Page 19365
1 Le vendredi 26 juin 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont absents]
4 [Audience de Règle 54 bis]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 10.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.
7 Monsieur le Greffier, veuillez citez l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur, Madame les Juges.
9 C'est l'affaire IT-06-90-T, le Procureur
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
11 Avant de commencer cette audience, la Chambre tient à informer les parties
12 qu'en application de l'article 15 bis (A), l'audience de ce jour se tiendra
13 en l'absence du Juge Kinis. Le Juge Kinis est absent pour raisons
14 personnelles urgentes, et le Juge Gwaunza et moi-même avons conclu qu'il
15 est dans l'intérêt de la justice de poursuivre le procès sans sa présence.
16 De toute façon, le Juge Kinis sera de nouveau parmi nous dès la semaine
17 prochaine. Bien sûr, il prendra connaissance du compte rendu de l'audience
18 d'aujourd'hui.
19 Nous avons prévu cette audience aujourd'hui afin d'obtenir des informations
20 supplémentaires en ce qui concerne la requête portant injonction contre la
21 République de Croatie, en application de l'article 54.
22 Donc, pour commencer, Monsieur Misetic, je pense qu'il y a une écriture
23 dans ce contexte qui a été faite ex parte, et cela porte sur un point qui a
24 plus ou moins trait à ce dont nous allons parler aujourd'hui. Il y a déjà
25 eu de toute façon dépôt ex parte. D'après vous, que devrions-nous faire,
26 passer en huis clos partiel ou huis clos total, et ensuite…
27 M. MISETIC : [interprétation] Je ne sais pas quelle est l'intention de la
28 Chambre en ce qui concerne les pièces jointes qui sont ex parte. Si elles
Page 19366
1 doivent être employées dans le cadre de l'audience et vues, dans ce cas-là,
2 il faudrait absolument que ce soit ex parte en ce qui concerne
3 l'Accusation.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ex parte pour l'Accusation, mais
5 pas pour les autres équipes de la Défense, n'est-ce pas ?
6 M. MISETIC : [interprétation] Absolument.
7 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier me rappelle que ce
9 n'est pas si simple. Parce que si nous passions en audience ex parte, nous
10 devons totalement modifier le système LiveNote. Donc il suffit peut-être,
11 tout simplement, de faire référence au document sans parler de leur teneur.
12 Cela pourrait vous aller ?
13 M. MISETIC : [interprétation] Si vous faites uniquement référence à M.
14 Ivanovic, pas de problème. Donc pour d'autres personnes --
15 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
16 M. MISETIC : [interprétation] C'est cela.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc si on parle d'un document où il y a
18 le nom de M. Ivanovic et du type de document, on pourrait dire c'est une
19 lettre, cela vous irait ? Vous ne soulèveriez pas d'objection, n'est-ce pas
20 ?
21 M. MISETIC : [interprétation] Absolument.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout est clair dans mon esprit. Nous
23 pouvons commencer, puis nous verrons au fur et à mesure.
24 On m'informe que la délégation de la République de Croatie est arrivée, et
25 j'aimerais donc qu'on les fasse venir dans ce prétoire.
26 Nous les attendons, et dans l'intervalle, sachez qu'il est déjà au
27 transcript de l'audience d'hier que les accusés ont exprimé le souhait de
28 ne pas être présents aujourd'hui. D'ailleurs je tiens à dire qu'ils ne sont
Page 19367
1 pas présents dans le prétoire aujourd'hui.
2 Bonjour à tous. Je souhaite la bienvenue à la délégation de la
3 Croatie. La Chambre de première instance a invité les parties et la
4 République de Croatie à assister à cette audience, car nous aurons sans
5 doute quelques questions à vous poser. Nous aimerions aussi obtenir des
6 informations supplémentaires à propos d'une affaire en cours, c'est-à-dire
7 à propos principalement de la requête de l'accusé Gotovina aux fins
8 d'obtenir une injonction contre la République de Croatie en application de
9 l'article 54.
10 Pourrais-je d'abord vous demander de vous présenter. Nous avons reçu une
11 liste, mais il est toujours bon de savoir qui est qui.
12 Le chef de la délégation pourrait-il se présenter ?
13 M. MARKOTIC : [interprétation] Bonjour. Je suis Gordan Markotic, directeur
14 de l'administration chargée de la coopération avec les tribunaux pénaux
15 internationaux au sein du ministère de la Justice.
16 M. CULE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je suis Josip
17 Cule, adjoint du procureur général de la République de Croatie.
18 M. POKUPEC : [interprétation] Bonjour. Je suis Zelkja Pokupec, procureur
19 municipal de la ville de Zagreb.
20 M. MARKOTIC : [interprétation] Et nous avons M. Ivan Sincic qui n'est pas
21 assis au même endroit que nous.
22 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la fonction du quatrième
23 représentant.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous
25 rapprocher du microphone, car je sais que vous êtes trois, et ça va être
26 difficile.
27 Maître Misetic, je vous vois debout.
28 M. MISETIC : [interprétation] Oui, pour le compte rendu, je tiens à dire
Page 19368
1 que M. Ivanovic est à ma droite, donc si la Chambre a des questions à lui
2 poser, vous savez qu'il est là. Je vous remercie.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons d'être brefs. L'un des
4 principaux problèmes soulevés par la Défense Gotovina est le suivant, elle
5 considère que la République de Croatie ne doit pas lancer de poursuites
6 contre M. Ivanovic. En effet, d'après la Défense Gotovina, M. Ivanovic
7 bénéficie d'une immunité due à sa fonction.
8 La Chambre de première instance a reçu une lettre de la République de
9 Croatie envoyée à cette Chambre en date du 27 avril 2009. Il est écrit dans
10 l'en-tête de chapitre : Ecriture de la République de Croatie en lien avec
11 la demande de l'accusé Ante Gotovina visant à ce que la République de
12 Croatie délivre une ordonnance pour empêcher certaines procédures.
13 J'ai parcouru cette lettre. Malheureusement, je n'ai pas vu un seul mot
14 portant sur l'immunité. Pourriez-vous nous expliquer la position de la
15 République de Croatie en ce qui concerne l'immunité ? Dans votre lettre,
16 vous avez expliqué que vous ne soulevez aucune objection à la façon dont
17 procède la Défense Gotovina, que vous ne considérez pas qu'il est essentiel
18 de passer par les canaux de l'Etat. Il me semble que sur ce point vous êtes
19 d'accord avec la Défense Gotovina. Vous avez expliqué que les poursuites
20 contre M. Ivanovic n'ont absolument rien à voir avec le procès en l'espèce
21 ici. Or, la Défense Gotovina considère que ceci n'est pas pertinent. Vous
22 nous avez expliqué que la Croatie poursuit M. Ivanovic dans l'intérêt de
23 l'Etat. Ça me paraît évident quand même si vous n'aviez pas intérêt à
24 poursuivre qui que ce soit, vous vous ne vous lanceriez pas dans un tel
25 exercice. Mais le problème principal n'a pas été traité, parce qu'à mon
26 avis, ce qui est essentiel, c'est que d'après la Défense Gotovina, M.
27 Ivanovic bénéficie d'une immunité fonctionnelle.
28 Pourriez-vous expliquer la position de la République de Croatie en ce qui
Page 19369
1 concerne la clé du problème, si je puis dire, en tout cas aux yeux de la
2 Chambre ?
3 M. MARKOTIC : [interprétation] Puisque nous envisageons la question
4 d'immunité exclusivement au travers des dispositions légales croates, je
5 dois laisser la parole à l'adjoint du procureur d'Etat, M. Cule qui va
6 pouvoir expliquer cette question des immunités.
7 M. CULE : [interprétation] Merci.
8 Monsieur le Président, Madame le Juge, dans la loi de la République de
9 Croatie, il y a des dispositions qui prévoient qui peut jouir d'immunité.
10 Cette dernière a fait l'objet de plusieurs dispositions légales fondées sur
11 un traité international portant sur les immunités diplomatiques. Le reste
12 des dispositions en la matière sont des dispositions légales de la
13 République de Croatie qui dispose des immunités à accorder aux plus hauts
14 représentants des autorités et pouvoirs exécutifs judiciaires et
15 législatifs. Les conseils de Défense qui interviennent devant aussi bien
16 les tribunaux pénaux internationaux que devant les tribunaux de la
17 République de Croatie ne bénéficient d'aucune immunité. Quant à une loi
18 particulière dont nous disposons en Croatie et qui concerne la constitution
19 par rapport à la coopération avec les tribunaux pénaux internationaux,
20 accord de 1996, on parle également d'immunité et des personnes qui peuvent
21 en bénéficier. Il en est question au paragraphe 34 --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez ralentir, s'il vous plaît,
23 parce que les interprètes essaient de vous traduire, et vous allez
24 tellement vite qu'on risque de rater une partie de vos propos. Pouvez-vous,
25 s'il vous plaît, vous approcher du micro.
26 M. MARKOTIC : [Interprétation] Merci.
27 Je vais citer la disposition qui figure à l'article 34 de notre
28 constitution de 1996, portant sur la coopération avec les tribunaux pénaux
Page 19370
1 internationaux, je cite : "Les Procureurs, Juges et Greffiers des tribunaux
2 pénaux internationaux bénéficient des immunités prévues pour les
3 représentants diplomatique par le droit international. Par conséquent, au
4 terme de cette disposition, il n'est prévu aucune immunité pour les
5 conseils de la Défense et les membres des équipes de la Défense. Ensuite je
6 souhaiterais dire encore une chose, à savoir qu'à notre connaissance, les
7 procédures pénales qui sont en cours actuellement en Croatie n'ont vu aucun
8 des individus concernés invoquer à un droit à une immunité. Ce qui est
9 usuel, c'est que si les personnes mises en accusation estiment bénéficier
10 d'un droit à une immunité, c'est que ces personnes invoquent le droit en
11 question et le tribunal compétent, ensuite, décide de ce qu'il y a eu lieu
12 de faire.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de votre réponse.
14 Maintenant je vais vous demander, Maître Misetic, de prendre la parole, car
15 dans vos écritures, vous ne parlez jamais de cette immunité qui aurait été
16 invoquée auprès des tribunaux locaux ou du procureur local.
17 M. MISETIC : [interprétation] En effet, nous considérons qu'il s'agit
18 plutôt d'une juridiction compétente ici dans ce Tribunal et non pas en
19 Croatie. Par exemple, si un enquêteur du bureau du Procureur était accusé,
20 je pense qu'au titre de l'article 30 du Règlement, il serait évident que
21 cet enquêteur doit bénéficier d'immunité. Quant à savoir si ces immunités
22 ont été données au titre de la loi constitutionnelle croate, ce n'est pas
23 pertinent au titre du Statut. En effet, cette immunité existe par vertu
24 d'une résolution du Conseil de sécurité, quelles que soient les lois qui
25 sont en vigueur à l'heure actuelle en République de Croatie.
26 Ensuite je pense qu'il serait évident, par exemple, que si on soulevait
27 devant un tribunal local à Zagreb l'immunité éventuelle d'un enquêteur du
28 bureau du Procureur, il est évident que cela empêcherait le tribunal de
Page 19371
1 prendre toute mesure au titre de l'article 54. Je concède qu'un tribunal à
2 Zagreb pourrait éventuellement considérer qu'un membre du bureau du
3 Procureur ne bénéficie pas d'une immunité, mais à mon avis, ce serait quand
4 même au Tribunal ici de prendre cette décision. Donc, nous considérons que
5 c'est un point qui ne peut être décidé que par cette Chambre de première
6 instance.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est juste une hypothèse pour bien
8 comprendre. Si M. Ivanovic avait invoqué l'immunité devant ce tribunal,
9 dans ce cas-là tout cet exercice ici serait superflu ?
10 M. MISETIC : [interprétation] Ce serait superflu. De notre avis, avoir
11 demandé l'immunité devant un tribunal à Zagreb, ce serait une perte au
12 total de temps, parce que la décision de toute façon est à prendre par
13 cette Chambre de première instance. C'est notre avis. C'est ce que nous
14 affirmons.
15 Donc toute autre considération n'est pas utile. Quand il y a eu des
16 problèmes de ce type par le passé, je vais vous donner un exemple
17 d'ailleurs. Lorsque M. Rajcic a été cité à témoigner à Zagreb, il a dit
18 qu'il ne pouvait pas témoigner suite à une décision qui avait été prise par
19 cette Chambre si vous vous en souvenez. Alors le juge à Zagreb n'a pris
20 aucune décision à propos de savoir si cette personne bénéficiait d'une
21 immunité, si vous voulez l'appeler comme ça ou autre chose, et le juge l'a
22 référé à M. Markotic qui, ensuite, est revenu vers vous pour vous demander
23 s'il était possible d'accorder au tribunal de Zagreb la possibilité
24 d'entendre ce M. Rajcic.
25 Ici c'est exactement la même chose. Nous pensons que la Chambre de première
26 instance peut donc résoudre facilement ce problème. Soyons réalistes, que
27 va-t-il se passer à Zagreb, tant qu'il n'y a pas de décision prise au
28 niveau international, on ne va pas savoir ce qui va se passer à Zagreb.
Page 19372
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Misetic.
2 Vous dites que vous demandez à cette Chambre de première instance
3 d'intervenir, parce que vous ne vous attendez pas à grand-chose de la part
4 de Zagreb; c'est cela ? Vous considérez que --
5 M. MISETIC : [interprétation] Tout d'abord, je ne considère pas que c'est
6 une affaire interne. C'est une affaire de ce Tribunal ici. Ça n'a rien à
7 voir avec la République de Croatie. Nous sommes une équipe de la Défense,
8 mais la République de Croatie est intéressée devant ce Tribunal.
9 Il y a peut-être une procédure en cours au niveau local, certes, il
10 n'empêche qu'au titre de l'article 54 ce Tribunal a préséance.
11 Pour emprunter vos propres mots d'ailleurs, Monsieur le Président, peut-
12 être faut-il que l'on passe par la procédure régulière qui demande que l'on
13 passe d'abord par Zagreb, ensuite ça reviendra à la Chambre de première
14 instance de décider. Mais de toute façon, il est évident que c'est ce
15 Tribunal qui va décider en fin de compte.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Misetic.
17 Vous avez parlé de votre droit national, et Me Misetic, lui, parle du
18 Statut de notre Tribunal, donc du droit international. Avez-vous pris en
19 compte les obligations qui proviennent du Statut et qui prévaudraient par
20 rapport à ce qui peut se passer en République de Croatie, puisque vous
21 considérez que cette personne ne bénéficie pas d'immunité, mais l'équipe de
22 la Défense ici le considère ?
23 M. CULE : [interprétation] Je voudrais dire que la situation pour nous est
24 particulièrement claire en République de Croatie.
25 M. MARKOTIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, si je
26 puis interrompre. Lorsque M. Cule s'est expliqué précédemment, il a eu au
27 compte rendu d'audience M. Crncec et M. Markotic au compte rendu
28 d'audience. Mais je voudrais dire que c'est M. Cule qui parlait, cela était
Page 19373
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 19374
1 mal indiqué au compte rendu d'audience. Pour tout ce qui concernait
2 l'immunité c'était M. Cule qui parlait et il va continuer.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, ce sera toujours
4 corrigé. Ne vous en faites pas, tout est révisé à la fin de la journée. Il
5 y a parfois des erreurs qui se glissent dans le transcript, ce qui est
6 parfaitement compréhensible d'ailleurs, mais toutes ces erreurs sont
7 corrigées par la suite. Merci d'avoir indiqué qu'il y avait des erreurs.
8 Monsieur Cule, poursuivez.
9 M. CULE : [interprétation] Je vais poursuivre. Il s'agit d'une infraction
10 au pénal qui a été commise sur le territoire de la République de Croatie,
11 par conséquent, ce sont les lois en vigueur en République de Croatie qui
12 s'appliquent, aussi bien la loi elle-même que la procédure.
13 Pour ce qui est des dispositions internationales en vigueur devant les
14 tribunaux pénaux internationaux, elles ne s'appliquent pas en République de
15 Croatie. Je voudrais juste souligner le fait que la question de
16 l'application des dispositions des tribunaux pénaux internationaux en
17 République de Croatie a déjà fait l'objet d'un débat devant une Chambre qui
18 a déterminé quelles allaient être les dispositions applicables lorsqu'il
19 s'agissait de transmettre une procédure, les comptes rendus d'audience dans
20 l'affaire Ademi. Et pour ce qui est de l'application des dispositions
21 légales de la République de Croatie, je ne peux qu'en rester à ce que j'ai
22 déjà dit, à savoir que les dispositions de la loi croate, on ne peut pas
23 accorder aux termes de ces dispositions des immunités au conseil de la
24 Défense ou membres des équipes de la Défense.
25 Cela est conforme non seulement aux lois en vigueur, mais également à la
26 constitution et aux dispositions légales relatives à la coopération avec
27 les tribunaux pénaux internationaux.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Savez-vous que le conseiller
Page 19375
1 juridique du secrétaire général a rendu une opinion à propos de ce qui se
2 passe au tribunal pour le Rwanda, et dans cette opinion il est évident que
3 le conseil de la Défense, ainsi que tous les membres de toutes les équipes
4 travaillant pour la Défense doivent bénéficier dans une certaine mesure
5 d'une immunité ?
