Page 25920
1 Le mercredi 9 décembre 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes
7 dans le prétoire et à l'extérieur du prétoire.
8 Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, je vous prie.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
10 Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre
11 Ante Gotovina et consorts.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
13 Avant que nous ne reprenions, Monsieur Moric, j'aimerais vous rappelez
14 comme d'habitude que vous êtes toujours tenu de respecter la déclaration
15 solennelle que vous avez prononcée au début de votre déposition.
16 Maître Mikulicic, êtes-vous prêt à reprendre vos questions supplémentaires
17 ?
18 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
19 LE TÉMOIN : JOSKO MORIC [Reprise]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 Nouvel interrogatoire par M. Mikulicic : [Suite]
22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Moric, et bonjour à toutes les
23 personnes du prétoire.
24 R. Bonjour, Maître. Bonjour à tout le monde.
25 Q. J'ai plusieurs questions à vous poser avant que nous ne terminions les
26 questions supplémentaires.
27 Monsieur Moric, alors très brièvement, nous allons aborder la question de
28 la coopération avec la police civile des Nations Unies. L'accord signé par
Page 25921
1 M. Sarinic et M. Akashi vous a été montré. Dans cet accord, il est question
2 des pouvoirs de la police civile des Nations Unies pour ce qui était des
3 contacts avec la police.
4 J'aimerais savoir si au niveau ministériel, vous avez reçu de la part
5 de la police civile des Nations Unies des rapports ou des griefs, ou des
6 documents, d'ailleurs, qui auraient porté sur la coopération à laquelle je
7 viens de faire référence ?
8 R. Maître, au tout début, lors des opérations de maintien de la paix, les
9 contacts avec la police civile des Nations Unies portaient sur la
10 coopération et sur des mesures prises pour mettre en œuvre, justement, ce
11 type de coopération. Alors, il y a eu à cette fin, justement, un échange de
12 correspondances.
13 Si vous me demandez si nous avons reçu des rapports relatifs à
14 certains incidents qui auraient perturbé la sécurité, je vous dirais que
15 non, nous ne les avons pas reçus au niveau du ministère. Mais au niveau
16 inférieur, au niveau des postes de police, certes.
17 M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher le
18 document 2D180331.
19 Q. Monsieur Moric, en ce qui concerne le règlement qui régit les activités
20 conjointes de la police et de la police civile - il s'agit en fait de la
21 pièce D53 - M. Elleby qui était le commandant de la POLCIV a envoyé un
22 mémorandum aux membres de la POLCIV pour leur indiquer quelle était la
23 procédure qu'ils devraient suivre lors de leurs contacts avec la police
24 dans les territoires qui venaient d'être libérés.
25 Et ce que nous voyons sur notre écran n'est pas le document. Et mon commis
26 aux affaires vient juste de me dire que le document que j'ai demandé avait
27 déjà été versé au dossier et qu'il s'agit du document D1751. En fait, c'est
28 la page suivante. Maintenant, il y a un document qui est apparu à l'écran,
Page 25922
1 et je souhaiterais demander l'affichage de la page suivante.
2 Alors, vous voyez un document du 30 août émanant du ministère de
3 l'Intérieur, signé par le chef du secteur de la police, M. Franjo Djurica.
4 Et dans ce document, il envoie le règlement régissant le travail conjoint
5 de la POLCIV et du ministère de l'Intérieur, du MUP donc, et ce, afin de
6 s'assurer qu'il y ait uniformité de mesures.
7 M. MIKULICIC : [interprétation] Et j'aimerais demander la page suivante,
8 maintenant. Voilà. Le document est maintenant affiché sur la gauche de
9 l'écran.
10 Q. Et vous voyez qu'au paragraphe numéro 1, il est indiqué que dans les
11 anciens secteurs nord et sud, la POLCIV va superviser le travail de la
12 police, mais seulement en ce qui concerne la protection des droits de
13 l'homme.
14 Et un peu plus bas, au numéro 7, il est indiqué que les membres de la
15 POLCIV peuvent observer le travail de la police --
16 R. Je m'excuse, parce que je ne vois plus le paragraphe 7.
17 Q. Voilà, c'est la page suivante pour la version croate. Je disais donc
18 que les membres de la POLCIV peuvent observer le travail du MUP, peuvent
19 noter ce qu'ils ont constaté, mais ils ne peuvent pas filmer ou
20 enregistrer. Ils ne peuvent pas prendre de photographies non plus,
21 d'ailleurs.
22 Donc, Monsieur Moric, est-ce que vous vous souvenez, ou est-ce que vous
23 vous souviendriez de problèmes précis ? Et je pense au travail de la
24 police, je pense à des enquêtes sur site, par exemple. Avez-vous jamais
25 entendu parler de problèmes à cet égard, lors de l'examen, par exemple, de
26 lieux de crimes et dans le cadre de la coopération avec la POLCIV ?
27 R. Non, je ne dispose pas d'information à ce sujet.
28 Q. Merci. Alors, au niveau du ministère, avez-vous reçu des rapports de
Page 25923
1 l'équipe d'action des droits de l'homme, l'équipe du HRAT des Nations Unies
2 ?
3 R. Ecoutez, Maître, non, je ne me souviens pas les avoir reçus moi-même.
4 Q. Merci. Alors, maintenant que nous avons le document à l'écran, il
5 s'agit du document qui a été envoyé par le chef Djurica le 30 août,
6 j'aimerais maintenant que nous passions à un autre sujet, à savoir le sujet
7 des coordinateurs et de leur roulement sur le terrain.
8 M. MIKULICIC : [interprétation] A cette fin, pourrions-nous passer à huis
9 clos partiel, pour un petit moment. Et j'aimerais demander l'affichage de
10 la pièce P487.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
13 partiel, Monsieur le Président.
14 [Audience à huis clos partiel]
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 25924
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page 25924 expurgée. Audience à huis clos partiel.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 25925
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 [Audience publique]
15 M. MIKULICIC : [interprétation]
16 Q. Monsieur Moric --
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience
18 publique.
19 M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
21 M. MIKULICIC : [interprétation]
22 Q. Monsieur Moric, vous avez, dans le cadre de vos fonctions, assisté et
23 participé à de nombreuses réunions au niveau du ministère. Vous aviez des
24 contacts avec l'administration de la police militaire. J'aimerais savoir si
25 vous avez jamais été informé lors de ces réunions d'un problème juridique
26 impliquant la sécurité, problème juridique pour ce qui était de la police
27 spéciale ? En d'autres termes, est-ce que l'on vous a jamais relaté que
28 leurs comportements auraient pu être associés à l'un ou l'autre des crimes
Page 25926
1 qui se sont déroulés dans le sillage de l'opération Tempête ?
2 R. Non, non, je ne me souviens pas avoir été informé de ce genre de chose.
3 Q. Mais vous, vous-même, au ministère ou dans votre bureau, est-ce que
4 vous avez reçu un rapport ou des récriminations ou des griefs à propos du
5 comportement de la police spéciale ?
6 R. Ni moi-même, ni mon personnel, n'avons jamais reçu ce type de rapport
7 ou de plainte.
8 Q. Est-ce que vous savez qu'à ce moment-là, ou immédiatement après l'année
9 1995, est-ce que vous savez si les membres de la police spéciale ont fait
10 l'objet de rapports d'enquête judiciaire, ou ont été accusés de crimes qui
11 auraient été commis dans les zones nouvellement libérées ?
12 R. Je me souviens que ce type de problème s'est posé, mais seulement pour
13 ce qui était de la police en uniforme qui, d'ailleurs, m'a énormément déçu.
14 Mais je ne me souviens absolument pas de ce dont vous m'avez demandé.
15 Q. Je vous remercie, Monsieur.
16 M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions à vous poser.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Mikulicic.
18 Maître Kehoe, vous êtes prêt ?
19 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, et d'ailleurs, cela
20 va être très, très bref.
21 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Kehoe :
22 Q. [interprétation] Monsieur Moric, hier, lors de votre interrogatoire, on
23 vous a demandé de faire une remarque ou une observation à propos de votre
24 ordre du 18, qui fait l'objet de la pièce D49. Donc, il s'agit de votre
25 ordre du 18.
26 M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais demander l'affichage à l'écran de ce
27 document.
28 Q. Il s'agit de ce que vous faisiez à propos des postes de contrôle, et
Page 25927
1 pour ce qui est donc de prendre de l'avant dans le cadre d'enquêtes.
2 M. KEHOE : [interprétation] Une fois de plus, j'aimerais demander
3 l'affichage de la page 2 pour la version anglaise, puisque c'est le
4 paragraphe numéro 2 qui m'intéresse.
5 Q. Monsieur Moric, donc des questions vous ont été posées sur la légalité
6 ou l'illégalité de cet ordre, et on vous avait demandé de faire des
7 observations, et j'aimerais maintenant vous demander donc de nous faire
8 d'autres observations à ce sujet.
9 R. Maître, l'ordre est tout à fait conforme aux dispositions de la Loi
10 relative aux affaires intérieures. Cette loi qui, me semble-t-il, a été
11 versée au dossier par Me Mikulicic, indique de façon très catégorique et de
12 façon absolument non ambiguë à l'article 10, si je ne m'abuse, quelles sont
13 les compétences et les responsabilités du ministère de l'Intérieur. En
14 d'autres termes, il s'agit de ce que l'Etat doit faire eu égard aux
15 questions relatives à la sécurité dans l'Etat.
16 Il est également indiqué que l'Etat supervise la situation ainsi que les
17 événements, les événements qui ont une incidence sur la sécurité, et prend
18 des mesures pour pouvoir mettre en œuvre la législation. Et par conséquent,
19 la responsabilité qui est conférée par la loi a également été prévue pour
20 l'administration de la police et pour les postes de police en utilisant
21 quasiment les mêmes termes, ce qui fait que de cette façon, la compétence
22 et les responsabilités de chaque maillon de la structure de la police dans
23 le pays a été défini par la loi.
24 Donc, vous avez d'un côté ceci qui permet la stabilité du système de
25 sécurité, et puis, par ailleurs, il y est également question d'une
26 obligation d'agir de façon proactive et de façon rétroactive également, à
27 tous les niveaux, aux trois niveaux. Ce qui signifie, dans la pratique, que
28 si à un niveau supérieur, une évaluation a été faite de façon assez
Page 25928
1 certaine et qu'au niveau inférieur on n'a pas été capable de superviser
2 l'évolution de la situation ou de prendre des mesures, ou si au niveau
3 inférieur, les mesures suffisantes n'ont pas été prises pour pouvoir
4 assurer de faire respecter le droit, au niveau supérieur, on doit réagir
5 soit de façon proactive ou soit on doit réagir.
6 Ce système précise de façon très claire la définition des responsabilités
7 pour ce qui est de l'application de la législation. Moi, en tant que
8 ministre assistant de l'Intérieur responsable de la police en uniforme, je
9 dois dire que j'étais également représentant de l'Etat. J'étais un
10 fonctionnaire qui s'acquittait de ses fonctions au troisième niveau, tel
11 que cela était prévu par la Loi relative aux affaires intérieures. Et je
12 dois dire que la loi indiquait ce qu'il fallait faire, et moi, je
13 supervisais l'évolution de la situation. Et sur la base des rapports, je
14 prenais des décisions relatives aux mesures qui devaient être prises pour
15 pouvoir faire respecter la loi et pour faire en sorte que la loi puisse
16 être mise en œuvre. Et cela, d'ailleurs, ne portait pas seulement sur les
17 territoires qui avaient été libérés par l'opération Tempête, mais cela
18 était valable pour l'ensemble du pays.
19 Pour ce qui était de mes activités proactives, je dois dire que cela
20 portait sur la préparation de 3 000 policiers qui ont été détachés. Je
21 m'excuse, j'avais fait référence au chiffre de 3 500 policiers. Donc, ce
22 n'est pas ce qui a été consigné au compte rendu d'audience. Je disais donc
23 qu'ils avaient été détachés auprès de l'administration de la police dans
24 les zones libérées. Et ce faisant, je dois dire que pour ce qui était des
25 frontières de l'Etat et de l'infrastructure pénale, je l'ai exposée en
26 quelques sortes à des risques, à des risques importants, parce qu'il faut
27 savoir que malheureusement, l'infrastructure avait été fréquemment la cible
28 d'attaques ou d'activités terroristes par la suite. Etant donnée que des
Page 25929
1 terroristes avaient franchi la frontière de l'Etat avec de grandes
2 quantités d'explosifs, et ils avaient ciblé lors de leurs attaques
3 terroristes les autoroutes, les lignes ferroviaires et ce type
4 d'infrastructures. Et cela s'est passé à 160 kilomètres de la zone la plus
5 proche qui avait été touchée par l'opération Tempête.
6 Donc ce faisant, j'ai exposé à de très hauts risques quelques quatre
7 millions d'habitants dans le pays, parce qu'il y a eu une augmentation du
8 taux de la criminalité à leurs dépends. Alors, je ne vais pas entrer dans
9 tous les détails pour vous expliquer tous les risques auxquels nous nous
10 sommes exposés en affectant ainsi 3 500 policiers, en les déployant. Je
11 souhaiterais me concentrer plutôt sur le territoire nouvellement libéré.
12 Sur ce territoire, je suivais également la situation et son évolution.
13 Sur la foi des rapports pour lesquels j'ai insisté, lorsque je
14 n'étais pas satisfait par le niveau de précision fourni par le rapport,
15 comme on a pu le voir d'ailleurs dans les documents, lorsque je n'étais pas
16 satisfait, je demandais que le rapport soit rédigé à nouveau. Et donc, sur
17 la foi de ces rapports, j'ai compris que les postes de police se trouvant
18 dans ce territoire étaient en train de suivre l'évolution de la situation
19 sur place et les événements qui s'y produisaient, mais qu'ils ne prenaient
20 pas suffisamment de mesures visant à l'application de la loi. J'ai
21 également compris que les directions de la police, elles aussi, suivaient
22 l'évolution de la situation et les événements, mais qu'elles ne prenaient
23 pas, elles non plus, des mesures suffisantes pour que la loi soit
24 appliquée. J'ai consulté des experts au sein de mon équipe. J'ai consulté
25 les directeurs des directions de la police, j'ai attiré leur attention sur
26 le fait qu'ils disposaient de plus de 5 000 [comme interprété] policiers,
27 qui étaient leurs effectifs propres, auxquels s'ajoutaient 3 500 policiers
28 supplémentaires. J'ai attiré leur attention sur le fait qu'ils disposaient
Page 25930
1 de 4 000 policiers sur un total de 11 000 dans l'ensemble de l'Etat.
2 J'ai également adressé des avertissements à la police militaire, à
3 mon propre ministre de tutelle, pour attirer leur attention sur de nombreux
4 faits et de nombreuses difficultés qui constituaient pour la police des
5 entraves dans la tâche qui était la sienne, à savoir, la prise et la mise
6 en œuvre de mesures idoines. J'ai demandé que l'on réinstalle les tribunaux
7 dans ce territoire, à ce moment-là, il n'y avait aucun tribunal pour juger
8 les crimes et les délits. Et j'ai déjà décrit la situation qui prévalait
9 dans ce territoire, juste après le conflit. C'était une situation typique
10 des situations qu'on trouve juste après un conflit, marquée par une grande
11 confusion et un grand désordre. Et j'ai compris qu'il ne fallait surtout
12 pas que nous nous exposions à de nouveaux risques, que ce soit sur le reste
13 du territoire de la Croatie ou sur les territoires nouvellement libérés
14 dans le cadre de l'opération Tempête.
15 Je me suis retrouvé alors dans une situation délicate. Qu'était-il possible
16 de faire de plus du point de vue d'un ajustement de la tactique utilisée
17 par les services de la police afin d'obtenir de meilleurs résultats ? Je me
18 suis posé cette question et j'ai pris des décisions. J'ai consulté mes
19 collaborateurs et mon ministre, et je les ai informés de cette décision que
20 j'avais prise, à savoir l'application de ce qui était considéré comme
21 prioritaire conformément à la loi.
22 Dans l'article 2 de la Loi sur les affaires intérieures, on trouve
23 une énumération des tâches incombant à la police. Dans l'ordre, l'on trouve
24 la première tâche, c'est la protection des personnes, par ordre de priorité
25 donc. La seconde tâche est la protection des biens de tous, de toutes les
26 personnes, c'est-à-dire qu'on a affaire ici à une catégorie universelle. La
27 troisième mission est la prévention des infractions au pénal. La quatrième
28 consiste à découvrir les auteurs d'infractions au pénal et de crimes.
Page 25931
1 Ensuite, on trouve une énumération d'autres tâches encore, mais qui sont
2 moins importantes pour les sujets qui nous intéressent ici.
3 Cette succession de priorités dans l'accomplissement des tâches qui
4 incombent à la police n'a pas été établie au hasard. Il s'agit d'un ordre
5 qui est tout à fait typique et propre à la nature même du travail de la
6 police. Même en temps de paix, la police a affaire simultanément à toutes
7 ces différentes missions qui ont été énumérées, et cela indépendamment de
8 l'ordre dans lequel on les considère. Cependant, de par l'organisation même
9 de tous les services de police au monde, il est tout à fait clair que la
10 protection des personnes, la protection des biens et la prévention de la
11 criminalité constituent les missions les plus importantes. C'est pourquoi
12 dans l'organisation de tous les services de police au monde, on trouve un
13 effectif pour les services de police de base qui est plusieurs fois plus
14 nombreux que celui des autres services de police qui peuvent être rattachés
15 au ministère de l'Intérieur.
16 Alors, face à la véritable avalanche d'attaques visant les personnes
17 et les biens des citoyens, et notamment les biens qui avaient été
18 abandonnés, face à cette avalanche d'événements à laquelle nous avons été
19 confrontés, j'ai compris que nous ne pouvions pas faire face à la situation
20 d'une façon qui nous aurait permis d'obtenir des résultats simultanément
21 sur tous les fronts, d'obtenir des résultats optimaux, et c'est la raison
22 pour laquelle j'ai envoyé des instructions et des ordres pour que la police
23 focalise son attention et ses activités, et consacre tous ses effectifs à
24 l'accomplissement des trois premières missions qui lui incombent en
25 application de la loi. Et pour rappel, il s'agit de la protection des
26 personnes, la protection des biens et de la prévention de la criminalité.
