Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 7 mars 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tous au prétoire.

  6   Monsieur le Greffier, pouvez-vous citer l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

  8   s'agit de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 10   Les présentations des parties.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Alexis

 12   Demirdjian pour l'Accusation, avec Douglas Stringer; notre commis aux

 13   affaires ainsi que notre stagiaire.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 15   Maître Zivanovic.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Me Zivanovic, je me présente --

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, nous espérons que

 18   vous vous portez mieux.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] -- ainsi que Christopher Gosnell, pour

 20   Goran Hadzic.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Faisons entrer le témoin, je vous

 22   prie, le Témoin 080, à huis clos.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.

 24   [Audience à huis clos]

 25   (expurgé)

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 27   (expurgé)

 28   (expurgé)

 


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  1   (expurgé)

  2   [Audience publique]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  4   Nous allons commencer le contre-interrogatoire.

  5   Maître Zivanovic.

  6   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.

  7   LE TÉMOIN : GH-080 [Reprise]

  8   [Le témoin répond par l'interprète]

  9   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic : 

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 11   R.  Bonjour.

 12   Q.  Je me présente, Me Zivanovic, je représente Goran Hadzic, et je vais

 13   procéder au contre-interrogatoire. Je vais vous poser quelques questions et

 14   elles découlent de votre déposition d'hier et d'avant-hier. Je vais

 15   commencer par la période menant au début du conflit armé à Vukovar.

 16   Vous avez déclaré qu'en 1984 vous étiez dans l'armée; est-ce bien exact ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  [hors micro]

 19   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande le micro pour le conseil de la

 20   Défense.

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 22   Q.  Et après cela, pourriez-vous confirmer que vous avez reçu une

 23   affectation de guerre au cas où il y aurait une guerre ou une manœuvre

 24   militaire ? Donc vous avez reçu cette affectation à la suite de ce service

 25   dans l'armée ?

 26   R.  Non, pas spécifiquement.

 27   Q.  J'ai remarqué d'ailleurs qu'à un moment donné vous avez déclaré que

 28   vous étiez réserviste avec l'un de vos collègues dont nous n'allons pas


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  1   donner le nom. C'est pour ça que je vous pose la question. Je pensais que

  2   vous étiez réserviste dans une unité de la JNA avant que la guerre ne

  3   commence ?

  4   R.  J'ai pris part à des manœuvres militaires, et c'est ainsi que j'étais

  5   relié à cette personne ou à toutes ces personnes.

  6   Q.  Pourriez-vous me dire quand vous avez pris part à ces manœuvres

  7   militaires ? Vous faisiez partie d'une unité, cette unité était une unité

  8   de réserve de la JNA; est-ce exact ?

  9   R.  Oui, c'est exact.

 10   Q.  Savez-vous qu'à l'époque il y avait la Défense territoriale de Vukovar

 11   ?

 12   R.  La Défense territoriale faisait partie de la JNA. C'est ainsi que la

 13   situation se présentait à l'époque.

 14   Q.  Pourriez-vous dire donc qu'ils portaient le même uniforme, qu'il n'y

 15   avait pas vraiment de différence entre la Défense territoriale et ses

 16   unités et les unités de la réserve ?

 17   R.  Eh bien, dans l'ensemble, je serais plutôt d'accord avec vous.

 18   Q.  A l'époque, dans l'unité de la Défense territoriale et dans les forces

 19   de la réserve de la JNA, il y avait des membres de toutes les instances

 20   nationales et tous habitaient à Vukovar ?

 21   R.  Oui, c'est ainsi que la situation se présentait.

 22   Q.  Lorsque la crise a commencé et jusqu'à la guerre, est-ce que les unités

 23   de Défense territoriale et les unités de réserve de la JNA se sont

 24   démantelées en raison de leur composition pluriethnique ? C'est-à-dire, en

 25   quelque sorte, elles n'ont pu rester unies.

 26   R.  Ces possibilités sont examinées du point de vue psychologique.

 27   Q.  Au début de la guerre, est-ce que les unités sont restées tel quel par

 28   rapport à 1986 ou 1987 ? Ont-elles continué en l'état ?


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  1   R.  Lorsque le nouvel Etat est apparu, des choses ont changé, y compris

  2   dans les organisations militaires.

  3   Q.  Et qu'est-il advenu de l'unité dont vous faisiez partie ? Je parle de

  4   l'unité de réservistes dont vous faisiez partie. Est-elle restée la même,

  5   a-t-elle été transformée, et donc vous êtes entré dans une autre unité ?

  6   R.  Je répète : nous n'étions sollicités que lorsqu'il y avait des

  7   manœuvres militaires, c'est-à-dire nous n'avions pas d'affection permanente

  8   et intégrale.

  9   Q.  Très bien. Lorsque vous terminiez ces manœuvres militaires, vous

 10   faisiez partie de cette unité ?

 11   R.  Nous faisions partie des forces réservistes.

 12   Q.  A chaque fois que vous avez été appelé pour une manoeuvre militaire,

 13   étiez-vous membre de la même unité ? Etiez-vous toujours accompagné des

 14   mêmes personnes ?

 15   R.  Je vous l'ai dit, la chose évoluait, c'est-à-dire que les membres

 16   n'étaient pas toujours les mêmes.

 17   Q.  Alors, maintenant je vais vous poser quelques questions qui ont trait à

 18   Ovcara et votre reddition ou votre arrestation. La façon dont j'ai compris

 19   la chose, c'est que jusqu'au moment où un soldat de la JNA est apparu dans

 20   le hangar d'Ovcara et vous a emmené, personne n'avait dressé de liste, par

 21   exemple, à l'hôpital ou encore dans la caserne de la JNA pendant que vous

 22   étiez dans l'autocar en train d'attendre ?

 23   R.  C'est exact. Personne n'avait dressé une liste de nos noms. Je me

 24   trouvais sur la liste des blessés.

 25   Q.  Une dernière question. A l'époque de l'arrivée de la JNA à l'hôpital

 26   jusqu'au moment où vous avez été transporté jusqu'à Ovcara et à partir

 27   d'Ovcara, est-ce que vous avez vu des membres de la JNA avec des ceinturons

 28   blancs ?


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  1   R.  Je crois que ces personnes nous ont sortis du hangar, mais je n'en suis

  2   plus sûr.

  3   Q.  [hors micro]

  4   L'INTERPRÈTE : La cabine anglaise demande que le conseil de la Défense

  5   allume son micro.

  6   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  7   Q.  Je vais maintenant passer à l'interrogatoire à Sid. Vous avez déclaré

  8   que vous avez été emmené à un poste de police civile à Sid et que vous y

  9   avez été interrogé par un civil. Puisque vous étiez à ce poste de police

 10   civile et interrogé par un civil, est-ce pour cela que vous avez conclu

 11   qu'il s'agissait d'un inspecteur du SUP ?

 12   R.  Oui, c'était ma conclusion personnelle, justement. Il ne s'est pas

 13   présenté. Il ne portait pas d'uniforme de la police. Et puisqu'il est entré

 14   dans les lieux, j'ai présumé qu'il était un inspecteur, car c'est ainsi

 15   qu'il se comportait et qu'il m'a interrogé.

 16   Q.  Je vais répéter la question. A cette occasion, est-ce qu'il vous a dit

 17   -- quand il a déclaré qu'il vous avait vu à Ovcara, vous a-t-il dit où il

 18   vous avait vu, dans le hangar, devant l'autocar, dans l'autocar ? Vous a-t-

 19   il dit quoi que ce soit de plus précis ?

 20   R.  Non, rien de plus précis que cela.

 21   Q.  Alors, encore un élément. Je voudrais que vous éclaircissiez la chose.

 22   Vous lui avez dit que vous ne saviez rien sur Ovcara, que vous ne le

 23   connaissiez pas, que vous ne l'aviez jamais vu jusque-là. Est-il vrai que

 24   vous ne l'avez jamais vu à Ovcara, que vous ne l'avez pas remarqué, ou

 25   peut-être que si, mais que vous avez gardé le silence pour des raisons tout

 26   à fait compréhensibles ?

 27   R.  Tout d'abord, je n'ai pas dit que je ne savais rien sur Ovcara. J'ai

 28   simplement dénié le fait que j'aie su le nombre de personnes qui ont été


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  1   tuées à Ovcara. Dans cette conversation, lorsque nous nous sommes arrêtés

  2   de parler, c'était tout. Nous n'avons pas parlé de l'endroit où il m'avait

  3   vu, où je l'avais vu, lui.

  4   Q.  Toutefois, vous avez nié que vous l'ayez vu à Ovcara et il a affirmé

  5   qu'il vous avait vu ?

  6   R.  Je ne sais pas qui il avait vu ni où il avait vu ces personnes.

  7   Q.  Pendant que vous étiez à Ovcara, vous n'avez réellement pas vu cette

  8   personne ni ne vous souvenez de lui comme y étant ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Une dernière chose qui m'intéresse et il s'agit du blocus de la caserne

 11   de la JNA à Vukovar. Savez-vous pourquoi la caserne a fait l'objet d'un

 12   blocus, pas d'électricité, pourquoi il n'y avait pas d'eau, pourquoi

 13   l'approvisionnement en vivres a été interrompu pour les membres de la JNA ?

 14   R.  Non, je l'ignore. Pour autant que je sache, la caserne avait des moyens

 15   de communication permanents avec l'une des parties au conflit.

 16   Q.  Eh bien, je présume que ce contact permanent pouvait perdurer par le

 17   biais des radios ?

 18   R.  Je ne parle pas du blocus physique de la caserne, car ce blocus était

 19   en quelque sorte unilatéral.

 20   Q.  Ce sera tout, Monsieur le Témoin. Je n'ai pas d'autres questions à vous

 21   poser.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Maître Zivanovic.

 23   Oui, bien sûr. Monsieur Demirdjian, des questions supplémentaires ?

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pas d'autres questions, Monsieur le

 25   Président.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 27   Monsieur le Témoin, j'ai deux questions brèves à vous poser.

 28   Questions de la Cour :  

 


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Hier, vous nous avez parlé de votre

  2   famille qui avait été empêchée de revenir à Vukovar en août 1991, et vous

  3   avez déclaré que votre famille avait été empêchée de revenir à Vukovar en

  4   un lieu nommé Kutina. Pourriez-vous nous dire qui ou sous les ordres de qui

  5   ce convoi a été empêché en retour et comment en avez-vous été averti ?

  6   R.  J'ai présumé que le convoi a été arrêté par le MUP et d'autres

  7   instances du pouvoir exécutif car le bombardement de Vukovar avait

  8   commencé, et j'ai entendu dire, et ce, au téléphone, parce que nous avions

  9   encore des lignes téléphoniques qui fonctionnaient à l'époque.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Vous avez également déclaré,

 11   et c'était au 5 mars, à la page 3 339 du compte rendu, que vous avez été

 12   transporté de l'hôpital à Vukovar jusqu'à la caserne de la JNA à Vukovar,

 13   et que vous y avez vu des réservistes et des soldats à la caserne quand

 14   vous êtes arrivé. Je présume que lorsque vous dites des "soldats", il

 15   s'agit de soldats de la JNA; est-ce exact ?

 16   R.  Oui. Ces soldats étaient membres de la JNA. Mais c'était également des

 17   réservistes à titre de membre de la JNA. Donc d'était une forme conjointe

 18   de résistance.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Comment avez-vous fait la distinction

 20   entre les réservistes et des soldats ? Portaient-ils des uniformes

 21   différents ou encore des écussons ou autre signe ?

 22   R.  Eh bien, c'était précisément là la difficulté. Il était très difficile

 23   de dire qui était un soldat de l'armée régulière et qui était un

 24   réserviste, et tout particulièrement cela s'appliquait à ceux qui avaient

 25   des uniformes différents, ou en partie différents, et c'était là la

 26   difficulté supplémentaire pour faire le distinguo. Mais, c'était une forme

 27   conjointe de rassemblement de ceux qui oeuvraient de concert, ils avaient

 28   leur commandant, ils avaient leur voie hiérarchique et leur organisation

 


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  1   et, à mon sens, il n'y avait pas de doute en la matière.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  3   S'il n'y a pas d'autres questions découlant de cela, eh bien, Monsieur le

  4   Témoin, ceci met un terme à votre déposition. Nous vous remercions mille

  5   fois --

  6   Maître Zivanovic.

  7   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je viens de remarquer un point qui n'est

  8   pas clair dans le compte rendu. Le témoin a déclaré "qu'ils avaient des

  9   voies hiérarchiques différentes" alors qu'au compte rendu on y voit plutôt

 10   le terme "généraux", en anglais, "generals". Alors qu'en anglais, il a été

 11   dit "channels".