6 M. CULE : [interprétation] Peut-on avoir un moment, s'il vous plait.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
8 M. CULE : [interprétation] On a mis en avant déjà cette question.
9 Cependant, en ce qui concerne les immunités qui devraient être élargies à
10 la commission d'infractions au pénal sur le territoire de la République de
11 Croatie pendant la période qui est pertinente pour les accusés concernés,
12 nous estimons en l'espèce que cela ne pourrait pas faire l'objet d'un
13 élargissement.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous parlez de l'acte
15 d'accusation, vous parlez de l'acte d'accusation dressé contre M. Ivanovic
16 ou un autre ?
17 M. CULE : [interprétation] Il s'agit des actes d'accusation qui ont
18 été proposés contre les accusés Ivanovic, Sare, et Kretic.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous nous dites la chose suivante :
20 si immunité il y a, de toute façon elle ne peut s'appliquer aux agissements
21 ayant eu lieu sur le territoire de la Croatie; c'est bien ça ?
22 M. CULE : [interprétation] Il me semble qu'il serait plus correct de le
23 formuler ainsi. L'application d'une immunité relativement à des infractions
24 au pénal commises sur le territoire de la Croatie n'est pas possible en
25 dehors du cercle de personnes que j'ai énumérées précédemment.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites : Qui pourrait bénéficier
27 d'immunité, mais ailleurs que sur votre territoire; c'est bien cela ? Bien.
28 J'ai une question à vous poser. Lorsqu'on prépare la défense d'une
Page 19376
1 personne, en ce qui nous concerne, il faut bien se rendre sur le territoire
2 de la Croatie, c'est là que doit se faire le travail ? Il faut trouver les
3 témoins, trouver les preuves documentaires, tout ça ne peut se faire qu'en
4 Croatie.
5 J'ai cru comprendre que par le biais de votre argumentation, toute Défense
6 qui pourrait bénéficier d'une immunité, puisque c'est quand même
7 l'hypothèse de départ de votre réponse, cette immunité ne serait pas utile
8 ni efficace, puisque de toute façon, si tant est qu'il y ait immunité
9 fonctionnelle, le travail doit se faire sur un territoire bien précis, et
10 vous semblez dire que ce territoire ne peut absolument pas tomber sous le
11 coup de cette immunité et en est dispensé. Alors, que faire ?
12 M. CULE : [interprétation] Il me semble que cela ne serait pas une
13 conclusion correcte, car la Défense, sur le territoire de la République de
14 Croatie, a la possibilité d'entreprendre toute une série de travaux et tout
15 ce qu'ils estiment être nécessaire aux fins de la procédure. Mais je pense
16 qu'ils ne peuvent commettre des infractions au pénal, car dans la mesure où
17 une telle infraction pénale a été commise, le procureur de la République de
18 Croatie, conformément aux lois en vigueur, a l'obligation de poursuivre les
19 auteurs de telles infractions au pénal. La différence réside donc dans le
20 fait que la Défense a le droit d'entreprendre, a bien le droit
21 d'entreprendre toute une série de travaux, tout ce qui est nécessaire à la
22 Défense de sa thèse en dehors de ce qui constituerait une infraction au
23 pénal. Car dans cette éventualité, les services du procureur de l'Etat de
24 Croatie ont l'obligation de poursuivre les auteurs de telles infractions au
25 pénal.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. N'y a-t-il pas obligation
27 internationale de demander peut-être à ce que l'on annule cette immunité
28 afin de pouvoir diligenter des poursuites sans risquer d'enfreindre des
Page 19377
1 obligations internationales, qui est de respecter l'immunité donnée par --
2 voilà c'est une question de principe. Je voulais juste que l'on en discute
3 pour savoir ce que vous pensez. Je ne veux en aucun cas exprimer une
4 opinion quelconque à propos de l'immunité qui, éventuellement, pourrait
5 être donnée à M. Ivanovic de la part de sa fonction.
6 M. CULE : [interprétation] J'ai dit en introduction que conformément aux
7 dispositions légales en vigueur en Croatie, qui sont obligatoires, cette
8 catégorie de personnes ne jouit pas d'une immunité. Par conséquent, le
9 procureur de l'Etat de Croatie n'avait pas non plus l'obligation de
10 demander une levée de quelque immunité que ce soit.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. J'ai quand même attiré votre
12 attention sur le fait que le conseiller juridique du secrétaire général des
13 Nations Unies - non, ce n'est pas un conseiller juridique, c'est un poste
14 un peu différent qu'il occupe. Enfin, c'est quelqu'un qui travaille de
15 toute façon au service juridique au siège des Nations Unies, c'est M.
16 Johnson. Et lui, il tire quand même une conclusion complètement différente
17 de la vôtre de tout cela. Regardez, par exemple, étudions un cas précis.
18 L'accord sur les privilèges et immunité à la Chambre de première instance.
19 Là, très clairement, il y a des règles qui sont énoncées et qui parlent de
20 l'immunité donnée au conseil de la Défense. Donc c'est l'un des arguments
21 évoqués par la Défense Gotovina. Tout d'abord, il y a l'article 30 du
22 Statut de ce Tribunal qui déclare que la Défense se retrouve dans le cadre
23 de l'article 30. Donc ici je parle de Statut qui provient d'une résolution
24 du conseil des Nations Unies.
25 J'imagine que vous avez lu de toute façon toutes les écritures faites
26 par la Défense de M. Gotovina à cet égard ?
27 M. CULE : [interprétation] C'est notre confrère qui va répondre à la
28 question, M. Crncec.
Page 19378
1 M. CRNCEC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame le Juge, je
2 voulais simplement souligner le fait que conformément à l'article 30 du
3 Statut du TPIY, auquel se réfère la Défense et où les questions des
4 immunités dont jouissent les membres des équipes de la Défense devant les
5 tribunaux internationaux, est une disposition complètement différente, car
6 il s'agit d'une disposition qui a trait à la Cour pénale internationale.
7 Par conséquent, ce que nous considérons c'est que c'est le Statut du TPIY
8 qui est pertinent en la matière, en l'espèce.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Enfin, l'interprétation
10 d'instruments juridiques se fait souvent par le biais de comparaison. La
11 Défense déclare que pour l'égalité des armes on ne peut pas donner une
12 immunité à l'Accusation et empêcher la Défense de bénéficier de la même
13 chose, de cette immunité. Pour étayer leurs propos, ils se basent sur une
14 opinion, une opinion qu'a demandée le tribunal pour le Rwanda. Le président
15 du tribunal pour le Rwanda a demandé lorsqu'il s'est trouvé dans une
16 situation identique au TPIY.
17 Interprétation de l'article 30 du Statut, et il est évident que la plupart
18 du temps on regarde un peu ce qui se passe dans les autres institutions.
19 Donc pour interpréter l'article 30, il est bon de rechercher quelles
20 opinions faisant autorité ont été rendues et comment on traite ce type de
21 problème dans le cadre d'autres tribunaux internationaux. C'est la
22 pratique.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous brancher votre micro.
24 M. CRNCEC : [interprétation] Oui. Merci.
25 Je ne voudrais maintenant pas entrer dans une interprétation de ce
26 qui a eu lieu, a cours devant les tribunaux municipaux, les tribunaux
27 pénaux locaux. Ce que M. Cule a dit précédemment, c'est qu'on a repris des
28 dispositions de l'article 30 du Statut de la CPI
Page 19379
1 l'article du 30 du Statut du TPIY et de notre constitution, pour ce qui est
2 des affaires dont a à connaître le tribunal municipal de Zagreb, la
3 question des immunités n'est pas une question qui doit être abordée. Et
4 comme on l'a déjà dit, le procureur de l'Etat de Croatie n'a pas
5 l'obligation de soulever cette question ni de lever quelque immunité que ce
6 soit.
7 Donc aucun des individus concernés n'a soulevé la question d'immunité
8 devant les tribunaux concernés en vertu des statuts des tribunaux pénaux
9 internationaux. De notre constitution et de notre loi, ces personnes ne
10 bénéficient pas d'immunité.
11 Par conséquent, il n'en a pas été débattu devant le tribunal
12 municipal de la région de Zagreb.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites qu'il n'y a jamais eu de
14 débat juridique portant sur l'éventualité de cette immunité qui pourrait
15 oui ou non s'appliquer, tout simplement parce que ça n'a pas été soulevé;
16 c'est ça ?
17 M. CRNCEC : [interprétation] C'est exact.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.
19 M. MISETIC : [interprétation] Puis-je répondre.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
21 M. MISETIC : [interprétation] J'ai peut-être oublié de dire quelque chose
22 précédemment. Il y a deux points qu'il ne faut pas mélanger. M. Ivanovic,
23 lorsqu'il soulève son problème d'immunité devant le tribunal de Zagreb,
24 cela présuppose qu'il faudrait que nous ayons épuiser tous les recours
25 juridiques existant à Zagreb. Donc si le tribunal de Zagreb prend
26 énormément de temps pour trouver une solution, dans ce cas-là, le délai se
27 poursuit. Il faudrait peut-être que s'il doit faire appel en République de
28 Croatie il faudrait savoir à quel moment ce problème serait soulevé devant
Page 19380
1 cette Chambre de première instance.
2 Mais ce qui m'intéresse ici ce n'est pas vraiment Marin Ivanovic,
3 c'est surtout Ante Gotovina. C'est ses droits fondamentaux qui lui sont
4 donnés au titre de l'article 21 pour l'égalité des armes. C'est donc à
5 cette Cour, c'est à ce Tribunal, c'est à cette Chambre d'assurer M.
6 Gotovina de ses droits.
7 Les tribunaux de la République de Croatie ne sont pas là pour savoir
8 si M. Gotovina a droit à l'égalité des armes au titre de l'article 51
9 [comme interprété]. Donc nous ne sommes pas d'accord avec l'interprétation
10 de la République de Croatie. Les droits de M. Gotovina doivent être
11 protégés au titre de l'article 21, et c'est à la Chambre de première
12 instance de veiller à cela au titre de l'article 20 du Statut. Donc ce que
13 soulève M. Ivanovic -- le problème de M. Ivanovic ce n'est pas tant son
14 immunité personnelle, ce n'est pas ça, c'est savoir si la Défense de M.
15 Gotovina peut avoir l'immunité nécessaire pour fonctionner correctement
16 afin de défendre M. Gotovina et pour que le Tribunal fonctionne
17 correctement. Donc, on va retarder les choses en demander à un tribunal de
18 décider quoi que ce soit, cela rien à faire avec l'affaire de M. Gotovina.
19 Cela risque uniquement de porter préjudice à M. Gotovina, et rien de plus.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Misetic.
21 Avez-vous d'autre chose à dire à propos du fond de ce problème d'immunité,
22 pas de la forme mais du fond, d'autres choses à ajouter à vos écritures ?
23 M. MISETIC : [interprétation] Sur l'immunité en tant que tel, pour
24 poursuivre sur un point. Je ne sais pas si j'ai été extrêmement clair, mais
25 j'ai peut-être mal compris les arguments présentés par la République de
26 Croatie, j'en suis désolé si je n'ai pas bien compris.
27 Mais je pense qu'en tant que principe général, il a été dit que les
28 conseils de la Défense ne bénéficient pas d'immunité; ça, c'est le principe
Page 19381
1 général, pas uniquement pour ceux du TPIY, mais pour tous. Or, comme la
2 Chambre le sait, les conseils de la Défense de la CPI
3 accusés sur le territoire de la République de Croatie en application d'un
4 accord qui a été conclu entre la République de Croatie et la CPI
5 Donc, le fait que les lois croates ne donnent pas immunité aux conseils de
6 la Défense internationaux, il s'agit maintenant de savoir -- on sait
7 maintenant qu'à la CPI ils ont immunité, il faudrait savoir si au TPIY, ils
8 ont aussi immunité, c'est ça ?
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ce terme "immunité" est quand même
10 un terme assez complexe en ce qui concerne son interprétation juridique.
11 J'aimerais vous poser la question suivante, si on appelait un conseil, si
12 on le citait en tant que témoin, devrait-il, serait-il obligé de témoigner
13 à propos de propos dont il a discuté sous le sceau de la confidentialité
14 avec son client ?
15 M. CULE : [interprétation] Non, car le conseil de la Défense de l'accusé
16 appartient au cercle le plus étroit des personnes qui sont exonérées, qui
17 sont protégées contre toute poursuite au pénal, et donc ils n'ont pas
18 l'obligation de déposer de cette manière. Par conséquent, si cette personne
19 était citée à comparaître, elle pourrait invoquer le rôle qui a été le sien
20 et l'immunité dont elle jouit en tant que conseil de la Défense. Cela
21 figure dans les dispositions du Code de procédures pénales.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En ce qui concerne les fouilles et les
23 perquisitions auprès des cabinets juridiques, y a-t-il un interdit dans
24 votre droit à ce propos ?
25 M. CULE : [interprétation] J'ai beaucoup de mal à suivre la question que
26 vous venez de poser. Mais si l'on prend le cas où le conseil de la Défense
27 est un avocat, il y a des dispositions légales particulières dans la loi
28 croate concernant les avocats qui précisent les conditions dans lesquelles
Page 19382
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 19383
1 on peut éventuellement procéder à une fouille des effets personnels ou des
2 locaux d'un avocat, et même si l'on procédait à ce genre de fouilles, il ne
3 faudrait pas, cela est interdit, saisir les documents. Si cela était fait,
4 il s'agirait de documents saisis de façon illégale, et on ne pourrait pas
5 fonder une procédure sur de tels documents.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
7 Je sais que jusqu'à présent, nous ne sommes pas vraiment d'accord sur la
8 présence de l'Accusation dans le cadre de cette procédure.
9 M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais répondre tout d'abord.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
11 M. MISETIC : [interprétation] C'est un point absolument essentiel. Je tiens
12 à dire pour le compte rendu que la République de Croatie demande à ce que
13 chaque membre de la Défense Gotovina à Zagreb vienne au commissariat de
14 police pour être interrogé. Donc, ce n'est pas une question hypothétique,
15 c'est une question qui se pose à l'heure actuelle, c'est un véritable
16 problème. Je ne peux pas vraiment contrôler ce qu'une personne de notre
17 équipe peut révéler dans le cadre de son interrogatoire avec la police. Ces
18 rapports sont ensuite donnés au bureau du Procureur. M. Ivanovic est un
19 avocat à Zagreb, il a dû se rendre en mars à Zagreb pour être interviewé
20 par la police, et maintenant, c'est le bureau de l'Accusation qui possède
21 ce document. Donc, ce ne sont pas des questions purement hypothétiques.
22 Nous considérons qu'il s'agit des infractions au titre de l'article 70 et
23 de l'article 97, et nous avons sans cesse déclaré que le fait que la
24 République de Croatie veuille insister, veuille interviewer les équipes de
25 la Défense Gotovina au commissariat est une violation des droits de la
26 Défense, et des règlements de ce Tribunal.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais tout d'abord être sûr de ce
28 que vous venez de dire. Vous ne dites pas uniquement, qu'il n'y a pas
Page 19384
1 uniquement M. Ivavonic qui fait l'objet de poursuites, visiblement, et vous
2 nous dites que les membres de votre équipe à Zagreb sont obligés de se
3 rendre au commissariat pour être interrogés.
4 J'aimerais demander, si c'est bien le cas, j'aimerais vérifier cette
5 information; est-ce vrai ?
6 Maître Misetic, pourriez-vous nous dire de qui il s'agit ou au moins de
7 combien de personnes sont impliquées dans cela ?
8 M. MISETIC : [interprétation] Ils sont sûrement au nombre de cinq.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, j'aimerais une réponse de la
10 part de la Croatie.
11 Monsieur Cule, pourriez-vous dire ce qu'il se passe.
12 M. CULE : [interprétation] Dans le cas où il existe une requête ou une
13 procédure au pénal qui a déjà été engagée, la police a le droit d'inviter
14 des citoyens à fournir des informations. Les citoyens ont l'obligation de
15 se présenter, mais n'ont pas l'obligation de répondre aux questions. Et
16 dans ce cas-là, la police n'a pas le droit, n'a plus jamais le droit de le
17 rappeler pour ce type d'entretien dans la même affaire, et le citoyen en
18 question n'a plus l'obligation de répondre à d'éventuels appels ultérieurs,
19 invitations ultérieures des autorités policières.
20 Par conséquent, on ne peut pas parler d'entretiens forcés ou on ne peut pas
21 dire que l'on force les personnes de se rendre à des entretiens où elles
22 sont interrogées pour les mettre en situation délicate.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais essayer d'y voir plus clair.
24 Tout d'abord, est-ce qu'on les appelle, est-ce qu'on nous oblige à venir
25 pour ces entretiens en tant que suspects de crimes, ou est-ce qu'ils sont
26 en tant que témoins potentiels.
