Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 20 novembre 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tous dans le prétoire et

  6   autour du prétoire.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

  9   de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on peut avoir les

 11   présentations, s'il vous plaît, à commencer par l'Accusation ?

 12   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. M. Stringer

 13   pour l'Accusation --

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 15   Pour la Défense, Maître Zivanovic.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Me Zivanovic

 17   pour la Défense de M. Hadzic, et M. Christopher Gosnell.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup.

 19   Est-ce qu'on peut faire entrer le témoin, s'il vous plaît ?

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21   M. LE JUGE DLVOIE : [interprétation] Bonjour.

 22   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] [hors micro]

 24   L'INTERPRÈTE : Traduction à partir du compte rendu.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci d'être venu aujourd'hui pour

 26   nous aider en témoignant. Tout d'abord, est-ce que vous m'entendez dans une

 27   langue que vous comprenez ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, je m'excuse. Je n'avais pas

  2   branché mon micro. Excusez-moi.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Rakic, Gorana.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Et votre date de naissance,

  5   s'il vous plaît ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] 12 novembre 1956.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Quelle est votre appartenance

  8   ethnique ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis serbe.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Vous allez d'abord donner

 11   lecture du texte de la déclaration solennelle qui vous engage en votre

 12   qualité de témoin de dire la vérité. Je dois souligner que la déclaration

 13   solennelle que vous allez faire vous expose à des sanctions de parjure pour

 14   le cas où vous diriez des -- enfin, vous fourniriez des éléments contraires

 15   à la vérité ou des informations qui induiraient ce Tribunal dans l'erreur.

 16   Je vous prie de donner lecture de cette déclaration solennelle maintenant.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'engage solennellement à dire la vérité,

 18   toute la vérité et rien que la vérité. 

 19   LE TÉMOIN : GORANA RAKIC [Assermenté]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Madame Rakic. Vous pouvez vous

 22   asseoir.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le témoin est à vous, Monsieur

 25   Demirdjian.

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 27   Interrogatoire principal par M. Demirdjian : 

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Rakic.

 


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  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Je vais d'abord vous poser quelques questions au sujet de votre

  3   déclaration et si des éclaircissements sont nécessaires, n'hésitez pas à

  4   les demander.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Alors, j'aimerais que, d'abord, on nous

  6   montre sur nos écrans la pièce 65 ter 2379, s'il vous plaît.

  7   Q.  Madame Rakic, est-il exact de dire que vous avez fait une déclaration

  8   auprès du bureau du Procureur en mai 1999 ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Et cette déclaration a été rédigée en langue anglaise, puis ça vous a

 11   été lu en serbe avant que vous ne signiez.

 12   R.  C'est exact.

 13   Q.  Est-ce que vous voyez cette déclaration devant vous à présent ?

 14   R.  Oui, je la vois.

 15   Q.  Au bas de cette version anglaise, est-ce que vous voyez votre signature

 16   ?

 17   R.  Oui, je la vois.

 18   Q.  Est-il exact de dire que vous aussi signé chacune des pages de cette

 19   déclaration ?

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  Lorsque vous êtes arrivé à La Haye il y a quelques jours, on vous a

 22   fourni une copie de cette déclaration traduite dans votre langue, n'est-ce

 23   pas ?

 24   R.  Oui, c'est cela.

 25   Q.  A l'examen de votre déclaration, vous avez fait quelques petites

 26   rectifications au niveau de certaines phrases, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Pouvons-nous y revenir ?


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  1   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Page 3 des versions tant en anglais qu'en

  2   B/C/S, s'il vous plaît. Alors, j'aimerais que l'on zoome la partie en haut,

  3   c'est-à-dire le tout premier paragraphe.

  4   Q.  Et je souhaite que vous prêtiez attention à la dernière phrase de ce

  5   tout premier paragraphe et je crois que vous avez dit : "Je suis sûre que

  6   mon mari… " et cetera.

  7   Alors, est-ce que vous voulez apporter, vous voulez bien apporter cet

  8   éclaircissement au sujet de la rectification apportée, s'il vous plaît ?

  9   R.  S'agissant de ces déclarations et ce qui a été rédigé ou plutôt

 10   traduit, je suis certaine du fait que mon mari aurait pris ces armes au cas

 11   où il y aurait eu une distribution. Et j'ai rectifié en disant que mon mari

 12   n'aurait certainement pris -- non, il n'aurait certainement pas pris des

 13   armes, parce que ni lui ni moi n'aimions les armes et ne voulions en

 14   posséder ni avant ni après.

 15   Q.  Merci. Alors, mis à part cette phrase que vous avez tiré au clair pour

 16   les Juges de la Chambre, est-ce que le reste de votre déclaration se trouve

 17   être conforme à ce que vous avez dit ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  S'agissant des réponses qui ont été apportées à l'occasion du tel --

 20   enfin, dans le texte de votre déclaration, est-ce que vous répondriez de la

 21   même façon aujourd'hui si on vous posait les mêmes questions qu'avant ?

 22   R.  Probablement que si.

 23   Q.  Merci.

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, puis-je demander le

 25   versement au dossier de cette déclaration ?

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est admis au dossier et annoté.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, cette pièce se voit

 28   attribuer la cote P272. Merci.


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  1   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  2   Q.  Madame Rakic, j'aurais quelques questions supplémentaires à vous poser

  3   au sujet de sujets évoqués dans vos déclarations. Et tout d'abord, vous

  4   avez dit que vous travailliez pour des banques à Osijek. Est-ce que vous

  5   pouvez d'abord dire aux Juges quel est votre contexte au niveau de

  6   l'éducation que vous avez reçue ?

  7   R.  Eh bien, j'ai une formation secondaire technique, c'est-à-dire j'ai une

  8   école d'économie du niveau secondaire et j'ai travaillé dans une banque à

  9   Osijek pendant 13 ans. J'avais commencé en tant que stagiaire et en 1990,

 10   j'étais chef d'équipe. J'avais sous moi, c'est-à-dire des subordonnés, et

 11   j'étais donc à la tête d'un groupe de 20 personnes.