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourriez-vous confirmer, Monsieur le

 13   Témoin : "Ils avaient leurs voies hiérarchiques et d'organisation". En

 14   anglais, "channels". C'est bien cela que vous avez déclaré ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, au fond, c'est bien cela. Il y avait des

 16   voies différentes, des voies hiérarchiques différentes. Et je crois que

 17   leur hiérarchie était différente, mais je ne crois pas qu'il me revienne de

 18   développer la chose.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 20   Monsieur le Témoin, nous vous remercions d'être venu apporter votre

 21   concours au Tribunal. Votre déposition se termine. Mme l'Huissière va vous

 22   raccompagner dès que nous serons à nouveau à huis clos, et nous vous

 23   souhaitons un bon voyage de retour chez vous.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos. Merci.

 26   [Audience à huis clos]

 27   (expurgé)

 28   (expurgé)

 


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  1   (expurgé)

  2   [Audience publique]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  4   Monsieur Demirdjian, le témoin suivant est viva voce, pas de mesures de

  5   protection ?

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je pense que c'est bien cela. Toutefois,

  7   c'est ma collègue qui va prendre le témoin suivant. Donc, je me retirerais.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, nous n'avons

  9   pas besoin de pause pour nous mettre en place ? Non. Très bien.

 10   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Dès que le conseil de l'Accusation

 12   arrive, nous ferons venir le témoin.

 13   M. STRINGER : [interprétation] C'est ce que je présume. Je présumais que

 14   les effectifs soient là à partir de 9 heures.

 15   Monsieur le Président, avant que le témoin n'entre, que le compte rendu

 16   consigne que le Procureur est maintenant représenté par Mme Dennehy, et

 17   notre stagiaire, August Sommerfeld.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 19   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Madame Dennehy. Ravi de voir

 21   que vous êtes effectivement fraîche comme un gardon dès le matin.

 22   Mme DENNEHY : [interprétation] Désolée d'être en retard.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Pouvez-

 24   vous m'entendre dans une langue que vous comprenez ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci d'être venu à La Haye pour

 27   apporter votre concours au Tribunal. Pourriez-vous décliner votre prénom,

 28   votre patronyme, votre nom, date de naissance et votre appartenance

 


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  1   ethnique, je vous prie.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 24 novembre 1955 à Vukovar. Je

  3   me présente, Branko Culic. Je suis Croate d'appartenance ethnique.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Vous allez prononcer la

  5   déclaration solennelle par laquelle les témoins s'engagent à dire la

  6   vérité, et j'aimerais souligner que ce faisant, vous vous exposez à un

  7   éventuel faux témoignage si vous fournissez des renseignements faux ou non

  8   exacts au Tribunal, aux Juges de la Chambre.

  9   Si vous voulez bien prononcer la déclaration solennelle maintenant.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 11   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 12   LE TÉMOIN : BRANKO CULIC [Assermenté]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Asseyez-vous, s'il

 15   vous plaît.

 16   Madame Dennehy, c'est à vous.

 17   Mme DENNEHY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Interrogatoire principal par Mme Dennehy : 

 19   Q.  [interprétation] Monsieur Culic, m'entendez-vous dans une langue que

 20   vous comprenez ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Monsieur Culic, pouvez-vous préciser aux Juges de la Chambre où vous

 23   résidez actuellement ?

 24   R.  Actuellement je vis à Vukovar.

 25   Q.  Dans quel quartier de Vukovar habitez-vous ?

 26   R.  Sur la route de Vinkovci, vers la forêt de Djerge, la rue de Budzak.

 27   Q.  Pourrait-on dire que c'est un quartier qui se trouve près de Borovo

 28   Naselje ?


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  1   R.  Ma communauté locale fait partie de Vukovar mais elle jouxte Borovo

  2   Naselje.

  3   Q.  Et cela fait combien de temps que vous résidez à cet endroit ?

  4   R.  J'y suis né et j'y suis resté jusqu'à la guerre de libération nationale

  5   en 1991.

  6   Q.  Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, quel a été votre parcours après

  7   la sortie de l'école ?

  8   R.  J'ai été chauffeur pour l'entreprise Cazmatrans, c'est une entreprise

  9   de transport, transport de passagers. J'étais basé à Vukovar pour

 10   l'entreprise Cazmatrans. Donc j'étais conducteur d'autobus.

 11   Q.  Et où est-ce que vous avez été formé à cela, pour devenir chauffeur ?

 12   R.  Comment j'ai été qualifié ? C'était en 1974-1975, quand j'ai fait son

 13   service militaire dans la JNA, et puis c'est à Vukovar que j'ai réussi mon

 14   examen de qualification professionnelle.

 15   Q.  Vous avez travaillé comme chauffeur pour l'entreprise Cazmatrans, et

 16   par la suite qu'avez-vous fait ?

 17   R.  J'ai changé de qualifications pour devenir technicien pompier, et je

 18   suis devenu chauffeur pour la caserne des pompiers de Vukovar à partir de

 19   1989.

 20   Q.  Avant de rejoindre l'unité des pompiers de Vukovar, avez-vous jamais

 21   travaillé comme conducteur d'autocar ou d'autobus ?

 22   R.  Oui. Oui, c'était ça mon emploi, avant que je ne rejoigne la caserne

 23   des pompiers.

 24   Q.  Et quels sont les villages qui faisaient partie de ce trajet que

 25   courait votre autobus ?

 26   R.  Ça duré six ans, de Vukovar à Pacetin. On l'appelait la ligne de

 27   Pacetin.

 28   Q.  A quel moment avez-vous rencontré pour la première fois l'accusé Goran


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  1   Hadzic ?

  2   R.  C'est en 1980 que j'ai rencontré Goran Hadzic pour la première fois. Il

  3   est venu chez moi. Il est venu voir mon berger allemand, il était d'une

  4   très bonne portée.

  5   Q.  Est-ce que vous avez jamais eu l'occasion de vous rendre à Pacetin pour

  6   y voir Goran Hadzic ?

  7   R.  Vu que je conduisais cet autocar jusqu'à son village, jusqu'à Pacetin,

  8   j'ai trouvé un moment pour aller voir son berger allemand, le berger

  9   allemand qu'il élevait.

 10   Q.  Et de quelle manière est-ce que vous avez participé à la vie des

 11   équipes de foot dans ce secteur à l'époque ?

 12   R.  Parfois le dimanche, je devais conduire les footballeurs de Pacetin, de

 13   Sloga, de Pacetin dans un autre village pour y jouer un match, quand ils

 14   avaient des matchs à aller.

 15   Q.  Et Goran Hadzic, est-ce qu'il faisait partie de cette équipe de foot ?

 16   R.  Oui, c'était un des joueurs dans ce club de foot.

 17   Q.  Passons maintenant à la déclaration de l'indépendance de la Croatie en

 18   1991. De quelle manière est-ce que cette déclaration a exacerbé les

 19   tensions entre la population croate et la population serbe dans le secteur

 20   où vous viviez ?

 21   R.  De la manière dont je comprends les choses et de la manière où j'ai pu

 22   suivre la situation, à partir du moment où il y a eu décomposition de la

 23   Ligue des Communistes à Belgrade, alors les différentes républiques de

 24   l'ex-Yougoslavie ont connu des processus de démocratisation, on a commencé

 25   à procéder aux élections démocratiques avec la présence de nouveaux partis

 26   politiques.

 27   Q.  Avez-vous remarqué des tensions entre les Croates et les Serbes à

 28   l'époque ?


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  1   R.  Il n'y a pas eu de tensions tant qu'il n'y a pas eu de partis

  2   politiques et tant qu'on n'a pas entendu les programmes de ces différents

  3   partis politiques.

  4   Q.  Et au niveau de la police, suite à l'évolution de la situation à

  5   l'époque, quelles sont les modifications que vous avez pu observer ?

  6   R.  C'est le HDZ qui l'a emporté en Croatie, et à ce moment-là j'ai entendu

  7   dire là où je vivais qu'un certain nombre de Serbes n'étaient pas prêts à

  8   accepter l'échiquier croate, ils n'allaient pas accepter d'arborer cela sur

  9   leurs couvre-chefs.

 10   Q.  Et à votre connaissance, y a-t-il eu des barrages qui auraient été

 11   dressés à peu près à cette époque-là dans votre 

 12   secteur ?

 13   R.  Les barrages ou les barricades ont commencé en avril, mai 1991, mais

 14   c'était surtout dans les villages serbes. Ce sont eux qui se sont mis les

 15   premiers à dresser ces barrages.

 16   Q.  Est-ce que vous pouvez nous citer les noms de ces villages serbes où il

 17   y a eu des barrages ?

 18   R.  C'est les villages qui étaient à majorité serbe, Brsadin, Borovo Selo,

 19   Trpinja [phon], Bobota, Pacetin, Negoslavci.

 20   Q.  Et dans ces villages que vous venez de mentionner, qui assurait les

 21   patrouilles au niveau des barrages ?

 22   R.  Je ne sais pas s'il y avait dans chacun de ces villages des petits

 23   groupes qui se seraient chargés de cela, mais pour l'essentiel, c'étaient

 24   les Serbes. Et d'emblée, ils étaient armés, ils étaient armés à ces

 25   barrages.

 26   Q.  Etaient-ce des Serbes du cru ou est-ce qu'ils étaient venus d'ailleurs

 27   ?

 28   R.  D'après ce que j'en sais, d'après ce que j'en ai entendu dire par


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  1   d'autres, et puis on a vu cela aussi à la télévision de Novi Sad qui a

  2   parlé de cette rébellion des Serbes et de ces barricades, il y en a eu un

  3   petit nombre qui étaient venus de Serbie.

  4   Q.  Est-ce que vous aviez une manière spécifique de désigner ceux qui

  5   étaient venus de Serbie ?

  6   R.  Entre nous, on disait : Voilà les Chetniks de Serbie qui sont arrivés.

  7   Q.  Pouvez-vous dire aux Juges, s'il vous plaît, ce qui est arrivé à votre

  8   beau-frère lorsque les Serbes ont dressé ces barricades ou barrages ?

  9   R.  Zlatko Rihter, de Celije - c'est un tout petit village croate - il

 10   s'est rendu à Pacetin pour voir le vétérinaire pour lui annoncer qu'il

 11   avait besoin de son aide parce que sa vache allait avoir un petit. Donc, à

 12   l'entrée de Pacetin, au niveau du barrage, il a été arrêté et on l'a

 13   menacé. Et je suis à 100 % sûr qui était l'un de ces hommes, mais je

 14   n'arrive pas à retrouver son nom, il lui a enfoncé le tube de son fusil

 15   dans la bouche.

 16   Q.  Est-ce que vous savez qui a été responsable d'avoir dressé ces

 17   barricades serbes ou ces barrages autour de Vukovar ?

 18   R.  Je ne le sais pas.

 19   Q.  Et pouvez-vous dire, s'il vous plaît, aux Juges de la Chambre, quelle a

 20   été la réaction des Croates suite à l'incident de Borovo Selo en mai 1991 ?

 21   R.  Le 2 mai 1991 à Borovo Selo, il y a eu un massacre de policiers

 22   croates. Parmi nous, les Croates de Borovo Naselje, de Vukovar, d'après ce

 23   que j'ai vu, il y a eu un vent de panique, il y a eu beaucoup de peur.

 24   Q.  Et les Croates qui résidaient dans ce secteur, qu'ont-ils entrepris

 25   lorsqu'ils ont éprouvé cette peur ?

 26   R.  Ils se sont mis à s'organiser dans les différentes communautés locales.

 27   Ils ont commencé à monter la garde dans les rues et ils ont mis sur pied

 28   des tours de garde. Je peux vous en parler en connaissance de cause, c'est


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  1   ce qui s'est passé dans ma communauté locale.

  2   Q.  Et quand vous parlez de ce début d'organisation dans les différentes

  3   communautés locales, plus précisément qu'est-ce que cela a entraîné ?

  4   R.  Je voulais dire qu'ils avaient peur, ils contrôlaient qui entrait dans

  5   les rues, qui sortait. Car nous avions peur de cette rébellion serbe.

  6   Q.  Vous nous avez déjà dit que vous avez travaillé comme pompier à

  7   Vukovar, et en été 1991 jusqu'au 5 octobre 1991, où est-ce que vous avez

  8   travaillé, s'il vous plaît ?

  9   R.  Est-ce que vous pouvez répéter, s'il vous plaît ?

 10   Q.  Où est-ce que vous avez travaillé après l'incident de Borovo Selo qui

 11   est survenu en mai, jusqu'en octobre 1991 ?

 12   R.  Tous les jours, j'ai été membre de l'unité professionnelle de pompiers.

 13   Donc, tous les jours, je devais me rendre au travail.

 14   Q.  Et en quoi consistait votre travail de pompier ?

 15   R.  J'avais des tours de garde et je me rendais sur place lorsqu'il fallait

 16   intervenir, lorsqu'il y avait un incendie quelque part. Donc je devais me

 17   présenter au travail à la caserne des pompiers de Vukovar.

 18   Q.  A ce moment-là, pendant cette période-là, est-ce qu'il vous est arrivé

 19   de devoir intervenir en tant que pompier à l'hôpital de Vukovar ?

