Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 16 octobre 2012

  2   [Déclaration liminaire de l'Accusation]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Monsieur le Greffier d'audience, pouvez-vous citer l'affaire, s'il vous

  8   plaît ?

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-04-75-

 10   T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Pourrais-je savoir qui

 12   représentent les parties à commencer par l'Accusation, s'il vous plaît ?

 13   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour. Douglas Stringer, représentant le

 14   bureau du Procureur avec Laurel Baig, Sarah Clanton et Colin Nawrot qui

 15   aujourd'hui va nous aider pour les vidéos et les différentes présentations.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 17   Pour la Défense.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour. Je représente Goran Hadzic. Je

 19   m'appelle Zoran Zivanovic, je suis le conseil principal. Il y a également

 20   Christopher Gosnell qui est le co-conseil, et Toma Fila qui est notre

 21   consultation juridique. Merci.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Nous allons donc commencer

 23   avec les déclarations liminaires de l'Accusation.

 24   S'il vous plaît, Monsieur le Procureur.

 25   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Au départ je voudrais décrire trois incidents issus de l'acte d'accusation

 27   contre Goran Hadzic qui montre la nature violente des crimes commis dans

 28   cette affaire et leur impact sur les victimes, leurs -- les familles, et


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  1   les communautés.

  2   Le 9 novembre 1991, Franjo Pap et sa famille vivaient à la

  3   campagne vallonnée à l'extérieur d'une ville appelée Erdut. Erdut est une

  4   ville qui se trouve sur la rive occidentale de la rivière Danube tout à

  5   fait à l'est de la Croatie, une région qui s'appelle la Slavonie orientale.

  6   Ce jour-là, M. Pap faisait partie d'un groupe d'hommes, appartenant aux

  7   groupes ethniques croates et hongrois, qui ont été arrêtés et qui ont été

  8   emmenés à un centre de formation militaire à Erdut dirigé par une personne

  9   qui s'appelait Zelko Raznjatovic connu également sous le nom d'Arkan.

 10   Arkan était le commandant d'une unité militaire serbe que l'on appelait la

 11   Garde des Volontaires serbes, et qui se trouvaient à ce centre de

 12   Formation. Franjo Plainte, au pénal avec 11 autres prisonniers, a été battu

 13   brutalement et tué au centre de Formation. Les corps de la plupart de ces

 14   hommes ont été enterrés dans un charnier dans une ville avoisinante qui

 15   s'appelait Celije. La dépouille de Franjo Pap a été retrouvée dans un puits

 16   situé dans une ville que l'on appelle Dalj.

 17   Ce seul incident a décimé la population hommes de plusieurs familles.

 18   Franjo Pap faisait partie de ces 12 personnes, ainsi que son fils, Mihajlo,

 19   ainsi que trois membres de la famille Kalozi, Antun, Nikola, et son fils

 20   qui s'appelait également Nikola. Josip, Stjepan Senasi - le fils et le père

 21   - ont également été tués ils étaient apparentés par alliance à la famille

 22   Kalozi. Quelques jours plus tard, Juliana, la femme de Franjo Plainte au

 23   pénal, a essayé de savoir ce qu'il était advenu des personnes portées

 24   disparues. Elle a posé trop de questions. Elle a été arrêtée à Erdut avec

 25   son fils, Franjo, et une femme de 20 ans Natalija Rakin. Trois d'entre eux

 26   ont été exécutés et des années plus tard leurs corps ont été exhumés à

 27   proximité d'une ville appelée Borovo Selo. Ils avaient été jetés dans un

 28   puits.


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  1   La ville d'Ilok qui se trouve également sur le Danube dans la partie est de

  2   la Croatie, au sud de Erdut, est l'endroit où vivaient 6 700 personnes, 92

  3   % d'entre eux étaient des Croates mais il y avait également des membres du

  4   groupe ethnique slovaque qui habitaient. Dès la mi-octobre 1991, la

  5   totalité de la région où se trouvait Ilok a été prise par les forces armées

  6   serbes qui détruisaient les villes et expulsaient les habitants non-serbes

  7   de ces villes. Ilok redoublait de ceux qui provenaient de villes

  8   avoisinantes, telles que Tovarnik, Bapska, Sharon Grad, Lovas. Les

  9   personnes à Ilok ont essayé de négocier des termes de leur séjour avec des

 10   représentants de l'armée populaire yougoslave, la JNA, de façon à ce qu'ils

 11   puissent rester. Mais par le biais d'une action qui montre bien qu'ils se

 12   trouvaient dans une situation désespérée, les habitants d'Ilok ont organisé

 13   un référendum, pour savoir s'ils restaient ou s'ils quittaient la ville. Le

 14   vote s'est tenu le 13 octobre 1991.

 15   Deux questions ont été posées. Tout d'abord, la question de savoir si l'on

 16   rendait les armes, ou si on acceptait les conditions imposées par la JNA.

 17   La deuxième question était de savoir si on allait partir de cet endroit. Le

 18   référendum s'est tenu le 13 octobre 1991, compte tenu de ce qui s'est passé

 19   dans les villes environnantes, les personnes ont voté contre les conditions

 20   de la JNA. Donc 8 000 personnes ont quitté Ilok dans un convoi organisé par

 21   la JNA.

 22   Quatre jours après le référendum qui s'est tenu à Ilok, un groupe d'environ

 23   100 hommes croates dans la ville avoisinante de Lovas ont été ordonnés de

 24   se rendre au bâtiment de Zadruga qui faisait partie d'un complexe entouré

 25   d'une enceinte qui jouait le rôle de centre communautaire à Lovas. La ville

 26   était sous le contrôle des forces armées serbes. On avait déjà ordonné aux

 27   hommes de se rendre là-bas pour des travaux forcés. Ce jour-là, une autre

 28   forme de renforcer les attendait. Après être arrivés le 17 octobre, des


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  1   graves sévices se sont opérés dans la cour du complexe de Zadruga. Certains

  2   ont été identifiés pour faire l'objet d'un traitement spécial, à savoir

  3   qu'ils ont été battus et ils sont été également blessés à coups de couteau,

  4   de barres de métal, et de câbles électriques.

  5   Le lendemain, le 18 octobre, une cinquante de prisonniers ont été appelés

  6   par leur nom et leur à demander de s'aligner deux par deux. Le groupe a

  7   ensuite été envoyé à pied à l'extérieur de la ville dans un champ de

  8   trèfles qui avait été récemment assorti de mines. Un des prisonniers, Bosko

  9   Bodjanac, avait été tellement battu qu'il n'a pas pu aller jusqu'à la

 10   destination, à savoir le champ de trègles. Il a donc été tué, séance

 11   tenante et abandonné le long de la route. Lorsque les prisonniers sont

 12   arrivés au niveau du champ, on leur a ordonnés en les menaçant à l'aide de

 13   fusils, de se tenir la main et à l'aide de leurs jambes d'essayer de

 14   localiser et de désamorcer les mines qui avaient été plantées là-bas.

 15   Lorsque les mines ont commencé à exploser, les soldats serbes ont commencé

 16   à ouvrir le feu contre les prisonniers qui se trouvaient dans le champ.

 17   Lorsque tout ceci a terminé, 21 de ces hommes croates ont été tués avec

 18   encore plus qui ont été blessés. Les morts ont été ensevelis dans un

 19   charnier à Lovas.

 20   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit de la dernière

 21   déclaration liminaire pour le dernier procès qui va se tenir dans ce

 22   Tribunal, mais les crimes que vous allez entendre, tels que ceux que je

 23   viens de décrire, ont été parmi les premiers qui ont été commis durant les

 24   longues années de conflit et de désespoir qui se sont soldées par la mort

 25   d'un pays riche du point de vue culturel et qu'on appelait la Yougoslavie.

 26   En octobre et en novembre 1991, lorsque ces crimes que j'ai décrits ont été

 27   commis, Goran Hadzic était le dirigeant de ce qu'on appelait la Région

 28   autonome serbe de la Slavonie, de la Baranja et du Srem occidental, que


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  1   l'on appelle également la SAO SBSO. C'est Hadzic qui a fourni le centre de

  2   formation à Arkan c'est à cet endroit où Pap, Kalozi et Senasi et de

  3   nombreux autres victimes en l'espèce ont été battues et tuées. Les bureaux

  4   administratifs de Hadzic se trouvaient dans le même complexe que le centre

  5   d'information d'Arkan. Pour ce qui est d'Ilok, Hadzic a participé à des

  6   pourparlers avec la population locale et la JNA avant le référendum sur

  7   l'exode, et après que la ville ait été vidée, Goran Hadzic a participé à

  8   des discussions pour repeupler Ilok avec des Serbes venant d'autres

  9   localités. La nouvelle du massacre du champ de mine de Lovas, le 18 octobre

 10   1991 s'est très vite répandue avec moult détails dans toute la SBSO et bien

 11   au-delà, et Hadzic en a eu certainement connaissance. Il se trouvait à

 12   Lovas pour une réunion juste après cet incident. Hadzic n'a pris aucune

 13   mesure concernant cet incident, ni concernant de nombreux autres crimes

 14   dont il avait eu connaissance. Il n'a rien fait pour protéger les non-

 15   Serbes qui vivaient dans cette région, à savoir la SBSO. Il a en fait

 16   marqué son accord vis-à-vis de ces crimes.

 17   Les crimes de violence et d'expulsion, dont ont été victimes des milliers

 18   de personnes en l'espèce, ont été commis pour atteindre un objectif que

 19   partageait l'accusé, Goran Hadzic, ainsi que d'autres que nous présenterons

 20   aux Juges de la Chambre, afin de créer de nouveaux territoires au sein de

 21   la Croatie qui seraient organisés le long de lignes ethniques.

 22   Comme nous l'avons appris après des années de présentation de moyen à

 23   charge et de jugement, la création de territoires, ethniquement purs dans

 24   des régions qui pendant des générations ont été ethniquement mixtes, ne

 25   peut pas être réalisée que par le biais de conflit, de persécution et de

 26   violence que nous appelons de manière générale maintenant, le nettoyage

 27   ethnique. C'est un terme qu'il ne faisait pas encore partie de notre

 28   arsenal linguistique lorsque les premières vagues de crimes et d'expulsions


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  1   ont renvoyé des milliers de personnes de chez eux, de leurs villages dans

  2   toute la Croatie de l'est, en 1991. Le terme de "nettoyage ethnique" est

  3   bien sûr maintenant tragiquement lié à la chute de la Yougoslavie, en 1990,

  4   étant donné que le nettoyage ethnique visant à créer les territoires le

  5   long des lignes ethniques s'est ensuite propagé de la Croatie vers d'autres

  6   endroits qui sont très bien connus du Tribunal et du monde entier, c'est-à-

  7   dire, Sarajevo, Prijedor, Mostar, Srebrenica, Kosovo pour n'en nommer que

  8   certains.

  9   Mais même si ce terme n'avait pas d'appellation consacrée à l'époque, ce

 10   que nous appelons le nettoyage ethnique en ex-Yougoslavie, a commencé ici,

 11   en Croatie à la fin de l'été, au début de l'automne 1991, dans des endroits

 12   qui ne sont pas aussi bien connus que ceux que je viens de mentionner,

 13   c'est-à-dire, Erdut, Ilok et Lovas.

 14   Les éléments de preuve, que nous allons présenter, montreront qu'afin de

 15   pouvoir constituer un état ethniquement serbe sur le territoire de la

 16   Croatie, Goran Hadzic a orchestré une campagne incroyablement atroce de

 17   persécution, de meurtre, d'extermination ou d'expulsion, de transfert

 18   forcé, de destruction et de pillage à l'encontre de millier d'innocents

 19   dont le seul crime était de se trouver à un endroit ou qui étaient contrôlé

 20   par les forces serbes et par Hadzic, alors qu'ils étaient non-Serbes.

 21   Les éléments de preuve, que nous allons présenter, montreront que les

 22   crimes ont été tous acceptés et utilisés dans le cadre d'une entreprise

 23   criminelle commune qui constitue la base de l'engagement, de la

 24   responsabilité pénale individuelle de Goran Hadzic.

 25   Je parlerais dans quelques instants de cette entreprise criminelle

 26   commune et du fait que M. Hadzic en était membre, et comment il y a

 27   contribué. Les éléments de preuve montrant comment Hadzic était responsable

 28   pour ces crimes dont il a aidé et encouragé la commission.


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  1   Il a contribué à planifier à ordonner, à inciter, à commettre ces

  2   crimes. Hadzic avait la possibilité d'empêcher que bon nombre de ces crimes

  3   ne soient commis. Il n'a pas non plus lancé des enquêtes ni des poursuites

  4   contre les auteurs de ces crimes. Hadzic n'a pas utilisé son pouvoir

  5   d'influence pour empêcher que ces crimes soient commis ni pour que les

  6   auteurs de ces crimes fassent la justice, ni se déclarer ouvertement contre

  7   ces événements. Compte tenu des postes élevés qu'il occupait parmi les

  8   dirigeants serbes de Croatie, cette acceptation des crimes est par elle-

  9   même, une forme d'encouragement.

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans les paragraphes qui

 11   vont suivre de ma déclaration, je décrirais une série d'éléments politiques

 12   importants qui fournissent la toile de fond du conflit et des crimes qui

 13   vont avoir lieu en août 1991. Je vais ensuite décrire les dignités

 14   militaires serbes qui ont participé énormément à la commission des crimes

 15   en Croatie durant le conflit. Ensuite, avant de parler du conflit et des

 16   crimes à proprement parler, j'identifierais plusieurs membres de cette

 17   entreprise criminelle commune ainsi que leur lien avec Hadzic, avec les

 18   forces serbes également qui ont commis les crimes visés dans ce procès.

 19   Les exemples de brutalité et de manque répondu de respect envers la

 20   loi se sont produits dans un contexte de changements politiques importants

 21   qui se sont opérés en ex-Yougoslavie, en 1990 et 1991. Je voudrais

 22   mentionner certains de ces événements, c'est-à-dire ceux qui ont un impact

 23   direct en l'espèce, et notamment ceux qui ont vu la montée de Goran Hadzic

 24   en tant que dirigeant politique des Serbes en Croatie, en 1991, 1992, et

 25   1993.

 26   Comme vous le savez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en

 27   1990, la Croatie faisait partie de six républiques de la République

 28   socialiste fédérative de Yougoslavie, la RSFY, qui était gouvernée par un


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  1   parti unique, le Parti communiste, depuis la Deuxième Guerre mondiale. En

  2   1990, le système communiste a laissé la place à d'autres partis car les

  3   républiques ont tenu des élections multipartites.

  4   La première de ces élections s'est tenue en avril et en mai 1990, en

  5   Croatie et en Slovénie. En Croatie, c'est le HDZ, l'Union démocratique

  6   croate qui a remporté plus de 41 % des voix, ce qui lui a donné la majorité

  7   au parlement croate. A la fin du mois de mai 1990, le parlement a élu

  8   Franjo Tudjman comme président de la Présidence de ce qui était encore à

  9   l'époque, la République socialiste de Croatie qui faisait partie de la

 10   RSFY.

 11   Ceci a rendu les Serbes vivant en Croatie mal à l'aise, même s'ils

 12   étaient présents dans différentes parties de la Croatie, en nombre

 13   important, les Serbes de Croatie représentaient environ 12 % de la

 14   population totale de la Croatie par rapport à environ 78 % de Croates. Le

 15   reste de la population était composé d'autres groupes ethniques. Les Serbes

 16   de Croatie avaient peur que dans cette nouvelle donne poste communiste de

 17   la Croatie, ils feraient l'objet de discrimination où ils perdraient des

 18   droits politiques dont ils jouissaient en vertu du système yougoslave.

 19   Durant la dernière moitié de l'année 1990, la République socialiste

 20   de Croatie s'est lancée dans une voie visant à garantir son indépendance de

 21   la Yougoslavie.

 22   Le 22 décembre 1990, le parlement croate a promulgué une nouvelle

 23   constitution pour la République de Croatie.

 24   Monsieur le Président, je souhaiterais rajouter que toutes ces dates

 25   devraient figurer sur un calendrier que sur une page, si vous ne l'avez

 26   pas, nous pouvons nous assurer que vous l'avez. Mais vous avez un

 27   calendrier en fait qui a été établi et qui est donc le recueil que nous

 28   avons transmis aux Juges de la Chambre.


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  1   Le 22 décembre 1990, le parlement croate a promulgué une nouvelle

  2   constitution pour la République de Croatie. En vertu de la constitution de

  3   la RSFY, les Croates, les Serbes et les Musulmans faisaient partie de six

  4   peuples -- ou nation constitutive de la Yougoslavie. La constitution croate

  5   de décembre 1990 a modifié ces définitions et a donc définit la Croatie

  6   comme l'Etat national de la nation croate ainsi que l'Etat de membres

  7   d'autres nations et d'autres minorités. Les Serbes ainsi que d'autres

  8   groupes ethniques ont -- avaient comme garantie qu'ils étaient sur un pied

  9   d'égalité avec les citoyens de nationalité croate, mais aux yeux de

 10   certains serbes de Croatie, la formulation de la nouvelle constitution les

 11   avait en fait déplacés par rapport à leur précédent statut de peuple

 12   constitutif et ils se retrouvaient uniquement une minorité nationale.

 13   Le 21 février 1991, le parlement croate a adopté une résolution qui a lancé

 14   -- qui a lancé le -- la procédure de "désassociation" de la RSFY. Le 19 mai

 15   1991, un referendum s'est tenu sur l'indépendance et un peu plus d'un mois

 16   plus tard, c'est-à-dire le 25 juin 1991, la Croatie a officiellement

 17   déclaré son indépendance de la RSFY.

 18   Les Serbes de Croatie ne sont pas restés inactifs durant cette période de

 19   changement profond en Croatie et en Yougoslavie.

 20   Maintenant, on va revenir vers le printemps de 1990. A l'époque, Goran

 21   Hadzic habitait dans la ville de Pacetin qui se trouve dans la municipalité

 22   de Vukovar, dans la Croatie orientale. Il y travaillant en tant que

 23   manutentionné.

 24   Monsieur le Président, cette carte montre toute la Croatie et la carte que

 25   vous voyez en haut à droite, elle correspond à la zone qui nous intéresse

 26   tout particulièrement en l'espèce, surtout en ce qui concerne la période de

 27   1991.

 28   Ensuite, la carte suivante montre cette zone qui se trouve donc dans ce


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  1   carré qui nous intéresse. Et je vais utiliser la souris pour vous montrer

  2   un certain nombre de régions qui nous intéressent. J'espère que vous allez

  3   pouvoir les voir.

  4   J'ai parlé de Vukovar. Vukovar se trouve ici sur la rivière de Danube et

  5   ceci, donc, correspond à la frontière entre la Croatie et la Serbie. Donc

  6   ici nous avions la ville de Vukovar. M. Hadzic était originaire de cette

  7   région-là.

  8   La région que j'ai mentionnée, SAO SBSO, à savoir la Slavonie, la Baranja

  9   et Srem oriental, cette zone correspond à chacune de ces régions.

 10   On a zone de Vukovar se trouve dans la région de Slavonie ou plus

 11   précisément de la Slavonie orientale, parce qu'à l'ouest, il y avait une

 12   autre région, la région de la Slavonie occidentale. Au nord, nous voyons la

 13   Région de Baranja et au sud, nous voyons la Région de Srem ou Srem. Et donc

 14   ce sont les trois régions, si vous voulez, qui vont -- font -- faire partie

 15   de la SAO SBSO qui va faire l'objet de notre intérêt en l'espèce.

 16   Je dois ajouter que Srem était avant une unité administrative qui

 17   maintenant est divisée entre Srem occidental qui se trouve en Croatie

 18   aujourd'hui et Srem oriental en Serbie. Nous allons parler de Sremska

 19   Mitrovica et quand on parle de Srem, c'est -- c'est que -- qui était appelé

 20   à un moment donné Srem oriental.

 21   Au cours des élections multipartites qui ont eu lieu au printemps

 22   1990, Hadzic a obtenu un siège à l'assemblée municipale de Vukovar en se

 23   présentant pour le SDP, ou le parti pour changement démocratique.

 24   Cependant, Hadzic a très vite abandonné le SDP et il s'est occupé à créer

 25   le premier parti démocratique serbe, un autre parti, le SDS, pour la région

 26   de Vukovar. Ce parti a été créé le 10 juin 1990 et ce jour-là, M. Hadzic a

 27   été élu en tant que président du comité municipal du SDS de Vukovar, et

 28   avec le temps, il a été un des dirigeants du SDS en Croatie des plus


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  1   actifs.

  2   Pendant que Hadzic et les Serbes de la région de Vukovar dans la

  3   Slavonie orientale étaient en train de s'organiser, des importants

  4   développements ont eu lieu parmi les Serbes dans la région de Knin, au sud.

  5   C'est important parce que les développements qui ont eu lieu à Knin et dans

  6   cet Krajina ont servi de précurseurs, de modèles pour le mouvement pour

  7   obtenir une autonomie serbe dans sa propre région de la Slovénie orientale

  8   et qui a été dirigée par Hadzic. Plus tard, différentes régions autonomes

  9   serbes ont servi de genèse de ce qui est devenu par la suite la République

 10   serbe de la Krajina, RSK, dont Hadzic va assumer la présidence au début de

 11   l'année 1992.

 12   Monsieur le Président, cette carte montre la Région de la SAO

 13   Krajina, de ce qui va devenir la SAO Krajina par la suite. En bleu, on voit

 14   le territoire déclaré et en rouge et un témoin qui va venir en parler -- eh

 15   bien, ce sont les zones qui étaient placées sous le contrôle serbe. Donc,

 16   les -- les zones, les régions telles que déclarées ne correspondaient pas

 17   tout à fait aux zones qui étaient effectivement sous le contrôle militaire

 18   et qui correspondaient aux lignes de confrontation.

 19   Ici, nous voyons la SAO Krajina et nous allons parler tout

 20   particulièrement de cette région-là.

 21   Les Serbes de la Krajina de Knin ont été [inaudible] pour dirigeant

 22   Milan Babic qui, le 31 juillet 1990, est devenu le président d'une instance

 23   appelée le conseil national serbe, et ce conseil va servir en tant que

 24   volet exécutif de l'assemblée serbe qui a allé -- ou qui avait été créé

 25   dans la Région de Knin une semaine plus tôt.

 26   Cette assemblée avait proclamé la souveraineté et l'autonomie du

 27   peuple serbe en Croatie une semaine plus tôt, à savoir le 25 juillet 1990.

 28   La SAO de Knin de la Krajina s'est déclarée une région autonome et


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  1   souveraine en Croatie.

  2   En l'espace de cinq semaines, à la date du 2 septembre 1990, le

  3   conseil national serbe a demandé qu'un référendum soit tenu portant sur

  4   l'autonomie des Serbes en Croatie et les Serbes ont voté à grande majorité

  5   pour cette autonomie, à savoir 97 % étaient pour.