 12   Q.  Dans votre déclaration, et je vais sauter certaines parties, mais je

 13   pense que vous avez expliqué une situation telle qu'elle se présentait en

 14   été 1991 et au haut de la page 3, vous expliquez que vous avez quitté Erdut

 15   le 20 juillet 1991. Est-ce que -- et que vous êtes restée chez votre tante

 16   en Serbie. Alors, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quand est-ce que

 17   vous êtes revenue de Serbie ?

 18   R.  Je suis revenue de Serbie le 19 août 1991.

 19   Q.  Et une fois que vous êtes revenue, est-ce que vous avez continué à

 20   travailler ? Est-ce que vous avez repris le travail ?

 21   R.  Vous voulez dire à Osijek ? Non. Bien sûr que non. Je suis retournée

 22   dans mon village et dès que -- enfin, à partir du moment où l'armée -- la

 23   JNA a été dans le village, nous avions une obligation ou je ne sais comment

 24   trop l'appeler, à savoir de mettre en place une obligation de travail pour

 25   tout un chacun. Et au village, chacun faisait quelque chose qui était

 26   conforme à ce qui avait été sa -- ce domaine d'intervention auparavant et

 27   entre autres ce qu'il convenait de faire.

 28    Q.  Et quelle était l'obligation de travail qu'on vous avait confiée à


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  1   vous-même ?

  2    R.  Moi, au QG de la Défense territoriale, on m'a désignée pour tenir à

  3   jour la comptabilité de ce QG, notamment prendre soin de l'économat et de

  4   tout ce qui était nécessaire pour le bon fonctionnement de la cuisine.

  5   Q.  Mais avant que d'avoir été comptable, est-il vrai aussi d'avoir été

  6   impliquée dans le nettoyage et l'organisation de la Défense territoriale,

  7   ce centre ?

  8   R.  Non, personnellement pas moi. Parce que je ne suis pas dans cette

  9   profession. Je m'attendais à une tâche au niveau de la comptabilité. Mais

 10   il y a eu d'autres femmes, d'autres personnes en général qui s'étaient

 11   trouvées là, et à qui on a confié ce type de tâche.

 12   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges de la Chambre ce que

 13   vous faisiez en votre qualité de comptable, c'est-à-dire que faisiez-vous

 14   au quotidien ?

 15   R.  Mes fonctions étaient, et je pense vous avoir déjà dit, c'était une

 16   espèce d'économat, c'est-à-dire j'étais l'économe de ce qui se faisait.

 17   Donc je comptabilisais les vivres à l'entrée au niveau de la cuisine, il

 18   s'agissait de faire à manger pour les ouvriers qui avaient œuvré à nettoyer

 19   le centre, puis le personnel qui travaillait dans les vignobles, qui

 20   cueillaient les raisins, et il s'agissait de comptabiliser tout ce qui

 21   était acquis par cet économat.

 22   Q.  Fort bien. Alors vous avez expliqué dans votre déclaration que votre

 23   supérieur, votre chef, s'appelle Dragomir Lastavica, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Je voudrais vous montrer maintenant une image de ce secteur, et je vais

 26   vous demander de nous montrer les différents emplacements de vos bureaux et

 27   du reste.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Alors à ce titre, j'aimerais qu'on nous


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  1   affiche le 65 ter 6254, qui se trouve à l'intercalaire numéro 21.

  2   N'est-ce pas déjà au prétoire électronique ?

  3   Q.  Alors, Madame Rakic, on y reviendra dans un instant. Il semblerait

  4   qu'il y ait des difficultés techniques pour ce qui était de l'image que je

  5   veux vous montrer. Alors je vais passer à d'autres questions que j'ai

  6   l'intention de poser.

  7   Dans vos déclarations, vous avez expliqué que Arkan est arrivé en septembre

  8   1991, et qu'il est venu dans votre bureau, et qu'il s'est présenté. Est-ce

  9   que vous pouvez pourriez dire aux Juges de la Chambre comment est-ce qu'il

 10   s'est présenté au juste ?

 11   R.  Il est entré dans le bureau, il s'est mis aux gardes à vous, et il a

 12   dit qui il était. Il a dit qu'il était le chef de la Garde des Volontaires

 13   serbes. C'est tout.

 14   Q.  Bien. Alors une fois arrivé dans ce centre d'entraînement, où vous

 15   dites d'avoir vu, ce jour-là, où est-ce qu'il s'est installé suite à cette

 16   présentation ?

 17   R.  Il est resté au centre où il y avait la Défense territoriale.

 18   Q.  Vous avez expliqué dans vos déclarations qu'il est arrivé avec environ

 19   30 hommes; y avait-il un gardien à l'entrée de ce centre d'entraînement ?

 20   R.  Je pense qu'il y avait des réservistes de la JNA qui étaient là avant

 21   que lui n'arrive.

 22   Q.  Et sont-ils restés là suite à son arrivée ?

 23   R.  Non. Les militaires se sont retirés vers le bâtiment de l'école

 24   primaire.

 25   Q.  Vous nous avez mentionné un dénommé Radovan Stojicic, et vous avez

 26   parlé de Erdut. Alors dites-nous si vous l'avez vu dans ce centre

 27   d'entraînement ?

 28   R.  Je pense l'avoir vu à plusieurs reprises pour des concertations, ou je


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  1   ne sais trop quoi, mais il venait au centre.

  2   Q.  Et une fois qu'il est arrivé au centre; saviez-vous qui il était venu

  3   rencontrer ?

  4   R.  Ça, je ne le sais pas.

  5   Q.  Dans vos déclarations, vous indiquez qu'il y a eu des bâtiments de

  6   l'entreprise Saponija, et vous dites qu'il s'y trouvait, il se trouvait

  7   dans ces locaux-là. Alors est-ce que vous pouvez nous indiquer quelle est

  8   la distance entre le centre d'entraînement et ce bâtiment ?

  9   R.  A vol d'oiseau, à vol d'oiseau c'est très près, disons 800 mètres à un

 10   kilomètre, entre l'entreprise Saponija et le centre de formation de la

 11   Défense territoriale.

 12   Q.  Fort bien. Du point de vue des aspects logistiques, pour ce qui est de

 13   la TO, je voudrais que vous vous penchiez sur un document qu'on vous

 14   affichera sur votre écran.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et je précise qu'il s'agit de la pièce 65

 16   ter 66045 [comme interprété] -- 44045 [comme interprété], intercalaire 5.

