Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 28 mai 2009

  2   [Déclaration liminaire de la Défense Cermak]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 23.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.

  7   Monsieur le Greffier, voudriez-vous, je vous prie, citer le numéro de

  8   l'affaire.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 10   Monsieur les Juges. Bonjour à toutes les personnes dans le prétoire et

 11   autour du prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre

 12   Ante Gotovina et consorts.

 13   Je vous remercie.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 15   Avant d'inviter le conseil de la Défense à s'adresser à la Chambre en

 16   présentant son propos liminaire, j'aimerais que nous traitions quelques

 17   questions de procédure.

 18   La première nous ramènera au compte rendu d'audience de la journée du 27

 19   mai, page 17 743, qui fait l'objet d'un accord entre le Procureur et la

 20   Défense qui vient d'être annoncé. M. Russo avait déclaré qu'il allait

 21   parler avec Me Misetic pour examiner le problème qui se posait. La Chambre

 22   avait demandé à obtenir des renseignements plus actuels avant la fin de la

 23   journée d'aujourd'hui.

 24   Bien entendu, la Chambre est au courant du fait qu'en dépit des progrès

 25   accomplis et pour des raisons tout à fait concrètes, cet accord entre les

 26   parties n'a pas encore été communiqué à la Chambre. La Chambre n'insiste

 27   pas pour qu'une solution définitive lui soit proposée aujourd'hui, mais je

 28   crois savoir que dès que M. Russo aura moins de voyages à accomplir, le

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  1   problème pourra définitivement être réglé.

  2   Est-ce que nous avons une limite de temps pour cette proposition, ou disons

  3   cette semaine ?

  4   M. WAESPI : [interprétation] Oui, c'est tout à fait faisable.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous avez toute latitude de

  6   travailler également samedi et dimanche, si vous le souhaitez, mais en tout

  7   cas, lundi prochain, dernier délai. La Chambre s'attend à obtenir des

  8   informations actuelles sur le sujet.

  9   Pour le point suivant, j'aimerais que nous passions à huis clos partiel.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis

 11   clos partiel.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Page 17776 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

  8   La Chambre a été informée du fait, je parle maintenant du Témoin AG-20,

  9   qu'il est très peu probable, pour toutes sortes de raisons concrètes, il

 10   est donc très peu probable qu'il puisse comparaître le jour prévu pour son

 11   audition, à savoir le 5 juin.

 12   La question qui se pose dans ces conditions est la suivante. Avez-vous déjà

 13   réfléchi à la possibilité éventuelle qu'il comparaisse un autre jour, et si

 14   oui, quel jour, puis qui va le remplacer le 5 juin ?

 15   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, Me Kehoe est en

 16   voyage. Il sera à Zagreb aujourd'hui pour essayer de trouver une nouvelle

 17   date pour la déposition de ce Témoin AG-20. Nous sommes en train d'essayer

 18   de voir s'il ne pourrait pas venir un peu plus tôt que prévu, c'est-à-dire

 19   s'il ne pourrait pas être auditionné à la fin de la semaine prochaine, mais

 20   je n'en saurai pas plus de façon très précise avant la journée de demain.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais en tout cas, vous vous occupez de

 22   cette affaire.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que la Chambre souhaitait

 25   savoir.

 26   Enfin nous avons une requête en obtention de sauf-conduit. Si nous

 27   respectons les délais normaux pour rendre notre réponse, nous risquons

 28   d'arriver trop tard pour la délivrance en temps voulu du sauf-conduit en

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  1   question. Par conséquent, je demande aux parties, à commencer par

  2   l'Accusation, si elle entend répondre à cette requête et si elle va le

  3   faire oralement ou par écrit et quand nous sommes susceptibles de recevoir

  4   une réponse.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Je peux répondre demain oralement.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc nous vous entendrons demain.

  7   Les autres équipes de Défense ont-elles l'intention de répondre à cette

  8   requête en vue d'obtention d'un sauf-conduit ?

  9   Je vois une gestuelle de la part des deux conseils de la Défense concernés

 10   qui semblent m'indiquer une intention négative. Donc cette intention

 11   négative est désormais consignée au compte rendu d'audience.

 12   J'ai réglé les questions de procédure en suspens.

 13   S'il n'y en a pas d'autres à discuter à présent, j'inviterais le

 14   conseil de la Défense Cermak de prononcer son propos liminaire.

 15   Maître Kay.

 16   M. KAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je demanderais à M.

 17   le Greffier de brancher le système Sanction, qui pourrait nous être utile.

 18   Durant la Conférence préalable au procès qui s'est tenue hier, M. le Juge

 19   Orie a déclaré aux parties que lorsqu'elles présenteraient la thèse de

 20   défense qu'elles entendaient poursuivre, elles étaient invitées à se

 21   concentrer de la façon la plus précise sur les questions les plus

 22   importantes en l'espèce. La Défense d'Ivan Cermak, lorsqu'elle présentera

 23   son propos liminaire, se concentrera d'abord sur une première partie qui

 24   englobera toutes les questions relevant de l'application de l'article 98 du

 25   Règlement, qui manifestement sont au cœur des préoccupations des Juges de

 26   la Chambre. Ensuite cette Défense présentera une série d'éléments de preuve

 27   qui, à son avis, est d'une extrême pertinence. L'Accusation a eu ces

 28   éléments de preuve à sa disposition pendant la présentation de ses moyens

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  1   de preuve. Il s'agit de moyens de preuve à décharge qui ont un rapport

  2   direct avec les grandes questions qui se posent en l'espèce, mais n'ont pas

  3   encore soumises aux Juges.

  4   Ensuite les Juges de la Chambre entendront des dépositions d'autres

  5   témoins, tous présents au moment des faits, et leurs dépositions ont une

  6   pertinence directe du point de vue des faits par rapport aux décisions

  7   rendues. Ces témoins sont des témoins qui n'ont pas été entendus par

  8   l'Accusation pendant la préparation de la présentation de ses moyens et

  9   n'étaient pas censés devenir des témoins, mais nous disons que leurs

 10   dépositions auront une extrême pertinence par rapport aux décisions qui

 11   seront à rendre dans la présente affaire.

 12   Les Juges de la Chambre sont avisés du fait que la Défense est en droit de

 13   voir les éléments de preuve présentés par elle, reçus dans des conditions

 14   identiques à celles dans lesquelles les éléments de preuve présentés par

 15   l'Accusation ont été reçus, à savoir en toute équité et impartialité. Les

 16   éléments de preuve n'ont pas une valeur inférieure en raison du fait qu'ils

 17   ont été produits dans le cadre d'un contre-interrogatoire mené par la

 18   Défense ou en raison du fait qu'ils proviennent de témoins à décharge.

 19   Les conseils de la Défense en l'espèce sont un peu préoccupés par le fait

 20   que l'Accusation a invité les Juges de la Chambre à adopter des normes

 21   artificiellement élevées et manquant de réalisme, s'agissant de déterminer

 22   la responsabilité pénale en espèce. Ces normes laissent totalement de côté

 23   les responsabilités factuelles et la capacité des personnes concernées à

 24   commettre les faits dans la période considérée. Des témoins experts d'une

 25   très grande expérience, qui proviennent du système croate, seront cités à

 26   la barre. Un général ainsi que M. Pero Kovacevic, qui sont tous deux

 27   experts dans leurs domaines respectifs, fourniront aux Juges des

 28   renseignements très fondés quant aux systèmes militaire et policer en

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  1   vigueur à l'époque et à sa façon de fonctionner. Ils le feront en se

  2   fondant sur leur propre système national. Ce sont des éléments de preuve

  3   que les Juges n'ont pas reçus pendant la présentation des moyens de

  4   l'Accusation de la part d'experts issus de ce système national.

  5   D'autres experts seront présentés par la Défense, des experts

  6   internationaux qui ont un domaine d'expertise concentré sur l'aspect

  7   militaire. Le général Sir Jack Deverell, qui a une grande expérience dans

  8   les Balkans, puisqu'il a commandé les forces de l'OTAN, et qui a également

  9   une grande expérience du commandement et du contrôle qu'exerce un

 10   commandant, une grande expérience également de la réalité de la situation

 11   au quotidien dans les endroits où il s'est trouvé à de nombreuses reprises

 12   dans sa vie, au cœur d'un conflit.

 13   M. Christopher Albiston, représentant de la police, puisqu'il est

 14   commissaire de police internationale chargé de la poursuite du crime en

 15   Irlande du Nord, est un homme très expérimenté dans la région où il a

 16   opéré, à savoir en Irlande du Nord ainsi que dans d'autres régions du monde

 17   où il a dirigé des forces de police. Il a examiné les éléments de preuve

 18   soumis en l'espèce et fournira aux Juges de la Chambre son avis, un avis

 19   qui établit très clairement que les allégations figurant dans l'acte

 20   d'accusation sont intenables, allégations dirigées contre l'accusé que je

 21   défends.

 22   Sir Jack Deverell, lui aussi, partage cet avis.

 23   Voilà donc quel est le plan global de la thèse que nous défendrons

 24   durant notre propos liminaire. J'en arrive maintenant aux conclusions ou

 25   décisions qui ont été prises et que l'on trouve dans la décision rendue au

 26   titre de l'application de l'article 98 bis.

 27   D'abord le problème de la nomination effectuée personnellement par le

 28   président Tudjman de M. Cermak en tant que commandant de la garnison de

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  1   Knin. On en trouve mention à la page 17 619 du compte rendu de l'affaire.

  2   Il importe de dire que cette nomination s'est faite en toute

  3   conformité avec les lois croates. Les Juges de la Chambre sont renvoyés à

  4   la pièce à conviction P1187, qui est le texte de la Loi croate sur le

  5   service d'active, article 159. Ce document a été admis en tant qu'élément

  6   documentaire et cet article du règlement établit clairement que la

  7   nomination au poste de haut responsable militaire est une nomination qui

  8   relève de la responsabilité du président.

  9   Vous entendrez la déposition du général Feldi, qui indiquera que

 10   cette nomination s'est faite en toute conformité avec la loi. Les Juges

 11   seront avisés d'une erreur de traduction dans un des documents importants

 12   relatifs à cette question, problème de traduction qu'il a fallu plusieurs

 13   mois à résoudre. Elle concerne une portion du texte où il est question des

 14   conditions dans lesquelles un commandant de garnison est désigné. Enfin, la

 15   Défense démontrera qu'elle a eu raison et dira à la Chambre que ce poste,

 16   qui n'est pas un poste opérationnel étant donné l'expérience qu'avait M.

 17   Cermak en matière de logistique et les connaissances qu'il avait de la

 18   façon de coordonner l'action de diverses institution, c'est ce qui s'est

 19   passé à l'époque, donc la Défense démontrera que ces qualités étaient

 20   exactement celles que l'on pouvait attendre de lui. Les Juges seront avisés

 21   des conditions dans lesquelles il a été choisi pour occuper ce poste de

 22   commandant de garnison.

 23   Eu égard aux fonctions de M. Cermak, qui avait à traiter avec les

 24   organismes des Nations Unies et autres organisations internationales, ces

 25   questions étaient secondaires par rapport au cœur de ses responsabilités

 26   suite à sa nomination, à savoir le devoir qu'était le sien de ramener la

 27   vie à la normale. Ses fonctions secondaires ont été la conséquence des

 28   conditions qui prévalaient dans la ville de Knin. Ceci indique de la façon

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  1   la plus claire qui soit que lorsque l'on a d'abord pensé à placer M. Cermak

  2   à ce poste, il n'était pas envisagé que ses responsabilités soient avant

  3   tout des responsabilités militaires. Mais dans la réalité, c'est bien ce

  4   qui s'est passé, et c'est cela qui a abouti aux problèmes qui se sont

  5   posés.

  6   Dans la décision de la Chambre, il y a également un passage qui

  7   traite de la normalisation de la vie quotidienne, et le sens à donner à

  8   cette expression a manifestement été examiné de très près par les Juges de

  9   la Chambre. Des éléments de preuve seront présentés de la part de

 10   pratiquement tous les témoins qui comparaîtront, qui établiront le même

 11   contexte que l'ont déjà fait les témoins entendus par la Chambre jusqu'à

 12   présent, s'agissant des rôles et des fonctions de M. Cermak eu égard à la

 13   nécessité de ramener la vie à la normale à Knin. Ce qui est intéressant,

 14   c'est qu'aucun des témoins auxquels des questions ont été posées sur ce

 15   sujet n'a parlé du rôle incombant à M. Cermak comme étant un rôle de

 16   rétablissement de la loi et de l'ordre, ce qui exclut la possibilité de

 17   retenir des responsabilités pénales à son encontre.

 18   Passons maintenant à un autre aspect de la décision, à savoir celui

 19   qui concerne les réunions tenues au quotidien dans le bureau de Knin. La

 20   Défense mettra en exergue l'objet de ces réunions, qui est important, et le

 21   contexte bien compris et bien admis dans lequel ces réunions se sont

 22   déroulées. Ces réunions étaient manifestement des réunions de coordination

 23   et n'avaient pas pour objet d'entendre quiconque rendre compte d'actions

 24   criminelles ou de crimes commis en quelque endroit que ce soit. Durant ces

 25   réunions, lorsque des faits relatifs à la commission d'un crime étaient

 26   rapportés, mon client n'avait pas le devoir d'entamer des poursuites

 27   judiciaires en rapport avec ces informations. C'est ce que le Témoin 86 a

 28   dit très clairement et qui a été confirmé par des témoins de la Défense; la

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  1   police civile n'était pas subordonnée à M. Cermak.

  2   Comme le témoin de l'Accusation Buhin l'a dit très clairement, il n'a

  3   jamais rencontré M. Cermak, alors comment aurait-il pu exister une voie

  4   hiérarchique effective alors que cet homme coordonnait son action

  5   directement avec son ministre à Zagreb. La question peut se poser. Le

  6   ministre de l'Intérieur avait sa propre hiérarchie, et c'est dans le cadre

  7   de cette voie hiérarchique du ministère que les rapports étaient présentés

  8   et que les mesures nécessaires étaient prises. Ce sujet va être repris du

  9   début à la fin de la présentation des moyens de la Défense, car nous tenons

 10   beaucoup à ce que les Juges de la Chambre comprennent exactement comment

 11   fonctionnait le système en vigueur en Croatie à l'époque de ce point de

 12   vue.

 13   Le fait d'organiser des réunions ne peut pas être assimilé à la création

 14   d'une responsabilité pénale; si tel était le cas, toutes les personnes se

 15   trouvant dans la pièce, à commencer par M. Pasic pour arriver jusqu'à

 16   l'homme qui s'occupait de l'électricité, devraient assumer la même

 17   responsabilité. La Défense entendra le témoin, M. Albiston, qui confirmera

 18   ce fait, car ce témoin rejette cette idée de la façon la plus claire qui

 19   soit, comme le fait également le général Sir Jack Deverell. La diversité

 20   des fonctions exercées par les personnes participant à ces réunions vient

 21   étayer l'idée que ces réunions avaient pour objet de contribuer à

 22   l'évolution positive et à la normalisation de la vie quotidienne à Knin et

 23   dans ses environs. Tout autre objectif lié au rétablissement de la loi et

 24   de l'ordre ne tient pas tout simplement, étant donné la façon dont le

 25   système fonctionnait en Croatie. C'est cela que nous, conseil de la

 26   Défense, avons le plus grand désir de montrer très clairement aux Juges de

 27   la Chambre, puisque nous tenons à ce que cet élément de preuve soit pris en

 28   compte.