 20   R.  La première et la dernière fois que je me sois rendu à l'hôpital de

 21   Vukovar, c'était le 5 octobre 1991. J'ai emmené 10 000 litres d'eau, moi et

 22   Slobodan Ristic, un collègue pompier.

 23   Q.  Et quand vous vous êtes rendus à l'hôpital le 5 octobre, qu'avez-vous

 24   vu là-bas ?

 25   R.  Puisqu'il y avait pas mal d'obus qui tombaient, nous avons fait en

 26   sorte que l'eau puisse remplir les réservoirs. On s'est mis dans les abris.

 27   Moi, je suis descendu dans la cave et j'ai vu beaucoup de blessés allongés

 28   sur des lits improvisés. Ça puait en bas, c'était vraiment très déplaisant.


Page 3418

  1   Je ne sais pas où j'étais mieux, en bas avec eux ou là-haut où il y avait

  2   des obus qui pleuvaient.

  3   Q.  Et après le 5 octobre, vous avez toujours travaillé comme pompier ?

  4   R.  Non. Non, je me suis enfui de la caserne des pompiers quand les chars

  5   sont arrivés. Ils ont atteint la caserne des pompiers, et à ce moment-là on

  6   s'est dispersés. J'ai pris la fuite moi aussi et je suis allé chez moi.

  7   Q.  Vous dites des chars ont atteint la caserne, mais de quels chars

  8   parlez-vous maintenant ?

  9   R.  C'étaient des chars de l'armée populaire yougoslave.

 10   Q.  Et à partir du moment où les chars de la JNA ont attaqué la caserne des

 11   pompiers, qu'avez-vous fait ?

 12   R.  Tous les salariés de cette caserne des pompiers ont pris la fuite. On

 13   s'est dispersé en passant par le cimetière et on est descendus au centre-

 14   ville de Vukovar.

 15   Q.  Pendant les jours qui ont suivi cette attaque lancée par des chars

 16   contre la caserne des pompiers, qu'avez-vous fait ? Est-ce que vous vous

 17   rendiez au travail ?

 18   R.  Je ne me rendais plus au travail. Je n'avais aucun moyen de le faire,

 19   parce que ma voiture avait déjà été détruite et je n'avais plus qu'une

 20   moto, et puis je suis resté à Budzak, chez moi. C'était sur la ligne de

 21   défense vers la forêt.

 22   Q.  Et quel était ce poste ?

 23   R.  Budzak se trouve à l'entrée de Vukovar. En arrivant de Vinkovci, sur la

 24   route de Vinkovci, il y a cette rue de Budzak vers la forêt de Djerge. Et

 25   c'est vers Luzac [phon], dans cette partie-là du village.

 26   Q.  Lorsque vous parlez de "position", vous entendez par là une position

 27   militaire ?

 28   R.  A ce moment-là, c'était notre ligne de défense de Budzak, vers la forêt


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  1   de Djerge. Parce que, dans la forêt de Djerge, il y avait des Serbes

  2   rebelles et des paramilitaires. C'était là qu'ils se trouvaient, dans la

  3   forêt de Djerge.

  4   Q.  Et le 18 novembre 1991, que s'est-il produit ?

  5   R.  Le 18 novembre, nous nous sommes repliés de cette position et nous

  6   sommes allés à l'entreprise de Borovo pour rejoindre les femmes et les

  7   enfants qui étaient là à l'abri.

  8   Mme DENNEHY : [interprétation] Je vais demander l'affichage du document

  9   6231 de la liste 65 ter. Il s'agira de l'onglet 16 du jeu de documents

 10   remis aux Juges.

 11   Q.  Monsieur Culic, vous allez voir un document, il va s'afficher à l'écran

 12   devant vous.

 13   Reconnaissez-vous ce qui s'affiche devant vous ?

 14   R.  Oui, je le reconnais.

 15   Q.  Que représente cette photographie ?

 16   R.  L'on voit sur cette photographie une partie de Vukovar et de Borovo

 17   Naselje.

 18   Q.  Je vais vous demander d'inscrire un X là où vous étiez positionné dans

 19   la rue de Budzak.

 20   R.  [Le témoin s'exécute]

 21   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, où viviez-vous par rapport à l'emplacement

 22   que vous venez d'annoter en inscrivant un X ?

 23   R.  J'ai indiqué l'endroit où se situe la maison où je suis resté jusqu'au

 24   bout. J'étais là.

 25   Q.  Et est-ce que vous pouvez inscrire un Y, s'il vous plaît, à l'endroit

 26   où était située l'entreprise de Borovo. Ou vous pouvez, s'il vous plaît,

 27   tracer un cercle autour de l'enceinte de l'usine.

 28   R.  [Le témoin s'exécute]


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  1   Mme DENNEHY : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

  2   version annotée de la photographie 6231 de la liste 65 ter.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela est versé au dossier et reçoit

  4   une cote.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Recevra la cote P1408. Merci.

  6   Mme DENNEHY : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Q.  Monsieur Culic, vous nous avez dit que le 18 novembre vous vous êtes

  8   replié vers l'enceinte de l'usine de Borovo, que vous venez de nous

  9   indiquer sur une photographie. Alors, est-ce que vous pouvez nous décrire,

 10   s'il vous plaît, ce que vous avez vu lorsque vous entrez dans l'usine de

 11   Borovo ?

 12   R.  Quand je suis arrivé à l'abri de l'usine de chaussures de Borovo, il y

 13   avait là déjà mon feu père, ma belle-mère et deux voisins avec leurs

 14   enfants. C'était dans la nouvelle usine de chaussures. Et c'est là que je

 15   suis resté avec eux pour y passer la nuit du 18 au 19. Je suis resté

 16   jusqu'au 20, et nous nous sommes rendus à ce moment-là.

 17   Q.  Et il y avait combien de personnes à l'intérieur de cette enceinte de

 18   l'usine au moment où vous vous êtes replié là-bas ?

 19   R.  Dans cette cave où je suis arrivé, où il y avait les miens, il y avait

 20   environ 1 000 personnes.

 21   Mme DENNEHY : [interprétation] Je demande l'affichage du document 4799.8 de

 22   la liste 65 ter, s'il vous plaît. C'est une vidéo, à l'intercalaire 14 du

 23   jeu de documents des Juges de la Chambre.

 24   Q.  Monsieur Culic, nous allons vous montrer une vidéo.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : Nous n'avons pas reçu de

 27   transcription.

 28   Mme DENNEHY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.


Page 3421

  1   Monsieur le Président, d'après ce que l'on me dit, la transcription de la

  2   vidéo a été téléchargée dans le système du prétoire électronique, elle est

  3   disponible. Excusez-nous de ne pas avoir fourni cela en cabine

  4   précédemment.

  5   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Dennehy, est-ce qu'il

  7   vous faudra les images uniquement, ou la bande-son également ?

  8   Mme DENNEHY : [interprétation] Pour la séquence que je me propose de

  9   visionner, Monsieur le Président, il ne me faudrait que des images. Mais

 10   pour le reste des séquences, j'aurai besoin aussi de demander le versement

 11   au dossier des transcriptions.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Nous allons voir cette

 13   vidéo et nous n'allons tenir compte que des images.

 14   Mme DENNEHY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et puis, vous allez faire en sorte

 16   que les interprètes aient obtenu les transcriptions lorsque vous allez

 17   faire visionner les autres séquences.

 18   Mme DENNEHY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 20   Mme DENNEHY : [interprétation]

 21   Q.  Alors, Monsieur, les scènes que vous voyez sur cette vidéo, les

 22   reconnaissez-vous ?

 23   R.  Je reconnais.

 24   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire d'où proviennent les scènes que vous

 25   avez vues ?

 26   R.  Moi, je ne vois rien du tout maintenant. Je ne vois que moi-même. Je

 27   crois que c'est le mauvais bouton qu'on a dû appuyer. Sur l'écran, je ne

 28   vois rien du tout.


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  1   Mme DENNEHY : [interprétation] Je voudrais demander le repassage du clip

  2   vidéo sur nos écrans. Il s'agit de la pièce 4799.8.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant, je vois.

  4   Mme DENNEHY : [interprétation]

  5   Q.  Je vous prie de nous dire d'où proviennent les images qu'on voit ?

  6   R.  Ça, ça a été pris dans la nouvelle usine de chaussures, au sous-sol,

  7   dans l'abri antiatomique.

  8   Q.  Est-ce que c'est la partie de l'usine où vous êtes allé vous abriter

  9   vous-même quand vous avez été soigné après ce 18 novembre ?

 10   R.  Cette salle se trouvait dans l'enceinte de l'usine de Borovo.

 11   Mme DENNEHY : [interprétation] Je voudrais demander à ce que cette vidéo

 12   4799.8 soit versée au dossier, rien que pour ce qui est des images, s'il

 13   vous plaît.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera admis au dossier et annoté.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce P1409. Merci.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon, on enlève la transcription pour

 17   ce qui est du prétoire électronique s'agissant de ce clip vidéo concret ?

 18   Mme DENNEHY : [interprétation] Oui. Pour cette vidéo, oui.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 20   Mme DENNEHY : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Culic, vous nous avez dit que vous vous êtes rendu le 20

 22   novembre 1991. Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui s'était passé avant,

 23   dans le courant de la journée ?

 24   R.  Le 20 novembre 1991, au combinat de Borovo, dans cette nouvelle usine

 25   de chaussures, il est arrivé au portail un officiel, un lieutenant-colonel

 26   ou un colonel. C'était un haut gradé de l'armée populaire yougoslave en

 27   compagnie de policiers de la police militaire. Il est venu à l'entrée du

 28   combinat de Borovo, et un groupe de 20 ou 30 hommes, de défenseurs qui


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  1   s'étaient retirés là-bas, sont arrivés à lui et ils ont entamé des

  2   entretiens. Parmi nous, il y avait un dénommé Zeljko Jukic, qui a tout de

  3   suite reconnu cet officier parce qu'ils se connaissaient d'avant. Je

  4   précise que Zeljko Jukic avait été son scribe, comme on dit. Il avait été

  5   son employé pendant son service militaire à Novi Sad. Ils ont commencé à

  6   parler et il a dit : S'il vous plaît, organisez-vous au plus vite pour vous

  7   rendre, parce que je ne peux pas contenir les Chetniks pour les empêcher

  8   d'entrer. 

  9   Q.  Je voudrais que le compte rendu soit rectifié.

 10   Mme DENNEHY : [interprétation] Je crois que le témoin avait dit qu'il ne

 11   pouvait pas "exprimer" plutôt que "supprimer." Merci.

 12   Q.  Monsieur Culic, s'agissant des négociations entre ce Zeljko Jukic et le

 13   lieutenant-colonel de la JNA ce jour-là, avez-vous eu vent d'autres

 14   négociations qui se seraient produites ?

 15   R.  Eh bien, je suis allé à l'abri, et j'ai vérifié tout ceci, ils sont

 16   allés à négocier. Ivica Banovic, le commandant de la garde, il y avait un

 17   autre commandant de la police, originaire de Varazdin, qui est allé, et un

 18   dénommé Filkovic, qui était une sorte de chef, et ils sont allés aux

 19   négociations de Borovo Selo pour convenir des termes de la reddition.

 20   Q.  Et ce Banovic et Filkovic, ils ont négocié avec qui, au juste, à Borovo

 21   Selo ?

 22   R.  Ils ont négocié avec un haut gradé de la JNA et il y avait Arkan de

 23   présent, ce fameux Arkan.

 24   Q.  Alors, pour en revenir à la reddition qui s'est produite au combinat de

 25   Borovo le 20, quels ont été les ordres reçus par vous-même et les autres

 26   membres des forces croates pour ce qui est des armes une fois que vous vous

 27   êtes rendus ?

 28   R.  Il a été convenu avec ce colonel ou lieutenant-colonel, qui a dit que


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  1   ceux qui avaient des armes allaient devoir les rendre et restituer, et on

  2   sera fouillés et on nous fera prendre des autocars pour aller vers un camp.

  3   Les civils, les femmes et les enfants seraient placés dans un autre

  4   endroit, ils seraient conduits en Croatie.

  5   Q.  Vous avez déjà mentionné précédemment que ce lieutenant-colonel ne

  6   pouvait plus retenir les Chetniks. Alors, quelles sont ces forces de façon

  7   générale du côté des Serbes qui étaient présentes au niveau du combinat ce

  8   jour ?

  9   R.  Il y avait un certain nombre de chars à l'entrée même du combinat de

 10   Borovo.

 11   Q.  Mais y a-t-il eu d'autres forces serbes armées se trouvant sur les

 12   lieux ?

