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1 Le jeudi 6 décembre 2012
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde dans le
6 prétoire et autour du prétoire.
7 Monsieur le Greffier d'audience, s'il vous plaît, citez le numéro de
8 l'affaire.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour.
10 Il s'agit de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
12 Est-ce que les parties peuvent se présenter, d'abord l'Accusation.
13 M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
14 les Juges. Douglas Stringer, Matthew Gillett, et Thomas Laugel pour
15 l'Accusation.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
17 Et la Défense.
18 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour Monsieur le Président, Messieurs
19 les Juges. Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell pour la Défense de M.
20 Hadzic.
21 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
22 Maintenant on peut faire entrer le témoin dans le prétoire.
23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
24 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je vous
25 rappelle que vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle que vous
26 avez prononcée au début de votre témoignage.
27 Monsieur Gillett, vous pouvez continuer.
28 LE TÉMOIN : TOMISLAV RUKAVINA [Reprise]
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1 [Le témoin répond par l'interprète]
2 M. GILLETT : [interprétation] Merci. S'il n'y a pas d'objection de la part
3 de la Défense, j'aimerais qu'on remette au témoin l'exemplaire papier de sa
4 déclaration, puisque je vais faire référence à certaines parties dans sa
5 déclaration.
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous pouvez le faire.
7 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Il n'y a pas d'objection.
8 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
9 Interrogatoire principal par M. Gillett : [Suite]
10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Rukavina.
11 R. Bonjour.
12 Q. Mardi, lorsque nous nous sommes arrêtés, vous avez dit à la page du
13 compte rendu 2 123 que les habitants de Bapska qui étaient restés après
14 l'expulsion le 15 octobre 1991 ont été malmenés de différentes façons, et
15 vous avez décrit certaines de ces façons de mauvais traitement.
16 J'aimerais savoir si tous les habitants de Bapska qui étaient restés là-bas
17 après ce jour-là sont restés là-bas ou quand même il y en a eu certains qui
18 ont quitté le village dans les mois qui ont suivi.
19 R. Après cela, il y avait des mauvais traitements, il y avait des
20 expulsions systématiques jusqu'à l'année 1995 après l'opération Eclair.
21 C'est à ce moment-là que les derniers habitants du village de Bapska ont
22 quitté le village.
23 Q. Comment vous avez appris qu'il y a eu des expulsions par la suite ?
24 R. C'est ce que nous avons appris dans les médias, et également lors de
25 mon trajet vers Opatija. De Vinkovci à Opatija, j'ai appris qu'il y avait
26 eu des expulsions par la suite.
27 Q. Et ces personnes que vous avez rencontrées, elles étaient de quels
28 endroits ?
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1 R. Non seulement d'Ilok et de Sarengrad, mais aussi de Lovas et de
2 Tovarnik, puisqu'il y en a pas mal qui se trouvait dans le même hôtel que
3 moi ainsi que dans d'autres hôtels à Opatija.
4 M. GILLETT : [interprétation] Bien. Maintenant, j'aimerais qu'on affiche le
5 document qui porte le numéro 65 ter 05879. Nous pouvons rester en audience
6 publique pour ce qui est de l'affichage de ce document, mais il ne faut pas
7 que le document soit diffusé en public.
8 Peut-on afficher la page numéro 4 dans la version en B/C/S, cela correspond
9 à la page 3 dans la version en anglais, il nous faut l'avant-dernier
10 paragraphe avant la signature.
11 Q. Dans ce paragraphe, il est dit que 22 personnes en mars 1992 étaient
12 parties de Bapska. Savez-vous que ce groupe de personnes a quitté Bapska ?
13 R. Oui, je le sais, mais je pense qu'ils étaient plus nombreux. Mais dans
14 ce document, je vois que seulement 22 personnes ont été enregistrées comme
15 des personnes qui avaient quitté Bapska.
16 Q. Pourquoi ces personnes ont-elles quitté Bapska ?
17 R. C'est parce que --
18 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Objection, puisqu'on demande au témoin de
19 se lancer dans des conjectures.
20 M. GILLETT : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a dit qu'il
21 avait parlé à des personnes qui avaient quitté Bapska, donc je pense qu'il
22 y a une bonne base pour lui poser cette question, pour savoir pourquoi ces
23 personnes avaient quitté la ville.
24 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Mais il ne s'agit pas de personnes dont les
25 noms y figurent.
26 M. GILLETT : [interprétation] Peut-être pourrais-je d'abord lui poser la
27 question pour tirer ce point au clair.
28 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y.
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1 M. GILLETT : [interprétation]
2 Q. Monsieur le Témoin, savez-vous pourquoi ce groupe de personnes a quitté
3 Bapska en mars 1992 ?
4 R. D'après leurs déclarations, ils ont quitté le village puisqu'ils
5 avaient besoin de loger des maisons qui ont été pillées par la suite. Donc,
6 ils sont restés dans ces maisons jusqu'au moment où ces maisons,
7 finalement, avaient été pillées.
8 M. GILLETT : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
9 versement au dossier de ce document sous pli scellé, et je demande cela
10 conformément à l'article 70.
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce document sera versé au dossier
12 sous pli scellé.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document qui porte le numéro 65 ter
14 obtiendra la cote P00327.
15 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
16 M. GILLETT : [interprétation] Et maintenant est-ce qu'on peut afficher le
17 document 05884, et ce document non plus ne devrait être diffusé en public.
18 En attendant que ce document soit affiché à l'écran, il nous faut la page 3
19 en anglais, le quatrième paragraphe, et la page 4 dans la version en B/C/S,
20 il faut afficher la dernière ligne sur cette page.
21 Q. Encore une fois, c'est un document qui mentionne un groupe de personnes
22 qui a quitté Bapska, le 22 mars 1992 [sic]. D'après vous, est-ce qu'il
23 s'agit du même groupe de personnes ?
24 R. Juste un instant. Dans le document qui est affiché à l'écran, je ne
25 vois rien par rapport à Bapska.
26 Ah, oui, je vois le 6 mars, c'est mentionné encore dans ce document. Et
27 cela veut dire qu'il s'agit du même groupe de personnes.
28 Q. Au paragraphe suivant dans ce document, on voit la référence par
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1 rapport aux personnes qui ont été expulsées de Tompojevci, de Nijemci, de
2 Sarengrad, et ensuite de Nijemci et de Tovarnik par la suite. Savez-vous
3 que les gens ont été expulsés de ces villages ?
4 R. J'ai déjà dit que puisqu'on était hébergé dans ces hôtels, nous avons
5 pu apprendre ce qui s'était passé, et qu'il y avait eu des expulsions.
6 M. GILLETT : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce
7 document.
8 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais avant le versement, j'ai un
9 problème puisque je ne vois pas le paragraphe que vous avez mentionné. Je
10 ne vois pas la date du 22 mars.
11 M. GILLETT : [interprétation] Excusez-moi, cela devrait figurer à la page
12 3, quatrième paragraphe en partant du haut de la page.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, mais il s'agit du 6 mars. A
14 l'écran, on voit que dans ce paragraphe il est question du 6 mars.
15 M. GILLETT : [interprétation] Oui, c'est par rapport à Bapska, et aux
16 paragraphes suivants, on voit que sont mentionnés les gens de Tompojevci,
17 et de Sarengrad.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le 16 mars, Tompojevci, est-ce que
19 c'est cela ?
20 M. GILLETT : [interprétation] Oui, c'est cela.
21 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et vous avez mentionné le 22 mars,
22 est-ce que c'était une erreur ou est-ce que cette date se trouve ailleurs
23 dans le document ?
24 M. GILLETT : [interprétation] Je pense qu'il s'agit de 22 personnes, et la
25 date est le 6 mars.
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, peut-être qu'il s'agit d'une
27 erreur dans le compte rendu.
28 M. GILLETT : [interprétation] Peut-on verser ce document au dossier.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 05884 obtiendra la cote
2 P00328.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Sous pli scellé.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Et marqué comme étant un document
5 confidentiel.
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
7 M. GILLETT : [interprétation] Et maintenant, peut-on afficher le document
8 06094.
