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1 Le lundi 14 mai 2012
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [Les appelants sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
7 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.
9 Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
11 Il s'agit de l'affaire IT-06-90-A, le Procureur contre Ante Gotovina et
12 Mladen Markac.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
14 Monsieur Gotovina, est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous
15 comprenez ?
16 L'APPELANT GOTOVINA : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
18 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]
19 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
20 L'APPELANT CERMAK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
21 [La Chambre d'appel et le Greffier se concertent]
22 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
23 M. KEHOE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Gregory Kehoe,
24 ainsi que M. Luka Misetic, Me Mettraux et Payam Akhavan représentant les
25 intérêts d'Ante Gotovina.
26 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
27 [La Chambre d'appel et le Greffier se concertent]
28 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
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1 M. MIKULICIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, et bonjour à
2 tous et à toutes en dehors du prétoire.
3 Je m'appelle Me Mikulicic. A ma gauche se trouve M. Tomislav Kuzmanovic, et
4 derrière moi, Me John Jones ainsi que M. Kai Ambos. Et nos assistants
5 juridiques, David Gault et Cameron Russel, qui sont à notre droite, et
6 notre commis à l'affaire.
7 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
8 M. STRINGER : [interprétation] M. Stringer, je représente l'Accusation. Je
9 suis accompagné ce matin par mes collègues - qui se trouvent de gauche à
10 droite - M. Matthew Cross, Helen Brady ainsi que Saeeda Verral. Notre
11 commis à notre l'affaire est Colin Nawrot.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Appel de la décision rendue par la
13 Chambre de première instance le 15 avril 2011 par la 1ère Chambre de
14 première instance. D'après l'ordonnance portant calendrier délivrée le 4
15 avril 2012, la Chambre d'appel va entendre l'affaire en l'espèce.
16 Je vais résumer les éléments de l'appel et vous dire comment nous allons
17 procéder aujourd'hui.
18 Dans l'affaire qui nous intéresse, la responsabilité de M. Gotovina et M.
19 Markac sont mises en cause pour les crimes commis dans la région de
20 Krajina, en Croatie, au moment où des actions militaires nommées opération
21 Tempête étaient menées, et ceci s'est déroulé en août 1995. Pendant la
22 période couverte par l'acte d'accusation, M. Gotovina était lieutenant
23 général dans l'armée croate et commandait la Région militaire de Split.
24 M. Markac était assistant du ministre de l'Intérieur et commandait la
25 police spéciale de Croatie.
26 La Chambre de première instance a constaté que M. Gotovina et M. Markac
27 étaient tous deux membres de l'entreprise criminelle commune et
28 souhaitaient réaliser l'objectif commun, à savoir de déplacer de façon
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1 permanente la population civile serbe de la région de Krajina par la force
2 ou sous la menace de la force.
3 MM. Gotovina et Markac ont tous deux été condamnés au terme de l'entreprise
4 criminelle commune pour incitation et pour avoir expulser la population en
5 tant que crimes contre l'humanité, forme d'entreprise criminelle commune
6 accusée de persécutions en tant qu'actes inhumains et crimes contre
7 l'humanité et de pillage, et en tant que membres de cette entreprise
8 criminelle commune, de s'être livrés à des pillages de biens privés, de
9 destruction sans motif, de meurtre et de traitement cruel en tant que
10 violations des lois et coutumes de la guerre.
11 La Chambre de première instance a condamné M. Gotovina à une seule peine
12 d'emprisonnement de 24 ans. M. Markac a été condamné à une peine de 18 ans.
13 M. Markac [comme interprété] a demandé à ce que la Chambre d'appel annule
14 l'ensemble des condamnations. Au premier motif, il conteste la constatation
15 de la Chambre de première instance à savoir que les attaques d'artillerie
16 contre la population civile étaient illégales et contre des biens de
17 civils.
18 Au chef numéro 2, il conteste les constatations de la Chambre de première
19 instance indiquant que les attaques illégales avaient pour but de déplacer
20 par la force les civils serbes.
21 Aux chefs 3 et 4, il conteste les constatations de la Chambre de première
22 instance indiquant qu'une entreprise criminelle commune existait et qu'il
23 était responsable individuellement pour les crimes qu'il avait commis dans
24 le cadre de l'entreprise criminelle commune.
25 La réponse de l'Accusation est la suivante : M. Gotovina, tous ses motifs
26 d'appel doivent être rejetés.
27 M. Markac présente huit motifs d'appel, il conteste toutes les
28 condamnations et demande à la Chambre d'appel d'annuler ces condamnations
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1 dans leur intégralité ou, subsidiairement, que sa peine soit réduite.
2 Au premier motif, il conteste les constatations de la Chambre
3 de première instance indiquant que l'entreprise criminelle commune existait
4 et qu'il en était un membre, et qu'il était donc individuellement
5 responsable des crimes qui lui étaient attribués dans le cadre de
6 l'entreprise criminelle commune.
7 Aux motifs 2, 3 et 5, il met en cause les constatations de la Chambre de
8 première instance eu égard au rôle joué par le police spéciale dans la
9 destruction et le pillage de Gracac, de Donji Lapac, et pour avoir
10 planifier des meurtres au point 10.
11 Au motif numéro 8, il conteste les constatations de la Chambre de première
12 instance eu égard à l'expulsion et au déplacement forcé.
13 Au chef numéro 8 [comme interprété], il conteste les constatations de la
14 Chambre de première instance indiquant qu'un conflit armé international
15 n'existait pas pendant toute la période de l'acte d'accusation.
16 Et pour finir, au motif numéro 12, il conteste sa peine.
17 L'Accusation a répondu en indiquant que tous les motifs de l'appel de M.
18 Markac doivent être rejetés dans son addendum à l'ordonnance portant
19 calendrier aux fins de cette audience qui est délivré. Le 23 avril 2012, la
20 Chambre d'appel a demandé aux parties d'évoquer ces questions en citant les
21 archives :
22 1, à savoir si la Chambre de première instance a commis une erreur en
23 appliquant ce critère d'une distance de 200 mètres lorsque la Chambre a
24 analysé le caractère légal des pilonnages par l'artillerie.
25 Au point 2, à savoir si les conclusions de la Chambre de première instance
26 concernant l'impact que ces tirs d'artillerie ont eu sur différents sites
27 doivent être retenues et si on doit appliquer ce critère des 200 mètres, à
28 savoir s'il s'agit d'une erreur ou pas.
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1 Au point 3, à savoir si ces attaques illégales ont eu lieu ou non et qu'il
2 faut retenir cet élément-là dans les conclusions de la Chambre eu égard aux
3 sites où ont été retrouvés les impacts, à savoir si ceci est une erreur ou
4 si les constatations de la Chambre de première instance, à savoir qu'il
5 existait réellement un entreprise criminelle commune, si ceci doit être
6 retenu, à savoir si les conclusions de la Chambre sont erronées ou non eu
7 égard aux attaques illégales de l'artillerie.
8 Pendant toute la durée de l'audience, les parties pourront soumettre les
9 arguments par rapport aux motifs de l'appel dans un ordre qu'ils jugent
10 approprié.
11 Cependant, j'enjoins les conseils de ne pas répéter littéralement ou de
12 résumer les arguments déjà présentés dans leurs mémoires.
13 La Chambre d'appel connaît ces arguments.
14 De surcroît, nous demanderons aux parties de citer des références
15 très précises eu égard à leurs arguments oraux.
16 Je remarque qu'il existe des éléments de preuve dans cette affaire qui
17 n'ont pas encore été versés au dossier. J'encourage les parties à ne pas
18 citer ces documents-là. Si de tels documents doivent être cités, je demande
19 à ce que les parties indiquent très clairement de quoi il s'agit et de
20 préciser si oui ou non ces documents ont été versés au dossier.
21 Et je réitère qu'un appel n'est pas un procès de novo et que les parties
22 doivent s'abstenir de présenter leur thèse comme elles l'ont fait pendant
23 le procès.
24 Les arguments doivent s'en tenir à des erreurs de droit qui invalident le
25 jugement rendu par la Chambre de première instance ou qui mettent en
26 exergue des erreurs présumées de fait qui auraient pu conduire à une erreur
27 judiciaire.
28 Nous allons donc procéder comme suit : nous allons tout d'abord entendre
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1 les arguments du conseil de M. Gotovina pendant une heure et 30 minutes.
2 Après une pause de 15 minutes, l'Accusation répondra pendant une heure et
3 30 minutes. Suite à une deuxième pause de 15 minutes, le conseil de M.
4 Gotovina aura 30 minutes pour répliquer.
5 Dans l'après-midi, nous allons reprendre à 14 heures 10 et nous entendrons
6 les arguments des parties dans le cadre de l'appel de M. Markac. Il y aura
7 peut-être des déclarations personnelles de la part de M. Gotovina et de M.
8 Markac.
9 Les parties vont présenter les arguments de façon précise et concise. Les
10 Juges, bien évidemment, pourront intervenir et interrompre les parties à
11 tout moment pour leur poser des questions ou pourront poser des questions à
12 la suite des arguments présentés par les parties ou à la fin de l'audience.
13 Après avoir indiqué de quelle façon nous allons procéder, je souhaite
14 inviter le conseil de M. Gotovina à présenter son appel. Et je souhaite
15 rappeler aux parties que nous avons un calendrier très strict aujourd'hui,
16 et je remercie les parties de bien vouloir s'en tenir au temps qui leur a
17 été alloué.
18 Monsieur le Conseil de M. Gotovina, veuillez prendre la parole, s'il
19 vous plaît.
20 M. KEHOE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Encore une fois, je m'appelle Gregory Kehoe. Je vais présenter
22 l'argument principal concernant M. Gotovina, les points 1 et 2, par rapport
23 aux questions qui ont été demandées par la Chambre d'appel.
24 Ensuite, je donnerai la parole à Me Misetic, qui abordera les points 3 et
25 4.
26 Et pour finir, Me Akhavan terminera notre présentation avec quelques brèves
27 remarques.
28 Monsieur le Président, en ce qui concerne -- ou plutôt, avant de répondre
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1 aux questions qui ont été posées par la Chambre d'appel et par la Chambre
2 de première instance, nous aimerions faire un résumé succinct de l'affaire
3 et dire quelles, exactement, étaient les constatations de la Chambre de
4 première instance par rapport aux Serbes qui ont quitté la région de
5 Krajina.
6 La Chambre de première instance a conclu que les civils serbes sont partis
7 pour des raisons qui étaient indépendantes d'un comportement légal de la
8 part de HV dans quatre villes à l'exception de celles qui sont citées dans
9 l'acte d'accusation. A savoir, Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac. Les
10 motifs pour lesquels la Chambre de première instance a cité ces villes dans
11 le cadre de départ de civils, à l'exception de ces quatre villes, se
12 trouvent au paragraphe 1 754, 1 755 et 1 762 du jugement de la Chambre de
13 première instance. On y trouve les informations suivantes : des
14 informations fournies par les unités de la SVK ou des comités locaux de
15 l'armée serbe de Krajina, le départ d'autres personnes et les craintes
16 lorsque les Croates et le HV arriveraient, la crainte de la violence
17 communément associée à des conflits armés et des craintes généralement
18 ressenties en raison de la présence les forces croates et la méfiance par
19 rapport aux autorités croates. Le dernier motif présenté par la Chambre de
20 première instance concernait le fait que des représentants officiels de la
21 RSK disaient aux habitants de quitter les autres endroits, et ce, le 4 août
22 1995.
23 Alors, dans quelle mesure la Chambre de première instance a constaté que
24 les quatre motifs pour un départ vers d'autres endroits ne pouvaient
25 constituer une explication raisonnable pour la raison pour laquelle ces
26 personnes avaient quitté ces quatre villes en question ? Pourquoi ? Parce
27 que ces attaques d'artillerie soi-disant illégales qui avaient pour but de
28 prendre pour cible des zones civiles, et ce, à dessein, à partir desquelles
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1 la Chambre de première instance en a conclu que le général Gotovina avait
2 donné l'ordre que ces attaques indiscriminées soient menées contre ces
3 quatre villes. Cette constatation constituait-elle véritablement une
4 explication raisonnable de ces éléments de preuve ?
5 Alors je vais aborder quelques points. La Chambre de première instance a
6 les éléments de preuve qui lui ont été présentés : 95 % des cas, on a dit
7 que les projectiles ont été tirés à Knin et que les objectifs militaires
8 ont été pris pour cible. Je souhaite enjoindre la Chambre d'appel de se
9 tourner vers l'annexe 1, la réponse de l'appelant à la requête de
10 l'Accusation qui souhaitait supprimer cette partie-là du mémoire en
11 réplique de l'appelant, déposée devant la Chambre d'appel le 7 octobre
12 2011. Les statistiques se trouvent à la page 2.
13 Les enquêtes menées par la communauté internationale et les observateurs
14 militaires des Nations Unies ont constaté que les attaques avaient un
15 caractère hautement professionnel et étaient concentrées sur des cibles
16 militaires. Aucune enquête sur le terrain n'a été conclue ou n'a permis de
17 dire que des conclusions contraires ont été constatées, ce qui laisse
18 entendre qu'il s'agirait d'une attaque illégale. Je demande aux Juges de la
19 Chambre de se reporter à la pièce de l'Accusation P64, une évaluation
20 provisoire par les observateurs militaires des Nations Unies, suivie par
21 une évaluation définitive. Ceci est conforme à l'évaluation dite
22 professionnelle, tel que cela a été confirmé de l'Accusation, Alun Roberts,
23 c'est le chef des services de Renseignements des Nations Unies. Et ceci a
24 été confirmé aux pages du compte rendu d'audience 7 081 et 7 082 du compte
25 rendu d'audience en l'espèce.
26 La Mission d'observation européenne n'a pas évoqué les attaques illégales
27 lorsqu'elle a parlé des événements en Krajina les 4 et 5 août 1995. Ce qui
28 est encore plus important, aucune constatation n'a permis de conclure qu'un
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1 civil a été tué ou blessé et qu'aucun civil serbe n'a pu être identifié
2 comme tel, qui aurait pu prétendre avoir quitté la Krajina parce qu'il
3 avait peur du pilonnage, à savoir si c'était légal ou illégal --
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pardonnez-moi. Mon collègue, le Juge
5 Patrick Robinson, souhaite prendre la parole.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je souhaite vous demander sur cette
7 partie de votre déclaration. Vous avez posé la question de savoir si
8 c'était la seule constatation raisonnable que la Chambre de première
9 instance aurait pu faire.
10 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Autrement dit, vous laissez entendre
12 que s'il y avait des constatations autres que raisonnables, la Chambre
13 d'appel pourrait constater que la Chambre de première instance avait commis
14 une erreur.
15 M. KEHOE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Juge. S'il n'y a pas
16 d'explication raisonnable des éléments de preuve qui s'accorde avec
17 l'innocence de l'accusé, dans ce cas la Chambre d'appel devrait constater
18 que nos clients ne sont pas coupables et annuler le jugement rendu par la
19 Chambre de première instance.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Même si la constatation de la
21 Chambre de première instance est raisonnable.
22 M. KEHOE : [interprétation] Au terme de la loi, s'il y a une explication
23 raisonnable pour ces éléments de preuve et, dans le cas qui nous intéresse,
24 coïncide avec son innocence, dans ce cas la Chambre d'appel doit constater
25 que nos clients ne sont pas coupables.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais vous demander de m'indiquer
27 quels sont les autres éléments de preuve à l'appui.
28 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Merci.
2 M. KEHOE : [interprétation] Nous allons donc poursuivre notre présentation,
3 Monsieur le Juge Robinson, et nous allons aborder certains de ces points-
4 là. Au fur et à mesure, nous répondrons aux questions posées par la Chambre
5 d'appel.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Robinson.
7 Monsieur Kehoe, vous pouvez poursuivre.
8 M. KEHOE : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Président.
9 Comme je l'ai indiqué, ce qui est encore plus important, aucune
10 constatation n'a permis de dire que des civils ont été tués ou blessés et
11 que des civils serbes ont pu être identifiés qui auraient prétendu avoir
12 quitté la Krajina en raison de leur crainte du pilonnage, que ceci ait été
13 légal ou illégal.
14 En conclusion, je vais parler de ce que nous avons conclu à partir de ces
15 questions-là. La Chambre d'appel [comme interprété] a agi de façon
16 déraisonnable lorsqu'elle a inclus dans ses motifs le départ et que la
17 Chambre a constaté qu'il y avait d'autres régions de Krajina dont ces
18 personnes sont parties auxquelles on n'a pas pu attribuer un comportement
19 illégal de la part de l'armée croate, et on n'aurait pas pu constater qu'il
20 s'agissait là d'une explication raisonnable des éléments de preuve
21 présentés eu égard à ces quatre villes qui sont en cause ici.
22 Messieurs les Juges, nous vous remercions pour les questions posées par la
23 Chambre, et nous estimons que cela porte sur les points essentiels du
24 jugement rendu par la Chambre de première instance, à savoir s'il s'agit là
25 d'un fondement suffisant permettant de prendre en compte cette notion
26 arbitraire des 200 mètres lorsque la population civile serbe a été prise
27 pour cible.
28 Je vais maintenant parler de la première question à laquelle vous nous avez
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1 demandé de répondre.
2 Première question : alors la Chambre de première instance a commis une
3 erreur lorsqu'elle a appliqué ce critère des 200 mètres pour indiquer que
4 le pilonnage par l'artillerie était légal ou non. La réponse à la question
5 est très simple.
6 Je crois qu'il est important de parler de cette distance et qu'il s'agit
7 d'une erreur parce que la Chambre de première instance en a conclu que
8 cette règle a été appliquée. Il est simple de dire qu'aucun obus tombant
9 dans cette zone de 200 mètres pouvait constituer un objectif militaire
10 connu et avait l'intention de frapper un objectif militaire, parce qu'il
11 s'agit d'"une interprétation raisonnable des éléments de preuve."
12 Messieurs les Juges, il ne s'agit pas d'un critère de marge d'erreur. Une
13 marge d'erreur n'a pas été établie. Il s'agit simplement d'une règle qui a
14 été mise en place par la Chambre de première instance. Si nous avions eu un
15 expert qui aurait pu parler de la marge d'erreur, à ce moment-là il aurait
16 fallu prendre en cause un nombre très important de critères, comme par
17 exemple les tirs qui seraient tombés à l'extérieur de cette marge d'erreur,
18 et ensuite on aurait pu dire pourquoi ces tirs seraient tombés à
19 l'extérieur. Ceci aurait été dû à l'erreur humaine ou à des informations
20 erronées et, donc, qui auraient indiqué que ces tirs auraient été à
21 l'extérieur de cette marge d'erreur. Donc il suffit de dire que cette règle
22 qui a été appliquée, cette règle de 200 mètres, n'est pas une marge
23 d'erreur.
24 Et pourquoi s'agit-il d'un critère erroné au terme duquel les tirs
25 d'artillerie ont été analysés ? Et comment et pourquoi est-ce que la
26 Chambre de première instance a commis une erreur en utilisant cette norme,
27 ce critère ? Premièrement, je vous dirais que la première erreur commise
28 par la Chambre de première instance vient du fait qu'elle n'a pas expliqué
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1 pourquoi il fallait mener à bien une analyse des lieux où se trouvent les
2 impacts d'obus afin de déterminer l'intention qui sous-tendait l'ordre
3 d'attaque donné par le général Gotovina. Comme je l'ai indiqué très, très
4 brièvement auparavant, la Chambre de première instance disposait d'éléments
5 de preuve qui se trouvaient dans les documents de la HV suivant lesquels au
6 moins 95 % de tous les tirs ont été tirés avec comme objectif la
7 suppression ou l'attaque contre les objectifs militaires tout à fait
8 légitimes. Cela aurait dû suffire pour que la Chambre détermine qu'il y
9 avait une explication raisonnable des éléments de preuve qui correspondait
10 tout à fait à l'affirmation de la Défense suivant laquelle l'ordre donné
11 par le général Gotovina n'était pas un ordre d'attaque illégale, mais a
12 plutôt été interprété en tant que tel comme ordre pour attaque illégale. Et
13 c'est exactement ce qu'a témoigné lors de sa déposition le chef
14 d'artillerie du général Gotovina, M. Marko Rajcic, dont la déposition a été
15 corroborée par les registres d'artillerie de la HV. Et qu'en est-il des
16 morts et de la destruction ? Car la Chambre n'a pas absolument pas conclu
17 qu'il y avait eu des morts de civils ou des blessures de civils dans les
18 quatre villes touchées par les obus. Il n'y avait pas d'éléments de preuve
19 non plus à propos de destructions larges et importantes d'objets à
20 caractère civil. Par conséquent, la Chambre de première instance n'a pas
21 expliqué pourquoi, au vu de ces conclusions, elle a pensé qu'il était
22 judicieux d'étudier les sites ou les lieux d'impact afin de déterminer
23 l'intention qui sous-tendait l'ordre donné par le général Gotovina ou
24 pourquoi elle a eu besoin de mettre au point une méthodologie qui
25 s'appuyait sur la mesure de la distance entre les lieux d'impact et les
26 objectifs militaires connus.
27 Ce qui nous amène à la deuxième erreur commise par la Chambre de première
28 instance, à savoir cette règle des 200 mètres qui ne s'appuie sur aucun
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1 élément de preuve. Cela n'a jamais été présenté lors du procès. Cela n'a
2 même pas été une question qui aurait été abordée ou analysée. Absolument
3 pas. La Chambre de première instance a déterminé et a fait sienne cette
4 règle des 200 mètres au bout d'une très longue analyse menée sur les
5 éléments de preuve relatifs aux marges d'erreur des systèmes d'armement de
6 la HV, et ce, au paragraphe 1 898 du jugement. Placée dans ce contexte,
7 cette règle des 200 mètres suggère de façon très, très, très claire que la
8 Chambre de première instance essayait d'établir un lien entre ses
9 conclusions relatives aux 200 mètres et son analyse de la marge d'erreur.
10 Mais en fait, ce lien n'a pas été établi. Car si nous reprenons le
11 paragraphe 1 898 du jugement où la Chambre de première instance se penche
12 sur cette marge d'erreur et sur ce critère de la Chambre, d'ailleurs nous
13 voyons qu'il n'y a aucune conclusion. Par exemple, la Chambre de première
14 instance cite la déposition de M. Konings, qui indique que pour un obus de
15 155 millimètres [comme interprété] tiré à une distance de 14,5 kilomètres,
16 la marge d'erreur serait pour la portée 55 mètres, auquel il faut ajouter
17 60 mètres supplémentaires pour chacun des quatre paramètres suivants :
18 notamment la vitesse initiale, la vitesse de l'air, la température ainsi
19 que la densité.
20 Il faut savoir, en fait, quelles sont les armes dont parlait M.
21 Konings, car il n'y avait pas d'obus de 155 mètres qui ont été utilisés. Je
22 pense en fait qu'il s'agissait d'un T-130.
23 Mais si la Chambre de première instance avait accepté le critère de M.
24 Konings, elle aurait, pour un obus de 155 mètres, envisagé une marge
25 d'erreur allant jusqu'à 295 mètres. Voilà les observations d'ordre général
26 qui ont été avancées par M. Konings.
27 Or, pour le T-130, la distance de tir était de 26 kilomètres. Alors,
28 manifestement, lorsqu'il s'agit d'une distance de 26 kilomètres, la marge
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1 d'erreur aurait dû être beaucoup plus importante. Par conséquent, la
2 Chambre d'erreur [comme interprété] ne s'est pas fondée sur la déposition
3 de M. Konings pour déterminer cette règle des 200 mètres, parce que M.
4 Konings, pour une distance beaucoup plus réduite, avançait déjà une marge
5 d'erreur qui était quasiment de 300 mètres. En fin de compte, la Chambre de
6 première instance a reconnu que l'Accusation n'avait pas su déterminer au-
7 delà de tout doute raisonnable quelle était la gamme des marges d'erreur
8 des systèmes d'armement de la HV. Et l'Accusation, en fait, n'a pas su en
9 présenter les preuves.
10 La Chambre -- en fait, j'aimerais attirer l'attention de la Chambre à la
11 note en bas de page 932, qui figure à la page 965 du jugement, note en bas
12 de page où la Chambre - et j'aimerais que vous puissiez consulter vos
13 écrans - où la Chambre, disais-je, je cite :
14 "Si ces impacts qui se trouvaient à une distance de plus de 700 mètres des
15 cibles d'artillerie avaient été le résultat de l'imprécision des armes
16 d'artillerie utilisées, il aurait fallu encore savoir si ce type d'arme
17 imprécise pouvait être utilisée dans le contexte d'une attaque d'artillerie
18 dirigée contre des cibles bien précises à l'intérieur d'une ville."
19 Manifestement, cette conclusion démontre que la Chambre de première
20 instance ne savait pas quelle était la marge d'erreur pour ces systèmes
21 d'armement.
22 Et je dirais qu'étant donné que l'Accusation n'a pas su démontrer et
23 présenter ces preuves à propos de la marche d'erreur qui devait être
24 retenue, de ce fait la Chambre de première instance aurait dû conclure que
25 l'Accusation n'avait pas pu s'acquitter de la charge de la preuve à propos
26 de la détermination de cette règle de 200 mètres. Cela est assez évident.
27 Je reviens à la note en bas de page 932. Si nous prenons la note en bas de
28 page 932, qui se trouve maintenant sur vos écrans, et cela donc commence au
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1 bas de la page et ensuite se retrouve à la page suivante, la Chambre de
2 première instance indique, et je cite :
3 "En conclusion, la Chambre de première instance a conclu qu'il y avait trop
4 de projectiles qui ont eu un impact dans des zones qui étaient trop
5 éloignées des cibles d'artillerie identifiées et qui se trouvaient
6 disséminées dans Knin pour que les projectiles d'artillerie qui ont eu un
7 impact dans ces zones puissent être considérés comme résultat d'erreurs ou
8 d'imprécisions des tirs d'artillerie de la HV."
9 Si la Chambre de première instance avait été d'avis que la marge d'erreur
10 avait pu être établie comme étant inférieure à 200 mètres, elle l'aurait
11 indiqué comme base permettant d'exclure la possibilité que les obus
12 atterrissent à une distance de plus de 200 mètres.
13 Et nous pouvons, en fait, prendre en considération le dossier, car la
14 Chambre de première instance n'a jamais expliqué pourquoi les 200 mètres
15 avaient une importance si capitale. Il n'y a pas d'élément de preuve que
16 l'on puisse trouver dans le dossier qui justifie le choix de ce critère de
17 200 mètres. Il semblerait donc que la Chambre de première instance a retenu
18 ce critère de 200 mètres de façon arbitraire.
19 Et en dernier lieu, il semblerait que toutes les parties, y compris
20 l'Accusation d'ailleurs, s'entendent et s'accordent pour dire, et je cite,
21 que "La marge d'erreur de 200 mètres est beaucoup trop étroite." Par
22 conséquent, la Chambre de première instance a commis une erreur en
23 déterminant que cette règle des 200 mètres et en l'acceptant alors qu'elle
24 ne peut pas véritablement affirmer que cela corresponde à une marge
25 d'erreur.
26 Il y a une troisième raison que j'avance et par laquelle j'indique que la
27 Chambre de première instance a commis une erreur, puisque l'accusé n'a
28 jamais été informé de cette norme. Au moyen d'appel 1.1.3, il est indiqué
Page 28
1 en fait que la Chambre a adopté ce rayon de 200 mètres autour des objectifs
2 militaires et que c'est une affirmation qui n'a jamais fait l'objet de
3 discussion lors du procès.
4 Donc il faut savoir si cette Chambre de première instance a commis une
5 erreur en utilisant cette distance de 200 mètres pour analyser la légalité
6 des tirs d'artillerie, étant donné qu'il a été démontré que les tirs
7 étaient concentrés sur des cibles militaires. Par conséquent, au vu de
8 cette règle de 200 mètres, il n'y a pas de relation ou de lien entre la
9 marge d'erreur, étant donné que ces 200 mètres correspondent manifestement
10 à une norme tout à fait arbitraire, qui n'a absolument pas fait l'objet de
11 discussion.
12 J'aimerais maintenant en venir à ma deuxième question.
13 Est-ce que les conclusions tirées par la Chambre de première instance eu
14 égard aux lieux d'impact devraient être conservées si l'application ou
15 l'utilisation de cette marge d'erreur de 200 mètres est considérée comme
16 erronée ? Bien entendu, ma réponse sera négative.
17 Car si l'on considère que la règle de 200 mètres est erronée, alors
18 les conclusions tirées par la Chambre de première instance à propos des
19 lieux d'impact doivent également être annulées. Car la Chambre de première
20 instance tire plusieurs conclusions qui ne semblent pas raisonnables et qui
21 se fondent toutes sur l'application erronée de la règle des 200 mètres.
22 Premièrement, je vous dirais que la Chambre de première instance a
23 utilisé cette règle des 200 mètres pour déterminer le caractère civil des
24 "zones civiles où il a été indiqué que des obus sont tombés."
25 La jurisprudence est très claire en la matière, car il revient à
26 l'Accusation de déterminer au-delà de tout doute raisonnable qu'"un objet
27 était destiné à des fins civiles." Et j'attire votre attention sur les
28 paragraphes 111 et 145 de l'arrêt dans l'affaire Blaskic.
Page 29
1 Et là, je vous dirais, Messieurs les Juges, que l'Accusation n'a pas
2 été en mesure de présenter ne serait-ce que le moindre élément de preuve à
3 propos de la présence de civils ou d'objets à caractère civil pour ce que
4 la Chambre appelle les zones civiles, et n'a pas pu non plus présenter
5 d'éléments de preuve pour déterminer que n'importe laquelle de ces zones
6 civiles déterminées par la Chambre était véritablement une zone consacrée à
7 des objectifs civils. En fait, l'Accusation n'a pas déterminé qu'il y a des
8 civils qui auraient été tués ou blessés par ces obus. Il y a très, très peu
9 d'objets à caractère civil qui ont été touchés par ces obus dans les quatre
10 villes en question. Et je dirais en dernier lieu que la Chambre de première
11 instance elle-même n'a pas su tirer de conclusions suivant lesquelles ces
12 zones civiles étaient en fait utilisées à des objectifs civils.
13 Alors, Messieurs les Juges, pourquoi est-ce que cela s'est passé ?
14 Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas eu d'éléments de preuve présentés ? La
15 raison pour laquelle l'Accusation n'a pas su déterminer le caractère civil
16 d'objets ou de zones est parce que, et cela était la thèse de l'Accusation,
17 et je la cite : "Il y avait très peu de cibles militaires ou quasiment
18 aucune cible militaire identifiées."
19 Et je fais référence au paragraphe 31 du mémoire préalable au procès
20 de l'Accusation. L'Accusation a avancé comme thèse que les tirs de la HV
21 contre les villes représentaient une attaque illégale en tant que telle
22 contre les civils parce qu'il n'y avait pas dans ces villes d'objectifs
23 militaires. Par conséquent, à partir du moment où la Chambre de première
24 instance a conclu que la Défense avait, effectivement, établi l'existence
25 de nombreux objectifs militaires, la Chambre de première instance aurait dû
26 tout simplement conclure que l'Accusation n'avait pas pu prouver ce qu'elle
27 avançait. Mais la Chambre de première instance, en fait, ne l'a pas fait.
28 Ce qu'elle a fait, c'est qu'elle a modifié la présentation des moyens
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1 à charge, et ce, à l'avantage de l'Accusation. Par conséquent, là où
2 l'Accusation n'a pas su présenter l'élément de preuve prouvant la nature
3 civile des objets ou des zones dans Knin, parce qu'elle avait adopté la
4 position suivant laquelle toute la ville était une zone civile au vu de
5 l'absence alléguée des objectifs militaires, la Chambre de première
6 instance ensuite utilise sa règle des 200 mètres pour faire deux choses.
7 Elle choisit de traiter de façon tout à fait arbitraire toutes les zones
8 qui se trouvent à l'extérieur des 200 mètres des cibles d'artillerie
9 connues de la HV et indique qu'il s'agit de zones civiles, et puis elle
10 contourne ce qui est indiqué par les articles 51 et 52 du 1er protocole pour
11 déterminer en fait qu'il a bel et bien eu attaque contre des civils ou des
12 objets civils. Au lieu de cela, la Chambre de première instance a inventé
13 le concept des zones civiles, et de ce fait "la Chambre créait des zones
14 que l'on considère comme étant présumées comme ayant un caractère civil."
15 Et quelle fut la conséquence de ceci ? La Chambre de première
16 instance a créé une présomption d'intention criminelle pour tous les obus
17 qui tombent dans une zone civile en faisant fi de savoir s'il s'agit d'un
18 civil ou d'un objet civil qui a véritablement été ciblé.
19 La Chambre de première instance utilise de ce fait la règle des 200
20 mètres pour colmater les brèches de la thèse de l'Accusation, qui
21 d'ailleurs ont été réfutées par la Défense, à savoir qu'il y avait de
22 nombreux objectifs militaires dans les quatre villes en question.
23 A la suite de quoi la Chambre de première instance a accordé le
24 statut civil à toute zone se trouvant à plus de 200 mètres d'un objectif
25 militaire connu. Par exemple, je vous donne à titre d'illustration
26 l'exemple du carrefour à Obrovac qui a été considéré comme une zone civile
27 tout simplement parce qu'il se trouve à plus de 200 mètres d'un objectif
28 militaire connu.
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1 Le dépôt de combustible ferroviaire à Knin est considéré comme zone
2 civile même si la gare ferroviaire à proprement parler est considérée comme
3 un objectif militaire légitime, tout simplement parce que le dépôt se
4 trouvait trop loin d'un objectif militaire connu. Alors il s'agit de savoir
5 si le dépôt de combustible ferroviaire était en fait utilisé à des fins
6 civiles, et d'ailleurs je vous réfère à la norme dans l'arrêt Blaskic citée
7 ci-dessus. C'est une question que la Chambre de première instance ne s'est
8 même pas posée ou à laquelle elle n'a pas essayé d'apporter de réponse.
9 Parce que l'Accusation n'a tout simplement pas présenté d'éléments de
10 preuve à ce sujet.
11 Alors, essayons de visualiser un peu et de voir comment cette
12 conclusion a finalement inversé la charge de la preuve. Et je vous demande
13 de bien vouloir consulter la carte A.
14 Qui figure dans le jeu de cartes dont vous disposez.
15 Alors, regardez l'application dans la pratique du jugement de la
16 Chambre de première instance. Vous avez donc ce rayon de 200 mètres autour
17 des cibles militaires identifiées par la Chambre. Et donc, de façon
18 unilatérale, il a été décidé que tout ce qui est tombé dans cette zone est
19 supposé avoir été dirigé contre une cible militaire et tout ce qui tombe à
20 l'extérieur est tombé dans une zone considérée comme civile, ce qui ne
21 devait pas être le cas. Ce fut la conclusion à laquelle la Chambre de
22 première instance est parvenue, sans pour autant disposer d'éléments de
23 preuve à propos de ce qui se trouvait à l'extérieur de ce rayon de 200
24 mètres et sans pour autant avoir la preuve qu'il s'agissait de zones
25 utilisées à des fins civiles.
26 Alors, quelle est la conséquence première ? Comme vous le voyez, cela
27 ne permet pas à l'Accusation de s'acquitter de la charge de la preuve. Car,
28 comme je viens de l'indiquer, l'Accusation devait déterminer que tout objet
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1 touché par un obus était un objet consacré à des fins civiles. La Chambre
2 de première instance n'a pas tiré de conclusions suivant lesquelles ces
3 zones étaient destinées à des objectifs civils, et elle n'a pas pu le faire
4 parce qu'il n'y a pas d'éléments de preuve qui ont été proposés et
5 présentés à ce sujet. Et, par conséquent, la règle des 200 mètres a été
6 utilisée pour complètement inverser la charge de la preuve, ce qui fait que
7 l'accusé a dû présenter des éléments de preuve relatifs aux objectifs
8 militaires qui se trouvaient près des lieux d'impact. Et lorsque l'accusé
9 n'a pas présenté ces éléments de preuve à propos de ces objectifs
10 militaires, la Chambre de première instance a alors utilisé son critère des
11 200 mètres pour déterminer le caractère civil de ces zones civiles même
12 lorsque aucun élément de preuve n'a été présenté par l'Accusation afin
13 d'identifier si les civils ou les objets à caractère civil étaient
14 véritablement présents dans ces zones.
15 Et nous aimerions, en fait, vous permettre d'étudier de façon plus
16 détaillée un des exemples repris par la Chambre de première instance ainsi
17 que dans le jugement. Et j'aimerais en fait attirer votre attention sur le
18 paragraphe 1 904 du jugement.
19 Mais avant de vous intéresser à ce paragraphe, je vous présente donc
20 cette carte qui vous montre la zone qui se trouvait devant le QG des
21 Nations Unies. Vous voyez qu'il y a une zone entourée de jaune, et il y a
22 trois cercles dans cette zone. Il s'agit d'un champ qui se trouvait devant
23 le QG. Ce sont des lieux d'impact qui ont été identifiés lors du procès par
24 les témoins à charge, MM. Dijkstra, Berikoff et Williams. Les zones en
25 rouge sont les zones qui ont été visées et où il y a eu des tirs de la part
26 de la HV. Cela a été indiqué par M. Marko Rajcic. Et puis, nous avons les
27 deux cibles militaires qui ont été présentées, et M. Rajcic a dit qu'il n'y
28 avait eu aucun tir. Alors, en utilisant cette carte, la Chambre de première
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1 instance a indiqué que trois obus étaient tombés donc dans ce champ en
2 friche qui se trouvait devant le QG des Nations Unies et elle a estimé que
3 le champ se trouvait à plus de 200 mètres d'une cible connue de la HV mais
4 à moins de 200 mètres d'autres objectifs militaires. La Chambre en a donc
5 conclu que, étant donné qu'aucun élément de preuve n'avait été présenté
6 suivant lequel la HV avait tiré sur ces installations militaires qui se
7 trouvaient à 200 mètres du champ en friche, le champ était un objet à
8 caractère civil. Et cela figure, je le rappelle, au paragraphe 1 904 du
9 jugement.
10 Il semblerait donc que la Chambre de première instance a conclu que
11 si la HV avait ciblé ces installations militaires qui se trouvaient à une
12 distance plus proche de 200 mètres par rapport au champ, elle en aurait
13 donc conclu que le champ avait un objectif militaire.
14 J'aimerais, en fait, maintenant que nous nous intéressons à la carte
15 numéro 4. Il s'agit en fait du QG de la police spéciale pour l'ARSK, cible
16 sur laquelle, comme nous l'a indiqué M. Marko Rajcic, la HV n'avait pas
17 tiré dessus. Toutefois, si la HV avait décidé de cibler cet objectif
18 particulier qui correspond au numéro 25, nous pouvons voir, d'après les
19 calculs qui ont été faits à 200 mètres ou à 400 mètres, que quasiment la
20 moitié de ce champ se serait immédiatement transformée en un endroit où des
21 obus auraient atterri. Donc vous avez la conclusion à la suite de la
22 décision prise par la HV, où vous avez donc la moitié du champ où les obus
23 peuvent atterrir en toute légitimité, et l'autre moitié qui se trouve soit
24 à l'extérieur de la règle de 200 mètres ou de 400 mètres, qui est donc
25 considéré comme une zone civile et qui, de ce fait, ne peut pas faire
26 l'objet de tirs.
27 Et si nous prenons le cliché suivant - il s'agit du numéro 7 -
28 regardez le 26 qui correspond à une installation de la RSK. Donc il s'agit
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1 d'une caserne. Vous voyez que cette caserne de la RSK se trouve juste à
2 côté du bâtiment des Nations Unies. Donc, en bas de la photographie, vous
3 avez l'installation des Nations Unies. Et là, une fois de plus, M. Marko
4 Rajcic nous a dit que la HV n'avait pas tiré là-dessus.
5 Mais je vous dirais en fait que si nous avions utilisé, pour ce qui
6 correspond au numéro 26, la thèse avancée par l'Accusation, le champ serait
7 devenu un endroit idoine où les obus auraient pu atterrir, et d'ailleurs
8 cela n'aurait donc eu aucune conséquence négative.
9 Et j'aimerais maintenant que nous nous intéressions à la carte numéro
10 17. Mais nous pouvons dans un premier temps indiquer comment le paragraphe
11 1 904 démontre comment le statut civil d'un objet particulier ou d'une zone
12 particulière est entièrement tributaire de cette règle de 200 mètres par
13 rapport à un objectif militaire qui a été bel et bien ciblé par la HV. De
14 surcroît, il est important de ne pas oublier que la règle de 200 mètres ne
15 s'appuie sur aucune marge d'erreur. Si la marge d'erreur avait été établie
16 comme étant de 400 mètres, comme l'a indiqué M. Andrew Leslie, un témoin à
17 charge et un officier canadien, aurait été créée la règle des 400 mètres.
18 Ce qui fait que le statut civil des zones et des objets à caractère civil,
19 si l'on s'en tient à la méthodologie de la Chambre de première instance,
20 dépend de cette règle des 200 mètres ou de la marge d'erreur des systèmes
21 d'armement qui sont utilisés pour tirer près du lieu en question.
22 Regardez la carte 17. Alors, ce que nous avons fait, il s'agit de
23 l'application tout à fait pratique de ce que la Chambre de première
24 instance a fait. Nous avons donc des cercles pour le rayon de 200 mètres et
25 des cercles pour le rayon de 400 mètres, et cela dépend une fois de plus de
26 ce qui a été ciblé par la HV. Et en fonction de ce qui a été ciblé ou de ce
27 qui n'a pas été ciblé, le champ devient soit une zone civile, soit une zone
28 qui correspond à la règle des 200 mètres ou des 400 mètres par rapport à
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1 l'objectif militaire.
2 De ce fait, il a été complètement fait fi de ce qui avait indiqué
3 dans l'arrêt Blaskic à propos des zones considérées comme zones civiles.
4 Donc cela nous donne un résultat tout à fait absurde parce que cela ne nous
5 permet absolument pas de déterminer si l'objet en question était utilisé à
6 des fins civiles. Mais cela est la nature de la méthodologie adoptée par
7 cette Chambre de première instance. Et avant de ne donner la parole à Me
8 Misetic, je me permets d'attirer votre attention sur ma conclusion relative
9 à la question numéro 2, à savoir, une fois de plus, les conclusions de la
10 Chambre de première instance eu égard aux lieux d'impact ne devraient pas
11 être retenues. Les zones civiles ont été déterminées au vu des impacts et
12 non pas en fonction de l'utilisation civile qui en avait été faite. Une
13 fois de plus, toute décision à propos du caractère civil ou non des objets
14 s'appuie sur ce critère des 200 mètres, ce qui va tout à fait à l'encontre
15 de la nature véritablement civile de l'objet en question.
16 Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, les conclusions de la Chambre
17 de première instance eu égard aux sites d'impact ne doivent pas être
18 retenues et devraient être complètement annulées.
19 Je vais maintenant donner la parole à Me Misetic.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais vous poser une question
21 avant que votre confrère ne prenne la parole.
22 Vous avez évoqué la question suivante : est-ce que la Chambre de première
23 instance a commis une erreur en ne tenant pas compte de la possibilité des
24 cibles opportunistes qui avaient été déterminées par la Chambre de première
25 instance ? Vous indiquez en fait que les éléments de preuve présentés n'ont
26 pas permis de déterminer si les forces croates avaient l'aptitude de
27 superviser les zones où il y avait des barrages routiers et une présence
28 des véhicules militaires et de la police dans les villes en question.
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1 Donc c'est une question qui vise les cibles opportunistes.
2 M. KEHOE : [interprétation] Il y a des éléments de preuve qui ont été
3 présentés à ce sujet. Manifestement, le 5, alors qu'ils sont entrés dans la
4 ville, ils ont eu suffisamment de temps pour frapper les cibles
5 opportunistes et pour les examiner auparavant. Donc il n'y a pas eu
6 possibilité de voir et de constater quels étaient les lieux d'impact, et je
7 pense en fait que les citations que nous évoquons dans notre mémoire
8 permettent de le déterminer.
9 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
10 M. MISETIC : [aucune interprétation]
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, je vous en prie.
12 M. MISETIC : [interprétation] Oui. Je suis Me Luka Misetic.
13 Et je vais dans un premier temps compléter la réponse de mon confrère
14 après la question que vous avez posée. Nous aimerions attirer l'attention
15 de la Chambre sur la déposition du Témoin Leslie, et le Témoin Dawes
16 également. Ils ont évoqué la question et ont tiré la conclusion suivant
17 laquelle HV pouvait en fait observer Knin. Donc je n'ai pas les citations,
18 je ne peux pas vous les fournir maintenant, mais je sais que cela est
19 indiqué dans notre mémoire.
20 Donc, Monsieur le Président, je vais répondre aux questions 3 et 4.
21 La question 3 étant : est-ce que la conclusion de la Chambre de première
22 instance suivant laquelle les attaques d'artillerie illégales ont eu lieu
23 devrait être retenue si les conclusions eu égard aux lieux d'impact sont
24 considérées comme erronées ?
25 La réponse est très simple : tout simplement, non. Car cela ne peut pas
26 être retenu si les conclusions eu égard aux lieux d'impact sont considérées
27 comme erronées parce que la règle de 200 mètres était la condition
28 préalable nécessaire qui a permis à la Chambre de première instance de
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1 tirer les différentes conclusions pour déterminer l'illégalité alléguée des
2 obus.
3 La Chambre de première instance a conclu que les opérations de tirs
4 étaient illégales et s'est appuyée pour ce faire sur les conclusions
5 suivantes, qui émanent toutes des conclusions erronées de la règle des 200
6 mètres et des conclusions erronées consécutives à propos du fait que "les
7 obus sont tombés dans des zones civiles," tel que cela a été décrit
8 précédemment par mon collègue.
9 Premièrement, il y a six conclusions erronées : la HV a délibérément
10 tiré des projectiles d'artillerie sur des zones où il n'y avait pas de
11 cibles militaires, qui sont donc considérées comme des zones civiles;
12 deuxièmement, ces projectiles n'auraient pas atterri dans ces zones civiles
13 à la suite d'erreurs ou d'imprécisions des tirs d'artillerie de la HV;
14 troisièmement, l'ordre d'artillerie donné par le général Gotovina était un
15 ordre illégal permettant de considérer et de traiter toutes les villes, et
16 des villes entières, comme autant de cibles; quatrièmement, les rapports
17 des unités d'artillerie de la HV ont indiqué que des villes entières ont
18 été considérées comme des cibles; cinquièmement, l'impression générale
19 communiquée par les témoins oculaires était que "les bombes tombaient dans
20 tout Knin et qu'il s'agissait d'une attaque indiscriminée"; et sixièmement,
21 qu'il y a eu une attaque disproportionnée contre Martic.
22 Toutes ces conclusions à l'exception d'une émanent de la règle des
23 200 mètres. Toutefois, si la règle des 200 mètres est considérée comme
24 erronée, alors les conclusions qui viennent d'être citées doivent être
25 annulées parce qu'elles s'appuient sur la conclusion erronée tirée par la
26 Chambre de première instance suivant laquelle les obus ont atterri dans les
27 zones civiles.