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  1   Durant ces réunions, les témoins confirmeront que tous les

  2   participants étaient au courant des informations qui se transmettaient de

  3   l'un à l'autre et qui avaient pour but de mieux informer chacun quant à ce

  4   qui était en train de se passer dans tous les domaines de la vie

  5   quotidienne à Knin à l'époque des faits.

  6   Le témoin Dzolic, qui a témoigné à charge, a dit à plusieurs reprises qu'il

  7   était demandé à la police de faire son travail. A ce sujet également, des

  8   témoins de la Défense viendront corroborer les témoignages des témoins à

  9   charge et confirmer que tout le monde voulait que ce travail soit accompli.

 10   Le fait que Cermak le dise ne l'investit en aucun cas d'une responsabilité

 11   ou d'une autorité particulière. Pour soutenir une charge au pénal, il faut

 12   qu'il existe un fondement, une base à cette accusation, et nous soutenons

 13   que ce fondement n'existe tout simplement pas.

 14   Ensuite un autre paragraphe de la décision 98 bis. La façon dont M. Cermak

 15   a répondu aux crimes et les garanties qu'il a fournies en indiquant que les

 16   enquêtes seront faites. Ce qui préoccupe la Défense là-dessus, c'est les

 17   faits que M. Cermak, comme toute autre personne qui aurait pu être en

 18   désaccord parfois par rapport aux auteurs des crimes ou par rapport aux

 19   raisons de la commission des crimes ou même si un crime a été commis au

 20   cours des différents entretiens qu'ils ont pu avoir avec des représentants

 21   de la communauté internationale, nous avançons l'argument que ceci ne

 22   représente pas en soi la responsabilité au pénal en espèce. Cela voudrait

 23   dire que les personnes chargées des communications au sein des forces

 24   armées, des gouvernements et d'autres institutions seraient responsables

 25   d'avoir communiqués les informations qui, même si on peut ne pas être

 26   d'accord avec ce qu'ils disaient, le simple fait de transmettre

 27   l'information ne peut pas constituer la base d'une responsabilité au pénal,

 28   soit pour l'acte ou de l'auteur de l'acte. Là il s'agirait tout simplement

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  1   de tirer sur le messager.

  2   Donc les Juges vont entendre les éléments qui confirment en grande partie

  3   ce qui a été avancé pendant la présentation des preuves du Procureur, à

  4   savoir que M. Cermak avait à l'époque avoué qu'il y a eu des crimes de

  5   commis, qu'il était en colère à cause de cela. Il en a parlé à de

  6   nombreuses personnes, il voulait que ces crimes s'arrêtent, mais il n'avait

  7   pas de pouvoir lui-même, et tout son comportement était le comportement

  8   d'un homme qui ne niait pas que de tels événements se soient produits, mais

  9   d'un homme qui souhaitait que tout ceci s'arrête.

 10   Les témoins de la Défense vont déposer pour parler de ses intentions par

 11   rapport à la communauté serbe, les civils, comment il voulait que ces

 12   civils restent, comment il a encouragé que l'on ouvre les usines et les

 13   postes de travail. Il s'est rendu personnellement à la base de l'ONU pour

 14   leur demander de rester et de travailler. Ceci est en grande contradiction

 15   avec toute allégation de l'intention qui aurait pu lui être imputée, parce

 16   qu'on a allégué qu'il ne voulait pas que les Serbes restent dans la région.

 17   Le fait qu'il transmettait des informations au sujet des crimes

 18   montre qu'il ne fermait pas les yeux devant ce qui se passait et qu'il ne

 19   voulait pas dissimuler ces crimes. Le fait qu'il n'était peut-être pas

 20   d'accord pendant des réunions qui se sont tenues quant à ce qui s'était

 21   vraiment produit et pourquoi, c'est un désaccord et rien d'autre. Ceci ne

 22   peut pas constituer la responsabilité au pénal. Il ne peut pas être tenu

 23   responsable. On ne peut pas dire qu'il a commis un crime tel que décrit

 24   dans cet acte d'accusation.

 25   Il a fourni des garanties par rapport aux enquêtes. Le fait qu'il a fait

 26   cela ne veut pas dire qu'il avait le pouvoir d'ordonner de telles enquêtes.

 27   Le fait qu'il a dit aux gens qu'il allait demander qu'une enquête soit

 28   faite montre ses bonnes intentions plutôt que de mauvaises intentions

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  1   montrées à ceux qui étaient préoccupés par les événements.

  2   Maintenant on va parler de l'événement de Grubori. Les Juges en ont parlé

  3   au transcript à la page 17 619 à 20. Ils ont parlé de la façon dont on

  4   pourrait examiner les éléments de preuve par rapport à ce qui s'est passé à

  5   Grubori. A nouveau, il faut avancer un argument qui est extrêmement

  6   important. Il n'y a pas eu de témoin oculaire de ce qui s'est passé à

  7   l'époque à Grubori, par rapport aux meurtres qui ont été commis. Ce témoin

  8   oculaire n'a pas été présenté, personne n'est venu témoigner au sujet de ce

  9   qui s'est passé.

 10   Ce que l'on sait, c'est qu'il y a eu un rapport qui a été fourni à la

 11   garnison au sujet des incendies volontaires; ensuite on a parlé de deux

 12   meurtres. Mais c'est quelqu'un qui travaillait justement dans la garnison

 13   qui était présenté en tant que témoin de la Défense, le lieutenant Dondo,

 14   qui a fait un rapport à la police en disant qu'il y a eu cinq meurtres, et

 15   nous demandons aux Juges de prendre note de cet élément de preuve

 16   extrêmement important, puisque M. Dondo va vous en parler, et ceci montre

 17   qu'il travaillait dans une garnison où on n'essayait pas de dissimuler les

 18   crimes mais, au contraire, où l'on essayait de faire en sorte que l'on les

 19   fasse connaître. On va en parler plus tard cet après-midi. Et nous pensons

 20   que là, il s'agit d'un témoignage-clé en l'espèce.

 21   Il est devenu aussi clair que ce qui s'est passé à Grubori, que c'est

 22   quelque chose qui concernait les activités de la police spéciale. Chacun

 23   pourrait accepter le fait que le département de la police allait faire une

 24   enquête en bonne et due forme au sujet d'un événement qui les concerne

 25   directement. Il n'est pas possible que tout simplement, parce qu'ici on

 26   mentionne la police spéciale, que toute personne à l'époque aurait dû avoir

 27   des doutes ou bien ne pas croire qu'ils allaient agir comme ils devaient

 28   agir. Ce qu'on essaie de dire et de démontrer ici, c'est que là, il

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  1   s'agissait d'un problème qui relevait du ministère de l'Intérieur, donc

  2   dépend de la police spéciale, et M. Cermak, quand il a transmis des

  3   informations à ce sujet, c'était tout à fait raisonnable, quelque chose de

  4   tout à fait raisonnable de faire, puisqu'il a transmis l'information qu'il

  5   a reçue par eux, il l'a transmise à la communauté internationale. On n'a

  6   pas prouvé en l'espèce que M. Cermak connaissait la version des événements

  7   telle qu'elle a été fournie par la police spéciale. On n'a pas prouvé qu'il

  8   savait que ceci ne correspondait pas à la vérité.

  9   Il n'y a pas eu de rapports officiels qui lui auraient été soumis.

 10   Les Nations Unies n'ont pas fait une enquête en bonne et due forme à

 11   l'époque, et ils ne lui ont pas fourni une analyse sur les lieux du crime

 12   qui donnerait une autre version de l'histoire. Donc, le danger ici que l'on

 13   a, c'est qu'un homme croit à une version des événements, et de l'autre

 14   côté, vous avez quelqu'un qui croit à une autre version des événements. Et

 15   ensuite, on vous tient responsable parce que vous l'avez crue, cette

 16   version des événements, et vous avez transmis les informations qui

 17   correspondaient à cette version-là. A nouveau, nous pensons que là, à

 18   nouveau, il s'agit de tuer le messager. Et à nouveau, nous allons citer des

 19   témoins experts qui vont parler du système tel qu'il était en vigueur quand

 20   il s'agissait de porte-parole des militaires, de porte-parole de la police,

 21   qui se sont trouvés exactement dans la situation dans laquelle se trouvait

 22   M. Cermak à l'époque.

 23   La question de la liberté de la circulation va aussi faire l'objet de

 24   la présentation de moyens de preuves de la Défense. A la page du compte

 25   rendu d'audience 17 595, les Juges ont noté que :

 26   "Il était clair que M. Cermak a coopéré avec les deux autres accusés

 27   quand il s'agit de la liberté de la circulation."

 28   Vous allez entendre des éléments de la déposition des officiers de

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  1   liaison, M. Dondo et M. Lukovic, quant à la façon dont M. Cermak s'est

  2   trouvé impliqué dans cela quand il a signé des lettres adressées à M.

  3   Forand, et par rapport aux mouvements des troupes des Nations Unies.

  4   Là, il ne s'agissait pas des décisions qu'il a prises, lui. Il n'a

  5   pas pris ces décisions de concert avec d'autres. Là, il s'agissait des

  6   questions qui sont passées par son bureau, et il n'avait aucune

  7   responsabilité dans le processus de prise de décision qui ferait qu'il

  8   serait responsable. Le fait de transmettre les informations aux Nations

  9   Unies, nous considérons - c'est l'argument de la Défense - ne le rend pas

 10   responsable d'éventuelles conséquences de ces décisions.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kay, je vais vous interrompre,

 12   parce que j'essaie de suivre la référence que vous avez faite par rapport à

 13   la page du compte rendu d'audience, parce que là, je pense que vous avez

 14   parlé de la page 17 595, mais ce n'est pas ce qui figure au compte rendu

 15   d'audience.

 16   M. KAY : [interprétation] C'est une décision --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais là, on n'a pas parlé de la

 18   liberté de circulation, puisque c'est la première page de la session de

 19   travail du 3 avril, où nous n'allons faire rien d'autre que de présenter

 20   les travaux, l'ordre du jour de cette journée. Donc je n'arrive pas à

 21   retrouver la référence que vous avez donnée.

 22   M. KAY : [interprétation] C'est une décision. Je suis désolé si je me suis

 23   trompé par rapport à la page directe. Je ne l'ai pas sous la main. Je ne

 24   l'ai pas sous mes yeux.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vais essayer de trouver

 26   cela.

 27   M. KAY : [interprétation] Il s'agit donc du numéro 17 019.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Essayez de donner des

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  1   références justes à chaque fois que vous citez les décisions de la Chambre.

  2   M. KAY : [interprétation] Je vais m'y efforcer. Donc, je pense que c'est la

  3   référence 17 619.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, je vous remercie.

  5   M. KAY : [interprétation] Donc, à nouveau, nous avons un fait, M. Cermak a

  6   transmis ces décisions et il a servi de messager entre les autorités

  7   croates et les Nations Unies, auxquelles il a transmis les informations, et

  8   c'est tout ce qu'il a été, rien d'autre. Les Juges vont entendre des

  9   témoins, des témoins qui ont été interrogés par les Procureurs, et nous

 10   allons citer des témoins qui vont démontrer qu'il n'avait pas ce pouvoir de

 11   prise de décision, et c'est cela qui est le plus important par rapport à

 12   une décision en l'espèce.

 13   Et puis, par rapport à la décision 98 bis où il s'agit de quelque

 14   chose qui est dit dans la décision des Juges de la Chambre, à savoir la

 15   participation personnelle de M. Cermak pour faire en sorte que des

 16   centaines de civils serbes quittent la base des Nations Unies de Knin à

 17   bord des autocars en direction de la Serbie, la Défense, quand elle a

 18   contre-interrogé M. Liborius, l'a fait parcourir de longs documents parlant

 19   de cela et qui, nous le considérons clairement, démontrent bien que là il

 20   n'a fait rien d'autre que transmettre des informations qui ont été prises

 21   ailleurs à ce sujet.

 22   Mais la question des Serbes qui se trouvaient à l'intérieur de la

 23   base de l'ONU, ce n'est pas une question qui ne concernait que les Serbes.

 24   Il n'y avait pas que les Serbes à l'intérieur de la base. Il y avait

 25   beaucoup de Croates qui s'y trouvaient aussi. Et vous allez entendre des

 26   témoins des Défenses vous confirmer ce fait. Et au fur et à mesure que les

 27   journées passaient, les gens choisissaient de quitter la base et de rentrer

 28   chez eux. Ils ont été encouragés à le faire par M. Pasic, M. Cermak, et Dr

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  1   Dodig, qui va déposer en espèce.

  2   Et ces gens ont été encouragés à rester dans la zone de Knin. Et au fur et

  3   à mesure que le temps se découle, les gens qui se trouvaient dans la base

  4   de nationalité serbe, ils décidaient de quitter la base et de partir en

  5   direction de la Serbie. C'était leur décision, la décision qui leur

  6   appartenait.

  7   Ils se trouvaient dans une base qui était organisée et dirigée par

  8   les Nations Unies. C'est là qu'ils étaient. M. Cermak n'est pas responsable

  9   du fait qu'ils sont allés dans cette base, et ceci est devenu un problème,

 10   un problème entre les Nations Unies et le gouvernement croate quand il

 11   s'agissait de voir quand et comment ces gens qui se trouvaient à

 12   l'intérieur de la base allaient partir de la base. Vous avez vu un

 13   document, un document du général Forand dans lequel il dit : Vous ne pouvez

 14   pas voir vos criminels de guerre au sujet desquels vous souhaitez faire une

 15   enquête, avant que l'on soit sûr que ces gens qui se trouvent dans la base,

 16   il nous faut des assurances qu'ils allaient être gardés par les Croates, et

 17   puis il reste 800 Serbes qui sont restés dans la base. Et là, ceci devient

 18   un problème brûlant, non résolu, entre les Nations Unies et la Croatie.

 19   Avant tout, parce que comme c'est souvent le cas dans la vie, il y a eu un

 20   malentendu quant au procès dont parlaient les deux parties.

 21   Le rôle de M. Cermak, vous allez l'entendre de la bouche de M.

 22   Tomislav Penic, très vite après l'opération Tempête, a été appelé par le

 23   ministre de la Justice et envoyé à Knin avec des dossiers relatifs aux

 24   personnes que l'on suspectait d'avoir commis des crimes de guerre et qui se

 25   trouvaient dans la base. Quand il est allé à Knin et quand il a vu M.

 26   Cermak, il l'a amené dans la base, et lui, il avait l'impression que M.

 27   Cermak agissait là en tant que quelqu'un qui l'invitait parce que c'était

 28   lui et son département, d'après lui, qui s'occupaient de cela.

Page 17791

  1   Donc jusqu'alors, vous avez entendu des éléments à ces sujets qui

  2   viennent du côté des Nations Unies, et il est important que les Juges

  3   n'aient pas l'impression par rapport au rôle de M. Cermak qui lui donne une

  4   certaine autorité qu'il n'avait pas tout simplement. Il est important que

  5   vous ne restiez pas sur cette impression-là.

  6   Maintenant, je vais passer à l'autre partie de mon propos liminaire

  7   où je vais parler des témoins que nous allons citer pour fournir des

  8   éléments à décharge pour contredire les propos du Procureur par rapport à

  9   l'autorité, du pouvoir, la responsabilité, les rôles de M. Cermak.