27 M. CULE : [interprétation] Ils n'ont pas été convoqués en tant que
28 suspects. Si cela avait été le cas, cela aurait figuré explicitement dans
Page 19385
1 l'invitation qu'ils ont reçue; ils sont appelés à se présenter en tant que
2 citoyens.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, ils sont enjoints de
4 venir, ils doivent y aller, et ils seront interrogés non pas parce qu'ils
5 sont suspects, parce qu'il y a aucun fait permettant de savoir qu'ils
6 auraient éventuellement commis un crime, mais ils sont plutôt convoqués
7 parce qu'on sait qu'ils possèdent des informations qui peuvent être utiles
8 pour poursuivre une enquête en cours contre d'autres personnes.
9 C'est plutôt cela ?
10 M. CULE : [interprétation] Il n'est pas nécessaire qu'il y ait des
11 procédures en cours à l'encontre d'autres personnes. Il suffit qu'il y ait
12 une suspicion qu'une infraction au pénal a été commise et que l'on estime
13 que ces personnes disposent d'informations pertinentes. Et si ces dernières
14 veulent bien fournir les informations en question, on fait suivre ces
15 informations au bureau du Procureur de l'Etat de Croatie qui, ensuite,
16 décide si l'on engage une procédure ou non.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je continue d'essayer de comprendre
18 ce que vous avez dit.
19 Donc, page 20, ligne 4, vous nous dites que :
20 "Ils ne sont pas obligés de répondre aux questions, et la police n'a pas le
21 droit de les rappeler en ce qui concerne le crime éventuel dont il pourrait
22 être accusé éventuellement."
23 Donc dans les mots que vous avez prononcés, quand même, il semble
24 clair que l'interrogatoire a trait à des faits qui pourraient très bien
25 être reprochés à la personne interviewée. Il se trouve quand même dans une
26 situation qui est proche de celle d'un suspect.
27 Je vous cite, et j'essaie d'interpréter ce que vous avez dit.
28 M. CULE : [interprétation] C'est exact. Lorsque j'ai parlé tout au début en
Page 19386
1 me référant à ce qu'a déclaré Me Misetic, j'ai parlé de la situation qui
2 était celle d'une personne suspectée. Ensuite j'ai parlé des invitations
3 adressées à des citoyens pour qu'ils se rendent à des entretiens
4 informatifs. J'ai compris que la question portait sur la procédure telle
5 qu'elle est engagée lorsqu'en a affaire à un suspect. J'ai parlé des droits
6 des suspects lorsque j'ai donné des explications.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic.
8 M. MISETIC : [interprétation] Oui, je tiens à dire quelque chose pour le
9 compte rendu. Les membres de notre équipe de Défense ont été rappelés pour
10 interrogatoire au commissariat de police. Ils ne sont pas venus qu'une
11 seule fois. Ils ont dû être rappelés, et certains d'entre eux ont été
12 rappelés. Donc il y a quand même déjà une différence entre ce que nous
13 avançons et ce qu'avance la République de Croatie.
14 Me Ivanovic, par exemple, même après avoir été accusé, a dû revenir pour
15 donner une interview auprès du commissariat de police, et c'est maintenant
16 entre les mains du bureau du Procureur.
17 Ensuite la République de Croatie déclare que ces interviews avaient
18 trait à des crimes qui ont été commis. Mais l'une des personnes qui a été
19 interrogée et qui est venue à notre bureau, avant même que nous en soyons
20 avertis, elle a dû se rendre au bureau de police, a dû répondre à des
21 questions du style : Qui travaille dans votre bureau; quelles sont les
22 responsabilités de l'équipe de Défense Gotovina; comment fonctionne la
23 Défense Gotovina; quel est l'organigramme; enfin, tout ceci n'a pas grand-
24 chose à voir avec des documents bien précis, et cetera.
25 Tout ceci, ensuite, est rédigé pour en faire un rapport. Alors je ne
26 sais pas du tout si le fonctionnement interne de l'équipe de la Défense
27 Gotovina a été transmis au bureau du Procureur ou pas en l'espèce.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va poser la question.
Page 19387
1 J'essaie de vérifier auprès de vous si ce que nous avance M. Misetic est
2 vrai ou non. Il est en train de nous dire qu'au moins cinq membres de
3 l'équipe de la Défense Gotovina ont été obligés de se rendre au
4 commissariat de police pour interview.
5 Donc vous avez fait une déclaration générale à propos des pouvoirs de
6 la police et à propos des obligations des citoyens envers la police,
7 certes, mais j'aimerais savoir si plusieurs personnes de l'équipe Gotovina
8 ont été convoquées pour des interrogatoires de police.
9 M. MARKOTIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre
10 permission, je voudrais simplement expliquer un élément qui est essentiel.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous vous expliquerez plus tard.
12 Répondez d'abord à ma question.
13 M. CULE : [interprétation] Il me semble que votre question est liée
14 précisément à la réponse de mon collègue, M. Markotic. En effet, il va
15 essayer de vous expliquer pourquoi on a convoqué ces personnes. Il ne
16 s'agit pas uniquement d'une procédure au pénal. Il y a aussi des éléments
17 extérieurs à cette procédure qui, en partie, étaient en relation avec le
18 ministère de l'Intérieur. Et c'est cette partie-là que M. Markotic souhaite
19 expliquer.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais juste savoir s'ils ont été
21 convoqués et combien d'entre eux ont été convoqués. Quant à l'aspect
22 suivant qui est avancé par M. Markotic, à savoir de connaître la raison
23 pour laquelle ils ont été convoqués, entendu.
24 Mais je voudrais que l'on en reste d'abord aux faits élémentaires.
25 Est-ce que des membres de l'équipe de Défense Gotovina ont été convoqués
26 par la police ? Est-ce qu'ils étaient cinq ? Et ne coupons pas les cheveux
27 en quatre. Ils étaient peut-être cinq ou six, mais c'est ce que je voudrais
28 savoir.
Page 19388
1 M. CULE : [interprétation] Voilà comment je dois le dire. Le bureau du
2 procureur d'Etat, après avoir reçu un rapport du ministère de la Justice
3 concernant une enquête administrative, a demandé des informations à la
4 police et a demandé une procédure au pénal. A cette étape, je ne peux pas
5 dire avec certitude combien de personnes ont été convoquées par le
6 ministère de l'Intérieur, cependant ces personnes n'ont pas été convoquées
7 uniquement aux fins de défendre les intérêts de la procédure au pénal --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi, mais je pense que nous
9 avons un problème. Nous en sommes toujours à cette toute première étape qui
10 consiste à vérifier si certaines personnes ont été convoquées. Même si vous
11 ne savez pas leur nombre exact, la première question que nous devons
12 traiter, c'est celle de savoir si des personnes ont bien été convoquées.
13 Ensuite nous verrons pourquoi, mais nous devons procéder par étapes.
14 Est-ce que des personnes ont été convoquées par la police pour être
15 interrogées ?
16 M. CULE : [interprétation] Il est tout à fait certain que certaines
17 personnes ont été convoquées afin de répondre aux besoins d'une enquête et,
18 éventuellement, aux besoins d'une procédure au pénal. Je souhaite souligner
19 ici pour les besoins éventuels d'une procédure au pénal, je ne parle pas
20 d'une autre procédure.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous laisserai toute
22 liberté pour expliquer à une étape ultérieure tout ce que vous souhaitez
23 expliquer, mais j'ai besoin, pour commencer, des faits.
24 Donc ce que vous nous dites, c'est que des personnes ont été convoquées.
25 Vous ne connaissez pas leur nombre exact. En même temps, vous n'excluez pas
26 qu'elles aient été au nombre de cinq, comme Me Misetic nous le dit.
27 Alors deuxièmement : ces personnes qui ont été convoquées, avaient-
28 elles, je ne suis pas en train de vous demander si elles avaient
Page 19389
1 l'obligation de répondre aux questions posées, mais étaient-elles dans
2 l'obligation de se présenter suite à cette convocation ?
3 M. CULE : [interprétation] Pour ce qui concerne cette question, c'est Mme
4 Zeljka Pokupec qui va vous répondre, car elle est le procureur d'Etat de la
5 région de Zagreb au tribunal municipal, et c'est elle qui est dans la
6 meilleure position pour répondre concernant les éléments de procédure qui
7 concernent la police.
8 Mme POKUPEC : [interprétation] Monsieur le Président, après que le bureau
9 du procureur de Zagreb a reçu un rapport de nos services administratifs et
10 du département pour la coopération avec les tribunaux pénaux
11 internationaux, rapport qui représente un fondement pour --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois véritablement vous arrêter. J'ai
13 répété à plusieurs reprises que vous auriez l'opportunité d'expliquer tout
14 ce que vous estimez nécessaire d'expliquer, mais j'ai besoin, avant tout,
15 des faits. Les faits sont qu'un certain nombre de personnes ont été
16 convoquées par la police.
17 Ma question suivante était la suivante : Avaient-elles l'obligation
18 de se présenter ?
19 MME POKUPEC : [interprétation] C'est exact.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Troisièmement --
21 MME POKUPEC : [aucune interprétation]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, ceci étant maintenant établi, je
23 voudrais enchaîner. Ce que je suis en train de faire, c'est de vérifier
24 s'il y a la moindre controverse concernant ce que Me Misetic vient de nous
25 dire. Ensuite si vous voulez nous expliquer que ces éléments doivent être
26 interprétés dans tel ou tel contexte, vous en aurez le loisir.
27 Mais une des choses que Me Misetic nous a dites, c'est que le contenu
28 de ces interrogatoires, les réponses collectées auraient été fournies au
Page 19390
1 bureau du Procureur du présent Tribunal. Et je voudrais maintenant vérifier
2 si cela s'est produit ou non. Alors la question de savoir s'il y a de
3 bonnes raisons pour que cela se soit produit, c'est une autre question. Je
4 voudrais qu'on en reste aux faits pour le moment.
5 Est-ce que le contenu ou quelque rapport que ce soit portant sur les
6 interrogatoires conduits avec ces personnes a été fourni au bureau du
7 Procureur du présent Tribunal ?
8 MME POKUPEC : [interprétation] On a fait suivre des rapports émanant de la
9 procédure au pénal, rapports portant exclusivement sur le fait que des
10 actes d'accusation ont été dressés contre Marin Ivanovic, Jurica Sare et
11 Marijan Kretic. Mais on n'a pas fait suivre le contenu des entretiens et
12 des interrogatoires même.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je donc vous demander si les
14 informations qui ont été transmises au bureau du Procureur concernaient, de
15 quelque façon que ce soit, le fonctionnement interne de l'équipe de Défense
16 Gotovina, son organisation, la répartition des tâches, et ainsi de suite ?
17 Je ne fais qu'essayer de vérifier ce qu'a avancé Me Misetic. Est-ce que
18 cela repose sur des faits avérés ou non. Si vous ne le savez pas, dites-le-
19 nous.
20 Mme POKUPEC : [interprétation] Pour ce qui concerne l'organisation de leur
21 équipe, aucune donnée relative à cela n'a été transmise au Procureur.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Me Misetic nous a dit quelles
23 étaient les questions qui avaient été posées. Maintenant vous nous dites
24 que ces informations-là n'étaient pas transmises. Alors une des
25 explications possibles, c'est peut-être que ces personnes n'ont pas
26 répondu.
27 Lorsque ces personnes ont été convoquées pour être interrogées, est-ce
28 qu'on leur a posé des questions relatives au fonctionnement interne de
Page 19391
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 19392
1 l'équipe d'enquêteurs de l'accusé Gotovina ?
2 M. CULE : [interprétation] Le bureau du procureur de l'Etat de Croatie en
3 l'espèce n'a pas demandé qu'un interrogatoire de ces personnes soit conduit
4 par la police. Par conséquent, nous n'avons pas reçu d'élément de cette
5 nature, et nous n'avons pas non plus pu les faire suivre au bureau du
6 Procureur du TPIY.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais ma question était la
8 suivante : Est-ce que des questions ont été posées dans ce cadre ? Vous
9 nous avez déjà dit que vous ne disposez pas de ces éléments. Les éléments
10 dont vous ne disposez pas, vous ne pouvez pas les faire suivre à qui que ce
11 soit. Mais ce que je voulais savoir à l'étape suivante, c'était est-ce que
12 des questions ont simplement été posées.
13 M. CULE : [interprétation] Malheureusement, on ne m'a pas permis
14 d'expliquer pourquoi la police avait une autre possibilité de s'entretenir
15 avec ces personnes. Il s'agit là de la partie qui a trait à l'enquête
16 administrative. A ce titre, il est possible également de poser ce type de
17 question. Or, les services du procureur de l'Etat ne sont pas au courant de
18 cela ni n'ont la possibilité d'être au courant. Les services de police ont
19 la possibilité de poser des questions de cette nature, y compris sur
20 requête du ministère de la Justice. Mais moi, Monsieur le Président, je
21 n'ai pas connaissance qu'il y ait eu de tels entretiens.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayez de répondre simplement, car les
23 réponses sont simples. La salle d'audience n'est réservée aujourd'hui que
24 jusqu'à 13 heures 45, donc ne vous inquiétez pas, vous aurez le temps de
25 vous expliquer.
26 Encore une fois, je voudrais établir une distinction claire entre les faits
27 et les positions qui sont prises à l'égard de ces faits. Ça ne sert à rien
28 d'aborder la question de savoir pourquoi quelque chose s'est passé tant que
Page 19393
1 l'on n'a pas déterminé si cela s'est bien passé ou non. Mais je veux me
2 fonder sur une réalité factuelle claire avant d'aller plus loin. Je
3 voudrais savoir s'il y a la moindre controverse concernant ces faits.
4 Donc vous nous dites : Je ne sais pas. De telles questions peuvent avoir
5 été posées à ces personnes.
6 Maître Misetic, y a-t-il quelque autre aspect factuel que ce soit qui
7 devrait être soulevé à cette étape ? Je pense que nous avons parcouru le
8 plus important.
9 M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je peux également
10 dire, et il s'agit de faits, que le ministère de l'Intérieur a mené ce type
11 d'entretiens et a posé ce type de questions aux membres de notre bureau que
12 je n'avais pas eu l'opportunité de briefer concernant les articles 70 et
13 97, c'est pourquoi ces personnes ont répondu en détail aux questions qui
14 leur ont été posées. Nous avons été en mesure ensuite d'informer nos
15 collaborateurs de la possibilité qu'ils avaient d'invoquer les articles 70
16 et 97 lorsque de telles questions leur ont été posées par la police afin de
17 ne pas révéler le fonctionnement interne de notre équipe.
18 Par conséquent, il ne devrait pas y avoir de controverse concernant
19 le fait que mes confrères de l'Accusation disposent ou non des informations
20 qui ont été fournies. Il est tout à fait certain que ces éléments
21 d'information sont présents au sein du ministère de l'Intérieur de la
22 République de Croatie.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors nous venons de voir quels sont les
24 faits. Je vais maintenant vous laisser l'occasion d'expliquer plus en
25 détail pourquoi ces entretiens ont été conduits et ce que nous devrions
26 savoir de plus.
27 M. MARKOTIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Je voudrais juste rappeler un fait qui représente la motivation de départ
Page 19394
1 pour la convocation de différentes personnes et les entretiens qui ont été
2 conduits. Au mois de mai 2007, le bureau du Procureur du TPIY a exigé que
3 soit délivrée une injonction à l'encontre de la République de Croatie lui
4 demandant de fournir des documents des forces spéciales de la police et du
5 ministère de la Défense, à savoir les abaques.
6 Au mois de juillet de l'année dernière, nous avons débattu devant la
7 présente Chambre. Le 16 septembre 2008, nous avons reçu une injonction de
8 la Chambre nous intimant d'élargir et d'approfondir l'enquête visant à
9 retrouver les éléments de preuve manquants requis par l'Accusation, nous
10 intimant également de fournir tous les documents retrouvés au cours de
11 l'enquête en précisant les sources auprès desquelles les documents ont été
12 retrouvés, les noms et les fonctions accomplies par les personnes
13 interrogées au cours de l'enquête et nous intimant également de fournir les
14 procès-verbaux des entretiens auxquels il aura été procédé.
15 Alors dans l'exécution de cette décision de la Chambre, nous avons
16 précisément procédé à des entretiens. Ne serait-ce que pour les documents
17 de nature militaire, nous avons entendu environ 113 personnes. Pour les
18 documents de la police, nous avons entendu 130 personnes. Cela est à
19 l'origine des notes officielles et des procès-verbaux qui ont été fournis
20 aussi bien à la Chambre qu'à l'Accusation conformément à la décision rendue
21 le 16 septembre 2008.
22 Lors de ces entretiens, les personnes concernées ont, pour l'essentiel, été
23 interrogées concernant ces documents manquants et la liste fournie en
24 annexe C par le bureau du Procureur dans sa requête demandant l'injonction
25 contre la République de Croatie. Cette enquête, qui a été conduite par le
26 ministère de la Justice, le ministère de la Défense et le ministère de
27 l'Intérieur, l'a été afin de collecter les faits manquants et les faits
28 nécessaires.
Page 19395
1 Après que nous ayons procédé à toutes ces enquêtes, et nous avons fourni
2 cinq rapports à la Chambre précisant toutes les actions que nous avons
3 entreprises, nous nous sommes tournés également vers le bureau du procureur
4 d'Etat qui, ex officio, a l'obligation, sur la base des informations
5 collectées dans le cadre de l'enquête, d'entreprendre une procédure au
6 pénal contre les trois personnes mentionnées. Je n'ai pas connaissance que
7 l'on aurait interrogé ces personnes sur l'organisation interne et le
8 fonctionnement de l'équipe de Défense, car cela se fondait avant tout sur
9 les documents que la Chambre nous a enjoints de retrouver et de produire.
