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1 Le mercredi 1er septembre 2010
2 [Audience publique]
3 [Réplique de l'Accusation]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 10 heures 07.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le
7 prétoire et autour de celui-ci.
8 Monsieur le Greffier d'audience, pourriez-vous citer l'affaire, s'il vous
9 plaît.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Bonjour à
11 toutes et à tous. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre
12 Ante Gotovina et consorts. Je vous remercie.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
14 Plusieurs points de détail. Me Misetic, vous vouliez que l'on
15 consigne un point au compte rendu d'audience.
16 M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. On nous a demandé
17 de préciser un élément que l'on retrouve dans le projet du compte rendu
18 d'audience, page 8, lignes 7 à 9, au sujet de la note de bas de page. Ce
19 sont les références au témoignage du général Johns. Nous estimons qu'il
20 convient de préciser que notre position au paragraphe 605 du mémoire en
21 clôture et la référence qu'il convient de prendre en compte. Les extraits
22 qui ont été cités et soumis au général Johns, ce sont les notes de bas de
23 pages 1 048, 1 050 et 1 051. Une autre correction que je souhaite apporter,
24 au projet de compte rendu d'audience, page 9, lignes 11 à 14, j'ai fait une
25 erreur lorsque j'ai parlé des éléments de la responsabilité supérieure
26 hiérarchique qu'il convient de prouver au-delà de tout doute raisonnable.
27 Ces éléments se trouvent au paragraphe 609 de notre mémoire en clôture. Je
28 vous remercie.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger, quelques
2 erreurs qu'il convient de corriger du côté de l'Accusation. M. TIEGER :
3 [interprétation] Oui, tout à fait.
4 Une correction au compte rendu d'audience, pour ce qui est des
5 arguments que j'ai présentés lundi. Référence au compte rendu d'audience,
6 page 29, 118, ligne 5, pièce P1142. En fait il convient de remplacer par la
7 référence à la pièce P1141.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie d'avoir apporter
9 cette correction.
10 Pour ma part, je précise aux fins du compte rendu d'audience que nous
11 avons retardé le début de l'audience aujourd'hui, puisque le transcript ne
12 s'affichait pas sur nos ordinateurs. Nous avons estimé qu'en particulier
13 compte tenu de l'importance des débats d'aujourd'hui, de ne pas commencer
14 tant que nous n'avions pas accès au compte rendu, c'est la raison pour
15 laquelle nous avons décidé de retarder le début de l'audience.
16 Quelques petits points.
17 Monsieur Tieger, si je n'ai pas été tout à fait clair, je souhaite
18 dire que je sais que vous sachiez que vous avez la possibilité de disposer
19 de cinq ou dix minutes de plus, si vous avez la sensation que vous n'avez
20 pas pu vous exprimer suffisamment. Je pense que c'est le point qui s'est
21 posé avant-hier.
22 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 Je vais me focaliser sur la réplique avant tout. Mais je tiens à remercier
24 la Chambre de m'avoir offert cette occasion.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Maître Kay, la liste
26 des notes de bas de page, vous l'avez distribuée à l'autre partie et à la
27 Chambre.
28 M. KAY : [interprétation] Pas encore à la Chambre. Tout d'abord à la partie
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1 adverse -- ou plutôt, aux parties adverses. Puis par la suite, à partir du
2 moment où nous aurons leur accord, nous le fournirons à la Chambre, avec
3 votre autorisation.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous souhaiterions que
5 les autres parties se penchent sur la liste rapidement, pour que nous
6 puissions l'avoir dès que possible.
7 Enfin, un élément qui ne figure pas dans notre Règlement, mais qui fait
8 partie des usages devant ce Tribunal, à savoir l'occasion qui est offerte
9 aux accusés de prendre brièvement la parole devant la Chambre. Nous n'avons
10 pas été saisis de demande jusqu'à présent, en l'espèce, généralement il
11 s'agit de déclarations qui ne sont pas faites sous serment. C'est une
12 tradition ici. Si les parties souhaitent demander que ce droit leur soit
13 accordé, la Chambre aurait tendance à faire droit à ces demandes.
14 Ce serait tout ce que j'aurais à dire avant le début.
15 Monsieur Tieger, l'Accusation est-elle prête à prendre la parole dans
16 le cadre de son droit à la réplique ?
17 M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
18 Je souhaite commencer par la question qui a été soulevée par la
19 Chambre, à savoir la question des obus. La Chambre sait dans quel contexte
20 la question s'est posée -- il s'agit en fait de bombes au phosphore, donc
21 c'était l'affirmation avancée par la Défense Gotovina; affirmant qu'il
22 n'était pas exact d'affirmer que le général Gotovina a pris des mesures
23 pour dissimuler les crimes commis par ses subordonnés à Grahovo, en leur
24 demandant d'ordonner que Glamoc et Grahovo ont été pilonnés, et je cite en
25 particulier la pièce D1980, ainsi que l'entrée du 2 août dans le journal du
26 général Mladic. Je voudrais donc parler de ce point pour commencer.
27 Le général Gotovina au sens -- examinons le rapport disant que
28 c'était le général Gotovina qui aurait ordonné cela. Donc au sens strict et
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1 au sens plus large du terme, cela est faux. Au sens plus strict du terme,
2 penchons-nous sur les deux pièces sur lesquelles se repose la Défense, à
3 savoir la pièce D1980, où il est question de bombes au phosphore qui ont
4 été tirées le 27 juillet. J'attire votre attention sur la carte qui va
5 s'afficher à l'écran, donc nous avons la pièce P2417, qui a été découpée
6 pour nous présenter cela, en bas à droite, un cercle est tracé autour de
7 Glamoc, et à gauche, autour de Grahovo; et puis en haut à gauche, nous
8 avons Drvar. Alors pour ce qui est de l'échelle, nous avons en fait deux
9 cartes qui ont été prises pour établir celle-ci. Sur la droite, les deux
10 carrés constituent à peu près quatre kilomètres horizontalement, et deux
11 kilomètres à peu près -- ou plutôt horizontalement et verticalement, quatre
12 kilomètres, et deux kilomètres pour ce à gauche. Vous voyez les monts
13 Staretina et les bois, à une certaine distance, neuf kilomètres à peu près
14 depuis la localité de Glamoc. Bien sûr, Grahovo se situe à une certaine
15 distance de là. Il est clair que les projectiles qui sont tombés sur les
16 bois de Staretina ne sont pas tombés sur Glamoc ou Grahovo.
17 Alors s'agissant du journal de Mladic :
18 "L'ennemi aurait incendié des villages, et les accès à Glamoc et à
19 Grahovo. Hier, ils ont commencé à incendier Grahovo. Ils incendient des
20 villages autour de Grahovo, avec des munitions incendiaires."
21 Vous vous rappellerez, Madame et Messieurs les Juges, que les forces
22 de la Région militaire de Split avaient déjà occupé Grahovo, le 28 juillet.
23 Et de toute évidence, il ne s'agissait pas d'aller pilonner ses propres
24 forces, déployées à Grahovo. D'ailleurs, cette entrée ne correspond pas au
25 moment qui nous intéresse.
26 Donc mis à part l'information intéressante, à savoir que les villages
27 ont été incendiés depuis Grahovo et Drvar, qui n'est pas pertinente à la
28 question qui nous concerne, à savoir le rapport au sens étroit du terme que
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1 le rapport qui a été rédigé était faux. Mais ce qui est encore plus
2 important, même si techniquement c'était vrai, l'intention aurait été donc
3 de dissimuler tout ce qui est en train de se produire à Grahovo, et ce qui
4 s'était effectivement produit là-bas, à savoir que la plupart des unités,
5 tout sauf deux ont pris part à la destruction de Grahovo et Glamoc.
6 Or, la Chambre sait grâce aux éléments qui ont été présentés que,
7 lors de la réunion de la Région militaire de Split, lors de la réunion du
8 département politique, il a été dit aux journalistes qu'ils n'allaient pas
9 pouvoir accéder à Grahovo et que -- et le général Gotovina aurait ordonné
10 de faire un rapport en passant par un messager disant que Glamoc et Grahovo
11 ont été pilonnés par des bombes au phosphore, de toute évidence, pour
12 expliquer les destructions si les journalistes apprenaient la chose.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, nous comprenons bien le contexte,
14 mais les détails qui m'intéressent c'est de savoir si nous avons des
15 preuves démontrant que l'on a utilisé ou non les bombes au phosphore. Vous
16 nous expliquez que cela -- que l'on ne peut pas raisonnablement arriver à
17 la conclusion que cela a une relation avec Grahovo et Glamoc, et les autres
18 éléments indiquent une autre conclusion. Afin d'établir quelque chose, nous
19 avons besoin de tous les éléments.
20 Je vous remercie.
21 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
22 Je voudrais maintenant me référer à quelques commentaires qui ont été faits
23 par la Défense Markac au sujet de M. Janic, 122, 13 à 123, 19, page du
24 compte rendu d'audience. La Défense Markac affirme qu'on a jamais demandé à
25 M. Janic ce qui en est de Gracac, et qui plus est -- ou plutôt, je
26 reviendrai à cela un peu plus tard.
27 Ils affirment qu'on ne lui a jamais posé la question, et à ce sujet, je
28 fais valoir que le témoignage de M. Janic contredit cela. Je me réfère aux
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1 pages du compte rendu d'audience 6 355 à 56, et le mémoire en clôture de
2 l'Accusation le reprend explicitement dans ses notes en bas de page, 2 108.
3 M. Janic répond à une question qui lui est posée au sujet de Gracac en
4 disant :
5 "Je sais que près de la ville il y avait des dépôts militaires qui
6 constituaient des cibles légitimes, et la ville elle-même ne l'était pas.
7 Il n'y avait pas de combat à l'intérieur, et pas non plus d'attaque par
8 l'artillerie qui aurait pris pour cible la ville."
9 La Défense Markac, en outre, affirme que M. Russo n'a pas pris en compte
10 des éléments clés au sujet du pilonnage de Gracac, y compris la pièce P102.
11 Il s'agit d'un rapport des observateurs militaires où ils affirment que :
12 "15 obus sont tombés dans la zone de Gracac le 4 août."
13 En fait, ce qui figure dans le rapport des observateurs militaires - et
14 cela devrait s'afficher à l'écran - c'est que les obus ne sont pas tombés
15 dans la zone de Gracac, mais dans la ville même de Gracac. Ce qui est
16 encore plus important, Monsieur le Président, ces 15 obus ne constituent
17 pas la totalité des obus entre 14 et 17 heures dans la journée du 4 août.
18 C'est la totalité des obus qui sont tombés uniquement pendant cette tranche
19 horaire, à savoir neuf heures après le début du pilonnage de Gracac.
20 Donc contrairement aux affirmations de la Défense Markac, cette pièce ne
21 contredit pas cette déposition du témoin, mais elle est tout à fait en
22 conformité avec d'ailleurs ce que -- ce dont rend compte l'équipe des
23 observateurs militaires des Nations Unies dans la matinée du 4 août.
24 Alors un point qui a été soulevé par la Défense Gotovina, également
25 par la Défense Markac, les deux affirment que le caractère illégal de
26 l'attaque de l'artillerie a été évoqué par le général Forand et -- ou
27 plutôt, a été rejeté par le général Forand lorsqu'il affirme que
28 l'utilisation de l'artillerie de la HV était "excellente." Pages 32 et 123
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1 jusqu'à 124 du compte rendu d'audience.
2 Je pense que l'on peut affirmer que sur la base de ce témoignage, le
3 général Forand ne serait pas -- ne se féliciterait pas d'apprendre qu'on le
4 cite pour étayer le caractère légal du pilonnage. En fait, cette
5 affirmation est contredite par son témoignage devant cette Chambre, et je
6 vous réfère aux pièces P331, P333, ainsi que les pages du compte rendu
7 d'audience 4 114 jusqu'à 4 115, ainsi que ses déclarations au moment du
8 pilonnage, P83, P341 et aussi les déclarations dans cette même présentation
9 sur laquelle s'appuie la Défense, à savoir la pièce P401, où il décrit que
10 : "Il y a eu des feux nourris sur les villes et les villages." Page 22. La
11 HV aurait pilonné les postes d'observation des Nations Unies afin de mettre
12 fin aux informations qu'ils relayaient; page 28 et page 30. Puis le
13 pilonnage intense de Knin le 5 août, est Knin "était quasiment désertée."
14 Enfin, le général Forand explique que :
15 "L'utilisation de l'artillerie était excellente, utilisée contre des
16 objectifs militaires; cependant, dans une large mesure, on s'en est servie
17 contre des villages et des villes comme Knin, et non pas contre des cibles
18 dans la zone de séparation, et ce pilonnage a créé un mouvement de panique
19 très important dans la population et l'a forcée à prendre la fuite."
20 Alors un point annexe, Monsieur le Président, l'affirmation de la Défense
21 Gotovina consistant à dire que le caractère illégal du pilonnage ne
22 correspond pas aux observations qui ont été faites à l'époque. Ils
23 souhaiteraient que vous acceptiez que les renseignements fournis par la RSK
24 du 4 août n'étaient pas fiables. La Défense Gotovina, par exemple à la page
25 du compte rendu d'audience 29 188, affirme que la pièce D389, et bien que
26 dans ce document, la RSK fait un rapport disant que l'attaque d'artillerie
27 se concentre sur la caserne nord et d'autres cibles dans les parages. Mais
28 ce qui n'a pas été relevé dans ce document, c'est que les tirs étaient
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1 dirigés sur "la caserne Kaplara, l'usine Tvik, le carrefour ferroviaire,
2 les bâtiments résidentiels au pied de la forteresse de Knin et ailleurs."
3 Monsieur le Président, la Défense Gotovina a affirmé hier qu'aux vues du
4 fait que l'Accusation n'a pas soumis des photographies de Knin comportant
5 des traces de destruction massive et de morts, et bien qu'elle n'a pas
6 démontré de ce fait qu'il y a eu pilonnage illégal. La Défense Gotovina, à
7 la page 58 du compte rendu d'audience, accuse l'Accusation de ne pas avoir
8 démontré ce qu'elle avance, à savoir que cela rappelle les images de
9 "Stalingrad de la Deuxième Guerre mondiale."
10 C'est une représentation tout à fait erronée du seuil ou des critères qui
11 convient de respecter dans le droit international, et je me permets
12 d'affirmer que l'Accusation a dit expressément que :
13 "Il ne s'agissait ni de Stalingrad ni de Vukovar, que c'était n'était
14 pas l'attaque la plus destructrice de la ville." Mais que l'intention
15 n'était pas de détruire la ville. Que le président Tudjman avait
16 l'intention de réinstaller les Croates dans cette cité de Zvonimir, et
17 qu'il avait pour l'intention d'en chasser les Serbes.
18 Donc le fait qu'il n'y a pas de destruction massive correspond tout à
19 fait et tout à fait conforme à la cause, à la thèse de l'Accusation, à
20 savoir plus de 1 000 obus ont été tirés sur Knin ils n'étaient pas dirigés
21 sur des objectifs militaires, en revanche, ils ont couvert toute la ville.
22 Comme vous le savez, comme je me permettrais de citer Konings - page 14 314
23 jusqu'à 315 - un seul tir d'obus ou de roquette ne détruit pas un bâtiment.
24 Cela se reflète dans les témoignages des observateurs militaires Kari
25 Anttila, par exemple, qui dit : que : "Il était possible de trouver
26 davantage de points d'impact d'artillerie ou d'obus de mortier plusieurs
27 mois après l'opération Tempête," et que sur la base de ces observations,
28 ils arrivent à la conclusion qu'il n'y a pas de concentration de feu sur
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1 des objectifs militaires; pièce 171, paragraphe 3.
2 Donc si des milliers de projectiles avaient été focalisés sur des
3 points précis, on aurait eu des photographies ou des rapports de l'ARSK ou
4 autres disant que des objectifs militaires se sont retrouvés démolis, mais
5 ce n'était pas le cas.
6 Alors M. Russo vous a présenté ce cliché montrant que des objectifs
7 partout dans Knin ont été touchés. La Défense Gotovina affirme que cela n'a
8 absolument aucune valeur probante. Ils affirment que la Chambre devrait
9 savoir exactement quelle a été la concentration des tirs à l'intérieur de
10 ces cercles pour que ce serait une quelconque valeur probante.
11 Mais vous avez plus de 1 000 obus qui ont été tirés sur Knin par les
12 forces de la HV. Même si 100 de ces objectifs avaient touché des cibles
13 militaires, ce qui n'a pas été étayé par les éléments de preuve aux
14 paragraphes 550 et 555 [comme interprété] du mémoire de l'Accusation, et
15 bien, cela nous laisse toujours 900 projectiles qui tombent sur Knin. Donc
16 prenons la page 21 059 [comme interprété] du compte rendu d'audience :
17 "Lorsque vous dites qu'un projectile touche une cible de grande
18 valeur, vous pourriez démontrer d'autre part, que 900 projectiles ont
19 touché d'autres points qui n'ont aucune espèce d'importance militaire."
