voudrais poser quelques brèves

 20   questions.

 21   La première vous concerne directement, Maître Misetic, et vous,

 22   Maître Akhavan, lorsque vous vous fondez sur l'affaire Strugar pour ce qui

 23   est d'un acquittement concernant certaines parties, certaines structures à

 24   Dubrovnik.

 25   Je n'ai entendu aucune jurisprudence -- ou aucun élément de doctrine après

 26   décembre 2004 parce que la décision Strugar a été rendue en juin 2004, à

 27   l'époque à laquelle l'article 98 bis était encore l'une des défenses. Par

 28   conséquent, depuis décembre 2004, l'article 98 bis concerne un acquittement

Page 17285

  1   sur tous les chefs. Donc s'il y avait une autorité endoctrine ou une

  2   jurisprudence après décembre 2004 que vous puissiez présenter à la Chambre,

  3   nous serions heureux d'en entendre parler.

  4   Maître Kehoe, j'ai une question pour vous également, juste pour vérifier

  5   quelque chose, à savoir s'il y a eu un lapsus linguae ou si vous avez voulu

  6   dire que la question concernant le fait de donner des ordres contrairement

  7   aux vœux de M. Tudjman - et ça c'est ce que nous lisons sur la page 5 079 -

  8   je voudrais savoir si vous vous êtes trompé lorsqu'à la page 45 et 46

  9   aujourd'hui vous avez dit "nous avons demandé que Jarnjak et Susak donnent

 10   des ordres que Tudjman souhaitait ne pas voir exécutés." Je me demande si

 11   vous vouliez dire en fait, même s'il y a une différence du point de vue

 12   libellé, non, ceci est la même chose; ou bien si vous vous êtes trompé et

 13   je voulais en fait me référer à la question telle qu'elle a été posée au

 14   témoin à la page 5 079, à savoir M. Galbraith, pour autant que je m'en

 15   souvienne.

 16   M. KEHOE : [interprétation] Dans la mesure où il y a eu quelque malentendu,

 17   j'ai tenté de revenir à la question posée à l'ambassadeur Galbraith et la

 18   réponse, à savoir que Jarnjak et Susak émettaient des ordres, et ont-ils

 19   jamais donné des ordres que le président Tudjman ne voulait pas voir

 20   exécutés. Je pense que sa réponse a été, non, ils n'ont jamais donné

 21   d'ordres que -- en l'occurrence Tudjman --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pensais que la question concernait le

 23   contraire, contrairement à des vœux, de M. Tudjman aurait donné des ordres

 24   --

 25   Bien sûr, l'application d'un ordre ou quelque chose qui va contre un ordre

 26   ou contre les vœux de quelqu'un ça peut être considéré comme des questions

 27   qui ne sont pas exactement les mêmes.

 28   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

Page 17286

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de cet éclaircissement.

  2   Maître Misetic, vous nous avez parlé d'une question que vous avez posée à

  3   M. Theunens après son retour après une suspension de séance. Vous nous avez

  4   dit que M. Theunens avait confirmé qu'après le 18 août, et comme vous

  5   l'avez dit, vous n'avez pas trouvé d'élément de notification concernant des

  6   incendies ou de pillage dans le journal des opérations ni dans un autre

  7   rapport, à ce que vous avez dit.

  8   Maintenant, la référence que vous nous avez présentée c'était que la

  9   question était limitée au journal des opérations, et que la réponse de M.

 10   Theunens avait également été, non, et on ne trouve pas cela dans le journal

 11   des opérations.

 12   Maintenant, il se peut bien que je n'aie pas eu la possibilité encore

 13   de revoir la suite des questions qui ont conduit à l'invitation de revoir

 14   certains documents. Si vous étiez en mesure de nous donner quelques

 15   directives pour nous orienter pour savoir s'il y a d'autres rapports plus

 16   particulièrement mentionnés par M. Theunens, ceci serait vivement apprécié.

 17   Parce qu'à l'endroit dont vous avez parlé, il en est bien question, mais

 18   uniquement à cet endroit, et je suis tout à fait conscient qu'il se peut

 19   que l'on trouve cela également ailleurs. Bien sûr, la Chambre souhaiterait

 20   recevoir des renseignements complémentaires qui puissent étayer davantage

 21   votre position, à savoir que M. Theunens a dit pas dans le journal

 22   opérationnel ni dans un autre rapport quel qu'il soit.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous vous

 24   rappellerez sans doute que la déposition de M. Theunens s'est étendue sur

 25   plusieurs jours.

 26   L'INTERPRÈTE : Les orateurs parlent en même temps.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] --

 28   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

Page 17287

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] …je suis pleinement conscient de cela.

