Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 25 février 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes

  7   dans le prétoire et à l'extérieur du prétoire.

  8   Monsieur le Greffier d'audience, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 10   Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre

 11   Ante Gotovina et consorts.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier

 13   d'audience.

 14   Bonjour à vous, Monsieur Radic.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 16   LE TÉMOIN : JURE RADIC [Reprise]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   Questions de la Cour : [Suite] 

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions supplémentaires

 20   à vous poser à propos de la déclaration que vous aviez faite à l'équipe de

 21   Défense de M. Gotovina.

 22   Au paragraphe 24 de cette déclaration, vous mentionnez un fait. Voilà

 23   ce que vous dites : pour loger la population de Kijevo à Knin, donc vous

 24   mentionnez ce fait, vous mentionnez qu'il fallait simultanément construire

 25   de nouvelles maisons à Kistanje, maisons qui étaient utilisées pour y loger

 26   des citoyens.

 27   Alors, est-ce que vous pourriez étoffer un peu votre propos. Est-ce

 28   que vous pourrez nous donner des détails et nous dire à qui était destiné

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  1   ces maisons, quand, combien de personnes et de combien de maisons

  2   s'agissait-il. Et vous pourriez peut-être nous donner quelques détails à

  3   propos du fait qu'il n'y avait pas de maisons à Kistanje et qu'il fallait

  4   loger des personnes à Knin de Kijevo. Alors, nous allons peut-être

  5   commencer par Kistanje.

  6   Mais j'avais omis de vous rappeler qu'il fallait que vous respectiez

  7   la déclaration solennelle que vous avez prononcée hier, en vertu de

  8   laquelle vous avez promis de dire la vérité et toute la vérité et rien que

  9   la vérité.

 10   Je vous en prie, Monsieur.

 11   R.  Je pense que la construction d'appartements et de maisons à Kistanje

 12   est justement l'exemple s'il en fut que l'on peut donner pour prouver que

 13   nous avons essayé de régler plusieurs problèmes simultanément, parce qu'il

 14   y avait des Croates qui avaient été expulsés de leurs foyers. Il y avait

 15   également des Croates et des personnes de Bosnie-Herzégovine et des Croates

 16   de Serbie, et nous avions également des personnes qui avaient quitté leurs

 17   foyers en Croatie et qui pour l'essentiel s'étaient rendues en Serbie. Donc

 18   il s'agissait de Serbes.

 19   Et puis, après l'opération Oluja, après qu'une grande partie du territoire

 20   croate a été libérée, il y avait un grand nombre de personnes à Kistanje --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps. Alors, je vais

 22   préciser ma question. Je vous avais posé une question, de combien de

 23   maisons s'agissait-il ? Mais j'aimerais que vous alliez à l'essentiel. Je

 24   ne sais pas, donnez-moi des exemples, A, B, C, trouvez un bon exemple. Ce

 25   qui m'intéresse au premier chef, ce sont les faits dont on peut parler à

 26   propos de cette reconstruction de domiciles.

 27   R.  A Kistanje, nous avons construit un nouveau lotissement avec 150

 28   maisons, si je ne m'abuse. Alors, là, il s'agissait d'un lotissement tout à

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  1   fait nouveau, construit dans un champ. Il s'agissait de nouvelles maisons,

  2   équipées de façon moderne, avec toute l'infrastructure, et nous l'avons

  3   fait grâce à l'aide du gouvernement des Etats-Unis, qui nous avait fait

  4   parvenir des fonds. Je dois dire qu'ils avaient investi dans la

  5   construction des services d'adduction d'eau et des services d'électricité.

  6   Une fois que les maisons ont été terminées, nous avons placé des

  7   personnes qui avaient été logées de façon temporaire dans des maisons

  8   abandonnées.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps. J'aimerais savoir

 10   quand est-ce que tout cela s'est passé ? Quand est-ce que vous avez

 11   commencé à construire ces 150 maisons et quand est-ce que ces 150 maisons

 12   ont été prêtes ?

 13   R.  Oui, il s'agissait d'environ 150 maisons, c'est exact. Ecoutez, il

 14   m'est difficile de me souvenir de la date exacte, mais disons que nous

 15   avons commencé une année après l'opération Tempête.

 16   Après l'opération Tempête, dès la fin de l'opération Tempête, tout de

 17   suite, nous avons commencé à prévoir nos plans de développement. Il y avait

 18   plusieurs villages qui avaient été pris en considération. Il y en avait un

 19   près de Gracac, un autre près de Donji Lapac. Malheureusement, celui-ci n'a

 20   jamais été construit. Et puis, il y a plusieurs exemples. J'ai mentionné

 21   trois exemples importants, il s'agissait de construction de plus de 150

 22   maisons, mais il y avait d'autres petits lotissements dans différents

 23   lieux.

 24   Donc après l'opération Tempête, nous avons commencé à concevoir le plan,

 25   mais la construction d'un lotissement avec 150 villages exige beaucoup de

 26   temps, et puis beaucoup d'argent, bien entendu.

 27   Et pour autant que je m'en souvienne maintenant, je pense que nous avons

 28   commencé une année après l'opération Tempête pour ce qui est de cette

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  1   construction précise, et ensuite au bout d'une année -- oui, et d'ailleurs,

  2   je me souviens de quelque chose, je m'en souviens très bien. L'ambassadeur

  3   des Etats-Unis à l'époque, était M. Montgomery, et nous étions en train de

  4   distribuer des clés lors d'une cérémonie publique à des personnes qui

  5   allaient ainsi être transférées de logements temporaires où ils avaient été

  6   logés pour qu'ils puissent revenir à Kistanje. Je pense que Kistanje,

  7   d'ailleurs, est un très bon exemple de cohabitation.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous dites que c'est un bon exemple

  9   de cohabitation. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est la

 10   répartition des appartenances ethniques en ce moment ?

 11   R.  Ecoutez, je ne le sais pas. Je suis allé à une commémoration. J'y ai

 12   été invité il y a trois ans. En fait, le maire était serbe, et de ce fait,

 13   j'en ai conclu que les Serbes représentaient l'appartenance ethnique

 14   majoritaire qui était allée voter. Donc je suppose que maintenant, à

 15   Kistanje, nous avons donc

 16   50 %/50 %. Et je sais qu'il y a des élections, et lorsque les élections

 17   sont organisées, il y a des gens qui viennent de Serbie. Ils arrivent en

 18   bus afin de déposer leurs bulletins dans les urnes. Ecoutez, je ne fais

 19   plus ce travail, et cela fait plus de dix ans que cela s'est passé. Donc ce

 20   que je vous donne maintenant, c'est l'impression que j'ai à propos de la

 21   situation actuelle.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc 150 maisons qui ont été

 23   construites. Donc les personnes qui avaient été logées provisoirement,

 24   elles étaient originaires de Kistanje ou d'ailleurs, et ces personnes ont

 25   pu être logées dans ces nouvelles maisons; c'est cela ?

 26   R.  Les gens ont été transférés dans ces nouveaux logements. Il s'agissait

 27   de personnes qui avaient été logées provisoirement dans des maisons

 28   abandonnées à Kistanje et dans les environs de Kistanje.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'il s'agissait

  2   essentiellement de Croates ou …

  3   R.  Oui, essentiellement, il s'agissait effectivement de Croates. C'est ce

  4   que je pense. Je dirais à raison de plus de 90 %. Il y avait des Bosniaques

  5   parmi eux. Mais pour autant que je m'en souvienne maintenant, l'essentiel

  6   de la population était croate. Ils avaient été logés temporairement dans

  7   des maisons de Serbes qui étaient partis de la Croatie. Donc nous avons

  8   vidé ces maisons et nous les avons libérées pour que les Serbes puissent y

  9   revenir.

 10   Et Kistanje, c'est une ville qui est vraiment très vivante, qui est

 11   très animée. Il y a beaucoup de jeunes enfants. Je me sens très à l'aise,

 12   d'ailleurs quand je me rends à Kistanje.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais est-ce que vous disposez de

 14   données à propos des Serbes qui sont revenus ? Est-ce qu'il y avait des

 15   programmes prévus pour la reconstruction de leurs domiciles également ?

 16   Est-ce que vous pourriez nous donner les faits à ce sujet ? Parce que vous

 17   me dites que les gens sont arrivés en bus depuis la Serbie pour voter, cela

 18   signifie apparemment qu'ils n'étaient pas tous rentrés chez eux, qu'ils

 19   n'étaient pas tous dans leurs maisons. S'ils avaient besoin d'un bus pour

 20   venir, cela signifie en plus qu'il ne s'agit pas d'une ou deux personnes,

 21   mais qu'il s'agit d'un certain nombre de personnes. Donc est-ce que vous

 22   pourriez me dire ce qu'il est advenu des maisons qui avaient été vidées, en

 23   quelque sorte, des maisons dont les personnes ont été transférées pour être

 24   relogées ? Qu'est-il advenu de ces maisons abandonnées ?

 25   R.  Lorsque je parlais de "bus," je parlais d'une partie de la population

 26   qui était revenue. Je vais vous donner un exemple que je connais très bien.

 27   Une famille était partie d'une maison. Il s'agissait du grand-père,

 28   de la grand-mère, du père, de la mère et des enfants. Mais c'est important

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  1   ce que je vous dis. C'est important.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je vous interromps. Vous

  3   savez, les exemples peuvent parfois être très illustratifs, mais ce n'est

  4   pas toujours le cas. Ils ne permettent pas toujours de comprendre

  5   l'ensemble de la situation. Et ce qui m'intéresse pour le moment, c'est

  6   d'essayer d'obtenir des informations qui me permettront de saisir

  7   l'ensemble de la situation. Bien entendu, il se peut qu'un exemple soit

  8   très illustratif de la situation, mais il se peut également que cet exemple

  9   représente l'exception. Donc je préférerais que vous vous absteniez de me

 10   donner des exemples, tout en me donnant des faits clairs et des chiffres

 11   qui me permettront de comprendre la situation générale.

 12   R.  Bien. Tous les Serbes dont les maisons avaient été libérées des

 13   occupants temporaires avaient la possibilité de revenir. Il y en avait

 14   certains, entre-temps, qui étaient hors de Croatie, qui avaient réussi à

 15   obtenir des emplois, leurs enfants suivaient les cours des écoles là où ils

 16   étaient, à Belgrade ou ailleurs, par exemple, donc ils étaient attachés à

 17   leur travail, ils y tenaient. Donc il y a un certain nombre qui sont venus

 18   à Kistanje. Peut-être que les personnes plus âgées sont revenues. C'est

 19   pour cela que je vous parlais des grands-pères et des grands-mères --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, vous savez, Me Misetic est très

 21   précieux, en ce sens qu'il me permet de faire en sorte que la tâche des

 22   interprètes soit à peu près gérable. Donc ralentissez, s'il vous plaît.

 23   Et j'aimerais vous demander d'ailleurs si vous avez des chiffres à me

 24   présenter ?

 25   R.  Non, non, je n'ai pas de chiffres. Je ne vous ai pas dit d'ailleurs

 26   qu'ils étaient tous revenus. Ils auraient pu revenir, et toujours est-il

 27   que ceux qui voulaient revenir sont revenus. Alors, si vous prenez Kistanje

 28   à titre d'exemple, je pense à des personnes âgées qui avaient pris leur

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  1   retraite, qui avaient la possibilité de revenir là-bas, qui n'avaient pas

  2   d'enfants qui fréquentaient des écoles ailleurs, eux, ils avaient la

  3   possibilité de revenir plus facilement, alors que les autres, ceux qui

  4   étaient restés à l'extérieur de la Croatie, ils revenaient lorsqu'il y

  5   avait une élection.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites : Ceux qui souhaitaient

  7   revenir sont revenus.

  8   Kistanje était une bourgade qui avait un certain nombre d'habitants

  9   d'ailleurs, et j'aimerais savoir si une recherche a été faite pour savoir

 10   pourquoi ils étaient revenus et pourquoi ils n'étaient pas revenus ? Ou --

 11   est-ce que vous nous avez dit qu'il y en avait certains qui étaient

 12   revenus, quoique vous ne soyez pas à même de nous donner des données à ce

 13   sujet, donc vous avez conclu que ceux qui voulaient revenir sont revenus ?

 14   Mais sur quelle base vous fondez-vous pour affirmer cela ? Sur quelle base

 15   vous fondez-vous pour nous dire que ceux qui voulaient revenir sont revenus

 16   ?

 17   R.  Je tire cette conclusion sur la base d'un fait. Tout le monde pouvait

 18   présenter une demande pour revenir, et pour ce qui était des

 19   reconstructions, nous avons reconstruit les maisons justement. Enfin, je ne

 20   sais pas ce que l'on aurait pu faire d'autre pour faire en sorte que les

 21   gens reviennent.

 22   Donc j'en conclus, sur la base de procédure administrative,  que ceux qui

 23   voulaient revenir sont revenus.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous nous dites que s'ils ne

 25   postulaient pas pour revenir, cela signifiait qu'ils n'avaient absolument

 26   pas envie de revenir. C'est succinctement ce que vous nous dites, Monsieur

 27   ?

 28   R.  Oui, c'est la conclusion que j'ai dégagée. Toutefois, ces personnes

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  1   avaient bel et bien la possibilité de revenir.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Passons à autre chose.

  3   Est-ce que vous savez si les chiffres correspondant aux Serbes qui

  4   sont entre-temps revenus sont publiés quelque part, même si vous ne les

  5   avez pas vous-même ? Est-ce que ce sont des chiffres qui sont publiés qui

  6   nous permettraient de comprendre la situation actuelle et qui nous

  7   permettraient aussi de suivre l'évolution de la situation au fil du temps ?

  8   R.  Non, non, je ne sais pas si ces chiffres existent. Mais je le répète,

  9   cela fait dix ans que j'ai quitté la scène politique. Je travaille dans un

 10   contexte tout à fait différent.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais pour ce qui est de la période

 12   1999 à 2009, par exemple, je ne sais pas, vous auriez peut-être des

 13   informations à propos de la période 1995 à 1999, par exemple.

 14   R.  Oui, tout à fait, et c'est ce dont je me souviens.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans votre déclaration, vous mentionnez

 16   le programme national pour le renouveau démographique.

 17   Cette Chambre a entendu beaucoup de moyens de preuve portant sur différents

 18   types de programmes et de projets de développement. Mais je dois dire que

 19   pour ce qui est de ce programme portant ce nom précis, nous ne l'avons pas

 20   trouvé, et c'est pour cela que j'aimerais savoir à quoi correspond ce

 21   programme précisément. Brièvement, Monsieur, je vous prie, pour que nous

 22   puissions savoir quand ce programme a été conçu et de quoi il était

 23   composé, quels étaient ses différents éléments ?

 24   R.  Il s'agit d'un document qui, au départ, n'a pas de lien avec les

 25   événements qui se sont déroulés pendant la guerre. Lorsque nous avons

 26   établi l'Etat croate en 1990, il y avait la moitié des Croates de souche

 27   qui se trouvait en Croatie et l'autre moitié qui se trouvait hors de

 28   Croatie. Pour des raisons politiques expliquées par l'Epoque communiste. Au

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  1   début, lorsque nous avons créé l'Etat croate, et j'ai commencé à le faire

  2   dès l'année 1992 lorsque j'étais ministre de l'Education et j'ai poursuivi

  3   cette tâche en tant que ministre pour le Développement et la

  4   Reconstruction. Nous avons défini un programme national de renouveau

  5   démographique qui gravitait autour de quelques principes de base. Le

  6   premier de ces principes était le fait qu'il fallait stimuler la croissance

  7   démographique. La Croatie a un déficit démographique. Elle l'avait à

  8   l'époque et elle l'a toujours.

  9   A l'époque, les mesures qui ont été adoptées faisaient référence à tous les

 10   citoyens de Croatie. Il n'y avait pas de référence qui était faite à un

 11   groupe ethnique particulièrement. Donc on encourageait les familles à avoir

 12   davantage d'enfants. Il y avait, par exemple, les allocations familiales.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai demandé d'être bref. Je

 14   comprends qu'une partie du programme visait la croissance démographique et

 15   souhaitait inciter les familles à avoir davantage d'enfant pour juguler le

 16   déficit démographique. Mais j'aimerais savoir quand est-ce que ce programme

 17   a été couché sur papier ?

 18   R.  Le programme, il a été mis au point à partir de l'année 1992 jusqu'en

 19   1995 et 1996. Je pense qu'en 1996 il a été adopté par l'assemblée. Mais il

 20   me faut mentionner trois faits au moins. Je vous disais que le premier

 21   principe consistait à inciter les familles à avoir davantage d'enfants. Le

 22   deuxième point consistait à encourager les gens à s'installer dans ces

 23   régions qui étaient désertes en Croatie pour qu'il y ait une meilleure

 24   répartition démographique de la population. Puis, la troisième mesure

 25   consistait à encourager l'immigration, à savoir le retour des Croates qui

 26   étaient partis pendant la période communiste, qui étaient partis pour les

 27   Etats-Unis, le Canada, l'Allemagne et les Pays-Bas. Donc voilà quels

 28   étaient les concepts fondamentaux du programme qui a été adopté à

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  1   l'unanimité par l'assemblée et qui est toujours en vigueur de nos jours.

  2   Ce programme a été suivi par toute une série de lois portant sur les

  3   allocations familiales. Par exemple, il y avait la Loi relative aux îles,

  4   si les îles avaient une faible densité démographique. Il y avait également

  5   la Loi pour les plateaux et les régions montagneuses. Mais le fait est que

  6   c'étaient des lois qui étaient valables pour toute la population.

  7   Puis, j'aimerais mentionner quelque chose. Le premier principe qui

  8   consistait à faire en sorte qu'il y ait une augmentation du taux de

  9   natalité. Je dirais qu'à cette époque il y avait un grand nombre de Rom qui

 10   voulaient venir en Croatie en provenance d'autres pays.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Vous avez répondu à ma

 12   question.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radic, la Chambre n'a plus de

 15   questions à vous poser.

 16   Peut-être brièvement, Maître Kay, la Chambre vous avait demandé hier. Et

 17   vous nous avez fourni ce document de 61 pages. Il y a environ 20 pages qui

 18   portent sur le déminage. Ce que souhaitait obtenir la Chambre, c'est le

 19   lien entre les limites qui avaient été établies pour le retour, et cetera,

 20   et cetera. Maintenant, je suis vraiment beaucoup plus compétent en matière

 21   de déminage, je sais comment l'organiser. J'ai trouvé des renseignements

 22   sur les personnes, comment les rémunérer, à titre privé ou non. Mais ce que

 23   je n'ai pas trouvé, c'est la limite de temps qui avait été établie pour le

 24   retour, et j'ai l'impression, en fait, qu'il s'agit de quelque chose de

 25   longue haleine.

 26   Si ces éléments ne sont pas trouvés, ce que je veux dire, c'est que je

 27   serais un tant soit peu surpris si les parties commençaient à me dire que

 28   le déminage n'était pas un véritable problème. Je pense qu'après une

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  1   période de guerre, le problème du déminage était véritablement un problème

  2   complexe, une tâche onéreuse en plus à régler et qui exigeait beaucoup

  3   d'organisation et qui a engendré beaucoup de problèmes.

  4   Si les parties pouvaient se mettre d'accord là-dessus, je m'en

  5   tiendrais à cela sans pour autant que l'on ajoute quelque 25 ou 61 pages au

  6   dossier.

  7   M. KAY : [interprétation] Pour ce qui est de ce document, il y a

  8   juste à la fin quelque chose qui fait référence au général Cermak, et c'est

  9   la raison pour laquelle j'étais informé de cette question. C'est quelque

 10   chose à laquelle nous avions pensé. Nous voulions le présenter directement,

 11   parce que cela était pertinent pour la question de la nomination. Je ne

 12   sais pas si vous avez vu ce passage, Monsieur le Président --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai parcouru les 61 pages.

 14   Je ne vous dirais pas que je les ai lues à la ligne près, mais ce n'est pas

 15   ce que la Chambre recherchait comme information, parce que la question ne

 16   portait pas sur M. Cermak et sur le déminage.

 17   M. KAY : [interprétation] Non.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question portait sur la limite

 19   qui avait été établie pour le retour, expliqué par les problèmes provoqués

 20   par le déminage. Par conséquent, si vous souhaitez prendre des mesures pour

 21   que la Chambre trouve ce qu'elle recherchait, que cela ne tienne.

 22   Mais ceci étant, je suppose qu'il n'y aucun litige entre vous deux.

 23   Il est évident qu'un déminage sur une telle zone, cela exige beaucoup

 24   d'efforts. Il n'y a pas de contentieux à ce sujet ?

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non, non, pas de problème, Monsieur le

 26   Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 28   M. KAY : [interprétation] Monsieur le Président, il y a des informations

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  1   telles qu'il y a un grand nombre de personnes qui ont été tuées, 400

  2   personnes qui ont été tuées, par exemple.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Cela je l'inclus dans les gros

  4   problèmes lorsque je parlais des rémunérations, des salaires. La question,

  5   c'était qu'au départ il y avait ces 400 personnes qui avaient été tuées et

  6   blessées. Il est évident qu'il en a beaucoup qui ont été tuées. Donc

  7   visiblement, il n'y a pas de litige à propos de la gravité de la situation

  8   et le fait qu'il y avait de nombreuses mines et le fait que régler ce

  9   problème représentait beaucoup d'efforts. Bien entendu, il y a des

 10   informations à propos des lieux où ces mines pouvaient être trouvées. Là où

 11   il y avait des mines, les gens ne se déplaçaient pas dans ce lieu. Mais la

 12   Chambre, en fait, elle ne voulait pas obtenir des détails à propos des

 13   problèmes posés par le déminage. Si vous voulez présenter cela, il faudra

 14   le faire dans un contexte différent, mais en tout cas ce n'était pas la

 15   réponse à ce que nous essayions d'obtenir hier. Nous voulions voir si les

 16   documents étayaient les propos du témoin à propos la période d'un mois, de

 17   trois mois, et cetera, si elle pouvait également être expliquée par le

 18   déminage.