28 Premièrement, la conclusion relative à l'intention illégale est tout
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1 à fait erronée. La conclusion de la Chambre de première instance suivant
2 laquelle HV a, de façon délibérée, ciblé des zones civiles se fonde sur la
3 conclusion suivant laquelle les projectiles ont atterri dans des zones
4 civiles. Paragraphe 1 911 du jugement. Toutefois, comme cela a été déjà
5 expliqué à propos de la règle des 200 mètres, sans la règle des 200 mètres,
6 l'Accusation n'a pas su prouver que ces zones qui se trouvaient dans ces
7 quatre villes étaient des "zones civiles" et, par conséquent, il n'y a pas
8 d'éléments de preuve présentés suivant lesquels la HV a délibérément ciblé
9 ces zones civiles. L'on ne peut donc pas en conclure qu'il y a eu intention
10 illégale, conclusion dégagée du fait d'obus qui sont tombés dans des
11 endroits à Knin, Benkovac, Obrovac ou Gracac.
12 Deuxièmement, la Chambre de première instance a commis une erreur en
13 concluant que les obus n'auraient pas pu avoir un impact à plus de 200
14 mètres d'un objectif militaire à cause de la marge d'erreur des systèmes
15 d'armement. La Chambre de première instance a commis une erreur en
16 établissant cette règle des 200 mètres, elle a exclu de façon erronée une
17 marge d'erreur pouvant être considérée comme raisonnable et n'a pas prouvé
18 au-delà de tout doute raisonnable et n'a pas fourni d'explication pourquoi
19 les obus qui sont tombés à plus de 200 mètres d'objectifs militaires ont
20 été considérés comme illégaux. C'est une conclusion que l'on trouve au
21 paragraphe 1 906, que vous avez maintenant sur vos écrans. 1 906 :
22 "En conclusion, la Chambre de première instance conclut que trop de
23 projectibles ont eu des impacts dans des zones qui se trouvent trop
24 éloignées de cibles d'artillerie identifiées qui se trouvaient autour de
25 Knin pour que ces projectiles d'artillerie qui ont eu des impacts dans ces
26 zones de façon accidentelle soient considérés comme le résultat d'erreurs
27 ou d'imprécisions des tirs d'artillerie de la HV. Par conséquent, la
28 Chambre de première instance a conclu que la HV avait délibérément tiré ces
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1 projectiles d'artillerie en ciblant ces zones dans Knin." Paragraphe 1 906.
2 Donc, pour Benkovac, Obrovac et Gracac, les mêmes conclusions ont été
3 tirées, en excluant la conclusion qu'il y avait trop d'obus.
4 Si la Chambre de première instance n'avait pas commis cette erreur,
5 elle aurait dû conclure qu'étant donné qu'il n'y avait pas suffisamment
6 d'éléments de preuve présentés à propos de la marge d'erreur, elle n'aurait
7 pas pu exclure la possibilité raisonnable que des bombes soient tombées à
8 plus de 200 mètres des optiques militaires du fait de cette marge d'erreur
9 inconnue. A défaut, si la Chambre de première instance avait accepté le
10 critère de 400 mètres de M. Leslie comme étant la marge d'erreur, elle
11 aurait conclu que sur 1 200 projectiles tirés, 13 seulement, ou à savoir
12 1 %, sont tombés au-delà de la marge d'erreur des systèmes d'armement de la
13 HV. Vous avez maintenant ce tableau en face de vous, où nous avons donc
14 ventilé les conclusions tirées par la Chambre de première instance en
15 fonction des quatre villes. Et vous avez donc cinq incidents pour un total
16 de 13 projectiles qui sont tombés au-delà de ce qui est considéré par M.
17 Leslie comme la marge d'erreur de la HV.
18 Si nous nous intéressons à Knin, vous verrez que 5 sur 900 obus sont
19 tombés à l'extérieur de ce qui est la marge d'erreur de Leslie. Donc cela
20 prouve que seuls 5 obus sur 900, 0,5 % [comme interprété], à Knin, sont
21 tombés au-delà de la marge d'erreur de 400 mètres.
22 Donc cela démontre que les ordres du général Gotovina ont été
23 interprétés et exécutés en comprenant qu'il fallait prendre pour cible les
24 objectifs militaires. Qui plus est, cela correspond parfaitement à une
25 enquête qui a été menée par la suite sur le bombardement de Knin, qui a été
26 menée par les observateurs militaires. Il s'agit là de la pièce de
27 l'Accusation P64. Les observateurs des Nations Unies ont constaté que trois
28 sur cinq obus ont été trouvés au-delà de la proximité immédiate des
Page 41
1 objectifs militaires.
2 Autrement dit, si la Chambre de première instance s'était basée sur la
3 marge d'erreur de 400 mètres, seuls 13 sur les 1 200 obus tirés, c'est-à-
4 dire seul 1 %, seraient tombés au-delà de la marge d'erreur des armes de la
5 HV. Nous savons, cependant, que les statistiques qui étaient présentées à
6 la Chambre de première instance, à savoir que seuls 5 % des obus tirés sont
7 tombés au-delà de 200 mètres, étaient suffisantes pour démontrer que des
8 villes entières n'étaient pas prises pour cibles.
9 L'ordre donné à l'artillerie par Gotovina n'était pas illégal s'il n'y
10 avait pas de règle de 200 mètres. Marko Rajcic, qui était le chef
11 d'artillerie du général Gotovina et qui est celui qui interprétait et
12 exécutait l'ordre du général Gotovina, a été le témoin de l'Accusation, pas
13 de la Défense. Il a été le seul qui avait une connaissance directe et qui a
14 déposé sur la manière dont cet ordre de Gotovina a été interprété et
15 exécuté. Et explicitement, Marko Rajcic a dit que l'ordre du général
16 Gotovina a été interprété en tant qu'un ordre de prendre pour cible
17 uniquement des cibles militaires légales. Ce qui est corroboré par la
18 déposition que 95 % de l'ensemble des obus d'artillerie qui ont été tirés
19 ont été tirés sur des objectifs militaires.La déposition de Rajcic est
20 corroborée par les enquêtes qui ont été menées sur le pilonnage de Knin,
21 mais entre autres, par les enquêteurs des Nations Unies et des Etats-Unis
22 d'Amérique. Et je vous renvoie à la pièce P64.
23 Même si l'on prend en compte la règle des 200 mètres, l'explication
24 que donne Rajcic de l'ordre de Gotovina se trouve confirmée par d'autres
25 éléments corroborants qui ont été versés au dossier. Cependant, nous
26 trouvons, au paragraphe 1 893, que la Chambre appréciera la légalité de
27 l'ordre de Gotovina en se fondant sur la crédibilité ou non de la
28 déposition de Rajcic. Puis, la Chambre de première instance applique la
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1 règle dont elle s'est dotée toute seule, la règle des 200 mètres, pour
2 conclure au paragraphe
3 1 911, et je cite :
4 "La Chambre de première instance considère que la prise pour cible
5 délibérée des zones de Knin a eu lieu, des zones où il n'y a pas
6 d'objectifs militaires, et que cela ne correspond pas, n'est pas logique
7 avec l'explication donnée par Rajcic des ordres donnés à l'artillerie de la
8 HV. En revanche, cela correspond avec le texte de ces ordres, à savoir de
9 viser avec les tirs d'artillerie les villes entières, y compris Knin."
10 Autrement dit, la Chambre de première instance se base sur sa
11 conclusion que 5 % d'obus sont tombés dans les zones civiles pour ne pas
12 tenir compte la déposition de Rajcic et pour arriver à la conclusion que
13 Gotovina a émis un ordre illégal. Si la Chambre a commis une erreur dans
14 ses conclusions sur le caractère civil de ces "zones civiles" et, par
15 conséquent, si elle n'a pas eu besoin de conclure que la HV "a pris pour
16 cible délibérément les zones civiles," alors la Chambre de première
17 instance n'avait pas de fondement pour rejeter la déposition de Rajcic qui
18 a été corroborée. Même avec la règle de 200 mètres, le fait que l'exécution
19 de l'ordre de Gotovina ait eu pour résultat dans 95 % -- que les
20 projectiles sont tombés sur des cibles objectifs, cela a été plus que
21 suffisant de constater la légalité de l'ordre de Gotovina.
22 Sans la règle de 200 mètres, donc sans cette conclusion que la HV a
23 pris pour cible délibérément les objectifs civils, la déposition de Rajcic
24 est inattaquable.
25 En conclusion, l'ordre de Gotovina était légal.
26 Alors, sans la marge d'erreur de 200 mètres, les rapports des unités
27 d'artillerie de la HV ne prouvent pas que des villes entières ont été
28 prises pour cible. Si on se base sur les rapports des unités d'artillerie
Page 43
1 de la HV de l'époque, la Chambre de première instance aurait pu conclure
2 qu'au moins 95 % de l'ensemble des projectiles ont été tirés sur des
3 objectifs militaires en application de l'ordre de Gotovina. Aux paragraphes
4 1 895 et 1 896, la Chambre de première instance a constaté qu'il y a eu un
5 certain nombre d'annotations d'éléments dans les rapports de la HV qui
6 pourraient être interprétées comme prouvant que des villes entières ont été
7 prises pour cibles. La Chambre de première instance a, cependant, constaté
8 que ces éléments souvent étaient en fait une manière codée de parler de
9 cibles qui ont été visées, et que souvent il pouvait s'agir de "lacune au
10 niveau de détails ou absence de détails, des erreurs et autres
11 inexactitudes."
12 Afin de déterminer si ces éléments prouvaient la nature indiscriminée
13 des attaques, la Chambre a dit qu'elle allait :
14 "… évaluer ces rapports à la lumière des constatations qui sont
15 tirées sur les zones d'impact à Knin."
16 Jugement, 1 895 et 1 896, les deux paragraphes. Puisque les
17 conclusions de la Chambre de première instance sont fondées sur les zones
18 d'impact et que ces conclusions étaient erronées sur la base de la règle
19 des 200 mètres, les interprétations des rapports de la HV ne peuvent pas
20 être exclues comme constituant des explications raisonnables des éléments
21 de preuve.
22 Sans la marge d'erreur de 200 mètres, l'impression générale des
23 témoins qu'"il y a eu des impacts partout dans Knin," en fait, correspond
24 aux constatations de la Chambre que la HV a pris pour cible des objectifs
25 légaux militaires à Knin.
26 Je voudrais que l'on voie à présent les cartes qui ont été
27 distribuées, il s'agit des cartes A et B. La carte qui nous montre les
28 objectifs militaires de Knin. Et la plupart des témoins se sont trouvés
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1 dans la partie extrême à droite, donc la base des Nations Unies. La Chambre
2 de première instance a constaté que tout projectile arrivant dans cette
3 zone, en fait, normalement visait un objectif militaire et serait donc
4 légalement tiré, et du point de vue des témoins sur le terrain, perçu comme
5 tombant partout dans Knin. Parce que les objectifs militaires se
6 trouvaient, effectivement, partout dans Knin.
7 La Chambre a entendu qu'au moins 850 projectiles ont atterri dans ces
8 zones. Donc, si la Chambre de première instance avait accepté les 400
9 mètres de marge d'erreur de Leslie, on aurait des cercles encore plus
10 larges. Donc c'est là qu'on aurait trouvé les endroits d'impact parce qu'on
11 verrait qu'il s'agit de lieux d'impact qui se situent à l'intérieur de la
12 marge d'erreur des systèmes d'armes de la HV. La perception des témoins que
13 les obus tombaient partout dans Knin correspond en fait aux objectifs
14 militaires légaux qui ont été pris pour cible partout dans Knin.
15 La déposition, donc, des témoins oculaires n'a pas beaucoup
16 d'importance ici puisque nous n'avons pas un seul témoin en l'espèce qui
17 connaissait toutes les cibles militaires de Knin. Et, par conséquent,
18 savoir exactement où devaient tomber les projectiles pour être légaux.
19 Il n'y a pas eu d'attaque disproportionnée sur Martic. Même si cette
20 conclusion n'aurait pas été affectée par l'annulation de la conclusion de
21 la Chambre sur la règle de 200 mètres pour des raisons qui sont expliquées
22 dans notre mémoire, la Chambre de première instance a commis une erreur en
23 arrivant à la conclusion que l'attaque sur Martic était disproportionnée.
24 Il n'y a pas d'éléments de preuve de présence de civils là où était son
25 lieu de résidence et pas d'éléments de preuve de quelque sorte que ce soit
26 que Gotovina avait "la connaissance des circonstances."
27 Il n'a pas d'éléments de preuve montrant qu'il y ait eu une attaque
28 quelconque civile en tant que résultat de prise pour cible de Martic.
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1 Martic était le commandant en chef, et peut-être l'objectif militaire de la
2 plus grande valeur possible. Qui plus est, la Chambre de première instance
3 n'est pas arrivée à la conclusion que l'attaque disproportionnée était la
4 preuve d'une attaque directe contre les civils, c'est-à-dire la Chambre de
5 première instance n'a pas dit que l'objectif réel de cette attaque n'était
6 pas Martic, mais les civils qui l'entouraient. Non. Elle est arrivée à la
7 conclusion que cela prouvait le fait que l'on ne prenait pas en compte la
8 sécurité des civils, mais la Chambre de première instance n'a pas remis en
9 question le fait que Martic a effectivement constitué l'objectif ou la
10 cible de cette attaque. Par conséquent, cet incident Martic ne prouve pas
11 qu'il y ait eu des attaques sur la population civile qui aurait été
12 délibérément prise pour cible.
13 Donc il y a un seul facteur qui ne repose pas sur la règle des 200
14 mètres. La conclusion de la Chambre de l'attaque indiscriminée doit donc
15 être infirmée. S'il n'y a pas de preuve au-delà de tout doute raisonnable
16 que les obus sont tombés dans les zones civiles, mais il n'y a pas de
17 preuve d'attaque illégale. Même s'il y avait des preuves d'impact dans les
18 zones civiles, il n'y a pas de preuve que cela n'était pas le résultat
19 d'erreurs ou d'inexactitudes au niveau des systèmes d'armement de la HV.
20 Sans la règle de 200 mètres, la Chambre de première instance aurait pu
21 constater que : Gotovina a ordonné que l'on prenne pour cible des cibles
22 militaires qui ont été identifiées au préalable dans les quatre villes;
23 deuxièmement, que les 900 projectiles d'artillerie qui ont été tirés sur
24 Knin, eh bien, que sur eux, au moins 850 ont été tirés avec l'intention de
25 toucher des objectifs militaires; à Knin, seul cinq projectiles sur 900
26 sont tombés au-delà de la marge d'erreur de 400 mètres établie par Leslie
27 pour les systèmes d'armes de la HV; quatrièmement, il n'y a pas eu de
28 civils tués ou de blessés pendant le pilonnage des quatre villes;
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1 cinquièmement, les dégâts aux structures civiles ont été très modestes et
2 limités à la proximité des objectifs militaires; sixièmement, il n'y a pas
3 de preuve qu'on ait pris pour cible des civils par le feu d'artillerie; et
4 septièmement, il n'y a pas de preuve que des structures civiles ont été
5 prises pour cible par les tirs d'artillerie.
6 Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, essayons de voir s'il y a
7 une preuve de l'élément matériel. S'il n'y a pas d'attaque illégale, il n'y
8 a pas de preuve d'élément matériel, il n'y a pas de preuve que les civils
9 ont constitué une cible de l'attaque, il n'y a pas de preuve que les tirs
10 d'artillerie de la HV ont été de telle nature de prendre pour cible des
11 objectifs militaires et des civils ou des objectifs civils sans distinction
12 et aucune preuve que la HV aurait utilisé des armes de manière
13 indiscriminée pendant l'opération d'artillerie. Par conséquent, il n'y a
14 pas eu d'élément matériel.
15 La Chambre de première instance est arrivée à la conclusion qu'on
16 pouvait constater l'existence délictueuse de commettre une attaque illégale
17 en tant que crime de persécution, crime contre l'humanité. Mais cette
18 constatation doit aussi être infirmée. La Chambre a expressément constaté
19 que sa conclusion sur l'existence de cette intention illégale était fondée
20 sur la formulation que l'on trouve dans les ordres d'artillerie de la HV,
21 et la déduction que ces ordres étaient illégaux en se fondant sur le
22 pilonnage délibéré des zones où il n'y avait pas d'objectifs militaires. Je
23 vous renvoie au paragraphe 1 912 du jugement.
24 A présent, je tiens à me pencher sur la question 4.
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Juge Robinson.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez parlé de 95 % de
27 projectiles. Vous avez dit que les 95 % des projectiles ont été prouvés
28 d'avoir été tirés sur les objectifs militaires.
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1 M. MISETIC : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que vous
3 admettez qu'il y a des preuves pour les 5 % restants --
4 M. MISETIC : [interprétation] Non.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
6 M. MISETIC : [interprétation] Ce sont les projectiles qui restent. Cela
7 constitue une ambiguïté dans les rapports d'artillerie de la HV. Nous
8 n'acceptons pas cela. Il s'agit d'ambiguïtés. Il y a des ambiguïtés sur les
9 constatations par rapport aux zones d'impact.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
11 M. MISETIC : [interprétation] La Chambre elle-même, la Chambre de première
12 instance, a constaté que l'intention délictueuse qu'elle a constatée, donc
13 qui constitue sa conclusion, se fonde uniquement sur ces entrées dans les
14 rapports de la HV où elle trouve les endroits d'impact précisés. Donc la
15 Chambre de première instance dit que ces lieux d'impact, là où ils ne sont
16 pas précis, ne le sont pas peut-être parce que suffisamment de détails
17 n'ont pas été fournis parce qu'il y a beaucoup d'erreurs, parce qu'il y a
18 des inexactitudes dans les rapports, mais elle dit qu'elle évaluera si, en
19 fait, ils résultent de ces erreurs ou non.
20 Donc nous estimons que ces 5 % qui restent, en fait, avaient pris
21 pour cible des objectifs militaires et qu'il s'agit simplement d'erreurs
22 qui sont dues au langage codé, aux formulations des rapports que la Chambre
23 appréciait.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez poursuivre.
26 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie.
27 Donc la question numéro 4 : est-ce que la conclusion de la Chambre de
28 première instance qu'une entreprise criminelle commune a existé doit être
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1 maintenue si sa conclusion que les attaques illégales d'artillerie sont
2 considérées comme étant erronées.
3 Non. S'il n'y a pas d'attaque illégale, la condition nécessaire préalable
4 de l'existence d'entreprise criminelle commune, à savoir qu'il y a
5 "commission du crime tel que visé dans le statut," n'existe pas. Il n'y a
6 pas de commission s'il n'y a pas d'attaque illégale.
7 Et je vous renvoie au paragraphe 2 314 du jugement. La Chambre dit comme
8 suit, que les membres de la direction politique et militaire croate ont
9 partagé l'objectif commun de déplacer de manière permanente la population
10 serbe civile de la Krajina par la force ou par la menace de force, ce qui
11 correspond à la persécution, expulsion, transfert forcé, attaque illégale
12 contre les civils et les biens civils, mesures discriminatoires et
13 restrictives, donc expulsion et transfert forcé.
14 L'objectif de l'entreprise criminelle commune exigeait qu'un certain
15 nombre de Serbes restent dans la Krajina, que ce nombre soit réduit au
16 minimum, mais non pas que l'ensemble de la population civile soit déplacée.
17 Conformément à cela, la Chambre de première instance a constaté que
18 l'objectif criminel commun était de déplacer de manière permanente la
19 population civile, mais non pas de la déplacer dans sa totalité. Et
20 quelques paragraphes en avant, la Chambre de première instance a constaté
21 que cet objectif commun devait être atteint par le biais des attaques
22 illégales d'artillerie. Je vous invite maintenant à consulter le paragraphe
23 2 311, qui se lit comme suit :
24 "Le procès-verbal de la réunion de Brioni montre que les participants
25 étaient au courant de la situation difficile que rencontraient les Serbes
26 de Krajina, en particulier à Knin, et qu'ils savaient qu'il ne serait pas
27 très difficile de les faire partir. Compte tenu de cette situation, dans
28 ces circonstances-là, les membres de la direction politique et militaire
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1 croate ont pris la décision de prendre pour cible des villes entières dans
2 le cadre de l'attaque d'artillerie initiale. L'expulsion de la population
3 serbe de Krajina a été atteinte par des moyens illégaux contre les civils
4 et les biens civils à Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac, et la Chambre de
5 première instance a constaté que cela a été mené sur une base
6 discriminatoire."
7 Au paragraphe 2 321 du jugement, la Chambre de première instance a
8 également dit clairement ce qui ne faisait pas partie de l'objectif commun
9 et dit :
10 "La Chambre de première instance constate que l'objectif criminel
11 commun ne consiste pas à vouloir expulser les civils serbes de Krajina par
12 le biais de crimes tels que meurtre, destruction, pillage, actes inhumains
13 et traitement cruel, destruction sans motif, et cetera. Donc, que
14 l'objectif criminel commun n'a pas consisté à vouloir déporter les Serbes
15 civils de Krajina par le biais de crimes tels que meurtre, assassinat,
16 destruction, pillage, actes inhumains et traitement cruel."
17 En revanche, la Chambre a constaté que l'objectif criminel commun
18 d'expulsion des civils serbes de Krajina existait par le biais de pilonnage
19 illégal des quatre villes.
20 Et nous avons déjà vu pour quelles raisons nous estimons que si cela
21 ne tient pas, qu'à ce moment-là il n'y a plus d'élément matériel qui reste
22 et qui pourrait être utilisé pour étayer l'affirmation que toute intention
23 de déporter la population serbe de Krajina a effectivement été mise en
24 œuvre. Donc, sans la marge d'erreur de 200 mètres et sans les conclusions
25 erronées qui en résultent d'attaque illégale, la Chambre n'aurait pas pu
26 identifier une cause de départ des Serbes de Krajina des quatre villes. Et
27 elle n'aurait eu aucune base pour différencier entre les causes de départ
28 du reste de la Krajina, et donc je vous renvoie aux paragraphes 1 754, 1755
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1 et 1 763 [comme interprété] du jugement. Donc il convient néanmoins de
2 souligner que sans cette conclusion de l'existence d'attaque illégale, la
3 Chambre de première instance n'aurait pu arriver à la conclusion
4 d'existence d'intention délictueuse pour déporter la population serbe de la
5 Krajina et n'aurait pas pu être capable d'établir l'existence d'un objectif
6 criminel commun. A savoir, les conclusions de la Chambre de première
7 instance concernant la réunion de Brioni et la politique de logement
8 discriminatoire reposent dans leur ensemble sur la conclusion de la Chambre
9 de première instance qu'il y a eu une attaque illégale d'artillerie.
10 Alors, Brioni. Voyons ce qu'il en est de Brioni.
11 Concernant la réunion de Brioni, tant la Chambre de première instance
12 et l'Accusation ont accepté qu'il n'y a pas une seule déclaration qui
13 aurait été proférée pendant cette réunion de laquelle on pourrait déduire
14 un accord de pilonner des villes, de pilonner les biens et la population
15 civile. A la place, tant la Chambre de première instance et l'Accusation
16 expliquent que l'intention délictueuse alléguée des participants à la
17 réunion de Brioni doit être déduite des attaques illégales qui ont eu lieu.
18 Et je vous invite maintenant à voir le paragraphe 2 310 du jugement :
19 "La Chambre de première instance déduit de l'exode en masse de la
20 population civile de Krajina, à quelques jours de distance de l'opération
21 Tempête et des efforts qui ont été entrepris au niveau politique et
22 législatif d'empêcher la population de revenir, que les membres de la
23 direction politique et militaire croate avaient l'intention de forcer les
24 Serbes à quitter leurs foyers."
25 Donc il s'agit de les forcer sur la base des événements qui vont suivre.
26 Et au paragraphe 2 305, cinq paragraphes en avant, la Chambre de première
27 instance note qu'elle s'est penchée avec attention sur le procès-verbal de
28 la réunion de Brioni au point 6.2.2 et qu'elle examine cela à la lumière
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1 des événements qui vont suivre.
2 Et la Chambre continue, en disant :
3 "La Chambre a constaté au paragraphe 4.4 et 5.8.2 (i) qu'au moins dans
4 certaines de ces attaques, des villes entières ont été prises pour cible
5 par l'artillerie. Par conséquent, ces attaques ont constitué des attaques
6 illégales qui ont été menées contre des objectifs civils."
7 En résultat, l'Accusation elle-même a affirmé que la Chambre de première
8 instance ne s'est pas simplement penchée sur le procès-verbal de la réunion
9 de Brioni pour tirer sa déduction que la discussion portait sur le fait de
10 forcer les Serbes de leurs maisons. Je vous invite à consulter le
11 paragraphe 234 du jugement :
12 "La Chambre de première instance a constaté correctement qu'une attaque
13 illégale contre les civils et les biens civils était prévue et qu'elle
14 constituait l'objectif de l'entreprise criminelle commune. Cette dernière
15 conclusion se fonde sur de nombreuses considérations.
16 "Par exemple, ce que avançait Gotovina, à savoir qu'il y a eu l'intention"
17 --
18 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige.
19 M. MISETIC : [interprétation] "Gotovina," au paragraphe 239, "semble
20 suggérer que la Chambre a constaté l'existence d'une décision formelle qui
21 aurait été prise à la réunion de Brioni par les membres de l'entreprise
22 criminelle commune de prendre pour cible des villes entières. Mais cela
23 n'existe pas. Cette conclusion n'existe pas. La Chambre a conclu que,
24 compte tenu de ces circonstances, une décision générale a été prise à
25 Brioni de viser des villes entières dans le cadre des attaques
26 d'artillerie. Compte tenu des discussions qui ont eu lieu lors de la
27 réunion, Gotovina et Tudjman se sont référés explicitement au bombardement
28 et à la destruction potentielle de Knin, et la Chambre a trouvé, et c'est
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1 une conclusion raisonnable, que les membres de l'entreprise criminelle
2 commune à Brioni ont pris pour décision de viser ces villes suite à cela."
3 Au paragraphe 266 [comme interprété] :
4 "Gotovina se réfère à l'exactitude de ses commentaires, on dit qu'ils sont
5 mal appropriés. La Chambre s'est polarisée sur le sens des déclarations de
6 Gotovina et des autres participants dans le contexte des événements qui
7 vont suivre."
8 Puis, la conclusion qui suit est que :
9 "Gotovina avait pour intention de prendre pour cible… les civils serbes, de
10 les forcer de quitter la Krajina et d'utiliser l'artillerie dans cet
11 objectif, et cette conclusion se fonde sur la totalité des éléments de
12 preuve et non pas sur une simple déclaration qui aurait été faite lors de
13 la réunion de Brioni." Paragraphe 271.
14 Par conséquent, la Chambre de première instance tire ses conclusions en se
15 fondant sur l'existence de l'attaque illégale qui aurait eu lieu après
16 l'attaque Tempête et se fonde sur le caractère illégal de l'ordre de
17 Gotovina. L'Accusation reconnaît qu'il n'y a pas dans le procès-verbal de
18 Brioni d'éléments de preuve prouvant une décision formelle. Par conséquent,
19 à partir du moment où on annulait la conclusion de la Chambre de première
20 instance concluant que l'attaque a été illégale, il faut aussi annuler la
21 conclusion sur l'existence de l'intention délictueuse comme présente à
22 Brioni, donc l'intention de prendre pour cible les quatre villes par le
23 biais de tirs d'artillerie indiscriminés.
24 Les mesures discriminatoires, maintenant. Cette question ne peut pas
25 constituer la base de l'entreprise criminelle commune --
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je voulais juste m'assurer que vous
27 respectiez encore la question qui a été posée, la question des ordres
28 d'évacuation.
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1 M. MISETIC : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
3 M. MISETIC : [interprétation] Je vous renvoie aux paragraphes
4 2 325 et 26 du jugement pour ce qui est du général Gotovina et 2 562 et 63
5 pour ce qui est de M. Markac. Donc aucun des appelants n'a joué un rôle
6 quel qu'il soit dans le cadre des politiques de logement ou dans le cadre
7 des politiques soi-disant discriminatoires. Par conséquent, même si on
8 arrivait à confirmer l'existence de l'entreprise criminelle commune qui
9 cherchait à imposer des mesures discriminatoires, il est clair que la
10 Chambre de première instance a constaté que ni Gotovina ni Markac n'ont eu
11 aucun rôle au niveau de la commission du crime principal d'une telle
12 entreprise criminelle commune, à savoir les mesures discriminatoires.
13 N'empêche que la Chambre de première instance s'est fondée sur ces lois
14 portant sur le logement, sur ces lois discriminatoires, et en citant la
15 décision de la commission des réclamations Ethiopie-Erythrée, paragraphes 1
16 748 et 1 749.
17 La Défense Gotovina a fait savoir expressément que ce droit à
18 empêcher le retour immédiat a existé uniquement si l'Etat n'avait pas
19 expulsé de manière illégale les civils dans un premier temps. La Chambre de
20 première instance a distingué ce précédent sur la base du fait que les
21 civils en l'espèce ont fait l'objet d'attaque illégale
22 menée contre les civils. A savoir, s'il n'y a pas d'attaque illégale, alors
23 le fondement sur lequel se base la Chambre de première instance pour
24 distinguer cela est invalidé. La Chambre de première instance a évité en
25 fait cette question lorsqu'elle est arrivée à la conclusion qu'elle
26 manquait de pertinence.
27 En conclusion à vos quatre questions, la constatation que l'entreprise
28 criminelle commune a existé se fonde entièrement sur une règle erronée, la
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1 règle de 200 mètres, sur la base de laquelle la Chambre de première
2 instance appréciait les zones d'impact. Si vous infirmez la marge d'erreur
3 de 200 mètres, vous devriez également infirmer la déclaration de
4 culpabilité du général Gotovina de tous les chefs parce qu'il n'y aurait
5 plus de responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune.
6 Monsieur le Président, maintenant pour répondre à la question qui portait
7 sur l'ordre d'évacuation de Martic. M. Kehoe et moi-même avons
8 explicitement renvoyé ce matin la Chambre d'appel aux constatations qui
9 figurent dans les paragraphes 1 754, 1 755 et 1 762 du jugement de la
10 Chambre de première instance. Plusieurs facteurs sur lesquels la conclusion
11 repose ont été cités par Me Kehoe, et je vous renvoie de nouveau au
12 paragraphe 1 762 du jugement, à savoir : "Les responsables de la RSK ont
13 dit aux habitants de partir le 4 août."
14 Alors, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous avez vu notre moyen
15 2 d'appel. Nous y avons précisé les circonstances et les raisons du départ
16 massif de la population serbe de Krajina. Comme nous le savons, ce crime de
17 déportation ou d'expulsion recouvre le fait d'expulser en masse une
18 population au-delà d'une frontière de jure ou de facto. Il n'y a aucun
19 élément de preuve en l'espèce qui permette de démontrer qu'une personne
20 aurait affirmé avoir été expulsée de la Krajina par crainte d'une attaque
21 d'artillerie illégale.
22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais vous interrompre, Maître,
23 pour une seconde.
24 La Chambre de première instance a conclu que les ordres d'évacuation
25 n'étaient pas la cause principale des départs des civils. Vous estimez qu'à
26 cet égard la Chambre de première instance est sortie du champ de son
27 pouvoir discrétionnaire.
28 Je vous demande pourquoi ?
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1 M. MISETIC : [interprétation] Eh bien, Monsieur le Président, d'abord et
2 avant tout, je pense que nous devrions tous convenir que la question
3 principale ne doit pas être expliquée par la Défense, à savoir la cause des
4 départs. Ce qui nous revient de faire du côté de la Défense, c'est
5 d'expliquer pourquoi des Serbes ne sont pas partis, et ils ne sont pas
6 partis en raison des pilonnages de l'artillerie.
7 Mais deuxièmement, nous avons présenté dans notre mémoire final en Défense
8 le fait que la Chambre de première instance -- et vous avez ce mémoire
9 devant vous, donc vous voyez toutes les mesures qui ont été prises par les
10 autorités de la RSK afin de pousser les civils à fuir. Il y a un problème
11 entre la démarche appliquée par la Chambre de première instance par rapport
12 à l'ordre d'évacuation de Martic et ce que nous affirmons qu'il s'est
13 réellement passé.
14 La Chambre de première instance semble s'être penchée sur la question
15 très restrictive de savoir si l'ordre d'évacuation a été mis en œuvre dans
16 le sens où il aurait fallu être capable d'organiser
17 des camions, l'approvisionnement de ces camions en carburant, et cetera, de
18 façon à démontrer qu'il s'agissait d'un acte systématique. Mais le fait de
19 savoir si ces personnes sont parties de façon organisée ou non organisée,
20 de façon systématique ou pas, n'est pas tout ce qu'il importe de
21 déterminer. Notre objectif dans le moyen numéro 2 en appel consiste à
22 expliquer quelle est la nature des éléments de preuve. Par ailleurs, de
23 nombreux éléments de preuve, en particulier émanant du commandant du
24 secteur sud des Nations Unies à Knin, qui a rédigé un rapport qui a été
25 versé au dossier de l'espèce et dans lequel il analyse ce qu'il s'est passé
26 au cours de l'opération Tempête, eh bien, dans ce rapport il parvient à la
27 conclusion qu'une fois l'ordre d'évacuation donné, tout le monde a décidé
28 de partir, les civils et les militaires. Donc nous estimons que la Chambre
Page 57
1 de première instance n'a pas traité l'élément de preuve principal; par
2 exemple, elle n'a pas pris en compte l'élément de preuve émanant de ce
3 commandant du secteur sud des Nations Unies. Il y a d'autres éléments de
4 preuve que nous avons définis dans nos mémoires en appel qui montrent que
5 la Chambre de première instance n'a pas pris en compte des questions tout à
6 fait critiques alors que, comme nous l'indiquons, elle avait le devoir de
7 le faire en l'espèce.
8 L'autre élément, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'il fallait
9 prendre en compte, c'est le fondement utilisé par la Chambre de première
10 instance pour inclure les éléments de preuve relatifs au témoignage
11 concernant Kosta Novakovic dans la Défense Martic. Il a témoigné que des
12 civils étaient déjà en mouvement avant l'ordre d'évacuation et a dit que la
13 publication de cet ordre d'évacuation avait pour but d'introduire un peu
14 d'ordre dans un processus qui était déjà en cours. Donc nous soutenons que
15 la Chambre de première instance a commis une erreur en ne tenant pas compte
16 de la date d'émission de cet ordre d'évacuation. Monsieur le Président,
17 Messieurs les Juges, nous estimons que plusieurs erreurs ont été commises
18 par la Chambre de première instance qui n'a pas pris en compte ces éléments
19 de preuve importants en l'espèce. Et il s'agissait, en effet, de déterminer
20 la cause des départs, ce qui était un point de tout à fait important.
21 Je vais maintenant, à moins qu'il y ait des questions, Monsieur le
22 Président, redonner la parole pour une minute à mon confrère, Me Akahavan.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.
24 M. AKHAVAN : [interprétation] Monsieur le Président, membres distingués de
25 la Chambre d'appel, c'est un honneur pour moi que de prononcer ces quelques
26 remarques de conclusion dans ce procès en appel qui a des conséquences
27 importantes pour le droit humanitaire.
28 L'affaire est tout à fait simple. Elle se centre pour l'essentiel sur des
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1 violations massives de l'article 51.2 du 1er protocole qui constituerait des
2 crimes contre l'humanité. Le jugement en première instance déclare que
3 quelque 20 000 civils serbes ont été déplacés par la force parce qu'ils ont
4 été pris délibérément pour cible et terrorisés par des attaques
5 d'artillerie massive de la part de la Croatie. L'acte de persécution que
6 constitue une attaque illégale massive contre des civils et des objets
7 civils ne se limite pas simplement à un acte parmi tant d'autres; cet acte
8 de persécution constitue le cœur même d'un concept plus vaste qui est
9 l'attaque massive ou l'attaque systématique contre une population civile.
10 Pour l'essentiel, la théorie de l'entreprise criminelle commune confond les
11 exigences que l'on trouve dans le chapeau de l'article 5, à savoir
12 l'attaque massive et l'acte sous-jacent de cette attaque massive qui est un
13 acte de persécution constitutif, donc, d'une attaque illégale.
14 Alors, quelle est la norme juridique exactement applicable en l'espèce ? Le
15 paragraphe 1 841 du jugement se lit comme suit, je
16 cite :
17 "Une attaque contre des civils et des objets civils dans le contexte de
18 crimes contre l'humanité doit être comprise comme recouvrant toute une
19 série d'actes de violence délibérément entamés contre des civils ou des
20 objets civils même si aucun résultat particulier ne doit nécessairement
21 être assigné à cette attaque et recouvre également des attaques sans
22 discrimination contre des cités, des villes et des villages."
23 Quels sont les éléments de preuve qui viennent appuyer la
24 conclusion de grande portée selon laquelle le général Gotovina est
25 coupable, non seulement de quelques violations isolées et aléatoires de
26 l'article 51.2 du protocole I, mais également d'attaque illégale massive
27 qui aurait suffi à terroriser 20 000 civils ? Eh bien, d'abord, il n'existe
28 qu'une preuve que des personnes soient mortes ou aient été gravement
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1 blessées, pas un seul incident. Deuxièmement, il n'existe aucune preuve que
2 des dommages importants aient été causés à des objets civils. Au mieux, il
3 existe des éléments de preuve montrant que quelques habitations civiles ont
4 été endommagées un peu au hasard. Troisièmement, il n'existe aucune preuve
5 montrant que des attaques étaient effectivement dirigées contre des civils
6 ou des objets civils indépendamment de leur résultat. Au mieux, on peut
7 parler de quelques projectiles qui auraient touché avant tout des champs
8 désertés au-delà de la limite de 200 mètres qui permet de définir une cible
9 militaire.
10 Alors, qu'est-ce qui résulte de l'examen de l'ensemble des éléments de
11 preuve ? Nous avons 1 200 projectiles d'artillerie qui ont été tirés dans
12 des environnements urbanisés, mais aucune preuve qu'il y aurait eu un seul
13 civil mort ou blessé et aucune preuve qu'il y aurait eu des destructions
14 importantes. Dans de telles circonstances, est-ce qu'une attaque massive
15 contre une population civile était la seule conclusion raisonnable pour la
16 Chambre de première instance ? La seule explication possible c'est que
17 l'armée croate aurait fait preuve d'une incompétence tellement
18 exceptionnelle qu'aucun des 1 200 projectiles qu'elle a tirés n'aurait
19 réussi à toucher un seul civil. Inutile de dire qu'une telle conclusion
20 serait manifestement absurde. Aucun raisonnement créatif sur le plan
21 juridique ne saurait remédier à l'absence de preuve quant à l'existence ne
22 serait-ce qu'une seule attaque illégale.
23 La condamnation du général Gotovina sur la base de tels faits est une
24 erreur judiciaire, mais il y a une autre considération à prendre en compte
25 qui est de portée plus vaste. A savoir que ce jugement établit un précédent
26 qui rendrait impossible toute conduite légale de la guerre. Le droit
27 humanitaire a été pertinent pour les commandants militaires en raison de
28 cet équilibre très fin qui a été établi entre la protection humanitaire
Page 60
1 nécessaire et les nécessités militaires. Comme l'a fait observer un ancien
2 conseiller juridique du CICR, Louise Doswald-Beck, les Etats qui ont
3 négocié le protocole I, je cite, "… ont maintenu fermement dans leur esprit
4 la nécessité de créer une loi acceptable aux yeux de leur état-major
5 militaire."
6 Et pourtant, d'éminents auteurs ont fait remarquer que, je cite, "des
7 tribunaux et des cours de justice ont souvent laissé de côté la pratique
8 opérationnelle sur les champs de bataille." Afin de demeurer crédible et
9 pertinente, la jurisprudence de ce Tribunal doit appliquer le droit
10 humanitaire de façon conséquente par rapport aux réalités des opérations de
11 la conduite de la guerre.
12 Et nous disons, avec le respect que nous devons à cette Chambre
13 d'appel, que l'accusé, le général Gotovina, doit être acquitté.
14 Je remercie la Chambre pour sa patience. J'ai terminé mes
15 observations.
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Akhavan. Je
17 remercie le conseil de M. Gotovina pour avoir respecté l'horaire prévu pour
18 la présentation de ses arguments.
19 Monsieur Stringer.
20 M. STRINGER : [interprétation] Je ne voudrais pas interrompre, mais nous
21 regardions les cartes et il nous apparaît que la légende que l'on voit au
22 bas de certaines d'entre elles ne correspond pas à cette dimension des 200
23 et 400 mètres. Je ne sais pas ce que cela signifie. Je ne sais pas si la
24 Chambre l'a remarqué, mais nous l'avons remarqué. Je regarde la carte A.
25 L'échelle ne correspond pas, c'est ce que je voulais faire remarquer.
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons regardé ces documents sans
27 préjuger de leur signification.
28 A moins que quelqu'un puisse répondre immédiatement à cette question,
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1 nous allons donc suspendre maintenant l'audience jusqu'à 11 heures.
2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 45.
3 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Une heure 30 pour la réponse de
5 l'Accusation.
6 Monsieur Stringer, c'est à vous.
7 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à tous
8 une nouvelle fois.
9 Je m'appelle Douglas Stringer. Ce matin, de concert avec mon confrère
10 Matthew Cross, je vais traiter des arguments de Gotovina que l'on trouve
11 dans le moyen numéro 1 en appel qu'il a présenté au sujet de l'attaque
12 d'obus illégale dont la Chambre de première instance a estimé qu'elle était
13 dirigée contre les quatre villes de Knin, Benkovac, Gracac et Obrovac les 4
14 et 5 août 1995. Dans le cadre de nos exposés, M. Cross et moi-même
15 traiterons des trois premières questions que les parties ont reçues des
16 Juges de la Chambre d'appel dans l'addendum à l'ordonnance portant
17 calendrier. Et ensuite, après que nous en aurons terminé, Mme Laurel Baig
18 traitera de la quatrième question posée par la Chambre, qui concerne
19 l'ordre d'évacuation.
20 Globalement, nos exposés relatifs à l'attaque illégale peuvent se résumer
21 comme suit : la Chambre de première instance a estimé à juste titre que
22 l'armée croate, la HV, a mené une attaque sous forme de bombardement les 4
23 et 5 août, et que cette attaque était illégale, sans discrimination et a
24 visé les quatre villes susmentionnées. L'attaque illégale n'a pas constitué
25 un événement isolé, qui ne serait pas lié à d'autres événements, mais a
26 bien fait partie d'un plan criminel commun destiné à déplacer de façon
27 permanente la population civile serbe de la région de la Krajina en
28 Croatie. La conclusion de la Chambre de première instance au sujet du
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1 caractère illégal de cette attaque est étayée amplement par diverses
2 sources qui proviennent des éléments de preuve, toutes ces sources montrant
3 de façon conséquente que le fait que les villes aient été prises pour cible
4 en tant que telle est réel au cours de cette attaque. Ces éléments de
5 preuve comprennent, premièrement, le débat entre Gotovina, Markac et
6 d'autres personnes avec le président croate Franjo Tudjman à Brioni le 31
7 juillet 1995, c'est-à-dire quatre jours avant l'attaque. La Chambre de
8 première instance a conclu à juste titre que cette discussion a porté sur
9 la nécessité de forcer les civils à partir. Paragraphe 1 995 du jugement.
10 Deuxièmement, le libellé très simple de l'ordre d'attaque émis par Gotovina
11 le 2 août qui impliquait, je cite, "de mettre ces villes sous les tirs
12 d'artillerie," et les ordres des subordonnés de Gotovina qui avaient le
13 même objectif.
14 Troisièmement, les récits nombreux de témoins oculaires et les conclusions
15 du personnel militaire des Nations Unies présent à Knin dans le cadre de la
16 présence des forces de maintien de la paix selon lesquelles l'attaque à
17 l'obus a touché l'ensemble de ces villes, et ce, de façon indiscriminée.
18 Quatrièmement, le mépris total de la population civile présente à Knin au
19 moment où l'armée croate a pilonné plusieurs localités dans l'espoir de
20 toucher le président de la RSK, Martic, même si la HV savait que ses
21 chances de le toucher étaient très faibles. Je parlerai plus en détails de
22 chacun de ces points dans mon exposé à venir.
23 La seule conclusion raisonnable à tirer de l'ensemble de ces éléments de
24 preuve c'est qu'une attaque à l'obus illégale contre quatre villes a été
25 planifiée, ordonnée et exécutée.
26 Eu égard aux questions relatives à la marge d'erreur et à l'importance des
27 conclusions de la Chambre de première instance au sujet de l'impact précis
28 sur les localités mentionnées, point qui a été évoqué dans les questions 1,
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1 2 et 3 de la Chambre, la position de l'Accusation est la suivante :
2 D'abord, et ceci concerne la question numéro 1, si l'on prend en compte les
3 éléments de preuve disponibles devant la Chambre durant le procès,
4 l'utilisation de la marge d'erreur de 200 mètres dans l'analyse du
5 pilonnage n'était pas déraisonnable.
6 Notre réponse à la question 2 c'est que toute erreur impliquant une marge
7 d'erreur de 200 mètres ne modifie rien aux conclusions de la Chambre de
8 première instance au sujet des lieux d'impact. La marge d'erreur de 200
9 mètres a servi principalement à évaluer la déposition du chef d'artillerie
10 de Gotovina, M. Marko Rajcic, qui a affirmé que l'armée croate était en
11 possession d'armes précises qui ont pris pour cible uniquement des objets
12 autorisés par la loi dans le cadre de l'ordre d'attaque de Gotovina.
13 La Chambre de première instance nous présente une analyse précise de
14 l'impact précis des obus qui montre avant tout que les projectiles ont
15 touché les villes, y compris dans des quartiers situés au voisinage de
16 maisons, d'un hôpital et d'un centre médical. La Chambre de première
17 instance a estimé à juste titre que le lieu et la diffusion des sites des
18 impacts connus un peu partout dans ces villes correspondait à l'affirmation
19 de Rajcic quant au fait que les appareils de visée étaient précis et
20 légaux. Ceci est vrai même si la marge d'erreur était supérieure à 200
21 mètres.
22 Dans la question numéro 3 posée par la Chambre, celle-ci se demande si les
23 conclusions globales relatives à une attaque illégale devraient être
24 maintenues au cas où les conclusions de la Chambre de première instance
25 relatives aux sites d'impact étaient estimées erronées. La réponse à cette
26 question est oui. Sur la base d'un grand nombre d'éléments de preuve que
27 j'évoquerai dans cet exposé, tels que le plan criminel discuté à Brioni et
28 les ordres d'attaque en tant que tels, le recours à une marge d'erreur de
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1 200 mètres lié aux conclusions selon lesquelles le nombre d'impacts connus
2 est limité ne change rien à la conclusion globale relative au caractère
3 illégal de l'attaque. Même si on laisse de côté la marge d'erreur, on
4 constate que les villes en tant que telles ont été délibérément prises pour
5 cible selon tous les éléments de preuve disponibles.
6 Par ailleurs, la présente Chambre devrait rejeter la tentative de la
7 Défense d'élever tous les éléments de preuve, y compris la marge d'erreur,
8 à un statut tel que ce seul élément permettrait de déterminer le caractère
9 légal ou non de l'attaque d'artillerie. Les Juges doivent prendre en compte
10 l'intention du commandant en s'appuyant sur l'ensemble des éléments de
11 preuve. L'intention est déterminée en prenant en compte l'ensemble des
12 actes et des omissions de la personne, et pas simplement en calculant la
13 marge d'erreur assignée aux armes qu'il a utilisées.