  2   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons suspendre la séance -- oui,

  4   Maître Akhavan.

  5   M. AKHAVAN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Est-ce

  6   que vous souhaitiez que moi-même je parle de la question de l'article 98

  7   bis maintenant ou après la suspension ?

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après, ou lors du premier volet. Je

  9   voulais simplement évoquer la question de façon à ce que vous ayez le temps

 10   de l'envisager et vous nous en parlerez certainement avant que nous ne nous

 11   séparions.

 12   M. AKHAVAN : [interprétation] Certainement. Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suspends la séance maintenant, et

 14   nous reprendrons à 13 heures.

 15   --- L'audience est suspendue à 12 heures 41.

 16   --- L'audience est reprise à 13 heures 03.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais inviter la Défense de Cermak

 18   à présenter ses arguments au titre de l'article 98 bis.

 19   Maître Kay.

 20   M. KAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ceci est la requête

 21   présentée au nom de M. Ivan Cermak pour que soient rejetées les charges à

 22   la clôture des moyens à charge contre lui.

 23   Tous les éléments de preuve et toutes les dépositions que j'ai

 24   entendues à ce stade qui soient pertinentes aux fins de la présente

 25   requête. C'est que ces preuves ne deviendront pas meilleures. Mais que ceci

 26   laissera à la Chambre une affaire qui aurait été prouvée contre l'accusé M.

 27   Cermak ? C'est ça la question qui se pose en espèce.

 28   L'article 98 bis est un pouvoir qui est donné aux membres de la

Page 17288

  1   Chambre, mais qui doit être exercé de façon appropriée. Nous voulons faire

  2   valoir que ceci est précisément le cas. Une indication concernant le type

  3   de test qui doit s'appliquer a été donnée par mon précédent conseil et co-

  4   défendeur. L'une des indications peut être également de voir quel doit être

  5   le degré de précision des affirmations faites par le Procureur en ce qui

  6   concerne les allégations faites dans l'acte d'accusation, à quel point

  7   elles doivent être bien fondées en examinant les preuves qui ont été

  8   présentées à la Chambre. Le point essentiel c'est que la Chambre puisse

  9   apprécier ce que sont véritablement des preuves en ce qui concerne l'acte

 10   d'accusation à ce stade, et non pas des assertions ou des affirmations, des

 11   allégations, mais bien les preuves présentées en espèce.

 12   Je vais maintenant passer au paragraphe de l'acte d'accusation qui appelle

 13   une argumentation telle que celle-ci. Premièrement au paragraphe 7, qui

 14   traite de l'article 7, paragraphe 3 du Statut, qui en fait régit l'ensemble

 15   de la notion de responsabilité en espèce. Il y a là certaines vérités

 16   universelles qui sont bien connues en ce qui concerne la responsabilité du

 17   commandement, ainsi que certains aspects spécifiques qui doivent également

 18   être pris en considération en ce qui concerne un défendeur ou un accusé

 19   précis.

 20   Je vais traiter d'abord des vérités universelles, pour commencer.

 21   Il y a une nécessité que le contrôle sur les subordonnés soit

 22   effectif, soit réel. Sans contrôle effectif, il n'existe pas de devoir pour

 23   la personne d'agir. La relation entre supérieur et subordonné, entre

 24   l'accusé et l'auteur des crimes, est de savoir si le supérieur savait ou

 25   avait des raisons de savoir que le subordonné était sur le point de

 26   commettre ou avait commis le crime, qui est à la base de la question. Si le

 27   supérieur à ce moment-là n'a pas prévenu ou puni ? La clé de tout ceci

 28   c'est la question de la vérité dans la relation supérieur/subordonné.

Page 17289

  1   Il y a d'autres aspects à ceci qui doivent être pris en considération

  2   dans une affaire dont la Chambre s'est occupée concernant Ivan Cermak. Je

  3   vais reprendre tout ceci brièvement.

  4   Est-ce que le supérieur disposait des moyens matériels d'empêcher un

  5   subordonné de commettre une infraction ou de punir les auteurs des

  6   infractions qui lui étaient subordonnés ? Les affaires Delic et Limaj

  7   expriment cela.

  8   Le simple fait d'avoir une influence sur des personnes n'est pas

  9   suffisant, ou même d'avoir une grande influence ou autres expressions

 10   d'influence, on retrouve ça dans les affaires Kordic et Celebici. Il faut

 11   qu'il y ait la possibilité de donner des instructions obligatoires et

 12   d'obliger au respect de ces ordres. La coordination évidemment n'est pas de

 13   ce type d'autorité. Nous évoquons là l'affaire Celebici pour cette

 14   proposition.