 17   Q.  Madame Rakic, c'est un document militaire que vous avez sous les yeux,

 18   au niveau de l'écran. Est-ce qu'il est vrai de dire que vous n'avez pas vu

 19   ce document jusqu'à présent ?

 20   R.  C'est tout à fait exact.

 21   Q.  Je voudrais vous aider au niveau des informations englobées par le

 22   rapport. Au tout premier paragraphe, on indique que 30 membres de la Garde

 23   nationale serbe, sous le commandement d'Arkan étaient basés dans ce centre

 24   d'Entraînement. Alors est-ce que ceci coïncide avec les informations que

 25   vous aviez eues à l'époque ?

 26   R.  De là à vous dire qu'ils étaient 30, 25 ou 35, je ne peux parler qu'à

 27   titre approximatif de leur nombre.

 28   Q.  Au paragraphe suivant, il est dit que ce centre avait une capacité


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  1   d'accueil de 270 lits. Alors est-il vrai de dire que vous n'avez jamais eu

  2   l'opportunité de les compter ?

  3   R.  Je suppose que ces lits, enfin on avait appelé ça l'hôtel à l'époque.

  4   Parce que avant les années 1990, il y avait là les dortoirs des réservistes

  5   de la JNA.

  6   Q.  Alors quand on dit "dortoir," on comprend que ça faisait partie du

  7   centre ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Allons au paragraphe suivant, on dit qu'il y a eu que conformément aux

 10   ordres d'Arkan, 19 femmes du village d'Erdut ont été employées dans le

 11   centre. Est-ce que vous pouvez nous dire si ça coïncide avec les

 12   informations qui étaient les vôtres à l'époque ?

 13   R.  Je ne pense pas qu'elles aient été au nombre de 19. Je pense qu'il y en

 14   avait eu moins que cela.

 15   Q.  Mais alors en terme de chiffres, quelles étaient les informations dont

 16   vous avez disposé à l'époque, mais pas à être trop précis, dites-nous, à

 17   peu près ?

 18   R.  Dix au plus, peut-être.

 19   Q.  Dans la phrase suivante on voit qu'Arkan avait demandé à la TO de

 20   fournir un transport à l'attention de ces femmes pour qu'elles puissent

 21   venir au travail et rentrer. Est-ce que vous le saviez cela ?

 22   R.  Non, je ne le savais pas.

 23   Q.  Bien. Le paragraphe suivant nous parle de matériel disponible au niveau

 24   du centre, on parle de quantités importantes d'armes d'infanterie, et il y

 25   a eu des propos évoquant à un entrepôt énorme. Alors est-ce que vous avez

 26   vu vous-même un entrepôt énorme comme on le dit avec des armes ?

 27   R.  Non, je n'ai pas vu d'entrepôt.

 28   Q.  Est-ce que vous avez vu Arkan et ses hommes s'entraîner dans ce centre


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  1   d'entraînement ?

  2   R.  Je ne les ai pas vus au centre même, mais ils leur arrivaient de se

  3   promener avec leurs armes dans la rue et avec ces cagoules sur leur tête.

  4   L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin peut expliquer ce que le mot de

  5   "phantomka" [phon] veut dire ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont des couvre-chefs avec des ouvertures

  7   pour les yeux et pour la bouche.

  8   L'INTERPRÈTE : L'interprète a traduit par cagoule en français.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 10   Q.  Pour être tout à fait clair, est-ce que vous avez dit que vous les

 11   aviez vus déambuler dans les rues de la ville d'Erdut ?

 12   R.  Oui, c'est ce que je viens de dire à l'instant. Je les voyais aller et

 13   venir dans les rues.

 14   Q.  Et à quelle fréquence les voyez-vous déambuler dans les rues d'Erdut ?

 15   R.  Parfois le matin parfois l'après-midi, dans une même journée, mais je

 16   ne sais pas vous dire à combien de reprises. Il s'est passé beaucoup de

 17   temps depuis vous savez. Mais je les voyais au moins une fois par jour.

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer à la page

 19   suivante, s'il vous plaît ? Je crois que c'est la dernière page de ce

 20   document qui ne comporte en fait que deux pages. Alors j'aimerais qu'on

 21   zoome la partie inférieure.

 22   Q.  Il y a un paragraphe avant le dernier paragraphe, où il y a la

 23   description de la réaction des habitants de ce village d'Erdut. Et une

 24   première phrase décrit que cette présence avait générée pas mal de

 25   mécontentement. Alors est-ce que vous avez été témoin de la réaction des

 26   habitants de cette localité ?

 27   R.  Je suppose que les réactions étaient les mêmes que les miennes, parce

 28   que quand vous voyez un groupe d'une vingtaine d'hommes se promener avec


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  1   des cagoules sur la tête et avec des armes, ça ne peut pas vous être égal.

  2   Vous vous mettez de côté. Vous vous rangez de côté à leur passage.

  3   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Juge, puis-je demander le

  4   versement au dossier de ce document ?

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera admis et annoté.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce à conviction P233

  7   [comme interprété]. Merci.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] On m'a informé du fait que l'image ou la

  9   vue aérienne était disponible à présent. Alors nous allons retourner vers

 10   la pièce 65 ter 6254, intercalaire 21.

 11   Q.  Madame Rakic, j'aimerais vous demander d'apporter des annotations au

 12   niveau de certains secteurs de cette vue. Et à cet effet je vais demander

 13   l'assistance de M. l'huissier. La voilà.

 14   Alors reconnaissez-vous l'image que vous voyez, Madame Rakic ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que vous pouvez dire aux Juges de la Chambre ce que nous voyons

 17   ?

 18   R.  Ici, sur cette photo, on voit que -- d'abord c'est une vue aérienne, il

 19   y a ce centre de la Défense territoriale. Il y a la nouvelle installation

 20   de fabrication de vin, de vignoble, et la vieille partie du château qui

 21   faisait partie de ce combinat agricole industriel, qu'on appelle IPK.

 22   Q.  Fort bien.

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que je peux demander à M.