27 Après cela, nous trouvons également la quatrième priorité, qui est la
28 découverte des auteurs de crimes.
Page 25932
1 C'était donc la raison fondamentale pour laquelle j'ai pris cette
2 décision. Il s'agissait de protéger les personnes qui étaient sur place, de
3 protéger les vies de ceux qui étaient restés dans ce territoire. Il
4 s'agissait en second lieu de protéger d'innombrables biens qui avaient été
5 abandonnés, et il s'agissait pour nous tous de nous concentrer sur cette
6 tâche-là. Et c'est intentionnellement et tout à fait consciemment que j'ai
7 pris un risque, le risque d'avoir à apporter des explications tôt ou tard
8 concernant une façon de procéder qui était simplement fondée sur les
9 dispositions applicables de la loi. Mais fort heureusement, il s'est agit
10 d'une tentative couronnée de succès visant à ajuster la tactique qui
11 présidait aux activités des services de police afin que ces derniers
12 puissent être dirigés avec une précision quasiment chirurgicale, si vous me
13 permettez cette image, pour qu'ils puissent être amenés à intervenir avec
14 une grand précision dans les domaines qui étaient considérées comme
15 prioritaires.
16 Je pense que je me suis déjà peut-être étendu un peu trop. Mais il me
17 semble qu'hier, Mme le Procureur a cité des passages de la déposition de M.
18 Cetina. Mme le Procureur m'a alors dit que M. Cetina avait des doutes quant
19 à la légalité de cette décision qui était la mienne et de ce document qui
20 émanait de moi. Elle m'a demandé si j'en étais surpris. J'ai répondu que
21 j'étais surpris, mais c'est le moins que je puisse dire, à vrai dire.
22 En effet, M. Cetina était à la tête de la direction de la police de
23 Zadar-Knin. A l'époque où il a reçu ce document, et conformément au
24 règlement applicable à l'époque qui disposait des interactions au sein des
25 services de la police, des interactions entre agents et employés de la
26 police, il aurait eu l'obligation de m'informer qu'il avait des doutes
27 quant à la légalité de ce document qui émanait de moi. Or, il ne l'a pas
28 fait.
Page 25933
1 Par ailleurs, dans son rapport qu'il m'a remis le 23 ou le 24, et si
2 je me souviens bien, ce document a été versé par Me Kehoe la semaine
3 dernière, M. Cetina m'informe justement que la mise en application, la mise
4 en œuvre de mon ordre du 18 août, il est écrit dans son rapport de façon
5 très précise, noir sur blanc, L'exécution de votre ordre du 18 août a
6 permis une diminution très importante du nombre d'atteintes portées aux
7 biens qui avaient été abandonnés.
8 Pour finir, mis à part le fait que ce document est fondé sur les
9 obligations du ministère de l'Intérieur, obligations de suivre l'évolution
10 de la situation et les événements, et de prendre des mesures aux fins de
11 l'application de la loi, ce même document qui émane de moi et qui est daté
12 du 18 août contient également des éléments de critique tout à fait clairs,
13 et une évaluation tout à fait critique du travail des directions de la
14 police. En effet, il y est dit que ces dernières ont bien suivi l'évolution
15 de la situation et les événements sur le terrain, mais qu'elles ne l'ont
16 pas fait suffisamment parce qu'elles n'ont pas pris les mesures nécessaires
17 à l'application de la loi. Elles n'ont pas fait appel au troisième niveau
18 qui est le niveau le plus élevé, l'État, afin que ce dernier intervienne
19 pour sauvegarder la sécurité dans la zone. Dans leurs rapports, ces
20 directions de la police ont ensuite reconnu que le changement de tactique
21 qui avait été opéré dans le travail de la police a porté ses fruits et a
22 permis des améliorations significatives. Ils ont donc reconnu que c'était
23 quelque chose de pertinent et de justifié. Il n'y absolument aucune
24 indication dans ce document du 18 août qui permettrait de conclure que la
25 police n'était plus jamais censée se pencher sur les crimes commis avant la
26 date du 18 août. Au contraire, il ressort du contexte même de ce document
27 que la police avait l'obligation de diligenter des poursuites et de se
28 pencher sur ce même crime.
Page 25934
1 Et enfin, lorsqu'on a affaire à des milliers et des milliers de plaintes
2 qui sont déposées, il est tout à fait clair qu'on trouve parmi ces plaintes
3 également des plaintes déposées pour des crimes commis avant la date du 18
4 août, ne serait-ce que parce que les dépôts de plaintes ont eu lieu après
5 la date du 18 août, bien après la date où les crimes avaient été commis.
6 Aujourd'hui encore, je suis convaincu que nous avons bien agi et bien
7 travaillé, en nous fondant sur les articles 10 et l'article 2 ou l'article
8 3 de la Loi sur les affaires intérieures.
9 Q. Merci, Monsieur Moric.
10 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de
11 questions pour le témoin.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
13 Maître Mikulicic.
14 M. MIKULICIC : [interprétation] Juste pour rappel pour la Chambre, Monsieur
15 le Président, le document est le D1077. Il s'agit de la loi sur les
16 affaires intérieures. M. Moric se référait à l'article 1, paragraphe 2.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Moric, le Juge Kinis a quelques
20 questions à vous poser.
21 Questions de la Cour :
22 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Monsieur Moric, je souhaiterais vous
23 poser plusieurs questions sur différents sujets. Voici la première : la
24 Chambre a été saisi d'éléments de preuve indiquant que M. Cermak avait émis
25 plusieurs ordres adressés aux directions de la police, concernant la
26 limitation de la liberté de circulation, les vols de véhicules de l'ONURC,
27 la sécurisation des entrées du camp de l'ONU et les enquêtes à mener sur
28 différents crimes.
Page 25935
1 Alors, est-ce qu'en tant qu'assistant du ministre, vous avez jamais reçu
2 des instructions verbales ou écrites concernant la façon dont la police
3 était censée coopérer avec M. Cermak ?
4 Et avez-vous jamais fourni des instructions verbalement ou par écrit
5 aux directions de la police leur indiquant qu'elles étaient censées
6 coopérer avec M. Cermak et répondre également devant M. Cermak ou lui
7 envoyer des rapports ?
8 R. Monsieur le Juge, indépendamment de la confusion qui régnait à l'époque
9 et qui faisait qu'on assistait à un certain nombre de comportements dans le
10 monde politique, je n'ai jamais reçu le moindre ordre écrit, ni du bureau
11 du président de la République de Croatie ni de mon gouvernement ni de mon
12 propre ministre de tutelle indiquant que le général Cermak aurait eu la
13 moindre attribution en matière de police civile.
14 Lorsque Mme le Procureur m'a interrogé hier et m'a présenté ce
15 laissez-passer pour lequel M. Cermak avait conçu le dessein de pouvoir
16 l'émettre lui-même ou que son propre personnel aurait pu peut-être émettre
17 de tels laissez-passer, j'ai répondu, j'ai dit la colère qui avait été la
18 mienne lorsque j'ai vu ce laissez-passer. Mais j'ai également dit que je
19 n'avais pas vu le document qui était lié au témoin protégé et qui était
20 relié à cette question de laissez-passer. Parce que si j'avais pu voir ce
21 document, si j'en avais eu connaissance, cette personne, ce témoin protégé
22 aurait été poursuivi en vertu de sa responsabilité disciplinaire dans le
23 cadre du système dans lequel il intervenait.
24 Donc en application de la Loi sur les affaires intérieures, et en se
25 fondant sur la façon dont fonctionnaient nos services et dont nous
26 collaborions et la façon dont les services de police étaient dirigés, je
27 peux dire que M. Cermak n'avait pas accès à ce système.
28 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Mais comment expliquez-vous alors que
Page 25936
1 la police ait obéi à ses ordres et se soit comporté en conformité avec eux,
2 par exemple, en procédant à la sécurisation de certaines entrées ou
3 certains postes. Il y avait également une question concernant les laissez-
4 passer et ce à quoi s'attendait M. Cipci. Il y avait d'autres cas
5 également.
6 R. Madame et Messieurs les Juges, la police reçoit des informations
7 concernant les problèmes de sécurité qui se présentent dans un territoire
8 donné, et ce, de façon différente en provenance de toutes les catégories
9 possibles de citoyens. Je pense personnellement que ces documents qui
10 étaient envoyées par M. Cermak à la police ont été interprétés comme suit :
11 ils ont été considérés comme des sources d'information portant sur certains
12 problèmes précis. En revanche, lorsqu'on parle de la sécurisation de
13 certaines installations ou de certains lieux, sécurisation qui était
14 demandée par M. Cermak et à laquelle il a été procédé par la police,
15 manifestement dans ce cas-là, il existait de bonnes raisons pour sécuriser
16 ces installations; parce que dans la situation que je vous ai décrite
17 précédemment, il aurait été insensé de la part du commandant de la police à
18 l'échelon local de "gaspiller" ces effectifs, ces ressources humaines en
19 les affectant à la résolution de problèmes secondaires ou sans importance.
20 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Vous voulez dire que le fait de
21 sécuriser un cimetière constitue une tâche très importante dans le cadre du
22 travail de la police, le fait de restreindre ou d'empêcher l'accès
23 d'observateurs internationaux à un tel cimetière ?
24 R. S'il existe pour cela des raisons ayant trait à la sécurité, oui. Moi,
25 je ne m'en souviens pas et je ne suis pas au courant, mais s'il existe des
26 raisons ayant trait à la sécurité comme, par exemple, le déminage d'une
27 zone dans le cimetière ou autour du cimetière, ou s'il existe d'autres
28 raisons également liées à la sécurité, oui, c'est tout à fait pertinent.
Page 25937
1 Dans le cas contraire, ça ne l'est pas.
2 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Mais cela ne concerne que l'inhumation
3 de corps. Il ne s'agit pas simplement de retrouver des engins explosifs.
4 S'agit-il donc d'une tâche importante pour la police, suffisamment
5 importante pour qu'elle ait à se conformer à de telles instructions ?
6 R. S'il s'agit d'une inhumation ordinaire qui n'a aucune connotation en
7 terme de sécurité, ni aucune conséquence, dans ce cas-là, la police ne
8 devrait pas intervenir.
9 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Mais pourtant, la Chambre a été saisie
10 d'éléments de preuve indiquant que de telles interventions de la police ont
11 bien eu lieu. Je parle de la sécurisation des cimetières de Gracac et de
12 Knin.
13 R. Monsieur le Juge, à partir de ma position, celle d'une personne qui
14 dirigeait les services de police dans tout le pays, j'ai dit de façon très
15 claire quand, selon moi, les services de police auraient dû intervenir dans
16 un tel contexte et quand ils n'auraient pas dû le faire.
17 Si des raisons ayant trait à la sécurité étaient bien en jeu, je
18 comprends que c'est la raison pour laquelle la police a été présente. Et si
19 ces raisons n'étaient pas là, alors, il n'y a pas de raison permettant
20 d'expliquer la présence de la police, s'il n'y avait pas de risque en terme
21 de sécurité.
22 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Ma dernière question se rapporte au
23 très petit nombre de crimes commis dans la zone de Knin qui ont été
24 signalés à la police judiciaire de Zadar-Knin, bien que d'autres éléments
25 de preuve indiquent que de nombreux observateurs internationaux aient
26 signalé et transmis des informations concernant les infractions et les
27 crimes commis à la police pratiquement quotidiennement.
28 La Chambre a également été saisie d'éléments de preuve indiquant que
Page 25938
1 juste après l'opération Tempête, des équipes chargées du ratissage, y
2 compris des éléments de la police judiciaire, avaient collecté des restes
3 humains mais les avaient ensuite placés dans des housses en plastique et
4 chargés à bord de camions et qui ont ensuite été emportés. Le registre de
5 la police de Knin dans lequel ces corps ont été enregistrés --
6 Alors, en se fondant sur ce qui vient d'être rappelé, il y a des
7 éléments indiquant que certains éléments ont pu ne pas être signalés à la
8 police judiciaire, des éléments d'information qui concernaient des
9 incidents qui se sont produits juste après l'opération Tempête. Je
10 m'intéresse à cela, parce que, conformément à votre ordre du 18 août, ce
11 qu'on trouve aux paragraphes 2 et 4 notamment, il y a des indications, des
12 instructions qui sont fournies quant aux actions qui étaient censées être
13 entreprises après.
14 Alors, avez-vous une explication par rapport à cela ?
15 R. Monsieur le Juge, pour autant que je sache, les équipes qui se sont
16 occupées de l'assainissement du terrain du territoire en question ont été
17 organisées d'après des normes du droit international se trouvant dans des
18 conventions internationales.
19 Et au sein de ces équipes, il y avait des techniciens de la police
20 judiciaire dont les tâches étaient de procéder sur les lieux de crimes à
21 l'analyse des causes des décès des victimes, et ensuite, de lancer la
22 procédure au sein de la police, ou lancer la procédure pour ce qui est de
23 s'occuper des dépouilles, des cadavres.
24 Dans des cas que vous venez de décrire, pour autant que je sache, les
25 techniciens de la police judiciaire ont procédé à l'identification des
26 victimes aussi. Et si l'identification n'a pas été possible, les
27 techniciens de la police judiciaire prélevaient des indices pour pouvoir
28 procéder à l'identification des victimes ultérieurement. Comme vous le
Page 25939
1 voyez, je ne suis pas initié à ces activités en détail, parce que la police
2 judiciaire ne faisait pas partie des forces de police opérationnelles.
3 Pour ce qui est de votre question pour savoir si mon document du 18
4 août aurait pu être interprété ou compris de cette façon, Monsieur le Juge,
5 je pense que quand on se penche sur le document, on peut voir, on peut
6 conclure qu'aucunement ce document n'a pu concerner ces cas, parce que dans
7 ce document, les attaques et les atteintes à la vie humaines n'ont pas du
8 tout été mentionnées. L'atteinte à la vie, à savoir la protection de la vie
9 humaine, d'après la loi, est la priorité première pour ce qui est des
10 activités de la police. Et dans mon document, il n'y a pas de référence à
11 l'atteinte ou à la protection de la vie humaine.
12 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Est-ce que qui que ce soit a
13 donné l'ordre pour que de telles informations soient seulement transmises
14 aux équipes de l'assainissement, et non pas de procéder aux enquêtes ?
15 Comment la police, si elle n'a pas mené des enquêtes sur les lieux du
16 crime, a pu distinguer des victimes du conflit militaire, des victimes qui
17 sont mortes parce qu'elles ont été victimes des activités criminelles ?
18 Est-ce qu'il y a eu des critères selon lesquels on a pu procéder à une
19 telle distinction sur les lieux du crime ? Est-ce qu'il y a eu suffisamment
20 d'informations transmises aux équipes de l'assainissement du terrain ?
21 R. Pour ce qui est de ces critères de ce type, cela n'existe pas dans la
22 pratique des activités de la police.
23 Je pense que, malheureusement, cela se base sur des évaluations des
24 experts policiers, indépendamment du fait s'ils travaillent dans un secteur
25 de la police ou dans un autre.
26 Et dans ces cas, je pense que les opinions du technicien de la police
27 judiciaire ont été déterminantes, qui a été formé pour le faire et qui
28 aurait dû, sur la base des indices sur les lieux de crimes et sur la base
Page 25940
1 des liens établis sur place, conclure s'il s'agissait des victimes
2 d'infractions pénales graves ou de victimes dont la mort a été causée par
3 d'autres activités.
4 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Seriez-vous d'accord avec moi pour dire
5 qu'une telle méthode aurait pu être utilisée comme étant la méthode pour
6 dissimuler certaines choses ?
7 R. Dans des cas isolés, je suppose que cela aurait pu être le cas. Mais je
8 n'admets pas que dans le contexte qui était le nôtre, et avec de telles
9 intentions qui étaient les nôtres sur place, je n'admets pas que cela
10 aurait pu être fait de façon organisée, que quelqu'un aurait pu décider
11 dans quel cas cela aurait dû être dissimulé ou pas.
12 Et malheureusement, dans la police, même en temps de paix, il peut
13 arriver qu'il y ait des évaluations erronées, et on ne peut pas exclure que
14 quelqu'un aurait pu abuser de cela.
15 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] J'ai une dernière question pour vous.
16 La Chambre a également reçu des moyens de preuve disant que la police
17 parfois confisquait des biens mobiliers possédés par certains civils pour
18 les placer sous le contrôle de la police.
19 Pourtant, la Chambre a reçu des moyens de preuve également indiquant que
20 cela n'a pas toujours mené à une procédure au pénal.
21 Savez-vous ce qui s'est passé pour ce qui est de ces objets qui ont
22 été saisis ou confisqués, s'il n'y avait pas eu de procédure au pénal ?
23 Est-ce que la police a rendu ces objets à des gens ?
24 R. Dans le système de police dans mon pays, les objets saisis doivent être
25 enregistrés en appliquant une procédure particulière, et il a fallu les
26 utiliser à un stade ultérieur en tant que moyens de preuve. C'était une
27 procédure habituelle pour ce qui est de ces objets saisis.
28 La semaine dernière, on a pu voir qu'il y avait des situations où la
Page 25941
1 police s'est débrouillée difficilement, et cela dépendait des types
2 d'objets saisis et de leur quantité. Lorsqu'on n'a pas pu identifier le
3 propriétaire de ces objets, lorsque dans la police il y a eu des quantités
4 d'objets variés, et lorsque ces objets n'ont pas pu être utilisés dans des
5 procédures au pénal, ou lorsqu'on n'a pas pu identifier les propriétaires
6 de ces objets, et cela arrive aujourd'hui également, donc alors, à l'époque
7 on appliquait la procédure suivante. On procédait aux enchères publiques
8 pour vendre ces objets, et l'argent perçu de cette façon a été versé au
9 budget d'Etat.
10 Mais tout cela était public. Tout le monde a pu savoir quels objets
11 et à quels endroits ils allaient être vendus.
12 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Avez-vous eu des instructions
13 particulières concernant la procédure pour ce qui est des objets
14 provisoirement confisqués ? Est-ce que vous avez eu des instructions eu
15 égard à l'enregistrement de ces objets eu égard aux enchères, pour les
16 vendre ou pour les rendre à des propriétaires auxquels ils ont été pris ?