10 Outre ce que nous avons entrepris dans le cadre de cette enquête et dans le
11 cadre de l'enquête administrative, cela a constitué le noyau des procédures
12 engagées par le bureau du procureur d'Etat de la République de Croatie.
13 Aussi bien la Chambre que le bureau du procureur ont reçu les informations
14 qui s'y rapportent.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous demander de clarifier une
16 chose. A mon sens, si j'ai bien compris, on accuse M. Ivanovic d'avoir
17 dissimulé ou détruit deux documents. Est-ce que ces documents figuraient
18 parmi ceux qui étaient exigés par le bureau du Procureur du TPIY ?
19 Mme POKUPEC : [interprétation] En ce qui concerne ce cas précis, les
20 documents qui sont compris dans l'acte d'accusation contre Marin Ivanovic,
21 là il n'est pas vraiment certain qu'il s'agit des mêmes documents que
22 recherchait le bureau du Procureur de ce Tribunal.
23 L'INTERPRÈTE : Non, c'est plutôt que les documents ne sont pas pertinents,
24 ces documents-là.
25 Mme POKUPEC : [interprétation] Ces documents étaient censés se trouver dans
26 les archives de la République de Croatie et la dissimulation de ce type de
27 documents est un crime qui, ex officio, doit être --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Il y avait une ordonnance de
Page 19396
1 cette Chambre en septembre qui insistait quand même pour que les enquêtes
2 supplémentaires soient diligentées. Et visiblement, vous avez interrogé des
3 membres de la Défense de l'équipe Gotovina. La Chambre sait très bien qu'un
4 grand nombre de documents ont été reçus. Dans le cadre des poursuites qui
5 sont diligentées devant ce Tribunal, bien sûr, la Chambre n'utilise pas les
6 documents tout de suite. Nous attendons que les différentes équipes,
7 l'Accusation ou la Défense, présentent les documents s'ils les jugent
8 utiles, et c'est à ce moment-là que les Juges se penchent sur ces
9 documents.
10 Donc à l'heure actuelle, cette Chambre de première instance ne sait
11 absolument pas quelle est la teneur de ces documents dont vous parlez.
12 Alors que les parties, en revanche, sont très certainement au courant de
13 cette teneur.
14 J'aimerais savoir la chose suivante. Au départ, vous nous avez fait
15 rapport sur lequel vous avez donné absolument tout ce qui était disponible.
16 Mais visiblement, nous recherchions, enfin les parties en tout cas,
17 recherchaient d'autres documents. Et donc nous avons invité à intensifier
18 vos recherches et à nous envoyer d'autres documents.
19 J'aimerais savoir si les documents envoyés depuis septembre ont été à
20 un moment ou à un autre récupérés auprès des membres de l'équipe de la
21 Défense ou par le biais des informations qui ont été données par les
22 équipes de la Défense dans le cadre de ces fameux entretiens au
23 commissariat de police ?
24 En fait, j'essaie de savoir si parmi tous les documents que nous avons
25 reçus, un très grand nombre d'ailleurs, je tiens à le dire, dont la teneur
26 est parfaitement inconnue aux Juges de la Chambre de première instance,
27 j'aimerais savoir si parmi ces documents il y en a qui proviennent de
28 l'équipe de la Défense Gotovina ?
Page 19397
1 M. CRNCEC : [interprétation] Monsieur le Président, la réponse c'est oui.
2 Certains des documents qui ont été récupérés par la Défense ou pour
3 lesquels des informations ont été collectées par le biais d'entretiens
4 informatifs entrent dans la catégorie de ces documents qui ont fait l'objet
5 d'une requête de l'Accusation aux fins d'obtenir une injonction 54 bis en
6 juin 2008, et conformément à la décision de la Chambre prise en septembre
7 2008.
8 Mais pour répondre à votre question, simplement, ces deux documents au
9 sujet desquels M. Ivanovic est mis en accusation, à notre connaissance, à
10 ce jour, ces documents n'appartiennent pas à cette catégorie. Nos analystes
11 militaires ont estimé que ces documents entraient dans la catégorie du
12 groupe d'artillerie numéro 5. Mais je sais qu'aussi bien la Défense que
13 l'Accusation ont émis l'avis que ce n'était pas le cas.
14 L'autre document est une carte, et ne fait pas partie des documents qui ont
15 été demandés.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je voudrais maintenant prendre
17 encore une fois un peu de distance par rapport au contenu de ces
18 entretiens, car encore une fois, la Chambre, à cette étape, ne dispose pas
19 d'éléments suffisants qui lui permettraient de prendre une décision sur le
20 fond, et la question ne se pose même pas de savoir si la Chambre devrait
21 arrêter une position à cet égard. Me Misetic a avancé que les actions
22 entreprises contre M. Ivanovic s'inscrivaient dans le cadre d'une opération
23 avisée plus large, et c'est pour ça que j'ai demandé ce qui s'était passé
24 exactement et non pas pourquoi.
25 Je voudrais que nous laissions cela de côté pour le moment.
26 Et pour ce qui concerne les immunités, je m'adresse à vous, Monsieur
27 Tieger, compte tenu du fait que Me Misetic pense que vous n'avez pas de
28 position à cet égard, je voudrais vous demander malgré tout si vous avez
Page 19398
1 l'intention de faire quelque requête que ce soit à cet égard, si vous en
2 avez l'intention.
3 M. MISETIC : [interprétation] Je vais peut-être dire exactement quelle est
4 ma position.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 M. MISETIC : [interprétation] Nous considérons que jusqu'à présent
7 l'Accusation n'a pas vraiment annoncé quelle était sa position. Ce qui ne
8 signifie pas qu'ils n'ont pas l'intention de le faire, mais ce que nous
9 avons aussi suggéré dans notre réponse c'est la chose suivante - et cela
10 est tout à fait en ligne avec ce que nous venons d'entendre - cette affaire
11 est liée, en fait, à l'ordonnance de cette Chambre de première instance du
12 16 septembre, et si c'est bien le cas, j'imagine, c'est pourquoi
13 l'Accusation considère qu'elle doit être présente dans le prétoire
14 aujourd'hui.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Les parties ont invoqué le fait
16 qu'en ce qui concerne la Défense Gotovina, l'Accusation ne devrait pas être
17 là en ce qui concerne l'affaire qui concerne M. Ivanovic. C'est vrai qu'il
18 n'y a pas eu de point de vue avancé par l'Accusation qui soit bien précis.
19 Mais en ce qui concerne M. Tieger, sachez que nous voudrions savoir si ces
20 enquêtes sont absolument nécessaires pour que l'on puisse - je ne voudrais
21 pas limiter la question. Je pense qu'il est bon que l'Accusation soit
22 présente pour que vous sachiez quelle est votre position, parce qu'il se
23 pourrait après tout que les actions engagées contre M. Ivanovic pourraient
24 bel et bien avoir un impact sur la position même de M. Gotovina et sa
25 défense.
26 M. MISETIC : [interprétation] Oui, en effet, et je tiens à dire.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela devrait être dit.
28 M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais m'expliquer quand même. Un
Page 19399
1 argument a été présenté devant la Chambre par la République de Croatie et
2 par l'Accusation sur lequel vous devriez rejeter notre requête, parce
3 qu'elle interfère avec les affaires nationales croates. Mais en fait, la
4 situation est bien différente, cela fait partie de poursuite où
5 l'Accusation doit absolument avoir une position, parce que cela traite d'un
6 point qui doit être réglé par ce Tribunal-ci, dans ce cas-là, si ce n'est
7 pas uniquement un problème local et national en Croatie. Il est évident que
8 l'Accusation doit être là et nous donner sa position.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, c'est plus clair maintenant. Mais
10 parfois il est évident que des points internes ne peuvent avoir un impact
11 sur d'autres points tout en y restant dans de portée nationale uniquement.
12 Je ne dis pas que c'est le cas ici. Je ne dis pas que le Tribunal a
13 automatiquement l'autorité et le pouvoir d'intervenir dans les affaires
14 locales. Bien sûr que non. Mais nous voulons juste savoir si l'évolution
15 des choses dans ce prétoire aura un impact sur la position adoptée jusqu'à
16 présent par l'une ou l'autre des parties en l'espèce, sinon nous n'aurions
17 même pas cette audience, évidemment.
18 Monsieur Russo.
19 M. RUSSO : [interprétation] Nous n'allons pas parler de l'utilité ou de la
20 non-utilité d'avoir une position dans cette affaire.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, évidemment ce n'est plus un
22 problème, mais vous voulez peut-être répondre à ce qu'a affirmé M. Misetic.
23 M. RUSSO : [interprétation] Non pas du tout. Je préférerais juste que nous
24 parlions uniquement des autres problèmes.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais Me Misetic a mentionné
26 certains propos, et je vous ai demandé si vous vouliez répondre.
27 Enfin bon, passons à l'essentiel. Donc en ce qui concerne l'immunité
28 du biais de la fonction, avez-vous d'autre chose à ajouter à vos écritures
Page 19400
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 19401
1 et à ce qui a été prononcé aujourd'hui ?
2 M. RUSSO : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous vous remercions
3 d'ailleurs.
4 Nous n'avons pas pris en compte -- jusqu'à présent, M. Ivanovic n'a pas
5 invoqué l'immunité devant les tribunaux de Croatie. Donc nous considérons
6 que ce n'est pas correct, nous considérons que ce n'est pas ici que ceci
7 doit être débattu, en fait. Les débats ne doivent pas se faire ici.
8 Quant à savoir s'il bénéficie d'immunité ou pas, ce n'est pas
9 toujours la même chose que de savoir si M. Ivanovic a immunité par rapport
10 à un tribunal ou à un autre.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous voulez savoir quelle est
12 l'autorité administrative qui est compétente; c'est cela ?
13 M. RUSSO : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
15 M. RUSSO : [interprétation] M. Misetic semble dire qu'il ne peut pas parler
16 de ce qui se passe en Croatie, ici, c'est une perte de temps. Mais en fait,
17 M. Misetic semble s'appuyer sur la position de l'autorité en charge des
18 poursuites en ce qui concerne l'immunité. Mais l'Accusation, bien sûr,
19 n'est pas du même avis que la Défense, c'est parfaitement normal. Ça se
20 fait toujours. Mais ne serait pas normal et correct que M. Misetic dise
21 l'Accusation considère que M. Gotovina est coupable devant le TPIY, donc ça
22 ne sert à rien de demander quoi que ce soit à qui que ce soit. Je vais
23 aller immédiatement devant la cour européenne des droits de l'homme pour
24 que l'on rende justice à mon client, ce ne serait pas normal.
25 Ce n'est pas le forum correct auquel il faut s'adresser. Alors quant à
26 savoir si la procédure d'immunité va retarder le procès, évidemment, c'est
27 toujours comme ça. Mais il faut savoir qui doit déterminer, qui bénéficiera
28 de l'immunité et qui doit déterminer à quel moment on peut annuler
Page 19402
1 l'immunité. Donc si ce Tribunal décide de rendre une décision à ce propos,
2 elle doit établir les faits, savoir ce qui s'est passé, et pourquoi ce
3 Tribunal serait compétent plus que le tribunal local. Donc demander au
4 Tribunal, donc à cette Chambre de première instance d'intervenir, histoire
5 d'accélérer les choses, c'est demander en fait au Tribunal d'interférer. Ce
6 n'est pas normal. Donc peut-être l'équipe Gotovina pourrait demander à un
7 suspens d'audience ou à un report d'audience.
8 J'aimerais aussi aborder le problème suivant : ce que demande l'équipe
9 Gotovina ne porte pas uniquement sur M. Ivanovic. Ils demandent en fait que
10 les enquêtes du procureur du gouvernement de Croatie à propos de toute
11 personne qui aurait commis des actes dans le cadre de la Défense Gotovina,
12 ils considèrent donc que ceci est une obligation. Mais jusqu'à présent, il
13 n'y a pas eu d'information à ce propos. L'équipe Gotovina est en train de
14 nous dire que cela va retarder le procès.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, vous allez bien au-delà de ce
16 que je vous avais demandé. Je vous ai demandé de parler de l'immunité
17 uniquement, et vous parlez maintenant de l'effet que pourrait avoir une
18 décision éventuelle à propos d'une suspension de l'immunité, ce qui n'a
19 rien à voir avec les questions que je vous ai demandées.
20 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.
22 M. MISETIC : [interprétation] M. Russo n'a pas raison. Nous ne sommes pas
23 en train de choisir notre juridiction sous laquelle la décision doit être
24 prise, absolument pas. Il n'y a qu'une seule autorité compétente pour
25 protéger les droits de M. Gotovina. Et l'immunité de M. Ivanovic, en fait,
26 n'est qu'un appendice des droits de M. Gotovina. Un tribunal à Zagreb n'a
27 pas la juridiction d'une entité administrative des Nations Unies, et au
28 titre de l'article 20 du Statut, M. Gotovina a droit à avoir protection de
Page 19403
1 ses droits, et cette Chambre de première instance a le droit de donner tout
2 ordre si nécessaire pour protéger ces droits.
3 Donc on parle ici d'égalité d'armes, c'est pour ceci que nous ne
4 sommes pas d'accord avec ce qu'avance l'Accusation qui est que nous
5 essayons de trouver la juridiction la plus généreuse, la plus favorable à
6 notre cause.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Misetic.
8 Nous allons prendre une pause, et nous reprendrons à 11 heures 05.
9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 43.
10 --- L'audience est reprise à 11 heures 11.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, j'ai une question à vous
12 poser à propos du temps.
13 Vous nous avez présenté une lettre d'accréditation, vous l'appelez ainsi en
14 tout cas, elle date du mois de mars 2008, me semble-t-il, et elle porte sur
15 une demande d'accréditation -- je pense qu'elle date du 6 mars, je n'en
16 suis pas sûr, mais il me le semble. Nous avons la lettre. Dans la lettre,
17 il est écrit "enregistrement" plutôt que "accréditation", mais ça semble
18 porter sur une accréditation. Cela dit, je cite : "Les éléments ex parte
19 qui nous ont été présentés", M. Ivanovic apparaît sur cette liste 2006.
20 Ce qui, bien sûr, soulève certaines questions. S'il y a bel et bien
21 immunité, nous aimerions savoir à partir de quel moment elle commence.
22 Donc, pourriez-vous nous dire quelle est votre position.
23 M. MISETIC : [interprétation] Nous considérons que cela commence au moment
24 où Me Ivanovic était reconnu par la République de Croatie comme étant
25 membre de l'équipe de Défense Gotovina, et travaillant dans l'intérêt de
26 l'équipe Gotovina, au sein de la République de Croatie. Donc, quand ils ont
27 été avertis qu'il allait travaillé en tant que membre de l'équipe de
28 Défense Gotovina.
Page 19404
1 Je poursuis, s'il vous plait. Dans nos écritures, nous avons précisé à la
2 Chambre de première instance a quel moment M. Ivanovic a commencé à
3 travailler pour nous, et je crois c'était le 24 juillet 2006. Au départ,
4 nous avions envoyé au Greffe -- bon, je ne connais pas exactement le titre
5 et le mot exact qui a été employé, c'était soit "accrédition," soit
6 "enregistrement." En tout cas, c'était juste à la veille du début du
7 procès, c'était pour que Me Ivanovic puisse avoir accès au système
8 électronique, et cetera, et qu'il puisse aussi participer aux audiences.
9 Mais la Chambre a été avertie depuis le 24 janvier 2006.
10 En ce qui concerne la République de Croatie, elle a été avertie dès le
11 début de l'année 2006, et nous essayons à l'heure actuelle de récupérer le
12 document, enfin, la correspondance entre Me Ivanovic et la République de
13 Croatie. Normalement, pour obtenir des documents près des institutions de
14 la République de Croatie comme, par exemple, des archives, c'est nos
15 enquêteurs qui peuvent aller dans les archives pour choisir les documents,
16 et ensuite, le gouvernement croate étudie les documents qui ont été
17 récupérés par notre enquêteur, et lorsqu'ils sont prêts, les documents sont
18 donnés à M. Ivanovic sous page de garde, et sur cette page de garde, il est
19 bien écrit que ces documents sont donnés à Me Ivanovic en application des
20 besoins qui sont nécessaires à la Défense de M. Gotovina dans la procédure
21 en cours dans ce Tribunal. Donc, nous ne contestons pas le fait que la
22 République de Croatie a, et je pense que la République de Croatie ne
23 conteste pas non plus qu'elle a été avertie dès le début du procès,
24 d'ailleurs dès que la Chambre de première instance a été formée, que Me
25 Ivanovic allait travailler au sein de l'équipe Gotovina. Et d'ailleurs, Me
26 Ivanovic est l'un des seuls, je crois qu'il y a un autre avocat qui est
27 habilité à recevoir des documents dans la République de Croatie, mais en
28 tout cas, la plupart des communications entre la République de Croatie et
Page 19405
1 l'équipe de Défense Gotovina se fait par le biais de Me Ivanovic et/ou M.