20 Qui plus est, la Défense Gotovina affirme page 3 117 du compte
21 rendu d'audience que l'Accusation n'a pas démontré sa cause parce qu'il n'y
22 a pas eu d'analyse de dizaines de cratères. Alors le lien aurait été
23 démontré par les analyses de cratère. Mais elles ont pour objectif de
24 déterminer l'origine des tirs. Ce qui n'est pas clair -- lorsqu'il n'est
25 pas clair laquelle des parties a tiré les objectifs. Mais nous n'avons
26 jamais dit que la HV n'était pas responsable des tirs d'artillerie sur
27 Knin. Sur la base des observateurs, sur la base de rapports de la HV, sur
28 la base de ce que dit le chef de l'article, du général Gotovina lui-même,
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1 ainsi que le général Gotovina lui-même, il est clair que la HV a bel et
2 bien pilonné Knin et d'autres villes. Donc l'analyse des cratères n'a pas
3 lieu d'être menée donc il est hors de question de maintenant remettre en
4 question que plus de 1 000 projectiles sont tombés sur Knin. Et nous avons
5 la liste de ces impacts dans la note de bas de page 1 993. Et ils ont été
6 bel et bien tirés par la HV.
7 Alors la Défense maintenant affirme que les analyses cratères démontrent
8 que c'est l'ARSK qui a tiré des requêtes sur Knin, et l'Accusation se pose
9 sur la question de la pertinence de cette affirmation aux paragraphes 602
10 jusqu'à 605 de son mémoire. Hier, la Défense a affirmé que ces roquettes
11 n'auraient pas pu être tirées par les forces de la HV parce qu'il n'était
12 pas plausible que les forces de la HV auraient tiré sur Knin à ce moment-
13 là. Mais comme l'affirme la Défense Gotovina, à 8 heures 55, les forces de
14 la HV n'étaient pas entrées à Knin, en fait, elles sont entrées à Knin
15 après 10 heures, donc cela laisse une heure à la HV pour tirer les Oganj
16 sur Knin. Et le pilonnage de Knin par les forces de la HV se poursuit
17 jusqu'à peu près 11 heures. Prenons la pièce P695, en son paragraphe 33.
18 En alternative, la Défense affirme quelque chose qui n'est pas raisonnable,
19 compte tenu du fait qu'il continue de s'appuyer sur la pièce D89, à savoir
20 le rapport de l'ONURC disant qu'à 18 heures le 5 août, il y a eu un char de
21 l'ARSK et des tirs de mortier de Strmica "vers Knin."
22 Alors il s'appuie sur cet élément pour affirmer que cela étaye l'existence
23 des tirs d'Oganj. Pas seulement vers Knin mais sur Knin. Mais il faudrait
24 donc imaginer que l'observateur de l'ONURC a fait une confusion entre les
25 tirs qui sont arrivés -- qui sont tombés sur Knin à 18 heures le 5 août,
26 alors que ni la HV, ni les Nations Unies n'ont enregistré les tirs
27 qu'affirme -- donc c'est affirmé par la Défense de Gotovina.
28 Alors peut-être qu'il nous revient maintenant d'invoquer la démarche qui
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1 consiste à prendre l'hypothèse la plus simple désormais. Dans une situation
2 où tous ceux qui font l'objet de ces tirs d'artillerie, tous ceux qui
3 remarquent l'existence de ces tris d'artillerie constatent que cela est
4 dirigé sur des civils et des zones civiles, alors, n'est-il pas raisonnable
5 de penser que cette attaque est le résultat d'un ordre qui dit : Pilonner
6 les villes, où nous avons le PV d'une réunion qui a déclenché cet ordre et
7 cela nous permet de voir que les civils ont pris la fuite à cause des
8 pilonnages, parce qu'on s'est servi des armes qui sont des armes qui sont à
9 l'origine des tirs aveugles qui ne peuvent pas opérer une distinction entre
10 les cibles militaires et civiles compte tenu de la situation, et où le
11 commandant de l'opération omet lorsqu'il parle de cette opération, omet de
12 mentionner le fait qu'on a eu recours à des armes qui sont les plus
13 imprécises, et lorsque le commandement Suprême des forces militaires est la
14 personne convaincue qu'il y a trop de Serbes en Croatie et qui constitue un
15 danger à long terme pour la nation, lorsqu'ils sont -- qui convient de
16 déployer pour empêcher ces gens de revenir. Donc il semblerait que ce
17 serait la solution la plus simple et l'interprétation la plus simple des
18 événements.
19 Madame, Messieurs les Juges, la Défense a cité le paragraphe 7 du
20 mémoire final de l'Accusation devant les Juges de la Chambre. Il s'agissait
21 de dénier de façon vraisemblable. Il s'agissait de dénier cette idée de
22 nettoyage ethnique invisible. Nous suggérons à la Chambre que cette façon
23 de dénier de manière plausible -- enfin, dans la pièce P461, le pilonnage
24 dû au général Markac était un prétexte. Il s'agissait des obstacles au
25 retour. J'ai déjà présenté une pièce à conviction pendant notre
26 présentation, montrant que la Chambre est bien au fait de cela. Les
27 négociations avec le président Tudjman et la dissimulation correspondante,
28 tout cela figure en pièce 461. Comme nous avons pu le voir, cet effort
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1 visant à dénier tous ces éléments a été présent pendant toute la durée du
2 procès.
3 La Défense Gotovina a également infirmé que si le général Gotovina
4 avait imposé un couvre-feu militaire en Croatie, cela serait revenu à "un
5 coup militaire." Alors, il y avait une référence à la pièce P1142 dans la
6 présentation de l'Accusation. C'est ce que dit la Défense Gotovina. Il
7 s'agit de l'ordre de couvre-feu donné par Gotovina à Jajce, qui est cité
8 comme une des mesures que le général Gotovina aurait pu prendre mais n'a
9 pas prise, en fait, pour empêcher les crimes de la HV en Krajina.
10 Alors je voudrais revenir à la pièce P1142 juste pour vous rappeler
11 la chose suivante, je cite :
12 "Pendant cette période, j'interdis les mouvements individuels de
13 membres de la HV dans les rues et dans d'autres lieux publics."
14 Cet ordre, Madame, Messieurs les Juges, n'a rien à voir avec
15 l'établissement des autorités civiles. Il n'y a aucune raison de ne pas
16 imposer de telles mesures en Krajina. Il s'agit d'un ordre qu'il adresse à
17 ses subordonnés afin de répondre "au comportement de plus en plus
18 indiscipliné des membres de la HV dans la ville de Jajce," et ce, "dans le
19 but de créer les conditions d'un retour des citoyens."
20 Alors je voudrais, Monsieur le Président, passer maintenant à
21 l'insistance qui a été celle de la Défense Gotovina hier concernant
22 l'obligation qui serait celle de la Chambre. La Chambre "doit conclure" que
23 l'opinion du général Jones concernant les mesures nécessaires et
24 raisonnables représentaient une interprétation raisonnable des éléments de
25 preuve.
26 Alors tout d'abord, évidemment, il appartient aux Juges de la Chambre de
27 déterminer si, compte tenu des éléments en présence, le général Gotovina a
28 ou non pris les mesures nécessaires et raisonnables qui se seraient
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1 imposées. Mais dans la mesure où l'opinion d'un expert est pertinente, dans
2 ce cadre, elle repose néanmoins sur l'exactitude des présupposés faits par
3 ce témoin expert, à savoir qu'est-ce qui constitue des mesures nécessaires
4 et raisonnables. La réponse à cette question dépend de l'espèce. Les
5 conclusions du général Jones n'étaient pas fondées sur un compte rendu
6 exact des faits, mais sur des représentations particulièrement erronées de
7 la situation, et un certain nombre d'incertitudes quant à la portée à la
8 nature des crimes commis par la HV ainsi qu'à l'étendue des réponses
9 apportées. Ainsi il a supposé -- il s'est appuyé sur les faits présumés qui
10 lui ont été fournis par la Défense Gotovina et qui ne mentionnaient
11 absolument pas la commission de crimes avant, pendant ou après l'opération
12 Tempête par des subordonnés de Gotovina. C'est dans la pièce D1632. Dans
13 son rapport, le général Jones ne s'est absolument pas basé sur des faits
14 faisant état de crimes commis par la HV. Il a dit, je cite :
15 "Je ne peux pas nier qu'il y a eu des comportements indisciplinés dans la
16 zone couverte par les opérations," mais il a affirmé que, je cite :
17 "La question de savoir si ces comportements ont été le fait de
18 soldats, de criminels ou de réfugiés n'est pas une question à laquelle je
19 suis censé répondre." Donc pièce D1643 [comme interprété], paragraphe 43.
20 Dans le prétoire, il a d'abord affirmé avoir connaissance de la portée des
21 crimes commis par la HV avant l'opération Tempête. Il s'est référé aux
22 crimes commis à Grahovo comme étant des "incidents isolés," et il s'est
23 ensuite contredit lui-même en disant, je cite :
24 "Je n'ai pas de réponse à la question de savoir s'il s'agissait là d'actes
25 isolés ou s'ils étaient de nature usuelles ou plus routinière."
26 Pages du compte rendu 210 [comme interprété] à 241.
27 Il a exprimé son désaccord avec l'affirmation selon laquelle le général
28 Gotovina aurait donné de façon répétée des ordres concernant les crimes et
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1 que ces ordres n'aient été suivis d'aucun effet, et il a fait cela en se
2 fondant sur son affirmation que, je cite :
3 "Après cette date particulière, vous observerez une augmentation du nombre
4 d'arrestations, d'enquêtes menées et d'auteurs de ces différents crimes qui
5 ont été retrouvés."
6 Donc les sources qu'il a utilisées étaient un rapport :
7 "…citant le nombre d'arrestations qui avaient pu être effectuées et
8 qui montraient le degré de contrôle et de respect de l'état de droit qui
9 prévalait."
10 Alors dans les paragraphes 188 et 189 dans notre mémoire final, nous
11 indiquons qu'il n'existe aucun rapport de cette nature, et nous parlons
12 également de la déposition du général Jones aux paragraphes 152, 153, 188 à
13 191. Donc le problème avec l'affirmation de la Défense, c'est qu'on vous
14 demande -- on vous dit que "vous devez conclure que l'opinion du général
15 Jones représente une interprétation raisonnable des éléments de preuve."
16 Mais le problème que nous rencontrons, c'est que son opinion d'expert
17 n'était pas réellement fondée sur les éléments de preuve disponibles.
18 La Défense a affirmé également, je cite, que:
19 "L'Accusation affirme dans son mémoire final qu'il n'y a pas la moindre
20 preuve de la moindre des mobilisations de soldats, qui auraient ensuite été
21 poursuivis pour commission d'un crime."
22 C'est le paragraphe 233, et c'est faux. Je vous réfère aux différents
23 exemples contenus dans la pièce P1381, Madame, Messieurs les Juges. De
24 plus, la Défense a affirmé que le Témoin Perkovic était un témoin de vive
25 voix de la Défense, qu'il aurait déposé qu'il avait été démobilisé pendant
26 qu'il était détenu suite à sa participation alléguée aux meurtres de
27 Varivode et qu'ensuite il aurait été poursuivi pour ces meurtres.
28 Alors la Défense Gotovina a fait deux présentations erronées des faits.
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1 D'abord, l'Accusation n'a pas affirmé qu'aucun soldat démobilisé n'ait
2 jamais été poursuivi ensuite. Au paragraphe 233 du mémoire final de
3 l'Accusation, il a été indiqué qu'un certain nombre de poursuites au pénal
4 pour destruction de biens intervenus entre les 4 et 17 août représentaient
5 un nombre de poursuites engagées négligeables et que le processus de
6 destruction "continu," qui est intervenu et qui a été porté à l'attention
7 de la région militaire de Split le 18 août par la 134e Brigade des Gardes,
8 ne saurait pas être considéré comme ayant fait l'objet de sanction
9 pertinente et suffisante, contrairement à ce qui affirme la Défense, en
10 disant que la démobilisation du gros de cette unité, parce qu'il n'y a pas
11 eu de sanction au pénal, et aucun des éléments de preuve avancés à la
12 Défense ne remet en question cela. De plus, la Défense affirme que Perkovic
13 aurait été démobilisé pendant qu'il était en détention, suite à sa
14 participation au meurtre de Varivode, et ensuite poursuivi. Cela suggère
15 que la démobilisation faisait partie de la sanction. A l'inverse, les
16 éléments de preuve montrent qu'il a été démobilisé et qu'ensuite, sa date
17 de démobilisation a été falsifiée afin de donner l'impression qu'il avait
18 été membre de la HVO, au moment de la commission du crime. C'est en note de
19 bas de page, 304, du mémoire final que ceci figure.
20 Alors Madame et Messieurs les Juges, hier, vous avez pu entendre un certain
21 nombre de commentaires concernant M. Vanderostyneostyne et un cliché
22 photographique vous a également été présenté. Il a été suggéré qu'il aurait
23 dit avoir été effrayé, et que peut-être qu'il n'aurait pas été, qu'il était
24 peut-être daltonien, parce qu'il n'était pas capable de faire la différence
25 entre l'uniforme de la police spéciale et d'autres uniformes.
26 Tout d'abord, je voudrais rappeler que M. Vanderostyne était l'un de
27 ces représentants de la communauté internationale, qui a été témoin de la
28 vague généralisée et de destruction et de crime qui s'est déroulé au grand
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1 jour; et qui a expliqué dans sa déclaration qu'il n'y avait aucune
2 confusion entre les uniformes de la police spéciale et les uniformes de la
3 police ordinaire. Il a établi une distinction explicite à ce sujet. Il a
4 parlé de sa venue à Gracac, du moment où il a rencontré la police spéciale,
5 et la Chambre a pu se voir présenter des photographies très patentes de la
6 police spéciale se livrant ouvertement à des pillages à Gracac. Concernant
7 la photographie de M. Vanderostyne, sur laquelle il a ce sourire, et bien,
8 il s'est exprimé également à ce sujet, je cite :
9 "Nous sommes -- nous avons conduit très lentement. Nous nous
10 efforcions de paraître aussi peur [imperceptible] que possible, parce que
11 la tension était très tendue. Nos personnes devaient se sentir menacées.
12 Donc nous avons garé votre véhicule et nous tentions de paraître aussi
13 détendus que possible, lorsque nous nous sommes approchés de petits groupes
14 composés de ces soldats qui étaient en train de boire et se détendre sous
15 un arbre."
16 Donc ceci suggère que ce témoin -- ceci montre que le témoin en question a
17 expliqué la nature de ces circonstances, et qu'il serait tout à fait
18 injuste de l'attaquer de la façon dont cela a été fait, en suggérant qu'il
19 aurait fait preuve de biais parce qu'il aurait eu des sympathies avec les
20 Croates -- une certaine sympathie pour les Croates. M. Vanderostyne avait
21 interrogé le lieutenant impliqué dans ces événements, et cela, comme il l'a
22 expliqué, montrait la façon dont tous ces actes avaient été commis
23 ouvertement et dans un climat d'impunité.
24 Il a également été suggéré que M. Vanderostyne serait le seul témoin
25 sur la base duquel la Chambre serait en mesure de disposer d'élément de
26 preuve concernant les crimes de la police spéciale à Gracac, donc pages 12
27 à 17, de l'annexe A.
28 Une certaine attention a été consacrée également hier, à l'incident de
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1 Ramljane. Il a été affirmé par la Défense Markac qu'aucun élément
2 n'existait montrant que le général Markac aurait su où se trouvait Grubori
3 ou aurait la moindre notion de ce que pouvait être l'Unité de Lucko, qu'il
4 n'y aurait eu aucun élément de preuve prouvant que le général Markac ait pu
5 savoir quelle unité se serait rendue à Grubori, dans la soirée du 25 août,
6 et que personne n'avait identifié cette unité.
7 Cependant, je voudrais attirer l'attention des Juges de la Chambre
8 sur le point suivant. Vous vous rappellerez, Madame et Messieurs les Juges,
9 qu'avant cette opération de ratissage, le secteur du contrôle interne, basé
10 à Gracac, procédait à un briefing des unités, et fournissait un jeu
11 d'instruction en fait à chaque unité, ce qui comprenait également leurs
12 axes d'attaque, ce qui comprenait également une carte matérialisant ces
13 axes d'attaque. Vous avez une telle carte sous la cote P559. De plus, non
14 seulement le département du contrôle interne a été présent, mais le
15 coordonnateur, Janic, lui aussi, le coordonnateur de l'opération, Janic,
16 était à Gracac à la soirée, pendant la soirée du 25 août. Comme je l'ai
17 déjà dit, le secteur du contrôle interne était présent, et en apprenant que
18 des pillages, des incendies volontaires et des meurtres avaient été commis
19 à Gracac, la seule chose que le général Markac avait à faire, c'était de
20 prendre son téléphone, de se rendre sur place et de découvrir à Grubori, de
21 constater quelle unité avait été déployée sur place, constater également ce
22 qui s'était passé exactement, pour s'assurer ensuite si jamais -- il faut
23 s'assurer ensuite que cette même unité ne serait pas déployée dans un autre
24 village, qui lui aussi se trouverait incendier.