 19   M. KAY : [interprétation] Mais c'est la situation de la poule et de l'œuf.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui mais, oui mais, je ne vois personne

 21   dire : Arrêtons la situation, arrêtons le retour pendant un mois parce

 22   qu'il y a beaucoup de déminage en ce moment. Le lien, il peut exister de

 23   façon implicite dans nos esprits, mais il n'est pas exprimé expressis

 24   verbis dans le document.

 25   M. KAY : [interprétation] Non, pas de cette façon, mais il est évident pour

 26   l'orateur que les problèmes provoqués par le déminage s'inscrivaient dans

 27   le cadre des problèmes généraux présentés par le retour de ces personnes.

 28   Ce n'est pas exprimé comme un problème temporel. Alors, il y a le problème

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  1   qui est présenté, mais dans l'esprit de l'orateur, c'est un problème qui a

  2   des répercussions.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. Mais là, nous sommes

  4   dans le domaine de l'argumentaire. Bien entendu, si vous avez besoin de 2

  5   000 [comme interprété] personnes pendant dix ans, pourquoi est-ce que vous

  6   allez proroger le délai d'un mois à trois mois ? Tout cela a été discuté

  7   après l'établissement de ces limites. Et nous parlons du mois de décembre

  8   1995. Toujours est-il que la Chambre a étudié cet ouvrage et elle n'y a pas

  9   trouvé la réponse directe à sa question, et c'est pour cela que nous allons

 10   laisser les choses en l'état. Mais bien entendu, si les parties veulent

 11   prendre une autre initiative, voilà, vous voyez qu'il y a déjà beaucoup de

 12   vos éléments qui ont été consignés, Maître Kay.

 13   M. KAY : [interprétation] Est-ce que je devrais présenter cela directement

 14   ? Est-ce que ce serait la procédure à suivre --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait. Mais il s'agit tout

 16   simplement du point 2 de l'ordre du jour, donc pas tout le document. On

 17   fait l'économie de quelque 35 pages.

 18   Nous pourrions peut-être voir si Mme Gustafson souhaite répondre

 19   maintenant ou un peu plus tard.

 20   Pour le moment, la Chambre a étudié le document et décide de ne pas

 21   prendre l'initiative de considérer les éléments de cet ouvrage comme moyen

 22   de preuve et nous attendrons de voir ce qui sera présenté.

 23   Madame Gustafson, êtes-vous prête pour votre contre-interrogatoire ?

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radic, c'est Mme Gustafson qui

 26   va procéder au premier contre-interrogatoire.

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Plutôt par habitude, nous avons présenté

 28   notre liste de documents qui vont être utilisés pendant le contre-

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  1   interrogatoire. Il n'y a pas de procédure qui avait été indiquée par la

  2   Chambre à ce sujet, et je ne sais pas si la Chambre a un point de vue à ce

  3   sujet ou non, mais en tout cas nous avons communiqué notre liste.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que --

  5   M. KEHOE : [interprétation] Je suis disposé de faire la même chose. Je

  6   supposais que nous allions suivre la même procédure retenue auparavant,

  7   donc je vais tout à fait suivre l'exemple de Mme Gustafson.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyez-vous, Madame Gustafson, votre bon

  9   exemple va être suivi.

 10   Je vous en prie.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions demander

 12   l'affichage de la page 16 de la version anglaise et page 25 de la version

 13   B/C/S du document P462.

 14   Contre-interrogatoire par Mme Gustafson : 

 15   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Radic.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  J'aimerais revenir à --

 18   M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse, Madame Gustafson. Je ne sais pas

 19   si cela est le cas pour les autres, mais j'ai un problème avec mon écran,

 20   parce que sur mon écran, maintenant, je ne vois plus le compte rendu

 21   d'audience.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui. Moi non plus, je ne le vois plus.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Personne ne l'a plus.

 24   Est-ce que nous pourrions peut-être pour le moment utiliser l'autre écran

 25   qui nous donne le compte rendu d'audience, et nous pourrions peut-être être

 26   informés de la réparation de l'autre écran lorsque cela se fera.

 27   Oui, poursuivez, Madame Gustafson. Si cela pose un problème insurmontable,

 28   dites-le-nous.

Page 27222

  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Q.  Monsieur Radic, j'aimerais revenir à la discussion relative au 11 août

  3   1995. Il s'agit de la Loi relative à la saisie temporaire des biens

  4   fonciers, qui a fait l'objet de discussion à cette session. C'est un

  5   document qui a été déjà examiné hier.

  6   Une fois de plus, j'aimerais attirer votre attention sur cette partie du

  7   compte rendu, où vous prenez la parole et vous dites :

  8   "Rien n'est plus important que ceci, rien n'est plus important en

  9   Croatie de nos jours que ceci, parce que les gens arrivent, les Croates, ce

 10   sont des Croates, et je n'en sais rien, nous n'avons pas de rapports à ce

 11   sujet, mais je ne sais pas si vous savez qu'à Vojnic… il n'y a plus que 51

 12   habitants. C'est une ville de 15 000 personnes, et demain nous pourrons y

 13   faire venir 15 000 habitants. De plus, Lapac a 14 habitants, 14 Croates …"

 14   J'interromps pour le moment ma lecture, et lorsque vous dites : Vojnic n'a

 15   plus que 51 habitants et il n'y a que 14 habitants à Donji Lapac, 14

 16   Croates, c'est ce que vous dites d'après le recensement de l'année 1991, il

 17   y avait précisément 14 Croates de souche dans la ville de Donji Lapac et 51

 18   Croates de souche dans la ville de Vojnic. Etant donné que vous utilisiez

 19   ces mêmes chiffres lors de votre intervention, j'aimerais vous demander de

 20   confirmer le fait que vous faisiez référence au nombre de Croates de souche

 21   dans ces villages d'après les chiffres du recensement de l'année 1991,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, je suppose que c'était le cas. Très peu de temps s'était écoulé

 24   depuis l'opération Tempête, donc je suppose que je ne disposais pas de

 25   données précises quant au nombre des autres citoyens restés dans ces mêmes

 26   localités. Je suppose qu'en dehors de ces chiffres que je cite, quelques

 27   Serbes étaient également restés sur place, mais je n'ai aucune certitude,

 28   puis trop peu de temps s'était écoulé depuis l'opération Tempête pour que

Page 27223

  1   nous disposions d'un recensement précis de la population sur place.

  2   Q.  Lorsque vous avez déclaré ceci, vous avez utilisé le présent. Vous avez

  3   dit : "Il y a 51 habitants à Vojnic, 14 à Lapac." Est-ce que vous avez

  4   voulu dire par là que ces Croates avaient été présents sur place dans ces

  5   localités de façon ininterrompue ou qu'ils étaient revenus après

  6   l'opération Tempête ?

  7   R.  Je ne veux pas vous répondre avec une totale précision en garantissant

  8   que je ne dis que la vérité et rien que la vérité. Ce serait se livrer à

  9   des spéculations que d'enjamber une période de temps aussi longue, toutes

 10   ces années qui nous en séparent. Mais je suppose que ce que j'avais à

 11   l'esprit, c'est que ces 51 personnes reviendraient sur place une fois

 12   créées les conditions nécessaires à leur retour.

 13   Q.  Donc à ce moment-là, vous n'étiez pas sûr que ces Croates étaient déjà

 14   revenus, mais vous pensiez qu'ils y reviendraient prochainement, n'est-ce

 15   pas ?

 16   R.  Oui. Parce que j'avais un rapport m'indiquant que des logements, des

 17   bâtiments d'habitation, qui n'étaient pas les maisons de ces Croates, mais

 18   par exemple, les bâtiments qui avaient été la propriété de la JNA ou de la

 19   l'office des forêts croate, que ces bâtiments étaient en bon état, et j'ai

 20   donc été informé qu'une possibilité concrète existait pour que ces

 21   personnes puissent revenir.

 22   Q.  Merci. Je vais être obligé de vous demander de bien vouloir limiter

 23   votre réponse à chaque fois au point précis sur lequel je vous interroge

 24   parce que mon temps est limité. Je vous remercie.

 25   Alors, dans ce même passage, nous nous sommes penchés également, vous

 26   pouvez le voir à l'écran, sur la mention figurant entre parenthèses.

 27   Il est écrit : "(Cela représente plus d'habitants qu'il n'y a de

 28   maisons…)"

Page 27224

  1   Et vous avez indiqué qu'il s'agissait probablement de quelqu'un d'autre qui

  2   était intervenu au milieu de votre propre intervention.

  3   Juste après cela vous dites :

  4   "Je suis d'accord, mais c'est un point de vue stratégique si important et

  5   la situation est telle qu'il faut réparer ces maisons, Gojko, il faut y

  6   loger des Croates en raison de l'importance de cet endroit."

  7   Alors, vous utilisez le nom de Gojko, et mon impression est qu'il s'agit

  8   peut-être de M. Susak. C'est donc peut-être lui qui a dit que : "C'était

  9   plus qu'il n'y avait de maisons," ce à quoi vous avez rétorqué que vous en

 10   conveniez, mais que : "… il fallait donc réparer les maisons, Gojko…"

 11   Est-ce que vous seriez d'accord avec une telle lecture ?

 12   R.  Non. Lorsque je vois ceci et que je lis, je vois que la phrase

 13   prononcée par ce Gojko n'a pas été consignée dans son intégralité.

 14   Manifestement, j'ai commenté l'ensemble de cette phrase, alors qu'ici nous

 15   n'avons que la moitié qui est consignée. Je ne sais pas ce que ce Gojko a

 16   dit ensuite. Il a dit : "C'est plus qu'il n'y a de maisons," mais qu'a-t-il

 17   dit ensuite, le reste de la phrase est manquant. Il est manifeste qu'il a

 18   prononcé toute une phrase. Or, la personne qui a consigné cela au procès-

 19   verbal -- manifestement, j'ai entendu la phrase dans son intégralité, mais

 20   la personne qui consignait le compte rendu n'a pas consigné l'ensemble de

 21   cette phrase.

 22   Par conséquent, je ne peux pas vous dire ici sur quoi exactement

 23   portait mon commentaire.

 24   Q.  Mais est-ce que vous êtes d'accord pour dire que lorsque vous vous êtes

 25   adressé à cette personne par le prénom de Gojko, il s'agissait de Gojko

 26   Susak ?

 27   R.  J'en suis quasiment sûr parce qu'il n'y avait aucun autre Gojko à cette

 28   réunion en dehors de M. Susak. Quant à savoir ce qu'il a dit exactement, il

Page 27225

  1   est impossible pour moi de dire quoi que ce soit à ce sujet, encore moins

  2   de le confirmer en me basant sur ce qui est écrit sur ce document.

  3   Q.  Alors, je voudrais maintenant que nous nous concentrions sur ce que

  4   vous avez dit vous-même. Vous avez dit, je cite :

  5   "J'en conviens, mais c'est stratégiquement si important et la situation est

  6   telle qu'il faut remette en état ces maisons."

  7   Alors, vous parlez de réparer des maisons, de les remettre en état, et j'en

  8   déduis qu'à l'époque au moins vous aviez compris qu'il y avait à Donji

  9   Lapac des maisons qui avaient été détruites ou endommagées et qu'il

 10   convenait de remettre en état afin que des Croates puissent venir s'y

 11   installer ?

 12   R.  Il n'y a aucun litige autour du fait que toutes les maisons qui avaient

 13   appartenu à des Croates avant la guerre avaient été détruites. Parce que

 14   dans les zones occupées, je n'ai pas vu une seule maison qui ait été la

 15   propriété d'un Croate qui avait été chassé et qui n'ait pas été incendiée,

 16   à l'exception des maisons qui étaient tellement intéressantes qu'elles ont

 17   été réutilisées dans tel ou tel but.

 18   Mais pour toutes les autres maisons qui avaient été la propriété de

 19   Croates avant la guerre, Croates qui ensuite ont été chassés, ces maisons

 20   ont été incendiées ou détruites. Moi, ce que j'ai proposé, c'est que les

 21   Croates concernés soient placés dans des appartements d'Etat, mais que l'on

 22   démarre immédiatement ce processus de remise en état de leur maison afin

 23   qu'ils puissent y être relogés dès que possible et afin d'éviter une

 24   situation dans laquelle ils auraient été placés à long terme dans des biens

 25   immobiliers qui n'avaient pas été les leurs, qui n'étaient pas leurs

 26   propriétés dès le départ. C'est ma compréhension, du moins, de ce qui

 27   figure ici.

 28   Q.  Oui, mais ce que vous vouliez, c'était faire venir sur place bien plus

Page 27226

  1   que les 14 Croates qui avaient vécu à Donji Lapac avant la guerre. Vous

  2   vouliez qu'un grand nombre de Croates y viennent parce que c'était un

  3   endroit d'une importance stratégique, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, c'est tout à fait incontestable. Et comme je l'ai dit hier, tout

  5   comme à Vojnic, Gracac et Lapac, on avait assisté à l'installation de

  6   membres de la JNA qui s'étaient ensuite livrés à une attaque contre la

  7   Croatie avant de quitter cette dernière. Ma position était que ces mêmes

  8   appartements qui étaient devenus propriété de l'Etat croate devaient être

  9   attribués à des membres de l'armée croate pour qu'ils viennent s'y

 10   installer au lieu d'aller s'installer, par exemple, à Split ou à Zagreb.

 11   Q.  Monsieur Radic, vous ne parlez pas ici de faire venir

 12   15 000 membres de la HV à Vojnic. Vous parlez de 15 000 Croates dans le

 13   texte ?

 14   R.  Oui. Mais j'essaie de vous expliquer ce que j'avais à l'esprit. Je

 15   pensais également aux ouvriers de l'office des forêts qui étaient partis.

 16   Egalement, je parle des médecins, des instituteurs, par exemple, le

 17   professeur de mathématiques de Vojnic était parti. Il vivait dans un

 18   appartement qui était la propriété de l'école. Or, nous avions besoin d'un

 19   professeur de mathématiques sur place. Nous en avons parlé hier.

 20   Q.  Alors, hier, on vous a posé des questions concernant des remarques

 21   formulées lors de cette réunion suggérant que la Loi sur la propriété

 22   aurait pu avoir pour objectif de garantir aux personnes bénéficiant d'une

 23   attribution temporaire d'appartement qu'elles ne pourraient pas être

 24   expulsées au cas où le propriétaire réfugié de son Etat viendrait à

 25   revenir.

 26   Et vous avez dit que peut-être certaines personnes avaient cela à

 27   l'esprit, mais que vous, vous voyez les choses de façon différente. Cela se

 28   trouvait en page 22.

Page 27227

  1   Quand vous parlez d'un type ou d'au autre type de personnes, il s'agissait

  2   des Serbes et des Croates ?

  3   R.  Je pensais aux différentes catégories de personnes réfugiées et

  4   expulsées. Parce qu'il y avait toujours eu un petit nombre de Serbes ou de

  5   Bosniens parmi les réfugiés, mais dans aucun document, nous n'avons tracé

  6   une ligne de partage sur une base ethnique entre les différents réfugiés ou

  7   personnes déplacées. J'ai essayé d'expliquer cela hier.

  8   Lorsque nous avons fourni un logement temporaire à un réfugié, à

  9   Vojnic, nous lui avons promis qu'il ne se retrouverait pas à la rue du jour

 10   au lendemain, mais que nous construirions une nouvelle maison dans laquelle

 11   il pourrait être accueilli si jamais le propriétaire du logement où il

 12   était placé venait à revenir.

 13   Q.  Monsieur Radic, encore une fois, je vous prie de bien vouloir essayer

 14   de répondre, avec la plus grande précision, uniquement à la question que je

 15   pose sans vous aventurer dans de nombreux exemples, parce que nous avons

 16   très peu de temps.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Alors, je voudrais que nous passions à la

 18   page 18 de ce même document, s'il vous plaît, en anglais et la page 27 en

 19   version B/C/S.

 20   Q.  Alors, je voudrais que vous vous reportiez aux propos qui vous sont

 21   attribués en haut de la page. Vous dites, je cite :

 22   "Nous avons des maisons en bon état, des maisons intactes, pour qui les

 23   gardons-nous ?"

 24   Ce à quoi Valentic répond :

 25   "Très bien. Installez-les dans ces maisons, et nous nous assurerons qu'une

 26   loi ou un décret soit adopté dans les jours à venir."

 27   Ce à quoi M. Vrdoljak rétorque :

 28   "Mais ils doivent savoir que si jamais ils s'installent dans cette maison,

Page 27228

  1   nous ne ferons pas …"

  2   Et Ivan Milas dit alors :

  3   "Monsieur le Président, il n'est même pas nécessaire de procéder ainsi.

  4   Vous placez tout sous séquestre de l'Etat et fournissez des garanties à

  5   ceux qui s'installent à l'intérieur de ces logements, que personne ne leur

  6   portera atteinte et que c'est à l'Etat qu'ils ont affaire. Et nous prenons

  7   cette disposition également pour …

  8   Alors, M. Sek intervient pour dire :

  9   "Monsieur le Président, nous avons inclus cela dans la loi, en seconde

 10   lecture, mais les personnes qui viennent s'installer dans une maison

 11   disposent d'une sécurité de leur droit de propriété. Ils ne veulent pas

 12   bénéficier d'un usage simplement temporaire, parce qu'ils doivent investir

 13   dans l'habitat en question, procéder à des réparations, à l'entretien. Ils

 14   veulent en être propriétaires."

 15   On passe ensuite à la page suivante, le président, je cite ses propos :

 16   "Oui, cela est tout à fait clair. Et c'est également dans notre intérêt."

 17   Alors, lorsque M. Seks parle ici de sécurité du droit à la propriété et du

 18   fait que les gens ne veulent pas bénéficier d'un usage temporaire de biens

 19   immobiliers, lorsque suite à cela le président Tudjman répond : Oui, cela

 20   est clair, c'est également dans notre intérêt, nous avons ici un président

 21   qui fait partie de ces personnes pensant, en fait, que la loi sur la

 22   propriété devrait avoir pour but de garantir aux personnes installées dans

 23   des biens abandonnés qu'ils n'en seront pas chassés si jamais le

 24   propriétaire légitime venait à revenir ?

 25   R.  Messieurs les Juges, Mme le Procureur vient de me demander d'être bref

 26   et concis, mais ma supposition de base serait plutôt qu'une réponse est en

 27   règle générale deux fois plus longue que la question. Or, la question que

 28   Mme le Procureur vient de poser a duré plusieurs minutes. Enfin, j'espère

Page 27229

  1   que nous parviendrons quand même à nous mettre d'accord sur ce point.

  2   Je pense avoir été clair hier. Pendant toute discussion qui ait été tenue

  3   sur ce sujet, y compris celle-ci, il y a eu différentes idées et

  4   différentes approches qui ont été énoncées. Certaines personnes ont

  5   également fait des suggestions dans ce sens. Cependant, en fin de compte,

  6   nous avons adopté une loi qui, dans son esprit comme dans sa lettre, disait

  7   très clairement que les biens immobiliers étaient attribués pour

  8   utilisation temporaire et devaient être restitués à leurs propriétaires

  9   légitimes au retour de ces derniers et lorsque les conditions d'un tel

 10   retour seraient réunies, que ce droit de propriété était inaliénable.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pouvons-nous passer au document P463, s'il

 12   vous plaît.

 13   Q.  Il s'agit du procès-verbal de la réunion du 22 août, Monsieur Radic,

 14   sur lequel nous nous sommes penchés hier.

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pouvons-nous aller à la page 2 de la

 16   version anglaise et à la page 4 de la version en B/C/S.

 17   Q.  Ici encore, vous parlez de faire revenir la population dans une partie

 18   du territoire. Et vous parlez au second [comme interprété] paragraphe, je

 19   cite, vous dites :

 20   "Le deuxième groupe est celui des personnes qui peuvent s'installer

 21   dans les maisons abandonnées près de leurs propres maisons. Nous avons de

 22   nombreux problèmes dans ce cas-là, parce qu'ils opposent une résistance.

 23   Comment devons-nous procéder, nous n'arrivons pas à trouver un moyen de les

 24   forcer à faire cela. Certains ont très envie d'accepter, par exemple, les

 25   habitants de Kijevo, dans la plupart des cas, ont accepté d'aller à Knin.

 26   Mais ceux de la région de la Banja ne veulent pas aller à Petrinja. Si vous

 27   vous penchez sur le cas des habitants de Saborski, nous avons eu une

 28   discussion à Plaski aujourd'hui, et il n'y a personne à Saborski, alors que

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  1   Plaski ne peut plus accueillir personne. Et les gens disent qu'ils ne

  2   veulent pas déménager deux fois."

  3   Et le président Tudjman demande alors : "Pourquoi devraient-ils

  4   déménager deux fois ?"

  5   Et si nous passons à la page suivante, vous dites : "Un jour

  6   déménager à un endroit, et le lendemain, à Saborsko.

  7   Le président : "Eh bien, laissez-les là-bas dans ce cas-là."

  8   Et vous répondez :

  9   "Ils ne veulent pas. Les gens sont assez têtus à ce sujet."

 10   Le président :

 11   "Ils ont peur de ne pas être en sécurité peut-être ?

 12   Et vous répondez :

 13   "Une telle personne a peur de ne pas être en sécurité et a peur du retour

 14   éventuel d'un serbe. C'est un aspect. Et deuxièmement, une telle personne

 15   préférerait revenir dans sa propre maison. Si vous l'envisagez sous cet

 16   angle, la solution ne peut être que temporaire. Donc si nous émettons un

 17   ordre pour procéder de telle ou telle façon, peut-être qu'il faudrait faire

 18   preuve d'un peu plus de fermeté."

 19   Alors, Plaski, en 1991, était un village majoritairement serbe, n'est-ce

 20   pas, et Saborsko était un village majoritairement croate; est-ce exact ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et tous deux sont situés dans la municipalité d'Ogulin. Vous et le

 23   président Tudjman, ici, vous convenez que ces personnes -- les Croates de

 24   Saborsko, qui a été détruite, devraient rester dans les maisons des Serbes

 25   à Plaski, et vous dites que ces autres Croates de Saborsko ne veulent pas

 26   de cela. Ils ne veulent que revenir dans leurs propres maisons.