17 R. Monsieur le Juge, je crois qu'il y a eu des instructions particulières,
18 mais ces instructions ne faisaient pas partie des instructions selon
19 lesquelles procédait la police en uniforme. C'est pour cela que je ne
20 connais pas cela en détail, et je ne suis pas en mesure de répondre
21 précisément à vos questions.
22 Ce sont des instructions qui ont été reçues par les membres du
23 secteur de la police s'occupant de la logistique et des affaires
24 juridiques.
25 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Par exemple, il y a eu de telles
26 situations avant le départ de Knin -- avant le départ du train de Knin
27 allant à Split. La police a pris aux passagers un grand nombre d'objets
28 divers, et jusqu'ici, personne ne nous a expliqué ce qui s'était passé pour
Page 25942
1 ce qui est de ces objets, parce qu'il est difficile de comprendre une telle
2 situation. Si on a permis à des gens de revenir chez eux à Split, et si
3 quelqu'un a pu ouvrir une enquête.
4 Si j'ai bien compris, tous ces objets et ont été rassemblés en un
5 endroit, et j'aimerais savoir ce qui s'est passé par la suite pour ce qui
6 est de ces objets saisis ?
7 R. Monsieur le Juge, si vous parlez des objets qui auraient dû être
8 présentés en tant que moyens de preuve pour ce qui est des infractions au
9 pénal qui ont été commises ou allaient être commises, parce que c'est le
10 seul cas où la police ait pu saisir des objets. Donc si c'était le cas, ces
11 objets auraient dû être enregistrés selon la procédure habituelle en
12 remplissant une sorte de plainte au pénal contre la personne à laquelle ces
13 objets ont été pris.
14 C'était la procédure habituelle, mais je n'exclus pas malheureusement
15 que peut-être quelqu'un parmi les policiers ait pu abuser de cette
16 situation.
17 Lors de mon témoignage ici, vous avez pu voir que j'ai dû être confronté à
18 des situations qui étaient pour moi des situations où j'étais déçu, quand
19 M. Cetina m'a informé qu'un certain nombre de policiers ont été appréhendés
20 parce qu'ils ont commis des infractions pénales. Mais nous avons pu
21 également voir dans les documents qui m'ont été présentés pendant mon
22 témoignage, que j'ai suivi la situation ainsi que les phénomènes qui
23 apparaissaient dans ce territoire selon les dispositions de la loi, et que
24 j'ai donné l'ordre spécial, les instructions spéciales concernant le
25 système de roulement des effectifs de la police, et qu'il a fallu prêter
26 une attention particulière à des essais éventuels des personnes qui
27 retournaient de ce territoire à des endroits où ils travaillaient
28 habituellement, qu'ils n'essaient pas de prendre avec eux des objets
Page 25943
1 d'autrui, et qu'il a fallu, dans de telles situations, ouvrir une procédure
2 disciplinaire et procéder à une suspension de telles personnes.
3 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Si j'ai bien compris votre réponse,
4 toutes les activités qui ont suivi pour ce qui est des objets pris à des
5 différentes personnes, tout cela relevait de la compétence du département
6 logistique ou des affaires juridiques que vous avez mentionné, et non pas
7 de la compétence de la police de base.
8 Ai-je bien compris votre réponse ?
9 R. Monsieur le Juge, j'ai peur que je n'ai pas bien compris votre question
10 non plus. Je pense qu'on a parlé de deux choses distinctes.
11 La première chose, c'est la procédure appliquée dans des situations où des
12 objets ont été saisis pour servir dans une procédure au pénal en tant que
13 moyen de preuve. La deuxième chose, c'est la procédure appliquée pour ce
14 qui est des objets qui ont été saisis à la personne qui n'est pas le
15 propriétaire des objets, et si on a des indices qui --
16 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Je parle de ce deuxième type de cas où
17 il y a des allégations selon lesquelles - ce sont des situations où les
18 personnes ne peuvent pas prouver que des objets leur appartiennent et que
19 la police les saisit. Qu'est-ce qui se passe par la suite ? Quelle est la
20 procédure à être appliquée dans de tels cas ?
21 R. Dans ce deuxième type de cas, lorsqu'il n'est pas possible de trouver
22 le propriétaire des objets, on attend une certaine période de temps pour
23 voir si le propriétaire ne vienne pour demander ses objets. Je pense que
24 cette période de temps est prévue par la loi, mais je ne me souviens pas de
25 tous ces délais.
26 Une fois le délai expiré, et si le propriétaire n'apparaît pas, on
27 procède à des enchères en public, ce dont j'ai déjà parlé, donc des
28 enchères en public. Donc on annonce les enchères en public en temps utile
Page 25944
1 pour que toutes les personnes intéressées puissent se présenter aux
2 enchères. Si je me souviens bien de cette procédure ou des principes
3 régissant cette procédure, le propriétaire des objets, le propriétaire
4 légitime a pu se présenter avant les enchères ou durant les enchère
5 publiques. Pourtant, cela relevait de la compétence des services
6 logistiques et des affaires juridiques, et non pas de la compétence de la
7 police de base, la police en uniforme.
8 M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Merci, Monsieur Moric, de vos réponses.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Moric, dans votre déclaration,
10 vous avez dit, et je vais lire cette partie de votre déclaration, vous avez
11 dit :
12 "Les commandants militaires n'avaient pas d'autorité ni de compétences pour
13 ce qui est de la police civile. Des tentatives isolées des militaires pour
14 le faire n'ont eu aucun effet juridique sur les actions de la police."
15 Donnez-nous des exemples de ces cas isolés ou de ces tentatives isolées,
16 parce que vous avez fait référence à ces "tentatives isolées".
17 R. Monsieur le Président, j'ai parlé des situations où le personnel de la
18 police civile a reçu des demandes orales des commandants militaires se
19 trouvant au sein de compagnies, de régiments, qui, de temps en temps, ont
20 demandé à des chefs de la police civile d'exécuter un acte opérationnel, de
21 faire quelque chose concernant le contrôle de la circulation routière.
22 Et dans ces cas, ils ont utilisé leur autorité militaire.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'est pas tout à fait clair ce que
24 vous avez dit dans la dernière partie de votre réponse.
25 Est-ce que vous dites que dans de telles circonstances, la police
26 aurait agit ou n'aurait pas agit après avoir reçu des ordres des
27 commandants militaires ?
28 R. Bien sûr, il s'agit toujours des évaluations faites par la police. Et
Page 25945
1 je ne crois pas que la police aurait dû faire cela parce qu'un commandant
2 militaire a demandé que cela soit fait. Mais je n'exclus pas que dans
3 certains cas, certains membres du personnel de la police, en respectant
4 l'autorité des commandants militaires, auraient fait quelque chose qui lui
5 a paru, à ce moment-là, comme quelque chose qui a été une action ayant une
6 fin ou un sens.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cela aurait été en conformité avec
8 les demandes de commandants militaires, ou avec leurs ordres ?
9 R. Probablement, si la police civile a également estimé que cette action
10 allait être une action appropriée ayant un sens.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous citer un exemple d'une telle
12 situation qui s'est réellement passé ?
13 R. Je ne peux pas vous donner d'exemple concret, Monsieur le Président,
14 mais je peux vous décrire une situation réelle en essayant de donner à
15 titre d'illustration un exemple.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans votre réponse, vous n'avez pas
17 voulu faire référence à des ordres donnés par M. Cermak, qui, et cela, au
18 moins de façon formelle, représentait l'autorité militaire, donc vous
19 n'avez pas eu l'intention de faire référence à des ordres que lui a donnés
20 à la police.
21 R. Monsieur le Président, vu que j'ai vu ces documents lors de la séance
22 de récolement pour mon témoignage, je peux vous parler de ces documents en
23 tant qu'exemples de ces situations.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc, vous considérez que ce sont
25 des exemples de ces situations auxquelles vous avez fait référence ?
26 R. Oui. Cela pourrait être un exemple, lorsque j'ai répondu à votre
27 question il y a quelques instants pour ce qui est de la demande de M.
28 Cermak pour assurer la sécurité de certains bâtiments. Par conséquent, si
Page 25946
1 la police civile a considéré qu'assurer la sécurité de certains bâtiments
2 était nécessaire et approprié, cela aurait pu se passer. Et seulement dans
3 des cas où moi-même et mon personnel n'avons pas été informés de cela. Mais
4 dans d'autres cas où nous avons été informés de cela, dans la plupart des
5 cas, cela ne se serait pas passé.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez dit que ce qui a été
7 demandé, ordonné, proposé, pour utiliser d'autres termes pour décrire de
8 telles situations, lorsqu'on a demandé à la police de faire quelque chose,
9 la police a analysé ces demandes, ces désirs ou ces ordres pour voir s'il
10 allait être utile de procéder ainsi. Et si vous avez été informé là-dessus,
11 cela ne s'est pas passé.
12 R. Je m'excuse. J'ai été maladroit en expliquant cela. Cela ne concerne
13 pas la forme du document où on voit le mot "j'ordonne" parce qu'à l'époque,
14 j'étais informé du fait que la police recevait des documents où on voyait
15 l'expression "j'ordonne." Si j'avais été informé de tels documents,
16 j'aurais demandé à la police de considérer ces documents comme étant des
17 informations reçues par des citoyens. Et d'autre part, j'aurais informé M.
18 Cermak du fait que de tels documents auraient dû être traités comme étant
19 des informations fournies par des citoyens.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien que le résultat ait pu être le
21 même, les actions ont été exécutées d'après des demandes. Je veux dire que
22 pour ce qui est de l'ordre pour lequel vous avez dit qu'il ne s'agissait
23 pas d'un ordre, dans de telles situations, la police aurait agi d'après le
24 contenu de ce document, si la police a considéré que cela allait être
25 approprié comme action.
26 R. Je suis d'accord avec vous. Si la police civile considère que de telles
27 actions ont un sens et sont appropriées, oui, mais seulement si cela est en
28 conformité avec des attributions et des compétences de la police prévues
Page 25947
1 par la loi. Sinon, dans le cas contraire, cela ne peut pas être fait.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Les chefs de la police ou ceux qui
3 commandent les activités de la police, est-ce que ces personnes auraient pu
4 être au courant du fait qu'ils n'ont pas été censés suivre les ordres de M.
5 Cermak parce que lui, il n'a pas été autorisé à donner des ordres à la
6 police vu sa position ?
7 R. Monsieur le Président, selon la loi qui prévoit les compétences, les
8 attributions et pour ce qui est de l'organisation du ministère de
9 l'Intérieur d'un côté, et du ministère de la Défense, à savoir de l'armée
10 croate de l'autre côté, tous les officiers de la police civile, ont compris
11 que les attributions et les compétences sont différentes. Et pour ce qui
12 est de l'incompatibilité de certaines fonctions ou de certaines
13 attributions, cela n'a pas pu être fait parce que la loi disposait que cela
14 n'a pas été possible, à savoir qu'il n'a pas pu y avoir de chevauchement de
15 compétences, d'interférence de compétences entre deux entités.
16 Monsieur le Président, moi-même, à une ou deux occasions, pour ce qui est
17 d'autres tâches, d'autres activités - je cite cela à titre d'exemple pour
18 vous dire dans quelles conditions on a travaillé - donc à une ou deux
19 occasions, j'ai vu des documents militaires concernant des activités
20 exécutées sur le territoire lors de l'opération Eclair, et personne ne m'a
21 informé de ces documents.
22 Par contre, il y avait des maladresses pour ce qui est de l'exécution
23 de certaines tâches sur la base de ces documents. Et parfois, il y avait
24 donc des situations où on a procédé de façon maladroite, pas habile, et
25 c'est pour cela qu'à tous les échelons de la hiérarchie, il a fallu prendre
26 des mesures conformément à la loi.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais poser une question de
28 suivi à la suite d'une des questions de M. le Juge Kinis. Il s'agissait, en
Page 25948
1 fait, du cimetière et de ne pas autoriser l'accès aux membres des
2 organisations internationales, alors qu'il y avait une demande qui avait
3 été faite ou un ordre qui avait été donné ou une consigne qui avait été
4 donnée pour assurer en quelque sorte la sécurité du cimetière. Mais dans le
5 cadre des services de la police, si ce type de demande avait été mis en
6 œuvre, est-ce que vous n'auriez pas eu quelques problèmes à comprendre
7 l'objectif de l'exercice ? Donc, est-ce que vous pourriez nous aider et
8 nous permettre de comprendre pourquoi alors cette mesure a été prise ?
9 Donc là, je vous parle d'une situation où il y a une demande ou un
10 ordre, quelque soit d'ailleurs le terme que vous souhaitez utiliser, mais
11 un ordre ou une demande a été donné par l'autorité militaire tel que par
12 exemple représenté par M. Cermak. Et s'il est véritablement difficile de
13 comprendre quel est l'objectif de la police, donc par conséquent, c'est un
14 peu ce que vous avez dit auparavant; vous aviez dit qu'il était difficile
15 de comprendre qu'il serait logique d'agir de la sorte.
16 Est-ce que vous pourriez nous permettre de comprendre pourquoi
17 toutefois dans ces circonstances bien précises, la police avait agi
18 conformément à cette demande, ordre - quelque soit le terme que vous
19 retenez - qui avait été donné par l'autorité militaire ?
20 R. Monsieur le Président, si quelqu'un de la police civile doit s'occuper
21 d'une zone donnée, et si cette personne estime qu'il existe des risques de
22 sécurité, quels qu'ils soient d'ailleurs, ou si la personne fournit les
23 raisons --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien. Non, mais là maintenant, je
25 vous parle d'une situation qui est telle que l'on connaît les circonstances
26 et que l'information qui a été donnée est telle que personne ne peut, en
27 quelque sorte, identifier s'il y a véritablement des risques pour la
28 sécurité, ou si la personne ne peut pas véritablement déterminer la raison
Page 25949
1 qui sous-tend l'ordre qui a été donné. Je vous parle de ce type de
2 situation. Si toutefois, dans ces circonstances, la police a agi
3 conformément à ce qui avait été demandé, est-ce que vous pourriez nous
4 permettre de comprendre pourquoi alors la police aurait agi de la sorte ?
5 R. Monsieur le Président, je regrette car je ne peux pas véritablement
6 vous être très utile. Moi, je n'aurais pas agi dans la situation que vous
7 décrivez. Mais la réponse à cette question ne pourra vous être apportée que
8 par une personne qui s'occupe d'une force de police dans une zone bien
9 précise.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de vos réponses.
11 J'aimerais savoir, Madame Mahindaratne, si vous souhaitez poser d'autres
12 questions.
13 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, qu'en est-il ?
15 M. MIKULICIC : [interprétation] Non, je n'ai pas de questions.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay.
17 M. KAY : [interprétation] J'ai une ou deux questions à poser à la suite des
18 questions que vous avez posées, que les Juges ont posées. Je pense que le
19 mieux serait peut-être que je les pose après la pause.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais vous avez besoin de combien
21 de temps, Maître ?
22 M. KAY : [interprétation] J'ai besoin de moins de dix minutes.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'interroge. Alors, si c'est moins de
24 dix minutes, peut-être que nous pourrions faire la pause plus tard, et
25 ainsi M. Moric pourrait disposer.
26 Je me tourne également vers les cabines d'interprètes.
27 Pas de réaction. Donc je vous accorde cinq minutes supplémentaires, Maître.
28 Poursuivez.
Page 25950
1 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie.
2 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Kay :
3 Q. [interprétation] Monsieur Moric, j'aimerais juste vous demander une
4 petite précision à propos du cimetière. Et une supposition a été avancée.
5 Il a été dit qu'il ne pouvait pas y avoir de raison considérée comme
6 raisonnable qui expliquerait pourquoi il fallait mettre un périmètre de
7 sécurité autour du cimetière. Et vous-même, vous avez dit d'ailleurs : "Je
8 n'en connais pas la raison." Vous avez fait référence à des mines, vous
9 avez dit qu'il s'agissait peut-être d'un problème de sécurité, vous nous
10 avez dit qu'il fallait peut-être poser la question aux policiers qui
11 avaient participé à cette opération.
12 Alors, j'aimerais maintenant vous présenter un scénario, un scénario
13 d'ailleurs qui vous permettrait peut-être de comprendre les raisons, les
14 raisons évoquées pour la sécurité.
15 Alors, à l'époque du conflit, il y a conflit, il y a ce conflit qui
16 oppose les Serbes et les Croates à l'époque, et j'aimerais savoir si
17 pendant ce conflit il y a eu des exemples d'églises ou de sites religieux
18 ou de monuments religieux qui correspondaient à la confession de l'autre
19 groupe ethnique. Est-ce que donc ces monuments ou ces églises religieux
20 étaient susceptibles d'être attaqués ou endommagés ?
21 R. Je m'excuse, je m'excuse, Maître, je n'avais pas compris que vous
22 aviez terminé votre question. Oui, oui, bien sûr, bien sûr qu'il y a eu des
23 cas d'attaques contre des églises, et malheureusement contre des cimetières
24 également et lors d'obsèques également, lors de cérémonies d'enterrement.
25 Mais toutefois, Maître, la Chambre de première instance m'avait posé
26 cette question. Elle m'avait dit qu'il n'y avait pas de raison. C'est la
27 raison pour laquelle j'avais indiqué qu'il serait plus judicieux de poser
28 la question à la personne qui dirigeait la police à l'époque, dans le
Page 25951
1 secteur en question.
2 Q. Oui, je comprends tout à fait la réponse que vous avez apportée,
3 puisqu'on vous a dit qu'il n'y avait pas de raison.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, Maître Kay, vous avez dit
5 que cela a été suggéré.
6 M. KAY : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas eu de suggestion qui a été
8 faite et on n'a pas suggéré qu'il n'y avait pas de problème de sécurité en
9 cas d'enterrement d'ailleurs. Cela n'a absolument pas été un élément
10 imprécis dans ma question.
11 Voilà. Maintenant que cela a été précisé, est-ce que vous avez une autre
12 question à poser ?
13 M. KAY : [interprétation] Ecoutez, je me contentais de lire le compte rendu
14 d'audience, Monsieur le Président.