 13   R.  Oui. Lorsqu'on s'est rendus de l'autre côté de la clôture, c'est-à-dire

 14   de l'autre côté de l'entrée au combinat de Borovo, il y avait différentes

 15   formations. Il y avait la JNA et il y avait des gens qui portaient des

 16   cocardes chetniks, des insignes chetniks. Il y en a qui portaient des

 17   uniformes avec des étoiles à cinq branches sur leurs couvre-chefs. Il y

 18   avait toutes sortes de formations, mais ils n'étaient pas en grand nombre.

 19   Q.  Connaissiez-vous les noms de ces différentes formations ?

 20   R.  Je ne sais trop. Nous, on avait appris qu'il y avait des Aigles blancs,

 21   des hommes à Arkan, il y avait des Serbes insurgés. Il y avait des membres

 22   de la JNA, enfin l'armée régulière de la JNA.

 23   Mme DENNEHY : [interprétation] Je voudrais demander à ce qu'on nous affiche

 24   la pièce 4798.4 à présent. C'est la pièce qui se trouve à l'intercalaire 10

 25   du dossier distribué aux Juges de la Chambre.

 26   Q.  Monsieur Culic, nous allons voir tout à l'heure un autre enregistrement

 27   vidéo sur nos écrans.

 28   L'INTERPRÈTE : La cabine française précise qu'aucune transcription n'a été


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  1   distribuée à les cabines.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   Mme DENNEHY : [interprétation] Pour aider les Juges de la Chambre, je

  4   voudrais que la vidéo soit montrée une fois de plus. Je crois qu'il y a une

  5   transcription de distribuée.

  6   L'INTERPRÈTE : Les interprètes ne peuvent pas suivre s'ils n'ont pas une

  7   copie sur papier.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il faut que vous fournissiez aux

  9   interprètes une version imprimée sur papier.

 10   Mme DENNEHY : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président. Je

 11   m'excuse.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut le faire tout de

 13   suite ?

 14   Mme DENNEHY : [interprétation] On m'a dit que les transcriptions imprimées

 15   étaient en train d'être distribuées. Ça peut prendre quelques instants.

 16   Il serait peut-être préférable de mettre ceci de côté et faire diffuser

 17   l'enregistrement une fois que ce sera distribué.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ça me semble être une bonne idée.

 19   Mme DENNEHY : [interprétation] Merci.

 20   Q.  Monsieur Culic, nous allons diffuser cette vidéo et quelques autres

 21   extraits vidéo plus tard. Il y a donc un petit retard, et on y reviendra.

 22   J'aimerais que vous indiquez aux Juges de la Chambre ce qui s'est passé une

 23   fois que vous vous êtes rendu aux gens de la JNA ?

 24   R.  Quand j'ai restitué ces armes, j'ai été fouillé puis je suis monté à

 25   bord d'un autocar. J'étais monté dans le deuxième ou troisième des

 26   autocars, qui était plein d'autres défenseurs de Vukovar, et j'attendais

 27   que nous allions vers un lieu incertain. On ne savait pas du tout où est-ce

 28   qu'on allait nous emmener.


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  1   Q.  Et qu'est-il advenu des civils qui ont été présents au combinat de

  2   Borovo en même temps que vous ?

  3   R.  En regardant depuis l'intérieur vers le portail et la sortie, nous, on

  4   était à gauche, et eux, ils étaient à droite. Nous, on montait à bord

  5   d'autocars, et eux, on les faisait monter à bord de camions.

  6   Q.  Vous nous avez dit que vous étiez monté à bord du deuxième ou troisième

  7   autocar en compagnie d'autres membres de la Défense de Vukovar. Alors, vous

  8   et ces autres hommes, où avez-vous été emmené lorsque vous avez quitté

  9   l'enceinte de cette usine de Borovo ?

 10   R.  On a traversé Borovo puis Trpinja, et à ce carrefour de Bobota-Vera on

 11   a tourné à droite. On est passé Vera, et nous sommes arrivés à Bogojevo,

 12   après avoir traversé un pont, on est donc entré en Vojvodine. Et de là, on

 13   est allés directement vers Stajicevo.

 14   Q.  Et que vous a dit la JNA pour ce qui est du lieu de destination lorsque

 15   les autocars ont quitté Borovo ?

 16   R.  Les membres de la police militaire de la JNA, ceux qui nous ont

 17   fouillés, nous, on en connaissait plusieurs d'avant, et ils nous ont dit

 18   que rien n'allait nous arriver. On allait être emmenés dans un camp. C'est

 19   ce qu'il nous a dit. Pour ce qui est des autres militaires, personne ne

 20   disait rien du tout.

 21   Q.  Et qu'est-il arrivé lorsque vous êtes arrivé à Stajicevo ?

 22   R.  Lorsque mon autocar est arrivé à l'entrée de Stajicevo, moi j'ai été

 23   blessé au bras droit; c'est une partie pénible de ma vie. Je n'ai jamais

 24   vécu cela ni avant ni après. J'ai dû passer par une haie d'hommes et des

 25   lumières ont été allumées directement dans nos yeux. C'était une jeep

 26   militaire qui avait tourné ses phares vers nous, et des deux côtés il y

 27   avait des policiers de la JNA et nous battaient. Une fois, tel frappé, nous

 28   ne pouvions pas voir qui est-ce qui nous frappait, parce que nous étions


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  1   aveuglés.

  2   Q.  Et cette police militaire de la JNA vous a tapé dessus avec quoi,

  3   pendant que vous passiez pas cette haie de soldats ?

  4   R.  Certains nous tapaient de la main. D'autres nous donnaient des coups de

  5   pied. Certains avaient des matraques. D'autres avaient des barres en bois,

  6   des bâtons en bois.

  7   Q.  Auriez-vous vu une femme qui serait battue lorsque vous êtes arrivé à

  8   Stajicevo ?

  9   R.  La première et la dernière fois de ma vie, j'ai vu sur ma gauche un

 10   membre de la police militaire voir une femme en uniforme, et il a dit :

 11   Regarde la petite Zenga. Il lui a donné un coup de pied aux fesses et elle

 12   a fait un bon d'un demi-mètre. Pour moi, ça a été terrible que de voir ceci

 13   se produire dans notre état de d'appréhension.

 14   Q.  Pouvez-vous décrire ce que vous avez vu lorsque vous êtes arrivé à

 15   Stajicevo ? Ou, plutôt, je vais reformuler : est-ce que vous pouvez décrire

 16   le bâtiment dans lequel vous êtes entré une fois arrivé à Stajicevo ?

 17   R.  Il s'agissait d'un bâtiment assez long. Il y avait là des étables pour

 18   le bétail. Il y avait au milieu une espèce de sentier de 2 mètres de large,

 19   et de part et d'autre, il y avait ces stalles pour le bétail, pour les

 20   vaches. Et quand on est entrés, on nous a crié dessus, on nous a triés, on

 21   nous donnait des coups ça et là, et il y avait -- après toutes ces

 22   lumières, on nous disait de nous allonger, soit à gauche, soit à droite, au

 23   fur et à mesure qu'on arrivait. Il fallait se coucher tête baissée. Il ne

 24   fallait pas lever la tête. Il y avait beaucoup de cris. Il y avait des

 25   chiens aussi. C'était comme dans les films d'Auschwitz qu'on a pu en voir.

 26   Q.  Pouvez-vous nous dire à peu près combien de gens il y a eu au final

 27   dans cette étable telle que vous nous l'avez décrite ?

 28   R.  Un millier, peut-être un peu plus ou un peu moins. Mais il devait


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  1   forcément y avoir un millier d'hommes, ça, je vous le garantis.

  2   Q.  Et quand vous êtes pour la première fois entré dans ce bâtiment, y

  3   avez-vous trouvé des personnes qui étaient arrivées avant vous ?

  4   R.  Il y avait un certain nombre d'individus qui étaient arrivés avant

  5   nous, la nuit d'avant ou la journée d'avant. C'était un petit nombre. Ils

  6   étaient déjà là. Je l'ai compris par la suite, cela, que c'étaient des gens

  7   qui se trouvaient déjà là. Mais comme j'avais pris peur et qu'on nous

  8   engueulait, on nous tapait dessus, je n'ai rien vu. On nous a donné l'ordre

  9   de nous asseoir et de nous coucher. Je n'ai rien vu du tout.

 10   Q.  Et vous dites qu'"on vous a crié dessus," mais qui vous a crié "assis-

 11   toi", "couche-toi" ? Qui est-ce qui vous engueulait là ? Qui était chargé

 12   de la garde à Stajicevo ?

 13   R.  C'étaient des réservistes de la police militaire de la JNA qui se

 14   trouvaient à Stajicevo.

 15   Q.  Et savez-vous nous dire qui est-ce qui a été chargé du camp de

 16   Stajicevo ?

 17   R.  Le lendemain, au cours de la journée, il est venu dans cette étable un

 18   homme qui a déambulé, qui s'est présenté et il a dit qu'il était le

 19   commandant du camp. Il a dit aussi que nous étions des prisonniers et que

 20   nous étions en fait des insurgés en temps de guerre, des rebelles. On nous

 21   a dit que nous serions interrogés et qu'on améliorerait les conditions de

 22   détention. C'est quelque chose dans ce genre qu'il a dit.

 23   Q.  Ça faisait partie de quelle formation militaire, ce commandant, lui et

 24   ses hommes ?

 25   R.  Je ne sais pas de quelle formation il faisait partie, mais il avait des

 26   macarons. Je ne sais pas. Il portait un uniforme. Je crois c'était un

 27   officier de la JNA, et il s'était présenté comme étant l'homme chargé de ce

 28   secteur.


Page 3430

  1   Q.  Pouvez-vous, je vous prie, décrire à l'attention des Juges de la

  2   Chambre comment ces effectifs de la police militaire de JNA vous ont donné

  3   l'ordre de vous asseoir ou de vous relever lorsque vous vous retrouviez à

  4   Stajicevo ?

  5   R.  Pour l'essentiel, on nous engueulait. Et on proférait à notre encontre

  6   des mots assez injurieux. Ils nous disaient "baisse la tête" et ils nous

  7   frappaient dessus. Ils nous tapaient dessus avec des matraques, pour

  8   l'essentiel. Ils démontraient la nécessité d'obéir. Il n'y avait rien à

  9   redire et il fallait qu'on comprenne que là, rien de bon n'était à

 10   envisager par nous.

 11   Q.  Monsieur Culic, vous avez dit que le commandant du camp issu des rangs

 12   de la JNA avait dit que vous étiez des rebelles en temps de guerre. Est-ce

 13   qu'on vous a poursuivi en justice pour un délit au pénal quelconque pendant

 14   que vous vous trouviez à Stajicevo ?

 15   R.  Non. Je n'ai jamais été poursuivi en justice en matière pénale.

 16   Mme DENNEHY : [interprétation] Monsieur le Président, je relève l'heure

 17   qu'il est et je me demande s'il serait peut-être approprié de faire une

 18   pause à présent.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous avez encore quatre minutes

 20   devant vous.

 21   Mme DENNEHY : [interprétation] Bien. Alors cela suffira.

 22   Je voudrais qu'on nous affiche la pièce 2410.1 de la liste 65 ter.

 23   Q.  Monsieur Culic, vous allez tantôt voir sur l'écran devant vous une

 24   photographie.

 25   Mme DENNEHY : [interprétation] Je précise que c'est la photo qui se trouve

 26   à l'intercalaire numéro 6 dans le classeur distribué aux Juges de la

 27   Chambre.

 28   Q.  Monsieur Culic, reconnaissez-vous ce document ?


Page 3431

  1   R.  Oui, je le reconnais.

  2   Q.  Au coin en bas à gauche, est-ce que vous voyez un numéro cerné de rouge

  3   ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Monsieur Culic, est-ce que c'est vous qui avez apposé cette inscription

  6   au stylo rouge depuis que vous êtes arrivé à La Haye ici ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Quand est-ce que vous avez annoté ceci ?

  9   R.  Hier après-midi.

 10   Q.  Ayez l'amabilité d'indiquer aux Juges de la Chambre pourquoi vous avez

 11   cerné ce chiffre en bas à gauche de ce document ?

 12   R.  J'ai reconnu certains individus qui ont été avec moi à Stajicevo.

 13   Certains d'entre eux, je les connaissais pas leurs nom et prénom, mais je

 14   connais beaucoup plus de personnes par leurs visages ou par leurs surnoms.

 15   Et là, j'ai du mal à les identifier.

 16   Q.  Monsieur Culic, le nom que vous avez cerné de rouge, Barbir, est-ce que

 17   c'est une personne qui se trouvait à Stajicevo pendant que vous y avez été

 18   détenu vous-même ?

 19   R.  Oui.

 20   Mme DENNEHY : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais à ce

 21   que ce document soit versé au dossier. Sa référence est 2410.1 de la liste

 22   65 ter.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera versé au dossier, et on lui

 24   donnera une cote.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1410. Merci.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maintenant nous allons faire notre

 27   pause, Madame Dennehy.

 28   Mme DENNEHY : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.


Page 3432

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Culic, nous allons faire à

  2   présent la première pause, et nous allons poursuivre nos travaux à 11

  3   heures. Mme l'Huissière va vous escorter hors de ce prétoire. Merci.