 15   Un accusé, s'il est perçu ou si l'on pense qu'il a une autorité de

 16   commandement, ne conduit pas à la conclusion de fait qu'il avait

 17   effectivement le contrôle; c'est ce qui est dit dans l'affaire Celebici et

 18   Halilovic.

 19   La possibilité de maintenir et de faire appliquer, pas simplement de

 20   convaincre ou d'influencer les décisions en soit.

 21   Le statut de jure ne donne pas une responsabilité stricte. Là encore je

 22   citerais l'affaire Oric et Halilovic. Tous les cas indiquent qu'il y a une

 23   nécessité d'avoir un contrôle. Pour quelqu'un qui est un civil, il est

 24   nécessaire qu'il ait un certain degré de contrôle sur les subordonnés

 25   analogue à ce qu'un commandant militaire pourrait avoir dans une position

 26   telle que nous les voyons décrites dans les affaires Aleksovski et

 27   Kajelijeli. Ceci est un aspect très important qu'il faut garder à l'esprit

 28   en l'espèce, vous voyez Kordic, Halilovic, et Oric.

Page 17290

  1   L'absence de respect des ordres donnés par d'autres peut être un

  2   indicatif d'un manque d'autorité concernant l'accusé. Pensez à l'affaire

  3   Strugar. Le type d'ordres donnés par un accusé peut être important. Quel

  4   est l'objectif plutôt que le simple fait de donner des ordres. Par exemple,

  5   des ordres de combat obligatoire sont différents d'ordres qui ont un

  6   caractère humanitaire. Voir l'affaire Halilovic, l'affaire Kordic,

  7   l'affaire Blaskic.

  8   Selon nous, ces facteurs supplémentaires par rapport aux vérités

  9   universelles ont un sens en ce sens qu'ils doivent être appliqués lorsque

 10   l'on a une situation de contrôle véritable, et nous demandons à la Chambre

 11   de garder ceci à l'esprit lorsqu'elle examinera les preuves à ce stade en

 12   ce qui concerne M. Cermak.

 13   Je voudrais juste citer quelques passages de quelques affaires ici

 14   qui font comprendre cela.

 15   Dans l'affaire Celebici, il est dit que :

 16   "Un grand soin doit être pris, on doit veiller afin d'éviter de

 17   commettre une injustice en considérant que des personnes sont responsables

 18   des actes d'autres personnes dans des situations dans lesquelles le lien de

 19   contrôle est absent ou trop éloigné."

 20   Dans l'affaire Blaskic au niveau de l'arrêt d'appel, il est dit :

 21   "L'appelant ne jouissait pas ou n'exerçait pas un commandement et un

 22   contrôle ou une direction réels sur toutes les unités qui n'étaient que

 23   nominalement subordonnées à son autorité."

 24   Pour finir sur cette partie de mes arguments, dans l'appel Kovacka :

 25   "Toutes les positions dans lesquelles ont a une autorité et une influence

 26   ne conduisent pas nécessairement à reconnaître qu'il y a une responsabilité

 27   du supérieur telle que visée à l'article 7(3) du Statut."

 28   Je voudrais parler plus particulièrement du paragraphe 7 et examinons

Page 17291

  1   un certain nombre de questions qui découlent du libellé du paragraphe.

  2   On y cite la nécessité qu'il y ait une direction effective sur les

  3   membres des unités du HV ou les éléments de la garnison de Knin. Je ne vais

  4   pas donner lecture complète de cela parce que ça prendrait trop de temps.

  5   Mais examinons, pour commencer, cet aspect du paragraphe, à savoir les

  6   unités de l'armée croate et l'allégation selon laquelle Ivan Cermak

  7   disposait d'une direction effective sur toutes ces unités telles que

  8   précisées.

  9   Je voudrais rappeler à la Chambre la déposition de l'expert de

 10   l'Accusation qui est un employé de l'Accusation et les questions qui ont

 11   été posées concernant ce paragraphe lors d'un contre-interrogatoire par

 12   moi-même. Je lui ai dit, à la page 12 990 du compte rendu d'audience :

 13   "Vous avez lu l'acte d'accusation. Je vais donc paraphraser. Le paragraphe

 14   7 décrit Ivan Cermak comme possédant un contrôle effectif sur les membres

 15   des unités de l'armée croate ou des éléments compris ou attachés ou opérant

 16   dans la garnison de Knin."