25 Les Juges se rappelleront les efforts déployés par la Défense Markac
26 hier, concernant M. Celic, parce que ce dernier a impliqué le général
27 Markac dans la rédaction de faux rapports. A cet égard, je voudrais
28 simplement attirer l'attention des Juges sur les circonstances entourant la
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1 rédaction de ce faux rapport, P563, et je réfère les Juges de la Chambre au
2 paragraphe 444 du mémoire final. Donc pour éviter d'avoir à passer à huis
3 clos partiel, notamment il convient de se rapporter à la note de bas de
4 page 1 632. Il est indiqué que le rapport a été rédigé en présence de
5 Markac qui était présent à ce moment-là.
6 Alors une autre question a été soulevée hier, sur laquelle je
7 souhaite revenir. Il s'agissait des restrictions imposées à la liberté de
8 circulation. Il a été question de -- la Chambre a posé une question, la
9 question numéro 5, à ce sujet. L'Accusation a noté que les écritures
10 concernaient largement les documents disposant de notes en bas de page
11 concernant les dates auxquelles les restrictions imposées à la liberté de
12 mouvement avaient été mises en place. Je voudrais simplement demander aux
13 Juges de bien vouloir se reporter à la note de bas de page 1 311, cela
14 figure en annexe A. Il s'agit d'une référence croisée concernant les dates
15 auxquelles ces restrictions à la liberté de circulation ont été imposées,
16 alors que des crimes aient été commis.
17 Alors, hier, la Défense Markac a abordé également le degré de
18 connaissance qui pouvait exister concernant les événements survenus à
19 Grubori, ce que M. Dondo savait et avait fait, ainsi que cette affirmation
20 selon laquelle l'enlèvement des corps qui avait suivi, ne devrait pas être
21 attribué au général Cermak, conformément à l'entrée dans le registre de la
22 police de Knin. Il a été suggéré que l'Accusation essayait de grossir la
23 participation en quelque sorte du général Cermak et de conduire les Juges à
24 s'écarter des événements de preuve réels.
25 Je voudrais corriger d'ailleurs le compte rendu d'audience, parce que
26 j'ai dit qu'il y avait cette question qui avait été abordée par la Défense
27 Markac, mais en fait il s'agit de la Défense Cermak. Ce qui indique les
28 éléments de preuve, c'est Dondo qui avait demandé qu'on procède d'urgence à
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1 l'enlèvement des corps. Cela figure dans la pièce P764, page -- non,
2 excusez-moi, D57, page 61, et ensuite Dondo a fait un rapport à Cermak,
3 pièce P764, page 2. Il a rédigé le rapport et c'est lui qui a été à
4 l'origine de cette requête.
5 Alors la Chambre devrait également tenir compte de ce qui suit à cet
6 égard, page 27 883 à 27 884 du compte rendu d'audience nous trouvons la
7 preuve que M. Dondo était le subordonné du général Cermak et aussi bien
8 Dondo, que le général Cermak était déjà au courant des meurtres au moment
9 où Dondo a fait son rapport, la police de Knin était déjà au courant des
10 meurtres. Dondo a essayé de dire qu'il s'est contenté de faire un rapport
11 concernant les meurtres qui avaient été commis et qu'il n'avait pas ordonné
12 la levée des corps.
13 Mais les Juges de la Chambre examineront, je n'en doute pas, le
14 paragraphe 438 du mémoire final de l'Accusation et le paragraphe 246 du
15 mémoire de la Défense Cermak et verront que c'est le général Cermak qui
16 était l'hôte de cette discussion, de cette réunion lors de laquelle un
17 débat a eu lieu concernant la levée des corps et qu'il était au courant du
18 fait que la police de Knin et Dondo savait ce qui s'était produit, voire sa
19 déclaration en pièce D1695, paragraphe 25.
20 Comme vous pouvez le voir en examinant la déposition, certains ont
21 conclu ou savaient que Dondo s'était rendu au poste de police dans la
22 soirée et avait même déclaré à cette occasion que la levée des corps devait
23 être faite et qu'il n'y aurait pas eu d'autre raison pour Dondo de se
24 rendre au poste de police de Knin en dehors de cet objectif-là, parce que
25 lui-même et le général Cermak étaient au fait des meurtres.
26 Monsieur le Président, je voudrais maintenant passer à la question des
27 réunions avec -- la question des réunions avec le président Tudjman, peut-
28 être l'aborder par la Défense, réunion entre Tudjman et Cermak. Me Kay a
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1 déclaré qu'il n'y avait aucun élément de preuve concernant M. Cermak et le
2 fait qu'il aurait rencontré le président Tudjman. Cela figure en pages 78 à
3 79. Donc je voudrais simplement attirer l'attention des Juges sur cette
4 réunion qui a manifestement eu lieu à la date du 5 août et également le 6
5 août à Knin. Pièce P2526, page 91. P2525, page 176. Le général s'est rendu
6 à Zagreb pour rencontrer le président. Pièce P1618, page 1, et le général
7 Cermak, bien entendu, a rencontré le président Tudjman lors du discours
8 prononcé à l'occasion du voyage du train de la liberté. Pièce P1144, P5
9 [comme interprété], P473.
10 Me Kay a également évoqué la pièce P2527. Il s'agissait de ce document dans
11 lequel le général Cervenko décrivait le général Cermak comme étant l'homme
12 de confiance du président Tudjman. Il s'agissait d'un document qui avait
13 été publié, D1306, qui contient la rétractation publique de Cervenko dans
14 lequel ce dernier dit qu'il s'agissait d'une publication accidentelle non
15 autorisée et peu de propos qui avait été enregistré, consigné à son insu.
16 Me Kay a suggéré que l'Accusation avait omis de se pencher sur le problème
17 de cette pièce; cependant, P1306 a bien été mentionné dans le mémoire final
18 de l'Accusation dans une note de bas de page.
19 Alors, hier, Me Kay s'est référé au contenu de l'article original comme
20 étant du niveau d'une simple rumeur et portant aucune conséquence --
21 n'ayant, par conséquent, aucune valeur; cependant, la Défense ne s'est pas
22 abstenue de s'appuyer sur cette même pièce dans son mémoire final pour
23 appuyer certaines affirmations au paragraphe 121 normalement.
24 Il y a eu aussi également une discussion, Madame, Messieurs les
25 Juges, concernant la réunion de Brioni et le rôle que le général Cermak a
26 accepté de jouer. Il n'y aurait pas eu de discussion à Brioni concernant
27 les responsabilités finales du général Cermak, et Me Kay a indiqué qu'il
28 donnerait une citation exacte du passage correspondant aux Juges de la
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1 Chambre, je cite :
2 "Le texte précis est le suivant."
3 Je voudrais maintenant que nous examinions très rapidement le texte en
4 question, Madame et Messieurs les Juges.
5 Ce qui figure en noir et ce qui a été lu par Me Kay. Ce qui est en rouge
6 est ce qui figure dans le procès-verbal et qui n'a pas été vu. Ce que nous
7 voyons c'est que le ministre Susak se réfère à un autre état-major ou un
8 autre personnel. Il dit, je cite :
9 "Nous avons besoin d'un autre état-major ou d'un autre personnel qui serait
10 dédié aux relations avec l'ONURC. Quelqu'un qui serait officier de liaison
11 permanent, qui serait en contact avec nous et qui résoudrait les questions
12 posées en relation avec eux, qui obtiendrait des instructions de notre part
13 parce que la situation évoluera trop vite pour que nous puissions nous
14 enquérir d'eux sur le terrain et les appeler."
15 Donc le ministre de la Défense parle d'une personne qui devrait être un
16 officier de liaison permanent avec l'ONURC sur le terrain, indépendamment
17 des questions qui pourraient se présenter pendant l'opération elle-même.
18 Donc suite aux discussions portant sur les opérations psychologiques
19 abordées par le ministre Susak, il est ensuite question du personnel chargé
20 de la propagande qui doit être lui aussi organisé et rattaché au bureau du
21 président et avec à sa tête M. Sarinic.
22 Vous voyez cela dans le transparent suivant. Cela se trouve en page
23 29.
24 "Nous avons besoin de quelqu'un de votre bureau afin de remettre en
25 place ce personnel chargé de la propagande, et nous avons besoin de
26 quelqu'un au sein de votre bureau en qualité de personne de contact."
27 Le président Tudjman répond :
28 "C'est une question donc qu'il faut s'occuper, ce que vous venez de dire et
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1 aussi par rapport à l'ONURC et ceci -- enfin, concrètement, il s'agit de
2 Sarinic."
3 Donc c'était une question dont il fallait s'occuper et Sarinic allait
4 devenir le point de contact. Dans ces conditions, il est tout à fait
5 intéressant de constater que le général Cermak lorsqu'on lui demande qui
6 est son supérieur immédiatement pendant son séjour à Knin répond, je cite :
7 "Mes contacts avec les organisations internationales et les délégations, et
8 cetera, j'avais des contacts avec le bureau du président, avec Sarinic,
9 avec le président."
10 Tout ceci correspond tout à fait à ce que Cermak a dit de lui-même et des
11 contacts qu'il pouvait avoir avec les représentants internationaux. Pièce
12 P2525, page 12. P2526, page 9. Où nous voyons des descriptions de ces
13 responsables qui viennent le voir et qui passent par lui pour un concernant
14 de choses.
15 La Défense Cermak a également indiqué dans son mémoire en clôture et il a
16 indiqué aux Juges pendant la présentation de ces arguments que la
17 déposition de M. Dzolic a été un mouvement important, un moment important
18 dans la procédure, et que l'Accusation durant cette déposition avait placé
19 des mots dans la bouche du témoin qui n'étaient pas les siens.
20 Les Juges de la Chambre se rappelleront que cet homme était le premier
21 commandant de la Compagnie de la Police militaire.
22 Nous soutenons, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,
23 que le moment important qui a eu lieu pendant l'audition de M. Dzolic s'est
24 produit lorsqu'il a parlé des raisons pour lesquels il était convoqué dans
25 le bureau de Cermak et des raisons pour lesquelles ce qui se disait à ces
26 occasions n'était pas consigné dans son registre. Il a expliqué donc
27 pourquoi il a été convoqué dans le bureau du général Cermak, je cite :
28 "J'ai été invité par le général Cermak pour avoir avec lui une conversation
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1 car j'étais son subordonné dans les tâches quotidiennes."
2 Lorsqu'on lui demande de s'exprimer sur le point de savoir pourquoi ceci
3 n'est pas consigné dans son registre, il répond rapidement pour décrire la
4 réalité des faits.
5 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, la Défense Cermak a
6 également déclaré que l'Accusation avait laissé de côté la déposition des
7 témoins experts de la Défense et s'était, au lieu de cela, concentré sur le
8 problème de crédibilité du témoin pendant son contre-interrogatoire, de
9 tous ses témoins. Comme les Juges s'en souviendront, ceci n'est pas tout à
10 fait exact. Rappelez-vous, par exemple, l'audition de M. Albiston qui a été
11 contre-interrogé et dont la déposition concernait pour partie le pouvoir
12 exercé par le général Cermak et la révélation qu'il aurait refusé de
13 prendre en compte à un document crucial contredisant son opinion, qui
14 démontrait que la police civile avait appliqué les ordres du général
15 Cermak. C'est une question qui a occupé une place importante dans la
16 déposition de ce témoin et qui contredit donc le fait que le témoignage se
17 serait concentré sur les problèmes de crédibilité, étant donné que ce
18 témoignage était tout à fait fondé et tout à fait bien orienté. Et
19 j'indiquerais également aux Juges de la Chambre l'importance de prendre en
20 compte l'audition de M. Feldi, qui n'a pas indiqué dans son curriculum
21 vitae qu'il avait été membre de l'équipe de Défense Markac et membre de
22 l'équipe de Défense Cermak avant la rédaction de son rapport, et qui a omis
23 aussi d'indiquer avoir participé à la rédaction du livre bleu dont il a été
24 question durant son audition.
25 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, la Défense
26 Gotovina a affirmé hier que parce que l'Accusation avait invoqué
27 l'existence d'un conflit armé dans l'Accusation, il nous est empêché "de
28 faire état de l'existence d'un conflit armé qui peut être de caractère
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1 international," ceci étant une citation, sur la base de l'interprétation
2 faite par la Défense de l'arrêt Hadzihasanovic rendu le 21 février 1993
3 [comme interprété]. La Défense a fait remarquer qu'il n'existait aucun chef
4 d'accusation au titre de l'article 2 du statut en l'espèce, et a déclaré
5 que la Chambre avait statué que l'Accusation avait obligation de plaider le
6 conflit armée international même lorsque la nature du conflit n'avait
7 aucune pertinence par rapport au chef d'Accusation. Ceci est inexact.
8 Dans le contexte de cette décision, je parle de l'arrêt
9 Hadzihasanovic du 21 février 1993 [comme interprété], avant les précisions
10 apportées ultérieurement à cette loi, nous devons parler de la nature du
11 conflit. Le conflit armé a une pertinence car, à l'époque des faits, il
12 n'était pas tout à fait clair que la loi, qui sous-tend l'article 3 du
13 statut, s'appliquait aux conflits armés internationaux. Par conséquent,
14 l'absence de chef d'accusation au titre de l'article 2 du statut ne rend
15 pas nulle et non avenue la question de la nature du conflit armé, qui est
16 toujours une question à résoudre, et l'Accusation doit donc évoquer la
17 nature internationale du conflit pour valider les chefs d'accusation
18 retenus dans ses arguments. L'arrêt du 16 juillet 2003 dans l'affaire
19 Hadzihasanovic a fait constater que le conflit était -- que la nature du
20 conflit était, sur le plan juridique, dépourvue de pertinence.
21 Comme nous le savons à la lecture de l'article 5 du statut, un
22 conflit armé international ou non international donne lieu aux mêmes chefs
23 d'accusation au titre de l'article 3 du statut en l'espèce. Ces
24 dispositions ne sont pas fondées sur le droit international coutumier qui
25 s'applique à tous les conflits, quelque soit leur qualification. Il est
26 simplement exigé qu'il s'agisse bien d'un conflit armé, mais aucune
27 condition ne s'applique quant au caractère international ou non
28 international de ce conflit. Nous avons plaidé la question, nous avons
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1 prouvé l'existence d'un conflit armé. Il n'était pas obligatoire pour
2 l'Accusation de plaider de façon précise la nature spécifique de ce conflit
3 armé en l'espèce. C'était donc non pertinent et inutile.
4 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je voudrais
5 maintenant aborder une nouvelle question, à savoir l'argument développé par
6 la Défense Gotovina selon lequel l'Accusation ne saurait décider si le
7 général Gotovina avait émis des ordres efficaces ou inefficaces et ne
8 pouvait pas -- et que l'histoire racontée par l'Accusation est intenable.
9 Je crois que ce sont les mots utilisés par la Défense. La Défense a fait
10 état à plusieurs reprises du département chargé des affaires politiques,
11 évoqué dans la pièce D201, dans laquelle nous lisons, je cite :
12 "Faire connaître aux unités la nécessité d'éliminer tous les
13 événements négatifs qui pourraient souffrir durant des opérations de
14 combat, en se concentrant sur l'interdiction des incendies volontaires et
15 des destructions dans les zones largement habitées et dans les villes."
16 Selon la Défense, il est illogique que l'Accusation tienne compte de
17 cette nécessité de, je cite : "faire connaître aux unités la nécessité
18 d'éliminer tous les éléments négatifs qui pourraient apparaître," et que
19 ceci était inefficace, alors que l'autre partie de ce passage, je cite :
20 "se concentrer sur l'interdiction des incendies volontaires et de la
21 destruction des secteurs largement habités et des villes," a été un ordre
22 efficacement exécuté. Pourtant, la distinction est tout à fait claire entre
23 les deux, elle est tout à fait logique. Ce qui est illogique, c'est la
24 prémisse qui sous-tend l'argument de la Défense, selon laquelle un ordre
25 d'un commandant ne peut qu'être efficace ou inefficace. Si les ordres d'un
26 commandant sont efficaces ou non, cela dépend des conditions dans
27 lesquelles cet ordre est exécuté, dans lesquels les subordonnés obtempèrent
28 à ces ordres. Bien entendu, le commandant peut choisir de faire appliquer
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1 sélectivement certains de ces ordres en autorisant la non application
2 d'autres ordres venant de lui.
3 Je reprendrais un exemple qui a été évoqué par la Défense Gotovina
4 dans la pièce D201. Je récapitule pour des raisons de contexte. Les
5 subordonnés du général Gotovina se livraient à des actes d'incendies
6 volontaires et de pillage. Ils l'ont fait pendant l'opération Tempête. Le
7 commandant de la Région militaire de Split leur a ordonné d'arrêter ces
8 incendies. Or, ils ont continué à s'y livrer et n'ont pas été punis, alors
9 que ceci a créé une situation dans laquelle l'ordre contenu dans la pièce
10 D201 est apparut comme inefficace. En effet, il était interdit de se livrer
11 à des actes d'incendies volontaires et de piller les installations
12 présentes dans les territoires libérés, selon cet ordre. Donc le personnel
13 du MUP, et des Unités spéciales du MUP et de la Police militaire présents
14 dans les grandes villes devaient assurer la sécurité des bâtiments les plus
15 importants. C'est ce qui était prévu dans l'ordre.