2 Facic [comme interprété] qui, tous les deux, travaillent en République de
3 Croatie.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous faites référence au 24
5 juillet; c'est juin plutôt ?
6 M. MISETIC : [interprétation] Dans notre écriture, une note de pied de
7 page, j'ai fait une erreur dans la date. Il est écrit 24 juin mais en fait,
8 c'était 24 juillet. Et vous pourrez remarquer que ce document a été envoyé
9 en application à une ordonnance de cette Chambre de première instance qui
10 avait été rendue le 14 juillet 2006.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois tout cela. Oui, mais je n'avais
12 pas compris que la date avait été corrigée. Mais donc, c'est le 24 juillet.
13 Très bien.
14 Donc, vous avancez que tout membre de votre équipe, du moment que la
15 République de Croatie a été avertie que cette personne travaille pour vous,
16 il y a immunité, que ce soit Jeanne D'Arc ou qui que ce soit, n'est-ce pas,
17 même Al Capone. C'est bien cela ?
18 M. MISETIC : [interprétation] Oui. Du moment que le gouvernement de Croatie
19 est averti que quelqu'un travaille pour le compte de la Défense Gotovina,
20 dans ce cas-là, tout agissement fait par cette personne du fait de sa même
21 fonction au sein de l'équipe Gotovina doit bénéficier d'immunité. Bien sûr,
22 Al Capone devrait se soumettre à la juridiction de la République de
23 Croatie, évidemment, même si c'est Al Capone.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais alors, imaginons qu'un crime
25 soit commis, bien là, évidemment, c'est uniquement un cas d'école. Mais
26 imaginons qu'un crime soit commis, cette personne bénéficierait quand même
27 d'immunité jusqu'à ce que l'immunité soit annulée ?
28 M. MISETIC : [interprétation] Oui, oui. D'ailleurs, dans les écritures de
Page 19406
1 la République de Croatie, la Croatie reconnaît la décision de la Chambre
2 d'appel Blaskic, qui dit que la Croatie comprend bien que la Défense ne
3 doit pas avoir à passer par des canaux officiels pour obtenir des
4 documents. Mais ensuite, dans leurs documents, ils disent que la Croatie a
5 le droit de poursuivre tout crime éventuel commis sur son territoire, ce
6 qui amène à la question suivante, si cet acte, c'est le recueil d'éléments
7 de preuve qui, d'après la Croatie, n'a pas besoin de passer par des canaux
8 officiels, mais donc, si recueillir ces éléments de preuve sont quand même
9 un crime, dans ce cas-là, nous considérons que l'immunité s'impose. C'est-
10 à-dire que si la Croatie reconnaît bien qu'il n'y a pas obligation d'abord
11 de donner les documents à la République de Croatie lorsque l'on récupère
12 les documents dans le but des poursuites engagés dans ce Tribunal, dans ce
13 cas-là, la personne doit quand même bénéficier de cette immunité du fait de
14 la fonction, qui est de recueillir les documents.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais alors, je suis toujours dans
16 mon cas d'école. Si ces éléments de preuve sont volés, si la personne les
17 vole, s'il y a effraction, par exemple, pour voler ces documents, que
18 faites-vous ? Qu'en faites-vous, parce que c'est un recueil d'informations
19 de la part de la Défense, certes, mais c'est aussi un crime. Alors, à votre
20 avis, quelle doit être la conduite à tenir ?
21 M. MISETIC : [interprétation] Premièrement, à mon avis, il faut faire ce
22 qui s'est souvent fait en l'espèce, c'est-à-dire communication entre le
23 bureau de M. Markotic et la Chambre de première instance des allégations et
24 demande qu'il y ait une enquête diligentée, par exemple, pour savoir si
25 cette enquête peut être diligentée et éventuellement annulation de
26 l'immunité si, en effet, ce membre de l'équipe de la Défense est en train
27 d'utiliser des méthodes illégales pour obtenir les éléments de preuve. Dans
28 ce cas-là, je pense que c'est la Chambre de première instance qui devrait
Page 19407
1 surveiller tout cela et la République de Croatie aussi, bien sûr, a le
2 droit de demander l'aide de la Chambre. Alors, en ce qui concerne le CPI,
3 je crois qu'il se passerait exactement la même chose d'ailleurs, si un
4 enquêteur de la Défense ou un avocat de la Défense se lançait dans des
5 actes illégaux, je considère ici que j'ai immunité, par exemple, aux Pays-
6 Bas lorsque je suis au Tribunal. Mais s'il y avait des éléments de preuve
7 pertinents qui étaient aux Pays-Bas et que je rentrais par effraction dans
8 ce bureau pour obtenir ces éléments de preuve, je pense qu'au titre des
9 accords de siège, j'aurais quand même immunité, ce qui n'empêcherait pas
10 les Pays-Bas de soulever une protestation officielle. Aussi, je ne sais pas
11 très bien auprès de qui il faut, à qui il faut envoyer la pétition et la
12 protestation officielles, peut-être le président, ou le secrétaire général
13 ou une chambre de première instance, je ne sais pas. Mais en tout cas, je
14 pense que c'est cette procédure qui devrait être engagée dans ce cas.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, cette fameuse immunité en ce qui
16 concerne les diplomates se résume souvent de la façon suivante, on renvoie
17 tout simplement le diplomate dans son pays et on espère que dans son pays
18 une action correcte sera diligentée contre lui. C'est ce qui se passe pour
19 les diplomates.
20 Je vous pose la question maintenant, et je poserai ensuite la question à la
21 République de Croatie. Voici ma question : Me Ivanovic peut être considéré
22 en termes diplomatiques comme étant envoyé en mission en Croatie puisque
23 c'est là qu'il effectue son travail. Bon, ce n'est pas un délit, mais
24 enfin, on pourrait quand même diligenter une enquête et peut-être des
25 poursuites, même.
26 Donc normalement, le pays où réside la personne va diligenter toute action
27 éventuelle. Ça, c'est ce qui se passe pour les diplomates. Mais ici, Me
28 Ivanovic est envoyé en mission en Croatie, si j'ai bien compris, et pour
Page 19408
1 être parfaitement transparent, dans vos notes de pied de page, vous avez
2 fait référence à une procédure check in/check out, entrée/sortie. C'est la
3 procédure qui s'est appliquée aux éléments de mars. J'ai regardé parce que
4 je ne savais même pas de quoi cela pouvait bien retourner, et j'ai vu que
5 les documents portant sur l'adoption d'une résidence aux Pays-Bas n'avaient
6 pas été renseignés. Mais alors, j'en conclus que Me Ivanovic n'a pas
7 demandé à résider aux Pays-Bas. Il n'a pas fait la demande officielle, donc
8 il est encore résidant de Croatie ? On pourrait lui demander, certes.
9 Enfin, je ne sais pas très bien ce qui se passe à ce niveau-là. Je sais
10 qu'il y a un formulaire qui existe à ce propos, demande de résidence aux
11 Pays-Bas, j'ai demandé au greffier de me donner le formulaire concernant M.
12 Ivanovic, et j'ai remarqué que tous les formulaires portant sur demande de
13 résidence aux Pays-Bas, permis de ceci, permis de cela, tout ça n'est pas
14 renseigné, tout est vide.
15 M. MISETIC : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela signifie que Me Ivanovic réside
17 officiellement en Croatie ?
18 M. MISETIC : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez comprendre, bien sûr, ma
20 question. Souvent, le pays où quelqu'un bénéficie d'une immunité ne prend
21 aucune mesure parce que, bien sûr, l'immunité est limitée territorialement
22 uniquement à l'endroit où la personne a été accréditée. Accréditation,
23 enregistrement, je ne sais pas très bien quel est le mot à employer. Mais à
24 part renoncer à l'immunité ou annuler l'immunité, pensez-vous qu'il y a une
25 autre solution ?
26 M. MISETIC : [interprétation] Je ne sais pas très, très bien quelle est
27 votre question, je ne vois pas très bien le problème dans votre question.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais être plus clair.
Page 19409
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 19410
1 Imaginez-vous que j'ai un diplomate belge qui a son accréditation pour
2 l'Allemagne et qui commet quelque chose, un délit en Allemagne. On le
3 renvoie chez lui, c'est tout. On lui retire son accréditation, il retourne
4 en Belgique, et là, bien sûr, la Belgique va très certainement prendre
5 toutes les mesures nécessaires pour lancer une procédure au pénal contre
6 cette personne puisqu'elle a commis un délit sur la base de sa citoyenneté.
7 Donc on a quand même un recours, là, c'est l'Etat émissaire du diplomate
8 qui doit finalement, lorsqu'il reprend son diplomate, prendre les mesures.
9 Alors qu'ici l'Etat émissaire, si je puis dire, c'est le Tribunal, c'est le
10 Tribunal qui l'a envoyé en Croatie pour qu'il y effectue sa mission.
11 Or, c'est justement son pays de résidence. Bien sûr, le Tribunal n'a aucun
12 pouvoir, aucune compétence. Imaginons qu'il aurait vraiment commis un
13 crime, le Tribunal ne peut absolument pas le poursuivre, c'est impossible.
14 Vous pensez que la seule solution c'est de demander que l'on renonce à
15 l'immunité ?
16 M. MISETIC : [interprétation] Je vais répondre en deux volets.
17 Tout d'abord, que se passe-t-il si un juge néerlandais est nommé au sein du
18 tribunal, a immunité totale, que fait les Pays-Bas dans cette situation ?
19 Je n'ai pas été beaucoup plus loin dans ce cas d'école, j'ai juste posé --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous comprenez bien ma question
21 maintenant, j'imagine.
22 M. MISETIC : [interprétation] Absolument. Je pense que tout dépend de la
23 nature du délit commis. S'il s'agit d'un délit qui a lieu dans le cadre de
24 la fonction même --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça c'est l'infraction, par exemple, pour
26 obtenir des documents.
27 M. MISETIC : [interprétation] Tout à fait. Dans ce cas-là, ça devient très
28 théorique, cela pourrait très certainement être traité, il y a un grand
Page 19411
1 nombre de solutions qui pourraient être prises par le Tribunal. Par
2 exemple, au titre de l'article 34 du Code de déontologie, nous sommes
3 responsables de nos équipes, donc nous pourrions prendre des sanctions
4 contre les membres de notre équipe qui auraient enfreint la loi.
5 Deuxièmement, il faut savoir si c'est bel et bien quelque chose qui relève
6 de l'article 77, et que cela peut être interprété comme étant une
7 interférence. Il faut voir si ça relève bien de l'article 77.
8 Maintenant, à part cela, si on parle de crimes qui ont bel et bien été
9 commis, si on parle de d'autres choses qu'un crime commis dans le cadre de
10 la mission donnée --
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc autre chose que l'infraction pour
12 obtenir des preuves.
13 M. MISETIC : [interprétation] Oui, absolument. Dans ce cas-là, la seule
14 solution, s'il y a ce type de conduite, c'est tout d'abord d'en avertir la
15 Chambre de première instance et demander ensuite à ce que l'immunité dont
16 bénéficie la personne soit abandonnée et qu'il y ait des poursuites de
17 diligentées.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maintenant je vous pose la
19 question à la République de Croatie. Imaginons qu'une personne bénéficie
20 d'une immunité. Moi, je suis parfaitement impartial, je vous donne un cas
21 d'école, et je voudrais juste savoir quel est votre avis puisque c'est
22 ainsi que la requête a été rédigée, et nous essayons de bien comprendre
23 tous les tenants et les aboutissants de cette requête. Alors, on a commencé
24 avec le principe d'immunité. Imaginons qu'il y a immunité de la personne, à
25 votre avis, au titre du droit international, d'après vous, au titre du
26 droit international et au titre des statuts, dans quelle mesure doit-on,
27 s'il y a bel et bien immunité de ce membre de l'équipe au titre du droit
28 international et des statuts, quelle est la solution si jamais un crime est
Page 19412
1 commis par cette personne, d'après vous ?
2 M. CULE : [interprétation] C'est une situation hypothétique, bien entendu.
3 Pour ce qui est d'une signification d'importance concernant cette situation
4 hypothétique, c'est l'exemple que vous venez de donner. Dans ce cas
5 concret, nous aurions un ressortissant de notre propre Etat qui, sur le
6 territoire de ce propre Etat, essaie de se protéger par son immunité pour
7 ce qui est de la commission de délits au pénal.
8 Alors on l'autorisait, je donne l'exemple, si on l'autorisait à voler des
9 documents sortant des archives et que le pays mère doive s'adresser à
10 chaque fois à une instance à l'extérieur de sa propre juridiction pour
11 l'arrêter, ceci l'autoriserait à continuer à, sans entrave, commettre ces
12 délits au pénal.
13 Ici, nous avons un ressortissant qui ne bénéficie pas d'une immunité
14 diplomatique dans un pays étranger. Quand cela serait-il le cas, il n'a pas
15 cette immunité dans son propre pays.
16 Compte tenu de l'évolution de la situation que nous avons connue au sein de
17 la République de Croatie et compte tenu des circonstances survenues, nous
18 estimons qu'il serait possible de mettre en œuvre des dispositions de la
19 législation croate pour poursuivre cette personne.
20 Je ne vois pas d'autres options en ce moment-ci. Bien entendu, je ne
21 suis pas un expert en la matière de ce type de questions liées aux
22 immunités en matière de droit international.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a deux questions qui se posent à ce
24 sujet.
25 Nous nous sommes entretenus au sujet de l'aspect territorial d'une
26 immunité. Je pense avoir évoqué un élément qui ne fait que compliquer
27 davantage encore la situation, par exemple, s'il s'agit d'une personne qui
28 accomplit sa mission dans un pays dans lequel cet individu réside.
Page 19413
1 Alors quand il s'agit d'une immunité en application des Nations Unies, mis
2 à part l'immunité diplomatique en tant que telle, le caractère immunitaire
3 se rattache aux missions effectuées par l'individu en question sous le
4 drapeau des Nations Unies. Par exemple, si j'envoie un diplomate en
5 Belgique, il bénéficie d'une immunité à l'intérieur de l'Allemagne. Mais si
6 un membre du personnel des Nations Unies, et nous sommes en train de parler
7 des structures liées à l'immunité au sein des Nations Unies, donc si cet
8 individu est envoyé en mission, quelle que soit la mission que ce soit, et
9 si l'on imagine qu'un membre du personnel des Nations Unies bénéficie de
10 cette immunité au cas où l'individu effectuerait sa mission en France ou en
11 Grèce, et que son pays d'origine serait la Croatie, est-ce que d'après
12 vous, l'individu en question serait dépossédé de la protection liée à son
13 immunité lorsqu'il se trouverait dans son propre pays, alors qu'il
14 bénéficierait de son immunité s'il se trouvait en mission, par exemple, en
15 Italie ou en Turquie ?
16 C'est bien ce que vous êtes en train de nous dire ?
17 Monsieur Markotic.
18 M. MARKOTIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
19 Si nous prenons en considération les réglementations liées à l'immunité
20 diplomatique, il s'agit là d'un fait important que de prendre en
21 considération l'élément de savoir si c'est un ressortissant étranger ou un
22 ressortissant de votre propre pays.
23 En matière de droit diplomatique lié aux privilèges et immunités liés
24 à ce sujet, les ressortissants propres, lorsqu'ils sont dans leur pays
25 d'origine ne bénéficient plus de l'immunité qui leur ait accordée. Alors si
26 nous avons un membre des Nations Unies - or nous avons eu des cas de ce
27 genre - si un membre des Nations Unies qui bénéficiait de l'immunité avait
28 commis un délit au pénal en Croatie, là, on informerait l'instance
Page 19414
1 compétente des Nations Unies qui l'a envoyé là-bas, et la coutume veut que
2 ces gens soient révoqués de ces fonctions, mais il n'était pas exempté de
3 la juridiction du pays dont il était le ressortissant.
4 Par exemple, nous avons eu des accidents de la circulation avec décès
5 d'individus. Donc je ne suis pas un juriste en la matière, mais vous
6 comprendrez ce que je veux dire. Nous informions l'instance qui l'a envoyé,
7 et ces personnes étaient rapatriées, mais elles étaient poursuivies chez
8 elles dans leur propre pays.
9 Alors s'il y avait une immunité en jeu, on ne peut pas faire
10 bénéficier à l'individu une immunité même si les membres des Nations Unies.
11 C'est stipulé dans toutes les dispositions, parce qu'ils n'ont pas
12 d'immunité dans leur propre pays indépendamment d'une mission diplomatique
13 qu'ils effectueraient dans un autre pays. Cela est réglementé par les
14 accords bilatéraux conclus entre la mission des Nations Unies et le pays
15 concerné.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ici il y a un élément de complication
17 qui est celui-ci : vous faites une distinction tout à fait claire - et je
18 pense l'avoir indiqué quelque peu plus tôt moi-même - il est habituel de
19 renvoyer chez elle cette personne, cet individu, donc du pays où l'individu
20 exerce une mission vers le pays dont il est originaire. Donc l'immunité
21 n'est plus en vigueur.