  6   Le 21 décembre 1990, l'assemblée municipale de Knin a adopté une

  7   décision qui va établir ce qui est appelé le district -- la région autonome

  8   serbe ou la SAO de la Krajina. Par le biais de cette décision, les

  9   institutions de la SAO Krajina devaient être responsables pour le

 10   fonctionnement de la région et la SAO Krajina devait mettre en œuvre les

 11   lois croates dans leur territoire.

 12   Un jour après la décision qui consistait à déclarer la SAO Krajina,

 13   donc le 22 décembre 1990, comme je l'ai déjà dit, le parlement croate a

 14   promulgué la nouvelle constitution croate.

 15   Sous Milan Babic, la SAO Krajina allait rapidement vers une autonomie

 16   complète à l'intérieur de la Croatie. Des institutions parallèles séparées

 17   telles que la police ont été organisées pour remplacer les mêmes

 18   institutions croates. Le 5 janvier 1991, le conseil exécutif de la SAO

 19   Krajina a révoqué l'autorité du ministère croate des affaires intérieures,

 20   à savoir du MUP, et de la police lui interdisant de fonctionner et agir à

 21   l'intérieur de son territoire. Tous les autres liens avec la Croatie ont

 22   été coupés le 1e avril 1991 quand le Conseil exécutif de la SAO Krajina a

 23   voté la scission de la Croatie. La décision a été émise concernant

 24   l'adhésion de la SAO Krajina à la République de Serbie.

 25   Au début de 1991, Hadzic ainsi que les Serbes de la Région de

 26   Slavonie et Baranja et Srem occidental ont commencé à prendre des mesures

 27   similaires pour mettre en œuvre leurs propres structures parallèles serbes

 28   et pour arriver à un territoire totalement autonome là-bas.


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  1   Il y a quelques instants, j'ai mentionné les Serbes de la Krajina de Knin.

  2   J'ai dit qu'ils ont créé le conseil national serbe le 31 juillet 1990.

  3   C'était donc l'organe exécutif de l'assemblée serbe. Le 7 janvier 1991, un

  4   groupe de Serbes dont Goran Hadzic faisait partie ont créé le même corps,

  5   le Conseil national serbe, pour la Région de la SBSO. Une force de police

  6   séparée serbe a été plus tard créée à Borovo Selo. Donc, il s'agit là d'une

  7   ville qui se trouve à peu près à 10 kilomètres au nord de Vukovar à --

  8   habitée à majorité par la population serbe. Goran Hadzic a nommé un Serbe à

  9   la tête de cette nouvelle force de la police de Borovo Selo.

 10   La création de cette police serbe et croate séparée, de forces de sécurité

 11   aussi bien dans la Région de Knin que, dans la Région de Vukovar, est un

 12   élément extrêmement important. Comme nous allons voir, les premiers

 13   conflits armés qui se sont produits au cours de la guerre qui a opposé les

 14   Serbes et les Croates en Croatie impliquaient justement les unités de

 15   police. Ensuite, les moyens de preuve vont montrer que cette police serbe

 16   nouvellement créée avait été financée et équipée par la République de

 17   Serbie.

 18   Le 26 février 1991, la SBSO, le Conseil national de la SBSO, à savoir

 19   l'organe exécutif, a fait une déclaration sur l'autonomie et souveraineté

 20   de la nation serbe de la Slavonie, Baranja et Srem occidental. Ceci

 21   prévoyait que le peuple serbe de cette région allait avoir une autonomie et

 22   souveraineté et ceci par -- sur le pouvoir législatif et exécutif et

 23   surtout en ce qui concerne la question de l'autonomie, la protection et le

 24   maintien de la paix et de la sécurité dans la région.

 25   Les structures du gouvernement de la SBSO ont été créées le 25 juin 1991.

 26   C'est une date extrêmement importante. Comme nous l'avons déjà indiqué, ce

 27   jour-là, le parlement croate a déclaré la -- l'indépendance de la Croatie.

 28   La reconnaissance internationale de la Croatie n'allait pas se produire


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  1   avant six mois, mais manque de cette reconnaissance internationale n'avait

  2   absolument d'impact sur les événements qui allaient se produirent à

  3   l'intérieur même de la Croatie.

  4   Le même jour, le jour où la Croatie a déclaré son indépendance par rapport

  5   à la Yougoslavie, les Serbes de la Région de la Slavonie, Baranja et de

  6   Srem occidental se sont rencontrés à Backa Palanka. C'est une ville qui se

  7   trouve du côté serbe de la rivière de Danube -- de Danube, pas loin de

  8   Vukovar. C'est là que les Serbes de la SBSO ont voté la scission de la

  9   Croatie. Ils ont créé un emblème législatif qui s'appelait la grande

 10   assemblée nationale qui ensuite a pris une décision concernant la position

 11   du peuple serbe originaire de la SBSO en déclarant que les Serbes et ce

 12   territoire avaient décidé de rester à l'intérieur d'un pays dans ce pays

 13   avec d'autres régions où habitent les Serbes et autres peuples de la

 14   Yougoslavie qui souhaitent vivre dans un Etat yougoslave unique, en

 15   déclarant que la constitution yougoslave allait continuer à être en vigueur

 16   dans ce territoire.

 17   Aussi, le 25 juin 1991, Goran Hadzic a été désigné pour devenir le

 18   président du gouvernement de la SBSO, donc son premier ministre ou le

 19   principal exécutif. Donc, il a été nommé à ce poste officiellement trois

 20   mois plus tard, le 25 septembre 1991, mais les moyens de preuve ont montré

 21   que en tant que premier ministre en exercice, Hadzic a bien avant pu

 22   exercer son pouvoir et cette autorité, bien avant sa nomination officielle

 23   du 25 septembre.

 24   Ce que nous voyons ici, c'est l'article 4 de la décision du 25 juin 1991,

 25   la décision sur la position du peuple serbe de la SBSO. Je viens d'en

 26   parler. 

 27   "Les citoyens, qui habitent le territoire de la Slavonie, Baranja et Srem

 28   occidental, ont les mêmes droits et les mêmes devoirs et les mêmes --


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  1   bénéficient de la même protection par rapport de leur Etat et autre organe

  2   de l'Etat quelque soit leur race, langage nationalité, religion …" et

  3   cetera.

  4   Monsieur le Président, ces moyens de preuve ont montré que ce n'était

  5   absolument pas vrai et c'est un -- c'est un fait tragique. Quelques mois

  6   après l'adoption de cette déclaration, certains citoyens ont réalisé que

  7   non seulement, ils n'étaient pas protégés par les organes officiels de la

  8   SBSO, mais qu'au contraire, ils étaient pris par cible de ce prétendu Etat

  9   du SBSO. Bientôt, la saison de chasse a été ouverte dans la Slavonie,

 10   Baranja et Srem occidental contre tous ceux qui n'étaient pas Serbes : les

 11   Croates, les Hongrois, les Slovaques qui habitaient la région étaient pris

 12   pour cible. On -- ils ont été persécutés, ils ont fait l'objet des

 13   violences, ils ont été chassés et tués en grand nombre au fur et à mesure

 14   que la SBSO était nettoyée de sa population non-serbe. Même les Serbes qui

 15   étaient contre la persécution de leurs voisins non-serbes ont été chassés.

 16   Les moyens de preuve ont montré qu'au cours des mois qui ont suivi le 25

 17   juin 1991, Goran Hadzic a utilisé sa position, a profité de sa position de

 18   dirigeant de ce territoire de Croatie tenu par les Serbes pour faciliter et

 19   encourager la persécution violente et la -- le déplacement par la force des

 20   Croates et autres non-serbes du territoire de la SBSO. C'était l'objectif

 21   de cette entreprise criminelle commune qui figure dans l'acte d'accusation.

 22   On va revenir sur cette carte. Ceci nous montre -- cette carte nous montre

 23   la localité de la SAO Krajina que j'ai mentionnée tout à l'heure. Et au --

 24   cela nous montre aussi la -- l'endroit où se trouve la SAO -- SBSO et donc

 25   à nouveau, en bleu, en fait les lignes en bleu nous montrent la situation

 26   officielle, en rouge la situation telle qu'elle était.

 27   Ce que je ne vous ai pas encore montré, c'était une troisième SAO, à savoir

 28   la SAO de la Slavonie occidentale qui se -- qui a été proclamée au mois


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  1   d'août 1991. Elle se trouve au milieu, au nord de la Croatie.

  2   Goran Hadzic n'a pas eu un rôle important dans la création de la SAO

  3   de la Slavonie occidentale, mais vous allez entendre des moyens de preuve

  4   concernant les événements qui se sont produits au cours de la deuxième

  5   moitié de 1991 et par la suite.

  6   Ces trois SAO ont existé de façon séparée en Croatie pour une période

  7   très limitée car, le 19 décembre 1991, la SAO Krajina qui, seulement neuf

  8   mois plus tôt, avait voté la scission de la Croatie et voulant joindre la

  9   Serbie maintenant se déclarait être un Etat parfaitement indépendant, à

 10   savoir la République des Serbes de Krajina, ou la RSK. Le 26 juillet 1992,

 11   les deux autres SAO que nous avons vues, à savoir la SBSO et la Slavonie

 12   occidentale se sont rejoints à la RSK et le même jour, à savoir le 26

 13   février 1992, Goran Hadzic est devenu le président de la république, le

 14   président de la République de la Krajina serbe. Il va rester à ce poste

 15   jusqu'à la fin de l'année 1993.

 16   La création des trois districts autonomes serbes à l'été de l'année 1991

 17   revendiquait un territoire en Croatie qui était censé être un territoire

 18   serbe autonome. Mais, à l'époque, tout le monde ne partageait pas la même

 19   vision de ce que la vie devait être à l'intérieur de ces SAO pour les

 20   personnes qui y vivaient, à la fois les Serbes et les non-Serbes, qui y

 21   vivaient. Les éléments de preuve montreront que, pour d'aucun, la création

 22   des districts autonomes serbes était une tentative aux fins de conserver

 23   l'identité serbe, la culture, et la langue serbe, telle que l'alphabet

 24   cyrillique, dans le cadre d'une nouvelle Croatie. Pour d'autres, cependant,

 25   cette vision des choses était bien différente, et beaucoup plus extrême.

 26   Pour eux, les SAO étaient essentiellement des territoires monoethnique dans

 27   lesquels il n'y aurait pas de place pour les non-Serbes. Pour réaliser

 28   cette vision des choses, des populations devaient être déplacées. Des


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  1   personnes devaient être chassées, d'autres devaient y être amenées. A

  2   terme, telle était la vision des choses qui a prévalu. Ce qui nous emmène à

  3   parler de l'objectif criminel commun de l'entreprise criminelle commune

  4   mise en accusation en l'espèce.

  5   Messieurs les Juges, les éléments de preuve montrent donc un groupe de

  6   personnes parmi lesquels l'accusé, Goran Hadzic, avait pour intention de

  7   rendre les SAO en Croatie monoethnique - et serbe - autant que possible.

  8   Ils savaient que pour réaliser cet objectif, les populations non-serbes

  9   devaient être déplacées et que ceci ne pouvait être fait que par la force

 10   et en rendant la vie si difficile et misérable pour ceux qui n'avaient pas

 11   encore été chassés par la force que ces personnes n'auraient pas d'autre

 12   choix que de partir.

 13   Les éléments de preuve montreront que pour ce qui est de Goran Hadzic, le

 14   centre de l'attention était sur le fait de garantir l'expulsion de la

 15   population non-serbe du territoire de la SAO SBSO pendant les mois d'août

 16   et jusqu'à décembre 1991 environ. Hadzic n'a cessé de contribuer à cet

 17   objectif sur l'ensemble du territoire de la République serbe de Krajina en

 18   sa qualité de président en 1992 et 1993. En raison des postes élevés qu'il

 19   occupait au sein de la direction serbe de Croatie et en raison de son

 20   association étroite avec les dirigeants de la République de Serbie, Hadzic

 21   a contribué de façons multiples en l'entreprise criminelle commune.

 22   Je souhaite maintenant vous indiquer quelques-unes de ces contributions.

 23   Puisque je reviendrai par la suite dans plus de détail à des événements

 24   spécifiques après le début du conflit.

 25   Tout d'abord, Hadzic est celui qui a formulé et mis en œuvre des politiques

 26   discriminatoires. Hadzic a créé et dirigé des instances gouvernementales

 27   qui ont formulé et mis en œuvre des politiques qui étaient discriminatoires

 28   à l'encontre des non-Serbes, en s'assurant que ces personnes soient


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  1   chassées de la région et ne puissent pas revenir. Des mesures

  2   discriminatoires ont été promulguées par les gouvernements sous l'autorité

  3   de Hadzic qui comprenait l'appropriation d'actifs appartenant à l'Etat

  4   croate ainsi que de biens privés "abandonnés," à savoir laissés par les

  5   personnes qui avaient quitté ces endroits et qui n'y vivaient plus, ce qui

  6   a permis à son gouvernement de se saisir des biens qui appartenaient aux

  7   non-Serbes. Sous son autorité, la RSK a promulgué des lois qui a permis la

  8   réinstallation des seules personnes qui disposaient d'un casier militaire

  9   vierge pendant la guerre et qui n'avaient pas collaboré avec l'ennemi. Des

 10   lois, qui étaient destinées à revoir la composition ethnique de la région

 11   et faire en sorte que la composition qui a prévalu avant la Deuxième Guerre

 12   mondiale et a promu le retour des Serbes qui avaient quitté la région, et a

 13   pris des décisions qui ont interdit aux citoyens serbes d'entrer sur le

 14   territoire de la RSK, ces mesures étaient discriminatoires et étaient

 15   désignées à s'assurer que les non-Serbes partent et que ceux qui étaient

 16   déjà partis ou qui avaient été chassés n'y puissent pas revenir.

 17   Hadzic était un coordinateur. Usant de sa position d'autorité, Goran Hadzic

 18   a contribué et coordonné et facilité les travaux des Serbes de la région et

 19   des milices avec les travaux des unités militaires arrivant de Serbie et

 20   s'est assuré que ses ministres du gouvernement fassent de même. Je vais

 21   parler des différentes forces serbes qui ont commis les nombreux crimes qui

 22   sont reprochés en l'espèce. Goran Hadzic était le dirigeant civil du

 23   gouvernement du SBSO, et plus tard de la République serbe de Krajina, et en

 24   ses qualités-là, il a servi de lien important entre l'autorité civile et

 25   les différentes forces armées serbes. Il a été complètement engagé dans des

 26   discussions militaires, dans la planification et l'opération aussi. Comme

 27   j'en parlerai plus tard, les éléments de preuve montreront que certaines

 28   forces serbes ou unités ainsi que leurs commandants militaires étaient


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  1   intégrés au sein du gouvernement civil de Hadzic.

  2   Goran Hadzic a fourni des matériels. Les éléments de preuve montreront que

  3   Goran Hadzic a contribué à l'entreprise criminelle commune en utilisant sa

  4   position pour garantir que les forces serbes qui intervenaient en Croatie

  5   disposaient des ressources, des matériels, et des armes dont elles avaient

  6   besoin pour prendre le contrôle du territoire qu'ils revendiquaient comme

  7   étant le territoire du SAO SBSO. Pour ce qui est du matériel, armes, et

  8   argent, le SBSO dépendait entièrement de la Serbie et du soutien

  9   indéfectible de ces dirigeants. Les éléments de preuve montreront que Goran

 10   Hadzic était souvent à Belgrade à rencontrer les dirigeants serbes et s'est

 11   assuré ou a fait en sorte de fournir les armes aux forces serbes qui

 12   intervenaient en SBSO. Il y avait quelques moyens disponibles dans la

 13   région, soit au moins des citoyens privés ou entre les mains de la

 14   République de Croatie, cela il se les a appropriés également et ils ont été

 15   utilisés à cette fin également.

 16   Hadzic est celui qui a mis en œuvre la politique serbe. Les voyages de

 17   Hadzic à Belgrade n'étaient pas seulement destinés à obtenir de l'argent et

 18   des armes. Il s'y rendait également pour recevoir des instructions et des

 19   recommandations pour consulter les hommes à des postes-clés au sein du

 20   gouvernement de Serbie qui non seulement partageait son objectif aux fins

 21   de créer un territoire ethniquement serbe en Croatie au moyen de la

 22   violence, mais ces hommes-là disposaient de l'argent et du pouvoir qui ont

 23   permis à ceci d'arriver.

 24   Hadzic avait besoin précisément d'eux parce qu'ils avaient l'argent, le

 25   pouvoir et savaient comment traduire ce plan dans la réalité. Eux avaient

 26   besoin d'Hadzic parce que c'était un Serbe de Croatie qui pouvait

 27   influencer ou contrôler pour garantir que leurs politiques en Croatie

 28   soient effectivement mises en œuvre. Tout d'abord, dans la SAO SBSO, et


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  1   ensuite en RSK, Goran Hadzic était l'homme de Milosevic sur le terrain en

  2   Croatie.

  3   Le président Milosevic et les dirigeants serbes avaient besoin de Hadzic

  4   non seulement pour mettre en œuvre leurs politiques sur le terrain en

  5   Croatie, mais également pour garantir que leurs politiques et décisions

  6   soient menées à bien dans le cadre des échanges avec la communauté

  7   internationale. Dès les premiers jours du conflit, Hadzic était le visage

  8   du SAO SBSO, et plus tard de la République serbe de Krajina, dans des

  9   réunions internationales et des négociations internationales à propos du

 10   conflit en Croatie.

 11   Les éléments de preuve montreront que, dès le mois de septembre 1991,

 12   Hadzic a participé aux négociations avec l'UE qui tentait de parvenir à un

 13   cessez-le-feu. L'ambassadeur néerlandais en France, Henry Wynaendts, a

 14   dirigé les négociations et a rencontré Hadzic dans la ville de Borovo Selo.

 15   Après avoir consulté Slobodan Milosevic, Hadzic a signé l'accord sur le

 16   cessez-le-feu pour le compte des Serbes de Croatie. Il s'agit d'un fait

 17   jugé, Messieurs les Juges.

 18   Le mois suivant, au mois d'octobre 1991, Hadzic s'est rendu ici à La Haye

 19   pour d'autres pourparlers, les Juges de la Chambre entendront des éléments

 20   de preuve là-dessus.

 21   Nous aimerions maintenant vous montrer une courte vidéo qui date du début

 22   de l'année 1993, peu de jours avant que Goran Hadzic ne se rende à New York

 23   pour des pourparlers sur le plan de paix Vance Owen. Il exprime son point

 24   de vue, il a dit que la seule solution consiste à avoir une frontière entre

 25   le peuple serbe et le peuple croate. Dans ces images, Goran Hadzic est

 26   accompagné de Mile Paspalj qui, à l'époque, était le président de

 27   l'assemblée de la RSK.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


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  1   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'elle ne dispose pas de la

  2   transcription de cet extrait vidéo. 

  3   M. STRINGER : [interprétation] La Chambre de première instance entendra des

  4   éléments de preuve sur de nombreuses réunions et de négociations que Goran

  5   Hadzic a eues avec des membres de la communauté internationale, entre 1991

  6   et 1993.

  7   Le rôle reconnu de Hadzic sur la scène internationale lui a sans aucun

  8   doute, donné une influence extraordinaire et lui a donné une véritable

  9   opportunité qui lui a permis de contribuer au rétablissement de l'ordre et

 10   à la prévention de crimes motivés pour des raisons ethniques. Les éléments

 11   de preuve montreront que, pendant ces nombreuses réunions et négociations,

 12   les membres de la communauté internationale l'ont régulièrement confronté

 13   avec ces allégations, ainsi que les éléments de preuve sur le nettoyage

 14   ethnique et l'expulsion des non-Serbes.

 15   Hadzic n'a pas usé de son influence pour empêcher ces crimes et n'a même

 16   pas tenté de le faire. Les éléments de preuve montreront qu'il n'avait

 17   aucun égard pour le sort des non-Serbes qui vivaient dans les régions

 18   contrôlées par des Serbes sous son autorité. Hadzic a participé directement

 19   aux crimes, Hadzic n'était pas seulement un spectateur qui a observé et a

 20   détourné les yeux lorsque les crimes se produisaient autour de lui. Les

 21   éléments de preuve montreront que Hadzic a participé directement et qu'il

 22   facilitait les crimes commis contre des non-Serbes. Avec d'autres membres

 23   de l'entreprise criminelle commune, il a planifié l'expulsion en masse des

 24   non-Serbes de la région placée sous son autorité, personnes envoyées sur un

 25   territoire contrôlé par les Serbes. Personnellement, il a ordonné la

 26   détention illégale de non-Serbes, et a remis en liberté des détenus qui

 27   étaient retenus par Arkan. Je parlerais plus en détail plus tard, du fait

 28   qu'après la chute de Vukovar, il s'est assuré personnellement qu'au moins


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  1   200 prisonniers croates restent dans la SAO SBSO et ne puissent -- ces

  2   personnes ne puisent pas partir en Serbie. Je vais en parler plus tard et

  3   dire ce qui est advenu de ces prisonniers.

  4   Hadzic a été celui qui a attisé ce climat de persécution et d'impunité.

  5   Pour finir, pendant toute la période couverte par l'acte d'accusation,

  6   Hadzic a régulièrement et publiquement proclamé que les Serbes, les Croates

  7   ne pouvaient pas vivre ensemble. Il a attisé un climat de persécution et de

  8   coercition qui a encouragé ou forcé, contraint les non-Serbes à partir. Il

  9   n'a rien dit lorsqu'il y a eu connaissance que certains crimes qui étaient

 10   orientés vers un nettoyage ethnique se produisaient, et que ces crimes se

 11   commettaient, ont été commis devant sa porte en créant un climat dans

 12   lequel ceux qui commettaient ces crimes étaient placés dans la zone

 13   relevant de son autorité. Il savait que ces personnes pouvaient agir en

 14   toute impunité, et ils ont été encouragés à commettre d'autres crimes.

 15   Les éléments de preuve montreront que par ces actes et omissions, Hadzic a

 16   contribué à l'objectif criminel qu'il partageait avec les autres membres de

 17   l'entreprise criminelle commune, à savoir l'expulsion violente des non-

 18   Serbes de la région de Croatie, perçue comme étant un territoire serbe.

 19   Les forces serbes, les éléments de preuve montreront que le seul

 20   travail a été fait par un certain nombre d'unités différentes militaires et

 21   organisations venant de Serbie. Pour certains, il s'agissait d'unités

 22   locales, pour d'autres, il s'agissait d'unités venant de Serbie. Parfois

 23   ces unités travaillaient séparément, parfois ces unités travaillaient

 24   ensemble. Mais, à tout moment, ces forces serbes, comme cela est défini au

 25   paragraphe 11 de l'acte d'accusation, remplissent l'objectif ou le travail

 26   qui était le leur, de débarrasser la SAO de la population non-serbe. Je

 27   souhaite maintenant brièvement vous parler de ces quelques forces serbes

 28   dont les Juges de la Chambre -- à propos desquelles les Juges de la Chambre


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  1   entendront des éléments de preuve. Après cela, je parlerais de certains

  2   individus, d'autres membres de l'entreprise criminelle commune qui étaient

  3   étroitement associés aux forces serbes.