 10   Pendant la présentation à charge, vous avez entendu des éléments très

 11   ciblés par rapport à cela. La plupart de ces éléments de preuve étaient des

 12   impressions, des témoins relevant de la communauté internationale. Les

 13   témoins qui viennent des autorités croates n'étaient pas nombreux, et tous

 14   ces témoins, il faut le dire,  ils n'étaient pas d'accord avec ce qui

 15   figure à l'acte d'accusation, à savoir que M. Cermak contrôlait soit la

 16   police civile soit la police militaire ou des unités militaires dans la

 17   région, et ils ont rejeté - le Témoin 86, le témoin Dzolic - ils ont rejeté

 18   la possibilité d'avoir été subordonné de quelque façon que ce soit à M.

 19   Cermak.

 20   Vous avez entendu un témoin expert, M. Theunens, et nous pensons

 21   qu'il a présenté un rapport d'expert qui a été fait pour plaire à

 22   l'Accusation et pour suivre l'acte d'accusation. C'était un rapport sur

 23   mesure qu'il a basé sur un petit nombre de documents qui ont été décrits

 24   comme des ordres de l'ONURC qui devraient prouver sa théorie. Mais ces

 25   documents, les témoins ne les ont jamais vus, ils ne les ont jamais

 26   acceptés ou rejetés, pas avant qu'ils ne soient contre-interrogés par la

 27   Défense.

 28   Et c'est pour cela que nous disons que jusqu'à présent, ces éléments

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  1   ont été plutôt basés sur des théories que sur des éléments de preuve

  2   concrets. Et nous vous demandons, Madame, Messieurs les Juges, de rejeter

  3   de telles spéculations et d'entendre le témoin-clé, et si le Procureur

  4   avait cité de tels témoins, vous auriez eu toute une autre idée de la

  5   nature des accusations portées contre M. Cermak.

  6   Maintenant, nous sommes forcés de citer ces témoins, parce qu'on les a

  7   choisi un par un, et nous allons les présenter et nous allons présenter

  8   aussi leur déclaration, les déclarations qu'ils avaient fournies pour le

  9   bureau du Procureur.

 10   Trois de ces gens étaient au cœur des événements dans la garnison, M.

 11   Pasic, M. Dondo, et M. Lukovic.

 12   On va commencer par M. Petar Pasic. C'est un Serbe, un confident du

 13   gouvernement, l'homme de foi pour Knin. Il est aussi décrit comme le

 14   représentant ou peut-être même le maire, et il a été interrogé par le

 15   Procureur en 2001, 2002. Et peut-être que nous allons pouvoir voir ce qui

 16   figure dans cette déclaration à la page 4 où il dit :

 17   "J'ai été conscient que le général Cermak était le commandant de Zborno

 18   Mjesto, ce qui n'était pas le district militaire. Que je sache, Cermak

 19   était là pour aider les autorités civiles. Il me demandait d'organiser la

 20   nourriture pour les gens, la cuisine populaire, et il m'a poussé à ouvrir

 21   les commerces. Cermak avait une base de logistique, à peu près une dizaine

 22   de soldats, qui dépendaient de lui. Et il insistait aussi qu'il y ait donc

 23   une cuisine publique qui doit nourrir les gens qui n'ont pas d'argent. Il

 24   voulait que les autorités civiles fonctionnent pour qu'il n'ait pas à

 25   nourrir la population. En l'espace de quelques jours, nous avons réussi à

 26   rétablir l'électricité, et l'adduction d'eau dans la ville.

 27   "Le poste de police se trouvait à l'autre bout de la ville. Je sais

 28   que Cermak a été nommé par le président. Je ne sais pas quelles étaient ses

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  1   responsabilités, mais je le rencontrais tous les jours. Il y avait donc un

  2   ordre du jour et les points qui figuraient à l'ordre du jour comprenaient,

  3   par exemple, les informations concernant l'électricité dans la ville ou

  4   comment s'occuper des Serbes qui se trouvaient dans la base de l'ONU, les

  5   questions de sécurité. Cermak demandait ce qui avait été fait à ce sujet,

  6   puis on répondait. On a discuté de meurtres, pillages et destructions.

  7   Souvent c'est Cermak qui nous disait que de telles choses se produisaient

  8   en demandant ce que l'on faisait à ces sujets.

  9   "A une autre réunion, ce sont les membres de la communauté

 10   internationale qui ont parlé de tels crimes à Cermak et à moi-même. Je me

 11   souviens que Gambiroza disait souvent qu'il n'y avait pas suffisamment de

 12   policiers à Knin. Je crois que les Serbes qui revenaient ou bien ceux qui

 13   étaient restés, ainsi que les membres de la communauté internationale ne

 14   faisaient pas confiance à la police croate. Ils ne pensaient pas qu'ils

 15   faisaient leur travail. Cermak demandait ce qui avait été fait. Il était

 16   désagréable avec les gens, et parfois il élevait la voix si les choses

 17   n'étaient pas faites comme il voulait en ce qui concerne les meurtres, les

 18   pillages, les destructions, il n'était pas content avec cela."

 19   Donc nous pensons que dans ce paragraphe, à lui seul, on trouve beaucoup de

 20   réponses aux questions posées par les Juges dans leur décision en vertu de

 21   l'article 98 bis, qui montre quel a été l'aperçu du travail de M. Cermak,

 22   de son attitude, de la façon dont il parlait et dont il agissait, et cela

 23   de la bouche de quelqu'un qui était un témoin de première qualité, un

 24   témoin oculaire de ses agissements. Et là, cette façon d'agir ne s'inscrit

 25   pas dans l'allégation de la participation à l'entreprise criminelle

 26   commune.

 27   Ce qui est intéressant ici, c'est qu'il ne récite pas par cœur les

 28   histoires des crimes, des vengeances, et cetera. Non, il condamne les

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  1   autorités pour les crimes qui se sont produits, pour ce qui s'est passé, et

  2   il nous donne son propre point de vue à ce sujet. Ce qui est vraiment

  3   important, c'est qu'il n'accuse pas M. Cermak de quoi que ce soit, il ne

  4   dit même pas qu'il est responsable de cela. Il ne dit même pas qu'il

  5   sympathisait avec de tels agissements, avec cette façon de traiter les gens

  6   dans la région. Au contraire, comme vous allez l'entendre.

  7   Dans un autre passage de la page 6, on peut lire encore des éléments qui

  8   vont à l'encontre des éléments qui ont été portés dans l'Accusation :

  9   "Avec Cermak, nous nous rendions sur la base des Nations Unies pour

 10   essayer de persuader les Serbes de rentrer chez eux. On leur garantissait

 11   la sécurité, mais d'autres voyaient les choses différemment. S'ils

 12   rentraient chez eux, certains étaient battus. C'était un message qui leur

 13   était envoyé leur disant de rester sur la base des Nations Unies et de ne

 14   pas rentrer chez eux."

 15   Bien si M. Cermak était présent comme membre d'une entreprise

 16   criminelle conjointe et comme une personne qui aurait eu de mauvaises

 17   intentions, alors pourquoi se serait-il rendu au camp des Nations Unies

 18   pour essayer de dire aux gens qu'il valait mieux rester ? Ce n'est pas du

 19   tout ce que l'on a dit aux Juges jusqu'à maintenant. Ce n'est pas du tout

 20   les preuves qui ont été apportées par l'Accusation jusqu'à maintenant,

 21   depuis un an. Mais évidemment, les déclarations de M. Pasic ne

 22   correspondaient pas à l'acte d'accusation. Voilà pourquoi on l'a écarté.

 23   Venons-en à Karolj Dondo, qui a été entendu en 2005. Officier de liaison

 24   dans la région, en rien subordonné à M. Cermak, mais c'était quelqu'un qui

 25   travaillait dans la garnison, et son nom apparaît régulièrement dans les

 26   preuves, du fait du rôle qu'il jouait comme officier de liaison. Page 3 de

 27   cette déclaration, on peut lire :

 28   "Personne ne nous a rejoints pour nous rendre en avion à Knin. M. Lukovic

Page 17795

  1   pensait savoir quel était mon rôle. Il y avait des informations selon

  2   lesquelles les choses étaient problématiques au camp des Nations Unies à

  3   Knin. M. Cermak devait arriver, donc nous devions venir lui prêter main-

  4   forte concernant la situation dans ce camp des Nations Unies. Ces

  5   informations étaient très brèves, informations selon lesquelles il y avait

  6   des réfugiés et qu'il fallait qu'on découvre quelle était la situation une

  7   fois sur place."

  8   Il faut bien se souvenir que M. Cermak n'était pas responsable du

  9   déplacement de quiconque dans ce camp.

 10   Page 4 :

 11   "Notre mission était d'organiser le commandement avancé du bureau de

 12   liaison à Knin. Lors de la réunion avec M. Cermak, qui a été très courte,

 13   M. Lukovic nous a simplement présentés et il nous a expliqué quels étaient

 14   nos rôles. M. Cermak a déclaré que nous étions précisément les gens dont il

 15   avait besoin et que nous devrions rester à sa disposition. Avant de le

 16   rencontrer, nous étions déjà rentrés à Dom. Je pense que c'est le

 17   lendemain, le 7 août, que nous sommes allés avec M. Cermak au camp des

 18   Nations Unies pour la première fois. Ensuite les visites sont devenues très

 19   fréquentes."

 20   Page 5 :

 21   "La première réunion visait à présenter M. Cermak au camp de l'ONU au

 22   général Forand. Je pense que M. Cermak a expliqué qu'il était sur place

 23   pour aider les Nations Unies et qu'il était chargé de communiquer avec eux

 24   et de régler tout problème qui aurait pu survenir. Ainsi, il était à leur

 25   disposition en fonction de leurs besoins. Son rôle, c'était aussi de mettre

 26   en place et de normaliser le quotidien des civils à Knin."

 27   C'est précisément ce que la Défense a dit à maintes reprises pendant

 28   la phase d'Accusation de ce procès avec tous -- est-ce que tous les

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  1   commandants de toutes ces unités, mentionnées dans le paragraphe 7 de

  2   l'acte d'accusation, jouaient-ils un rôle comme celui-ci ? Est-ce qu'ils

  3   aidaient à régler les difficultés auxquelles on était confronté au camp de

  4   l'ONU ? Faciliter la vie, normaliser le quotidien des civils, régler des

  5   problèmes ?

  6   M. Dondo fait aussi allusion aux réunions qui avaient lieu le matin,

  7   au paragraphe 15 :

  8   "Lors de ces réunions, il y avait des informations qui circulaient."

  9   Voilà ce qu'il dit :

 10   "Le matin aux réunions, il y avait beaucoup de présents. Tous ceux

 11   qui étaient en charge de normaliser le quotidien étaient présents. Il y

 12   avait des représentants des autorités civiles, comme M. Pasic. Il faut dire

 13   que je ne connais pas son rôle exact. Il y avait des représentants de la

 14   police civile, de la police militaire. Je me souviens qu'à une réunion une

 15   des questions de protection civile ont été portées à l'ordre du jour et on

 16   a notamment parlé du besoin de préparer les frigos."

 17   Il poursuit ensuite en disant :

 18   "Je sais qu'il y a eu des protestations de certains des membres de la

 19   communauté internationale, et notre bureau, en tant qu'intermédiaire, son

 20   rôle était de faire passer cette information."

 21   Vous entendrez M. Dondo nous décrire M. Cermak qui, à son avis, était

 22   un officier de liaison de très haut niveau. C'est précisément la vision

 23   qu'il avait de son rôle, de ses activités à Knin.

 24   "Ainsi si l'on parlait d'une maison qui avait brûlé, on faisait

 25   passer cette information, on la passait au général Cermak, par exemple, si

 26   elle lui était destinée. Etant donné que c'était ni plus ni moins la seule

 27   personne qui traitait avec l'ONU, la plupart des déclarations lui

 28   parvenaient à lui."

Page 17797

  1   Dans la plupart des cas, il s'agissait de réunions où l'on faisait

  2   passer de l'information. Ce que faisait M. Cermak est tout à fait crédible.

  3   Il ne s'agit certainement pas d'une entreprise criminelle conjointe. Bien

  4   au contraire, cela montre qu'il a fait preuve de responsabilité par rapport

  5   à la situation de l'époque et cela montre aussi que, dans la mesure de ses

  6   moyens, il a essayé d'y faire face.

  7   Paragraphe 16 :

  8   "Dès le début de son séjour à Knin, M. Cermak signait ses lettres et

  9   ses mémos en tant que commandant de la garnison de Knin. Selon le règlement

 10   militaire, il incombe au commandant d'une garnison de s'occuper de la

 11   logistique et des affaires d'organisation. Donc, à partir du moment où la

 12   zone a été libérée, Knin avait le statut de garnison, et M. Cermak était

 13   responsable de cette zone. D'après mon interprétation, je dirais qu'il

 14   n'était pas, dans la réalité, responsable de la logistique des unités

 15   militaires de la zone, étant donné que ces unités disposaient de leur

 16   propre soutien logistique. Il s'occupait davantage de la normalisation des

 17   infrastructures civiles et des questions de logistique en fonction des

 18   besoins. Quant à savoir pourquoi est-ce qu'un général militaire aurait été

 19   nommé à ce rôle, je ne peux que vous donner mon propre avis et mon

 20   interprétation."

 21   Et les Juges l'entendront lorsqu'il déposera, c'est parce que le

 22   général Forand était général, il aurait été normal qu'un général côté

 23   croate parle à un général de l'autre côté, et ce n'était pas acceptable

 24   pour le protocole qu'un lieutenant ou qu'un capitaine de la marine traite

 25   directement avec le général Forand. Mais visiblement cela n'a pas été

 26   repris dans sa déclaration.

 27   "Etant donné que Knin était une zone militaire à l'époque et étant

 28   donné qu'il y avait tellement de soldats sur place, je pense que M. Cermak

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  1   disposait des compétences logistiques nécessaires, étant donné son

  2   expérience. Pour autant que je sache, il ne dispose pas du rang de général,

  3   il disposait plutôt d'un rang administratif. A mon avis, il y a une

  4   différence entre des rangs administratifs et militaires. Cela vaut

  5   d'ailleurs aussi pour moi, lorsque l'on m'a nommé capitaine lorsque je

  6   travaillais à l'arrière. J'avais, certes, un rang, mais c'était à des fins

  7   purement administratives. J'ai vu à plusieurs reprises que M. Cermak en

  8   avait marre, et je pense que cela est lié au fait que c'était difficile…"

  9   Là encore, je pense que cela décrit bien les choses de manière non

 10   opérationnelle, et cela explique très bien que lui n'avait jamais traité

 11   avec M. Cermak auparavant, il ne l'avait jamais vu comme cela et qu'il

 12   savait quel était son rôle.

 13   Paragraphe 17, maintenant :

 14   "Alors qu'on était souvent informé des pillages et des incendies, M.