14 La présente Chambre de première instance, lorsqu'elle se penchera sur le
15 caractère de l'attaque d'artillerie, ne doit pas commencer par examiner les
16 quatre premiers obus qui ont touché les quatre villes à partir de 5 heures
17 du matin le 4 août.
18 Même si l'attaque illégale contre les villes de Knin, Benkovac,
19 Gracac et Obrovac a constitué une partie importante du plan commun, ce
20 n'était pas la seule partie de ce plan. Le plan était plus vaste de par sa
21 portée et de par sa mise en œuvre. Et c'est précisément cette portée plus
22 vaste du plan et la façon dont l'attaque illégale s'intégrait dans le plan
23 criminel commun global que la Chambre de première instance a prises en
24 compte dans ses conclusions pour déterminer le caractère illégal de cette
25 attaque.
26 Comme la Chambre de première instance, la présente Chambre doit tenir
27 compte de la discussion et des accords conclus quatre jours avant durant la
28 réunion de Brioni du 31 juillet 1995. Pendant cette réunion, Ante Gotovina,
Page 66
1 Mladen Markac et d'autres hauts conseillers ont rejoint le président
2 Tudjman, président de la Croatie, pour discuter de la meilleure manière de
3 ressaisir la Krajina dans le cadre de ce que l'on connaît désormais sous le
4 nom d'opération Tempête. Comme le montre le procès-verbal de cette réunion
5 - qui est P461 - la discussion de Brioni ne s'est pas limitée aux aspects
6 militaires légitimes et aux objectifs de l'opération. Ce document révèle
7 que l'objectif consistait à veiller à ce que la population civile en tant
8 que telle soit chassée de la région dans le cadre de l'opération militaire.
9 Ce n'est pas par hasard que le déplacement de la population civile serbe
10 faisait partie de l'opération.
11 Le président Tudjman considérait la population serbe de Croatie comme une
12 menace stratégique. Peter Galbraith, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis en
13 Croatie entre 1993 et 1998, a eu des rencontres et des contacts fréquents
14 avec Tudjman. Et dans sa déposition, il déclare, je cite :
15 "Le président Tudjman préférait une Croatie raisonnablement ou
16 fondamentalement homogène. Il estimait que les Etats devraient être
17 homogènes sur le plan ethnique, ou proches de l'homogénéité ethnique. Il
18 estimait et a déclaré que les Serbes de Croatie étaient trop nombreux et
19 constituaient une menace stratégique pour la Croatie. Il était très
20 favorable aux transferts de population."
21 Pièce P444, paragraphe 31, ainsi que paragraphe 1 999 du jugement.
22 En effet, les civils étaient l'une des questions sur lesquelles se
23 concentrait le président Tudjman à Brioni lorsqu'il a déclaré, je cite :
24 "Mais j'ai dit, et nous avons dit cela ici, il devrait leur être donné une
25 voie de sortie… car il est important que ces civils partent, et l'armée les
26 suivra, et lorsque les colonnes prendront le départ, ceci aura un impact
27 psychologique sur les uns et les autres."
28 Pièce P461, page 15.
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1 Gotovina a répondu que si les forces croates continuaient à exercer une
2 pression, les seuls civils qui resteraient seraient ceux qui étaient
3 considérés comme incapables de partir. Je cite :
4 "Ce qui signifie que si nous continuons à exercer cette pression, il est
5 probable que dans quelque temps il n'y aura pas un nombre aussi important
6 de civils; il ne restera que ceux qui sont contraints de rester parce
7 qu'ils n'ont aucune possibilité de partir."
8 Pièce P461, page 15, paragraphe 1 977 du jugement.
9 Alors, Messieurs les Juges, ces déclarations, on peut les attendre de
10 dirigeants militaires qui avaient l'intention de respecter leur obligation
11 de protéger la population civile pendant l'attaque; oui ou non ? "Il est
12 important que ces civils partent… si nous poursuivons la pression… il n'y
13 aura pas un nombre si important de civils qui resteront ?"
14 La Chambre de première instance a conclu à juste titre que la discussion
15 relative aux civils à Brioni ne portait pas sur la nécessité de les
16 protéger, mais plutôt sur la nécessité de les forcer à partir. Paragraphe 1
17 995 du jugement.
18 L'attaque d'artillerie qui s'en est suivie quatre jours plus tard doit être
19 prise en compte au vu de ce qui s'est passé pendant cette discussion. A
20 savoir que la population serbe était considérée comme une menace
21 stratégique pour la Croatie en tant que telle et devait être contrainte à
22 partir dans le cadre de l'opération militaire.
23 D'autres aspects du plan criminel qui a eu lieu après l'attaque
24 d'artillerie ont permis d'aller dans le sens de l'objectif consistant à
25 chasser les civils serbes. Ceci jette quelque lumière sur la nature de
26 l'attaque. Nous savons que lorsque l'attaque d'artillerie s'est terminée,
27 les forces terrestres de Gotovina et de Markac ont pénétré dans les quatre
28 villes. La prévision de Gotovina formulée à Brioni s'est donc avérée
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1 exacte. Les quelques civils serbes qui restaient dans ces lieux après
2 l'attaque d'artillerie étaient pour la plupart ceux qui étaient trop âgés
3 ou trop faibles pour s'enfuir.
4 Pendant les deux mois qui ont suivi, ces malheureux individus ont été
5 la cible d'une vague sans restriction de crimes et de vengeance entre les
6 mains des subordonnés de Markac et de Gotovina. Et pendant tout ce temps,
7 Gotovina et Markac n'ont pris aucune mesure sérieuse pour mettre un terme à
8 ces crimes. Si nécessaire, les Juges peuvent se référer au paragraphe 2 365
9 du jugement.
10 L'absence de préoccupation pour la protection des civils qui a eu
11 lieu et que l'on trouve dans les remarques de Gotovina à Brioni était très
12 apparente et s'est matérialisée dans les suites données à l'attaque
13 d'artillerie --
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Stringer, par rapport à ce que
15 vous venez de dire, est-ce que vous laissez entendre que votre thèse ne
16 repose pas sur la fréquence des attaques militaires illégales ?
17 M. STRINGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Ce que j'ai dit,
18 c'est que le caractère légal ou pas de l'attaque doit être apprécié en
19 tenant compte de l'ensemble des événements qui ont eu lieu, pas simplement
20 de ceux qui ont eu lieu avant l'attaque, mais également de ceux qui ont
21 lieu après.
22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais est-ce que les attaques ne sont
23 pas illégales lorsqu'il n'y a pas violence par la suite ?
24 M. STRINGER : [interprétation] Nous avons un argument à ce sujet. Mes
25 confrères vont traiter de cette question plus tard. Je crois que c'est une
26 réponse à la question 4 de la Chambre.
27 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce que j'affirme, c'est que les
28 éléments de preuve démontrent le caractère illégal de l'attaque.
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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais les deux questions posées par la
2 Chambre sont très importantes en l'espèce. Si la Chambre d'appel - et je ne
3 dis pas que ce sera ou que ce ne sera pas le cas - mais si la Chambre
4 d'appel devait annuler les conclusions de la Chambre de première instance
5 au sujet de cette limite de 200 mètres, en quoi est-ce que les éléments de
6 preuve relatifs aux lieux d'impact qui ont été pris en compte par la
7 Chambre de première instance pourraient être utiles, étant donné que la
8 Chambre de première instance elle-même a estimé que ces quatre villes
9 abritaient des cibles militaires qui étaient si limitées d'un point de vue
10 territorial et que les obus qui n'ont pas touché ces cibles ne pouvaient
11 pas être simplement la conséquence d'une erreur militaire ?
12 Est-ce que ceci peut avoir une importance par rapport à l'argument présenté
13 plus tôt par la Défense au sujet de l'absence pratiquement totale de
14 victimes civiles ?
15 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je vais essayer de
16 répondre le plus brièvement possible à votre question.
17 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
18 M. STRINGER : [interprétation] Cette limite de 200 mètres, et j'espérais
19 aborder ce sujet un peu plus tard dans mon exposé, cette marge d'erreur de
20 200 mètres a été estimée de façon correcte par rapport aux éléments de
21 preuve présentés pendant le procès. S'il y avait erreur de ce point de vue,
22 c'est toutefois ce que nous savons, nous connaissons l'existence de cette
23 marge d'erreur de 200 mètres.
24 Pendant le procès, la Chambre n'a pu déterminer que les lieux précis
25 où les obus sont tombés dans 10 % des cas seulement, donc par rapport à
26 10 % des obus qui ont effectivement été tirés. Nous savons qu'au moins
27 1 200 obus ont été tirés sur les quatre villes pendant l'opération
28 concernée et que, sur ce total, 900 au moins ont été tirés sur Knin.
Page 70
1 Quand la Chambre de première instance parle de lieux d'impact précis, elle
2 parle uniquement des lieux qui ont pu être déterminés, à savoir 10 % du
3 total. Si vous vous penchez sur l'annexe à notre mémoire, lorsque vous
4 trouverez le passage relatif aux lieux d'impact, vous verrez que pour 50 %
5 des lieux d'impact connus, les obus sont tombés en dehors du périmètre de
6 200 mètres, en gros. A peu près 50 %.
7 Alors cela nous laisse 95 %, et mes confrères vont revenir sur ce
8 pourcentage. Mais qu'est-ce qui se passe pour le reste, pour les lieux
9 d'impact inconnus, pour les lieux d'impact inconnus et dont certains ont pu
10 se situer à l'intérieur du périmètre de 200 mètres ? Il n'existe aucun
11 fondement permettant d'étayer cette affirmation. Donc nous savons que 5 %
12 des obus dont le lieu d'impact est connu sont tombés à l'intérieur de la
13 limite des 200 mètres, et si on les ajoute aux 90 %, on a le total des
14 inconnus s'agissant des lieux d'impact. Le nombre est très vaste, et la
15 proportion également. En gros, si l'on prend l'ensemble des villes
16 concernées, comme la Chambre de première instance l'a constaté, et comme
17 les témoins l'ont dit dans leur déposition, il n'existe aucun fondement
18 permettant de partir du principe que les 90 % d'impacts inconnus sur le
19 plan du lieu où ils sont tombés se situent à l'intérieur de la marge de 200
20 mètres. Et c'est en particulier le cas si l'on étend la marge d'erreur de
21 200 mètres à 400 mètres, si l'on part du principe que les armes étaient
22 deux fois plus imprécises que qu'est-ce que la Chambre de première instance
23 a estimé.
24 Alors, ce qu'il nous manque au sujet des impacts, des impacts connus,
25 ce qu'il nous manque si on applique la règle des 200 mètres, c'est la
26 détermination des lieux où ils sont tombés. Ce qui signifie que
27 pratiquement 50 % de ces obus sont, dans l'état actuel de ce que l'on
28 connaît, tombés dans un rayon de 200 mètres. Pas 95 %, comme l'a dit le
Page 71
1 conseil de la Défense.
2 J'aimerais maintenant répondre à votre autre question, Monsieur le
3 Président, sur la présence de cibles militaires à l'intérieur des villes.
4 Nous avons déjà vu un certain nombre de procès [comme interprété] centrés
5 sur des attaques d'artillerie illégales devant ce Tribunal, Monsieur le
6 Président, comme vous le savez et comme le savent les Juges qui vous
7 accompagnent. Le fait que des cibles légales existent dans le cadre de ces
8 affaires ne change rien à la détermination que nous avons faite du
9 caractère illégal de l'attaque dont nous parlons. Oui, il y avait des
10 cibles militaires légales. Mais lorsque l'on définit l'intention qui
11 préside à une opération de pilonnage, on ne doit pas se limiter uniquement
12 à un nombre de lieux très restreint dont on sait que des obus sont tombés
13 dans ces lieux. Il faut que l'on tienne compte de l'ensemble des éléments
14 de preuve.
15 Et avec votre permission, Monsieur le Président, j'aimerais revenir à
16 mon exposé en présentant l'essence d'un certain nombre d'éléments de
17 preuve.
18 En dehors de la discussion de Brioni, nous savons que Gotovina a émis
19 son ordre d'attaque le 2 août, c'est-à-dire deux jours après cette réunion.
20 Pièce P1125. Et j'aimerais appeler l'attention de la Chambre de première
21 instance sur le libellé utilisé par la Chambre de première instance à ce
22 sujet. Vous l'avez sous les yeux.
23 Ce que le général a fait ici, c'est traiter dans son ordre des cibles
24 légales, donc des cibles militaires qu'il convenait de frapper, grâce à des
25 frappes dues à la Brigade d'infanterie légère, et ce, dans le but de placer
26 les villes de Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac sous des tirs
27 d'artillerie. Ceci s'est ajouté aux autres cibles précisées par le général
28 dans son ordre. Je fais remarquer, Monsieur le Président, Messieurs les
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1 Juges, que Drvar se situe en dehors des lieux pris en compte dans l'acte
2 d'accusation en l'espèce. C'est un lieu qui se trouve en Bosnie-Herzégovine
3 mais qui n'a pas été pris en compte par la Chambre de première instance.
4 Nous trouvons ici un libellé qui, comme la Chambre de première
5 instance l'a fait remarquer à juste titre, reposait sur une lecture simple
6 de l'ordre d'attaque. La Chambre de première instance a estimé que cet
7 ordre indiquait que l'armée croate devait traiter l'ensemble de ces villes,
8 et Knin en particulier, comme des cibles. Paragraphe
9 1 893 du jugement.
10 Monsieur le Président, cet ordre, cette remarque particulière est
11 descendue le long de la filière hiérarchique. Nous voyons encore une fois
12 dans cet ordre qui vient du chef de l'artillerie, du général, donc un ordre
13 résultant du premier, un ordre également émanant du chef de l'état-major de
14 l'artillerie, Marko Rajcic, qui - vous avez le libellé de cet ordre sous
15 les yeux - met l'accent sur la nécessité de neutraliser les centres de
16 transmission, les postes de commandement, et cetera, et qui ordonne que les
17 villes soient placées sous des tirs d'artillerie. Donc, même formulation
18 que dans l'ordre de Gotovina. Pièce D97.
19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la même chose se produit
20 tout au long de la chaîne de commandement jusqu'au niveau hiérarchique le
21 plus bas, où il est question de l'utilisation d'obus. La pièce P1263, c'est
22 l'ordre donné au Groupe opérationnel de Zadar de -- ah, j'ai oublié de
23 parler de Mladen Fuzul, excusez-moi. Donc les ordres sont donnés aux
24 groupes d'artillerie subordonnés pour qu'ils "entament les tirs contre les
25 villes de Benkovac et d'Obrovac." Placer ces villes sous des tirs
26 d'artillerie. Même chose dans l'ordre émanant du chef d'artillerie et même
27 chose dans tous les ordres émanant des nouveaux hiérarchiques subordonnés
28 concernant Benkovac, Obrovac et Gracac.
Page 73
1 La Défense a présenté toute une série d'affirmations quant au fait
2 que l'on aurait pris pour cible des zones habitées par les civils. Eh bien,
3 ces villes sont des zones habitées par des civils. Nous savons que les
4 ordres en tant que tels, ordres donnés par le général Gotovina et donnés
5 par tous les commandements subordonnés par la suite, comme on peut le lire
6 dans les rapports publiés à l'époque des faits, étaient destinés à des
7 responsables d'artillerie, ce qui, à notre avis, étaye la thèse selon
8 laquelle les villes étaient prises pour cible.
9 La pièce 1268, c'est un rapport du groupe d'artillerie TS-4 qui
10 tirait sur Knin. Dans ce rapport, il est indiqué qu'à 15 heures, à
11 intervalles réguliers, les responsables de l'artillerie ont tiré au total
12 18 projectiles à partir d'un T-130 - qui est l'un des canons d'artillerie
13 utilisés le plus généralement - et qui a donc tiré sur Knin. Ceci
14 correspond au libellé que nous avions trouvé dans les ordres donnés par les
15 supérieurs.
16 Au procès, Monsieur le Président, j'appelle votre attention sur la
17 déposition du témoin expert en artillerie cité à la barre par l'Accusation,
18 à savoir le colonel Konings. Konings était présent à Sarajevo pendant le
19 conflit. Il a été à la tête des enquêtes relatives aux incidents
20 d'artillerie constatés à Sarajevo. Et pendant le procès, il a passé en
21 revue le rapport d'artillerie que nous venons d'examiner au sujet des obus
22 tirés sur Knin.
23 Il a dit aux Juges de la Chambre de première instance en l'espèce :
24 "Je vous renvoie à ce qui s'est passé dans la ville de Sarajevo
25 pendant plus de six mois. Pas d'objectif militaire. Le seul objectif
26 consistait à utiliser l'artillerie de façon à harceler une population
27 civile dans le but de la contraindre à fuir."
28 Et il poursuit :
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1 "Je dois dire que ceci était tout à fait clair, en particulier si
2 l'on voit l'utilisation des mots 'à intervalles réguliers', 18 projectiles
3 ont été tirés sur le secteur général de Knin, et le rapport qui est établi
4 entre ceci et l'ordre opérationnel dont nous avons déjà parlé."
5 L'ordre opérationnel auquel il fait référence est l'ordre d'attaque
6 émanant du général Gotovina.
7 D'autres rapports ont été émis par d'autres groupes, d'autres soldats
8 dans d'autres lieux, qui rendent compte de la même chose. La pièce P2385
9 vient d'un détachement de la police spéciale. A 8 heures 55 du matin, puis
10 à 11 heures 30 du matin, les hommes qui ont rédigé ces rapports disent, Des
11 tirs ont eu lieu sur les cibles précitées. Et il est question de tirs
12 d'artillerie qui ont pris pour cible Gracac et Medak. "Tirs d'artillerie
13 visant Gracac," ce sont les mots que l'on trouve dans ces rapports.
14 Donc, toujours des villes prises pour cible. Les villes sont bien les
15 objets assignés à l'attaque.
16 Autre pièce à prendre en compte, la pièce P1200. Dans tous ces
17 rapports, la Chambre de première instance a eu raison de conclure, ce sont
18 donc des conclusions tout à fait justifiées à notre avis, que les unités
19 d'artillerie rendent compte de ce qui s'est réellement passé, à savoir que
20 l'armée croate a traité les villes en tant que cibles. Paragraphes 1 911, 1
21 923, 1 935 et 1 943 du jugement. Cette interprétation de la Chambre de
22 première instance a été tout à fait raisonnable étant donné le libellé très
23 simple que l'on trouve dans l'ordre d'attaque de Gotovina ainsi que dans
24 les ordres de ses subordonnés et étant donné ce que Gotovina a dit à
25 Brioni, à savoir continuer à exercer une pression sur la police civile pour
26 la forcer à partir. Quelle autre explication aurait-il pu y avoir pour le
27 fait de tirer un nombre si important de projectiles sur des villes ? C'est
28 la seule conclusion raisonnable.
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1 Outre les ordres d'attaque et les rapports d'artillerie de la HV, la
2 Chambre de première instance, à juste titre, s'est reposée sur le
3 témoignage de personnel militaire expérimenté à Knin les 4 et 5 août et qui
4 faisait partie des forces du maintien de la paix aux Nations Unies. Un
5 autre témoin oculaire, qui était le commandant du secteur sud, Alain
6 Forand, qui a observé des tirs d'artillerie et l'attaque initiale depuis le
7 toit de la base à Knin, et qui était présent à Knin pendant toute la durée
8 de l'attaque. Il a dit à la Chambre de première instance que le pilonnage à
9 Knin était "indiscriminé et dirigé contre la population civile afin de
10 créer une panique massive." Jugement, au paragraphe 1 336.
11 Les éléments de preuve ont étayés les conclusions à la Chambre de
12 première instance, à savoir que les obus de la HV ont, en réalité, touché
13 ou sont tombés très proches de biens civils et de maisons civils, tels que
14 des hôpitaux et un centre médical, confer le jugement aux paragraphes 1
15 903, 1 905, 1 920, 1 932 et 1 940. Il n'est donc pas surprenant de
16 constater que le libellé des ordres d'attaque et de pilonnage général des
17 villes se trouve illustré dans les registres d'artillerie de la HV.
18 Et pour finir, la Chambre de première instance dispose d'éléments de
19 preuve qui sont à juste titre considérés comme des éléments de preuve sur
20 les attaques disproportionnées de Martic visant à toucher à un bâtiment, et
21 ceci était révélateur de son attitude à l'égard de la population civile
22 vivant à Knin. Ils ont tiré des obus sur les endroits présumés à trois
23 reprises. La première de ces attaques s'est produite entre 7 heures 30 et 8
24 heures du matin le 4. Le HV a tiré des obus de 120 millimètres sur
25 l'appartement qui se trouvait dans ce bâtiment. La Chambre de première
26 instance a constaté qu'il s'agissait d'une participation –- qu'il y avait
27 des civils qui habitaient dans cette région, puisqu'elle était
28 majoritairement civile. Et le commandant d'artillerie, Rajcic, a témoigné
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1 pour dire qu'ils savaient que le fait de blesser ou de toucher était
2 minime. Paragraphe 1 910 du jugement.
3 A juste titre, elle a tenu compte de ceci dans ses conclusions
4 générales sur l'attaque en se fondant sur tous les éléments de preuve. Mon
5 collègue, M. Cross, va y revenir.
6 Revenons maintenant un petit peu en arrière et résumons. Pendant la
7 matinée de 4 août 1995, alors que la HV a tiré ses obus de 130 millimètres
8 sur l'appartement résidentiel de Martic en sachant qu'il était peu probable
9 qu'ils ne le touchent, le commandant des Nations Unies, Forand, ainsi que
10 d'autres témoins ont vécu cela et en ont conclu qu'il s'agissait d'une
11 attaque indiscriminée. La même attaque était dirigée contre Benkovac,
12 Gracac et Obrovac en même temps. Les artilleurs qui lançaient ces
13 projectiles d'artillerie sur les quatre villes tiraient sur les villes,
14 dans la zone générale où se trouvaient ces villes, tel que cela a été
15 rapporté. C'est ce qu'on leur avait donné l'ordre de faire. Ces ordres
16 mènent directement au général Gotovina qui avait donné l'ordre que ces
17 villes soient pilonnées. Il a ordonné dans son ordre d'appliquer ce qui
18 était considéré comme l'amorce nécessaire, ou d'exercer une pression, comme
19 il l'a dit à Brioni, pour que la population s'en aille. Il l'a fait parce
20 que le commandement Suprême était à Brioni. Il est important que les civils
21 se mettent en route, c'est-à-dire que la population civile parte; il est
22 important parce qu'il devait laisser des civils serbes. La population elle-
23 même était considérée comme une menace stratégique aux yeux de la Croatie.
24 Alors, compte tenu des éléments de preuve soumis à la Chambre de première
25 instance, elle a pu raisonnablement conclure que l'attaque d'artillerie sur
26 les quatre villes était une attaque indiscriminée. Lorsque vous tenez
27 compte des événements qui ont suivi, tels que des crimes commis par l'armée
28 croate, sans retenue, dirigés contre les Serbes qui restaient et qui
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1 auraient pu fuir le pilonnage, les mesures et politiques mises en œuvre
2 pour empêcher que les Serbes ne reviennent ainsi que des déclarations
3 publiques faites par le président Tudjman après l'opération qui célébrait
4 le départ des Serbes, il est clair quelle était l'intention derrière cette
5 opération. L'intention consistait à déplacer cette population de façon
6 permanente.
7 Je réponds maintenant aux arguments de Gotovina.
8 Ce qui nous amène à contester ce que dit Gotovina, en nous fondant
9 sur la marge d'erreur du système d'armes qui tiraient sur les quatre
10 villes. Il conteste l'emploi par la Chambre de première instance de cette
11 marge d'erreur dans son évaluation lorsqu'elle évalue les éléments de
12 preuve. Même, comme je vais le dire dans mes remarques, il se méprend sur
13 le rôle sur la marge d'erreur des 200 mètres appliquée par la Chambre de
14 première instance dans son analyse. A la première question, Messieurs les
15 Juges, de savoir si la Chambre de première instance a commis une erreur en
16 appliquant cette marge d'erreur de 200 mètres qui porte sur l'attaque, en
17 se fondant sur le dossier en l'espèce et sur des éléments de preuve
18 présentés par les parties, la réponse est non. En se fondant sur les
19 éléments de preuve et le dossier, l'emploi de cette marge d'erreur de 200
20 mètres n'était pas déraisonnable.
21 Comme cela est précisé dans le jugement aux paragraphes 1 893 et 1
22 911, l'objectif essentiel de la Chambre de première instance lorsqu'elle a
23 appliqué cette analyse de la marge d'erreur ne consistait pas à déterminer
24 de façon concluante si oui ou non l'attaque était illégale ou pas. Ou
25 plutôt, la marge d'erreur et cette analyse faisaient partie de l'évaluation
26 de la Chambre qui s'est fondée sur ce que prétendait Rajcic, à savoir que
27 les ordres d'attaque, malgré le langage clair dans lequel ces ordres ont
28 été libellés, ont été interprétés comme portant essentiellement sur des
Page 79
1 cibles légitimes. Confer le jugement aux paragraphes 1 188 et 1 893.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc, si les attaques voulaient
3 laisser entendre qu'elle est délibérée ou s'il s'agissait d'attaques
4 simplement indiscriminées, par opposition à Sarajevo que vous avez évoquée
5 il y a quelques instants, où il y avait énormément de pertes en hommes,
6 pouvez-vous nous fournir une explication et me dire ou m'expliquer si la
7 Défense n'a pas été tout à fait exacte lorsqu'elle laissait entendre qu'il
8 n'y avait absolument pas de pertes en hommes ? Comment expliquez-vous cela
9 s'il y en avait que très peu ?
10 Il y avait des centaines et des centaines d'obus qui ont été tirés.
11 M. STRINGER : [interprétation] Eh bien, mon collègue, M. Cross, va aborder
12 cette question.
13 Ce que je vais vous dire, c'est ceci : l'attaque illégale qui est reprochée
14 en l'espèce a été reprochée parce qu'il s'agit d'un acte de persécution et
15 non pas d'une attaque illégale en elle-même. Donc il n'y avait pas de
16 conditions requises, il ne fallait donc pas prouvé la mort de civils. Nous
17 n'avons pas d'annexe en pièce jointe à cet acte d'accusation qui énumère
18 une liste de victimes particulières qui ont été identifiées ou dont les
19 décès ont pu être constatés au procès. Ceci n'était pas une condition
20 requise par rapport à une attaque illégale qui est reprochée en l'espèce et
21 faisait partie du crime de persécution.
22 Bien, Monsieur le Président, je crois que je vous l'ai indiqué, vous
23 semblez être conscient du fait que des éléments de preuve existent et
24 figurent au dossier grâce à un certain nombre de témoins qui ont vu des
25 personnes blessées, des pertes en hommes, des personnes gisant dans les
26 rues de Knin au moment de l'attaque les 4 et 5. Il est important de noter
27 que les hommes d'infanterie de la HV, les forces au sol, ne sont pas entrés
28 dans ces villes jusqu'à avant midi. Ils ne sont pas entrés à Knin avant
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1 midi à la date du 5. Donc, si les témoins, bon nombre d'entre eux, ont
2 témoigné à propos des pertes en hommes, les corps qui ont été vu le 4, eh
3 bien, il ne peut y avoir qu'une seule explication à cela.
4 Donc, si nous traitons de la question des pertes en hommes, c'est une
5 question un petit peu épineuse, Monsieur le Président. Ce n'est pas quelque
6 chose que l'on nous a demandé de prouver, et certainement ne tient pas
7 compte du fait que les témoins ont fourni énormément d'éléments de preuve
8 sur l'existence de ces pertes en hommes et, ce qui est encore plus grave,
9 sur les attaques et le pilonnage et comment ceci s'est déroulé.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Stringer.
11 M. STRINGER : [interprétation] Je vais vous demander combien de temps il me
12 reste.
13 Mes collègues, en fait, ont commencé à parler. Nous avons 40 minutes, je
14 vais conclure donc. J'espère avoir répondu à vos questions.
15 La question numéro 1 : est-ce que ceci a été raisonnablement fondé
16 sur les éléments de preuve. Nous attirons votre attention sur la déposition
17 du chef de l'armée de Gotovina, Rajcic, qui a tiré sur Knin. La Chambre a
18 indiqué -- c'est leur proposition, a indiqué par l'intermédiaire de Knin,
19 qu'il utilisait une arme de 120 [comme interprété] millimètres. Les Juges
20 de la Chambre en ont tenu compte lorsqu'elle a tenu compte de la marge
21 d'erreur.
22 Pour ce qui est la marge d'erreur de 400 mètres, Monsieur le
23 Président, je souhaite simplement ajouter ceci, parce que la Défense
24 souhaite maintenant endosser la déposition de M. Leslie qui a témoigné à
25 propos d'une marge d'erreur de 400 mètres en un seul tir. Il n'a témoigné
26 en tant que témoin expert, et les Juges de la Chambre se sont opposés à sa
27 déposition pour cette raison-là au moment du procès. Le fait que la
28 Défense, maintenant, endosse cette marge d'erreur de 400 mètres est digne
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1 d'attention parce que ceci laisse entendre de façon générale que les armes
2 utilisées étaient moins précises que ce que les Juges de la Chambre de
3 première instance ont estimé. Car, comme Leslie l'a dit dans sa déposition,
4 il a conclu que l'attaque était indiscriminée. Et je confère [phon],
5 Messieurs les Juges, aux pages 1 990 et 1 991 du jugement, où Leslie a dit
6 dans sa déposition qu'il y avait des tirs absolument partout. Si, comme le
7 général Leslie l'a remarqué, les hommes de Gotovina tiraient partout, donc
8 la marge d'erreur porte peu à conséquence. S'ils prenaient pour cible les
9 villes elles-mêmes en se fondant sur les ordres d'attaque que nous
10 retrouvons dans les rapports d'artillerie qui étaient rédigés à l'époque,
11 dans ce cas la marge d'erreur n'a pas d'importance. Elle n'a aucune
12 incidence sur les constatations eu égard au caractère délibéré de
13 l'attaque.
14 Messieurs les Juges, je vais maintenant résumer, et donc je vais
15 répondre à la troisième question.
16 Dans son rapport, le colonel Konings a indiqué comment est calculée
17 la marge d'erreur. Il s'agit de question mathématique. Il a cité les
18 tableaux de tirs. Il a tenu compte des conditions météorologiques. Il a
19 tenu compte d'une portée, la probabilité pour que l'on puisse tirer la
20 cible. Il n'a jamais indiqué que la marge d'erreur constitue le début ou la
21 fin de l'analyse.
22 On ne peut pas déterminer les éléments de cette affaire en se fondant
23 simplement sur les lieux d'impact et sur la marge d'erreur, quelle que ce
24 soit la marge. Messieurs les Juges, pour déterminer l'intention du
25 commandant, et son intention a été confirmée par tous les éléments de
26 preuve, on ne peut pas simplement calculer la marge d'erreur des armes
27 utilisées par le commandant. L'intention doit être déterminée en tenant
28 compte du comportement du commandant. Il ne s'agit pas simplement de la
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1 manière dont ces armes ont été utilisées, tel que cela est illustré par la
2 marge d'erreur. Dans tous ses actes, dans tous ses ordres, dans toutes ses
3 déclarations, ses omissions doivent être analysées à la lumière de cela.
4 Dans cette affaire, Monsieur le Président, la Chambre a fait exactement
5 cela lorsqu'elle a indiqué que l'artillerie utilisée par Gotovina et le
6 calcul de la marge d'erreur sur 200, 400 ou 1 200 mètres, à savoir si un
7 projectile donné pouvait avoir un impact sur la cible à 200 mètres, 450 ou
8 700 mètres, eh bien, nous pouvons tenir compte de tous ces éléments-là.
9 Cela ne change rien par rapport à ce que Gotovina a dit à Brioni. Cela ne
10 change rien par rapport à l'ordre d'attaque. Cela ne change rien aux ordres
11 d'attaque donnés à ses subordonnés. Cela ne change rien au fait que, comme
12 cela a été illustré dans les rapports fournis par la HV, il y avait eu des
13 tirs contre les villes elles-mêmes. Et c'est pour ces raisons-là que nous
14 répondons à la question numéro 3 : toute erreur ou faille dans l'analyse
15 des Juges de la Chambre de première instance portant sur cette règle des
16 200 mètres ou sur des lieux d'impact particuliers, à savoir si 10 % de ces
17 tirs étaient connus ou pas, ne peut pas être utilisée comme élément qui
18 peut être utilisé pour nous fonder en l'espèce.
19 A moins que vous, Messieurs les Juges, n'ayez d'autres questions, je vais
20 maintenant passer la parole à mon collègue, M. Cross.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le Juge Pocar.
22 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Alors j'ai peut-être une question à
23 vous poser, une précision sur votre point de vue pour simplement être sûr
24 que nous nous comprenions bien. Est-ce que vous utilisez votre argument
25 jusqu'au point de dire que même si techniquement les cibles des attaques
26 étaient simplement des cibles militaires, alors dans ce cas l'attaque elle-
27 même aurait-elle été illégale parce qu'elle faisait partie des moyens
28 utilisés au moment de la commission des crimes et forcer le transfert de la
Page 83
1 population ?
2 Est-ce là votre thèse ?
3 M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Vous allez
4 entendre davantage d'éléments de la bouche de mon collègue, M. [comme
5 interprété] Baig et M. Cross.
6 Alors, si l'attaque a été menée avec l'intention de déplacer par la
7 force la population civile, dans ce cas même si -- et dans le cas où ils
8 comptaient sur des dégâts collatéraux, pour faire en sorte que cela se
9 produise, et s'ils ne pilonnaient que des cibles légales, s'ils avaient
10 cette intention-là, dans ce cas cela constituerait l'élément qui aurait
11 provoqué les événements et qui aurait chassé la population.
12 Et à cet égard, la légalité de l'attaque ne pourrait pas avoir
13 d'incidence sur la constatation générale de la Chambre dans le cadre de
14 l'entreprise criminelle commune ou du fait de chasser la population. Encore
15 une fois, nous faisons valoir que les attaques illégales en elles-mêmes
16 n'avaient pas pour intention de prendre pour cible directement les villes,
17 mais c'est ce qui en a résulté.
18 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Donc vous dites en somme que si
19 l'attaque, même si elle ne prenait pas pour cible des cibles militaires,
20 avait pour objectif, non pas de présenter un avantage sur le plan militaire
21 simplement par le biais de l'attaque en détruisant les cibles militaires,
22 mais il s'agissait de commettre un crime, le crime de transfert forcé. Et
23 donc, ce qui rendrait cette attaque illégale. En fait, au plan technique,
24 est-ce que c'est quelque chose que vous pouvez justifier ?
25 M. STRINGER : [interprétation] Alors, effectivement, le crime de transfert
26 forcé et le fait de chasser la population peut être commis soit par des
27 moyens légaux ou illégaux.
28 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, j'entends bien ce que vous dites.
Page 84
1 Merci.
2 [La Chambre d'appel se concerte]
3 M. STRINGER : [interprétation] Est-ce que je peux maintenant passer la
4 parole à M. Cross ?
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.
6 M. CROSS : [interprétation] Messieurs les Juges, bonjour.
7 Pour répondre à la deuxième question de l'addendum, je vais maintenant
8 m'intéresser aux éléments de preuve et constatations relatifs aux lieux
9 d'impact particuliers. Mon propos sera ventilé en trois volets.
10 Premièrement, suite aux ordres donnés par MM. Gotovina et Markac, la HV et
11 la police spéciale ont tiré de façon absolument indiscriminée sur les
12 villes de Knin, Benkovac, Gracac et Obrovac. Ils ont ciblé et tiré des
13 objectifs légitimes, tout comme des objets à caractère civil.
14 Deuxièmement, la conclusion tirée par la Chambre de première instance
15 suivant laquelle les villes ont été ciblées reste tout à fait raisonnable.
16 Si tous les lieux d'impact dans les villes peuvent être expliqués par une
17 marge d'erreur supérieure à 200 mètres, alors vous pouvez, et vous devriez,
18 tirer une conclusion à partir de cette constatation, conclusion qui
19 porterait sur l'imprécision des armes. Au vu des autres éléments de preuve
20 qui figurent dans le jugement, l'utilisation de telles armes continue à
21 étayer le texte fort simple de l'ordre d'attaque de Gotovina qui demandait
22 que les villes soient traitées comme cible, au paragraphe 1 125.
23 Et troisièmement --
24 Excusez-moi, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Misetic.
26 M. MISETIC : [interprétation] Excusez-moi pour cette interruption.
27 Mais c'est une question, en fait, qui se trouvait dans les mémoires des
28 parties. Je voudrais juste indiquer pour le compte rendu d'audience que
Page 85
1 c'est une question que nous avons déjà soulevée, et nous avons indiqué
2 notre objection par rapport à cela.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Cross.
4 M. CROSS : [interprétation] Si je puis me permettre de répondre très
5 rapidement à Me Misetic.
6 Je dirais que l'Accusation a déposé une écriture à la fin de la
7 semaine dernière pour expliquer sa position et son point de vue. Etant
8 donné que nous n'avons pas beaucoup de temps, je ne me propose pas de vous
9 présenter de façon détaillée ces éléments à moins que vous ne le
10 souhaitiez.
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense que nous pourrions laisser le
12 représentant de l'Accusation poursuivre.
13 M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait.
14 M. CROSS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Et ces
15 éléments se trouvent dans le rapport auquel je viens de faire référence.
16 Je vous disais donc que, troisièmement, on ne peut pas dire qu'il s'agit
17 d'un crime qui ne s'est soldé par aucune victime. L'attaque illégale sur
18 Knin, et sur Knin seule, a fait en sorte que 14 000 Serbes de la Krajina
19 ont quitté leurs foyers. Des cadavres de civils gisaient dans les rues, et
20 cela a provoqué de nombreux dégâts aux objets à caractère civil.
21 Alors je prendrais, dans un premier temps, le premier point. Je vais
22 utiliser à titre d'exemple Knin. L'Accusation a évoqué et expliqué la
23 situation des autres villes dans son mémoire.
24 Lors de l'attaque d'artillerie menée contre Knin, la HV n'a pas fait de
25 distinction entre les cibles légales - paragraphes 1 899 à
26 1 922 du jugement - et la grande quantité d'objets à caractère civil qui
27 les entouraient. Certes, l'accent est mis dans le jugement sur les lieux
28 d'impact précis, mais cela ne signifie pas pour autant que la Chambre de
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1 première instance a conclu que c'étaient les seuls lieux d'impact qui
2 avaient été touchés. Il y a une répartition quasiment homogène de
3 l'artillerie dans tout Knin. Cela se retrouve dans l'analyse de la Chambre
4 et sous-tend cette conclusion.
5 Et je vais évoquer trois aspects importants. Premièrement, les éléments de
6 preuve du dossier en première instance sont très clairs et montrent en fait
7 qu'il n'y a aucun quartier de Knin qui n'a pas été ciblé par les roquettes
8 et les canons de la HV. La Chambre de première instance a mené à bien une
9 analyse à ce sujet. Vous avez, par exemple, ces différents quartiers qui
10 ont été frappés par les tirs d'artillerie de la HV. Le périmètre nord de la
11 ville, près d'un cimetière, paragraphe 1 905 du jugement; le périmètre sud
12 de la ville, dans un champ proche de la base des Nations Unies, paragraphe
13 1 904; à l'est de la ville, tout près du QG de la MOCE, l'hôpital et une
14 maison connue comme "repère J", paragraphes 1 388 à 1 389, 1 391, 1 903 et
15 1 905; et dans la ville à proprement parler, au centre de la ville et dans
16 la partie ouest de la ville, il y avait des cibles militaires, des objets à
17 caractère civil et des zones résidentielles.
18 La Chambre a considéré de façon tout à fait raisonnable que ces impacts
19 n'étaient absolument pas fortuits. Par exemple, le cimetière se trouvait à
20 au moins 700 mètres d'une cible légale, et l'hôpital à au moins 450 mètres.
21 Paragraphe 1 905 du jugement.
22 Il en va de même pour le QG de la MOCE qui se trouvait à au moins 300
23 mètres d'une cible légale.
24 Dans cet appel, il faut savoir que rien n'a une incidence ou ne devrait
25 avoir d'incidence quant aux conclusions tirées par la Chambre de première
26 instance à propos des lieux d'impact précis. Ils restent importants, quelle
27 que soit la méthode qui est utilisée pour les évaluer. Au vu de la
28 globalité des éléments de preuve considérés par la Chambre, ni les éléments
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1 de preuve apportés par Rajcic ni aucun autre élément de référence ne
2 permettent de soulever un doute raisonnable à propos du sens de l'ordre
3 d'attaque de M. Gotovina.
4 Deuxièmement, si vous prenez en considération ce qui a été évoqué par mon
5 confrère, à savoir le ratio ou le rapport des impacts sur les cibles
6 légales comparé à l'impact sur les objets à caractère civil, donc à
7 l'extérieur de cette zone de 200 mètres, le ratio est tel que l'on ne peut
8 tirer qu'une seule conclusion, à savoir la HV a tiré de façon
9 indiscriminée. Aucune Chambre ne pourrait essayer d'identifier tous les
10 lieux d'impact lors d'une attaque d'artillerie, mais le fait est que
11 quasiment 50 % des lieux d'impact se trouvent à plus de 200 mètres d'une
12 cible légale. Cela a son importance. Et cela est tout à fait conforme aux
13 autres éléments de preuve apportés, d'autant plus si l'on prend en
14 considération le caractère incomplet des registres d'artillerie.
15 Paragraphes 1 267, 1 367 et 1 368 du jugement.
16 Qui plus est, Messieurs les Juges, les conclusions du jugement étayent
17 cette analyse de 50 %, tel que cela est exposé dans l'annexe à notre
18 mémoire en réplique.
19 Gotovina a expliqué que la Chambre avait supposé qu'environ
20 95 % des tirs d'artillerie avaient touché des cibles tout à fait légitimes,
21 mais il n'y a aucune justification qui permet d'étayer ce point de vue dans
22 le jugement. Et au vu du poids des autres éléments de preuve qui étayent le
23 caractère indiscriminé de l'attaque, la présomption d'innocence était
24 qu'elle n'exige pas de la Chambre de se baser sur cette présomption, sur
25 cette supposition.
26 Troisièmement, parler des lieux d'impact particuliers ne représente qu'un
27 aspect de l'affaire. La réalité de la situation à Knin était beaucoup plus
28 grave que ce qui est impliqué par ces épisodes individuels. Cela était
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1 beaucoup plus général. Beaucoup plus dangereux également pour la population
2 civile. Le sergent Dreyer, qui a apposé des annotations aux pièces P78 et
3 P79 pour montrer où il avait vu les impacts d'artillerie, a dit, et je cite
4 :
5 "Ce que j'aurais dû faire, c'est prendre un grand marqueur et faire un
6 cercle autour de Knin, ne rien préciser et dire : Voilà, la zone d'impact.
7 Parce que cela était la zone d'impact. C'était Knin, et Knin dans toutes
8 les directions…"
9 Compte rendu d'audience page 1 741.
10 Comme l'a indiqué M. Stringer, les témoins oculaires à Knin ont convenu que
11 les tirs d'artillerie étaient présents de façon quasiment homogène dans
12 toute la ville et ne s'étaient pas concentrés sur certaines cibles, et la
13 Chambre a considéré de façon raisonnable cet élément de preuve. Les témoins
14 oculaires incluent au moins six soldats de métier d'active ou à la
15 retraite. Paragraphes 1 278,
16 1 287, 1 295 à 1 297, 1 311 et 1 336. Il est évident que leurs éléments de
17 preuve à propos de l'attaque méritent qu'on leur accord un poids.
18 Le colonel Leslie a décrit le matin du 4 août, à partir de la page 1 979 du
19 compte rendu d'audience, et il remarque qu'il n'y a pas de concentration
20 évidente des tirs, et il déclare, et je cite :
21 "Pour parler en termes de très simples, les tirs pouvaient être vus
22 partout."
23 Il faut savoir en fait que ces tirs d'artillerie ont suscité une réaction
24 immédiate de la part du général Forand, qui a envoyé de suite une aide de
25 protestation à M. Gotovina et aux commandants de la HV.
26 Vous nous avez demandé si la conclusion de la Chambre à propos du lieu
27 d'impact doit être maintenue à propos de la marge d'erreur de 200 mètres.
28 Et nous répondons tout simplement : Oui.
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1 Car cette marge de 200 mètres qui a été prise en compte lors de l'analyse
2 menée à bien par la Chambre et a été décrite par M. Stringer, il faut
3 savoir que bien que cette marge d'erreur ait été pertinente pour la
4 conclusion de la Chambre en matière d'attaque illégale, elle n'est pas
5 absolument nécessaire. Par conséquent, même si l'on fait complètement
6 abstraction des 200 mètres de marge d'erreur lors de l'analyse de la
7 Chambre, vous pouvez quand même retenir la conclusion d'attaque illégale.
8 Premièrement, seulement en vous appuyant sur l'ensemble exhaustif
9 d'éléments de preuve décrit par M. Stringer. Deuxièmement, sur la base
10 suivante : si M. Gotovina peut montrer que tous les lieux d'impact peuvent
11 être expliqués par la marge d'erreur, il s'ensuit que les armes qui ont été
12 utilisées n'étaient absolument pas appropriées à une utilisation dans un
13 contexte urbain. Et troisièmement, sur la base du caractère disproportionné
14 des tirs d'artillerie de la HV.
15 Je vais m'en tenir maintenant au deuxième et au troisième éléments.
16 Car vous avez entendu M. Gotovina affirmer aujourd'hui qu'une marge
17 d'erreur de 400 mètres aurait pu être une conclusion raisonnable pour la
18 Chambre de première instance par opposition à 200 mètres. Mais même cette
19 marge d'erreur ne met pas en brèche les conclusions tirées par la Chambre.
20 Par exemple, vous avez les impacts près du cimetière, à 700 mètres d'une
21 cible légale, et à l'hôpital, à 450 mètres, qui ne peuvent pas être
22 expliqués comme étant des dégâts collatéraux accidentels. En fait, pour
23 miner les conclusions de la Chambre de première instance suivant lesquelles
24 les lieux d'impact n'auraient pas pu être accidentels, vous devriez vous
25 satisfaire d'une marge d'erreur de 700 mètres. Et dans le dossier, M.
26 Gotovina n'indique absolument aucun élément permettant d'accepter cette
27 marge comme étant une marge raisonnable.
28 Il faut également savoir que même si les éléments de preuve devaient
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1 prouver en fait que l'artillerie de la HV avait bel et bien une marge
2 d'erreur de 700 mètres, voire supérieure, alors ce facteur devrait être
3 pris en considération lors de l'évaluation de l'intention qui sous-tend
4 l'attaque. Les artilleurs extrêmement bien formés, ayant beaucoup
5 d'expérience de la HV, ainsi que leur commandement devaient, bien entendu,
6 connaître l'erreur de leurs armes. L'utilisation de ces armes dans ce
7 contexte indique de façon assez importante l'intention de traiter la ville
8 entière comme une cible. La Chambre d'appel a d'ailleurs reconnu cette
9 approche dans l'arrêt Martic, aux paragraphes 260 à 261; l'arrêt dans
10 l'affaire Strugar, paragraphe 275; et l'arrêt dans l'affaire Galic,
11 paragraphe 132.