16 Ici, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, le général
17 Gotovina a accompagné l'ordre d'un certain nombre de mesures d'applications
18 concrètes. C'est là que réside la différence. Par ailleurs, le fait que le
19 général Gotovina ait ressenti la nécessité d'accompagner un ordre par les
20 mots, je cite :
21 "Ne vous livrez pas à des actes de pillage, et ne vous livrez pas à
22 des incendies volontaires, c'est une consigne," dont la Défense déclare que
23 cet ordre a été efficace dans la mesure où certaines installations ont été
24 protégées de ses propres subordonnés.
25 Il indique bien que le général Gotovina avait connaissance de
26 l'insuffisance qu'il y avait à lancer des ordres qui étaient censés être
27 appliqués, alors que d'autres dès le départ, étaient censés être ignorés.
28 La réponse à cette question est simple, un subordonné sait qu'il doit
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1 exécuter un ordre, lorsque son supérieur vérifie l'application de ses
2 ordres, et vérifie donc les subordonnés q dépendent de lui, l'ont bien mené
3 à bien en punissant ceux qui sont responsables de son exécution et qui ne
4 l'auraient pas exécuté. Par ailleurs lorsque le supérieur ne supervise pas,
5 et ne vérifie pas l'action de son subordonné suite à l'émission de l'ordre,
6 celui-ci doit être tenu responsable de la non application de l'ordre. Si le
7 supérieur ne le punit pas, l'acte de désobéissance qui peut confiner au
8 criminel lorsque le commandant répète un même ordre à son subordonné et que
9 celui-ci continue à ne pas obtempérer, dans ce cas-là, le supérieur est
10 censé renforcer le signal en impliquant des mesures plus sévères lorsqu'il
11 y a répétition de ce même cycle de non exécution et de non application.
12 Enfin, Monsieur le Président, nous avons, dans nos arguments oraux,
13 détaillé les éléments contenus dans le mémoire en clôture de l'Accusation,
14 que nous présentons à la Chambre. Comme la Chambre le sait bien, nos
15 arguments se trouvent aux paragraphes 697 [comme interprété] à 705. Je veux
16 parler des arguments relatifs à l'importance des crimes, à la vulnérabilité
17 des victimes et au fait que ces crimes ont eu des incidences très
18 importantes, et que dans la Krajina, les Serbes ont été victimes de crimes
19 et ont souffert, mais tous les habitants pris un par un ont souffert
20 également.
21 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, les arguments
22 que j'avais à présenter devant cette Chambre arrivent à leur terme.
23 L'Accusation a soumis son mémoire en clôture et tous les éléments de preuve
24 supplémentaires en l'espèce démontrent au-delà de tout doute raisonnable
25 que le général Gotovina, le général Cermak et le général Markac sont
26 responsables de ces crimes aux termes de la loi.
27 Merci de votre attention.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger. Nous allons
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1 maintenant faire la pause.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les équipes de la Défense se
4 sont réparties le temps de façon définitive ?
5 M. KEHOE : [interprétation] Nous en discuterons pendant la pause, Monsieur
6 le Président, pour l'instant, nous nous en tiendrons aux indications
7 données par la Chambre, hier, mais je discuterais avec mes confrères pour
8 voir s'il y a une quelconque modification.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En ce moment, j'ai un problème
10 d'ordinateur, j'espère que ce n'est pas le cas de tout le monde. Mais avant
11 de reprendre nos débats, il y a une question qui me vient à l'esprit, et je
12 demanderais éventuellement qu'elle me soit rappelée après la pause. Ce qui
13 méritera d'avoir à consulter mes notes, et en particulier, les notes que
14 j'ai consignées dans mon ordinateur au sujet de ce que j'avais à faire
15 pendant la pause.
16 Maître Kuzmanovic, hier, vous avez dit que certains éléments permettaient
17 de penser à l'existence d'un prétexte justifiant l'attaque, prétexte qui
18 aurait été conforme aux dispositions du protocole additionnel des
19 conventions de Genève, article 37, paragraphe 2, sur le droit de la guerre,
20 comme vous l'avez dit. Conviendrez-vous avec moi que ces dispositions
21 concernent plutôt l'article 37, paragraphe 2, qui concerne la non
22 prohibition de la guerre, dépendant de l'accord -- de l'existence ou non
23 d'un cessez-le-feu.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ce pourrait être un élément, Monsieur le
25 Président, mais il n'existe rien pour le prouver. Donc mon argument
26 consiste à dire que l'attaque n'avait rien de perfide.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais n'est-il pas vrai que l'article 37
28 vise principalement à protéger le fonctionnement en application des
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1 conventions de Genève, et des protocoles additionnels, et qu'une violation
2 manifeste d'un cessez-le-feu relève des actes prohibés par ce texte.
3 M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est possible, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est possible ?
5 J'aimerais vous entendre détailler les éléments qui établissent cette
6 distinction, en tenant compte également si cela est possible des
7 commentaires du CICR à ce sujet.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Absolument.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Relatif aux violations des cessez-le-
10 feu.
11 Maintenant une autre question qui me vient à l'esprit. Le rapport entre le
12 cessez-le-feu et l'accord de Zagreb, je ne sais pas si cet accord a été
13 versé au dossier, mais je sais que nous avons entendu le témoin, M.
14 Galbraith en parler, et M. Akashi également.
15 Est-ce que vous considérez que l'accord de cessez-le-feu signé le 29 mars
16 1994 à Zagreb, était effectif au moment dont vous avez parlé ? C'est la
17 seule question que je pose, le fait qu'il a été respecté par toutes les
18 parties, est une autre question.
19 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Mon argument à dire qu'à un certain moment
20 il n'était pas effectif.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que ?
22 M. KUZMANOVIC : [interprétation] A cause de l'accord de Split.
23 M. MISETIC : [interprétation] Au nom de la Défense Gotovina, parce que ceci
24 a parfois rapport avec notre mémoire, j'indique que notre position consiste
25 à dire qu'il n'existait pas d'accord de cessez-le-feu de facto. Etant donné
26 que nous avons à faire face à cette question du conflit armé international,
27 dont il a été question il y a un instant, il y a également la distinction à
28 faire entre l'armée de la République serbe de Krajina, la VRS, la VJ, donc
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1 l'armée serbe et l'armée yougoslave, et il y a quelques distinctions
2 légales qui s'appliquent à ces différentes instances. Comme la Chambre le
3 sait certainement, la Région militaire de Split associée au HVO ont été
4 engagés contre ces forces et notamment contre et notamment contre l'armée
5 de la République serbe de Krajina, durant l'Opération Grahovo, quelques
6 jours avant, y compris le jour même de la signature de l'accord de Brioni.
7 Puis deuxième point, l'armée de la République serbe de Krajina, aux termes
8 des accords pertinents n'était certainement pas autorisé à utiliser le
9 territoire de la République de Croatie pour mener d'importantes attaques
10 contre la poche de Bihac, ce mouvement dans lequel nous voyons le premier
11 mouvement effectué par les forces de l'armée de la République serbe de
12 Krajina pour violer l'accord de cessez-le-feu et justifier l'action
13 entreprise par la République de Croatie, comme cela été dit à plusieurs
14 reprises pendant le procès.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne rentrons pas dans les détails
16 immédiatement. J'ai un vague souvenir, en tout cas de l'accord de Zagreb --
17 et du fait que les règles de procédure ont été enfreintes ou quelque chose
18 comme cela, ce qui a abouti à une violation plutôt qu'à des représailles.
19 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Si vous paraphrasez le texte, c'est exact.
20 Mais à toutes fins utiles, ce document ne valait que la valeur du papier
21 sur lequel il étai, étant donné ce qui s'est passé.
22 Je réfléchissais à la meilleure façon de répondre à votre question, et je
23 pense qu'il est important dans de nombreux cas d'établir une différence
24 entre une attaque, et une attaque due à une provocation, s'il y a
25 provocation. Il n'existe aucune preuve de cela. Cela n'a pas été abordé
26 dans le débat mais cela n'a en tout cas jamais eu lieu.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. C'est ma dernière question. Il a
28 été dit que : pendant la réunion de Brioni, est-ce que vous considérez que
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1 la partie adverse dans le conflit armé a été abusée, a été leurrée, ou est-
2 ce que vous considérez qu'il y a eu tentative de leurrer autrui d'autres
3 entités qui observaient ce qui se passait, parce qu'on a un certain nombre
4 de documents qui pourraient montrer que l'ennemi a été abusé ?
5 M. KUZMANOVIC : [interprétation] L'ennemi c'est absolument le cas, Monsieur
6 le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc j'essaie de suivre votre
8 raisonnement. Pourquoi est-ce que ceci était une raison justifiant d'abuser
9 les forces ennemies ?
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Elles étaient réparties -- elles étaient
11 éparpillées à l'époque et donc c'était une question tactique quant à ce
12 qu'il convenait de faire. L'opération Tempête allait se dérouler quelques
13 jours plus tard, étant donné la situation qui régnait à Bihac et toute la
14 situation militaire sur le plan tactique à l'époque je pense que c'est cela
15 qui a été pris en compte dans la discussion. Par ailleurs, si nous voulons
16 étudier les faits de façon précise, je reviendrai sur ce point dans ma
17 réfutation, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Nous allons nous en tenir à cela
19 pour le moment.
20 Dans l'ensemble nous avons commencé avec un certain retard donc l'horaire
21 d'aujourd'hui sera un peu différent de ce qu'il est d'habitude. Je propose
22 que nous fassions une pause d'une demi-heure.M. TIEGER : [interprétation]
23 J'aimerais saisir l'occasion avant la pause pour apporter une correction au
24 compte rendu d'audience, page 10, ligne 10, et puis il y a une référence de
25 la page du compte rendu d'audience qui doit être corrigée. La page 21 059
26 qui a été citée n'est pas la bonne.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est consigné au compte rendu.
28 Nous allons faire la pause. Reprendrons nos débats à midi, il est
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1 maintenant 11 heures 30. Je m'attends à ce que les parties me fassent
2 connaître l'emploi de leur temps respectif à la reprise des débats.
3 --- L'audience est suspendue à 11 heures 30.
4 --- L'audience est reprise à 12 heures 04.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il reste encore des points à corriger au
6 compte rendu d'audience, Monsieur Tieger, au sujet du tableau, au sujet de
7 la réfection de la liberté des déplacements.
8 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Comme les parties le savent, nous avons
9 envoyé un courriel hier en précisant que le point 2, page 148 du mémoire en
10 clôture de l'Accusation, dans notre tableau, au sujet de la limitation de
11 la liberté de déplacement, qui a été imposée à Kistanje, aurait dû être
12 rayée de ce tableau.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, cela a été consigné au
14 compte rendu d'audience, Monsieur Tieger.
15 Maître Kay, aucune des parties ne s'oppose à ce que l'on donne lecture de
16 votre liste de notes de bas de page, pour le compte rendu d'audience.
17 M. KAY : [interprétation] C'est ce que l'on m'a appris, Monsieur le
18 Président. Donc nous venons de soumettre cette liste à la Chambre.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors je suppose que je la recevrai pour
20 en prendre connaissance ? Je ne l'ai pas encore reçue.
21 M. KAY : [interprétation] C'est dans l'espace - je ne sais pas comment on
22 l'appelle.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça s'appelle une autoroute numérique,
24 Maître Kay.
25 M. TIEGER : [interprétation] Pour qu'on ne perde pas de temps là-dessus,
26 nous avons une impression papier.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc revenons en temps
28 ancien.
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1 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tieger.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je donne lecture pour le compte rendu
3 d'audience des notes de bas de page sur lesquelles la Défense Cermak
4 souhaite attirer l'attention, en particulier s'agissant de Strmica en date
5 du 23 août, note de bas de page 1316, ainsi que la pièce D1002, la pièce
6 P932, la pièce P821, la pièce D94, la pièce P815 ainsi que la pièce P233,
7 s'agissant de l'entrée serbe du 24 août, note de bas de page 1 317. Mais
8 aussi la pièce P813, pièce P47, P126, P815, P235, ainsi que la pièce P234.
9 S'agissant de l'entrée Ramljane en date du 26 août on attire votre
10 attention sur la note de bas de page 1 318 ainsi que sur les pièces P766,
11 P128, P239, P27, P129, P238, ainsi que la pièce P237.
12 S'agissant de Cicevac, en date du 1er septembre, note de bas de page 1
13 319, ainsi que les pièces P2514, P49, P246.
14 Enfin, le dernier point s'agissant d'Otric, en date du 11 septembre,
15 note de bas de page 1 320, et on appelle votre attention sur la pièce
16 D1002, P954, ainsi que la pièce P950.
17 Tout cela vient d'être consigné au compte rendu d'audience. Je vous
18 remercie, Monsieur Tieger.
19 Maître Kay, pour vous consoler l'autoroute de l'information fonctionne.
20 Cela a pris deux minutes.
21 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que nous avons appris la
23 Défense Gotovina prendrait 45 minutes et les autres équipes se
24 partageraient chacune pour 20 minutes le temps qui reste.
25 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, nous souhaitons répondre
26 sur des points que nous avions abordés. Je commencerais avec Me Akhavan et
27 puis Me Misetic continuera, puis je prendrai la parole en dernier point.
28 M. AKHAVAN : [interprétation] Monsieur le Président, la question de la
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1 distinction entre les commandants opérationnels et les commandants en
2 poste. Quelle est la distinction qu'il convient de prendre en considération
3 ? Qu'est-ce qui est nécessaire et raisonnable qu'on mesure qui relève des
4 fonctions qu'exerçait M. Gotovina. M. Tieger se réfère au cessez-le-feu
5 imposé à Jajce et estime qu'il s'agit de quelque chose qui montre que cela
6 relevait de l'autorité de M. Gotovina de prendre ce type de mesures. Le
7 problème fondamental avec Jajce c'est ce qu'il se situe en Bosnie-
8 Herzégovine.
9 Donc le commandant d'une armée d'un autre Etat agit dans une situation
10 d'occupation étrangère mais là le général Gotovina se situe sur son propre
11 territoire, donc sur le territoire croate qui a été réintégré. Donc il
12 s'agit en fait là d'une erreur de fond sur lequel repose l'argument
13 défendant l'existence de mesures -- estimant que des mesures nécessaires et
14 raisonnables n'ont pas été prises. Donc permettez-moi de revenir à la
15 transcription du 30 août page 99, lignes 3 à 8, Mme Gustafson affirme :
16 "La Défense affirme sans fondement que le général Gotovina n'était pas tenu
17 de punir des crimes, qui étaient portés à la connaissance de la police
18 militaire. Cet argument se fonde sur une obligation alléguée au sein du
19 système croate qui n'est pas pertinente par rapport à ses obligations au
20 titre du droit international."
21 Je vous réfère au jugement de l'affaire Hadzihasanovic, 137 et 138 sont les
22 paragraphes pertinents, et je cite :
23 "Le droit national établit les pouvoirs et les obligations des
24 représentants civils ou militaires, mais le droit international précise de
25 quelle manière ces droits peuvent être exercés."
26 C'est sur cette base que nous avons formulé nos arguments en tant que
27 Défense du général Gotovina.
28 Enfin, Monsieur le Président, l'Accusation n'a pas rejeté la qualification
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1 que nous avons fournie des citoyens de la RSK en disant qu'il s'agissait
2 d'étrangers ennemis au titre du droit international. Donc aucun argument
3 n'a été présenté pour réfuter cela. Nous estimons que cela constitue une
4 concession, à savoir que le fait de dire qu'il n'était pas les citoyens
5 croates --
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Akhavan, je vais vous interrompre
7 là.
8 Si on ne se penche pas sur quelque chose de manière expresse, en tant que
9 concession, la Chambre préfère examiner cela d'un peu plus près, de quoi
10 s'agit-il au juste ?
11 M. AKHAVAN : [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
13 M. TIEGER : [interprétation] Là, il s'agit d'une duplique, je ne sais pas
14 si je peux aller au-delà de ce qui a été avancé jusqu'à présent. Mais pour
15 être bref donc il ne s'agit pas d'une concession.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Akhavan.
17 M. AKHAVAN : [interprétation] Je précise que rien de ce qui a été avancé en
18 tant qu'argument, en fait, ne signale, ne dit que ces individus n'étaient
19 pas des citoyens de la Croatie. Il n'y a rien qui conteste ce point. En
20 fait il est consigné au compte rendu d'audience que c'était bien des
21 citoyens de la RSK.
22 Donc je voudrais conclure en disant que la conséquence juridique en est,
23 que l'Accusation ne peut plus se fonder sur le rejet du retour en masse
24 immédiat pour en déduire qu'il y a eu comportement illégal, puisqu'il
25 relève du droit d'un Etat souverain de refuser le retour aux ennemis
26 étrangers pendant un conflit armé.
27 Je vais à présent céder la parole à Me Misetic ou Me Kehoe.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais une question à ce sujet. Mais
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1 on reviendra à cela un peu plus tard. Mon ordinateur refonctionne, donc je
2 vais pouvoir consulter mes notes.