15 Q. Alors, j'aimerais vous poser -- ou revenir sur une ou deux questions de
16 M. le Juge Kinis parce que je pense que vous avez répondu seulement
17 partiellement à sa question, parce qu'il vous avait demandé quelque chose
18 de précis.
19 Il vous avait demandé si vous avez jamais reçu de la part du
20 président du gouvernement des instructions verbales sur la façon dont la
21 police devait coopérer avec M. Cermak.
22 Vous avez répondu en disant que vous n'aviez jamais reçu
23 d'instructions écrites. Soit. Mais est-ce que vous avez reçu des
24 instructions verbales alors de la part du gouvernement ou du président ?
25 Est-ce qu'elles vous ont été relayées oralement, ces instructions ?
26 R. Maître, non, je n'ai reçu ni d'instructions écrites ni d'instructions
27 orales à propos d'une coopération éventuelle avec M. Cermak. Pour ce qui
28 est de la sécurité interne, vous savez, ce n'était pas un protagoniste très
Page 25952
1 important en matière de sécurité dans la zone.
2 Q. Je vous remercie. Et puis autre chose, une autre question qui vous a
3 été posée par M. le Juge Kinis. Et là encore, la question était à double
4 volets puisqu'il vous a demandé si vous avez jamais fourni des instructions
5 écrites ou orales aux administrations de la police pour qu'elles coopèrent
6 avec M. Cermak, et pour que la police soit considérée comme redevable vis-
7 à-vis de M. Cermak et qu'elle doive présenter des rapports à M. Cermak.
8 Donc M. le Juge Kinis était intéressé par cela. Il voulait savoir si
9 vous aviez donné des instructions écrites ou orales à ce sujet.
10 R. Maître, il n'y avait aucune raison précisée par la loi. Il n'y avait
11 aucune raison qui m'aurait poussé à le faire. Il n'y avait pas de raison
12 professionnelle non plus d'ailleurs. Alors, ça n'avait absolument rien à
13 voir avec la police et leurs tâches.
14 M. Cermak, ce n'était pas quelqu'un qui faisait partie de la police.
15 Il n'était pas en mesure d'effectuer ces tâches, il n'avait pas de
16 l'autorité pour le faire.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je pense que Me Kay vous a
18 demandé si lorsque vous avez répondu à la question qui vous avait été posée
19 à propos des instructions ou des consignes écrites, il voulait savoir
20 également si vous avez donné des instructions orales. C'est cela en fait
21 qu'il vous a posé.
22 N'est-ce pas, Maître Kay ?
23 M. KAY : [interprétation] Tout à fait, mais d'après la réponse du témoin,
24 je comprends qu'il a répondu également à la question que j'avais posée.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non seulement vous n'avez pas donné
26 d'instructions écrites, mais vous n'en avez pas non plus donné verbalement;
27 c'est ça ? A ce sujet ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.
Page 25953
1 M. KAY : [interprétation] Voilà. Je n'ai plus de questions à poser,
2 Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kay.
4 Monsieur Moric, vous êtes arrivé au terme de votre déposition. Vous avez
5 passé plusieurs jours en notre compagnie. Je vous remercie d'être venu à La
6 Haye. Je vous remercie d'avoir répondu à toutes les questions qui vous ont
7 été posées par les parties et par les Juges. Je vous souhaite un bon retour
8 chez vous.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais remercier
10 les parties, vous-même, le personnel du Tribunal qui s'est occupé de moi.
11 Je suis venu ici parce que j'étais obligé de venir. Je dois dire que je
12 suis venu avec certains préjugés, mais je suis heureux de vous dire que je
13 pars sans plus aucun préjugé, grâce à vous, Monsieur le Président, et grâce
14 à la Chambre de première instance et la façon dont vous travaillez.
15 Merci beaucoup.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 Nous allons lever l'audience et nous allons avoir notre pause de 25
18 minutes, pause traditionnelle. Donc nous allons reprendre l'audience à 11
19 heures 15.
20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 47.
21 --- L'audience est reprise à 11 heures 23.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay.
23 M. KAY : [interprétation] Je m'excuse. Je m'excuse, mais j'ai été informé
24 par l'un des juristes de la Chambre que pour ce qui est des versements
25 directs lors de mon contre-interrogatoire de M. Moric, j'avais demandé le
26 versement direct de documents, documents qui portent sur l'année 1995 et
27 sur Knin. Donc cela a été fait. Je l'ai montré aux parties d'ailleurs, et
28 il n'y a pas eu de problème. Et ce que je suggère, c'est qu'en fait -- bon,
Page 25954
1 il s'agit de six documents qui ont été compilés en un tableau, et avec
2 l'autorisation de la Chambre, nous pourrions le déposer maintenant avec, au
3 lieu des cotes 2D, les cotes des pièces à conviction.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu. Nous prendrons une
5 décision au moment où nous nous serons penchés sur ce document et nous
6 verrons si les documents en question peuvent tout à fait être versés au
7 dossier.
8 M. KAY : [interprétation] Oui, bien entendu. Je n'ai pas d'objection, mais
9 il n'y a pas eu d'objection.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, je le sais. Mais nous n'avons
11 pas vu le tableau d'explication, et ce que nous avons reçu, c'est un
12 tableau où il est dit : Voilà ce qui a été dit par telle partie, voilà ce
13 qui a été dit par telle autre partie. Je ne vous dis pas que je suis
14 sceptique, il n'y a pas de doute. Mais pour ce qui est du versement au
15 dossier, nous ne pouvons pas véritablement le faire avant d'avoir vu de
16 visu le tableau en question.
17 M. KAY : [interprétation] Alors, est-ce qu'on pourrait les enregistrer aux
18 fins d'identification ? Parce qu'en fait, nous voulons que soit établi le
19 lien avec le témoin.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je regarde. Je regarde l'écran, je
21 vois qu'il y a une liste de six documents, Monsieur le Greffier.
22 Monsieur le Greffier, est-ce que vous auriez l'amabilité d'identifier
23 les documents et de les enregistrer aux fins d'identification, ce qui fait
24 qu'ainsi, nous statuerons à ce moment-là lorsque nous aurons les cotes.
25 M. KAY : [interprétation] Oui, tout à fait.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le document
27 2D00498 de la liste 65 ter se verra octroyer la cote D1877, enregistré aux
28 fins d'identification.
Page 25955
1 Le document 2D18-1197 se verra octroyer la cote D1878, enregistré aux fins
2 d'identification.
3 Le document de la liste 65 ter 2D00679 se verra octroyer la cote D1879,
4 enregistré aux fins d'identification.
5 Le document de la liste 65 ter 2D00298 se verra octroyer la cote D1880,
6 enregistré aux fins d'identification.
7 Le document de la liste 65 ter 2D0092 se verra octroyer la cote D1881,
8 enregistré aux fins d'identification.
9 Et le document de la liste 65 ter 2D00395 se verra octroyer la cote D1882,
10 enregistré aux fins d'identification.
11 Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie également, Monsieur le Greffier.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Et nous attendrons donc votre
14 dépôt officiel.
15 M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre, mais j'allais
16 justement demander à répéter la procédure utilisée par Me Kay pour ce qui
17 est des documents versés directement dont j'ai parlé avec mon confrère du
18 bureau du Procureur.
19 Il s'agit du document 1D3035 jusqu'au document 1D3044, documents de
20 la liste 65 ter. Et je demanderais que nous retenions la même procédure, à
21 savoir les enregistrer aux fins d'identification. Il s'agit de dix
22 écritures donc, et je souhaiterais demander leur enregistrement aux fins
23 d'identification. Merci.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il s'agit -- Monsieur le Greffier,
25 je pense que nous avons les -- est-ce qu'il s'agit bien de numéros de la
26 liste 65 ter qui se suivent; c'est cela ?
27 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que ce n'était pas le cas pour Me
Page 25956
1 Kay. Il ne s'agissait pas de documents dont les numéros se suivaient en
2 série.
3 Monsieur le Greffier, les documents 1D3035 jusqu'au document 1D3044
4 vont être enregistrés aux fins d'identification sous quelles cotes.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Alors il s'agit des cotes suivantes qui
6 seront attribuées à ces documents, de la cote D1883 à la cote D1892, tous
7 ces documents seront enregistrés aux fins d'identification.
8 Je vous remercie.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Voilà, ce sont neufs cote qui
10 viennent d'être octroyées. Est-ce qu'il s'agit de cotes qui avaient déjà
11 été présentées directement ?
12 M. KEHOE : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je viens juste
13 d'obtenir la confirmation de mon confrère du bureau du Procureur.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, vous pouvez y faire
15 référence en utilisant ces cotes, et ce sont des documents qui sont
16 enregistrés aux fins d'identification.
17 Avant que nous ne fassions entrer le témoin suivant, Maître Mikulicic, lors
18 des contre-interrogatoires récents, notre attention a été attirée sur le
19 fait que la personne qui interroge le témoin, lorsqu'il s'agit d'une
20 déclaration 92 ter dont on demandait le versement au dossier, était M.
21 Djurica Franjo. Maintenant, nous allons avoir un nouveau témoin, nous
22 voyons que c'est la même personne qui interroge l'un des témoins. Est-ce
23 qu'il s'agit du même Djurica Franjo, chef de la police ?
24 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, oui, c'est exactement la même
25 personne.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, je vous dirais qu'une suggestion
27 a été avancée -- enfin, c'est ainsi que la Chambre a compris ce qui avait
28 été dit. La suggestion étant de savoir s'il était opportun, ou non
Page 25957
1 d'ailleurs, de demander à des personnes de prendre des déclarations -- je
2 ne vous parle pas de personnes qui vous aident à faire une recherche, mais
3 je parle de personnes qui se concentrent essentiellement sur la prise de
4 déclarations. Et lorsque ces personnes ont pu jouer un rôle lors des
5 événements de l'époque, la Chambre aimerais savoir ce qu'il en est et
6 aimerait que les parties indiquent s'il y a des raisons qui expliquent cela
7 ou si vous vous êtes quand même demandé si la personne en question pouvait
8 être la personne idoine pour prendre la déclaration en question.
9 Je dois dire que la question qui vous est posée par la Chambre émane plus
10 ou moins du contre-interrogatoire. Et nous avons laissé libre cours à nos
11 pensées sur la question. Nous nous sommes interrogés, mais la Chambre,
12 quand même, aimerait entendre ce dont il est question à ce sujet.
13 Maître Mikulicic.
14 M. MIKULICIC : [interprétation] Nous pouvons tout à fait répondre si notre
15 confrère du bureau du Procureur a une suggestion à faire à ce sujet. Et
16 d'après leurs suggestions et d'après leurs remarques, nous répondrons.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, la Chambre va se demander si
18 c'est la bonne approche à retenir en l'occurrence.
19 Donc ce que vous nous suggérez, c'est de laisser l'Accusation nous
20 donner son point de vue, et en fonction de leur réponse, vous nous donnerez
21 une réponse.
22 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, puisque c'est eux qui ont soulevé la
23 question.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Misetic s'était levé, il a demandé
25 d'intervenir avant vous, Monsieur Waespi.
26 M. MISETIC : [interprétation] Oui, oui tout à fait.
27 Je voulais intervenir sur quelque chose qui est assez semblable, donc je
28 vais présenter quelque chose d'assez général à ce sujet.
Page 25958
1 Parce que je dirais qu'une situation assez semblable s'est posée avec
2 le bureau du Procureur. Il y a un enquêteur important, un enquêteur
3 principal qui répond au nom de M. Robertsson, qui a été actif entre
4 septembre 1995 et 1998. M. Robertsson était un membre de l'ONURC à Zagreb
5 avant, pendant et après l'opération Tempête. Il y était en sa capacité de
6 personne chargée du renseignement. C'est ainsi que les Nations Unies
7 appellent les personnes qui ont ce genre de rôle. Et puis le 1er septembre
8 ou aux environs du 1er septembre, à savoir trois semaines après l'opération
9 Tempête, il est devenu l'enquêteur principal du bureau du Procureur en
10 l'espèce, alors qu'il arrivait tout droit de Zagreb pour assumer ce rôle au
11 bureau du Procureur.
12 La Chambre se rappellera du contre-interrogatoire du général Forand,
13 pièce D339. Il s'agissait de la comparaison qui était établie entre une
14 déclaration faite auprès de M. Robertsson en 1996, qui était très, très
15 semblable au rapport préparé par l'armée canadienne par M. Forand. Et je
16 dois dire que nous avions à l'époque soulevé les préoccupations que nous
17 avions à propos de M. Forand. Et la même chose est valable pour M.
18 Robertsson, du fait de son rôle préalable pour l'ONURC à Zagreb. Donc je
19 pense qu'il faudrait, lorsque nous parlerons de M. Robertsson, il faudra
20 peut-être se demander quelle est la fonction exacte d'un enquêteur qui a
21 participé en quelque sorte aux événements.
22 Je vous remercie.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je dois vous avouer que je n'ai
24 pas tous les détails à ce sujet. En tout cas, je ne m'en souviens pas.
25 J'aimerais savoir si M. Robertsson a pris des déclarations qui ont
26 été versées au dossier conformément à l'article 92 ter ?
27 M. MISETIC : [interprétation] Quasiment toutes les déclarations prises par
28 le bureau du Procureur entre l'année 1995 et 1998 comportent la signature
Page 25959
1 de M. Robertsson. Et vous vous souviendrez - d'ailleurs je ne me souviens
2 pas de quel témoin il s'agissait exactement - mais vous vous souviendrez
3 peut-être qu'il y a eu un questionnaire qui a été préparé par M. Robertsson
4 pendant l'automne de l'année 1995, qu'il a distribué à tout témoin
5 potentiel en l'espèce. Donc oui, son nom figure sur de nombreuses
6 déclarations qui ont été versées au dossier. Bien entendu, nous pourrions
7 essayer de dresser une liste de ces déclarations. Mais la déclaration du
8 général Forand est celle qui m'est venue à l'esprit immédiatement, et il
9 s'agit de la comparaison qui avait été établie, et c'est la pièce D339.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
11 Monsieur Waespi.
12 M. WAESPI : [interprétation] J'aimerais me pencher sur cette question
13 puisqu'il a été question de M. Robertsson. Je vous dirais que je me
14 souviens que M. Robertsson faisait partie de la liste des témoins de la
15 Défense. Il n'a jamais fait partie de notre liste de témoins, d'ailleurs.
16 Alors est-ce qu'il a été enquêteur qui prenait des déclarations à l'époque,
17 il va falloir que je vérifie cela.
18 Mais je me souviens avoir vu un mémorandum de M. Robertsson qui était
19 adressé, il me semble, à Me Kehoe, au début de cette affaire à propos
20 justement de cette question.
21 Donc je peux tout à fait retrouver cela et vérifier.
22 Pour ce qui est de M. Franjo, puisque je pense que Franjo est son nom
23 de famille, et pour ce qui est également de M. Soljic, qui ont tous les
24 deux joué un rôle, puisqu'ils ont pris des déclarations de témoins lors de
25 l'opération Tempête, je pense qu'il est important d'indiquer lors du
26 contre-interrogatoire qu'il faut absolument être transparent. Ces deux
27 hommes ont interrogé un témoin qui effectivement avait joué un rôle, et ils
28 ont rencontré le témoin. Mais étant donné qu'aucun autre membre de la
Page 25960
1 Défense n'était présent lors des entrevues en question, cela figure sur la
2 page de garde, je pense qu'il y a probablement eu un élément de fiabilité
3 pour ce qui est des déclarations de témoin.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semble, Monsieur Waespi, que
5 vous êtes déjà en train de nous présenter votre argumentaire. Mais d'après
6 ce que j'ai entendu jusqu'à présent, apparemment, M. Waespi considère qu'il
7 est peut-être pertinent de se demander si les personnes qui ont participé
8 ou qui étaient présentes pendant les événements - et je le dis de façon
9 très neutre - est-ce que ces personnes étaient seules pendant les entrevues
10 en question ou est-ce qu'il y avait d'autres personnes qui n'avaient joué
11 aucun rôle ou qui n'avaient pas été présentes pendant les événements ?
12 Alors, ça c'est une première question.
13 Puis il y a autre chose qui a d'ailleurs peut-être sa pertinence à ce
14 sujet. Il faudrait savoir dans quelle mesure les sujets abordés pendant les
15 entrevues avaient quoi que ce soit à voir avec le rôle joué par la personne
16 qui a pris la déposition en question. Donc, ça c'est une autre question.
17 La Chambre n'a pas encore réfléchi à toutes ces questions et ne souhaite
18 pas le faire d'ailleurs. Mais étant donné que cela a été soulevé de façon
19 implicite pendant un contre-interrogatoire, la Chambre a estimé qu'il
20 serait peut-être judicieux de donner la parole, dans un premier temps, aux
21 parties pour qu'elles puissent en parler avant justement de réfléchir à la
22 question.
23 Et je vois maintenant que je dois choisir. Maître Misetic, oui.
24 M. MISETIC : [interprétation] Pour répondre à la suite de M. Waespi.
25 Je dirais qu'effectivement M. Robertsson faisait partie de notre
26 liste de témoins et nous avons voulu lui poser quelques questions à ce
27 sujet, mais comme M. Waespi le sait pertinemment, nous n'avons pas pu
28 prendre contact avec M. Robertsson. Et nous avons demandé à M. Waespi
Page 25961
1 d'obtenir les numéros de M. Robertsson, ce que le Procureur a refusé de
2 faire sur demande de M. Robertsson. Mais je suis sûr que j'ai un courriel
3 indiquant que M. Robertsson avait dit à l'Accusation qu'il ne voulait pas
4 que nous prenions contact avec lui.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai dit une minute de cela à M. Waespi
6 que j'avais l'impression qu'il commençait à nous présenter son
7 argumentaire. Je lui ai dit de ne pas le faire à ce moment-là, et je vois
8 toutefois qu'en réponse à cela, vous vous engouffrez dans la brèche, et je
9 vous encouragerais à ne pas le faire.
10 Nous pouvons nous pencher sur la question. Vous pourrez exprimer toutes les
11 pensées à ce sujet et peut-être que vous pourrez également nous parler des
12 circonstances factuelles, par exemple, si quelqu'un était présent et si
13 cette personne a été recrutée par quelqu'un d'autre, est-ce que cette
14 personne pourrait être protégée par des parties tierces ? Je ne sais pas.