 24   l'huissier d'aider le témoin ?

 25   Q.  Madame Rakic, on vous donnera un stylet, dans un instant, et j'aimerais

 26   que vous nous montriez le portail d'entrée de ce centre d'entraînement ?

 27   Vous pouvez mettre un numéro 1 pour l'indiquer.

 28   R.  [Le témoin s'exécute]


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  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que M. l'huissier vous pouvez

  3   effacer pour que ce soit un peu plus grand ?

  4   L'INTERPRÈTE : Le témoin rectifie.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] [Le témoin s'exécute]

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  7   Q.  Non, non, l'huissier va effacer, vous pouvez recommencer. Mettez un

  8   numéro 1 et mettez un cercle autour de ce chiffre 1, s'il vous plaît.

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   Q.  Merci. Alors pouvez-vous nous indiquer où se trouvait votre bureau

 11   lorsque vous avez commencé à travailler là-bas en août 1991 en votre

 12   qualité de comptable ?

 13   R.  Est-ce que vous voulez que j'annote et que j'appose le numéro 2 ?

 14   Q.  Oui.

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   Q.  Et quel est ce bâtiment, ce bâtiment que vous venez d'annoter ? Qui

 17   avait-il donc dans ce bâtiment, ce bâtiment très long ?

 18   R.  La cuisine du centre d'Entraînement de la TO et le mess des officiers.

 19   Q.  Très bien. Est-ce que vous pourriez apposer le chiffre 3.

 20   R.  [Le témoin s'exécute]

 21   Q.  Tout à l'heure, nous avons parlé de l'hôtel ou dortoir. Où se trouvait-

 22   il ?

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Très bien. Et à côté du bâtiment vous avez apposé un 4 un autre

 25   bâtiment se trouve. A quoi servait-il ?

 26   R.  Cela je l'ignore.

 27   Q.  Très bien. Est-ce que votre bureau s'est toujours trouvé au même

 28   endroit pendant toute la durée de votre travail au centre d'Entraînement ?


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  1   R.  Non. Je crois qu'en septembre, vers la mi-septembre, j'ai déménagé dans

  2   un bureau qui faisait partie du combinat IPK.

  3   Q.  Est-ce qu'on peut le voir sur cette image ?

  4   R.  Oui. Oui, je le vois.

  5   Q.  Si vous voulez bien y apposer le chiffre 5.

  6   R.  [Le témoin s'exécute]

  7   Q.  Et qu'est-ce qui vous a emmené à déménager d'un bureau à l'autre ?

  8    R.  Arkan avait pris en main l'intégralité du centre. Il avait fait venir

  9   - je ne sais comment dire - une femme qui était chargée de toutes sortes

 10   d'obligations à son effet, dont sa correspondance, par exemple. Elle a pris

 11   mon ancien bureau, et moi, j'ai déménagé dans le bureau de M. Lastavica.

 12   Tous deux, nous avons déménagé dans l'ancien château, qui à l'époque était

 13   le bureau de l'administration de l'IPK.

 14   Q.  Vous nous avez dit qu'il était cantonné ici. Dans quel secteur a-t-il

 15   emménagé avec ses hommes ?

 16   R.  Qu'est-ce que vous voulez dire lorsque vous me demandez où il a

 17   emménagé ?

 18   Q.  Vous nous avez dit que lorsque Arkan s'est présenté à vous, à la suite

 19   de quoi il a été cantonné au centre de formation de la TO. Pourriez-vous

 20   nous dire sur cette image les lieux qu'il occupait avec ses hommes ?

 21   R.  C'est là où j'ai apposé le numéro 4. Il se servait de l'endroit à titre

 22   de dortoir. Et en numéro 3, c'était sa salle à manger.

 23   Q.  Très bien. Pourriez-vous nous dire où était le bureau du gouvernement à

 24   l'époque ?

 25   R.  Souhaitez-vous que j'appose un chiffre ?

 26   Q.  Le chiffre 6.

 27   R.  Je crois que c'est là que ça se trouvait.

 28   Q.  Et l'immeuble que vous avez annoté d'un numéro 5, nous voyons que c'est


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  1   un long bâtiment jaunâtre. C'est ainsi qu'on l'appelait ? Est-ce qu'il

  2   avait un nom, cet immeuble ?

  3   R.  Il s'agit de l'ancien château qui appartenait au comte Damovic à

  4   l'époque.

  5   Q.  Lorsque l'on parle de cave vinicole, quel était le site dit vinicole en

  6   1991 ?

  7   R.  Je vais apposer le numéro 7 à côté de la nouvelle cave vinicole qui a

  8   été construite avant les années 1990, qui reste en exploitation. A côté de

  9   ce nouveau bâtiment, l'on se servait -- et je vais y apposer le numéro 8.

 10   Alors, dans l'ancien cabinet de l'IPK, qui faisait partie du manoir de

 11   Damovic, et c'est où les anciennes caves se trouvaient et il y avait

 12   également un centre de recueil de vins.

 13   Q.  Oui, je comprends.

 14   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, est-ce que nous

 15   pouvons faire une saisie d'image et un versement.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé et reçoit une cote.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 6254 de la liste 65 ter

 18   annoté par le témoin reçoit la cote P274.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 21   Q.  Je passe à un sujet différent, Madame Rakic. A la page 4 de votre

 22   déclaration, vous évoquez les Hongrois qui avaient été amenés au centre

 23   d'entraînement en octobre 1991. Vous mentionnez Nikola Kalozi et son père.

 24   Avant le conflit, connaissiez-vous cette 

 25   famille ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et pourriez-vous nous dire comment vous connaissiez cette famille ?

 28   R.  Avant les années 1990, cette famille avait un restaurant au mont Erdut,


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  1   qui faisait partie du village d'Erdut. Nous nous y rendions souvent pour

  2   dîner.

  3   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre comment vous avez entendu

  4   que Nikola Kalozi et son père avaient été amenés au centre d'entraînement ?

  5   R.  A l'époque, la seule façon dont on aurait pu l'entendre, c'était des

  6   anecdotes d'autres alors que nous allions au travail ou que nous nous

  7   rendions à la boulangerie ou dans les magasins. C'est ainsi que j'ai

  8   entendu dire qu'ils avaient été amenés au centre. Je ne les ai pas vus de

  9   mes yeux, à l'évidence.