 27   Est-ce une bonne interprétation de ce dont il s'agit ?

 28   R.  Mais Saborsko n'existe plus. Les Serbes ont rasé Saborsko. La

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  1   population de Saborsko était hébergée dans des hôtels en Dalmatie, et le

  2   dilemme qui se posait était le suivant : est-ce que nous allions les

  3   laisser dans ces hôtels en Dalmatie ou bien allions-nous les transférer à

  4   titre temporaire - et je souligne encore une fois à titre temporaire - dans

  5   des biens abandonnés afin de pouvoir procéder à la remise en état du

  6   village de Saborsko. Moi, j'y suis allé à une ou plusieurs reprises. Ils

  7   avaient même emmené les pierres de l'église afin de s'assurer que rien ne

  8   puisse être reconstruit. Les gens n'étaient pas satisfaits à l'idée d'une

  9   solution temporaire, et nous, de notre côté, nous étions préoccupés de

 10   pouvoir faire démarrer la saison touristique dans ces différents hôtels.

 11   D'autre part, les biens abandonnés devaient également pouvoir être

 12   entretenus. Il ne fallait pas qu'ils soient longtemps abandonnés.

 13   Donc cette remarque disant qu'ils devraient déménager deux fois

 14   correspond à cette idée selon laquelle les réfugiés concernés devaient

 15   d'abord aller s'installer dans la maison abandonnée d'un Serbe le temps que

 16   leurs maisons soient reconstruites pour ensuite pouvoir se réinstaller dans

 17   leurs propres maisons. Je crois que c'est tout à fait clair.

 18   Q.  Mais il est tout à fait clair que ces personnes ne voulaient pas avoir

 19   à déménager deux fois, c'est ce que vous avez dit. Et le président Tudjman

 20   a répondu alors : Eh bien, dans ce cas-là, laissez-les là-bas. Et ce qu'il

 21   dit là, ça revient à dire qu'il faut laisser ces personnes dans les maisons

 22   des Serbes à Plaski, n'est-ce pas ?

 23   R.  A Plaski, la situation est similaire à ce qu'elle est ailleurs sur le

 24   territoire. Il y a très peu de maisons qui sont propriétés privées.

 25   La plupart des appartements à Plaski ne sont pas sous le régime de la

 26   propriété privée, mais sont soit des appartements d'Etat, soit des

 27   appartements sous le régime de la propriété sociale. Lorsque le président

 28   Tudjman dit qu'ils restent là-bas, c'est à ça qu'il pense. Nous, dans

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  1   toutes les discussions que nous avons eues et dans tout ce que nous avons

  2   mis en œuvre, nous avons toujours considéré la propriété privée comme

  3   quelque chose de sacrée et d'inaliénable. Cette conversation que nous avons

  4   sous les yeux commence avec un constat qui est le mien comme celui du

  5   président, qui revient à dire qu'il faut à tout prix empêcher la

  6   destruction et l'incendie des maisons.

  7   Q.  Monsieur Radic, Plaski était un village d'environ 22 000 [comme

  8   interprété] personnes. Savez-vous combien il y avait d'appartements à

  9   Plaski et combien il y avait de biens immobiliers qui étaient sous le

 10   régime de la propriété privée ?

 11   R.  Je ne sais pas exactement, mais il y avait des biens dans l'une comme

 12   dans l'autre des catégories. Il y avait des maisons qui étaient propriété

 13   privée ainsi que des appartements de cette catégorie, et également des

 14   appartements qui étaient sous le régime de la propriété sociale. Il y a des

 15   chiffres que l'on peut facilement vérifier sur ce point.

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pourrons-nous passer maintenant à la page

 17   4 de l'anglais et la page 6 en version B/C/S. C'est au bas de la page. Le

 18   président dit :

 19   "Jure, concernant ces retours, nous, en tant que Croatie, devrions

 20   lancer une invitation à ces personnes pour qu'ils reviennent. Nous devrions

 21   leur payer le voyage depuis l'Argentine, l'Australie, et cetera."

 22   On vient de tourner la page en B/C/S.

 23   Q.  Je poursuis la citation : "Nous devrions organiser des vols charters ou

 24   des trajets en bateau et leur dire qu'ils ont le choix. Nous devrions leur

 25   attribuer des maisons, leur attribuer des terres et éventuellement tenir

 26   une forme de consultation sur ce qui serait susceptible de les intéresser.

 27   Nous devons leur offrir une telle possibilité, et c'est l'Etat qui devrait

 28   payer pour cela."

Page 27233

  1   Et vous répondez alors : "Cela ne nous coûtera rien."

  2   Ce à quoi le président rétorque :

  3   "Ça voudrait dire un millier de personnes qui viendraient s'installer dans

  4   des maisons serbes, et cetera."

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Si on peut tourner la page pour passer à

  6   la page 22 de l'anglais; à la page 33 de la version B/C/S, s'il vous plaît.

  7   Q.  Au haut de la page en B/C/S et vers le milieu de la page en anglais, la

  8   seconde phrase commence par, je cite :

  9   "Deuxièmement, nous devons nous concentrer sur le retour des réfugiés

 10   croates se trouvant en Allemagne. Il y en a 50 000. Ils ont toujours le

 11   statut de réfugiés là-bas."

 12   Le président répond à cela : "Ils ont le statut de réfugiés là-bas ?"

 13   Vous répondez : "Oui, en Allemagne ils l'ont."

 14   Et le président demande : "Il leur a été accordé par l'Allemagne ?"

 15   Et vous répondez en page suivante : "Oui, par les Allemands."

 16   Le président répond alors :"Nous pouvons nous en accommoder. Les Allemands

 17   seront tout à fait disposés à proposer un plan de retour organisé."

 18   Vous dites alors : "Nous pouvons faire cela avec les Allemands. J'ai parlé

 19   avec leur ministre Scheiber. Il a même offert une somme d'argent pour

 20   chaque personne candidate au retour."

 21   Le président dit alors : "C'est très bien."

 22   Et vous dites :

 23   "Ces relations peuvent être renforcées et ils peuvent    revenir ?"

 24   Le président dit alors :

 25   "Jure, mettez au point un projet. Disons, par exemple, que nous

 26   proposons des appartements, de la terre dans telle et telle zones, et vous

 27   pouvez revenir."

 28   Vous répondez alors :

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  1   "Très bien. Nous nous en occuperons conformément aux instructions du

  2   gouvernement. Nous devons juste revoir un peu à la baisse notre position,

  3   parce que manifestement il y a également le côté juridique de la chose --"

  4   Le président interrompt alors en demandant :"Quel aspect juridique ?"

  5   Et ensuite, j'aimerais vous demander de lire la ligne suivante, parce qu'il

  6   me semble qu'il y a une certaine confusion dans la traduction. Est-ce que

  7   vous pourriez lire la version croate, où vous dites : Conformément aux

  8   instructions présentes …

  9   Est-ce que vous pourriez lire la ligne correspondante. Cela devrait

 10   se trouver en bas de la page.

 11   R.  "Cela ne sera pas attribué en tant que propriété conformément à

 12   la proposition actuelle, mais pour utilisation afin qu'on ne pense pas à

 13   l'étranger et …"

 14   Et ensuite, ça se poursuit, je suppose, à la page suivante.

 15   Q.  Si nous tournons la page en B/C/S, le président Tudjman  dit : "Pour

 16   combien de temps ?"

 17   Et --

 18   R.  Je réponds alors : "Pour dix ans."

 19   Q.  Oui, vous dites :

 20   "Usage temporel pour dix ans, ce qui n'est pas mal. Cela force la

 21   personne concernée à rester sur place, parce qu'on pourrait être tenté de

 22   vendre un tel bien. Après dix ans, il en devient propriétaire. Cela fait

 23   sens."

 24   Alors, vous envisagez et vous évoquez ici ce qui était actuel au sein du

 25   gouvernement. Vous dites qu'il faut revoir la position à la baisse en

 26   raison de cet aspect juridique, qu'il ne faut pas donner le droit de

 27   propriété aux personnes concernées, mais uniquement un droit d'utilisation

 28   temporaire, et vous vous référez ici à la Loi sur la saisie temporaire des

Page 27235

  1   bien immobiliers, n'est-ce pas, qui était discutée par le gouvernement ?

  2   R.  Je dois ici dire que tout a été consigné de façon très approximative.

  3   Il y a beaucoup de déclarations qui sont tronquées. On a commencé à parler

  4   ici des Croates d'Australie. Cela entrait dans le cadre d'une conception

  5   assez idéaliste du président dans le cadre de ce programme national du

  6   renouveau démographique, programme qui n'avait aucun rapport avec la

  7   guerre, mais qui revenait assez souvent sur le tapis de la part du

  8   président. J'ai essayé de réorienter sa réflexion sur le problème des

  9   réfugiés se trouvant en Allemagne.

 10   Q.  Monsieur Radic, je ne vous pose pas des questions concernant tout ce

 11   que vous avez vu là. J'avais une question très précise sur le point de

 12   savoir si vous vous référiez à ce qui se passait au gouvernement et la

 13   nécessité d'édulcorer les choses à cause de l'aspect juridique, et vous

 14   vous référez au monde entier. Le fait qu'on ne donnait pas la propriété,

 15   mais l'utilisation est une référence exacte à la Loi sur la reprise

 16   temporaire des biens qui était en cours de discussion par le gouvernement;

 17   c'est bien cela ?

 18   M. KEHOE : [interprétation] Juste pour être bien clair, je ne suis pas

 19   certain que d'avoir pleinement compris la réponse du témoin, en ce sens

 20   qu'il y a quelque manque de clarté dans notre compte rendu. Et juste pour

 21   la Chambre et la certitude pour notre tâche collective, pourrait-il y avoir

 22   quelque question de savoir ce qui est ou n'est pas clair. Enfin, ce serait

 23   utile si on pouvait éclaircir les choses.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais Mme Gustafson est en train

 25   d'inviter le témoin à répondre à la question plutôt que de --

 26   Ce qui vous a été lu, ce qui vous a été dit Mme Gustafson concernant une

 27   discussion dans laquelle la Loi sur la prise temporaire de biens de

 28   propriété. C'était ça la question qui vous était posée.

Page 27236

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais il n'y avait pas que cela. A l'époque, à

  2   la fois au sein du gouvernement --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Commençons par établir y a-t-il eu une

  4   discussion concernant cette loi. Ensuite, il y a une autre question qui

  5   vient en second. Tout simplement, est-ce qu'il y avait là une discussion

  6   qui - peut-être sans porter exclusivement sur cette question - concernait

  7   la Loi sur la prise temporaire de biens, où on l'aurait discutée ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Elle a été discutée, ainsi qu'une série

  9   d'autres documents que nous étions en train de préparer à l'époque. A

 10   l'époque, je préparais le programme du retour, les principes du retour, de

 11   reconstruction. Toute une série de projets, pas seulement celui-là. Mais

 12   bien sûr, cette loi était à l'ordre du jour aussi. Je ne peux pas dire. Je

 13   dois dire qu'à ce moment-là le président Tudjman et moi-même discutions

 14   exclusivement de ce document; je mentirais si je disais cela.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais les extraits qui vous ont été

 16   présentés par Mme Gustafson portaient essentiellement sur cette loi, et

 17   c'est ça apparemment que Mme Gustafson souhaiterait savoir.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas être sûr. Je ne peux pas

 19   confirmer cela à partir de cette conversation.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.

 21   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 22   Q.  Comme vous avez dit : D'après les instructions actuelles, les

 23   propriétés ne seraient pas données à titre de propriété, mais pour leur

 24   usage, et vous vous référez au monde entier, vous référant à la

 25   préoccupation de la communauté internationale qui n'accepterait pas une loi

 26   qui simplement transférait la propriété de biens serbes soit au

 27   gouvernement, soit à des Croates.

 28   Est-ce à cela que vous vous référiez ?

Page 27237

  1   R.  Il est incontestable que la communauté internationale n'aurait pas

  2   accepté cela, mais il est également discutable de dire aussi nous n'avions

  3   pas de petit quelque chose de ce genre sous cette forme. Donc ce n'était

  4   pas seulement une question de communauté internationale.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes en train d'expliquer de façon

  6   répétée apparemment ce que vous voulez expliquer. Mme Gustafson vous a

  7   simplement demandé si la référence qui est faite au monde était une

  8   référence faite à la communauté internationale, qui pourrait ne pas

  9   accepter cela.

 10   Maintenant, quant à savoir si vous aviez d'autres raisons de faire la même

 11   chose, ce n'est pas ce que vous demande Mme Gustafson. Mme Gustafson vous

 12   demande quand vous employiez ces mots, si vous aviez le monde à l'esprit,

 13   c'est-à-dire en employant le mot monde, si vous avez la communauté

 14   internationale à l'esprit, en disant, comme vous l'avez fait dans votre

 15   déposition, que la communauté internationale n'aurait pas accepté.

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 17   Q.  Et, Monsieur Radic, également dans ce passage --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux considérer que --

 19   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit aussi -- mais vous êtes

 21   d'accord que la référence au monde était une référence à --

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'accord. Je suis d'accord. La

 23   communauté internationale.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 25   Veuillez poursuivre.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Q.  Monsieur Radic, lorsque vous avez dit au président Tudjman que vous

 28   aviez à vous centrer sur le retour des réfugiés croates d'Allemagne, 50 000

Page 27238

  1   d'entre eux, est-ce que c'étaient des réfugiés croates de Bosnie dont vous

  2   vouliez parler ?

  3   R.  Pour la plupart, c'étaient des Croates de Croatie. Une certaine

  4   proportion de Croates de Bosnie. Mais pour la plupart, c'étaient des

  5   Croates de Croatie. Par exemple, de Slunj, qui était au centre de cet

  6   événement, ils sont allés en Allemagne pendant la guerre, ils ont trouvé

  7   temporairement du travail là-bas. A ce moment-là, j'ai eu une réunion avec

  8   le ministre allemand du Développement qui m'a informé qu'un grand nombre de

  9   personnes venaient en Allemagne et que grâce à des amis, les membres de la

 10   famille qui se trouvaient en Allemagne recevaient un statut de réfugié en

 11   Allemagne. Mais il est difficile de voir quels étaient les Croates qui, en

 12   fait, venaient de Bosnie ou de Croatie, ensuite de Croatie en Allemagne.

 13   Donc il est difficile de dire exactement de quels Croates il s'agissait.

 14   Q.  Bien. Vous n'êtes donc pas sûr.

 15   Maintenant, la Loi sur la reprise temporaire des propriétés a été discutée,

 16   comme nous l'avons vu, après l'opération Tempête. Mais la procédure suivie

 17   pour cette loi a été commencée pas mal de temps avant l'opération Tempête,

 18   et il était envisagé que ces lois seraient adoptées plusieurs mois avant

 19   l'opération Tempête; c'est bien cela ?

 20   R.  C'est bien cela. Avant l'opération Tempête, il y avait eu Eclair, nous

 21   avions libéré le secteur de la Slavonie occidentale quelques mois avant

 22   l'opération Tempête. Il y avait une situation similaire dont l'étendue

 23   était plus grande évidemment après l'opération Tempête, en fait, et ceci a

 24   eu lieu en Slavonie occidentale après l'opération Eclair. Et ça, c'était en

 25   mai. Tempête, c'était en mai --

 26   Q.  Monsieur Radic --

 27   R.  -- et Eclair était en juin.

 28   Q.  Merci. Essayez encore une fois de limiter vos réponses, les garder

Page 27239

  1   aussi brèves que possible.

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pourrait-on maintenant voir le document

  3   846 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  4   Q.  Monsieur Radic, ceci est une séance du VONS tenue le 30 juin 1995. Et

  5   le sujet principal qui était discuté à cette réunion, c'était la visite du

  6   président Tudjman et d'autres représentants de l'Etat en Australie et en

  7   Nouvelle-Zélande. Là, on a discuté des mesures visant à faire en sorte que

  8   les immigrés croates viennent vivre et s'installer en Croatie.

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions maintenant voir

 10   la page 7 de l'anglais et la page 15 du B/C/S, s'il vous plaît.

 11   Q.  Voilà. Ici, vous êtes en train de parler -- je regarde ces dix lignes

 12   plus bas, vous dites :

 13   "Le point essentiel, c'était de savoir comment régler les choses avec cet

 14   homme qui se trouvait là, le Croate qui est ici, comment ouvrir des

 15   possibilités pour que tout au moins une partie d'entre eux, avec pour but

 16   de ramener autant que … ici, autant que nous pouvons. Est-ce que c'est une

 17   sorte de coïncidence que nous allons discuter aujourd'hui de ceci au

 18   parlement, probablement ce sera prévu pour aujourd'hui. Si ce n'est pas le

 19   cas, ce sera le lendemain, il s'agit de la loi dont nous avons discuté

 20   pendant longtemps, avec une procédure d'urgence, pour parler des maisons et

 21   des pavillons serbes et croates et du fait que l'Etat croate prendra la

 22   propriété de ces biens d'une certaine manière.

 23   "Lors des séances du gouvernement, nous avons discuté hier de cela et la

 24   veille avant au sein du cabinet et nous présenterons les résolutions -

 25   comment fournir un plan opérationnel pour l'utilisation de ces biens. Nous

 26   parlons là de plusieurs dizaines de milliers de maisons, plusieurs dizaines

 27   de milliers de maisons, si nous parlons aussi de pavillons, si nous parlons

 28   de maisons qui sont désertes, mais maintenant dans cette action … Eclair,

Page 27240

  1   mais bien d'autres encore."

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Et si nous pouvions voir la page suivante

  3   en B/C/S.

  4   Q.  Je cite : "Nous avons vraiment créé la stratégie la plus sérieuse

  5   indiquant de quelle manière traiter de ces problèmes. Probablement,

  6   conformément au droit international, il s'agirait de solutions temporaires,

  7   mais temporaires qui, dans de telles circonstances et avec le passage du

  8   temps, deviendront permanentes, et à ce moment-là nous serons" --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non.

 10   Mme GUSTAFSON : [interprétation] "Et nous serons en mesure de ramener nos

 11   gens, des gens qui ont été forcés de quitter la Bosnie, mais un très grand

 12   nombre qui ont été mentionné aujourd'hui qui reviendront d'Australie. Donc

 13   ceci n'est pas lié uniquement à des maisons. Nous parlons de biens, de

 14   propriétés, donc à compter d'aujourd'hui, après la mise en œuvre de cette

 15   loi, nous avons la possibilité de fournir des propriétés complètes à usage

 16   temporaire. Nous devons travailler à cela lors de la séance du gouvernement

 17   et également dans les audiences internes au cabinet au niveau du

 18   département du gouvernement [sic]. Nous devons discuter des problèmes de

 19   façon à éviter que cette opération ne devienne automatiquement un objectif

 20   au niveau international, mais pour le moment, c'est un pas positif en

 21   avant."

 22   Maintenant, ici, vous parlez de la loi qui, pour finir, est devenue la Loi

 23   relative à la prise temporaire de propriété et de biens, et vous discutez

 24   du fait que cette loi serait une manière de ramener des Croates de Bosnie

 25   et des Croates des endroits où ils pourraient, à ce moment-là, s'installer

 26   dans ces maisons qui étaient propriétés serbes; c'est bien cela ?

 27   R.  Dans votre question, il y a un mot que vous avez laissé de côté et que

 28   j'ai vu utiliser au moins 20 fois dans ce bref passage, à savoir le mot

Page 27241

  1   "temporaire." Oui, il s'agissait de reprendre ces propriétés. Mais la loi,

  2   nous allions la maintenir, préserver les choses. Il fallait que ça demeure

  3   des propriétés privées si c'était à l'origine des propriétés privées, et

  4   ensuite on pouvait en faire des biens destinés à un usage temporaire.

  5   Donc le mot "temporaire" est le mot-clé ici. Ceci a été accepté dans

  6   la loi comme étant la forme dans laquelle cette loi a été adoptée.

  7   Q.  Eh bien, vous avez dit : Temporaire, ce qui, dans de telles

  8   circonstances et avec l'écoulement du temps, deviendrait permanent.

  9   Donc vous voulez dire ici qu'un Croate venant d'Australie viendrait en

 10   Croatie, s'installerait dans une propriété qui appartenait à un Serbe. A

 11   l'origine, on dirait qu'il s'agit d'une situation temporaire, mais cette

 12   situation deviendrait permanente, et le Croate en question resterait dans

 13   cette maison. C'est ça que vous voulez dire ici ?

 14   R.  Ils resteraient de façon permanente en Croatie. Quant à savoir si ce

 15   serait dans cette maison ou dans une autre maison, ça, on verrait avec le

 16   temps. Aujourd'hui -- jusqu'à maintenant, on a vu qu'un certain nombre de

 17   Serbes ont échangé ou vendu les maisons. Aucune personne ne s'est vue

 18   confisquer sa propriété. Il y a toujours eu échange ou vente qui a eu lieu.

 19   Q.  Et un peu plus tôt, vous aviez fait référence --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant. Oui.

 21   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Est-ce que je pourrais demander le versement au dossier du document 846 de

 23   la liste 65 ter.

 24   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document

 27   devient le numéro P2711. Je vous remercie.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document P2711 est admis comme

Page 27242

  1   élément de preuve au dossier. Veuillez poursuivre.

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  3   Je suis sur le point de passer à un autre sujet, donc si la Chambre le

  4   préfère, on pourrait peut-être suspendre l'audience.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si vous ne pensez pas pouvoir en

  6   terminer en cinq minutes, alors il vaut mieux effectivement prendre cette

  7   suspension de séance maintenant.