 15   Cermak essayait de faire face à toutes ces difficultés. Il faisait part de

 16   toutes ces questions à la police civile, qui était chargée d'enquêter dans

 17   des affaires similaires et qui, ensuite, rendait compte à la police et aux

 18   Nations Unies. Je le sais, parce que j'ai eu l'occasion de traduire une

 19   fois les réponses de la police pour M. Cermak qui, ensuite, est allé aux

 20   Nations Unies. Concernant la mainmise qu'il aurait pu avoir sur la police

 21   civile, ce que je puis vous dire, c'est que je ne l'ai jamais entendu leur

 22   donner un ordre, leur demander d'enquêter et de rendre compte. D'après ce

 23   que j'ai vu, il fournissait simplement de nouvelles informations des

 24   Nations Unies à la police, et étant donné que la police n'avait aucun

 25   officier de liaison, il jouait ce rôle, il faisait passer des informations

 26   et demandait à ce qu'il soit informé."

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pardonnez-moi, je vais de voir vous

 28   interrompre, Monsieur Kay. Page 23, ligne 13, vous avez cité, et vous avez

Page 17799

  1   dit : Je pense que c'est parce que c'était difficile, point.

  2   Visiblement ce ne sont pas les derniers mots de cette phrase.

  3   M. KAY : [interprétation] Oui, absolument. Je peux vous aider d'ailleurs,

  4   si vous le souhaitez.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A ce moment-là, j'ai été informé que

  6   c'était difficile.

  7   M. KAY : [interprétation] Oui --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, mais --

  9   M. KAY : [interprétation] Excusez-moi.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- Je ne savais pas si --

 11   M. KAY : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne savais pas si ça ajouterait

 13   quelque chose ou non au sens de la phrase. C'est pour ça que je voulais

 14   connaître la fin de la phrase.

 15   M. KAY : [interprétation] Oui, c'est sur une autre page.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 17   Poursuivez.

 18   M. KAY : [interprétation] Merci.

 19   Paragraphe 18 :

 20   "Je ne me rappelle pas de M. Cermak faisant allusion à des incidents

 21   spécifiques," ce sont des questions qu'on lui a posées dix ans après, "mais

 22   à un moment donné, il rentrait de Sibenik et il avait vu des bâtiments en

 23   feu. Il a dit qu'il ne comprenait pas pourquoi ou comment cela pouvait

 24   avoir lieu alors que l'opération Oluja était terminée depuis un certain

 25   temps. Je sais que les médias avaient parlé de certains incendies

 26   volontaires qui étaient perpétrés par des gens en uniforme militaire, mais

 27   il ne pensait pas que c'étaient des gens qui faisaient partie de l'armée."

 28   Ensuite, il parle d'un exemple qu'il a connu tout à fait similaire.

Page 17800

  1   "Je suis conscient de ce que faisait M. Cermak pour faire part des

  2   plaintes d'incendies et de pillages au rang des militaires. Il transférait

  3   ces informations à la police militaire et il est possible qu'il ait envoyé

  4   certains de ces rapports écrits à d'autres structures militaires."

  5   Il se souvient au paragraphe 22, page 8, du type d'histoire qui

  6   touche précisément le cœur de cette affaire, et parfois en jugeant ce que

  7   font les gens, on comprend leurs intentions profondes.

  8   Au paragraphe 22, il parle d'un incident, il dit qu'il va à un

  9   village et qu'un Serbe portait des seaux d'eau et que des hommes avaient

 10   abattu les moutons chez lui. M. Dondo s'est rendu dans cette maison, il a

 11   rencontré quatre personnes habillées en uniforme militaire croate sans

 12   insigne militaire, leurs mains étaient couvertes de sang des moutons qu'ils

 13   venaient d'abattre. Ils étaient choqués d'avoir été pris sur le vif. M.

 14   Dondo a pris ses responsabilités et leur a parlé. Ils ont refusé de leur

 15   donner la moindre information, et ils ont précisé qu'ils connaissaient déjà

 16   la région et qu'ils connaissaient l'homme. Il a dit qu'il était là avec des

 17   représentants de l'ONU et il a dit qu'ils étaient en train de préparer un

 18   pillage. M. Dondo leur a dit d'arrêter et ensuite il a bluffé en disant

 19   qu'il savait qui ils étaient, et ensuite ils se sont lavés les mains et ils

 20   sont partis.

 21   Lorsqu'il est rentré à Knin, il en a parlé à la police civile, et

 22   même s'il en avait parlé, il l'a mentionné aussi au général Cermak pour

 23   savoir s'il pouvait faire quelque chose en la matière. M. Cermak a fait en

 24   sorte que ce vieillard soit transféré en ambulance dans le service de

 25   gériatrie de l'hôpital de Knin le lendemain ou le surlendemain.

 26   Quelle contradiction totale avec les allégations qui ont été portées

 27   dans cette affaire, et les Juges pourront entendre d'avantage de détails

 28   venant de M. Dondo concernant l'opération nécessaire pour faire descendre

Page 17801

  1   cet homme de la montagne où il résidait et pour le transférer à l'hôpital

  2   de Knin pour qu'il puisse être traité. Nous pensons qu'un témoin très

  3   important qui connaît bien cette affaire, quelqu'un qui a vécu ça de lui-

  4   même, pourra apporter des preuves pertinentes qui étaient au cœur des

  5   choses, pourra démontrer l'innocence de M. Cermak.

  6   Le troisième de ces témoins sera M. Lukovic, qui a été entendu par

  7   l'Accusation en 2004. C'était le chef des officiers de liaison, un

  8   supérieur hiérarchique de M. Dondo, et il parle de cette première

  9   rencontre, comme l'a fait M. Dondo, rencontre où il se présente à M.

 10   Cermak.

 11   C'est au paragraphe 34 :

 12   "Le général Cermak m'a dit qu'il était arrivé à Knin pour aider à

 13   normaliser la ville. Je le connaissais déjà, mais pas très bien. Le général

 14   Cermak a déclaré qu'il espérait que nous allions coopérer ensemble et que

 15   je l'aiderais à coordonner et à couvrir ce rôle de liaison. Le général

 16   Cermak ne m'a pas expliqué quel était son rôle à Knin lors de cette

 17   rencontre. C'est plus tard que je me suis rendu compte qu'il était le

 18   commandant de la garnison de Knin."

 19   Mais là encore, on retrouve ce que l'on a vu pendant toute la phase

 20   d'Accusation de ce procès, ce qui a été répété par plusieurs témoins sur ce

 21   rôle de normalisation, un rôle non opérationnel, un rôle tout à fait

 22   spécifique, un rôle qui ne lui confère aucune autorité sur les unités, sur

 23   la police civile et sur la police militaire.

 24   Venons-en maintenant à la page 10, paragraphe 57 :

 25   "Le général Cermak et moi-même étions impliqués et cherchions à

 26   faciliter les choses pour les personnes déplacées dans les zones de l'ONU.

 27   Avec le général Cermak, nous rencontrions les Serbes au quotidien à l'ONU,

 28   nous les avons rencontrés au moins à 15 reprises sur cette base de l'ONU.

Page 17802

  1   Nous avons essayé de convaincre les personnes déplacées de rester en

  2   Croatie, mais il est devenu évident à nos yeux qu'il y avait des personnes

  3   qui avaient une position plus radicale sur la base qui disaient aux Serbes

  4   de ne pas rester, mais au contraire de partir, et donc ils sont finalement

  5   tous partis. On nous a remis une liste des personnes déplacées sur la base

  6   et notre police a fait des vérifications pour identifier les suspects de

  7   crimes de guerre et une poignée d'entre eux a été remis à notre police."

  8   Là, les choses sont claires. Dondo décrit M. Cermak comme étant un

  9   officier de liaison de haut niveau. Il ne le dit pas en ces mots, mais ce

 10   que M. Lukovic a dit à l'Accusation dans sa déclaration en 2004 correspond

 11   clairement à cela. Ce qui est important en la  matière, c'est la nature des

 12   fonctions de M. Cermak et de ses fonctions à lui. Là encore, c'est en

 13   contradiction totale avec cette allégation d'entreprise criminelle

 14   conjointe telle quelle a été décrite par l'Accusation dans cette affaire.

 15   Ce qu'il faut souligner concernant M. Lukovic, c'est que pendant

 16   toute la durée du conflit et de la guerre, il a joué ce rôle de liaison

 17   entre les forces RSK, les forces croates, et a travaillé de près, coopéré

 18   avec les forces de l'ONU. Et donc il disposait d'une certaine expérience

 19   pour essayer de trouver des accords, des solutions pour faciliter le

 20   quotidien des civils qui étaient pris par le conflit de part et d'autre, et

 21   pour leur faciliter la vie. Et il le dit lui-même, il jouait un rôle plus

 22   civil qu'autre chose en la matière, parce que ce qui l'intéressait avant

 23   tout c'était les civils, arriver à les nourrir, arriver à faire traverser

 24   de la nourriture du côté RSK vers la Croatie; une fois, il a parlé du vin.

 25   Il essayait de trouver un accord avec les Nations Unies. Il a essayé de

 26   faire en sorte que les gens puissent rendre visite à leurs familles et

 27   puissent se réunir. Et très clairement, au fur et à mesure qu'il décrit son

 28   rôle, on se rend compte que M. Cermak a travaillé de manière très

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  1   pragmatique et qu'il ne supervisait pas ou ne dirigeait pas les opérations.

  2   Comme M. Lukovic l'a dit, il allait au camp et il aurait pu aussi rester

  3   dans son bureau avec ses pieds sur le bureau et juste envoyer M. Lukovic

  4   sur place. Mais tel n'était pas le cas. C'est ça la vérité de son rôle.

  5   Monsieur le Président, j'aimerais maintenant peut-être que nous fassions

  6   une petite pause.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons faire une pause, et

  8   nous reprendrons à 16 heures 15.

  9   --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

 10   --- L'audience est reprise à 16 heures 22.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kay, vous pouvez poursuivre.

 12   M. KAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Ce paragraphe, qui est très pertinent, constitue la déclaration d'Ivica

 14   Cetina, qui a été recueillie par le Procureur en 2001 et en 2002. Vous le

 15   connaissez puisque c'était le chef de l'administration de la police de

 16   Zadar et de Knin, et il décrit entièrement ces policiers de haut niveau qui

 17   travaillaient dans la région de Knin et ailleurs dans ce que l'on appelle

 18   le secteur sud. Il est clair, quand on lit sa déclaration préalable, que la

 19   police contrôlait ce qui était de leurs responsabilités, ce qu'ils devaient

 20   contrôler, qu'ils opéraient à l'intérieur de leur structure de façon

 21   complètement indépendante par rapport aux militaires et par rapport au

 22   général Cermak, qui était à Knin en train de normaliser la vie. Et c'est

 23   exactement l'argument avancé d'innombrables fois par la Défense pendant

 24   l'année dernière.

 25   Vous allez vous rappeler que pendant la présentation des moyens du

 26   Procureur, la structure et les systèmes ont été explicités et ils ont été

 27   présentés aux Juges comme des éléments de preuve cohérents, et nous l'avons

 28   fait pour vous montrer comment fonctionnait, par exemple, les systèmes en

Page 17804

  1   partant de l'agent du ministère de l'Intérieur, M. Moric, en descendant

  2   jusqu'à l'administration de la police de Zadar et de Knin, jusqu'à Kotar de

  3   Knin, cette administration de police-là, et jusqu'au poste de police de

  4   Knin. On a démontré cela par de nombreux ordres qui démontraient bien

  5   comment fonctionnait tout ce système, quelle était sa structure. Et nous

  6   sommes les seuls à avoir présenté de tels moyens en l'espèce.

  7   Il dit : 

  8   "Au fur et à mesure que l'armée croate libérait différentes zones,

  9   les policiers entraient et ouvraient des postes de police. Le ministère a

 10   aussi aidé avec la logistique pour créer ces postes de police nouvellement

 11   ouverts. Il n'y avait pas suffisamment de policiers serbes expérimentés

 12   dans la zone de Zadar."

 13   Vous devez vous rappeler que pendant quatre années qui ont précédé

 14   cela, cette zone n'était pas placée sous l'autorité croate. Les autorités

 15   croates opéraient sur une bande étroite de terre qui se trouvait le long de

 16   la côte dalmate.

 17   "Donc, il y a eu des nominations qui ont été faites, des gens qui venaient

 18   d'autres parties de Croatie. Moi, je connaissais personnellement tous les

 19   coordinateurs qui ont été envoyés dans les zones libérées."

 20   Ensuite, il décrit tous ces gens. Nous avons présenté des

 21   organigrammes aux Juges, et ils étaient tous là de façon régulière, en

 22   train de fréquemment contrôler et superviser les opérations de la police.

 23   Il dit : "Ces coordinateurs, au début, étaient responsables devant

 24   Franjo Djurica. C'était lui qui était le coordinateur en chef. Après un

 25   mois, il a été limogé, et ce nouveau coordinateur, comme l'était Djurica

 26   auparavant, était responsable devant l'adjoint du ministre de la police, M.

 27   Moric. Moi, j'étais très content qu'il y en ait eu parce que c'était une

 28   zone très grande, là je parle des zones libérées."

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  1   Vous avez peut-être une petite idée de la façon dont se présente

  2   cette zone, mais il faut rappeler que le district qui comprenait

  3   l'administration de la police de Knin était une zone très grande. Il y

  4   avait beaucoup de nature escarpée et sauvage, et ensuite, cela devient une

  5   zone extrêmement montagneuse à partir du moment où on part vers la Bosnie.

  6   Notre témoin, qui est un témoin expert, a trouvé que c'était une zone

  7   extrêmement difficile à contrôler, et il pensait que c'était très bien de

  8   nommer ces coordinateurs puisqu'ils savaient comment traiter de cette

  9   situation difficile. Et si qui que ce soit avait des problèmes, les

 10   coordinateurs ou les commandants passaient le message en passant par lui ou

 11   par M. Kardum, qui était le chef de la police criminelle, mais ces

 12   coordinateurs n'avaient pas de pouvoir sur la police criminelle, pas

 13   directement.

 14   Ensuite, il dit : "Moi, je n'ai pas eu de contacts particuliers avec

 15   l'armée croate. Le seul contact que j'ai eu avec les militaires, c'était

 16   les contacts que j'ai eus avec le général Ivan Cermak. Je l'ai rencontré

 17   pour la première fois plusieurs jours avant le début de l'opération

 18   Tempête. D'après moi, le général Cermak n'était pas un soldat dans le sens

 19   traditionnel du terme, il était plus comme un administrateur vêtu d'un

 20   uniforme militaire. Même si je savais, parce que je l'avais vu dans les

 21   médias, que le général Cermak avait auparavant été adjoint au ministre de

 22   l'Economie. J'ai eu l'impression qu'il coordonnait le travail des services

 23   publics de la ville, à savoir l'électricité, l'eau, la propreté de la

 24   ville."

 25   Et il raconte un petit incident, et semblable d'ailleurs à celui qu'a

 26   raconté Dondo quand il a aidé à envoyer cet homme qui se trouvait à la

 27   montagne, l'envoyer à l'hôpital pour l'y faire soigner.

 28   Donc lui aussi décrit un incident très personnel, et c'est un des nombreux

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  1   incidents que nous allons présenter au cours de notre présentation de

  2   moyens de preuve.

  3   "Il a appelé, me dit-il, il était dans un village, je ne sais pas

  4   quel était ce village. Il était là sur sa propre initiative, et puisqu'il

  5   n'y avait pas d'électricité dans le village, il a organisé qu'un groupe

  6   électrogène soit installé dans le village. Et les membres des organisations

  7   internationales étaient présents dans le village au moment où il a remis ce

  8   groupe électrogène aux villageois. Le même soir, il m'a à nouveau appelé.