22 Cependant, ici, nous avons un autre problème. Le problème c'est que
23 la Croatie peut être considérée comme l'une et l'autre de ces parties, le
24 pays où le délit au pénal a été commis ou est en train d'être accompli une
25 mission confiée par les Nations Unies. Donc d'une part, vous devriez peut-
26 être respecter cette immunité, et d'autre part, vous pourriez peut-être
27 estimer qu'immunité il n'y a pas.
28 Alors combien soupeser la chose ? Est-ce qu'il y aurait une source
Page 19415
1 juridique qui prévaudrait ? Est-ce qu'il y a des positions adoptées par la
2 Croatie, qui est le pays d'accueil où l'on pourrait voir que le statut de
3 pays d'accueil l'emporte; ou est-ce qu'il y a une autorité juridique ou une
4 source juridique qui indiquerait que la position de l'Etat est celui du
5 pays où la mission est accomplie et que c'est ça l'aspect qui l'emporterait
6 ?
7 Est-ce que vous avez une position juridique à cet effet; et si oui,
8 j'aimerais bénéficier de votre assistance.
9 M. MARKOTIC: [interprétation] Je crois que le fait déterminant pour
10 décider de la question est celui de savoir s'il y a un document
11 juridiquement contraignant entre la Croatie et le Tribunal international
12 qui stipulerait la situation survenue ou des mesures en la matière. Et la
13 solution serait apportée tout de suite.
14 Mais notre référence ce serait les conventions internationales ou les
15 accords que la Croatie a passés avec les Nations Unies. D'après moi - et
16 j'émets des réserves - il se peut qu'il y ait d'autres solutions
17 envisageables, il y a toujours le cas où l'on exclut les citoyens du pays
18 propre. La nationalité l'emporte et elle exclut l'immunité fonctionnelle,
19 l'immunité donc découlant de la fonction de l'individu dans la pratique. Et
20 c'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il convient de mettre en
21 œuvre la juridiction du pays d'origine de ce citoyen, de ce ressortissant,
22 et en l'occurrence il s'agit de la juridiction croate.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que cela est votre
24 position. Toutefois, j'ai posé ma question pour savoir si, d'après vous,
25 l'immunité ne se rapporte jamais au ressortissant du pays d'origine, est-ce
26 que vous avez une source légale qui viendrait étayer ces positions que vous
27 avancez ici et qui pourraient nous indiquer quelle est la solution à
28 rechercher.
Page 19416
1 M. MARKOTIC: [interprétation] Ce qui me vient à l'esprit c'est le
2 bureau du conseiller juridique des Nations Unies, que nous avons déjà
3 mentionné auparavant. C'est le sous-secrétaire général des Nations Unies et
4 c'est l'instance juridique la plus élevée au niveau des Nations Unies qui
5 pourrait donc nous apporter une interprétation, puisqu'il est question ici
6 d'un Tribunal créé par des décisions prises par les Nations Unies.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Cule, vous avez
8 répondu à des questions, et vous avez présenté la chose de façon à me
9 laisser comprendre que vous accepteriez le cas où il y aurait des personnes
10 qui bénéficieraient d'une immunité, passeraient comme non sanctionnées,
11 même dans leur propre pays d'origine; et supprimer cette immunité
12 apporterait à vos yeux une solution au problème, n'est-ce pas ?
13 M. CULE : [interprétation] Je crains fort de ne pas avoir bien
14 compris votre question, Monsieur le Président. Si la réponse est celle de
15 savoir ce qu'il adviendra de la décision dans le sujet de cette immunité,
16 si cette décision prise par ce Tribunal, la Croatie acceptera la décision,
17 bien entendu, elle s'y conformera. Mais pour ce qui est de l'autre segment,
18 je ne suis pas tout à fait sûr de la teneur de votre question.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer de retrouver ce passage-
20 là de votre intervention. Vous avez dit : "Si nous autorisions, par
21 exemple," et là je ne fournis ceci qu'à titre d'exemple :
22 "Au cas où quelqu'un volerait de la documentation dans les archives, il
23 faudrait qu'en soit informé le pays d'origine. Il devrait donc informer une
24 instance à l'extérieur de la juridiction nationale aux fins d'empêcher
25 l'individu de poursuivre ses activités, et ceci risquerait de laisser faire
26 cet individu commettre des délits au pénal impunis à l'avenir."
27 Or, lever l'immunité est un élément qui risquerait de garantir la
28 prémunition. Et donc si cela venait d'une instance compétente des Nations
Page 19417
1 Unies et au cas où une décision de cette nature venait à être prise, vous
2 pourriez entamer une procédure contre l'individu en question.
3 Donc lorsque vous avez, par exemple, une personne qui se pourrait penser
4 avoir un feu vert pour ce qui est de faire ce que bon lui semblerait, il
5 n'y aurait pas immunité si la partie compétente ou l'autorité compétente
6 venait à lever l'immunité en question. Donc c'est d'après M. Misetic la
7 solution qui serait la plus appropriée. Or, partant de votre réponse, il me
8 semblait que vous n'accepteriez pas les séquelles de ce type de levée
9 d'immunité. Donc il me semble que vous n'étiez pas en train de vous
10 adresser à une autorité tierce de stopper l'individu en question. Mais vous
11 demander l'autorisation de prendre des mesures à l'encontre de l'individu
12 en question, donc vous lui feriez mettre un terme à la commission de ces
13 délits au pénal en cas où l'immunité viendrait à être levée.
14 M. CULE : [interprétation] Oui, je l'ai dit dans une hypothèse, à savoir
15 que nous aurions un individu qui bénéficierait l'immunité, il faudrait que
16 cette immunité soit levée. Je continue à penser qu'il n'a pas d'immunité
17 dans son pays, et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé sous réserve
18 autorisation -- j'ai parlé d'autorisation à commettre des délits au pénal.
19 Donc nous avons un suspect, par exemple, une personne qui est
20 suspectée d'avoir volé des documents dans les archives, et pour poursuivre
21 ce délit, nous demandons l'autorisation d'une instance internationale, peu
22 importe laquelle. Alors en attendant la décision en question, nous ne
23 pouvons rien entreprendre. Une fois que nous avons la décision en main,
24 nous pouvons entreprendre les mesures qu'il faut si l'immunité est levée.
25 Mais si cette personne recommet le délit, nous ne pouvons pas la poursuivre
26 mais nous devons redemander la levée d'immunité.
27 Et d'après moi, ce serait un perpétuel mobile, donc ce serait un
28 récit sans fin. Il faudrait qu'il y ait des règles juridiques, et ce, en ce
Page 19418
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 19419
1 moment précis, qui feraient bénéficier à des personnes d'immunité en
2 République de Croatie. Mais je pense que des sources juridiques en matière
3 d'obligation pour ce qui est de la République de Croatie en matière
4 d'immunité, bien, cette source légale n'existe pas, de mon avis.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
6 Monsieur Misetic, est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose.
7 M. MISETIC : [interprétation] Oui. J'ai eu l'opportunité de réfléchir.
8 D'abord, je n'ai pas voulu laisser entendre que le seul remède est la levée
9 d'immunité, c'est tout ce que je voulais dire, ce n'est pas le cas.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je ne vous demande pas de dire quoi
11 que ce soit d'extérieur à ce qui -- enfin, je ne vous demande pas de dire
12 quelque chose à l'extérieur de vos compétences professionnelles.
13 M. MISETIC : [interprétation] Certainement.
14 Alors j'aimerais attirer l'attention de M. le Président sur notre requête
15 du 2 avril pour ce qui est de l'opinion demandée au sous-secrétaire
16 général, M. Johnson.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
18 M. MISETIC : [interprétation] Il y a un avenant B, annexe B, à l'agrément
19 signé entre la République Croatie et les Nations Unies pour ce qui est du
20 statut du bureau de liaison du procureur.
21 Alors cette même question concerne ou se rapporte à M. Ivanovic, concerne
22 également le personnel croate qui travaille au bureau de liaison à Zagreb.
23 Alors quelles que ce soient les difficultés de la République de Croatie
24 qu'elle pourrait avoir pour ce qui est de poursuivre des membres de
25 l'équipe de la Défense pour ce qui est de l'extension de ces aspects
26 immunitaires, ça doit également se rapporter au personnel qui travaille au
27 bureau de liaison qui sont également des citoyens de la République de
28 Croatie.
Page 19420
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je crois comprendre que vous
2 avez dit qu'il y a un accord bilatéral et qu'il devrait y avoir un accord
3 bilatéral similaire pour ce qui est des équipes de la Défense avec le pays
4 hôte du Tribunal.
5 M. MISETIC : [interprétation] Oui et non. Ce que je voudrais dire c'est que
6 la République de Croatie a également l'obligation qui découle du Statut de
7 ce Tribunal pénal international, pour ce qui est de se conformer aux
8 décisions rendues par les Juges d'une Chambre d'instance pour ce qui est de
9 l'existence d'une immunité liée aux fonctions du personnel. Alors que se
10 passe-t-il dans cette situation, lorsqu'un personnel est en même temps
11 citoyen du pays dans lequel il se trouve et bénéficie d'une immunité ? Et
12 quels sont les remèdes juridiques à mettre en place pour ce qui est de ce
13 bureau de liaison et du personnel qui travaille.
14 Le deuxième point que je voudrais élever - et je l'ai justement fait dans
15 nos plaidoiries, c'est-à-dire dans nos écritures - à savoir que le bureau
16 du Procureur en réalité procède, diligente des investigations sans pour
17 autant passer par des canaux officiels de la République de Croatie. Donc la
18 question qui est intéressante c'est de voir la loi croate s'appliquer pour
19 ce qui est des documents des archives, pour ce qui est des équipes de la
20 Défense, or ceci ce n'est pas en train d'être mis en place, parce que la
21 Croatie n'a jamais tenté de demander une levée d'immunité à des membres de
22 l'équipe d'investigation de ce bureau du Procureur pour, par exemple,
23 entamer une procédure judiciaire à l'encontre d'un enquêteur concernant des
24 délits qu'il aurait commis dans l'exercice de ses investigations.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, ceci entre dans la
26 substance même de ce qui nous intéresse. Donc il ne nous appartient pas
27 d'interpréter ce qui est considéré comme dissimulation de document en
28 matière d'artiches et de prendre en considération ce que dit la loi
Page 19421
1 nationale. Donc pour ce qui est de la présomption que vous formulez, je
2 veux bien croire qu'il y a une situation de ce type.
3 M. MISETIC : [interprétation] Mais je n'ai pas dit cela. Si vous me
4 permettez, j'aimerais présenter cela de façon hypothétique.
5 Si une personne prend des documents, nous devons demander la suppression de
6 son immunité, et qu'advient-il au cas où cet individu reprendrait un autre
7 document, sans en avoir le droit, donc il faudrait que nous demandions une
8 autre autorisation.
9 Donc cela a à voir avec les investigateurs du bureau du Procureur qui
10 travaillent sur le terrain, et hypothétiquement parlant, ils sont en train
11 de recueillir des éléments de preuve. Donc la Croatie peut demander au
12 secrétaire général la suppression de cette immunité au cas où
13 hypothétiquement parlant il y aurait commission d'un délit au pénal. Donc
14 il n'y a pas d'obligation légale de la Croatie qui n'existerait pas déjà
15 dans le schéma pour ce qui est de la façon de se comporter vis-à-vis des
16 enquêteurs de la Défense indépendamment du fait de savoir s'il s'agit
17 d'enquêteurs appartenant au bureau du Procureur ou aux équipes de Défense,
18 dans le cas où il y aurait une entorse ou une infraction qui nécessiterait
19 une poursuite au pénal.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en remercie.
21 M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président, si vous permettez,
22 j'aimerais brièvement répondre aux questions qui sont évoquées ici, et
23 notamment au dernier élément évoqué par Me Misetic.
24 Des représentants de la délégation de la Croatie ont déjà indiqué ici que
25 l'immunité bénéficiée par le bureau de liaison du bureau du procureur fait
26 l'objet d'un accord bilatéral. Par conséquent, nous sommes d'avis que dans
27 des cas de figure de ce type, il faudrait procéder au même type d'enquête
28 lorsqu'il s'agirait d'un membre de l'équipe de l'Accusation ou de l'équipe
Page 19422
1 de la Défense. Donc il n'y a pas à demander la preuve de l'immunité de
2 l'individu et de chercher l'instance à laquelle il faudrait s'adresser, par
3 exemple, en l'occurrence, les Nations Unies. Donc si ceci doit être fait
4 par l'intermédiaire du bureau des affaires juridiques du conseil de
5 Sécurité des Nations Unies, ou plutôt, du bureau du secrétaire général des
6 Nations Unies, et au cas où le secrétaire général serait convié à s'en
7 occuper; mais ce que la Défense d'équipe de Gotovina est en train de
8 demander c'est tout à fait autre chose. C'est de savoir s'il y a nécessité
9 de supprimer une immunité et, en l'occurrence, il s'agirait de se référer à
10 l'accord bilatéral en place avec l'Etat ou le gouvernement de Croatie.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Russo.
12 M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais pouvoir répondre.
13 Maintenant, il faudrait savoir quelle est la personne qui est susceptible
14 d'être autorisée à lever l'immunité.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais y venir.
16 M. MISETIC : [interprétation] Fort bien.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autorité compétente est justement
18 l'une des questions qui fait l'objet de ma liste de questions.
19 Mais j'aimerais vous demander d'abord ce qui suit. Je vous ai demandé s'il
20 y avait une autorité légale, une autorité juridique qui indiquerait qu'il y
21 aurait conflit entre, d'une part, le respect du principe d'immunité et
22 d'autre part, la nécessité d'entamer une procédure contre un individu,
23 parce que cet individu est en même temps un ressortissant de votre propre
24 pays.
25 Les accords relatifs aux privilèges et immunités accordés par le
26 Tribunal pénal international dans son article numéro 23, disent qu'il est
27 question de deux catégories, en réalité. Il y a les ressortissants des
28 différents pays et les personnes qui ont un statut de résidents permanents.
Page 19423
1 Etant partie prenante à l'accord, un Etat peut déclarer qu'il y a des
2 limites aux immunités et privilèges en place. Lesdites limitations diraient
3 que cet individu bénéficient seulement des privilèges et immunités
4 mentionnés à l'article 23 et pas d'autres privilèges.
5 Or, ici il est dit ce qui suit :
6 "Il y a immunité de l'individu vis-à-vis de l'arrestation et de la
7 détention et immunité à l'égard de poursuites en justice pour ce qui est de
8 propos tenus ou propos écrits, voire agissements de l'individu, dans le
9 cadre de l'accomplissement des fonctions qui sont celles qui lui sont
10 confiées par le Tribunal, voire encore au cas où dans le courant de son
11 témoignage ou de sa comparution, l'immunité venait à être encore présente
12 quand bien même l'individu en question cesserait d'exercer ses fonctions
13 pour les besoins du Tribunal ou pour ce qui est de sa comparution,
14 témoignage devant le Tribunal."
15 Apparemment, il semblerait qu'un choix clair a été fait, quoique dans un
16 certain sens, de façon limitée, il y a le poids de l'immunité qui l'emporte
17 quelque peu vis-à-vis du besoin de l'Etat qui ressent la nécessité
18 d'entreprendre des poursuites à l'égard de ses propres ressortissants,
19 voire personnes bénéficiant d'un statut de résident.
20 Alors je crois que c'est ce que j'ai posé comme question. D'après la
21 lecture que je fais de cet article, et si j'ai bien compris les choses, la
22 Croatie est partie signataire de ceci également. Donc je ne sais pas s'il y
23 a eu dans ce que vous avez indiqué des limitations à l'immunité. Il y a un
24 certain degré de latitude qui laisse la liberté au pays concerné de faire
25 exception à ces procédures de poursuite juridique.
26 Alors aimeriez-vous ajouter quoi que ce soit à ce que vous avez déjà
27 dit jusqu'à présent compte tenu de la teneur de cet article 23 ?
28 M. MARKOTIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une question
Page 19424
1 des plus complexes. Toutefois, j'aimerais me référer à l'article 34 de la
2 Loi constitutionnelle de Croatie portant sur la coopération avec le TPIY,
3 notamment son article 2 qui dit :
4 "Les intervenants du bureau du Tribunal pénal international en Croatie,
5 ainsi que les autres employés du Tribunal pénal international qui ne
6 seraient pas ressortissants de la République de Croatie, bénéficient
7 d'immunité davantage conformément à l'article 6 de l'article 22 de la
8 convention portant sur les privilèges et immunités des Nations Unies, datée
9 du 13 février 1946, au cas où, par l'accord passé entre la République de
10 Croatie et le TPIY, la question de l'immunité et de privilèges ne serait
11 pas résolue de façon autre."