  4   La JNA qui était l'armée population yougoslave était dès le départ

  5   l'armée de toute la Yougoslavie. Tel était son rôle en vertu de la

  6   constitution. Lorsque la Yougoslavie a commencé à se démanteler, néanmoins

  7   le rôle de la JNA a changé. Les éléments de preuve montreront qu'après que

  8   les Serbes en Croatie ont déclaré leur indépendance, la JNA a été

  9   progressivement transformée. A la mi-1991, les éléments de preuve

 10   montreront que la JNA était pour l'essentiel une armée serbe dont la

 11   mission était de protéger les Serbes à l'extérieur de la Serbie. Les

 12   éléments de preuve montreront que, pour la JNA, la protection des Serbes en

 13   Croatie signifiait qu'il fallait intervenir militairement pour se

 14   débarrasser des institutions autorisées et forces armées croates, et de

 15   régions majoritairement serbes. Mais rapidement cela est allé plus loin.

 16   Les éléments de preuve montreront que la JNA faisait partie des forces

 17   serbes qui ont participé directement au nettoyage de nombre très important

 18   de civils non-serbes sur l'ensemble de la SBSO, y compris des régions où il

 19   y avait des Croates, non pas des Serbes, qui étaient de loin le groupe

 20   ethnique le plus important. Le rôle joué par la JNA à Ilok que nous avons

 21   évoqué au début de nos arguments, il s'agit là d'un exemple de ceci

 22   précisément, la transformation de la JNA qui est passée d'une armée

 23   yougoslave et à une armée serbe qui a participé au nettoyage ethnique des

 24   non-Serbes en Croatie, a été mené par des membres de l'entreprise

 25   criminelle commune qui faisaient partie de la JNA, et des dirigeants

 26   serbes, tels que les généraux Kadijevic, Adzic, avec l'appui du président

 27   serbe, Slobodan Milosevic.

 28   La Garde des Volontaires serbes, la SDG était dirigé par Arkan,


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  1   Zeljko Raznjatovic. La SDG s'appelait également les Arkanovci ou les hommes

  2   d'Arkan, ou encore les Tigres d'Arkan. Arkan et la Garde des Volontaires

  3   serbes ont été envoyés à Dalj, par Jovica Stanisic, qui était le chef des

  4   services de Sûreté de l'Etat serbe. Les services de Sûreté de la Serbie et

  5   le ministère de la Défense ont continué à appuyer cette unité pour

  6   s'assurer qu'elle était correctement équipée en armes et munitions. Au mois

  7   d'août 1991, les hommes d'Arkan étaient installés au centre d'entraînement

  8   d'Erdut qui avait été mis à leur disposition par Goran Hadzic. Il s'agit du

  9   centre d'Entraînement où il y avait les hommes du Pap, où les familles

 10   Senasi ont été emmenées en novembre 1991, frappées et tuées, les familles

 11   Kalozi et Senasi. Le centre de formation se trouvait dans la même enceinte

 12   que le siège des bureaux du gouvernement d'Hadzic. Après 1991, les hommes

 13   d'Arkan se sont installés dans la région de Knin, en Krajina, dans la

 14   République serbe de Krajina, où ils se sont battus en 1992, avant de se

 15   déplacer vers le sud pour participer au conflit qui s'était étendu en

 16   Bosnie-Herzégovine.

 17   Les éléments de preuve montreront que les Serbes de la région, au

 18   sein de ces SAO en Croatie, se sont organisés en milice. Les forces de

 19   Défense territoriale, qu'ils ont participé à l'expulsion sur les non-Serbes

 20   des régions qu'ils contrôlaient. Ils ont travaillé en tandem avec les

 21   unités de la JNA qui ne venaient pas de la région. Ils ont participé à de

 22   nombreux crimes et expulsions. Le commandant de la Défense territoriale

 23   local et du SBSO n'était pas un homme de la région. Radovan Stojicic, connu

 24   sous le nom de Badza, a été envoyé de Serbie pour prendre le commandement

 25   de la Défense territoriale du SBSO.

 26   Plus tard, lorsque Hadzic était président de la République serbe de

 27   Krajina, les Unités de la TO du RSK ont été transformés en Unités de Police

 28   spéciale et ces Unités de Police spéciale ont joué un rôle clé lors de la


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  1   commission des crimes en 1992 et 1993 contre les non-Serbes.

  2   Le conseil national serbe était une unité spéciale de la police qui

  3   assurait la sécurité personnelle de Goran Hadzic ainsi que de son

  4   gouvernement, SBSO. Les éléments de preuve montreront que les membres du

  5   conseil national serbe ont commis de nombreux crimes et meurtres de non-

  6   Serbes en SBSO -- SBSO et ont fréquemment collaboré avec Arkan et ses

  7   hommes en ceci.

  8   Les forces serbes qui étaient actives et qui commettaient des crimes

  9   dans la SBSO en 1991 comprenaient également de nombreux volontaires qui

 10   avaient été envoyés de Serbie, différents partis politiques nationalistes

 11   en Serbie avaient entraîné des unités de volontaires et les avaient envoyés

 12   en Croatie. Parmi eux, Vojislav Seselj avait organisé ses propres

 13   volontaires, plus communément appelés Chetniks ou les hommes de Seselj.

 14   Seselj, qui est -- qui attend son jugement dans ce Tribunal, était le

 15   dirigeant du mouvement chetnik serbe, le parti radical serbe, le SRS.

 16   Seselj avait des vues extrémistes sur la séparation ethnique et le

 17   rétablissement d'une grande Serbie, ce qui comprenait des régions

 18   importantes en Croatie ainsi que d'autres régions en Bosnie-Herzégovine. Le

 19   ministre serbe de la Défense a grandement participé à l'organisation des

 20   volontaires ainsi qu'à leur entraînement, équipement et armement pour que

 21   ceci soit déployé en Croatie. La JNA a incorporé des volontaires de Serbie

 22   lors de ses opérations en Croatie.

 23   Les Bérets Rouges étaient une Unité spéciale, qui a été entraînée,

 24   financée, équipée et déployée par les services de sûreté de l'Etat, la DB.

 25   Cette unité a également participé aux crimes commis contre les non-Serbes.

 26   Cette unité était également connue sous le nom de -- des hommes de Frenki

 27   en raison de son commandant, un membre de l'entreprise criminelle commune,

 28   Franko Simatovic. Cette unité avait des bases à Tikves et Ilok et après --


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  1   et a pris part active en SBSO et dans d'autres régions de Croatie. Cette

  2   unité a participé à la prise de contrôle de Vukovar et a tué cinq non-

  3   Serbes à Grabovac qui est un des incidents qui est reproché au paragraphe

  4   37 de l'acte d'accusation en l'espèce.

  5   Messieurs les Juges de la Chambre, j'aimerais maintenant passer

  6   quelques instants pour décrire certains des membres de l'entreprise

  7   criminelle commune des plus importants qui sont identifiés dans l'acte

  8   d'accusation et quant à leur objectif criminel commun avec Goran Hadzic.

  9   Slobodan Milosevic était le président de la République de Serbie et

 10   l'homme le plus puissant de l'entreprise criminelle commune. Pendant les

 11   périodes couvertes en l'espèce, Milosevic contrôlait toutes les décisions

 12   des institutions du gouvernement serbe par ce poste. Il a été en mesure

 13   d'exercer son contrôle et d'influer sur les forces serbes, par exemple, le

 14   MUP et la JNA ce qui, selon toute probabilité, en faisait la personne la

 15   plus puissante de l'ex-Yougoslavie pendant la période couverte par l'acte

 16   d'accusation, 1990 à 1993. Cette domination est -- se fondait sur la

 17   manipulation des politiques nationalistes serbes, l'essentiel étant que les

 18   Serbes doivent vivre dans un territoire contrôlé par les Serbes. Il s'est

 19   entouré de partisans loyaux, Hadzic et d'autres membres de l'entreprise

 20   criminelle commune se sont ralliés autour de Milosevic, ont partagé aussi à

 21   son -- un sentiment nationaliste du -- de l'unité des Serbes et de la

 22   séparation ethnique.

 23   Jovica Stanisic était le chef du département de la Sûreté de l'Etat,

 24   le SDS, de la République de Serbie faisant du MUP serbe, le ministère des

 25   Affaires intérieures. Il était officiellement nommé à ce poste en décembre

 26   1991, mais il exerçait une compétence de facto quant à la département de la

 27   sûreté du territoire dans des mois qui précédaient sa nomination

 28   officielle. Franko Simatovic, alias Frenki, était son adjoint. Messieurs


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  1   les Juges, comme vous le savez, le procès de MM. Stanisic et Simatovic dans

  2   ce Tribunal en est à ses étapes finales.

  3   Stanisic et Simatovic contrôlaient et coordonnaient le fait d'armer,

  4   d'entraîner et de déployer les formations volontaires de la SBSO, de la SAO

  5   de Krajina et par la suite de la RSK qui comptait les Tigres d'Arkan et des

  6   Bérets Rouges.

  7   Au début de mes remarques, j'ai mentionné les personnes à Ilok qui

  8   avaient voté pour partir plutôt que de rester et l'implication de Goran

  9   Hadzic dans les pourparlers pour la réinstallation des Serbes en ces lieux.

 10   Les pourparlers se sont tenus dans la ville d'origine de Stanisic, de Backa

 11   Palanka, qui se trouve de l'autre côté du fleuve Danube, en face

 12   directement d'Ilok. Jovica Stanisic était présent avec Hadzic quand ceci a

 13   été débattu fin octobre ou début novembre 1991.

 14   Mihalj Kertes, un autre membre basé à Belgrade de l'entreprise

 15   criminelle commune, il était membre de la présidence serbe en 1989 et 1990,

 16   il a été président -- pardon, ministre fédéral adjoint pour les Affaires

 17   intérieures de la Serbie en 1992.

 18   Des éléments de preuve indiqueront que Kertes a fourni les armes, un

 19   appui logistique financier à la police spéciale serbe et aux unités

 20   paramilitaires opérant en Croatie. Son domaine de responsabilité comprenait

 21   la protection des intérêts des Serbes en dehors de la Serbie,

 22   particulièrement Slavonie et dans les Krajina. Kertes était associé

 23   étroitement avec Stanisic, Simatovic et Milosevic.

 24   J'ai mentionné Zeljko Raznjatovic, Arkan, qui était le commandant de

 25   la garde de volontaires serbes, également connus sous le nom de Tigres

 26   d'Arkan. Les éléments de preuve indiqueront qu'Arkan a été dépêché dans la

 27   SVSO par Jovica Stanisic qui, comme je l'ai dit, était à la tête de la

 28   sûreté de l'Etat serbe.


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  1   Arkan est l'un des membres principaux d'entreprise criminelle commune

  2   avec lequel Hadzic a collaboré en l'espèce.

  3   Arkan était un criminel connu, même avant 1991, était auteur notoire

  4   de crimes commis en l'espèce. Dès août 1991, le premier ministre désigné de

  5   la SBSO, Goran Hadzic, avait installé le gouvernement de la SAO SBSO dans

  6   une installation où de vins -- de fabrication de vin à Erdut. Nombre -- à

  7   l'intérieur de cette enceinte se trouvait le centre d'Entraînement d'Arkan

  8   dont j'ai déjà parlé, nombre de prisonniers y ont été emmenés pour des

  9   interrogatoires et roués de coups avant d'être tués.

 10   Ainsi que je l'ai indiqué, le conflit s'est propagé de Bosnie-

 11   Herzégovine à Croatie, Arkan et son unité s'y trouvait également. Il a été

 12   mis en accusation par ce Tribunal, mais il n'a jamais été jugé. Il a été

 13   assassiné à Belgrade en janvier 2000.

 14   Arkan et ses hommes ont également pris part aux actions communes avec la

 15   JNA dans toute la SBSO. Le général Andrija Biorcevic de la JNA était

 16   commandant du 12e Corps de Novi Sad de la JNA en novembre 1991, et cette

 17   unité a directement participé aux opérations de la JNA, et en faisait

 18   partie dans la SBSO. Nous allons passer un extrait vidéo qui a été tourné

 19   en 1992 où Biorcevic s'exprime. Et après avoir parlé de la destruction de

 20   Vukovar, sujet que nous arriverons dans quelques instants, Biorcevic a

 21   félicité Arkan et les tactiques employées dans les opérations communes.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas saisie de la version française.

 24   M. STRINGER : [interprétation] Messieurs les Juges, l'autre personne que

 25   l'on voit de l'autre côté de la femme qu'on vient de voir est Arkan. Nous

 26   avons davantage d'images de cette personne par la suite.

 27   Dans cette vidéo, le général Biorcevic décrit le rôle d'ensemble qu'a

 28   rempli la JNA pendant ses opérations en SBSO. Avec ses capacités militaires


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  1   supérieures, la JNA allait attaquer d'abord et briser l'échine de la

  2   défense des villes visées ou des villages ou les encercler. Et puis elle se

  3   reculerait alors que les unités telle que celle des hommes d'Arkan, la TO

  4   locale ou les volontaires prendraient leur place pour faire le ratissage.

  5   Ceci nous en dit long sur la façon dont les forces serbes individuelles

  6   oeuvraient ensemble.

  7   Mais Arkan ne s'est pas contenté de tuer les soldats ennemis qui refusaient

  8   de se rendre. Dans cette vidéo, un entretien d'Arkan donné en anglais en

  9   fin 1991, sans doute en septembre, devant la télévision française, Arkan y

 10   décrit sa politique sur le traitement des prisonniers dans son ensemble.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 13   "Ne soyez pas timides.

 14   Nous ne prenons pas de prisonniers. Nous allons tuer tout soldat

 15   fasciste que nous attrapons. Nous ne prenons plus de prisonniers, nous

 16   allons les tuer, les fascistes. Pas de prisonniers, pas de prisonniers.

 17   Pour la bonne raison qu'ils ont pris deux prisonniers, nos prisonniers.

 18   Cela fait 19 ans -- c'est-à-dire un soldat de 19 ans qui a été capturé par

 19   l'armée croate fasciste les Oustashi, et il a été torturé à mort. Nous ne

 20   pouvons oublier le passé quand 33 membres de ma famille ont été tués dans

 21   la Deuxième Guerre mondiale, torturés comme mon soldat, ainsi."

 22   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 23   M. STRINGER : [interprétation] Les éléments de preuve indiqueront que

 24   lorsque Arkan a déclaré qu'il ne prenait pas de prisonniers, c'est-à-dire

 25   qu'il ne prend pas de prisonniers, ce n'était pas uniquement un soldat

 26   bravache pour les caméras. Il disait la vérité. Et ce n'était pas

 27   uniquement limité aux soldats croates. Arkan ne faisait pas de distinguo

 28   entre les soldats, les prisonniers, les civils. Tous étaient traités de la


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  1   même façon. La seule distinction qu'il a opérée était entre les Serbes et

  2   les non-Serbes.

  3   Cette diapositive suivante provient d'un rapport de la JNA concernant le

  4   programme d'entraînement d'Arkan. C'est un rapport du 25 octobre 1991 :

  5   "Par le processus d'entraînement de chaque volontaire, ils apprennent,

  6   lorsqu'ils effectuent une descente dans une maison croate, de tuer tout ce

  7   qu'ils se trouvent dans la maison, que ce soit des enfants, des personnes

  8   âgées frêles, des femmes ou autres. Ils sont entraînés à ouvrir le feu de

  9   gauche à droite pour procéder à ces meurtres."

 10   Les éléments de preuve indiqueront qu'après qu'Arkan soit arrivé à Erdut en

 11   août 1991, il s'est associé étroitement avec Hadzic. Ils étaient

 12   fréquemment ensemble.

 13   Voici une photo prise tirée d'une vidéo du début novembre 1991 lors de

 14   l'enterrement du général Mladen Bratic. Il avait été le commandant du 12e

 15   Corps de Novi Sad de la JNA. Il a été tué à Vukovar dans les opérations.

 16   L'incident visé au paragraphe 24 de l'acte d'accusation est un exemple de

 17   la collaboration étroite, la collaboration criminelle entre Hadzic et

 18   Arkan.

 19   Les éléments de preuve indiqueront que le 21 septembre 1991, Hadzic et

 20   Arkan ensemble, accompagnés de 20 hommes d'Arkan, se sont rendus au poste

 21   de police de Dalj où un groupe de prisonniers était retenu. Hadzic avait

 22   ordonné que ces prisonniers soient amenés au siège de la police une semaine

 23   plus tôt sous prétexte qu'ils devaient y être jugés. Hadzic et Arkan ont

 24   relâché deux de ces hommes. Onze autres ont été emmenés par Arkan. Nous

 25   connaissons sa politique concernant les prisonniers. Ils ont été exécutés.

 26   En 1998, les dépouilles de neuf de ces 11 prisonniers ont été exhumés dans

 27   le village de Celije et d'un puits à Dalj.

 28   Un autre membre de l'entreprise criminelle commune en l'espèce était


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  1   Radovan Stojicic, alias Badza. Tout comme Arkan, il n'était pas local mais

  2   venait de Serbie, où il avait été responsable de haut niveau du MUP de

  3   Serbie ou du ministère de l'Intérieur. Il est arrivé à Erdut vers août 1991

  4   et a pris le commandement de la Défense territoriale locale, des unités de

  5   Défense territoriale. Les éléments de preuve indiqueront qu'il était en

  6   contact régulier avec Hadzic et Arkan. En outre, Stojicic était en contact

  7   fréquent, quasiment quotidien, avec le commandement du Corps de Novi Sad de

  8   la JNA, et a coordonné des actions communes de la JNA avec l'unité de TO

  9   qu'il commandait.

 10   En outre, Stojicic, Badza, a assisté à certaines réunions de la SAO SBSO du

 11   gouvernement, et a informé ses membres de la situation militaire sur le

 12   terrain.

 13   Milan Martic était un agent de police de Knin qui était le chef de la

 14   police. Pendant 1991, il a été nommé à différents postes de haut rang dans

 15   la SAO de Krajina, par exemple, secrétaire des affaires internes, ministre

 16   de la Défense, ministre de l'Intérieur. En août de la même année, 1991, il

 17   a également été nommé commandant adjoint de la TO de la SAO de Krajina.

 18   Après que la SAO SBSO et la Slavonie occidentale se soient unies à la RSK

 19   en février 1992, Martic a tenu le poste de ministre de l'Intérieur alors

 20   que Goran Hadzic était président de la RSK. Martic était chargé de la

 21   police qui comprenait non seulement les unités de police régulière mais

 22   également des milices de police spéciale hautement armées qui ont pris part

 23   à un nombre de crimes commis contre des non-Serbes en 1992/1993.

 24   En 1994, M. Martic est devenu président de la RSK. En se fondant en partie

 25   sur son rôle dans les crimes commis contre des non-Serbes dans la SAO de

 26   Krajina et la RSK, Milan Martic a été mis en accusation par le Tribunal en

 27   2003. En 2008, il a été déclaré coupable et condamné à une peine de 35 ans

 28   de prison.


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  1   Même s'il n'est pas identifié en qualité de membre de l'entreprise

  2   criminelle commune dans l'acte d'accusation, j'aimerais mentionner Stevo

  3   Bogic, alias Jajo. Bogic était un Serbe de Vukovar, nommé par Hadzic, à la

  4   tête d'une unité appelée la Sûreté nationale serbe ou SNB. La SNB est dans

  5   les forces serbes qui sont identifiées au paragraphe 11 de l'acte

  6   d'accusation. La SNB était une unité de police spéciale qui assurait la

  7   sécurité personnelle de Goran Hadzic et de son gouvernement de la SBSO.

  8   Stevo Bogic, son bureau se situait au centre dans les caves vinicoles

  9   d'Erdut, à quelque 10 mètres du bureau de Goran Hadzic. Il relevait

 10   directement de Hadzic. Les éléments de preuve indiqueront que les membres

 11   de la SNB ont commis nombre de crimes et meurtres de non-Serbes en SBSO, et

 12   ont fréquemment collaboré avec Arkan et ses hommes. Bogic a remis aux

 13   hommes d'Arkan des cartes d'identité de SNB pour garantir leur libre

 14   circulation dans le secteur. Bogic était également ministre du gouvernement

 15   de la SBSO et par la suite a été ministre dans le gouvernement de la RSK.

 16   Messieurs les Juges, je noterai également que le centre d'entraînement

 17   d'Arkan et Arkan se trouvaient matériellement au même site que le

 18   gouvernement de Hadzic de la SBSO, et Stevo Bogic et la SNB étaient à

 19   quelques pas, et Radovan Stojicic informait le gouvernement de la SBSO de

 20   Hadzic des actions des différentes unités militaires de la JNA et de la TO.

 21   Hadzic s'était ainsi assuré que les structures du gouvernement civil de la

 22   SBSO seraient intégrées profondément dans les structures militaires y

 23   opérant.

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous venons de décrire la

 25   constitution des Régions autonomes serbes en Croatie, ainsi que le but

 26   criminel commun de l'entreprise criminelle commune et la contribution

 27   d'Hadzic à celle-ci, ainsi que certaines des forces serbes importantes

 28   ainsi que d'autres membres l'entreprise criminelle commune.


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  1   Je voudrais maintenant parler du conflit armé et des divers crimes que la

  2   Chambre de première instance entendra dans le cadre de ce procès.

  3   Les éléments de preuve indiqueront que le conflit armé a commencé durant la

  4   période allant de la fin mars au début du mois de mai 1991, lorsque les

  5   unités du MUP serbe qui venaient d'être créées ou de la police ont eu des

  6   affrontements avec leurs homologues du côté croate.

  7   Un conflit important a eu lieu le 31 mars 1991 dans un endroit appelé

  8   Plitvice en Croatie centrale.

  9   Vous voyez ici une carte de la Croatie avec le Parc national de Plitvice.

 10   Des centaines de membres du MUP croate armés sont arrivés dans la zone pour

 11   rétablir le contrôle croate là-bas. C'est parce que le parc national se

 12   trouvait sur le territoire de ce qui avait été déclaré comme étant la SAO

 13   de la Krajina. Le personnel croate MUP a rencontré des unités de polices

 14   armées de la SAO de la Krajina. La JNA est également présente, elle est

 15   intervenue. Un cessez-le-feu a été conclu. Plusieurs membres de la police

 16   ont été blessés durant cet incident.

 17   Les éléments de preuve indiqueront qu'au moment de l'incident à Plitvice,

 18   Goran Hadzic était un des dirigeants du SDS pour les zones de Knin et de

 19   Vukovar. Lui ainsi que d'autres membres des dirigeants SDS s'étaient rendus

 20   à un congrès à Benkovac, une ville au sud du Parc national de Plitvice à

 21   proximité de la région de Knin. Alors qu'ils se rendaient dans la zone de

 22   Vukovar, Hadzic et un autre dirigeant politique serbe, Borivoje Savic, ont

 23   été arrêtés par les autorités croates, et détenus. Hadzic a été battu, a

 24   été maltraité alors qu'il était détenu par les autorités croates. Il a été

 25   libéré plusieurs jours après cela.