  9   Il m'a appelé par téléphone et il m'a fait part d'un incident. Il m'a dit

 10   que deux hommes dans un véhicule se sont rendus dans le village et qu'ils

 11   avaient volé des moutons. Il m'a dit qu'il fallait que je fasse

 12   immédiatement quelque chose pour les punir, ces hommes-là. Moi, je ne me

 13   souviens pas si le groupe électrogène avait été aussi volé. Je me souviens

 14   que la police avait arrêté un véhicule à proximité de Sinj et qu'on a pu

 15   rendre le bétail aux villageois. Moi, j'ai immédiatement alerté le

 16   commandant de la police locale, et c'est comme cela que ces activités

 17   criminelles ont pu être arrêtées."

 18   Pourquoi M. Cermak a-t-il informé M. Cetina ? Parce qu'il ne faisait

 19   pas partie de cette ligne hiérarchique qui existait dans la police, et il a

 20   appelé au sujet de ce groupe électrogène et il a pu entrer en contact avec

 21   M. Cetina.

 22   Il a dit au Procureur en 2001 : "Le général Cermak n'avait pas

 23   d'autorité de commandement, de pouvoir de me donner des ordres, puisque je

 24   ne faisais pas partie de l'armée. Ma chaîne de commandement montait vers le

 25   MUP, son bureau central à Zagreb, et c'est pourquoi je les ai contactés."

 26   Ensuite, il parle de réunions que M. Cermak a pu avoir à Knin. Il dit

 27   que c'est lui qui avait organisé ces réunions.

 28   "Il ne s'agissait pas là de réunions très formelles et il n'y avait

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  1   pas vraiment d'ordre du jour très précis. Nous étions tous là, nous avions

  2   tous la possibilité de parler de nos propres problèmes, mais il n'y avait

  3   pas de décisions concrètes qui étaient prises suite à ces réunions. Chacun

  4   devait résoudre ses propres problèmes et personne ne pouvait donner des

  5   ordres à quelqu'un d'autre. Ces réunions étaient en réalité uniquement une

  6   possibilité de se parler."

  7   Ensuite, il continue. Il dit : "L'impression que j'ai pu avoir de

  8   lui, c'est qu'il ne voulait pas qu'il y ait de meurtres et d'incidents

  9   semblables…"

 10   Ensuite, il parle de façon très précise du rapport qui prévalait

 11   entre le général Cermak et le MUP. Quand il va présenter cela aux Juges, ce

 12   témoin, on pourrait dire, a tout intérêt à mettre toute la responsabilité,

 13   en ce qui concerne l'ordre public, sur le dos des militaires, et si le

 14   général Cermak était responsable de l'ordre public, si c'était vraiment de

 15   sa responsabilité, cela ne lui rendrait pas service, et c'est pour cela

 16   qu'il y a eu cet entretien avec le bureau du Procureur. Mais à la fin, les

 17   choses se sont produites différemment.

 18   Et quand on a entendu le contre-interrogatoire dans la présentation

 19   des moyens du Procureur et quand on a entendu les dépositions au sujet du

 20   système qui existait dans le gouvernement croate, quelles étaient les

 21   lignes de responsabilité, c'était très clair de voir où se trouvait le

 22   véritable responsable. Nous considérons que le Procureur n'a pas compris

 23   cela, et les moyens qu'ils ont présentés n'ont pas cherché à explorer ces

 24   déclarations préalables, qui sont des déclarations de contemporains. Il n'y

 25   a aucune raison de ne pas avoir présenté ces témoins, de ne pas les avoir

 26   cités puisque de toute façon ils avaient déjà recueilli les déclarations

 27   préalables de ces gens.

 28   Mais on va continuer, et je vais continuer à parler de la

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  1   présentation des moyens de la Défense puisque nous allons citer des témoins

  2   quant à la nomination de M. Cermak, à son rôle et ses pouvoirs. Comment se

  3   fait-il qu'il ait été nommé ? Est-ce qu'il était un ami proche du président

  4   Tudjman, comme il est dit dans l'acte d'accusation ? Est-ce qu'il y avait

  5   une bonne raison pour lui avoir donné ce poste ? Est-ce que c'était lui qui

  6   commandait la police, l'armée et qui contrôlait la vie des civils dans tous

  7   ses aspects, comme s'est écrit dans l'acte d'accusation ? Ou bien est-ce

  8   que là nous avons des juristes qui essaient de construire leurs arguments

  9   plutôt que de chercher la vérité, alors qu'on est là pour précisément

 10   chercher la vérité.

 11   Est-ce que le Procureur a essayé de construire ses arguments autour

 12   de ces moyens-là ? Est-ce que les moyens que le Procureur a présentés

 13   jusqu'à présent, est-ce qu'il a essayé par le biais de ces informations de

 14   vraiment analyser la situation, de voir vraiment le tableau complet ? Nous

 15   allons pour la première fois au cours de notre présentation des moyens de

 16   preuves voir quel était le véritable rôle de M. Cermak, quels étaient son

 17   véritable pouvoir et ses responsabilités.

 18   Maintenant on va aller voir se qui se passe dans le bureau du président, ce

 19   jour-là, le 4 août 1995, le jour de l'opération Tempête.

 20   Ce jour-là, à Tuskanac, dans le bureau du président, près du palais

 21   présidentiel, se trouve un bureau très sécuritaire et ils avaient besoin

 22   d'un endroit aussi sûr, puisque plus tôt dans l'année, Martic avait pilonné

 23   Zagreb. Donc le président, au début de l'opération Tempête, est allé dans

 24   ce lieu sûr, puisque c'était un endroit sécurisé. Et dans ce bureau se

 25   trouve le chef de cabinet du président de la République de Croatie, son nom

 26   est Gordan Radin. C'est lui qui s'occupait du bureau du président, qui

 27   organisait le travail de son cabinet, des secrétaires, et cetera. Il y

 28   avait aussi là-bas Hrvoje Sarinic, qui était le chef du bureau du

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  1   président. Il va vous dire - il n'a pas été interrogé par le Procureur pour

  2   voir pourquoi M. Cermak avait-il été nommé, parce que c'était nécessaire

  3   tout de même de se poser cette question pour voir exactement quelle était

  4   la situation - donc il dit :

  5   "Après la réunion de Brioni, le président Tudjman est retourné à

  6   Zagreb. C'était le lendemain, le 2 août 1995. Il avait appris deux choses

  7   après l'expérience de l'opération Eclair. Le président a donné un ordre et

  8   nous avons commencé à préparer ces bureaux sécurités à Tuskanac. On a créé

  9   un petit bureau et le président avait besoin tout de même de pouvoir

 10   fonctionner, que son cabinet fonctionne même avec cette équipe réduite."

 11   Et juste avant l'opération Tempête, le soir du 3 août, le président

 12   et son équipe déménagent à Tuskanac.

 13   Le 4 août le président reçoit des rapports portant sur le progrès de

 14   l'opération Tempête, il reçoit cela du ministre Susak. Il venait souvent à

 15   Tuskanac, et le président réfléchissait à ce qu'il fallait faire par la

 16   suite.

 17   "Le président nous a demandé à trouver M. Cermak. Il nous a dit,

 18   grosso modo, qu'il voulait que M. Cermak, en tant que commandant civil de

 19   la ville de Knin, il voulait lui confier ce poste. J'ai demandé au

 20   président ce que cela voulait dire, et il m'a dit que c'était une espèce de

 21   commandant chargé des civils et des affaires civiles de la ville, quelque

 22   chose dans ce sens-là. Il a demandé que l'on convoque M. Cermak dans son

 23   cabinet.

 24   "Nous avons tous essayé de trouver M. Cermak, mais on n'arrivait pas

 25   à le trouver. On n'a pas réussi à le trouver ce jour-là. Nous avons dit au

 26   président qu'on n'arrivait pas à le trouver. Il a insisté que l'on le

 27   trouve. Le lendemain, le 5 août, nous l'avons trouvé, et il est allé

 28   directement à Tuskanac. Je savais que c'était très difficile de trouver une

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  1   façon officielle et légale pour nommer M. Cermak au poste de commandant

  2   civil de la ville de Knin, puisque ce poste n'existait pas dans la

  3   structure du gouvernement. Donc on avait besoin de plus d'information par

  4   rapport à la tâche qui était la nôtre désormais, parce qu'il faillait

  5   préparer les documents pour faire cela. Donc nous avons demandé au

  6   président de nous expliquer ce que c'était.

  7   "D'après ce que j'ai compris de ce que nous a dit le président, M.

  8   Cermak ne faisait pas parti de la structure militaire, en dépit de son

  9   grade. A l'époque, il n'y avait pas de forces de réserve et tous les

 10   membres du gouvernement avaient un grade. En tant que premier secrétaire,

 11   j'avais le grade de capitaine. C'était quelque chose qui a été publiée dans

 12   le journal officiel. Notre président avait été un général dans les

 13   partisans et il appréciait beaucoup les grades, les ordres militaires, les

 14   structures. Il disait que chaque pays devait être doté d'une certaine

 15   structure.

 16   "Puisqu'on n'arrivait pas à trouver une base juridique pour nommer M.

 17   Cermak au poste d'administrateur civil, le général Kaspar a appelé le chef

 18   du cabinet militaire du président en lui demandant de trouver la position

 19   qui correspondrait au poste que l'on avait réservé à M. Cermak pour qu'il

 20   puisse être nommé le plus rapidement possible, et qu'il fallait envoyer la

 21   décision portant sur sa nomination à Tuskanac pour que le président y

 22   appose sa signature. Le cabinet a donc écrit cette décision portant sur la

 23   nomination de Cermak au poste du commandant de la garnison de Knin, et il

 24   l'a envoyé au président Tudjman."

 25   Ensuite il poursuit en disant : "Cermak ne venait pas souvent dans le

 26   bureau du président. Cermak n'était pas un ami proche. Il ne faisait pas

 27   partie du cercle, il ne rendait pas souvent visite au palais présidentiel

 28   pour y jouer aux cartes ou pour jouer au tennis avec lui. M. Cermak n'avait

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  1   pas le pouvoir de commander la police civile, puisqu'il n'a pas été nommé

  2   par le ministère de l'Intérieur."

  3   Je fais référence à la pièce à laquelle j'ai déjà fait référence où

  4   on parle des nominations faites au sein de la police par le ministre.

  5   "La nomination de Cermak, ce n'était pas une nomination qui lui

  6   donnait le pouvoir de commander la police civile. La nomination qui a été

  7   faite au sein de l'armée, la nomination de M. Cermak s'inscrivait dans la

  8   nomenclature militaire habituelle, mais en l'investissant tout de même du

  9   devoir de s'occuper des affaires civiles."

 10   Et là, on faisait référence à l'expérience précédente de M. Cermak quand il

 11   travaillait au sein du ministère de l'Economie, c'était un homme

 12   d'affaires, et c'est en partie pour cela qu'il a été envoyé à Knin. C'était

 13   un entrepreneur, il avait ses propres entreprises. Le général Tudjman était

 14   un général chevronné et il n'aurait pas envoyé le général Cermak à Knin

 15   pour y commander des unités militaires alors qu'il n'avait aucune

 16   expérience militaire. Le président voulait que M. Cermak coopère avec les

 17   représentants des autorités civiles, qu'il serve d'intermédiaire, et qu'il

 18   les mette en contact pour les aider en ayant un seul but, à savoir

 19   d'accélérer toutes les activités visant à rétablir le fonctionnement des

 20   institutions du gouvernement.

 21   Et il continue en disant : "C'était un civil vêtu d'un uniforme."

 22   Voilà, c'est quelqu'un qui s'y connaît qui le dit. Les choses sont

 23   donc claires. Nous en sommes au cœur du sujet. Ça répond à l'une des

 24   questions qui est au cœur de cette affaire, et cette réponse nous vient

 25   d'une source fiable, quelqu'un qui aurait pu être entendu au cours de ces

 26   dix dernières années pour révéler ces informations.

 27   A un niveau personnel, il y a un autre témoin, M. Ciro Blazevic, qui était

 28   un ami proche du président, qui résidait à Tuskanac le 4 août, et qui lui a

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  1   rendu une visite de politesse. Il a joué aux cartes et au tennis avec lui,

  2   et je dois dire que c'était quelqu'un le président aimait passer du temps

  3   et aimait discuter. Ce soir-là, en discutant, le président lui a dit qu'il

  4   y aurait des problèmes à Knin, qu'il fallait nommer quelqu'un pour réunir

  5   les conditions au rétablissement d'une vie normale dès après la libération

  6   de la ville. Cette personne, a-t-il dit à M. Blazevic, devrait identifier

  7   les problèmes, trouver des solutions, il fallait que ce soit quelqu'un qui

  8   permettrait aux gens de rentrer chez eux et de retrouver une vie normale.

  9   Il n'a pas dit à M. Blazevic qu'il allait nommer Cermak, mais dans la

 10   conversation, il a dit que Cermak était un entrepreneur malin et qu'il

 11   disposait d'une bonne connaissance de l'économie et qu'il pensait à

 12   l'envoyer à Knin. Et le lendemain, les médias ont révélé cela et il s'en

 13   est rendu compte dans les médias. Evidemment il a recroisé toutes ces

 14   informations, et c'est M. Cermak qui a été nommé dans le rôle auquel

 15   pensait le président la veille au soir.

 16   Restons à Tuskanac, et venons-en au 5 août, le jour où M. Cermak a été

 17   nommé officiellement et où cet ordre a été signé, parce que les Juges de la

 18   Chambre entendront des preuves de ce qui s'est passé et M. Borislav Skegro,

 19   vice-premier ministre chargé de l'économie à l'époque, il contrôlait donc

 20   le secteur économique du gouvernement et il était chargé des finances, de

 21   l'industrie, de la construction navale, de l'énergie, de l'agriculture, de

 22   la construction et du logement.

 23   Il était en vacances lorsque l'opération Tempête a démarré, mais du

 24   fait qu'il était vice-premier ministre, il s'est rendu à Zagreb. Le 5 août,

 25   à 10 heures du matin, il était en compagnie du premier ministre Valentic,

 26   et il a appris alors que Knin avait été libérée. Le président Tudjman a

 27   appelé le premier ministre et ils se sont mutuellement félicités par

 28   téléphone. Le président l'a invité à Tuskanac, et le vice-premier ministre

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  1   et le premier ministre ont ensuite quitté le bureau et sont allés sur place

  2   à Tuskanac.

  3   A midi environ, ils l'ont rencontré. Il y avait d'autres ministres

  4   sur place : M. Granic, M. Susak, Jarnjak, Radic, entre autres.

  5   "Une dizaine d'entre nous. Nous étions tous dans le hall. Nous avons

  6   parlé, nous avons regardé les journaux télévisés et nous avons appris que

  7   quelques heures auparavant l'armée croate était entrée dans Knin. C'était

  8   un événement historique majeur."

  9   Le président Tudjman a ensuite dit : "Il nous faut trouver quelqu'un à

 10   envoyer à Knin, quelqu'un qui dispose d'une expérience militaire, quelqu'un

 11   qui va relancer l'économie, rétablir les communications avec l'ONU ainsi

 12   que la communauté internationale, et quelqu'un qui va établir des liens

 13   entre l'économie et l'armée. Certains m'ont recommandé Ivan Cermak. Ivan

 14   dispose d'une bonne expérience dans le monde des affaires et dans le monde

 15   de l'armée. Le comportement d'Ivan n'est pas typique d'un général, et il

 16   arrivera à entrer en contact et à établir des relations avec l'ONU et la

 17   communauté internationale."