12 Et la Chambre a également reconnu que cette approche pouvait être utilisée.
13 Donc, dans la note en bas de page 932 de son jugement, volume numéro 2, la
14 Chambre dit ce qui suit à propos de ses constatations en matière de lieux
15 d'impact particuliers, et je cite :
16 "Si ces impacts qui se trouvaient à une distance allant jusqu'à 700 mètres
17 des cibles d'artillerie avaient été le résultat de l'imprécision des armes
18 utilisées… il faudrait alors dans ce cas envisager si de telles armes
19 imprécises pouvaient être utilisées dans le contexte d'une attaque
20 d'artillerie sur des cibles précises à l'intérieur d'une ville."
21 Ainsi, l'approche ou le point de vue de la Chambre vis-à-vis de la
22 proportionnalité devrait également étayer ces conclusions générales même si
23 la marge de 200 mètres peut être considérée comme non raisonnable.
24 La Chambre a, expressis verbis, considéré les trois attaques contre Martic
25 comme un exemple particulièrement révélateur, attaques contre Martic
26 qu'elle a considérées comme étant "tout à fait disproportionnées". Cela
27 fait l'objet de la note 935 du volume 2 du jugement. La Chambre a également
28 présenté toutes les conclusions nécessaires pour montrer que les autres
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1 attaques à l'intérieur de Knin étaient également disproportionnées. Etant
2 donné que toutes les cibles étaient entourées de civils et d'objets à
3 caractère civil, la Chambre en a conclu à, et je cite, "un risque important
4 d'avoir un nombre élevé de victimes civiles," paragraphe 1 910 du jugement.
5 Pour ce qui est de l'avantage militaire limité, il faut savoir que toutes
6 les cibles étaient des bâtiments. Le nombre de soldats présents dans la
7 ville de Knin s'élevait à 150. Paragraphes 1 225 et 1 397 du jugement.
8 Ainsi qu'au paragraphe 1 908, paragraphe relatif aux cibles
9 opportunistes, ce nombre avait déjà diminué lors du deuxième jour de
10 l'attaque.
11 Donc, pour ces cibles, on n'avait pas besoin de 900 salves de tirs
12 d'artillerie tirées pendant 26 heures. Donc ces attaques étaient tout à
13 fait disproportionnées puisque, je répète, il y a eu ces tirs pendant 26
14 heures sur 31 heures, tirs qui ont été faits avec des canons et des
15 roquettes. Et pour ce qui est des facteurs pertinents de cette analyse, je
16 vous renvoie au paragraphe 1 184 du jugement ainsi qu'au rapport d'expert
17 du colonel Konings, qui fait l'objet de la pièce P1260.
18 Messieurs les Juges, puisque je n'ai plus beaucoup de temps à ma
19 disposition, je vais maintenant vous parler des victimes, et ensuite je
20 donnerai la parole à mon estimée consoeur, Mme Baig.
21 Comme je vous l'ai déjà dit, dans la ville de Knin se trouvaient environ 15
22 000 civils le matin du 4 août. Cela figure aux paragraphes suivants du
23 jugement : paragraphes 1 233, 1 577 et 1 747. Mais au moment où les troupes
24 de la HV sont arrivées à Knin le 5 août, un jour et demi après, et à ce
25 moment-là le bombardement avait déjà commencé, environ 14 000 de ces 15 000
26 personnes avaient fui leurs foyers, en proie à la terreur à la suite de
27 l'attaque. Je vous renvoie aux paragraphes 1 743 et 1 747 du jugement. Et
28 toutes ces personnes sont des victimes puisqu'elles ont été touchées par le
Page 93
1 bombardement.
2 Pour ce qui est des morts de civils ou des blessures ou des dégâts aux
3 objets à caractère civil, M. Gotovina a été accusé de persécutions par le
4 biais d'attaque illégale. Mais le fait que la Chambre n'ait pas tiré de
5 conclusions à ce sujet, mais cela ne signifie pas pour autant qu'elle n'a
6 pas entendu des éléments de preuve. Nous avons au moins sept témoins
7 oculaires qui sont venus témoigner et dire qu'ils avaient vu à Knin les
8 corps des civils qui avaient été apparemment tués par des tirs
9 d'artillerie. Leurs corps gisaient dans les rues, ils ont été emmenés à
10 l'hôpital. Paragraphes 1 287, 1 291, 1 292, 1 302, 1307, 1 333, 1 336 et 1
11 390 du jugement.
12 Neuf témoins oculaires ont également témoigné à propos des nombreux dégâts
13 pour les objets à caractère civil dans la ville en indiquant que ces
14 bâtiments se trouvaient dans toute la ville.
15 Il y a de nombreux témoins qui ont fait remarquer que les dégâts pour les
16 bâtiments étaient moins importants que ce qu'ils s'attendaient à voir au vu
17 de la violence du bombardement, mais cela est tout à fait conforme à la
18 déposition et aux éléments de preuve du Témoin expert M. Konings, pièces
19 P1259 et P1260.
20 Le lieutenant Liborius, qui était également témoin oculaire, a fait
21 remarquer que l'utilisation de roquettes contre Knin aurait eu des effets
22 et des conséquences extrêmement limités contre des cibles telles que des
23 bâtiments. Il a dit, et je cite :
24 "L'utilisation de systèmes de lancement de roquettes multiples de petit
25 calibre a, d'après moi, terrifié la population étant donné que cette arme
26 n'a pas véritablement d'effet véritable contre les cibles dures."
27 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à l'orateur de bien vouloir
28 ralentir son rythme.
Page 94
1 M. CROSS : [interprétation] Les roquettes, donc, ont représenté quasiment
2 45 % des tirs lors de cette attaque illégale. Les paragraphes 1 263 et 1
3 265 du jugement.
4 Et pour ce qui est de mes dernières observations, qui vont porter sur les
5 évaluations des dégâts exécutées par la suite et menées par des
6 représentants de la communauté internationale à Knin, qui correspondent
7 largement aux éléments de preuve présentés par les témoins oculaires. Il y
8 a certaines études préliminaires, les rapports des Nations Unies auxquels
9 fait référence M. Gotovina, qui sous-estiment de façon importante la portée
10 des dégâts, et cela est tout à fait pris en considération dans le jugement.
11 J'en ai terminé pour ce qui est de mon intervention.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
13 Oui, je vous en prie.
14 Mme BAIG : [interprétation] Je vous remercie.
15 Je vais répondre à la question numéro 4, et ce faisant, je
16 m'intéresserai très brièvement aux points qui sont soulevés par l'appelant
17 aux moyens 2, 3 et 4, qui portent sur l'expulsion et l'entreprise
18 criminelle commune.
19 A moins que vous ayez des questions spécifiques sur ces questions,
20 l'Accusation se repose sur les arguments qui figurent dans son mémoire.
21 Dans la question numéro 4, la Chambre d'arrêt a demandé si la conclusion de
22 la Chambre de première instance de l'existence de l'entreprise criminelle
23 commune doit être retenue si sa conclusion que l'attaque est illégale est
24 considérée comme erronée.
25 Très brièvement, pour répondre à cette question, l'Accusation dit : Oui.
26 Nous répondons par l'affirmative parce que les membres de l'entreprise
27 criminelle commune avaient l'intention que ces attaques d'artillerie
28 provoquent l'expulsion de la population civile serbe de Krajina.
Page 95
1 Alors, avant d'expliquer cette position de manière plus détaillée, je
2 voudrais d'abord préciser que l'Accusation n'affirme pas qu'il convient de
3 criminaliser les actes de guerre légitimes. Nous ne cherchons pas non plus
4 à demander que l'équilibre, comme cela a été demandé ce matin, entre la
5 nécessité militaire et la protection de la population civile soit redéfini.
6 Donc, dans une situation hypothétique où un commandant militaire, afin
7 d'atteindre un objectif militaire, lance une attaque d'artillerie contre
8 des cibles militaires et cause de manière collatérale que la population
9 civile prenne la fuite, il n'y aurait pas de fondement pour une déclaration
10 de culpabilité pour expulsion en tant que crime contre l'humanité. Un tel
11 commandant n'aurait pas eu nécessairement l'intention de commettre
12 l'expulsion, et son action ne constituerait pas non plus une partie
13 intégrante d'une attaque systématique et généralisée menée contre la
14 population civile.
15 Cependant, je dois souligner, bien que la Défense cherche maintenant à
16 tirer l'argument vers ce cas de figure hypothétique, que Gotovina n'était
17 pas dans une position hypothétique. Ce n'était pas un commandant innocent.
18 Gotovina et ses confrères, membres de l'entreprise criminelle commune, ont
19 partagé l'intention directe d'expulser en se servant d'attaque
20 d'artillerie, et c'était un moyen pour arriver à leur objectif, paragraphe
21 2 314 du jugement de première instance. En résultat, 20 000 civils serbes
22 ont pris la fuite de Krajina dans un exode qui a été massif et soudain. Les
23 forces croates n'ont pas simplement cherché à l'emporter militairement sur
24 les Serbes pour s'emparer du contrôle de la région. Leur objectif était
25 aussi de vider ce territoire de population civile. Donc, porter atteinte à
26 la population civile constitue un objectif de l'opération militaire.
27 La déclaration de culpabilité de Gotovina, y compris la conclusion que
28 l'entreprise criminelle commune a existé, doit être retenue même si les
Page 96
1 conclusions sur l'attaque d'artillerie sont infirmées. De manière générale,
2 l'opération était encore une opération illégale puisqu'il s'agissait
3 d'arriver à expulser la population civile par le biais de cette opération,
4 ce qui est contraire aux principes de base de droit international
5 humanitaire. Et très brièvement, je vais parler des principes de
6 distinction et de traitement humain, ainsi que des dispositions sur
7 l'expulsion prévues dans le droit international humanitaire.
8 Donc, au niveau fondamental, le principe de distinction exige que les
9 parties dirigent leurs actions militaires sur des cibles militaires et non
10 pas civiles. Des exemples peuvent être trouvés dans les articles 48, 51(2),
11 52(2), protocole additionnel I, 13(2) d'AP2 et dans bien d'autres articles.
12 En tant que préambule de la déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868 [comme
13 interprété], nous trouvons la déclaration que :
14 "Le seul objectif légitime que les Etats devraient chercher à poursuivre
15 pendant une guerre est d'affaiblir les forces militaires de l'ennemi."
16 Ce principe trouve sa place dans l'article 48 du protocole additionnel
17 numéro I, donc la règle de base concerne la protection de la population
18 civile. Les parties au conflit doivent "diriger les opérations uniquement
19 contre des cibles militaires." A l'opposé, l'opération Tempête était
20 dirigée contre un objectif civil afin d'arriver à déplacer la population
21 civile.
22 Le droit international humanitaire, bien entendu, comporte le principe
23 d'humanité, à savoir que les parties, dans toute la mesure du possible,
24 doivent limiter tout dégât apporté à la population civile. L'article commun
25 numéro 3, par exemple, dans la convention de Genève interdit l'expulsion et
26 transfert en tant qu'atteinte à la vie et à la personne et en tant
27 qu'outrage à la dignité personnelle. Et là encore, opération Tempête a
28 violé ce principe de traitement humain parce que c'est de manière
Page 97
1 intentionnelle que la population a été exposée à ces violences.
2 Et qui plus est, le déplacement forcé de la population civile est régulé de
3 manière très stricte dans le droit international humanitaire, article 49 de
4 la convention de Genève numéro 4 et l'article 17 du protocole additionnel
5 II, donc aucun de ces principes n'a été satisfaits en l'espèce. De manière
6 générale, la population ne peut être déplacée que pour être mise à l'abri,
7 et que de manière temporaire. Les dispositions doivent être prises pour
8 qu'elle soit en sécurité, pour qu'on prenne en charge les civils. Donc tout
9 moyen violent ou arbitraire en soi rend ce transfert illégal au titre du
10 droit international humanitaire.
11 Donc, lorsque l'opération Tempête a eu lieu, au titre du droit
12 international humanitaire, le bombardement a été illégal non seulement
13 parce que des villes entières ont été prises pour cible, mais aussi parce
14 que l'objectif était de provoquer l'expulsion de la population civile
15 serbe, ce qui viole les principes de distinction et d'humanité. Donc, non
16 seulement le moyen en soi est illégal, mais le résultat que l'on cherche à
17 atteindre l'est aussi. Donc ce qui est encore plus important en l'espèce,
18 c'est qu'on ne peut pas remettre en question le fait que cela revenait à
19 expulser la population et que c'était un crime contre l'humanité.
20 Dans beaucoup d'affaires, si l'on voit que des objectifs militaires
21 étaient légitimes, on peut effectivement avoir quelque difficulté à déduire
22 qu'il y a eu intention délictueuse. Mais ici, nous avons l'objectif illégal
23 de l'opération militaire qui est tout à fait clair. Nous avons les membres
24 de l'entreprise criminelle commune qui prévoient, qui planifient leur
25 opération. Ils commettent le crime en expulsant, en attaquant les villes et
26 en causant l'exode de 20 000 Serbes de Krajina. Et tout de suite après, le
27 président Tudjman, qui est le commandant suprême, eh bien, il se vante
28 publiquement de l'efficacité de l'expulsion criminelle. Gotovina et
Page 98
1 d'autres également encouragent une vague de crimes contre les Serbes qui
2 restent, contre leurs biens, et causent de nouvelles expulsions. Et enfin,
3 afin de faire en sorte que les ne puissent pas revenir en Krajina, les
4 membres de l'entreprise criminelle commune mettent en place des lois
5 discriminatoires, des politiques discriminatoires, qui vont empêcher le
6 retour de ces Serbes en Croatie et qui vont causer le transfert de la
7 propriété sur leurs biens aux Croates conformément à cette politique de
8 recolonisation mise sur pied par la direction croate.
9 Donc, si on prend en compte ces constatations factuelles, il est clair que
10 les membres de l'entreprise commune, y compris Gotovina, ont partagé cette
11 intention d'expulser la population civile et qu'ils ont mené à bien cet
12 objectif criminel. Et ce n'était pas simplement une attaque militaire qui a
13 eu des conséquences non souhaitées, comme Gotovina souhaiterait vous faire
14 croire. C'était un crime qui a été commis intentionnellement, de concert
15 avec l'opération militaire.
16 Alors je voudrais maintenant parler un petit peu de Brioni.
17 La Chambre de première instance a constaté que dans ce contexte de lutte
18 prolongée ethnique entre les Serbes et les Croates dans la région de la
19 Krajina, les membres de l'entreprise criminelle commune ont planifié une
20 attaque à Brioni qui avait pour objectif d'expulser la population serbe et
21 de la maintenir à l'extérieur. On trouve amples preuves à l'appui dans la
22 transcription de la réunion. Comme l'a dit déjà M. Stringer, Gotovina lui-
23 même dit que si la HV continue à exercer ces pressions, eh bien, "pendant
24 le temps à venir, il ne va plus y avoir beaucoup de civils qui vont rester;
25 il ne va y avoir que ceux qui ne peuvent pas partir."
26 Je vous renvoie à la pièce 461, page 15, compte rendu d'audience page 2
27 304.
28 Les commentaires de Gotovina confirment qu'il savait que cette attaque
Page 99
1 d'artillerie provoquerait ce départ massif de la population civile. Donc,
2 lorsqu'il essaie de dire que c'était simplement une prévision innocente,
3 cet argument n'est pas défendable, tout comme lorsqu'il dit qu'il ne parle
4 pas spécifiquement de Serbes. Nous affirmons que son commentaire doit être
5 rejeté à la lumière du contexte.
6 Qui plus est, la Chambre a eu raison de rejeter l'argument de la Défense
7 lorsqu'il dit que cet échange concerne le fait de mettre les civils à
8 l'abri du danger, parce que la Chambre estime, effectivement, à juste titre
9 que cette interprétation n'est pas raisonnable. Elle constate qu'il n'y a
10 absolument aucune référence à la manière de conduire cette opération
11 militaire, manière qui permettrait de minimiser toute atteinte à la vie des
12 civils. Donc, en revanche, la concentration de la discussion est sur la
13 création d'un prétexte pour se servir d'artillerie. Et Gotovina a confirmé
14 que Knin devait été détruite dans sa totalité en quelques heures.
15 Alors, des déclarations d'autres participants. Par exemple, nous avons
16 Tudjman qui propose de se servir de la propagande pour encourager les
17 départs des civils. Puis, des tracts qui sont diffusés et qui prétendraient
18 encourager les Serbes à rester. La Chambre s'est penchée de manière très
19 détaillée aux arguments qui ont été présentés par les parties sur la
20 citation consistant à dire que, "en apparence", on garantirait leurs droits
21 civils. Page 29. La Chambre a examiné la traduction de cet échange et a
22 constaté qu'elle constitue une "expression de l'intention véritable
23 d'expulser les Serbes, et en même temps on donne l'impression qu'ils
24 pourraient rester."
25 Je vous renvoie au paragraphe 1 994.
26 La Chambre a constaté qu'à quelques jours de cette conversation, le
27 commentaire de Gotovina qu'il ne resterait plus que quelques Serbes est
28 devenu une réalité. Il a planifié, il a ordonné et il a mené à bien une
Page 100
1 attaque d'artillerie pour nettoyer cette zone de la population serbe. Donc
2 il y a eu dans le cadre de l'opération Tempête le bombardement "des
3 populations de Knin, Benkovac, Obrovac, Gracac, que 20 000 personnes ont
4 été déplacées de force de leurs foyers et ont pris la fuite en traversant
5 la frontière vers la Bosnie-Herzégovine et la Serbie."
6 Paragraphe 2 305.
7 Donc c'est exactement le résultat qui a été planifié pendant la
8 réunion.
9 Ce sont les contributions de Gotovina à l'objectif criminel commun,
10 et je souligne que la contribution à l'entreprise criminelle commune ne
11 doit pas être criminelle en soi. Et je vous renvoie au paragraphe 215 de
12 l'arrêt dans l'affaire Krajisnik.
13 Je voudrais également revenir à la question de la prise pour cible
14 légale ou illégale. Cela n'a pas d'impact sur la relation de causalité, sur
15 ce qui a conçu la cause de l'exode en masse. L'expulsion en tant que crime
16 contre l'humanité n'exige pas que les moyens sous-jacents aient été
17 illégaux. Par exemple, nous avons toute une série de témoins qui sont tous
18 venus confirmer que les civils sont partis à cause du pilonnage. Et ici,
19 les éléments de preuve démontrent que le bombardement a été la cause de
20 l'exode en masse. Donc, de manière explicite, les gens ont dit qu'ils sont
21 partis à cause du bombardement.
22 Et ce n'est pas à cause de l'ordre d'évacuation qu'ils sont partis.
23 Pas du tout. Ma collègue, Ingrid Elliott, parlera de cela de manière plus
24 détaillée au sujet de l'appel Markac. Mais l'ordre d'évacuation se situe
25 bien trop tard dans l'après-midi, au moment où les civils sont déjà en
26 train de prendre la fuite, même si on peut remettre en doute la question de
27 sa distribution. Et nous avons pas mal de preuves montrant qu'il est arrivé
28 très tard, et donc Mme Elliott parlera des questions de sa distribution.
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1 Donc, indépendamment de la caractérisation juridique de ce bombardement, il
2 constitue toujours l'élément matériel de l'expulsion.
3 Et après, qu'en est-il de ces quelques Serbes qui restent, qui sont
4 mentionnés par Gotovina à Brioni, et donc qui ne peuvent pas partir ? Eh
5 bien, ils font l'objet de toutes sortes de mesures de persécutions, de
6 meurtres, d'actes inhumains, traitement cruel, et cetera, qui causent de
7 nouvelles expulsions. La Chambre a constaté qu'en plus d'avoir ordonné et
8 commandé l'opération Tempête, Gotovina a contribué à l'entreprise
9 criminelle commune parce qu'il n'a pas déployé d'efforts --
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense que vous avancez un peu trop
11 rapidement pour nos interprètes.
12 Mme BAIG : [interprétation] Excusez-moi, je ne me rendais pas compte
13 de cela.
14 Donc la Chambre a constaté que Gotovina a contribué à l'entreprise
15 criminelle commune parce qu'il a manqué à déployer des efforts qui auraient
16 empêché que des crimes ne soient commis par la suite, commis par ses
17 subordonnés, contre la population civile serbe et contre les biens serbes
18 après l'opération Tempête.
19 Cela confirme les intentions de Gotovina. Il n'a pas pris des mesures qui
20 étaient à sa disposition pour empêcher ou sanctionner. Gotovina, en
21 revanche, a pardonné les crimes commis par ses subordonnés en affirmant
22 qu'on pouvait comprendre qu'il y ait la vengeance. Ces actes ne
23 correspondent pas à l'affirmation de Gotovina disant qu'il s'est comporté
24 de manière innocente ou que ses intentions étaient innocentes.
25 Enfin, je dois souligner que même si la Chambre a constaté qu'on ne pouvait
26 pas défendre la déclaration de culpabilité sur la base de l'entreprise
27 criminelle commune, il faudrait que la Chambre conclue sur d'autres modes
28 de responsabilité, comme dans l'affaire Milosevic. Par exemple, comme je
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1 viens de le dire, pour des raisons que je viens d'énoncer, il est clair que
2 Gotovina devrait être déclaré coupable d'avoir aidé et encouragé aux crimes
3 de l'entreprise criminelle commune. Donc la Chambre devrait se pencher sur
4 la responsabilité criminelle pénale de Gotovina en tant que quelqu'un qui a
5 aidé, encouragé et incité à commettre --
6 Donc, pour résumer, même si la Chambre d'appel devait constater que la
7 Chambre de première instance a commis une erreur en appliquant la marge
8 d'erreur, que cela a un impact sur les conclusions de la Chambre sur les
9 lieux d'impact et que cela entraîne l'annulation de la conclusion de la
10 Chambre sur l'illégalité des attaques d'artillerie en tant que telles, la
11 conclusion de la Chambre que Gotovina est coupable d'avoir pris part à
12 l'entreprise criminelle commune consistant à vouloir déplacer de manière
13 permanente les civils serbes de Krajina devrait être retenue. Gotovina et
14 les autres membres de l'entreprise criminelle commune ont partagé
15 l'objectif criminel commun d'expulser la population civile serbe et ont
16 réalisé cet objectif par le biais de l'attaque qui avait pour objectif de
17 porter atteinte à la population civile.
18 Et qui plus est, lorsqu'on se penche sur l'ordre illégal de Gotovina de
19 prendre pour cible des villes entières, ses subordonnés reprennent son
20 ordre, et il descend la hiérarchie militaire. Donc nous avons les rapports
21 de la HV qui montrent qu'on a effectivement pilonné les villes. Nous avons
22 les déclarations des témoins qui nous disent qu'il y a eu des
23 bombardements. Donc ce sont des éléments supplémentaires qui étayent la
24 déclaration de culpabilité prononcée par la Chambre de première instance.
25 Et très rapidement, je voudrais résumer juste un dernier paragraphe.
26 Gotovina a partagé l'objectif de l'entreprise criminelle commune de
27 déplacer de manière permanente la population civile serbe de Krajina. Et
28 pour parvenir à la réalisation de cet objectif, il a donné l'ordre aux
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1 forces qui étaient placées sous son commandement de prendre des villes
2 entières en tant qu'objectifs militaires et il a mené une attaque illégale
3 contre des civils et les biens appartenant aux civils. Il a par la suite
4 manqué de prévenir et sanctionner ses subordonnés pour avoir commis des
5 crimes contre les Serbes qui restaient et contre leurs biens. Le résultat
6 en a été que 20 000 Serbes de Krajina ont été déplacés de force. De
7 nombreux Serbes ont été tués, blessés, et leurs biens ont été endommagés
8 après l'opération Tempête.
9 Gotovina a été déclaré coupable à juste titre par la Chambre de première
10 instance. Il n'a pas démontré d'erreur juridique qui exigeait qu'on
11 invalide le verdict qui lui a été prononcé ni d'erreur factuelle qui
12 démontrerait qu'il y a eu déni de justice --
13 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
14 M. JONES : [interprétation] Monsieur le Président --
15 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
16 M. JONES : [interprétation] Excusez-moi, mais j'avais une objection. J'ai
17 attendu que Mme Baig ait terminé son exposé. J'ai une remarque à faire au
18 sujet de l'ordonnance portant calendrier qui évoque le traitement de la
19 question de l'ordre d'évacuation en après-midi. Nous ne prévoyons pas de
20 parler de ces ordres d'évacuation. Donc il ne serait pas acceptable de
21 réserver le droit à des observations complémentaires dans le cadre de
22 l'appel Gotovina à un moment particulier dans l'après-midi. J'aurais une
23 objection à élever si l'Accusation essaie de se réserver une partie de
24 l'après-midi pour nous répondre ou, plus précisément, pour répondre à M.
25 Gotovina sur ce point. Ce ne serait pas juste.
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je prends note de votre observation.
27 N'oubliez pas que j'ai moi-même posé quelques questions au sujet des ordres
28 d'évacuation auxquelles l'Accusation était censée répondre. Mais votre
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1 observation est prise en compte.
2 M. JONES : [interprétation] Je vous remercie.
3 Mme BAIG : [interprétation] L'ordre d'évacuation sera évoqué oralement.
4 Nous avons la possibilité d'en parler oralement.
5 M. JONES : [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense que nous allons suspendre pour
7 le moment. La Chambre a entendu les arguments et les évaluera en toute
8 équité, je peux le garantir.
9 Nous reprendrons nos débats à 12 heures 45.
10 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.
11 --- L'audience est reprise à 12 heures 46.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] La réponse du conseil de M. Gotovina à
13 présent. Trente minutes, Maître.
14 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
15 Pour répondre, je commencerai mes remarques, Monsieur le Président, en
16 faisant remarquer un point qui doit être également remarqué par les membres
17 de la Chambre d'appel, à savoir la modification spectaculaire de la thèse
18 de l'Accusation entre le moment où a été rédigé son mémoire préalable au
19 procès et le jour d'aujourd'hui.
20 Je dois dire qu'en tant que conseils de la Défense, nous sommes absolument
21 ébahis en voyant à quel point l'Accusation, dans ses efforts pour déployer
22 sa théorie de l'attaque d'artillerie, semble agir comme un chasseur de
23 papillons poursuivant sa proie. Tout ceci a commencé au moment du mémoire
24 préalable au procès, où nous avions des arguments relatifs pratiquement
25 uniquement au caractère illégal de l'attaque d'artillerie contre des
26 villes, où il n'existait aucun objectif militaire; et aujourd'hui, suite à
27 toutes ces années de changement de théorie, l'Accusation ne parle plus que
28 d'attaques sans discrimination, et aujourd'hui nous discutons finalement du
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1 fait de savoir si les tirs contre des objectifs militaires légitimes
2 étaient une partie intégrante des actes d'expulsion qui ont provoqué la
3 fuite des civils.
4 Ceci devrait révéler quelque chose à la Chambre d'appel, et je sais
5 que c'est la première fois que l'Accusation a évoqué cet argument devant
6 une Chambre.
7 Ceci devrait nous en dire plus au sujet des éléments de preuve en l'espèce
8 et de la force de la thèse de l'Accusation.
9 Le deuxième point, les Juges de la Chambre d'appel ne devraient pas omettre
10 de remarquer que les arguments présentés aujourd'hui ne sont qu'une
11 répétition pro forma pratiquement de ce que l'Accusation a dit pendant tout
12 le temps s'agissant du raisonnement des Juges de la Chambre de première
13 instance et de la nécessité d'adopter une nouvelle forme de raisonnement.
14 Par exemple, la Chambre de première instance se serait écartée de ce
15 qu'elle aurait dû faire, c'est ce qu'affirme l'Accusation, et aujourd'hui,
16 nous entendons de nouveaux arguments de l'Accusation. Et si l'élément moral
17 et l'élément matériel ne sont pas prouvés, il n'y aurait pas crime
18 d'expulsion.
19 Nous-mêmes, nous avons déduit l'intention criminelle d'après la
20 lecture des rapports d'artillerie de l'armée croate, et nous avons vu ce
21 que Marko Rajcic a fait et comment il a tout fait pour éviter qu'une
22 attaque illégale soit commise.
23 L'Accusation n'a traité aucun des divers arguments que nous avons
24 évoqués ce matin.
25 Deuxième point, l'Accusation avance désormais l'argument de l'attaque
26 disproportionnée pour coïncider avec les conclusions de la Chambre de
27 première instance, en dépit du fait que la Chambre de première instance,
28 dans la note 932 en bas de page ainsi que note de bas de page 935, ait dit
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1 très clairement qu'elle ne considérerait pas cet argument pour l'ensemble
2 de l'attaque mais uniquement pour l'attaque contre Martic.
3 Donc l'utilisation déplacée d'arguments s'agissant de parler d'attaques
4 illégales contre les villes, en dépit des conclusions expresses de la
5 Chambre de première instance qui indiquent le contraire, paragraphe 1 897
6 du jugement.
7 Quatrièmement, et c'est sans doute le plus important, même si tous ces
8 points sont importants, cet argument au sujet du fait de tirer sur des
9 objectifs militaires avec un but qui n'est pas légal correspond aux
10 conclusions de la Chambre de première instance. J'appelle l'attention de la
11 Chambre d'appel sur le paragraphe 1 899, ainsi que sur le paragraphe 1 900,
12 sur le paragraphe 1 901 et le paragraphe 1 902 du jugement, qui ne
13 concernent que Knin.
14 La dernière phrase de tous ces paragraphes est la suivante, je cite :
15 "Au vu des présentes conclusions, la Chambre de première instance estime
16 que les éléments de preuve montrent qu'une interprétation raisonnable
17 consiste à penser que l'armée croate aurait pu déterminer en toute bonne
18 foi que tirer," dans cette affaire, "sur la gare ferroviaire et sur le
19 bureau de poste lui aurait donné un avantage militaire important."
20 La Chambre de première instance déclare une fois de plus que
21 l'identification des cibles à Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac était une
22 base suffisante en fonction des éléments de preuve pour conclure que ces
23 éléments ont été acceptés de bonne foi.
24 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE GUNEY : [aucune interprétation]
26 M. MISETIC : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
28 M. MISETIC : [interprétation] Non, non. Pas de nécessité de changer,
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1 Monsieur le Juge.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce qu'on entend l'interprétation
3 maintenant ?
4 Est-ce que vous posez votre question en français ?
5 M. LE JUGE GUNEY : Comment était-il déraisonnable pour une Chambre de
6 première instance d'insérer le caractère civil des zones dépourvues
7 d'objectifs militaires, car l'utilité civile peut en soi découler d'une
8 inférence sans preuve directe à l'appui ?
9 Faut-il répéter la question ?
10 M. MISETIC : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.
11 M. LE JUGE GUNEY : Pour une Chambre de première instance, d'insérer le
12 caractère civil des zones dépourvues d'objectifs militaires, l'utilité
13 civile peut en soi découler d'une inférence sans preuve directe à l'appui ?
14 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Juge, c'était tout à fait
15 déraisonnable pour plusieurs raisons.
16 D'abord, comme nous le savons et l'avons entendu ce matin, l'arrêt Blaskic
17 stipule que l'Accusation porte la charge de prouver qu'"un objet avait
18 effectivement une utilité civile."
19 Et la Chambre d'appel a rejeté ceci comme étant hypothétique à moins que la
20 nature de la cible ait bel et bien été établie. Dans une affaire au pénal,
21 l'Accusation est responsable d'apporter la preuve de ce qu'elle avance et
22 de ce fait en particulier.
23 Et autre raison, c'est qu'au paragraphe 1267 du jugement, nous lisons
24 que l'armée croate a conclu qu'elle avait tiré sur un nombre plus important
25 de cibles à Knin, que ceci n'a été présenté dans les éléments de preuve
26 soumis à la Chambre.
27 La Chambre de première instance est donc partie du principe soit
28 qu'il ne pouvait pas y avoir d'autres objectifs militaires dans ces
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1 "secteurs civils", soit que les cibles en question, si elle se situaient
2 dans un rayon de 200 mètres, étaient des cibles illégales pour des tirs
3 d'artillerie.
4 Donc je tire simplement des déductions du fait que les secteurs
5 civils ne sont définis que par le fait de savoir s'ils se situent à
6 l'intérieur ou à l'extérieur du rayon de 200 mètres d'un objectif
7 militaire, et ceci ne nous dit rien quant à la nature exacte du secteur en
8 question. Nous nous sommes servis de l'exemple de la gare ferroviaire et du
9 lieu de stockage de carburant à Knin. La Chambre de première instance a
10 estimé que la gare ferroviaire a été un objectif militaire légitime, mais a
11 estimé que la réserve de carburant utilisée pour cette gare était un lieu
12 de caractère civil parce que la gare était à 200 mètres de ce lieu de
13 stockage du carburant. On le voit dans les éléments de preuve présentés à
14 la Chambre. Le fait de savoir si la réserve de carburant de la gare
15 ferroviaire a été utilisée à des fins militaires ou pour appuyer un
16 objectif militaire est une question à laquelle la Chambre de première
17 instance n'a pas répondu parce que l'Accusation n'a présenté aucun élément
18 de preuve quant au caractère civil d'un secteur particulier en raison de
19 cette proposition à partir du début du procès. On a toujours parlé de la
20 ville entière comme zone civile n'abritant aucun objectif militaire.
21 M. LE JUGE GUNEY : Je vous remercie.
22 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président et
23 Messieurs les Juges.
24 S'agissant des conclusions de la Chambre de première instance selon
25 lesquelles ces cibles ont été identifiées comme pouvant permettre d'obtenir
26 un avantage militaire, ces objectifs ont été définis ainsi de mauvaise foi,
27 et la population civile par définition ne peut pas être de mauvaise foi,
28 elle ne peut pas être définie comme telle. Elle ne peut pas être définie
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1 comme un objectif militaire. Donc l'Accusation est priée de revenir sur
2 cette série de conclusions dans les 30 minutes qui viennent. L'armée
3 croate, qui a déployé de nombreux efforts pour libérer son propre
4 territoire et reprendre le contrôle de la capitale, l'a fait en se battant
5 contre l'entité serbe dans son ensemble.
6 Ensuite, j'aimerais revenir sur des commentaires qui ont été formulés
7 par M. Galbraith et revenir également sur le procès-verbal de la réunion de
8 Brioni. L'Accusation évoque la position adoptée par M. Galbraith et la
9 position du président Tudjman, mais laisse de côté le plus important des
10 conclusions formulées par l'ambassadeur Galbraith au sujet de l'opération
11 Tempête.
12 [La Chambre d'appel se concerte]
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous demande un instant, s'il vous
14 plaît.
15 [La Chambre d'appel se concerte]
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Toutes nos excuses, mais les Juges de
17 la Chambre avaient nécessité de se consulter. Vous pouvez maintenant
18 poursuivre et parler de la procédure appliquée par rapport au point que
19 vous avez évoqué il y a un instant, à savoir le caractère présumé nouveau
20 des arguments avancés par l'Accusation et la façon dont on peut réagir à
21 cela.
22 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 Le sujet suivant que je voudrais traiter c'est la tentative faite par
24 l'Accusation d'injecter les positions de l'ambassadeur Galbraith dans sa
25 théorie ainsi que les positions du président Tudjman par rapport à
26 l'opération Tempête, et j'invite la Chambre d'appel à relire la
27 transcription de la déposition de M. Galbraith aux pages 5 055 à 5 056
28 lorsque le Président de la Chambre de première instance lui pose des
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1 questions. On lui demande :
2 "Monsieur Galbraith, est-ce que vous considérez que l'objectif principal
3 assigné à l'opération Tempête était l'expulsion des Serbes ?"
4 Il répond :
5 "Non, non, pas du tout."
6 Le Juge Orie lui demande ensuite :
7 "Est-ce que vous considérez que le retour en Croatie était impossible ?"
8 Réponse :
9 "Je ne considère pas que l'expulsion des Serbes était un effet secondaire,
10 mais je considère que le départ des Serbes aurait été un effet secondaire."
11 Et c'est cette distinction qui a toujours été prise en compte par les Juges
12 en première instance ainsi que dans notre mémoire de ce côté de la salle et
13 qu'a laissée de côté parce que cela lui convenait l'Accusation.
14 Les participants de la réunion de Brioni ont disposé de 60 jours avant le
15 départ de tous les civils serbes. Le Secrétaire général des Nations Unies a
16 estimé que ces départs étaient dus à des raisons qui n'avaient aucun
17 rapport avec un quelconque comportement illégal de la part de l'armée
18 croate.
19 Les participants de la réunion de Brioni, si la possibilité avait existé,
20 auraient su ce qu'il risquait de se passer s'ils libéraient le territoire
21 du secteur nord et du secteur sud.
22 Par ailleurs, la Chambre de première instance, comme nous l'avons
23 fait remarquer à plusieurs reprises aujourd'hui, a estimé que les civils
24 serbes étaient partis de partout sauf des quatre villes dont il est
25 question ici pour des raisons qui n'ont aucun rapport avec un quelconque
26 comportement illégal. Donc, est-ce que les participants à la réunion de
27 Brioni ont parlé de tous ces civils qui étaient en train de partir pour des
28 raisons sans aucun rapport avec un quelconque comportement illégal, comme
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1 l'a déclaré la Chambre de première instance ? Ou est-ce qu'ils ont discuté
2 du fait qu'il leur fallait prendre pour cible des civils dans ces quatre
3 villes pour les forcer à partir ?
4 La question se pose de savoir à quel point il est raisonnable de penser que
5 les civils serbes avaient évacué la Slavonie occidentale 60 jours
6 auparavant ainsi que toute la Krajina sauf les quatre villes dont nous
7 parlons pour des raisons sans aucun rapport avec un quelconque comportement
8 illégal et qu'ils seraient restés dans ces quatre villes où, précisément,
9 le comportement présumé illégal de l'armée croate se serait produit avec
10 des attaques destinées à les faire fuir.
11 Nous soutenons ici, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'il n'y a
12 aucun fondement pour tirer cette déduction de la lecture du procès-verbal
13 de la réunion de Brioni.
14 Ce commentaire formulé par le général Gotovina à Brioni, et je ne
15 souhaiterais pas me répéter, mais ce commentaire était très précis, comme
16 l'a déclaré la Chambre de première instance, par rapport aux quatre villes
17 en question. Puisqu'il était question de tous les lieux sauf les quatre
18 villes et il était question de commandants militaires qui avaient pour but
19 d'aider la population et non de la pousser à fuir 60 jours plus tard. Quel
20 a été le sujet du débat à Brioni ? La conclusion, en tout cas, a été :
21 laissons partir les civils. Qu'est-ce qu'il était possible de faire d'autre
22 ? Enfermer les civils dans une zone de guerre ? Contraindre l'armée à
23 continuer à fuir pour aider les civils ? Bien.
24 Mais penchons-nous maintenant sur un autre sujet. Je veux parler des 95 %
25 de tirs. L'Accusation a évoqué un certain nombre de pourcentages. Mais nous
26 disons que la Chambre de première instance a estimé que 95 % de l'ensemble
27 des projectiles ont été tirés contre des objectifs militaires.
28 Nous savons que cette théorie de l'homme de paille qui a été reprise
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1 ce matin par l'Accusation a rapport avec les projectiles tirés et l'endroit
2 où ils sont tombés. L'Accusation, qu'elle le reconnaisse ou pas, défend une
3 théorie selon laquelle l'ensemble de ces projectiles ont tous été tirés
4 contre des objectifs militaire et que, par conséquent, 850 ou 900
5 projectiles ont dû atterrir dans un périmètre de 200 mètres d'une cible
6 militaire. Pourquoi est-ce que nous disons cela ? Parce que l'Accusation
7 dit, et elle l'a répété ce matin, qu'il ne peut pas y avoir d'autre
8 explication lorsqu'un obus tombe en dehors du périmètre de 200 mètres sauf
9 si l'armée croate aurait été particulièrement incompétente étant donné la
10 nature des armes qu'elle utilisait. Par conséquent, si l'armée croate a eu
11 l'intention de tirer 850 projectiles sur des objectifs militaires, la
12 Chambre de première instance et la théorie qu'elle défend, ainsi que la
13 théorie de l'Accusation, doivent signifier que chacun des projectiles est
14 tombé dans un périmètre de 200 mètres d'une cible militaire.
15 L'Accusation avance des arguments selon lesquels l'ordre du général
16 Gotovina, ainsi que le fait que cet ordre ait été repris par ses
17 subordonnés, aurait un intérêt particulier. Encore une fois, la démarche de
18 la Chambre de première instance a consisté à rejeter la déposition de Marko
19 Rajcic sur la base de ses conclusions au sujet des impacts, et nous n'avons
20 pas besoin de reprendre nos positions déjà présentées ce matin à ce sujet.
21 Mais si la déposition de Marko Rajcic était corroborée et exacte et ne
22 pouvait pas être exclue étant donné les conclusions à tirer de l'étude des
23 zones d'impact, alors l'ordre était légal et il était légal qu'il ait été
24 repris par la chaîne de commandement dans ses niveaux hiérarchiques
25 inférieurs.
26 Nous avons remarqué, et M. Cross a également abordé ce sujet ce matin,
27 qu'un obus est tombé à une distance de 700 mètres. Comme je l'ai fait
28 remarquer ce matin, et M. Cross ne l'a pas contesté, cinq obus sur 890 sont
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1 tombés au-delà de la marge d'erreur de ce système d'armes. Pourquoi est-ce
2 qu'un obus est tombé à 700 mètres ? A un moment aussi prématuré, cela ne
3 nous permet pas de dire que la marge d'erreur est la seule raison de ce
4 fait car, étant donné le système d'armes utilisé, la marge d'erreur peut
5 varier. Comme je l'ai fait remarquer au Juge Güney, il y avait d'autres
6 cibles dans la ville que la Chambre de première instance a confirmées. Le
7 cimetière, par exemple, qui était à 700 mètres d'un autre objectif
8 militaire, était éventuellement une cible possible. La Chambre de première
9 instance n'a pas répondu à la question concernant ce lieu.
10 Donc il y a des cibles qui étaient des cibles opportunistes. Encore une
11 fois, la Chambre de première instance n'en fait pas état dans ses
12 conclusions, comme nous le faisons remarquer dans nos mémoires.
13 L'Accusation affirme que la Chambre de première instance a pris en compte
14 la déposition de Konings au sujet de la marge d'erreur pour fixer cette
15 règle des 200 mètres. Nous avons souligné ce matin que M. Konings aurait
16 établi la marge d'erreur à 295 mètres pour une arme T-155 et à 1 kilomètre
17 [comme interprété] pour l'arme 144 [comme interprété]. Ce qui pourrait
18 corroborer la conclusion de la Chambre de première instance au sujet des
19 200 mètres.
20 En ce qui concerne les victimes, il y a une raison particulière pour
21 laquelle la Chambre de première instance n'a formulé aucune conclusion
22 quant au fait que des personnes auraient été tuées par les obus. Et cette
23 raison est sans doute plus complexe que celle qui a été présentée par M.
24 Stringer ce matin quant au fait que les victimes n'ont pas été évoquées. Il
25 y a la question de la conviction nécessaire des déclarations de témoins,
26 qui est un fait qui aurait dû être exploré par la Chambre de première
27 instance.
28 Deuxièmement, la Chambre de première instance fait remarquer aux
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1 paragraphes 1 360 à 1 364 du jugement que des analyses de police technique
2 et scientifique ont été faites seulement sur trois corps dont on peut
3 penser qu'ils ont été tués à Knin le 4 août, et ces éléments d'analyse
4 n'ont pas prouvé qu'ils ont été tués par des obus. Ensuite, et c'est
5 important, cela fait 18 ans que l'opération Tempête a eu lieu. Nous n'avons
6 pour certains domaines que des éléments d'ouï-dire ou des éléments assez
7 anecdotiques comme témoignages au sujet des pilonnages de Knin, Benkovac,
8 Obrovac et Gracac. Les cadavres présumés trouvés à Knin restent tout à fait
9 anonymes, et il importe de le souligner.
10 Enfin, nous remarquons que le Témoin de l'Accusation Mira Grubor évoque le
11 fait que le seul hôpital qui possédait une salle d'opération se trouvait à
12 Knin. Le fait de savoir si des cadavres ont été amenés là-bas à partir
13 d'autres lieux est, bien entendu, une question à laquelle il est totalement
14 impossible de répondre. Et de nombreux éléments de preuve ont indiqué
15 quelle était l'importance de l'ARSK. D'autres explications, donc, que le
16 fait que des victimes auraient été tuées par des obus n'auraient pas pu
17 être prises en compte, et des dépositions à [imperceptible] ne peuvent être
18 que de faux témoignages.
19 Sur la question du caractère disproportionné de l'attaque, je sais,
20 Monsieur le Président, que vous souhaitez que nous l'abordions, et je
21 dirais que dans la thèse de l'Accusation le caractère proportionnel n'a
22 jamais été évoqué. L'Accusation, à présent, voudrait ajouter de nouveaux
23 éléments de preuve pour aller dans le sens du caractère illégal d'une
24 attaque en avançant de nouveaux arguments relatifs à cette absence de
25 proportionnalité, mais ceci ne devrait pas être autorisé. Et nous invitons
26 la Chambre d'appel à revenir sur le mémoire préalable au procès de
27 l'Accusation dans l'affaire Galic pour constater que l'Accusation s'est
28 comportée exactement de la même manière dans cette affaire-là. L'Accusation
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1 a fourni des éléments très peu convaincants dans l'affaire Galic, qui ont
2 été récusés par la suite.
3 Un commentaire a été formulé ce matin selon lequel le Témoin 6 et le
4 Témoin 54 seraient partis en raison de pilonnage. Ceci est totalement
5 inexact. Nous soulignons dans notre mémoire en réponse que les témoins ont
6 dit, avant toute chose, qu'ils vivaient au voisinage immédiat de ce que la
7 Chambre de première instance considérait comme des objectifs militaires
8 légitimes. Donc le fait de savoir s'ils ont eu peur des obus contre un
9 objectif militaire légitime, ce serait sans doute une éventualité beaucoup
10 plus probable que le fait de dire qu'ils ont eu peur de trois obus qui
11 seraient tombés dans un champ désert à plus d'un kilomètre de leurs maisons
12 sans aucune explication apportée à ce sujet par la Chambre de première
13 instance. Par ailleurs, ces individus ont déclaré très clairement, et nous
14 les citons dans notre mémoire en réponse, qu'ils n'ont quitté que certains
15 quartiers de Knin et d'autres villages dans l'intention d'y revenir par la
16 suite, mais qu'ensuite ils ont décidé de franchir une frontière de jure ou
17 de facto, en abandonnant Knin parce que les autres habitants de Knin
18 avaient décidé d'abandonner la ville après l'ordre d'évacuation de Martic.
19 Donc des déclarations très générales en disant "bien d'autres témoins
20 ont déclaré dans leur déposition ceci ou cela," sont beaucoup trop
21 générales. L'Accusation ne doit pas se contenter de ces commentaires
22 aujourd'hui.