 26   Les éléments de preuve montreront qu'après son arrestation et ces mauvais

 27   traitements à Plitvice, Hadzic est devenu plus extrême dans ses activités

 28   politiques et ses opinions en ce qui concerne les Serbes et les Croates en


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  1   Croatie. S'il y avait eu deux visions des SAO en Croatie, c'est-à-dire

  2   préserver la culture et l'identité serbe au sein de la Croatie, d'une part,

  3   et d'autre part une séparation complète et la constitution d'un territoire

  4   ethniquement serbe et autonome en Croatie, Hadzic préconisait la deuxième

  5   solution après les incidents de Plitvice. Son orientation a changé et a

  6   favorisé Belgrade, dès juin 1991, Hadzic allait informer ses collègues les

  7   plus modérés au sein du SDS que lui allait partir en guerre.

  8   Les éléments de preuve indiqueront que Goran Hadzic était d'avis que les

  9   Serbes et les Croates ne pouvaient pas coexister. Il ne s'agissait pas de

 10   son opinion uniquement personnelle. Ceci allait devenir la politique de son

 11   gouvernement. Les Croates allaient être chassés et on ne leur permettrait

 12   pas de revenir.

 13   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je peux peut-être parler d'un

 14   autre incident, et ensuite je pense que nous pourrons faire la pause.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] D'accord.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Après Plitvice, un conflit armé important

 17   entre les Croates et les Serbes s'est produit à Borovo Selo, une ville

 18   serbe, située à proximité de Vukovar.

 19   Sur cette carte, nous voyons Borovo Selo qui est en Slavonie orientale.

 20   Avec le curseur, je vais vous montrer donc où se trouve Vukovar, et vous

 21   voyez la ville de Borovo. Et là, vous voyez Dalj. Et là, se trouve Erdut.

 22   Dès le mois de mai 1991, les Serbes de Borovo Selo, à l'instar de Serbes

 23   dans de nombreuses autres localités, avaient constitué des barrages pour

 24   isoler la ville et pour empêcher le personnel croate d'entrer. Quand je

 25   parle de personnel croate, je parle par exemple de forces de police.

 26   Le 2 mai 1991, les autorités croates avaient envoyé cinq bus d'officiers de

 27   police croate à Borovo Selo. Ceci était suite à l'arrestation de deux

 28   officiers de police croate la veille au soir. Le résultat a été une


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  1   bataille entre la police croate d'une part, et des Serbes du cru avec des

  2   volontaires du Parti radical serbe, le SRS, c'est-à-dire les volontaires et

  3   les supporteurs de Seselj. Douze officiers de police croate et trois Serbes

  4   ont été tués, et d'autres ont été donc blessés durant ces incidents du 2

  5   mai 1991.

  6   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je pense que c'est le bon

  7   moment de faire la pause, étant donné qu'il est environ 10 heures 30.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Procureur.

  9   Nous allons donc faire notre première pause, et nous reviendrons à 11

 10   heures.

 11   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 12   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur

 14   Stringer.

 15   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avant la pause, nous avons

 17   décrit l'incident de Plitvice en mars 1991 puis l'incident à Borovo Selo au

 18   début de mois de mai 1991. Maintenant, j'aimerais passer au mois d'août

 19   1991.

 20   Le conflit a continué de redoubler d'intensité durant les mois d'été 1991.

 21   En juin, en juillet et en août 1991 de cette année, donc les forces de la

 22   JNA ont commencé à bombarder de manière sporadique certaines parties de

 23   Vukovar avec une intensité encore plus importante au fur et à mesure que

 24   les mois d'été se sont écoulés.

 25   Le 1er août 1991, la ville Dalj a été prise par les Serbes locaux et

 26   par la JNA qui, ce jour-là, avaient traversé la frontière en provenant de

 27   Serbie et avaient déployé des armes lourdes en grand nombre dans la zone.

 28   Cinquante chars de la JNA se trouvaient dans la zone d'Erdut et de Dalj. On


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  1   bombardait Erdut au fur et à mesure qu'ils entraient dans cette zone. Les

  2   éléments de preuve monteront qu'un char de la JNA a ouvert le feu sur la

  3   police de -- station de police de Dalj et le bâtiment et a été détruit --

  4   détruit et un certain nombre de policiers croates ont été tués.

  5   Cette carte montre où se trouve à la ville de Dalj, c'est-à-dire un

  6   peu plus au nord par rapport à Vukovar, juste en dessous d'Erdut, sur le

  7   Danube.

  8   Vous voyez donc Vukovar au sud, Erdut au nord où toutes ces localités

  9   se trouvent le long du Danube.

 10   Les Juges de la Chambre entendront des éléments de preuve montrant

 11   que Hadzic était présent avec la JNA au poste de police de Dalj, le 1er

 12   août après la prise de la ville.

 13   Une fois que les forces serbes ont capture Dalj, ils avaient donc une

 14   base à l'intérieur de la Croatie à partir de laquelle ils ont pu exercer

 15   leur contrôle politique et militaire sur tous les tirs -- le territoire qui

 16   avait été déclaré comme étant la SAO de SBSO. A la fin du mois d'août 1991,

 17   la JNA et d'autres forces serbes avaient conquis la totalité du district de

 18   Baranja au nord de Dalj, donc c'est cette zone que je montre à l'écran sur

 19   la carte. Même si cette zone comportait une population relativement limitée

 20   de Serbes, à savoir environ 20 ou 25 %.

 21   Durant les mois de septembre et d'octobre 1991, les forces serbes et

 22   principalement la JNA ont pris le contrôle de villes dans la région du Srem

 23   occidental, au sud et à l'est de Vukovar, c'est-à-dire Ilok, Sarengrad,

 24   Bapska, Lovas et Tovarnik. Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 25   cette carte vous montre les zones que représentaient ces villes et avec le

 26   curseur, je vous montre donc Ilok qui est à -- tout à fait à l'est du Srem

 27   occidental. Vous avez Sarengrad, ensuite Lovas, plus à l'ouest c'est là où

 28   il y a eu l'incident du champ de mines - et puis vous avez Bapska et voilà


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  1   Tovarnik.

  2   Comme vous pouvez le voir sur cette carte la prise de contrôle du Srem

  3   occidental a permis de garantir le contrôle des confins est de la SBSO le

  4   long du Danube, ce qui a en fait éliminé la frontière croate qui séparait

  5   la SBSO de son Etat sponsor, c'est-à-dire la Serbie.

  6   Le schéma en -- dans la Région du Srem occidental était de combiner des

  7   attaques par le biais de bombardements avec des ultimatums à l'intention

  8   des résidents locaux. Tout d'abord, je voudrais parler de la localité de

  9   Bapska.

 10   A la fin du mois de septembre 1991, alors que la JNA et d'autres forces

 11   serbes avaient pris le contrôle de la région du Srem occidental, les

 12   résidents de Bapska, comme pratiquement tous les autres croates de la

 13   région étaient soit en fuite, soit en train de négocier des modalités pour

 14   pouvoir rester dans la -- dans la zone de négociation qui se faisait avec

 15   les forces serbes. A Bapska, les négociations se tenaient entre le

 16   président de la commune locale et le commandant de la JNA. Le JNA -- Le

 17   commandant de la JNA avait donné un ultimatum aux habitants de Bapska qui,

 18   bien qu'ayant fait montre d'une attitude pacifique, devaient avant 16

 19   heures le 28 septembre rendre toutes les armes qu'ils possédaient la JNA.

 20   Vous voyez ici le document de la liste 65 ter 00418 [comme interprété]. Il

 21   s'agit du document qui a été délivré ce jour-là, cet ultimatum donc. Et

 22   comme vous voyez au point 2, il est mentionné :

 23   "Si vous n'obtempérez pas avant ce -- cette date butoir, votre village sera

 24   rayé de la carte."

 25   De nombreux habitants de Bapska se sont enfuis en direction de Ilok où il y

 26   avait déjà des habitants des villes de Tovarnik, de Lovas et de Sarengrad

 27   qui s'étaient déjà enfuis en direction d'Ilok parce qu'ils avaient été

 28   menacés et attaqués par les forces serbes. Ilok est l'endroit que j'ai


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  1   mentionné dans mes propos introductifs. C'est l'endroit où les conditions

  2   étaient tellement piètres qu'un référendum s'était tenu le 13 octobre 1991

  3   et la décision avait été de quitter la ville.

  4   En quittant Ilok, les forces serbes avaient quasiment complètement vidé le

  5   Srem occidental de ses habitants non-serbes. Ils avaient en fait poussé

  6   systématiquement vers l'est en direction d'Ilok ses populations, c'est-à-

  7   dire vers le Danube et vers la frontière serbe. Et maintenant, ils

  8   s'étaient enfuis.

  9   Nous nous trouvons maintenant à la mi-octobre 1991. Avant de continuer, je

 10   voudrais me concentrer pour quelques instants sur Goran Hadzic et son

 11   niveau de participation et de connaissance des événements que j'ai décrits

 12   jusqu'à présent.

 13   Dans le premier clip vidéo que nous avons visionné, nous avons vu

 14   Goran Hadzic qui se rendait à New York en 1993 pour des négociations. Cette

 15   vidéo a été prise à Erdut. Il porte un uniforme et semble porter une arme

 16   de poing. Il décrit les évolutions militaires et les événements qui ont eu

 17   lieu dans toute la SBSO. Il parle de la libération du Srebrenica

 18   occidental, des événements à Ilok et de la bataille qui continue à faire

 19   rage pour Vukovar et ceci nous montre que cet entretien a eu lieu aux

 20   environs de la mi-octobre 1991.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Nous passons vers la Slavonie et le Srem occidental.

 24   Un peu plus tôt, nous avons demandé à Goran Hadzic, le président de la

 25   région de la SBSO, de répondre à des questions.

 26   Monsieur Hadzic, dans quelles mesures y a-t-il vraiment des combats

 27   prononcés dans cette zone de guerre et quelles sont les perspectives de

 28   cette guerre ?'


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  1   Goran Hadzic répond : 'Il y a des combats intenses. La première action,

  2   c'est-à-dire la libération du Srem occidental, est à un stade final. Comme

  3   je l'ai dit, il y a des combats qui sont encore en cours pour Vukovar. On

  4   pourrait dire que nos unités contrôlent environ 50 % de la ville. Nous

  5   avons garanti certaines positions et nous -- l'action de nettoyage des

  6   villages oustachis a commencé au cours des deux derniers jours et suite au

  7   nettoyage de la -- de Sid-Vinkovci, vous avez des villages oustachis qui

  8   ont fait l'objet des nettoyages, tels que, par exemple, Bogdanovic et

  9   certains autres villages par là-bas. A Ilok, il y en a qui se rendent alors

 10   que des -- des flans extrêmes de résistance refusent de se rendre.'

 11   Le journaliste dit : 'Il y a l'armée territoriale, les défenseurs des

 12   villages et la JNA qui vont lancer une offensive importante. Il y a

 13   également des plaintes en ce qui concerne des activités de guerre

 14   importantes.'

 15   Goran Hadzic répond : 'Il y a des plaintes et je dois dire qu'elles sont

 16   relativement justifiées compte tenu de l'attitude et des possibilités.

 17   Notre objectif de -- n'est pas à -- de tuer en masse les Croates, mais de

 18   punir certaines personnes qui sont en leur sein. Ceci signifie que nous

 19   avons essayé tout ce que nous pouvions par des biais démocratiques et par

 20   d'autres moyens pacifiques pour éviter cela. Cependant, les Oustachis

 21   continuent de faire fi des signatures qui ont été apposées sur les accords

 22   et à l'issue de négociations. Je ne leur fais pas confiance. Ceci est

 23   clair. On ne peut pas négocier avec eux. La situation doit être résolue de

 24   manière militaire. Le communiqué du commandement suprême parle dans ce

 25   sens, mais nous devons être conscients que l'armée ne peut pas mener ceci

 26   sans l'aide des populations. Par conséquent, nous aurons besoin d'une

 27   action coordonnée, une action coordonnée réelle entre les populations et

 28   l'armée.'"


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  1   Fin de lecture du compte rendu de la transcription en anglais, mais les

  2   interprètes de cabine française n'ont pas reçu l'équivalent en français.

  3   Reprise des débats.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Donc, qu'est-ce que cela nous dit ? Cela

  5   nous dit que Goran Hadzic avait pleinement connaissance d'un nettoyage par

  6   la JNA des villes de Srem occidentale, à savoir Tovarnik, Bapska, et Lovas.

  7   Il savait également que "nos unités," comme ils les appellent, passaient

  8   d'une maison à l'autre à Vukovar et "nettoyaient" les villages oustachis,

  9   comme il l'a décrit, dans la région des environs de Vukovar.

 10   Comme vous n'êtes pas sans le savoir, Monsieur le Président, Messieurs les

 11   Juges, ce terme "d'Oustacha" est un terme qui est associé à l'Etat

 12   indépendant de Croatie durant la Deuxième Guerre mondiale. Il s'agit d'un

 13   régime fasciste qui exterminait un nombre important de Serbes et des Juifs

 14   qui étaient associés à l'Allemagne nazi. En parlant des Croates et en

 15   utilisant le terme "d'Oustachi," ceci permettait en fait d'attiser la peur

 16   parmi ceux qui étaient les propos d'Hadzic. Les éléments de preuve

 17   montreront que Hadzic utilisait souvent le terme "d'Oustachi," en parlant

 18   de tous les Croates ici, il parle de "villages oustachi." Ceci n'a pas

 19   uniquement contribué à attiser la peur et à encourager les divisions mais

 20   également à démoniser [comme interprété] la population croate, ce qui

 21   laissait penser que l'on pouvait tout à fait les prendre pour cible.

 22   Cette vidéo nous montre également que Hadzic était au courant des

 23   négociations qui avaient eues entre les Croates et la JNA, négociations qui

 24   avaient lieu plus loin à Ilok, et a dit qu'il serait directement impliqué

 25   dans ces pourparlers à ce sujet. Hadzic était au courant des plaintes

 26   concernant les activités de guerre intense telles que c'est ainsi qu'elles

 27   sont décrites de combattants serbes locaux, organisées par les unités de la

 28   Défense territoriale et la JNA, mais en fait il a déclaré que ces plaintes


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  1   étaient "relativement justifiées." Hadzic disait que "nous devons avoir une

  2   action coordonnée entre les populations et l'armée."

  3   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai dit précédemment que les

  4   éléments de preuve montreraient que Goran Hadzic assurait le rôle de

  5   coordinateur, et il nous dit précisément dans cette vidéo. Sa contribution

  6   consistait à garantir une étroite coordination entre, comme il l'a dit, les

  7   populations d'une part et l'armée d'autre part.

  8   Jusqu'à présent dans nos plaidoyers, Monsieur le Président, j'ai parlé de

  9   plusieurs cas d'extermination et de meurtres tels que visés aux paragraphes

 10   23 à 38 de l'acte d'accusation, il s'agit des chefs 2 à 4. Je n'ai pas

 11   suffisamment de temps pour évoquer en détail chacun de ces incidents. Mais

 12   je voudrais tout de même les mentionner à présent. Puisque vu dans leur

 13   ensemble ceci nous montre le caractère systématique et à grande échelle de

 14   ces attaques dont les victimes étaient non-Serbes et qui se sont déroulées

 15   partout dans la région.

 16   J'ai déjà mentionné la date du 21 septembre 1991, où nous avons un incident

 17   au cours duquel Hadzic et Arkan se sont rendus au poste de police de Dalj.

 18   Onze détenus non-serbes ont été emmenés par Arkan et tués. La plupart des

 19   corps ont été plus tard exhumés de Celije. Cet incident est visé dans le

 20   paragraphe 24 de l'acte d'accusation.

 21   A peu près deux semaines plus tard, la nuit du 4 octobre, Arkan et ses

 22   hommes avec d'autres membres de la TO de la SBSO retournent au poste de

 23   police, interrogent et tuent à peu près 28 détenus non-serbes de Baranja

 24   qui avaient été emmenés dans ce poste par la police spéciale serbe quelques

 25   jours plus tard. Arkan et les autres auteurs de ces crimes ont ensuite jeté

 26   les corps des victimes dans la rivière de Danube. Quand les résidents du

 27   cru de Dalj donc ce sont plaints en disant que même les enfants pouvaient

 28   voir ces corps qui flottaient dans la rivière, Arkan a admis publiquement


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  1   avoir pris part aux meurtres et a promis que la prochaine fois il allait

  2   enterrer les corps des victime.

  3   C'est quelque chose qui se trouve au paragraphe 25 de l'acte d'accusation.

  4   Octobre 18 c'est la date de l'incident du champ de mines de Lovas. J'en ai

  5   parlé tout à l'heure dans mon discours. Cet incident est reproché au

  6   paragraphe 26 de l'acte d'accusation.

  7   Le 9 novembre 1991, nous avons décrit l'arrestation et les meurtres des

  8   hommes de Pap, Kalozi, et Senasi, ainsi que le meurtre qui s'en ait suivi,

  9   à savoir le meurtre de Juliana Pap, de son fils, et de Natalija Rakin après

 10   que Juliana Pap est partie à la recherche des membres de sa famille portés

 11   disparus. C'est quelque chose qui est reproché aux paragraphes 27 et 28 de

 12   l'acte d'accusation.

 13   Le 11 novembre 1991, les hommes d'Arkan sont arrivés dans le village de

 14   Klisa, à l'est de Dalj, ils ont arrêté sept employés non-serbes de

 15   l'entreprise IPK Dalj donc c'est une entreprise d'agriculture de la région.

 16   Les employés se sont rassemblés là-bas pour recevoir leurs soldes. Après

 17   avoir passé toute une nuit à être interrogés avec violence, les hommes

 18   d'Arkan les ont emmenés au centre de formation à Erdut. Deux d'entre eux

 19   ont été libérés mais cinq exécutés Un autre employé s'est plaint auprès de

 20   Goran Hadzic à cause de ces arrestations et l'accusé a répondu que cela ne

 21   le concernait pas et il avait refusé d'en parler. C'est quelque chose qui

 22   figure au paragraphe 29 de l'acte d'accusation.

 23   Monsieur le Président, j'ai parlé déjà à plusieurs reprises de ce centre de

 24   Formation d'Erdut et du fait qu'il se trouvait près du bureau de Goran

 25   Hadzic. C'était sans doute le centre de commandement pour les crimes commis

 26   contre la population non-serbe du cru.

 27   Le 10 décembre 1991, en plus des incidents que je viens de décrire, le 10

 28   décembre, la police locale et la TO, avec les hommes d'Arkan, ont arrêté


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  1   cinq personnes non-serbes d'Erdut, ils les ont emmenés au centre de

  2   Formation et ensuite ils les ont exécuté là-bas. C'est quelque chose qui

  3   figure au paragraphe 34 de l'acte d'accusation.

  4   Ce scénario a été réitéré avec un triste ressemblance le 26 décembre 1991

  5   et ceci concernait sept Hongrois et Croates. Et c'est décrit au paragraphe

  6   35 de l'acte d'accusation.

  7   Ensuite, à nouveau le 21 février 1992, quatre membres de la famille Albert,

  8   Djuro, Helena, Viktorija, et leur belle-mère Ana Terzic, âgée de 76 ans,

  9   ont été tués après avoir été emmenés au centre de formation d'Erdut. C'est

 10   quelque chose qui figure au paragraphe 36 de l'acte d'accusation.

 11   Le 4 mai 1992, dans le petit village de Grabovac dans la Région de Baranja

 12   de la SBSO, les membres des Bérets rouges ont arrêté cinq Croates et

 13   Hongrois, des civils, dont deux femmes, Ruza Grofec et Andja Vlahovic, et

 14   ils les ont tuées. Leurs corps ont été retrouvés dans le parc de Tikves à

 15   Beli Manastir près de l'endroit où étaient stationnés les Bérets rouges.

 16   Ceci se trouve au paragraphe 37 de l'acte d'accusation.

 17   Et puis, vous allez vous rappeler qu'au début de ma présentation j'ai parlé

 18   de la date du 9 novembre 1991 de l'incident qui s'est produit, à ce moment-

 19   là, au cours duquel un certain nombre d'hommes de Pap, Kalozi et Senasi ont

 20   été arrêtés et tués. Le 3 juin 1992, Marija Senasi, l'épouse, mère, et

 21   belle-mère des trois de ces victimes tuées plus tôt au mois de novembre

 22   1991, a été tuée par les membres de l'Unité de Sécurité de Goran Hadzic, la

 23   SNB, qui travaillait de concert avec les hommes d'Arkan. Elle s'était

 24   rendue coupable du même crime que Juliana Pap. Elle avait posé beaucoup

 25   trop de questions au sujet du sort des membres de sa famille portés

 26   disparus.

 27   En tout, les incidents de meurtres et d'extermination qui sont reprochés

 28   dans l'acte d'accusation se sont produits entre le mois de septembre 1991


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  1   et le mois de juin 1992. Dans cet acte d'accusation on énumère 48 victimes

  2   de meurtre et extermination au cours de cette période-là, mais il y a

  3   d'autres meurtres et cas d'extermination qui se trouvent dans l'acte

  4   d'accusation et que je n'ai pas encore mentionné, il s'agit des incidents

  5   liés à la ville de Vukovar.

  6   Au cours de l'année 1991, les forces armées croates telle que la Garde

  7   nationale croate avait fait le blocus de la caserne de la JNA dans

  8   différentes parties de Croatie, y compris la caserne de la JNA de Vukovar.

  9   Après qu'une première tentative de débloquer la caserne a échoué, la JNA a

 10   réussi à débloquer la caserne de Vukovar, le 2 octobre 1991.

 11   Après que la caserne de la JNA de Vukovar avait été débloquée, la JNA a

 12   demandé que les combattants croates de Vukovar rendrent leurs armes. Les

 13   Croates ont refusé de se rendre. Ensuite, a commencé une des batailles des

 14   plus brutales, des plus destructrices qui a eu lieu dans la guerre de l'ex-

 15   Yougoslavie, la bataille de Vukovar. Après que les Croates ont refusé de se

 16   rendre, la JNA a assiégé la ville, en coupant l'adduction d'eau et

 17   d'électricité, tout en pilonnant la ville et la bombardant. La population

 18   de Vukovar est descendue dans les caves en restant dans ces caves pendant

 19   le siège qui a duré pendant sept semaines. Comme Hadzic lui-même a dit dans

 20   l'enregistrement vidéo que l'on a vu, la bataille de Vukovar s'est faite,

 21   s'est déroulée rue par rue, maison par maison. Quand la bataille s'est

 22   terminée la ville était complètement détruite.

 23   Avant que tout cela ne commence, la municipalité de Vukovar avait 84 000

 24   habitants, dans 43 % étaient croates, 38 serbes et le reste était partagé

 25   entre des Hongrois, Musulmans et autres. En dépit du fait que les Croates

 26   étaient la population la plus représentée de Vukovar, Vukovar était tout de

 27   même la capitale de la SAO, BSO. La ville de Vukovar devait être prise et

 28   occupée pour devenir une ville serbe.