9 Ce document non plus ne devrait pas être diffusé en public.
10 Q. A la première page, on voit la liste de noms des personnes. Et
11 j'aimerais que vous regardiez ces noms pour me dire si vous reconnaissez
12 certains de ces noms ?
13 R. Oui.
14 Q. Quels noms reconnaissez-vous ?
15 R. Le président de la communauté locale, Savicin Dragoljub. Il était mon
16 voisin. Il était instituteur également, donc je le connais très bien. Pour
17 autant que je sache, pour ce qui est de l'Etat croate, l'Etat croate l'a
18 condamné par contumace pour ce qu'il avait fait à Bapska.
19 Q. Reconnaissez-vous d'autres noms qui figurent sur cette liste ?
20 R. Oui. A la deuxième place, Janjic Zoran, il est également de Bapska. A
21 la troisième place, c'est le directeur de PIK [phon], Tomic, nous
22 l'appelions Boro, son prénom était Borislav. C'est l'homme qui nous a donc
23 apporté l'ultimatum. Et encore une personne, Jaric Miroslav, également de
24 Bapska, et sa mère est Croate; son père est Serbe, donc il est du mariage
25 mixte. Voilà, ce sont les personnes que je connais.
26 M. GILLETT : [interprétation] Peut-on afficher la page 3, en anglais, c'est
27 l'avant-dernier paragraphe à la première page en version en B/C/S. Cela
28 devrait être le deuxième paragraphe en partant du bas de la page en
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1 anglais.
2 Q. Ici, il est question du fait que le nom de l'école a été rebaptisé, qui
3 s'appelait B. Radicevic, par la suite. Est-ce que vous étiez au courant de
4 cela ?
5 R. Les personnes qui ont été expulsées m'ont parlé de cela, elles m'ont
6 dit que le nom de l'école a été changé, et également j'ai entendu parler
7 que le nom du village devait être changé, et le village ne devait plus
8 s'appeler Bapska mais plutôt Arkanovo, le village d'Arkan.
9 Q. Pour ce qui est du changement du nom du village, pouvez-vous nous dire
10 pourquoi le nom du village devait être changé pour qu'il s'appelle
11 désormais Arkanovo ?
12 R. Probablement pour faire disparaître l'identité des gens qui étaient
13 originaires du village, parce que je ne vois pas d'autre raison pour
14 laquelle cela devait être fait.
15 M. GILLETT : [interprétation] Maintenant, j'aimerais que ce document soit
16 versé au dossier sous pli scellé.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document sera versé au dossier.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document qui a le numéro 65 ter 06094
19 obtiendra la cote P00329, en tant que pièce à conviction confidentielle.
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
21 M. GILLETT : [interprétation]
22 Q. Monsieur Rukavina, vous avez dit que pendant les mois qui ont suivi
23 après le 15 octobre 1991, les Croates ont été expulsés de Bapska. Dites-
24 nous ce qui s'est passé des maisons des personnes qui ont été expulsées ?
25 R. Ces maisons ont été pillées systématiquement après l'expulsion de leurs
26 habitants.
27 J'ai eu l'occasion de parler à certaines de ces personnes. Ils m'ont
28 dit qu'ils étaient obligés de quitter leur maison sans rien apporter avec
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1 eux. Ils les ont mis dans un autocar, acheminés en Croatie. Une personne
2 m'a dit qu'il a laissé entre 30 000 et 35 000 marks allemands à l'époque.
3 C'est seulement là des exemples, et il y avait beaucoup d'exemples comme
4 cela à l'époque.
5 Q. Vous avez parlé du pillage et vous avez dit que les gens ont été
6 rassemblés; quelles personnes ont procédé au pillage et au rassemblement ?
7 R. Je ne peux pas vous donner des noms concrets, mais il s'agissait des
8 membres des formations paramilitaires. A titre d'illustration, je vais vous
9 dire que le village Bapska était l'un des villages les plus riches dans la
10 région. En 1991, il y avait 300 tracteurs dans le village. Il y avait à peu
11 près 2 000 pièces de bétail. Il y avait à peu près 4 000 cochons, il y
12 avait d'autre bétail également. Et tout cela était acheminé vers la Serbie.
13 J'ai obtenu une autre information après cela selon laquelle à peu près 700
14 wagons de maïs ont été transportés vers la Vojvodine de nos champs.
15 Q. Il faut que vous nous disiez à quel groupe ethnique appartenaient les
16 membres des formations paramilitaires, si vous le savez ?
17 R. Ils étaient Serbes.
18 Q. Et j'ai encore quelques questions pour éclaircir certaines choses que
19 vous avez dit mardi.
20 D'abord, mardi, vous avez dit que certaines des habitants du village de
21 Bapska étaient restés dans le village après l'attaque du 12 [comme
22 interprété] octobre 1991 et ils ont été forcés de creuser les tranchées,
23 c'est à la page 2 124 du compte rendu. Dites-nous qui les a obligés de
24 creuser les tranchées ?
25 R. Il s'agissait d'une section de travail qui a été organisée pour partir
26 sur les premières lignes du front, et ils creusaient les tranchées. Et les
27 membres des formations paramilitaires ont obligé ces gens de faire cela. Je
28 ne sais pas si les membres de la JNA se sont mêlés à cela. Mais je pense
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1 qu'ils se tenaient plutôt à l'écart. Et ils laissaient aux formations
2 paramilitaires ce boulot.
3 Q. J'ai encore une question pour tirer un point au clair.
4 Mardi à la page du compte rendu 2 122, vous avez dit que certaines
5 personnes qui étaient détenues dans la salle de sport, Partizan à Sid ont
6 été renvoyées à Bapska pour les utiliser en tant que boucliers humains en
7 face des unités militaires.
8 Quelles unités militaires ?
9 R. Dans la déclaration, il figure que les villageois de Bapska étaient
10 détenus dans la salle de sport, Partizan. J'ai dit qu'un certain nombre de
11 villageois de Bapska sont partis via la Bosnie sur le territoire libre de
12 la Croatie. Un petit nombre de villageois, c'est ce que j'ai appris
13 d'ailleurs, donc un petit nombre de villageois ont été transportés dans des
14 camps, et il y en avait également qui avaient été utilisés en tant que
15 boucliers humains, et pour également garder les maisons mais ils ont été
16 expulsés à leur tour pour que les maisons soient pillées systématiquement.
17 Q. Donc pour ce qui est des personnes qui ont été utilisées en tant que
18 boucliers humains et qui ont été renvoyés par la force au village, qui a
19 fait cela ?
20 R. C'étaient les membres des formations paramilitaires.
21 Q. Bien.
22 M. GILLETT : [interprétation] Je n'ai plus de question pour ce qui est de
23 ce témoin et de mon interrogatoire principal.
24 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
25 Maître Zivanovic, contre-interrogatoire.
26 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, je ne vois pas le microphone,
27 mais … bien je vais utiliser le microphone qui est devant moi.
28 Contre-interrogatoire par M. Zivanovic :
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1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Rukavina. Je m'appelle Zoran
2 Zivanovic. Et dans cette affaire, je suis conseil de la Défense de Goran
3 Hadzic.
4 R. Bonjour.
5 Q. Monsieur Rukavina, je vais vous dire tout de suite que je conteste
6 certaines parties de votre déposition, en particulier les parties de votre
7 déposition pour ce qui est des événements dont vous n'étiez pas un témoin
8 oculaire, des événements dont vous avez entendu dire par les autres.
9 J'aimerais vous parler de cela pour que le monde soit au courant de cela et
10 que pour tout cela soit clair.
11 D'abord pour ce qui est de l'attaque des Chetniks à Nemjine [phon], à
12 Djzelatovac, à Ilovaca, à Slavkovci, et Tompojevci. Ensuite pour ce qui est
13 de ce que vous avez dit concernant les meurtres de quatre personnes après
14 votre départ de Bapska, ensuite pour ce qui est du meurtre d'autres dix
15 personnes également après votre départ de Bapska, puis pour ce qui est de
16 l'incendie de cinq maisons et pour ce qui est de la destruction ultérieure
17 d'encore 80 maisons après votre départ de Bapska, pour ce qui est des
18 mauvais traitements infligés à la population, et pour ce qui est également
19 de l'utilisation des habitants en tant que boucliers humains qui est arrivé
20 également après votre départ de Bapska, et également pour ce qui est de ce
21 que vous venez de dire, à savoir par rapport au groupe de 22 personnes qui
22 avaient été expulsés de Bapska le 6 mars 1992.