23 Pour parler de Knin.
24 Nous savons que nous n'avons entendu aucune déposition évoquant des
25 cadavres ou des blessés dus aux obus qui sont tombés sur Knin, même pas des
26 témoignages fondés sur des ouï-dire de tierces personnes qui auraient
27 évoqué de tels événements ou qui auraient dit, J'ai décidé de quitter la
28 Krajina parce que j'avais peur des obus.
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1 Passons maintenant à deux autres points.
2 L'Accusation soutient que le général Gotovina a fait partie d'une
3 entreprise criminelle commune et qu'il a commis un certain nombre d'actes
4 relevant de cette entreprise criminelle commune en omettant en particulier
5 de prendre des mesures nécessaires pour mettre un terme aux crimes.
6 Comme le sait la Chambre d'appel, cette conclusion de la Chambre de
7 première instance est erronée à plusieurs titres. Tout d'abord, comme nous
8 l'avons fait remarqué ce matin, la Chambre de première instance a conclu de
9 façon très claire que l'objectif criminel commun n'était pas de commettre
10 des meurtres, des incendies volontaires, des actes de pillage, des
11 comportements inhumains, et cetera. Par conséquent, comme nous le faisons
12 remarquer dans notre mémoire en appel, il n'existe pas de contribution
13 substantielle ou importante à la commission de ces crimes. Par ailleurs, il
14 ne peut pas y avoir exportation de personnes dans la poursuite de la
15 réalisation d'un objectif criminel commun si la Chambre de première
16 instance conclut que de tels moyens n'ont pas été mis au service de
17 l'objectif criminel commun.
18 Par conséquent, cet argument de l'Accusation doit être rejeté.
19 Deuxièmement, l'Accusation s'appuie sur le fait que la Chambre de
20 première instance aurait conclu que Gotovina aurait dû prendre un certain
21 nombre de mesures. S'il est incontesté ou en tout cas admis par la Chambre
22 de première instance que le général Gotovina, pendant le moment qui a
23 immédiatement fait suite à l'opération Tempête, était engagé dans des
24 actions de combat contre l'armée serbo-bosniaque en Bosnie au moment où ces
25 crimes ont eu lieu. La Chambre de première instance a conclu que le général
26 Gotovina, en effet, pouvait avoir présumé que ses subordonnés étaient
27 partis en Croatie pour faire convenablement leur travail. Mais la Chambre
28 de première instance a estimé que cette présomption était réfutée lorsque
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1 le général Gotovina a prétendument prévenu ses subordonnés des missions
2 qu'il allait leur confier par la suite.
3 Pour commencer, il n'y a aucune conclusion de la Chambre de première
4 instance indiquant que des subordonnés n'auraient pas accompli leurs
5 missions ou que des subordonnés auraient refusé d'accomplir leurs missions.
6 Donc, sur quelle base s'est appuyée la Chambre de première instance pour
7 conclure que le général Gotovina devait revenir de Bosnie pour s'occuper
8 des crimes commis en Croatie, ça reste inexpliqué étant donné que nous ne
9 savons pas de quels subordonnés il s'agit lorsqu'il est question d'un
10 accomplissement insuffisant de leurs missions.
11 Par ailleurs, les mesures décrites par la Chambre de première
12 instance --
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veillez à ne pas parler trop vite.
14 M. MISETIC : [interprétation] Toutes mes excuses. Je vais y veiller.
15 Les mesures dont la Chambre de première instance déclare que le général
16 Gotovina ne les a pas prises sont une totale invention dans le jugement. Je
17 dis "invention" parce qu'elles n'ont jamais été évoquées par l'Accusation.
18 Elles incluent, par exemple, le fait de prononcer des déclarations
19 publiques. Cette question n'a jamais été traitée pendant le procès, et, en
20 réalité, la thèse de l'Accusation consistait à dire que l'accusé Cermak
21 était la personne qui était censée prononcer des déclarations publiques.
22 Deuxième point, s'il n'a pas appliqué les mesures nécessaires. Eh bien, ces
23 termes sont exprimés de façon vague, encore une fois, car on ne sait pas
24 exactement quels moyens il aurait dû mettre au service des mesures à
25 appliquer. Et troisièmement, il aurait omis de contacter les personnes
26 importantes pendant une certaine période. Qui étaient ces personnes
27 pertinentes, importantes, et pourquoi le général Gotovina aurait dû les
28 contacter, ceci reste totalement inexpliqué.
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1 L'Accusation a déployé une thèse relative aux mesures nécessaires et
2 raisonnables que le général Gotovina aurait pu prendre et aurait dû
3 prendre. La Chambre de première instance a rejeté cet argument. A ce
4 moment-là, l'Accusation est revenue avec trois mesures qui n'ont jamais été
5 débattues pendant le procès pour conclure que le général Gotovina aurait
6 omis de prendre ces mesures et que ceci était synonyme de contribution
7 importante à l'entreprise criminelle commune.
8 Nous soutenons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que ceci est
9 totalement déraisonnable. Il est déraisonnable qu'un accusé dans un procès
10 ne soit pas informé de ce qu'on lui reproche.
11 Enfin, s'agissant des autres modes de responsabilité, la Chambre de
12 première instance a conclu de façon très claire qu'elle ne tenait pas
13 compte d'autres modes éventuels de responsabilité. Il serait tout à fait
14 inconvenant qu'aujourd'hui le général Gotovina soit déclaré coupable dans
15 le cadre d'un dossier qui n'a pas été porté à sa connaissance avec un
16 préavis nécessaire et qu'il n'ait pas la possibilité d'interjeter appel
17 contre ces présomptions en contestant les conclusions qui le rendent
18 responsable et conduiraient à une déclaration de culpabilité.
19 Ce serait injuste puisque ces arguments n'ont pas été discutés pleinement
20 devant la Chambre d'appel. Il serait injuste de considérer le général
21 Gotovina comme responsable dans ces conditions.
22 Monsieur le Président, j'aimerais maintenant que réponse soit
23 apportée à la question du Juge Pocar.
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien. Ceci mettra un terme à notre
25 procédure ce matin.
26 Maître Akhavan.
27 M. AKHAVAN : [interprétation] Je voudrais revenir sur le caractère légal ou
28 illégal de l'attaque. Je tiens à souligner que ce qui a été dit ici par
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1 l'Accusation est en contradiction avec les dispositions de l'article 72 du
2 Règlement qui ont été prises en compte par la Chambre de première instance.
3 La réalité, ce n'est pas que des combats légitimes peuvent servir de
4 fondement à des actes d'expulsion.
5 Nous aimerions, à ce sujet, revenir sur ce qui figure dans le chapeau de
6 l'article 5 et sur les conditions requises dans le texte de ce chapeau
7 selon lequel la population civile doit être l'objectif principal. C'est ce
8 qui est reconnu par la jurisprudence de ce Tribunal, il faut que des moyens
9 illégaux soient utilisés dans la poursuite d'un objectif illégal également
10 pour que l'attaque soit illégale.
11 Quatrièmement, la référence à la convention de Genève consiste à dire que
12 l'expulsion ne s'applique que dans des territoires placés dans une
13 situation d'occupation ou qui, manifestement, risquent de tomber aux mains
14 de l'adversaire. Et enfin, nous soulignons que l'article 51, dans son
15 paragraphe 2, indique clairement, eu égard, par exemple, au paragraphe 1
16 940 du commentaire du CICR, qu'il est à prévoir que les civils risquent
17 d'être terrifiés par le déroulement des opérations de combat, mais qu'aussi
18 longtemps qu'il peut exister un avantage militaire important, le fait que
19 l'on peut prévoir que cette population civile sera terrorisée ou qu'elle
20 pourra décider de fuir ne constituera pas une violation de l'article 51,
21 paragraphe 23 [comme interprété].
22 Donc nous soutenons que ce serait un résultat extraordinaire si la Chambre
23 d'appel devait déclarer que des combats menés dans des conditions légitimes
24 peuvent se transformer en crime d'expulsion illégale.
25 Je vous remercie.
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Akhavan.
27 Vous aurez tout l'après-midi pour poursuivre et répondre à la Défense de M.
28 Markac. Il me semble que vous pourriez peut-être combiner vos réponses.
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1 M. STRINGER : [interprétation] Oui, si cela convient à la Chambre --
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ou est-ce que vous aimeriez consacrer
3 trois minutes actuellement à une réponse rapide peut-être.
4 M. STRINGER : [interprétation] Nous n'admettons pas la façon dont la thèse
5 de l'Accusation a été présentée ici. Et nous reviendrons dans le cadre
6 d'une réponse plus développée sur cet argument dans l'après-midi.
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui. Les Juges vont s'intéresser plus
8 avant à l'argument relatif à la population et pourront peut-être poser des
9 questions supplémentaires aux deux parties suite à l'exposé que vient de
10 présenter le conseil de la Défense. Mais nous reviendrons sur ce point cet
11 après-midi.
12 Maître Kehoe.
13 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Etant donné ce que
14 l'Accusation vient de dire, nous élevons une objection car ce que nous
15 faisions, c'était réfuter des arguments qui étaient présentés pour la
16 première fois par l'Accusation. Alors, voir l'Accusation revenir en arrière
17 pour se donner un avantage supplémentaire en disant que cette objection
18 n'est pas admissible est un comportement tout à fait inadapté et qui
19 constitue une violation de l'ordonnance portant calendrier.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous autoriserons sans doute les
21 parties à soumettre un mémoire écrit pour préciser tous ces points. Je ne
22 pensais pas que l'Accusation inclurait ces quelques phrases à un stade
23 aussi tardif.
24 Bien. Nous allons nous interrompre et reprendrons nos débats à 14 heures
25 30.
26 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 24.
27 --- L'audience est reprise à 14 heures 30.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir, s'il vous
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1 plaît.
2 Je souhaite commencer par la lecture d'une décision qui ordonne que des
3 mémoires complémentaires soient déposés. Les Juges de cette Chambre ont
4 noté les commentaires faits aujourd'hui par le conseil de Gotovina qui
5 laissait entendre que l'Accusation a présenté des nouveaux arguments eu
6 égard au fond de l'affaire.
7 La Chambre d'appel demande donc que Gotovina énonce ses objections dans un
8 mémoire supplémentaire comportant au maximum 3 000 mots, et déposé avant le
9 17 mai.
10 L'Accusation sera autorisée à répondre dans les trois jours suivant le
11 dépôt du mémoire supplémentaire ou de l'argument présenté en 3 000 mots. Il
12 n'y aura pas de réplique.
13 Tout d'abord, je souhaite lire une décision maintenant en ma qualité de
14 Juge en appel. Ceci porte sur l'article 15 [comme interprété].
15 En ma qualité de Juge préalable à l'appel, j'ai noté la demande faite par
16 Gotovina, à savoir que le délai pour remettre une réplique à la réponse de
17 l'Accusation à la deuxième requête en vertu de l'article 115 soit prorogé
18 jusqu'au 18 mai. Je remarque en outre que l'Accusation n'a pas pris
19 position sur ce point, et compte tenu du calendrier fixé ces dernières
20 semaines, je fais droit à la demande de Gotovina.
21 Nous allons maintenant reprendre les débats et nous allons maintenant
22 entendre des arguments présentés par Markac. Une heure et 30 minutes.
23 Oui.
24 Mme BRADY : [interprétation] Monsieur le Président, quelques instants, s'il
25 vous plaît, pour ce qui est de la récente décision que vous venez de
26 rendre, à savoir le dépôt de mémoires complémentaires. Je crois que pour
27 lui, c'est le 17 mai --
28 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
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1 Mme BRADY : [interprétation] -- je crois que vous avez dit. Et trois jours
2 plus tard, nous allons déposer notre réponse.
3 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
4 Mme BRADY : [interprétation] Et puis-je confirmer et vous dire qu'il s'agit
5 là d'un dimanche. Est-ce bien le jour où ces mémoires doivent être déposés,
6 ou s'agit-il du lundi suivant ?
7 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, le Règlement permet de calculer
9 les dates. Nous allons appliquer ce qui est communément appliqué.
10 Mme BRADY : [interprétation] Merci.
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et par défaut, nous appliquons le
12 Règlement.
13 Le conseil de M. Markac.
14 M. MIKULICIC : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans le prétoire
15 et à l'extérieur du prétoire.
16 Je m'appelle Goran Mikulicic et j'agis ici pour le compte de M. Markac.
17 Après une courte introduction, je vais donner la parole à mes éminents
18 confrères, M. John Jones et, par la suite, M. Tom Kuzmanovic. Après la
19 présentation de nos arguments, je demanderai à pouvoir passer à huis clos
20 partiel pendant quelques instants pour pouvoir aborder certaines questions
21 qui sont directement liées à la Chambre d'appel.
22 Messieurs les Juges, au début de la présentation de nos arguments oraux,
23 nous appliquions le principe du beneficium cohesionis, à savoir que nous
24 sommes d'accord avec les arguments présentés par Ante Gotovina. Nos
25 arguments porteront quasiment exclusivement sur la quatrième question posée
26 par les Juges de la Chambre dans son ordonnance portant calendrier, la
27 constatation de la Chambre de première instance qui indiquait qu'une
28 entreprise criminelle commune existait doit être retenue car elle a
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1 constaté qu'une attaque d'artillerie ait été légale, il s'agit là de
2 quelque chose qui est réputé erroné.
3 Et nous répondons très sincèrement à cette question par la négative.
4 Il ne peut pas y avoir d'entreprise criminelle commune sans constatation
5 d'attaque illégale. Et c'est après une lecture détaillée du jugement que
6 nous faisons valoir cela. La Chambre a constaté qu'il y avait des
7 pilonnages illégaux, et, effectivement, ceci a été déterminé sur la base de
8 l'entreprise criminelle commune. Tout d'abord, ceci a conduit la Chambre à
9 constater que les discussions qui se sont tenues à Brioni portaient sur une
10 entreprise criminelle commune qui consistait à chasser la population serbe
11 de Krajina. Au paragraphes 2 305, 2 306 [comme interprété] et 2 320 du
12 jugement.
13 Deuxième point, ceci a conduit la Chambre à constater que les frappes
14 d'artillerie contre Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac ont été menées avec
15 l'intention d'expulser la population serbe. Confer les paragraphes 1 745, 1
16 746 et 1 757 du jugement.
17 Les Juges de la Chambre ont constaté que le crime d'expulsion a été commis.
18 Au quatrième point, ceci a conduit les Juges de la Chambre à constater que
19 le crime de persécution faisait partie de l'entreprise criminelle commune
20 et que la persécution a effectivement eu lieu. Aux paragraphes 1 862 et 1
21 936, par rapport à Gracac; 2 310 et 2 314 du jugement rendu par la Chambre
22 de première instance.
23 Au cinquième point, ceci a conduit la Chambre à constater que notre
24 client, le général Markac, avait participé à un pilonnage illégal. Aux
25 paragraphes 2 561, 2 558 et 2 258 [comme interprété] du jugement.
26 Et donc, des constatations ont été énoncées eu égard à Markac, à savoir que
27 cet homme était un membre de l'entreprise criminelle commune, qu'il
28 partageait l'objectif de l'entreprise criminelle commune, qu'il avait
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1 l'intention de contribuer à l'entreprise criminelle commune et qu'il a
2 contribué de façon substantielle à l'entreprise criminelle commune.
3 Le pilonnage illégal constitue la cheville ouvrière de toutes les
4 constatations faites par la Chambre de première instance eu égard à
5 l'entreprise criminelle commune.
6 Si on retire cette cheville ouvrière et la notion d'entreprise criminelle
7 commune, la responsabilité de Markac ne peut plus être retenue.
8 Je me tourne maintenant vers mon confrère, Me Jones.
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Jones.
10 M. JONES : [interprétation] Messieurs les Juges, comme vous le savez tous,
11 une image remplace mille mots. Nous avons donc une aide visuelle que nous
12 vous présentons et qui devrait vous permettre, Messieurs les Juges, de
13 répondre à la quatrième question, que je vais maintenant paraphraser.
14 A supposer qu'aucune attaque d'artillerie légale ne peut être retenue, donc
15 l'entreprise criminelle ne peut pas être retenue.
16 Donc vous avez ici un tableau qui vous a été remis dans un format papier,
17 et vous avez également ce tableau à l'écran.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que vous n'êtes pas en train de
19 trop simplifier cela, avec cette image que vous nous montrez ?
20 M. JONES : [interprétation] Eh bien, je suppose que je ne voulais pas vous
21 étourdir avec des notions trop scientifiques. J'espère que ceci vous
22 permettra de mieux comprendre, et, en fait, je vais aborder chaque case
23 l'une après l'autre.
24 M. LE JUGE MERON : [hors micro]
25 [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]
26 [La Chambre d'appel et le Greffier se concertent]
27 M. JONES : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
28 J'espère que tout sera clair au fur et à mesure.
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1 Donc, en fait, nous avons la dernière case qui est intitulée "Attaque
2 illégale". Il s'agit là de la constatation essentielle qui nous permet de
3 répondre à la question numéro 4, et nous répondons que ceci est inexact.
4 Les références du paragraphe eu égard à cette constatation se trouvent
5 énumérées ici ainsi que les noms des villes en question.
6 Et vous avez ensuite un paragraphe qui est le 58.2(i) [comme
7 interprété], et 58.2, puisqu'il s'agit de la constatation relative à
8 l'attaque légale.
9 Et ensuite, Knin, le paragraphe 1 906, les références aux paragraphes
10 au jugement et rien d'autre.
11 Benkovac, ensuite, 1 923.
12 Gracac, 1 935.
13 Et Obrovac, 1 943.
14 Voilà où se trouvent les constatations.
15 Donc ce tableau vous montre comment tout, et littéralement tout,
16 repose sur cette constatation-là. Chaque constatation eu égard à
17 l'entreprise criminelle commune et chaque constatation eu égard à la
18 responsabilité contre Markac reposent sur ce tableau. Et donc, le jeu de
19 cartes, comme on le sait, si c'est un château de cartes, cela s'effondre si
20 on tire sur la dernière carte.
21 Alors, regardons quelles constatations ont été faites par la Chambre de
22 première instance en se basant sur l'attaque illégale.
23 Alors toutes les cases qui se trouvent en fait à la colonne suivante, les
24 crimes qui découlent directement de la constatation faite par la Chambre eu
25 égard aux attaques illégales.
26 En fait, je vais commencer par la troisième case à partir de la droite, la
27 constatation qui consiste à dire que les discussions à Brioni portaient sur
28 l'entreprise criminelle commune aux fins de déplacer de façon permanente et
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1 par la force les Serbes.
2 Vous trouverez ceci au paragraphe 6.2.7, aux paragraphes 2 305 et au
3 paragraphe 2 315 du jugement. Alors la flèche qui est juste en dessous de
4 la case indique comment cette constatation à propos de Brioni, à savoir la
5 discussion au sujet de l'entreprise criminelle commune, découle directement
6 des attaques illégales et de cette constatation-là. Et ceci est tout à fait
7 clair, comme on peut le voir aux paragraphes 2 305, 2 316 et 2 320 du
8 jugement.
9 Au paragraphe 2 305 [comme interprété], on peut lire, et nous pouvons
10 l'afficher à l'écran :
11 "La Chambre de première instance s'est penchée longuement sur le procès-
12 verbal de la réunion de Brioni qui s'est tenue ici, chapitre 2.2 [comme
13 interprété]. Elle estime, de surcroît, qu'à la lumière des événements qui
14 ont suivi," et j'insiste sur ces termes-là, "à la lumière des événements
15 qui ont suivi, tel que constaté par la Chambre de première instance (ici,
16 chapitres 4.4 et 5.8.2 (ii) [comme interprété]).
17 "Et lors des discussions à Brioni, les propos tenus par Gotovina ont été
18 traduits en réalité. L'opération Tempête a été lancée dans les premières
19 heures du 4 août 1995 au moment des attaques d'artillerie. Aux chapitres
20 4.4 et 5.8.2, certaines de ces attaques concernaient des villes entières
21 qui ont été considérées comme des cibles pour l'artillerie. Ces attaques,
22 par conséquent, ont constitué des attaques illégales contre les civils et
23 des objets appartenant à des civils. En conséquence, des parties
24 importantes de la population de Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac, ce qui
25 représentait quelque 20 000 personnes, ont été déplacées par la force, ont
26 dû être chassées de chez eux, ont fui et ont traversé la frontière en
27 Bosnie-Herzégovine et en Serbie. Comme la Chambre de première instance l'a
28 constaté aux chapitres 4.5 et 5.4.2, qui constitue le crime d'expulsion."
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1 Et donc, l'entreprise criminelle commune consistait à déplacer par la force
2 les Serbes.
3 Ensuite, nous passons à 2 316, où le président Tudjman -- et je vais
4 simplement lire le début :
5 "Franjo Tudjman était un participant qui a dirigé à toutes les réunions
6 importantes et lorsque les questions importantes ont été abordées. En bref,
7 ce sont ses idées qui se sont vues -- et donc, ses idées ont été
8 appliquées."
9 C'est lui qui permettait à ces idées-là d'être traduites dans la
10 réalité.
11 Trois lignes plus bas :
12 "Et compte tenu des discussions qui ont eu lieu à Brioni ainsi que des
13 événements qui ont suivi," veuillez souligner ces termes-là, "et compte
14 tenu des événements qui se sont déroulés par la suite, Tudjman avait
15 l'intention de déplacer par la force la population civile --"
16 Je me demandais à quel moment on allait me demander de ralentir. Voilà, ça
17 y est, c'est fait. Je vais faire de mon mieux.
18 "Alors, si nous tenons compte des discussions qui ont eu lieu à Brioni
19 ainsi que des événements qui s'en sont suivis, la Chambre de première
20 instance constate que lui, Tudjman, "à cette fin, avait l'intention de
21 chasser la population civile serbe par la force, y compris par le
22 truchement de crimes dans le cadre de l'objectif de l'entreprise criminelle
23 commune."
24 Et les intentions de Tudjman, et c'est au sens ici de l'attaque illégale,
25 en fait, cette constatation est faite par ce prisme-là.
26 Et ensuite, au paragraphe 2 320, trois lignes plus loin :
27 "A la réunion de Brioni, Tudjman ainsi que de hauts représentants officiels
28 ont abordé la question de savoir comment les forces militaires devaient
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1 être employées pour garantir non seulement que le SVK mais que la
2 population civile serbe quitteraient la Krajina. Un des moyens utilisés à
3 terme était un moyen qui en lui-même constituait un crime, à savoir les
4 attaques illégales contre des civils et des biens appartenant à des civils
5 dans un certain nombre de villes en Krajina."
6 Donc nous faisons valoir qu'il est très clair que la Chambre de première
7 instance a automatiquement interprété le procès-verbal de Brioni comme
8 quelque chose d'ambigu et, au mieux, a tenu compte de l'existence de
9 l'entreprise criminelle commune, puisque la Chambre a tenu compte de cet
10 élément-là "à la lumière des événements qui ont suivi," à savoir à la
11 lumière de l'attaque illégale, qui était une des constatations de la
12 Chambre, constatation erronée, puisqu'il s'agit là d'un des moyens qui
13 permettaient à l'entreprise criminelle commune d'être commise, et il
14 s'agissait à ce moment-là d'un crime sous la forme d'une attaque illégale.
15 Donc je vais faire une petite digression. L'Accusation a tacitement admis
16 dans sa réponse à nos mémoires en appel que Brioni ne permettait pas
17 d'établir au-delà de tout doute raisonnable qu'il y avait présence d'une
18 entreprise criminelle commune. Au paragraphe 846 [comme interprété],
19 réponse à notre mémoire en appel, lorsque l'Accusation dit :
20 "Troisième point, Markac ignore complètement le contexte pertinent dans
21 lequel sa participation s'est déroulée à la réunion de Brioni. Ceci tient
22 compte également du fait que les Serbes de Krajina ont été chassés et que
23 Markac y a contribué. Et quelques jours après la réunion, il s'agissait
24 d'une attaque d'artillerie illégale qui a été lancée contre des civils
25 serbes de Krajina. Ce qui a eu pour résultat le fait qu'une partie
26 importante de la population a été déplacée."
27 Ensuite :
28 "Etant donné que la réunion de Brioni permettait de fournir le prétexte à
Page 132
1 l'attaque contre les civils serbes de Krajina, Markac a participé à cela, a
2 participé à la réunion de Brioni, et les événements qui ont suivi doivent
3 être rejetés."
4 Donc on ne peut pas séparer l'évaluation qui est faite de la réunion de
5 Brioni des attaques illégales ultérieures.
6 Donc, Brioni en tant que tel, comme le dit l'Accusation, ne permet pas de
7 dire qu'il y a eu entreprise criminelle commune, comme il a été constaté et
8 admis par l'Accusation ce matin, aux paragraphes 234, 239, 268, 271 dans
9 leur réponse au mémoire de Gotovina.
10 [La Chambre d'appel se concerte]
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Une question à la cabine française :
12 est-ce que le rythme est trop rapide pour vous ?
13 L'INTERPRÈTE : [hors micro]
14 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
15 L'INTERPRÈTE : [hors micro]
16 M. JONES : [interprétation] Excusez-moi.
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Alors il va falloir que vous
18 ralentissiez un peu ou sinon, nous ne pourrons plus avoir d'interprétation.
19 M. JONES : [interprétation] Alors, si vous prenez la pièce correspondante
20 au procès-verbal de la réunion de Brioni et si vous la lisez et que vous la
21 replacez dans son contexte, vous ne conclurez pas qu'il y a eu entreprise
22 criminelle commune. Ce n'est qu'en alliant le compte rendu de la réunion de
23 Brioni et une attaque illégale alléguée que la Chambre a pu conclure à une
24 entreprise criminelle commune. Et je fais référence à ce procès-verbal, au
25 compte rendu d'audience, parce qu'il n'y a pas un seul témoin qui a
26 confirmé l'interprétation rendue par la Chambre pour cette réunion. Et il
27 est quand même assez extraordinaire de penser que deux hommes ont été
28 emprisonnés pour des peines de 23 et 18 ans sur la base d'une entreprise
Page 133
1 criminelle commune qui, apparemment, a vu le jour lors de la réunion de
2 Brioni, alors qu'il n'y a pas eu un seul témoin pour venir dire que Brioni
3 visait justement cette entreprise criminelle commune.
4 Donc il serait, bien entendu, tout à fait différent de constater que le
5 procès-verbal de la réunion de Brioni avait contenu des intentions
6 criminelles, mais cela n'est pas le cas. Et lorsque l'on prend en
7 considération le compte rendu de la réunion de Brioni dans ce contexte, on
8 se rend compte que la conclusion relative à Brioni, et surtout relative à
9 l'entreprise criminelle commune, s'écroule.
10 En fait, les discussions qui ont eu lieu à Brioni sont tout à fait
11 conformes à ce qui, d'après la Chambre de première instance, était
12 considéré comme une interprétation tout à fait raisonnable de ce qui s'est
13 passé dans toutes les villes et les villages hormis ces quatre villes. En
14 d'autres termes, nous avons cette réunion, nous connaissons les
15 participants qui étaient tout à fait connus, M. l'Ambassadeur Galbraith l'a
16 reconnu lui-même, il a été dit que les Serbes quitteraient la Krajina en
17 proie à un sentiment général de peur de la HV, peur générale des
18 hostilités, peur des conditions de vie et d'autres facteurs qui n'ont
19 absolument rien à voir avec l'entreprise criminelle commune.
20 Regardez le paragraphe 1 762 du jugement, qui, me semble-t-il, devrait être
21 affiché sur vos écrans dans un petit moment.
22 Alors je vais vous en donner lecture. Je suppose que la plupart des
23 parties ont le jugement devant eux. Donc cela commence cinq lignes à partir
24 du bas :
25 "La Chambre de première instance rappelle sa conclusion suivant laquelle…
26 un conflit international armé a existé pendant toute la période visée par
27 l'acte d'accusation. La Chambre de première instance considère que le début
28 de ce conflit armé a pu avoir comme résultat des craintes de la violence
Page 134
1 associée à tout conflit armé, ce qui fait que des civils ont commencé à
2 prendre la fuite. Il faut également ne pas oublier le chapitre 4.35.3
3 [comme interprété]… qui indique que des personnes sont parties de la RSK en
4 juillet 1995," donc avant l'opération Tempête, "parce que ces personnes
5 étaient d'avis qu'une opération militaire croate était imminente. Dans un
6 certain nombre d'incidents mentionnés ci-dessus, les éléments de preuve
7 présentés indiquent que les raisons qui expliquent le départ incluent
8 notamment le départ d'autres personnes, la peur de la violence associée à
9 cette arrivée imminente attendue des forces armées croates. Par exemple, un
10 témoin, Petar --"
11 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'ayant pas saisi le nom de famille.
12 M. JONES : [interprétation] "-- a témoigné que sa famille était partie
13 parce que beaucoup d'autres personnes partaient. La RSK, en fait, a indiqué
14 que les forces 'oustachi' étaient sur le point d'arriver. Le 5 août 1995,
15 une autre famille est partie pour des raisons de sécurité, parce qu'ils
16 craignaient que la HV pénètre dans cette zone."
17 Et puis, regardez :
18 "Ces personnes ont quitté les lieux en question avant que les crimes ne
19 soient commis ou avant que d'autres actes de menace ne soient commis par
20 les forces militaires croates, qu'il s'agisse de la police spéciale ou qui
21 se trouvait sur ces lieux, et la Chambre de première instance n'a pas pu
22 déterminer de façon conclusive que des actes commis par des membres des
23 forces militaires croates ou de la police spéciale ont créé une telle
24 atmosphère que les personnes qui résidaient n'ont eu aucun autre choix si
25 ce n'est de partir. Mais au lieu de cela, la Chambre de première instance a
26 conclu que les éléments de preuve permettaient d'interpréter de façon
27 raisonnable que ces personnes étaient parties du fait d'un sentiment de
28 crainte générale associée généralement avec le conflit armé ou du fait de
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1 peur générale des forces croates ou d'une certaine méfiance à l'égard des
2 autorités croates. Par conséquent, la Chambre de première instance n'a pas
3 conclu que ces personnes avaient été expulsées sous la contrainte."
4 Mais en fait, sans l'attaque illégale, nous ne pouvons pas avoir cette
5 interprétation qui a été reprise pour les quatre villes. Si vous lisez le
6 compte rendu de la réunion de Brioni, il est tout à fait conforme à ce que
7 les participants de la réunion ont reconnu, ce qui figure d'ailleurs au
8 paragraphe 1 762 du jugement, à savoir les Serbes devraient tout simplement
9 quitter la Krajina lorsque les hostilités commenceraient.
10 Donc j'en reviens au deuxième encadré à partir de la gauche, "les Serbes
11 sont expulsés par la force." Section 5.4.2, 1 743 à 1 745 pour les
12 paragraphes, et 1 751. Il faut savoir que cela se fonde sur la conclusion
13 en matière d'attaque illégale, donc elle est absolument tributaire.
14 Et comme l'indique la flèche que vous avez en dessous de ces paragraphes,
15 c'est un conclusion qui est claire à la lecture des paragraphes 1 745, 2
16 305 et 2 311.
17 Le paragraphe 1 745 étant un paragraphe très succinct, dont je vais vous
18 donner lecture :
19 "La Chambre de première instance considère que la peur de la violence et de
20 la contrainte provoquée par les bombardements des villes de Benkovac,
21 Gracac, Knin et Obrovac a créé un environnement qui a fait que les
22 personnes présentes n'avaient pas le choix mais ont dû partir. Par
23 conséquent, la Chambre de première instance conclut que les bombardements
24 équivalent à un déplacement sous la contrainte de la personne…"
25 Regardez le 2 305, que nous avons étudié dans un autre
26 contexte :
27 "Ces attaques ont, par conséquent, constitué des attaques illégales
28 pour les civils et les objets à caractère civil." A la suite de quoi une
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1 grande partie de la population civile de Knin, Benkovac, Obrovac et
2 Gracac, à savoir 20 000 personnes, sont parties.
3 Et puis, le 2 311, les deux dernières phrases :
4 "L'expulsion de la population serbe de Krajina a été dans une grande mesure
5 obtenue par le biais des attaques illégales contre les civils et les objets
6 civils" à Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac. "Ce qui fait que la Chambre de
7 première instance a estimé que cela avait été exécuté pour des raisons
8 discriminatoires. Au vu des raisons mentionnées, la Chambre de première
9 instance conclut que des attaques illégales contre les civils et les objets
10 à caractère civil constitutives d'un crime contre l'humanité ont été
11 commises."
12 Donc la Chambre de première instance conclut que l'expulsion a été obtenue
13 par le biais d'attaques illégales. En d'autres termes, la Chambre de
14 première instance a utilisé la conclusion relative aux attaques illégales
15 pour ensuite déduire et conclure ce qui s'était passé, et à partir de cela,
16 elle a établi qu'il y avait eu intention. Et, par conséquent, ensuite
17 crimes contre l'humanité et persécution. Et tout cela, en fait, à partir
18 d'une seule conclusion, la conclusion relative aux attaques illégales que
19 nous considérons comme tout à fait erronées.
20 Alors, sur la droite de l'encadré que je viens de lire, vous verrez qu'il y
21 a une flèche qui va vers l'encadré de droite, et vous avez le paragraphe "1
22 862", qui est le paragraphe, en fait, où la Chambre de première instance
23 trouve sa conclusion suivant laquelle les Serbes ont fait l'objet de
24 persécution. Et d'après cette conclusion, les Serbes ont été expulsés par
25 la force sous la contrainte. Et cela se retrouve au paragraphe 1 862, dont
26 je vais vous faire grâce de la lecture, parce qu'il n'est pas si important
27 que cela.
28 Mais le fait est que la conclusion suivant laquelle les Serbes
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1 ont été persécutés émane directement de la conclusion relative à l'attaque
2 illégale. Et cela est montré par les deux références avec les deux flèches
3 faisant référence aux paragraphes 1 862 et 1 936. Le 1 936 qui est le
4 paragraphe relatif à Gracac, qui est le paragraphe le plus pertinent pour
5 mon client, donc je vais vous donner lecture de ce paragraphe :
6 "Si nous considérons les éléments de preuve relatifs à la composition
7 ethnique de Gracac… la Chambre de première instance conclut que l'attaque
8 illégale contre les civils et les objets à caractère civil à Gracac ont été
9 autant de discrimination contre les Serbes de Krajina. En déterminant
10 l'intention avec laquelle cette attaque illégale a été commise, la Chambre
11 de première instance a pris en considération le libellé des ordres
12 d'artillerie de la HV, et le pilonnage délibéré des zones ne trouvait pas
13 d'objectifs militaires.
14 "La Chambre de première instance a également considéré ses conclusions dans
15 les chapitres 5.2," et cetera, et cetera.
16 "La Chambre de première instance considère que l'attaque illégale contre
17 les civils et les objets à caractère civil a été commise dans le contexte
18 d'une attaque plus large et discriminatoire contre les Serbes de la
19 Krajina…," décrite au chapitre 5.2.2.
20 "La Chambre de première instance conclut que l'attaque illégale contre les
21 civils et les objets à caractère civil à Gracac a été menée avec intention
22 de discriminer pour des raisons politiques, raciales ou politiques [comme
23 interprété]."
24 Donc, là, il y a deux choses que l'on peut déduire. Vous avez deux
25 déductions : une attaque illégale égale discrimination étant donné, en
26 fait, qu'il s'agissait essentiellement de Serbes dans ces zones, parce que
27 les civils croates avaient fait l'objet d'un nettoyage ethnique en 1991. Ou
28 si nous voulons prendre l'argument de façon contraire, si nous supposons
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1 avoir trouvé une réponse à votre question 4, il faut savoir que s'il n'y a
2 pas d'attaque illégale, il n'y a pas de discrimination; s'il n'a pas
3 d'attaque illégale, il n'y a pas de persécution; s'il n'y a pas d'attaque
4 illégale, il n'y a pas de crime contre l'humanité; s'il n'h a pas d'attaque
5 discriminatoire, il n'y a pas de discrimination; et s'il n'y a pas
6 d'intention de discriminer, il n'y a pas d'attaque illégale avec entreprise
7 criminelle commune et il n'y a donc pas d'entreprise criminelle commune
8 débouchant sur la persécution. Donc vous voyez que tout s'écroule. Tous les
9 crimes sous-jacents disparaissent.
10 Alors j'aimerais vous expliquer les autres encadrés. A droite de
11 l'encadré Brioni, vous voyez qu'il est écrit : "Ceux qui ont donné l'ordre
12 des frappes d'artillerie l'ont fait avec l'intention d'expulser," et vous
13 voyez les références aux différents chapitres. Et cette conclusion,
14 également, est entièrement tributaire, une fois de plus, de la conclusion
15 relative à l'attaque illégale. Et cela est clair à la lecture des
16 paragraphes 1 746 et 1 757.
17 Le paragraphe 1 746, je cite :
18 "La Chambre a pris en considération plusieurs paramètres pour déterminer si
19 la HV et les forces de police spéciale qui ont bombardé ces quatre villes
20 les 4 et 5 août 1995 l'ont fait avec l'intention de déplacer par la force
21 les personnes de la ville. Premièrement, la Chambre de première instance
22 rappelle ses conclusions au chapitre 5.8.2(i) suivant lesquelles la HV et
23 la police spéciale ne se sont pas limitées à pilonner ou bombarder les
24 zones avec présence d'objectifs militaires, mais ont également délibérément
25 ciblé des zones civiles dans ces villes et ont traité ces villes elles-
26 mêmes comme des cibles de leurs tirs d'artillerie.
27 "Dans le même chapitre, la Chambre de première instance conclut que
28 l'attaque illégale contre les civils et les objets à caractère civil dans
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1 ces villes a été menée avec intention de discrimination contre les Serbes
2 en Krajina pour des raisons politiques, raciales ou religieuses. La Chambre
3 de première instance fait référence, qui plus est, aux éléments de preuve
4 pris en considération dans le chapitre 6.2.7 eu égard à l'existence et à
5 l'objectif d'une entreprise criminelle commune, et notamment aux éléments
6 de preuve relatifs à la réunion du 31 juillet 1995 de Brioni."
7 Donc la réunion de Brioni a également été prise en considération
8 compte tenu à l'attaque illégale.
9 "Au vu des éléments de preuve présentés ci-dessus et des conclusions,
10 la Chambre de première instance conclut que la HV et les forces de la
11 police spéciale qui ont bombardé Benkovac, Gracac, Knin et Obrovac l'ont
12 fait avec l'intention de déplacer par la force les personnes de ces
13 villes."
14 Le paragraphe 1 757 indique que même s'il y a ce que j'appelle des crimes
15 qui "ne sont pas des crimes provoqués par l'artillerie," on a encore repris
16 la conclusion relative à l'attaque illégale.
17 Je disais donc que même les crimes qui ne sont pas des crimes
18 provoqués par les artilleurs ont été commis de façon intentionnelle.
19 Vous allez avoir le 1 757 sur vos écrans, qui indique que :
20 "La Chambre a considéré plusieurs facteurs pour déterminer si les
21 membres des forces militaires croates et de la police spéciale qui ont
22 commis les crimes qui ont pour conséquence le déplacement sous la
23 contrainte des victimes et des témoins à ces crimes l'ont fait avec
24 l'intention de déplacer par la force ces personnes."
25 Et comme le veut la coutume :
26 "La Chambre de première instance rappelle ses conclusions dans le
27 chapitre 5.8.2, conclusions suivant lesquelles les auteurs ont commis ces
28 crimes avec l'intention de discriminer contre les Serbes de la Krajina… la
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1 Chambre de première instance a tenu compte, de surcroît, de ses conclusions
2 dans les mêmes chapitres suivant lesquels ces crimes ont été commis et
3 s'inscrivaient dans le cadre d'une attaque contre une population civile.
4 Cette attaque incluait l'expulsion des Serbes de la Krajina" des quatre
5 villes en question "par le moyen d'une attaque illégale…"
6 Et je vous dirai également, d'ailleurs, que nous avons un encadré séparé
7 qui indique que "des crimes qui ne faisaient pas partie du bombardement ont
8 également été commis avec intention d'expulser les gens."
9 Et nous voyons en fait comment cela est écrit dans ce paragraphe 1
10 757.
11 Donc nous avons maintenant réglé, en quelque sorte, le sort de ces
12 crimes. Et nous avons encore un tout dernier encadré en bas qui est
13 intitulé : "Les personnes qui ont mené les frappes aériennes l'ont fait
14 avec l'intention de persécuter." Paragraphe 1 936. En fait, là encore, nous
15 concluons que -- nous constatons surtout que la conclusion en question
16 émane directement de la conclusion relative à l'attaque illégale,
17 paragraphe que nous avons d'ailleurs déjà pris en considération.
18 Donc, pour résumer, vous voyez en fait que toutes les conclusions
19 essentielles qui ont un lien avec les crimes de l'entreprise criminelle
20 commune - expulsion, persécution, crimes contre l'humanité - tombent. Ainsi
21 que les conclusions relatives aux crimes qui ne sont pas des crimes commis
22 par l'artillerie.
23 Donc, s'il n'y a pas de bombardement illégal, il n'y a pas de crime dans le
24 cadre de l'entreprise criminelle commune. En fait, la conclusion relative
25 au bombardement illégal est si pernicieuse, en quelque sorte. Elle se
26 retrouve partout dans le jugement, à telle enseigne qu'elle a poussé la
27 Chambre à ne pas croire à l'appel lancé par le président Tudjman aux Serbes
28 qui leur demandait de rester dans leurs foyers, que vous trouverez au
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1 paragraphe 2 051.
2 En fait, la Chambre a indiqué qu'il fallait traiter avec beaucoup de
3 circonspection cette déclaration destinée aux Serbes, déclaration de
4 Tudjman, et qu'en fait, il fallait la considérer compte tenu de la
5 conclusion relative à l'attaque illégale. Et il est indiqué :
6 "Au vu de ces éléments présentés ci-dessus, il faut prendre avec beaucoup
7 de prudence la déclaration de Tudjman à l'époque."
8 Donc, sans la conclusion relative à l'attaque illégale, il n'y a pas de
9 raison de supposer que l'appel de Tudjman n'était pas un appel honnête
10 destiné aux Serbes, appel par lequel il les exhortait à rester chez eux. Et
11 c'est une interprétation très raisonnable des éléments de preuve que de
12 fournir cette interprétation.
13 Si vous prenez maintenant les deux encadrés qui se trouvent au milieu du
14 tableau, vous voyez que nous avons dans un premier temps Markac, indiqué
15 par MM, dont il est indiqué qu'il a participé à l'attaque illégale et qu'il
16 a participé également aux discussions de Brioni.
17 Donc, regardez le premier encadré sur la gauche, où il est indiqué que
18 Markac a participé à l'attaque illégale, les paragraphes 2 580 et 2 583.
19 Et, en fait, vous ne pouvez pas participer à une attaque si elle n'existe
20 pas. Donc, s'il n'y avait pas eu d'attaque illégale, Markac n'aurait pas
21 participé à ladite attaque.
22 Et puis, l'autre encadré indique que Markac a participé aux discussions de
23 Brioni. Alors, bien entendu, il n'y a absolument rien de criminel à
24 participer à une discussion. Brioni ne portait pas sur l'entreprise
25 criminelle commune. Markac était, certes, présent à Brioni, mais il a
26 participé aux débats, à la discussion de façon tout à fait innocente. Donc,
27 utiliser la participation de Markac à Brioni tel que l'a fait la Chambre de
28 première instance pour en conclure à la responsabilité dans le cadre de
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1 l'entreprise criminelle commune me semble être un argument assez ténu.
2 Donc vous avez une fois de plus ces deux encadrés qui dépendent de la
3 conclusion relative à l'attaque illégale. Parce qu'il faut savoir que
4 Brioni a toujours été interprétée par la Chambre de première instance
5 "compte tenu des événements qui ont suivi" la réunion de Brioni. Je vous
6 renvoie aux paragraphes 2 580 [comme interprété], 2 583 [comme interprété]
7 et 1 971 [comme interprété].
8 Et d'ailleurs, la Chambre n'a pas dégagé cette conclusion de façon
9 fortuite. Parce que la Chambre a dû s'écarter de la réunion de Brioni pour
10 faire référence ensuite aux événements consécutifs parce qu'il n'y a rien
11 dans le compte rendu qui indique qu'il y avait bel et bien entreprise
12 criminelle commune. Il n'est pas mentionné que l'on empêche les Serbes de
13 revenir, par exemple. Ce qui semblerait être apparemment l'un des objectifs
14 essentiels de l'entreprise criminelle commune.
15 Il faut savoir qu'il y a eu une réunion -- par exemple, lors de la
16 dictature argentine, il y a eu une réunion où il a été dit clairement, Nous
17 allons exterminer les communistes. Là, il s'agissait d'une entreprise
18 criminelle. Il en va de même d'une réunion à propos de l'extermination des
19 Juifs européens avant la Deuxième Guerre mondiale. Mais rien de cela ne
20 s'est passé à Brioni. Il s'agissait d'une réunion opérationnelle militaire
21 destinée à préparer l'opération Tempête, une opération qui, comme la
22 Chambre l'a conclu, tout comme l'Accusation l'a reconnu, était une
23 opération militaire. Et l'Accusation a dit que l'opération Tempête ne
24 posait pas véritablement de problème, la différence étant qu'ils ont
25 indiqué que l'entreprise criminelle commune faisait partie de l'opération
26 Tempête.
27 Donc nous commençons maintenant à voir comment, à partir du bas de mon
28 tableau, on construit petit à petit cette thèse, cette théorie de
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1 l'entreprise criminelle commune qui débouche sur la responsabilité de
2 Markac dans le cadre de l'entreprise criminelle commune. Donc, là, nous
3 sommes au niveau des quatre encadrés en haut de la page. Markac a contribué
4 de façon importante à l'entreprise criminelle commune. Notamment, il n'a
5 pas prévenu et n'a pas su punir. Markac faisait partie de l'entreprise
6 criminelle commune. Markac avait l'intention de contribuer à l'entreprise
7 criminelle commune et Markac a partagé l'objectif de l'entreprise
8 criminelle commune.
9 Donc Markac, pour reprendre le premier encadré, a participé de façon
10 importante à l'entreprise criminelle commune. Markac a participé à
11 l'attaque illégale. Mais s'il n'y a pas eu d'attaque illégale, cela
12 signifie que Markac n'avait pas participé à une attaque illégale. Et si
13 Markac n'avait pas participé à une attaque illégale, alors il n'a pas
14 contribué considérablement à l'entreprise criminelle commune.
15 Ce qui nous laisse les trois derniers encadrés, que je vais continuer à
16 examiner l'un après l'autre.Je cite :
17 "La Chambre de première instance va maintenant déterminer si Markac a
18 partagé l'objectif de l'entreprise criminelle commune et si, par ses actes
19 et ses omissions, il avait l'intention d'y contribuer. Markac a participé à
20 la réunion de Brioni et il a participé activement à la planification de
21 l'opération Tempête."
22 Je m'arrête là. Le fait de planifier l'opération Tempête n'a rien de
23 répréhensible. Même l'Accusation l'admet. Et la participation à la réunion
24 de Brioni n'a rien de répréhensible si l'on laisse de côté la conclusion
25 relative au caractère illégal de l'attaque.