15 Vous pourrez présenter votre thèse comme vous le souhaiterez.
16 M. MISETIC : [interprétation] C'est pour cela que je me suis levé. Je
17 voulais vous dire que nous souhaitons soulever la question de M.
18 Robertsson.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pourrez le faire comme cela
20 vous semblera pertinent, mais je peux imaginer que cette invitation de la
21 Chambre vous incite à vous exprimer sur la question.
22 M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ce que la Chambre souhaite obtenir
24 avant tout, c'est une situation transparente. Nous ne voulons pas que l'on
25 réfléchisse à la question. En fait, il y a quand même une attention
26 implicite qui doit être prise en considération, et ce que je voulais vous
27 dire, c'est qu'on ne peut pas dire que nous ne l'avons pas entendu, nous ne
28 l'avons pas oublié.
Page 25962
1 Maître Kuzmanovic.
2 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ecoutez, il faut que je réagisse. Parce
3 que si nous parlons de transparence, justement l'Accusation a M. Solic sur
4 sa liste de témoins et ils n'ont absolument pas le moindre élément de
5 preuve indiquant que ce que nous avons fait n'était pas fait en bonne et
6 due forme. S'ils ont ne serait-ce qu'un élément de preuve, ils l'auraient
7 présenté de façon écrite d'ailleurs. Et je pense que lorsqu'on demande --
8 ils nous parlent maintenant de la présence de M. Djurica sur la liste des
9 témoins de la Défense, alors que M. Soljic fait partie de leur liste de
10 témoins. Là, je pense que c'est tout à fait inapproprié comme situation.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, ce que je voulais éviter, c'est que
12 nous entendions maintenant les thèses des participants. C'est pour cela que
13 la Chambre a invité les parties à réfléchir à ce qu'ils pourraient dire. Et
14 j'ai remarqué que manifestement c'est quelque chose à laquelle les deux
15 parties pensaient, et je vois qu'il y a quand même un certain impact que je
16 qualifierais, peut-être pas d'affectif, mais d'émotionnel.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre invite les parties à déposer
19 des écritures tout à fait librement. Et s'il y a le moindre besoin pour une
20 partie de répondre aux écritures d'une autre partie, la Chambre se penchera
21 sur la question de savoir s'il est approprié ou non d'avoir un deuxième
22 tour, en quelque sorte, des dépôts d'écritures.
23 Alors, quels seraient les délais dans lesquels vous seriez en mesure
24 les uns et les autres de déposer ces écritures ?
25 Je vous invite à vous prononcer sur ce sujet. A la fin de cette
26 semaine ? Ou aurez-vous besoin peut-être du week-end ?
27 M. WAESPI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense que je
28 pourrais en finir d'ici à mardi prochain.
Page 25963
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mardi.
2 M. WAESPI : [interprétation] Je suppose que vous attendez des écritures,
3 n'est-ce pas, et non pas seulement des demandes orales.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet, ce sont des écritures que je
5 vous invite à déposer.
6 Est-ce que les autres parties sont d'accord avec ce délai ? Je suis tout à
7 fait conscient qu'il y a de nombreuses contraintes de temps et beaucoup de
8 pression.
9 M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, il faut peut-être
10 que nous en discutions, parce que nous avons une audience importante
11 mercredi pour laquelle nous devons nous préparer. Donc je pense que nous
12 devrions être en mesure d'avoir fini pour mardi également.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'une des parties a dit d'ici à mardi,
16 et je comprends que ça veut dire lundi soir au plus tard, alors que les
17 autres parties incluent le mardi.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, l'autre partie
19 avance que cela est, selon eux, inadéquat. Mais je ne sais pas ce que je
20 suis censé répondre à cela. Si un enquêteur a commis quelque chose
21 d'inadéquat, je ne vois vraiment pas comment je suis censé répondre à cela.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit, dans un premier temps,
23 d'aborder la question de façon générale, et non pas de se pencher sur la
24 caractère approprié ou inapproprié des agissements de quelqu'un, mais la
25 question plus générale de savoir s'il est approprié pour quelqu'un de
26 recueillir une déclaration concernant des événements auxquels il a lui-même
27 pris part de près ou de loin. C'est ce qui intéresse pour le moment la
28 Chambre. Contentez-vous, dans un premier temps, d'aborder la question sous
Page 25964
1 un angle général. C'est cela qui nous intéresse, et non pas de vous avancer
2 sur le terrain qui consisterait à qualifier comme étant approprié ou
3 inapproprié ce qu'a fait une personne particulière. Efforcez-vous d'éviter
4 cela ou tout autre qualification de la même nature que vous pourriez être
5 tenté d'avancer.
6 Alors, il est clair pour les parties que nous avons des règles
7 s'appliquant au conseil de la Défense. Si vos propres intérêts sont en jeu,
8 à un moment donné, vous devez vous abstenir d'intervenir.
9 C'est une règle en tout cas qui s'applique au conseil de la Défense,
10 et c'est une règle qui peut faire l'objet d'une discussion très générale,
11 en des termes très généraux. Donc il ne s'agit pas de dire que si j'ai un
12 intérêt dans une certaine affaire, mon comportement ou mon implication
13 serait inapproprié. Il s'agit plutôt de s'exprimer en des termes généraux,
14 à un niveau général, quant aux risques en jeu dans une telle configuration,
15 et ce qu'il conviendrait éventuellement d'éviter. C'est ce que la Chambre
16 invite les parties à faire, et c'est sur cette base ensuite qu'il sera
17 possible éventuellement de voir s'il y a lieu ou non de s'intéresser à des
18 questions très spécifiques. Je pense que c'était la teneur de ma réponse à
19 Me Misetic. S'il s'avère qu'il y a effectivement lieu de se pencher sur
20 certaines situations bien particulières, la Chambre ne l'en empêchera
21 évidemment pas. Vous n'en serez pas empêché.
22 Est-ce bien clair ?
23 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la Défense Markac est-elle prête à
25 appeler son témoin suivant à la barre ?
26 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas de mesures de protection dans ce cas
28 ?
Page 25965
1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est le témoin Drazen Vitez, n'est-ce
3 pas ?
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
6 Madame l'Huissière, peut-on faire entrer le témoin dans le prétoire, s'il
7 vous plaît ?
8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vitez.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne déposiez, les règles
13 nous imposent de vous faire lire une déclaration solennelle.
14 Monsieur le Témoin, veuillez lire le texte qui vous est remis.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 LE TÉMOIN : DRAZEN VITEZ [Assermenté]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
20 Veuillez vous asseoir, Monsieur Vitez.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, on m'a informé qu'il
23 y a peut-être un problème avec votre micro. Alors, veuillez vous assurer
24 que rien n'est omis dans la réception que nous avons de vos propos.
25 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Très bien. Merci.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vitez, c'est Me Kuzmanovic,
27 conseil de la Défense pour M. Markac, qui va d'abord vous poser des
28 questions.
Page 25966
1 Allez-y.
2 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Président.
3 Je vais changer de place juste pour éviter les problèmes que vous venez
4 d'évoquer.
5 Est-ce mieux ? Très bien.
6 Alors, avant de commencer, j'ai un classeur qui a été préparé pour
7 faciliter les choses au témoin. Peut-être Mme l'Huissière peut-elle le
8 remettre au témoin. Merci.
9 Interrogatoire principal par M. Kuzmanovic :
10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Vitez.
11 R. Bonjour.
12 Q. Pouvez-vous décliner votre identité ?
13 R. Je suis Drazen Vitez.
14 Q. Pourriez-vous nous dire quelle est votre profession actuelle ?
15 R. Je travaille toujours au sein du ministère de l'Intérieur. Je suis
16 adjoint du directeur en chef au sein de la direction de la police.
17 Q. Monsieur Vitez, nous avons des interprètes qui traduisent nos propos.
18 Nous avons un sténotypiste qui les consigne. Donc je vais essayer de faire
19 de mon mieux pour parler lentement afin que l'interprétation se passe bien
20 et pour attendre également que votre réponse se termine avant de passer à
21 la question suivante.
22 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, pouvons-nous avoir
23 le document 3D00888 à l'écran, s'il vous plaît. C'est le document 3D888 de
24 notre liste 65 ter.
25 Q. Monsieur le Témoin, votre déclaration va bientôt s'afficher à l'écran.
26 Vous rappelez-vous avoir donné une déclaration à l'équipe de la Défense de
27 M. Markac, Monsieur Vitez ?
28 R. Oui. J'ai fourni une déclaration aux personnes ici citées. J'ai été
Page 25967
1 appelé par MM. Anto Soljic et Djurica Franjo, qui se sont présentés comme
2 étant membres de l'équipe de la Défense du général Markac, que je savais.
3 Ils m'ont demandé si j'étais disposé à être témoin dans cette affaire. Je
4 leur ai confirmé que c'était bien le cas, et ils m'ont ensuite demandé
5 quand je serais disponible, et nous avons convenu une date.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vitez, je note que vous avez
7 une légère tendance à fournir des réponses qui vont au-delà de la question
8 qui vous est posée. La seule chose qui vous a été demandée, c'était si vous
9 vous souveniez avoir donné cette déclaration. Vous nous avez fourni
10 beaucoup de détails. Alors, si jamais Me Kuzmanovic souhaite obtenir ce
11 genre de détails de vous, il vous les demandera.
12 Autrement, contentez-vous de répondre simplement par oui ou par non à
13 une question comme celle qui vient de vous être posée.
14 Veuillez poursuivre.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Q. Monsieur le Greffier, pouvons-nous passer à la dernière page de ce
17 document dans les deux versions, s'il vous plaît.
18 Monsieur Vitez, vous voyez la dernière page de votre déclaration. Est-ce
19 bien là votre signature ?
20 R. Oui, c'est ma signature.
21 Q. Il s'agit ici d'un entretien qui a été conduit le 12 mai 2009. Vous
22 avez à cette même date signé cette déclaration; est-ce bien exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Avez-vous eu l'occasion de relire cette déclaration avant de venir dans
25 ce prétoire aujourd'hui ?
26 R. Oui.
27 Q. Et en dehors d'une correction particulière sur laquelle nous allons
28 nous pencher, est-ce que cette déclaration que nous avons sous les yeux
Page 25968
1 reflète fidèlement les propos que vous avez tenus face aux membres de la
2 Défense Markac ?
3 R. Oui.
4 Q. A l'époque où vous avez donné cette déclaration, est-ce que vous l'avez
5 fournie conformément à la vérité et au meilleur de ce dont vous étiez
6 capable de vous souvenir ?
7 R. Oui, je l'ai fournie sur la foi de mes souvenirs et j'ai dit la vérité.
8 Q. Si je vous posais aujourd'hui dans ce prétoire les mêmes questions que
9 celles qui vous ont été posées avant que vous n'apposiez cette signature à
10 la fin de cette déclaration, est-ce que vous fourniriez les mêmes réponses
11 que celles que vous avez données aux questions qui vous ont été posées lors
12 de cet entretien qui a donné lieu à cette déclaration, à la réserve près du
13 changement que vous avez opéré pour le paragraphe 7 ?
14 R. Oui.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Très bien. Alors, je vais avancer et je
16 souhaiterais que le document puisse être versé au dossier. Et je vais me
17 pencher à part sur la déclaration additionnelle.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il faut les déposer
19 séparément, ou c'est juste une question de corrections apportées ?
20 M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est juste une correction apportée à la
21 déclaration. Je voulais la présenter à part, et c'est pour cela que je
22 voulais demander le versement et ensuite me pencher sur la correction.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais si c'est juste un changement,
24 est-ce qu'il faut attribuer une cote différente ? Pourrions-nous nous
25 pencher sur ces corrections, s'il s'agit d'un simple détail ?
26 M. KUZMANOVIC : [interprétation] En effet, c'est juste un détail.
27 Q. Alors, penchons-nous sur le paragraphe numéro 7 de votre déclaration,
28 Monsieur Vitez.
Page 25969
1 C'est la dernière phrase de ce paragraphe, où il est dit que : "Le 9
2 août 1995, nous avons opéré une passation de nos positions, que nous avons
3 remises aux membres de la HV…"
4 La correction porte sur la date. Il faudrait lire "le 8 août".
5 Est-ce exact ?
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que vous hochez de la tête. Est-
7 ce que vous pourriez donner une réponse verbale.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je voulais modifier cela parce qu'il
9 s'agit d'une erreur. Mon unité a quitté Gracac le 8, dans la nuit, en fait,
10 du 8 au 9. Ou plutôt, il ne s'agissait pas de la zone de Gracac, mais de la
11 zone de Lapac.
12 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.
13 Monsieur le Président, pouvons-nous verser ce document ?
14 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection pour ce document, mais je
15 relève simplement que j'ai probablement une version plus ancienne de la
16 déclaration, notamment de la traduction en anglais. Il y a juste deux ou
17 trois choses qui se présentent d'une façon différente, mais je suppose que
18 la teneur de la déclaration elle-même n'a pas particulièrement changée.
19 Donc, ce sur quoi je travaille, c'est la page 2D04-1872. Je voudrais juste
20 m'assurer que j'ai une copie à jour pour mon contre-interrogatoire.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous avons fourni une traduction
22 officielle, celle que nous avons reçue du CLSS, au bureau du Procureur en
23 septembre. Et je puis vous dire qu'il n'y a pas de changements importants à
24 cette déclaration depuis cette date.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La référence qu'a donnée M. Waespi, est-
26 elle celle que nous avons à l'écran ou est-ce une autre version ?
27 M. KUZMANOVIC : [interprétation] La version qui s'affiche est la version
28 officielle, ce n'est pas celle qu'a M. Waespi.
Page 25970
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, je présume que vous avez
2 chargé la dernière, la version la plus récente de la traduction, qui est la
3 version officielle.
4 Monsieur Waespi, pouvez-vous vérifier cela. S'il n'y a pas d'objection,
5 Monsieur le Greffier.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le
7 document reçoit la cote D1883 [comme interprété].
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et il est versé au dossier.
9 Veuillez poursuivre.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois que
11 c'est un bon moment pour donner lecture d'un résumé de la déclaration du
12 témoin.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet. Vous avez expliqué au témoin
14 la finalité de l'exercice ?
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.
16 Pendant l'opération Tempête, M. Vitez était l'adjoint du commandant d'une
17 unité de la police spéciale de la direction de la police de Varazdin. Peu
18 avant l'opération Tempête, M. Vitez, ou plutôt, son unité, a reçu l'ordre
19 de prendre des positions sur le mont Velebit. Au titre des préparatifs de
20 l'opération offensive, lui-même et d'autres commandants d'unités ont
21 participé à une réunion qui s'est tenue le 3 août à Stari Grade, au cours
22 de laquelle ils se sont vus confier des tâches spécifiques dans le cadre de
23 l'opération, et ont également reçu l'ordre de se conformer aux dispositions
24 du droit international de la guerre ainsi qu'aux dispositions applicables
25 aux traitement correct des personnes et des biens, des personnes civiles et
26 de leurs propriétés.
27 Le 4 août, lorsque l'opération Tempête a commencé, M. Vitez et son unité
28 ont opéré une percée à travers les premières lignes dans la zone de Mali
Page 25971
1 Alan, dans les montagnes de Velebit, où ils ont eu à faire face à la
2 résistance des forces de l'ARSK, résistance opiniâtre. Ils ont poursuivi
3 leur avancée en direction de Gracac.
4 Le 5 août, l'unité a atteint les prémisses de Gracac, où elle est restée
5 près de Stikada jusqu'au 6 août, sans qu'aucun incident ne soit enregistré.
6 Le 7 août, son unité a reçu l'ordre de continuer jusqu'à Bruvno, à
7 partir d'où ils ont avancé en direction de Donji Lapac. Son unité n'est pas
8 entrée en contact avec des forces de l'ARSK sur ce trajet de Bruvno à Donji
9 Lapac. Son unité est restée à Donji Lapac et dans les environs jusqu'à
10 l'après-midi, moment où l'armée croate est arrivée sur place.
11 Le 8 août, son unité a reçu l'ordre d'avancer jusqu'à Gorni Vakuf
12 [comme interprété], et ce même jour, son unité est retournée dans son
13 cantonnement, dans sa base, à Varazdin en Croatie.
14 C'est, en substance, la déclaration, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître. Veuillez
16 poursuivre.
17 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.
18 Q. Alors, pourriez-vous donner quelques éléments à la Chambre,
19 Monsieur le Témoin, concernant votre parcours, votre formation, notamment.
20 R. J'ai une maîtrise d'économie spécialisée en management, et avant
21 cela, j'avais terminé la haute académie de la police. J'ai achevé mes
22 études de police judiciaire en criminologie.
23 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre ce que vous faisiez au sein des
24 services de la police lorsque vous avez commencé à travailler, et jusqu'à
25 l'opération Tempête.
26 R. Je suis arrivé au sein de la police en 1980. C'est alors que j'ai
27 commencé un cours à l'école des officiers de police, que j'ai achevé en
28 1984. J'ai travaillé au sein d'une patrouille. Avant le début de la guerre
Page 25972
1 en Croatie, j'ai demandé à être transféré sur le territoire de la direction
2 de la police de Varazdin.
3 Et peu de temps après, je suis devenu membre de l'unité spéciale de
4 la police de la direction de la police de Varazdin. Je suis donc devenu
5 policier des forces spéciales. Peu de temps après, je suis devenu chef de
6 groupe, puis instructeur, formateur. Et après, en 1997, après les
7 événements de la guerre, mon commandant, mon supérieur est parti à la
8 retraite, et moi, j'ai repris l'unité à ma charge. J'ai pris la direction
9 de l'unité. Cela n'a pas duré très longtemps parce que j'ai ensuite été
10 transféré par le ministère en tant que chef de la police judiciaire de la
11 direction de la police de Varazdin. J'y suis resté deux ans, et ensuite,
12 j'ai été nommé directeur de la direction de la police de Varazdin, en 2000,
13 fonction que j'ai occupée jusqu'en 2008. Car en 2008, le ministre m'a
14 transféré au poste d'adjoint du directeur principal de la police au
15 ministère de l'Intérieur. Et c'est le poste que j'occupe aujourd'hui
16 encore.