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  1   Le 18 novembre 1991 est la date de la chute de la ville de Vukovar avec la

  2   reddition des dernières poches de résistance croate. Le siège et la

  3   bataille de Vukovar, le fait qu'elle soit tombée entre les mains des

  4   Serbes, le 18, la terreur, la violence qui ont suivi ces dates-là ont déjà

  5   fait l'objet de différents procès devant ce Tribunal, en commençant par le

  6   procès de Slavko Dokmanovic qui s'est terminé au mois de juin 1998. Quand

  7   Vukovar est tombé, il était ministre de l'agriculture, dans le gouvernement

  8   de Hadzic. Dokmanovic s'est suicidé ici, peu de temps avant le prononcé du

  9   jugement.

 10   Monsieur le Président, je voudrais vous montrer une vidéo, à présent, ceci

 11   va montrer aux Juges de la Chambre à quoi ressemblait Vukovar, après la

 12   bataille. Donc c'est un enregistrement qui date d'un mois après la chute de

 13   Vukovar.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   M. STRINGER : [interprétation] Au cours des derniers jours avant la chute

 16   de Vukovar, des centaines de civils et de combattants croates qui avaient

 17   rendu leurs armes ont cherché à se réfugier dans l'hôpital de Vukovar, vu

 18   qu'il y avait des rumeurs qu'une évacuation contrôlée par la communauté

 19   internationale allait se dérouler justement à l'hôpital. La JNA a pris le

 20   contrôle de l'hôpital, le 19 novembre, en dépit d'un accord convenu entre

 21   la JNA et el gouvernement croate, qui devait placer l'hôpital sous la

 22   protection de la Croix-Rouge internationale, pour la durée de l'évacuation.

 23   La JNA et le gouvernement croate se sont mis d'accord que la MOCE allait

 24   superviser l'opération. Il s'agit donc de la Mission d'observateurs de la

 25   Communauté européenne.

 26   Ici, nous avons une photo de l'hôpital de Vukovar, de l'époque.

 27   L'évacuation de la population croate de Vukovar devait avoir lieu le 20

 28   novembre. Ce matin-là, la JNA a ordonné que les hommes et les femmes


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  1   quittent l'hôpital. Les hommes ont été séparés des femmes et des enfants,

  2   ce qu'on pourrait voir à Vukovar, c'était une scène de chaos, alors que les

  3   forces serbes y compris des volontaires et des Chetniks dont certains

  4   étaient en état d'ivresse se déambulaient dans la ville en prenant les

  5   civils non-serbes dans des rafles.

  6   Ici, vous voyez la photo de femmes et des enfants prise ce jour-là.

  7   Après que les hommes croates ont été séparés des femmes et des enfants, à

  8   peu près 200 de ces hommes ont été placés dans cinq autocars qui étaient

  9   garés devant l'hôpital. Les représentants de la Croix-Rouge internationale

 10   et la MOCE essayaient désespérément d'arriver à l'hôpital de Vukovar pour

 11   observer, contrôler le traitement des Croates qu'on était en train de

 12   placer. Cependant, on les a empêchés, c'est la JNA qui les a empêchés

 13   d'arriver à l'hôpital avant que les cinq autocars avec des prisonniers à

 14   bord ne quittent cet endroit.

 15   Les autocars ont été amenés jusqu'à la caserne de la JNA, à Vukovar. Ils

 16   sont restés garés là-bas pendant plusieurs heures, alors que les détenus

 17   étaient à bord des autocars. Les membres de la TO serbe et les

 18   paramilitaires se sont rassemblés autour des autocars, ils ont commencé à

 19   menacer, à insulter les hommes qui se trouvaient dans les autocars. Le

 20   sixième bus est arrivé peu de temps après. Les passages à tabac ont

 21   commencé.

 22   Alors qu'on était en train de détenir ces autocars dans la caserne de la

 23   JNA, une autre réunion tenue à un autre endroit à Velepromet, à l'extérieur

 24   de Vukovar. Il s'agissait de la réunion entre le gouvernement de la SAO

 25   SBSO et les membres de la JNA.

 26   Donc nous voyons sur cette image, où se trouvent l'hôpital, la caserne

 27   ainsi que Velepromet.

 28   Cette réunion à Velepromet était tenue pour décider du sort de 200 hommes


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  1   qui étaient détenus à la caserne de la JNA. Goran Hadzic, en tant que

  2   président du gouvernement la SAO SBSO, a participé à la réunion. Il est

  3   venu à la réunion, accompagné d'Arkan. Hadzic et les autres membres du

  4   gouvernement ont insisté pour que les prisonniers croates restent à

  5   Vukovar, en disant qu'ils allaient faire objet de poursuite devant les

  6   tribunaux locaux. Peu de temps après la chute de Vukovar, un premier groupe

  7   d'à peu près 200 prisonniers avait été transporté jusqu'à la prison de

  8   Sremska Mitrovica, en Serbie. Des moyens de preuve que nous allons

  9   présenter, vont montrer que Goran Hadzic était formellement contre la

 10   possibilité que d'autres prisonniers quittent la SBSO.

 11   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cette image montre un autre

 12   incident de meurtre qui est imputé au paragraphe 31 de l'acte d'accusation.

 13   L'installation de Velepromet, là où la réunion s'est tenue, le 19 novembre,

 14   était en soi un lieu de détention, des centaines de Croates ont été

 15   détenus, et soumis à des passages à tabac, le 19, le 20 et le 21 novembre.

 16   Le paragraphe 31 de l'acte d'accusation parle de 17 prisonniers qui ont été

 17   tués là-bas. Certains prisonniers parlent de la chambre de la mort, à

 18   Velepromet, c'est une pièce où on y gardait les prisonniers qui devaient

 19   être tués.

 20   De nombreux prisonniers de Velepromet ont été par la suite transférés

 21   dans la prison de Sremska Mitrovica, en Serbie, et je vais en parler dans

 22   peu de temps.

 23   Monsieur le Président, là aussi, nous avons un enregistrement qui

 24   date du 20 novembre 1991. Ici, nous voyons Hadzic, Arkan et d'autres

 25   membres du gouvernement de Hadzic à Velepromet. Les parties se sont mises

 26   d'accord qu'Arkan allait accompagner Hadzic à la réunion de Velepromet. Et

 27   ici, on peut voir Hadzic en train de donner une interview, il se trouve

 28   tout près d'Arkan.


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  1   Nous n'avons vraiment pas besoin de traduction pour cette vidéo. Nous

  2   allons nous contenter de regarder les images.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   M. STRINGER : [interprétation] -- la vidéo suivante est d'un entretien que

  5   Goran Hadzic a eu peu de temps après, après la réunion qui s'est tenue à

  6   Velepromet. Il s'agit de la première session tenue par le gouvernement dans

  7   la future capitale du district serbe de Slavonie, de Baranja et du Srem

  8   occidental. Pour ce qui est des conclusions, outre les conclusions qui

  9   portent sur la normalisation des conditions de vie et la création d'une

 10   situation plus ou moins normale, la conclusion essentielle consiste à dire

 11   que les prisonniers et les Oustachis, avec le sang sur leurs mains par

 12   rapport à ce qui s'est passé, ne doivent pas quitter le territoire du

 13   district serbe de Slavonie, de Baranja et du Srem occidental et ne peuvent

 14   pas se rendre en Serbie, ne peuvent pas se rendre là parce que la Serbie

 15   est un pays en guerre. Egalement, les troupes qui ont aidé à les capturer -

 16   - à capturer ces personnes, et il ne s'agit pas de soldats. Il s'agit de

 17   membres de formations paramilitaires. Ils ne peuvent qu'être jugés dans le

 18   cadre d'un procès par les personnes qui sont ici, à savoir le peuple du

 19   district serbe qui a été reconnu, qui a son tribunal et un tribunal de

 20   première instance. Peut-être qu'un tribunal plus important se trouvera au

 21   niveau fédéral, au niveau de la Yougoslavie. Nous avons notre tribunal de

 22   district et nos tribunaux municipaux. Par conséquent, nous sommes d'accord

 23   pour dire, comme les autorités militaires, que ces Oustachis qui restent

 24   doivent rester dans le camp, ici, dans le voisinage de Vukovar. Etant donné

 25   qu'un groupe a déjà été emmené à Sremska Mitrovica, et j'ai entrepris cette

 26   tâche de faire venir ces personnes pour les rappeler. Nous devons ramener

 27   ces personnes et les juger, ces personnes qui sont coupables. Ceux qui ne

 28   sont pas coupables nous rejoindront et pourront participer à la


Page 125

  1   reconstruction de notre ville.

  2   Messieurs les Juges, dans cette séquence vidéo, Goran Hadzic lui-même nous

  3   parle du rôle central qu'il a joué dans la conservation des prisonniers en

  4   SBSO et en empêchant qu'ils puissent être emmenés en Serbie. Comme il dit :

  5   "Nous nous sommes mis d'accord pour dire, comme les autorités militaires,

  6   que ces Oustachis restent dans le camp, ici, dans le voisinage de Vukovar."

  7   "Etant donné qu'un groupe a déjà été emmené à Sremska Mitrovica, il dit,

  8   "j'ai entrepris pour tâche d'assurer le retour de ces personnes, si on peut

  9   les appeler des personnes, et des les juger dans le cadre d'un procès."

 10   Avec ces propos, Hadzic nous dit qu'il assume la responsabilité de ces

 11   prisonniers. Lui et les autorités civiles ont assumé la garde ces

 12   personnes, confiée par les autorités militaires. Le fait que Hadzic remette

 13   en cause le fait que ces personnes puissent être appelées des personnes

 14   indique le type de justice auxquelles sont en droit de s'attendre ces

 15   personnes en SBSO.

 16   Messieurs les Juges, les éléments de preuve montrent qu'une fois que Hadzic

 17   a réussi à convaincre la JNA de lui remettre ces 200 hommes et, malgré les

 18   promesses de procès et de justice, que leur destin n'a jamais été mis en

 19   doute. Nous avons déjà entendu quelle était la politique d'Arkan eu égard à

 20   ces prisonniers.

 21   Les autobus avec ces 200 personnes environ, ces prisonniers de Vukovar, ont

 22   quitté la caserne de la JNA entre 13 heures et 14 heures dans l'après-midi

 23   du 20 novembre et ont été escortés par la police militaire du groupe

 24   opérationnel sud de la JNA en direction du village agricole Ovcara, à 5 ou

 25   6 kilomètres de Vukovar.

 26   Ces autobus sont arrivés dans un hangar, qui était grand, utilisé pour

 27   entreposer du matériel agricole. Les détenus ont reçu l'ordre d'entrer dans

 28   le hangar. Tout en entrant dans le hangar après avoir quitté les autobus,


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  1   ils devaient passer par les baguettes composées de soldats de la TO et de

  2   membres de formations paramilitaires qui ont asséné des coups de pied et de

  3   poing à ces prisonniers croates alors qu'ils passaient sous ces baguettes.

  4   Un agriculteur a reçu l'ordre d'utiliser sa pelleteuse rétrochargeuse pour

  5   creuser une fosse dans un champ qui se trouvait à moins de 2 kilomètres du

  6   hangar.

  7   Il y a eu des passages à tabac graves qui se sont poursuivis à l'intérieur

  8   du hangar pour le restant de l'après-midi et jusque dans la soirée du 20.

  9   Au moins deux prisonniers sont décédés à cet endroit. Dans la soirée, ils

 10   ont commencé à transporter les prisonniers par groupes de dix ou de 20 à

 11   bord d'un petit camion, à les faire sortir du site et à les emmener sur le

 12   site où la fosse avait été creusée.

 13   Les meurtres se sont déroulés sur plusieurs heures, se sont

 14   poursuivis jusqu'à minuit, voire même jusqu'aux premières heures du matin

 15   du 21. Les hommes ont été placés en rang au niveau de la fosse et exécutés.

 16   Il y a eu 260 personnes au total qui ont été exécutées. Le reste des 194

 17   victimes ont été levées de ces masses [comme interprété] communes en 1996.

 18   Ce qui est reproché au paragraphe 32 de l'acte d'accusation.

 19   D'autres prisonniers de Vukovar ont été transportés en direction de

 20   Dalj les 19, 20 et 21 novembre. Lorsqu'ils sont arrivés à Borovo Selo, on

 21   leur a demandé de se diriger vers les fermes de Lovas, qui en fait se

 22   trouvent près de Dalj et non pas de Lovas. Plusieurs détenus ont été tués à

 23   ce centre agricole de Lovas. Les prisonniers de Vukovar ont été emmenés à

 24   Dalj et retenus dans des hangars qui appartenaient à la société IPK de

 25   Dalj. Ils ont été maltraités. Certains d'entre eux ont été passés à tabac

 26   et certains ont été tués. Au total, 35 de ces détenus ont été exécutés et

 27   plongés dans les fosses communes des fermes agricoles de Lovas et de Dalj.

 28   Ceci est reproché au paragraphe 33 de l'acte d'accusation.


Page 127

  1   Messieurs les Juges, je souhaite maintenant aborder la question des

  2   centres de détention et vous parler de certains crimes qui ont été commis

  3   dans ces centres de détention aux chefs 5 à 9 de l'acte d'accusation.

  4   Ces chefs, Messieurs les Juges, de l'acte d'accusation accusent

  5   Hadzic de crimes en se fondant sur le mauvais traitement des non-Serbes qui

  6   ont été arrêtés en SBSO et détenus dans différents centres de détentions

  7   qui se trouvaient non seulement en SBSO, mais en Serbie également. Les

  8   sites de détention sont énumérés au paragraphe 41 de l'acte d'accusation.

  9   Les éléments de preuve [comme interprété] ont été retenus et

 10   maltraités non seulement dans des centres de détention qui ont été créés

 11   proche de leurs maisons ou des endroits où ils ont été arrêtés; le centre

 12   d'entraînement d'Erdut, par exemple, et le bâtiment de Zadruga à Lovas que

 13   j'ai déjà évoqué, mais je vais parler également de ces endroits qui se

 14   trouvent de l'autre côté en Serbie. Un nombre de ces sites ont été les

 15   derniers endroits connus où ont été vues les victimes de meurtre et

 16   d'extermination que j'ai déjà évoqués.

 17   Cette première série de diapositives vous indiquera dans quels

 18   endroits se sont trouvés les centres de détention sur le territoire du

 19   SBSO. Il s'agissait de bâtiments de la police et du hangar de Dalj. Il

 20   s'agit du centre d'entraînement d'Erdut, que j'ai déjà évoqué à maintes

 21   reprises. Et ensuite, différents centre de détention qui sont liés à la

 22   chute de Vukovar : l'hôpital; la caserne de la JNA; la ferme d'Ovcara, où

 23   les passages à tabac ont eu lieu dans le hangar avant que les prisonniers

 24   ne soient exécutés; ainsi que Velepromet, où s'est tenue la réunion du 20

 25   novembre 1991, où les prisonniers ont été passés à tabac et tués également.

 26   Il y avait un centre de détention dans la ville d'Opatovac, et ainsi qu'à

 27   Borovo Selo, un atelier ou une étable qui a été utilisé. Pour finir, comme

 28   je l'ai dit, le bâtiment de Zadruga à Lovas.


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  1   Les passages à tabac et les mauvais traitements se sont produits à tous ces

  2   endroits.

  3   Nous allons maintenant parler des centres de détention qui se trouvaient en

  4   Serbie. Il s'agit de la ferme de Stajicevo, du complexe agricole de

  5   Begejci, de la caserne militaire de Zrenjanin, de la prison militaire de

  6   Sremska Mitrovica qu'Hadzic évoque dans la séquence vidéo que nous venons

  7   de voir. Il s'est rendu dans cette prison. Ainsi que de la prison militaire

  8   de Sid, de l'autre côté de la rivière en Serbie.

  9   Certains de ces prisonniers [comme interprété] contenaient des centaines de

 10   détenus; d'autres, un nombre plus petit. Les détenus non serbes dans tous

 11   ces centres y sont arrivés de différentes façons.

 12   Comme nous l'avons entendu, plusieurs de ces endroits sont liés à la chute

 13   de Vukovar. Un autre endroit à propos duquel la Chambre de première

 14   instance entendra des éléments de preuve est l'abri commercial de Borovo,

 15   où 1 500 habitants de Vukovar environ, notamment des femmes et des enfants,

 16   ont été faits prisonniers. Après que l'abri ait été incendié, bon nombre de

 17   détenus, notamment les femmes et les enfants, ont été transférés à l'école

 18   élémentaire de Borovo, où ces personnes ont été interrogées et maltraitées

 19   avant d'être chassées de SBSO. La Chambre de première instance entendra des

 20   éléments de preuve en vertu desquels Goran Hadzic, habillé en uniforme

 21   militaire, est venu dans l'école élémentaire de Borovo parce qu'il

 22   cherchait un prisonnier en particulier.

 23   D'autres ont été arrêtés et détenus à ces endroits pour y être interrogés,

 24   souvent avant d'être tués. Un nombre important de prisonniers était des

 25   personnes qui avaient été arrêtées et jetées en prison par les forces

 26   serbes au fur et à mesure qu'ils prenaient le contrôle de leurs villes et

 27   de leurs villages en SBSO à la fin de l'été et de l'automne de l'année

 28   1991. Des personnes qui ne pouvaient pas s'enfuir ou qui, simplement, ne


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  1   savaient pas où se rendre ont finalement été raflées et expédiées à ces

  2   endroits.

  3   Les prisonniers n'étaient pas simplement des hommes en âge de porter les

  4   armes. Il y avait des civils, des personnes âgées et des femmes qui ont été

  5   les victimes de ces meurtres, comme nous l'avons constaté. Il s'agissait de

  6   victimes de cette mise en détention et mauvais traitements illégaux. Nombre

  7   d'entre eux ont été déplacés d'un centre à un autre au fil des jours, des

  8   semaines et des mois. Et d'un jour à l'autre, ils ne savaient pas quand et

  9   où ils seraient emmenés ou quel sort les attendait à leur arrivée. Le fait

 10   d'être déplacés d'un centre de détention à un autre posait le risque d'être

 11   blessé ou de mourir. Les prisonniers ont été passés à tabac pendant les

 12   transferts par les gardes et ont été martyrisés par les habitants locaux

 13   sur la route. Tel qu'on l'entendait à la radio, on parlait d'eux comme

 14   étant des Oustachi et on avait indiqué qu'ils allaient passer par là. Ils

 15   ont fait tanguer les autobus et jeté des pierres aux prisonniers terrifiés.

 16   Ils devaient être transférés dans un centre de détention nouveau, cela

 17   signifiait être soumis à de nouveaux passages à tabac et d'autres formes de

 18   mauvais traitements.

 19   Dans ces prisons, les détenus ont souffert de toutes formes de mauvais

 20   traitements et de sévices. Les prisonniers ont été torturés par les

 21   officiers de la JNA et la police militaire. Des femmes ont subi des

 22   violences sexuelles. Des prisonniers ont été contraints à frapper d'autres

 23   prisonniers. Certains ont été martyrisés par des fausses exécutions, on les

 24   a contraints à creuser des trous importants dans lesquels, leur dit-on,

 25   seraient leurs propres fosses. Lorsque les prisonniers sont morts de leurs

 26   blessures, rien n'a été fait.

 27   Outre les passages à tabac et les mauvais traitements, les conditions dans

 28   ces endroits étaient épouvantables. Ces endroits étaient surchargés et ils


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  1   avaient des poux. Les prisonniers n'ont eu le droit que de prendre une

  2   douche avant l'arrivée des équipes de télévision et du CICR. Ils

  3   souffraient de malnutrition et de soins médicaux inappropriés. Même des

  4   médecins qui étaient retenus prisonniers ont fait des demandes pour obtenir

  5   le nécessaire médical, mais ceci a été ignoré au fur et à mesure que les

  6   conditions des prisonniers en détention se dégradaient.

  7   Goran Hadzic s'est rendu à la prison de Sremska Mitrovica et il a

  8   certainement vu les conditions qui prévalaient à cet endroit.

  9   Les survivants de ces crimes commis dans les centres de détention, ceux qui

 10   ont survécu ont été échangés ou remis en liberté, souffrent encore

 11   d'incapacité permanente en raison des traumatismes physiques et

 12   psychologiques qu'ils ont subis. Certains sont restés des mois pour être

 13   relâchés mais remis dans des conditions mauvaises où ils ont passé des

 14   années pour essayer de se remettre de leurs blessures. Messieurs les Juges,

 15   vous entendrez des éléments de preuve d'hommes et de femmes qui souffrent

 16   encore de ces conditions débilitantes et qui souffrent de handicaps graves

 17   suite à cet emprisonnement dans ces centres de détention.

 18   Qu'il en plaise à la Chambre, je vais passer aux chefs d'accusation 12 à

 19   14, destruction et pillage, en ce qui concerne la responsabilité

 20   individuelle de Hadzic pour les crimes de destruction et de pillage, y

 21   compris la destruction de lieux du culte.

 22   Alors que les forces serbes ont pris le contrôle des villages et des villes

 23   dans tout la SBSO, tuant et chassant les habitants non serbes, ce qu'ils ne

 24   détruisaient pas, ils se l'appropriaient.

 25   Ici, la JNA et ses commandants ont opéré en coordination étroite avec

 26   d'autres unités, y compris les hommes d'Arkan. Ils ont obtenu le renfort de

 27   deux autres groupes qui étaient notoires pour le pillage des biens dans les

 28   domiciles non serbes, et il s'agissait des réservistes de la JNA et des


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  1   volontaires serbes dépêchés par le Parti radical serbe.

  2   Après que les propriétaires aient été exécutés, les domiciles à Erdut de la

  3   famille Kalozi et de la famille Albert, les Juges de la Chambre ont déjà

  4   entendu ces noms, ainsi que les domiciles d'autres exécutés par les forces

  5   serbes, ont tous été repris par les Serbes. Et les Juges de la Chambre

  6   entendront qu'après que les hommes d'Arkan aient tué un homme -- que les

  7   hommes d'Arkan aient tué un homme, un camion est arrivé au domicile de la

  8   personne en question pour y enlever toutes ses possessions.

  9   A Erdut, un groupe autobaptisé le comité de protection des réfugiés des

 10   collaborateurs de la TO a donné aux réfugiés serbes des domiciles de

 11   Croates et de non-Serbes. Ce comité exerçait son autorité sur les non-

 12   Serbes qui étaient restés en donnant l'ordre de vider les lieux

 13   immédiatement. Certains des domiciles des victimes ont été occupés par les

 14   hommes d'Arkan.

 15   Dans les villes du Srem occidental, par exemple, à Sarengrad, Lovas,

 16   Tovarnik et Bapska, la JNA a chassé des populations locales par des tirs

 17   d'artillerie lourde, de char et de mortier. Après que les villes aient été

 18   détruites et que les habitants se soient enfuis, nombre d'entre eux vers

 19   Ilok, les forces serbes ont pillé systématiquement leurs domiciles.

 20   Les éléments de preuve montreront que les forces serbes, et Arkan en

 21   particulier, ont visé, endommagé et détruit les bâtiments religieux et

 22   culturels, par exemple, des églises catholiques et des mosquées, en divers

 23   lieux pendant la même période ainsi qu'en 1992 et 1993.