3 Maître Misetic.
4 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
5 Pour commencer je rebondis suite au point qui a été fait par M. Tieger au
6 sujet des bombes au phosphore. Je pense que les preuves sont tout à fait
7 claires, et premièrement, je vais vous inviter à examiner un fait, à savoir
8 deux commandants opposés, les généraux Gotovina et Mladic, consignent dans
9 leurs journaux, dans un cas il s'agit d'un journal personnel et dans
10 l'autre cas il s'agit du journal officiel, les deux relèvent qu'il y a eu
11 utilisation des munitions incendiaires par la HV dans la zone de Grahovo-
12 Glamoc. Alors M. Tieger se réfère au registre de la région militaire de
13 Split en date du 2 août, qui est, bien sûr, la même chose que l'on retrouve
14 dans le journal de Mladic.
15 Je voudrais relever aussi que M. Tieger n'avance pas que son interprétation
16 est la seule interprétation raisonnable des éléments de preuve. Donc que
17 toute personne raisonnable, qui aurait accès aux deux entrées qui ont été
18 consignées le même jour dans les journaux des commandants militaires
19 opposés, aurait pu arriver à la conclusion raisonnable qu'effectivement les
20 bombes au phosphore ont été utilisées dans cette zone, ce jour-là ou peu
21 avant.
22 Donc les allégations de l'Accusation avancent aussi qu'il y a eu une
23 tentative de dissimulation avant le 2 août, mais toute allégation, disant
24 que le général Gotovina cherchait à dissimuler quoi que ce soit au sein
25 d'un système qui était propre à la Croatie, est sans fondement.
26 Qui plus est, dire que c'est parce que général Gotovina ne voulait
27 pas que les médias accèdent à Grahovo, le 2 août avant la menée de
28 l'opération qui allait suivre, et aux yeux de l'opération et à la lumière
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1 de l'opération tactique de l'ARSK qui s'était produite le 1er août, et dont
2 nous parlons dans notre mémoire, et également à la lumière du fait que deux
3 jours plus tard, le général Gotovina savait qu'il allait lancer l'opération
4 Tempête, donc le fait de ne pas accepter l'accès dans la zone, dans le
5 théâtre des opérations au média est quelque chose qui est tout à fait -- à
6 quoi on peut s'attendre de la part d'un commandant militaire. Je pense que
7 c'est tout à fait, cela va de soi, la veille d'un combat.
8 Donc parlons maintenant du général Jones. Donc si on se penche à la
9 fois sur la teneur de sa déclaration et sur son témoignage, il est tout à
10 fait clair qu'il était au courant des allégations de la commission de
11 crimes dans la zone de Grahovo. Spécifiquement, on lui a posé la question
12 pendant l'interrogatoire principal, on lui a demandé si le général Gotovina
13 avait pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour répondre à
14 ces événements. Il a dit que oui, donc dire maintenant qu'il n'avait pas
15 suffisamment de connaissance pour se faire une opinion, est sans fondement.
16 Qui plus est, on n'a jamais soumis au général Gotovina que si -- on ne lui
17 a jamais demandé si son opinion serait différente, s'il avait connu
18 certaines informations que l'Accusation avait en sa possession, et qui
19 pourrait éventuellement influer sur son opinion. Donc lorsqu'un expert
20 vient témoigner, on s'attend à ce qu'il a une opinion et si l'Accusation ou
21 toute autre partie souhaite contester son opinion, alors on lui soumet
22 d'autres éléments, on lui soumet des éléments d'information et on lui
23 demande si avec ces nouveaux éléments, son opinion serait susceptible
24 d'être modifiée. Cela ne s'est pas produit ici.
25 Monsieur le Président, l'Accusation affirme que le général Gotovina
26 n'a pas pris un certain nombre de mesures, mais que ces mesures étaient
27 tellement évidentes que c'étaient des mesures nécessaires et raisonnables.
28 Mais si c'était le cas, pourquoi n a-t-on pas posé la question de ces
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1 mesures évidentes, au général Jones. Donc pourquoi n a-t-on pas demandé au
2 général Jones ou qui que ce soit d'autre d'ailleurs, pourquoi ne lui a-t-on
3 pas demandé s'il aurait lui, imposé un cessez-le-feu en Croatie. J'ajoute à
4 cela que l'Accusation affirme maintenant que ce cessez-le-feu militaire
5 devrait s'appliquer, aurait dû s'appliquer uniquement aux militaires, je ne
6 comprends pas -- sans cesses ils emploient ce terme.
7 Donc s'agissant maintenant de la démobilisation, d'après une
8 allégation, M. Perkovic aurait été démobilisé afin de dissimuler
9 l'implication de la HV. Mais cela n'est pas quelque chose qui a été accepté
10 par Galovic. Je vous renvoie à la page 19 812 du compte rendu d'audience,
11 avec un début, ligne 14. Qui plus est, en fait, M. Perkovic a fait l'objet
12 de poursuite pour crime, donc on voit mal ce que l'on a omis de faire pour
13 sanctionner ou pour essayer de sanctionner les auteurs des meurtres de
14 Varivode.
15 A ce stade, j'appelle l'attention de la Chambre sur la pièce P2614,
16 selon laquelle il y a eu 120 affaires dans le cas de poursuite au pénal
17 pour crime contre les membres de la Région militaire de Split, pour crimes
18 commis sur le territoire libéré. Il y a eu 120 affaires pour meurtre et
19 pillage.
20 Pour finir, Monsieur le Président, la pièce D201, je reconnais que je
21 me félicite de voir que nous sommes arrivés à une sorte d'accord par
22 inadvertance. Nous sommes allés suffisamment loin dans l'examen de ce
23 point, que nous sommes arrivés non seulement à entendre l'Accusation,
24 admettre que le général Gotovina ait émis des ordres afin d'empêcher les
25 pillages et les incendies ainsi que d'autres crimes, mais nous avons
26 également la concession de la part de l'Accusation que le général Gotovina
27 a pris des mesures pour s'assurer au moins dans un de ses ordres que cet
28 ordre soit exécuté. Donc nous avons enfin un terrain d'entente.
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1 Alors prenons maintenant la pièce P1126, sur laquelle s'est fondé M.
2 Tieger, donc les arguments de ce matin. Voyons maintenant de quelle mesure
3 il s'agit :
4 "Empêcher, incendie et pillage des bâtiments sur le territoire
5 libéré. Immédiatement déployez le personnel du MUP, des Unités spéciales du
6 MUP et la Police militaire dans les localités de grande taille, afin de
7 sécuriser la situation dans la ville et ainsi que les bâtiments
8 importants."
9 Alors, premièrement, Monsieur le Président, nous affirmons que ce que
10 nous voyons, le général Gotovina faire ici, et bien, c'est mettre en œuvre
11 l'accord qui était passé entre les ministres de l'Intérieur, les ministres
12 de la Défense sur la question de la responsabilité pour la sécurité dans la
13 zone libérée.
14 Puis, deuxièmement, j'estime qu'il n'est pas contesté et qu'il serait
15 incontestable que le général Gotovina ne commandait pas le MUP et qu'il ne
16 commandait non plus les "Unités spéciales du MUP. Alors en d'autres termes,
17 l'Accusation affirme que le général Gotovina a mis en œuvre ses en se
18 reposant sur d'autres institutions de la République de Croatie, y compris
19 le MUP, les Unités spéciales du MUP ainsi que la Police militaire, et que
20 c'est cela qui a permis à son ordre d'être suivi d'effet. Alors nous
21 n'allons pas reposer de nouveau la question de la responsabilité, à savoir
22 à qui incombait la responsabilité de continuer à déployer la police
23 militaire après le début de l'opération Tempête, la décision vous revient.
24 Mais si vous êtes d'accord avec moi pour dire que M. Lausic et M.
25 Juric étaient responsables de l'application de cette partie-là de l'accord,
26 alors que nous avons entendu ce matin, c'est l'Accusation, disant à partir
27 du moment où le général Gotovina émet un ordre, il se repose sur le MUP et
28 la police militaire, doit savoir que son ordre sera exécuté. N'oubliez pas
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1 ce point. Combien d'autres ordres le général Gotovina aurait-il pu émettre
2 en se reposant sur le MUP et la police militaire, et le département des
3 Affaires politiques et le SIS, pour s'assurer que ces ordres seront
4 exécutés ?
5 Enfin, Monsieur le Président, la pièce D204 n'a pas fait l'objet de
6 débat au sujet des mesures prises par le général Gotovina. En fait, M.
7 Tieger a dit qu'il a pris des mesures mais ce n'était pas uniquement pour
8 se reposer sur le MUP, les Unités spéciales du MUP, la police militaire, le
9 SIS, les affaires politiques, mais il a aussi émis la pièce D204, pour des
10 mesures disciplinaires. La pièce P918, et nous savons quel a été le
11 résultat, à savoir 151 % d'augmentation dans le nombre de mesures
12 disciplinaires prononcées dans la Région militaire de Split.
13 Je vous remercie de votre patience depuis deux ans et demi, depuis le
14 début de ce procès.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
16 M. KEHOE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
17 Monsieur les Juges, l'Accusation, dans sa réplique, nous a démontré encore
18 une fois qu'elle se servait de ces éléments de preuve afin de prouver que
19 le général Gotovina a été mu par une intention illégale. Mais, encore une
20 fois, comme il en fait depuis le tout début, ils omettent de tenir compte
21 du contexte dans lequel les événements se produisent, et nous n'allons pas
22 replacer le tout dans le contexte. Mais je voudrais simplement évoquer un
23 certain nombre d'exemples pour répondre aux questions qui ont été posées
24 par la Chambre.
25 Donc l'argument de M. Tieger au sujet des activités du général Gotovina et
26 de la HV, pour affirmer que c'était illégal -- et en agissant de concert
27 avec d'autres prétendus membres de l'entreprise criminelle commune, c'est
28 parce qu'ils souhaitaient chasser la population civile de la Krajina, et
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1 ils se polarisaient avant tout sur Knin, et l'Accusation se polarise sur
2 Knin. Alors quelles sont les questions qui n'ont pas été posées par
3 l'Accusation ? Alors si les responsables qui se trouvent sur le sol croate
4 qui agissent auprès du gouvernement croate, l'ambassadeur Galbraith,
5 l'ambassadeur Holbrooke, s'ils pensent que pas plus de 20 % des Serbes ne
6 reviendraient pas indépendamment des circonstances, alors pourquoi est-ce
7 qu'on risquerait de compromettre ces relations sur le plan international ?
8 Pourquoi on courrait le risque de se compromettre à ce point ?
9 Donc soyons un peu plus précis. La position de l'Accusation, là
10 encore, c'est de dire qu'après la réunion de Brioni, il y a eu cette
11 attaque d'artillerie qui était ordonnée par le général Gotovina et dont
12 l'objectif était de chasser la population civile de Knin. Mais si c'était
13 le cas, si ce n'était pas une offensive militaire au sens classique du
14 terme, comme cela a été démontré par les moyens avancés par la Défense,
15 alors si ça avait été le cas, et l'objectif était de chasser la population
16 civile parce qu'on les aura suffisamment effrayés, alors pourquoi on n'a
17 pas fait cela après la -- pourquoi après la chute de Grahovo et de Glamoc
18 on ne s'est pas contenté de pilonner Knin ?
19 Donc je sais que vous connaissez la situation à Sarajevo.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, je ne vais pas du tout me
21 fier à tout ce que j'ai appris de par le passé sur Sarajevo, puisque cela
22 ne fait pas partie des preuves en l'espèce. Que ce soit tout à fait clair.
23 M. KEHOE : [interprétation] Oui, je vous entends, Monsieur le Président.
24 Mais le fait est le suivant : Si on veut terroriser une population
25 civile, qu'est-ce qu'on fait ? On fait ce que les Serbes ont fait à
26 Sarajevo. On pilonne de manière sporadique quelques obus, le 28 juillet,
27 puis le 29 juillet, puis le 30, puis le 1er et le 2 août. C'est quelque
28 chose qui va semer la panique dans la population, qui va la terroriser.
Page 29424
1 Mais cela n'a pas été fait. Vous devez savoir sans aucun doute qu'ils
2 avaient plus que la capacité de le faire.
3 Deuxièmement, si le pilonnage de Knin était à ce point concentré dans
4 des zones peuplées de civils à la date du 4 août, pourquoi la population
5 civile a-t-elle quitté les zones proches de la ligne de front pour se
6 rendre à Knin ?
7 La question suivante concerne les intentions sous-jacentes à la JCE
8 et leur examen. Il a été allégué que l'intention sous-jacente était de
9 permettre la commission des crimes, et il a été affirmé que le fait de
10 chasser les Serbes en recourant à une attaque d'artillerie a été une partie
11 intégrante de cet objectif. Mais pourquoi l'Accusation ne s'est-elle pas
12 penchée sur le fait qu'il y a eu de nombreuses réunions tenues, aussi bien
13 avant l'opération Tempête que pendant toute la durée du mois d'août ? Nous
14 avons de nombreux documents venant à l'appui de ceci, donc de nombreuses
15 réunions où il a été posé la question de savoir comment des crimes
16 pouvaient être empêchés et comment on pouvait faire un meilleur travail.
17 Aucune de ces réunions ne s'est tenue en présence du général Gotovina.
18 Passons maintenant au problème de l'artillerie tel que présenté par
19 M. Tieger ce matin. Un millier d'obus se sont abattus sur Knin, selon M.
20 Tieger; 900 obus - c'est ce qu'a relevé M. Tieger pour nous - auraient en
21 fait touché des civils. Mais il n'y avait absolument aucun élément de
22 preuve indiquant que 900 obus aient touché des civils. Neuf dixième des
23 obus tirés sur Knin auraient donc sans aucun fondement et aucun élément de
24 preuve, à l'appui selon l'Accusation, auraient touché des civils. Où sont
25 les éléments de preuve dans le compte rendu d'audience ?
26 Nous avons reçu 300 pages de mémoire final. Nous en sommes au
27 troisième jour de plaidoiries réquisitoires et il n'y a toujours rien
28 venant à l'appui de tout ceci. Alors supposons que ce soit le cas,
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1 pourquoi, dans son rapport intermédiaire et son rapport final, ce Témoin
2 Steiner Hertnes aurait-il dit à la Chambre, après vérification par M.
3 Roberts, que le pilonnage s'était focalisé sur des cibles militaires qui,
4 soit dit en passant, est tout à fait cohérent avec le document D389,
5 rapport du renseignement de la RSK qui est un document contemporain des
6 faits en question ?
7 Pourquoi cette question n'a-t-elle jamais reçu de réponse ? Je
8 n'avais pas l'intention de le dire, mais c'est exactement de cela qu'il
9 s'agit. C'est une affirmation insensée que de dire que 900 obus se sont
10 abattus, se seraient abattus sur les civils. Alors comment serait-il
11 possible qu'un tel fait ait échappé à des officiers expérimentés, aussi
12 bien qu'aux journalistes et aux observateurs internationaux lorsqu'ils se
13 sont rendus en visite à Knin à partir du 5 août ?
14 Même le général Forand lorsqu'il a donné son premier discours sur ce
15 sujet en 1996 a relevé que le recours à l'artillerie avait été tout à fait
16 excellent. Ce n'est qu'à partir du moment où ce discours a été mis entre
17 les mains de M. Robertson que les choses ont changées. Voyons de quoi il
18 s'agit. Il s'agit du document P339, page 4. Excusez-moi, D339, page 4.
19 Alors je sais qu'un certain temps s'est écoulé depuis que ceci a été
20 examiné. Il est indiqué ici, et juste aux fins d'une référence plus
21 précise, ce qui est en bleu et souligné correspond à l'information, aux
22 éléments qui ont été insérés à posteriori, après que ce discours a été
23 prononcé, une fois qu'il a été remis à M. Robertson. Mais initialement :
24 "Their," étant la HV, "leur utilisation de l'artillerie avait été
25 excellente."
26 Il a relevé que certains problèmes existaient avec les chars et
27 l'infanterie, mais relevons, notons que ses propos étaient les suivants :
28 "L'utilisation de l'artillerie a été excellente."
Page 29426
1 Alors, pourquoi ceci a-t-il fait l'objet de changements aussi
2 radicaux de la part de M. Robertson ? Pourquoi n'y a-t-il jamais eu la
3 moindre explication fournie par l'Accusation à ceci ?
4 Passons à la discussion concernant les cratères et les éléments de
5 preuve correspondants. Bien entendu, l'analyse de cratères a été utilisée
6 non seulement par les militaires, mais également par des tribunaux, afin de
7 venir à l'appui de toutes sortes d'allégations; cependant, M. Tieger, même
8 aujourd'hui a relevé en page 10, ligne 18, je cite :
9 "Que les analyses de cratères ont pour objectif de déterminer
10 l'origine dans des situations où il n'est pas clair la question, de savoir
11 quelle partie belligérante est responsable du tir, n'est pas clair."
12 C'est exact. C'est une raison. Mais ce type d'analyse est également
13 utilisé pour démontrer tout simplement qu'il y a bien eu pilonnage. La
14 raison pour laquelle nous recourons à des analyses de cratères dans
15 différentes localités en tant qu'élément de preuve, c'est pour établir
16 qu'il y a bien eu pilonnage et pour établir combien d'obus ont été tirés
17 dans un secteur ou dans une zone particulière. De plus, ces analyses de
18 cratère sont également faites afin de déterminer le type de munition, ou de
19 canon, ou de fusil, ou de pièce d'artillerie a été utilisé et, bien
20 entendu, où ces armes se trouvaient.