17 Q. Monsieur Vitez, avant de nous pencher plus en détail sur les activités
18 qui ont précédé l'opération Tempête et sur vos activités pendant cette
19 dernière, pouvez-vous nous expliquer ce que recouvre votre fonction
20 actuelle ? Vous en avez donné le titre à la Chambre, mais pourriez-vous
21 expliquer ce que vous faites à ce poste ?
22 R. Le directeur principal de la police est à la tête de ce service, il a
23 deux adjoints. Je suis l'un de ces deux adjoints, et je couvre trois lignes
24 professionnelles, qui sont la police de base, la police des frontières, les
25 services de police d'intervention, l'académie de police, ainsi que les
26 services opérationnels et le centre de communication du ministère de
27 l'Intérieur.
28 Q. Merci.
Page 25973
1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document D540,
2 s'il vous plaît.
3 Q. Je voudrais attirer votre attention, Monsieur le Témoin, sur un
4 document qui est déjà une pièce à conviction. C'est un document qui est
5 adressé au directeur de la direction de police de
6 Varazdin, et daté du 22 juillet 1995.
7 Alors, connaissez-vous déjà cet ordre, Monsieur le Témoin ? Il est signé
8 par M. Markac.
9 R. Oui, je connais cet ordre.
10 Q. Il s'agit ici d'un ordre qui demande à la police spécial de Varazdin de
11 se rendre au directeur de la direction de police de Zadar-Knin, ou plutôt
12 de se faire connaître auprès de lui aux fins d'une coopération avec la
13 police spéciale; est-ce exact ?
14 R. Oui.
15 Q. Avez-vous fait partie de cette unité qui s'est rendue à Sepurine à la
16 direction de la police de Zadar-Knin ?
17 R. Oui.
18 Q. Alors, lorsque vous êtes arrivé dans la zone de Sepurine, que s'est-il
19 passé du point de vue de votre unité, entre votre arrivée et cette réunion
20 tenue à Stari Grad que nous avons déjà évoquée et sur laquelle je
21 reviendrai ?
22 R. Lorsque nous sommes arrivés sur le territoire de la direction de la
23 police de Zadar-Knin, nous sommes entrés en relation avec nos membres de la
24 police spéciale qui nous ont transféré, nous tous, l'unité complète, c'est-
25 à-dire 140 hommes, vers le camp militaire de Sepurine.
26 Nous y avons été présents en compagnie de quelques autres unités. Et à
27 l'occasion de la première réunion que nous avons eue avec le général
28 Markac, on nous a informés qu'il y avait des indications que les forces
Page 25974
1 ennemies pourraient s'efforcer de couper l'axe de circulation s'étendant du
2 pont de Maslenica, qui était le seul lien physique entre la Croatie du nord
3 et la Croatie du sud, et jusqu'à Biograd. Donc, il y avait des indications
4 indiquant qu'ils pourraient essayer de couper cet axe de communication. Il
5 y avait là une ligne de démarcation le long de laquelle on estimait que
6 l'ennemi pourrait bien se livrer à une tentative de percée afin de couper
7 la Croatie du nord de la Croatie du sud.
8 Nous avions là-bas nos observateurs, des équipes dotées d'armes
9 antichars. Nous avions nos différents points de déploiement, et nous sommes
10 restés pendant plusieurs jours jusqu'à ce que nous recevions l'information
11 que le danger était maintenant passé. Nous nous sommes alors mis en route
12 vers Stari Grad, où nous avons participé à ce briefing, à cette réunion,
13 juste avant l'opération Tempête.
14 Q. Où étiez-vous stationné avant la réunion qui s'est tenue à Stari
15 Grad ?
16 R. A Sepurine, à la base de Sepurine.
17 Q. Lorsque vous vous vous êtes rendus à Stari Grad - vous en parlez aux
18 paragraphes 2 et 3 de votre déclaration - pouvez-vous nous expliquer ce qui
19 s'est passé lorsque vous êtes arrivé à Stari Grad ?
20 R. Je suis parti à Stari Grad avec mon propre commandant pour participer à
21 cette réunion convoquée par le général Markac, au cours de laquelle tous
22 les commandants des unités spéciales devraient se trouver réunis. Nous y
23 avons été informés des tâches concrètes qui allaient être les nôtres de
24 façon imminente. Donc, on nous a donné les axes précis de nos
25 interventions.
26 On nous a précisé quels étaient les axes principaux d'attaque,
27 quelles étaient les forces qui s'y trouvaient. Donc, il s'agissait de mon
28 unité de la direction de la police de Varazdin. A notre droite se trouvait
Page 25975
1 une unité de la direction de la police de Split-Dalmatia, et tout à fait à
2 droite de nous se trouvait une unité de la police spéciale de la direction
3 de police de Zadar-Knin.
4 Donc, on nous a montré tous ces axes sur une carte, suite à quoi le général
5 Markac s'est adressé à nous en nous informant des données qui avaient été
6 collectées par nos groupes opérationnels de renseignements pour nous
7 indiquer ce à quoi il convenait de nous attendre le long de ces axes,
8 quelles étaient les forces dont disposait l'ennemi, les armes dont il
9 disposait également, quelle était la situation dans laquelle il était. Et
10 l'accent a tout particulièrement été mis lors de cette réunion, comme dans
11 toutes les réunions que nous avons eues avec le général préalablement à nos
12 opérations, comme toujours, sur le comportement des hommes de la police
13 spéciale pour ce qui était des prisonniers de guerre et de la population
14 civile; donc le comportement qu'il convenait d'adopter. Alors, il y avait
15 encore un cas particulier dans ce cas précis, puisque le territoire sur
16 lequel nous étions supposés entrer était un territoire sur lequel se
17 trouvaient également des représentants des Nations Unies, ou plutôt les
18 forces de la FORPRONU. Elles y étaient déployées et on a particulièrement
19 attiré notre attention sur le fait que nous n'étions pas du tout censés
20 porter atteinte à leur base. Il ne fallait pas ouvrir le feu sur eux. Nous
21 devions plutôt prendre contact avec eux pour leur expliquer qui nous
22 étions. Nous devions leur dire que nous étions l'armée croate, et que nous
23 étions disposés à leur fournir toute l'assistance dont ils pouvaient avoir
24 besoin, et qu'ils devaient être tout à fait certains que nous ne
25 représentions aucun risque ni danger pour eux.
26 Ensuite, nous sommes revenus chacun vers notre unité pendant la nuit du 3
27 au 4. Nous étions au niveau de la mer. Nous n'étions pas en hauteur, et
28 pendant l'après-midi, pendant la nuit, c'est là où notre unité se trouvait.
Page 25976
1 Avant 19 ou 20 heures de la soirée, mon unité de la police spéciale a
2 réussi à atteindre une cote de 1 400 mètres au-dessus du niveau de la mer,
3 et c'est là que nous devions nous préparer aux opérations offensives. Nous
4 avons encore eu une autre réunion avec l'unité au complet. On nous a
5 informés de ce qu'on attendait de nous et de la façon dont il convenait de
6 s'engager dans les opérations de combat, également du comportement qui
7 était attendu de nous. Tout cela nous a été communiqué par le général
8 Markac, qui nous a informés du comportement à adopter concernant la
9 population civile, leurs biens, la FORPRONU, et ainsi de suite.
10 Après cela donc, nous avons été à bord d'un véhicule en attendant le début
11 de l'opération.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vitez, c'est seulement en ce
13 moment que la cabine française en a fini avec l'interprétation. Donc, je
14 vous prie de ralentir un peu votre débit.
15 Et j'ai vu que Me Misetic est debout. Donc, il s'est levé il y a
16 quelques instants.
17 Oui, Maître Misetic.
18 M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
19 Pour ce qui est du compte rendu à la page 53, la ligne 17, j'ai une
20 remarque à faire. Le témoin a mentionné le nom d'une ville dans la partie
21 au sud de la Croatie, et je crois que --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut d'abord qu'on retrouve cette
23 partie du compte rendu.
24 Vous avez parlé du fait qu'il a fallu couper la voie de communication
25 partant du pont à Maslenica. Il s'agissait du seul lien ou voie de
26 communication entre la partie nord et le sud de Croatie. Vous avez
27 mentionné un toponyme ou un endroit.
28 Pouvez-vous répéter cela.
Page 25977
1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit à partir du pont à Malsenica qui
2 reliait la partie septentrionale et méridionale de la Croatie jusqu'à
3 Biograd-sur-mer. Il s'agissait du pont flottant à Maslenica.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, c'est Biograd avec une lettre "I"
5 ?
6 M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est ça, Monsieur Waespi.
8 M. WAESPI : [interprétation] Juste une suggestion, parce qu'il ne m'est pas
9 clair, je n'ai pas compris quelle était la fonction de ce témoin. Je sais
10 qu'il était adjoint du commandant de la police spéciale à Varazdin, mais
11 dans le document D540, on voit que le destinataire est le commandant.
12 Est-ce que M. Vitez était le commandant de cette unité ? Est-ce qu'il
13 est toujours adjoint du commandant ? J'aimerais savoir cela.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je vais tirer cela au clair,
16 Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En même temps, je pense que ce
18 matin on a eu un record, c'est-à-dire sept pages pour une réponse dans le
19 compte rendu. Les questions peuvent donc provoquer de très longues
20 réponses. S'il vous plaît, concentrez-vous à ce que vous voudriez savoir
21 précisément.
22 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, bien sûr, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne veux pas qu'on pose des questions
24 directrices au témoin. J'aimerais justement qu'on lui explique des choses,
25 et laissez-le expliquer des choses en utilisant ses propres mots. Donc,
26 essayez de vous concentrer à des choses qui sont les plus pertinentes.
27 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et encore, Monsieur Vitez, ralentissez
Page 25978
1 votre débit, sinon, si vous continuez à parler à cette vitesse, certains
2 mots peuvent être omis dans le compte rendu.
3 Continuez, Maître Kuzmanovic.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
5 Q. Monsieur Vitez, vous avez entendu le commentaire de mon éminent
6 collègue, M. Waespi pour ce qui est de D540.
7 D'abord, est-ce que vous avez vu le document D540 à l'époque où vous
8 aviez cette fonction, la version croate du document D540 ?
9 R. Oui, j'ai vu cette version du document. C'est le commandant de mon
10 unité qui m'a montré cette version.
11 Q. A l'époque où cet ordre est arrivé à Varazdin, quelle était votre
12 fonction ?
13 R. J'étais l'adjoint du commandant de l'unité de la police spéciale.
14 Q. Merci.
15 Monsieur Vitez, je vais essayer de vous poser des questions plus courtes
16 pour que vous puissiez donner des réponses plus courtes.
17 Donc, nous nous sommes arrêtés à la réunion qui a eu lieu à Stari
18 Grad. Ensuite, vous avez escaladé le mont de Velebit. Pouvez-vous nous
19 expliquer --
20 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Mais avant, j'aimerais qu'on affiche
21 P1237.
22 Q. Il s'agit de la page de couverture du document, Monsieur Vitez, et vous
23 l'avez signé, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher la
26 deuxième page du même document.
27 Q. Vous nous avez déjà dit, vous avez décrit au deuxième paragraphe où se
28 trouvaient les positions de votre unité, le 3 août, à Velebit.
Page 25979
1 Ensuite, il y a un autre paragraphe où il est dit :
2 "Nous avons reçu quelques messages et je vais en mentionner seulement
3 deux."
4 Il est question de comportements lors de l'opération conformément à
5 la convention internationale.
6 Et le deuxième message parle des renforts que vous avez reçus. Vous avez
7 mentionné deux de ces messages.
8 Est-ce que vous vous souvenez ce qui a été dit dans le deuxième
9 message ?
10 R. Dans ce deuxième message, il était question des combattants qui étaient
11 arrivés sur ce terrain.
12 Q. "Au cours de la nuit, nous avons reçu plusieurs messages et nous allons
13 mentionner seulement deux de ces messages."
14 Est-ce qu'il y avait d'autres messages pager ?
15 R. Je ne me souviens pas d'autres messages sur pager. Je sais que ces deux
16 messages sont arrivés pendant la nuit. Le premier message concernait le
17 respect des dispositions du droit international de la guerre ainsi que le
18 comportement envers des civils et pour ce qui est des biens. Et le deuxième
19 message est arrivé une heure avant nos activités, disant qu'il y avait 120
20 soldats ennemis qui étaient arrivés sur ce territoire, en renfort.
21 Q. Au compte rendu, à la page 59, ligne 4, on voit que le deuxième est
22 arrivé. Pouvez-vous nous dire quand ce message est-il arrivé, avant le
23 début de vos activités ?
24 R. Après minuit. Il parlait des comportements. Et le deuxième qui parlait
25 des renforts des forces ennemies est arrivé une heure à peu près avant le
26 début de nos activités, vers 4 heures du matin.
27 Q. Merci, Monsieur Vitez. Au compte rendu, il a été consigné une année
28 avant le début de nos activités. C'est pour cela que j'ai voulu tirer ce
Page 25980
1 point au clair.
2 Monsieur Vitez, vous avez parlé du fait que vous receviez des
3 renseignements. Pouvez-vous me dire de qui la police spéciale recevait des
4 renseignements, des rapports de renseignements concernant l'ennemi, les
5 forces ennemies, et cetera.
6 R. Ce que nous recevions, nous le recevions la plupart du temps des
7 membres du secteur de contrôle interne dont la tâche était de rassembler
8 des renseignements opérationnels concernant l'ennemi qui nous attendait,
9 des forces ennemies, de leurs armes dont ils disposaient, de leurs points
10 faibles, des positions qui étaient les plus faibles sur la ligne de front
11 et, bien sûr, qu'ils coordonnaient avec les services militaires ainsi
12 qu'avec les services qui étaient en charge de la protection de l'ordre
13 constitutionnel.
14 Q. Monsieur Vitez, vu votre expérience en tant que chef de
15 l'administration de la police à Varazdin, et puisque vous avez longuement
16 travaillé en tant que membre des unités de la police spéciale, pouvez-vous
17 dire à la Chambre ce que représentait ce secteur de contrôle interne pour
18 ce qui est de la discipline ?
19 R. Vous pensez au contrôle interne au sein du secteur de la police
20 spéciale ou au contrôle interne, ou bureau du contrôle interne près du
21 cabinet du ministre ?
22 Q. Pourquoi ne nous expliquez-vous pas quel était le rôle du contrôle
23 interne, et ensuite le rôle de cet autre bureau du contrôle interne.
24 R. Je vais essayer d'être bref.
25 Le bureau qui était en charge du contrôle interne au sein du cabinet
26 du ministre avait pour tâche de suivre les activités de tous les employés
27 du ministère de l'Intérieur. Il s'agissait du personnel ou des personnes
28 autorisées à exécuter certaines activités ainsi que des personnes qui n'ont
Page 25981
1 pas été autorisées à exécuter toutes les activités de la police. Donc, ils
2 ont suivi les activités, le travail de tous les employés du ministère de
3 l'Intérieur. Ils se penchaient sur des plaintes déposées par des citoyens
4 anonymes concernant les abus du personnel, des ministères ou des chefs de
5 secteur, et ils analysaient tous les cas pour arriver à des conclusions
6 selon lesquelles il s'agissait de la responsabilité disciplinaire ou de la
7 responsabilité criminelle.
8 Le contrôle interne dans le secteur de --
9 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît. Les
10 interprètes n'ont pas réussi à entendre une partie de votre réponse.
11 Monsieur Vitez, pourriez-vous vous rapprocher du microphone.
12 A la page 60, la ligne 13 du compte rendu, vous avez dit qu'ils ont
13 agi sur la base des plaintes anonymes reçues de citoyens, il pouvait s'agir
14 d'abus de pouvoir fait par du personnel du ministère, ou…" Pouvez-vous
15 réitérer cette partie de votre réponse ?
16 R. Ou par des chefs de secteurs ou du département du ministère de
17 l'Intérieur.
18 Q. Merci. Vous étiez en train de nous expliquer le rôle du contrôle
19 interne dans le secteur de la police spéciale. Continuez, s'il vous plaît.
20 R. Le rôle du contrôle interne du secteur de la police spéciale, pour
21 autant que je sache, était le rôle qui consistait à préparer des
22 renseignements opérationnels avant toute action. Et non seulement avant
23 toute action, mais partout où nous tenions des positions, ils étaient
24 devant nous, comme c'était le cas au mont Velebit, où ces personnes, ces
25 employés, procédaient à un rassemblement des renseignements concernant
26 l'armée ennemie, concernant leurs effectifs, le nombre de leurs effectifs,
27 concernant leur équipement, leurs moyens techniques. Ils ont préparé toutes
28 les cartes topographiques avant toute action, mais non seulement ils
Page 25982
1 procédaient à des préparations en temps de guerre, avant toute action en
2 temps de guerre, mais aussi on a les situations où la police spéciale a été
3 appelée par l'administration de la police à participer à des préparations
4 concernant l'arrestation de certaines groupes criminels, ou des individus
5 auteurs de crimes qui faisaient de la contrebande de stupéfiants, qui
6 faisaient le trafic des êtres humains et des armes. Donc eux, ils
7 rassemblaient des renseignements pour ce qui est des auteurs de ces
8 infractions, pour dire qu'il s'agissait de personnes dangereuses, armées,
9 pour prévoir si ces personnes pouvaient présenter une résistance lors de
10 leur arrestation, pour que la police spéciale puisse se préparer de façon
11 adéquate, se munir de l'équipement adéquat pour éviter des pertes.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, je regarde l'heure,
13 et je pense que…
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'ai encore une question à ce sujet et
15 après, on pourrait faire la pause.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
17 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
18 Q. Monsieur Vitez, nous allons faire la pause dans quelques instants, mais
19 avant, j'aimerais qu'on en finisse avec ce témoin.
20 Vous nous avez décrit le rôle de ces deux types de contrôle interne, vous
21 nous avez décrit le mécanisme, vous avez décrit comment cela fonctionnait.
22 Pouvez-vous dire à la Chambre quel était le rôle de contrôle interne de la
23 police spéciale, si ce contrôle a joué un rôle quelconque pour ce qui est
24 des procédures disciplinaires, des enquêtes menées pour ce qui est des
25 infractions à la discipline dans le cadre de la police spéciale ?
26 R. Le contrôle interne n'a rien eu à voir avec cela. Pour ce qui est de la
27 discipline des unités, c'était toujours le commandant de l'unité qui en
28 était responsable.