12 Or, je ne connais pas de solution autre qui aurait été prévue. En
13 l'occurrence, il me semble qu'il conviendrait de mettre en œuvre cet
14 article de la loi constitutionnelle en question et peut-être pourrait-on
15 établir cette corrélation avec les articles liés à la coopération avec le
16 Tribunal pénal international permanent, la CPI
17 internationale. Mais il me semble que nous devrions nous conformer à ce qui
18 est dit ici.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes, mais est-ce que vous considérez,
20 en l'occurrence, que le conseil de la Défense tombe sous la coupe de la
21 catégorie qui serait celle des autres employés qui, comme vous le dites, ne
22 seraient pas citoyens. Vous avez exclu les citoyens de la Croatie de tout
23 type d'immunité. Pour ce qui est du Tribunal pénal international pour l'ex-
24 Yougoslavie et pour ce qui est de la Cour pénale internationale, vous avez
25 une position différente. J'ignore s'il y a la moindre disposition légale
26 qui dispose de ces considérations pour ce qui est de la Cour pénale
27 internationale, mais au moins, dans l'article 23 de l'accord sur les
28 privilèges et immunités, nous voyons que cet article vous appelle à faire
Page 19425
1 un choix différent.
2 M. MARKOTIC : [interprétation] En l'espèce, nous parlons de la Cour pénale
3 internationale et nous sommes évidemment liés par nos obligations découlant
4 de la signature des traités internationaux afférents.
5 Mais tous les accords qui ont été passés dans le cadre de la Cour
6 pénale internationale, nous limitons leur effet à l'activité qui est celle
7 de la CPI. En l'espèce, nous disposons d'une disposition constitutionnelle
8 à part qui traite de la coopération avec le TPIY. Entre-temps, nous avons
9 pu retrouver la disposition pertinente du règlement de la CPI
10 nous avions donc le statut découlant des signataires qui étaient présents
11 et les dispositions qui s'appliquent.
12 Mais ce que j'essaye de dire, c'est que les aspects liés aux
13 privilèges et aux immunités relativement aux organisations internationales,
14 notamment aux chargés de missions pour les Nations Unies, font l'objet de
15 dispositions dans des accords séparés. C'est ce que nous avons fait pour
16 les employés du TPIY en Croatie et nous avons une disposition
17 constitutionnelle en vigueur. Pour ce qui concerne la Cour pénale
18 internationale, c'est un élément que nous souhaitons aborder
19 ultérieurement, ce sont deux aspects distincts.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
21 Alors je voudrais passer à mon point suivant. Maître Misetic, dans une de
22 vos requêtes, vous avez avancé que ce serait peut-être à la Chambre de
23 lever l'immunité. Mais si j'examine des situations similaires, par exemple,
24 les accords avec les Etats hôtes, nous voyons que c'est le secrétaire
25 général des Nations Unies qui est le seul habilité à lever une immunité.
26 Si nous nous penchons sur ce même accord sur les privilèges et
27 immunités de la Cour pénale internationale qui, bien entendu, n'est pas un
28 organe des Nations Unies, mais nous trouvons que la levée d'une immunité
Page 19426
1 dans le cas des conseils de la Défense et des personnes les assistant,
2 incombe à la présidence de la Cour pénale internationale qui peut donc
3 accorder une telle levée d'immunité. A mon sens, si j'ai bien compris, vous
4 considérez que la levée de l'immunité incomberait à la Chambre, que ce
5 serait la meilleure option dans votre évaluation de la situation, mais
6 apparemment, ce n'est pas la solution qui a été retenue dans le cadre de la
7 Cour pénale internationale.
8 Y a-t-il quelque autre instrument ou autorité juridique qui
9 permettrait de souscrire à votre position sans oublier que cela comporte
10 une part de risque non négligeable, car si la Chambre prend la position de
11 décider si un membre de l'équipe de la Défense ou de l'Accusation doit ou
12 non être poursuivi, cela peut créer un précédent et être interprété comme
13 une forme de partialité. Et puisque vous insistez sur les bonnes raisons
14 qui existent de procéder ainsi, bien que vous ne le fassiez que dans une
15 note de bas de page, mais je pense que ce type de solution n'a pas été
16 requis dans d'autres instances et pourrait rencontrer un certain nombre
17 d'objections.
18 Avez-vous d'autres arguments juridiques ou sources juridiques à invoquer ?
19 M. KEHOE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Nous avons besoin
20 de nous consulter.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
22 [Le conseil de la Défense se concerte]
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.
25 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais tout
26 d'abord dire qu'il s'agit ici d'un nouveau problème qui se présente et il
27 serait peut-être préférable de décider dans le cadre de ce Tribunal ce
28 qu'il en est de cette question d'immunité. Alors peut-être cela devrait-il
Page 19427
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 19428
1 passer par le Président du Tribunal ou par le greffier qui s'adresserait
2 aux autorités de l'Etat en question pour invoquer une immunité
3 diplomatique, ensuite on pourrait ensuite envisager une combinaison de ces
4 différents modes d'action avec une intervention aussi du secrétaire
5 général.
6 Mais ce que nous affirmons, c'est que les immunités dont il est
7 question émanent de deux sources différentes. L'Accusation et le personnel
8 du TPIY bénéficient d'une pleine immunité diplomatique en vertu du Statut,
9 l'immunité accordée au personnel des Nations Unies.
10 Quant à l'immunité découlant de la fonction et au droit à un procès
11 équitable et à l'égalité des armes, dans la comparution des témoins et la
12 collecte des éléments de preuve, cela intervient aussi dans la mesure où je
13 comprends correctement l'article 21 du Statut.
14 Les questions qui entrent dans le cadre de la compétence
15 juridictionnelle et le mandat de la Chambre, aux termes de l'article 1 du
16 paragraphe 20, c'est là que nous avons des éléments pertinents.
17 Alors je pense que l'immunité découlant de la fonction qui nous occupe est
18 un sujet au sujet duquel la Chambre est la meilleure instance qui ait à se
19 prononcer pour ce qui est de savoir si une telle immunité existe ou non.
20 Quant à la question de savoir si la Chambre sera ou non à l'avenir en
21 mesure d'exercer un contrôle sur l'application ou non de ces immunités
22 découlant de la fonction, c'est quelque chose que nous ne souhaitons pas
23 particulièrement remettre en question et qui peut être envisagé avec le
24 concours du greffe et de la Présidence.
25 Cependant, il ne s'agit pas uniquement pour la Chambre de prendre une
26 décision ou non. Il s'agit ici d'entrave à des droits qui sont les droits
27 fondamentaux de l'accusé paraissant devant cette Chambre. La solution
28 consiste à prendre une injonction contre la République de Croatie, à
Page 19429
1 supposer que l'on reconnaisse l'existence de cette immunité découlant de la
2 fonction.
3 Aux termes de l'article 20 et 21, ainsi que de l'article 54, la
4 Chambre a l'obligation de rechercher une solution afin de mettre un terme
5 aux entraves existantes à l'exercice plein et entier des droits que j'ai
6 évoqués afin d'enjoindre à une tierce partie de cesser de violer les droits
7 d'un accusé. Et ce n'est pas quelque chose pourquoi le secrétaire général
8 des Nations Unies a compétence ni quelque tribunal que ce soit, d'un
9 tribunal à Zagreb, ni même le Président du Tribunal. La seule solution peut
10 venir de la Chambre elle-même pour ce qui est de mettre un terme aux
11 violations des droits de l'accusé auquel il est procédé.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends votre position, Maître
13 Misetic. La raison pour laquelle nous devons examiner tout cela un peu plus
14 en détail est la suivante : il s'agit d'une question quelque peu nouvelle.
15 Afin de prendre une position à cet égard, la Chambre souhaite être
16 absolument sûre d'avoir une pleine compréhension du problème dans
17 l'intégralité de son contexte juridique. C'est pourquoi nous passons tant
18 de temps sur ce sujet.
19 Alors, une dernière question --
20 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais juste
21 encore noter encore une chose - et je suis sûr que vous savez cela - le
22 secrétaire général Johnson, dans le dernier paragraphe, a proposé que la
23 Chambre soit informée et que ce soit le greffe qui contacte les autorités
24 du pays concerné.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien entendu. C'était une affaire
26 qui était un peu différente de l'affaire présente. Dans cette mesure, je
27 reconnais l'importance de ces remarques, mais le contexte était assez
28 différent de ce qui nous occupe en ce moment.
Page 19430
1 M. MISETIC : [interprétation] Oui. Je vous remercie.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, juste une question et je
3 ne voudrais pas passer trop de temps sur ce point. Vous avez soulevé la
4 question de ces cinq autres membres de votre équipe qui ont été interrogés.
5 Cela ne figure cependant pas dans vos écritures. Nous avons entendu les
6 explications fournies par les représentants de la Croatie. Alors, pour ce
7 qui est des buts qui étaient poursuivis lors de la conduite de ces
8 entretiens, si j'ai bien compris, ce n'était pas parce que ces personnes
9 étaient des suspects, mais essentiellement afin de remplir pleinement les
10 exigences qui étaient celles de la Chambre.
11 Alors la question que je souhaiterais poser est la suivante : si nous
12 considérons ces interrogatoires comme étant de nature administrative, si
13 les questions sont posées aux membres de votre équipe quant à la
14 connaissance qui peut être là leur pour ce qui est de certains documents
15 que la République de Croatie a l'obligation de fournir au Tribunal, est-ce
16 que vous considéreriez un tel interrogatoire et des questions du type : Qui
17 est le responsable; qui travaille dans telle ou telle pièce; à quelle
18 heure; est-ce qu'on utilise des fax ou non ? Bien, je ne parle pas ici de
19 ce type de questions, mais indépendamment du fait de savoir si ces
20 personnes ont ou n'ont pas connaissance de ces éléments avant d'avoir été
21 engagés, est-ce que vous considéreriez cela comme étant quelque chose
22 d'inacceptable ? Je sais que ce n'est pas quelque chose qui est inclus dans
23 la requête dont la Chambre a été saisie.
24 M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
25 Depuis le début de cette audience, j'ai reçu, par exemple, par e-mail l'une
26 des injonctions -- et à mon sens, il ne s'agit pas d'une procédure purement
27 administrative. La personne en question s'est vue intimer l'ordre de
28 fournir des informations sur le crime de destruction ou de dissimulation de
Page 19431
1 documents d'archives conformément à l'article 327 du code pénal.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela rejoint ce que vous avez dit
3 concernant le cas de M. Ivanovic, n'est-ce pas ?
4 M. MISETIC : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cependant, nous avons entendu
6 précédemment qu'il y a une divergence de vue entre ce que vous affirmez,
7 vous, et ce qu'affirme le représentant de la Croatie par rapport à la
8 nature administrative des questions qui étaient posées à ces cinq
9 personnes.
10 M. MISETIC : [interprétation] C'est parce que --
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous en avez parlé. Je ne vous ai
12 pas demandé s'il y avait un deuxième cas du type Ivanovic. Je vous ai
13 demandé quelle serait votre position en tout état de cause.
14 M. MISETIC : [interprétation] Oui --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que vous considéreriez donc comme
16 étant inacceptable.
17 M. MISETIC : [interprétation] Non --
18 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
19 M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais tout d'abord clarifier la chose
20 suivante. Je ne sais pas ce que vous entendez par "un deuxième cas du type
21 d'Ivanovic."
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pensais peut-être vous avoir mal
23 compris. Il faut faire la différence entre une personne qui est convoquée
24 en tant que témoin potentiel ou en tant que suspect ou accusé. Je pensais
25 qu'il s'agissait de quelqu'un qui est également un suspect.
26 Mais ne perdons pas trop de temps là-dessus.
27 M. MISETIC : [interprétation] Pour répondre à votre question, oui, ces
28 personnes peuvent être interrogées sur la connaissance factuelle dont ils
Page 19432
1 peuvent disposer quelle qu'elle soit. Donc avant leur engagement, si elles
2 ont été engagées en 2009, par exemple, lorsqu'elles sont devenues membres
3 de notre équipe, si ces personnes sont membres de notre équipe depuis six
4 mois, par exemple, alors on peut les interroger sur toute connaissance ou
5 toute information qu'elles peuvent avoir antérieurement à cette période.
6 Si elles disposent d'éléments qui sont propres au fonctionnement
7 interne de l'équipe de la Défense, dans ce cas-là, nous émettrions des
8 objections en vertu de l'article 70 et de la relation privilégiée entre le
9 client et son conseil. Me Kehoe et moi-même ne pouvons pas assumer les
10 obligations qui sont les nôtres en vertu du code de conduite qui fait
11 partie des Règles de ce Tribunal et qui découlent également de la relation
12 privilégiée entre le client et son conseil. Si nous ne sommes pas en mesure
13 de protéger les éléments d'information qui sont susceptibles d'être révélés
14 par nos collaborateurs et si nous ne sommes pas en mesure de contrôler ce
15 même dont nous avons la responsabilité, car nous nous exposons alors à la
16 violation de cette relation privilégiée entre client et conseil.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que cela ne fait pas
18 particulièrement au débat. Je m'intéressais à autre chose --
19 M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais me concentrer sur les
20 aspects concrets et pratiques, c'est-à-dire concernant toutes ces questions
21 relatives aux documents, M. Markotic et moi-même avons été régulièrement en
22 communication afin d'essayer de résoudre la question des documents qui sont
23 en possession de l'équipe de Défense Gotovina. Par conséquent, il me semble
24 qu'il est superflu de suggérer quoi que ce soit ou de convoquer
25 individuellement des membres de l'équipe de la Défense alors même qu'il y a
26 déjà une communication directe entre l'équipe de la Défense et le ministère
27 de la Justice. Ce que nous avançons, c'est que puisque cette procédure
28 administrative a été initiée suite à un ordre de la présente Chambre --
Page 19433
1 imaginons une situation où la Défense et la République de Croatie sont en
2 désaccord par rapport à la possession ou non d'un document, c'est
3 particulièrement simple du point de vue qui est le nôtre. La République de
4 Croatie dépose un rapport affirmant que tel ou tel document est en
5 possession de la Défense. Vous avez demandé que l'on vous précise quelle
6 est la chaîne de responsabilité, mais il n'y a pas lieu ici d'entreprendre
7 des poursuites pénales. Si la Chambre s'intéresse à la question de savoir
8 qui a la réponse de tel ou tel document, si tel ou tel document existe ou
9 non, ou est en la possession d'un tel ou un tel, et que des rapports sont
10 disponibles à ce sujet, je dois dire que la plupart de ces rapports ont été
11 remis à l'Accusation, on pourrait affirmer qu'il s'agit ici d'une violation
12 de la relation privilégiée entre le client et son conseil. Bien, il y a une
13 solution, un remède juridique tant du point de vue de la Chambre que celui
14 de l'Accusation qui est d'examiner cette question de savoir si la Défense
15 détient ou non les documents litigieux.
16 Dans la situation actuelle un accord a été trouvé entre l'Accusation
17 et la République de Croatie. Nous avons procédé à une enquête afin de
18 déterminer si de tels documents existaient réellement ou non. Et nous
19 devons ici dire que c'est un exemple typique du problème auquel nous sommes
20 confrontés.
21 M. Ivanovic a été accusé d'avoir dissimulé la liste Jagoda. C'est
22 précisément le problème auquel nous sommes confrontés. La République de
23 Croatie allègue que c'est là le document qui avait été utilisé comme liste
24 de cible. L'Accusation, de son côté, dit à la Chambre que ce n'est pas le
25 document qu'elle recherche. Par conséquent, la question de savoir si un
26 document entre ou non dans le cadre de la liste du Procureur n'est pas le
27 sujet du litige en lui-même entre les parties dans cette affaire.
28 Donc c'est assez complexe, Monsieur et Madame les Juges. Nous sommes
Page 19434
1 tout à fait disposés à en débattre devant la Chambre. Mais si vous êtes en
2 train de nous demander de revenir à ce qui est à l'origine de toute cette
3 question, nous ne pouvons que soutenir que l'immunité découlant de la
4 fonction s'applique durant l'exercice de cette fonction.
5 En dehors de cela, la personne concernée ne disposerait pas d'une
6 immunité particulière. Nous ne sommes pas en train de suggérer que tout
7 cela s'applique de façon rétroactive, que j'aurais eu une information en
8 1996, mais que je suis maintenant employé par la Défense Gotovina et que,
9 par conséquent, je ne peux pas la dévoiler au titre de mon immunité. Ce
10 n'est pas du tout ça, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors voilà quelle sera ma
12 dernière question.
13 Si j'étais dans votre position et que je trouve sur mon bureau, par
14 exemple, un document dont je sais qu'il fait l'objet des recherches de tous
15 et qu'il y ait une petite note sur ce document disant : Lors d'un vol qui a
16 été commis hier, j'ai trouvé ce document qui pourrait vous intéresser.
17 Est-ce que, dans cette situation-là, vous vous sentiriez obligé de
18 remettre ce document aux autorités croates, puisque vous sauriez qu'elles
19 sont à la recherche de ce dernier ou bien considéreriez-vous que cela ne
20 s'applique pas et que vous n'avez pas besoin de faire état de la note
21 ajoutée au document à qui que ce soit ? Donc si vous étiez en possession
22 d'un tel document et que vous aviez la connaissance qu'il s'agisse d'un de
23 ces documents qui ont été requis, est-ce que vous vous sentiriez obligé de
24 remettre ce document ?
25 M. MISETIC : [interprétation] Au cas où il aurait été volé --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, à supposer qu'il y ait cette note
27 écrite dont vous ignoreriez, par ailleurs, si elle vous dit la vérité ou
28 non. Mais probablement, oui.