23 Je vais poser des questions maintenant pour clarifier ces points.
24 D'abord, dites-moi, vous étiez officier de réserve de la JNA, n'est-ce pas
25 ?
26 R. Oui.
27 Q. Vous pourriez nous expliquer quelle était la différence à l'époque,
28 entre un membre de la Défense territoriale et un membre des effectifs de
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1 réserve de la JNA ?
2 R. A l'époque où ce système était en vigueur, il y avait des différences
3 entre les deux pendant que j'étais membre des effectifs de réserve de la
4 JNA. Mais pour ce qui est de l'année 1991, je n'ai pas vu une grande
5 différence entre les deux.
6 Q. Lorsque vous dites que vous n'avez pas pu remarquer une grande
7 différence entre les deux, est-ce que vous avez pu voir une différence tout
8 court, s'il y a eu une différence ?
9 R. Je n'ai pas vu du tout de différence entre les membres de la TO et les
10 membres des effectifs de réserve. Pour moi, c'étaient les mêmes.
11 Q. Est-ce que vous avez voulu dire que leur aspect physique était
12 identique ou bien c'est par rapport à ce qu'ils faisaient ?
13 R. C'est par rapport à ce qu'ils faisaient à l'époque.
14 Q. D'après ce que vous avez appris, étant donné que vous aviez des
15 contacts avec des officiers de la JNA concernant les pourparlers en octobre
16 1991, dites-moi, s'il vous plaît, si vous avez eu l'impression concernant
17 les rapports entre les officiers, d'un côté, et les membres de la TO, ou
18 des effectifs de réserve de l'autre côté, parce que vous n'avez pas pu
19 remarquer une différence entre les deux. Mais est-ce qu'ils exerçaient un
20 contrôle sur eux ?
21 R. Je crois qu'il y avait un commandement. Parce qu'au sein de toute armée
22 dans le monde entier, il y a une hiérarchie. Je ne sais pas si cette
23 hiérarchie a été établie comme il fallait à l'époque au sein de l'armée, ça
24 je ne peux pas le savoir.
25 Q. Vous nous avez dit avant-hier qu'il y avait des attaques des Chetniks
26 contre Dzelatovci, et cetera. Vous les avez tous énumérés. J'aimerais
27 savoir si les Chetniks sont entrés à Bapska avant l'entrée de la JNA, dans
28 le village de Bapska, c'est ce que vous avez décrit d'ailleurs durant votre
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1 déposition ?
2 R. A l'époque où ces attaques ont été lancées contre ces villages, ils ne
3 sont pas entrés dans le village de Bapska, mais dans ma déclaration, j'ai
4 dit que j'ai entendu dire les gens qui avaient quitté ces villages, que
5 c'était le cas.
6 Q. Pouvez-vous nous dire -- ou plutôt, est-ce que vous savez pourquoi ils
7 sont entrés dans tous les autres villages à l'exception faite de Bapska ?
8 R. Ce n'était pas leur objectif principal, puisque par ces autres villages
9 passait la voie de communication entre Sid et Vukovar, entre Sid et
10 Vinkovci. Donc, ils devaient faire partir les gens de ces villages pour
11 avoir des voies de communication sans aucun obstacle pour que l'armée
12 puisse passer, ainsi que l'équipement et d'autre matériel. Et Bapska se
13 trouvait à l'écart de ces voies de communication.
14 Q. Si je vous ai bien compris, et je pense que cela figure dans les
15 documents que l'Accusation vous a montrés, dans l'ultimatum, par exemple,
16 la situation à Bapska était relativement calme. Il n'y a pas eu d'incidents
17 jusqu'à ce que l'ultimatum n'ait été lancé ?
18 R. Evidemment que non, puisque dans l'ultimatum, il était écrit que les
19 villageois de Bapska étaient calmes, qu'ils ne provoquaient pas. Mais j'ai
20 été surpris de voir l'ultimatum et cette demande de rendre les armes.
21 Pourquoi m'a-t-il été donc demandé de désarmer les habitants ?
22 Q. Au paragraphe 6 de votre déclaration, vous y dites que vous avez été
23 élu à titre de commandant de Bapska. Qui vous a donc élu ? Qui vous a nommé
24 à ce poste ? Qui a décidé que vous prendriez ces fonctions ?
25 R. C'étaient les villageois, car ils savaient que j'avais un entraînement
26 militaire, et c'est pour cela qu'ils m'ont choisi. Ils ont pensé que je
27 serais la meilleure personne pour organiser la situation.
28 Q. Quelle situation étiez-vous censé organiser à titre de commandant ?
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1 R. Le terme "commandant" était un titre dont j'ai hérité de l'armée.
2 J'étais dans l'armée à ce moment-là. Et dans cette déclaration, on y voit
3 que nous avions une cellule de Crise, et la cellule de Crise n'était pas
4 une organisation militaire. Ma responsabilité était d'organiser les
5 missions de reconnaissance, d'éclaireur, éventuellement des missions de
6 garde, pour empêcher toutes conséquences inappropriées.
7 Q. Je pense que l'une des phrases n'a pas été interprétée à bon escient.
8 Vous avez déclaré dans la déclaration que vous étiez commandant, et, en
9 fait, vous étiez commandant, "zapovjednik", en fait. Est-ce bien la même
10 chose, mais le commandant est serbe alors que "zapovjednik" est croate ?
11 Est-ce bien le même terme ?
12 R. Oui. Oui, tout à fait, c'est la même chose.
13 Q. Et à titre de commandant du lieu, vous êtes devenu membre ce la cellule
14 de Crise ?
15 R. Oui, j'en étais responsable.
16 Q. Qui a nommé les membres de la cellule de Crise ? Qui a donc décidé de
17 qui seraient les membres de la cellule de Crise ?
18 R. Encore une fois, les habitants locaux.
19 Q. Et qu'était censée faire la cellule de Crise, à votre différence, à
20 titre de commandant du village ?
21 R. La cellule de Crise, à mes côtés, était une instance consultative, ce
22 qui veut dire que personne ne pouvait faire quoi que ce soit seul. Les
23 caves devaient être préparées. Lorsque l'évacuation s'est tenue, il y a eu
24 une commission qui a rendu visite aux femmes et aux enfants avant d'être
25 évacués. Ce qui veut dire que toutes les tâches ont été réparties entre
26 différentes personnes car aucune personne en soi ne pouvait œuvrer seule.
27 Q. Dans votre déclaration, au même paragraphe 6, vous déclarez que la
28 cellule de Crise était une commission de type exécutif. Peut-être devriez-
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1 vous consulter cette déclaration.
2 R. Je ne vois pas le terme "exécutif".
3 Q. Je pense que cela se trouve au paragraphe 6, mais si vous voulez bien
4 m'accorder un instant, je vais essayer de trouver la chose.
5 R. On y voit ici que la cellule de Crise n'était pas une instance
6 militaire mais un groupe de villageois qui tentaient de protéger les
7 intérêts du village.
8 Q. Cela serait peut-être au paragraphe 7. Si vous voulez bien me donner un
9 instant, je vais le trouver.
10 Je suis presque certain que je l'ai lu quelque part, mais je n'arrive pas à
11 retrouver la chose. Bref, quoi qu'il en soit, je ne vais pas perdre
12 davantage de temps.
13 M. GILLETT : [interprétation] Si cela peut vous aider, au paragraphe 7, je
14 vois effectivement une référence à la création d'un comité de type
15 exécutif. Je ne sais pas si c'est ce que vous cherchiez.
16 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci. Merci.
17 Q. Le Procureur vient de vous dire où aller consulter la chose.
18 La cellule de Crise se composait de neuf personnes qui étaient donc un
19 comité de type exécutif. Première phrase du paragraphe 7.