 10   Q.  Très bien. Vous avez également évoqué à la même page la famille Albert.

 11   Pourriez-vous nous dire quel était votre rapport avec cette famille, pour

 12   autant qu'il y en ait eu ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Je ne sais pas si ma question a bien été traduite. Pourriez-vous nous

 15   dire également quel était votre rapport avec cette famille ?

 16   R.  Oui, je les connaissais. Je connaissais cette famille. Ma sœur était

 17   mariée à l'un des Albert, et elle l'est encore d'ailleurs.

 18   Q.  Très bien. Et vous avez évoqué dans votre déclaration qu'un homme du

 19   nom de Milorad Stricevic était censé aider la famille Albert à quitter

 20   Erdut et passer en Serbie. Tout d'abord, pourriez-vous nous dire qui était

 21   ce Stricevic ?

 22   R.  Stricevic, je ne le connaissais pas avant 1990. Dans les années 1990,

 23   je l'ai peut-être vu deux fois. Il était un ami de mon beau-frère -- ou,

 24   plutôt, un ami d'un ami de mon beau-frère.

 25   Q.  Et quel rapport, pour autant qu'il y en ait eu, avait-il avec la

 26   famille Albert ?

 27   R.  Il n'y avait pas de liens familiaux du tout. Ils se connaissaient

 28   simplement par l'intermédiaire de connaissance mutuelle, par


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  1   l'intermédiaire d'un ami de la famille Albert.

  2   Q.  Et après ou à la suite du mois d'août 1991, saviez-vous où il résidait

  3   ?

  4   R.  Stricevic résidait dans la maison de ma sœur et de mon beau-frère à

  5   Erdut.

  6   Q.  Dans votre déclaration, vous déclarez que vous avez réalisé que la

  7   famille Albert - Djuro, Helena et Victoria Albert - et Ana Terzic avaient

  8   disparu deux semaines plus tard. Pourriez-vous vous nous dire comment vous

  9   avez appris leur disparition ?

 10   R.  Comment ils ont disparu, c'est là la question que vous me posez ?

 11   Q.  Comment vous avez appris qu'ils avaient disparu.

 12   R.  Avant qu'ils ne partent, ils étaient venus dire au revoir à mes

 13   parents. Ils leur ont dit qu'ils iraient d'abord en Serbie, et à partir de

 14   là ils iraient en Hongrie et peut-être ailleurs. Peut-être que dix jours

 15   plus tard environ, nous avons pris contact avec ma sœur et mon beau-frère

 16   par l'intermédiaire de nos amis à Odzaka [phon]. Les téléphones étaient

 17   coupés à ce moment-là. Ceux qui habitaient à Odzak ont appelé ma sœur et

 18   mon beau-frère qui étaient en Slovénie à l'époque, et ils nous ont dit

 19   qu'ils ne les avaient jamais contactés. Et à partir de là, cinq ou six

 20   jours par la suite, lorsqu'ils ne sont pas rentrés en contact, nous avons

 21   en conclu qu'ils avaient disparu sans trace. Tout simplement qu'ils avaient

 22   disparus.

 23   Q.  J'aimerais tirer au clair quelque chose. Vous avez parlé d'amis, et ce

 24   que l'on voit au compte rendu, c'est la ville d'Odzak. C'est bien là le nom

 25   bien de la ville ?

 26   R.  Odzaci. Odzak est un lieu en Bosnie, alors qu'Odzaci est en Serbie.

 27   Q.  Merci de cet éclaircissement. Au même paragraphe, après avoir parlé de

 28   la famille Albert, vous avez également déclaré que d'autres Croates ont dû


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  1   monter en autocars et ont été chassés d'Erdut avant que la FORPRONU

  2   n'arrive. Ce que j'aimerais vous demander, c'est à quel moment cela s'est-

  3   il déroulé environ ?

  4   R.  Cette expulsion s'est tenue au printemps, je crois.

  5   Q.  Bien. Et comment avez-vous été avertie de cette expulsion ?

  6   R.  Nous avons ouï dire de toutes ces choses importantes dans la rue. C'est

  7   mon cousin qui me l'a relaté. Les hommes d'Arkan sont arrivés et l'ont

  8   forcé par la force de canon de leurs armes à conduire l'autocar où ces

  9   Croates se trouvaient, c'est-à-dire les non-Serbes qui étaient chassés du

 10   village.

 11   Q.  Qu'est-il advenu des maisons des Croates qui avaient été expulsés ?

 12   R.  Ces maisons ont ensuite été louées à des réfugiés serbes qui étaient

 13   arrivés soit d'Osijek, soit de Slavonie occidentale.

 14   Q.  Y avait-il des Croates qui sont restés sur place après ces expulsions ?

 15   R.  Très peu, et ils étaient principalement des personnes âgées ou encore

 16   dans des mariages mixtes.

 17   Q.  Vous venez de nous parler de réfugiés serbes qui avaient été chassés

 18   d'Osijek ou de Slavonie occidentale et qui sont venus occupés certains des

 19   foyers qui avaient été laissés par les Croates.

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] J'aimerais que vous regardiez le document

 21   suivant, 65 ter 00982, à l'onglet 18. J'ignore la raison pour laquelle la

 22   version en anglais est en vert.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a également une version dans ma langue.

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 25   Q.  Le document traite de la maison de Drago Albert dont il était

 26   propriétaire. Connaissiez-vous Drago Albert ?

 27   R.  Oui. Drago Albert est le mari de ma sœur. C'est donc mon beau-frère.

 28   Q.  Et de quelle appartenance ethnique est-il ?


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  1   R.  Drago Albert est de confession catholique.

  2   Q.  A l'époque, saviez-vous que cette maison a été donnée à la famille

  3   Vujanic ?

  4   R.  Oui, nous le savions. Je le savais.

  5   Q.  Et saviez-vous d'où est venue la famille Vujanic ?

  6   R.  Je crois qu'ils sont venus de Podravska Slatina, mais je n'en suis pas

  7   sûre.