Page 19435
1 M. MISETIC : [interprétation] Alors laissez-moi répondre doublement.Si vous
2 revenez à l'affaire Blaskic et à l'arrêt qui a été rendu. De temps en temps
3 des gens sont en possession de documents et ce que nous avançons, c'est que
4 M. Ivanovic est mis en accusation pour dissimulation de la liste de Jagoda,
5 mais la personne qui l'a détenue cette liste pendant 12 ans, elle, n'est
6 pas mise en accusation. Par conséquent, l'objectif poursuivi par la
7 procédure pénale est pour le moins suspect --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est un autre sujet --
9 M. MISETIC : [interprétation] Mais c'est pertinent, Monsieur le Président,
10 car cela est lié à la façon dont les choses se sont développées depuis
11 octobre dernier.Alors est-ce que nous devons compromettre la situation de
12 nos témoins et de la Défense en les exposant à des poursuites au pénal si
13 jamais ils fournissent des éléments de preuve à la Défense ?
14 C'est une situation complexe que cette question de savoir si nous
15 devons prendre le risque d'exposer les gens à des poursuites au pénal ou
16 non, en combinaison avec cette autre question de savoir si les documents en
17 question sont ceux que l'on recherche ou non.
18 Donc, en conformité avec les règles applicables, je ne me sentirais pas
19 dans cette obligation, cependant nous avons toujours respecté nos
20 applications et fourni tous les éléments dont nous disposions à chaque fois
21 qu'il s'agissait d'un document dont nous savions que la Croatie était à sa
22 recherche et même dans tous les cas où nous n'avions qu'une supposition
23 qu'il pourrait s'agir d'un document recherché par la République de Croatie.
24 Toutefois, ceci n'entre pas dans le cadre de notre requête demandant une
25 assistance et M. Markotic pourra vous confirmer que tel et tel documents
26 ont été remis à telle ou telle personne à telle ou telle date. Lorsque M.
27 Rajcic est venu déposer, on a vu qu'une chose était dite dans une note
28 officielle, puis la personne venait déposer devant la Chambre et disait :
Page 19436
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 19437
1 Non, je n'ai pas dit cela. Je ne m'en souviens pas. Nous avons passé des
2 heures et des jours entiers à rechercher quelque chose que le témoin lui-
3 même a fini par affirmer ne jamais avoir remis.
4 Par conséquent, à ce stade, nous nous sommes efforcés de ne retenir ni
5 conserver aucun document entrant dans le cadre des documents exigés par
6 l'Accusation. Nous ne pensons pas que nous ayons eu l'obligation de faire
7 cela.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre n'a pas de questions
10 supplémentaires, mais nous souhaiterions donner l'occasion aux autres
11 parties, non pas de résumer et de répéter ce qui a été déclaré, mais plutôt
12 d'ajouter ce qui pourrait être un complément nécessaire à ce qui vient
13 d'être avancé ce matin. Nous avons, et j'en suis bien conscient, passé
14 beaucoup de temps à envisager ces différentes questions. Ce sont des
15 questions importantes, nouvelles et qui requièrent une compréhension pleine
16 et entière.
17 Donc je souhaite maintenant laisser en dernier la parole aux représentants
18 de la République de Croatie pour qu'ils puissent s'expliquer.
19 Alors, Monsieur Russo, y a-t-il quoi que ce soit que vous souhaiteriez
20 ajouter, sachant bien que nous avons ici une audience à titre informatif.
21 Donc si vous souhaitez contribuer de quelque façon que ce soit, allez-y.
22 M. RUSSO : [interprétation] Juste trois points, Monsieur le Président, et
23 par ordre inverse.
24 Le dernier point abordé par Me Misetic --
25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que le conseil ralentisse son
26 débit lorsqu'il parle.
27 M. RUSSO : [interprétation] Excusez-moi.
28 De notre point de vue, Monsieur le Président, les documents qui ont
Page 19438
1 été reçus par la Défense Gotovina et les informations qui ont été
2 collectées par leurs enquêteurs ne font pas l'objet de la protection
3 accordée par l'article 70. Ce ne sont pas la propriété de témoins, donc
4 pour ce qui est de savoir ce que les témoins ont dit, quels sont les
5 éléments de preuve qui ont été collectés, rien de tout cela ne fait l'objet
6 d'une protection malgré ce que Me Misetic a pu déclarer quant à savoir ce
7 qui ressortissait de leur obligation ou pas dans la préparation de leur
8 défense.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'une question qui a été
10 abordée à la marge, Monsieur Russo, notamment dans la toute dernière
11 observation, à la marge de la requête au sujet de laquelle nous avons à
12 nous prononcer.
13 Continuez.
14 M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Le deuxième point est de nature informative concernant la question de
16 savoir si la violation réelle porte sur les droits de la Défense Gotovina.
17 M. Ivanovic est présent aujourd'hui, donc il a été capable de se rendre
18 ici. Si j'ai bien compris, les poursuites le concernant ont pu être
19 suspendues jusqu'en septembre, jusqu'au moment où le témoin suivant puisse
20 déposer. Donc je ne vois pas de quelle façon les préparatifs de la Défense
21 sont mis en difficulté dans la mesure où nous nous retrouverons à la fin de
22 la présentation des moyens à décharge de toute manière.
23 Ensuite, pour ce qui est de l'argument avancé par la Défense Gotovina. Tout
24 d'abord, ils veulent être protégés par l'article 30, section 4, mais
25 ensuite, par le biais de procédures, ils essaient un petit peu de coincer
26 la Chambre de première instance au titre de l'article 54 pour que celle-ci
27 prenne une décision au titre de l'article 30, alors que l'article 30 ne
28 fait pas référence aux droits de l'accusé au titre de l'article 21. Il ne
Page 19439
1 reprend même pas le libellé de cet article. Donc c'est un argument qui est
2 avancé par la Défense Gotovina disant qu'il n'y a que la Chambre de
3 première instance, en vertu de l'article 54, qui peut protéger l'accusé au
4 titre de l'article 30. De notre avis, lorsque nous avons les deux articles
5 30, sous-section 4 et le 54 du Règlement, dans ce cas-là, il n'y a pas de
6 référence entre l'une et l'autre. Nous n'avons pas les mécanismes de
7 procédure qui nous permettront, en fait, de traiter de ces immunités qui
8 sont prévues au titre de l'article 30, sous-section 4.
9 Je vous remercie.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie, Maître
11 Russo.
12 Maître Misetic, qu'avez-vous à répondre ? Vous avez déjà beaucoup parlé,
13 alors peut-être pourriez-vous répondre brièvement.
14 M. MISETIC : [interprétation] Tout à fait.
15 Pour ce qui est du commentaire fait par M. Russo, je répète quand même
16 qu'il y a le problème de l'égalité des armes --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, M. Russo a répondu, certes --
18 M. MISETIC : [interprétation] Oui, quant à savoir si la procédure a été
19 reportée ou non, ça n'a rien à voir avec notre demande. Je ne pense pas que
20 l'Accusation serait prête à endosser des poursuites au pénal, même si elles
21 ont lieu après le procès.
22 En ce qui est des droits de l'accusé, droits qu'il a à un procès
23 équitable, si on traîne les enquêteurs au pénal, cela va avoir un impact,
24 évidemment, sur la façon dont la Défense peut fonctionner correctement.
25 Ensuite, pour ce qui est de l'article 30, l'article 30 parle du
26 fonctionnement correct du Tribunal, mais ici, nous parlons quand même de la
27 protection de droits de l'accusé et nous considérons que cela fait partie
28 essentielle du fonctionnement de ce Tribunal international. La Chambre de
Page 19440
1 première instance doit donc absolument, au titre de l'article 20, rendre
2 toute ordonnance nécessaire pour assurer ces droits de l'accusé.
3 Ensuite, en ce qui concerne le problème de l'article 70(a), M. Russo n'a
4 absolument pas pris en compte certains éléments de cet article. De fait, il
5 n'a pas pris en compte la relation privilégiée client/conseil. Il n'a pas
6 pris en compte non plus le résultat des travaux d'une personne. Nous
7 considérons que tout membre de la Défense ne doit pas être interrogé à
8 propos des informations qu'ils auraient obtenues, comme je pense que
9 l'Accusation serait absolument hérissée si on posait des questions à M.
10 Foster à propos des informations qu'il aurait pu obtenir dans le cadre
11 d'entretiens qu'il aurait eus avec des témoins.
12 Je tiens à dire, en résumé, qu'il faut que la Chambre de première instance
13 se rende bien compte qu'avant que M. Ivanovic ne soit accusé, j'étais en
14 communication avec le gouvernement croate à propos d'une allégation qui
15 avait été faite selon laquelle Me Ivanovic aurait été en possession
16 illégale d'un certain nombre de documents.
17 A cette fin, et vous avez d'ailleurs tous les documents en votre
18 possession, c'est dans les pièces jointes ex parte qui ont été déposées, je
19 crois, le 1er décembre 2008. Non, il s'agit d'une écriture ex parte qui date
20 du 28 novembre 2008. Donc vous avez les échanges de courriers, tout cela
21 est entre vos mains --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, regardez l'écran, allez
23 moins vite.
24 M. MISETIC : [interprétation] Donc vous avez les courriers qui montrent
25 bien que nous avons fait tout ce que nous avons pu pour essayer de résoudre
26 le conflit éventuel qui pouvait exister à l'époque à propos de cette soi-
27 disant possession illégale de documents.
28 Donc première chose à prendre en compte, Me Ivanovic ne possède pas de
Page 19441
1 documents, c'est la Défense Gotovina qui les possède, ce n'est pas lui. Il
2 n'y a que le conseil accrédité devant cette institution qui pourra décider
3 à quel moment on communiquera les documents en application de, primo, notre
4 déontologie; et deuxièmement, du Règlement de ce Tribunal. Donc je tiens à
5 dire qu'il ne possède absolument rien, il n'est en possession de rien à
6 l'heure actuelle.
7 Deuxièmement, nous avons fait de nombreux efforts, nous avons essayé de
8 donner à la République de Croatie des informations à propos de quatre
9 liasses de documents, je crois qu'il y a quatre séries de documents qui
10 étaient en cause avant cette accusation portée contre M. Ivanovic. Nous
11 avons constaté le fait que nous possédions ces documents, c'est-à-dire l'un
12 des documents dont on accuse M. Ivanovic de possession, c'est le journal de
13 guerre d'une personne. Donc ce n'est pas le journal de guerre de ce M.
14 Kardum, en fait c'est son agenda personnel, rien de plus. D'ailleurs nous
15 avons permis de venir à votre bureau pour le voir, ce document, et voir ce
16 qu'il était. Malgré tous nos efforts -- et Me Ivanovic a été accusé de
17 posséder ce qui finalement n'est qu'un agenda personnel, rien de plus,
18 alors que nous avions permis à la Croatie de venir voir si c'était bel et
19 bien un agenda personnel et non pas un journal de guerre.
20 Ensuite, il a été aussi accusé de dissimuler la liste Jagoda, alors
21 qu'avant son acte d'accusation la Croatie n'avait jamais indiqué que c'est
22 un document qu'elle considérait comme étant détenu de façon illégale. On ne
23 savait même pas que selon eux ce document faisait l'objet d'une demande
24 d'assistance de l'RFA. D'ailleurs, l'Accusation vient d'avertir la Chambre
25 de première instance qu'il ne s'agit justement pas d'un document qui tombe
26 dans le cadre de cette demande d'assistance --
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, comme je l'ai dit, soyez bref.
28 Nous connaissons les faits maintenant. Faites une plaidoirie, c'est tout ce
Page 19442
1 qu'on vous demande. Ne rajoutez pas grand-chose, n'ajoutez pas de nouveaux
2 faits, s'il vous plaît. Surtout, ne répétez pas ce qui est déjà dans les
3 écritures.
4 M. MISETIC : [interprétation] Bien, bien. Lorsque vous allez décider sur
5 notre requête, sachez qu'il faut que vous preniez en compte que nous avons
6 toujours essayé de coopérer avec les autorités lorsque nous essayions de
7 trouver ces documents. L'acte d'accusation - bon, je ne vais pas rentrer
8 dans les détails à moins que vous ne le vouliez - mais l'acte d'accusation
9 n'a fait que compliquer la relation qui existait entre la Défense Gotovina
10 et la République de Croatie et a empêché d'ailleurs que certains problèmes
11 soient résolus rapidement.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
13 Monsieur Markotic, peut-être ? Ou peut-être -- enfin, je ne sais pas qui
14 veut prendre la parole du côté de la République de Croatie. Vous êtes tous
15 quatre devant nous, voulez-vous reprendre un point qui, à votre avis,
16 n'aurait pas été suffisamment étudié ?
17 Vous serez les derniers à prendre la parole devant la Chambre. Qui
18 veut prendre la parole ?
19 M. MARKOTIC : [interprétation] Monsieur le Président, aujourd'hui
20 nous avons débattu d'une question particulièrement complexe du point de vue
21 de la législation nationale et du droit international. Ce que nous
22 considérons comme essentiel c'est de dire que la Croatie a diligenté une
23 enquête concernant les documents manquants conformément à l'ordre de la
24 Chambre. Nous avons véritablement tout entrepris afin de répondre au mieux
25 à cet ordre et nous avons fait tout notre possible. Dans le cadre de cette
26 enquête administrative où plus de 200 personnes ont été entendues, nous
27 avons appris qu'il y avait un soupçon que certains crimes ont été commis
28 par rapport à des documents qui sont la propriété de la République de
Page 19443
1 Croatie.
2 Se fondant sur cela, les services du procureur de l'Etat de Croatie a
3 entamé des poursuites ex officio, poursuites destinées à déterminer si ces
4 soupçons sont ou non fondés. Nous sommes persuadés que tous les organes du
5 pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire en Croatie ont agi dans les
6 limites de leurs attributions, que nous avons dans le même temps pleinement
7 respecté nos obligations internationales, y compris en matière de
8 coopération avec le TPIY. Je pense que nous avons entrepris tout ce que -
9 aussi bien notre droit international que le droit international et les
10 obligations qui ont été introduites dans notre droit national conformément
11 aux traités internationaux - que toutes ces obligations ont été remplies
12 par la Croatie.
13 Donc je peux dire que nous avons entrepris toutes les mesures
14 nécessaires afin de déterminer la vérité concernant les documents qui
15 n'existaient pas ou les documents manquants afin de pouvoir remplir la
16 demande de la Chambre. Quant à la question qui est maintenant débattue
17 devant la Chambre, les décisions et la réalité de droit seront prises et
18 déterminées en tenant compte de tous les faits disponibles. C'est ce que je
19 souhaitais souligner une fois encore du point de vue de la République de
20 Croatie.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Markotic. Y a-t-il
22 d'autres membres de la délégation croate qui veulent prendre la parole ?
23 Non, visiblement pas. Donc nous allons pouvoir mettre un terme à cette
24 audience.
25 Je tiens à dire pour le compte rendu et être très clair d'ailleurs, que le
26 but de cette audience n'était pas de savoir si la République de Croatie
27 avait satisfait aux dispositions requises à l'ordonnance de cette Chambre,
28 ce n'est absolument pas ça, ce n'était pas le sujet de la discussion
Page 19444
1 aujourd'hui, bien que visiblement ça a quand même eu un rôle marginal à
2 propos d'un point qui a été soulevé par M. Misetic et qui portait sur les
3 entretiens et les interviews en cours.
4 Le sujet même de cette audience était principalement, et surtout, de savoir
5 s'il y avait le moindre obstacle juridique qui pourrait aller à l'encontre
6 des poursuites qui sont actuellement diligentées contre Me Ivanovic.
7 C'était le but de l'exercice et je pense que nous l'avons bien accompli.
8 La Chambre a pu prendre en compte tous les aspects de ce point, lois
9 internationales, droit international, lois nationales, et cetera, et
10 cetera. Quant à savoir quel sera le résultat, à savoir s'il y aura une
11 injonction ou s'il n'y aura pas d'injonction, de toute façon il est
12 toujours bon de faire les choses de façon volontaire plutôt que d'attendre
13 et d'en être obligé par une injonction quelconque.
14 Nous allons maintenant lever la séance. Il y a certains points procéduraux
15 qui vont nous prendre une petite dizaine de minutes. Vous n'avez pas besoin
16 de venir assister d'ailleurs.
17 Je tiens à vous remercier, je tiens à remercier la délégation croate d'être
18 venue ici pour donner des informations à la Chambre de première instance à
19 propos de ce point essentiel. Nous avons étudié votre loi constitutionnelle
20 sur la coopération, nous l'avons déjà, donc je n'ai pas besoin de vous
21 demander de nous la procurer, notre librairie la possède déjà.
22 Mais comme le dit le vieil adage latin, la Cour connaît le droit. La
23 Cour connaît la loi, mais ne connaît malheureusement pas toute -- enfin, je
24 tiens à vous remercier de toute façon. Je tiens à vous remercier d'être
25 venus nous présenter toutes ces informations, et je vous souhaite un bon
26 retour chez vous.
27 Nous allons lever la séance jusqu'à mardi, 30 juin à 9 heures du
28 matin.
Page 19445
1 --- L'audience est levée à 12 heures 46 et reprendra le mardi 30 juin 2009,
2 à 9 heures 00.
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28