  8   [Le témoin quitte la barre]

  9   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 10   --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

 11   [Le témoin vient à la barre]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, veuillez poursuivre.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 14   Q.  Hier, Monsieur Radic, les membres de la Chambre vous ont demandé si

 15   vous pouviez préciser un moment entre le mois d'août 1995 et décembre 1996

 16   où il y aurait eu un appel général qui aurait été lancé pour habiter votre

 17   pays, qu'il s'agisse de personnes d'origine ethnique croate ou serbe. Et

 18   dans votre réponse, vous vous êtes référé à la Loi sur les zones présentant

 19   un intérêt particulier pour l'Etat qui fournissait certaines mesures

 20   d'encouragement ou d'incitation, telles que des salaires plus élevés. Vous

 21   avez dit :

 22   "Il n'y a pas un seul article dans cela qui, en fait, aurait permis

 23   d'identifier des personnes en fonction de leur origine ethnique. C'était

 24   tout simplement une tentative pour essayer de rendre vie à ces régions."

 25   Et ça, c'était à la page 40 du compte rendu d'hier.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant garder

 27   le P2698, s'il vous plaît.

 28   Q.  Monsieur Radic, le document est sur le point d'apparaître à votre

Page 27243

  1   écran. Et je voudrais vous demander de confirmer ceci, que cette loi

  2   appelée Loi concernant des zones présentant une préoccupation particulière

  3   pour l'Etat est bien celle dont vous vouliez parler ?

  4   R.  Oui, c'est bien cela que j'avais à l'esprit.

  5   Q.  Je vous remercie.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait aller à la page 7

  7   et puis à la page 4 pour le B/C/S, de façon à avoir l'article 76 de cette

  8   loi.

  9   Q.  Au paragraphe 2 de l'article 7, vers le bas de la page, on indique

 10   quelles sont les catégories de la population qui bénéficieront de ces

 11   mesures d'incitation dans les zones revêtant des préoccupations

 12   particulières de la part de l'Etat.

 13   Et la première chose qu'on peut voir ici, c'est les "habitants" ou

 14   les ressortissant croates qui ont des professions d'experts.

 15   La deuxième concerne des ressortissants qui sont sans travail ou qui

 16   n'ont pas de moyens d'hébergement.

 17   Et si nous passons à la page en B/C/S, la troisième catégorie concerne les

 18   émigrés croates et ceux qui sont revenus de l'étranger.

 19   La quatrième catégorie concerne les Croates qui ont été expulsés du Serbie-

 20   Monténégro ainsi que des Croates qui ont été expulsés du territoire de la

 21   Bosnie-Herzégovine.

 22   Donc lorsque vous avez dit hier qu'il n'y avait pas un seul article de

 23   cette loi qui permette d'identifier des gens en fonction de leur origine

 24   ethnique, en fait, il y a là quelques dispositions de cette loi qui

 25   identifie effectivement des gens conformément à leur origine ethnique,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Est-ce que vous pourriez me remontrer la page précédente, s'il vous

 28   plaît, en croate, s'il vous plaît.

Page 27244

  1   Q.  Certainement. Pourrait-on revenir en arrière d'une page, s'il vous

  2   plaît.

  3   R.  Oui. L'article 7 décrit les mesures d'incitation pour l'installation,

  4   et ici il est dit des ressortissants de la République de Croatie, à savoir

  5   tous les ressortissants de la République de Croatie. Et après cela, il est

  6   également question d'installation de ces personnes qui ne sont peut-être

  7   pas encore des ressortissants de la République de Croatie. Mais vous pouvez

  8   bien voir qu'il s'agit là d'installation dans cette zone, et avant cela, il

  9   y a une description des mesures d'incitation ou d'encouragement à tous les

 10   ressortissants de la République de Croatie.

 11   Donc certainement, ce n'est pas une disposition d'exclusion de

 12   quelque type que ce soit.

 13   Q.  Mais cette loi n'avait pour but ou intention ni d'encourager ni

 14   d'autoriser des Serbes de Croatie de revenir dans ces secteurs. Il

 15   s'agissait là de stimuler la réinstallation de Croates dans ces secteurs,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Non, c'est tout à fait le contraire. Et je dois dire que je ne suis pas

 18   tout à fait d'accord avec vous. Ma position est exactement le contraire.

 19   L'objectif de cette loi était de bénéficier à tous les citoyens, à

 20   tous les ressortissants - et c'est ce que d'ailleurs dit le premier

 21   paragraphe - et il s'agit des ressortissants de la République de Croatie,

 22   experts de toutes professions et occupations qui pouvaient contribuer au

 23   développement économique de la région.

 24   Donc nous parlons bien de tous les ressortissants ou citoyens de la

 25   République de Croatie.

 26   Q.  Mais alors pourquoi est-ce que ça ne dit pas tous les citoyens de la

 27   République de Croatie ? Il est dit citoyens de la République de Croatie,

 28   experts de différentes professions ou métiers." Et ensuite, on voit :

Page 27245

  1   "Citoyens de la République de Croatie - ceux qui sont sans travail ou ceux

  2   qui n'ont pas d'hébergement."

  3   Il y a là donc deux catégories très spécifiques de ressortissants

  4   croates. Et ensuite, le reste de l'article décrit des catégories qui sont

  5   des Croates de souche.

  6   R.  Tous les autres articles de cette loi parlent de ceux qui reviennent au

  7   pays, donc tous ceux qui avaient habité dans cette région dans le passé. Et

  8   en plus de cela, en plus de cet article 7, nous avons également parlé de

  9   l'installation de ces personnes qui ne vivaient pas dans la région avant,

 10   mais qui se trouvaient sans travail à l'époque, chômeurs, ou qui avaient

 11   des professions qui étaient très utiles et importantes pour la région à

 12   l'époque.

 13   Mais avant cela, nous avons donné la liste de tous ceux qui pourraient

 14   revenir ou bénéficier de cette loi.

 15   Donc l'article 7 décrit tout simplement un segment de la population qui

 16   pourrait venir et s'installer là, outre le fait qu'ils ne vivaient pas là

 17   avant. Mais même cet article, au paragraphe 1, parle de : "Citoyens ou

 18   ressortissants de la République de Croatie."

 19   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, me dire quelle est la disposition de

 20   cette loi qui parle des personnes qui reviennent au pays et qui vivaient

 21   précédemment dans la région.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je

 23   pense qu'il serait peut-être plus facile qu'on puisse donner au témoin un

 24   texte en croate de façon à ce qu'il puisse l'examiner. Je ne sais pas

 25   quelle est la longueur, en fait, de cette loi.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme Gustafson va le lui fournir. Et si

 27   le témoin, d'après ses souvenirs, ne veut pas répondre à la question, à ce

 28   moment-là, il aura la possibilité de regarder cela au moment de la

Page 27246

  1   suspension de séance, la prochaine suspension, et donc --

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me rappelle bien cette loi et tous les

  3   articles précédents. Même ici, vous pouvez voir que certaines zones de

  4   peuplement sont énumérées dans lesquelles il convient de mettre des

  5   encouragements sur le repeuplement et à la vie dans cette région.

  6   Donc il s'agit de la loi qui traite de toutes les personnes qui vivent dans

  7   la région qui peuvent revenir, qui sont des citoyens ressortissants de la

  8   République de Croatie et qui sont en droit de bénéficier de ces mesures

  9   favorables.

 10   Si vous me permettez un instant, je pourrai trouver une disposition.

 11   Q.  Monsieur Radic, je dispose de très peu de temps. Donc je vais vous

 12   demander maintenant de laisser de côté cette loi, vous pouvez y jeter un

 13   coup d'œil durant la suspension de séance, et je voudrais progresser.

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pourrait-on voir, s'il vous plaît,

 15   maintenant le 7574 de la liste 65 ter.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous permettez que je réponde juste d'une

 17   phrase. J'ai trouvé dans votre question précédente -- si vous le permettez,

 18   Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, une seule phrase, s'il vous plaît.

 20   Allez-y.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de l'article premier de cette loi

 22   qui dit :

 23   "La présente loi détermine les régions de la République de Croatie dans

 24   lesquelles la reconstruction et le développement feront l'objet de mesures

 25   favorables."

 26   C'est dans l'article premier de cette loi.

 27   Et l'article 2 dit que :

 28   "Ces zones sont déterminées de façon à ôter les conséquences de la guerre

Page 27247

  1   et accélérer le retour des réfugiés et des personnes déplacées."

  2   Nous avions pour usage de décrire les Croates qui s'étaient déplacés comme

  3   personnes déplacées, et les réfugiés se référaient aux Serbes.

  4   Donc dans les deux premiers articles, vous avez une réponse à votre

  5   question.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  7   Q.  Des réfugiés ici, mais il n'est pas fait de référence, parce qu'à ce

  8   moment-là, la Croatie ne considérait pas les Serbes de Croatie vivant en

  9   dehors de la Croatie comme étant des réfugiés, n'est-ce pas ?

 10   R.  C'étaient des réfugiés tout autant, et il y avait des réfugiés qui

 11   étaient également les Serbes de Croatie.

 12   Q.  Pourriez-vous regarder maintenant ce document à l'écran, s'il vous

 13   plaît.

 14   Il s'agit là d'un rapport d'une agence de presse, la HINA, en date du 4 mai

 15   1996, juste au moment où cette loi a été adoptée. Et si vous voulez

 16   regarder le texte après les mots "ZAGREB" en lettres majuscules, je cite :

 17   "A la conférence de presse de ce jour, le premier ministre adjoint et le

 18   ministre du Développement et de la Reconstruction, Jure Radic, a parlé d'un

 19   projet de loi relatif à des zones présentant un intérêt particulier pour

 20   l'Etat, dans lequel l'attribution de maisons, d'appartements et de terres

 21   arables, avec des exemptions fiscales et des privilèges, ainsi que des

 22   rémunérations plus élevées seraient les mesures visant à encourager cela.

 23   C'est une de ces lois stratégiques d'importance à long terme, puisqu'il

 24   s'agit de remédier à une injustice historique, le ministre a fait cette

 25   remarque et mentionné qu'en 1880, 1 217 habitants vivaient à Knin, dont 613

 26   étaient croates et 435, serbes; mais qu'en 1991, il y avait 12 331

 27   habitants, dont 1 660 étaient croates et 9 867 étaient des Serbes. Il a

 28   mentionné des exemples de disparition complète de certaines zones de

Page 27248

  1   peuplement croate et il a souligné le fait que, du point de vue

  2   démocratique, économique et autres points de vue, l'ensemble du territoire

  3   croate est couvert par cette loi, bien qu'elle soit plus précisément

  4   rapportée à deux groupes de zones : celles qui se trouvent près de la

  5   frontière de l'Etat et qui étaient occupées jusqu'en 1995 et dont le centre

  6   n'est pas éloigné de plus de 15 kilomètres des frontières de l'Etat [sic];

  7   et des zones qui étaient occupées et qui n'appartiennent pas au premier

  8   groupe" --

  9   M. KEHOE : [interprétation] Nous avons eu une demande de la part du bureau

 10   du Procureur, une demande au titre de l'article 66 (B) et il y avait toute

 11   une kyrielle de documents, mais je ne pense pas que ce document-ci faisait

 12   partie de cette liste.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il, Madame Gustafson ?

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ecoutez, je ne peux pas vous le dire comme

 15   ça, au pied levé, mais je ne pense pas que ce document appartienne aux

 16   catégories présentées dans la demande.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Eh bien, je pense que cela relève de la même

 18   catégorie.

 19   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Mais non, ce n'est pas une demande. La

 20   demande portait sur certains éléments bien particuliers qui ne sont pas

 21   abordés dans ce document-ci, donc ça ne relève pas de cette catégorie.

 22   M. KEHOE : [aucune interprétation] 

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, ce n'est pas la peine de perdre

 24   du temps ici dans le prétoire à se demander s'il y a eu un manquement à une

 25   obligation de la part des parties. Cela ne signifie pas pour autant que

 26   nous n'allons pas nous pencher sur la question, mais nous n'allons pas le

 27   faire maintenant.

 28   M. KEHOE : [interprétation] Je comprends tout à fait, Monsieur le

Page 27249

  1   Président.

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Radic, j'aimerais vous poser une première question à propos de

  4   ce document. Est-ce que vous vous souvenez avoir fait cette déclaration à

  5   la presse ? Est-ce que ce rapport est exact, dans la mesure où vous vous

  6   souvenez de ce que vous aviez dit ?

  7   R.  Non, non, je ne me souviens pas avoir dit ceci. Et maintenant que je

  8   l'ai lu, le document, je peux tout simplement vous dire que ce rapport de

  9   presse est imprécis, ce qui est le cas en général pour les articles de

 10   presse.

 11   Mais il faut savoir que tous les jours, il y avait des milliers

 12   d'informations qui étaient présentées par la presse à propos de notre

 13   travail. Mais je ne me souviens pas de ce cas bien précis en tout cas.

 14   Q.  Bien. Donc vous voyez qu'il y a des chiffres très précis qui sont

 15   donnés qui correspondent aux statistiques des personnes qui vivaient à Knin

 16   en 1880 par opposition à 1990.

 17   Maintenant, aujourd'hui, est-ce que vous êtes en train de nous dire

 18   que ces chiffres ne sont pas exacts ?

 19   R.  Non, non, je ne pense pas qu'ils soient inexacts. Et ceci étant

 20   dit, je ne peux ni confirmer ni infirmer ce qui est indiqué dans cet

 21   article. Je pense que cela est véridique pour ce qui est de la situation il

 22   y a 100 ans et pour ce qui est de la situation il y a 15 ans.

 23   Q.  Donc vous n'avez aucune raison de douter du fait que vous avez fourni

 24   ces chiffres --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, il y a deux choses là.

 26   Premièrement, le témoin vous dit : Je ne me souviens pas de cette

 27   conférence de presse. Et puis après, il dit : Je n'ai pas de raison de

 28   remettre en doute les chiffres.

Page 27250

  1   Et vous, ensuite, vous enchaînez en disant : Par conséquent, vous n'avez

  2   aucun doute, et vous commencez à poser des questions sur les chiffres, donc

  3   un peu de précision : est-ce que vous n'avez jamais, lors d'une conférence

  4   de presse, établi une comparaison entre la composition ethnique en 1880 et

  5   en 1995.

  6   Vous dites que vous ne vous en souvenez pas. Vous dites que cela est

  7   imprécis. Est-ce que vous avez jamais établi une comparaison chiffrée de la

  8   composition ethnique de la population de Knin pour les années 1880 et 1995

  9   ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je l'ai fait.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Poursuivez, Madame Gustafson.

 12   Voyez, il y avait ce lien qui faisait défaut dans vos questions.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Q.  Est-ce que vous vous souvenez avoir fait référence à cette loi en

 15   indiquant qu'il s'agissait d'une loi stratégique dont le but était de

 16   rectifier ou de réparer en quelque sorte une injustice historique ?

 17   R.  Non, écoutez, je ne me souviens pas des détails que j'aurais fournis

 18   pendant une conférence de presse. A cette époque-là, j'étais ministre et je

 19   dois vous dire que j'ai probablement participé à un millier de conférence

 20   de presse. Mais en règle générale, et c'est une règle, les journalistes

 21   donnent leur impression, et je n'ai jamais lu après ce qui m'avait été

 22   attribué comme propos. Mais je dirais que 50 %, en règle générale, des

 23   rapports sont imprécis. Et de toute façon, j'ai toujours eu une expérience

 24   assez négative avec les journalistes, et lorsqu'il y a une nouvelle qui est

 25   donnée par un journaliste, je ne la considère pas comme digne de foi.

 26   Q.  Bien. Vous nous dites que vous ne vous souvenez pas de ces détails.

 27   Mais est-ce que vous avez une raison précise de douter du fait que vous

 28   avez fait référence à cette loi comme étant une loi dont le but était de

Page 27251

  1   rectifier une injustice historique ?

  2   R.  Ecoutez, je ne sais pas si je doute de cela ou non. Le fait est que je

  3   ne me souviens pas de cet événement.

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais demander le versement au

  5   dossier de la pièce 7574 de la liste 65 ter.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

  7   M. KEHOE : [interprétation] Nous avons une objection, donc nous aimerions

  8   que ce document soit enregistré aux fins d'identification, parce que nous

  9   avons maintenant retrouvé la trace de ce que je vous disais tout à l'heure

 10   à propos de l'article 66(B) --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons enregistrer le

 12   document aux fins d'enregistrement pour le moment.

 13   Quelle en sera la cote, Monsieur le Greffier d'audience.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P2712.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cette pièce est enregistré aux fins

 16   d'identification pour le moment.

 17   Poursuivez, Madame Gustafson.

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons, je vous prie,

 19   demander l'affichage de la pièce 7573 de la liste 65 ter, je vous prie.

 20   Q.  Monsieur Radic, voici un autre article de presse qui date d'une année

 21   plus tard, donc 16 avril 1997, comme vous le voyez, le nom de l'ouvrage

 22   étant Vjesnik. Regardez la première colonne qui se trouve à gauche, premier

 23   paragraphe. Je pense que vous avez d'abord le nom du journaliste, Miroslava

 24   Rozankovic, et ensuite vous avez l'article.

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Du coup maintenant, on ne voit pas tout le

 26   texte de la colonne gauche en B/C/S.

 27   Q.  Vous voyez le titre de l'article : En mai, une autre offre a été faite

 28   pour que des gens soient installés dans les zones croates abandonnée.

Page 27252

  1   Et voilà ce qui est dit dans le corps de l'article :

  2   "Quelque 50 000 Croates expulsés de la Bosnie-Herzégovine, de la Vojvodine,

  3   du Srijem et du Kosovo ont été logés jusqu'à présent dans les zones

  4   d'intérêt spécial pour l'Etat. Alors, nous avons Kostajnica et Glina, sans

  5   oublier Gvozd d'un côté; et par ailleurs, Benkovac, Obrovac et Karin, le

  6   long donc de la Dalmatie septentrionale vers Knin, où le taux de naissance

  7   est de 30 bébés par mois. M. Jure Radic, le ministre du Développement et de

  8   la Reconstruction, a indiqué que la Croatie était disposée à accepter tout

  9   citoyen expulsé, ce qu'elle était d'ailleurs obligée de faire conformément

 10   à sa constitution. L'Etat croate est disposé à accepter également des

 11   Croates qui ont été expulsés de la Bosnie-Herzégovine, à moins qu'ils

 12   n'aient la possibilité de rentrer chez eux, parce qu'il s'agit également de

 13   ressortissants croates. D'ailleurs, la Croatie a déjà prouvé cela, car à un

 14   moment donné, sans aucune aide de l'étranger, elle a réussi à loger jusqu'à

 15   500 000 réfugiés et personnes qui avaient été expulsées. La Croatie n'a pas

 16   peur des Croates, la Croatie accueille tous les Croates, et nous sommes

 17   tous obligés d'apporter notre secours à ce sujet."

 18   Et ensuite, vous voyez qu'il est indiqué : Voici les propos tenus par le

 19   ministre du Développement et de la Reconstruction, M. Jure Radic.

 20   Cet article a été rédigé un an après l'adoption de cette loi et indique

 21   donc que quelque 50 000 Croates de Bosnie et de Serbie avaient été

 22   installés dans des zones à intérêt spécial pour l'Etat. J'aimerais vous

 23   poser une question, Monsieur, est-ce que cette information est exacte, pour

 24   autant que vous vous en souveniez ?

 25   R.  Ecoutez, je ne peux pas vous donner de chiffres précis, mais je pense

 26   que ceci est exact, et je réitèrerais quasiment tout ce qui fait l'objet de

 27   cet article.

 28   Q.  Donc vous êtes d'accord avec le passage que je viens de lire et vous

Page 27253

  1   n'avez aucune raison de remettre en doute la véracité des propos que vous

  2   avez tenus à l'époque, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, je pense que cela est exact. Il y avait environ quelque 50 000

  4   personnes qui avaient été expulsées de Bosnie-Herzégovine qui ne pouvaient

  5   pas rentrer chez eux. Par conséquent, nous leur avons fourni des maisons

  6   qui étaient des maisons qui étaient propriétés de l'Etat, et ces personnes

  7   ont pu y vivre.

  8   Q.  Mais dans cet article, il n'est pas question des Serbes de la région

  9   qui reviennent chez eux. Vous avez le passage à la fin où il est indiqué

 10   comment les Serbes ont vendu leur propriété à la Croatie.

 11   Donc j'aimerais savoir si vous êtes en mesure de dire à la Chambre combien

 12   de Serbes de Croatie étaient revenus dans cette zone entre le mois de mai

 13   1996, mois où la loi a été adoptée, et le mois d'avril 1997, qui est le

 14   mois où vous avez fait cette déclaration ? R.  Même ici, vous m'avez mis en

 15   garde à plusieurs reprises, vous avez dit qu'il ne fallait pas que je vous

 16   décrive toute la situation chaque fois que je répondais. Mais là, pour ce

 17   qui est de cet entretien ou de cette conférence de presse, j'ai fait une

 18   déclaration à propos des gens qui venaient de Bosnie-Herzégovine, qui

 19   avaient été expulsés de Bosnie-Herzégovine. Mais pour le moment, je peux

 20   vous dire que pour ce qui est de la période à laquelle vous faites

 21   référence, le nombre de Serbes qui est revenu était très, très limité, bien

 22   inférieur au chiffre de 50 000 Croates qui sont revenus. Par la suite, cela

 23   a un peu évolué, mais à ce moment-là, ce nombre était effectivement très,

 24   très, très petit, très limité.

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander le

 26   versement au dossier de cette pièce.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience, quelle

Page 27254

  1   en sera la cote ?

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document P2713.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce 2713 est versée au dossier.

  4   Poursuivez.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci. Est-ce que nous pourrions demander

  6   l'affichage de la pièce P464, je vous prie.

  7   Q.  Monsieur Radic, le document qui va être affiché sur votre écran est un

  8   compte rendu d'une réunion que vous avez eue avec le président Tudjman le

  9   23 août 1995, donc une journée après la réunion que vous avez eue le 22

 10   août. Vous vous souviendrez que hier vous aviez analysé le compte rendu de

 11   cette réunion. Il y avait la carte, d'ailleurs.