 24   Messieurs les Juges, j'aimerais maintenant passer à 1992, où des événements

 25   très importants se sont déroulés avec l'acception et la mise en œuvre du

 26   plan Vance, également l'instauration de la RSK et l'élection de Goran

 27   Hadzic à titre de président.

 28   Avec l'escalade de la violence et des crimes à l'intérieur de la SBSO, bien


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  1   sûr, au cours des mois que je viens de décrire, août à novembre 1991, la

  2   communauté internationale s'est de plus en plus investie dans les efforts

  3   pour mettre fin à la violence, offrir ses bons offices à la négociation

  4   d'un cessez-le-feu, et protéger les populations civiles qui étaient

  5   terrorisées et déracinées de leurs propres villes et villages en Croatie.

  6   MM les Juges ont déjà vu cette carte.

  7   Les conflits entre les Croates et les Serbes ne se tenaient pas uniquement

  8   dans la SAO SBSO fin 1991, mais également dans les SAO de la Krajina et de

  9   la Slavonie occidentale. Les Croates et les non-Serbes n'étaient pas les

 10   seules victimes. De grands nombres de Serbes de souche ont été chassés de

 11   leurs maisons et de leurs villages dans les secteurs restant sous le

 12   contrôle des Croates. Ce qui était particulièrement vrai dans la SAO de

 13   Slavonie occidentale, où les secteurs relevant du contrôle serbe

 14   n'atteignaient pas les frontières déclarées de la SAO comme étant la

 15   Slavonie occidentale. A compter de la fin 1991, le nettoyage ethnique et la

 16   guerre avaient chassé des milliers de personnes, Croates et Serbes, de chez

 17   eux.

 18   A Genève, le 23 novembre 1991, cinq jours après la chute de Vukovar,

 19   l'envoyé spécial des Nations Unies, Cyrus Vance, a obtenu les signatures du

 20   président serbe Milosevic, le président croate Tudjman, et du général

 21   Kadijevic sur un accord de cessez-le-feu qui a constitué par la suite la

 22   base de ce qui devint le plan Vance.

 23   J'aimerais faire un survol bref du plan Vance, parce qu'il est relié à

 24   plusieurs événements importants qui ont une incidence sur -- en l'espèce

 25   tout au long de 1992 et 1993.

 26   En dehors du cessez-le-feu, voici les principaux aspects du plan. Les zones

 27   protégées par les Nations Unies, c'est-à-dire les UNPA, devaient être

 28   établies en Croatie. Le territoire de ces quatre zones protégées


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  1   correspondrait généralement aux territoires des trois SAO.

  2   Comme les Juges de la Chambre peuvent le voir, le secteur oriental de

  3   l'UNPA ici sur cette carte correspond d'assez près à ce que connaissons

  4   être aujourd'hui le territoire de la SAO de SBSO. Dans le cadre du plan

  5   Vance, les secteurs nord et sud des UNPA correspondaient environ, d'assez

  6   près mais pas exactement, au territoire de ce qui était la SAO de Krajina.

  7   Et ensuite, troisièmement, L'UNPA, c'est-à-dire le secteur ouest,

  8   correspondait au territoire de la SAO de la Slavonie occidentale, encore

  9   une fois, allant au-delà du contrôle territorial des Serbes.

 10   Dans le cadre du plan Vance, ces UNPA allaient être démilitarisées, et ceux

 11   qui y vivaient, dans ces ZPNU, allaient être protégés par une force de

 12   protection des Nations Unies nommée la FORPRONU se composant d'effectifs

 13   militaires et de police civile. La force de protection est devenue ensuite

 14   connue sous le nom des Casques bleus. La JNA et d'autres effectifs

 15   militaires de la Serbie devaient opérer un retrait dans le cadre de ce

 16   plan, et la police locale serait chargée de maintenir l'ordre public. Ce

 17   qui est important, les personnes déplacées, c'est-à-dire les personnes qui

 18   avaient été chassées de leur domicile ou qui s'étaient enfuies, seraient

 19   autorisées à revenir.

 20   Fin 1991, au sein de la direction serbe, Slobodan Milosevic appuyait ce

 21   plan. Après s'y être opposé au départ, Goran Hadzic s'est uni à Milosevic

 22   pour appuyer le plan pour la SAO de SBSO, bien que comme nous le verrons,

 23   il n'acceptait pas les dispositions permettant aux non-Serbes de revenir,

 24   ni en ce qui concerne la démilitarisation.

 25   Milan Babic, le dirigeant de la SAO de Krajina, est resté fermement opposé

 26   à ce plan. Les éléments de preuve démontreront que son refus d'appuyer le

 27   plan Vance aura coûté à Babic l'appui de Milosevic et de Belgrade. Les

 28   éléments de preuve démontreront que ceci a mené à la promotion de Hadzic au


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  1   poste de président de la RSK, fin février 1992, ce dont je parlerai dans

  2   quelques instants.

  3   Une autre raison pour laquelle le plan Vance est important en l'espèce est

  4   qu'à compter du printemps 1992, les premiers effectifs de la FORPRONU sont

  5   arrivés dans les UNPA, c'est-à-dire intra territoire en Croatie. Ce qui

  6   signifiait que pour la première fois depuis le début du conflit, des

  7   éléments internationaux seraient présents dans les secteurs mêmes où les

  8   crimes dont je viens de parler ce matin se déroulaient. En s'acquittant de

  9   leur mandat, les effectifs de la FORPRONU ont commencé à voir des choses, à

 10   entendre des choses, à rencontrer les autorités locales, et surtout, à

 11   rédiger des rapports. Pendant le procès, les Juges de la Chambre entendront

 12   les éléments de preuve des éléments internationaux qui auront l'avantage

 13   des rapports rédigés par leurs soins et leurs collègues.

 14   Les Juges de la Chambre auront des éléments de preuve que les persécutions

 15   et l'expulsion des non-Serbes des territoires détenus par les Serbes en

 16   Croatie se sont poursuivies tout au long de 1992 et de 1993.

 17   Il existe une dernière série d'événements politiques importants dont il

 18   convient que je parle. Fin 1992, Babic et la direction de la SAO de Krajina

 19   ont déclaré officiellement que la SAO serait une république nommée la

 20   République -- République de Srpska Krajina, ou RSK.

 21   Le 26 février 1992, alors que les préparatifs se tenaient pour que la force

 22   de protection de l'ONU commence son déploiement dans les zones protégées

 23   par les Nations Unies dans le cadre du plan Vance, les dirigeants serbes de

 24   Croatie de la SAO SBSO et de la Slavonie occidentale se sont réunis à

 25   Borovo Selo où ils ont décidé de s'unir à la RSK. A ce moment-là, des

 26   modifications de la constitution de la RSK ont été adoptées, un

 27   gouvernement a été formé, et Goran Hadzic a été élu au poste de président

 28   de la République de Krajina serbe.


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  1   En qualité de président, alors, de la république, le 26 février 1992, voici

  2   les pouvoirs et les attributions de Hadzic en vertu de la constitution de

  3   la RSK : proclamation de lois par édits; responsabilités dans le domaine

  4   des affaires étrangères entre la RSK et d'autres Etats et les institutions

  5   internationales; commandement des forces armées en situation de paix et en

  6   état de guerre, commandement également de la résistance nationale en état

  7   de guerre; ordre donné pour la mobilisation tant générale que partielle.

  8   Et donc, dès février 1992, il s'est opéré une modification profonde quant à

  9   la nature du conflit entre les Croates et les Serbes, la taille du

 10   territoire dont Hadzic avait compétence, et la nature de ses pouvoirs. La

 11   nature du conflit a changé car avec la création des zones protégées des

 12   Nations Unies et l'arrivé des Casques bleus, les lignes de confrontation

 13   sont restées stables, relativement stables, même si le conflit armé

 14   continuait entre les forces serbes et croates dans toute la période

 15   couverte en l'espèce, de 1992 à 1993. La taille du territoire sur lequel

 16   Hadzic possédait autorité a nettement augmenté car en qualité de président

 17   de la RSK, son autorité allait sur tous les territoires communs de ce qui

 18   avait été la SAO Krajina, la SAO de Slavonie occidentale, et de la SAO

 19   SBSO. Hadzic a bénéficié d'une expansion de ses pouvoirs de jure dans le

 20   cadre de la constitution de la RSK.

 21   Et une chose n'a pas changé. Les éléments de preuve démontreront que la

 22   politique de Hadzic, concernant les populations au sein de la RSK, n'était

 23   pas différente de sa politique en SAO SBSO. Il a rejeté la coexistence avec

 24   les Croates et les non-Serbes dans les secteurs relevant du contrôle serbe.

 25   Il a accueilli à bras ouverts le plan Vance uniquement pour maintenir la

 26   situation en l'état ou dans les territoires détenus par les Serbes en

 27   Croatie. Tout au long de 1991 et de 1993, les non-Serbes ont continué à

 28   subir des persécutions et à être chassés de la RSK. En dépit de son appui


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  1   en public quant au plan Vance, Hadzic n'a pas appuyé le retour des réfugiés

  2   non-serbes dans les secteurs relevant du contrôle serbe. La politique de la

  3   RSK consistait à empêcher le retour.

  4   Je voudrais maintenant rapidement parler du rôle de Hadzic en tant que

  5   président de la RSK. Comme nous l'avons vu, conformément à la constitution

  6   de la RSK, Hadzic était en fait le commandant en chef des forces armées. Et

  7   en vertu du plan Vance, la RSK n'était pas censé disposer de forces

  8   militaires mais uniquement de forces de police. Avec la proclamation de la

  9   RSK, les forces de la Défense territoriale ont été constituées, et en vertu

 10   de la constitution de la RSK, elles étaient subordonnées à Hadzic.

 11   Contrairement à ce qui était stipulé dans le plan Vance, les organes

 12   militaires et de police serbe qui étaient censés se retirer en vertu du

 13   plan Vance, ont en fait au contraire remis le matériel militaire dont ils

 14   disposaient aux unités de la TO de la RSK qui venaient d'être constituées.

 15   En fait, certains membres de la JNA sont même restés en RSK, et ont

 16   commencé à servir dans les rangs de la TO de la RSK.

 17   La police de la RSK a continué à être financée, formée et dotée en matériel

 18   par la Serbie y compris par le MUP de Serbie. Lorsque la FORPRONU a été

 19   déployée en Croatie, en mai 1992, de nombreuses Unités de la TO de RSK ont

 20   ensuite été transformées en force spéciale de police. Etant donné qu'en

 21   vertu du plan Vance, la police était la seule instance habilité à être

 22   présente dans les zones protégées des Nations Unies, démilitarisées. Au

 23   lieu de se retirer ou de démobiliser, la JNA et les officiers de

 24   commandement de la TO de la RSK, le personnel ainsi que leur équipement et

 25   leur matériel ont été transférés dans ces unités de police qui venaient

 26   d'être constituées. Les véhicules de la JNA et de la TO ont d'ailleurs été

 27   repeints pour les transformer en véhicules de police. Toujours en

 28   contravention au plan Vance, le 18 mai 1992, Hadzic, en tant que président


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  1   a rendu une décision qui assurait la constitution de l'armée serbe de la

  2   RSK, ou la SVK. Il n'est pas surprenant de savoir que la SVK a utilisé

  3   énormément les soutiens opérationnels, logistiques, et financiers de

  4   l'armée yougoslave, ainsi que des dirigeants politiques serbes. De plus,

  5   contrairement à ce qui était stipulé dans le plan Vance, les Tigres d'Arkan

  6   sont arrivés à Knin, en provenance de la SBSO, et ont combattu là-bas de

  7   janvier à mars 1993, en tant que partie intégrante de la SVK. Les supers

  8   Tigres d'Arkans qui ont été constitués en mars 1993 étaient subordonnés

  9   officiellement à la SVK. Hadzic jouait le rôle de commandant en chef de la

 10   SVK. Ceci est mentionné dans ce meeting militaire qui s'est tenu en juillet

 11   1992. Il s'agit ici de la promotion par Hadzic, de Milan Martic et du

 12   colonel Borislav Djukic, au rang de général de la SVK.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Goran Hadzic : Que Dieu vous garde. Que Dieu vous garde."

 16   "Le public répond : Que Dieu vous garde.

 17   "Goran Hadzic : Je voudrais vous remercier de tout ce que vous avez fait

 18   pour nous. Vous êtes devant nous, et vous êtes les nouveaux obilices et

 19   singilices [phon], nouveaux héros dont les actions et les [inaudible]

 20   seront inscrits dans les livres d'histoires. Nos frères et vos frères ont

 21   donné leur vie, mais cela sera inscrit dans l'histoire, et seront des

 22   saints qui auront payé de leur sang pour la liberté du peuple serbe. Nous

 23   pourrons atteindre tous ces objectifs de nous-mêmes, et nous envoyons ces

 24   messages à tous les apprentis sorciers du monde, que la République de la

 25   Serbie Krajina n'est pas à vendre. Elle n'a pas de prix, et elle ne sera

 26   vendue pour aucun prix. Nous nous trouvons maintenant dans une situation

 27   très difficile, nous sommes encerclés de toutes parts, et nous n'avons pas

 28   encore été unifiés, et  nous sommes également conscients de nos ennemis,


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  1   mais personne ne peut tromper le peuple serbe. Tous les citoyens de la

  2   République de la Krajina serbe sont sur un pied d'égalité, et il faudra que

  3   tout le monde sache qu'il s'agit de la République de la Krajina serbe, et

  4   ceux qui accepteront cela pourront continuer à vivre ici. Ceux qui ne le

  5   souhaiteront pas, pourront quitter la République de la Krajina serbe. Je ne

  6   veux pas fatiguer nos braves soldats plus encore, et je voudrais les

  7   remercier de notre présence, et nous avons maintenant aujourd'hui deux

  8   nouveaux généraux dans l'armée serbe, à savoir Borislav Djukic et Milan

  9   Martic. Longue vie à tous, merci."

 10   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 11   L'INTERPRÈTE : Pas de version française dans la cabine française.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 13   les éléments de preuve montreront que, durant les années 1992 et 1993,

 14   Martic et Djukic faisaient partie des autorités de la SVK, tant civils que

 15   militaires qui étaient dirigées par l'accusé et qui ont mis en œuvre les

 16   politiques de persécution à l'encontre des non-Serbes qui restaient dans

 17   les territoires détenus par les Serbes, tout en même temps empêchant ceux

 18   qui avaient déjà été expulsés de revenir.

 19   Des résidents non-serbes avaient été tués, et s'étaient enfuis en 1991, et

 20   ceux qui restaient sur place étaient pris en partie.

 21   Les non-Serbes vivant à RSK souffraient de brimades allant par exemple de

 22   perte de leur emploi ou d'une entrave à leur liberté de mouvement, perte de

 23   leur vie. Ils étaient assujettis à un schéma prolongé et continu

 24   d'intimidation comme un des responsables des Nations Unies l'a mentionné.

 25   Les discriminations contrôlées non-serbes de la RSK faisaient partie d'un

 26   programme vaste de nettoyage ethnique dont l'un des objectifs était de

 27   libérer les maisons pour les Serbes qui étaient bienvenus dans ces

 28   nouvelles zones. Vous entendrez des dépositions des dirigeants de la RSK


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  1   qui s'assuraient -- vous entendrez des témoignages faisant état que les

  2   dirigeants de la RSK s'assuraient que même les familles non-serbes ne

  3   soient pas payées pour leur récolte. La coopérative locale avait reçu

  4   l'ordre de ne pas leur donner de coupons d'alimentation.

  5   Vous entendrez des éléments de preuve d'un responsable de la FORPRONU

  6   qui était basé à Beli Manastir, situé à Baranja, faisant étant que les non-

  7   Serbes vivaient à l'extérieur du quartier général du Bataillon belge, parce

  8   qu'ils avaient peur de la violence dont ils pourraient être les victimes,

  9   violence exercée par les forces serbes s'ils rentraient chez eux. Un

 10   responsable pour la FORPRONU pour le secteur Est, décrira les expulsions

 11   des non-Serbes dont il a été témoin des villes d'Erdut et d'Aljmas, le 11

 12   avril 1992. Les personnes âgées, les femmes et les enfants ont été

 13   transférés par la force de leurs maisons. On les a obligés à laisser leurs

 14   effets personnels derrière elles et on les a fait monter à bord de bus en

 15   direction de territoires détenus par les -- par les Croates. Lorsque l'on a

 16   essayé de déterminer qui était responsable de ces crimes, les autorités de

 17   la RSK ont organisé des tentatives assez limitées pour déterminer pourquoi

 18   les non-Serbes étaient partis en disant qu'en fait ils étaient partis de

 19   manière volontaire. Un autre responsable de la FORPRONU a également soulevé

 20   officiellement la question de l'expulsion directement avec Hadzic en avril

 21   1992. La réponse d'Hadzic était d'exiger que ceux qui accusaient se

 22   réfèrent directement à lui et il a mentionné des siècles d'oppression dont

 23   avaient fait l'objet des Serbes, comme s'il s'agissait d'une forme de

 24   justification pour ce qui se passait.

 25   Les Juges de la Chambre entendront donc des éléments de preuve de la part

 26   de plusieurs responsables des Nations Unies sur la discussion et le pillage

 27   des effets personnels et des propriétés des non-Serbes qui ont continué en

 28   1992 et en 1993. Les églises et les mosquées étaient également prises à


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  1   partie durant cette période. Les églises catholiques et les mosquées ont

  2   été détruites en SBSO en 1991 et en RSK en 1992 et en 1993. La JNA et les

  3   forces serbes ont ciblé et ont causé des dégâts importants aux églises à

  4   Sarengrad et à Erdut, à Dalj et à Tovarnik, à Bapska et à Aljmas. La

  5   destruction des églises a continué même après le déploiement de la

  6   FORPRONU. Durant la chute en 1992, la FORPRONU a reçu des rapports de

  7   destruction d'églises à proximité de Knin, de Sarengrad, et de Costanica

  8   [phon]. En 1993, un autre responsable de la FORPRONU a remarqué une

  9   augmentation des attaques contre les églises dans le secteur est, c'est-à-

 10   dire l'ancienne SBSO, avec comme point d'orgue [phon], les événements qui

 11   se sont produits en avril de cette année. Ce responsable s'est plaint

 12   amèrement auprès des autorités de la RSK en avril 1993 lorsque des

 13   roquettes ont été tirées en direction de l'église d'Ilok et une bombe a été

 14   détonnées sur les marches du monastère d'Ilok.

 15   La destruction de ces bâtiments religieux n'avait aucun objectif militaire.

 16   En fait, les forces serbes ont détruit intentionnellement ces bâtiments

 17   afin de montrer aux non-Serbes qu'en tant que peuple, en tant que

 18   communiqué [comme interprété], ils n'avaient plus leur place dans la

 19   République de la Krajina serbe. Leurs lieux de culte, symboliques et

 20   caractéristiques d'un groupe ont cessé d'exister. Ceci a permis, en fait,

 21   de leur faire savoir qu'ils ne pouvaient pas revenir.

 22   C'est ainsi que le -- l'on peut déterminer la fin ultime qui ait été

 23   recherchée par ce crime, c'est-à-dire ces meurtres et ces expulsions qui se

 24   sont produites dans les zones de SDSO [comme interprété] et de RSK sous

 25   l'égide de Goran Hadzic.

 26   Des éléments de preuve démographiques qui sont présentés en l'espèce

 27   montreront que les territoires de la SBSO et de la Krajina étaient des

 28   territoires qui étaient très mixtes d'un point de vue ethnique avant mars


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  1   1991, avec une proportion similaire de Serbes et de Croates de manière

  2   générale et avec des minorités ethnique. Cependant, dans certaines zones,

  3   comme par exemple en Srem occidental et en Baranja, il y avait un nombre de

  4   Serbes relativement à l'unité. Comme je l'ai mentionné, la ville de Vukovar

  5   et ses environs étaient composés environ de 43 % de Croates et de 38 % de

  6   Serbes.

  7   Pour transformer des régions en territoires ethniquement serbes, il

  8   fallait en fait qu'un grand nombre de personnes soient expulsées. Les

  9   éléments de preuve montreront que c'est exactement ce qui s'est passé sous

 10   l'égide de Goran Hadzic en tant que premier ministre du -- de la SBSO et

 11   que -- président de la RSK. Les éléments de preuve montreront que des

 12   centaines de milliers de personnes, au moins 180 000 ont été expulsées par

 13   la force de ces territoires entre le 25 juin 1991 lorsque Hadzic était en

 14   fait nommé dirigeant du gouvernement de la SBSO et le 31 décembre 1993,

 15   lorsque c'était la dernière période de son mandat en tant que président de

 16   la RFK.

 17   Plus de 97 % de ces personnes étaient des Croates d'un point de vue

 18   ethnique ou des non-Serbes. A Vukovar, il y avait environ 20 000 -- 30 --

 19   320 [inaudible] personnes qui ont été expulsées après que la ville soit

 20   tombée dans les mains des forces serbes; 97,9 % de ces personnes étaient

 21   des non-Serbes. Vukovar a été ensuite déclarée la capitale de la SBSO.

 22   Le 2 mars 1992, peu de temps après qu'il soit devenu président de la

 23   RSK, Goran Hadzic a participé à une réunion de la présidence de la RSFIK

 24   qui s'est tenue à Belgrade, mais c'est accompagné d'un homme nommé Zdravko

 25   Zecevic, qui était le premier ministre de la RSK, le président du

 26   gouvernement de la RSK. A cette réunion, il y avait également Milan Martic

 27   qui était présent, ainsi que M. Paspalj, qui s'était rendu avec M. Hadzic à

 28   New York en 1993. J'en veux la vidéo.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, nous avons une

  2   pause à faire.

  3   M. STRINGER : [interprétation] Je peux terminer en l'espace de cinq

  4   minutes, mais je peux également -- il me reste en fait une seule page.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] [aucune interprétation]

  6   M. STRINGER : [interprétation] Je pensais que l'on allait encore pouvoir

  7   continuer le débat pendant une heure et demie. J'avais oublié la deuxième

  8   pause.

  9   La réunion du 2 mars 1992 à la présidence de Belgrade s'est tenue en

 10   présence de Hadzic, Martic, Paspalj, ainsi que le premier ministre de la

 11   RSK, M. Zecevic. Voilà ce que Zecevic a dit sur le fait que les Croates qui

 12   avaient été refoulés de la ville de Benkovac pourraient revenir tel que

 13   prévu en vertu du Plan Vance.