26 Alors, lorsque la Chambre discute les ordres d'artillerie, elle
27 poursuit huit lignes plus bas, je cite :
28 "La Chambre de première instance a estimé au chapitre 5.8.2(i)," c'est le
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1 chapitre que je vous ai demandé de regarder parce qu'il a un rôle tout à
2 fait important au sujet du caractère illégal de l'attaque, "qu'il y avait
3 des ordres qui avaient été émis pour viser des villes entières, y compris
4 Gracac, au moment où les projectiles d'artillerie seraient lancés dans le
5 cadre de l'opération Tempête."
6 Ces ordres ont été estimés illégaux uniquement au vu de la conclusion
7 relative au caractère illégal de l'attaque. C'est ce qu'on voit au
8 paragraphe 1 911, relatif à Knin; au paragraphe 1 927, relatif à Gracac; et
9 au paragraphe 1 945 du jugement, relatif à Obrovac.
10 Je poursuis, je cite :
11 "Considérant que l'objectif assigné à la réunion du 3 août 1995 à Zadar
12 était de coordonner les tirs d'artillerie, la Chambre de première instance
13 estime que la seule interprétation raisonnable des éléments de preuve
14 consiste à dire que Markac, durant cette réunion, avait connaissance de la
15 nature qui était celle des opérations d'artillerie planifiées."
16 Je m'arrête là. Si la nature des opérations d'artillerie était légale, il
17 n'y a rien de répréhensible à être au courant de la nature de ces
18 opérations.
19 La Chambre de première instance poursuit par les mots suivants, je cite :
20 "Sur cette base, la Chambre de première instance estime que Markac avait
21 connaissance de ce qui était en cause lorsqu'il a ordonné l'attaque
22 d'artillerie contre Gracac, qui constituait une attaque illégale contre des
23 civils et des objets civils."
24 Je m'arrête là. Aucune attaque illégale ne signifie que l'on n'ait pas
25 connaissance du caractère illégal de l'attaque.
26 "Si l'intention de Markac est ainsi démontrée, intention de
27 contribuer à l'objectif de l'entreprise criminelle commune," le fait
28 d'avoir l'intention de faire quelque chose ne signifie pas qu'on y a
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1 contribué.
2 "Au vu de cette conclusion," au vu de cette conclusion qui signifie
3 que toutes les autres conclusions sont erronées, on n'est toujours arrivé
4 nulle part. Je poursuis la lecture du jugement, je cite :
5 "Compte tenu de cette conclusion, la Chambre de première instance
6 estime que les omissions dues à Markac par rapport aux crimes commis par la
7 police spéciale à Gracac et à Donji Lapac, ainsi que le rôle actif qu'il a
8 joué pour couvrir les crimes commis à Ramljane et ailleurs, ont également
9 eu pour objectif de contribuer à l'objectif commun. Sur cette base," et
10 j'ajouterais cette base erronée, "la Chambre de première instance a estimé
11 que Markac avait un état d'esprit qui était favorable à la commission des
12 crimes faisant partie de l'objectif criminel commun. Considérant tout ce
13 qui précède," et également le fait que tout ce qui précède est erroné
14 puisque les éléments se construisent les uns sur les autres, "la Chambre de
15 première instance estime que Markac était membre de l'entreprise criminelle
16 commune." Et cette conclusion doit tomber.
17 "La Chambre de première instance estime que Markac avait l'intention
18 de commettre les actes qui ont constitué une contribution à l'entreprise
19 criminelle commune."
20 Tout ceci tombe. Vous pouvez tirer une ligne sur le paragraphe 2 583
21 car il est erroné, et tout ce qui concerne la responsabilité de l'accusé
22 dans ce paragraphe est erroné. Les dernières phrases doivent être
23 supprimées, car tout ce qui s'est passé avant la rédaction de ces phrases
24 est erroné puisque le caractère illégal est erroné.
25 Donc vous avez ce passage, et je l'indique avec tout le respect que
26 je dois à la Chambre, mais l'élément de responsabilité dans le cadre de
27 l'entreprise criminelle commune, mais que la conclusion d'un certain nombre
28 d'éléments qui se sont construits les uns sur les autres d'une façon tout à
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1 fait circulaire, un argument étayant l'argument précédent et permettant à
2 l'argument suivant de l'étayer. Donc la Chambre de première instance ne
3 faisait que se convaincre elle-même par une suite d'éléments qui se
4 prouvaient les uns les autres. Toutes ces conclusions doivent donc tomber.
5 Si nous regardons les trois derniers encadrés sur le tableau relatif
6 à Markac indiquant qu'il aurait été membre de l'entreprise criminelle
7 commune, qu'il aurait eu l'intention de contribuer à cette entreprise
8 criminelle commune, qu'il aurait partagé l'objectif de l'entreprise
9 criminelle commune, eh bien, nous voyons que toutes les flèches qui
10 figurent dans ce tableau montrent que la Chambre s'est servie de ces
11 éléments de construction pour s'étayer les uns les autres. Toutes les
12 conclusions reposent sur la précédente et permettent de conclure ce qui
13 suit, mais finalement tout repose sur l'argument du caractère illégal de
14 l'attaque.
15 Une autre métaphore pourrait être utile pour évaluer le jugement qui
16 se défait comme un tricot dès lors qu'une maille se défait. Nous avons
17 cette menace qui a été créée par l'omniprésence de l'armée croate. Tous les
18 éléments du jugement, où que ce soit vous les regardiez, reposent sur
19 l'élément central qui est le caractère illégal de l'attaque. Tout se
20 construit autour de cet élément. Et chaque fois que vous voulez évaluer un
21 paragraphe du jugement, vous vous retrouvez face à cet argument du
22 caractère illégal de l'attaque.
23 La Chambre de première instance n'a pas hésité à se prononcer comme
24 elle l'a fait, elle n'a pas hésité à constituer comme élément central de
25 son jugement le caractère illégal de l'attaque. Sur la base de ce qui vient
26 d'être dit, l'Accusation a décrit dans son mémoire en appel la situation
27 comme elle l'a décrite. Et par rapport à Gotovina et à Markac, ce contexte
28 est beaucoup trop étroit. Si la Chambre de première instance pouvait
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1 aujourd'hui reprendre ces évaluations devant vous, je suis sûr qu'elle
2 admettrait, comme l'Accusation ne le fait pas, que cette conclusion du
3 caractère illégal de l'attaque donne comme conséquence la participation à
4 l'entreprise criminelle commune. Et la réponse à la quatrième question
5 posée par la Chambre doit être un non tout à fait ferme.
6 Je tiens à dire -- j'ai encore pas mal de temps. J'ai donc expliqué
7 le tableau. Il y a encore quelques questions qui ont été posées
8 précédemment, et j'aimerais avoir le temps de les traiter.
9 D'abord, ce matin, le Président de la Chambre a posé une question au
10 sujet des accusations relatives à des crimes opportunistes. Des cibles
11 opportunistes, en fait, pour être précis. J'aimerais apporter une réponse à
12 cette question.
13 Si l'on reprend les éléments de preuve, on constate qu'il n'y a pas
14 de cibles opportunistes, et ceci permet de résoudre tous les doutes en
15 faveur de l'accusé. Par conséquent, si l'on va dans le sens contraire, on
16 enfreint la présomption d'innocence. C'est la réponse que je ferais à la
17 question de la Chambre.
18 S'agissant maintenant de cette règle de 200 mètres qui a été prise en
19 compte par la Chambre de première instance, elle avait pour but de
20 discréditer la déposition de Rajcic. C'était un témoin de l'Accusation, il
21 convient de le souligner. C'était donc un témoin à charge. Et il a été
22 indiqué que l'ordre consistant à traiter des villes entières comme des
23 cibles a été interprété par lui et par chacun jusqu'au niveau inférieur de
24 la hiérarchie comme signifiant qu'il fallait tirer des salves d'artillerie
25 sur des cibles légitimes, prédéterminées, alors qu'en fait ces tirs étaient
26 sans discrimination. Donc nous disons que la Chambre de première instance
27 s'est appuyée sur sa déposition comme étant crédible. Et donc, Rajcic est
28 considéré comme crédible quand cela convient à la Chambre de première
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1 instance, mais dans le cas contraire il est considéré comme un faux témoin.
2 Autrement dit, la déposition d'un témoin à charge consiste à dire que
3 des ordres de tir d'artillerie ont été interprétés d'une façon déterminée,
4 et cette interprétation corroborerait l'ordre de tirer sur des villes
5 entières. Cet ordre qui descend jusqu'au niveau hiérarchique inférieur le
6 long de la chaîne de commandement, par conséquent, ne mène nulle part si,
7 en réalité, chacun interprétait l'ordre en question comme signifiant qu'il
8 convenait de tirer sur des cibles légitimes prédéterminées.
9 La Chambre de première instance a établi un lien entre cet élément et la
10 limite de 200 mètres qui a été adoptée par elle. Nous posons là une
11 question relative au logique du raisonnement. La règle des 200 mètres est
12 une règle qui ne concerne que les cibles militaires. Il est dit ici qu'il
13 s'agit d'une cible militaire et que, dans ce cas, il faut que l'obus tombe
14 au maximum à une distance de 200 mètres de cette cible militaire. Mais ceci
15 ne permet pas d'aboutir aux trois autres résultats qui ont déjà été cités,
16 à savoir que ce qui était visé, c'était une cible civile. Simplement parce
17 que la cible civile c'est le négatif d'une cible militaire. Un désert n'est
18 pas un objet civil, n'est-ce pas ? Et pourtant, les obus sont tombés dans
19 des champs déserts, ce qui ne semble par conforté par la logique.
20 Il y a donc une erreur fondamentale dans tout cela parce que -- si l'on dit
21 qu'un chat n'est pas un mammifère, on peut également dire qu'un mammifère
22 n'est pas un chat parce qu'il n'est pas un chat, et c'est une forme de
23 raisonnement erroné. On trouve ici, dans le cadre de la Chambre de première
24 instance, la même erreur de raisonnement appliquée à cette limite de 200
25 mètres pour déterminer le caractère légitime ou pas d'une cible. Si la
26 cible visée n'est pas dans un rayon de 200 mètres, alors elle n'est pas
27 légitime. Or, il y a toutes sortes d'explications qui permettraient de
28 comprendre pourquoi cette cible se situait en dehors de la limite de 200
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1 mètres. C'est l'argument qui est développé au paragraphe 18 du mémoire en
2 appel de Gotovina, qui évoque ces autres explications possibles. Je cite :
3 "La Chambre de première instance a omis de prendre en compte les
4 explications raisonnables suivantes eu égard au fait que des projectiles
5 ont atterri à une distance supérieure à 200 mètres de cibles d'artillerie
6 connues : d'abord, la marge d'erreur du système d'armes utilisé était
7 supérieure à 200 mètres; ensuite, l'armée croate a tiré sur des cibles qui
8 avaient un caractère tactique inconnu par Rajcic et qui, donc, pouvaient
9 constituer de nouveaux objectifs militaires; troisièmement, il y avait
10 d'autres cibles militaires qui n'étaient pas identifiées dans les éléments
11 de preuve; quatrième argument, le lieu où les obus ont atterri peut être
12 explicable par d'autres arguments, et en particulier par un mauvais
13 fonctionnement du système d'armes ou de munitions."
14 Donc, voilà toute une série d'explications qui pourraient permettre
15 d'annuler les conclusions de la Chambre de première instance sans renverser
16 la charge de la preuve.
17 Toutes mes excuses pour la rapidité de mon débit.
18 M. le Juge Pocar a demandé à l'Accusation ce qui se passerait si l'attaque
19 n'avait visé que des cibles militaires, si, dans ce cas, l'Accusation
20 continuerait à parier de crime. Et l'Accusation a répondu par
21 l'affirmative, en invoquant les dommages collatéraux. On ne peut pas parler
22 de dommages collatéraux en dehors d'événements survenus accidentellement,
23 mais pas en présence d'événements survenus délibérément. Par définition,
24 d'où vient la règle qui est invoquée par l'Accusation ? D'où est-ce qu'elle
25 tire cette règle applicable au droit humanitaire international ? Je n'ai
26 jamais eu sous les yeux une règle quelconque qui irait dans ce sens et que
27 j'aurais trouvée dans les commentaires aux conventions de Genève. Ceci
28 montre que l'Accusation peut adopter telle ou telle position par rapport au
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1 droit humanitaire international dans un cas et une position contraire dans
2 un autre cas. Maintenant, l'Accusation soutient que l'entreprise criminelle
3 commune s'est servie de moyens illégaux, et uniquement de moyens illégaux,
4 mais tout dépend du fait de savoir si les civils sont partis ou pas. Si
5 l'Accusation dit, Vous n'avez pas commis les crimes les plus graves, étant
6 donné la réalité de la situation, mais j'espère que les civils vont partir.
7 Pour donner un caractère légal à ce pilonnage, et que ce n'est pas le
8 cas, le pilonnage se transforme en crime. Crime de guerre ou crime contre
9 l'humanité. Mais que pense l'Accusation ? Qu'est-ce qu'elle a à l'esprit
10 lorsqu'elle parle de crimes en se fondant uniquement sur l'intention et pas
11 sur la réalité des faits ? L'Accusation monte sa thèse contre Gotovina et
12 Markac le jour de l'audience en appel. Mais les cibles sont toujours prises
13 en considération pour prononcer la culpabilité.
14 Donc des indications fournies actuellement diffèrent complètement de
15 celles qui ont été données précédemment. On déplace simplement les divers
16 lieux de quelques mètres dans un sens ou dans l'autre, en profondeur
17 également, de façon à étayer l'argument qui est donné au départ. Je propose
18 aux Juges de la Chambre d'appel de ne pas se lancer sur ce chemin
19 malheureux.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense que souhaiter la mort d'un
21 souverain est un crime en droit coutumier.
22 M. JONES : [interprétation] Oui. Dans ce cas-là, c'est sans doute un acte
23 punissable.
24 Mais il a été dit également qu'il n'y aurait pas eu plan criminel si
25 le départ des civils avait été imprévisible et aléatoire. Je ne vois pas en
26 quoi le droit humanitaire international intervient dans ce raisonnement.
27 Donc il faudrait que le côté prévisible ou imprévisible soit prouvé. Si
28 vous ne pouvez pas le prévoir, vous n'êtes pas responsable, donc vous
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1 fermez les yeux, mais vous pouvez néanmoins imaginer que les civils vont
2 partir. Est-ce que cela signifie que vous ne pouvez pas lancer une attaque
3 illégale parce que vous avez prévu la conséquence de cette attaque ? En
4 fait, tout ceci sert à créer un élément moral à l'appui du caractère
5 illégal que vous voulez imputer à l'attaque. Or, cela n'a rien de contraire
6 au droit international humanitaire ou au principe en vigueur dans le droit
7 pénal, sauf si des éléments de preuve supplémentaires sont apportés.
8 J'en resterai là pour ma part, et je vais maintenant donner la parole à mon
9 confrère, Me Kuzmanovic, à moins qu'il y ait des questions des Juges.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
11 les Juges.
12 Aujourd'hui, je m'intéresserai avant tout aux questions 2 et 3, à savoir
13 s'il convient de retenir la décision de la Chambre de première instance sur
14 les lieux d'impact si le fait d'appliquer la marge d'erreur de 200 mètres
15 est erroné; et puis, la question numéro 3, si la conclusion de la Chambre
16 de première instance sur les attaques illégales d'artillerie, donc si elle
17 doit être retenue à partir du moment où la conclusion qui concerne les
18 lieux d'impact est considérée comme étant erronée.
19 Alors, s'agissant de la première question, nous allons vous répondre par
20 l'affirmative de manière très claire.
21 Pour ce qui est des questions 2 et 3, s'agissant des lieux d'impact
22 et la règle des 200 mètres, nous allons répondre par la négative de manière
23 très claire.
24 Alors le Juge Güney a posé une question très intéressante aujourd'hui, page
25 89, lignes 3 à 7 : était-il non raisonnable de la part de la Chambre de
26 première instance de déduire que les zones où il n'y avait pas d'objectifs
27 militaires étaient des zones à caractère civil ?
28 Et la réponse à cette question est : Oui, c'était tout à fait non
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1 raisonnable. Je vous expliquerai pourquoi.
2 La deuxième partie de la question était : est-ce que l'on peut
3 déduire de la nature civile de la déclaration générale sans qu'il y ait
4 d'éléments de preuve à l'appui ?
5 La réponse à cela est : Non, le caractère civil ne peut pas et ne
6 doit pas être déduit parce que cela inverse la charge de la preuve.
7 Nous l'avons bien vu dans l'affaire Blaskic, c'est l'Accusation qui
8 doit assumer la charge de la preuve, démontrer qu'un objet avait une
9 fonction civile.
10 Donc la réponse à la question du Juge Güney peut s'illustrer par
11 l'analyse qu'apporte la Chambre de première instance des attaques
12 d'artillerie sur les cibles de Gracac.
13 Voyons les paragraphes 1 927 à 1 932 du jugement de la Chambre de
14 première instance lorsqu'il est question de Gracac. Au début, la Chambre
15 dit, et je cite :
16 "Jusqu'à 150 obus sont tombés sur Gracac et à proximité immédiate le
17 jour du 4 août 1995."
18 Paragraphe 1 928 du jugement. La Chambre n'explique pas exactement
19 comment elle a atteint ce chiffre, mais c'est ce chiffre que nous avons et
20 nous allons partir à partir de là.
21 La Chambre explique également qu'elle a pu conclure de manière tout à
22 fait définitive un tout petit nombre de lieux d'impact sur les 150
23 projectiles. Cela se trouve également au paragraphe 1 928. Nous avons 150
24 projectiles, nous avons 150 lieux d'impact. Et je pense qu'effectivement,
25 nous pouvons admettre que c'est la situation à Gracac. Alors, quelle est la
26 conclusion de la Chambre de première instance au paragraphe 1 934 ? Il dit
27 qu'une partie considérable de lieux d'impacts concernés étaient des
28 objectifs civils ou des zones civiles de Gracac. Et ils arrivent à cette
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1 conclusion en se fondant uniquement sur cinq zones où des objectifs ont été
2 pris pour cible. Cinq. Donc nous estimons qu'il ne s'agit pas là d'un
3 cheminement raisonnable. Alors, voyons le paragraphe 1 934 :
4 "… le nombre d'objets de caractère civil ou de zones de caractère
5 civil de Gracac qui ont été pris délibérément pour cible par la HV," et on
6 ne nous explique pas ces termes, donc on ne désignait pas la notion de
7 "prendre délibérément pour cible," "peut sembler limité compte tenu du fait
8 qu'au moins 150 projectiles ont été tirés sur la ville."
9 La Chambre de première instance réitère aux paragraphes 1 928 et 1 934 du
10 jugement qu'elle a pu conclure de manière définitive qu'il y a uniquement
11 les circonstances d'un petit nombre de lieux d'impact par rapport donc à
12 ces 150 projectiles. Donc, essayons de garder à l'esprit ces deux
13 qualifications que fait la Chambre pour Gracac. A savoir que, premièrement,
14 les zones sont limitées, les zones qui ont été couvertes; et ensuite, que
15 les conclusions définitives finalement ne portent que sur un très petit
16 nombre de lieux d'impact.
17 Alors, voyons comment réfléchit la Chambre et qu'a-t-elle fait pour arriver
18 à ces conclusions pour déterminer s'il s'agissait d'une attaque légale ou
19 illégale lorsqu'on parle de l'attaque sur Gracac.
20 Prenons d'abord le paragraphe 1 929, première zone d'impact, la Chambre de
21 première instance dit :
22 "… les projectiles d'artillerie ont touché un poste de police de
23 Gracac…"
24 Alors on ne dit pas combien de projectiles, mais la Chambre estime que les
25 projectiles ont touché leur cible.
26 La deuxième zone d'impact, dans le même paragraphe, alors c'est le poste de
27 commandement de la Brigade de Gracac. Et on ne discute pas du nombre
28 d'impacts. Donc, pour ces deux premières zones d'impact, nous n'avons
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1 absolument pas mention faite de zones civiles ou de cibles civiles.
2 Alors, prenons le jugement en son paragraphe 1 930, une maison près de
3 l'usine qui était un dépôt militaire serbe. On nous dit un lieu d'impact ou
4 plusieurs, cela n'est pas défini. Et la Chambre de première instance a
5 déterminé que dans cette troisième zone d'impact, les tirs sur ce dépôt
6 auraient permis d'acquérir un avantage militaire tout à fait clair.
7 Alors la quatrième zone maintenant, paragraphe 1 931, dix à 20 impacts au
8 niveau d'un carrefour, et la Chambre arrive à la conclusion que là encore
9 cela aurait donné un avantage militaire tout à fait clair.
10 Donc nous avons quatre zones d'impact avec soit des cibles militaires, soit
11 des zones où le fait de tirer dessus aurait permis d'acquérir un avantage
12 militaire.
13 Prenons maintenant la zone numéro 5, paragraphe 1 932. Plusieurs
14 projectiles. Alors plusieurs, cela veut dire plus qu'un, n'est-ce pas ?
15 Généralement moins que cinq, dirais-je. Six, c'est une demi-douzaine, donc
16 disons moins que six. Et nous avons un témoin, Gacesa, qui a déposé ici,
17 une dame qui a dit qu'elle s'est trouvée à 300 mètres d'une cible de
18 Jagoda, une liste.
19 La sixième zone d'impact sont des projectiles d'artillerie. Alors, là
20 encore, on ne sait pas combien il y en a, et c'est un témoin qui nous dit
21 que cet endroit - c'est le Témoin Steenbergen - qui nous dit que c'était
22 juste à 800 mètres d'une cible militaire qui était visée.
23 Et donc, nous avons 150 lieux d'impact et projectiles. Une à quatre
24 de ces zones d'impact qui ont été analysées ont constitué des objectifs
25 légitimes, objectifs militaires légitimes ou permettant d'acquérir un
26 avantage militaire tout à fait clair. La cinquième zone d'impact se trouve
27 à une distance de 300 mètres, donc correspond à l'estimation de la marge
28 d'erreur de Leslie. Et la sixième concerne Gracac et se situe à 450 à 800
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1 mètres de la cible.
2 Donc les conclusions qui ont été tirées par les Juges de la Chambre
3 de première instance en se fondant sur l'analyse de ces six zones d'impact
4 sur 150 projectiles consistent à dire qu'à Gracac on a délibérément pris
5 pour cible des zones civiles, en se fondant donc sur les conclusions basées
6 sur l'examen de ces six zones d'impact.
7 Et cela n'est pas raisonnable.
8 Le seul témoin qui a déposé là-dessus est Josip Turkalj, donc c'était
9 un témoin de l'Accusation, au paragraphe 1 437. Il a déposé au sujet des
10 cibles de la police spéciale dans Gracac et dans les environs, et il a dit
11 que l'objectif était de neutraliser la cible et de minimiser les dégâts
12 collatéraux. Paragraphe 1 435.
13 En fait, Turkalj a déposé en disant qu'il a eu un entretien avec le
14 général Markac la veille du début de l'opération, et il dit que le général
15 Markac lui a dit, et je le cite :
16 "Lorsqu'on sélectionne les cibles, faites le nécessaire pour que l'on
17 ne porte pas atteinte aux civils."
18 Et Turkalj a déposé non seulement au sujet des cibles dans Gracac
19 même et dans les environs, mais au sujet de toute la zone ou le long de
20 l'axe d'attaque de la police spéciale jusqu'à Donji Lapac, donc depuis le
21 mont Velebit.
22 Maintenant, la Chambre de première instance arrive à la conclusion
23 suivante : une proportion significative des zones d'impact était des objets
24 de caractère civil ou des zones de caractère civil, et lorsqu'elle arrive à
25 cette conclusion en se fondant sur les six zones d'impact qu'elle a
26 analysées, elle ne fait pas un raisonnement raisonnable. Celui-ci n'est pas
27 étayé par ses propres exemples. Nous avons la déposition de Turkalj au
28 sujet de la sélection des cibles et des cibles militaires qui étaient
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1 choisies à Gracac et dans les environs. Et le fait qu'il n'y a pas eu de
2 morts de civils dans la ville ou dans les environs de Gracac, pas de preuve
3 de morts de civils en tant que résultat de tirs d'artillerie, pas de dégâts
4 collatéraux non raisonnables à Gracac dus à l'artillerie, donc dans toute
5 cette analyse de l'attaque menée sur Gracac, donc il n'est pas raisonnable
6 d'arriver à la conclusion qu'il s'agit d'une attaque illégale menée contre
7 des objets de caractère civil et que c'était une attaque systématique et
8 généralisée. Cette conclusion doit être annulée.
9 [La Chambre d'appel se concerte]
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Une question du Juge Robinson.
11 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Sur 150 projectiles qui ont été
13 tirés sur Gracac, vous nous avez dit que la Chambre de première instance en
14 a examiné six. En fait, elle a examiné six zones d'impact.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Exact.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites que cela n'était pas
17 raisonnable.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non. Je dis qu'il n'était pas raisonnable
19 d'arriver à la conclusion que des zones civiles ont été prises pour cible
20 délibérément sur la base de l'analyse des zones d'impact. Quatre sur les
21 six étaient des cibles militaires légitimes.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais est-ce qu'ils auraient pu
23 arriver à une conclusion raisonnable que ces six zones ont été prises pour
24 cible délibérément ?
25 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Sur la base du fait que tant la police
26 spéciale que la liste de Jagoda avaient des objectifs militaires et que
27 nous n'avions que d'autres cibles à 400 mètres, ou 450, ou 800 mètres, des
28 cibles militaires, il n'y a pas de preuve de dégâts collatéraux.
Page 159
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et cela ne constituerait pas une
2 base suffisante --
3 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Pour déterminer, effectivement, que
4 c'était une attaque illégale. Non, ce n'est pas une base suffisante.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais justement, donc, ils sont
6 arrivés à la conclusion que Gracac a été attaquée en tant que ville dans
7 son ensemble ?
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, en tant que ville dans son ensemble,
9 sans qu'il y ait de distinction entre zones militaires et civiles. Exact.
10 Premièrement, sur la base de l'analyse que nous avons mentionnée; deux, le
11 nombre d'impacts; le nombre de projectiles lancés sur Gracac; quatre, le
12 fait que quatre sur les six zones qui ont été attaquées étaient des cibles
13 militaires -- en fait, l'une d'entre elles, si l'on accepte la marge
14 d'erreur de Leslie, donc les 400 mètres -- en fait, cinq sur six étaient
15 des cibles militaires légitimes.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc quatre zones d'impact ont été
17 sélectionnées par la Chambre, et si la Chambre n'a pas fait d'erreur en
18 considérant qu'il s'agissait d'une attaque illégale, vous dites qu'il ne
19 s'agit pas là de conclusion suffisante pour en déduire sur Gracac en tant
20 que tout.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, cela n'est pas suffisant. Si vous
22 avez 150 obus d'artillerie, six zones d'impact, tout simplement cela n'est
23 pas suffisant pour dire que c'est de manière intentionnelle que la police
24 spéciale et la HV ont attaqué les zones civiles à Gracac.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
26 M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est moi.
27 Un autre point que je souhaitais aborder sur l'entreprise criminelle
28 commune de catégorie 3 dans la mesure où cela concerne le général Markac.
Page 160
1 Et en particulier, un aspect troublant dans les conclusions qui
2 concerne donc l'existence de l'entreprise criminelle commune de catégorie 3
3 par rapport au général Markac, et je vais citer une conclusion en
4 particulier. Cette conclusion se trouve au paragraphe
5 2 586 du jugement. Comme vous le savez, s'il n'y a pas d'entreprise
6 criminelle commune de catégorie 1, il n'y en a pas non plus de catégorie 3,
7 mais je voudrais simplement me polariser sur cette conclusion-ci par
8 rapport à l'intention délictueuse dans la mesure où elle concerne le
9 général Markac. La Chambre reconnaît que le général Markac a choisi des
10 forces qui n'étaient pas originaires de la zone où les opérations étaient
11 menées pour éviter des crimes de vengeance. En d'autres termes, si une
12 unité était déployée à Gracac ou à Donji Lapac ou où que ce soit ailleurs
13 où la police spéciale a été déployée pendant l'opération Tempête, le
14 général Markac disait, Je ne veux pas que ce soit des gars du cru qui
15 soient déployés, même s'ils connaissent certainement mieux le terrain. Il
16 voulait que ce soit quelqu'un de l'unité de Vukovar ou d'Osijek, ou d'une
17 autre unité, parce qu'il voulait éviter toute possibilité qu'il y ait un
18 crime de vengeance.
19 Mais ce que la Chambre en déduit, eh bien, c'est complètement
20 contraire au sens commun. La Chambre constate au paragraphe 2 586 que
21 Markac, lorsqu'il tente d'empêcher la commission de crimes par cette
22 manière, démontre en fait que Markac est au courant de la possibilité que
23 des membres des forces croates armées et de police commettent des crimes de
24 vengeance.
25 Mais cela est dénué de sens. Une phrase en amont, la Chambre dit :
26 Markac a choisi ces hommes "pour éviter des sentiments de vengeance contre
27 la population et pour éviter un conflit possible." Et donc, c'est là la
28 base de son intention délictueuse pour l'entreprise criminelle commune de
Page 161
1 catégorie 3. Je dois dire que cela est à mon sens tout à fait
2 contradictoire. Et je pense que je dois ajouter qu'effectivement, c'est là
3 l'élément crucial sur lequel se fonde la Chambre en déterminant la
4 responsabilité du général Markac au titre de l'entreprise criminelle
5 commune numéro 3.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il s'agit du témoignage du Témoin P82.
7 Je voudrais vous poser une question là-dessus.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous vous souviendrez sa déposition.
10 Vous savez que la Chambre s'est reposée sur cette déposition et que dans ce
11 contexte elle a souligné le fait que les éléments indiciaires étaient
12 corroborés.
13 Puisque cela est tout à fait permis de se reposer sur la déposition
14 d'un seul témoin, pourquoi est-ce que vous objectez à cela -- aux
15 conclusions qui en découlent ?
16 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je ne sais pas si vous souhaitez que l'on
17 passe à huis clos partiel, parce que c'est à huis clos partiel qu'on en a
18 parlé.
19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Alors, ne répondez pas maintenant. Nous
20 verrons cela plus tard à huis clos partiel.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.
22 C'était le Témoin P82, effectivement. Nous n'avons pas prononcé de
23 nom…
24 [La Chambre d'appel se concerte]
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le conseil de Me Markac souhaitait
26 avoir quelques minutes à huis clos partiel.
27 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, effectivement, ce serait peut-être
28 l'occasion de demander --
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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Dans ce cas, nous allons passer à huis
2 clos partiel et évoquer ces deux dernières questions.
3 M. MIKULICIC : [interprétation] Très bien.
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc, Monsieur le Greffier, huis clos
5 partiel, s'il vous plaît. Veuillez nous dire lorsque nous serons à huis
6 clos partiel.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis
8 clos partiel.
9 [Audience à huis clos partiel]
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18 [Audience publique]
19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous sommes en audience publique à
20 nouveau. Oui.
21 Donc nous allons faire une pause de 15 minutes.
22 --- L'audience est suspendue à 15 heures 56.
23 --- L'audience est reprise à 16 heures 14.
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Réponse de l'Accusation. Trente
25 minutes.
26 M. MIKULICIC : [interprétation] Si vous le permettez, juste quelques mots.
27 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce pertinent ?
28 M. MIKULICIC : [aucune interprétation]
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1 [La Chambre d'appel se concerte]
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pardonnez-moi. Une heure et 30 minutes,
3 c'est ce que je voulais dire.
4 M. MIKULICIC : [interprétation] Juste quelques mots. Cela a trait au
5 consentement de mon client.
6 Puisque nous parlons du consentement de mon client que nous venons
7 d'évoquer.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce qu'il nous faut passer a huis
9 clos partiel ?
10 M. MIKULICIC : [interprétation] Non, pas maintenant. Nous n'avons pas
11 besoin de passer à huis clos partiel. Il consent à ce que son dossier
12 médical soit mis à la disposition des Juges de la Chambre d'appel.
13 Malheureusement, il n'a été communiqué qu'au Greffe pour l'instant.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc ceci sera modifié, et nous allons
15 nous pencher dessus.
16 M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, vous avez donc 30
18 minutes.
19 Mme BRADY : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, et bonjour à vous,
20 Messieurs les Juges.
21 Je m'appelle Helen Brady, et je suis accompagnée de François Boudreault, M.
22 Todd Schneider et Mme Ingrid Elliott. Nous allons répondre maintenant à
23 l'appel de M. Markac.
24 Tout d'abord, Messieurs les Juges, pour vous donner l'ordre de notre
25 présentation de cet après-midi, je vais tout d'abord aborder les
26 conclusions de la Chambre de première instance, à savoir qu'une entreprise
27 criminelle commune existait aux fins de déplacer de façon permanente les
28 civils serbes de Krajina, ce qui correspond aux crimes d'expulsion, de
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1 transfert forcé, de pilonnage illégal ainsi que de mesures restrictives ou
2 discriminatoires. Ce qui répond directement au premier motif d'appel, le
3 point A.
4 Et au cours de la présentation de mes arguments à propos de l'entreprise
5 criminelle commune, je vais évoquer les conclusions de la Chambre de
6 première instance et je vais parler des attaques d'artillerie illégales qui
7 ont eu lieu pendant l'opération Tempête, à savoir conformément aux
8 constatations de la Chambre de première instance. Cependant, Messieurs les
9 Juges, je vais brièvement aborder les constatations relatives à
10 l'entreprise criminelle commune en me fondant sur votre question numéro 4,
11 à savoir si la constatation de la Chambre de première instance à propos des
12 attaques illégales, si ces attaques étaient considérées comme étant
13 erronées.
14 Et M. Boudreault va parler de la conclusion de la Chambre de première
15 instance à savoir que M. Markac était membre de cette entreprise criminelle
16 commune, qu'il y a contribué de façon significative et qu'il disposait de
17 l'élément moral requis pour commettre ces crimes.
18 Et donc, eu égard au pilonnage illégal, mes confrères, M. Stringer et M.
19 Cross, ont abordé dans le détail cette question et ont répondu de façon
20 exhaustive aux points 1, 2 et 3, et nous allons donc aborder ces questions-
21 là assez brièvement et adopter le point de vue qui a été présenté ce matin.
22 Cependant, M. Schneider va, en quelques mots, aborder cette question-là à
23 la lumière des arguments présentés par la Défense de M. Markac.
24 Et pour finir, Messieurs les Juges, Mme Elliott va répondre en quelques
25 mots de certains éléments liés aux constatations portant sur l'expulsion, à
26 savoir que le pilonnage était une des causes, en particulier, directes du
27 départ de la population serbe de Krajina. Et pour le reste de son moyen,
28 nous allons nous reposer sur nos mémoires.
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1 Je vais d'abord aborder la question des constatations à propos de
2 l'entreprise criminelle commune.
3 Il y a une seule conclusion qui découle de tous les éléments présentés, à
4 savoir que pas plus tard que le mois de juillet 1995, un plan criminel
5 commun existait aux fins de déplacer la population civile serbe de Krajina,
6 et ce, de façon permanente par le biais de la force et par le biais de
7 mesures discriminatoires et restrictives. Et Markac était un membre de
8 cette entreprise criminelle commune.
9 Cet après-midi, Markac, à l'instar de ce qu'il avait fait dans son mémoire,
10 démonte les constatations de la Chambre de première instance. Son tableau
11 allait jusqu'à dire que les constatations factuelles sont inversées, et, de
12 manière artificielle, il isole les constatations factuelles des éléments de
13 preuve. Ce n'est pas ainsi que quelqu'un qui se penche sur les différents
14 faits doit procéder, et vous non plus, lorsque vous examinez ces éléments.
15 Les Juges de cette Chambre doivent adopter une approche holistique et
16 prendre tous les éléments de preuve dans leur totalité, et non pas examiner
17 les faits et les éléments de preuve qui ont été démontés de cette façon
18 artificielle. Et donc, cet après-midi, ce que je souhaite faire, c'est vous
19 présenter les éléments de preuve et les faits, les remettre ensemble tels
20 qu'ils ont été compris par la Chambre de première instance.
21 Le premier point que je souhaite aborder porte sur l'importance cruciale
22 que revêt un examen des discussions à Brioni et de les placer dans leur
23 contexte à la lumière à la fois des événements qui ont précédé et des
24 événements qui ont suivi. Tel est le contexte dans lequel il faut analyser
25 Brioni. Les discussions en tant que telles, telles que consignées au compte
26 rendu d'audience à la page du compte rendu P461, constituent une partie
27 importante des constatations de la Chambre de première instance. Et je
28 souhaite demander aux Juges de se reporter à certains passages-clés de ces
Page 169
1 discussions dans un instant.
2 Mais il est également très important de souligner le fait que ces
3 discussions constituent une composante de quelque chose de beaucoup plus
4 complexe, d'éléments de preuve et de faits, et il faut aborder ces
5 éléments-là à la lumière de ce contexte plus large. Ces événements
6 confirment que la réunion avait effectivement un objectif criminel. Les
7 participants ne parlaient simplement pas d'opération militaire et de la
8 planification d'une opération militaire qui avait pour but de vaincre la
9 SVK pour reprendre le territoire de la Krajina. Il s'agissait de discuter
10 et de planifier une opération qui avait été conçue pour reprendre le
11 territoire nettoyé de civils serbes. Et ce déplacement de civils serbes
12 devait être réalisé par la force ou sous la menace de la force, y compris
13 les déplacements forcés et le pilonnage.
14 Messieurs les Juges, il est impossible de comprendre le procès-verbal de
15 Brioni sans aborder cette discussion-là, et je vais revenir sur les détails
16 de cette discussion. On ne peut pas comprendre le procès-verbal de Brioni
17 et l'objectif derrière cette opération sans tenir compte des événements qui
18 ont précédé cette réunion.
19 Cette opération était, d'une certaine façon, le point culminant de la
20 politique que le président croate et le commandant suprême des forces
21 armées, Franjo Tudjman, avait mis en œuvre depuis des années afin de créer
22 une Croatie ethniquement pure ou aussi ethniquement homogène que possible.
23 L'ambassadeur Peter Galbraith, qui a eu de fréquents contacts avec Tudjman
24 et ses collaborateurs au cours des années pertinentes, a déclaré, et je
25 cite :
26 "Tudjman pensait que les Serbes de Croatie étaient trop nombreux et
27 constituaient une menace stratégique pour la Croatie."
28 Cela se trouve dans sa déclaration 92 ter, au paragraphe 31, et au
Page 170
1 paragraphe 1 999 du jugement.
2 Un mois avant l'opération Tempête, Tudjman avait, en réalité, rencontré son
3 Conseil de sécurité nationale pour aborder la question des émigrés croates
4 qui revenaient de l'étranger et qui devaient s'installer dans des dizaines
5 de milliers de maisons serbes qui avaient été abandonnées en Slavonie
6 occidentale au cours de l'opération Eclair en mai 1995. Constatation de la
7 Chambre 2610 [comme interprété].
8 Il est tout aussi important de considérer l'élément suivant : on ne peut
9 pas aborder les discussions de Brioni sans tenir compte des événements qui
10 ont suivi cette réunion. En quelques mots, quelques jours seulement après
11 la réunion de Brioni, les forces croates ont soumis les villes de Knin,
12 Benkovac, Obrovac et Gracac à une attaque d'artillerie indiscriminée et
13 illégale provoquant l'exode en masse de 20 000 civils serbes. Cette
14 constatation n'est pas -- l'attaque illégale, la constatation de la
15 Chambre, fait partie intégrante de l'analyse de la Chambre de première
16 instance, mais ne constitue pas la cheville ouvrière, comme cela a été
17 présenté par la Défense de Markac. Tous les différents éléments de preuve
18 doivent être considérés sous l'angle de différents fils qui font partie
19 d'un câble et qui nous dirige vers la culpabilité de l'accusé plutôt que
20 des maillions d'une chaîne. Et puisqu'il s'agit d'un château de cartes, eh
21 bien, le château de cartes s'effondre. Mais cela n'est pas le cas.
22 Messieurs les Juges, un autre facteur, outre les attaques
23 indiscriminées après cette opération qui sont importantes, l'opération
24 Tempête, des dirigeants militaires et lui-même ont exprimé leur point de
25 vue sur la politique visant à encourager les Croates d'appartenance
26 ethnique de revenir en Croatie pour venir peupler la région, tout en
27 militant contre un retour des Serbes. Et en adéquation parfaite avec cette
28 vision, des mesures ont été prises au plan politique et juridique pour
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1 empêcher leur retour. Je veux parler des décrets et des lois qui ont été
2 adoptés aux mois d'août et septembre, qui ont été imposés des délais de 30
3 à 90 jours, extrêmement stricts, date butoir pour les Serbes s'ils
4 souhaitaient reprendre leurs biens, sinon ils risquaient de les perdre car
5 ces biens seraient remis à l'Etat ou remis aux Croates.
6 Et pour finir, Messieurs les Juges, il faut se souvenir du fait que
7 pendant ces deux mois après cette opération, au mois d'août et au mois de
8 septembre, les forces armées croates, la HV et la police spéciale, ont
9 continué à commettre d'autres crimes contre les Serbes et leurs biens à
10 très grande échelle, en incendiant les maisons, en pillant leurs biens, en
11 commettant des meurtres et d'autres actes inhumains contre les Serbes qui
12 sont restés là, et ceci a provoqué d'autres départs de la part de civils
13 serbes de la région.
14 Je souhaite maintenant aborder la question plus en détail des
15 discussions qui ont eu lieu à Brioni, parce que nous faisons valoir que la
16 Chambre de première instance est parvenue à la seule conclusion raisonnable
17 à propos de ces discussions. Et je souhaite préciser que les constatations
18 faites eu égard à ces discussions se trouvent au paragraphe 1 995 du
19 jugement. La Chambre de première instance a constaté que cette série de
20 discussions constituait en elle-même quelque chose à partir duquel les
21 Juges pouvaient déduire qu'il s'agissait d'une conversation qui portait sur
22 le fait de chasser les civils plutôt que de protéger les civils. Et donc,
23 cette constatation a été faite à propos de Brioni, indépendamment des
24 autres constatations. Mais bien évidemment, parce que cette constatation a
25 été faite à la lumière de constatations antérieures, il serait très
26 artificiel de jeter par la fenêtre les attaques illégales pour se
27 concentrer uniquement sur Brioni. Ce ne serait pas une manière convenable
28 d'aborder la question. Il est important de noter que la Chambre de première
Page 172
1 instance était disposée à parvenir à ces constatations-là eu égard aux
2 discussions qui se sont tenues à Brioni.
3 Donc je vais maintenant aborder la question des discussions en tant
4 que telles.
5 Alors que Tudjman et les autres se penchaient longuement sur les
6 cartes, et ce, en la présence de Gotovina et de Markac, ils se sont surtout
7 concentrés sur le fait de savoir comment ils pouvaient et à quel moment ils
8 pouvaient lancer une attaque d'artillerie contre la SVK. C'est quelque
9 chose que les Juges de la Chambre ont constaté au paragraphe 1 990. Mais
10 ces discussions portant sur les opérations faisaient partie d'autres
11 discussions qui avaient pour but non seulement de reprendre du territoire,
12 mais de reprendre du territoire vidé de Serbes, en les déplaçant par la
13 force de la région.
14 Messieurs les Juges, il vous faudra regarder l'intégralité du compte
15 rendu d'audience, bien sûr, ou du procès-verbal. Et je vais maintenant
16 mettre en exergue quatre échanges qui permettent de jeter la lumière sur le
17 thème des discussions en question.
18 Je crois que M. Jones a dit quelque chose de l'ordre de, Il n'y a
19 rien dans tout ceci pour montrer qu'il y avait cette intention d'expulser.
20 Et notre point de vue est tout à fait différent. Nous pensons qu'il y a une
21 intention claire qui découle de ces discussions ou de certains passages de
22 ce procès-verbal.
23 Je vais vous demander de vous reporter à ce premier passage
24 maintenant, qui doit être affiché sur vos écrans. Le P461, procès-verbal de
25 Brioni, à la page 10. C'était au début de la réunion. Tudjman fait
26 remarquer que lorsqu'il lance une offensive générale, "une panique encore
27 plus grande éclatera à Knin, plus grande que jusqu'à ce jour."
28 Et ensuite, le président Tudjman leur rappelle qu'il faut se souvenir
Page 173
1 "combien de villages croates et de villes croates ont été détruits."
2 Et il remarque que "ce n'est toujours pas le cas à Knin aujourd'hui."
3 Après les avoir enjoints à résoudre la question de la mission des Nations
4 Unies en Croatie, à savoir comment éviter d'atteindre cette mission, cela
5 fait partie de la discussion. Et Tudjman dit ce qui suit :
6 "Mais leur contre-attaque de Knin, et cetera, fournirait une très bonne
7 justification pour cette action, et en conséquence nous avons un prétexte
8 pour frapper, et si nous le pouvons avec notre artillerie, si vous le
9 pouvez, pour les démoraliser complètement… et pas simplement ceci…"
10 Et Gotovina répond :
11 "… s'il existe un ordre aux fins de frapper Knin, nous allons détruire la
12 dans sa totalité en quelques heures."
13 Messieurs les Juges, je vais maintenant passer à un deuxième échange, cela
14 se trouve à la page 15, c'est Tudjman qui a pris la parole, qui parle…
15 [La Chambre d'appel se concerte]
16 Mme BRADY : [interprétation] Tudjman parle ici, il vient de faire un
17 commentaire sur le fait de permettre aux civils de partir et il explique le
18 raisonnement qui le sous-tend. Parce qu'il est important que ces civils se
19 mettent en route, et ensuite l'armée les suivra -- et ensuite, l'armée les
20 suivra. Lorsque les colonnes se mettront en route, l'un aura un impact
21 psychologique sur l'autre, et vice versa."
22 Et Gotovina répond :
23 "Un nombre de civils sont en train d'évacuer Knin et se dirigent vers Banja
24 Luka et Belgrade. Autrement dit, si nous maintenons notre pression pendant
25 un certain temps encore, il n'y aura sans doute pas beaucoup de civils;
26 juste ceux qui doivent rester parce qu'ils n'ont pas la possibilité de
27 partir."
28 La dernière série d'échanges ou commentaires au cours de cette réunion sur
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1 laquelle je souhaite attirer votre attention, Messieurs les Juges, se
2 trouve à la page 23 et 29 du procès-verbal.
3 A ce stade, la discussion porte sur l'emploi de la propagande, et Miroslav
4 Tudjman a suggéré que l'information soit divulguée à la radio et à la
5 télévision quant aux routes qui seront ouvertes. Tudjman est d'accord avec
6 cette idée, et il ajoute, cela figure sur vos écrans :
7 "Oui, cela doit être dit, non pas que les routes soient ouvertes, mais
8 qu'on a pu remarquer que les civils ont pu sortir en empruntant telle et
9 telle routes."