 12   Il s'agit d'une réunion que le président Tudjman a eue avec plusieurs

 13   représentants militaires. Vous étiez présent. Il est question de

 14   démographie et de l'emplacement des unités militaires et de plusieurs

 15   installations militaires.

 16   Et j'aimerais que la deuxième page soit affichée dans les deux

 17   langues.

 18   Voilà. Vous avez le président Tudjman qui s'exprime, et vous voyez,

 19   après les trois points de suspension en anglais en haut de la page, voilà

 20   ce qui est indiqué :

 21   "Il se peut que si nous trouvions la méthode qui nous permettrait de

 22   résoudre l'un de nos problèmes essentiels aujourd'hui, et qui est l'une des

 23   composantes efficaces de la politique d'Etat, il se peut que nous trouvions

 24   une solution à la situation démographique de la Croatie. C'est la raison

 25   pour laquelle j'ai demandé au vice-premier ministre et au ministre du

 26   Développement et de la Reconstruction, M. Radic, d'être présent à cette

 27   réunion et de nous parler de la situation démographique en Croatie de nos

 28   jours."

Page 27255

  1   Puis, un peu plus bas, je saute quelques lignes, voilà ce qui est

  2   indiqué :

  3   "Par ailleurs … ce n'est pas seulement qu'il faille changer le type

  4   de population, mais il faut plutôt peupler certaines zones, certains

  5   lieux."

  6   Ensuite, il vous demande de parler de la situation.

  7   Et si nous passons au bas de la page, voilà ce que vous dites :

  8   "Merci, Monsieur le Président." Et vous dites :

  9   "Je pense que nous savons tous qu'après la libération de la Croatie,

 10   le gros problème en Croatie sera la population croate. En un mot, en

 11   commençant, et pour plusieurs raisons, il y a de moins en moins de Croates.

 12   L'une des raisons, c'est que de nombreuses personnes ont émigré ou ont été

 13   obligées de partir par le passé pour des raisons politiques ou

 14   économiques."

 15   Alors, je m'interromps pour le moment. Lorsque vous dites il y a de

 16   moins en moins de Croates et lorsque vous parlez de personnes qui ont

 17   émigré ou de personnes qui ont été obligées de quitter le pays par le

 18   passé, est-ce qu'il s'agit d'une autre référence à cette injustice

 19   historique qui a provoqué la diminution du nombre de Croates par le passé ?

 20   R.  Oui, oui. Oui, notamment pendant le régime communiste.

 21   Q.  Est-ce que nous pourrions avoir les pages suivantes. C'est toujours

 22   vous qui vous exprimez, et six lignes à partir du haut, il y a une phrase

 23   qui commence de la sorte :

 24   "Mais le pire de tout cela, c'est qu'il y a une répartition démographique

 25   de la population qui est particulièrement négative, et je parle de la

 26   population que nous avons. C'est la raison pour laquelle il y a des zones

 27   qui sont quasiment désertes sur le territoire croate, des zones en fait, où

 28   il n'y a quasiment pas de Croates."

Page 27256

  1   Puis, toujours quelques lignes plus bas, il y a une phrase qui commence par

  2   les mots :

  3   "Aujourd'hui, nous avons analysé de façon détaillée le territoire

  4   libéré et nous avons déterminé l'ensemble de priorités démographiques, à

  5   savoir nous avons pris en considération l'ensemble des territoires qui ont

  6   une importance stratégique pour la Croatie et où il n'y a pas de Croates,

  7   ce qui fait que nous essayerons de plusieurs façons de peupler ces zones.

  8   Le territoire critique dans cet ensemble est le territoire qui se trouve

  9   dans la partie la plus étroite de la Croatie, territoire que la direction

 10   de Belgrade, et d'ailleurs on voulait voir coupée en deux. Par conséquent,

 11   de notre point de vue, les zones prioritaires, pour ce qui est d'un

 12   accroissement de la population, incluent les anciennes municipalités de

 13   Vrginmost, Vojnic et une partie de la municipalité de Karlovac. C'est le

 14   territoire de Petrova Gora et le territoire qui se trouve autour de cette

 15   montagne. Dans ces trois municipalités avant la guerre, ici sur cette

 16   carte, c'est indiqué en rouge vif, il n'y avait que 4 259 Croates qu'y

 17   habitaient, alors qu'il y avait 26 298 Serbes. Par conséquent, il s'agit

 18   d'un territoire quasiment vide, et la priorité nationale consiste à peupler

 19   ce territoire de Croates et de faire des efforts et de s'évertuer à créer

 20   un équilibre."

 21   Ma première question, Monsieur Radic : lorsque vous faites référence

 22   au nombre de Croates qui se trouvent dans cette zone autour de Petrova Gora

 23   et au nombre de Serbes également, il s'agit toujours des chiffres du

 24   recensement de l'année 1991, n'est-ce pas ? C'est de là que vous avez

 25   extrait ces chiffres ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Vous nous dites qu'il y a un territoire critique au niveau de la partie

 28   la plus étroite de la Croatie, et il est dit que les stratèges de Belgrade

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  1   voulaient que la Croatie soit coupée en deux. Il est dit que de notre point

  2   de vue, les zones prioritaires sont les municipalités de Vojnic, Vrginmost

  3   et Karlovac, puis vous expliquez qu'il faut peupler ces zones

  4   stratégiquement, que c'étaient des zones stratégiques importantes pour les

  5   Croates. Vous parlez de cette menace, de cette menace de dissection du

  6   territoire en quelque   sorte ?

  7   R.  Oui, c'est exact. Vous étiez en train de lire, puis vous vous êtes

  8   interrompue avant une phrase essentielle, qui indiquait que le fait que le

  9   territoire est quasiment vide est expliqué par la politique de la Grande-

 10   Serbie, pendant qu'elle préparait délibérément l'agression, c'est une zone

 11   qui a été vidée. Donc lorsque l'on regarde la structure actuelle de la

 12   Croatie, peut-être que l'on prenait un peu les devants en prévoyant que

 13   tous les habitants allaient revenir chez eux.

 14   Il y avait trop peu d'habitants. C'était une session militaire. C'est

 15   ainsi que l'on réfléchissait, parce que l'on était en train d'envisager

 16   l'implantation d'unités militaires. Donc l'idée consistait à placer dans

 17   cette zone une unité militaire. Il y avait des zones où il n'y avait

 18   personne, il y avait des logements qui étaient vides, donc il fallait non

 19   seulement faire venir des gens. Mais regardez ce qui était écrit. D'après

 20   le contexte, vous comprendrez aisément qu'il aurait été très simple de

 21   faire venir l'armée croate dès le lendemain, de les loger dans ces

 22   appartements qui étaient abandonnés et qui auparavant étaient des

 23   appartements qui appartenaient à l'armée yougoslave populaire.

 24   Q.  Vous venez de mentionner le fait qu'il y avait trop peu d'habitants,

 25   c'est ce que vous venez de dire. Mais dans ce passage-là, vous vous

 26   concentrez essentiellement sur le fait qu'il n'y avait que 4 259 Croates,

 27   et vous dites : "La priorité nationale numéro un consiste à peupler ce

 28   territoire de Croates."

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  1   Là, vous ne parlez pas d'habitants en règle générale. Vous parlez de

  2   Croates, vous parlez du fait que vous souhaitez implanter des Croates dans

  3   cette zone ?

  4   R.  Oui, mais n'oubliez pas le contexte à l'époque. Pourquoi est-ce que je

  5   parlerais aux dirigeants militaires du retour des Serbes ? J'en parlais

  6   avec le gouvernement de cela. Il faut savoir que chaque réunion avait son

  7   ordre du jour. Là, nous parlions d'unités militaires et de loger les unités

  8   militaires. Pourquoi nous les aurions mises à Zagreb ? Je leur disais :

  9   Allons à Vojnic, où nous avons des logements vides et où la zone est

 10   déserte. A propos d'éducation, justement nous disions : Nous allons envoyer

 11   des enseignants là-bas. Lorsque l'on parlait de médecins, nous parlions

 12   d'une zone précise où l'on avait besoin d'envoyer des médecins.

 13   Cela dépendait des réunions, et l'on parlait du sujet important pour la

 14   réunion.

 15   Q.  Monsieur Radic, mais vous n'étiez pas en train de parler seulement de

 16   l'importation d'installations militaires dans cette zone, mais c'était une

 17   façon de faire venir des Croates dans ces zones, et ce, pour parvenir à un

 18   objectif plus global.

 19   J'aimerais que nous revenions à la page précédente dans ce document.

 20   Le président Tudjman s'exprime. Regardez ce qu'il dit. Il dit : "En fait,

 21   il ne s'agit pas seulement de changer le type de population, mais il s'agit

 22   de peupler certaines zones." Voilà ce qu'il dit :

 23   "Cela signifie que si vous installez des commandements importants, des

 24   institutions de formation, et cetera, et cetera, dans certains endroits,

 25   des douzaines pour ne pas dire des centaines de personnes se rendront dans

 26   ces lieux, et ces personnes auront des familles, et cetera, et

 27   immédiatement la situation changera et la vie de ces zones deviendra

 28   différente."

Page 27259

  1   Là, le président Tudjman fait référence au déplacement d'unités militaires

  2   et à l'implantation de leurs institutions dans ces zones dans le cadre de

  3   l'objectif plus général qui consiste à peupler ces zones de Croates ?

  4   R.  Je n'ai pas trouvé la phrase que vous venez de lire, donc je n'ai pas

  5   réussi à suivre cela dans ma version. Ce n'est pas tout à fait ce qu'a dit

  6   le président. En fait, il a dit le contraire. Il n'a pas dit que nous

  7   avions des problèmes démographiques, mais il disait que nous n'avions plus

  8   de population.

  9   Q.  Les toutes dernières lignes de l'avant-dernier paragraphe, c'est

 10   toujours le président Tudjman qui s'exprime, c'est au milieu de la page.

 11   C'est là que je trouve cette phrase, mais bon --

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Si nous pourrions --

 13   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que l'on

 14   puisse autoriser le témoin à retrouver cette phrase et à répondre à la

 15   question qui a été posée.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, le témoin a le droit de répondre à

 17   la question.

 18   Madame Gustafson, est-ce que vous pourriez lui indiquer où se trouve le

 19   passage en question.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui. 

 21   Q.  Avez-vous trouvé le passage ?

 22   R.  Si vous me posez cette question à ce sujet, ce qui est écrit, c'est

 23   qu'aujourd'hui il ne s'agit pas tant de changer le type de population, mais

 24   il s'agit plutôt de peupler certains endroits.

 25   Donc nous ne parlons pas tellement de changement de population, mais il est

 26   question de peupler certaines zones.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il faut donner aux

 28   interprètes la possibilité de traduire vos propos ainsi que les propos des

Page 27260

  1   autres.

  2   Madame Gustafson, veuillez poursuivre.

  3   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Radic, dans cette zone, il n'y avait pratiquement personne, et

  5   la priorité nationale numéro un était de peupler cette zone de Croates,

  6   n'est-ce pas ?

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais que nous revenions en arrière

  8   d'une page.

  9   R.  La priorité numéro un était de peupler cette zone. A ce moment précis,

 10   il n'était pas réaliste de s'attendre à ce que les réfugiés serbes

 11   reviennent dans un délai de deux, trois ou même cinq jours. Et compte tenu

 12   de cela, il était nécessaire de faire venir ces personnes, ces citoyens

 13   dont nous disposions à ce moment-là pour peupler cette zone. Et ce qui

 14   était le plus important, c'était de faire venir les unités militaires,

 15   parce qu'à quelques kilomètres à peine de cela, la guerre n'était toujours

 16   pas finie. De l'autre côté de la frontière, les unités de Mladic opéraient

 17   toujours à dix kilomètres à peine de là, en Bosnie.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, il y a

 20   une expression que le témoin persiste à utiliser. Il pourra peut-être la

 21   répéter pour nous, parce que je ne suis pas sûr que cela ait été

 22   correctement interprété. Page 50, ligne 23, le témoin a dit qu'il n'était

 23   "pas réaliste de s'attendre à ce que …" quelque chose concernant les

 24   Serbes. C'est à ce sujet que j'ai un doute.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je vais donner

 26   lecture d'une partie de votre réponse, puis vous allez répéter ce que vous

 27   avez dit.

 28   Vous avez dit, je cite :

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  1   "La priorité la plus importante était de peupler la zone. Au tout début, il

  2   n'était pas réaliste de s'attendre à ce que …" et là vous parlez de

  3   personnes et de leur retour.

  4   Est-ce que vous pourriez nous redire, s'il vous plaît, à quelles personnes

  5   vous vous référez ici en disant qu'il n'était pas réaliste de s'attendre à

  6   leur retour ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, il n'était pas réaliste de

  8   s'attendre à ce que les Serbes qui avaient vécu sur ce territoire, qui en

  9   étaient partis pendant l'opération Tempête, il n'était donc pas réaliste de

 10   s'attendre à ce qu'ils reviennent dans un délai bref. Il n'était pas

 11   réaliste pour une fraction d'entre eux de s'attendre à leur retour pur et

 12   simple. Je parle ici de ceux qui ont participé à l'agression armée dirigée

 13   contre la Croatie, des membres de la JNA, des membres des unités

 14   paramilitaires, et cetera.

 15   Et les évaluations que nous avions faites ainsi que les évaluations

 16   de la communauté internationale allaient dans ce sens, à savoir qu'il

 17   n'était pas réaliste de s'attendre à leur retour prochain. C'est ce que dit

 18   cette phrase.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Eh bien, je pense que là nous

 20   avons vérifié la traduction et que nous pouvons à présent comprendre

 21   exactement ce que vous avez voulu dire.

 22   Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Monsieur Radic, revenons à cette zone que vous désignez comme indiquée

 25   en rouge vif sur la carte qui a été produite lors de cette réunion. Vous

 26   parlez du territoire de Petrova Gora, y compris les anciennes municipalités

 27   de Vrginmost, Vojnic et en partie Karlovac. Vous dites que c'est là la zone

 28   marquée d'une couleur rouge vif.

Page 27262

  1   Et c'est la partie du territoire que vous aviez évoquée le jour

  2   précédent, vous et le président Tudjman, en disant qu'il ne fallait en

  3   aucun cas permettre qu'il ne s'y réinstalle jamais plus de 10 % des Serbes

  4   à l'avenir, n'est-ce pas ?

  5   R.  Hier, j'ai tracé sur la carte cette zone que j'ai montrée au président

  6   Tudjman lorsque nous avons discuté de cette idée selon laquelle à l'avenir

  7   il convenait de ne pas laisser se réinstaller plus de 10 % de Serbes dans

  8   cette zone. Et je reste à cette carte.

  9   Lors de cette réunion au sommet des responsables militaires,

 10   manifestement, nous avons utilisé une carte plus précise que celle que nous

 11   avons utilisé hier. Et je pense qu'ici lors de cette réunion militaire, on

 12   ne parle pas exactement de la même zone. Je pense qu'on parle d'une partie

 13   plus petite ou plus grande du territoire. Hier, en parlant de ce que nous

 14   évoquions, le président Tudjman et moi, il s'agissait de la zone s'étant

 15   entre les rivière Krupe et Una, alors qu'ici nous parlions de deux

 16   municipalités, celles de Vojnic et Vrginmost.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, ce que Mme Gustafson

 18   vous demande, c'est si ces municipalités faisaient partie du territoire que

 19   vous-même et le président Tudjman aviez évoqué en parlant de ce fameux

 20   seuil de 10 %.

 21   Alors, sur la base de la réponse que vous venez de donner, je

 22   considère que vous auriez pu nous fournir l'information demandée par Mme

 23   Gustafson en répondant tout simplement "oui" plutôt que de vous lancer dans

 24   une longue explication. La question était claire, elle concernait le

 25   territoire abordé par le président Tudjman et vous même. Donc je pense que

 26   de répondre tout simplement par "oui" nous aurait fourni sans doute moins

 27   de détails, mais aurait certainement répondu de façon satisfaisante à la

 28   question posée. Parce que si on résume votre réponse et qu'on garde en

Page 27263

  1   mémoire la question, cela revient à dire oui.

  2   Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.

  3   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pouvons-nous

  4   passer à la page suivante du même document, s'il vous plaît.

  5   Q.  C'est vous qui vous exprimez encore une fois, Monsieur Radic. Et vous

  6   dites, je cite :

  7   "Il s'agit ici d'un point critique. La zone qui se trouve en dessous de

  8   ceci, la zone de Slunj, où les Croates devraient revenir, connaît une crise

  9   toute aussi aigue. Elle est également quasiment vide, mais fort

 10   heureusement, il n'y avait pas de Serbes là-bas ou il y en avait très peu.

 11   Par conséquent, de notre point de vue, ce territoire se situe au même

 12   niveau, cette zone rouge et bleue dans la portion la plus étroite du

 13   territoire de la Croatie où elle a été complètement coupée."

 14   Alors, lorsque vous dites : "Heureusement il n'y avait pas de Serbes là-bas

 15   ou il n'y en avait pratiquement pas," vous faites référence au fait qu'il

 16   serait plus facile dans ces conditions de peupler de Croates cette partie

 17   du territoire, n'est-ce pas, parce qu'il n'y avait pas de Serbes avant ?

 18   R.  Quand je dis "heureusement, il y avait moins --" ce que je voulais

 19   dire, c'est qu'heureusement, dans ce territoire il y avait moins

 20   d'agresseurs. Je m'exprime quelques jours après l'opération Tempête. Et

 21   dans la langue de tous les jours, lorsqu'on parle des Serbes, la moitié

 22   d'eux au moins sont des agresseurs, et donc heureusement, il n'y en avait

 23   pas tant que cela à Slunj. Mais malheureusement, Slunj a été complètement

 24   détruite.

 25   Q.  Eh bien, à la différence des zones de Vrginmost et de Vojnic, qui

 26   étaient majoritairement serbes en 1991, Slunj était Croate à 64 % et il s'y

 27   trouvait 29 % environ de Serbes en 1991, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je suppose que c'est exact. Je n'ai aucune raison d'en douter.

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  1   Q.  Est-ce que vous pourriez me dire plus précisément quels sont les

  2   éléments ou les circonstances qui vous ont permis ici de conclure qu'il y

  3   avait moins d'agresseurs dans cette zone ? Les éléments précis, j'entends.

  4   R.  Très bien. Ce ne sont pas les Croates qui ont attaqué la Croatie. Or,

  5   il y en a eu évidemment, mais il y en a eu très peu -- je ne comprends pas

  6   la substance de votre question, excusez-moi. Bien entendu que ce ne sont

  7   pas les Croates de Slunj qui ont attaqué la Croatie. Il n'y a que les

  8   Serbes qui aient occupé Slunj et qui l'aient complètement détruite.

  9   Q.  Je vous ai demandé si lorsque vous disiez qu'il y avait moins de

 10   Croates -- excusez-moi, moins de Serbes ou très peu de Serbes à Slunj, vous

 11   vous référiez à la composition ethnique de ces endroits. Vous m'avez

 12   répondu : Non, je me référais aux agresseurs. Et maintenant, ce que je vous

 13   demande, c'est quels étaient les éléments précis ou les circonstances qui

 14   vous permettaient de conclure qu'il y avait là-bas moins d'agresseurs.

 15   R.  Je ne comprends pas votre question.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a peut-être une certaine confusion

 17   ici. Si j'ai bien compris, le témoin nous dit qu'il était heureux qu'il n'y

 18   ait pas eu tant de Serbes que cela. Et le témoin nous a dit que puisque les

 19   Serbes étaient les agresseurs, cela signifiait qu'il convenait de

 20   l'interpréter comme signifiant qu'il y avait, en fait, moins d'agresseurs

 21   également. Cela revient à faire une assimilation entre Serbes et

 22   agresseurs.

 23   Alors, si les Serbes sont les agresseurs, et c'est ainsi que le

 24   témoin nous dit qu'il faut le comprendre, alors ce n'est pas sur une base

 25   ethnique que vous êtes heureux qu'il y en ait moins, mais en vous fondant

 26   sur le fait qu'ils sont des agresseurs, et qu'il y en a donc moins.

 27   Donc peut-être qu'il s'agit d'une question d'ordre davantage

 28   sémantique, mais du moins c'est la façon dont j'ai cru bon de comprendre la

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  1   déposition du témoin.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et peut-être que cela explique en partie

  4   l'incompréhension qu'a suscitée votre question de suivi.

  5   Madame Gustafson.

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Q.  Monsieur Radic, si nous passons maintenant au paragraphe suivant, vous

  8   y dites, je cite :

  9   "La priorité suivante, la priorité numéro 3 dans la liste, en

 10   fonction de la question de savoir si nous devrions inclure l'Herceg-Bosna

 11   ou la Bosnie-Herzégovine dans notre réflexion ou non…"

 12   Mme GUSTAFSON : [aucune interprétation] 

 13   Q.  "… cette troisième priorité dépend de l'inclusion ou non de l'Herceg-

 14   Bosna ou plutôt de la Bosnie-Herzégovine dans notre réflexion. Il y a une

 15   certaine marge de variation en profondeur dans le territoire de la Croatie,

 16   plus ou moins de profondeur.

 17   "Par conséquent, si les territoires libérés autour de Livanjsko

 18   Polje, de Glamoc, Kupres, Grahovo et Drvar sont peuplés de Croates à

 19   l'avenir, dans ce cas, la région de Knin devient moins significative."

 20   Alors, Monsieur Radic, vous expliquez ici que les zones de Bosnie qui sont

 21   frontalières de la région de Knin peuvent également être peuplées de

 22   Croates, que cela permettrait de protéger les zones se trouvant à Knin et

 23   autour de Knin directement, parce que ces dernières se trouveraient, dans

 24   ce cas-là, plus en profondeur à l'intérieur du territoire peuplé de

 25   Croates, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui. A cette époque, ces territoires avaient été libérés par le HVO. Et

 27   d'un point de vue stratégique, si l'on observe la Croatie, il n'y avait pas

 28   de menace considérable dans l'éventualité que de l'autre côté de la

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  1   frontière on trouverait également des Croates; à la différence des

  2   situations où on trouvait des Serbes de l'autre côté de la frontière et où,

  3   à l'époque, la guerre faisait toujours rage. Donc nous avons ici une

  4   conversation qui est tenue avant les accords de Dayton.