 18   On voit bien ici qu'à partir du 4, lorsqu'on a commencé à parler de

 19   ce poste et lorsque M. Radin, on lui a demandé de chercher M. Cermak, et

 20   lorsqu'on en vient au 5, on voit bien que cette composante de communauté

 21   internationale est ajoutée entre-temps. Comme je vous le disais tout à

 22   l'heure, c'est un aspect du travail qui a été considéré comme secondaire

 23   par rapport à la tâche principale qui était de normaliser le quotidien.

 24   "J'étais d'accord pour dire que c'était un excellent choix que de

 25   nommer M. Ivan Cermak," a déclaré M. Skegro. "Le président Tudjman a envoyé

 26   quelqu'un qui était un civil en uniforme, un homme d'affaires, un ancien

 27   ministre et, à cause de la communauté internationale, on disait clairement

 28   que nous voulions que les Serbes restent et nous voulions que les choses

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  1   perdurent."

  2   Ensuite il précise, d'un point de vue économique, la raison pour laquelle

  3   cette région était si importante, la raison pour laquelle ils en avaient

  4   besoin, parce qu'ils avaient un problème énorme, ils étaient confrontés à

  5   650 000 réfugiés qui étaient le long de la côte croate et ces gens-là

  6   auraient accès au territoire croate comme Etat officiellement indépendant

  7   pour la première fois.

  8   "Il était donc important d'investir des fonds pour organiser cette

  9   normalisation du quotidien."

 10   Il mentionne le fait que les finances, l'économie, étaient sur le point de

 11   s'effondrer et qu'il cherchait un prêt de 100 millions de dollars pour

 12   éviter un effondrement de la devise nationale. Ils savaient qu'il était

 13   important de faire refonctionner des entreprises; comme l'entreprise Tvik

 14   et d'autres entreprises qui existaient dans le passé à Knin.

 15   On en a entendu parler, nous l'avons vu dans différentes dépositions quant

 16   à ce que faisait M. Cermak. Or, ce témoin précise non seulement quelle a

 17   été la conversation ce jour-là concernant la nomination de M. Cermak, mais

 18   il fournit aussi des informations qui la justifie, cette nomination.

 19   Venons-en maintenant au 6 août, et passons de Tuskanac à Knin. C'est le

 20   jour où le président s'est rendu à Knin et où il a rendu visite à un

 21   certain nombre d'hommes politiques, y compris M. Skegro. Mais je vais vous

 22   raconter l'histoire par le truchement d'un autre témoin, M. Zdenko Rincic.

 23   Vous m'avez entendu mentionner M. Pasic, M. Dondo et M. Lukovic, je vous ai

 24   relaté leurs déclarations. Mais M. Rincic est arrivé à Knin le 6 août.

 25   C'était un vice-ministre de l'économie. Il était employé à l'époque comme

 26   officier de logistique pour la 112e Brigade de Zadar dans le cadre de

 27   l'opération Tempête. Il connaissait M. Cermak depuis l'époque où M. Cermak

 28   était ministre de l'économie en 1993. Il était présent au déjeuner à Knin

Page 17815

  1   lorsque le président y était, tout comme M. Cermak ainsi que d'autres

  2   politiques, y compris M. Skegro.

  3   M. Rincic nous dit : "Plus tard, pendant le déjeuner, j'ai réussi à

  4   parler avec M. Cermak, et il m'a dit qu'il était nommé comme commandant de

  5   la garnison de Knin. Je savais quelles étaient les fonctions d'un

  6   commandant de garnison parce qu'il y en avait une à Zadar. Ce n'est pas un

  7   commandant opérationnel. Un commandant de garnison doit s'occuper du BTP,

  8   de l'infrastructure d'un point de vue logistique, il doit loger les gens,

  9   nourrir les militaires, s'occuper de l'enterrement des militaires, et

 10   cetera. M. Cermak m'a dit qu'il était venu à Knin pour aider les gens à

 11   retrouver une vie normale. Il devait travailler dans le domaine économique

 12   et des infrastructures pour que chacun puisse reprendre son activité aussi

 13   rapidement que possible."

 14   Le travail de M. Cermak était d'être le bras droit de M. Pasic, dont

 15   il savait qu'il était le représentant des autorités.

 16   "M. Pasic venait constamment dans le bureau de M. Cermak lui

 17   demandant de l'aide," et il avait confiance en M. Cermak pour régler les

 18   problèmes civils. "J'ai pensé ce jour-là à rester à Knin pour aider M.

 19   Cermak à rétablir des conditions de vie normales. J'ai appelé mon ministre,

 20   M. Vidosevic, de Zadar, d'où je dormais parce qu'il n'y avait pas de moyens

 21   de télécommunication à Knin. J'ai demandé au ministre Vidosevic

 22   l'autorisation d'ouvrir une antenne du ministère de l'économie à Knin. Et

 23   je lui ai dit à quel point la situation était difficile dans la ville

 24   puisqu'il n'y avait pas d'eau, d'électricité ou de téléphone. Le trafic

 25   ferroviaire avait été interrompu, et j'avais donc besoin d'aide." Le

 26   ministre Vidosevic a été d'accord, il a été envoyé sur place

 27   officiellement, on lui a donné des moyens humains, entre autres, et il a

 28   ouvert un bureau à 200 mètres de la garnison de Knin.

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  1   Alors que s'est-il passé, qu'est-il advenu de M. Rincic, quelqu'un

  2   qui venait clairement du ministère de l'Economie. Evidemment, il est allé

  3   voir la personne chargée de normaliser le quotidien et a essayé de

  4   comprendre quelles étaient ses fonctions, et cette personne-là c'était M.

  5   Cermak.

  6   "Nous nous tournions tous vers M. Cermak et nous lui demandions de l'aide

  7   pour tout, pour vivre et pour travailler à Knin."

  8   Ensuite, il fournit une description détaillée des réunions, il était

  9   présent à cette réunion, il explique ce dont on parlait, les objectifs en

 10   termes de coordination, le fait que différentes parties travaillaient

 11   ensemble à Knin pour le bien-être de toute la communauté.

 12   L'autorité de M. Cermak était claire à ses yeux.

 13   "Il n'était pas un supérieur de la police militaire ou civile. Je sais que

 14   l'administration de la police et que la caserne de cette juridiction

 15   avaient été créées le 6 août. C'est quelque chose qui était placée sous les

 16   ordres du ministère de l'Intérieur. Je sais que la police militaire à Knin

 17   répondait aux ordres de Lausic et de Susak, le ministre de la Défense. Donc

 18   Cermak ne pouvait pas commander la police militaire ou civile. Il ne

 19   pouvait que leur demander de faire quelque chose pour lui."

 20   Et vous le verrez dans un rapport, rapport dans lequel il fournit une

 21   liste des usines qui avaient besoin de main-d'œuvre et des usines qui

 22   devaient recommencer leurs activités, liste qu'il a envoyée à M. Cermak. Il

 23   a également signé des ordres pour M. Cermak, comme s'il venait de Zborno

 24   Mjesto, de la garnison, sur des tâches concernant l'infrastructure et pour

 25   rétablir les infrastructures à Knin. 

 26   Il précise aussi : "J'allais souvent sur la base de l'ONU avec M. Cermak.

 27   Nous encouragions les gens qui travaillaient dans ces usines jusqu'à la

 28   libération de Knin, des ouvriers qualifiés, nous les encouragions à quitter

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  1   la base de l'ONU et à retrouver leurs anciens emplois dans les usines et à

  2   rester vivre à Knin."

  3   Et les Juges de la Chambre entendront un témoin protégé qui habite encore à

  4   Knin et qui a fait partie de ces gens qui ont quitté le camp, un Serbe qui

  5   avait un emploi dans une entreprise locale et qui, au milieu du mois

  6   d'août, a commencé à travailler sur l'une de ces initiatives, initiative

  7   lancée par M. Rincic, avec l'aide de M. Cermak. Voilà donc le résumé de ces

  8   éléments de preuve.

  9   Il y avait d'autres personnes qui étaient présentes dans la garnison de

 10   Knin à l'époque. Il y a un autre témoin qui ne faisait pas partie de

 11   l'opération Oluja, qui est allé à Knin pour prêter main-forte, tout

 12   simplement parce qu'il se rendait compte que la situation pouvait être

 13   dangereuse en termes de mines, d'armements, de pièges. Il y avait aussi un

 14   expert en enlèvement de bombes. Vous verrez un document concernant cet

 15   homme, et vous verrez le dépôt d'armes. Vous l'avez vu en relation avec la

 16   ferme, et c'est un professeur en biologie marine qui était à Knin à

 17   l'époque, et c'est dans le cadre de sa coopération à lui avec la garnison

 18   et pour normaliser le quotidien qu'il s'occupait de nettoyer et de remettre

 19   sur pied cette ferme piscicole pour nourrir la population à l'époque.

 20   Il a précisé qu'il était dans Knin à l'époque, lorsqu'il était sur

 21   place parce qu'une femme suisse de la garnison était sur place et répétait

 22   qu'ils étaient pilonnés régulièrement. "Moi j'ai réussi à établir que dans

 23   toute la zone de Knin, il n'y a eu que six maisons qui ont été touchées par

 24   des obus."

 25   Quelque chose qu'il aurait fait de son plein, qu'il aurait fait de

 26   son propre chef, une initiative lancée par le général Cermak pour essayer

 27   d'aider les communautés locales.

 28   Lorsqu'il est arrivé dans la garnison le 6 août, il a compris ce que

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  1   faisait M. Cermak à la lumière de ce qu'il faisait, il organisait le

  2   rétablissement des infrastructures qui ne fonctionnaient plus, il coopérait

  3   avec des représentants des autorités civiles.

  4   "Et j'ai également vu que différentes délégations entraient

  5   constamment dans son bureau, des officiers de la FORPRONU, et d'autres

  6   délégations étrangères et nationales.

  7   "Je sais que M. Cermak avait des réunions à tous les jours dans son

  8   bureau, et j'y participais rarement. Mais je me souviens que lors de ces

  9   réunions on débattait, on parlait de ce qui se faisait ou de ce que l'on

 10   pouvait faire sur les questions importantes malgré le manque d'électricité,

 11   d'eau, et l'absence de structures d'enlèvement des déchets. Je n'étais pas

 12   aux ordres de M. Cermak, mais nous travaillions ensemble. J'ai aidé

 13   quelqu'un qui avait besoin d'aide pour rétablir la sécurité dans une zone

 14   donnée."

 15   Et il a pu voir, à la lumière de son expérience dans l'armée, que M.

 16   Cermak ne commandait pas les unités militaires de cette zone. Parce que ce

 17   n'était pas sa fonction, ce n'était pas un commandant opérationnel. Et la

 18   police militaire disposait de sa propre ligne de commandement.

 19   Voilà donc une description tout à fait cohérente de la nature, et du rôle

 20   et des fonctions de M. Cermak, en outre cela est étayé par les dires d'un

 21   autre témoin, M. Goran Dodig qui était le responsable qui apparaît sur

 22   l'une des vidéos que nous avons vue. Il est allé voir M. Cermak pour entrer

 23   en contact avec lui. Le premier ministre, M. Valentic, lui a dit de se

 24   rendre à Knin pour voir se qui s'y passait et pour savoir "si je pouvais

 25   faire quelque chose conformément aux missions qui étaient les miennes."

 26   "Le premier ministre Valentic m'avait dit que M. Cermak était à Knin

 27   et que nous devions faire tout notre possible. Je n'avais jamais rencontré

 28   M. Cermak auparavant. M. Cermak a dit qu'il était venu à Knin pour aider à

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  1   rétablir les autorités militaires et à rétablir un quotidien normal, une

  2   vie normale dans la ville aussi rapidement que faire se pouvait, y compris

  3   améliorer la qualité de vie. Il m'a dit qu'il avait entendu parler de moi

  4   et qu'il savait ce que je pensais et il était ravi que je sois venu parce

  5   qu'il manquait de soutien."

  6   Cet homme, dans les années précédentes du conflit, avait passé son

  7   temps à essayer de négocier entre les Serbes et les Croates en passant par

  8   des agences internationales, entre autres, pour essayer d'aplanir un

  9   certain nombre de différends. C'est un médecin et un psychologue.

 10   Du fait qu'il avait rencontré M. Cermak, il savait pertinemment qu'il

 11   y avait des problèmes dans le camp et que les conditions de vie étaient

 12   mauvaises pour la population. Il est donc descendu dans le camp puisque M.

 13   Cermak lui avait dit que se serait peut-être une bonne idée que de se

 14   rendre sur place. Il est allé sur place, il y a rencontré certains de ceux

 15   qui avaient formé un conseil, une forme de représentation auprès des

 16   autorités croates pour revendiquer leurs droits, leurs besoins et pour

 17   instaurer un dialogue. Et il a donc parlé à ces gens qui s'appelaient le

 18   conseil des réfugiés. Il a donc essayé d'organiser, de faire en sorte

 19   qu'ils puissent recevoir des médicaments et du matériel sanitaire, et il

 20   s'est bien rendu compte que c'était une tâche particulièrement ardue.

 21   Le 9 août, toutefois, il s'est rendu dans un camp de l'ONU où il a

 22   rencontré M. Cermak et M. Pasic, et c'est la vidéo que les Juges de la

 23   Chambre ont vu, c'est la pièce D147. Vous le voyez qui parle, qui discute à

 24   l'extérieur du camp et qui explique que c'était la première fois qu'il

 25   voyait M. Cermak travailler, et il dit qu'il est impressionné par ce qu'il

 26   essayait de faire pour la population du camp. Et leur idée lors de cette

 27   réunion au camp c'est que les gens devraient disposer de permis, de

 28   passeports. Il ne faut pas oublier que tous ces gens ne disposaient pas de

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  1   papiers croates, et c'était quelque chose de très important aux yeux du

  2   droit. On a réfléchi à des passeports pour permettre aux gens d'avoir des

  3   documents, des papiers temporaires. Ils ont obtenu des papiers leur

  4   permettant de les identifier, ce qui signifiait aussi que ces gens-là

  5   pourraient rentrer chez eux, pourrait aller travailler et se rendre

  6   ailleurs aussi. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles ces laissez-

  7   passer ou ces permis ont été mis en place.

  8   M. Cermak nous a donné l'impression d'être quelqu'un qui venait pour

  9   travailler du mieux qu'il pouvait, avant tout ce n'était pas un soldat,

 10   c'était un bon organisateur, c'était quelqu'un qui travaillait dur,

 11   quelqu'un qui identifiait rapidement les problèmes et qui apportait

 12   rapidement des remèdes à ces difficultés. Et là encore, c'est tout à fait

 13   cohérent, et cela correspond tout à fait avec les éléments de preuve qui

 14   ont été apportés par la Défense lors du contre-interrogatoire, et c'est

 15   précisément la ligne qui sera suivie par la Défense à l'avenir.