 17   J'ai donné lecture de ces unités évoquées au paragraphe 7 de l'acte

 18   d'accusation, et je lui ai dit :

 19   "Mais si on regarde tous ces documents de la région militaire, nous en

 20   avons vu quelques-uns ici qui touchent à une question particulière, à

 21   savoir, comme vous le savez, il y a des milliers de cela, par rapport à

 22   toutes ces unités. Le général Cermak est destinataire en copie de toute une

 23   série de questions, n'est-ce pas ?"

 24   La réponse était : "C'est exact. Je pense que c'est visible dans mon

 25   rapport qu'il y a très peu d'ordres du général Gotovina adressés au

 26   commandement de la garnison de Knin ou au commandant de la garnison de Knin

 27   pendant la période où le général Cermak était le commandant de la garnison

 28   de Knin."

Page 17292

  1   Je lui ai posé la question suivante : "Ma question porte sur le

  2   général Cermak, sur le fait qu'il a exercé le contrôle effectif sur ces

  3   unités. Toutes ces unités ont opéré tous les jours en menant à bien leurs

  4   missions de manière entièrement indépendante et sans le général Cermak;

  5   cela est exact, n'est-ce pas ? Ce que je vous soumets c'est le paragraphe 7

  6   de l'acte d'accusation en l'espèce, et cela signifie qu'il ne correspond

  7   pas à la teneur de votre rapport d'expert."

  8   Il m'a répondu : "Ceci se pourrait bien."

  9   Ensuite, au sujet du paragraphe 7, j'ai soumis :

 10   "Ce paragraphe affirme que le général Cermak était doté de plusieurs

 11   structures de pouvoir," et j'ai cité des extraits du paragraphe 7, et j'ai

 12   dit ensuite : "…mais cela n'est pas confirmé dans votre rapport d'expert ni

 13   par tous les documents que vous avez examinés, n'est-ce pas ?"

 14   La réponse a été la suivante :

 15   "En fait, je ne me suis pas penché sur des questions de contrôle effectif,

 16   et je n'ai vu aucun document sur cet aspect eu égard au rôle joué par le

 17   général Cermak en sa qualité de commandant de la garnison de Knin."

 18   C'est l'expert qui le dit, il se présente comme étant un expert sur les

 19   questions de commandement et de contrôle, et une des premières questions

 20   que je lui ai posées pendant le contre-interrogatoire c'était ce que je

 21   viens de citer.

 22   Nous estimons, par conséquent, Monsieur le Président, que la vérité

 23   soit tout à fait claire dans l'esprit de cet expert, en ayant examiné ce

 24   qu'il a examiné, ne lui permettait pas d'étayer la teneur du paragraphe 7

 25   de l'acte d'accusation en l'espèce qui n'est pas fondé sur la réalité des

 26   documents, la teneur des documents en l'espèce ni sur la fonction militaire

 27   du district militaire de Split. Ce paragraphe a été introduit dans l'acte

 28   d'accusation d'une manière tout à fait exagérée, et nous estimons, par

Page 17293

  1   conséquent, qu'il est nécessaire d'appliquer les dispositions de l'article

  2   98 bis dans la défense du général Cermak.

  3   Mis à part de ce qui a été reconnu par M. Theunens, voyons ce que

  4   nous avons dans les éléments de preuve par rapport aux militaires croates.

  5   Je ne sais pas si en trois heures j'aurai suffisamment de temps pour

  6   me pencher sur tous les éléments qui le requièrent. J'espère pouvoir en

  7   examiner un maximum. Mais je prie la Chambre de garder à l'esprit des

  8   contre-interrogatoires très clairs que nous avons menés à notre sens ici,

  9   nous estimons avoir présenté de manière tout à fait claire et limpide la

 10   teneur des séries entières de documents qui permettent à la Chambre, nous

 11   estimons, de comprendre très clairement quels sont les points défendus par

 12   la Défense.

 13   Premièrement, s'agissant de la fonction exercée par M. Cermak

 14   lorsqu'il a été placé au poste de commandant de la garnison, il est très

 15   important que les Juges de la Chambre notent qu'il n'avait pas de fonction

 16   opérationnelle, que ceci ne faisait pas partie de la structure militaire,

 17   que le rôle joué par un commandant de garnison, D34, pièce D34, dit que :

 18   "Les commandants des QG de garnison n'ont pas de fonction

 19   opérationnelle, n'ont pas le droit d'émettre des ordres à l'attention des

 20   unités de l'armée croate à l'exception des autorités précisément articulées

 21   portant sur le travail, l'ordre, la discipline et le QG de garnison."

 22   M. Theunens, je l'ai contre-interrogé en détail là-dessus, et

 23   j'appelle l'attention de la Chambre sur le fait qu'il était d'accord avec

 24   moi pour confirmer quelle était la nature du rôle joué par le commandant de

 25   garnison.