20 Pourriez-vous nous éclairer de vos lumières la chose ? Il semblerait donc
21 que la cellule de Crise exécutait ou réalisait certaines décisions. Etait-
22 ce bien le cas ?
23 R. La cellule de Crise mettait en œuvre des décisions qui avaient été
24 prises par les locaux. La cellule de Crise et ses membres ne voulaient pas
25 endosser toutes les responsabilités.
26 Q. La cellule de Crise s'investissait-elle dans le fait de donner des
27 armes ?
28 R. Non. Dans ma déclaration, j'ai bien déclaré que la cellule de Crise
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1 n'était pas une organisation militaire, et donc, ne remettait pas des
2 armes.
3 Q. Prenait-elle part à l'entraînement militaire des villageois de Bapska ?
4 R. Nous n'avions aucune arme militaire. Tout ce que nous avions c'étaient
5 des fusils de chasse. Il n'était pas nécessaire d'entraîner les villageois.
6 Q. Au paragraphe 10, vous déclarez qu'à titre de commandant de Bapska,
7 vous vous êtes rendu à Vukovar. Pourquoi vous rendiez-vous à Vukovar à ce
8 titre ?
9 R. Je me suis bien présenté comme étant un commandant, et ça, c'est la
10 terminologie que j'ai héritée de la JNA. J'étais représentant de la cellule
11 de Crise, si cela vous semble plus approprié. A l'évidence, je me suis
12 rendu à des réunions. Bapska était une communauté dans la municipalité de
13 Vukovar. Bapska ne pouvait prendre de décisions seule sans consulter qui
14 que ce soit d'autre.
15 Q. Et ces consultations se tenaient à Vukovar. C'est pour cela que
16 vous vous y êtes rendu ?
17 R. Le siège de la municipalité se trouvait à Vukovar.
18 Q. Avec qui se sont tenues ces consultations ? Avec les cellules de Crise
19 de l'endroit ?
20 R. Avec les représentants des autorités civiles, qui représentaient les
21 habitants de Vukovar.
22 Q. Je suis sûr que vous vous souvenez de leurs noms.
23 R. Non, pas vraiment. C'était il y a quand même 21 ans.
24 Q. Pas un seul nom ? Vous ne pouvez nous donner aucun nom ?
25 R. Non, pas pour l'heure. Non.
26 Q. Lorsque vous vous êtes rendu à ces réunions à Vukovar, était-ce vous,
27 uniquement en qualité de représentant de Bapska; ou y avait-il des
28 représentants d'autres villages qui s'y trouvaient également ?
Page 2142
1 R. Ce n'était pas uniquement moi qui représentais la cellule de Crise. Je
2 ne pouvais pas toujours y aller, donc d'autres s'y rendaient au nom de la
3 cellule de Crise.
4 Lorsque je m'y suis rendu, je m'y suis trouvé. Par la suite, je ne
5 suis plus allé à ces réunions parce que j'avais d'autres responsabilités au
6 village. Et je pense qu'il y avait d'autres personnes d'autres villages qui
7 s'y trouvaient également.
8 Q. Et je présume qu'après ces réunions, vous avez informé les autres
9 membres de ce qui avait été débattu et convenu à Vukovar ?
10 R. Bien sûr, bien sûr. Autant moi-même que les autres qui prenaient
11 part à ces réunions.
12 Q. Et pourriez-vous, je vous prie, nous parler des sujets qui ont été
13 débattus lors de ces réunions.
14 R. Les sujets dépendaient de la situation. Nous parlions de sujets
15 d'actualité. L'on nous avait donné l'ordre d'être calmes, de ne pas essayer
16 de tout faire, qu'il ne devait y avoir aucune provocation, et c'est ainsi
17 que nous procédions. C'étaient des faits. Et avant l'ultimatum, Bapska n'a
18 provoqué qui que ce soit à quelle qu'action que ce soit.
19 Q. Et avez-vous demandé de l'aide à ces réunions ? Avez-vous demandé des
20 effectifs ? Avez-vous demandé un appui financier ou autre ?
21 R. Ce n'était pas nécessaire. Nous n'avions pas besoin d'effectifs
22 puisqu'il ne passait rien, en fait.
23 Q. A Bapska, y avait-il un conseil du HDZ ?
24 R. Eh bien, Bapska avait une population à majorité croate, et il était
25 donc normal d'avoir un conseil du HDZ.
26 Q. Qui en était le président ?
27 R. Je crois qu'à l'époque c'était Ivica Sojat.
28 Q. Etiez-vous membre du HDZ ?
Page 2143
1 R. Non.
2 Q. Et les autres membres de la cellule de Crise, l'étaient-ils ?
3 R. Certains, oui.
4 Q. Y avait-il un poste de police permanent à Bapska ?
5 R. Non. Le poste de police se trouvait à Ilok.
6 Q. Et je présume qu'il n'y avait pas de militaire croate ?
7 R. Au même instar, les militaires se trouvaient à Ilok.
8 Q. Est-ce que la police et les forces armées sont arrivées à Bapska ?
9 Sont-ils venus ?
10 R. La police venait toujours les jours, car c'était là sa tâche, alors que
11 les forces militaires, non.
12 Q. Je vous pose la question car, selon certaines informations dont nous
13 disposons, pendant votre récolement avec le Procureur, vous avez déclaré
14 notamment, je vais vous lire en anglais, et ce sera interprété à votre
15 effet :
16 "Il y a eu des membres des forces armées et de la police d'Ilok présents à
17 Bapska au moment où l'ultimatum a été remis à Bapska."
18 R. Il y avait un groupe d'intervention militaire à Ilok. Leur représentant
19 est venu voir s'il était nécessaire que ce peloton d'intervention vienne à
20 Bapska.
21 Q. En d'autres termes, ils n'étaient pas présents à Bapska. Comment suis-
22 je censé comprendre ce que vous avez déclaré au Procureur ?
23 R. Non, ils n'étaient pas stationnés à Bapska.
24 Q. S'ils n'y étaient qu'à l'occasion, à quelle occasion s'agissait-il ? Je
25 vois qu'ils s'y trouvaient lorsque l'ultimatum a été remis.
26 R. Ils venaient quand c'était nécessaire. S'il y avait danger, menace, eh
27 bien, ce peloton d'intervention à ce moment-là venait. Puisqu'il ne se
28 passait rien, il n'y avait ni menace ni danger, ils ne sont pas venus, ne
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1 sont pas venus à Bapska.
2 Q. Combien d'hommes ? Quels étaient les effectifs de cette unité ?
3 R. Je pense qu'il y avait une compagnie de la ZNG à Ilok, et ce n'était là
4 que son peloton d'intervention.
5 Q. Et qu'en est-il de la police ?
6 R. Il y avait un poste de police à Ilok, et on envoyait des patrouilles de
7 trois à quatre hommes. Ils avaient leur emploi du temps, des équipes de
8 travail de 12 heures, et c'est ainsi que les équipes de travail
9 permutaient.
10 Q. Pourriez-vous nous dire combien d'ultimatums la JNA a-t-elle envoyés à
11 Bapska ? Etait-ce le seul, l'ultimatum écrit que nous avons vu, ou y en
12 avait-il eu davantage ?
13 R. Il y avait un ultimatum écrit, et lorsque nous avons pris part aux
14 négociations avec la JNA, l'on a ajouté des dispositions orales à cet
15 ultimatum.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Puis-je vous demander de ménager une
17 pause ou quelques secondes avant de commencer à répondre aux questions de
18 Me Zivanovic. Cela permettra aux interprètes de garder le rythme.
19 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
20 Q. Nous avons vu l'ultimatum écrit. Quelles étaient les dispositions
21 orales de cet ultimatum ?
22 R. Vous le verrez dans ma déclaration. L'ultimatum écrit envisageait la
23 reddition des armes. Ce qu'on a ajouté, c'est que l'armée croate et la
24 police croate devaient quitter le village. Les militaires croates n'ont pas
25 dû quitter le village pour la bonne raison qu'ils ne s'y trouvaient pas, et
26 donc tous les insignes et autres indices croates ont dû être enlevés du
27 village, par exemple, le drapeau, les blasons, et cetera.