  5   Q.  Alors, cette partie de la Bosnie à laquelle vous vous référez - Glamoc,

  6   Kupres, Grahovo et Drvar - en 1991, il s'agissait d'une zone peuplée d'une

  7   majorité de Serbes, n'est-ce pas, une grande majorité même ?

  8   R.  C'est exact. Mais dans l'ensemble, la région était très peu peuplée, il

  9   y avait très peu d'habitants. Et tout comme en Croatie, nombre des

 10   habitants étaient des membres de la JNA dans ces zones frontalières.

 11   Q.  Et dans cette phase, au mois d'août 1995, la plupart des Serbes de ces

 12   municipalités étaient partis, n'est-ce pas, suite à la libération des

 13   territoires concernés par les forces croates et les forces des Bosniens;

 14   est-ce exact ?

 15   R.  Oui. La situation était semblable à celle qui prévalait en Croatie.

 16   Q.  Merci.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pourrions-nous passer à la pièce P463 à

 18   présent, s'il vous plaît.

 19   Q.  Je voudrais donc, Monsieur Radic, que nous revenions à cet entretien

 20   que vous avez eu avec le président Tudjman le jour précédent, cet entretien

 21   sur lequel nous nous sommes penchés hier.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à la page

 23   35 du texte anglais et page 55 en croate.

 24   Q.  Alors, en haut de la page, vous vous adressez au président, Monsieur

 25   Radic. Vous dites, je cite :

 26   "Vous avez fait un travail absolument excellent, la postérité en jugera.

 27   Mais il est très important de penser à la période suivante. Il faut

 28   préparer la Croatie, et c'est la mission principale. Vous devez préparer la

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  1   Croatie. Il ne faut pas que la Croatie revive ce qui s'est produit en

  2   Yougoslavie après …" et nous avons des points de suspension.

  3   Et ensuite, cela se poursuit, je cite :

  4   "Et cela se produit souvent après que des personnalités fortes sont

  5   intervenues. C'est là la chose la plus importante de toutes, créer les

  6   conditions pour que les Croates, entre eux, ne se …" et nous avons des

  7   points de suspension de nouveau.

  8   Et :

  9   "Je n'ai pas vu de scènes plus belles que celle lorsque les habitants de

 10   Varazdin et de Split sont entrés ensemble à Knin. A Kupres, sur un mur, il

 11   est écrit : 'Cedo, tu ne reviendras pas.' Ce sont ces événements-là qui

 12   marquent et sur lesquels notre avenir doit être construit …"

 13   Alors, ce prénom de Cedo --

 14   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Je pense que le témoin aussi a quelque chose

 17   à dire, mais là encore, nous avons --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, s'il y a quelque chose que le

 19   témoin a remarqué, peut-être que c'est lui qui devrait s'exprimer en

 20   premier lieu.

 21   Monsieur le Témoin.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai deux remarques. Il y a ici

 23   manifestement une erreur concernant "Kupres." C'est à Knin qu'il est écrit

 24   sur un mur cette inscription. Parce que juste avant, je dis que les

 25   habitants de Varazdin et de Split sont allés à Knin. Donc c'est à Knin, sur

 26   un mur, qu'il est inscrit : "Cedo, tu ne reviendras pas."

 27   Mais qu'est-ce qui est important ici, ce n'est pas le nom de Cedo; c'est ce

 28   que j'ai dit au président au sujet des liens qui existent entre les

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  1   Croates. La façon dont cela est dit en croate [en B/C/S], ce sont les

  2   Croates du Zagorje qui s'expriment ainsi. Et ce que je veux dire, ce que je

  3   veux communiquer au président, c'est le fait que les habitants du Zagorje

  4   et les habitants de la Dalmatie - d'ailleurs, nous avons deux accusés qui

  5   sont originaires chacun de ces deux régions - sont entrés ensemble à Knin.

  6   Ce sur quoi je mets l'accent, c'est que quelqu'un qui est originaire

  7   de Varazdin, qui parle le dialecte kajkavien, est allé jusqu'à Knin, et

  8   c'est là que nous trouvons cette inscription [en B/C/S], qui est spécifique

  9   du parler kajkavien, donc : "Cedo, tu ne reviendras pas."

 10   M. MISETIC : [interprétation] Le témoin vient précisément d'expliquer ce

 11   que je voulais expliquer mettre en avant.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. C'est ce que je supposais.

 13   Veuillez poursuivre, Madame Gustafson. Mais attendez --

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je ne suis pas sûre de bien comprendre.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, non plus, en fait.

 16   Pourriez-vous nous expliquer ce que signifie exactement ces mots de :

 17   "Cedo, tu ne reviendras pas ?"

 18   Qui est Cedo ou que représente Cedo ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Cedo, ça veut dire Chetnik. Et si on explicite

 20   complètement cette inscription, cela veut dire : "Chetnik, tu ou vous ne

 21   reviendrez pas."

 22   Dans la langue familière, nous avions cette abréviation de "Cedo" pour dire

 23   Chetnik, c'est-à-dire, la version la plus négative possible de l'occupant

 24   en Croatie.

 25   Et moi, ce que j'ai dit à ce moment-là au président, c'est que nous n'avons

 26   pas des unités de Dalmatie qui sont entrées à Knin. Il y avait une unité

 27   des Croates de toutes les régions de la Croatie qui se réalisaient dans le

 28   cadre de la défense de la Croatie.

Page 27269

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit, mais conviendriez-vous que ce nom

  2   "Cedo" peut être interprété de différente façon ? Donc : Occupant, ne

  3   reviens pas; Chetniks aussi - qui est un terme péjoratif pour un peuple

  4   d'une certaine appartenance ethnique - ne revenez    pas ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] A cette époque, tout un chacun qui aurait lu

  6   cette inscription aurait compris sans la moindre ambiguïté que cela

  7   signifiait non pas : Serbe, tu ne reviendras pas, mais : Chetnik, Occupant,

  8   tu ne reviendras pas. Quand on utilisait "Cedo," c'était uniquement dans

  9   cette acception équivalant à Chetnik.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit, je comprends. Alors, vous dites

 11   que tout un chacun aurait compris cela de la sorte. Mais moi, ce que je

 12   vous demande, c'est si vous conviendriez que la formulation en elle-même ne

 13   se réfère pas directement aux occupants, mais aux Chetniks et que de ce

 14   fait, on peut également l'interpréter comme faisant référence à la

 15   population serbe. Je ne suis pas en train de remettre en question ce que

 16   vous venez de dire, mais je vous demande si vous conviendriez que la

 17   formulation en elle-même, stricto sensu, n'est pas totalement dépourvue

 18   d'ambiguïté ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est difficile à dire. Je crois qu'il

 20   faudrait une analyse plus détaillée. On pourrait effectivement trouver des

 21   personnes qui en auraient des interprétations différentes. Cependant, la

 22   façon dont la majorité des personnes à l'époque en Croatie comprenait un

 23   slogan comme celui-là était qu'il se référait explicitement à l'occupant et

 24   strictement à l'occupant.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hier, vous nous avez dit qu'il serait

 26   difficile pour vous de dire ce que telle ou telle personne avait à

 27   l'esprit, et à présent, vous nous dites que -- en fait, dans l'esprit de la

 28   majorité --

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est vous qui me le demandez.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soit. Veuillez poursuivre, Madame

  3   Gustafson.

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pouvons-nous avancer en page 24 de

  5   l'anglais et en page 36 du B/C/S, s'il vous plaît.

  6   Q.  Monsieur Radic, nous avons ici une partie du procès-verbal de cette

  7   réunion lors de laquelle vous-même et le président Tudjman parlez de la

  8   division de la Bosnie.

  9   Vous dites, en haut de la page en B/C/S, au milieu de la page en

 10   anglais, je cite :

 11   "Voyez, nous pouvons récupérer Kupres. Il n'est pas raisonnable de leur

 12   part de ne pas vouloir revenir et de préférer rester dans les hôtels. Ils

 13   allèguent que telle ou telle colline au-dessus de la ville n'a pas été

 14   encore libérée. Ils l'appellent Demirovac, cela se situe juste au-dessus de

 15   Kupres. Et on me dit qu'il y avait là-bas des villages serbes où on est en

 16   train d'installer maintenant une population musulmane. Notre population

 17   n'accepte pas cela. Nous devons trouver une façon de faire revenir les gens

 18   là-bas. Kupres, d'un point de vue stratégique, n'est pas une priorité pour

 19   moi, mais il s'agit de l'arrière-pays de Dubrovnik; c'est donc également

 20   une question importante. Nous devons nous assurer que Stolac reste croate,

 21   et probablement Trebinje aussi si …"

 22   Vous dites ensuite : "C'est une priorité au même titre que Petrova Gora que

 23   la banovina."

 24   Le président dit alors : "Si nous pouvions faire quelque chose au sujet de

 25   Jajce."

 26   Vous répondez alors : "Cela sera difficile avec les Musulmans."

 27   Puis, le président dit : "La meilleure solution est de parvenir à un accord

 28   avec les Musulmans. Par ailleurs, notre stratégie doit consister à se

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  1   concentrer sur l'objectif de les garder à nos côtés afin de les convertir

  2   et de les transformer peu à peu en Croates. Cela sera très difficile, parce

  3   que contrairement aux Serbes qui disposaient de Belgrade et du pouvoir, eux

  4   n'en disposeront pas."

  5   Alors, vous décrivez les difficultés que vous rencontrez à transférer des

  6   Croates à Kupres, à les faire revenir de Kupres et les faire ensuite

  7   revenir à Kupres, parce qu'il y a là-bas des Musulmans vivant dans

  8   certaines zones où vivaient avant des Serbes, et que les Croates de Kupres

  9   ne veulent pas revenir là-bas pour cette raison.

 10   Est-ce exact ?

 11   R.  Kupres était majoritairement croate avant la guerre, et j'avais une

 12   impression favorable au sujet des habitants de Kupres, parce qu'ils étaient

 13   nombreux à Baska Voda, ma localité natale, en tant que réfugiés. J'avais

 14   donc parlé avec eux et ils m'avaient souvent dit qu'ils attendaient avec

 15   impatience de pouvoir rentrer chez eux. En fait, là, on voit qu'ils

 16   refusaient de rentrer chez eux, dans Kupres qui était libérée, où ils

 17   pouvaient revenir, parce que telle colline au-dessus de la ville n'était

 18   pas encore complètement libérée. Et là je dis au président : Mais essayons

 19   de faire quelque chose puisque ces personnes qui sont dans des hôtels ont

 20   leur ville d'origine qui a été libérée. Leurs maisons ont été libérées.

 21   Faisons quelque chose pour qu'ils puissent y revenir.

 22   Q.  Mais vous avez dit plus tôt que la population serbe avait quitté cette

 23   zone, que cette zone avait été libérée. Dans ce passage, vous dites :

 24   "Il y a des villages serbes qui sont maintenant peuplés de Musulmans et

 25   notre peuple refuse cela."

 26   R.  Quand je dis "les nôtres ne veulent pas," ce que je veux dire, c'est

 27   qu'ils ne veulent pas revenir. Je ne dis pas qu'ils ne veulent pas

 28   s'installer dans la maison d'autrui, parce que pourquoi iraient-ils

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  1   s'installer dans la maison d'autrui si la leur a été libérée.

  2   Q.  Soit, mais ici le président Tudjman se réfère une nouvelle fois à cette

  3   stratégie consistant à garder près de soi les Musulmans pour les convertir

  4   en Croates peu à peu. Il oppose cela aux Serbes disposant de Belgrade et du

  5   pouvoir.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais juste

  7   attirer leur attention sur la traduction de l'original, là où il est

  8   question de "convertir en Croates." Je pense qu'il conviendrait de remettre

  9   en question cette version de la traduction. Peut-être que le témoin peut

 10   nous éclairer.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-être que le témoin pourrait juste

 12   lire cette phrase.

 13   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que le président parlait souvent du

 15   fait que les Musulmans en Bosnie étaient le partenaire stratégique des

 16   Croates en Bosnie dans la guerre. Et quand il utilisait ce terme de

 17   "croatisation," il avait à l'esprit un processus d'européanisation, à

 18   savoir que les Musulmans en Bosnie, ensemble avec les Croates, devaient

 19   devenir partie intégrante de la civilisation occidentale. Voilà

 20   l'explication que je pourrais apporter.

 21   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 22   Q.  Bien. Pourriez-vous aussi, s'il vous plaît, donner lecture de cette

 23   deuxième phrase du discours du président Tudjman qui commence par : "En

 24   revanche …"

 25   R.  "C'est très difficile. Ils ne seront pas faciles, mais ce sera un

 26   problème plus facile que ce n'est le cas des Serbes aujourd'hui, parce que

 27   les Serbes avaient Belgrade et le pouvoir, tandis que ceux-ci n'en auront

 28   pas."

Page 27273

  1   Vous souhaitez que je commente ceci ?

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que lorsque vous vous

  3   référez à la deuxième phrase, c'est une phrase qui n'est peut-être pas la

  4   deuxième dans la version croate, parce que tout au moins je ne vois pas de

  5   point après le début.

  6   Vous êtes prié de lire l'endroit où on lit : "En revanche, notre stratégie

  7   doit se centrer sur …"

  8   Pourriez-vous, s'il vous plaît, lire cette partie lentement.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Alors, la deuxième partie de la première

 10   phrase qui dit :

 11   "Mais stratégiquement, nous devons compter sur le fait qu'il n'y a pas

 12   d'autres manières de procéder que de porter des Musulmans sur notre dos et

 13   de les croatiser progressivement."

 14   Je pense avoir expliquer ce que ceci veut dire dans ma réponse.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois que c'est clair

 16   maintenant. Et le fait que dans la langue d'origine il y avait une phrase

 17   qui était traduite par deux phrases distinctes, je pense que c'était ça le

 18   problème qui a causé ce doute.

 19   Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 21   Q.  Hier, on vous a montré un compte rendu de décembre 1996 qui avait à

 22   voir avec la réintégration de la Slavonie orientale et de la manière dont

 23   les Serbes -- enfin, de ce qu'il faudrait faire avec les Serbes dans cette

 24   région. Et des discussions ont eu lieu sur la question d'acheter leurs

 25   propriétés.

 26   Est-ce que vous vous rappelez de cette discussion en général ?

 27   R.  Oui. Je me rappelle cette discussion depuis hier.

 28   Mais hier, je ne me rendais pas compte que nous parlions de la Slavonie

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  1   orientale. Maintenant, vous me l'avez rappelé, mais c'est parce que je me

  2   réfère à certains noms qui sont de là-bas.

  3   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Maintenant, je voudrais qu'on voit la page

  4   P466, s'il vous plaît.

  5   Q.  Il s'agit d'une transcription du 30 août 1995. D'abord, une question

  6   préliminaire : à ce moment-là, c'est-à-dire, à la fin du mois d'août 1995,

  7   la seule partie de la Croatie qui comportait un nombre important de Serbes,

  8   c'était la Slavonie orientale, n'est-ce pas ?

  9   S'il vous plaît, veuillez répondre par oui ou par non, ça serait utile.

 10   R.  Non. Il y avait également d'autres parties de la Croatie, par exemple,

 11   la région autour de Delnice. Les Serbes sont restés là tout au long de la

 12   guerre en tant que ressortissants loyaux de la République de Croatie, et

 13   les Serbes étaient en majorité là tout au long de l'agression, et ces

 14   Serbes étaient du côté de la Croatie.

 15   Q.  Est-ce que vous pourriez brièvement dire quelle partie de la Croatie,

 16   combien il y avait, en l'occurrence, de Serbes qui vivaient dans ce

 17   secteur, en gros ?

 18   R.  C'est une région qui s'étend entre Ogulin, au nord de la montagne

 19   Bijelo Lacica [phon], il y avait là une douzaine de villages avec plusieurs

 20   milliers de Serbes qui constituaient là une majorité. Je leur ai rendus

 21   visite à l'époque. J'ai assisté à la reconstruction d'un monastère

 22   orthodoxe qui était là et je sais qu'ils sont restés là comme des citoyens

 23   loyaux de la Croatie tout au long de la guerre.

 24   Q.  Bien. Est-ce que nous pourrions maintenant voir la page 4 de l'anglais

 25   et la page 8 du B/C/S.

 26   Monsieur Radic, vous n'étiez pas présent lors de cette réunion. Je voudrais

 27   juste vous montrer un bref passage du compte rendu.

 28   Ça commence au moment où M. Valentic prend la parole. C'est au bas de

Page 27275

  1   la page en anglais. Là, il parle des clauses au terme d'un règlement

  2   pacifique en Slavonie orientale.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on a la bonne page en anglais

  4   ?

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je pense que oui, Monsieur le Président.

  6   C'est au bas de la page, et c'est M. Valentic qui parle. Tout en haut,

  7   c'est en B/C/S.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors, nous avons le reste du texte

  9   en B/C/S à la page suivante.

 10   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non, je pense que c'est en haut du B/C/S.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Je le vois maintenant. Merci.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 13   Q.  Et M. Valentic dit :

 14   "Je ne sais pas grand-chose de ces problèmes, mais je sais par notre

 15   département, parce qu'il est souvent mentionné qu'il y avait un grand

 16   nombre de Serbes de Slavonie occidentale qui vivent dans le secteur de

 17   Baranja et Vukovar."

 18   Et puis alors, quelqu'un dit : "Environ 30 000 d'eux."

 19   Il revient ensuite pour dire :

 20   "Donc ceci veut dire que nous devrions nous attendre à une demande pour

 21   leur retour en Slavonie occidentale."

 22   Le président Tudjman dit :

 23   "Il y a là un problème spécial et nous allons nous concentrer dessus."

 24   Est-ce qu'on pourrait voir la page suivante en anglais, où M. Valentic dit

 25   :

 26   "Oui, je suis uniquement en train d'avertir parce que je pense que ça,

 27   c'est l'un des problèmes importants, ainsi que l'une des questions

 28   économiques."

Page 27276

  1   Puis, le président Tudjman dit :

  2   "La chose que je voudrais ensuite dire, c'est que nous devrions et nous

  3   pourrions dire les choses de cette manière - les Serbes qui viennent de

  4   Bosnie et d'autres endroits devraient partir."

  5   Et quelqu'un d'autre dit : "Oui."

  6   Et M. Valentic déclare : "Quoi, ensemble avec nos Serbes ?"

  7   Et le président Tudjman dit :

  8   "En même temps et avec nos Serbes, et nous devrons êtres très souples à ce

  9   sujet en raison de la communauté internationale. Nous devons suggérer de

 10   les remplacer par" --

 11   Excusez-moi, mais c'est à la page suivante en B/C/S.

 12   "Nous devrions suggérer de les remplacer par des Croates en Vojvodine et en

 13   Serbie."

 14   Et quelqu'un dit à ce moment-là : "Mais on ne peut pas l'écrire."

 15   Et le président Tudjman dit : "Pourquoi ?"

 16   Et M. Milas dit :

 17   "Pourquoi ? Ce que le bureau du Procureur a effectué le long de l'Allemagne

 18   à présent."

 19   Le président Tudjman dit :

 20   "Regardez, il vaut mieux ne pas compliquer la vie pour eux et pour nous-

 21   mêmes."

 22   Ensuite, M. Milas dit :

 23   "C'est ce qu'on a appelé une possibilité de choix qui existerait dans tous

 24   les accords internationaux d'après la Première Guerre mondiale."

 25   Maintenant, je comprends que vous n'étiez pas à cette réunion, mais qu'un

 26   membre des dirigeants croates, quelqu'un qui était profondément mêlé aux

 27   questions démographiques et de population, je suppose que vous étiez

 28   conscient du fait que les dirigeants croates envisageaient d'échanger avec

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  1   des Serbes en Slavonie orientale, d'échanger les Serbes pour des Croates

  2   dans la Vojvodine et la Serbie, et de procéder à un échange de population.

  3   Est-ce que vous saviez cela ?

  4   R.  Je n'étais pas au courant de cela, non. Mais ayant lu ceci maintenant,

  5   je pense que vous n'avez pas compris l'essentiel de ce point.

  6   Ici, ils parlaient de Serbes qui n'étaient pas des citoyens croates et qui

  7   ne pouvaient pas devenir des citoyens de la Croatie. Ils ne remplissaient

  8   pas les conditions.

  9   De sorte qu'il y avait ceux-ci, c'étaient des Serbes de Bosnie qui étaient

 10   venus à la réunion du Danube en Croatie. C'est ce qui est dit dans la

 11   première phrase. Donc il ne s'agit pas de citoyens croates et ils n'avaient

 12   pas de conditions qui s'appliqueraient à eux pour pouvoir acquérir le

 13   statut de citoyens croates. Telle est ma façon de comprendre les choses,

 14   mais à l'évidence, nous devons faire des réserves parce que je n'étais pas

 15   présent à la réunion. Dans la première phrase, quelqu'un dit : Concernant

 16   les Serbes de Bosnie ? Donc voilà le point où les Serbes de Croatie sont

 17   restés en Croatie. Ce sont des citoyens croates.

 18   Q.  Eh bien, si nous pouvions retourner à la page précédente en B/C/S, le

 19   président Tudjman dit bien que :

 20   "On devrait dire les choses de la manière suivante, les Serbes qui sont

 21   venus de Bosnie et d'autres lieux, eux, devraient partir."

 22   Et M. Valentic dit : "Quoi, avec nos Serbes ?"

 23   Maintenant, référence à "nos Serbes" ne peut vouloir dire qu'une référence

 24   aux Serbes de Croatie; bien ?

 25   R.  Mais je n'étais pas présent à la réunion, donc je ne peux pas faire de

 26   commentaires sur l'accord, mais j'ai été amené à ce point où le président

 27   parle des Serbes qui sont venus là.