21 Aucun de ces éléments de preuve susceptibles d'illustrer une
22 éventuelle attaque illégale visant la population civile n'a été présenté à
23 la Chambre, à l'exception de l'analyse de cratère faite par M. Munkelien et
24 M. Anttila. Lorsque vous vous penchez sur le compte rendu d'audience, nous
25 avons trois localités différentes pour l'endroit où cette roquette
26 particulière a été retrouvée. C'était même avant cette discussion portant
27 sur le type de munition qui aurait été tiré, donc les trois versions sont
28 différentes.
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1 Le principe de distinction à présent. M. Tieger a avancé que le
2 général Gotovina aurait violé le principe de distinction par les armes même
3 dont il a fait usage et qu'il a déployées pendant l'opération Tempête. Mais
4 c'est tout à fait intéressant, Monsieur le Président, parce que nous avons
5 abordé cette question dans notre mémoire final, et j'ai posé la question au
6 colonel Konings, en attirant particulièrement son intention sur le principe
7 de discernement et l'utilisation des lance-roquettes multiples et des
8 canons. Je lui ai demandé, Si de telles armes pouvaient être utilisées pour
9 viser une cible ? Il a répondu que oui. Il a confirmé, comme nous l'avons
10 souligné dans notre mémoire final, que le principe de discernement ou la
11 distinction n'avait pas été violée par le recours à des lance-roquettes
12 multiples ou à d'autre type de pièces d'artillerie.
13 Mais contentons-nous de dire, que le bureau du Procureur, en réalité,
14 n'a jamais abordé le fait que le recours à l'artillerie avait été
15 systématique et cohérent aussi bien au point de contact sur les liges de
16 front qu'en profondeur. Le bureau du Procureur n'a pas contesté ce fait. Il
17 n'a pas contesté non plus le fait que cela avait bien fonctionné. Le
18 Procureur a tout simplement omis de prendre en considération un pont
19 crucial, à savoir que l'objectif du recours à l'artillerie, entre autres,
20 était de miner les capacités des trois C/I de l'ARSK communiquer,
21 contrôler, et la capacité de renseignement, aussi de collecter les
22 informations du renseignement.
23 Les éléments de preuve dont la Chambre a été saisie émanant
24 directement du général Mrksic indiquent que cela a bien fonctionné. Sa
25 capacité à communiquer avec les lignes de front à la date du 4, a été
26 essentiellement comprise. Sa capacité à s'adresser à ses troupes sur le
27 Velebit également. Suite au recours à l'artillerie.
28 Donc selon le bureau du Procureur, il s'agissait simplement d'une
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1 attaque illégale visant la population civile qui, en passant, s'est trouvé
2 également neutraliser les capacités de communication, de contrôle, et de
3 collecte de renseignements de l'ARSK. Mais c'est un argument tout à fait
4 spécial qui n'a aucun fondement, ni dans la réalité ni dans les éléments de
5 preuve figurant au compte rendu d'audience.
6 En fin, cet argument concernant ce que le général Gotovina aurait
7 soi-disant dû faire. Certains de mes confrères en ont parlé à un moment
8 concernant Jajce, et je ne sais pas si le Procureur ne comprend pas ce
9 qu'est un couvre-feu ou un cessez-le-feu militaire aussi il s'est
10 simplement contenté d'omettre cela. Mais un -- M. le Procureur parle de
11 couvre-feu qui soit militaire ou non, cela signifie que ça s'applique à
12 tout le monde sur le territoire occupé. Le couvre-feu s'applique à tous. Il
13 s'agit d'une mesure que le général Gotovina ne pouvait pas prendre compte
14 tenu du fait qu'après la date du 6 août, l'ordre constitutionnel de la
15 République de Croatie et ses autorités civiles avait été respectivement
16 restoré et remis en place. Cependant, comme Me Misetic vient de le
17 mentionner, le général Gotovina a néanmoins pris des mesures afin de mettre
18 en œuvre au mieux qu'il le pouvait les mesures permettant de contrôler ses
19 troupes en émettant son ordre du 10 août, figurant dans la pièce D204,
20 ainsi que Me Misetic l'a indiqué, ordre qui demandait que cessent les
21 mouvements arbitraires de soldats demandant que ceci soit évité, et que des
22 mesures énergiques soient prises contre toute personne se livrant à une
23 inconduite ou enfreignant à la discipline.
24 Monsieur le Président, pour conclure, le général Gotovina n'a pas
25 l'intention de s'adresser à la Chambre. Nous parlerons en son nom. Je crois
26 que ce que les éléments de preuve dont la Chambre a été saisie nous montre
27 et je m'adresse à la Chambre en tant que soldat, en tant que patriote, qui
28 a agi dans des circonstances -- honorablement des circonstances très
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1 difficiles ce qui s'est passé représentait une tentative de faire ce qui
2 était juste, de rétablir l'ordre de son pays en recourant à des moyens
3 militaires et aux soldats qui étaient sous son commandement. Il s'agissait
4 d'une pendant particulièrement difficile, comme la Chambre le sait. Dans
5 toute l'ancienne Yougoslavie depuis 1991 et jusqu'en 1995, et de nombreux
6 de ces problèmes difficiles ont été soulevés et examinés en détail.
7 Mais lorsque les Juges de la Chambre examineront les éléments de
8 preuve disponibles en l'espèce est relatif à la conduite du général
9 Gotovina pendant toute cette période, ils ne pourront que conclure que
10 cette conduite a été absolument honorable et juste. Nous reconnaissons
11 qu'il s'agit là de problèmes difficiles. Nous avons passé deux ans et demi
12 en l'espèce. Nous comprenons bien que les Juges de la Chambre doivent
13 répondre à de nombreuses questions pendant les mois qui leur seront
14 nécessaires pour prendre leur décision. Mais nous avançons à l'attention
15 des Juges de la Chambre que, lorsque ces derniers examineront les éléments
16 de preuve, ils concluront que non seulement le général Gotovina a agi
17 justement mais la Défense qui l'a représenté devant cette Chambre a
18 également agi justement et avec pertinence.
19 Lorsque nous examinons l'histoire de cette période en Croatie,
20 effectivement, elle était difficile. Si nous nous penchons sur l'histoire
21 de mon pays, elle a également été difficile parfois, alors la période la
22 plus difficile était, bien entendu, la plus terrible que celle de la Guerre
23 civile américaine, compte tenu des 650 000 morts qui en ont été la
24 conséquence. Mais indubitablement, la vérité et le droit ont triomphé, et
25 même à la veille de la guerre, en février 1860, lors de la réunion de la
26 Cooper Union, les mots suivants ont été prononcés, je cite :
27 "Ayons foi en ce que le droit est à la source du pouvoir.
28 Accomplissons notre devoir tel que nous le concevons."
Page 29430
1 Il s'agit ici d'une affaire difficile, et ce que nous disons à la
2 Chambre, à ce stade, au nom du général Gotovina, est que la décision juste
3 est d'exonérer le général Gotovina de toutes responsabilités et toute
4 culpabilité en l'espèce et de permettre son retour parmi les siens.
5 Je vous remercie.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Kehoe. Je suis quelque peu
7 perplexe par l'une des phrases que vous avez adressées à la Chambre, qu'au
8 vu des éléments de preuve, vous constaterez que non seulement le général
9 Gotovina a agi justement mais également, et c'est la suite qui me pose
10 problème --
11 M. KEHOE : [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- alors, j'imagine que notre décision,
13 notre jugement répondra à votre question.
14 M. KEHOE : [interprétation] En effet.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, en tout cas, c'est ce que la
16 Défense a présenté; est-ce que vous vous attendez à ce que nous incluions
17 également cet élément dans le jugement ?
18 M. KEHOE : [interprétation] Non, non, Monsieur le Président.
19 Nous avons essayé de vous fournir ce qui vous permettrait de prendre cette
20 décision.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez essayé d'attirer l'attention
22 sur tout ce qui permettrait de conclure que le général Gotovina avait pris
23 les bonnes décisions.
24 M. KEHOE : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, j'ai bien
26 compris ce que vous vouliez dire, peut-être en allant un peu au-delà de ce
27 que vous avez dit littéralement.
28 Maître Kay, êtes-vous prêt ?
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1 M. KAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
3 M. KAY : [interprétation] Excusez-moi, je vais aborder les questions
4 soulevées par M. Tieger aujourd'hui. Pour commencer, je voudrais commencer
5 avec le problème -- ou plutôt, la question de la réunion de Brioni, au
6 paragraphe 347 du mémoire final de l'Accusation, où il est indiqué
7 explicitement qu'un rôle avait été envisagé et planifié pour être attribué
8 à la personne qui finirait par aller sur place à Knin concernant un certain
9 nombre de tâches qui devaient être accomplies. Il est indiqué que c'était
10 M. Cermak qui, en définitive, avait été retenu pour jouer ce rôle.
11 Ceci nous oblige, je crois, à nous repencher avec beaucoup d'attention sur
12 cette pièce P461, portant attention à la formulation, parce que nous
13 affirmons qu'en fait, ce n'est absolument pas le cas. La réunion alléguée
14 comme faisant partie de la JCE où ce rôle aurait été envisagé pour M.
15 Cermak, ce n'était absolument pas le cas.
16 Page 27 de la pièce P461, il y a une discussion qui se déroule concernant
17 les opérations de combat planifiées. Susak dit, je cite :
18 "Je parle -- ce dont je parle, c'est le moment où ils commenceront à
19 procéder au pilonnage. Nous aurons peut-être 100 000 réfugiés. Peut-être
20 qu'un mouvement de panique s'installera. Le pilonnage serait peut-être si
21 intense que, du jour au lendemain, les gens fuiront dans le plus grand
22 désordre."
23 Il continu en disant, je cite :
24 "Nous devons nous organiser de telle façon à ce que cela ne résulte pas en
25 une panique généralisée, faute de quoi ils obtiendront un résultat contre-
26 productif, l'inverse de ce que nous voulons."
27 Le président parle de les arrêter à Dakovici. Susak dit, je cite :
28 "Deuxièmement, nous devons donner des instructions claires au commandant
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1 sur le terrain, Monsieur le Président, concernant la façon dont il
2 conviendra de réagir si jamais l'ONURC en venait à être impliquée."
3 Il se réfère aux Canadiens ensuite. Citation :
4 "Nous devons leur fournir des instructions claires, tout d'abord. Ensuite
5 je pensais, Monsieur le Président, qu'il s'agirait d'une personne."
6 Donc une personne avec les commandants se trouvant sur le terrain et qui
7 réagissent à ce qui se passe sur le terrain, et une personne qui aurait en
8 charge les relations avec l'ONURC. Tout cela concerne évidemment les
9 opérations de combat. Une autre personne serait chargée des relations avec
10 l'ONURC, quelqu'un qui serait un officier de liaison permanent qui serait
11 en contact avec nous et résoudrait les problèmes apparus avec eux, qui
12 recevrait des instructions, parce que la situation évoluerait dans ce cas-
13 là beaucoup trop vite pour que nous nous enquérions de l'endroit où ils se
14 trouvent pour que nous les appelions. C'est le second problème, tel que je
15 vois la chose. C'est encore une autre personne qui devrait être dédiée à la
16 question des opérations de combat.
17 Alors ensuite ils poursuivent la discussion, et les Juges de la Chambre
18 verront cela. En page 28, ils abordent la question de l'opération elle-
19 même. Page 29, je cite :
20 "Pouvons-nous avoir votre accord, compte tenu à ce que nous sommes
21 confrontés à des risques si nous perdons."
22 C'est ce que Susak dit. Il n'y a aucun résultat certain, de leur point de
23 vue, lorsqu'ils sont à Brioni. Ils n'estiment pas certaine l'issue de cette
24 guerre et la victoire. Parce qu'ils continuent à discuter de la chose, à
25 discuter du besoin d'utiliser des tracts, du besoin d'essayer de présenter
26 cette opération comme étant une victoire.
27 Alors passons à cet extrait où Susak reprend la parole. Numéro 3, citation
28 :
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1 "Encore une chose, Monsieur le Président. Dans ce cas, n'aurions-nous pas
2 besoin également de quelqu'un appartenant à votre bureau afin de remettre
3 en place l'équipe, ou la ou les personnes chargées de la propagande ? Nous
4 avons remis en place l'effectif à Posuzi, mais ceci est en train d'être
5 transféré à Zagreb en ce moment, et nous aurions peut-être besoin de
6 quelqu'un de votre bureau en tant que personne de contact."
7 Le président Tudjman dit ensuite, je cite :
8 "C'est une question qui doit être abordée."
9 Cela concerne les tracts de propagande et ce que vous venez juste de dire,
10 reprise de la citation :
11 "…et également la référence à l'ONURC" - et cela concerne la
12 référence à l'ONURC en page 27 - "et cela, ce que cela veut dire, c'est
13 qu'il s'agit de Sarinic. Ce que je voudrais savoir, c'est s'il est plus sûr
14 de gérer et de coordonner l'évolution de la situation à partir de Brioni ou
15 de Zagreb."
16 Susak donne le conseil suivant, à savoir qu'il serait préférable de
17 procéder à la coordination à partir de Zagreb.
18 "Et qu'il serait mauvais d'assurer la coordination à partir d'ici,"
19 et ici, pour lui, c'est Brioni. Alors la décision qui a été prise, nous la
20 connaissons. En page 30, cette question est encore une fois abordée. Il
21 s'agit de la question de l'opération elle-même.
22 En page 31, Susak, je cite :
23 "Et pour finir, Monsieur le Président, si cela devait être Sarinic, qui est
24 déjà en contact avec le commandant principal ici, chacun d'entre eux, à son
25 propre niveau, se trouverait obligé de mettre en place un certain nombre de
26 contacts afin d'informer les personnes ici présentes jusqu'où il s'agirait
27 d'aller."
28 Il y a une interjection de M. Markac ensuite, je cite :
Page 29434
1 "Il ne voulait pas jouer sur le temps. Cette fois-ci, il ne faudrait leur
2 donner qu'une heure, juste le temps nécessaire pour se mettre à couvert."
3 Cela se réfère à la notification des organisations internationales
4 concernant l'attaque, et Sarinic était censé, par l'intermédiaire des
5 contacts se situant à son niveau, faire circuler cette information et la
6 transmettre. Voilà.
7 Donc, selon nous, ceci ne concerne manifestement pas le rôle qui aurait
8 soi-disant été celui de M. Cermak dans la phase postérieure à l'opération
9 Tempête à Knin. Il n'a jamais été envisagé à Brioni que ce soit le cas, et
10 ce rôle n'a pas été taillé sur mesure pour lui, contrairement à ce qui est
11 allégué dans le cadre de la prétendue entreprise criminelle commune.
12 Je souhaite maintenant passer à une autre question qui a été soulevée
13 concernant Grubori. M. Tieger s'est référé aux faux rapports et à la police
14 spéciale ce matin. Il a parlé du Témoin Celic. Nous souhaitons souligner
15 avant tout un point particulier. Il est tout à fait clair, aux vues de la
16 pièce P607, qu'à la date du 25 août, l'Unité de la Police spéciale de Split
17 avait fait son rapport à Janic, et au plus tard à 4 heures, avait donc
18 déposé un rapport qui ensuite a été transmis à Zeljko Sacic, rapport qui
19 concernait le fait qu'un corps sans vie avait été retrouvé dans le village
20 de Vundîci, près du petit pont situé à côté de la route principale. Le
21 corps ainsi retrouvé portait un uniforme et des bottes de soldat, et ses
22 mains étaient liées.
23 Je poursuis la citation.
24 "J'en ai fait rapport dans l'heure à M. Janic, j'ai fait rapport de ma
25 position, et il n'y a pas eu le moindre blessé, le moindre agent blessé
26 dans ce cas."
27 Ceci a été envoyé le 25 août, et une équipe de la police spéciale, une
28 équipe opérationnelle avec 102 personnes, s'est trouvée en contact heure
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1 par heure avec Janic. Nous savons que Janic est revenu à Gracac, et qu'il
2 était en possession de ces éléments d'information. La police spéciale à
3 Gracac, en cette date du 25 août, disposait des informations dont elle
4 avait besoin afin de fournir à son tour un compte rendu exhaustif au
5 général Cermak, que lui-même a transmis dans la matinée du 26 août,
6 transmettant ainsi ce qui lui avait été dit à lui-même, à la télévision des
7 Nations Unies. Un document important dans l'enchaînement des événements et
8 dans cette série de documents complexes, quant à la question de savoir qui
9 en est l'auteur. Mais le moment auquel ce document apparaît n'est pas
10 nécessairement celui auquel il a été rédigé, ou celui où il y a eu une
11 certaine manipulation quant à son contenu. C'est quelque chose que nous
12 souhaitons souligner. Les documents peuvent émerger plus tard, après qu'ils
13 ont été rédigés ou manipulés.