Page 25983
1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je pense qu'il est venu le moment propice
2 à faire la pause.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Kuzmanovic, je pense que
4 vous avez dit que vous auriez besoin d'un ou deux volets d'audience. Est-ce
5 qu'on peut supposer que votre interrogatoire principal --
6 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je pense que j'aurai besoin de moins de
7 deux volets d'audience, jusqu'à la fin de l'audience aujourd'hui.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Essayez de faire ainsi.
9 Et nous allons faire maintenant la pause.
10 --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.
11 --- L'audience est reprise à 12 heures 55.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, poursuivez. Mais
13 j'aimerais informer les parties que la Chambre souhaiterait recevoir les
14 arguments dont nous avons parlé un peu plus tôt au plus tard à midi mardi,
15 ce qui nous permettra de les lire mardi après-midi.
16 Poursuivez.
17 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 Q. Monsieur Vitez, nous nous sommes interrompus au moment où vous parliez
19 de Mali Alan, que vous décrivez au paragraphe 4 de votre déclaration.
20 Alors, dans le document P1237, qui est toujours affiché à l'écran, vous
21 parlez de votre tâche essentielle qui consistait à délivrer ou à libérer la
22 route entre Mali Alan et Sveti Rok. Est-ce que vous pourriez décrire à la
23 Chambre de première instance le type d'opérations de combat auxquelles vous
24 avez participé, et fondamentalement, en fait, ce qui s'est passé pendant le
25 premier jour de combat, mais j'aimerais vraiment que vous vous concentriez
26 sur le premier jour de combat, et ensuite j'aurai d'autres questions à vous
27 poser.
28 R. Le premier jour, lorsque nous avons reçu l'ordre suivant lequel il
Page 25984
1 fallait que nous passions à l'attaque, le groupe opérationnel de
2 reconnaissance ou chargé de la reconnaissance, qui, comme d'habitude, était
3 à l'avant de l'unité avec six éclaireurs ainsi que son commandant et son
4 moniteur, ainsi que deux spécialistes des explosifs, ont eu accès à la
5 zone. On nettoyait la zone en question de toutes mines et de mines
6 antipersonnel d'ailleurs également, ce qui fait que -- enfin, cela
7 permettait au reste de l'unité d'arriver dans ce même secteur sans aucun
8 problème.
9 Alors, vers 7 heures du matin, le premier engagement, le premier
10 combat, a eu lieu dans la zone de Vrcina. Donc, l'ennemi nous a attaqués
11 avec des tirs d'infanterie, suivi de tirs de mitrailleuses. Notre unité se
12 trouvait donc juste au bas de cette colline, et en fait, eux, ils nous
13 dominaient parce qu'ils se trouvaient tout en haut de la colline. Ils
14 étaient dans des casemates, des casemates qui étaient fabriqués avec des
15 bûches ou des troncs d'arbres, comme nous avons pu le constater par la
16 suite. Donc, c'était des troncs d'arbres sur lequel ils avaient empilé des
17 pierres.
18 Alors, notre unité de reconnaissance a demandé un soutien
19 d'artillerie. Il s'agissait des éclaireurs qui avaient vu l'ennemi, les
20 éclaireurs qui avaient vu l'ennemi qui avaient vu où ils se trouvaient ont
21 guidé nos tirs, et ce, pour pouvoir avoir autant de frappes précises que
22 possible. Etant donné que nous nous trouvions à une distance de 200 ou 300
23 mètres, à savoir c'était la distance entre nous et l'ennemi, nous voulions
24 nous assurer que nos propres tirs d'artillerie ne deviennent pas des tirs
25 contre nous-mêmes.
26 L'ennemi a ouvert le feu et a commencé par des tirs d'artillerie, mais je
27 veux dire que cela ne s'est pas soldé par des victimes parmi nos rangs.
28 Toutefois, l'unité qui se trouvait juste à côté de nous, l'unité adjacente,
Page 25985
1 elle a eu des victimes.
2 Q. Avant que vous ne poursuiviez, Monsieur Vitez, au bas de la pièce qui
3 est affichée à l'écran, la pièce P1237, vous dites :
4 "L'unité s'est pratiquement battu pour obtenir ou pour gagner ou capturer
5 le moindre rocher, ou tous les rochers qui se trouvaient au niveau du col
6 de Mali Alan."
7 Alors, est-ce que vous pourriez nous décrire le type de terrain sur lequel
8 vous vous trouviez ?
9 R. C'est un terrain très déchiqueté en fait, très, très, accidenté, avec
10 des rochers. Ce n'était pas véritablement un terrain où l'on pouvait passer
11 très facilement. Nous, nous étions dans un espace qui était dégagé, qui
12 était très ouvert, ce qui fait qu'il nous était très difficile d'atteindre
13 les positions ennemies.
14 Deux de nos policiers des forces spéciales ont été fait prisonniers. Il y
15 en avait un qui avait reçu une balle au niveau de la jambe inférieure.
16 Donc, il y avait le trou par lequel était ressortie la balle, et ça,
17 c'était Mario Sestak, et l'autre, il avait été blessé, il avait été blessé
18 au niveau des bras et du visage. Ça, c'était Goran Balon [phon]. Lui, il
19 avait été légèrement blessé.
20 Donc, je dirais qu'il y avait deux types de risque. Si un obus ne vous
21 tuait pas, les fragments de rochers le faisaient.
22 Donc, il aurait été très difficile d'avancer, parce que nous devions
23 quitter cet abri rocheux et il fallait nous diriger vers cette zone
24 ouverte.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, vous avez posé une
26 question à propos du terrain. Maintenant, nous avons moult détails avec les
27 entrées et les sorties des balles qui ont blessé certains soldats. Je ne
28 pense que ce n'était pas visiblement ce que vous souhaitez obtenir comme
Page 25986
1 renseignement.
2 Poursuivez.
3 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie.
4 Q. Monsieur Vitez, à la page 64, ligne 16, vous avez dit que deux de vos
5 policiers spéciaux ont été fait prisonniers, c'est ce qu'on a entendu. Mais
6 vous vouliez dire qu'ils avaient été blessés plutôt, non ?
7 R. Oui, oui, ils ont été blessés.
8 Q. Monsieur Vitez, à la page suivante du document P1237, donc page
9 suivante, je vous prie. Après le fait d'avoir capturé, après la capture du
10 col de Mali Alan, il y a eu une attaque aérienne contre vos positions. Est-
11 ce que vous pourriez nous la décrire cette attaque, je vous prie ?
12 R. Alors pour ce qui est de l'avion, écoutez, je vous dirais que je ne me
13 souviens pas de grand-chose. Ce que je sais, c'est qu'un avion de la force
14 aérienne croate avait pilonné la position le matin. Je ne sais pas, la
15 personne qui a rédigé le rapport a commis une erreur, parce que je ne pense
16 pas que nos forces aient essuyé une attaque aérienne. En tout cas, je ne
17 m'en souviens pas.
18 Q. Bien. Monsieur Vitez, alors vous poursuivez ensuite, et vous parlez de
19 Gracac le matin. C'est là que vous vous rendez. Et puis je remarque qu'il y
20 a ce BPP. C'est un village; c'est cela ?
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.
22 M. WAESPI : [interprétation] Une petite précision.
23 Donc, Me Kuzmanovic dit au témoin "dans votre rapport", et le témoin a dit
24 : La personne qui a rédigé le rapport a fait une erreur. Alors, il faudrait
25 peut-être demander qui est l'auteur du rapport. Je sais qu'il a signé la
26 page de garde, mais je n'ai toujours pas compris qui avait rédigé le
27 rapport.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez obtenir une
Page 25987
1 précision, Maître Kuzmanovic.
2 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait.
3 Q. Monsieur, est-ce que vous connaissez la teneur du document P1237, ce
4 rapport qui accompagnait la lettre que vous avez signée ?
5 R. Oui, oui, je le connais. Je le connais. J'ai signé le mémorandum, étant
6 donné qu'à l'époque j'étais chef de l'administration de la police de
7 Varazdin. Donc, je devais envoyer le mémorandum en question, et le rapport
8 a été écrit par le commandant de mon unité de la police spéciale.
9 Q. Pour ce qui est du rapport, vous connaissez les questions qui sont
10 décrites dans ce rapport, n'est-ce pas, vous les connaissez du fait de
11 votre participation à l'opération Tempête, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, bien sûr.
13 Q. Est-ce que nous pourrions, je vous prie, revenir sur cette partie du
14 rapport où vous indiquez que vous entrez dans les faubourgs de Gracac, et
15 puis il est question donc de BPP.
16 Est-ce que vous pourriez indiquer à la Chambre ce que signifie ce
17 BPP.
18 R. BPP, en fait cela signifie poste de contrôle de combat. Voilà, ce sont
19 les initiales, et c'est ce qui a été fait par la police spéciale ou plutôt
20 cela a été monté par la police spéciale pour qu'ils se protègent d'attaques
21 éventuelles.
22 Q. Et nous avons entendu des témoignages en l'espèce qui faisaient état de
23 postes de contrôle qui se trouvaient sur la route où se trouvaient deux
24 factions, la police civile ou militaire. Est-ce que vous pourriez décrire à
25 la Chambre si la police spéciale avait été placées de faction sur ces
26 postes de contrôle, puisque là il s'agissait en fait de postes de contrôle
27 relatifs ou permettant de superviser la circulation routière ?
28 R. Non.
Page 25988
1 Q. Lorsque vous êtes arrivé dans la zone de Gracac, vous étiez près de
2 Stikada, n'est-ce pas ?
3 R. Oui. Stikada, en fait c'était le nom de toute cette zone, et le nom de
4 la localité c'était Loncari.
5 Q. Alors, avant d'entrer dans les détails à propos de Gracac justement,
6 j'aimerais vous poser une question puisque vous avez fait référence au
7 groupe opérationnel de reconnaissance.
8 Est-ce que vous pourriez nous décrire ce groupe, je vous prie, ainsi
9 que leurs fonctions ou ainsi que sa fonction ?
10 R. Chaque unité de police disposait de son groupe opérationnel de
11 reconnaissance, et ce groupe faisait de la reconnaissance justement dans le
12 contexte des actions offensives de la police spéciale. Ce qui fait que
13 chaque membre du groupe opérationnel de reconnaissance avait reçu un
14 entraînement conforme à ce qu'il devait faire et leur but était de compiler
15 le plus grand nombre de renseignements et d'informations à propos de
16 l'ennemi, donc positions de l'ennemi, forces de l'ennemi, matériel et
17 équipement de l'ennemi, et cetera, et cetera.
18 Q. Dans ces groupes, est-ce qu'il y avait des personnes qui s'occupaient
19 de guider les tirs d'artillerie dans ces groupes ?
20 R. Oui, bien sûr. Il y avait des éclaireurs qui faisaient partie du groupe
21 qui dirigeaient les tirs d'artillerie justement. Il y avait également des
22 spécialistes des explosifs qui dégageaient les mines.
23 Q. Alors, nous allons maintenant passer à Gracac. Vous, vous êtes passé
24 par Gracac alors que vous étiez en chemin vers Bruvno; c'est cela ?
25 R. Oui.
26 Q. Est-ce que vous étiez présent lorsque M. le ministère Jarnjak est venu
27 à Gracac ?
28 R. Oui. Oui, j'étais présent. J'y étais présent avec mon commandant
Page 25989
1 d'ailleurs.
2 Q. Lorsque vous êtes allé à Bruvno, pourquoi est-ce que votre unité a reçu
3 l'ordre d'aller à Bruvno ?
4 R. La raison de notre séjour à Bruvno, c'est parce qu'ils envisageaient
5 une contre-attaque de la part de l'armée serbe. Et on nous a donné l'ordre
6 d'y aller, de nous déployer dans ce secteur pour contrecarrer leur plan
7 d'attaque.
8 Q. Lorsque vous êtes passé par Gracac, qu'avez-vous pu y observer ?
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.
10 M. WAESPI : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait avoir une période. Parce
11 que nous étions à Bruvno, c'était le 8 août. Maintenant nous repartons au 5
12 août, parce que c'est le 5 août qu'ils sont entrés dans Gracac pour la
13 première fois, donc qu'en est-il ?
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, le 5, c'était la première journée où
15 il était à Mali Alan. Le 6 -- mais en fait, je vais demander au témoin de
16 nous le dire.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
19 Q. Donc, Monsieur, j'ai fait référence à votre déclaration, vous l'avez
20 devant vous.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est question du deuxième jour
22 lorsqu'il est question de Gracac.
23 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.
24 Q. Le deuxième jour, lorsque vous êtes arrivé à Gracac, au paragraphe 4,
25 vous voyez ce qui est écrit, vous dites que vous êtes arrivé à Gracac. Puis
26 ensuite le 6, vous vous êtes préparé aux activités. Le 7 août, vous êtes
27 allé à Bruvno.
28 Alors, vous êtes passé par Gracac en partant de Stikada pour aller à
Page 25990
1 Bruvno, est-ce que vous avez pu ou qu'avez-vous pu observer ou constater à
2 Gracac, et je pense aux dégâts que vous auriez pu constater ?
3 R. Mais je me souviens qu'il y avait des dégâts. J'ai vu plusieurs
4 immeubles qui avaient été détruits. Mais pour autant que je m'en souvienne,
5 ils avaient été détruits bien longtemps avant, puisqu'il y avait de la
6 végétation qui repoussait sur ces ruines, et je ne me souviens pas d'autres
7 dégâts.
8 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Bruvno, à Bruvno le 7, qu'elle a été votre
9 tâche une fois que vous êtes arrivé à Bruvno ?
10 R. Lorsque nous sommes arrivés à Bruvno, une tâche nous a été confiée, et
11 avec les unités de Primorsko Gorinska, avec l'Unité antiterroriste de
12 Lucko, et l'Unité de Gospic, nous étions censés passer par Bruvno et Mazin
13 et nous rendre jusqu'à Donji Lapac.
14 Q. Bien. Vous avez dit un peu plus tôt que vous étiez allé à Bruvno pour
15 essayer de prévenir une contre-attaque. Lorsque vous êtes arrivé à Bruvno,
16 est-ce que cette contre-attaque a eu lieu ?
17 R. Non. Non, non, il n'y avait personne là-bas. Et il n'y a pas eu de
18 contre-attaque.
19 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Mazin, est-ce que vous avez pu voir s'il y
20 avait des gens dans un premier temps à Mazin, est-ce qu'il y a eu une
21 résistance qui vous a été opposée à Mazin ?
22 R. Non, il n'y a pas eu de résistance à Mazin. J'ai vu devant des maisons
23 quelques personnes âgées, hommes et femmes âgées, qui se trouvaient devant
24 leurs maisons et à qui nos policiers ont expliqué qu'ils devaient y rester
25 et que quelqu'un viendrait pour les récupérer, certainement des policiers
26 de la police de base, et nous, nous avons donc continué à nous déplacer en
27 vue de nous acquitter de nos tâches.
28 Q. Le même jour, vous êtes arrivé à Donji Lapac, n'est-ce pas ?
Page 25991
1 R. Oui. Le même jour, nous sommes arrivés à Donji Lapac.
2 Q. Nous avons entendu le témoignage d'un témoin qui se déplaçait le long
3 de la route goudronnée menant à Donji Lapac. Votre unité n'a pas pris cette
4 route, n'est-ce pas ?
5 R. Non. Nous avons pris la direction au-dessus de Mazin, une fois montés
6 dans la forêt nous avons emprunté une route qui n'a pas été goudronnée, une
7 sorte de sentier battu.
8 Q. Pouvez-vous expliquer à la Chambre comment vous êtes arrivé à cette
9 zone de Donji Lapac en partant de Bruvno ? Quels moyens de transport avez-
10 vous utilisé ?
11 R. Pendant notre avance, nous nous sommes déplacés à pied, nous avons
12 marché. Et il y avait un véhicule de blindés de combat qui se trouvait
13 également dans notre groupe et c'est comme cela que nous sommes arrivés aux
14 abords de Lapac, près des premières maisons de Donji Lapac, où nous avons
15 été exposés aux tirs de canon, aux tirs d'artillerie. Bien sûr, nous ne
16 savions pas s'il s'agissait des tirs des nôtres ou des leurs, au début, et
17 nous n'avons pas demandé d'appui d'artillerie du tout.
18 Mais nous avons eu un problème de communication avec l'état-major de
19 notre police, parce que nous nous trouvions entre deux sommets de montagne,
20 et les communications ne passaient pas.
21 Q. Pendant combien de temps cette attaque d'artillerie a-t-elle duré, qui
22 a été dirigée contre vous ?
23 R. Une demi-heure à peu près.
24 Q. Après la fin de cette attaque d'artillerie, vous avez continué à
25 marcher vers Donji Lapac, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Vous avez décrit, paragraphe 7 de votre déclaration, ce qui s'est passé
28 lorsque vous êtes arrivé à Donji Lapac.
Page 25992
1 Dites à la Chambre ce qui s'est passé au moment où vous avez
2 rencontré les membres de la FORPRONU à Donji Lapac ? Et soyez bref.
3 R. Une fois arrivé à Donji Lapac, le général Markac a rejoint nos
4 commandants. Et lui, il a essayé d'abord d'entrer ensemble avec nous avec
5 leur camp. Pourtant, ils sont apparus le long de la ligne où se trouvaient
6 leurs positions, à l'intérieur de leurs casemates ou bunkers, parce qu'ils
7 ne savaient pas qui nous étions.
8 Lorsque nous nous sommes présentés à eux, en disant que nous étions membres
9 des forces croates, l'un de leurs officiers a transmis cette information à
10 tout le monde qui se trouvait dans cette base. Tous les soldats des Nations
11 Unies sont sortis de ces bunkers. Ils étaient joyeux. Ils ont commencé à
12 s'embrasser, et c'est comme cela que nous sommes entrés tous ensemble dans
13 l'un des bâtiments dans cette base pour prendre une tasse de thé.
14 Q. Lorsque vous êtes entrés à la base des Nations Unies à Donji Lapac,
15 dites-nous ce que vous avez pu remarquer pour ce qui est de la ville même;
16 est-ce qu'il y a eu des dommages causés à des bâtiments ?