 28   Mais comme je l'ai dit, je n'étais pas présent, donc je n'ai pas un tableau

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  1   complet. Plus tard, j'ai été personnellement chargé de la réintégration

  2   dans la région de Croatie du Danube. J'étais moi-même président de la

  3   commission de la réintégration, et ceci est le seul exemple de

  4   réintégration qui ait réussi dans le monde entier, là où résidaient des

  5   Serbes et des Croates qui sont revenus.

  6   Donc lorsque vous m'avez demandé si je savais qu'il y avait un plan de les

  7   déplacer, je sais qu'il n'y avait pas de plan pour les déplacer en dehors

  8   du secteur, mais que le plan, c'était qu'ils restent.

  9   Q.  Bien.

 10   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pourrait-on voir le 4661 de la liste 65

 11   ter, s'il vous plaît.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, combien de temps

 13   pensez-vous qu'il vous faut pour la question suivante, parce que nous

 14   sommes à un stade --

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est le même sujet, Monsieur le

 16   Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Même sujet, oui. Mais nous devons

 18   suspendre la séance bientôt.

 19   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 20   Q.  Alors, ceci, Monsieur Radic, est la transcription d'une réunion que

 21   vous avez eue avec le président Tudjman le 28 janvier 1996.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Et pourrait-on voir, s'il vous plaît, la

 23   page 7 en anglais et la page 28 en B/C/S, s'il vous plaît.

 24   Q.  Et tout à fait au bas de la page en B/C/S, Monsieur Radic, vous dites :

 25   "Ma façon de penser à ce sujet, c'est de trouver la façon la plus rapide de

 26   faire revenir les Croates à Vukovar."

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Et si nous tournons la page.

 28   Q.  "Voilà la question que je me posais à moi-même, puisque l'idée était de

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  1   savoir à quel rythme on pouvait faire revenir les Croates."

  2   Et puis, si nous regardons le bas de la page en B/C/S, vous dites :

  3   "Il serait bon si nous pouvions émettre des décisions écrites en avance aux

  4   personnes que nous souhaitons … une partie de ceci est une idée que nous

  5   forcions certains résidents de Posavina qui ne retourneraient pas à

  6   Posavina, dans cet espace, parce que je ne vois aucune autre manière de les

  7   placer sous notre contrôle, donc …"

  8   Et à ce moment-là, le président --

  9   M. KEHOE : [interprétation] Voulez-vous, s'il vous plaît, nous donner une

 10   page de référence, un numéro de page.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi, c'est la page suivante en

 12   anglais.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Ah.

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi.

 15   Q.  Et ensuite, le président dit :

 16   "Ou bien échanger ces Serbes pour nos Croates à Backa."

 17   Maintenant, c'est une région en Vojvodine, en Serbie; c'est bien cela ?

 18   R.  Oui, Backa est en Vojvodine.

 19   Q.  Et ici, vous-même et le président Tudjman êtes en train de discuter des

 20   différentes façons dont on pourrait accroître le nombre de Croates et

 21   réduire le nombre de Serbes en Slavonie orientale, par exemple, en forçant

 22   les Croates de Bosnie de Posavina dans la région ou en échangeant des

 23   Serbes en Slavonie orientale avec des Croates de la Vojvodine.

 24   C'est exact.

 25   R.  La première partie de cette conversation que vous avez lue, je note

 26   qu'on ne s'attendait pas vraiment à ce que des Croates reviennent vraiment

 27   dans le secteur et que des Croates d'origine, ceux de Vukovar, ne

 28   reviendraient pas, de la même manière que les Serbes de Vojnici ne

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  1   reviendraient pas. Donc nous avions les appartements et en même temps nous

  2   avons des Croates de Posavina, mais dans ces cas particuliers, nous faisons

  3   également référence à ces personnes, ces Serbes qui ne souhaitent pas

  4   accepter l'autorité croate. Nous avons vu ça dans le passé lorsque les

  5   Croates de Backa et Srijem ont échangé leurs maisons avec des Serbes contre

  6   des maisons en Slavonie occidentale. C'est quelque chose qui n'a pas été

  7   encouragée par nous, mais quelque chose qui a été démarrée à leur

  8   initiative. Je connais des exemples précis de Serbes, soit de Zadar, qui

  9   étaient des officiers de la JNA et qui avaient de magnifiques maisons à

 10   Zadar. Ils se sont échappés de Croatie, pas pendant l'opération Tempête,

 11   mais avant. Ils sont venus en Vojvodine, et là ils ont échangé leurs

 12   maisons avec des Croates en Vojvodine. Ils se sont installés en Vojvodine,

 13   et les Croates sont allés à Zadar, par exemple. Ceci a été fait avant la

 14   réintégration pacifique.

 15   J'ai dit au président, sur la base des faits, mes préoccupations que de

 16   nombreux Croates qui reviennent au bout de huit ans qui étaient les

 17   personnes déplacées à Zagreb ne voudraient pas revenir à Vukovar, mais

 18   voudraient rester à Zagreb, parce qu'ils avaient déjà du travail à Zagreb

 19   et que leurs enfants y allaient à l'école. C'est quelque chose qui s'est

 20   passé pour un grand nombre. Ce n'était pas des questions individuelles au

 21   cours de la guerre. Une autre vie commence lorsque les conditions

 22   préalables sont créées pour une personne afin qu'elle ne retourne pas.

 23   Q.  Juste pour revenir à une partie antérieure de votre réponse, vous avez

 24   dit que vous aviez un grand nombre d'exemples de Serbes, par exemple, de

 25   Zadar, qui avaient de magnifiques maisons à Zadar, qui s'étaient échappés

 26   de Croatie, étaient venus en Vojvodine et qu'ils avaient échangé leurs

 27   maisons avec des Croates.

 28   Mais le président Tudjman, ici, n'est pas en train de parler de personnes

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  1   qui sont déjà parties de ces secteurs où ils vivaient en échangeant des

  2   maisons. Il parle des échanges de population, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non. Ce dont il parle, c'est ce que nous avons eu l'expérience cinq ans

  4   plus tôt, ou trois ans plus tôt, que lorsque les Croates sont venus au

  5   pouvoir, la personne qui était à la JNA ou quelque part, ils n'allaient pas

  6   rester en Croatie. Ils ont quitté Zadar, ils sont allés à Vojnic et ils

  7   voulaient également quitter Vukovar. C'est de cela que nous parlons. Une

  8   fois que nous avons établi le pouvoir, nous savons. Nous avons

  9   l'expérience. Des personnes comme ça sont parties avant et ils vont partir

 10   de toute manière. Donc s'ils vont partir, il serait mieux de voir qu'il y

 11   ait des échanges de leur propriété, de façon à ce qu'il y ait une forme

 12   d'intégration pacifique et convenue. Nous parlons de propriétés qui sont

 13   restées vides -- regardez, par exemple, tous les policiers en Croatie

 14   étaient des Serbes. Je ne connais pas dix policiers croates en Croatie.

 15   Donc la plupart d'entre eux sont partis. Pas tous, mais un grand nombre ont

 16   été amenés ici à partir d'autres régions. Ce ne sont pas les gens du cru,

 17   et nous ne faisions pas systématiquement référence à la JNA ici.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, je regarde la pendule.

 19   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. C'est un

 20   bon moment.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Aux fins des calendriers, je voudrais

 22   inviter l'huissier à escorter le témoin hors de la salle d'audience.

 23   Nous allons suspendre la séance, et je voudrais vous revoir dans 20

 24   minutes.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, en ce qui concerne le

 27   temps.

 28   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que j'ai

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  1   encore besoin de 20 minutes.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 20 minutes. Oui, ça fait

  3   approximativement les deux volets d'audience, comme vous l'aviez annoncé.

  4   Et si vous voulez gagner un peu plus de temps, ce serait apprécié, mais

  5   vous ne devriez pas prendre tant de temps que cela après la suspension.

  6   Nous allons suspendre la séance et nous reprendrons à 1 heure moins dix.

  7   --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   --- L'audience est reprise à 12 heures 53.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Pourrait-on voir le document P2536, s'il vous plaît.

 13   Q.  Monsieur Radic, le document que vous allez voir dans un instant à

 14   l'écran, c'est le texte d'un discours que le président Tudjman a fait ici à

 15   Vukovar, à la gare de chemin de fer de Vukovar, le 8 juin 1997. Et d'après

 16   le texte, il y avait une délégation du gouvernement croate qui était

 17   présente.

 18   Est-ce que vous vous souvenez si vous vous trouviez être présent au moment

 19   de ce discours ?

 20   R.  Oui, absolument.

 21   Q.  Pourrait-on maintenant voir la page 4 de l'anglais et la page 3 du

 22   texte en B/C/S.

 23   C'est les quatre premiers paragraphes en B/C/S, et en anglais, le troisième

 24   paragraphe qui commence par : "Mesdames et Messieurs…"

 25   Et le président Tudjman dit :

 26   "Mesdames et Messieurs, tous ces Serbes qui sont des citoyens de la

 27   Croatie, qui ont pris la nationalité croate et qui vivent dans ce pays et

 28   dans l'Osijek-Baranja voisin et dans l'ensemble de la zone danubienne,

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  1   s'ils veulent revenir dans leurs maisons dans les parties occidentales de

  2   la Croatie de Pakrac à Knin, ils seront autorisés à y retourner. Il y en a

  3   environ 14 500 qui sont déjà revenus. S'ils ne veulent pas revenir, nous

  4   leur donneront une indemnisation de façon à ce qu'ils puissent où ils le

  5   souhaitent."

  6   Autre citation :

  7   "Pour des raisons humanitaires, la Croatie résoudra des cas particuliers de

  8   Serbes qui ont fuit la Croatie, en dépit du fait que moi-même, en ma

  9   qualité de président, je les invite personnellement à rester. Pour des

 10   raisons humanitaires, nous trouverons une solution à leurs cas de façon à

 11   ce qu'ils puissent revenir en Croatie rejoindre leur famille.

 12   "Mais bien sûr, il ne peut pas être question que 200 000 personnes ou 150

 13   000 personnes reviennent, parce qu'alors nous aurions un nouveau conflit et

 14   une guerre. Personne au monde ne peut nous forcer à le faire.

 15   "En tout état de cause, eux-mêmes - 90 % d'entre eux - ne souhaitent pas

 16   revenir. Et ainsi va l'histoire. Après la Deuxième Guerre mondiale, environ

 17   un million et demi de personnes - ceux qu'on appelait les Turcs et les

 18   Musulmans - on quitté cette région pour la Turquie, et environ un million

 19   de Grecs sont partis et sont allés en Grèce, et ainsi de suite.

 20   "La suite de la Deuxième Guerre mondiale, plus de 12 millions de

 21   personnes ont été déplacées dans toute l'Europe. Ceci n'a pas toujours eu

 22   de mauvaises conséquences ou des conséquences totalement mauvaises. De

 23   chaque mal peut sortir un certain bien. Donc pour commencer, créons les

 24   conditions nécessaires pour une vie en paix pour le peuple croate, les

 25   Serbes et autres communautés ethniques en Croatie. Créons les conditions

 26   voulues pour une normalisation des relations de bon voisinage entre la

 27   Croatie et les Serbes de la Yougoslavie suivant à ce que - comme je l'ai

 28   écris il y a 20 ans - il y ait une scandinavisation [phon] de la région

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  1   basée sur la reconnaissance mutuelle des nation et le respect mutuel, et

  2   alors, que des minorités ethniques puissent jouir entièrement de la liberté

  3   et d'une vie de qualité."

  4   Lorsque le président Tudjman dit qu'il n'est pas question que 200 000

  5   ou 150 000 personnes reviennent, il fait allusion aux Serbes de Croatie qui

  6   vivent en dehors de la Croatie à l'époque.

  7   Est-ce que c'est bien cela ?

  8   R.  Oui. Il dit qu'il n'y a aucune probabilité du tout que

  9   150 000 personnes reviendront, parce qu'un grand nombre d'entre eux sont

 10   des personnes qui ont un lien direct avec l'agression subie par la Croatie.

 11   Il est conscient du fait que ceux qui commandaient ou participaient à

 12   l'agression contre la Croatie ne reviendront pas. Je veux dire, c'est

 13   réaliste.

 14   Q.  Je vous remercie. Là encore, vous êtes allé au-delà de la question que

 15   je posais. Donc veuillez, s'il vous plaît, vous centrer sur des réponses

 16   aux questions précises.

 17   Donc lorsqu'il dit :

 18   "Il n'est pas question que ces Croates de Serbie reviennent, parce que nous

 19   aurions à nouveau le conflit et la guerre," ceci traduit son point de vue

 20   que cela aurait pour résultat une menace stratégique pour la Croatie si ces

 21   personnes étaient autorisées à revenir, n'est-ce pas ?

 22   R.  Absolument. Si des officiers de la JNA revenaient, bien sûr que nous

 23   serions menacés. Je ne vois rien de contestable dans cela. Vous voyez

 24   quelque chose ?

 25   Il a dit que certaines personnes reviendraient; 15 000 et quelques.

 26   Mais pas tous, pour commencer, parce que ces personnes ne souhaitaient pas

 27   revenir, et deuxièmement, parce que nous ne souhaitions pas que les

 28   agresseurs reviennent.

Page 27285

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.

  2   M. MISETIC : [interprétation] Là encore, il y a un problème de

  3   traduction, et je présente mes excuses à Mme Gustafson, il y a un mot que

  4   le témoin emploi et qui n'est pas dans la traduction anglaise, mais qui est

  5   dans l'original.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et alors c'est ?

  7   M. MISETIC : [interprétation] C'est juste avant les chiffres 150 à 200 000.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi jeter un coup d'œil.

  9   C'est dans le texte original -- dans la traduction du texte; c'est

 10   cela ?

 11   R.  Oui. Si vous voulez bien regarder.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Le texte original anglais --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'original, c'est l'anglais.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Je suis sûr que le président Tudjman a parlé

 16   croate là.

 17    Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, mais ce texte vient d'un rapport ou

 18   un article en anglais qui a été traduit en croate.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Il faudrait qu'on puisse vérifier très

 20   exactement ceci, parce que c'est précisément le problème.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous dire

 22   quelle est cette différence à votre avis, Maître Misetic, parce que si ce

 23   n'est pas un problème entre le croate et l'anglais, il se peut que ce soit

 24   un problème entre l'anglais et le croate.

 25   M. MISETIC : [interprétation] En croate, il dit :

 26   "Nous ne parlons plus de quelque 150 000 à 200 000 qui seraient de

 27   retour."

 28   Et je pense qu'il y a une différence.

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  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, je vous prie de

  2   m'excuser, je pense qu'il s'agit de deux originaux. Nous les avons trouvé

  3   séparément.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce sont les deux originaux. Alors, nous

  5   allons avoir un problème parce que rien ne dit que l'un ou l'autre de ces

  6   textes fasse foi.

  7   Ceci est en tous les cas dit pour le compte rendu, à savoir que nous

  8   regardant maintenant deux versions différentes. L'une parle du retour de

  9   tous et donne un numéro; et l'autre, ce n'est pas le cas.

 10   Veuillez poursuivre.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 12   Q.  Juste sur la question de revenir à une réponse que vous venez de faire,

 13   Monsieur Radic. Vous avez dit :

 14   "Il a dit que certaines personnes reviendraient, environ

 15   15 000."

 16   Est-ce que ce chiffre de 15 000 était un chiffre qui était considéré

 17   comme acceptable pour un retour ?

 18   R.  Non, non. Il aurait valu beaucoup mieux que les personnes reviennent. A

 19   l'époque, j'étais ministre chargé des personnes qui devaient revenir, donc

 20   il aurait mieux valu que davantage de personnes rentrent. Mais à

 21   l'évidence, il était nécessaire que les conditions mûrissent et qu'on

 22   puisse faire en sorte qu'un grand nombre de personnes puisse revenir.

 23   Personnellement, je n'aurais pas été satisfait si 14 ou 15 000 personnes

 24   seulement étaient revenues. J'aurais préféré que le chiffre soit beaucoup

 25   plus important.

 26   Q. Donc vous avez fait référence à ce chiffre de 15 000, mais ça n'était

 27   pas votre point de vue. C'était un chiffre que le président Tudjman a

 28   utilisé; c'est bien cela ?

Page 27287

  1   R.  Non, non. Moi, j'ai cité les propos du président Tudjman à l'époque à

  2   Vukovar, et il avait évoqué le chiffre de 14 500. Vous me demandez de faire

  3   des observations à propos du discours du président Tudjman, discours qu'il

  4   avait fait. Ce n'est pas moi qui faisais le discours.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, je vais vous dire

  6   comment je comprends ceci.

  7   Environ 14 500 sont déjà revenus.

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, mais je faisais référence à une

  9   réponse apportée par le témoin.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, si tel est le cas, ce n'est pas

 11   clair pour moi. Mais si c'est clair pour tout le monde, nous pouvons

 12   poursuivre.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur Radic, lorsque le président Tudjman parle de 12 millions de

 15   personnes qui ont été déplacées après la Deuxième Guerre mondiale, et il

 16   dit, en fait, à toute chose malheur est bon, il fait référence aux

 17   déplacements de population et au fait que cela a été provoqué par les

 18   maléfices de la guerre ?

 19   R.  Ecoutez, le président Tudjman était historien; moi, je suis ingénieur,

 20   donc je ne peux pas véritablement vous faire des observations à propos de

 21   ces théories historiques et de ces chiffres historiques qu'il donne.

 22   Q.  Bien. Hier, la Chambre vous a posé des questions et vous avez dit que

 23   ce que vous, vous souhaitiez, c'était le retour du plus grand nombre

 24   possible de personnes, et vous avez dit que cela incluait les Serbes

 25   également et que la conclusion à laquelle on aboutissait, c'était que ce

 26   qui était correct, ce qu'il fallait faire, c'était d'offrir à tout le monde

 27   de revenir.

 28   Mais en juin 1997, ce n'était pas le point de vue adopté par tous les

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  1   dirigeants, le fait que tout le monde devait revenir -- ce n'était pas ce

  2   que pensaient tous les dirigeants, à savoir que tous les Serbes devraient

  3   revenir, tous les Serbes qui se trouvaient à l'extérieur des frontières de

  4   la Croatie devraient revenir, et cette idée, elle se retrouve dans le

  5   discours du président Tudjman, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui. Mais pour que quelqu'un revienne, il fallait que deux mesures

  7   soient prises. Il fallait accepter la citoyenneté croate, il fallait

  8   devenir citoyen croate, et puis il fallait présenter une demande de retour.

  9   Le retour, c'est quelque chose que l'on décide librement. Ce n'est pas

 10   quelque chose que l'on fait sous la contrainte. On ne peut pas forcer

 11   quelqu'un à revenir. Il fallait donc qu'ils adoptent la nationalité croate

 12   et il fallait qu'ils présentent une demande de retour.

 13   Et sur ces 150 000 ou 200 000 personnes, ils ne souhaitaient toujours pas

 14   devenir citoyens croates. Ils ne le veulent toujours pas maintenant

 15   d'ailleurs, 15 ans après les événements.

 16   Q.  La Chambre --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Madame Gustafson. Là, je dois dire

 18   que nous nous écartons de plus en plus du sujet abordé pendant

 19   l'interrogatoire principal. Alors, nous nous sommes beaucoup intéressés à

 20   ce qui avait été dit et fait en 1995. Ce n'est pas que l'on ait

 21   complètement ignoré ce qui s'était passé après, mais ce qui s'est passé

 22   après, c'est quand même quelque chose de tout à fait différent de ce qui

 23   s'est passé à la mi-1995 et à la fin 1995. 

 24     Maintenant, non seulement l'on prend cela en considération, mais l'on

 25   s'intéresse à ce qui a été dit par d'aucuns à propos du retour des autres.

 26   Je pense qu'on en a quand même déjà beaucoup parlé et apparemment -- je ne

 27   dirais pas que ce témoin n'a aucune connaissance de la question, mais il en

 28   a une connaissance limitée. Et le fait est que l'on s'écarte de plus en

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  1   plus des questions qui avaient été posées par la Chambre.

  2   Est-ce que vous auriez peut-être d'autres questions qui pourraient peut-

  3   être nous faire reprendre le droit fil de l'interrogatoire ?

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, oui. Je voulais parler de la réunion

  5   du 11 août, la réunion du VONS, document P2673.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous aurez besoin

  7   d'environ 20 minutes. Donc c'est le dernier sujet que vous souhaitez

  8   aborder ?

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non. Je voudrais, en fait, aborder deux

 10   sujets très rapidement.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Alors, est-ce que nous pouvons demander la

 13   page 20 en anglais et la page 47 de la version B/C/S --non, je m'excuse, je

 14   m'excuse. Il y a une traduction anglaise complète qui a été saisie dans le

 15   système. Je ne sais pas si cela se trouve maintenant dans le prétoire

 16   électronique.

 17   Alors, la cote de la traduction anglaise complète est comme suit : 01870803

 18   -- ou plutôt, je me reprends, 0803-ET-1. Est-ce que vous pourriez peut-être

 19   afficher le document à côté de la version B/C/S.

 20   Page 47 de la version B/C/S, donc 12 pages avant cette page-ci. Page 20 de

 21   la version anglaise.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse, et excusez-moi si je suis un peu à

 23   la traîne, mais moi, je n'ai qu'un document de 17 pages, donc --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme Gustafson vient juste de faire

 25   référence à une traduction complète qui a été chargée dans le système.

 26   Et c'est bien cela que vous demandez maintenant, Madame Gustafson,

 27   n'est-ce pas ?

 28   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, c'est ce que j'espère.

Page 27290

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est en tout cas ce que nous avions

  2   compris. Alors, c'est ce que nous pensons. Je ne sais pas maintenant si

  3   nous trouverons cela sur nos écrans.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Je dois vous dire que c'est un peu difficile.

  5   Je pense que je vais avoir besoin de l'aide de notre commis aux

  6   affaires.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Donc je souhaiterais que la page 47 de la

  8   version B/C/S soit affichée, 12 pages avant la page qui est affichée à

  9   l'écran. Il se peut que je me trompe, ceci étant dit.