 14   Je vous prie de m'excuser, mais je vais citer les propos de Zecevic.

 15   "Ce n'est pas mon intention," il dit, "de vous importuner avec la situation

 16   précise à Benkovac, mais cette ville est vraiment très spéciale en ce qui

 17   concerne les réfugiés. Nous ne pensons en fait qu'à nos réfugiés et nous

 18   souhaiterions qu'ils puissent revenir parce qu'ils sont bienvenus ici. Mais

 19   la panique me prend lorsque je pense à ces 15 000 Croates qui pourraient

 20   revenir à Benkovac. Et ce sont principalement des paysans qui sont d'un

 21   point de vue émotionnel très attachés au -- à la terre. Ils sont maintenant

 22   confinés à la zone de Zadar, le long de la côte. Cette question est très

 23   complexe. Cet instinct a signifié que nos habitants ont fait tout pour

 24   empêcher que ce -- que des Croates reviennent et ils ont donc brûlé ce qui

 25   leur appartenant -- ce qui leur appartenait. La vérité, c'est que nous ne

 26   pouvons plus vivre de conserve. Mais il y a également une autre vérité qui

 27   est reconnue par un monde démocratique et qui avance que ces personnes ont

 28   le droit de rentrer chez eux. Je ne peux pas m'imaginer comment nous allons


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  1   pouvoir organiser cette vie; je pense qu'il faudra y réfléchir peut-être

  2   plus tard. Mais voilà comment je vois les choses. On leur dira, eh bien,

  3   les écoles vont enseigner en cyrillique et vous allez tellement détester

  4   cela que vous n'aurez pas d'autre choix que de partir. Voilà ce qui nous

  5   attend."

  6   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les éléments de preuve

  7   montreront que ces propos tout à fait sibyllins de M. Zecevic ce que

  8   pouvaient -- ce que pouvaient attendre les Croates d'un retour à Benkovac,

  9   ces propos qui ont été prononcés quand il était préside -- préside -- quand

 10   son président, Goran Hadzic, était assis, écoutait silencieusement. Et ceci

 11   est en fait une déclaration tout à fait exacte de la politique menée par le

 12   gouvernement de la RSK sous l'égide d'Hadzic.

 13   A la fin de l'année 1993, lorsque Goran Hadzic a perdu l'élection au

 14   profit de Milan Hadzic [comme interprété] qui a donc repris le poste de

 15   président de la RSK, c'est en 1995 que la RSK et les territoires de Croatie

 16   revendiqués comme territoires autonomes serbes ont tous disparus. La

 17   Croatie a repris les régions de la SAO de Slavonie occidentale et de

 18   Krajina dans une opération qui s'appelait l'opération éclair et l'opération

 19   tempête. Le territoire de ce qui avait été la SAO de la SBSO a

 20   progressivement été réintégré en la Croatie après la signature de l'accord

 21   d'Erdut à la fin 1995.

 22   Même si Goran Hadzic n'était pas arrivé à créer une identité serbe

 23   permanente ou un Etat en Croatie, les éléments de preuve montreront que

 24   tout de moins durant la période où il était au pouvoir, il est arrivé avec

 25   l'aide des membres de l'entreprise criminelle commune à séparer les Serbes

 26   des non-Serbes. Ceci a été obtenu par la commission de nombreux crimes, des

 27   crimes qui sont visés à l'acte d'accusation en l'espèce.

 28   Nous vous remercions, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.


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  1   Juste pour votre attention, à l'issue de ce procès, l'Accusation demandera

  2   à la Chambre de première instance de déclarer Goran Hadzic coupable des

  3   crimes qui sont visés dans cet acte d'accusation et qui sont énoncés aux

  4   chefs 1 à 14 d'accusation de cet acte d'accusation.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur Stringer. Nous allons

  6   faire une pause et nous reviendrons à 12 heures 50.

  7   --- L'audience est suspendue à 12 heures 22.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 50.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous avons cru comprendre qu'il n'y

 10   aura pas de déclaration de la Défense conformément à l'article 84 ni de

 11   déclaration de M. Hadzic conformément à l'article 84 bis.

 12   L'Accusation peut donc faire comparaître son témoin, son premier témoin.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Je voudrais vous présenter Mme Lisa Biersay, qui est un conseil avec

 15   beaucoup d'expériences au sein du bureau du Procureur de ce Tribunal. Elle

 16   a déjà présenté des éléments de preuve dans d'autres procès et elle

 17   comparaîtra régulièrement dans ce procès.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 19   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète, remplacer République de Krajina serbe

 20   par République serbe de Krajina.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Je vous prie, de m'excuser, j'ai oublié de

 22   mentionner Mlle Muireann Dennehy, qui travaille pour le bureau du Procureur

 23   et que j'aurais dû vous présenter au début.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 25   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur le

 26   Juge. J'ai voulu parler de quelques pièces que nous souhaitons montrer à ce

 27   témoin. Il s'agit de nouvelles pièces et nous allons en parler avec le

 28   témoin pendant sa préparation du 14 et du 15 octobre. C'est la première

 


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  1   fois que je me présente et je plaide devant ce Tribunal et j'ai donc fait

  2   cette demande en sachant qu'elle ne va pas peut-être recevoir une réponse

  3   positive de votre part. Et je voudrais donc parler de cela et je voudrais

  4   le faire avant que le témoin n'entre.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pouvons-nous le faire en moins de

  6   cinq minutes ?

  7   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  9   Mme BIERSAY : [interprétation] Donc nous demandons d'ajouter sur

 10   notre liste de pièces en vertu de l'article 65 ter un certain nombre de

 11   pièces, nous en avons parlé pendant le week-end avec le témoin. Il s'agit

 12   des trois cartes, une écrite par le témoin -- enfin dessinée par le témoin.

 13   Ensuite une carte plus classique et puis un agrandissement d'une carte.

 14   Nous avons d'autres cartes ce que nous allons présenter mais il s'agit

 15   d'une carte géographique plus traditionnelle. Il n'est pas besoin de

 16   l'ajouter sur la liste des pièces 65 ter.

 17   J'ai réussi à m'entretenir avec le conseil de la Défense. Ils n'ont pas

 18   d'objection quant à la possibilité d'ajouter ce plan dessiné par le témoin

 19   et nous avons proposé que cette pièce qui pour l'instant a le numéro 6328

 20   soit donc ajoutée sur la liste des pièces 65 ter.

 21   Nous avons aussi un certain nombre de photos. Les photos qui ont été

 22   identifiées par le témoin comme les endroits où il était aussi bien à Dalj

 23   qu'à Erdut. Trois de ces photos relèvent d'un même endroit mais il s'agit

 24   des prises de vue différentes. Et puis nous avons une photo qui est

 25   finalement une saisie de l'écran Google, et ceci nous montre Google Mis à

 26   part. Ceci nous montre l'endroit où il se trouvait à Erdut, et donc il

 27   s'agit des intercalaires 4, 5 à 6, et les numéros 65 ter de ces photos sont

 28   les numéros 6331, 6332, et 6333.


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  1   En ce qui concerne la saisie de l'écran montrant donc une carte

  2   Google, Google Earth, nous proposons que ceci soit le document 65 ter 6253.

  3   Donc nous avons eu l'impression qu'il serait utile donc d'ajouter ces

  4   documents à la liste 65 ter vu que ceci va faciliter la déposition du

  5   témoin ou l'explication des faits. Il y a encore un document qui faisait

  6   partie de la troisième requête de modifier la liste 65 ter. La Défense

  7   avait dit qu'ils avaient une objection quant à le versement ou l'ajout de

  8   ce document car il s'agissait d'un document qui est très long et ils

  9   n'avaient pas eu à l'époque suffisamment de temps d'examiner. Moi, je

 10   propose de rencontrer la Défense pour leur montrer que finalement nous ne

 11   souhaitons verser qu'une portion d'une durée de cinq minutes de cette vidéo

 12   qui dure à peu près 40 minutes, donc il s'agit vraiment de verser

 13   uniquement cette portion-là de la vidéo. Et le témoin a été en mesure

 14   d'identifier ou de reconnaître un certain nombre de personnes que l'on voit

 15   dans cette portion-là de la vidéo.

 16   Donc, pour la journée d'aujourd'hui, nous avons le numéro 65 ter

 17   6328, et c'est un document qui a fait l'objet d'un accord avec la Défense.

 18   Ensuite nous avons 6329, 6330, 6331, 6332, 6333. Il y en a encore un, mais

 19   en ce qui concerne l'ajout éventuel de documents sur la liste 65 ter nous

 20   allons nous contenter de demander l'ajout uniquement de ces documents qui

 21   sont vraiment essentiels à notre présentation des moyens de preuve.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si je ne m'abuse, pourriez-vous nous

 23   dire comment on prononce votre nom ?

 24   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui. C'est Biersay.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc si je ne m'abuse, vous avez

 26   mentionné le numéro 65 ter 6253 --

 27   Mme BIERSAY : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais vous ne mentionnez pas dans le


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  1   dernier résumé que vous avez présenté et cela me pose problème.

  2   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, effectivement, vous

  3   avez tout à fait raison. C'est un document qui se trouve à votre

  4   intercalaire 12. Donc 1 à 6 plus l'intercalaire 12.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] 1 à 6.

  6   Mme BIERSAY : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pas le numéro 7 ensuite

  8   l'intercalaire 12 --

  9   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui.

 10   Nous avons fait cela dans cet effort qui est le nôtre qui consiste à

 11   trouver un équilibre entre ce qui est nécessaire de verser et [inaudible]

 12   du procès.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pour être parfaitement clair, la

 14   pièce 6253, à l'intercalaire 12 --

 15   Mme BIERSAY : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] -- elle se trouve dans votre liste --

 17   Mme BIERSAY : [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] -- vous n'avez pas dit que c'était

 19   une nouvelle pièce.

 20   Mme BIERSAY : [interprétation] Effectivement. Ce n'est pas une pièce qui

 21   est nouvelle, mais elle est tout de même nouvelle dans le sens où elle ne

 22   se trouve pas sur la liste 65 ter. Mais elle est incluse dans notre requête

 23   demandant à modifier cette liste.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gosnell.

 25   M. GOSNELL : [interprétation] Tout d'abord, je peux confirmer tout d'abord

 26   que nous nous sommes mis d'accord avec le Procureur, à savoir que nous

 27   sommes d'accord qu'il n'a pas d'objection qui concerne la pièce 6328.

 28   Ensuite la question des cartes. Je voudrais tout d'abord vous dire quel est


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  1   le principe que nous voudrions adopter. S'il existe un document sur la

  2   liste 65 ter qui a été modifié par le témoin; ce n'est pas quelque chose

  3   qui nous poserait problème. En revanche, nous avons des objections quant à

  4   la possibilité de présenter des nouvelles cartes ou de nouveaux documents

  5   par le biais du témoin, et surtout -- enfin ceci inclut pas seulement les

  6   cartes géographiques traditionnelles mais aussi des photos Google. Et nous

  7   avons une objection pas seulement parce qu'il s'agit de documents qui ne se

  8   trouvaient pas sur la carte 65 ter nous avons une objection, parce que même

  9   si de tels documents peuvent parfois très utiles nous ne pouvons pas

 10   considérer qu'il s'agit là de photos.

 11   Donc nous avons une objection par rapport aux intercalaires 4, 5, et 6. Et

 12   ensuite en ce qui concerne la vidéo, nous avons communiqué déjà notre

 13   position là-dessus dans le courriel adressé aux Juges de la Chambre.

 14   Je pense que c'est tout ce que j'ai voulu dire.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc est-ce que j'ai bien compris, la

 16   vidéo, la question de la vidéo ne se pose pas encore, puisque le Procureur

 17   essaie encore ou va essayer d'obtenir un accord avec vous là-dessus, et

 18   ensuite on va voir le résultat de cela demain. Donc ce que vous dites au

 19   fond c'est que l'intercalaire numéro 1 ne vous pose aucune question, à

 20   savoir la pièce 65 ter 6328. Ensuite 2, 3, 4, 5, et 6, vous avez dit que

 21   vous avez des objections par rapport au document qui se trouve à ces

 22   intercalaires, et vous avez aussi une objection par rapport au document qui

 23   se trouve à l'intercalaire 12.

 24   M. GOSNELL : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien compris ?

 26   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection quant à


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  1   la pièce 65 ter 6328. Les parties, de toute façon, se sont mises d'accord

  2   là-dessus, donc nous sommes d'accord que l'on ajoute cette pièce à la liste

  3   65 ter.

  4   En ce qui concerne les autres pièces, nous considérons que les

  5   objections de la Défense sont bien fondées et nous refusons la requête du

  6   Procureur.

  7   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que

  8   maintenant nous pouvons entendre le témoin. Notre témoin sera M. Antunovic.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Faites entrer le témoin.

 10   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur le Témoin.

 12   Est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous comprenez ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Quel est votre nom

 15   et votre date de naissance, s'il vous plaît ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Zlatko Antunovic, 23 décembre 1973.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Je vous demande de

 18   bien vouloir prononcer la déclaration solennelle. L'huissier va vous aider

 19   en cela.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 21   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 22   LE TÉMOIN : ZLATKO ANTUNOVIC [Assermenté]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

 25   asseoir.

 26   Avant de donner la parole au Procureur, pour que le Procureur puisse vous

 27   interroger dans le cadre de son interrogatoire principal, puis-je vous

 28   demander à quel groupe ethnique vous appartenez ?

 


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Croate.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  3   Interrogatoire principal par Mme Biersay : 

  4   Q.  [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Antunovic.

  5   R.  Bonjour à vous.

  6   Q.  Je souhaitais savoir si vous êtes bien assis à l'endroit où vous êtes.

  7   Comment vous sentez-vous ?

  8   R.  Tout va très bien.

  9   Q.  Est-ce que vous m'entendez ?

 10   R.  Oui, oui, tout à fait.

 11   Q.  Et s'il y a des changements, est-ce que vous allez nous le faire savoir

 12   ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Bien.

 15   Avez-vous jamais témoigné auparavant ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Est-ce que ceci comprend des poursuites judiciaires devant des

 18   tribunaux chez vous, locaux ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Donc c'est la toute première fois que vous déposez aujourd'hui.

 21   R.  C'est la première fois, oui.

 22   Q.  La Chambre de première instance vous a demandé quels étaient vos prénom

 23   et nom de famille. Avez-vous également un surnom ?

 24   R.  Oui. "Kepa."

 25   Q.  Et que signifie "Kepa" ?

 26   R.  C'est comme une personne qui n'est pas très grande. Un nain, si vous

 27   voulez.

 28   Q.  Et quand vous a-t-on donné ce surnom ?


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  1   R.  Oh, c'était à l'école élémentaire.

  2   Q.  Quel âge aviez-vous à ce moment-là ?

  3   R.  Neuf ans.

  4   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre où vous êtes né ?

  5   R.  Je suis né à Osijek.

  6   Q.  Avez-vous grandi et êtes-vous allé à l'école à Osijek ou ailleurs ?

  7   R.  Non, j'ai grandi à Erdut et je suis allé à l'école à Dalj.

  8   Q.  Vous souvenez-vous de l'âge que vous aviez lorsque vous avez déménagé à

  9   Erdut ?

 10   R.  J'avais 16, 17 ans lorsque j'ai déménagé dans le village.

 11   Q.  Où se trouvent Osijek et Erdut, de façon -- généralement parlant ?

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez m'accorder

 13   quelques instants, s'il vous plaît ?

 14   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Antunovic, j'ai omis de vous

 16   dire ceci, les conséquences de votre déclaration solennelle. Vous avez

 17   l'obligation de dire la vérité et rien que la vérité, et vous vous exposez

 18   au parjure dans le cas où vous ne le feriez pas.

 19   Pardonnez-moi, Madame Biersay.

 20   Mme BIERSAY : [interprétation] Il n'y a pas de problème, Monsieur le

 21   Président.

 22   Q.  Pourriez-vous nous dire, généralement parlant ou en des termes

 23   généraux, où se trouvent Osijek, Erdut, et Dalj.

 24   R.  En Slavonie orientale.

 25   Q.  Et ceci se trouve-t-il en Croatie ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Lorsque vous avez déménagé à Erdut, viviez-vous seul ou viviez-vous

 28   avec quelqu'un ?


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  1   R.  J'ai déménagé à Erdut, dans le village, en 1989, et j'y vivais avec ma

  2   tante et mon oncle.

  3   Q.  Où avez-vous vécu avec vos parents ?

  4   R.  Je vivais à l'extérieur du village. Il y avait trois ou quatre maisons,

  5   un petit hameau que nous appelons "salas", "chez-nous", à mi-chemin entre

  6   Erdut et Dalj.

  7   Q.  Pour que je comprenne bien, vous avez d'abord vécu avec vos parents,

  8   c'est exact ?

  9   R.  Oui. Je vivais avec mes parents. L'adresse était Podvinje numéro 21.

 10   C'était le nom de la rue.

 11   Q.  Et cet endroit où vous viviez avec vos parents, était-ce l'endroit qui

 12   se trouvait à l'extérieur du village, comme vous venez de le dire ?

 13   R.  Oui. Ça, c'est l'endroit en question.

 14   Q.  Et de quel village voulez-vous parler ?

 15   R.  Erdut.

 16   Q.  Ce hameau où vous viviez avec vos parents était composé de combien de

 17   maisons environ ?

 18   R.  Il y avait trois maisons.

 19   Q.  Et connaissiez-vous l'appartenance ethnique des personnes qui vivaient

 20   dans ces maisons ?

 21   R.  Mon voisin était croate, sa femme était serbe et il y avait un autre

 22   voisin qui était de Ruthénie.

 23   Q.  Pourriez-vous parler aux Juges de la Chambre des relations qui

 24   existaient entre vous et vos voisins dans ce hameau et vous avez vécu avec

 25   vos parents ?

 26   R.  Les choses étaient normales. Nous nous entendions bien. Nous nous

 27   aidions les uns les autres et, avec mes parents, bien sûr, et nous n'avions

 28   aucun problème.


Page 155

  1   Q.  Pourriez-vous nous donner le nom de vos parents, s'il vous plaît ?

  2   R.  Mon père, Josip, et ma mère, Katica.

  3   Q.  Vous avez habité dans ce hameau qui se trouvait à l'extérieur du

  4   village d'Erdut; Avez-vous été scolarisé à cet endroit ou ailleurs ?

  5   R.  Je suis allé à l'école à Dalj.

  6   Q.  Et quelle distance y avait-il entre l'endroit où vous habitiez et

  7   l'école de Dalj ?

  8   R.  Cinq kilomètres environ.

  9   Q.  Et comment vous rendiez-vous à l'école ?

 10   R.  Il y avait entre Erdut et Dalj un ramassage scolaire, entre Erdut et

 11   Dalj et à partir de Dalj.

 12   Q.  Je ne souhaite vous poser quelques questions à propos de votre école,

 13   l'école où vous étiez scolarisé à Dalj. Combien de -- d'élèves ou

 14   d'étudiants y avait-il dans cette école ?

 15   R.  Je ne peux pas -- pourrais pas vous donner le chiffre, mais il y avait

 16   un certain nombre d'élèves. Il y avait quatre classes pour chaque

 17   génération, de la sixième à la terminale.

 18   Q.  Et dans votre classe en particulier, pourriez-vous parler de la

 19   composition ethnique de votre classe ?

 20   R.  La population était mixte. Il y avait surtout des Croates et des

 21   Serbes.

 22   L'INTERPRÈTE : Veuillez remplacer "de la sixième à la terminale" par "de la

 23   douzième à la huitième".

 24   Mme BIERSAY : [interprétation]

 25   Q.  Et à Dalj même, quelle était la composition ethnique ?

 26   R.  C'était mixte, mais les Serbes étaient majoritaires.

 27   Q.  Et quant est-il d'Erdut ?

 28   R.  Il y avait beaucoup plus de Croates que de Serbes à Erdut.


Page 156

  1   Q.  Pour en venir à la -- votre école, comment vous entendiez-vous avez vos

  2   camarades de classe qui appartenaient à des groupes ethniques différents ?

  3   R.  Nous n'avions aucun problème. En tant qu'enfant, nous n'avons jamais

  4   fait de différence hormis le fait de qui soutenait quelle équipe de

  5   football. Nous ne savions -- nous ne connaissions même pas le sens du mot

  6   "politique".

  7   Q.  Vous jouiez vous-même au football ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et -- Et dans votre équipe, y avait-il des enfants d'autres groupes

 10   ethniques ?

 11   R.  Oui. C'était mixte. Il y avait tous les villages d'Erdut, de Dalj, des

 12   Croates ou des Serbes, toute personne qui jouait.

 13   Q.  Aviez-vous un meilleur ami à l'école, à Dalj ?

 14   R.  Eh bien, oui. Dans ma classe, il y avait des Serbes et des Croates.

 15   Nous nous entendions bien. Nous jouions ensemble -- nous jouions en tant

 16   qu'enfants. Tout allait bien.

 17   Q.  Aviez-vous un meilleur ami ou est-ce que vos amis étaient sur le même

 18   pied d'égalité ?

 19   R.  Nous nous voyions en dehors de l'école sans faire de -- de différence

 20   de ce genre. Il n'y avait aucune raison pour que nous en fassions.

 21   Q.  Là, vous viviez avez vos parents. Jouiez-vous à côté ?

 22   R.  Nous avions l'habitude de jouer dans le centre de villégiature à Osijek

 23   pour les salariés de la compagnie des eaux. C'était un endroit où on

 24   pouvait nager et il y avait un terrain de jeu. Nous y -- Nous nous y

 25   rendions souvent et nous jouions là-bas.

 26   Q.  Comment s'appelle cet endroit ?

 27   R.  Vodovod Osijek, ou cela s'appelait également Pustara.

 28   Q.  Et à quelle distance cela se trouvait-il de l'endroit où vous viviez --


Page 157

  1   de la maisons où vous viviez avec vos parents ?

  2   R.  Un kilomètre, voire un kilomètre et demi.

  3   Q.  Pourriez-vous nous parler de ce centre de Vacances, ce centre de

  4   Villégiature ? Pourriez-vous nous le décrire, s'il vous plaît ?

  5   R.  Il y avait un espace où étaient vendues des boissons. Et il y avait un

  6   terrain de football et un endroit pour jouer -- un terrain de basket et il

  7   y avait des cabanes ou des bungalow où les salariés de la compagnie des

  8   eaux venaient passer leurs vacances pour 10 ou 15 jours. Il y avait un parc

  9   également.

 10   Q.  Donc, à côté de l'endroit où vous viviez avec vos parents, il y avait

 11   la Vodovod [inaudible]. Y avait-il une autre société qui avait son site

 12   près de votre maison à -- à cet endroit ?

 13   R.  Oui, il y avait le IPK Osijek qui était la société vitivinicole --

 14   vitivinicole.

 15   Q.  Est-ce que vous connaissez le nom entier d'IPK ? Qu'est-ce que cela

 16   signifie ?

 17   R.  Il s'agissait du complexe industriel et agricole d'Osijek.

 18   Q.  Et que -- que faisaient-ils ?

 19   R.  Ils faisaient pousser la vigne, ils disposaient de vignes.

 20   Q.  Et savez-vous --

 21   R.  Ils faisaient pousser les raisins, ils disposaient des vignes.

 22   Q.  Savez-vous où ils avaient leurs vignobles ?

 23   R.  Oui, tout à fait. A côté de Novi Erdut, le long de la Bogaljevci, qui

 24   était une rue dans Erdut, et ensuite, c'était en direction de la Région de

 25   Erdut Planina, ou du mont Erdut.

 26   Mme BIERSAY : [interprétation] A ce stade, je souhaite afficher le document

 27   qui se trouve sur la liste 65 ter 6328.