17 R. Deux ou trois bâtiments au centre-ville ont été en flammes et presque
18 complètement incendiés.
19 Q. Pendant combien de temps le général Markac est-il resté avec vous à
20 Donji Lapac ?
21 R. Le général Markac est resté avec nous dans la base. Le général Markac
22 leur a expliqué que nous étions membres des forces croates, que l'opération
23 était en cours et qu'il y aurait d'autres activités de nos membres dans la
24 zone où se trouvent les frontières avec la Bosnie-Herzégovine. Il leur a
25 expliqué qu'ils étaient en sécurité et que s'il y avait des problèmes
26 quelconques, ils pouvaient s'adresser à nous. Après quoi, le général
27 Markac, il est parti de cette zone parce que déjà un groupe de la police
28 spéciale était prêt pour partir de Boricevac vers la frontière avec la
Page 25993
1 Bosnie-Herzégovine.
2 Q. Monsieur Vitez, vous êtes resté à Donji Lapac ou aux environs de Donji
3 Lapac dans la soirée, ensemble avec votre unité, n'est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre de première instance s'il y a eu des
6 membres de la police spéciale qui auraient été impliqués à des incendies
7 provoqués à Donji Lapac ?
8 R. Non.
9 Q. Le lendemain, votre unité est partie dans la direction de Boricevac-
10 Kulen-Vakuf. Que s'est-il passé là-bas ?
11 R. Notre unité y est arrivée. Nous n'avons pas mené l'attaque. Nous étions
12 une force de réserve pour ce qui est des forces qui étaient déjà parties
13 vers la frontière avec la Bosnie-Herzégovine.
14 Pendant toute la journée, nous attendions le moment où nous allions
15 participer à l'action. Pourtant cela ne s'est pas passé.
16 Q. Finalement, vous avez reçu l'ordre de rebrousser chemin, de retourner à
17 Varazdin ?
18 R. Oui. La réunion avec M. Sacic, chef du département de la police
19 spéciale a eu lieu. Lors de cette réunion, les unités qui se trouvaient
20 dans la zone depuis le premier jour des activités de combat dans cette zone
21 ont pu retourner chez elles.
22 Q. Votre unité est rentrée à Varazdin. Pendant votre retour à Varazdin,
23 êtes-vous passé par Gracac ?
24 R. Non, par Udbina.
25 Q. Après l'opération Tempête, votre unité a-t-elle pris part à des
26 opérations du ratissage du terrain. Je pense à l'unité de la police
27 spéciale de Varazdin ?
28 R. Non, nous n'avons pas pris part à cette opération.
Page 25994
1 Q. J'aimerais maintenant qu'on affiche le document 2D00282.
2 Monsieur Vitez, c'est le numéro 65 ter. Excusez-moi.
3 Le document qui va être affiché sur l'écran dans quelques instants
4 est le document qui a été envoyé de l'administration de la police de
5 Varazdin. Connaissez-vous M. Ivan Zitnjak ?
6 R. Oui, je connais M. Ivan Zitnjak.
7 Q. La date de ce document est le 6 août 1995. Monsieur Vitez, il est
8 évident que vous n'étiez pas à Varazdin à cette date. Mais est-ce que vous
9 connaissez le contenu de cette lettre, et pouvez-vous nous dire quel était
10 l'objectif de cette lettre ?
11 R. Pour ce qui est du contenu de cette lettre, on peut voir qu'il est
12 écrit que l'administration de la police de Varazdin doit envoyer des
13 renforts à Zadar, ce qui a été tout à fait normal, après l'opération
14 Tempête.
15 A savoir que les administrations de la police qui n'ont pas été
16 directement touchées par les activités de guerre, ont assisté les
17 administrations de la police, en fournissant du personnel pour ce qui est
18 de la protection civile, la plupart du temps. Et ici, on voit qu'ils ont
19 demandé des techniciens de la police judiciaire qui devaient se rendre sur
20 les lieux de crime pour procéder à des enquêtes sur les lieux de crime.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que ce
22 document soit versé au dossier, et qu'une cote lui soit accordée.
23 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document sera versé au dossier.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote sera D1894.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est versé au dossier.
27 Continuez.
28 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'ai voulu qu'on tire un point au clair
Page 25995
1 concernant une question que je vous ai déjà posée.
2 A la page 71, ligne 24, la question que je vous ai posée était comme suit :
3 "Pouvez-vous dire à la Chambre de façon non ambiguë s'il y avait des
4 membres de la police spéciale qui auraient été impliqués à des incendies à
5 Donji Lapac ?"
6 Votre réponse était : "Non."
7 Est-ce que cela veut dire que, non, ils n'ont pas été impliqués à des
8 incendies à Donji Lapac ?
9 R. Oui. Cela veut dire qu'ils n'ont pas été impliqués dans des incendies à
10 Donji Lapac.
11 Q. Merci. Une dernière question.
12 Monsieur Vitez, puisque vous avez travaillé avec le général Markac
13 pendant des années dans la police spéciale, pouvez-vous nous dire qui était
14 le général Markac, de votre point de vue, en tant que personne. Pouvez-vous
15 parler de son caractère ?
16 R. Oui. Puisque je connais le général Markac depuis l'année 1987 ou 1988,
17 où il était moniteur ou enseignant, éducateur, pour l'éducation physique et
18 l'autodéfense, je sais qu'il était quelqu'un qui était persévérant, et rien
19 ne lui était impossible. En tant que général et en tant que chef, ou
20 plutôt, directeur, il a été très apprécié, non seulement dans la police,
21 mais aussi ailleurs.
22 Q. Merci, Monsieur Vitez.
23 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser à M.
24 Vitez.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Kuzmanovic.
26 Est-ce qu'il y aura d'autres contre-interrogatoires du témoin ?
27 M. MISETIC : [interprétation] Non.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous, Maître Kay ?
Page 25996
1 M. KAY : [interprétation] Non.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de vous donner la parole, Monsieur
3 Waespi, pour procéder au contre-interrogatoire, j'aimerais obtenir une
4 clarification du témoin sur un sujet.
5 Monsieur Vitez, vous avez dit au début que lorsque vous avez dû percer les
6 premières lignes de front, vous avez demandé l'appui d'artillerie. Qui vous
7 a fourni cet appui ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] L'appui d'artillerie a été fourni par nos
9 effectifs de la police spéciale.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que votre propre unité
11 d'artillerie a été rattachée à la police spéciale ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Cette unité d'artillerie fournissait de
13 l'appui à toutes les unités, et il s'agissait d'une unité indépendante.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'était une unité d'artillerie
15 pourtant. Elle était composée d'hommes qui appartenaient à quelle entité ?
16 A la police spéciale ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ils fournissaient un soutien en
19 artillerie, d'après vous, à tous. Que doit-on comprendre par ce "tous" ?
20 C'est-à-dire pas uniquement à votre unité de la police spéciale, mais
21 également à d'autres unités de la police spéciales, ou bien avez-vous voulu
22 dire qu'ils soutenaient également des unités qui n'étaient pas des unités
23 de la police spéciale ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ne fournissaient un soutien d'artillerie
25 qu'à la police spéciale, par uniquement à mon unité, mais également à
26 d'autres unités. Cela dépendait de l'axe sur lequel ils se trouvaient et de
27 l'unité qui leur avait adressé une demande de soutien.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Est-ce que la police
Page 25997
1 spéciale, pendant ce mouvement sur le mont Velebit et à Donji Lapac, a eu
2 recours à un soutien en artillerie ? Est-ce qu'elle s'est reposé sur le
3 soutien en artillerie d'un autre groupe qui se serait trouvé en dehors des
4 effectifs de la police spéciale ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce que j'en sais, pour ma propre unité et
6 l'axe sur lequel je me suis trouvé, la réponse est certainement non. Alors,
7 est-ce que par ailleurs, il a pu y avoir une aide de quelqu'un d'autre
8 ailleurs, je l'ignore.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais vous nous avez dit qu'à
10 votre arrivée à Donji Lapac, il y avait des tirs d'artillerie, mais vous ne
11 saviez pas si c'étaient des tirs amicaux ou hostiles. Et vous avez rajouté
12 que vous n'aviez pas demandé de soutien en artillerie à ce moment-là.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. Mais lorsque nous sommes arrivés à
14 l'entrée de ce hameau, nous avons été la cible de tirs d'artillerie. Nous
15 avons été contraints de nous arrêter, d'attendre, et nous sommes entrés en
16 communication radio afin d'essayer de déterminer qui était en train de
17 tirer.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était à Donji Lapac ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, vous avez dit sur l'axe sur
21 lequel vous vous trouviez que vous n'aviez demandé aucun soutien en
22 artillerie ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Nous n'avons eu aucun contact avec
24 l'ennemi. Nous ne l'avons trouvé nulle part, et nous étions en territoire
25 couvert de forêts. C'était une région karstique et il n'y avait pas de
26 besoin du tout de recourir à un soutien en artillerie.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et la même chose s'appliquerait
28 également aux différentes localités, villages et villes que vous avez
Page 25998
1 traversés ? Vous avez dit être arrivé à Stikada et qu'il n'y avait besoin
2 alors de demander un soutien en artillerie. C'est ce que vous voulez dire ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon unité, sur l'axe sur lequel elle est
4 intervenue après Mali Alan, n'a plus demandé aucun soutien en artillerie
5 jusqu'à la fin de l'opération, y compris Donji Lapac.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cela comprend également Gracac,
7 n'est-ce pas ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, évidemment.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous connaissance des conséquences
10 éventuelles des tirs d'artillerie à Gracac au cours des premiers jours du
11 mois d'août ? Vous nous avez déjà dit avoir vu des bâtiments endommagés,
12 couverts de végétation, mais avez-vous connaissance d'impacts de tirs
13 d'artillerie à Gracac pendant les jours où vous avez été présent dans la
14 zone ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je n'en ai pas vu, ni n'ai été témoin de
16 tels tirs d'artillerie.
17 Lorsque je suis entré à Gracac, je n'ai vu nulle part d'impacts de
18 tirs d'artillerie.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est votre unité qui a libéré la
20 zone de Gracac, ou bien y a-t-il eu également des unités qui n'étaient pas
21 des unités de la police spéciale qui ont participé à cette libération en
22 avançant vers Bruvno ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai constaté, pendant toute la durée de
24 cela, la présence de personne d'autre que les hommes de la force spéciale
25 de la police, ni à Bruvno, ni à Gracac. Ce n'est qu'à Donji Lapac que j'ai
26 vu pour la première fois des membres de la HV.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, vous nous dites - excusez-moi, je
28 vais juste vérifier une chose.
Page 25999
1 Vous avez dit précédemment que votre unité n'était pas revenue à
2 Gracac, qu'elle était repartie après l'achèvement de votre mission de
3 combat. J'essaie de retrouver ce passage.
4 Vous pourriez répéter ce que vous avez dit à ce moment-là, s'il vous plaît.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque nous avons achevé notre mission, notre
6 unité a été renvoyée sur le territoire de la direction de la police de
7 Varazdin.
8 L'opération suivante à laquelle nous avons participé a été de servir
9 d'effectifs de réserve dans l'opération de ratissage du terrain à Petrova
10 Gora.
11 Ensuite, l'unité s'est rendue sur le territoire du comitat de Dubrovnik et
12 Neretva, où nous devions tenir les positions faisant face au Monténégro. A
13 peine étions-nous arrivés sur ce territoire quelque part au mois d'octobre.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous nous avez dit que votre unité
15 était repartie non pas en traversant Gracac, mais Udbina. Mais qui a choisi
16 l'itinéraire de retour ? Avez-vous la moindre indication quant à ce qui a
17 pu présider au choix de cet itinéraire passant par Udbina ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le commandant de l'unité qui a choisi
19 l'itinéraire de retour. Quant au choix de passer par Udbina, c'était pour
20 une raison purement pratique, parce que cela nous a permis de raccourcir le
21 trajet de presque une centaine de kilomètres.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci pour ces réponses.
23 Monsieur Waespi, si vous avez des questions, nous avons encore quelques
24 minutes. Vous pouvez commencer.
25 M. WAESPI : [interprétation] Oui, je suis prêt à commencer.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous allez
27 maintenant être contre-interrogé par le représentant de l'Accusation, M.
28 Waespi.
Page 26000
1 Veuillez procéder, Monsieur le Procureur.
2 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Contre-interrogatoire par M. Waespi :
4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
5 Si j'ai bien compris, vous étiez l'adjoint du commandant de cette unité de
6 la police spéciale de Varazdin. Vous vous êtes référé à ce commandant
7 plusieurs fois, mais quel était le nom du commandant de cette unité de la
8 police spéciale à Varazdin ?
9 R. Monsieur le Procureur, le commandant de l'unité spéciale de la police à
10 Varazdin était M. Ivica Mindek.
11 Q. Pourriez-vous épeler pour nous, s'il vous plaît, son nom de famille ?
12 R. M-i-n-d-e-k, Mindek.
13 Q. Merci. Pendant combien de temps a-t-il exercé cette fonction de
14 commandement de l'unité de la police spéciale à
15 Varazdin ?
16 R. Il a été, donc Ivica Mindek, commandant à partir de 1993 environ et
17 jusqu'en 1997.
18 Q. Merci, Monsieur Vitez. Alors, je présume que c'est alors M. Mindek qui
19 était l'auteur de ce rapport que vous avez lu en partie et qui concernait
20 les activités de cette unité de Varazdin.
21 R. Oui.
22 Q. Merci. A présent, je voudrais vous demander ce qu'était exactement
23 votre fonction ? Est-ce que vous agissez en qualité d'adjoint, c'est-à-dire
24 de substitut de votre commandant lorsqu'il était absent ? Est-ce que vous
25 alliez à des réunions lorsque M. Mindek ne pouvait pas s'y rendre ? Est-ce
26 que vous pourriez expliquer un peu plus en détail le rapport entre votre
27 commandant et vous, en votre qualité d'adjoint de ce commandant, pendant
28 l'opération
Page 26001
1 Tempête ?
2 R. Notre unité avait deux adjoints du commandant, et j'étais l'un d'eux.
3 L'autre, c'était M. Horinec. Mes obligations en tant qu'adjoint du
4 commandant étaient de travailler avec les instructeurs, de planifier et de
5 concevoir les activités pour l'unité dans son ensemble, de mettre en œuvre
6 le plan d'instruction des hommes, ainsi que les activités tactiques et
7 d'autres activités dans lesquelles nous étions impliquées. L'autre adjoint
8 avait lui aussi affaire à certaines de ces tâches. Cependant, il était plus
9 spécifiquement chargé aussi de l'effectif de réserve.
10 Q. Et votre rôle particulier pendant l'opération Tempête, quel était-il ?
11 Je suppose que vous n'aviez pas alors de contacts avec les instructeurs,
12 mais est-ce que vous aviez un rôle de commandement ou de consultation
13 particulier ? Est-ce que vous pourriez éclairer ma lanterne à ce sujet.
14 R. Dans cette opération, notre groupe opérationnel de renseignement
15 intervenait toujours à l'avant de l'unité. Derrière elle, avançait le
16 commandant avec ses deux assistants afin de pouvoir contrôler l'évolution
17 de la situation et de pouvoir également conduire l'unité dans une opération
18 offensive. A cet égard, c'était la même chose que dans les autres
19 opérations.
20 Q. Et quand vous parlez des assistants, c'étaient donc vous-même et votre
21 collègue, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Donc vous suiviez, en fait, votre commandant pendant l'opération
24 Tempête; c'est cela ?
25 R. Nous ne nous contentions pas de le suivre. Nous étions toujours
26 présents aux côtés de l'unité dans son ensemble, aux côtés des hommes qui
27 participaient en première ligne aux combats, qui perçaient les lignes de
28 front. Nous nous considérions comme endossant la plus grande responsabilité
Page 26002
1 au sein de l'unité et nous ne nous permettions jamais d'arriver après nos
2 hommes lorsqu'ils opéraient une percée ou lorsqu'ils se lançaient dans une
3 attaque.
4 Q. Sur la base des documents, je comprends que l'unité comptait entre 120
5 et 140 policiers des forces spéciales, je parle de votre unité qui est
6 venue de Varazdin. Est-ce bien le cas ?
7 R. Oui. Il s'agissait d'environ 100 policiers d'active, et il y avait
8 également des policiers de réserve, une cinquantaine d'entre eux, et outre
9 cela, il y en a eu d'autres à nos côtés qui ont été mobilisés.
10 Q. Merci.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic.
12 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il y a peut-être une erreur dans la
13 question qui suggère que l'unité serait venue de Varazdin à Knin --
14 M. WAESPI : [interprétation] En effet, elle est venue de Varazdin sur le
15 territoire de la direction de la police de Zadar-Knin. C'est à cette
16 première date du 22 juillet 1995.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Oui, c'était en se préparant
18 à gravir la région des monts Velebit.
19 Alors, une question pour finir, Monsieur Vitez. Varazdin, c'est au
20 nord de Zagreb ou…
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Varazdin est l'une des villes les
22 plus septentrionales de Croatie. A notre gauche, se trouve la République de
23 Slovénie, et à droite, la Hongrie.
24 M. WAESPI : [interprétation] C'est une belle ville, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est à prendre en considération
26 peut-être pour après la retraite.
27 Nous allons lever l'audience pour aujourd'hui. Monsieur Vitez, nous vous
28 attendons demain, non pas demain matin, mais demain après-midi, puisque
Page 26003
1 nous levons l'audience pour reprendre nos débats demain --
2 Avant cela, il faut que je vous fournisse quelques instructions
3 spécifiques. Vous ne devez vous entretenir avec personne au sujet de votre
4 déposition, qu'il s'agisse de celle que vous avez donnée aujourd'hui ou de
5 celle que vous vous apprêtez à donner demain.
6 Est-ce suffisamment clair ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous remercie, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'audience est levée et nos débats
9 reprendront demain, 10 décembre, à 14 heures 15.
10 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vient de me confirmer que je ne me
12 suis pas trompé.
13 En fait, puisque nous reprendrons donc demain, 10 décembre, à 14
14 heures 15, nos débats dans l'après-midi, dans la salle d'audience numéro
15 III.
16 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le jeudi 10 décembre
17 2009, à 14 heures 15.
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28