 26   Qu'en est-il de l'autorité exercée au sein du corps militaire par le

 27   général Cermak, la Chambre a été informée du fait que l'Accusation s'est

 28   appuyée sur quelques ordres montrant l'existence d'autorité ou de

Page 17294

  1   commandement, mais sans que l'image pleine et entière là-dessus ait été

  2   présentée aux Juges de la Chambre, parce que des ordres demandant des

  3   forces supplémentaires à envoyer à la garnison, des ordres émis par le

  4   général Cermak ont été montrés sans qu'il y ait eu de recherche plus

  5   approfondie de documents dans le cadre de la collection 65 ter de

  6   l'Accusation. Elles nous ont été montrées comme étant des omissions de sa

  7   part d'exercer son autorité et son commandement. Je réfère les Juges de la

  8   Chambre à la question qui s'est posée, la question du capitaine Jonjic de

  9   la brigade de la logistique, le général Cermak lui a donné l'ordre de

 10   travailler pour lui. Son commandant s'est plaint suite à cela, et en fin de

 11   compte ce qui s'est produit c'est que le général Cermak a dû s'adresser au

 12   général Gotovina pour intervenir là-dessus.

 13   Monsieur le Président, on a construit une thèse sur des fragments et

 14   des bribes d'ordres qui ne sont pas placés dans un contexte, qui ne sont

 15   pas liés entre eux, nous estimons que c'est une manière très dangereuse

 16   d'aborder un procès au pénal. Si l'Accusation avait adopté l'attitude qu'il

 17   faudrait, elle aurait dû fournir l'image pleine et entière des limitations

 18   imposées au commandement et contrôle du général Cermak.

 19   Alors passons des ordres eu égard à Jonjic à la demande adressée par la

 20   garnison de recevoir des effectifs supplémentaires afin de les aider à

 21   nettoyer la ville.

 22   Nous savons grâce aux éléments qui ont été présentés par la Défense

 23   qu'il s'agit là de quelque chose qui nécessitait la resubordination des

 24   troupes au général Cermak. Il n'a pas pu obtenir cela. Il ressort de mon

 25   contre-interrogatoire du témoin Liborius quelles étaient les limitations

 26   véritables des attributions de M. Cermak.

 27   Quels sont les ordres qui ont été donnés ? Je les ai décrits comme

 28   étant des bribes, des bouts de papier. Je l'ai dit dans l'intérêt de la

Page 17295

  1   justice, parce que nous nous penchons ici sur une question de commandement

  2   et de contrôle sur des unités militaires qui auraient perpétré des crimes,

  3   et en réalité ce qu'on soumet aux Juges de la Chambre ce ne sont pas des

  4   ordres opérationnels, en tant qu'un symbole pour étayer la thèse de

  5   l'Accusation consistant à alléguer que le général Cermak a exercé le

  6   contrôle effectif. A notre sens, ces bribes ne démontrent rien de la sorte,

  7   et c'est la raison pour laquelle je demande aux Juges de la Chambre de bien

  8   vouloir se référer aux passages des décisions où l'on voit la nature et la

  9   qualité des ordres émis, on a estimé devant des tribunaux que ceci

 10   constituait un élément important pour démontrer si un accusé exerçait un

 11   contrôle effectif ou non. La différence entre des ordres opérationnels de

 12   combat et des ordres qui portent sur de la pisciculture, ou des ordres

 13   enjoignant aux hommes de nettoyer les rues, et l'ordre de recevoir de

 14   l'aide de la part d'un capitaine chargé de la logistique, c'est d'une

 15   nature tout à faite différente que les ordres qui sont requis afin de jeter

 16   les bases permettant de prononcer des allégations de perpétration de crimes

 17   graves comme c'est le cas en espèce.

 18   Là encore, j'invite les Juges de la Chambre à se pencher sur les

 19   ordres de l'ONURC. A de nombreuses reprises, le Procureur s'y est référé,

 20   les a cités pour démontrer l'existence d'un contrôle effectif - à présent

 21   je n'évoque que les choses au sujet des unités militaires croates, mais au

 22   sein de cette organisation il faudrait aussi se pencher sur la question de

 23   la police militaire - il est clair qu'il s'agit là d'ordres qui ne

 24   découlent pas de questions permettant de démontrer la responsabilité

 25   effective du supérieur hiérarchique dans toutes ces unités au titre du

 26   paragraphe 7, mais qu'il s'agit plutôt de documents qui relèvent de la

 27   catégorie des ordres qui ont été émis afin d'aider la communauté

 28   internationale, et ils ne sont pas de la même nature et ne nous permettent

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  1   pas de savoir quel est le pouvoir qui était exercé sur les subordonnés au