10 Et ensuite, à la page 29, Tudjman est d'accord avec l'idée de Susak
11 s'agissant de lancer des brochures comme étant un autre moyen de
12 propagande, laissant entendre qu'ils fassent état du chaos généralisé et de
13 la victoire croate avec l'appui du monde entier. Et Tudjman suggère ce que
14 ces brochures devraient préciser :
15 "Vous les Serbes, vous vous retirez par le biais de… et nous vous demandons
16 de ne pas vous retirer. Nous allons vous garantir …," et il explique au
17 cours de la réunion. Il s'agit d'une réunion à laquelle Gotovina et Markac
18 assistent, et ils font des suggestions sur la manière dont une partie de
19 l'opération devrait être menée. Et il explique, "… et de cette manière-là,
20 pour leur donner une route, alors que nous leur garantissons ostensiblement
21 leurs droits civiques, et cetera…"
22 Et ensuite, on l'entend ricaner.
23 Messieurs les Juges, il y a plusieurs choses qui ressortent de ces
24 discussions. Dans le premier échange, Tudjman remarque qu'il y a un nombre
25 important de villages et de villes croates qui ont été détruits et fait
26 remarquer que ce n'est toujours pas le cas de Knin. Lui et Gotovina parlent
27 ensuite du fait de frapper Knin. Mais contrairement à d'autres passages de
28 cette discussion, où ils parlent de sa stratégie militaire, voire même de
Page 175
1 certaines cibles, et ce, de façon assez approfondie, pour ce qui est
2 d'autres aspects de l'opération, lorsqu'il s'agit en fait de Knin, les
3 participants à cette conversation ne disent rien à propos du fait de
4 frapper seulement les cibles militaires à cet endroit. Ils ne disent rien
5 au sujet de la manière dont on peut protéger les habitants civils de Knin.
6 Au contraire, le commentaire porte surtout sur le fait d'utiliser des
7 frappes d'artillerie pour en terminer avec la démoralisation.
8 La pression continue dans le commentaire fait par Gotovina dont nous avons
9 beaucoup entendu parler aujourd'hui est extrêmement révélatrice aussi. Ce
10 commentaire reconnaît que la -- je vois que mon confrère est debout.
11 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, il a été remarqué ce
12 matin peut-être, et je regrette sincèrement d'interrompre l'Accusation dans
13 sa présentation, mais si nous allons nous concentrer sur Gotovina à Brioni
14 avec des extraits qui n'ont pas été présentés par la réponse de
15 l'Accusation ce matin à notre appel, et pour l'instant l'Accusation se
16 concentre sur Gotovina et Tudjman, donc si l'Accusation souhaite continuer
17 dans ce sens, nous souhaitons avoir cinq minutes pour pouvoir répondre à la
18 fin.
19 Je vous remercie.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je crois que Mme Brady n'a pas cité
21 d'éléments qui ne nous ont pas encore été présentés. Mais je vais poser la
22 question pour savoir ceci. Vous parlez effectivement de conversations
23 auxquelles a participé M. Gotovina. Est-ce que M. Markac a participé de
24 façon active à ces discussions ?
25 Mme BRADY : [interprétation] Monsieur le Président --
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous parlons maintenant de Markac.
27 Mme BRADY : [interprétation] Oui, je m'en rends compte. Monsieur le
28 Président, Messieurs les Juges, je parle de conversation -- le fil de la
Page 176
1 conversation qui s'est déroulée lors de cette réunion, lorsque deux membres
2 majeurs évoquent des conversations de ce type. Il est vrai que Markac,
3 lorsque ses propos sont enregistrés au cours de cette discussion, ses
4 commentaires portent sur des questions très militaires. Ce n'est pas lui
5 qui participe directement à la conversation. Et M. Boudreault abordera
6 cette question plus en détail, il assiste à une réunion où le seul sens
7 clair que l'on peut donner est une chose bien précise. C'est la raison pour
8 laquelle il nous faut planter le décor sur ce qu'a dit Gotovina.
9 Et pour reprendre un autre point que M. Misetic a évoqué ce matin, dans les
10 arguments présentés par M. [comme interprété] Baig et M. Stringer, mes deux
11 confrère et consoeur ont parlé de cette pression exercée et du commentaire
12 fait par Gotovina. Mais s'il souhaite répondre, je n'ai pas d'objection à
13 cela.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien. Alors nous allons vous permettre
15 de répondre si vous le souhaitez.
16 Mme BRADY : [interprétation] Ce commentaire portant sur la pression
17 continue de Gotovina est très révélateur. Parce que cela indique que la
18 pression qu'ils continuent d'exercer - à savoir le pilonnage - serait la
19 cause ou l'élément déclencheur qui a fait que les Serbes auraient quitté la
20 région. Et nous faisons valoir que ce commentaire montre que le départ des
21 Serbes était effectivement le but de tout ceci et qu'il ne s'agissait pas
22 d'une conséquence qui n'était pas intentionnelle et prévisible.
23 M. MISETIC : [aucune interprétation]
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Permettez à Mme Brady de poursuivre.
25 Mme BRADY : [interprétation] En d'autres termes, lors de ces discussions,
26 ils ont l'intention d'exploiter le fait que les Serbes sont complètement
27 démoralisés et que leur bombardement va déclencher leur départ.
28 Les discussions à propos de la propagande sont très révélatrices. Car, en
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1 fait, il ne s'agit pas de discuter de cette propagande. Cela ne fait pas
2 grand sens de parler de cette propagande car les personnes qui ont
3 participé à la discussion, s'ils voulaient véritablement considérer le
4 départ des Serbes comme simple mesure temporaire ou comme une conséquence
5 inévitable de leur attaque, cela aurait été une chose. Mais en fait, le
6 départ des Serbes est considéré comme le résultat. Qui plus est, Tudjman
7 indique, Donnez-leur une route tout en leur garantissant ostensiblement
8 leurs droits civiques. C'est une observation, en fait, qui montre quelle
9 est la véritable intention de l'opération, qui montre que l'on veut chasser
10 les Serbes, tout en leur donnant l'impression qu'ils peuvent rester. Et
11 cette observation cynique n'aurait pas été de mise à moins que l'objectif
12 véritable est en fait véritablement de déplacer par la force les Serbes de
13 la région.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ecoutez, Madame Brady, je ne sais pas
15 si vous devez véritablement insister pour l'essentiel de votre thèse de
16 telle façon sur des éléments liés à M. Gotovina. Je ne souhaite pas vous
17 interrompre, mais je pense qu'il serait peut-être plus judicieux que vous
18 vous concentriez sur M. Markac.
19 Mme BRADY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais comme je vous
20 l'ai expliqué, c'est une réunion qui a lieu en présence de M. Markac, et il
21 y a plusieurs personnes qui participent à la discussion. M. Markac parle en
22 partie pendant cette réunion.
23 Il faut savoir que les interprétations de la Défense de M. Markac
24 pour ce qui est des discussions de Brioni ne sont pas véritablement
25 plausibles. Car il est question de discussions à propos de civils qui vont
26 quitter la région en empruntant une route, cela tient compte du fait tout
27 simplement qu'ils reconnaissent le fait que les Serbes étaient démoralisés,
28 qu'ils ne resteraient pas dans la zone si la zone redevenait à nouveau
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1 croate et qu'ils quitteraient la zone dès que les bombardements
2 recommencent. Par conséquent, la Défense de M. Markac indique que leurs
3 commentaires avaient pour but des objectifs militaires légitimes, à savoir
4 la démoralisation de l'armée ennemie et le fait d'obtenir une victoire
5 militaire rapide tout en minimisant le nombre de victimes croates.
6 Il faut savoir que, dans un premier temps, il s'appuie sur une supposition,
7 à savoir que les personnes qui ont participé à la discussion planifiaient
8 une attaque, un bombardement, dirigée contre des cibles militaires. Mais
9 dans ce cas, pourquoi est-ce que les personnes qui participent à la
10 discussion supposent que les Serbes allaient tout simplement partir en
11 masse, qu'ils allaient quitter leurs foyers, leurs villes et leurs villages
12 où même leurs familles avaient vécu pendant des centaines d'années. Mais
13 même si on accepte que les personnes qui ont participé à la discussion
14 auraient pu supposer qu'un certain nombre de civils allait fuir du fait de
15 l'attaque, du fait du bombardement, nous nous serions attendus à avoir une
16 discussion qui aurait porté sur la protection civile. Mais comme l'a
17 indiqué la Chambre de première instance, il faut savoir que ces discussions
18 n'ont pas eu lieu. Au lieu de cela, les discussions à propos des civils se
19 sont véritablement concentrées sur la façon de leur assurer une issue de
20 secours.
21 Et il faut savoir qu'une victoire militaire rapide et une diminution
22 du nombre de victimes théoriquement en présence d'une opération militaire
23 avec des objectifs militaires a un sens, mais ils ne fournissent aucune
24 justification, alors qu'il faut savoir que là, l'opération a pour but de
25 déplacer par la force une population civile d'un territoire pour que ce
26 même territoire puisse être investi sans que ses habitants ne s'y trouvent.
27 Et cela est manifestement un objectif illégal.
28 Ma consoeur, Mme Baig, a déjà répondu à la question numéro 4, et je ne vais
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1 pas réitérer ses propos. Mais en un mot comme un cent, une armée ne peut
2 absolument pas planifier une opération d'artillerie en ayant comme objectif
3 l'expulsion d'une population civile. Cela est vrai même s'il y a un autre
4 objectif militaire. Alors, bien entendu, c'est une proposition qui semble
5 tout à fait manifeste lorsque vous avez une opération d'artillerie avec un
6 objectif criminel, à savoir l'expulsion, qui est exécuté grâce à des moyens
7 criminels, à savoir des attaques directes contre les civils et contre les
8 objets à caractère civil, et ce, dans le cadre d'une attaque ou d'un
9 bombardement indiscriminé comme l'a conclu la Chambre de première instance.
10 Mais il n'empêche que nous continuons à penser que même si les attaques
11 d'artillerie ne sont pas considérées comme illégales au sens strict de
12 l'article 51, paragraphes 2 et 4, et article 52 --
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] A quel protocole faites-vous référence
14 ?
15 Mme BRADY : [interprétation] Oui, oui, au protocole additionnel numéro I.
16 Excusez-moi.
17 Je disais donc que le droit humanitaire international permet ou autorise
18 une armée à traiter comme objets de l'attaque seulement les soldats ennemis
19 et les objets militaires, alors que les civils peuvent être évacués d'une
20 zone de conflit si les raisons militaires sont telles qu'elles l'exigent et
21 pour leur propre protection. Mais c'est un départ qui doit être temporaire
22 et qui doit se faire en fonction de conditions très, très strictes. Si
23 l'objectif véritable d'une attaque d'artillerie est d'expulser une
24 population civile et de pratiquer, donc, un nettoyage ethnique, ce qui peut
25 apparemment ressembler à une attaque d'artillerie légale est en fait
26 absolument illégal. Car cela peut constituer des expulsions, des
27 persécutions constitutives de crimes contre l'humanité, à supposer que les
28 autres éléments sont respectés. Donc il n'y a absolument aucune
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1 contradiction entre ces condamnations au titre des crimes contre l'humanité
2 et l'application des droits de la guerre.
3 Ce que montrent les discussions de Brioni, et nous les avons placées dans
4 leurs contextes antérieur et postérieur, c'est que les participants, en
5 fait, étaient parfaitement conscients de la situation difficile dans
6 laquelle se trouvaient les Serbes dans la Krajina et savaient que c'était
7 un élément qui pouvait être exploité pour les chasser. Forts de cette
8 connaissance, ils ont planifié une attaque d'artillerie militaire dont le
9 but était de réinvestir un territoire tout en forçant les Serbes à en
10 partir par la force.
11 Donc les événements qui ont suivi l'opération Tempête confirment que
12 le véritable objectif était bien de chasser la population civile serbe de
13 la Krajina par la contrainte. Je ne vais pas réitérer ce qui a déjà été dit
14 à propos de l'attaque à proprement parler qui a abouti à la fuite de 20 000
15 civils serbes qui se sont enfuis en proie à la terreur. Je ne vais pas non
16 plus parler des douzaines de crimes contre les personnes et des centaines
17 de crimes contre les biens commis par les forces croates contre les Serbes,
18 ce qui a en fait déclenché d'autres départs. Cependant, j'aimerais mettre
19 en exergue les nombreux discours et déclarations faits par M.
20 Tudjman et d'autres à propos du repeuplement de la zone avec des Croates.
21 Vous avez, par exemple, un mois après l'opération un entretien qui a
22 eu lieu, et on a demandé à Tudjman si les Serbes de la Krajina pourraient
23 revenir chez eux, et Tudjman a répondu :
24 "Le retour de toutes ces personnes est quasiment inconcevable."
25 Par ailleurs, les autorités croates étaient en train d'adopter des lois qui
26 rendaient la tâche difficile, pour ne pas dire impossible, aux Serbes
27 expulsés qui auraient voulu revendiquer leurs biens, leurs foyers, d'où les
28 difficultés auxquelles ils se sont confrontés.
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1 La Chambre de première instance a rejeté le fait que ces lois étaient tout
2 simplement des lois destinées à protéger les biens fonciers et à trouver
3 une solution à un problème de logement temporaire. Il faut savoir que ces
4 lois ont été adoptées pour donner les propriétés et les maisons des Serbes
5 aux Croates qui arrivaient. Et il faut savoir que le président Tudjman,
6 pendant des semaines et des mois après l'opération Tempête, a fait des
7 discours. Je vous en donne un exemple : un rassemblement à Knin le 26 août,
8 quelques semaines après l'opération Tempête, et là il fait référence à Knin
9 et aux Serbes qui en sont partis. A propos de Knin justement, il dit :
10 "Aujourd'hui, Knin est croate et elle ne redeviendra jamais ce qu'elle
11 était auparavant lorsqu'ils ont, en fait, propagé ce cancer qui a détruit
12 l'être national croate et qui n'a pas permis à des personnes de faire
13 valoir leurs droits."
14 Plus tard, toujours à propos des Serbes qui se sont enfuis, il dit :
15 "Ils sont partis en quelques jours comme s'ils n'avaient jamais été
16 présents ici. Ils n'ont même pas eu le temps de récupérer leur argent sali
17 et leurs sous-vêtements souillés."
18 Et le 6 [comme interprété] août 1996, à savoir un an après, il dit que :
19 "Knin est revenue dans le giron de la mère patrie et redevenue aussi
20 pure qu'elle l'était du temps de Zvonimir."
21 Messieurs les Juges, la conclusion de la Chambre de première instance à
22 propos de l'entreprise criminelle commune s'appuie sur tous ces éléments de
23 preuve : les idées de Tudjman, les politiques pour la Croatie, les
24 discussions de Brioni, les attaques indiscriminées qui se sont produites
25 après, les départs en masse, la vague de criminalité pendant les mois
26 d'octobre et de septembre. Tout cela nous permet de comprendre qu'une seule
27 conclusion peut être tirée, à savoir il existait un plan criminel commun
28 dont l'objectif était de faire partir la population civile serbe de la
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1 Krajina, et ce, de façon permanente, et cela passait par les crimes de
2 déplacement forcé, d'attaque illégale et de mesures restrictives et
3 discriminatoires.
4 J'en conclus donc que ce moyen d'appel de M. Markac ne doit pas être
5 retenu. Nous allons maintenant entendre M. François Boudreault qui va nous
6 expliquer que les moyens 1B et 1C ne doivent pas être tenus --
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, j'ai déjà indiqué, me
8 semble-t-il, aujourd'hui que la Chambre de première instance avait conclu
9 que les ordres d'évacuation n'étaient pas une cause principale expliquant
10 leur départ. Mais est-ce que cela a joué un rôle quel qu'il soit ? Comment
11 est-ce que vous évaluez le rôle joué par ces ordres d'évacuation émanant
12 des autorités serbes ?
13 Mme BRADY : [interprétation] Oui. Ma collègue, Mme Elliott, abordera
14 brièvement cette question.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.
16 Mme BRADY : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc cela n'a pas eu d'impact ?
18 Mme BRADY : [interprétation] Non, non, non. Non, non. Je pense qu'il faut
19 lier cela avec l'intention par rapport à l'entreprise criminelle commune.
20 Mais nous ne pensons pas que cela a une incidence sur le mens rea pour
21 l'entreprise criminelle commune, si vous entendez le fait qu'il y avait des
22 discussions à propos de l'évacuation. Si c'est ce que vous entendez, et
23 c'est un fait que les participants étaient au courant de cela, cela aurait
24 pu avoir une incidence sur la conclusion en matière d'entreprise criminelle
25 commune --
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Non, non, non, ma question était très
27 simple : est-ce que l'ordre d'évacuation a provoqué le départ de certaines
28 personnes qui ont tout simplement entendu cet ordre d'évacuation ?
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1 Mme BRADY : [interprétation] Ce n'était pas vrai pour la majorité des
2 personnes. Le départ massif de ces villes serbes, cela s'est passé beaucoup
3 plus tôt. En fait, cela s'est passé aux premières heures du matin jusqu'au
4 milieu de la journée. Et l'ordre de l'évacuation est arrivé bien plus tard,
5 à notre avis.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc la réponse est : en partie, oui.
7 Certaines personnes ont réagi et sont parties de ce fait. Est-ce qu'il y en
8 a eu aucun ou quelques-uns ? Plusieurs ? Quelques milliers ? Quelques
9 centaines ?
10 Mme BRADY : [interprétation] Je pense que Mme Elliott est véritablement
11 l'expert en la matière.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.
13 Mme BRADY : [interprétation] Merci.
14 Mme ELLIOTT : [interprétation] Ce n'est pas ce qui est prévu comme ordre,
15 mais pour répondre à votre question, je vais très rapidement vous donner
16 mon avis à ce sujet.
17 Je pense qu'il est utile de ne pas oublier la chronologie des événements de
18 la journée pour illustrer le caractère raisonnable des conclusions de la
19 Chambre de première instance sur la cause et sur les liens entre les
20 bombardements et la fuite soudaine des civils.
21 Les bombardements sont arrivés à Knin, Benkovac et à Gracac et ont commencé
22 à 5 heures. Les civils se sont réfugiés dans les sous-sols en proie à la
23 peur et à la panique. A 7 heures, l'attaque à Obrovac a commencé. Les
24 civils en sont partis immédiatement. Plus tard pendant la même matinée,
25 d'abord à Gracac, puis à Knin, vers midi, il y a eu quelques accalmies
26 pendant ces bombardements intenses pour permettre aux gens de s'échapper,
27 de sortir de leurs sous-sols et de fuir. Ces fuites ont continué pendant
28 l'après-midi, notamment à partir de Benkovac. A 17 heures, la population
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1 civile quittait déjà Knin. Et j'aimerais vous renvoyer au paragraphe numéro
2 1 531 du jugement. Le seul moyen de quitter Knin, c'était par la route qui
3 était complètement embouteillée. Nous avons la description des villes qui
4 étaient désertes le soir.
5 Donc, parlant maintenant de l'ordre d'évacuation, l'existence de cet ordre
6 n'est pas contestée. Toutefois, la chronologie nous montre qu'en fait, cet
7 ordre d'évacuation a été communiqué à la protection civile pour la première
8 fois à 18 heures, donc il ne peut pas être utilisé pour expliquer la fuite
9 des civils qui commence 11 heures avant cela.
10 Vous savez qu'à 17 heures la fuite de la population est déjà massive. Et la
11 Chambre a eu raison de s'appuyer sur cet ordre et de dire qu'il montrait
12 aussi que les autorités de la RSK étaient prises de panique, désorganisées,
13 n'étaient pas préparées à mettre en œuvre un plan d'évacuation quel qu'il
14 soit. Et la demande d'assistance auprès des Nations Unies n'a pas été
15 suivie de fait. Je voudrais aussi dire que la propagande croate participe
16 ici comme cela a été planifié à Brioni. Et je vous prie de consulter à cet
17 effet les paragraphes 1 526, 1 527 et 1 538.
18 Donc l'ordre simplement n'a eu absolument aucun effet. La Chambre a été
19 raisonnable lorsqu'elle a rejeté cet ordre d'évacuation comme constituant
20 un déclencheur.
21 Telle serait notre réponse sur l'ordre d'évacuation. Est-ce que vous
22 souhaitez que j'ajoute quelque chose ?
23 M. BOUDREAULT : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Comme ma
24 collègue, Mme Brady, vous l'a annoncé, je vais répondre ou réagir aux
25 moyens d'appel 1B et 1C de l'appel de M. Markac et prouver qu'il a été
26 condamné à juste titre d'avoir participé à une entreprise criminelle
27 commune.
28 Markac a contribué à ce plan criminel dont le but était d'expulser les
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1 Serbes de la Krajina de la façon suivante :
2 Dans un premier temps, il a participé à la planification de l'opération
3 dont le but était l'expulsion de la population. Il faut savoir que, bon, à
4 défaut, nous pouvons dire que le but était de faire partir la population
5 civile, et ce, en violation de tous les principes.
6 Alors, premièrement, il faut savoir qu'il a, comme je le disais, participé
7 à la planification de l'opération qui a abouti au départ par la force de
8 milliers de Serbes de la Krajina.
9 Il a ensuite donné l'ordre du bombardement illégal de Gracac, ce qui a
10 déclenché la fuite des habitants de la ville.
11 Troisièmement, il n'a pas prévenu, puni ou présenté de rapport à propos des
12 crimes commis par ses subordonnés contre les civils serbes et contre leurs
13 biens. Dans ce climat d'impunité totale, ses subordonnés ont continué à
14 commettre des crimes, ce qui a provoqué d'autres départs sous la
15 contrainte.
16 La participation de Markac à ce plan criminel était intentionnelle et
17 déterminée. Dès le début, il a participé à la planification et a donné des
18 ordres pour que ces attaques illégales aient lieu contre les civils. Il a
19 vu la fuite de nombreuses personnes provoquées par cette attaque et savait
20 pertinemment que seul un nombre très limité de civils serbes vulnérables
21 allaient rester en Krajina, il s'agissait de personnes qui n'avaient
22 absolument aucune possibilité d'en partir.
23 En tant que commandant de la police spéciale, il aurait dû justement
24 protéger ces Serbes qui restaient, mais c'est en toute impunité que ses
25 subordonnés ont continué à persécuter les civils serbes. Il a même
26 d'ailleurs participé activement à des manœuvres pour étouffer certains de
27 ces crimes. Au vu de tout ce que je viens de dire, la Chambre a tiré la
28 seule conclusion raisonnable, à savoir il y avait bien intention
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1 d'entreprise criminelle commune de la part de Markac.
2 Markac savait également quelles étaient les possibilités et le risque, et
3 il a pris le risque en toute connaissance de cause que des crimes au titre
4 de l'entreprise criminelle commune numéro 3 allaient être commis. Il savait
5 que le plan criminel consistait à expulser autant de Serbes que faire se
6 peut de la Krajina en utilisant la force ou la menace de la force. Il
7 savait que l'opération s'inscrivait dans un climat de tensions ethniques
8 particulièrement exacerbées, qu'il y avait des motifs de revanche nourris
9 par les forces croates, et il était parfaitement conscient de la position
10 très vulnérable des Serbes qui étaient restés dans la zone.
11 La Chambre, donc, en a conclu et a condamné Markac à juste titre pour ces
12 crimes au titre de l'entreprise criminelle commune 1 et 3.
13 Par ces moyens d'appel 1B et 1C, Markac n'a pas d'ailleurs prouvé qu'il y
14 avait des erreurs de fait ou de droit commises par la Chambre, et encore
15 moins des erreurs qui auraient pu avoir une incidence sur le verdict. Donc
16 il faut réfuter tous ces moyens d'appel.
17 Je vais parler maintenant de la participation de Markac à la planification
18 de l'opération Tempête, de l'ordre qu'il a donné pour bombarder Gracac de
19 façon indiscriminée et du fait qu'il n'a pas agi contre les crimes de ses
20 subordonnés.
21 Et je vais, dans un premier temps, parler de la planification de
22 l'opération Tempête.
23 Comme Mme Brady vient de vous l'expliquer, à Brioni, les dirigeants
24 croates se sont mis d'accord, non pas seulement à propos d'une opération
25 dont le but était de réinvestir la Krajina, mais également afin d'expulser
26 la population serbe. Markac a participé activement à cette réunion. Lui-
27 même ainsi que le président Tudjman ont discuté des opérations à mener
28 contre Gracac, et Tudjman a donné des consignes à Markac pour qu'il entre
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1 dans Gracac et qu'il lui présente un rapport dès qu'il l'aurait fait, étant
2 donné que cela allait déclencher une panique encore plus intense que le
3 bombardement de la ville pendant deux jours. Page 18, pièce P461.
4 Markac a proposé d'accuser les Serbes d'avoir lancé une attaque de
5 sabotage qui aurait pu être utilisée comme prétexte pour le lancement de
6 l'opération Tempête. Pages 19 et 20 de la pièce P461.
7 Markac parle de façon détaillée de tactique avec le général Gotovina
8 et avec le président Tudjman. Il s'agit également de détruire le système de
9 transmission et de communication de l'ennemi pour faire en sorte que le
10 chaos le plus total règne. Pages 24 et 25 de la pièce P461.
11 Ensuite, il rencontre Gotovina et Rajcic pour coordonner l'attaque
12 d'artillerie sur les villes. Paragraphe 2 583 du jugement.
13 Au vu de ces circonstances, la Chambre a conclu de façon tout à fait
14 raisonnable que de par sa participation à Brioni ainsi qu'à la réunion du 3
15 août, Markac a contribué au plan criminel dont le but était d'expulser les
16 Serbes de la Krajina. La Chambre s'est également appuyée à juste titre sur
17 ce fait ainsi que sur d'autres faits pour conclure à l'intention criminelle
18 dans le cadre de l'entreprise criminelle commune de Markac.
19 J'en viens maintenant à l'ordre de Markac pour bombarder Gracac. La Chambre
20 a conclu raisonnablement que Markac avait ordonné une attaque d'artillerie
21 illégale sur Gracac et que cela avait été une contribution importante au
22 plan commun. Il faut savoir que la Chambre a utilisé l'ordre de Markac pour
23 conclure son intention dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.
24 Alors j'aimerais maintenant mettre en exergue quatre éléments-clés qui
25 confirment le caractère raisonnable de cette conclusion.
26 Utiliser une attaque pour déplacer par la force les Serbes de la
27 Krajina. Il était présent à Brioni. Il a ensuite participé aux discussions
28 avec le général Gotovina et Rajcic pour coordonner l'utilisation de
Page 189
1 l'artillerie contre les villes de la Krajina.
2 Deuxièmement, un rapport de la police spéciale indique qu'à 17 heures le 4
3 août, "sur les ordres du commandant des opérations, le colonel Mladen
4 Markac," le chef de l'artillerie a lancé des tirs d'artillerie dans la zone
5 de responsabilité de la police spéciale. Page 6 de la pièce 614, et cela
6 fait également l'objet du paragraphe 2 555.
7 C'est également à la même heure, à 17 heures 15, le 4 août que les obus ont
8 commencé à tomber sur Gracac. Paragraphe 1 451 du jugement.
9 Troisièmement, l'attaque illégale contre Gracac a été commise par la police
10 spéciale et les membres de la HV qui avaient d'ailleurs été resubordonnés à
11 la police spéciale. Paragraphes 1 452 et 2 561.
12 Markac pouvait commander et contrôler ces deux groupes. Paragraphes 194 et
13 196 du jugement.
14 Le quatrième point que je voulais évoquer, c'est le fait que l'attaque sur
15 Gracac, une opération majeure a été menée à bien de façon organisée et a
16 fait l'objet de rapports qui ont remonté la chaîne de commandement. Rien ne
17 permet de penser que le pilonnage de Gracac a été réalisé par des
18 subordonnés de Markac sur leur propre initiative et sans le consentement de
19 Markac.
20 Donc la Chambre a eu à faire face à une attaque illégale conformément à un
21 plan criminel connu de Markac qui concorde tout à fait avec l'ordre donné
22 par Markac, un plan qui a été perpétré par des unités contrôlées par Markac
23 et qui a été mené à bien de façon organisée en ayant fait l'objet de
24 rapports remontant la chaîne de commandement. Dans ces conditions, la
25 Chambre de première instance a rendu la conclusion raisonnable, la seule
26 condition raisonnable qui s'imposait, en déclarant que le pilonnage de
27 Gracac était illégal.
28 J'aimerais maintenant parler du comportement de Markac par rapport aux
Page 190
1 crimes commis par ses subordonnés. C'est un point qui a été totalement
2 laissé de côté par la Défense Markac aujourd'hui. Markac n'a pris aucune
3 mesure pour empêcher, rendre compte ou punir les crimes commis par ses
4 subordonnés à Gracac les 5 et 6 août, ainsi qu'à Donji Lapac les 7 et 8
5 août. Ensuite, il a omis de s'occuper des crimes commis par la police
6 spéciale à Grubori et à Ramljane et a même participé à couvrir ces crimes.
7 Le comportement de Markac a contribué à créer un climat d'impunité, qui
8 ensuite a conduit à de nouveaux départs de la part de la population civile
9 serbe.
10 La Chambre a donc conclu à juste titre que ces omissions et ces refus
11 d'agir délibérés et répétés eu égard aux crimes qui ont été commis ont
12 contribué au plan criminel destiné à déplacer par la force et à persécuter
13 les Serbes de Krajina, et que Markac avait l'intention d'aboutir à ce
14 résultat.
15 Markac déclare dans ses écritures qu'il n'avait pas connaissance de
16 destruction sans motif de Gracac et de Donji Lapac. J'aimerais revenir
17 quelque peu sur les arguments développés dans mon mémoire en réponse, en
18 disant d'abord que la police spéciale a incendié et détruit Gracac dans
19 l'après-midi du 5 août et que le matin du 6 août, alors que Markac était
20 présent en ville avec cette police spéciale, les choses se sont
21 poursuivies. La Chambre a conclu qu'il s'agissait d'incendies qui avaient
22 été provoqués par ses subordonnés. Paragraphe 2 571 du jugement. C'est la
23 seule conclusion raisonnable qui peut être formulée, à savoir que toutes
24 les maisons de Gracac ont été partiellement ou totalement incendiées
25 pendant cette période. Paragraphe 697 du jugement.
26 Markac a également été informé de destructions survenues à Donji Lapac
27 pendant que ses subordonnés s'y trouvaient les 7 et 8 août. La Chambre a
28 conclu de façon raisonnable ce fait parce que Markac était régulièrement
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1 informé de l'évolution de la situation sur le terrain par des sources
2 diverses. La destruction de Donji Lapac par la police spéciale a constitué
3 un événement majeur survenu le 7 août. Sacic, adjoint de Markac, lui a
4 rendu rapport indiquant que Donji Lapac était en feu. Paragraphe 772 [comme
5 interprété]. Le paragraphe indique également qu'un rapport a été fait à
6 Markac. En fait, l'incendie de Donji Lapac par la police spéciale a été
7 connu d'un nombre si important de personnes qu'il a même été discuté
8 pendant une réunion entre Tudjman, Cervenko, Gotovina, et d'autres
9 responsables de haut rang. Pages 53 et 54 du jugement en première instance.
10 Markac affirme également qu'il n'a pas couvert les crimes commis par
11 ses subordonnés à Grubori et à Ramljane, mais il ne parvient pas à
12 démontrer que les conclusions de la Chambre de première instance ont été
13 déraisonnables. S'agissant de Grubori, la Chambre a estimé que l'unité
14 responsable du meurtre de cinq civils serbes pendant l'opération menée le
15 25 août avait commis ce crime. Cette unité a également mis le feu à des
16 maisons et tiré sur des animaux ou incendier des animaux sans aucune
17 justification militaire. Les victimes de meurtre étaient des personnes
18 âgées et vulnérables, correspondant exactement aux personnes dont Gotovina
19 avaient pressenti qu'elles ne quitteraient pas la Krajina. Au nombre de ces
20 victimes se trouvent deux hommes âgés et deux femmes âgées, dont l'une
21 avait 89 ou 90 ans. Paragraphes 389 et 390 du jugement en première
22 instance.
23 Josip Celic, commandant adjoint de l'unité responsable, a d'abord
24 rendu compte selon la voie hiérarchique que rien de particulier ne s'était
25 passé pendant l'opération. Toutefois, Markac et son adjoint, Sacic, ont
26 rapidement été informés du fait que quelque chose s'était mal passé et que
27 des personnes avaient été tuées. C'est un fait qui a également été
28 largement connu par les observateurs internationaux. Au lieu d'enquêter et
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1 de prendre des mesures pour rendre compte ou pour punir les responsables,
2 Markac et Sacic ont demandé à Celic de modifier son rapport afin de
3 déclarer que les meurtres et les incendies s'étaient produits suite à un
4 accrochage avec des "Chetniks armés" ou avec des terroristes armés.
5 Paragraphes 2 297 et 2 300 du jugement.
6 Markac a ensuite transmis ce rapport par voie hiérarchique. Il a
7 cherché à renforcer le récit fallacieux qui y figurait en ordonnant de
8 nouveaux comptes rendus montrant que l'unité avait eu à affronter des
9 terroristes. Il a également participé aux efforts destinés à empêcher une
10 enquête sur les lieux de crimes. Paragraphe 2 300 du jugement.
11 Dans ces conditions, la Chambre a conclu raisonnablement que Markac
12 avait participé à couvrir les crimes commis à Grubori. Markac ne parvient
13 tout simplement pas à démontrer la moindre erreur dans ces conclusions de
14 la Chambre.
15 S'agissant de Ramljane, Markac savait le 25 août que des membres de
16 l'Unité Lucko y étaient présents. Paragraphe 2 302 du jugement. Il l'a
17 appris de plusieurs sources. Il était présent à l'extérieur du village le
18 même jour et il a vu la fumée qui montait des bâtiments. Paragraphes 1 077
19 et 2 297 du jugement.
20 L'un des chefs du groupe de l'Unité Lucko a admis à Markac qu'il
21 avait délibérément mis le feu aux propriétés serbes. Paragraphe 1 077 du
22 jugement.
23 Markac aurait déclaré qu'il y aurait une enquête et que des sanctions
24 disciplinaires seraient appliquées, mais au lieu de respecter sa parole, il
25 a diffusé un récit fallacieux selon lequel l'incident était une réaction à
26 une action terroriste. Paragraphes
27 2 238 et 2 302 du jugement, ainsi que pièce P579, page 3. C'est dans cette
28 pièce que l'on trouve le faux récit fait par Markac à Cervenko.
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1 Markac affirme également que le fait qu'il n'ait pas agi contre les crimes
2 et qu'il ait couvert ces crimes n'a pas contribué à la réalisation du plan.
3 La Chambre de première instance a réfléchi de façon très précise à cette
4 question. Elle donne l'exemple du comportement de Markac vis-à-vis de ses
5 subordonnés qui ont continué à commettre des crimes et continué à expulser
6 des personnes par la suite. Paragraphe 2 581 du jugement. Markac ne montre
7 pas que la conclusion de la Chambre est déraisonnable.
8 Il ne parvient pas non plus à démontrer que la Chambre se serait trompée en
9 concluant que son manque d'action et sa rapidité à couvrir le crime
10 démontrent son intention dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.
11 Markac savait que de nouveaux crimes contre les civils serbes feraient
12 suite au premier départ des Serbes; pourtant, il a encouragé la commission
13 de ces nouveaux crimes. C'est une conclusion raisonnable qui indique
14 l'intention de Markac de participer à l'entreprise criminelle commune.
15 Donc, conclure sur la base de tous ces éléments que la Chambre aurait
16 commis une erreur va à l'encontre de la réalité, à savoir qu'il a contribué
17 de façon significative à la réalisation du plan criminel et qu'il l'a fait
18 en partageant l'intention qui était au cœur de l'entreprise criminelle
19 commune. Je vais maintenant très rapidement revenir sur le moyen 1C par
20 rapport à la déclaration de culpabilité liée à la participation à la
21 troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune.
22 Nous soutenons que la Chambre a conclu raisonnablement que les crimes ont
23 été commis en tant que conséquences prévisibles et naturelles de
24 l'entreprise criminelle commune et que Markac était au courant de cette
25 éventualité. Je renvoie les Juges de la Chambre aux paragraphes 139 à 156
26 de notre mémoire en réponse. Mais j'ajouterais ceci : Markac a dit
27 aujourd'hui qu'il a choisi des troupes qui venaient de l'extérieur de la
28 région afin de réduire le risque de voir des crimes tels que meurtre,
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1 pillage et destruction sans motif être commis. La Chambre de première
2 instance a fait remarquer qu'il s'agit d'une affirmation faite par Markac
3 lors d'un entretien avec le représentant du bureau du Procureur. Mais elle
4 a estimé que ces prétendues mesures ont manifestement été insuffisantes
5 pour annuler les risques de voir des crimes de cette nature commis contre
6 les civils serbes. Ces mesures n'ont pas pris en compte le très vaste
7 sentiment de revanche qui était nourri par les membres des forces croates,
8 sentiment qui reposait non seulement sur leur origine éventuellement
9 locale, mais sur des éléments beaucoup plus généraux à l'égard des prises
10 de territoire croate par les Serbes. Par le passé, cette tension ethnique
11 avait eu pour résultat des escarmouches entre les deux parties.
12 Particulièrement au cours des opérations militaires croates antérieures
13 telles que les opérations Medak et Flash, un certain nombre d'incidents
14 d'expulsion de civils serbes ainsi que d'attaques contre les Serbes et
15 leurs propriétés avaient eu lieu. Markac était au courant des accusations
16 portées par les observateurs internationaux qui affirmaient que les forces
17 croates avaient détruit des propriétés serbes au moment où elles se
18 retiraient de la poche de Medak après l'opération qui avait été menée en
19 1993.
20 Alors vous trouverez tous ces éléments aux paragraphes 149 et 150 de notre
21 mémoire en réponse, et je vous renvoie au jugement en première instance,
22 paragraphes 1 683, 2 003 et 2 585.
23 Donc, voilà quelles sont les raisons qui poussent à rejeter les moyens 1B
24 et 1C en appel.
25 Nous n'avons pas l'intention de parler ici des moyens 2, 3, 5 et 6 de
26 l'appel Markac. Mais je voudrais renvoyer les Juges à un argument qui a été
27 évoqué pour la première fois dans la réponse de Markac par rapport au moyen
28 6. Et je voudrais traiter de cette question soulevée par les Juges il y a
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1 quelques instants qui concerne la pièce P82.
2 Donc, parlons du moyen 6. Au paragraphe 153 de sa réponse, Markac affirme
3 qu'il n'était pas au courant que des meurtres avaient été commis par la
4 police spéciale. Mais le mémoire préalable au procès de l'Accusation, dans
5 son paragraphe 124, prétend précisément que la police spéciale était
6 responsable de ces meurtres. Par ailleurs, les deux parties ont traité de
7 la question de savoir qui avait assassiné les civils serbes et de la
8 question de savoir quel uniforme ces hommes portaient. C'est une question
9 qui a été abordée dans le témoignage du Témoin Ilic au cours du contre-
10 interrogatoire de Markac. Je renvoie les Juges aux pages 7 574 à 7 578 du
11 compte rendu d'audience en première instance.
12 La pièce P82 à présent. Je ne pense pas que nous ayons besoin de passer à
13 huis clos partiel. Je ne parlerai que du jugement.
14 La Chambre de première instance était au courant du fait que des trous de
15 mémoire et un certain nombre de problèmes s'étaient produits au cours de la
16 déposition du Témoin 82. Ceci est mentionné au paragraphe 625 du jugement
17 en première instance. Elle a estimé qu'elle pouvait s'appuyer sur cette
18 déposition uniquement dans certains de ses aspects dès lors qu'ils étaient
19 corroborés par d'autres éléments de preuve.
20 Il importe de comprendre que corroboration ne signifie pas que chacun
21 des éléments les plus détaillés est confirmé. Je renvoie les Juges de la
22 Chambre d'appel à cet égard au paragraphe 428 du jugement. Donc la Chambre
23 de première instance a estimé qu'il y avait eu corroboration du récit du
24 témoin et de la pièce P82 dans les principaux éléments de sa déposition. La
25 Défense, aujourd'hui, n'est tout simplement pas parvenue à démontrer la
26 moindre erreur dans cette conclusion de la Chambre de première instance
27 lorsqu'elle a fait référence à de vagues problèmes liés à cette pièce P82.
28 Donc, à moins que les Juges de la Chambre d'appel aient d'autres questions,
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1 M. Schneider va maintenant démontrer que le pilonnage de Gracac était
2 effectivement un pilonnage illégal.
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Schneider, à vous.
4 M. SCHNEIDER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
5 les Juges.
6 Sur l'ordre du général Markac, la police spéciale et des unités
7 d'artillerie de l'armée croate ont traité l'ensemble de la ville de Gracac
8 comme une cible lorsqu'ils ont tiré au moins 150 projectiles sur la ville
9 les 4 et 5 août 1995. C'était une attaque illégale. Les conclusions de la
10 Chambre de première instance étaient raisonnables et les contestations de
11 Markac devraient être rejetées.
12 Outre le fait de répondre à ses arguments, je m'apprête à répondre aux
13 questions 1, 2 et 3. Pour être tout à fait clair, les réponses apportées
14 par l'Accusation ce matin aux questions 1, 2 et 3 concernent les quatre
15 villes, et en particulier la ville de Gracac. Pour ma part, je vais me
16 contenter de mettre en exergue un certain nombre de points particuliers
17 concernant Gracac en tant que tel qui ont été laissés de côté par Markac
18 dans ses réponses aux questions posées par les Juges de la Chambre.
19 S'agissant du caractère illégal du pilonnage de Gracac, je ne reviendrai
20 pas sur ce que nous avons dit ce matin quant aux raisons de l'attaque des
21 quatre villes, y compris Gracac, et au fait que cette attaque était
22 illégale. Je me concentrerai sur la ville de Gracac en tant que telle. Bien
23 entendu, le pilonnage de Gracac ne peut pas être examiné isolément, mais
24 doit être pris en considération dans le contexte dessiné par l'attaque
25 globale et par la globalité du plan criminel commun.
26 La Chambre s'est appuyée sur toute une série d'éléments de preuve pour
27 conclure qu'il y avait eu attaque illégale contre Gracac. D'abord, nous
28 avons le texte de trois ordres donnés aux unités d'artillerie qui
Page 198
1 impliquaient de tirer des tirs d'artillerie sur Gracac. Nous avons l'ordre
2 de Gotovina, pièce à conviction P1125. Nous avons l'ordre de son subordonné
3 Rajcic, chef de l'artillerie, pièce D970. Et en troisième lieu, j'aimerais
4 revenir sur la pièce D97, qui apporte des précisions à ce qu'a dit le
5 représentant de l'Accusation ce matin. Il ne s'agit pas de la pièce D97,
6 mais D970.
7 Enfin, le troisième ordre, c'est l'ordre de Marijan First; pièce P1201. Et
8 conformément à ces trois ordres, des tirs d'artillerie devaient être
9 dirigés sur la ville, et nous avons également les rapports indiquant que
10 les unités d'artillerie ont agi exactement conformément à ce qui figurait
11 dans ces ordres. Donc nous avons des unités de la police spéciale, des
12 unités d'artillerie, qui rendent compte à plusieurs reprises du fait
13 qu'elles ont simplement tiré sur Gracac. Pièce P2436.
14 Ces unités indiquent qu'à d'autres moments, des tirs d'artillerie ont
15 également visés Gracac. Pièce P2385. En dehors de ces ordres destinés aux
16 unités et des rapports qui ont été fournis en réponse à ces ordres, nous
17 avons également la coordination de cette attaque illégale contre Gracac
18 avec d'autres attaques illégales visant les trois autres villes. Sur ce
19 point, je ferais remarquer que le 3 août 1995, une réunion a eu lieu entre
20 Markac et Gotovina, avec les membres de l'entreprise criminelle commune et
21 d'autres, dans le but de planifier l'attaque illégale sur Gracac. Nous
22 savons également le fait que les unités d'artillerie qui ont ouvert le feu
23 sur Gracac l'ont fait en même temps que d'autres unités qui tiraient sur
24 les villes de Knin, Benkovac et Obrovac. Cette coordination a résulté du
25 fait que l'attaque de Gracac faisait partie d'une attaque plus vaste visant
26 les quatre villes dans leur ensemble et qu'en soi, ces attaques faisaient
27 partie du plan criminel commun destiné à obtenir le déplacement permanent
28 de la population civile serbe.
Page 199
1 Tous les éléments de preuve que je viens de mentionner démontrent le
2 caractère raisonnable des conclusions de la Chambre de première instance
3 qui a affirmé que cette attaque sur Gracac était illégale.
4 J'aimerais maintenant traiter de la question numéro 1.
5 La Chambre de première instance ne s'est pas trompée lorsqu'elle a appliqué
6 une marge d'erreur de 200 mètres dans son analyse de la légalité du
7 pilonnage d'artillerie sur Gracac. La police spéciale et les unités
8 d'artillerie de l'armée croate ont tiré sur Gracac à l'aide de canons de
9 130 millimètres. Ils n'ont pas utilisé les roquettes de 122 millimètres,
10 comme on peut le voir dans le paragraphe 1 452 du jugement. Rajcic a cité
11 la marge d'erreur pour des canons de 130 millimètres dans sa déposition.
12 Son calcul reposait sur des canons qui se trouvaient à 26 kilomètres de
13 Knin. Paragraphe 1 237 du jugement. Pour Gracac, les mêmes canons ont été
14 utilisés, mais à une distance moindre puisqu'elle était de 23 kilomètres.
15 Paragraphe 1 452 du jugement.
16 L'expert en artillerie de l'Accusation, Harry Konings, a expliqué que la
17 marge d'erreur décroît au fur et à mesure qu'un canon se rapproche de sa
18 cible. Paragraphe 1 165 du jugement. Etant donné ce que Konings a dit dans
19 sa déposition, le fait que des canons de 130 millimètres aient tiré sur
20 Gracac alors qu'ils se trouvaient 3 kilomètres plus près que ceux que
21 Rajcic a évoqués dans sa déposition, et rappelons que Rajcic dans sa
22 déposition a cité une marge d'erreur de 70 à 75 mètres vers l'avant ou vers
23 l'arrière, et de 15 mètres vers la droite ou la gauche. Paragraphe 1 237 du
24 jugement.
25 Donc ce fait doit permettre un ajustement de la marge d'erreur vers le bas
26 pour le pilonnage de Gracac. Donc la marge d'erreur de 200 mètres était une
27 marge raisonnable, et la Chambre de première instance a pris en compte une
28 marge raisonnable. Maintenant, j'aimerais répondre aux arguments évoqués
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1 aujourd'hui au sujet d'un prétendu défaut de cohérence dans le fait que
2 l'Accusation se soit appuyée sur certains éléments de preuve fournis par
3 Rajcic, alors que d'autres éléments de preuve n'ont pas été pris en compte,
4 comme par exemple l'ordre de traiter toutes les villes comme des cibles. Il
5 n'y a aucun défaut de cohérence dans ce cadre. La déposition de Rajcic
6 quant à son interprétation de l'ordre de Gotovina n'était pas seulement une
7 déposition personnelle de Rajcic en tant que telle, mais il a lui-même
8 donné un ordre qui répétait les mêmes instructions pour les unités
9 d'artillerie, à savoir qu'il ordonnait à ses unités de tirer. Si l'ordre de
10 Gotovina était illégal, l'ordre de Rajcic l'était également.
11 Dans le jugement, la Chambre de première instance a fait observer à juste
12 titre que le biais personnel ou la tendance à ne pas s'incriminer soi-même
13 peut être un motif de modification de déposition. Au paragraphe 31 du
14 jugement. Cette considération s'est pleinement appliquée à l'appréciation
15 faite par la Chambre de l'interprétation restreinte de Rajcic quant à
16 l'ordre d'attaque émanant de Gotovina, qu'il a donné lui-même. J'aimerais à
17 cet égard indiquer que cet argument s'applique avec force à la déposition
18 de Turkalj, qui a été prise en compte par la Défense Markac aujourd'hui.