 16   Voilà donc certaines des personnalités qui étaient présentes à Knin à

 17   l'époque. Nous avons commencé le 4 août, date de la nomination, ensuite il

 18   y a la réunion du 6 août, et ensuite on se rend compte très clairement que

 19   les experts de police militaire et les experts internationaux vous diront

 20   qu'il ne s'agit pas d'un homme qui commandait la police ou les unités

 21   militaires. Il ne s'agit pas de cela, ça ne fonctionnait pas comme cela, si

 22   cet homme avait ces fonctions-là, il ne pouvait pas avoir ce rôle-là. Ce

 23   n'est pas comme ça que ces institutions fonctionnent.

 24   Vous entendrez également un expert croate qui vient du système qui connaît

 25   les arcanes du système. Le général Feldi qui parle beaucoup de l'armée

 26   croate et qui est responsable, qui est chargé des règlements que vous avez

 27   vus dans ce Tribunal. Le Tribunal recevra des preuves que nous pourrons

 28   utiliser dans nos arguments et des éléments de preuve qui, malheureusement,

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  1   ont manqué au cours des 12 mois qui viennent de s'écouler dans le cadre de

  2   ce procès.

  3   Venons-en maintenant peut-être à ceux qui ont critiqué M. Cermak. Figurez-

  4   vous que le président actuel de la Croatie, M. Mesic, s'est rendu à Knin

  5   dans le cadre d'une visite privée. A l'époque il s'opposait au président,

  6   M. Tudjman. Mais c'était une visite privée pour rencontrer deux amis serbes

  7   qu'il voulait revoir et qu'il n'avait pas vus depuis que cette zone avait

  8   fait scission avec la République de Croatie.

  9   Mais comme chacun sait, il voulait revenir dans cette garnison et il

 10   voulait y revenir parce qu'il connaissait M. Cermak. M. Cermak a eu la

 11   malchance d'être aussi connu, d'être aussi gentil et d'avoir aidé autant.

 12   Mais le président Mesic, puisqu'il est devenu président depuis, s'est rendu

 13   dans cette garnison. C'était peu après l'opération Tempête. Il se trouve

 14   qu'il connaissait M. Cermak par le biais d'un ami commun qui va également

 15   venir témoigner, M. Mladen Vedris, qu'il connaissait donc très bien la

 16   personnalité de M. Cermak ainsi que ses positions politiques et le genre de

 17   personne qu'il était, car il s'était entretenu avec lui lors de plusieurs

 18   réunions en société.

 19   "Je sais que M. Cermak n'a jamais été une personne qui défendait des

 20   positions politiques extrémistes," dit-il. "Il acceptait tout le monde,

 21   quelle que soit leur appartenance ethnique ou leur religion. Il avait l'air

 22   d'un homme d'affaires et il avait l'air d'une personne qui était tout à

 23   fait capable d'encourager les gens dans son environnement proche. En sa

 24   qualité d'ancien ministre de l'économie, en sa qualité d'entrepreneur et

 25   étant donné le fait que c'était une personne qui avait une grande

 26   expérience de la vie, M. Cermak était capable d'organiser ce qu'il fallait

 27   organiser pour rétablir les conditions d'une vie normale à Knin. J'ai pu

 28   comprendre très aisément les conditions pour lesquelles il a été envoyé à

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  1   l'endroit où il a été envoyé à l'époque." Voilà ce qu'a dit ce témoin.

  2   Donc lorsqu'il est allé rencontrer M. Cermak, qu'est-ce qui occupait

  3   l'esprit de M. Cermak ? Est-ce qu'il était concentré sur le fait de

  4   commander des hordes d'unités, comme on le voit écrit au paragraphe 7 de

  5   l'acte d'accusation et comme cela a été présenté par l'Accusation ? Est-ce

  6   qu'il exerçait un contrôle de nature militaire quel qu'il soit sur la

  7   garnison ? Ou est-ce que, simplement, il était sur la bouteille, peut-être

  8   ? En tout cas, l'endroit où il se trouvait avait besoin que la vie normale

  9   soit rétablie et c'était Knin.

 10   Alors voyons ce qu'a vu cet homme. Voilà ce qu'il dit, je

 11   cite :

 12   "Quand je me suis trouvé à Knin, j'ai rencontré Ivan Cermak qui m'a

 13   accueilli et nous avons déjeuné ensemble dans le bureau. Pendant le

 14   déjeuner, nous avons discuté du travail qu'il accomplissait à Knin. Il m'a

 15   parlé des efforts nécessaires pour faire redémarrer tous les services

 16   publics de la ville. Il m'a dit ce qu'il était en train de faire pour

 17   rétablir une vie normale pour la population de Knin."

 18   Et il explique les problèmes qui se sont posés à cette région et comment

 19   celle-ci a été coupée de toute existence par rapport à la République, ainsi

 20   que du nombre d'institutions qui ne fonctionnaient pas. Aucune institution

 21   n'existait. Il n'y avait aucun rapport entre cette région et le reste du

 22   pays, et cette description de la réalité va devoir être soulignée dans la

 23   présente affaire pour bien comprendre tous les problèmes qui affligeaient

 24   cette région récemment libérée. Le président les a exposés à cet homme de

 25   la façon la plus claire qu'il soit. Il a dit, je cite : "Il n'y avait pas

 26   de magasins, pas de banques, pas de bureaux de poste."

 27   Donc rien qui reliait la région à l'activité d'une ville normale. Il

 28   ajoute, je cite :

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  1   "Je me souviens que notre déjeuner a été interrompu au moins dix fois par

  2   des gens qui venaient parler à M. Cermak pour lui demander des

  3   renseignements au sujet de l'électricité, de l'eau, des ordures ménagères,

  4   de l'ouverture d'un magasin ou d'autres questions très importantes liées

  5   aux services publics. Pendant tout le temps que j'ai passé avec M. Cermak,

  6   il n'a jamais abordé la moindre question militaire. Ces questions n'ont

  7   absolument pas été discutées. J'ai eu l'impression que son travail était

  8   totalement de nature civile," dira cet homme.

  9   Il s'est rendu une nouvelle fois à Knin, et cette fois-ci, c'était au mois

 10   de septembre. Il l'a fait dans le cadre d'une visite officielle du vice-

 11   commissaire du gouvernement croate chargé de Knin. Rien n'avait changé au

 12   moment de cette seconde visite quant aux activités de M. Cermak et aux

 13   sujets abordés dans les discussions avec lui, notamment quant aux problèmes

 14   qu'il a discutés avec lui lorsqu'il l'a rencontré.

 15   Donc l'image que nous allons soumettre à la Chambre par rapport au détail

 16   de la situation dans la présente affaire est très claire, s'agissant des

 17   actions de M. Cermak. Elle est très positive.

 18   Vous avez entendu jusqu'à présent combien de mesures positives ont

 19   été prises par lui pour venir en aide à la population qui avait des

 20   problèmes. D'autres dépositions vont venir s'ajouter en grand nombre lors

 21   de la présentation des moyens de la Défense qui feront, une nouvelle fois,

 22   état de ce comportement de M. Cermak, notamment de ses actions

 23   personnelles, ainsi que de ce qu'il a entrepris sur le plan légal dans le

 24   cadre de son activité.

 25   Vous entendrez un témoin dont le nom est Nadan Vidosevic, qui a été vice-

 26   ministre de l'économie sous la responsabilité de M. Skegro, vice-premier

 27   ministre qui était à Tuskanac le 5 août au moment où M. Cermak a été nommé

 28   à son poste. C'est ce vice-ministre de l'économie, qui a agréé la

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  1   nomination de M. Rincic, responsable du travail auprès de la garnison. Ce

  2   vice-ministre de l'économie a passé quelque temps à Knin et a travaillé aux

  3   côtés de M. Cermak. Il explique très clairement, comme on peut s'y attendre

  4   étant donné le rôle qui est le sien, il explique donc très clairement le

  5   problème auquel la Croatie se trouvait confrontée sur le plan économique,

  6   sur le plan logistique dans cette région. Quelque 650 000 réfugiés et

  7   personnes déplacées qu'il avait fallu loger sur la côte croate. Cela

  8   équivaut à 15 % de la population de la Croatie et ce sont toutes des

  9   personnes qui n'habitaient plus chez elles. Un tiers de ces réfugiés

 10   étaient originaires de Bosnie-Herzégovine. La République de Croatie était

 11   un pays dévasté, selon les termes qu'il utilise pour la décrire en 1995.

 12   Et lui avait un très grand désir, je parle toujours de M. Rincic, son plus

 13   grand désir était de travailler aux côtés de M. Cermak, et il savait

 14   exactement ce qu'ils se sont efforcés de faire dans cette région.

 15   Donc cette nomination et ce travail que étaient ceux de M. Cermak ne

 16   sont pas une tactique de la Défense visant à expliquer le comportement d'un

 17   homme à l'époque des faits. Ce rôle et cette action qui ont été les siens

 18   sont décrits dans des dépositions réelles, dans des documents, sont évoqués

 19   par des personnes très responsables qui avaient le plus grand désir d'aider

 20   les Juges de la Chambre en exposant la vérité.

 21   Vous entendrez encore une fois, je le répète, un autre témoin, M.

 22   Vedris, qui a spontanément proposé de déposer sous la même forme que le

 23   président Mesic. C'est un collègue et un compagnon de M. Cermak sur le plan

 24   des affaires. C'est un homme que M. Cermak connaissait, mais que M. Mesic

 25   connaissait également dans un autre cadre. Mais en tout cas, un lien s'est

 26   créé entre eux, une amitié s'est développée entre ces trois hommes.

 27   Il avait un bureau à Zagreb, dans le même bâtiment que M. Cermak. Au

 28   mois d'août 1995, M. Cermak a dû quitter Knin de temps à autres pour

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  1   s'occuper de ses affaires personnelles.

  2   Vous entendrez ce témoin vous dire que M. Cermak a dû, un jour,

  3   quitter précipitamment son activité quotidienne, car il y avait une urgence

  4   et des décisions à prendre. Ensuite il lui a fallu revenir rapidement dans

  5   son bureau.

  6   Alors pour aider la Chambre quant au sujet qui était discuté entre M.

  7   Cermak et ce témoin, ce qui pourrait donner une indication à la Chambre

  8   quant à la personnalité de M. Cermak, il est venu spontanément témoigner

  9   comme l'a fait aussi le président Mesic.

 10   Quand M. Cermak revenait de Knin, il avait des entretiens avec ses

 11   deux amis. D'abord, le sujet le plus souvent abordé, c'était comment

 12   rétablir une vie normale dans la région; en deuxième lieu, il avait

 13   également des contacts avec les institutions internationales dont il

 14   parlait avec eux; et en troisième lieu, il s'efforçait de faire redémarrer

 15   certains ministères de façon à ce que certains secteurs de la vie puissent

 16   reprendre à Knin. Comme il avait été maire de Zagreb, il savait diriger une

 17   ville. C'était également quelqu'un qui avait une grande expérience de

 18   l'action politique et qui savait s'adresser à un premier ministre ou à

 19   d'autres personnalités politiques importantes en diverses occasions. Donc

 20   c'était un homme dont l'expérience était très étendue.

 21   Et ce dont ils parlaient avec les responsables civils était également

 22   important. Cela faisait partie du travail de M. Cermak. Il avait des

 23   contacts avec les représentants du monde civil en raison de l'expérience

 24   acquise dans son poste de maire. Il savait que remettre en marche les

 25   institutions gouvernementales et autres institutions avec lesquelles il

 26   travaillait serait très difficile. Cermak a répondu à cet homme qui lui

 27   exposait ses difficultés en disant qu'il était très désireux d'apporter son

 28   aide et qu'il efforçait de tout faire pour que le gouvernement se remette à

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  1   fonctionner, et il a expliqué ce qui était en train de se passer à Knin. Il

  2   a dit qu'il souhaitait élever le niveau de conscience de ceux qui

  3   agissaient à Belgrade [comme interprété] quant à ce qui était en train de

  4   se passer à Knin. Cet homme a dit dans sa déposition, je cite :

  5   "Il m'a dit combien il se sentait frustré à cause des crimes qui étaient

  6   commis, parce qu'il ne pouvait pas répondre correctement aux questions

  7   posées par les Nations Unies au sujet de ces crimes."

  8   Voilà ce qui se passait. Cela fait partie des dépositions que nous espérons

  9   pouvoir obtenir et soumettre aux Juges de la Chambre.

 10   Qu'est-ce qui s'est mal passé ? Pourquoi est-ce que nous avons à affronter

 11   les problèmes qui se posent en l'espèce ? Les choses n'ont pas été

 12   examinées de façon très détaillée durant la présentation des moyens de

 13   preuve de l'Accusation, en de nombreuses reprises, des gens ont affirmé

 14   qu'il n'y avait pas d'opérations militaires planifiées ou de comportement

 15   délibéré de l'armée ou de la police visant à chasser cette population de là

 16   où elle habitait et, ce faisant, à commettre un crime. Pourquoi est-ce que

 17   nous devons nous poser le problème de ces civils que l'on a chassés ? Qui

 18   était responsable ? Pourquoi est-ce que ce problème se pose par rapport à

 19   l'éventualité d'une revanche spontanée de la part de ceux qui avaient

 20   souffert précédemment ? Parce que ceci a été dit à de nombreuse reprises

 21   durant les entretiens avec les enquêteurs des Nations Unies en 1995, c'est

 22   l'explication qui a été fournie par de nombreuses personnes présentes

 23   durant les faits et qui ont participé à ces événements.

 24   Alors pourquoi ? Nous soumettrons aux Juges de la Chambre des

 25   éléments de preuve relevant de l'article 92 bis du Règlement ou provenant

 26   d'autres procès déjà menés dans cette institution qui auront trait aux

 27   crimes commis dans la période 1991-1995 par la population serbe dans cette

 28   région contre la population croate. Les Juges de la Chambre entendront et

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  1   auront la possibilité de lire, de façon synthétisée parfois, des éléments

  2   relatifs à la destruction, aux pillages, aux incendies volontaires, à la

  3   démolition de monuments culturels, à des actes de torture, à des

  4   pilonnages, à des assassinats de civils, tous actes visant à chasser cette

  5   population de la région. Donc le problème, à notre avis, n'a pas été

  6   examiné et discuté dans le détail pendant la présentation des moyens de

  7   preuve de l'Accusation.

  8   Mais cette image, c'est celle que donne le ministre Vidosevic. Il

  9   parle de 650 000 personnes qui sont arrivées sur la côte et qui attendaient

 10   toutes de retrouver leurs foyers et qui entendaient les récits relatifs à

 11   ce qui s'était passé depuis 1991, qui eux-mêmes avaient vécu dans leur

 12   chair tous ces événements, qui avaient de la famille qui, elle, avait vécu

 13   tous ces événements et, à notre avis, c'est là qu'il faut rechercher la

 14   base de cette idée tout à fait raisonnable et des déclarations qui étaient

 15   faites à l'époque par M. Cermak et d'autres, à savoir qu'il y avait des

 16   civils qui cherchaient à se venger et que ce sont ces civils qui sont

 17   largement responsables des crimes commis. Cette idée n'est pas

 18   déraisonnable. Pratiquement chacun des témoins qui sera entendu aura la

 19   possibilité de vous raconter sa propre histoire et de parler de quelqu'un

 20   qui voulait prendre quelque chose à quelqu'un d'autre. Ces témoins pourront

 21   vous parler de cela, qu'il s'agisse de personnes responsables ou de

 22   personnes plus simples, de personnes âgées ou de personnes plus jeunes.