  4   [Le témoin quitte la barre]

  5   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

  6   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Dennehy, si vous voulez bien

  9   continuer.

 10   Mme DENNEHY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur Culic, juste avant la pause, vous avez consulté un document

 12   que vous avez annoté hier.

 13   Mme DENNEHY : [interprétation] Pourrais-je demander que l'on affiche la

 14   pièce à l'écran, pièce P1410. Peut-on passer à la page suivante, la page 2.

 15   Q.  Monsieur Culic, vous avez indiqué avant la pause que vous aviez entouré

 16   d'un cercle certains chiffres indiquant les noms des personnes qui se

 17   trouvaient à Stajicevo avec vous; est-ce exact ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  En regardant ce document qui est affiché, pourriez-vous indiquer le nom

 20   des personnes dont le nom a été encerclé et qui étaient avec vous ?

 21   R.  Sur cette fiche, je n'ai entouré que le nom d'Ivan Batarelo. Je sais

 22   qu'il y avait plusieurs personnes qui s'appelaient Batarelo, mais je sais

 23   que lui était avec moi à Stajicevo.

 24   Mme DENNEHY : [interprétation] Pourrions-nous passer au nom suivant qui a

 25   été encerclé.

 26   Q.  Monsieur Culic, pourriez-vous nous donner les noms qui sont affichés

 27   maintenant de ces personnes qui étaient à Stajicevo avec vous ?

 28   R.  J'ai encerclé Bozo Brekalo, Damir Brnas, Ivan Brnas - père et fils - un


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  1   autre Ivan Brnas. Il y en avait trois ou quatre. Ils étaient tous de la

  2   même famille. Des cousins, peut-être. En tout cas, ils étaient de la même

  3   famille. J'ai également encerclé Ivan Budim, qui était mécanicien à

  4   Cazmatrans. J'ai également entouré Miroslav Budim, qui était son fils. J'ai

  5   encerclé le nom de Josip Budimir, qui était l'un de mes voisins. Filip

  6   Budimir, qui était son frère. Zoran Capan, qui était un jeune homme qui

  7   vivait à une rue de la mienne.

  8   Q.  De quelle appartenance ethnique sont-elles, ces personnes ?

  9   R.  Toutes les personnes que je viens de citer étaient des Croates.

 10   Certains d'entre eux étaient peut-être de familles mixtes; Serbes,

 11   Hongrois, mais la plupart d'entre eux étaient Croate.

 12   Mme DENNEHY : [interprétation] Pourrais-je demander que l'on passe à la

 13   dernière page de cette pièce à l'écran.

 14   Q.  Monsieur Culic, à la page 23 de ce document que vous avez devant vous,

 15   pourriez-vous citer les personnes qui, comme vous l'avez indiqué, se

 16   trouvaient à Stajicevo avec vous, sur cette page ?

 17   R.  Robert Zivkovic, Sandor Zivkovic, Simo Zivkovic, Boris Zuvela. Je ne

 18   connais pas ces personnes-là aussi bien que je connais les autres, mais je

 19   sais qu'elles y étaient.

 20   Q.  Est-ce que ces personnes se trouvaient à Stajicevo avec vous ?

 21   R.  A partir ce que l'on voit sur ce document et de ce dont je me souviens,

 22   je pense que oui.

 23   Q.  Je vous repose la question, de ce dont vous vous souvenez est-ce que

 24   ces personnes se trouvaient à Stajicevo avec vous également ?

 25   R.  Oui, ces personnes étaient avec moi à Stajicevo.

 26   Q.  Et, Monsieur, de quelle appartenance ethnique, si vous le savez,

 27   étaient ces personnes ?

 28   R.  En ce qui concerne la famille Zivkovic, je ne crois pas qu'ils soient


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  1   Croates. Je crois que Boris Zuvela est Croate.

  2   Q.  Monsieur Culic, nous allons passer des extraits vidéo dont nous avons

  3   parlé tout à l'heure.

  4   Mme DENNEHY : [interprétation] Si --

  5   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Désolé de l'interruption, mais je crois

  6   qu'il y a une erreur dans le compte rendu. Il a dit "Boris Zuvela" et non

  7   pas "Boris Zivkovic". Cela se trouve à la ligne 7, page 32.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Voudriez-vous confirmer la chose.

  9   Monsieur le Témoin, qui à votre avis était Croate, Boris, et son nom de

 10   famille ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] On y voit Zuvela, et c'est un nom de famille

 12   connu.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 14   Mme DENNEHY : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on passe la

 15   vidéo 4798.4 de la liste 65 ter. Cela se trouve à l'onglet 10 de la liasse.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Vous pouvez participer ici pour aider ces gens à sortir, ceux qui

 19   sont blessés.

 20   Une action déterminée de l'armée populaire yougoslave et, comme on

 21   l'appelait, le Bataillon Zrenjanin tout particulièrement, a été affirmée

 22   par l'attaque déterminée de cette place forte des Oustachi. Cet après-midi,

 23   vers 17 heures, la résistance a été brisée; les membres du MUP et du ZNG

 24   ont levé les bras en se rendant. Quelque 

 25   1 000 personnes se sont rendues."

 26   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 27   Mme DENNEHY : [interprétation]

 28   Q.  Reconnaissez-vous la scène dans cette vidéo que nous venons de vous


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  1   projeter ?

  2   R.  Oui, je reconnais les lieux.

  3   Q.  Pourriez-vous me dire de quoi il s'agit ?

  4   R.  Ceci montre comment le bâtiment Komerc, qui faisait partie du complexe

  5   de Borovo, et ceux qui se trouvaient dans ce bâtiment se sont rendus.

  6   Q.  Pourriez-vous me dire -- nous avons vu un bâtiment incendié dans cette

  7   vidéo. De quel bâtiment s'agissait-il ?

  8   R.  Il s'agissait de l'immeuble Komerc, qui était en fait un entrepôt pour

  9   les produits finis.

 10   Q.  Et savez-vous qui sont les hommes alignés le long du mur à la fin de

 11   l'extrait vidéo ? Savez-vous qui ces hommes sont ?

 12   R.  La plupart d'entre eux étaient des défenseurs de Vukovar.

 13   Q.  Et enfin, la scène que vous venez de voir dans cette vidéo vous

 14   rappelle-t-elle le jour où vous vous êtes rendu à l'usine de Borovo ?

 15   R.  Notre reddition dans le complexe de Borovo était un peu plus organisée.

 16   Nous avons été consignés sur une liste.

 17   Mme DENNEHY : [interprétation] Puis-je demander le versement de cette pièce

 18   de la liste 65 ter, le numéro 4798.4.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Elle sera versée et reçoit une cote.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et reçoit la cote P1411. Merci.

 21   Mme DENNEHY : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Culic, je vais vous projeter un autre extrait vidéo.

 23   Mme DENNEHY : [interprétation] Puis-je demander la projection du 4789.3 de

 24   la liste 65 ter, qui se trouve à l'onglet 8.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "Martin Bell : …une usine près de Vukovar où que les Croates ont tenu

 28   jusqu'au dernier. L'armée a rassemblé un millier de civils et 500 ex-


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  1   soldats. Il y a une migration forcée et massive qui se déroule. Encore une

  2   fois, chaque partie accuse l'autre partie d'atrocités. Les faits sont peu

  3   clairs. Des choses horribles se sont déroulées dans les dernières heures.

  4   Martin Bell, BBC News, Vukovar."

  5   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  6   Mme DENNEHY : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Culic, de la vidéo que l'on vient de voir, reconnaissez-vous

  8   cette scène ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  De quoi s'agit-il ?

 11   R.  C'était, encore une fois, ceux qui s'étaient rendus dans le complexe de

 12   l'usine de Borovo.

 13   Q.  Avez-vous reconnu certains de ceux qui se trouvent dans cette vidéo ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et qui étaient les hommes que vous avez reconnus ?

 16   R.  J'ai reconnu un jeune homme. Je ne me souviens plus de son nom. Il

 17   était électricien à Cazma. Le 20 au matin, lorsque j'ai emmené la citerne

 18   d'eau, le bâtiment Komerc était vide. Je me suis rendu avec cette citerne

 19   jusqu'au bâtiment pour pouvoir la brancher sur le bâtiment pour qu'il y ait

 20   de l'eau. J'ai demandé à l'agent qui s'y trouvait de me laisser emmener

 21   cette citerne parce que les gens avaient soif. Il a demandé à un soldat de

 22   m'accompagner pour s'assurer qu'il ne s'échapperait pas. J'ai reconnu ce

 23   soldat dans cette vidéo. Il m'a aidé à raccorder la citerne après que je

 24   l'aie emmenée jusqu'au bâtiment.

 25   Q.  Et l'homme que vous avez reconnu dans la vidéo, quel uniforme porte-t-

 26   il ?

 27   R.  Il ne portait pas un uniforme. Il était sur les lieux pour l'abri où se

 28   trouvaient les femmes et les enfants.


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  1   Mme DENNEHY : [interprétation] Pourrions-nous repasser cet extrait vidéo

  2   pour que le témoin puisse identifier l'homme dont il parle.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "Martin Bell : …une usine près de Vukovar où les Croates ont résisté

  6   jusqu'au dernier. L'armée a rassemblé" --

  7   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Voici le jeune homme dont je parlais.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Voici la personne en question.

 11   Mme DENNEHY : [interprétation]

 12   Q.  Reconnaissez-vous l'homme suivant que l'on voit dans la vidéo --

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il serait bon d'avoir la référence

 14   exacte de la vidéo.

 15   Mme DENNEHY : [interprétation] Au compte rendu, il serait bon de consigner

 16   qu'à 29 minutes, 25 secondes [comme interprété], le témoin a identifié un

 17   homme non nommé qu'il connaît de l'usine de Borovo.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   Mme DENNEHY : [interprétation] Je souhaite verser au dossier la vidéo que

 20   nous venons de projeter, 4789.3 de la liste 65 ter.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Sera versée et reçoit une cote.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et reçoit la cote P1412. Merci.

 23   Mme DENNEHY : [interprétation] Et maintenant, une autre vidéo - ce sera la

 24   dernière pour l'heure - il s'agit du document 04799.7 de la liste 65 ter,

 25   qui se trouve à l'onglet 13.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Miodrag Popov : Et aujourd'hui, quelque 700 Oustachi se sont rendus,


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  1   parmi eux, les dirigeants du Zenge, c'est-à-dire ZNG, et les membres du MUP

  2   de cette région. Ils se cachaient dans les caves, dans les celliers et dans

  3   les catacombes de la société de Borovo. Il est manifeste que depuis des

  4   mois cette société, qui a été une société yougoslave auparavant, est

  5   devenue un nid d'Oustachi croates."

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   Mme DENNEHY : [interprétation]

  8   Q.  Reconnaissez-vous les scènes que l'on voit dans cette vidéo qui vous a

  9   été projetée ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  De quoi s'agit-il ?

 12   R.  Je reconnais l'abri où j'ai passé un jour et où feu mon père, son

 13   épouse et mes voisins se trouvaient.

 14   Mme DENNEHY : [interprétation] Pourrions-nous passer cette vidéo à nouveau

 15   et l'arrêter à 55:30.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   Mme DENNEHY : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur Culic, sur l'image que l'on voit maintenant à l'écran,

 19   reconnaissez-vous ces autocars ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Pourquoi les reconnaissez-vous ?

 22   R.  Car nous sommes montés dans ces autocars, c'est-à-dire les défenseurs

 23   qui étaient à droite. Nous sommes montés dans ces autocars et l'on nous a

 24   dit qu'on nous emmènerait dans des camps.

 25   Mme DENNEHY : [interprétation] J'aimerais demander le versement de ce

 26   document 4799.7 de la liste 65 ter.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Sera admis et recevra une cote.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et reçoit la cote P1413. Merci.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  2   Mme DENNEHY : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Culic, j'aimerais maintenant revenir à ce dont nous parlions

  4   avant la pause, et vous avez parlé de votre détention dans le camp de

  5   Stajicevo. Avez-vous été interrogé lors de votre séjour à Stajicevo ?

  6   R.  Je n'ai été interrogé qu'une seule fois.

  7   Q.  Et qui vous a interrogé alors que vous étiez à Stajicevo ?

  8   R.  Un agent de la police militaire. Dans l'étable où nous nous trouvions,

  9   il a lu à haute voix mon prénom et mon nom de famille et il m'a fait sortir

 10   de l'étable dans une maison et dans une pièce qui s'y trouvait. Je devais

 11   garder la tête baissée et je ne pouvais regarder où nous nous rendions. Et,

 12   en fait, il m'a emmené à un responsable officiel qui était un

 13   interrogateur.