14 Alors passons maintenant au rapport de M. Dondo. Ce dernier a fait état de
15 cinq meurtres auprès de la police. Cela est bien connu. Il s'agit de la
16 pièce D57, cette pièce est le compte rendu dans lequel on trouve constaté
17 que la levée des corps avait été ordonnée. Cela concerne la protection
18 civile. Il y a une ligne hiérarchique tout à fait claire ici, ce que nous
19 savons du système croate, nous permet d'affirmer que ce n'est certainement
20 pas Dondo, officier de liaison de l'armée croate qui aurait pu avoir la
21 moindre autorité pour donner ce type d'ordre au MUP, puisque la protection
22 civile dépendait de la police locale. Nous savons, cependant, que les
23 villageois à Grubori étaient préoccupés concernant ces corps sans vie qui
24 avaient été retrouvés et préoccupés également par les conséquences que cela
25 avait.
26 Le 25 août, pièce P874, l'un des villageois de Grubori a dit à un
27 journaliste, je cite :
28 "Qu'est-ce que je vais faire maintenant ? Est-ce que c'est vous qui allez
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1 l'enterrer ? Qui est-ce qui va l'enterrer, mon mari ? Nous n'avons personne
2 pour se charger des enterrements."
3 Dondo et le fait qu'il évoque la nécessité de récupérer les cadavres, ceci
4 est très clair réagit par rapport à l'attitude et à la position des
5 villageois, page 22 593 du compte rendu d'audience.
6 Page P237, M. Romassev, chef de la police civile des Nations Unies, fait
7 remarquer la chose suivante, et lui aussi est au courant du fait que les
8 villageois souhaitent que les cadavres soient enterrés. Je cite donc :
9 "Etablir un lien entre le ratissage du terrain et l'enterrement des
10 cadavres, avec une tentative d'empêcher une enquête, constitue à notre avis
11 une position très compliquée et fausse sur ce sujet."
12 Ce n'est pas tout. Nous savons aussi que lorsque Dondo est allé voir la
13 police, M. Cermak n'avait commencé à s'occuper de cette question que depuis
14 le début de l'après-midi, lorsque le président est arrivé à Knin, et qu'il
15 est parti pour Split. Donc laissez entendre qu'il avait ordonné quoi que ce
16 soit à Dondo, est complètement faux. Dondo ne savait pas qu'il allait
17 découvrir cinq cadavres lorsqu'il s'est rendu sur les lieux. Le MUP établit
18 dans un rapport à 3 heures, dans la pièce D57, que deux cadavres ont été
19 découverts. Alors voyons quelle est exactement la position de Dondo, dans
20 le rapport dont il est l'auteur, pièce P764, rapport évoqué par M. Tieger.
21 Voici les mots qu'il écrit, je cite :
22 "Il est fort probable que les cadavres auront été enlevés à la date du 27
23 août."
24 Donc il n'emploie pas l'expression "devront être enlevés" comme si ce qu'il
25 écrivait était le résultat d'un ordre. Il réagit par rapport à la situation
26 en utilisant les mots "très probablement." Nous savons que, le 26 août,
27 l'enquête sur les lieux avait été demandée. C'est ce qui est écrit dans le
28 registre de la police de Knin. Nous savons à la lecture des diverses
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1 entrées de ce registre, que la protection civile devait également assister
2 à cette enquête, dans le cadre d'une procédure conjointe, dont la
3 préoccupation centrale était les cadavres, et ce en application du système
4 en vigueur en Croatie.
5 Il ne me reste plus que quelques minutes. Je vais donc aborder la question
6 relative au document 510, et à M. Albiston. La Chambre de première instance
7 est invitée à prendre en compte l'ensemble des éléments figurant au compte
8 rendu d'audience sur ce point, parce que tout d'abord, ce document a été
9 émis, et il s'est avéré que la traduction qui y figurait n'était pas
10 exacte. Nous le voyons à la page 23 957 du compte rendu d'audience,
11 l'inexactitude de la traduction a été évoquée au moment où étaient posées
12 les questions du Procureur. Ce que M. Albiston, témoin expert, déclare que
13 c'est qu'il a pris connaissance du contenu du document, donc il l'a eu sous
14 les yeux, (expurgé)
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17 (expurgé) Quant à l'ensemble
18 du document qu'il a examiné --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson.
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je viens à peine de me rendre compte,
21 Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
24 le Président, Madame et Monsieur les Juges.
25 [Audience à huis clos partiel]
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3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 [Audience publique]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 M. KAY : [interprétation] Bien. Nous sommes donc à nouveau en audience
8 publique, Monsieur le Président, et je voudrais prononcer quelques
9 remarques de conclusion.
10 Le passage du compte rendu d'audience dont je viens de donner lecture, qui
11 fait partie de la déposition de M. Albiston, officier de police de grande
12 expérience, est important, à notre avis, tout comme le sont les propos du
13 général Jack Deverell, officier de l'armée, de grande expérience également,
14 et ceci amène notre simple bon sens à établir un lien entre ses propos et
15 les faits pris en compte en l'espèce. Nous estimons que M. Cermak était un
16 homme qui a été envoyé à Knin avec une mission bien précise que j'ai essayé
17 de décrire en disant qu'elle ne comportait aucune intention criminelle,
18 aucune motivation criminelle dans son esprit. C'était un homme qui s'est
19 trouvé dans une position dans laquelle il ne s'attendait pas à se trouver,
20 qui n'était pas clairement définie, mais qu'il a essayé de remplir du mieux
21 qu'il a pu. Nous estimons que le verdict que rendra cette Chambre sur tous
22 les chefs d'accusation le concernant devrait être un verdict de non
23 culpabilité.
24 Nous remercions également les Juges de la Chambre pour nous avoir entendu
25 pendant tout ce procès, nous remercions nos collègues présents dans toutes
26 les parties de ce prétoire, les représentants de l'Accusation, nos
27 confrères de la Défense, et tous ceux qui nous ont aidés dans les coulisses
28 pendant ce procès. Nous laissons la charge de prononcer le verdict aux
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1 Juges de la Chambre.
2 Je vous remercie.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kay.
4 Maître Mikulicic, êtes-vous prêt à procéder ?
5 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci.
6 Monsieur le Président, je vais m'intéresser très rapidement à deux
7 questions qui ont été évoquées par l'Accusation. A commencer par la
8 provocation présumée qui aurait eu lieu juste avant l'opération Tempête et
9 qui aurait fait l'objet des débats de la réunion de Brioni le 31 juillet.
10 Je me parle de la pièce P614.
11 La Défense, bien sûr, ne conteste pas que l'objectif consistait à
12 entreprendre un certain nombre d'actions qui auraient pu par la suite
13 permettre de lancer l'opération Tempête, la Défense, par conséquent, ne
14 conteste pas que c'est bien ce sujet qui a été au cœur des débats de la
15 réunion de Brioni. Mais la Défense va un pas plus loin, et elle se fonde
16 sur la pièce P831, pour déclarer qu'effectivement, il y a eu provocation et
17 que mon client, le général Markac -- mais l'Accusation va un pas plus loin
18 en affirmant qu'il y a eu provocation et que mon client, le général Markac,
19 y aurait participé.
20 La Défense nie cette interprétation de la pièce P831 et affirme qu'il n'y a
21 eu aucune provocation pas plus de la part du général Markac que de la part
22 de qui que ce soit d'autre, la Défense aimerait également souligner que
23 cette pièce P831 ne peut se prêter à une telle interprétation.
24 Au paragraphe 3(C) du document de la MOCE qui constitue cette pièce, on
25 peut y lire que Gospic a été pilonné, et je poursuis la lecture en anglais,
26 je cite :
27 "On estime que les explosions entendues peuvent avoir été provoquées par
28 l'armée de Croatie."
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1 Et suit un commentaire final :
2 Tout observateur qui souhaiterait interpréter ce document parviendrait à
3 une seule et même conclusion, à savoir que l'on et en présence de
4 spéculations qui ne sont fondées sur aucun élément de preuve valable. Ça,
5 c'est le premier point. Deuxième point, qu'il y a eu effectivement
6 détonation, et troisième point, que l'intention présidant à ces explosions
7 et le lieu où elles se sont produites ne sont pas déterminables, pas plus
8 que la cause de ces explosions.
9 Alors affirmer que tous ces éléments ont été discutés pendant la
10 réunion dont je parle ne peut être qu'une conjecture ou une interprétation
11 particulière des éléments de preuve, interprétation à laquelle la Défense,
12 bien entendu, s'oppose. J'ai déjà parlé de l'importance de certaines
13 conditions préalables, j'ai parlé de la tactique qui intervient avant une
14 opération militaire, mais je ne vais pas revenir sur tous ces éléments. Je
15 voudrais, en revanche, indiquer quels sont les éléments qui n'ont pas été
16 abordés durant la conversation qui a eu lieu pendant la réunion incriminée,
17 conversation qui est présentée par l'Accusation comme confinant au crime.
18 Autre question que j'aimerais aborder, c'est la déposition de M.
19 Vanderostyne. C'est sur la base de sa déposition que le bureau du Procureur
20 conclut qu'il est prouvé que les membres de la police spéciale auraient
21 pillé les maisons abandonnées par les Serbes de Krajina. Alors, tout
22 d'abord, l'Accusation s'appuie sur la pièce 324 pour aboutir à cette
23 conclusion. Je dirais pour ma part qu'il s'agit de photographies qui ont
24 été prises le 8 août 1995 dans les rues de Gracac, et la Défense soutient
25 que le témoin, M. Vanderostyne, n'a pas une mémoire parfaite des événements
26 survenus à cette date et qu'il a fourni son interprétation personnelle de
27 ces événements et que, par conséquent, les mots prononcés par lui ne
28 peuvent être une base fiable pour admettre la réalité des faits dont il a
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1 parlé.
2 J'ajouterais que M. Vanderostyne étant arrivé à Zagreb le 5 août 1995
3 et s'étant rendu à Gracac et passé par les villes croates de Karlovac et
4 d'Otocac et qu'il a beaucoup été parlé des dommages dus aux pilonnages qui
5 étaient visibles dans ces villes. Donc il était sous l'effet de l'émotion
6 après les nombreux pilonnages subis par les forces de ce qu'il est convenu
7 d'appeler l'armée serbe de Krajina.
8 Donc M. Vanderostyne ne connaît pas bien le contexte des événements
9 dont il est le témoin, contexte politique et factuel.
10 Les photographies qui constituent la pièce à conviction dont je suis en
11 train de parler, vous vous en souviendrez, montrant en particulier une
12 personne qui monte ou qui descend d'un camion et qui porte un objet de
13 forme rectangulaire, ceci est considéré par le bureau du Procureur comme
14 démontrant que les membres de la police spéciale auraient dérobé un certain
15 nombre d'objets. M. Vanderostyne, dans sa déclaration préalable, a déclaré
16 qu'il avait remarqué des personnes en uniforme en train de voler des objets
17 dans des maisons, et le témoin décrit les uniformes comme étant de couleur
18 grise, grise tirant sur le bleu ou kaki. La Chambre pourra se former son
19 propre justement sur ce point.
20 La photographie ne montre en aucun cas un membre de la police spéciale
21 portant l'uniforme de couleur verte standard.
22 Mais Mme Mahindaratne, lorsqu'elle a interrogé le témoin, lui a proposé,
23 c'est elle qui l'a dit que l'objet que l'on voit sur la photographie est en
24 fait un poste de télévision. Le Témoin Vanderostyne n'a jamais dit lui-même
25 - en tout cas, ce n'est pas l'avis qu'il a lui-même exprimé - qu'il se
26 serait agi d'un poste de télévision. Je vous renvoie à la page 4 028, ligne
27 23, du compte rendu d'audience.
28 Après un certain temps, durant la suite de son audition, le Témoin
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1 Vanderostyne a déclaré qu'il n'avait jamais vu la scène qui a été prise en
2 photo personnellement, que la photographie a été prise par son photographe
3 et qu'au moment où la photo a été prise, lui-même n'était pas à côté du
4 photographe.
5 Donc, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, on peut se poser
6 la question de savoir quelle est la valeur à accorder à sa déposition sur
7 ce point. Une photographie, c'est quelque chose que n'importe qui peut
8 interpréter et lui, personnellement, n'était pas sur les lieux, n'a pas vu
9 ce qui a été pris en photo à ce moment-là. Donc son interprétation des
10 faits, et j'indique au passage que c'est une interprétation qui lui a été
11 suggérée par l'Accusation, ne constitue qu'une parmi tant d'autres
12 interprétations qui pourraient être prises en compte.
13 A la question posée par la Défense qui demandait au témoin s'il existe
14 peut-être un carton de documents ou autre chose qui pourrait être confondu
15 avec cet objet de forme rectangulaire, le bureau du Procureur a protesté en
16 déclarant que ce qui avait été dit était un fait établi par la Chambre de
17 première instance. Je suis d'accord, Monsieur le Président, Madame,
18 Monsieur les Juges, que c'est à la Chambre de statuer. Les Juges auront à
19 regarder cette photographie pour tirer leurs propres conclusions quant à la
20 nature de l'objet qu'on y voit, est-ce que oui ou non il s'agit d'une
21 preuve montrant que la police spéciale était en train de se livrer à des
22 pillages, ou est-ce qu'une autre conclusion peut être tirée au vu de cette
23 photographie et des arguments de la Défense, comme par exemple qu'il
24 s'agirait de chargement d'équipement et de matériel au moment où la police
25 spéciale s'est retirée de Gracac.
26 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, en conclusion à l'issue
27 de cette longue procédure, je souhaiterais tout d'abord vous remercier,
28 vous et les représentants du Tribunal qui nous ont aidés pendant le procès,
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1 ainsi que tout le personnel dépendant du greffe et les interprètes et, par
2 ailleurs, également les sténotypistes. Je voudrais donc vous remercier tous
3 de votre patience, de votre écoute. Finalement, tous les arguments en
4 arrivent à un point tout à fait simple, à savoir que notre client est une
5 personne honorable qui a consacré les meilleures années de sa vie à un seul
6 et même objectif : défendre son pays, défendre le système démocratique de
7 son pays, défendre la République de Croatie dans les moments les plus durs
8 de son histoire sur le mont Velebit. Je suis au regret de dire que nous
9 n'avons pas pu parvenir à faire en sorte que les Juges de la Chambre voient
10 de leurs yeux ce qui s'est passé là-bas. Nous parlons ici en tout état de
11 cause d'une personne qui a rempli ses responsabilités de façon honorable,
12 avec honnêteté, qui a dirigé des professionnels très entraînés, membres de
13 la police spéciale, qui étaient sur les lieux pour accomplir leur travail
14 dans le respect de l'éthique et de leurs convictions.
15 Je ne crois pas que mon client ait, à quelque moment que ce soit, agi de
16 façon déshonorable, et encore moins qu'une quelconque de ses actions puisse
17 être qualifiée de crime. Par conséquent, j'affirme que le bureau du
18 Procureur n'a présenté aucun élément de preuve valable qui pourrait
19 permettre aux Juges de la Chambre de prononcer un verdict de culpabilité à
20 l'encontre de mon client. Comme je l'ai dit hier, et en l'absence de tout
21 élément requis préalable justifiant un tel acte, un prononcé de culpabilité
22 n'est pas acceptable à l'encontre de mon client. C'est donc la position de
23 la Défense Markac que le seul jugement possible qui puisse être rendu par
24 la Chambre de première instance après la considération de l'ensemble des
25 faits est un jugement d'acquittement du général Markac. Ce sera une
26 conclusion satisfaisante qui permettra au général Markac de retrouver sa
27 famille et ses amis à Zagreb, en dépit des sacrifices consentis par lui.
28 Je vous remercie, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Mikulicic.
2 Maître Kuzmanovic.
3 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Trois points que j'aimerais aborder. D'abord, M. Celic; deuxièmement,
5 Ramljane; et troisièmement, Gracac.
6 M. Tieger, dans la réplique, a évoqué le paragraphe 444 du mémoire en
7 clôture de l'Accusation en disant aux Juges de la Chambre que le second
8 rapport relatif à Grubori, la pièce P576, ne concernait pas en réalité
9 Grubori mais plutôt l'opération de ratissage menée à Plavno, et que ce
10 rapport a été rédigé en présence de Markac. M. Celic l'affirme, et le
11 rapport en question est censé avoir été dicté à Celic par Sacic au QG de
12 Gracac, en la présence de Markac.
13 Les informations que j'ai déjà évoquées hier sont contenues dans les
14 rapports du général Markac. On y trouve donc toutes les informations qu'il
15 recevait de ses subordonnés. S'agissant de Grubori, il s'agit d'éléments
16 d'information inexacts et cette série d'informations inexactes commence par
17 Celic. Markac n'est pas à Grubori. Il reçoit l'information de la part de
18 ses subordonnés, l'information sur cette opération de nettoyage. Ce qui est
19 intéressant, j'en ai parlé hier, M. Celic semble avoir une capacité
20 extraordinaire de se mettre d'accord avec tous. Il accepte que rien ne
21 s'est passé, puis lorsque pendant le contre-interrogatoire on lui pose
22 d'autres questions, lorsque la Chambre lui pose des questions sur le rôle
23 qui aurait été joué par Sacic, sur le fait que Sacic lui aurait dicté
24 comment les événements se sont passés, et quand on lui demande s'il faisait
25 confiance à Sacic, est-ce qu'il pensait que c'était la vérité ce que Sacic
26 lui disait, il répond : "Absolument."