  8   Q.  Et quelle était leur appartenance ethnique ?

  9   R.  Les Vujanic étaient de confession orthodoxe.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demande le versement de ce document,

 11   Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé et reçoit une cote.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P275.

 14   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Désolé, est-ce que nous pourrions dérouler

 15   le document jusqu'en bas.

 16   Q.  Reconnaissez-vous cette signature apposée sur ce document, Madame Rakic

 17   ?

 18   R.  Oui, je la reconnais.

 19   Q.  Et de qui est-ce le paraphe ?

 20   R.  La signature de mon mari.

 21   Q.  Et vous avez expliqué qu'à l'époque il travaillait pour la coopérative

 22   commune d'Erdut; est-ce exact ?

 23   R.  Oui, effectivement. C'était son poste.

 24   Q.  Dernier document que j'aimerais vous montrer.

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Sur la liste 65 ter, 00850. A l'onglet 17.

 26   Version en anglais, page 2, je vous prie. Et en B/C/S, page 5, je vous

 27   prie.

 28   Monsieur le Président, il s'agit là d'une série de 30 documents notariés


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  1   pour les résidents du village d'Erdut. Nous allons nous arrêter sur

  2   quelques exemples. Nous avons traduit un ou deux documents qui sont

  3   analogues, simplement les noms des habitants changent.

  4   Q.  Madame Rakic, pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit dans ce

  5   document ? Quel en est le sujet ?

  6   R.  Ce document n'est pas très lisible, tout d'abord. Mais il s'agit d'un

  7   avis pour les réfugiés serbes qui sont arrivés à Erdut en 1991 et qui ont

  8   occupé des maisons croates vides. Donc, que la décision a été délivrée par

  9   le ministère de la Défense de la République serbe de Krajina pour tous ceux

 10   qui résident provisoirement sur le territoire d'Erdut que leur site

 11   d'origine de résidence avait été libéré et qu'ils devraient donc revenir au

 12   lieu d'origine de leur résidence.

 13   Q.  Ce document -- cette décision est adressée à Zoran Stojilovic [phon].

 14   Est-ce quelqu'un que vous connaissiez ?

 15   R.  Oui, je le connaissais, mais de vue.

 16   Q.  Savez-vous où il s'était rendu ?

 17   R.  Je crois qu'il a déménagé en Serbie. Ou plutôt, pour être plus précise,

 18   à Vojvodina.

 19   Q.  Il y a également la signature de votre mari apposée à ce document ?

 20   R.  Oui.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page suivante.

 22   Je crois que nous avons une autre version qui est peut-être plus claire. La

 23   page suivante en B/C/S. La version anglaise peut rester en l'état. Peut-

 24   être la page suivante en B/C/S.

 25   Q.  Ici, Madame Rakic, reconnaissez-vous la personne qui reçoit cet avis ?

 26   R.  Oui, Sofija Alvadzic.

 27   Q.  Et d'où était-elle ?

 28   R.  Elle est arrivée de Vukovar.


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  1   Q.  Très bien.

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] En B/C/S la page suivante, je vous prie.

  3   Q.  Reconnaissez-vous ce nom ?

  4   R.  Non, pas celui-là.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] La version en B/C/S, pouvons-nous passer à

  6   la suivante ?

  7   Q.  Oui, le nom semble ici être Garosac; est-ce quelqu'un que vous

  8   connaissez ?

  9   R.  Je crois qu'elle a également déménagé. Elle est partie à Vojvodina, je

 10   crois.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Passons à la page suivante en B/C/S. La

 12   page suivante à nouveau en version B/C/S.

 13   Q.  Sur tous ces documents, nous voyons que c'est le même format, n'est-ce

 14   pas, Madame Rakic ?

 15   R.  Oui. C'est bien le même.

 16   Q.  Une ou deux autres pages et je conclurai là.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pouvons-nous avoir la page suivante en

 18   B/C/S ? Non, une autre page.

 19   Q.  Est-ce là également quelqu'un que vous connaissiez, Madame Rakic ?

 20   R.  Non, je ne crois pas. Non.

 21   Q.  Très bien.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Passons peut-être à la page 772. C'est

 23   trois pages plus loin.

 24   Q.  Le nom est Nikola Grubisic. Est-ce quelqu'un que vous connaissiez ?

 25   R.  Oui, je le connaissais.

 26   Q.  Et où s'est-il rendu ?

 27   R.  Il est à Bogojevo. En traversant le Danube à partir d'Erdut, c'est là

 28   le premier "building" en Vojvodina.


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  1   Q.  Et une autre page.

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] La page suivante en B/C/S.

  3   Q.  le nom Milan Panic, est-ce là quelqu'un que vous connaissiez ?

  4   R.  Oui, je le connaissais. Même avant les années '90.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, il y en 20. Je ne

  6   veux pas vous les projeter. Puis-je vous demander le versement de cette

  7   série de documents, de cette liasse de documents.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé et reçoit une cote.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Reçoit la cote P276. Merci.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 11   Q.  Madame Rakic, tous ces documents qui sont signés ici ont -- les

 12   montaient conformément à une décision du ministère de la Défense de la

 13   République de Krajina serbe. A l'époque, saviez-vous qui était le supérieur

 14   de votre époux ?

 15   R.  Non, j'ignorais qui était son supérieur. Nous n'en avons jamais parlé.

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   L'INTERPRÈTE : Il s'agit de la pièce 276 rectifie l'interprète.

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Ce sera

 19   tout pour notre côté.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci.

 21   Contre-interrogatoire, Maître Zivanovic ?

 22   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic : 

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Rakic. Je me présente Zoran Zivanovic.

 25   Je représente Goran Hadzic en l'espèce.

 26   Madame Rakic, dans votre déclaration à la page 2, vous y déclarez,

 27   notamment au paragraphe 1 ou 2, un paragraphe qui commence, "Le 20 juillet

 28   1991 … " désolé. Ce sera la page 3. Et non pas la page 2. Une erreur de ma

 


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  1   part. Je pense que maintenant vous le voyez à l'écran. Vous avez donc

  2   déclaré qu'une majorité des femmes avec petit enfant a quitté Erdut en

  3   juillet 1991, le 20.