  2   sein de la structure militaire croate. Or, c'est quelque chose qui doit

  3   être démontré par l'Accusation afin d'arriver à la conclusion de

  4   l'existence du contrôle effectif. En outre, le contexte historique de ces

  5   documents qui n'a pas été présenté par l'Accusation, mais qui a été

  6   présenté par la Défense, ne nous permet pas de voir comment le général

  7   Cermak a été incapable de remplir son obligation exigeant d'aider les

  8   Nations Unies a reprendre ces véhicules et comment il a dû demander que

  9   l'on intervienne. Donc c'est son ordre, il en est l'auteur, et cet ordre a

 10   été distribué à d'autres unités sur le territoire du district militaire de

 11   Split.

 12   En résumé, si l'on examine le document sur lequel s'est basé le Procureur

 13   pour faire valoir l'existence d'un contrôle et d'un commandement effectifs

 14   des unités, on peut voir que ces documents émis par le général Cermak

 15   étaient les documents qui relevaient de la logistique, qui n'étaient pas

 16   opérationnels et qui sont indicatifs de son rôle qui n'était pas un rôle

 17   opérationnel.

 18   On va à présent se pencher sur l'obligation de discipliner l'armée

 19   croate.

 20   Le Procureur s'est fondé sur un document avancé par M. Theunens dans lequel

 21   il nous cite l'exemple d'un commandant de garnison qui prononce les mesures

 22   disciplinaires à l'égard des militaires de l'armée croate, il s'agit là de

 23   la pièce D1001, il a montré ce document pour montrer que le général Cermak

 24   disposait de l'autorité nécessaire pour faire cela. Mais ce qui manquait

 25   vraiment dans ce document et dans ce qu'on a avancé devant les Juges et qui

 26   a été démontré par le contre-interrogatoire c'est le fait que là il

 27   s'agissait d'un exemple d'un commandant de garnison à Split qui prononce

 28   des mesures disciplinaires à l'égard de son subordonné. Là c'est quelque

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  1   chose qui est consigné au compte rendu d'audience pages 12 955 à 57.

  2   Les Juges doivent s'inquiéter quand on leur présente des éléments

  3   avec des inexactitudes aussi flagrantes qui ont été utilisés à l'appui des

  4   allégations. Nous affirmons qu'à cause de cela, les Juges devraient à

  5   présent s'inquiéter fortement de la nature des éléments fournis par le

  6   Procureur pour appuyer les allégations contre M. Cermak.

  7   Maintenant on va parler du code de discipline militaire. Là, il

  8   s'agit des articles 19 et 27, où l'on parle de la responsabilité du général

  9   Cermak qui était la même que l'autorité de tout autre commandant de l'armée

 10   croate qui lui donnait donc la possibilité de prononcer des mesures

 11   disciplinaires à l'égard de ses subordonnés. En vertu de l'article 26, il

 12   s'agit d'un autre pouvoir et c'est le pouvoir de prononcer des mesures

 13   disciplinaires à l'égard de tout individu à qu'il s'adresse et qui ne

 14   relève pas de son unité à lui. C'est quelque chose qui était nécessaire

 15   pour maintenir l'ordre et la discipline. Mais en ce qui concerne cette

 16   question, il avait le pouvoir de prononcer des mesures disciplinaires par

 17   rapport à ses subordonnés. Il n'y a pas eu d'élément de preuve indiquant

 18   que ses subordonnés auraient commis des crimes figurant à l'acte

 19   d'accusation, et il s'agit des nombreux documents qui parlent de ses

 20   subordonnés qui ont été émis de façon périodique et qui ont été adressés à

 21   un grand nombre de soldats de chacune des unités du district militaire de

 22   Split. Le document qui a été écrit le 28 juin 2005, avant l'opération

 23   Tempête a démontré qu'il y avait trois personnes. Le document qui a été

 24   émis le 30 août 1995, donc après l'opération Tempête, a montré qu'il y

 25   avait neuf personnes qui faisaient partie de cette unité de la garnison, et

 26   à la fin du mois de septembre 1995 on a le même nombre.

 27   Ça en dit long sur le niveau et la portée de l'autorité au niveau de

 28   la garnison commandée par le général Cermak. Il avait neuf subordonnés,

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  1   aucun de ses subordonnés n'a commis des crimes allégués à l'acte

  2   d'accusation, cela n'a pas été prouvé.