28 Q. Dans votre déclaration au paragraphe 16, vous déclarez que l'ultimatum
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1 a été lu à la télévision croate. Est-ce que cela signifie également que
2 l'on a lu les dispositions orales, ou uniquement l'ultimatum écrit que
3 Tomic vous a remis ?
4 R. Seul l'ultimatum écrit a été lu, pour autant que je sache.
5 Q. Pendant les négociations concernant l'ultimatum, vous avez déclaré au
6 commandant Barjaktarevic qu'il n'y avait pas d'armes à Bapska, si j'ai bien
7 compris.
8 R. Je lui ai dit, mais j'ai également ajouté qu'il y avait des fusils de
9 chasse. Il n'y avait pas de fusils automatiques ou autres.
10 Q. Vous lui avez également demandé de vous protéger contre les Chetniks.
11 R. Oui. J'ai demandé, mais il m'a répondu que ça lui était impossible.
12 Donc nous n'avions pas de sujet à débattre.
13 Q. Jusqu'à ce moment-là, Bapska n'a jamais été attaquée par des Chetniks
14 ou d'autres paramilitaires, n'est-ce pas ?
15 R. Jusqu'à ce moment-là, non.
16 Q. Qu'est-ce qui vous protégeait des Chetniks jusqu'à ce moment-là ?
17 R. Eh bien, nous nous protégions nous-mêmes.
18 Q. Pourquoi auriez-vous besoin de la protection de l'armée si vous avez
19 rendu vos armes à l'armée ? Pensez-vous que vous vous protégiez jusque-là
20 avec vos fusils de chasse ?
21 R. Nous estimions que ces armes de chasse nous permettaient de nous
22 défendre, si nécessaire, si besoin est.
23 Q. Je présume que ceux contre lesquels vous vous protégiez étaient mal
24 armés si vous étiez en mesure de repousser leur éventuelle attaque à l'aide
25 d'armes de chasse ?
26 R. Ils avaient de bien meilleures armes, plus mortelles, mais pas plus
27 fortes.
28 Q. Etaient-ils en plus grand nombre que vous ?
Page 2146
1 R. Nettement. Ils avaient des mortiers de 62, qui sont des armes
2 d'infanterie, vous les portez à l'épaule. Egalement des mortiers de 72, là
3 encore des armes d'infanterie que l'on porte.
4 Donc, ils disposaient de ces armes, ils avaient des Zolja, des Osas, et
5 vous savez ce que cela représente. Ce sont des lance-roquettes d'épaule.
6 Q. Vous déclarez au paragraphe 22, vous parlez d'une attaque d'infanterie
7 au 4 octobre 1991, et vous déclarez que les gardes du village ont repoussé
8 cette attaque.
9 J'aimerais vous poser la question suivante : étant donné la dichotomie
10 d'armes entre les deux côtés. D'un côté, vous avez des gardes du village
11 qui ont des fusils de chasse; alors que de l'autre côté, vous avez
12 l'infanterie qui est plus nombreuse que vous et qui a de meilleures armes,
13 y compris des mortiers de 62 et de 72.
14 Vous avez dit 72 ou 82 ?
15 R. 82.
16 Q. Donc, des mortiers de 82. Pourriez-vous nous nous dire comment était-ce
17 possible de repousser une puissance militaire supérieure qui était bien
18 plus nombreuse que vous, et ce, avec des armes de chasse ?
19 R. C'était possible parce que nous défendions nos foyers. Ils nous
20 attaquaient. Nous étions dans nos foyers, et nous tirions à partir de nos
21 foyers.
22 Vous savez ce que l'on dit : deux hommes peuvent être effrayés par un fusil
23 vide.
24 Q. Je n'ai pas compris ce proverbe. Pensez-vous qu'ils pensaient, eux, que
25 vous aviez des fusils vides ou peut-être que vous étiez mieux armés que
26 vous ne l'étiez ?
27 R. C'est possible. Quoi qu'il en soit, ils n'ont réellement pas attaqué
28 avec tant de confiance que cela.
Page 2147
1 Q. Eh bien, si c'était l'armée qui vous attaquait, ils auraient été en
2 mesure de comprendre très rapidement que les tirs qu'ils essuient sont ceux
3 d'armes de chasse. Si c'était le cas. Je ne vois pas comment ils ne
4 seraient pas en mesure d'écraser ces gardes villageoises qui ne portent que
5 des armes de chasse grâce à la puissance de tir dont ils disposaient. Ou
6 peut-être qu'il y avait d'autres armes à Bapska ?
7 R. Il n'y avait que des armes de chasse. Mais cela comprend les carabines,
8 carabines qui ont des canons rayés et se servent de munitions différentes,
9 qui ne sont pas les mêmes munitions de celles dont on se sert pour la
10 chasse.
11 Donc, nous avions des fusils de chasse ordinaires et des carabines.
12 Q. Vous trouviez-vous sur place lorsque ces combats se sont déroulés ?
13 R. Oui.
14 Q. Et où ces combats se sont-ils déroulés ?
15 R. De la direction du village de Movin [phon].
16 Q. Pourriez-vous nous dire combien de personnes ont été tuées dans ces
17 combats ?
18 R. De notre côté, il n'y a pas eu de victimes. Une personne a été blessée
19 par des éclats d'un mortier de 62.
20 Q. Vous ne savez pas quelles sont les pertes que vous avez infligées aux
21 attaquants ?
22 R. Je ne sais pas parce que nous n'avons pas pu le voir.
23 Q. Je ne sais pas si, en qualité d'officier de réserve, s'il vous est
24 difficile ou facile à comprendre, mais comment est-ce possible que
25 l'attaquant, il vous attaque avec une puissance de tir importante, y
26 compris des mortiers, et en fin de compte seule une personne est blessée de
27 votre côté ?
28 R. Eh bien, tout d'abord, nous nous étions préparés. C'est ce qui les a
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1 peut-être effrayés. Nous avons creusé des tranchées autour du village, et
2 puis nous avons posé des obstacles pour qu'il y ait protection. Nous avons
3 protégé nos propres villageois.
4 Q. Vous vous êtes retiré de Bapska le 15 octobre, je crois que c'est ce
5 que vous avez dit, car c'est là où les défenseurs de Bapska sont également
6 partis, les gardes de villageois armés de fusils de chasse et de carabines.
7 R. Tout le monde n'était pas encore parti.
8 Q. Ils n'ont donc opposé aucune résistance par la suite aux attaquants,
9 n'est-ce pas, quand les attaquants sont arrivés ?
10 R. Je ne m'y trouvais pas, donc je ne peux pas vous donner de réponse
11 exacte.
12 Q. Vous avez déclaré qu'après votre retrait de Bapska, quelque 500
13 personnes sont restées dans le village, et les Chetniks en ont tué quatre
14 quand ils sont arrivés.
15 Pourriez-vous me dire qui étaient ceux qui ont été tués ?
16 R. Ces quatre ont perdu la vie le 15. Ils ont été tués le 15. Plus tard,
17 il y en a eu d'autres qui ont perdu la vie. Et je peux vous dire qui sont
18 ces gens-là. Enfin, sur les quatre, il y en a trois pour lesquels je ne
19 peux pas le dire. D'Ilok, de Sarengrad, et de Bapska il y en avait un. Et
20 puis, pour les autres, j'ai appris par la suite qui ils étaient. Mais
21 j'hésite à donner leurs noms parce que leurs familles sont là-bas et se
22 rendent en Serbie pour faire du shopping. Donc, je ne voudrais pas qu'ils
23 en subissent des conséquences.
24 Q. Si je vous ai bien compris, vous nous dites que trois de ces personnes
25 tuées n'étaient pas originaires de Bapska. C'étaient des gens qui étaient
26 venus d'autres localités. Ils se sont trouvés sur place ce jour-là.