  4   Dites-moi, tout d'abord, à cette occasion lorsque la majorité des femmes

  5   avec petit enfant a quitté Erdut, comme vous l'avez déclaré, est-ce que

  6   cela signifie les femmes de toutes les appartenances ethniques ou d'un seul

  7   ? Qu'est-ce que vous vouliez dire par là ?

  8   R.  C'était là des femmes des deux appartenances ethniques.

  9   Q.  En d'autres termes, Serbes et non-Serbes, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, c'est cela.

 11   Q.  A l'époque, le 20 juillet 1991, Erdut relevait du contrôle des

 12   autorités croates, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Je vois qu'à l'époque vous avez également quitté Erdut, à cette date ou

 15   environ à cette date, avec un enfant à bas âge. Pourriez-vous nous dire

 16   pourquoi vous êtes partie ? Qu'est-ce qui a amené toutes les femmes et les

 17   enfants à partir, des femmes des deux appartenances ethniques ? Par

 18   exemple, qu'est-ce qui vous a emmené à partir d'Erdut ?

 19   R.  A l'époque, il y avait les réservistes de la police croate à Erdut. De

 20   nuit on montait la garde. Les Croates, les habitants d'Erdut qui étaient

 21   d'appartenance ethnique croate montaient la garde de nuit. Il y avait des

 22   coups de feu tirés la nuit. Il y avait l'armée déployée à Bogojevo de

 23   l'autre côté du Danube, et il y avait des coups de feu qui étaient chargés

 24   entre les deux parties. Et, bien sûr, on avait peur. On avait peur et, en

 25   particulier, on avait peur pour la vie de nos enfants. Et c'est ça qui nous

 26   a incités à partir.

 27   Q.  Vous dites qu'à votre retour le 19 août, le village était quasiment

 28   désert ?


Page 1525

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et de même, vous avez dit qu'à partir du 1er août il y a eu une espèce

  3   d'obligation de travail qui a été imposé à Erdut, alors j'aimerais savoir

  4   si l'ensemble des habitants était concerné ou bien est-ce que c'était

  5   destiné plus précisément à un certain groupe ethnique ?

  6   R.  Non, tous ceux qui étaient restés à Erdut et qui étaient aptes à

  7   travailler ils avaient l'obligation de se charger de l'ensemble des

  8   activités qu'il fallait mener, mais cela concernait à la fois les Serbes,

  9   les Hongrois, et les catholiques. Ils avaient non seulement l'obligation

 10   mais aussi ils étaient prêts à le faire.

 11   Q.  A l'époque, cette obligation de travail était-elle prévue par la loi,

 12   par la législation en vigueur à l'époque ? Le savez-vous éventuellement ?

 13   R.  Je ne sais pas. Mais je pense qu'à l'époque, il n'y avait pas de

 14   législation en vigueur. Je pense que c'était plutôt sur une base de

 15   volontariat.

 16   Q.  Je ne vais plus vous interroger là-dessus, sur des questions

 17   juridiques, je veux dire, à savoir est-ce que les lois yougoslaves étaient

 18   encore en vigueur et appliquées mais je ne vais plus vous interroger là-

 19   dessus. Maintenant, s'agissant de la première fois où vous avez rencontré

 20   Zeljko Raznjatovic, Arkan. Si je vous ai bien compris, vous avez dit qu'il

 21   est entré dans votre bureau, qu'il s'est mis en garde-à-vous et qu'il s'est

 22   présenté à vous. Si je vous pose cette question, c'est parce qu'il me

 23   semble que cela n'a pas été traduit de la manière identique. Ligne 9 de la

 24   page 7. Je pense que c'est -- c'est encore la même situation. Lorsque vous

 25   dites qu'il était calme, est-ce que vous voulez dire qu'il était calme,

 26   serein, ou qu'il s'est mis en garde-à-vous ?

 27   R.  Cette première fois où je l'ai rencontré, je dois dire que avant, je

 28   n'avais jamais eu l'occasion de lui adresser la parole. Je dois dire que


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  1   j'avais l'impression d'avoir face à moi un gentleman. Quand il est rentré,

  2   ce n'était pas une attitude militaire, ce n'était pas une position de

  3   garde-à-vous militaire, mais c'était plutôt une manière très élégante de

  4   s'incliner légèrement et de me saluer.

  5   Q.  D'accord. Nous avons tiré cela au clair. Parlons maintenant de Milorad

  6   Stricevic et de la famille Albert. Est-ce que nous pouvons préciser un

  7   point ? Vous avez dit que la famille Albert, au début de l'année 1992, a

  8   disparu, en fait. Et Milorad Stricevic, en savez-vous quelque chose ? Est-

  9   ce qu'il revient, réapparaît à un moment plus tard ? Qu'est-il advenu de

 10   lui ?

 11   R.  Je sais qu'il a été tué et il a été retrouvé dans le puit avec les

 12   membres de la famille Albert.

 13   Q.  Vous avez parlé de réfugiés, de gens qui ont été placés dans

 14   différentes maisons d'Erdut. Vous avez dit qu'on a loué ces maisons à ces

 15   réfugiés. C'est comme cela que cela a été traduit, page 17, ligne 15 du

 16   compte rendu d'audience. Est-ce qu'ils étaient tenus de payer un loyer en

 17   échange de ce placement ? Ou bien -- d'après ce que j'en sais, c'étaient

 18   des gens pauvres, démunis. Est-ce qu'ils pouvaient en bénéficier sans loyer

 19   ?

 20   R.  Toutes les maisons ont été mises à la disposition sans loyer. Il n'y

 21   avait rien à payer. Eventuellement, l'électricité, mais à ce moment-là, on

 22   a exigé aucun loyer.

 23   Q.  Et pour terminer avec cette question, M. le Procureur vous a montré

 24   toute une série importante de documents qui concerne les avis lancés le 18

 25   juin 1992 à l'intention de ces réfugiés serbes, un avis leur demandant de

 26   retourner dans leur lieu de résidence d'origine, libérés et donc qui --

 27   puisqu'ils n'ont plus besoin de rester là où ils ont été placés

 28   temporairement. Alors, dans toutes ces mises à disposition de ces maisons,

 


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  1   c'étaient à -- ça avait un caractère temporaire, provisoire.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Je n'ai plus de questions pour vous. Je vous remercie. J'en ai terminé

  4   avec mon contre-interrogatoire. Merci.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Des questions supplémentaires ?