  3   Nous souhaitons rappeler les Juges des nombreux documents relevant du

  4   district militaire concernant les opérations, la communication, les mesures

  5   qu'il s'agit de prendre au niveau des unités, et cetera, et cetera, dans

  6   aucun de ces documents le général Cermak ne se trouve parmi les

  7   destinataires, ce qui aurait pu prouver qu'il faisait partie de cette

  8   structure globale et qu'il disposait d'une position suffisamment importante

  9   pour avoir un contrôle effectif sur ces unités. M. Theunens a admis par

 10   ailleurs qu'en ce qui concerne les entités militaires, pour qu'elles

 11   puissent fonctionner, il faut qu'il y ait des rapports, il faut qu'il y ait

 12   aussi une ligne de "reporting", il faut qu'il y ait des ordres d'émis, il

 13   faut qu'il y ait des moyens de communication. Il est assez clair sur la

 14   base des documents que nous avons examinés que le général Cermak ne

 15   recevait que de temps en temps de telles informations. La question que nous

 16   posons est comme suit, comment peut-on exercer un contrôle efficace sur les

 17   unités énumérées dans le paragraphe 7 sans pour autant disposer d'une

 18   structure le permettant ?

 19   Nous nous attendions à l'entendre de la bouche du général Pringle, et

 20   on était prêt à le contre-interroger par rapport aux documents qui ont été

 21   présentés par le biais de M. Theunens. Mais on n'a pas eu cette

 22   possibilité, et maintenant qu'on a été privés de cette possibilité, les

 23   Juges doivent s'appuyer sur la déposition de M. Theunens à ce sujet, et

 24   nous pensons que cette déposition ne fait que surligner l'exactitude de nos

 25   arguments.

 26   Tous ces ordres que les Juges ont vus dont on parle dans le rapport de M.

 27   Theunens ou qui ont été présentés pendant différentes dépositions, aucun

 28   ordre opérationnel n'a été envoyé ou envoyé en copie au général Cermak. Il

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  1   suffit d'examiner le rapport hebdomadaire et autres qui ont été versés au

  2   dossier.

  3   Ce que les Juges savent, en revanche, et ils le savent sur la base des

  4   éléments en l'espèce, et cela en dit sur son véritable rôle et la nature de

  5   ce rôle autant que d'autres éléments c'est que lui, le général Cermak,

  6   s'est occupé des questions qui étaient celles qui traitaient de la vie des

  7   civils à Knin plutôt que des questions qui traitaient de la vie des

  8   militaires à Knin. C'est une distinction extrêmement importante qu'il

  9   s'agit à faire, une distinction qui a été établie dans la jurisprudence de

 10   ce Tribunal. Les Juges de la Chambre ont clairement suffisamment

 11   d'informations en l'espèce pour être en mesure de déterminer quel était son

 12   rôle, à savoir qu'il était tel que décidé par lui-même dans son entretien

 13   tel que décrit par d'innombrables témoins, il s'agissait de quelqu'un qui

 14   devait normaliser la vie à Knin, coordonner le travail des autorités

 15   civiles. Ce sont donc les devoirs qui incombent au commandement de la

 16   garnison dans le cadre du règlement en vigueur avec pour but d'aider à

 17   restaurer une vie normale pour la population civile. D'ailleurs, nous avons

 18   vu toute une pléiade d'ordres et de lettres qui montrent à quoi il a vaqué

 19   pendant son mandat, et ceci démontre clairement quelle était la portée de

 20   son autorité.

 21   Le fait que différents membres de la communauté internationale ont

 22   pensé à tort que c'était lui le gouverneur militaire ou qu'il était

 23   responsable de toute la zone et des unités ne prouve pas les éléments

 24   avancés par le Procureur. Les Juges ont pu voir quelles étaient les

 25   connaissances du général Forand à l'époque et les connaissances des autres

 26   personnes qui connaissaient comment les choses se passaient à Knin, la vie

 27   civile, qui connaissaient la structure militaire à Knin par le biais du

 28   district militaire de Split, et aussi la structure militaire de l'armée

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  1   croate. Donc, les Juges de la Chambre ne doivent pas se baser sur les