 23   M. Skegro vous fera le récit d'un voisin qui se trouvait sur une île

 24   et qui avait passé tout son temps à dire ce qu'il s'apprêtait à faire à

 25   ceux qui l'avaient chassé de sa maison et qui avaient mis le feu à son

 26   habitation. Comme il l'a dit : Je ne pouvais pas raisonner avec lui. Nous

 27   ne savons pas s'il a mis en action ce qu'il avait à l'esprit. Ça, c'est un

 28   aspect de l'affaire à examiner, d'après nous, c'est même fondamental. Il

Page 17828

  1   faut que des explications soient apportées aux Juges de la Chambre pour que

  2   ceux-ci puissent bien prendre conscience du fait que ces positions ne sont

  3   pas déraisonnables.

  4   Les Nations Unies, les organisations internationales étaient peut-

  5   être en désaccord avec cela, mais être en désaccord ne vous rend pas

  6   responsable le moins du monde, parce que avoir un point de vue différent

  7   n'est pas un crime. Il y avait des bases tout à fait raisonnables qui

  8   pouvaient justifier les déclarations faites par M. Cermak et d'autres à

  9   l'époque. Non pas qu'il rejetait la faute exclusivement sur les civils.

 10   Cermak a dit qu'il y avait quelques unités militaires qui ont été

 11   impliquées. Même chose pour la police. D'autres personnes pouvaient dire la

 12   même chose. Nous ne sommes pas ici dans une tentative d'apporter une

 13   explication globale pour essayer de noyer la vérité. Mais ce que nous

 14   disons ici, c'est qu'il y avait des fondements qui pourraient justifier de

 15   dire que les choses n'ont pas été examinées comme elles auraient dû l'être

 16   jusqu'à présent, et les trois équipes de Défense s'emploieront à les faire

 17   ressortir dans la présente affaire, dans le temps qu'il leur reste, car il

 18   faut expliquer ce qui s'est passé.

 19   Dans la dernière partie de mon exposé devant la Chambre, je produirai des

 20   témoins qui ont demandé des mesures de protection, donc je ne vais pas les

 21   mentionner par leur nom. Ce sont des gens qui sont originaires de Knin et

 22   qui viendront raconter ce qu'ils ont vécu dans le camp au moment où

 23   l'opération Tempête a démarré et où ils ont cherché à trouver refuge dans

 24   ce camp.

 25   Aucune de ces personnes ne déclare que Knin a été dévastée ou

 26   bombardée à tel point qu'elle est devenue méconnaissable. Toutes ces

 27   personnes affirment qu'il y a eu des bombardements modérés et quelques

 28   dégâts aux abords des installations militaires ou gouvernementales. La

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  1   plupart de ces témoins ont vu deux ou trois lieux qui ont été endommagés.

  2   Teskeredzic, comme je vous l'ai déjà dit, a déclaré avoir dénombré six

  3   endroits où il a constaté des dégâts dans la ville. Tous ces témoins vous

  4   diront qu'ils avaient l'intention de se rendre dans le camp des Nations

  5   Unies et que leur objectif était de trouver un refuge avec d'autres

  6   personnes dans des caves, et que chaque fois qu'ils s'abritaient dans des

  7   caves, ils discutaient avec les personnes qui les entouraient et que tout

  8   le monde avait le désir de se rendre en Serbie, donc une évacuation était

  9   planifiée. C'est ce que chacun avait à l'esprit, une évacuation planifiée.

 10   Et en fait, un témoin vous dira que les forces de la République serbe de

 11   Krajina disaient aux gens à quel moment ils pouvaient sortir de l'abri où

 12   ils se trouvaient et que parfois ces personnes ont décidé de rester à

 13   l'intérieur et de ne pas sortir. Un des témoins se trouvait même dans le

 14   même abri que Martic.

 15   Ce qui est intéressant, c'est que l'exode planifié de la population vers la

 16   Serbie, au moment où les gens se sont rendu compte que les jours de la

 17   République serbe de Krajina étaient comptés, il y a tout de même des gens

 18   qui sont restés, qui sont allés dans le camp où on les voit apparaître le 5

 19   à partir de divers lieux où ils s'abritaient jusque-là, et ces gens-là

 20   rencontrent les forces croates. Donc ils se rassemblent, le 5, en divers

 21   endroits parce qu'on leur a dit qu'il serait préférable pour eux de se

 22   rendre dans ces endroits, qu'ils y seraient plus en sécurité, et ils

 23   finissent par atteindre le camp des Nations Unies. Autrement dit, des

 24   moyens de transport ont été organisés. Il n'est pas question de dire que

 25   ces personnes ont été expulsées de chez elles, mais pour des raisons de

 26   sécurité personnelle tout à fait compréhensibles, je suppose, aux yeux des

 27   Juges de la Chambre, étant donné ce qui se passait à l'époque dans ces

 28   endroits, puisque la guerre et un conflit armé faisaient rage, il est tout

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  1   à fait raisonnable que ces personnes aient pensé que le camp des Nations

  2   Unies pouvait être un lieu où elles seraient plus en sécurité.

  3   Quels eussent été les risques si l'armée les avait laissées là où elles se

  4   trouvaient ? Elles auraient, toutes ces personnes, subi des dégâts dus à

  5   toutes les activités des forces de la République serbe de Krajina et dus au

  6   combat entre ces forces et les forces croates. Il n'y avait aucune

  7   certitude de bien s'en sortir, et toutes les opérations militaires avaient

  8   été soigneusement planifiées pour réagir à quelque urgence qui pouvait

  9   surgir. Donc ces témoins se sont rendus dans le camp pour y être en

 10   sécurité et n'ont pas estimé que c'était une attitude déraisonnable.

 11   Lorsqu'elles sont allées dans le camp, elles savaient bien qu'il y avait un

 12   certain nombre parmi elles qui conseillaient de partir pour la Serbie,

 13   parce qu'elles connaissaient l'existence d'une alternative, soit rester en

 14   Croatie, soit partir pour la Serbie. De nombreuses personnes ont fait le

 15   choix de partir en Serbie, mais celles dont je suis en train de parler ont

 16   décidé de rester et ont obtenu des papiers d'identité. Elles sont rentrées

 17   dans leurs domiciles après leur sortie du camp et elles ont repris leur

 18   travail dans divers lieux, que je ne vais pas décrire en détail dans

 19   l'immédiat, mais qui justifient qu'on leur accorde des mesures de

 20   protection.

 21   Encore une fois, voilà quelle était la situation. Voilà quel est le produit

 22   final de cette normalisation de la vie avec réouverture des usines, remise

 23   en activité des entrepôts, reprise du fonctionnement des hôpitaux. Les gens

 24   pouvaient de nouveau être soignés. Voilà le produit final de l'action du

 25   général Cermak, qu'il a entreprise à Knin, voilà pourquoi il a fait ce

 26   qu'il a fait à Knin et pourquoi il a assuré la coordination et la liaison

 27   avec les hommes de sa garnison.

 28   Nous soutenons que tous ces témoignages sont d'une extrême

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  1   importance. Ils contredisent l'idée de l'existence d'une entreprise

  2   criminelle commune, et encore une fois, je vais évoquer ce témoin qui avait

  3   une caméra vidéo et qui contredit totalement l'existence d'une entreprise

  4   criminelle commune.

  5   Il a fourni trois déclarations préalables au bureau du Procureur dans

  6   lesquelles il dit que les gens de sa région, les gens de la région de

  7   Plavno, où il habitait, avaient été tués par des forces croates. Donc trois

  8   déclarations préliminaires sur ce sujet. Et ce témoin pourrait être

  9   considéré comme un Serbe qui fait des déclarations préliminaires et qui

 10   n'aime pas beaucoup le pouvoir croate.

 11   Or, il nous dit, je le répète, c'est encore un récit sur l'action du

 12   général Cermak. Il dit qu'à la mi-août, la police croate est arrivée à sa

 13   porte et a demandé si lui-même et son épouse étaient enregistrés et s'ils

 14   avaient des papiers d'identité. Ils n'en avaient pas, donc ils sont allés à

 15   Knin. Ils se sont rendus à la caserne. Et là, ils se sont présentés et ont

 16   parlé aux soldats. On leur a dit : Le général Cermak était à votre

 17   recherche. Donc cet homme, et c'est un homme âgé qui aujourd'hui a plus de

 18   80 ans, est allé rencontrer le général Cermak. A l'époque, il avait 70 ans.

 19   Et la première chose que dit le général Cermak est : Comment ça va, jeune

 20   homme ? Asseyez-vous. Je vous ai cherché puisque votre famille m'a contacté

 21   et ils sont inquiets pour vous. Ils voulaient savoir si vous allez bien,

 22   vous et votre épouse. Et c'est tout. Donc pendant une heure, il a parlé

 23   avec le général Cermak, il lui a parlé de la situation. Et son bras était

 24   cassé par les forces de la RSK juste avant le 4 août, quand ils essayaient

 25   de faire partir les gens, de sorte qu'il a été obligé d'être hospitalisé.

 26   Es qu'est-ce que qu'il a fait, le général Cermak, avec ce monsieur ?

 27   Il a fait en sorte que chaque semaine il reçoive de la nourriture, de la

 28   nourriture qui partait de Knin jusqu'à Plavno, qui était très loin, pour

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  1   que lui et ses voisins puissent recevoir la nourriture et tout ce qu'il

  2   leur faut pour la vie.

  3   C'est une histoire touchante, puisqu'il va vous parler aussi que

  4   quand il a entendu que le général Cermak était envoyé à La Haye, il a dit :

  5   Moi, j'irai là-bas, j'irai à La Haye pour parler pour lui, pour sa défense.

  6   Heureusement, on a pu le retrouver et s'il se porte bien, on va pouvoir

  7   l'amener ici. Sinon, on va faire une audience par visioconférence.

  8   C'est une histoire vraiment touchante et qui nous montre vraiment

  9   quelles étaient les intentions du Procureur, parce que c'est ça la vérité,

 10   c'est ça que le général Cermak faisait quotidiennement. Il n'a pas

 11   participé à l'entreprise criminelle commune décrite par le Procureur.

 12   Je vous remercie, Monsieur le Président, avec ceci se termine mon propos

 13   liminaire.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Kay.

 15   Je regarde l'heure et je me demande, Monsieur Mikulicic, si vous souhaitez

 16   commencer aujourd'hui ou demain. Puisque demain nous n'avons pas de témoin

 17   et puisque vous avez demandé à disposer d'un certain nombre d'heures, vous

 18   ne pourrez évidemment pas terminer aujourd'hui.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Non, effectivement, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, nous savons de combien de temps que

 21   vous avez besoin, donc c'est à vous d'en décider. Est-ce que vous souhaitez

 22   commencer maintenant ?

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais préféré

 24   faire ma déclaration préalable d'un seul tenant et ne pas être limité par

 25   le temps qu'il nous reste aujourd'hui.

 26   Donc j'aurais préféré commencer demain matin pour faire la

 27   déclaration en continue pour ne pas à avoir à l'interrompre, mais c'est à

 28   vous d'en décider.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous pouvez le faire

  2   demain, on ne va pas perdre de temps si on vous permet de procéder ainsi,

  3   mais je vais tout de même consulter mes collègues.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mikulicic, vous avez besoin de

  6   combien de temps au total ?

  7   M. MIKULICIC : [interprétation] J'ai besoin d'une session.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela veut dire ?

  9   M. MIKULICIC : [interprétation] Ça veut dire une heure et demie.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas vous ne pourrez commencer

 11   aujourd'hui, puisque si l'on commence aujourd'hui il ne vous resterait que

 12   50 minutes et je suis d'accord que c'est mieux pour vous et pour nous aussi

 13   de vous entendre d'un seul tenant, de sorte à ne pas interrompre votre

 14   propos liminaire. Si vous n'êtes pas en mesure de terminer en une seule

 15   session, nous allons n'avoir de toute façon qu'une seule pause et vous

 16   allez pouvoir terminer.

 17   Donc je vous permets de commencer demain matin, cela vous permettra

 18   de faire votre propos liminaire d'un seul tenant.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une petite question, Monsieur Kay, et

 21   c'est moi qui vous pose la question.

 22   Je connais la plupart des noms qui ont été prononcés dans ce prétoire

 23   en anglais, mais le mot "cameo", cela ne me dit rien.

 24   Je ne suis pas sûr de comprendre votre "histoire de cameo". Alors

 25   est-ce que vous pouvez m'aider.

 26   M. KAY : [interprétation] Oui. C'est une miniature, c'est une image, c'est

 27   un petit rôle, si vous voulez, dans une pièce de théâtre, au cinéma, et

 28   cetera.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, maintenant je comprends ce

  2   que vous vouliez dire. Mais je préférais vous poser la question tout de

  3   même.

  4   Il y a une autre chose qui me vient à l'esprit, parce que là je m'adresse

  5   vers le Procureur. Puisque vous avez parlé de beaucoup de choses, vous avez

  6   parlé de préoccupations qui étaient les vôtres par rapport à la décision en

  7   vertu de l'article 98 bis. Il y a un thème par rapport auquel je me suis

  8   demandé dans quelle mesure cela faisait l'objet d'une contestation, à

  9   savoir ce qui s'est passé entre 1991 et 1995. Vous avez dit que ces

 10   événements pourraient expliquer ce qui s'est passé.

 11   Moi je comprends que les parties ne vont pas forcément se mettre

 12   d'accord sur le fait que ceci l'explique ou non, mais ce qui s'est passé

 13   entre 1991 et 1995, vous pouvez ne pas être d'accord sur le nombre précis

 14   de réfugiés, est-ce qu'il y en avait 500 000 ou 625 000, est-ce qu'ils

 15   étaient tous envoyés dans cette petite portion de la côte dalmate, ou bien

 16   dans une région plus grande. Mais moi je me suis demandé si les parties

 17   pouvaient se mettre d'accord ou trouver un compromis. Je ne dis pas qu'il

 18   ne faut pas présenter de preuves par rapport à ce thème, mais il serait

 19   peut-être utile d'en discuter entre vous pour voir s'il est possible de se

 20   mettre d'accord au moins sur les faits, au sujet donc de ces éléments pour

 21   lesquels vous vous dites qu'ils pourraient expliquer ce qui s'est produit

 22   et avec lesquels vous pourriez vous mettre d'accord, vous, au bureau du

 23   Procureur, sans pour autant entrer dans la discussion de savoir si ceci

 24   explique la suite des événements, oui ou non.

 25   Donc vous pourriez peut-être vous mettre d'accord sur ce qui s'est vraiment

 26   passé pendant ces années-là. Si pas entièrement, trouvez un compromis sans

 27   entrer dans trop de détails sur les événements qui se sont produits.

 28   J'y ai pensé en vous écoutant, et j'invite le Procureur à y réfléchir

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  1   sérieusement, et de voir s'il y a des possibilités là parce que les choses

  2   qui ne font pas l'objet d'une contestation, il faut les présenter, mais

  3   parfois on peut les présenter d'une façon plus efficace sans pour autant

  4   influencer de quelque façon que ce soit les conclusions auxquelles nous

  5   allons aboutir à la fin, et les informations, elles sont centrées sur les

  6   informations que nous allons recevoir, bien sûr.

  7   Nous allons lever la séance pour aujourd'hui et nous allons reprendre nos

  8   travaux demain à 9 heures du matin.

  9   --- L'audience est levée à 17 heures 55 et reprendra le vendredi 29 mai

 10   2009, à 9 heures 00.

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