 10   Voilà, c'est cela. Est-ce que vous pourriez afficher le bas de la version

 11   anglaise.

 12   Q.  Monsieur Radic, c'est vous qui vous exprimez, cela s'est passé juste

 13   après l'opération Tempête --

 14   M. KEHOE : [interprétation] Ecoutez, je m'excuse de vous interrompre, mais

 15   quelle est la page de la version anglaise ?

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Page 20. Il y a différents numéros parce

 17   qu'il y a eu plusieurs traductions qui ont été faites.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, cela maintenant se trouve sur

 19   nos écrans, page 8pour la version papier, ça doit vous permettre de le

 20   trouver.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Radic, vous parlez des opérations Eclair et Tempête, et vous

 24   parlez des conséquences qui sont que les gens qui avaient été expulsés

 25   reviennent. Vous citez le chiffre de 120 000 personnes, 120 000 Croates de

 26   ces zones qui sont toujours des personnes expulsées.

 27   Puis, au paragraphe suivant, vous faites référence à une analyse

 28   détaillée dont le but est de créer aussi rapidement que possible les

Page 27291

  1   conditions pour permettre le retour.

  2   Page suivante la version anglaise, je vous prie, puis vous parlez de

  3   trois vagues de Croates qui reviendraient. La première vague étant le

  4   groupe de personnes dont les maisons sont encore intactes, donc il s'agit

  5   de maisons de Croates qui avaient été occupées par des Serbes.

  6   Mme GUSTAFSON : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est la bonne page de la

  8   version anglaise ? Voilà, voilà, maintenant nous l'avons.

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, effectivement.

 10   Q.  Donc je disais qu'ensuite vous parlez de la deuxième vague. Et c'est au

 11   bas de la page de la version B/C/S. Et là il s'agit de Croates qui

 12   reviennent dans des appartements et maisons qui ont été libérés et qui se

 13   trouvent dans des zones proches de l'endroit où se trouvaient leurs maisons

 14   détruites. Et puis, au milieu de ce paragraphe, vous parlez de la troisième

 15   vague de retour, et là il s'agit des retours vers les villages où les

 16   petites bourgades croates qui ont été entièrement détruites, telles que

 17   Sveti Rok, Saborsko, Lovinac, et cetera, et cetera.

 18   Page suivante de la version B/C/S, et cela correspond au bas de la page

 19   anglaise, c'est vous qui vous exprimez à nouveau, comme vous pouvez le

 20   constater.

 21   Et puis, la page suivante en version anglaise, juste après avoir fait

 22   référence à Sveti Rok et à Lovinac, vous demandez qu'il y ait une réunion

 23   qui soit organisée, une petite réunion, pour décider exactement de quels

 24   endroits devront être peuplés pendant les journées à venir.

 25   Et puis, vous dites :

 26   "Il est extrêmement important, pour ne pas dire primordial, que dans les

 27   endroits où les retours peuvent être effectués dans un mois, il faut que

 28   cela se passe au plus tard dans un mois."

Page 27292

  1   Ensuite, vous parlez d'enseignement dans les écoles.

  2   Donc vous décrivez ces vagues de retour de Croates qui vont revenir dans

  3   ces zones libérées, vous dites qu'il faut que cela se fasse le plus

  4   rapidement possible. La Chambre a entendu des éléments de preuve indiquant

  5   qu'il y a un certain nombre de Croates justement qui ont commencé à

  6   s'installer dans ces zones très peu de temps après l'opération Tempête.

  7   Donc voilà la question que j'aimerais vous poser : est-ce que vos efforts

  8   ont été couronnés de succès, est-ce que vous avez réussi à faire revenir

  9   des Croates appartenant à ces trois catégories aussi rapidement que vous

 10   souhaitiez le faire ?

 11   R.  Non, non, ce n'est même pas rapproché de l'objectif.

 12   Q.  Dans un compte rendu qui vous a été présenté hier, il s'agit d'un

 13   compte rendu d'une réunion du gouvernement du 5 octobre, il se trouvait

 14   dans le classeur que vous aviez pris avec vous, vous dites que vous avez

 15   été en mesure de faire en sorte que s'établissent 8 000 Croates dans les

 16   zones de Vojnic et de Vrginmost.

 17   C'est un exemple de ce résultat positif ou de certains des résultats que

 18   vous souhaitiez obtenir dans cette zone après l'opération Tempête ?

 19   R.  Oui, c'est un exemple où nous avons pu loger des personnes déplacées de

 20   Bosnie-Herzégovine. Je faisais de mon mieux pour vous fournir une

 21   explication brève, maintenant vous voulez avoir une explication.

 22   Donc je vous dirais que le programme de retour a été mis en œuvre beaucoup

 23   plus lentement que nous l'avions envisagé –- enfin, une semaine après

 24   l'opération Tempête, parce que nous étions en proie à un idéal

 25   enthousiasme, et moi, je m'imaginais qu'une personne qui avait passé

 26   plusieurs mois dans un hôtel, dans un appartement loin de son foyer aurait

 27   brûlé d'impatience de revenir. Mais le fait est que, comme ils avaient vécu

 28   cinq ans ailleurs, leurs circonstances avaient changé.

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  1   Q.  Est-ce que vous pouvez vous souvenir maintenant du nombre de milliers

  2   de Croates que vous avez pu faire revenir dans cette région au 5 octobre,

  3   disons, prenons la date du 5 octobre comme date butoir, alors combien de

  4   Croates sont revenus à Vojnic et Vrginmost ? Vous pouvez me le dire ?

  5   R.  Non, non, je ne m'en souviens pas. Mais je me souviens pertinemment

  6   qu'à la fin du mandat du gouvernement, après cinq ans de travail, nous

  7   avions fait en sorte que 200 000 personnes puissent revenir, les conditions

  8   avaient été recréées pour que ces personnes puissent rentrer chez elles et

  9   les maisons avaient été reconstruites pour ce nombre de personnes. Bon, je

 10   ne peux pas, ceci étant dit, me souvenir du chiffre absolument exact pour

 11   cette période.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'en ai terminé, je n'ai plus de questions

 14   à poser.

 15   Q.  Monsieur Radic, je vous remercie, d'avoir répondu à mes questions.

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Et j'aimerais juste vous demander que

 17   cette traduction complète remplace la traduction qui se trouvait dans le

 18   prétoire électronique. Et puis, j'ai omis de demander le versement au

 19   dossier de la pièce 4661 de la liste 65 ter.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Je suppose que c'est l'article de presse,

 21   n'est-ce pas ? Il s'agit du procès-verbal présidentiel du 28 janvier,

 22   n'est-ce pas ?

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] En effet.

 24   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez procéder

 26   au remplacement de la traduction existante par la traduction intégrale

 27   fournie.

 28   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

Page 27294

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez assigner une cote à ce document

  2   numéro 4661 de la liste 65 ter.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P2714.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

  5   Monsieur Radic, vous allez maintenant être contre-interrogé par Me Kehoe,

  6   qui est le conseil de la Défense de M. Gotovina.

  7   Maître Kehoe, tout d'abord, il faudrait que nous en terminions cinq minutes

  8   avant l'heure habituelle aujourd'hui. Je vous prie de ne pas l'oublier.

  9   N'oublions pas également que la Chambre souhaiterait éviter que nous

 10   n'aboutissions finalement aux mêmes réponses de la part du témoin en nous

 11   aventurant dans une approche différente, tout cela partant des questions

 12   qui ont été posées par la Chambre. Nous ne sommes pas ici pour souligner

 13   les réponses que nous avons déjà pu entendre. Il s'agit bien plutôt de

 14   corroborer les moyens de preuve qui ressortent de l'interrogatoire

 15   principal aux moyens de ce contre-interrogatoire, et ce, dans le cadre des

 16   instructions fournies par la Chambre pour les témoins de cette dernière.

 17   Veuillez procéder, Maître.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président, je vais

 19   avancer rapidement.

 20   Contre-interrogatoire par M. Kehoe : 

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 22   Je vais essayer de couvrir un certain nombre de sujets et j'espère que nous

 23   n'aurons pas à répéter certains éléments.

 24   Alors, concernant ces différents entretiens que vous avez eus avec le

 25   président Tudjman juste après l'opération Tempête, nous avons vu qu'il y

 26   avait un certain nombre d'entretiens dans le document 462 tenus juste après

 27   l'opération Tempête, le 11 août 1995.

 28   Mais je voudrais remettre dans leur contexte certains événements que vous

Page 27295

  1   aviez à l'esprit lorsque vous parliez au président Tudjman à ce moment-là.

  2   Alors, ce matin, vous avez parlé de l'expérience que vous aviez eue suite à

  3   l'opération Eclair, vous avez évoqué la situation en Slavonie occidentale,

  4   en mai/juin 1995.

  5   Alors, en Slavonie occidentale, il y avait effectivement une large part de

  6   la population serbe qui avait quitté volontairement cette portion du

  7   territoire après l'opération Eclair, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, tout à fait. Nous avons ici les procès-verbaux d'une ou deux

  9   réunions. J'ai discuté au moins à 20 reprises avec le président Tudjman

 10   lors des deux premiers jours de différentes façons, et le contexte était

 11   celui de tous les événements survenus. Vous parlez de la situation en

 12   Slavonie occidentale, mais nous pouvons également parler d'autres parties

 13   de la Croatie d'où de nombreux Serbes sont partis, et ce, dès la

 14   proclamation de l'indépendance de la Croatie. Je crois que de Zagreb

 15   seulement, il y a 20 000 Serbes qui sont partis après la proclamation de

 16   l'indépendance de la Croatie parce qu'ils n'ont pas accepté la Croatie

 17   comme leur Etat.

 18   Nous avons donc parlé de l'ensemble de ce contexte, qui était celui des

 19   événements de la guerre.

 20   Q.  Alors, je voudrais que nous nous concentrions, au moins pour commencer,

 21   sur la Slavonie occidentale et l'opération Eclair.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document 520 de la

 23   liste 65 ter, il s'agit du rapport du 9 juin 1995 du Conseil de sécurité.

 24   C'est le numéro 520 de la liste 65 ter, oui.

 25   Q.  Alors, comme vous pouvez le voir -- nous attendons la version en B/C/S.

 26   Vous pouvez voir, Monsieur Radic, qu'il s'agit d'un rapport des Nations

 27   Unies. Je voudrais passer à la page 4 de la version anglaise, qui

 28   correspond à la page 3 en B/C/S. Cela commence par l'intitulé : Secteur

Page 27296

  1   ouest. Le titre : B, secteur ouest.

  2   Donc vers la fin du premier paragraphe, je vais commencer à donner lecture

  3   de cette analyse des Nations Unies, qui relève, je cite, que :

  4   "…le gouvernement croate a essayé d'encourager les Serbes à rester dans la

  5   zone et a émis des documents personnels, y compris des documents attestant

  6   de la citoyenneté, des passeports au bénéfice des personnes qui avaient

  7   demandé de tels documents."

  8   Alors, paragraphe 15 maintenant :

  9   "En dépit de l'effort évident du gouvernement croate visant à réaliser les

 10   conditions du plus grand respect des droits de l'homme des Serbes dans le

 11   secteur ouest et en dépit des efforts du gouvernement visant à les

 12   décourager de quitter cette zone pour la Bosnie-Herzégovine, une atmosphère

 13   de peur prévaut, et seul quelques centaines d'entre eux sont disposés à

 14   rester sur ce territoire."

 15   Alors, quand cela est devenu concret, ces Serbes ont quitté la zone sous

 16   l'égide des Nations Unies dans le cadre d'une opération appelée "Safe

 17   Passage," "Passage sûr," n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, tout à fait.

 19   M. KEHOE : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais que ce

 20   document 520 de la liste 65 ter puisse être versé.

 21   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je crois que ce rapport des Nations Unies

 22   est déjà versé au dossier en tant que document D, mais je peux vérifier.

 23   M. KEHOE : [interprétation] C'est le rapport de Mazowiecki peut-être dont

 24   vous parlez, mais ici il s'agit d'un rapport complètement différent, dans

 25   un contexte, lui aussi, différent.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Juge, le document reçoit la

 28   cote D2020.

Page 27297

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et il est versé au dossier.

  2   M. KEHOE : [interprétation]

  3   Q.  Passons maintenant à la période s'étendant après l'opération Tempête,

  4   lorsque le président Tudjman s'adresse aux dirigeants internationaux à

  5   propos de la probabilité qu'il y a à assister au retour des Serbes. Alors,

  6   je voudrais vous montrer une série de documents. J'espère que nous pourrons

  7   en finir sur ce sujet avant d'avoir à lever l'audience.

  8   Alors, dans le premier entretien que je souhaiterais que nous abordions et

  9   qui figure dans le document numéro P449, procès-verbal de la réunion du 18

 10   août 1995 avec le président, nous pouvons voir l'ambassadeur des Etats-

 11   Unis, M. Holbrooke, est présent ainsi que le général Clark, un général

 12   américain. L'ambassadeur Galbraith est aussi parmi les participants.

 13   Alors, je demande juste quelques instants pour vérifier la cohérence de la

 14   pagination concernant ce document.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Alors, la raison en est, Monsieur le Président,

 16   c'est qu'une portion de ce document a été versée dans un premier temps au

 17   dossier, puis un autre, et la pagination qui figure au bas des pages de ce

 18   document ne correspond pas nécessairement à celle qui a été adoptée au sein

 19   du système électronique.

 20   Alors, page 33 en B/C/S.

 21   Q.  Alors, je vais prendre le haut de la page, qui correspond à la page 17

 22   en anglais.

 23   Et je vais vous donner lecture du commentaire de l'ambassadeur Holbrooke.

 24   C'est en haut de la page, en B/C/S. C'est l'ambassadeur Holbrooke qui

 25   s'adresse au président.

 26   Il dit, je cite :

 27   "Si vous pouviez juste faire revenir ces personnes, si vous pouviez tenir

 28   un discours disant que la guerre est finie et leur disant de venir, la

Page 27298

  1   plupart d'entre eux ne reviendront pas. Mais dites-leur de revenir,

  2   soulignez cela. Soulignez qu'ils devraient revenir, au moins, dites-le."

  3   Le président Tudjman dit :

  4   "Eh bien, je serais très heureux si environ 10 % d'entre eux revenaient."

  5   L'ambassadeur Holbrooke :

  6   "Très bien, dites-leur de revenir. Dédommagez-les…"

  7   Ensuite, le dernier document auquel je souhaiterais me référer avant de

  8   vous poser quelques questions est le suivant, il s'agit du journal de

  9   l'ambassadeur Galbraith, la pièce P459. Alors, l'entrée qui nous intéresse

 10   est celle du 15 septembre. En anglais, il devrait s'agir de la page 46 sur

 11   76 pages.

 12   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi. C'est la pièce P458, en fait.

 13   Alors, c'est le cinquième intercalaire dans la version B/C/S. Alors,

 14   c'est l'intercalaire 5, et c'est le texte en B/C/S. Et la page 46 pour

 15   l'anglais.

 16   [Le conseil de la Défense se concerte]

 17   M. KEHOE : [interprétation] Malheureusement, Monsieur le Président, ce

 18   n'est pas la bonne page, mais si vous pouvez simplement la lire en anglais,

 19   nous demanderons à ce moment-là qu'on puisse poursuivre parce que je vais

 20   en fait lire une phrase.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 22   M. KEHOE : [interprétation]

 23   Q.  Dans son journal, l'ambassadeur Galbraith raconte une conversation avec

 24   M. Sarinic. Et il note qu'il a dit à M. Sarinic :

 25   "Il n'y en a pas beaucoup qui voudront revenir, au maximum

 26   20 %."

 27   Maintenant, la conversation avec l'ambassadeur Holbrooke, une conversation

 28   de caractère public avec un ambassadeur d'un autre pays, le président

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  1   Tudjman envisage qu'environ 10 % vont revenir et l'ambassadeur Galbraith

  2   parle de 20 % de retour.

  3   Dans ces conversations que le gouvernement était en train d'avoir avec

  4   l'ambassadeur Galbraith et avec d'autres dirigeants internationaux, est-ce

  5   que l'un quelconque de ces dirigeants internationaux vous a suggéré, étant

  6   le fait que 80 % n'allait pas revenir, ce que la République de Croatie

  7   était censée faire avec toutes ses propriétés ou maisons laissées vacantes

  8   ?

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je me demande si on pourrait donner une

 10   base à cette question pour ce qui est des contacts du témoin avec des

 11   dirigeants internationaux.

 12   M. KEHOE : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, qu'en fait,

 13   vous avez posé la question concernant les dirigeants internationaux comme

 14   ayant une certaine influence pour modifier la Loi relative à la prise

 15   temporaire de propriété de 30 et 90 jours, et cetera, et je voudrais

 16   demander au témoin s'il a une connaissance directe à l'occasion de

 17   conversations avec des dirigeants internationaux ou les conversations qu'il

 18   aurait eues avec des dirigeants croates.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous parlons principalement

 20   de la communauté internationale, mais je vais voir…

 21   Jusqu'à présent, vous avez fait référence à une conversation avec

 22   l'ambassadeur Galbraith. S'il y en a eu d'autres que vous aviez prévues,

 23   veuillez le préciser. Sinon, nous pouvons demander au témoin s'il a

 24   connaissance des discussions qui auraient eu lieu avec d'autres dirigeants

 25   internationaux sur le sujet.

 26   M. KEHOE : [interprétation]

 27   Q.  Pourriez-vous répondre à la question posée par le président à ce sujet

 28   ?

Page 27300

  1   R.  J'étais au courant de ces informations, à savoir que le haut

  2   représentant des Etats-Unis avait l'impression que pas plus de 20 %

  3   devaient être de retour. Et personnellement, j'ai également rencontré de

  4   nombreux ambassadeurs à l'époque qui partageaient des points de vue

  5   analogues. A leur avis, pas plus que ce chiffre-là n'allait revenir.

  6   Q.  En gardant ce chiffre à l'esprit, vous allez dire que 80 % de la

  7   population serbe n'allait pas revenir. Maintenant, dans les entretiens avec

  8   ces dirigeants internationaux, est-ce qu'ils ne vous ont jamais expliqué ce

  9   que la République de Croatie était censée faire avec les propriétés

 10   appartenant à quelque 80 % des Serbes qui n'allaient pas revenir et qui

 11   allaient vivre dans ces régions ?

 12   R.  La situation était quelque peu différente, parce qu'ils nous

 13   permettaient de présenter, d'offrir notre proposition, et ensuite ils l'ont

 14   appuyée. Pour un grand nombre d'entre eux, il était acceptable que nous

 15   suggérions que les propriétés en question seraient le mieux protéger si

 16   nous les attribuions de façon temporaire pour être utilisées d'une façon

 17   que nous avons déjà expliquée aux membres de la Chambre.

 18   Q.  Maintenant, Monsieur Radic, la première conversation dont nous

 19   avons parlé concernait le procès-verbal des réunions tenues à une

 20   conférence, et ceci, c'est donc à la page 462 au Palais des conférences.

 21   Nous n'avons pas besoin de revenir à cela maintenant, mais je suis sûr que

 22   vous vous rappelez de cette conversation, c'est une conversation entre le

 23   président et vous-même, avec le ministre Susak, le premier ministre

 24   Valentic, qui a eu lieu le 11 août.

 25   Or, cette conversation qui a eu lieu le 11 août. C'est une

 26   conversation concernant, n'est-ce pas, le fait de reprendre temporairement

 27   cette Loi sur la prise temporaire par le fait que les parties croient que

 28   la population serbe n'a pas l'intention de revenir; c'est bien cela ?

Page 27301

  1   R.  Oui, c'est tout à fait cela. A ce moment-là, nous avions

  2   l'impression que ceci était appuyé par les représentants de la communauté

  3   internationale, comme vous l'avez déjà mentionné.

  4   Q.  Donc il ne s'agit pas d'une conversation dans le contexte de conserver

  5   la population serbe, mais plutôt que la population serbe ne va pas revenir.

  6   Et la question est qu'est-ce que nous allons faire maintenant avec ces

  7   propriétés ou ces maisons à la lumière des préoccupations en matière de

  8   sécurité avec la guerre qui continue lorsqu'il s'agit des forces serbes;

  9   c'est bien cela ?

 10   R.  Vous avez tout à fait raison. Même la conversation que j'ai eue avec le

 11   président le 22 août. Le président voulait protéger les propriétés. Il

 12   avait dit : Oui, bien sûr, nous devons protéger toutes les propriétés de la

 13   République de Croatie.

 14   Q.  Merci, Monsieur Radic. Peut-être que nous allons maintenant lever

 15   l'audience, d'après les instructions du Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Kehoe.

 17   Monsieur Radic, je vais vous donner mes instructions, celles que je vous ai

 18   données hier, à savoir que vous ne devez ne parler à personne de votre

 19   déposition faite aujourd'hui, également hier et la déposition que vous

 20   devez encore faire demain. Je souhaite vous revoir demain matin à 9 heures,

 21   mais dans la salle d'audience numéro III.

 22   Je lève la séance et nous reprenons -- attendez un instant.

 23   La question vous a été posée de savoir si vous alliez conserver les

 24   dossiers. Si vous voulez les conserver, si vous voulez lire ce qui s'y

 25   trouve, très bien. Mais je voudrais vous dire de ne pas les perdre, il

 26   faudra les rendre au Tribunal, et je les recevrai.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Sur ce point, il est possible, là encore, qu'il

 28   y a ce grand texte transcrit du document P464 que Mme Gustafson a utilisé,

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  1   et je ne sais pas si on peut avoir pour une ou l'autre partie une copie en

  2   croate.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'objection apparemment. Je

  4   regarde Mme Gustafson qui opine. On dirait qu'il n'y a pas d'objection.

  5   Donc on peut effectivement donner cela au témoin de la façon qui convient.

  6   Nous reprendrons demain, vendredi 26 février, à 9 heures dans la

  7   salle d'audience III.

  8   --- L'audience est levée à 13 heures 43 et reprendra le vendredi 26 février

  9   2010, à 9 heures 00.

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