 14   Q.  Et quel était l'objectif de votre interrogatoire à Stajicevo ?

 15   R.  Lorsque je suis revenu, il m'a demandé de lever la tête et m'a demandé

 16   où j'étais né. Je lui ai dit que j'étais né le 24 novembre 1955 et il m'a

 17   dit : Eh bien, vous venez de célébrer un anniversaire. Comment vous sentez-

 18   vous ? J'ai répondu : Bien. Je n'ai osé rien dire d'autre. Il m'a demandé

 19   où j'avais été déployé, à quels postes ou positions, quelles étaient les

 20   armes que j'avais, est-ce que j'avais tiré de ces armes et si je savais

 21   quoi que ce soit en ce qui concerne des crimes. Et c'est tout.

 22   Q.  Comment avez-vous été traités, ainsi que les autres hommes, et ce, par

 23   les gardes qui se trouvaient à Stajicevo ?

 24   R.  La police militaire de la JNA au camp de Stajicevo nous a traités

 25   brutalement. Elle hurlait, nous a rossés, nous a humiliés de telle façon

 26   que je n'avais jamais vu de ma vie auparavant. J'étais tellement terrorisé

 27   que je n'ai rien osé manger pendant des jours.

 28   Q.  Vous venez de mentionner que la police militaire de la JNA vous "a


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  1   rossés". Pourriez-vous le décrire aux Juges de la Chambre ?

  2   R.  Nous étions sous l'auvent ou dans l'étable et ils nous ont mis -- ils

  3   ont été en deux lignes. Ils sont passés au milieu. Il y avait des chiens,

  4   des bergers allemands. Et au départ, on nous a roués de coups. Ceux qui

  5   levaient la tête étaient immédiatement battus. Donc personne n'osait lever

  6   la tête. C'était au départ. Ils nous ont terrorisés, ils passaient juste à

  7   côté de nous et battaient qui bon leur semblait. Nous étions allongés sur

  8   le béton. C'était horrible.

  9   Si je peux continuer, lorsqu'il nous fallait aller aux sanitaires, nous

 10   levions la main et on nous a permis d'y aller. Et je parle des premiers

 11   jours à Stajicevo. Nous sommes sortis pour aller aux toilettes, et on nous

 12   insultait, on nous frappait. C'était horrible même de le regarder.

 13   Q.  Quels étaient les sévices qu'ils vous infligeaient quand vous sortiez ?

 14   R.  Je vais vous montrer. Je lève la main et je dis il me faut aller aux

 15   toilettes. Donc, je me lève et j'allais dans cette direction, mais dès que

 16   vous alliez dans la direction, on vous tapait dessus. Donc, dès que vous

 17   étiez en train d'uriner, ils vous battaient. Donc, même à ce moment-là, ils

 18   continuaient à nous battre. Et ça, c'était au début. C'était horrible même

 19   à regarder lorsque d'autres étaient soumis à sévices ainsi.

 20   Q.  Est-ce que des prisonniers sont morts pendant que vous étiez à

 21   Stajicevo ?

 22   R.  A Stajicevo pendant les premiers jours, certaines personnes peut-être

 23   qui n'avaient pas une constitution psychique très solide, comment dirais-

 24   je, eh bien, comme on disait, eh bien, ils ont perdu tout repère. Ils ont

 25   perdu le bon sens. Et puis il leur arrivait de se lever et puis de se

 26   mettre à courir. Alors, les policiers militaires, bien sûr, on n'osait pas

 27   se lever à leur insu, on n'osait rien faire. On n'osait même pas regarder

 28   autour de nous, on baissait le regard. Donc, si quelqu'un se redressait


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  1   sans qu'on le lui dise, eh bien, ils se jetaient sur lui asséner des coups

  2   de matraque, des coups de pied. Et là, il y a eu un cas, donc il y a eu

  3   Kunac, cet homme, il habitait dans une rue voisine à côté de chez moi. Lui,

  4   il s'est redressé, en fait, il s'est perdu, il s'est égaré. Alors, eux, ils

  5   se sont précipités sur lui. Ils l'ont roué de coups et, après il ne s'est

  6   plus relevé. Il est décédé par la suite. Et cela s'est passé à 10 mètres de

  7   moi. Il était de cinq années mon aîné, et c'était la promotion de mon

  8   frère. Ils étaient camarades d'école.

  9   Q.  Vous dites "ils" se sont précipités sur lui, ils l'ont roué de coups.

 10   Eux, les "ils", c'est qui ?

 11   R.  Peut-être que je n'ai pas été assez clair. C'était presque toujours les

 12   policiers militaires. C'était eux qui étaient chargés de l'ordre, plutôt

 13   des ordres.

 14   Q.  La Croix-Rouge s'était rendue auprès de vous pendant que vous étiez au

 15   camp de Stajicevo ?

 16   R.  La Croix-Rouge, une fois, ils sont venus nous voir le 6 décembre 1991,

 17   si mes souvenirs sont bons.

 18   Q.  Et la Croix-Rouge, qu'a-t-elle fait pendant sa visite du camp ?

 19   R.  Eh bien, ça a été un soulagement quand on les a vus venir, parce qu'on

 20   s'est dit qu'ils allaient dresser les listes et on allait savoir exactement

 21   quel était notre nombre. Ils n'allaient pas pouvoir nous emmener sans que

 22   l'on sache où on se trouve, donc que notre trace se perde. Donc, c'était

 23   important pour nous qu'ils aient nos noms et qu'on puisse envoyer des

 24   messages à nos proches à partir du moment où on savait, pour ceux qui

 25   savaient où se trouvait des membres de notre famille.

 26   Q.  Vous êtes-vous plaint auprès des représentants de la Croix-Rouge quand

 27   ils se sont rendus au camp de Stajicevo ?

 28   R.  Je n'avais pas besoin de me plaindre. Pour eux, c'était clair les


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  1   conditions dans lesquelles on séjournait là-bas.

  2   Mme DENNEHY : [interprétation] Je demande l'affichage du document 2407.1 de

  3   la liste 65 ter. Il se trouve à l'onglet 4.

  4   Q.  Monsieur Culic, reconnaissez-vous ce document que vous avez sous les

  5   yeux ?

  6   R.  Oui, je le reconnais.

  7   Q.  Que constitue ce document ?

  8    R.  C'est la liste des personnes qui se sont trouvées à Stajicevo avec

  9   moi.

 10   Q.  Reconnaissez-vous ce qui a été tracé en rouge sur ce document ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Qui est à l'origine de ces annotations en rouge ?

 13   R.  C'est moi qui ai annoté cela en rouge.

 14   Q.  A quel moment ?

 15   R.  Hier après-midi.

 16   Q.  Pourquoi est-ce que vous avez annoté cela ?

 17   R.  J'ai annoté cela parce que j'ai reconnu des personnes qui se sont

 18   trouvées à Stajicevo.

 19   Q.  Au point 158, est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre de

 20   quel individu il s'agit ?

 21   R.   Au 158, c'est le Dr Emedi, c'est un médecin. C'est celui qui m'a pansé

 22   mes plaies à Stajicevo.

 23   Q.  Il était originaire d'où, ce médecin ?

 24   R.  Il était originaire de Vukovar, il travaillait comme médecin à Vukovar.

 25   Mme DENNEHY : [interprétation] Je demande le versement au dossier du

 26   document 2407.1 de la liste 65 ter.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce document sera versé au dossier et

 28   recevra une cote.


Page 3444

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P1414.

  2   Mme DENNEHY : [interprétation] Je demande que l'on visionne une vidéo. Le

  3   document 4986.2 de la liste 65 ter à l'onglet 15 du jeu de documents de la

  4   Chambre.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   "Homme inconnu 1 : Mais, tout ce qu'il voit, tout ce qui bouge, ils

  8   l'égorgent. C'est comme ça que ça s'est passé.

  9   Homme inconnu 2 : Ça, c'est une entreprise yougoslave très connue,

 10   entreprise de fabrication de chaussures, Borovo. Aujourd'hui, de 1 000 à 1

 11   500 membres de la Garde nationale s'y sont rendus.

 12   Petar Mlinaric : Je peux montrer l'endroit où j'ai été séparé dans un

 13   autocar avec des gens qui ne sont plus. Des gens barbus sont arrivés. Ils

 14   ne nous connaissaient plus.

 15   Mirko Kovacic : Après, tout est resté comme cela avait été.

 16   Homme inconnu 1 : Ne pleure pas maintenant.

 17   Mirko Kovacic : Nous sommes arrivés ici le 19, c'était vers minuit. Huit

 18   autocars sont partis d'ici. Moi, j'étais dans le troisième. C'est là qu'il

 19   y avait une double haie et les hommes qui la constituaient nous battaient."

 20   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 21   Mme DENNEHY : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Culic, le bâtiment que vous avez vu à la fin de la séquence

 23   vidéo, que constitue-t-il, que représente-t-il ?

 24   R.  Rien ne s'affiche à l'écran devant moi.

 25   Mme DENNEHY : [interprétation] Je demande que l'on nous montre encore une

 26   fois cette vidéo.

 27   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, nous nous opposons à

 28   cela. Nous avons laissé la vidéo être visionnée la première fois parce que


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  1   ça a commencé avant que je ne puisse réagir. Ce que nous avons ici, ce sont

  2   des bandes audio correspondant aux propos des témoins de l'événement, et

  3   c'est cela que l'on soumet au témoin.

  4   Et c'est précisément ce que nous avons essayé de faire. Vous vous

  5   rappellerez que c'est exactement ce que j'ai voulu faire lundi dernier et

  6   on m'a dit que cela n'était pas acceptable. Donc, c'était tout comme si on

  7   avait une déclaration faite quelques années après les événements dont on

  8   donnait lecture au témoin. Donc je comprends pourquoi on a dit que ce

  9   n'était pas acceptable, et n'empêche que l'Accusation fait exactement cela.

 10   Si vous voulez savoir quel recours je proposerais, je n'aurais pas

 11   d'objection à ce que les images en tant que telles soient montrées, mais je

 12   n'accepte pas que le témoignage soit soumis au témoin.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous voulez répondre, Madame Dennehy

 14   ?

 15   Mme DENNEHY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. L'Accusation n'a

 16   pas l'intention de soumettre cette déposition de témoin au témoin que nous

 17   avons ici. L'objectif de ces éléments vidéo est d'identifier les sites de

 18   détention au témoin qui s'y est trouvé. Par conséquent, si la Chambre

 19   l'acceptait, je demanderais le versement au dossier uniquement des images

 20   sans la transcription des propos que l'on entend pendant la séquence.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, Maître Gosnell,

 22   l'extrait vidéo serait versé au dossier uniquement pour en garder les

 23   images.

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, mais il ne s'agit pas seulement du

 25   versement au dossier. Il s'agit aussi de ce qui est soumis au témoin, à

 26   savoir on lui a fait entendre la bande audio. On lui a demandé de réagir.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, mais nous allons admettre

 28   uniquement les images.


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  1   M. GOSNELL : [interprétation] Oui -- excusez-moi, mais pendant que l'on

  2   entend la bande-son, quelles que soient les questions que l'on pose, il va

  3   y avoir un impact du fait qu'on a entendu l'audio. Donc je pensais que

  4   c'était exactement ce qui n'était pas acceptable lorsqu'on donnait lecture

  5   des déclarations au compte rendu d'audience.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La Chambre ne s'est pas encore

  7   prononcée sur l'objection qui a été soulevée il y a quelques jours, Maître

  8   Gosnell.

  9   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, c'est vrai, mais vous m'avez demandé de

 10   ne pas donner lecture de la déclaration --

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, sur le moment, c'est ce que nous

 12   vous avons demandé.

 13   M. GOSNELL : [aucune interprétation]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc nous n'allons pas trancher

 15   maintenant, mais j'aimerais savoir si nous sommes en mesure de visionner la

 16   vidéo sans la bande-son ?

 17   Je demande cela à la régie ou au bureau du Procureur.

 18   Mme DENNEHY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous pouvons

 19   montrer les images sans avoir le son.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Et puis, ensuite, nous

 21   allons pouvoir enlever la transcription du prétoire électronique.

 22   C'est ce que vous vouliez dire, Monsieur le Greffier ?

 23   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons visionner encore une fois

 25   sans écouter la bande-son.

 26   Mme DENNEHY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. L'on me demande

 27   également de vous informer du fait que, pour autant que nous ne sachions,

 28   le témoin ne parle pas anglais, donc il ne peut pas lire les sous-titres


Page 3447

  1   qui figurent sur la vidéo.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   Mme DENNEHY : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Culic, vous avez vu des images de cet extrait vidéo; les avez-

  6   vous reconnues ?

  7   R.  Oui, je les reconnais.

  8   Q.  Et le bâtiment que vous venez de voir à l'instant, l'avez-vous reconnu

  9   ?

 10   R.  Oui, je connais ce bâtiment, et je ne l'oublierai jamais.

 11   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que représente ce

 12   bâtiment ?

 13   R.  Ce bâtiment se trouvait à côté de Zrenjanin. C'était une espèce

 14   d'exploitation agricole qui s'appelait Stajicevo.