  2   impressions de l'époque contemporaine qui étaient peut-être vraies, et je

  3   ne dis pas quelles n'étaient pas telles qu'elles étaient. Je pense qu'elles

  4   étaient bien sincères, mais il s'agit des témoins qui parle ici d'un homme,

  5   et ils ont accepté eux-mêmes qu'ils n'avaient pas suffisamment de

  6   connaissances sur le fonctionnement du gouvernement croate, de l'armée

  7   croate, de la vie civile en Croatie, pour fournir des informations fiables

  8   et suffisamment fiables pour que les Juges puissent forger leur opinion sur

  9   la base que ces témoins ont dit. Le fait que eux ils auraient pu penser que

 10   M. Cermak avait une telle position n'est pas un facteur décisif en espèce.

 11   Puisque les Juges ont pu examiner des éléments qui définissaient

 12   clairement ce qu'il faisait, ce qu'il pouvait faire et ce qu'il ne pouvait

 13   pas faire dans le cadre de l'opération, et quand il a dit au général

 14   Forand, nous allons émettre un ordre pour que votre véhicule vous soit

 15   rendu et nous allons faire une enquête à ce sujet, le fait qu'il ait dit

 16   cela n'est pas un facteur décisif, pas forcément, pour décider de son

 17   autorité véritable et son pouvoir de contrôle. Puisque derrière cela,

 18   derrière cette déclaration, vous avez toute une autre image, parce que là

 19   il s'agit d'un homme qui a donné des ordres aux banques, aux différentes

 20   fermes, différentes institutions portant sur la logistique, sur

 21   l'hébergement. Il s'agissait là des ordres qui ont un caractère très limité

 22   et quand il a émis des ordres portant sur le vol de véhicule de l'ONU, il

 23   s'agit des ordres qui s'ajoutent, qui découlent de ces premiers ordres dont

 24   je vous ai parlé. Et c'est très important. Parce que même si ceci peut être

 25   considéré comme quelque chose, comme un élément important, n'est pas un

 26   facteur décisif. Et si vous n'aviez pas d'autres informations pour élucider

 27   la vérité, vous pourriez aussi ne pas prendre en garde ce que j'avance.

 28   Mais ici, en l'espèce, nous avons été véritablement en mesure de vous

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  1   présenter des documents, des éléments de preuve qui montrent quelle était

  2   exactement la portée de son autorité.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kay, moi, je regarde l'heure.

  4   M. KAY : [interprétation] Et je dois vous rappeler que plusieurs témoins

  5   internationaux ont tous dit, et ceci figure dans le rapport de l'époque,

  6   ils ont tous exprimé des doutes quant à la capacité de M. Cernik [comme

  7   interprété] de faire ce qu'il a dit qu'il allait faire. Nous pensons que là

  8   il s'agit des éléments qui relèvent des impressions, parce que ce n'est

  9   rien d'autre que cela, ils ont été contrecarrés par la vérité et par les

 10   faits qui nous montrent une vérité toute autre.

 11   Là, je pense que j'en suis arrivé à un moment naturel pour faire la

 12   pause, et je vois qu'il est 13 heures 45.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Avant de lever la

 14   séance, deux points assez bref.

 15   Tout d'abord, je souhaite informer les parties du fait que la demande

 16   pour la certification pour l'appel a été signée ce matin, et cette

 17   permission, ce certificat a été accordé.

 18   J'avais des doutes quant à la possibilité de demander un acquittement

 19   partiel par rapport à différents chefs d'accusation en vertu de l'article

 20   98 bis, et bien même si cette possibilité n'existait pas, ceci

 21   n'empêcherait pas le Procureur de réfléchir pour voir si tous les éléments

 22   qui figurent à l'acte d'accusation sont toujours valables et s'il peut

 23   persévérer à le conserver.

 24   M. Misetic vous a donné une longue liste des personnes pour

 25   lesquelles il a été prouvé ou indiqué qu'elles sont mortes à cause des

 26   maladies, en tant que patients de l'hôpital ou à cause d'un acte de

 27   suicide. Il y a eu des éléments qui ont été présentés au sujet des

 28   personnes qui, d'après les éléments de la Défense, sont mortes en dehors de

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  1   l'espace territorial de l'acte d'accusation. Donc nous apprécierons si le

  2   bureau du Procureur reverrait de façon très méticuleuse ces éléments, ces

  3   incidents qui ont été présentés pour voir dans quelle mesure - et là je ne

  4   parle pas vraiment du chef en entier, mais je parle vraiment des incidents

  5   spécifiques - donc, est-ce que le Procureur considère qu'il est fort

  6   probable que les Juges seraient convaincus que, par exemple, une telle

  7   personne ne s'est pas suicidée mais a été assassinée. Il faudrait vraiment

  8   vous pencher là-dessus et pour voir s'il s'agit là vraiment des allégations

  9   suffisamment sérieuses, parce que s'il y a une présentation de la Défense,

 10   il faudrait que le Procureur réfléchisse si la Défense a les moyens, les

 11   éléments fermes pour contredire ces allégations, dans le cas où il y a donc

 12   une présentation des moyens de la Défense.

 13   Nous allons lever la séance jusqu'à demain à 9 heures dans la salle

 14   d'audience numéro III.

 15   --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le vendredi 20 mars

 16   2009, à 9 heures 00.

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