27 R. Oui. Ils n'étaient pas de Bapska, mais ils ont été tués à Bapska.
28 Q. Vous ne connaissez pas les noms de ces trois-là ?
Page 2149
1 R. Je ne les connais pas.
2 Q. Mais pouvez-vous me dire si vous avez entendu parler des raisons pour
3 lesquelles ces quatre précisément ont perdu la vie ? Je vois que 500
4 personnes sont restées dans le village, alors comment ça se fait que c'est
5 précisément ceux-là qui périssent ? Pour quelle raison ?
6 R. Sur les quatre - donc il y en avait deux de Sarengrad et un d'Ilok -
7 ils voulaient passer par Sid -- par la Bosnie, pour se rendre en Croatie.
8 Donc ils se sont trouvés à Bapska, et les paramilitaires sont arrivés et
9 les ont tués.
10 Q. La seule chose qui m'intéresse ici est de savoir comment ces
11 paramilitaires ont-ils pu savoir quelles étaient leurs intentions, à savoir
12 qu'ils voulaient se rendre je ne sais pas où en passant par la Bosnie. Est-
13 ce que c'est ça, d'après vous, la raison pour laquelle on les a tués ?
14 Parce qu'ils voulaient se rendre en Croatie en passant par la Bosnie ?
15 R. Non, ils ne leur ont pas demandé où ils allaient. Ils ont simplement
16 tiré des coups de feu, et voilà ce qui s'est produit.
17 Q. Autrement dit, si je vous comprends bien, on ne sait pas pour quelle
18 raison ces quatre très précisément ont été tués, les quatre sur les 500
19 habitants qui sont restés à Bapska.
20 R. Oui. On ne connaît pas la raison de cela.
21 Q. Vous avez également dit qu'à cette occasion cinq maisons ont été
22 incendiées. Je suppose que Bapska comptait bien plus de maisons que cela.
23 Sauriez-vous me dire pour quelle raison ces cinq maisons précisément ont
24 été incendiées ? Elles appartenaient à qui ?
25 R. Ces cinq maisons ont été incendiées au moment de l'attaque par char sur
26 Bapska. Quasiment toutes ces maisons se trouvent sur la rue principale, en
27 fait, sur la route qui va de Sid à Sarengrad. Et il n'y avait pas de raison
28 particulière. C'est simplement au hasard qu'on a incendié ces maisons.
Page 2150
1 Q. Ces informations que vous avez eues sur les quatre personnes ayant été
2 tuées et sur les cinq maisons incendiées, vous avez appris cela de
3 quelqu'un qui s'était trouvé à Bapska ?
4 R. Pour ce qui est des maisons incendiées, ça, j'en ai été témoin moi-même
5 parce que cela s'est produit avant, pendant l'attaque que les chars ont
6 menée sur Bapska, et cela s'est produit le 5 octobre; or, c'est le 15
7 octobre que ces gens ont été tués, que le meurtre s'est produit.
8 Q. Donc, vous avez vu personnellement ces cinq maisons incendiées, et
9 c'était avant que la JNA ne rentre dans Bapska, c'était avant votre départ
10 le 15 ?
11 R. Mais je vous ai dit, c'était l'attaque par char du 5, leur entrée dans
12 Bapska. Et il n'y a pas que ces cinq maisons qui ont été incendiées. On a
13 tiré sur la banque, sur l'église. Et je n'ai pas encore dit que ma maison
14 était juste derrière la banque, que mon tracteur a été endommagé, ainsi que
15 ma maison. Donc il y a eu beaucoup plus de dégâts, mais je n'ai cité que
16 ces cinq en exemple.
17 Q. Pourriez-vous me dire qui vous a appris qu'il y a eu meurtre de ces
18 quatre personnes, donc meurtre qui s'est produit après votre départ le 15 ?
19 R. Ce sont les gars qui étaient restés à Bapska qui me l'ont dit. Ils
20 m'ont rejoint à Ilok plus tard.
21 Q. Et leurs noms, vous ne seriez pas en mesure de nous les donner non plus
22 ?
23 R. Ce ne serait pas souhaitable puisque, comme je viens de vous le dire,
24 ces gens-là se rendent en Serbie, et je ne voudrais pas qu'ils aient des
25 problèmes à cause de cela.
26 Q. Et s'agissant de ces 80 maisons dont vous avez parlé, cela correspond à
27 quelle période ?
28 R. Après le 17, après la sortie du convoi d'Ilok, c'est là qu'il y a eu
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1 incendie, pillage, et tout le reste.
2 Q. Pendant quelle période ? Pendant un an, pendant six mois, pendant un
3 mois ?
4 R. L'incendie, cela s'est produit très rapidement après le 17.
5 Q. Et -- oui, vous nous avez dit que vous ne pouviez pas nous donner le
6 nom de la personne ou des personnes dont vous avez appris cela.
7 Pages 2 115 et -16 du compte rendu d'audience, vous avez dit que Bapska
8 aurait connu un sort encore pire si vous aviez accepté l'ultimatum qui vous
9 a été lancé par la JNA, autrement dit, si vous aviez rendu vos armes. Et
10 vous avez dit qu'il n'y avait pas de police, pas de militaires à Bapska. On
11 vous a demandé d'enlever les emblèmes et les symboles croates. Et
12 maintenant, ce que j'aimerais savoir, c'est pour quelle raison vous pensez
13 que par le fait d'enlever les symboles croates et du fait même d'avoir
14 rendu les armes, cela aurait aggravé votre situation ?
15 R. Mais vous comprenez, ça aurait été comme si j'avais renoncé à mon nom.
16 Pourquoi est-ce que je dois avoir honte de ce que je suis ? En quoi est-ce
17 que le symbole qui appartient à autrui peut gêner quelqu'un d'autre ? Mais
18 ça, je n'arrive pas à le comprendre. Et pourquoi est-ce que cela aurait été
19 pire ? Mais c'est naturel, parce qu'on n'aurait même pas eu le peu de
20 fusils qu'on avait. Vous pouvez imaginer ce qu'il serait advenu de nous à
21 ce moment-là. Je peux vous garantir qu'à ce moment-là, il y aurait eu 50
22 morts à Bapska, 100 envoyés dans les camps, et qui sait quoi d'autre.
23 Q. Mais voyez-vous, par rapport à ce que l'on vient de dire à l'instant,
24 après votre départ de Bapska et une fois que l'armée et les unités
25 paramilitaires sont entrées dans la localité environ 500 personnes sont
26 restées sur place, et quasiment un seul habitant a péri. Alors en quoi est-
27 ce que cela aurait été pire, ils ne se sont pas défendus à ce moment-là,
28 ils n'avaient pas d'armes pour s'oppose à cette armée, pour s'opposer à ces
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1 paramilitaires.
2 R. Il n'est pas vrai de dire qu'un seul a perdu la vie. Plusieurs ont été
3 tués. Je vais vous donner un exemple. Alors il y a eu un homme qui a subi
4 de mauvais traitements, il n'a pas pu supporter cela; il s'est pendu. Cela
5 ressemble plutôt à un meurtre. Il y en a eu qui a été passé à tabac; on l'a
6 trouvé mort. Il y en a un qu'on a trouvé pendu; ses pieds touchaient par
7 terre. Un quatrième a été tué pendant un couvre-feu. Puis un cinquième, il
8 allait se présenter à la communauté locale, et c'est en sortant de là qu'il
9 a été tué. Donc il y en a plusieurs.
10 Q. Vous nous avez parlé de quatre personnes qui ont péri, trois sur quatre
11 n'étaient pas des habitants de Bapska; un seul l'était.
12 R. Oui, c'est ce que je vous ai dit. C'était le cas, mais maintenant vous
13 m'interrogez sur la situation après le 17, à partir du moment où 500
14 personnes sont restées dans la localité. Après le 17, il y en avait 500
15 dans le village.
16 Q. Et c'est à ce sujet que vous avez dit que vous avez entendu dire qu'une
17 dizaine de personnes, me semble-t-il, ont été tuées. C'est de ça que vous
18 avez parlé ici.
19 R. Oui, j'ai dit cela dans ma déclaration.
20 Q. Mais vous ne savez pas quelle est la période exactement où cela s'est
21 produit ?
22 R. Je ne peux pas vous dire exactement. Mais là aussi, c'est pendant une
23 période assez brève, à partir du 17, en l'espace d'un mois, peut-être.