 15   Q.  Etait-ce le lieu de détention où vous avez été détenu vous-même à

 16   Stajicevo ?

 17   R.  Ce lieu a servi de lieu de détention pour nous, les gens de Vukovar.

 18   Q.  Monsieur Culic, maintenant l'image qui s'affiche à 01:36:51.2, est-ce

 19   que vous reconnaissez ce que vous voyez, la 

 20   scène ?

 21   R.  Oui, je reconnais cela.

 22   Q.  Le barbelé que vous avez vu dans la séquence vidéo, était-ce bien le

 23   barbelé qui entourait le camp de Stajicevo ?

 24   R.  Oui, le camp était entouré de fil barbelé et il y avait des gardes

 25   partout, dans tous les coins.

 26   Mme DENNEHY : [interprétation] Je demande que l'on continue de visionner

 27   l'extrait vidéo jusqu'à 36:56.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


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  1   Mme DENNEHY : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Culic, reconnaissez-vous ces images ? Est-ce que cela est

  3   comparable à ce que vous avez vécu à Stajicevo ?

  4   R.  Oui, je reconnais. Et tout cela ressemble au moment où je me suis

  5   trouvé à Stajicevo.

  6   Mme DENNEHY : [interprétation] Je demande que l'on visionne la vidéo

  7   jusqu'au bout.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   Mme DENNEHY : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 10   document 4986.2 de la liste 65 ter.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé au dossier et reçoit une cote.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1415.

 13   Mme DENNEHY : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur Culic, vous êtes resté combien de temps placé en

 15   détention à Stajicevo ?

 16   R.  Je suis resté à Stajicevo un mois. Je ne sais pas s'il y a eu un jour

 17   de plus ou un jour de moins, mais c'était à peu près un mois.

 18   Q.  A quel moment, à peu près, êtes-vous sorti de Stajicevo ?

 19   R.  Nous sommes partis de Stajicevo juste avant la Noël catholique, donc

 20   avant le 24 décembre.

 21   Q.  Quel est le nombre d'hommes qui sont partis de Stajicevo le même jour

 22   que vous ?

 23   R.  Si mes souvenirs sont bons, nous sommes tous partis de Stajicevo ce

 24   jour-là. Pour certains, c'était vers Mitrovica; pour d'autres, c'était pour

 25   Nis.

 26   Q.  Et vous-même, ce jour-là, vous êtes parti vers quelle destination ?

 27   R.  Moi, je suis parti avec un groupe de personnes pour Nis.

 28   Mme DENNEHY : [interprétation] Le document 65 ter 6327, page 4, s'il vous


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  1   plaît. Il s'agit du jeu de cartes qui a été remis aux Juges. Intercalaire

  2   20, s'il vous plaît.

  3   Q.  Monsieur Culic, reconnaissez-vous ce document qui s'affiche devant vous

  4   ?

  5   R.  Oui, je le reconnais.

  6   Q.  Que représente ce document ?

  7   R.  C'est une carte de la République de Serbie.

  8   Q.  Est-ce que vous pouvez vous servir du stylet qui est devant vous pour

  9   annoter des choses sur cette carte, s'il vous plaît. Montrez-nous à peu

 10   près où se situerait Stajicevo sur cette carte.

 11   R.  [Le témoin s'exécute]

 12   Q.  Et maintenant, pouvez-vous nous indiquer où se trouve Nis sur la carte.

 13   R.  [Le témoin s'exécute]

 14   Q.  Et enfin, indiquez-nous où se trouve Vukovar à peu près sur la même

 15   carte.

 16   R.  [Le témoin s'exécute]

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mon client aurait

 18   besoin de s'absenter quelques instants.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 20   [L'accusé se retire]

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Entre-temps, est-ce que nous pouvons

 22   continuer, Maître Zivanovic, ou nous devons attendre son retour ?

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non, non, nous pouvons continuer.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous en prie, continuez.

 25   Mme DENNEHY : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que ce

 26   document qui a été annoté par le témoin soit versé au dossier, et il s'agit

 27   du document 627 [comme interprété].

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé au dossier et reçoit une cote.


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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Recevra la cote P1416.

  2   Mme DENNEHY : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Culic, vous venez de dire aux Juges de la Chambre où se situe

  4   Nis, où on vous a emmenés après Stajicevo. Alors, est-ce que vous pouvez

  5   nous dire de quelle nature était l'endroit où on vous a emmenés à Nis ?

  6   R.  Quand nous sommes arrivés à Nis devant cette prison militaire, un grand

  7   portail s'est ouvert, on est entrés dans une cour, puis un autre portail

  8   très élevé s'est ouvert de nouveau. C'était comme dans les films

  9   d'épouvante. C'était la nuit. Pas de lumière et la neige. Et puis, c'est

 10   uniquement dans la troisième cour que les autocars se sont arrêtés et, l'un

 11   après l'autre, ils ont laissé descendre les prisonniers qui allaient entrer

 12   à l'intérieur du bâtiment.

 13   Q.  Et quelles sont les forces armées qui contrôlaient ce quartier

 14   pénitentiaire de Nis ?

 15   R.  C'était la police militaire régulière qui était en place à Nis.

 16   C'étaient des jeunes policiers militaires qui étaient en train de faire

 17   leur service militaire.

 18   Q.  Et les gardes, comment vous ont-ils traités quand vous êtes arrivés,

 19   vous et les autres prisonniers à Nis, quand vous êtes arrivés à bord

 20   d'autocars ?

 21   R.  Au moment où j'allais descendre de l'autocar, j'allais entrer dans le

 22   bâtiment, il a fallu que je descende un escalier. Et c'était une double

 23   haie qui nous accueillait. Et, tout de suite, j'ai reçu un coup de pied au

 24   niveau de la partie supérieure de mon buste, au niveau des poumons. Donc je

 25   suis resté essoufflé. On nous a dit de nous coller contre le mur, de

 26   baisser la tête. Donc, tout de suite, j'ai reçu un coup très fort au niveau

 27   de la poitrine.

 28   Q.  Vous avez dit qu'"il y a eu une autre double haie d'hommes qui vous


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  1   accueillait." Est-ce que vous pouvez nous décrire cela ?

  2   R.  A l'entrée, il fallait donc qu'on se glisse le long du mur à gauche, et

  3   puis au milieu de cet escalier, il y avait un alignement de policiers

  4   militaires qui nous assénaient des coups, qui nous criaient dessus et qui

  5   nous criaient : Baissez la tête. Et puis, l'un d'entre eux a dit qu'on

  6   puait. Il a dit : Ah qu'ils puent, ceux-là.

  7   Q.  Pourquoi a-t-il dit : Ah qu'ils puent, ceux-là ?

  8   R.  Parce qu'on ne s'était pas lavés au camp de Stajicevo. Et d'ailleurs,

  9   pas plus qu'à Vukovar. Les derniers jours, il n'y avait ni eau, ni

 10   électricité, ni nourriture. C'était l'enfer.

 11   Q.  Et peu après votre arrivée à Nis, qu'est-ce que les gardes ont fait

 12   avec vos cheveux ?

 13   R.  C'était le deuxième jour. Le soir, on a été installés dans les

 14   chambres, et puis le lendemain on nous a donné des uniformes gris-vert

 15   olive de l'armée yougoslave et on nous a emmenés pour nous raser le crâne.

 16   Q.  Est-ce que quelqu'un vous a indiqué pourquoi vous vous trouviez à Nis ?

 17   R.  Non, personne ne nous a rien expliqué pourquoi on se trouvait à Nis.

 18   Excusez-moi, si. Quand on est arrivés à Nis et quand on nous a répartis

 19   dans les chambres, alors il y a eu quelqu'un qui est allé d'une chambre à

 20   l'autre. C'était le commandant de cette prison qui a fait ça. Il s'est

 21   présenté. C'était un haut gradé. Il disait colonel, lieutenant-colonel X,

 22   Y. Il a dit qu'il est arrivé de Zadar, que c'était lui qui est le

 23   responsable de la prison, qu'on allait être auditionné, et que lorsqu'on

 24   nous battait, eh bien, c'était quelque chose qu'il ne pouvait pas

 25   contrôler. Il ne pouvait pas être partout. Et il a dit qu'après 21 heures,

 26   plus personne n'allait toucher à nous. Plus personne n'allait nous asséner

 27   de coups.

 28   Q.  Est-ce que vous avez été accusé d'avoir commis des crimes à votre


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  1   arrivée à Nis ou à un moment quelconque à partir de cela ?

  2   R.  Non, l'on ne m'a accusé d'aucun crime. Moi, personnellement.

  3   Q.  Décrivez-nous, s'il vous plaît, le traitement qui vous a été réservé à

  4   vous et à d'autres prisonniers par les gardes pendant que vous étiez à Nis

  5   ?

  6   R.  Ces membres de la police militaire de la JNA, c'étaient des jeunes

  7   gens. Au matin, lorsqu'on nous réveillait, on faisait irruption, on criait

  8   : "Levez-vous." Puis on nous donnait des gifles. "Allez au toilette, allez

  9   vous laver. Vite, vite." Enfin, on nous a toujours donné des gifles. Il y a

 10   eu toujours des engueulades, des cris de poussés. Et quand on allait au

 11   petit déjeuner, il fallait baisser obligatoirement la tête. Toujours il

 12   fallait baisser la tête. Il ne fallait regarder personne dans les yeux.

 13   Quand on allait au petit déjeuner, il fallait que l'on coure avec les mains

 14   dans le dos, descendre l'escalier. Et arrivés à la cuisine, il fallait

 15   s'aligner devant la table, puis on nous disait : Asseyez-vous. On

 16   s'asseyait. Et puis on nous disait : Revenez en position antérieure. Et on

 17   devait se relever. Ceux qui ne se relevaient pas recevaient des baffes.

 18   Deux, trois fois comme ça. Puis on s'asseyait pour manger. Et on nous

 19   battait pendant qu'on mangeait, les deux, trois premiers jours. On ne

 20   devait pas regarder. Alors, quelqu'un a dit : "Cesse donc de les battre

 21   pendant qu'ils mangent."

 22   Q.  Avez-vous été interrogé pendant que vous vous êtes trouvé à Nis ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Combien de fois vous a-t-on interrogé ?

 25   R.  Quatre fois.

 26   Q.  Est-ce que vous pouvez décrire --

 27   R.  Quatre ou cinq fois. Là maintenant, je ne sais plus. Je suis allé des

 28   fois à deux reprises chez le même chargé de l'interrogatoire, mais c'était


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  1   à des endroits différents. Quatre fois à des endroits différents.

  2   Q.  Pouvez-vous décrire à l'attention des Juges de la Chambre

  3   l'interrogatoire final qui s'est déroulé à Nis ?

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] A 13 heures 30, il est venu un membre de la

  6   police militaire me chercher. Il a ouvert la porte, et puis il avait un

  7   papier à la main. Il a dit : Branko Culic. Alors, j'étais censé me

  8   présenter. C'est de façon spécifique qu'il a demandé à ce que je me penche

  9   et que je me passe un bras sous les jambes, et c'est ainsi qu'il m'a

 10   conduit au bas de l'escalier. On a traversé la cour, et on est allé dans

 11   une pièce. Puis quand on est entrés, il m'a donné un coup de pied dans les

 12   fesses pour que je me plante dans le mur en face.

 13   Il est venu un chargé d'interrogatoire, un gros costaud, et il a commencé

 14   par des injures, il a commencé à me donner des coups sur la tête, puis --

 15   d'abord sur les mains puis sur la tête, et j'ai dû me mettre sur un banc le

 16   long du mur, mettre les bras en l'air, puis il m'a donné des coups sur le

 17   corps entier. Puis après, il ne m'a battu que du côté gauche, le bras et le

 18   reste du corps jusqu'aux jambes. J'ai passé sept à huit heures à être

 19   interrogé comme cela, jusqu'à 9 heures du soir. Moi, je ne savais pas que

 20   ce qui -- enfin, celui qui avait suivi, c'était un neveu qui était un chef

 21   de la rue, chef des défenseurs de la rue. Alors, ils m'ont d'abord tabassé

 22   puis ils sont partis. Ils sont allés chez l'autre, et ainsi de suite.

 23   Mme DENNEHY : [interprétation]

 24   Q.  Mais quelles sont les questions qu'on vous a posées pendant cet

 25   interrogatoire ?

 26   R.  Il m'a demandé qui c'est qui a tiré au fusil à lunette, qui a

 27   plastiqué, qui a tué des Serbes, qui a incendié des maisons. Il m'a demandé

 28   si je le savais. Il m'a demandé quel était mon poste. Il m'a demandé qui


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  1   avait plastiqué la partie à Bent [phon], c'est-à-dire l'endroit où j'étais.

  2   Qui a donné l'ordre de plastiquer, de miner ? C'était ce genre de

  3   questions.