27 Lorsque Josip Turkalj, le 1e septembre, suite au fait que le général Markac
28 ait demandé qu'on lui rende compte, il donne l'ordre -- donc, Turkalj donne
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1 l'ordre que les chefs de groupe fassent un rapport. Alors, que se passe-t-
2 il ? La même chose : des éléments d'information inexacte. Là, ce ne sont
3 pas seulement les chefs de groupe, mais Celic lui aussi qui s'y met. Donc
4 qu'est-ce qui nous permet de savoir que le général Markac ait jamais exercé
5 une influence quelqu'elle soit sur la diffusion d'information sur Grubori ?
6 Qu'est-ce qui nous permet de savoir qu'il a empêché que l'on sache ou que
7 l'on apprenne les informations sur Grubori ? Rien. Zeljko Zganjer a déposé
8 à cet effet, le procureur de la république, qui a mené une enquête là-
9 dessus en 2001.
10 Est-ce que nous pouvons passer à huis clos partiel un instant s'il vous
11 plaît ?
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
14 [Audience à huis clos partiel]
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11 [Audience publique]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
13 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, je vais maintenant aborder la
14 question de Ramljane. Là encore, à la différence de l'événement de Grubori
15 et de la veille, Markac arrive à Ramljane. Hier, je me suis fondé sur la
16 déposition de Janic, et j'ai dit que, en tant que commandant responsable,
17 il s'est penché sur Ramljane. Il a décidé qu'il n'y avait pas lieu de
18 prononcer des mesures disciplinaires.
19 Ce que je n'ai pas dit et que je n'ai pas repris dans la déclaration
20 de Janic, ligne 23 de la page 6193 jusqu'à la page 6194, c'est la partie où
21 il dit :
22 "Plus tard, avant le départ ou avant qu'on se sépare, le général," et
23 là, il parle du général Markac, "m'a dit qu'il fallait que je vérifie
24 toutes ces informations, qu'il fallait que j'interroge le commandant de
25 l'unité Lucko et d'autres commandants afin de vérifier si les rapports
26 étaient véridiques. Après ces entretiens, j'ai pu conclure qu'effectivement
27 c'est ce qui s'était passé."
28 Le bureau du Procureur affirme maintenant que le contrôle interne au
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1 sein de la police spéciale a été la source de l'information. Donc Markac
2 savait à 5 heures le 25 août que cinq des six «unités de la Police
3 spéciale, qu'une des -- que sur les cinq Unités de la Police spéciale, il y
4 avait l'Unité de Lucko qui se trouvait à Grubori. C'est à cause de cela
5 qu'il n'aurait pas dû envoyer Lucko, donc l'Unité Lucko à Ramljane. Il n'y
6 a pas d'élément de preuve montrant où s'est trouvé le général Markac la
7 journée du 25 août. Etait-il à Gracac, était-il ailleurs ? Donc il n'y a
8 pas de raison pour lui d'appeler Sacic pour qu'il se rende là-bas s'il sait
9 déjà que c'est l'Unité Lucko qui y est allée. Donc, pourquoi est-ce qu'il
10 demanderait à Sacic d'y aller pour apprendre ce qui s'est passé ? Donc,
11 l'Accusation n'a toujours pas démontré au-delà de tout doute raisonnable
12 que Markac savait que Lucko s'était trouvé à Grubori avant qu'il n'y ait
13 l'opération de Ramljane du train de la liberté.
14 Alors, parlons maintenant un instant de Gracac.
15 Hier -- ou plutôt, il y a deux jours, M. Russo a dit que lorsqu'il
16 s'est référé à la déposition de Janic, il s'est fondé sur ce qu'il dit de
17 Gracac et des cibles à Gracac, mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas de cela
18 qu'il s'agit. Je vous ai montré la transcription de laquelle il parle. Donc
19 Janic se réfère à Gracac à un autre endroit, et la référence adéquate est
20 la page 6355 à 56. Et en ligne 19, on demande à M. Janic :
21 "Au mieux de vos souvenirs, est-ce que vous pouvez nous dire quelle
22 était la situation dans la ville pendant que vous y étiez ? Donc, est-ce
23 qu'il y a eu des dégâts sur les bâtiments ? Et dites-le en quelques phrases
24 brièvement."
25 Il répond :
26 "Je suis entré à Gracac et je peux vous confirmer que la ville était
27 intacte. Il n'y avait pas de dégâts causés par l'artillerie. Il n'y avait
28 pas de combat. Il n'y a pas eu de combat pour cette ville. Par conséquent,
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1 il n'y avait pas de raison. Je sais qu'il y avait quelques dépôts
2 militaires près de la ville qui étaient des cibles légitimes, mais la ville
3 elle-même ne constituait pas une cible, et il n'y a pas eu de combat à
4 l'intérieur de la ville. Donc il n'y a pas eu de tirs d'artillerie sur la
5 ville. Alors M. Janic ne parle pas de cibles militaires dans la ville. Ce
6 qu'il dit c'est que la ville n'a pas été une cible, n'a pas été prise pour
7 cible. Donc il y a une très grande différence entre les deux. Nous avons la
8 déposition de M. Janic, où il dit, il n'y a pas eu de tirs d'artillerie
9 dirigés sur la ville. Je le cite, parce que l'Accusation critique les
10 différents ordres qui ont été émis, en disant que les villes ont été prises
11 pour cible.
12 Bien sûr, nous avons les citations qui ont été faites de la
13 déposition de M. Turkalj, mais voyons maintenant ce que l'on trouve, page
14 26 257 :
15 "Avez-vous vu des cratères dus au pilonnage, à différents endroits,
16 que dit M. Steenbergen ?"
17 "Non, j'ai vu plusieurs cratères aux intersections à l'extérieur de
18 la ville. Pour ce qui est de la ville elle-même, je ne me souviens pas d'en
19 avoir vu."
20 Nous avons eu aussi M. Vurnek, qui était le témoin de la Défense.
21 Puis un autre témoin de la Défense, M. Vitez, page du compte rendu
22 d'audience 25 988 et 989, à Gracac :
23 "Pour autant que je m'en souvienne, il y a eu des destructions mais
24 qui dataient il y a longtemps, puisque la végétation a déjà poussé, dans
25 les ruines, je ne me souviens pas d'autres dégâts."
26 Puis nous avons aussi un autre témoignage, page 25 375 et 376, ainsi
27 que le Témoin Turkalj, une référence que je n'ai pas citée, hier, qui dit
28 page 13 772 :
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1 "J'ai été étonné de voir qu'il n'y avait pas de civils dans là-bas."
2 Il se réfère à Gracac. C'était déjà dit qu'il y a eu très peu d'obus qui
3 sont tombés sur Gracac, c'est parce qu'il y avait très peu de cibles à
4 Gracac. Je vais établir un parallèle, je me suis trouvé dans Karlovac,
5 lorsque des centaines, des milliers de projectiles sont tombés dessus, et
6 la population n'a jamais quitté, les gens sont toujours restés sur place.
7 Donc les déplacements de la population ne doivent pas être en corrélation
8 directe avec les activités de pilonnage, du moins ce n'est pas la
9 conclusion à laquelle j'ai pu arriver lorsque j'ai vu des situations de
10 pilonnage, de notre côté."Le Témoin Herman, un témoin de la Défense
11 également, je vous renvoie aux pages du compte rendu d'audience 26 435, 436
12 où il parle de la rue principale qui entre dans Gracac, il dit qu'elle
13 était en bonne condition.
14 Donc s'agissant des références au témoignage et portant sur Gracac,
15 alors soit il n'y a pas de référence soit ces références ont été
16 complètement mal interprétées par l'Accusation.
17 Enfin suite aux propos proférés par Me Mikulicic, j'ai prononcé
18 quelque remerciement, je tiens à vous remercier en tant que Défenseur. Je
19 rejoins enfin Me Mikulicic, à vous demander de prononcer l'acquittement de
20 notre client, puisque l'Accusation n'a pas prouvé sa thèse au-delà de tout
21 doute raisonnable.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kuzmanovic.
23 M. TIEGER : [interprétation] Un petit point technique; est-ce que vous
24 souhaitez que les cliches soient fournis, les clichés que nous avons
25 présentés aujourd'hui ? Nous les avons mais je m'en remets à vous.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors s'il y a des parties qui
27 souhaitent obtenir ces clichés, la Chambre souhaiterait recevoir le même
28 type d'exemplaire que la partie concernée aura demandé.
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1 Nous n'avons pas encore terminé; cependant, je dois obtenir quelques
2 précisions.
3 Avant cela, Maître Akhavan, le silence doit-il signifier, il se peut que je
4 n'aie pas relevé quelque chose, à savoir; avez-vous répondu explicitement à
5 l'argument Hadzihasanovic qui a été soulevé par M. Tieger ? Est-ce que la
6 nature du conflit peut jouer un rôle quelconque, a donc le rôle qui a été
7 pris en compte dans l'affaire Hadzihasanovic ou est-ce que ce n'est pas le
8 cas; est-ce que vous souhaitez en parler ?
9 [Le conseil de la Défense se concerte]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous comprendrez mon hésitation.
11 M. AKHAVAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, tout d'abord,
12 l'affaire Hadzihasanovic ne concernait pas la portée avec laquelle il est
13 possible -- la portée dans laquelle il est possible d'invoquer cette
14 opposition, entre un conflit international et ce qui a été distingué dans
15 l'affaire Tadic. J'ai examiné ce qui a été allégué en application de
16 l'article 73, mais la Chambre d'appel stipule explicitement que pour
17 pouvoir invoquer la création d'un quelconque conflit armé international, et
18 s'appuyer sur une telle caractérisation, il faut qu'il soit explicitement
19 formulé et retenu en chaque dans l'acte d'accusation. Si donc le Procureur
20 souhaite s'appuyer sur la caractérisation de conflit armé international, et
21 invoquer la compétence du tribunal à cet égard, il doit en faire une
22 mention explicite dans l'acte d'accusation. C'est cela qui pose problème.
23 Malheureusement, je n'ai pas eu suffisamment de temps pour invoquer
24 également les éléments qui sont présents dans l'affaire Dragomir Milosevic
25 de 2005. Donc nous nous inscrivons en faux par rapport à ce qui a été
26 avancé évidemment.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. J'ai compris à partir ce qu'a
28 dit M. Tieger qu'il ne s'appuyait pas sur les éléments que vous avez
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1 distingués; mais c'est plus clair pour moi.
2 Alors encore une autre question. Vous avez parlé de la commission
3 frontalière Eritrea-Ethiopie; est-ce que vous conviendrez que la façon dont
4 vous avez présenté cet élément était assez isolée. Il s'agissait de
5 l'expulsion et de l'autorité dont dispose un état pour expulser des
6 étrangers hostiles. Vous vous êtes appuyé sur la version de 1996; est-ce
7 que vous conviendriez qu'il s'agit là d'une question bien plus complexe que
8 ce qui peut en transparaître dans l'étude datée de 2006, et que cela
9 dépasse largement la présentation que vous avez pu en faire.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il n'est pas nécessaire que votre
11 micro soit branché pendant que je parle.
12 Est-ce que vous conviendriez avec moi que du point de vue des Juges de la
13 Chambre, il serait nécessaire d'avoir une approche un petit peu plus
14 équilibré et plus contextualisé [phon] de cette question. Si vous
15 considérez qu'il est nécessaire de se pencher sur ce point, qui soit dit en
16 passant est un argument qui semble être plutôt secondaire dans votre
17 présentation, puisque le fait que la Croatie ait disposé d'une telle
18 autorité n'était pas la raison du départ des Serbes.
19 M. AKHAVAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous n'évoquions
20 pas cette autorité pour justifier quoi que ce soit. L'Accusation s'appuie
21 sur une politique qui aurait soi-disant -- consistait à empêcher tout
22 retour massif et immédiat. L'étude de droit international et l'étude de la
23 Commission du Droit international sur lequel vous vous référez est
24 évidemment pertinente, tout comme l'étude préparée par le secrétariat
25 préalablement qui avait été présenté au préalable à la Commission du Droit
26 international.
27 Je m'y suis référé dans ma présentation brièvement parce que le droit
28 coutumier stipule que les résidents de l'Etat successeur doivent avoir un
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1 droit de citoyenneté dans cet Etat, au moins dans les cas où ils
2 deviendraient impatride [phon].
3 Alors, en l'espèce, vous avez affaire à une rébellion armée contre
4 l'Etat concerné, et ceux qui ne soutiennent pas cette rébellion armée,
5 n'avaient pas la citoyenneté croate, ne souhaitaient l'obtenir. Ils étaient
6 impliqués dans un conflit armé, et l'occupation d'un Etat non reconnu par
7 la RSFY.
8 Dans ces circonstances, ce que nous avançons, c'est qu'il est tout à
9 fait clair qu'en dehors du fait que ces étrangers hostiles avaient le
10 droit, enfin la question de savoir s'ils avaient le droit de demander ou
11 non la citoyenneté croate, et je ne parle pas de ma connaissance
12 personnelle de ce type de situation, mais ce qui s'est passé, en réalité,
13 c'est que -- ce qui est pertinent c'est ce qu'il est advenu de ceux qui
14 voulaient obtenir la citoyenneté croate. Mais --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous demande pas de comparer avec
16 le cas de la Commission Eritrea-Ethiopie, vous vous êtes référé dans votre
17 présentation orale. Je me demandais juste ce que cette référence à des
18 événements vieux de 14 ans devaient représenter, est-ce qu'il y avait là
19 des principes directeurs à suivre, mais vous nous dites qu'il s'agissait là
20 d'une situation encore plus claire. Donc c'est maintenant plus précis.
21 Une question pour Me Mikulicic maintenant.
22 Maître Mikulicic, concernant la compétence vous avez la chose suivante,
23 vous parliez de conflit armé, et vous avez dit :
24 En vous référant à l'IRA, à l'ETA, vous avez dit que :
25 "Ces groupes étaient plutôt bien organisés hiérarchiquement. Et que
26 dans certains cas ils avaient même contrôlé des portions du territoire. A
27 savoir que certains éléments étaient même présents qui étaient susceptibles
28 de satisfaire le critère au terme du droit international coutumier pour que
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1 ce soit satisfaite la définition d'un conflit armé."
2 Je termine la citation de vos propos pour reprendre ensuite ce que vous
3 avez dit :
4 "Cependant, il ne s'est jamais produit, on n'a jamais assisté à une
5 situation dans laquelle un Tribunal international aurait vu sa compétence
6 confirmée," ceci a ensuite été suivi par, je cite :
7 "De même la compétence des tribunaux nationaux n'a jamais été remise en
8 question."
9 Cette dernière remarque suggère que, s'il y a conflit armé, les tribunaux
10 nationaux perdraient; s'il y avait un conflit armé, les tribunaux nationaux
11 perdraient la compétence qui est la leur - et c'est là l'objet de ma
12 question - ces tribunaux peuvent-ils exercer leur compétence en fonction de
13 la question de savoir s'il y a ou non conflit armé, alors, bien entendu,
14 cela dépend de la nature des crimes qui sont portés à leur connaissance
15 est-ce que ces crimes comprennent également des crimes contre l'humanité ou
16 non.
17 Est-ce que vous conviendrez que cette dernière remarque qui était la vôtre,
18 à savoir que la compétence des tribunaux nationaux n'auraient jamais été
19 remise en cause était exactement -- bien que c'était exactement cela que
20 cela signifiait ?
21 M. MIKULICIC : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec votre
22 interprétation et il n'était pas du tout de mon intention de susciter cette
23 question. De mon point de vue, il est tout à fait évident que les tribunaux
24 nationaux avaient et ont compétence indépendamment de la question de savoir
25 si l'on est en présence ou non d'un conflit armé. En fait, si les tribunaux
26 nationaux avaient fait leur travail en l'espèce, je suppose que nous
27 n'aurions pas à être réunis tous ici aujourd'hui.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci pour cette précision.
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1 Nous allons conclure à ce stade. Je souhaite me joindre aux remarques et
2 remerciements exprimés par les parties, remerciements adressés aux
3 techniciens, aux interprètes, aux sténotypistes pour le travail qui a été
4 les leurs, ainsi qu'au greffe. Qui tous autant qu'ils sont ont rendu
5 possible la tenue de ce procès qui nous a occupé pendant assez longtemps.
6 Je souhaite ajouter également les remerciements de la Chambre aux parties
7 parce qu'une Chambre de première instance si elle n'est pas aidée par tout
8 l'engagement et la détermination dont peut faire preuve les parties dans
9 une affaire se trouve paralysée dans son action. Car c'est grâce aux
10 parties également dans une large mesure que la Chambre de première instance
11 est en mesure de s'acquitter des tâches qui sont les siennes, et c'est
12 pourquoi je souhaite adresser mes remerciements et les remerciements des
13 Juges de la Chambre aux parties.
14 Nous allons bientôt lever l'audience. La Chambre n'a pas oublié qu'une
15 requête de la Défense Gotovina est toujours pendante qui ne requiert;
16 cependant, pas de réponse immédiate. En fonction de la suite des événements
17 et des délibérations, il pourra être déduit la réponse à cette question
18 pourra être connue, à savoir est-ce que la Chambre fait ou non droit à
19 cette requête ?
20 La Chambre lève -- je lève donc l'audience sine die, et le jugement sera
21 rendu en temps voulu.
22 --- L'audience est levée à 13 heures 53, sine die.
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