24 Q. Mais ici, encore une fois, la question qui se pose, et j'aimerais que
25 vous essayez d'y répondre, est la suivante.
26 Pourquoi est-ce que vous pensez qu'il y aurait eu plus de personnes
27 de tuées si vous aviez rendu vos armes ? Donc vous nous dites il y en a eu
28 un qui a été tué, un de Bapska, sur les quatre, et puis après une dizaine
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1 qui ont été tuées. En fait, vous en avez énuméré un certain nombre. Mais
2 pourquoi est-ce que cela aurait été pire ?
3 R. Mais regardez, ces 500 qui sont restés dans la localité, c'étaient
4 surtout des personnes âgées. Ceux qui étaient plus jeunes, ils sont partis
5 avec le convoi. C'est la raison pour laquelle j'ai pensé qu'il aurait eu
6 bien plus de victimes si on avait rendu les armes.
7 Q. Fort bien. Aujourd'hui, vous avez mentionné un groupe de 22 personnes.
8 Le 6 mars 1992, ces personnes ont dû quitter Bapska. Est-ce que vous pouvez
9 nous dire qui ils sont ?
10 R. Ce sont des habitants de Bapska, et d'appartenance ethnique, ils
11 étaient tous Croates.
12 Q. Nous pouvons passer à huis clos partiel, si vous le souhaitez pour que
13 vous nous donniez leurs noms. Donc il s'agit de personnes qui ont été
14 chassés de là-bas le 6 mars 1992.
15 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos partiel,
16 s'il vous plaît.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
19 [Audience à huis clos partiel]
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16 [Audience publique]
17 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Le moment est-il est venu de faire la pause
18 ?
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, tout à fait.
20 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.
21 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Rukavina, nous allons faire
22 une première suspension d'audience, et nous allons revenir ici à 16 heures.
23 C'est Mme l'Huissière qui va vous raccompagner. Merci.
24 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.
25 --- L'audience est suspendue à 15 heures 30.
26 --- L'audience est reprise à 15 heures 59.
27 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, vous pouvez
28 continuer.
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1 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Monsieur Rukavina, c'est de votre dernière réponse que je souhaite
3 parler. Pour commencer, il faudra la préciser pour que ce soit tout à fait
4 clair. Je vous ai interrogé au sujet des noms d'un certain nombre de
5 personnes; vous en souvenez-vous ?
6 R. Oui.
7 Q. Vous refusez de donner ces noms bien que vous les sachiez, ou bien vous
8 ne connaissez pas ces noms, vous n'arrivez pas à les retrouver là ?
9 R. Ecoutez, vous n'arrêtez pas d'insister sur l'importance de ces noms.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous sommes en audience publique,
11 Maître Zivanovic. Les questions précédentes ont été posées à huis clos
12 partiel; c'est bien cela ?
13 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Passons à huis clos partiel, s'il vous
14 plaît.
15 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, huis clos
16 partiel, s'il vous plaît.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
18 [Audience à huis clos partiel]
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2 [Audience publique]
3 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
4 Q. Le Procureur vous a montré le document P329.
5 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je souhaite que l'on l'affiche de nouveau.
6 Q. Et avant qu'il n'apparaisse à nos écrans, je voudrais savoir la chose
7 suivante : parmi les gens qui sont venus de Bapska après votre départ, est-
8 ce qu'ils vous ont dit qu'un pouvoir militaire, que des autorités
9 militaires ont été installées à Bapska ?
10 R. J'ai entendu qu'il y avait à la fois des autorités militaires et la
11 police.
12 Q. Et est-ce qu'ils vous ont dit à partir de quel moment on a mis sur pied
13 la police ?
14 R. C'était après la sortie du convoi, et au bout d'une certaine période -
15 je ne peux pas vous donner la date; peut-être que c'est vous qui avez ces
16 informations-là - parce que moi, je n'ai rien sur moi. Je n'ai aucune de
17 ces informations. Ce qui n'empêche pas que cela a effectivement été mis sur
18 pied.
19 Q. Je vous invite à examiner ce document. Vous êtes un officier de
20 réserve, vous connaissez la terminologie militaire dans une certaine
21 mesure. Vous voyez, dans l'en-tête, l'on lit le commandement de 1 mK. Est-
22 ce que vous êtes bien d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit du
23 commandement du 1er Corps d'armée motorisé ?
24 R. C'est possible. Mais je faisais partie de l'infanterie, des fantassins
25 dans l'ancienne armée. Je ne faisais pas partie de l'équipage d'un char.
26 Q. Mais ceux que vous avez pu rencontrer plus tard au cours de l'année
27 1992 et qui sont venus de Bapska, vous ont-ils dit qu'à Principovac il y a
28 eu un poste de commandement qui a été établi par la JNA ?
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1 R. Ça, je ne suis pas au courant de cela.
2 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je voudrais que l'on examine la dernière
3 page de ce document.
4 Q. Et d'ailleurs, vous voyez qu'il y a une mention qui figure en première
5 page, secret militaire ? Je n'insiste pas; nous n'avons plus la page sous
6 les yeux. Vous n'avez pas besoin de répondre.
7 Voyons la signature. L'on y lit que c'est l'assistant du commandant chargé
8 des affaires civiles de l'unité que nous avons vue dans l'en-tête qui l'a
9 signé. Est-ce que vous pouvez me répondre ?
10 R. Mais je ne comprends pas votre question.
11 Q. Est-ce que vous voyez que c'est l'assistant du commandant chargé des
12 affaires civiles qui signe ici, l'assistant du commandant de l'unité dont
13 nous avons vu mention à l'en-tête de la première page ?
14 R. Oui, oui, je vois cela.
15 Q. Je voudrais que l'on consulte le troisième paragraphe, qui figure en
16 page 4 de la version anglaise.
17 Deuxième paragraphe en anglais; dans la version serbe, c'est le troisième
18 paragraphe.
19 Est-ce que vous parvenez à lire ? C'est assez grand ?
20 R. Oui, oui, je peux lire.
21 Q. Vous voyez qu'il y est question de PK pour CP. Je pense que c'est
22 l'abréviation de la fonction qui est celle de l'officier qui signe,
23 assistant du commandant chargé des affaires civiles.
24 Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?
25 R. Eh bien, je suppose que ça doit être ça, puisque c'est ce qui est
26 écrit.
27 Q. Il est dit qu'il a formulé des lignes directrices et il a également
28 confié des missions concrètes pour que les autorités civiles soient mises
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1 sur pied et pour que celles-ci fonctionnent.
2 Le voyez-vous ?
3 R. Oui.
4 Q. Et je vous invite maintenant à consulter le paragraphe 3 de ce
5 document.
6 Ce sera page 5, donc la page suivante, en anglais.
7 Il est dit qu'il convient de constituer très rapidement une unité de la
8 Défense territoriale, des forces de la police ou de "milicija", et que
9 c'est sur ces bases-là qu'il convient de faire le nécessaire pour que le
10 village soit en sécurité, ainsi que les individus qui y résident, et que la
11 loi soit respectée.
12 Est-ce que vous êtes bien d'accord pour dire que c'était la décision
13 du commandant qui avait sous sa responsabilité Bapska ?
14 R. Ecoutez, d'après ce qu'on lit ici, oui. Quant à savoir si cela a été
15 effectivement traduit dans les faits, c'est une autre chose.
16 Q. Monsieur Rukavina, je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions.
17 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
18 Juges.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett, avez-vous des
20 questions supplémentaires à poser à ce témoin.
21 M. GILLETT : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE DELVOIE : [en français] Allez-y.
25 Questions de la Cour :
26 M. LE JUGE MINDUA : Oui, Monsieur le Témoin, j'ai juste une petite question
27 de clarification.
28 Vous aviez parlé -- je ne sais plus la page du transcrit. Vous avez parlé
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1 du comité de Crise. Et à la question de l'avocat de la Défense si ce comité
2 gérait aussi les affaires militaires, je crois que vous aviez dit : Non, le
3 comité n'était pas impliqué dans les affaires militaires et qu'il ne
4 s'occupait pas de l'entraînement de soldats ou de troupes.