 28   Q.  Monsieur Antunovic, vous avez de l'eau devant vous car la gorge se


Page 158

  1   dessèche, si vous souhaitez.

  2   R.  Non, non. Tout va bien.

  3   Q.  En attendant l'affichage de cette pièce, est-ce que vous la voyez sur

  4   votre écran ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Reconnaissez-vous le document que vous avez sous les yeux sur cet écran

  7   ?

  8   R.  Oui, tout à fait.

  9   Q.  Et d'après vous, qu'est-ce que c'est ?

 10   R.  Il s'agit de cet endroit où se trouvent Erdut, Bogaljevci, centre de

 11   Vacances de la compagnie des eaux, l'endroit où se trouvait ma maison, la

 12   route d'Aljmas et d'Osijek.

 13   Q.  Et est-ce que vous reconnaissez l'écriture ?

 14   R.  Oui, c'est la mienne.

 15   Q.  Votre nom figure-t-il sur ce document ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Monsieur Antunovic --

 18   Mme BIERSAY : [interprétation] Est-ce que quelqu'un peut remettre à M.

 19   Antunovic le stylet lorsqu'il indiquera les différents endroits ?

 20   Q.  Je vais vous demander de regarder le haut de ce document 6328; voyez-

 21   vous le mot "Dunav" ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Que cela signifie-t-il, Dunav ?

 24   R.  Il s'agit de la rivière qui coule à côté d'Erdut, le Danube.

 25   Q.  Pourriez-vous utiliser votre stylet pour nous indiquer où se trouve

 26   Erdut ?

 27   R.  [Le témoin s'exécute]

 28   Q.  Y avez-vous annoté la partie de la carte où nous lisons la lettre E ?


Page 159

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et que représente ce E ? C'est l'intégralité d'Erdut ou une partie

  3   simplement d'Erdut ?

  4   R.  Il s'agit -- non -- du centre d'Erdut. Le restant relève du village,

  5   mais j'ai annoté le centre même.

  6   Q.  A droite du E où vous avez annoté, de quoi s'agit-il ?

  7   R.  C'est là où se trouve le château. Au-delà, il y a le vignoble, et à

  8   côté, il y a un secteur que l'on nomme Predvojnicka. C'est là où se

  9   trouvaient les Unités de Zeljko Raznjatovic.

 10   Q.  Maintenant, en haut à droite, il y a un terme. Est-ce "Srbija" ?

 11   R.  Oui. C'est un pont sur le Danube, et de l'autre côté, sur l'autre rive,

 12   se trouve la Serbie.

 13   Q.  Pourriez-vous indiquer aux Juges de la Chambre où se trouve le Vodovod

 14   ?

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   Q.  Et vous avez annoté le bas de la carte; est-ce bien cela ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Êtes-vous en mesure -- je me reprends. Pourriez-vous indiquer le point

 19   où se trouvait environ la maison de vos parents ?

 20   R.  Oui.

 21   [Le témoin s'exécute]

 22   Q.  Pourriez-vous lire les termes qui sont situés à côté de l'annotation

 23   que vous avez portée en bas à droite ?

 24   R.  On y voit : "Maison des parents."

 25   Q.  J'attire votre attention maintenant au milieu de ladite carte.

 26   "Vinogradi," qu'est-ce ?

 27   R.  Il s'agit du secteur où se trouvait le vignoble planté allant de Novi

 28   Erdut à Osijek, le long de Bogaljevci de la route principale à Osijek


Page 160

  1   jusqu'à la route menant à Dalj et à Erdut Planina qui mène 647 en fin de

  2   compte à Aljmas.

  3   Q.  Connaissez-vous qui que ce soit qui ait travaillé dans ces vignobles

  4   que vous venez de souligner ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et qui connaissez-vous ?

  7   R.  Il y avait nombre de personnes. De nom, par exemple, Tihomir Markic,

  8   Marinko Lucan, Pero -- et bien, désolé, je ne me souviens pas de tous les

  9   noms.

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   R.  Il y en avait bon nombre.

 12   Q.  Aviez-vous des proches qui y travaillaient ?

 13   R.  Oui, il y avait des proches, effectivement. Mon cousin Josip Antunovic

 14   y travaillait, ainsi que Ivan Albert, mais il était le contremaître ou le

 15   patron, si vous voulez.

 16   Q.  Dans le secteur, pourriez-vous nous donner une estimation du

 17   pourcentage de personnes qui y vivaient et qui travaillaient pour le

 18   vignoble IPK ?

 19   R.  Et bien, dans notre village d'Erdut, de 60 à 70 % de tous les habitants

 20   y travaillaient.

 21   Q.  Et où travaillait votre père ?

 22   R.  Mon père avait travaillé pendant des années avant 1989. Il a travaillé

 23   pour l'IPK.

 24   Q.  Pourriez-vous nous donner une idée de la durée de son emploi ?

 25   R.  Je ne sais pas exactement. Vingt ans, certainement.

 26   Q.  Est-il arrivé un moment où vous avez commencé à y travailler également

 27   ?

 28   R.  Oui. Immédiatement après avoir terminé mon instruction élémentaire, en


Page 161

  1   septembre 1988, je suis allé ramasser le raisin pour la première fois, et

  2   j'ai continué à y travailler à titre saisonnier.

  3   Q.  Quel âge aviez-vous quand vous avez été travailler dans les vignobles ?

  4   R.  15 ans.

  5   Q.  Vous avez dit que vous viviez avec vos parents à l'adresse en question,

  6   et y avait-il quelqu'un d'autre qui vivait dans votre foyer ?

  7   R.  Oui. Mon frère, Goran, était également un membre de cette maisonnée.

  8   Q.  En regardant la carte, quelle distance pourrait-on dire qu'il y a entre

  9   votre maison et le secteur que vous avez annoté comme étant "Arkan" ? A

 10   quelle distance cela serait-ce ?

 11   R.  Environ 5 kilomètres, entre 4 et 5 kilomètres.

 12   Q.  Vous pouvez poser le stylet, Monsieur Antunovic. S'il nous le faut,

 13   nous y reviendrons. Merci.

 14   R.  Très bien.

 15   Q.  Vous avez décrit votre père et là où vous travailliez. Est-ce que votre

 16   père avait une idée de son appartenance ethnique ? Que se considérait-il

 17   comme étant ?

 18   R.  Il se considérait être Croate.

 19   Q.  Pour décrire quelqu'un comme étant un Yougoslave, qu'est-ce que cela

 20   veut dire à votre sens ?

 21   R.  Un citoyen de la Yougoslavie. Cette personne était Yougoslave selon ces

 22   modalités, mais par appartenance ethnique, il s'agissait d'un Croate.

 23   Q.  Est-ce que quelqu'un dans votre famille se considérait comme étant

 24   Yougoslave ?

 25   R.  Oui, d'ailleurs, nous étions tous Yougoslaves. Nous vivions dans cet

 26   Etat, et mon père respectait Tito. Et voilà.

 27   Q.  Qu'est-il arrivé à vos parents et qui vous a amené à déménager?

 28   R.  Tous deux sont décédés en 1989, mon père en janvier et ma mère en


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  1   novembre. Tous deux avaient un cancer.

  2   Q.  Et où avez-vous déménagé ?

  3   R.  Je suis allé chez la sœur de ma mère, ma tante, et son mari dans le

  4   village d'Erdut.

  5   Q.  Et comment s'appelaient-ils ?

  6   R.  Ma tante s'appelait Anica Kristic, et mon oncle, Stjepan Butkovic.

  7   Q.  Pourriez-vous décrire environ où se trouvait leur maison à Erdut ?

  8   Mme BIERSAY : [interprétation] Et serait-il possible de nettoyer l'écran ?

  9   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] 

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si nous le faisons maintenant, nous

 11   allons perdre toutes les annotations.

 12   Mme BIERSAY : [interprétation] Je propose donc de faire une saisie d'écran

 13   et ensuite de le réafficher.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourrait-on

 15   procéder ainsi ?

 16   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons verser

 17   les deux versions, annotée et la version, également, vierge au dossier.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est ce que j'attendais justement,

 19   Madame Biersay. Oui, qu'on lui donne une cote de pièce.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter 6328 recevra la cote

 21   P1, et le document 65 ter 6328 annoté par le témoin recevra la cote P2.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 23   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Si nous

 24   pouvions maintenant afficher P1 à l'écran.

 25   Q.  Monsieur Antunovic, nous essayons donc d'effacer les annotations

 26   précédentes pour que vous n'ayez pas à recouvrir les précédentes par les

 27   suivantes. Voilà.

 28   Donc pourriez-vous maintenant nous indiquer sur la pièce P2 [comme


Page 163

  1   interprété], nous indiquer environ l'endroit où se trouvait la maison de

  2   votre oncle et tante. Nous allons vous aider.

  3   R.  Cela se déplace. Je n'y arrive pas.

  4   Q.  Ce n'est pas une épreuve, ne vous inquiétez donc pas.

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   Q.  Donc, vous avez annoté le bas à gauche du E qui se trouvait sur ce

  7   dessin, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  A quelle distance environ vivaient-ils du centre d'Erdut que vous avez

 10   décrit ?

 11   R.  A quelque 300 mètres. C'était très près. C'est un tout petit village.

 12   Q.  Vous avez décrit que les relations étaient harmonieuses lorsque vous

 13   alliez à l'école, dans votre village. Quelle était l'atmosphère quand vous

 14   avez déménagé pour habiter chez votre oncle et tante en ce qui concerne les

 15   différents contacts entre les groupes ethniques ?

 16   R.  A l'époque, la situation était encore normale. S'il y avait eu quoi que

 17   ce soit de différent, je ne le ressentais pas encore à l'époque.

 18   Q.  Quand est-ce que cela a changé ? Quand est-ce que le sentiment de la

 19   normalité a-t-il changé à votre sens ?

 20   R.  Je crois en 1990, lorsque les partis se sont établis dans le pays, par

 21   exemple le HDZ. Je crois que c'est là que beaucoup de choses ont changé.

 22   Q.  Comment ceci s'est-il manifesté, ce changement ? Comment ceci est

 23   apparu dans votre quotidien ?

 24   R.  J'avais beaucoup d'amis serbes. Même mon meilleur ami était Serbe. A

 25   une occasion, nous avons conversé et il m'a dit que nous ne pourrions plus

 26   nous fréquenter car j'étais Croate, lui était Serbe. Je faisais partie de

 27   la jeunesse HDZ, alors que lui faisait partie du SDS, et nous n'avions rien

 28   en commun. C'était dans ce sens.


Page 164

  1   Q.  Vers cette époque, avez-vous eu une annotation particulière pour

  2   indiquer votre appartenance aux jeunesses HDZ ?

  3   R.  Oui. J'avais un tatouage HDZ sur le bras droit, un tatouage de l'Union

  4   démocrate croate.

  5   Q.  Et quand est-ce que vous avez acquis la chose ?

  6   R.  En 1990, je crois.

  7   Q.  Et pourquoi vous êtes-vous fait tatouer ?

  8   R.  J'avais des amis qui étaient membres du parti et j'étais membre de

  9   l'organisation des jeunesses du parti. En fait, il n'y a pas d'explication.

 10   Je me suis tout simplement fait tatouer. Il s'est trouvé que c'était une

 11   erreur.

 12   Q.  Nous en reparlerons. Avant de passer au sujet suivant, je voulais vous

 13   demander si, à un moment donné après 1990, vous avez vu des activités

 14   paramilitaires dans votre région, Erdut-Dalj ?

 15   R.  Oui. En 1991, le Corps de la Garde nationale, des soldats croates, sont

 16   arrivés à Erdut, et également des agents de police réservistes croates.

 17   Q.  Et -- je regarde la traduction. Vous dites que le Corps de la Garde

 18   nationale est arrivé à Erdut, c'est-à-dire des soldats croates. Où se sont-

 19   ils rendus ? Ont-ils été stationnés quelque part à Erdut ou dans ces

 20   environs ?

 21   R.  Ils étaient basés -- si vous regardez la carte -- vous voulez que je le

 22   note ?

 23   Q.  [aucune interprétation]

 24   R.  Où Arkan est arrivé par la suite.

 25   Q.  Peut-être que vous pourriez marquer d'un X, si le stylet vous convient.

 26   R.  Si je peux y arriver.

 27   [Le témoin s'exécute]

 28   Q.  Tout à fait. Donc, vous avez annoté la case "Arkan" comme étant le lieu


Page 165

  1   où le Corps de la Garde nationale se trouvait, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui. Ils s'y trouvaient, et également à l'établissement Vodovod.

  3   Q.  Et vous avez également marqué la chose d'une croix ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Qu'est-ce que vous avez vu de leurs activités, si tant est qu'il y en

  6   avait ?

  7   R.  J'ai vu des soldats armés de fusils. Ils se déplaçaient dans le village

  8   tout comme d'autres civils. Ils avaient, je présume, un entraînement, mais

  9   je me souviens bien les avoir vus dans le village.

 10   Q.  A un moment donné, est-ce que quelque chose s'est passé quant à Vodovod

 11   ?

 12   R.  Oui. Une nuit, le secteur de Vodovod a été pilonné.

 13   Q.  Vous souvenez-vous de l'année et du mois environ de cet événement ?

 14   R.  C'était en 1991, vers la fin du mois de juillet.

 15   Q.  Si l'on pouvait revenir à l'époque pour que vous nous décriviez ce que

 16   vous avez vécu de cet événement. Quelle est la première chose dont vous

 17   vous souvenez qui s'est passée ce soir-là -- cette nuit-là en fin juillet

 18   1991 ?

 19   R.  Au cours de la nuit, on entendait des tirs de mortier et des

 20   explosions. Je me souviens que ma tante m'a tiré du lit pour que nous nous

 21   allongions au sol jusqu'à ce que la situation se calme.

 22   Q.  Pourriez -- étiez-vous en mesure à l'époque de dire d'où venaient ces

 23   explosions ?

 24   R.  Non, pas à l'époque. Par la suite, d'aucuns m'ont dit que les mortiers

 25   étaient tirés de l'autre côté du pont, en Serbie.

 26   Q.  Est-ce que ce pont se trouve sur votre carte, P1 ?

 27   R.  Oui, cela se trouve sur la carte.

 28   Q.  Pourriez-vous l'annoter d'une croix.


Page 166

  1   R.  [Le témoin s'exécute]

  2   Q.  Vous avez mis votre annotation sur la case où l'on voit "Most" ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous souvenez-vous combien de temps ont duré ces explosions ?

  5   R.  Je ne me souviens pas de la durée. Quoi qu'il en soit, il y a eu

  6   plusieurs explosions. Je sais qu'il y en a eu plusieurs, mais je ne sais

  7   pas combien de temps cela aurait pris.

  8   Q.  Etes-vous, en fin de compte, sorti ?

  9   R.  Oui. Lorsque les choses se sont calmées, nous sommes sortis.

 10   Q.  Où vous êtes-vous rendu le lendemain -- ou, devrais-je dire, le même

 11   jour ? C'est-à-dire, c'était la nuit quand les explosions ont commencé, et

 12   lorsque le jour s'est levé, c'est ce que je veux dire par "le jour

 13   suivant".

 14   R.  Oui, le matin, j'ai accompagné les sapeurs-pompiers volontaires à

 15   l'installation de Vodovod pour voir ce qui s'était passé et pour leur

 16   prêter main-forte. Nous voulions aider à recueillir les biens qui

 17   restaient. Nous avons vu que la propriété avait été pilonnée et qu'il y

 18   avait du sang. Nous avons recueilli les matelas des soldats croates qui y

 19   avaient dormi.

 20   Q.  Et où avez-vous vu du sang ?

 21   R.  Sur les matelas. Les matelas étaient au sol dans les bungalows en bois,

 22   et il y avait des miasmes.

 23   Q.  Quand vous dites "miasmes", que voulez-vous dire par là ?

 24   R.  Je présume, les miasmes de chair brûlée et de sang. Je n'avais jamais

 25   senti cette odeur auparavant. Quoi qu'il en soit, ce n'était certainement

 26   pas agréable.

 27   Q.  Et vous décrivez le fait que l'IPK se trouvait à côté de Vodovod, qu'il

 28   y avait un établissement dans ce secteur. Etait-ce également endommagé ?


Page 167

  1   R.  Non, pas dans le vignoble. Le vignoble n'avait pas été pilonné.

  2   Q.  Y avait-il des bâtiments à côté de Vodovod qui avaient été pilonnés ou

  3   endommagés par le pilonnage, pour autant que vous ayez pu le voir ?

  4   R. Oui, deux, deux bâtiments où l'IPK tenait ses tracteurs et son matériel

  5   agricole. Quelques mortiers y avaient atterri.

  6   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur le moment où l'on vous a dit de

  7   rentrer chez vous, et vous ne pouviez plus aller travailler, vous vous êtes

  8   rendu au travail ou vous ne pouviez travailler; vous en souvenez-vous ?

  9   R.  Oui. Le matin, tout comme un autre jour œuvré, je me suis rendu au

 10   centre d'Erdut et à partir de là --

 11   Q.  Je voulais simplement savoir de quel jour nous parlons ? Vous en

 12   souvenez-vous -- vous souvenez-vous de la date de ce que vous allez nous

 13   décrire ? Lorsque vous avez tenté de vous rendre au travail et que vous

 14   n'avez pu ?

 15   R.  Le 1er août 1991, j'ai été prendre l'autobus qui nous emmenait au

 16   vignoble. Des personnes sont arrivées, la police, et ils nous ont dit de

 17   retourner chez nous, qu'il n'y avait rien à faire et que le poste de police

 18   à Dalj avait été attaqué.

 19   Q.  Et qu'avez-vous fait ?

 20   R.  Rien. J'ai tourné talon et je suis entré chez moi.

 21   Q.  Avez-vous entendu quoi que ce soit d'inhabituel ce jour-là ?

 22   R.  J'ai entendu qu'il y avait des chars qui arrivaient vers le village, et

 23   je l'ai compris par la suite qu'il y avait du bruit, et je pouvais à

 24   l'évidence me rendre compte que ce n'était pas des camions ni des autocars.

 25   De plus, d'aucuns ont dit que les chars de la JNA avaient traversé le pont

 26   et allaient entrer à Erdut et aller plus loin encore.

 27   Q.  S'agit-il du même pont que celui que vous avez annoté d'une croix sur

 28   le terme "most" ? Est-ce bien le pont dont vous parlez ?


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  1   R.  Oui, c'est bien cela.

  2   Q.  Avez-vous vu les chars vous-mêmes ?

  3   R.  Non, pas à ce moment-là, pas au moment où ils sont entrés.

  4   Q.  Quelle a été l'ambiance dans la ville ce jour-là ?

  5   R.  Tout le monde avait peur, les gens sont rentrés chez eux. S'ils avaient

  6   des caves, c'est là qu'ils se sont cachés. Nous avions des voisins qui sont

  7   venus chez nous dans la maison de mon oncle pour se cacher dans les caves.

  8   La plupart d'entre eux, cependant, sont partis en direction d'Aljmas, parce

  9   qu'on leur avait dit qu'il y avait un bateau qui les attendait pour les

 10   transporter vers une zone plus sûre, en direction d'Osijek.

 11   Q.  Y avait combien de personnes dans votre cave ?

 12   R.  Quatre, cinq, six personnes. Cela dépendait, la situation changeait. Il

 13   y en avait qui venait, d'autres qui partaient.

 14   Q.  Et quelle a été l'appartenance ethnique de ces gens, ces gens-là qui se

 15   sont réfugiés dans votre cave ?

 16   R.  Croates.

 17   Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, je regarde l'heure,

 18   et j'avais envie de montrer une vidéo, mais j'ai l'impression que je

 19   n'aurai pas suffisamment de temps pour cela. Parce qu'il est 2 heures moins

 20   cinq, j'essaie d'anticiper.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous avez peut-être raison, Madame

 22   Biersay. Mais vous allez perdre cinq minutes. Mais que signifient cinq

 23   minutes dans une vie ?

 24    Mme BIERSAY : [interprétation] Ecoutez, je vais continuer jusqu'au moment

 25   où on me dit qu'il est l'heure d'interrompre la session, je peux continuer

 26   comme cela, j'ai voulu tout simplement vous faire savoir que je tiens

 27   compte du temps qui passe.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.


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  1   Mme BIERSAY : [interprétation]

  2   Q.  Donc vous avez dit que vous êtes rentré chez vous. Vous êtes resté

  3   combien de temps chez vous sans sortir ?

  4   R.  Je suis resté chez moi. Comme je vous ai dit, il y avait des gens qui

  5   sont partis à Aljmas, alors que mon oncle, ma tante, et moi-même nous

  6   sommes restés. Nous sommes restés pendant six ou sept jours, je ne suis pas

  7   sorti de chez moi parce que j'avais peur de sortir.

  8   Q.  Est-ce que vous regardiez la télé pendant ce temps-là ?

  9   R.  Oui, il y avait des images d'Aljmas à la télé, nous pouvions voir les

 10   gens en train de fuir en direction d'Osijek. Et puis il y avait des

 11   reportages au sujet des événements à Dalj et ses environs.

 12   Q.  Est-ce que vous avez pu suivre des programmes serbes de la télévision

 13   serbe ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et que disait-on dans ces programmes, dans ces émissions ?

 16   R.  A vrai dire, je ne m'en souviens pas.

 17   Q.  Est-ce qu'à un moment donné vous êtes allé chercher votre frère ?

 18   R.  Oui. Comme je l'ai dit, je l'ai fait six ou sept jours plus tard, je

 19   suis allé dans la maison de mes parents là où habitait mon frère avec son

 20   épouse et son enfant. Il était en bas âge, il avait trois ou quatre mois à

 21   l'époque. Je suis allé le chercher.

 22   Q.  Et ?

 23   R.  Eh bien, j'ai vu que lui aussi il était parti le 1er août en direction

 24   d'Osijek.

 25   Mme BIERSAY : [interprétation] J'en ai fini de mon interrogatoire

 26   aujourd'hui, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Madame Biersay.

 28   Monsieur Antunovic, votre déposition pour aujourd'hui s'arrête. Nous


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  1   allons vous revoir demain à 9 heures à la même heure. Vous ne pouvez,

  2   Monsieur le Témoin, entre-temps vous entretenir avec qui que ce soit au

  3   sujet de votre déposition.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous pouvez quitter le prétoire

  6   maintenant.

  7   [Le témoin quitte la barre]

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée. Nous nous

  9   retrouverons demain à 9 heures dans cette même salle d'audience. Merci.

 10   --- L'audience est levée à 14 heures 00 et reprendra le mercredi, 17

 11   octobre 2012, à 9 heures 00.

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