19 Tout comme dans le cas de Rajcic, Turkalj entre dans la classe des témoins
20 qui souhaitaient éviter de s'incriminer eux-mêmes parce qu'il était
21 commandant de l'unité d'artillerie de la police spéciale qui avait tiré sur
22 Gracac et qu'il avait traité l'ensemble de la ville comme une cible. La
23 Chambre de première instance a donc eu raison de rejeter cet élément auto-
24 appréciatif au vu des autres éléments de preuve dont j'ai parlé
25 aujourd'hui.
26 J'aimerais également ajouter que -- nous faisons remarquer que la Défense a
27 soumis une déclaration de ce même témoin Rajcic, qui constitue la pièce
28 D1425. Et ce qui est encore plus important, c'est qu'aucune partie ne
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1 contrôle un témoin. C'est à la Chambre de première instance d'évaluer la
2 déposition d'un témoin, en dehors de la prise en compte de la partie qui a
3 cité ce témoin à la barre. C'est à la Chambre de première instance qu'il
4 revient de déterminer la crédibilité de telle ou telle déposition.
5 Question numéro 2 de la Chambre à présent. La Chambre de première instance
6 a tiré un certain nombre de conclusions au sujet des sites d'impact à
7 Gracac en estimant que ces sites devaient être pris en compte même en
8 partant du principe qu'éventuellement la marge d'erreur utilisée par la
9 Chambre de première instance aurait été erronée. Ce qui importe ici, c'est
10 que la Chambre de première instance a estimé que des obus étaient tombés
11 dans un certain nombre de lieux qui se répartissent dans toute la ville de
12 Gracac, dans tous les coins de la ville et y compris au centre de la ville.
13 Je renvoie les Juges de la Chambre d'appel aux paragraphes 1 456 à 1 459 du
14 jugement ainsi qu'aux cartes qui ont été citées en tant qu'éléments de
15 preuve. Cette diffusion des tirs sur toute la ville montre que la ville en
16 tant que telle était prise pour cible.
17 Deuxièmement, la Chambre a estimé que certains obus sont tombés assez près
18 de maisons et d'objets civils. Parmi ces obus, certains sont tombés à 800
19 mètres à peine de la première cible militaire. Et j'aimerais revenir sur
20 quelque chose qui a été dit à ce sujet aujourd'hui, l'Accusation a établi
21 la nature civile de ces maisons qui ont été touchées. Il n'y a pas eu
22 renversement de la charge de la preuve. Ce qui importe, en revanche, c'est
23 cette distance importante de 800 mètres qui sépare les cibles militaires en
24 question et les lieux d'impact des obus qui montrent l'intention de prendre
25 la ville en tant que telle comme cible et pas simplement les cibles
26 militaires qu'elle contenait.
27 Aujourd'hui, vous avez entendu un certain nombre de chiffres indicatifs de
28 distance entre la maison de l'observateur des Nations Unies, Hermann
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1 Steenbergen, et la première cible militaire proche de cette maison. La
2 Défense Markac a affirmé que cette distance n'était que de 450 mètres sur
3 la base de la liste de Jagoda; pièce D1447. Toutefois, cette liste était
4 une liste non signée qui énumérait un certain nombre de cibles éventuelles
5 qui auraient permis de faire un choix parmi ces cibles. Je vous renvoie au
6 paragraphe 1 403 du jugement.
7 Et ce qui est plus important encore, c'est que la Chambre de première
8 instance n'a pas admis que les éléments figurant sur cette liste étaient
9 effectivement visés pendant le pilonnage de Gracac. Il importe de le
10 remarquer aux paragraphes 1 423 et 1 454 du jugement.
11 Ayant dit cela, les obus qui ont frappé la maison de Steenbergen se
12 trouvaient à 800 mètres de la première cible militaire, et on n'a pas
13 nécessité de s'appuyer sur la liste de Jagoda pour le savoir.
14 Sur la question incidente de l'éventualité d'une cible, l'argument
15 développé aujourd'hui consistait à dire que certains objets pris pour cible
16 étaient des cibles opportunistes à Gracac et que le fait que telles ou
17 telles maisons aient été touchées n'a pas d'importance sur le fond. La
18 Chambre a rejeté cet argument sur les bases suivantes :
19 D'abord, les obus -- excusez-moi, Monsieur le Président.
20 Les obus qui sont tombés près de la maison Steenbergen y sont tombés
21 le 4 août, à 5 heures du matin. La Chambre de première instance a estimé
22 qu'il n'y avait pas de mouvement de troupes ennemies de la SVK à ce moment-
23 là, surtout pendant la matinée, et qu'il ne pouvait donc pas y avoir des
24 cibles opportunistes et qu'il n'y avait pas non plus d'observateurs
25 présents sur les lieux, à des postes avancés à ce moment-là pour identifier
26 de telles cibles opportunistes. Par ailleurs, on peut compléter cet
27 argument en disant que la présence de la SVK sur la ville à ce moment-là
28 était faible, sinon minime. Etant donné l'ensemble de ces arguments, il n'y
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1 a pas eu renversement de la charge de la preuve eu égard à ces cibles
2 opportunistes ou à leur absence, mais une appréciation tout à fait
3 raisonnable de la part de la Chambre de première instance par rapport aux
4 éléments de preuve qui lui ont été soumis dans leur ensemble, qui a conduit
5 la Chambre a rejeté l'éventualité de l'existence de telles cibles dans ce
6 cas particulier.
7 J'aimerais maintenant parler de la question numéro 3, posée par la
8 Chambre d'appel. La Chambre de première instance a conclu au caractère
9 illégal de l'attaque d'artillerie qui a visé Gracac, et cette conclusion
10 doit être retenue, même si éventuellement il y aurait eu erreur quant aux
11 conclusions relatives aux sites d'impact figurant dans le jugement. Je
12 parle bien de Gracac en tant que telle. Nous avons trois éléments, les
13 trois frontières de la ville qui ont été soumises à des tirs d'artillerie.
14 Nous avons les rapports correspondants des unités d'artillerie qui
15 démontrent que la ville en tant que telle devait être prise pour cible.
16 Nous avons Markac et Gotovina, membres de l'entreprise criminelle commune,
17 qui planifient cette attaque illégale. Et au-delà de la ville de Gracac en
18 tant que telle, nous avons l'attaque illégale sur les trois autres villes
19 qui se produit exactement au même moment. En particulier, s'agissant de ces
20 trois autres villes, je renvoie les Juges de la Chambre d'appel aux
21 éléments de preuve cités ce matin par M. Stringer et M. Cross, mais je fais
22 remarquer en particulier que nous avons aussi les récits des témoins
23 oculaires montrant que le pilonnage a été réalisé sans discrimination et a
24 été disproportionné, et donc les conclusions relatives aux quatre villes
25 sont raisonnables.
26 L'ensemble des éléments de preuve que je viens d'évoquer ne change pas par
27 rapport à la marge d'erreur ou aux conclusions relatives aux sites
28 d'impact. Lorsque l'ensemble des éléments de preuve est pris globalement,
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1 il conduit, ces éléments de preuve, à la seule conclusion raisonnable qui
2 s'impose, à savoir que Gracac a été attaquée illégalement en vertu d'un
3 ordre émanant de Markac.
4 Ceci est particulier vrai, étant donné le nombre limité de sites d'impact
5 connus, que nous avions dans la ville de Gracac en tant que telle. Et cet
6 argument ne peut pas être renversé par d'autres éléments, étant donné ce
7 que je viens de démontrer.
8 A ce stade, je voudrais faire remarquer que dans la journée d'aujourd'hui,
9 la Défense Markac a admis le fait que des obus avaient été tombés très près
10 des deux maisons citées à Gracac, que ceci était le résultat d'une erreur,
11 et qu'il aurait pu s'agir de 20 salves d'artillerie au total, dans ce cas
12 précis. Le point à prendre en compte ici, c'est le fait de savoir s'il y a
13 eu, de la part de l'armée croate, mépris du risque que couraient
14 d'éventuelles victimes civiles pendant le pilonnage de Gracac. Ce fait est
15 bien connu : les unités d'artillerie ont ensuite tiré au moins 150 salves
16 d'artillerie dans le cadre d'un tir tout à fait imprécis, qui ne visait la
17 cible qu'à 300 ou 800 mètres de précision. L'armée croate a agi ainsi en
18 visant un nombre très limité de cibles militaires, pour en fait se donner
19 un avantage militaire important. Elle l'a fait dans une ville où la
20 présence de troupes ennemies était minimale. Tous ces éléments démontrent
21 qu'il y a eu mépris pour les victimes civiles, ce qui démontre encore un
22 peu plus, s'il le fallait, que l'attaque en tant que telle était illégale.
23 Les conclusions de la Chambre de première instance, selon lesquelles
24 la police spéciale et l'artillerie de l'armée croate, sur ordres de Markac,
25 ont traité toute la ville de Gracac comme une cible et se sont engagées
26 dans une attaque illégale, doivent donc être retenues.
27 La réponse de l'Accusation à Markac consiste donc à dire que la
28 Chambre a conclu à juste titre que Gotovina, Markac et d'autres ont agi
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1 ensemble dans le cadre d'une entreprise criminelle commune visant à obtenir
2 le déplacement permanent du plus grand nombre possible de civils serbes de
3 la région de la Krajina. Pour obtenir ces résultats, ces éléments ont lancé
4 une attaque illégale, concertée et intensive sur Knin, Benkovac, Obrovac et
5 Gracac, qui a entraîné la fuite terrifiée de moins 20 000 civils de la
6 région. D'autres expulsions ont été déclenchées par cette vague de crimes
7 sans contrôle commis par des membres de la HV et de la police spéciale dans
8 le secteur ouest et un peu partout sur le territoire après le début de
9 l'attaque, crimes tels que meurtre, pillage et incendie volontaire.
10 Ceci a entraîné la fuite des civils serbes et donc les arguments en
11 appel de Markac doivent être rejetés dans leur globalité. Markac n'a pas
12 réussi à démontrer que la Chambre de première instance avait commis une
13 erreur ou qu'il y avait la moindre raison d'invalider le jugement en
14 première instance ou que des conclusions factuelles déraisonnables auraient
15 été faites par la Chambre de première instance, qui seraient synonymes
16 d'erreurs judiciaires.
17 Voilà la fin de mon exposé, à moins que les Juges n'aient des
18 questions.
19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Pas de
20 questions. Pause de 15 minutes.
21 --- L'audience est suspendue à 17 heures 40.
22 --- L'audience est reprise à 17 heures 55.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous entendrons la réponse de Markac,
24 30 minutes, et ensuite le conseil de M. Gotovina, il aura cinq minutes pour
25 répondre, comme c'était convenu. Ensuite, nous donnerons la parole à M.
26 Gotovina dix minutes, s'il souhaite les prendre, et également à M. Markac.
27 M. JONES : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Messieurs les Juges, l'Accusation semble mal comprendre sur deux
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1 points. D'un côté, elle semble imaginer que nous défendons M. Tudjman, ce
2 qui n'est pas le cas. Nous défendons M. Markac. Nous savons tout des
3 discours incendiaires du président Tudjman le 26 août 1995, trois semaines
4 après les attaques d'artillerie, mais nous avons entendu très peu sur le
5 général Markac. Et donc, je voudrais en parler maintenant.
6 Alors le deuxième point où l'Accusation semble se méprendre, c'est la
7 réponse qu'ils ont donnée aujourd'hui. Ils ont pensé qu'en fait, ils
8 devaient réitérer leur mémoire en réplique à nos écritures.
9 Mais en fait, ils n'ont rien dit aujourd'hui de mes arguments exposés
10 oralement, rien des conclusions erronées de la Chambre sur le caractère
11 illégal des attaques d'artillerie. Et s'ils n'ont pas apporté de réponse à
12 ce que j'ai affirmé, c'est parce qu'il n'y a pas de réponse. Et nous sommes
13 certains que la Chambre d'arrêt tirera les conclusions qui s'imposent de
14 cette absence de réponse de la part de l'Accusation.
15 Donc, qu'en est-il de Donji Lapac et de Grubori ? Nous avons démontré
16 très clairement qu'il n'y a eu aucune omission à sanctionner, à empêcher;
17 que, tout au contraire, Markac a essayé d'empêcher la commission des
18 crimes.
19 N'empêche que la Chambre de première instance, malgré tout, au
20 paragraphe 602, dit :
21 "Il était au courant des crimes qui étaient commis, et la Chambre de
22 première instance s'est appuyée sur des ordres que l'appelant a donnés à
23 son personnel lorsqu'il leur a demandé de traiter les détenus conformément
24 aux dispositions du droit international humanitaire. Donc c'est la
25 conclusion que nous trouvons dans le jugement. Nous ne pouvons pas,
26 aujourd'hui, utiliser cet ordre-là pour démontrer la connaissance préalable
27 qu'avait l'appelant du fait que les violations allaient se produire."
28 Premièrement, je dois dire que l'Accusation, non seulement choisit
Page 208
1 les éléments, mais en fait, elle choisit des sous-éléments lorsqu'elle
2 présente ses arguments. Donc ce sont des toutes petites bribes d'éléments
3 desquelles sont déduits tous les éléments à décharge, donc tout élément qui
4 pourrait aller dans le sens de la Défense.
5 Et deuxièmement, à votre question numéro 4, Messieurs les Juges, si,
6 effectivement, les attaques n'ont pas été illégales, si cette conclusion
7 est erronée, alors l'Accusation n'aboutira absolument pas.
8 Alors, je voudrais maintenant dire quelques mots sur la réunion de
9 Brioni et sur la présence du général Markac. Je ne sais pas si vous avez la
10 pièce P461, pour pouvoir la consulter. Nous avons juste six pages de ce
11 procès-verbal où le général Markac s'exprime, où il dit quoi que ce soit.
12 Donc, est-ce que l'on peut défendre l'affirmation que tous ceux qui
13 sont présents à la réunion de Brioni sont des membres de l'entreprise
14 criminelle commune ? Bien sûr que non. Donc, si cette affirmation est
15 erronée, alors il faut voir ce qu'il a dit, Markac. Qu'est-ce qu'il a dit à
16 Brioni ? Qu'est-ce qu'il a dit qui pourrait l'incriminer ? Nous avons
17 Tudjman qui s'exprime, Tudjman et encore Tudjman. Il nous faut maintenant
18 aller à la page 17 de la pièce à conviction pour voir le président qui
19 s'exprime encore, qui nous dit, Quelle sera la tâche de Markac ? Et puis,
20 lorsqu'il parle de la prise de Ljubovo.
21 Et puis, au paragraphe 18, M. Markac qui s'exprime et qui dit :
22 "Je voudrais m'exprimer au sujet de ma tâche et par rapport à ce qu'a
23 à faire M. Norac."
24 Et le président dit :
25 "Lorsque vous dites que vous allez bloquer les voies, tenez compte du
26 fait qu'il se peut que la panique s'installe à Gracac. Et il vous faudra
27 rentrer aussi rapidement que possible. Il va y avoir un effet
28 psychologique. Ne pilonnez pas. Ne pilonnez pas. Il vaut mieux ne pas le
Page 209
1 faire."
2 C'est ce que Tudjman lui dit.
3 Et puis, page 19, là encore. Donc c'est tout le contraire de
4 l'entreprise criminelle commune que nous venons de voir. Et puis, là, dans
5 la page suivante, il s'exprime en disant, Il nous faut un prétexte pour
6 l'action militaire. Et ils demandent à Markac si on peut les accuser
7 d'avoir lancé une attaque sabotage. Donc, de toute façon, on n'y trouve
8 rien qui aurait un lien avec une entreprise criminelle commune.
9 Paragraphe 24, la prise de parole suivante. Il dit qu'il lui faudra
10 quatre jours pour atteindre Gracac parce qu'il y a 18 kilomètres de
11 distance.
12 Puis, 25, Markac qui dit, En fait, il faudrait détruire le système de
13 communication. Et tout ça, ce sont des tactiques tout à fait fondées
14 militairement. Il n'y a pas là d'entreprise criminelle commune.
15 Là encore, comme nous n'avons pas eu de témoin oculaire, il est très
16 difficile d'interpréter, évidemment, a posteriori ce qui a fait l'objet de
17 la conversation. Mais donc, toujours est-il que nous ne trouvons rien qui
18 pourrait incriminer ici -- rien qui pourrait être relié à l'existence d'une
19 entreprise criminelle commune. Donc, qu'est-ce qui est dit ? Qu'est-ce qui
20 est dit ? Utilisons les lois pour les empêcher de revenir -- et ça, c'est
21 l'autre moitié de l'entreprise criminelle commune. Donc je ne vois pas en
22 quoi nous avons constitué une image d'ensemble. Nous n'avons absolument pas
23 ces éléments-là à Brioni.
24 Qui plus est, prenons les paragraphes 2 562 et 2 563 du jugement de
25 la Chambre, lorsqu'elle constate que ni Gotovina ni Markac n'ont pris part
26 à l'adoption de mesures discriminatoires.
27 Donc, si je puis, je voudrais explorer encore quelques points puis
28 donner la parole à mon confrère, Me Kuzmanovic, pour répondre sur la
Page 210
1 question de Gracac et, éventuellement, un petit peu de temps en plus à
2 l'équipe Gotovina sur les ordres d'évacuation.
3 Alors il aurait manqué de prévenir ou de sanctionner les crimes.
4 L'Accusation dit que nous ne nous sommes absolument pas intéressés à cela.
5 Non, pas de manière détaillée. Nous avons répondu à vos questions, aux
6 questions de la Chambre. Donc cela montre tout simplement que l'Accusation
7 ne devrait pas en parler non plus dans sa réponse, précisément parce que
8 nous n'avons pas abordé cela dans un premier temps.
9 Mais prenons la case en haut à gauche, donc la police militaire
10 aurait apporté une contribution importante à l'entreprise criminelle
11 commune, y compris le manquement à prévenir et à sanctionner. Nous avons
12 parlé de cela. La Chambre n'a pas pu identifier cela comme constituant un
13 moyen, donc le fait de manquer de prévenir et d'empêcher, comme un moyen
14 pris séparément comme démontrant contribution importante. Et si je puis
15 citer le paragraphe 2 582, en prenant en compte ce qui précède, donc le
16 paragraphe 2 580, dont les premières phrases portent sur l'attaque
17 illégale, donc considérant l'existence de l'attaque illégale pour essayer
18 de déterminer s'il a apporté une contribution substantielle.
19 Et là encore, il s'agit de cette expulsion prétendue de tous les
20 Serbes de Krajina par le biais des crimes qui auraient été commis dans le
21 cadre, non pas des attaques d'artillerie, mais également par d'autres
22 moyens. Et on nous dit que c'est une contribution substantielle. Donc les
23 paragraphes 2 580 et 2 582.
24 Mais nous souhaitons attirer votre attention là-dessus. Comme nous
25 l'avons dit dans notre paragraphe 167 du mémoire en appel, la Chambre de
26 première instance a acquitté M. Cermak, a déclaré que, en fait, le fait de
27 dissimuler les crimes ne pouvait pas constituer une contribution à
28 l'entreprise criminelle commune parce que l'entreprise criminelle commune
Page 211
1 portait sur l'expulsion de force des Serbes.
2 C'est ce que la Chambre affirme dans son paragraphe 2 358 [comme
3 interprété] :
4 "Considérant cette constatation que l'entreprise criminelle commune
5 portait sur le fait de déplacer de manière permanente la population serbe
6 de la Krajina par la force ou par la menace les Serbes, donc son rôle n'a
7 pas contribué à l'entreprise criminelle commune. Cermak nie avoir dissimulé
8 les crimes de Grubori, et la Chambre de première instance constate
9 qu'effectivement, il n'a pas contribué à l'entreprise criminelle commune."
10 Donc la Chambre sait parfaitement, lorsqu'elle se penche sur le cas
11 Cermak, lorsqu'elle acquitte Cermak, sait que l'entreprise criminelle
12 commune portait sur le déplacement permanent des Serbes. Et ce pourquoi il
13 a été incriminé, c'était de l'avoir dissimulé.
14 Il me reste, je pense, cinq minutes.
15 L'Accusation défend donc cette approche globale de la Chambre lorsqu'elle
16 cherche à démontrer qu'il convient de retenir ces conclusions sur Brioni et
17 l'entreprise criminelle commune, et cetera. Mais en fait, il ne s'agit pas
18 d'une approche globale sans ambiguïté. Je souhaite citer Ntagerura et
19 d'autres jugements rendus déjà par la même Chambre. Donc, est-ce
20 qu'effectivement la Chambre s'appuie sur l'ensemble des éléments ? Mais
21 prenons les paragraphes 174 et 175 :
22 "Les éléments de preuve sur lesquels s'appuient l'Accusation doivent
23 être admis en tant qu'établissant l'existence des faits allégués
24 indépendamment des éléments de preuve sur lesquels s'appuie la Défense."
25 Le paragraphe 175, je vais paraphraser peut-être :
26 "L'exigence de démontrer les éléments au-delà de tout doute
27 raisonnable, la Chambre d'appel reconnaît et accepte que les arguments de
28 l'Accusation ne sont pas encore démontrés au-delà de tout doute
Page 212
1 raisonnable. Donc, si un des éléments ne l'a pas été, s'il n'a pas été
2 démontré au-delà de tout doute raisonnable, la Chambre ne devrait pas, en
3 principe, étayer une déclaration de culpabilité."
4 Donc, si nous avons des éléments de preuve qui sont à moitié
5 acceptables, et si nous en avons un autre qui est dans le même cas, nous ne
6 pouvons pas prendre uniquement les parties qui nous conviennent. Donc, à ce
7 rythme-là, nous n'arrivons pas à obtenir des preuves entières.
8 Certes, on peut s'appuyer sur le procès-verbal de Brioni parce qu'il
9 y a là un certain nombre d'éléments qui conviennent à l'Accusation. Nous
10 avons des déclarations, par exemple, de Tudjman ou de Gotovina, mais nous
11 ne pouvons pas faire abstraction du contexte. Nous ne pouvons pas extraire
12 cela et le traiter séparément de tous les autres éléments. Le fait d'avoir
13 laissé un corridor aux civils et aux forces militaires afin de pouvoir
14 partir ne peut pas être utilisé pour démontrer une mauvaise intention,
15 parce que, comme nous avons déjà entendu de la bouche du conseil de
16 Gotovina, on ne peut pas laisser les civils piégés dans une zone de guerre.
17 Nous avons plusieurs documents des Nations Unies, nous avons la pièce D28,
18 les Nations Unies qui affirment que :
19 "La Croatie donnera toutes les garanties pour un départ en toute
20 sécurité de ces zones à tous ceux qui souhaitent le faire."
21 Puis, nous avons la pièce D1530, la résolution du Conseil de sécurité
22 par laquelle on demande aux autorités de la République de Croatie de
23 "respecter les droits de ceux qui souhaitent rester, mais également de ceux
24 qui souhaitent partir ou revenir." Comme nous l'avons déjà dit dans notre
25 mémoire en appel, l'on ne peut pas utiliser cette dichotomie contre notre
26 client parce que c'est une dichotomie erronée.
27 Donc nous avons aussi toute une série de choses qui n'ont pas été
28 enregistrées pendant la réunion de Brioni. Les propos qui ont été
Page 213
1 enregistrés peuvent être interprétés de manières différentes. Nous avons,
2 par exemple, une interprétation possible où Tudjman laisse les Serbes
3 partir. Et il dit, Eh bien, laissons-les partir, ils peuvent bénéficier de
4 leurs droits civiques.
5 Puis, vous savez, ces jours-ci, dans les hôtels, on nous dit, Faites
6 attention à l'environnement. Il ne faut pas qu'on lave nos serviettes trop
7 souvent. En fait, ce qu'ils veulent, c'est faire des économies d'argent.
8 Mais ce qu'ils nous disent, l'argument qu'ils nous avancent, c'est on veut
9 protéger l'environnement. Donc le fait qu'ils nous avancent un autre
10 argument ne veut pas dire qu'ils ne se soucient pas de l'environnement,
11 mais ce qui va se passer, c'est que l'environnement, effectivement, sera
12 mieux protégé parce qu'il va y avoir moins de serviette qui auront été
13 lavées inutilement. Donc nous sommes ici en l'espèce dans un procès au
14 pénal d'une très grande envergure, et je pense qu'il nous faut faire
15 attention aux arguments que nous avançons.
16 Donc je ne voudrais pas m'étendre davantage. Je voudrais juste citer
17 quelques références à Brioni, je vais vous demander de voir cela. Au sujet
18 des pilonnages des objectifs non militaires lorsque, effectivement, il
19 s'agit de prendre pour cible certains objectifs et lorsque la réponse est
20 qu'il n'y a pas justement de cibles légitimes à proximité, qu'on ne peut
21 pas ouvrir le feu. Là, je vous renvoie à la page 2 021 [comme interprété].
22 "Il s'agit simplement d'attaquer leurs batteries au plan militaire."
23 La déclaration de Gotovina indique que Knin peut être détruite en
24 quelques heures, et il ne peut s'agir que de cibles militaires et non pas
25 civiles. C'est ainsi qu'il faut le comprendre de façon raisonnable.
26 Donc, aucun des éléments de preuve susmentionnés ne peuvent être
27 considérés comme concluants, et donc cette approche globale n'est pas
28 vraiment utile.
Page 214
1 Je vais laisser mon confrère prendre la parole.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Kuzmanovic.
3 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si vous me
4 le permettez, je vais rester ici plutôt que de me déplacer.
5 Tout d'abord, une observation que je souhaite faire, trois ou quatre points
6 que je souhaite aborder à propos des éléments en réponse.
7 La première observation est celle-ci : eu égard à une contribution
8 substantielle, le seul argument qui a été présenté était en réalité une
9 récitation du jugement de la Chambre de première instance. Rien qui
10 n'évoquait notre mémoire en appel. Rien qui n'évoquait nos arguments oraux.
11 Et donc, le jugement, aux paragraphes tel et tel, dit ceci, et donc
12 c'est juste. Ceci ne constitue pas un argument.
13 La deuxième chose que je souhaite dire eu égard au compte rendu est l'un
14 des arguments qui a été présenté concernant l'artillerie. A la page 169 de
15 la réponse, ligne 12, citant l'expert de l'Accusation Konings et la marge
16 d'erreur, et en citant le Témoin Rajcic également et la marge d'erreur,
17 l'Accusation sait que Rajcic a témoigné à propos d'une portée de 60 à 75
18 mètres seulement. Il s'agissait de marge d'erreur interne. Il n'a pas parlé
19 de facteurs externes qu'a abordés Konings : la vitesse du vent, la
20 température de l'air, la densité, la perte de vitesse, tous ces éléments-là
21 qui contribuent à la marge d'erreur. Et 200 [comme interprété] mètres
22 supplémentaires attribués aux erreurs. Donc la marge d'erreur de Rajcic ne
23 correspond pas à 60 à 75 mètres car il s'agit là d'une marge d'erreur
24 interne. Il faut ajouter tous les facteurs externes comme l'a fait Konings
25 et ajouter 240 mètres, voire jusqu'à 315 mètres si vous admettez la marge
26 d'erreur interne entre 60 à 75 mètres de Rajcic. Vous ne pouvez pas vous
27 reposer là-dessus simplement. Et donc, cela induit en erreur que de dire
28 que la marge d'erreur correspond de 60 à 75 mètres.
Page 215
1 Deuxièmement, une déclaration a été faite qui a indiqué que le pilonnage a
2 fait preuve d'un mépris pour les pertes civiles. Je note ceci à la page
3 173, ligne 24, par rapport à Gracac. Et voici ma question : quelles
4 victimes civiles ? Il n'y a pas eu de victimes civiles. Il n'y a pas eu de
5 morts, il n'y a pas eu de blessés.
6 Troisième point, Konings était un expert de l'Accusation. Il n'a rien
7 trouvé à redire à l'emploi par la police spéciale de l'artillerie à Gracac.
8 Pages du compte rendu d'audience 1 475 et
9 1 476 [comme interprété]. L'Accusation ne lui a pas posé la question eu
10 égard à l'emploi par les forces de police spéciale de l'artillerie. Il
11 n'avait pas d'opinions critiques eu égard à l'emploi par la police de leur
12 artillerie dans le cadre de l'opération Tempête.
13 Et je souhaite ajouter quelque chose. A la page 171, je crois qu'il
14 s'agit des lignes 10 à 11, à quel endroit du compte rendu a-t-il été établi
15 que les cibles avaient un caractère civil à Gracac, ou que les maisons
16 avaient un caractère civil ? L'Accusation n'a certainement pas établi cela.
17 Rien n'est précisé dans ce sens dans le compte rendu d'audience. J'ai
18 parcouru les six éléments qui évoquent les lieux d'impact. Ils n'ont
19 répondu à aucun de ces éléments-là, ces lieux d'impact. Et aucun expert n'a
20 évoqué les impacts d'obus à aucun moment à Gracac.
21 Pour finir, je souhaitais attirer l'attention des Juges de la Chambre
22 encore une fois sur Josip Turkalj. Le commentaire de l'Accusation est un
23 commentaire que nous avons entendu pour la première fois. Turkalj a déposé
24 de la façon dont il a déposé parce qu'il ne souhaitait pas s'auto-
25 incriminer. Il s'agissait d'un témoin à charge. Il a témoigné au cours du
26 procès. Turkalj a parlé de l'artillerie à plusieurs reprises, et on lui a
27 posé la question : Que vous est-il arrivé, Monsieur Turkalj, lorsque la RSK
28 a tiré sur la République de Croatie ? Quelles ont été les réactions de la
Page 216
1 population civile sur le territoire détenu par les Croates ? Est-ce qu'ils
2 se sont enfuis, est-ce qu'ils sont allés se cacher ? Qu'ont-ils fait ?
3 Et il a répondu :
4 "Lorsque l'ARSK a tiré ses pièces d'artillerie sur des villes ou sur
5 des cibles militaires, tout un chacun est allé se mettre à l'abri dans les
6 abris. Là où les gens le pouvaient, les gens n'ont pas abandonné les
7 endroits où ils habitaient, si telle est la question qui vous me posez. Ils
8 ont passé le plus clair de leur temps dans les abris, et cette situation-
9 là… a prévalu pendant des années."
10 Ensuite, l'attention s'est tournée vers Gracac.
11 Parlons de l'attaque de Gracac. Lorsque vous êtes arrivé à Gracac, il
12 n'y avait pas de population civile à cet endroit. Elle avait été évacuée.
13 Oui, c'est exact. Il n'y avait pas de population civile.
14 "… Monsieur Turkalj, compte tenu de votre expérience puisque vous
15 étiez de l'autre côté -- dans un territoire détenu par les Croates, vous
16 étiez l'objet de cette attaque d'artillerie. Est-ce que vous avez été
17 surpris par le fait que l'ensemble de la population civile avait été
18 évacuée avec l'ARSK ?"
19 Le Juge Orie a reformulé la question : Lorsque la RSK a tiré sur la
20 République de Croatie, comment la population a-t-elle réagi ?
21 Telle est la question qui a été posée au témoin.
22 Maintenant, nous comparons la réaction de la population civile telle
23 que vécue par le témoin, puisqu'il en a été l'objet, et maintenant, à
24 l'arrivée -- puisque, ensuite, il est passé du côté de ceux qui faisaient
25 l'objet de ces tirs d'artillerie par les forces, et le témoin en a fait
26 partie. Et M. Kehoe [sic] en a parlé :
27 "Et je vais répondre de la manière suivante : j'ai été surpris par le
28 fait qu'il n'y avait pas de population civile à cet endroit. Il a déjà été
Page 217
1 dit que les cibles ou ce qui avait été pris pour cible correspondait à un
2 nombre très petit de projectiles par rapport au petit nombre de cibles."
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous devriez conclure maintenant.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie. C'est le dernier point
5 que je dois aborder.
6 "Alors, pour établir des comparaisons, j'étais présent à l'époque… à
7 Karlovac, où il y avait des milliers de tirs qui ont atterri sur Karlovac,
8 et la population n'a jamais abandonné les lieux. La population est toujours
9 restée à cet endroit.
10 "On ne peut jamais établir une corrélation avec les mouvements de la
11 population et les pilonnages, en tout cas moi je n'ai pas pu le faire
12 lorsqu'il s'est agi du pilonnage des villes qui venaient de notre côté."
13 Pages du compte rendu d'audience 1 372 et 1 373 [comme interprété],
14 Messieurs les Juges. Et je conclus par-là mes arguments.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kuzmanovic.
16 Monsieur Gotovina. Pardonnez-moi, j'ai oublié la promesse que je vous ai
17 faite, que vous auriez cinq minutes pour répondre.
18 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur le
19 Président. J'apprécie beaucoup le temps supplémentaire que vous m'accordez.
20 Dans les cinq minutes que j'ai, je souhaite aborder un autre point. Il
21 s'agit de la question d'évacuation, qui n'a jamais véritablement été
22 abordée avec Mme Elliott.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.
24 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie. Le premier point que je
25 souhaite aborder porte sur l'argument de Mme Brady sur le commentaire de M.
26 Gotovina à Brioni. Nous ne sommes absolument pas d'accord avec ce qui
27 semblait être une citation et ensuite une intégration de différents
28 éléments linguistiques. Elle s'est corrigée en disant que Gotovina a dit
Page 218
1 que :
2 "Si nous continuons de la sorte avec cette pression," entendant par
3 là "le pilonnage". De tels termes n'ont pas été retrouvés dans le procès-
4 verbal de Brioni. Ceci a été réfuté au moment du procès.
5 Nous souhaitons attirer votre attention sur ce qu'a admis
6 l'Accusation dans son mémoire préalable, à savoir ce que les participants
7 entendaient par ces termes de continuer avec cette pression. Alors,
8 continuer avec cette pression n'aurait pas pu faire référence au pilonnage
9 parce qu'il n'y avait pas de pilonnage à ce moment-là en Krajina à la date
10 de la réunion de Brioni. Par conséquent, continuer quelque chose qui ne
11 s'était pas encore produit n'aurait aucun sens. Au lieu de cela,
12 l'Accusation, à juste titre, dans son mémoire préalable, a expliqué ce que
13 les participants avaient évoqué. Et ceci se trouve sur le système Sanction
14 que nous utilisons, où on peut lire au paragraphe 28 :
15 "Suite aux discussions concernant le plan opérationnel de l'attaque,
16 Tudjman a observé que l'offensive générale engendrerait une très grande
17 panique à Knin…"
18 Et c'est ce que nous faisons valoir également, Messieurs les Juges. Nous
19 parlons du fait que l'offensive va provoquer une panique générale, sans
20 pour autant employer particulièrement l'artillerie. Nous savons qu'à
21 l'exception de ces quatre villes, une fois que l'offensive était lancée,
22 effectivement, pour les raisons que la Chambre de première instance a
23 constatées, ce n'était pas la conséquence d'une conduite illégale de la
24 part des forces armées croates.
25 Deuxième point, pour ce qui est des commentaires de M. Gotovina à propos du
26 fait de pouvoir détruire Knin si l'ordre était donné. Nous remarquons la
27 déclaration liminaire de l'Accusation qui a confirmé que l'Accusation elle-
28 même n'a pas fait valoir qu'il existait l'élément moral correspondant à
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1 l'intention de détruire Knin. Mais tout à fait l'inverse, d'après
2 l'Accusation. Ceci se retrouve sur vos écrans. Voici le commentaire de
3 l'Accusation :
4 "Malgré les bombardements --" il s'agit du compte rendu d'audience 444.
5 "Malgré les bombardements, Monsieur le Président, la Chambre ne doit pas
6 avoir la mauvaise impression. Il ne s'agissait ni de Stalingrad ni de
7 Vukovar, où des semaines de pilonnage avaient réduit la ville à des
8 gravats. Il ne s'agissait pas du pilonnage le plus destructif qui soit.
9 Mais ce n'est pas exactement là où je veux en venir. L'intention n'était
10 pas de détruire Knin, la ville de Zvonimir, dans laquelle le président
11 Tudjman avait l'intention de réinstaller des Croates, mais de chasser les
12 Serbes."
13 Donc ceci n'est pas contesté en l'espèce. Il n'y avait pas l'intention de
14 détruire Knin.
15 Donc je vais maintenant me tourner vers les ordres portant sur
16 l'évacuation. L'idée que des civils en masse avaient été évacués au cours
17 de la journée relève du fantasme. Il n'existe pas d'éléments de preuve à
18 l'appui, éléments de l'époque. Vous ne trouverez aucun élément de preuve
19 relatif aux dates du 4 août, 5 août, 6 août, qui rapporte de près ou de
20 loin quelque chose qui évoquerait un exode massif des civils avant l'ordre
21 de Martic. Les allégations faites sont faites par des individus --
22 M. STRINGER : [interprétation] Dois-je comprendre qu'on a accordé cinq
23 minutes à M. Misetic parce qu'il devait parler des commentaires faits par
24 Mme Brady à Brioni et des commentaires faits par M. Gotovina au cours de
25 cette réunion ? A la manière dont nous l'avions compris, ces cinq minutes
26 n'avaient pas été accordées pour permettre à M. Misetic d'aborder d'autres
27 domaines.
28 M. MISETIC : [interprétation] Je suis debout. Vous avez fait droit à ma
Page 221
1 demande, et donc c'est la raison pour laquelle je suis debout.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez poursuivre. Vous avez presque
3 terminé.
4 M. MISETIC : [interprétation] Je vais maintenant aborder deux documents qui
5 permettent de confirmer ce que disent les archives d'époque. Il s'agit de
6 la pièce P398, à commencer par la première page. Il s'agit là d'un rapport
7 qui émane du commandant du secteur sud, le général Forand. Il s'agit d'un
8 compte rendu d'audience. Nous allons le montrer sur nos écrans. Vers le
9 bas, on peut lire -- vers le haut, pardonnez-moi, à la fin du premier
10 paragraphe.
11 Il dit :
12 "A propos de la raison pour laquelle la Krajina est tombée," au début de la
13 ligne 7, "et c'est un petit peu surprenant si vous l'abordez du point de
14 vue militaire. Un autre aspect qui était crucial, me semble-t-il, et la
15 raison pour laquelle ceci est allé si rapidement, ils ont décidé très tôt
16 dans l'après-midi du 4 d'évacuer les civils de Knin et des villes voisines,
17 et dès que ceci a été fait, tout le monde a commencé à s'enfuir, y compris
18 les militaires."
19 Le général Forand, encore une fois, à la page du compte rendu d'audience
20 [comme interprété] 399. A la page 1 -- à la page 2. Je vais aller
21 rapidement. Le général Forand a dit qu'on l'a convoqué à une réunion à 18
22 heures où les autorités de la SVK lui ont demandé de l'aider dans
23 l'évacuation de la population civile.
24 A la page 2, de la ligne 2 à 8 :
25 "Et je leur ai dit que lorsqu'ils avaient un plan, vous savez, eh bien,
26 j'allais revenir. Et donc, ils ont dit, Nous allons revenir dans une heure
27 et nous aurons un plan. Je ne pouvais pas revenir en l'espace d'une heure.
28 Il fallait une ou deux heures avant de pouvoir revenir à cet endroit-là, et
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1 lorsque nous y sommes arrivés, nous avons découvert qu'ils avaient évacué
2 cet endroit. Il n'y avait personne à cet endroit. Et c'est à ce moment-là
3 que nous avons pu observer tout un flot de véhicules qui quittaient Knin et
4 qui se dirigeaient vers le nord."
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je crois vraiment que vous devriez
6 conclure.
7 M. MISETIC : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
9 M. STRINGER : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président. Il y a
10 une chose avec laquelle je souhaite établir un lien avec ce que j'ai dit ce
11 matin.
12 J'ai parlé, en fait, des cartes et des photographies et de savoir si
13 les cercles de marge d'erreur correspondaient aux légendes qui se
14 trouvaient en bas de cette diapositive. Je l'ai abordé avec Me Misetic
15 aujourd'hui. Il nous assure que les cercles ont la taille appropriée, et je
16 lui fais confiance. Ceci ne correspond pas aux légendes. Il s'agit
17 simplement de démontrer ceci à l'aide d'aides visuelles. Ils n'ont pas été
18 présentés au dossier et portent sur les 400 mètres qui n'ont pas été admis
19 par les Juges de la Chambre. Messieurs les Juges, vous êtes au courant de
20 cela, et donc je pense que vous pouvez admettre cela --
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons regardé avant sans préjuger
22 de leur teneur.
23 Merci beaucoup.
24 L'APPELANT GOTOVINA : Votre Honneur, j'aimerais m'adresser à vous en
25 français. Merci.
26 Votre Honneur, tout au long de ma carrière de militaire, j'ai essayé de me
27 conduire avec dignité et honneur. Et j'ai toujours fait de mon mieux en
28 tant que soldat puis en tant qu'officier pour protéger les civils. En tant
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1 qu'officier, je suis fier de la façon dont s'est déroulée l'opération
2 "Storm". J'en suis fier non seulement parce que nous avons remporté la
3 bataille, mais parce que le préjudice causé par l'opération militaire aux
4 civils et à leurs biens était minime.
5 En tant que personne, je suis, de toute évidence, profondément désolé de
6 voir que des civils ont perdu la vie ou leur maison après l'opération. Je
7 ne peux cependant répondre de ce que d'autres ont pu faire ou essayé à
8 faire alors que je me battais et menais des opérations en Bosnie.
9 Tout au long de la guerre, de lourdes tâches et d'importantes
10 responsabilités m'ont été assignées. Aujourd'hui encore, je reste convaincu
11 que j'ai rempli mes devoirs au mieux de mes possibilités. En tant qu'homme,
12 je sais qu'il est toujours possible de regarder dans le passé et de penser
13 que les choses auraient pu se passer de façon différente. Mais en tant que
14 commandant, j'étais loin de pouvoir bénéficier d'un tel recours au moment
15 des faits.
16 Durant l'opération "Storm", nous étions engagés dans une lutte dont nos
17 vies dépendaient contre -- avec une autre force militaire, et ce, afin de
18 libérer notre pays, tout en essayant de protéger la vie de mes soldats et
19 celles des civils. Je ne prétends pas avoir été sans faille, mais j'espère
20 que je ne serai pas jugé pour ne pas avoir été parfait.
21 Si j'ai effectivement commis des erreurs au cours de ma vie, dont celle de
22 ne me pas rendre au Tribunal, soyez sûrs que je suis le premier à le
23 regretter. Même s'il se peut que vous trouviez que j'ai commis des erreurs
24 de jugement, vous ne trouverez pas chez moi quelconque volonté ni même un
25 consentement aux fins de blesser, abuser et bafouiller les droits d'un
26 homme, qu'il soit civil ou soldat, simplement parce qu'il est Serbe ou
27 parce qu'il appartient à un autre groupe que le mien.
28 Je sais et je vis avec la satisfaction de savoir que mes actes durant
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1 l'opération "Storm" étaient appropriés et que mes ordres en attestent.
2 Votre Honneur, je ne sollicite donc aucune faveur de votre part et je ne
3 vous demande rien d'autre que ce que mes avocats vous ont déjà demandé. Je
4 vis avec la certitude que mes actes sont cohérents avec ceux d'un officier
5 honnête et diligent qui a essayé de faire de son mieux dans des
6 circonstances extrêmement difficiles. Si cette Chambre était disposée à
7 juger mes actes à la lumière de ce contexte, j'en serais pleinement
8 satisfait et ne demanderais rien de plus.
9 Votre Honneur, merci pour votre attention.
10 M. LE JUGE MERON : Merci, Monsieur Gotovina.
11 [interprétation] Monsieur Markac, vous avez dix minutes.
12 L'APPELANT MARKAC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
13 Juges, je suis convaincu de l'équité de ce Tribunal, et je suis également
14 convaincu de mon innocence. C'est ce qui m'a incité à me placer entre les
15 mains de ce Tribunal il y a maintenant de cela neuf ans. Je suis étonné de
16 ce que j'ai pu entendre ici au cours de ce procès au sujet de l'opération
17 menée par l'armée et la police, l'opération Tempête, des affirmations qui
18 ne sont pas fondées sur les faits véridiques et qui interprètent souvent de
19 manière erronée ce qui s'est produit réellement sur le terrain.
20 Je suis provoqué par ces tentatives de présenter de manière différente les
21 faits de la guerre d'indépendance, et je tiens à vous dire sincèrement : je
22 ne suis membre d'aucune entreprise criminelle commune. Je ne suis pas un
23 criminel de guerre. Egalement, s'agissant de l'existence d'une entreprise
24 criminelle commune, eh bien, pour la première fois où j'en ai entendu
25 parler, c'était ici pendant ce procès. Les représentants de la communauté
26 internationale qui se trouvaient à l'époque en Croatie, personne, aucun
27 membre de l'opinion croate n'a jamais attiré mon attention sur l'existence
28 de cette entreprise.
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1 De même, jamais personne avant, pendant ni après l'opération de
2 libération, l'opération Tempête, de la part des institutions nationales ou
3 de la part de la communauté internationale, personne n'a attiré mon
4 attention sur un éventuel comportement illégal des membres de la police
5 spéciale du ministère de l'Intérieur. Et je me félicite tout
6 particulièrement d'avoir eu un comportement très professionnel.
7 Donc, pendant ces événements, je n'ai planifié, je n'ai commis, je
8 n'ai dissimulé aucun crime, car cela ne correspond pas à ma vision du
9 monde. Je suis officier; c'est de manière responsable et de manière
10 professionnelle, de concert avec mes subordonnés, que j'ai mené à bien les
11 missions qui m'étaient confiées par le chef de l'état-major principal des
12 forces armées et par le ministre des Affaires intérieures de la République
13 de Croatie. Ma tâche consistait à mener un combat contre le terrorisme, à
14 défendre et à libérer le territoire occupé de manière illégitime et d'y
15 faire rétablir l'ordre et d'y faire régner la loi. En tant qu'homme, en
16 tant qu'humaniste, je compatis profondément avec tous ceux qui ont souffert
17 pendant ces événements difficiles et terribles.
18 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne suis pas coupable.
19 Je m'attends à ce que vous vous penchiez de manière très attentive sur les
20 documents qui vous ont été présentés et sur les arguments qui vous ont été
21 présentés. Je m'attends à ce que votre jugement soit juste.
22 Merci de m'avoir donné la parole.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Markac.
24 La présente audience est terminée. Notre arrêt sera rendu en temps voulu.
25 Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué au bon déroulement, aux
26 interprètes, aux sténotypistes et l'ensemble du personnel.
27 La Chambre d'appel termine la présente audience. L'audience est levée.
28 --- L'audience d'appel est levée à 18 heures 40, sine die.