5 C'est bien ça ? C'est ce que j'avais compris.
6 R. Oui, vous m'avez bien compris. Il s'agissait donc de l'organe civil. Et
7 pas du tout militaire.
8 M. LE JUGE MINDUA : Et qu'en est-il alors des gens qui défendaient, qui
9 gardaient donc le village avec des fusils -- c'est ça, des fusils de
10 chasse, "hunting rifles" ? Il y avait quand même des gens qui gardaient le
11 village et qui assuraient sa défense ?
12 R. Oui, c'était ainsi. Il n'y avait que des fusils de chasse que ces gens
13 portaient. Il s'agissait des chasseurs. Il ne fallait pas procéder à leur
14 entraînement.
15 M. LE JUGE MINDUA : Et ont-ils opposé une résistance lorsqu'il y a eu
16 l'attaque, donc, de votre village à ce moment-là ?
17 R. Oui, j'ai dit qu'il y a eu une résistance.
18 M. LE JUGE MINDUA : D'accord. Je comprends mieux. La résistance par des
19 villageois qui avaient des fusils de chasse.
20 Je -- oui. J'ai pas entendu votre réponse.
21 R. Oui, il s'agissait de villageois qui disposaient de fusils de chasse.
22 M. LE JUGE MINDUA : Et nous parlons bien du village de Bapska; c'est bien
23 ça ?
24 R. Oui. C'est le village de Bapska.
25 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. Merci.
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Rukavina, aujourd'hui vous
27 avez dit en répondant à une question de Me Zivanovic :
28 "Le groupe qui a été tué plus tard, j'ai entendu qui ils étaient, mais je
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1 ne voudrais pas citer leurs noms puisque leurs familles se trouvent
2 toujours là-bas. Ils se rendent en Serbie pour faire leurs achats de temps
3 en temps, et je ne veux pas qu'ils aient l'expérience des situations
4 désagréables."
5 Il s'agit de ces dix personnes qui ont été tuées ?
6 R. Oui, ces dix personnes.
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais ces personnes étaient victimes
8 de l'attaque de l'armée ou des formations paramilitaires qui étaient venues
9 dans le village ?
10 R. Ces personnes étaient les victimes des unités paramilitaires.
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. J'aimerais vous poser la
12 question suivante : pourquoi éprouvez-vous le besoin de protéger leurs
13 familles ? Pourquoi les membres de leurs familles auraient des situations
14 désagréables si les noms des victimes étaient connus -- les victimes qui
15 étaient les victimes de l'attaque, et même en Serbie ?
16 R. Je ne voudrais pas que quelque chose arrive à ces personnes, que je
17 sois responsable de cela. Mais si vous y insistez, je peux vous citer des
18 noms.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A présent, j'essaie de comprendre
20 pourquoi qui que ce soit aurait des situations désagréables parce que l'un
21 de leurs parents a été victime pendant la guerre ?
22 R. Je ne sais pas pourquoi. C'est parce que les gens ont commencé à se
23 réconcilier près de la frontière. Et je ne voudrais pas que, si je disais
24 cela, il y aurait des conflits à nouveau là-bas.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] N'est-il pas normal dans une
26 communauté qui cohabite que des deux côtés les gens savent qu'il y avait
27 des victimes et que ce n'est pas parce qu'il y avait des victimes que
28 l'autre côté pourrait considérer cela comme une chose négative ? Ou bien,
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1 un combattant -- ceux qui ont perpétré des crimes pourraient s'attendre à
2 ce qu'il y ait des conséquences pour leurs familles. Mais le fait que
3 quelqu'un ait été victime ne devrait pas provoquer des choses négatives,
4 des conséquences négatives.
5 Je ne comprends pas cela.
6 R. Moi non plus, je ne comprends pas pour être sincère, mais c'est quelque
7 chose qui pourrait arriver. Mais si vous le voulez, je pourrais vous citer
8 les noms dont je me souviens. J'ai déjà cité cinq exemples, l'exemple de
9 situations où les gens ont péri.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et la même question peut être posée
11 plus ou moins pour ce qui est de ces 22 personnes qui ont été obligées de
12 quitter Bapska, n'est-ce pas ? Concernant la question de Me Zivanovic -- il
13 vous a demandé si vous pouviez nous donner des noms des personnes avec
14 lesquelles vous avez parlé de cet incident.
15 R. Ces mêmes personnes voudraient oublier tout cela le plus vite possible.
16 Ils ne voudraient pas être confrontés à ce qu'ils avaient vécu dans le
17 passé, et c'est pour cela que je ne voudrais pas citer leurs noms.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Même pas à huis clos partiel ?
19 R. Je ne sais pas puisque peut-être que ces noms pourraient être rendus
20 publics un jour. Je ne sais pas. C'est possible.
21 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
22 Est-ce que les parties ont des questions à poser, des questions qui émanent
23 des questions des Juges ?
24 M. GILLETT : [interprétation] Non.
25 M. ZIVANOVIC : [interprétation] La Défense non plus.
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
27 Monsieur Rukavina, votre déposition devant ce Tribunal est terminée. Nous
28 vous remercions d'être venu ici à La Haye pour nous aider. Maintenant vous
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1 n'avez plus le statut de témoin, vous pouvez donc quitter le prétoire. Et
2 Mme l'Huissière va vous raccompagner.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie également. J'ai essayé de
4 contribuer dans la mesure du possible à votre travail. Je remercie
5 l'Accusation ainsi que la Défense. Je sais qu'ils ont fait leur travail, et
6 il faut que cela soit respecté. Donc je ne suis fâché contre personne.
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
8 [Le témoin se retire]
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, pour ce qui est de
10 votre témoin suivant, c'est le témoin qui va déposer par vidéoconférence ?
11 M. STRINGER : [interprétation] C'est vrai, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] On m'a dit que nous avons besoin au
13 moins d'une demi-heure pour que cela soit arrangé.
14 Mais avant cela, il faut que je vérifie quelque chose avec M. le
15 Greffier.
16 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Voilà ce qu'il faut faire. Pour
19 éviter de faire deux pauses, nous allons faire maintenant une pause de 45
20 minutes. Après la pause, nous allons travailler en bloc jusqu'à 19 heures.
21 Est-ce que tout le monde est d'accord pour qu'on procède ainsi, Monsieur
22 Stringer ? Je vois que vous êtes en train de faire des calculs.
23 M. STRINGER : [interprétation] Oui. Nous estimons que nous avons allons
24 avoir besoin d'une heure pour ce témoin pour notre interrogatoire
25 principal, ce qui, en théorie, nous amène à la situation où le contre-
26 interrogatoire durera deux heures. Et je pense que si c'est possible --
27 s'il est possible de commencer plus tôt pour en finir avec ce témoin
28 aujourd'hui.
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1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est important également. Mais j'ai
2 réfléchi pour savoir quel est le temps maximum pour siéger lors d'un volet
3 d'audience et c'est une heure 45. Si on commence à 17 heures, il faudrait
4 faire une autre pause au moins de 15 minutes. Donc il vaut mieux qu'on
5 fasse cette pause de 15 minutes maintenant et de revenir à 17 heures 15,
6 puisqu'il n'y aura plus de problème pour ce qui est du commencement de la
7 conférence vidéo, puisque nous allons pouvoir siéger en bloc jusqu'à la fin
8 de l'audience.
9 M. STRINGER : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Nous
10 savons qu'il faut changer de bande audio et tout ce qu'il faut faire pour
11 ce qui est arrangements techniques.
12 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons faire maintenant la
14 pause, et nous allons revenir à 17 heures 15 -- en fait, mes deux collègues
15 vont revenir dans le prétoire à 17 heures 15 et ils vont siéger en vertu de
16 l'article 15 bis du Statut.
17 L'audience est suspendue.
18 --- L'audience est suspendue à 14 heures 29.
19 [Audience à huis clos]
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27 [Audience publique]
28 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Très bien.
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1 Nous reviendrons demain matin dans ce même prétoire à 9 heures, et
2 l'audience est levée.
3 --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le vendredi, 7
4 décembre 2012, à 9 heures 00.
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