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  8   Questions de la Cour : 

  9   M. LE JUGE MINDUA : Madame le témoin Rakic, j'ai une petite question pour

 10   vous. Lorsque nous avons examiné la pièce P275 -- P275, nous avons vu une

 11   signature au nom de Drago Albert -- et pardon, au nom de Ljubomir Rakic.

 12   Ljubomir Rakic. Et lorsque nous avons examiné la pièce suivante, P276, de

 13   nouveau, la signature de Ljubomir Rakic.

 14   Dans la première pièce, la personne qui a signé avait la qualité de

 15   président de la commission de la protection des réfugiés et dans la

 16   deuxième pièce, c'était le secrétaire du conseil exécutif de la commune

 17   d'Erdut. S'agit-il de la même personne ou pas ?

 18   R.  C'est la même personne. Le secrétaire de la commune locale et le

 19   président de la commission pour la protection des réfugiés.

 20   M. LE JUGE MINDUA : Cette Commission de la Protection des réfugiés était

 21   donc une -- une organisation qui dépendait de la commune ?

 22   R.  Non, je ne pense pas. Je n'étais pas très versée dans ces choses-là,

 23   mais je pense que c'est une commission distincte.

 24   M. LE JUGE MINDUA : D'accord. Merci beaucoup.

 25   M. DEMIRDJIAN : [en français] Monsieur le Juge, je note une petite erreur

 26   dans le transcript. A -- A votre question à la page 26, ligne 14, je vois

 27   que la réponse est "The secret of the local commune…" Je pense que le

 28   témoin a dit "The secretary," le secrétaire de -- de la…


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  1   M. LE JUGE MINDUA : Tout -- tout à fait. Vous avez raison, Monsieur le

  2   Procureur. Il s'agit bien de secrétaire. Merci.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Rakic, j'ai une question de

  4   suivi. D'après ce que j'ai compris, votre mari, c'est bien lui qui a signé

  5   la mise à disposition de la maison de Drago Albert, un réfugié serbe ?

  6   R.  Oui.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et Drago Albert est bien votre beau-

  8   frère ?

  9   R.  Oui.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] D'accord. Est-ce que vous en avez

 11   parlé après coup avec votre mari ? Etait-ce quelque chose d'étrange ? Parce

 12   que cela nous parait étrange que votre propre mari affecte à quelqu'un

 13   d'autre la maison qui appartient à votre beau frère. Est-ce que vous en

 14   avez parlé à votre -- avec votre mari ? Qu'en sais-je ? Est-ce que ça vous

 15   a semblé naturel, normal de faire cela ? Est-ce que cela faisait partie e

 16   son travail de manière habituelle ?

 17   R.  Je vais vous expliquer cela. Ma sœur et mon beau-frère, lorsque l'armée

 18   est arrivée, sont rentrés, eux, ils sont partis en Slovénie, et pendant

 19   quelque temps, ils s'étaient installés en Slovénie puis ils sont revenus à

 20   Osijek après -- après cela. Toutes les maisons abandonnées étaient

 21   affectées aux réfugiés serbes arrivés d'Osijek ou d'ailleurs, d'autres

 22   secteurs d'où ils avaient été expulsés. Toutes ces maisons étaient

 23   affectées aux réfugiés serbes. Compte tenu du fait que cette maison, qui

 24   appartenait à ma sœur et à mon beau-frère, était une maison neuve et que

 25   nous voulions la protéger avec tout ce qu'elle contenait, bien sûr que nous

 26   avons souhaité, en sachant que, de toutes les manières, il fallait bien

 27   l'affecter à un réfugié serbe arrivé à Erdut. On a essayé de la donner à

 28   quelqu'un qu'on connaissait. Alors M. Vujanic, qui était arrivé de


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  1   Podravska Slatina, connaissait le beau-père de ma sœur, c'est-à-dire le

  2   père de Drago Albert. Parce que Vujanic avait travaillé dans le combinat de

  3   Podravska Slatina, et le père de Drago Albert travaillait dans le combinat

  4   agricole d'Erdut, donc ils se connaissaient. Alors c'est aussi avec son

  5   approbation du père de Drago Albert que l'on a affecté cette maison à

  6   quelqu'un qu'on connaissait. Donc en fait, pour protéger dans toute la

  7   mesure du possible la maison et ce qu'il y avait dedans.  

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, de cette manière-là, en fait,

  9   vous vous êtes, vous avez pris soin, vous vous êtes occupée de protéger la

 10   maison de votre beau-frère ?

 11   R.  Oui, tout à fait, parce que l'époux de la feu Victoria Albert, et le

 12   père d'Albert sont restés jusqu'en 1992 ou 1993, 1992, à Erdut.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Madame Rakic, votre déposition est terminée. Je vous remercie d'être

 15   venue à La Haye pour nous aider par l'intermédiaire de cette déposition.

 16   Votre témoignage est terminé. Vous pouvez disposer. M. l'Huissier vous

 17   escortera, rentrez bien chez vous.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 19   [Le témoin se retire]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

 22   d'autre témoin pour aujourd'hui. Notre témoin suivant est prévu, enfin son

 23   arrivée est prévue cet après-midi. Donc cela nous crée un petit battement.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 25   M. STRINGER : [interprétation] Je suis désolé, mais parfois on ne peut pas

 26   éviter ce genre de chose. Donc nous avons trois témoins qui sont sur le

 27   point d'être arrivés, qui vont arriver dans les premiers.

 28   Ils vont commencer à arriver aujourd'hui, et je pense que nous

 


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  1   devrions pouvoir en terminer avec la déposition de trois témoins d'ici à la

  2   fin de la semaine, donc jeudi et vendredi.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Autre chose, autre point à

  4   aborder, rien, très bien. Nous levons l'audience et nous reprendrons jeudi,

  5   à 9 h.

  6   --- L'audience est levée à 10 heures 17 et reprendra le jeudi 22 novembre

  7   2012, à 9 heures 00.

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