  4   Q.  Combien de gardiens y avait-il dans la pièce pendant que vous étiez

  5   interrogé ?

  6   R.  A l'intérieur il n'y avait aucun gardien. Il y avait cet homme qui

  7   m'interrogeait, puis il est venu deux autres hommes ensuite. Il y en a deux

  8   qui ont battu, et l'autre non. Il y en a un qui sortait, puis alors c'était

  9   les deux qui sortaient, et puis l'autre rentrait. Ils nous disaient

 10   d'avouer, d'éviter les passages à tabac. J'ai dit que j'avais rien à

 11   avouer, que ce que je savais, je leur avais dit. Alors on voulait savoir si

 12   je savais quelque chose, et que je le dissimulais. Alors, on m'a demandé ce

 13   que je savais, puis je savais que je ne savais rien. Enfin, on avait rien à

 14   prouver du tout, puisque tous étaient là.

 15   Q.  Est-ce que vous saviez de quelle unité militaire ces hommes qui vous

 16   interrogeaient faisaient-ils partie ?

 17   R.  Celui-ci, ce costaud grand, fort et costaud, il portait un uniforme. Il

 18   n'avait pas de grade. Il portait un uniforme de camouflage. Il n'avait

 19   aucun grade, mais celui-là, il savait frapper. Il frappait cinq fois

 20   d'affilée au même endroit. Il ne frappait pas n'importe comment. Il avait

 21   frappé de façon -- enfin, de façon qui était celle d'un homme qui avait de

 22   l'expérience en la matière.

 23   Q.  Monsieur Culic, vous avez dit qu'on vous avait dit d'avouer. Est-ce que

 24   vous avez fait une déclaration quelle qu'elle soit lorsque vous vous

 25   trouviez à Nis ?

 26   R.  A Nis je n'ai rien écrit. Je ne pouvais pas écrire. Je n'avais

 27   d'ailleurs rien à écrire, et je ne pouvais pas le faire. Enfin, on me

 28   l'avait demandé mais je n'avais rien à donner par écrit, et si je le


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  1   voulais je ne pouvais pas, parce que j'avais peur et on m'avait tellement

  2   de fois frappé, et on me demandait à chaque fois comment je m'appelais pour

  3   savoir si j'avais conscience de ce que je faisais, de ce que je disais,

  4   pour savoir si on pouvait continuer.

  5   Q.  Et combien de temps cet interrogatoire a-t-il duré ?

  6   R.  Le dernier interrogatoire à Nis a duré entre 13 heures 30 de l'après-

  7   midi jusqu'à 19 heures 30 ou 20 heures du soir. Enfin, je crois que c'était

  8   jusqu'à 19 heures 30 à peu près. Je suis resté longtemps là-bas. Ça a été

  9   l'interrogatoire le plus long pour ce qui me concerne.

 10   Q.  Et que s'est-il passé après cet interrogatoire ?

 11   R.  On m'a emmené de la même façon qu'on m'avait amené, c'est un policier

 12   militaire qui l'a fait. C'est le même, d'ailleurs, qui m'a fait passer un

 13   bras entre les jambes et j'étais penché et on me conduisait comme ça. Je

 14   n'ai pas vu cette façon d'emmener quelqu'un, pas même dans les films. Et

 15   puis, on est arrivés jusqu'à ma pièce, puis il m'a forcé à sauter de plein

 16   pied pour retomber sur le béton. Il savait que j'avais reçu beaucoup de

 17   coups à la plante des pieds et il fallait que je saute une fois de plus de

 18   plein pied. Il savait que j'avais mal à la plante des pieds. Et il m'a

 19   demandé combien d'enfants j'avais. Enfin, il m'a d'abord demandé si j'étais

 20   marié et m'a demandé combien d'enfants. Et puis, il m'a donné des coups de

 21   pied aux fesses, et là j'ai eu des larmes aux yeux. Jusque-là, je n'avais

 22   pas pleuré. Quand il m'a posé la question au sujet de mes enfants, c'est là

 23   que j'ai eu des larmes aux yeux. Je ne pouvais plus les retenir.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Dennehy, il me semble qu'il

 25   serait bon de faire une pause à présent.

 26   Mme DENNEHY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Culic, nous allons à présent

 28   faire la deuxième pause, que nous prenons d'habitude vers cette heure-ci,


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  1   et nous allons revenir à midi 45. L'huissière va vous raccompagner hors du

  2   prétoire. Je vous remercie.

  3   [Le témoin quitte la barre]

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

  5   --- L'audience est suspendue à 12 heures 11.

  6   --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez continuer, Madame Dennehy.

  9   Mme DENNEHY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  Monsieur Culic, avant la pause, vous avez décrit aux Juges de la

 11   Chambre les interrogatoires et les passages à tabac que vous avez subis à

 12   Nis. Quand avez-vous quitté ce pénitencier de Nis ?

 13   R.  On a quitté la prison de Nis deux jours après cet interrogatoire. C'est

 14   ce que je sais. Je crois que c'était le 20. Je sais que c'était exactement

 15   deux jours après l'interrogatoire, et c'est là qu'on est allés à Mitrovica.

 16   Q.  C'est le 20 de quel mois et de quelle année ?

 17   R.  Le 20 février en 1992.

 18   Q.  Vous avez dit que vous êtes allés à Mitrovica. Comment y êtes-vous

 19   allés ?

 20   R.  A 3 heures du matin, on a allumé les lumières. La police militaire est

 21   entrée et ils nous ont dit d'enlever nos uniformes, de mettre des vêtements

 22   civils, de faire nos lits, et de nous préparer à monter à bord d'autocars.

 23   Et c'est de façon organisée, pièce par pièce, qu'on est sortis et on est

 24   montés à bord des autocars. On a complété le nombre qu'il avait décidé d'y

 25   envoyer, et nous sommes allés à Mitrovica.

 26   Q.  Et qui avait été chargé d'organiser, gérer ces autobus qui ont quitté

 27   Nis pour aller à Sremska Mitrovica ?

 28   R.  C'était l'armée de la JNA qui faisait tout cela. On était entre leurs


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  1   mains. Leurs officiers, leurs agents ont organisé tout cela. C'est eux qui

  2   se sont chargés du tout.

  3   Q.  Et comment vous a-t-on traité à bord de l'autocar pour Sremska

  4   Mitrovica ?

  5   R.  Dans l'autocar, il y avait deux membres de la police militaire en

  6   armes. A bien des reprises, ils ont déambulé dans l'intérieur du bus pour

  7   asséner des coups ou gifles ou des coups. A coté de moi, il y avait mon

  8   neveu. Il a reçu deux fois plus de coups que moi. C'était pour nous dire

  9   adieu. Pendant quatre ou cinq heures, ils ont fait des allées et des venues

 10   à plusieurs reprises, et ils nous ont donné des coups et des gifles. Et

 11   nous, on devait toujours baisser la tête.

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez décrire ce que vous avez vu lorsque vous êtes

 13   arrivé à Sremska Mitrovica ?

 14   R.  J'ai vu qu'on était entrés dans l'enceinte d'une prison. C'est là que

 15   les bus faisaient la queue, on attendait que soient déchargés les bus

 16   devant nous. Et quand notre autocar est arrivé, quand ça a été son tour, il

 17   y a eu une haie d'hommes. On nous a fouillés sommairement, puis on nous a

 18   répartis par pièce, mais on ne nous a pas battus.

 19   Q.  Et où avez-vous été placé lorsque vous avez fait de la détention à

 20   Sremska Mitrovica ?

 21   R.  Je me suis retrouvé au deuxième étage. A Nis, j'étais dans la pièce

 22   numéro 7, et là, j'étais dans la pièce numéro 6. J'ai retenu ces deux

 23   chiffres-là. C'était au premier étage, pièce numéro 6. Il s'agissait d'une

 24   pièce où on pouvait mettre de 100 à 120 personnes. On était comme des

 25   sardines; on était nombreux, entassés là-dedans. Et là, une partie de

 26   l'autocar est entrée là, et l'autre dans la pièce d'à côté. On nous a

 27   répartis de la sorte. Je ne sais pas combien ils étaient là-bas, mais nous,

 28   on était nombreux. Il n'y a qu'une partie de l'autocar qui a réussi à se


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  1   caser là-dedans, dans cette pièce, la pièce où je me trouvais.

  2   Q.  Vous a-t-on interrogé pendant que vous êtes resté à Sremska Mitrovica ?

  3   R.  J'ai été interrogé.

  4   Q.  A combien de reprises vous a-t-on interrogé, à peu près ?

  5   R.  J'y suis allé trois fois à Mitrovica, c'est le même enquêteur que celui

  6   qui m'a interrogé à Nis. Et la dernière fois, j'ai fait un interrogatoire

  7   très court.

  8   Q.  Pouvez-vous décrire le pire des interrogatoires que vous avez subi

  9   lorsque vous étiez détenu à Sremska Mitrovica ?

 10   R.  Le pire des interrogatoires, c'est celui qui est survenu dix jours

 11   après mon arrivée de Nis. Mes plaies sur les plantes des pieds venaient

 12   d'éclater et de sécher, et au bout de dix jours après mon arrivée, je suis

 13   allé pour une première fois pour être interrogé dans la cave. Il y avait

 14   des cellules d'isolement en bas. Il y avait une salle de bain où on se

 15   lavait tous. Je suis allé chez le même enquêteur qui m'avait interrogé déjà

 16   la dernière fois à Nis.

 17   Dès que je suis entré dans la pièce, j'ai tout de suite dû enlever

 18   mes chaussures et me mettre à genoux sur une caisse de bière. Il me tapait

 19   sur la tête et me tapait sur la plante des pieds. Mais cette fois, il est

 20   venu après moi mon neveu, Ivo Culic. Il a été interrogé par celui-ci. C'est

 21   le même, en bas. Un dénommé Ilija Atkar [phon]. Il nous a donné du papier

 22   et un stylo, un crayon, et il m'a dit : Toi, tu vas te mettre à la petite

 23   fenêtre là-bas, à genoux, et tu vas rédiger une déclaration. Les autres

 24   avaient subi les mêmes tortures que moi. Ils ont dû écrire, eux aussi. Ils

 25   étaient non loin de moi dans le couloir.

 26   Et c'est là que j'ai eu un papier et un crayon. Il y avait une petite

 27   fenêtre. On ne pouvait pas y voir, mais il y avait des planches qui

 28   faisaient office de petite porte. Ils étaient trois ou quatre policiers


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  1   militaires, et je précise qu'à Mitrovica c'étaient des policiers de la

  2   police militaire, des réservistes, de la réserve, donc c'étaient des gens

  3   plus âgés et assez costauds. J'ai entendu qu'ils étaient en train de

  4   vraiment casser quelqu'un. On le cassait à tel point qu'on attendait les

  5   coups assourdis pleuvoir. Et il y en a un qui lui a dit : Mais arrête donc,

  6   ça suffit. Et l'autre disait : Non, il fait semblant. Il disait cela pour

  7   continuer à battre. Et l'un de ces policiers est sorti, mais je me souviens

  8   de son visage, il avait des moustaches. Il est venu avec une matraque dans

  9   mon dos, il m'a tapoté l'épaule et il m'a dit : Toi, tu n'as rien vu et tu

 10   n'as rien entendu. Et il nous a dit la même chose à tous les trois.

 11   Ensuite, dans la pièce, j'ai ouï dire que ce jeune gars était mort suite au

 12   passage à tabac. Il était originaire de Mitnica. Je ne le connaissais pas.

 13   J'ai appris qu'il était originaire de Mitnica.

 14   Moi, on m'a donné l'ordre d'écrire ma déclaration sur cette petite

 15   fenêtre tout en entendant le passage à tabac qui avait cours en même temps.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Maître Zivanovic.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Un petit rectificatif. Le témoin n'a pas

 18   mentionné d'"os." Le mot "os" n'a pas été mentionné et il se trouve en

 19   ligne 8, page 57.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Excusez-moi. "Ils étaient en train de

 21   tabasser quelqu'un et j'ai pu entendre le bruit de ses os en train de se

 22   casser…" ?

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Il n'a pas mentionné d'"os".

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Culic, vous avez dit pour ce

 25   qui est donc du compte rendu que :

 26   "Ils étaient en train de tabasser quelqu'un, et j'ai cru, et j'ai pu,

 27   entendre le bruit," et ensuite on a entendu "casser."

 28   Qu'avait-on cassé ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai entendu des coups de pied de telle force,

  2   c'était sourd, assourdi, et j'ai compris que c'était sur du solide qu'il

  3   tapait. C'étaient des coups si forts qu'on pouvait entendre un bruit

  4   assourdi. Ce n'était pas le bruit d'une gifle. On entendait qu'on était en

  5   train de briser quelqu'un, et cet homme est par la suite mort.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  7   Veuillez continuer, Madame Dennehy.

  8   Mme DENNEHY : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Culic, vous a-t-on jamais reproché un crime alors que vous

 10   étiez détenu à Sremska Mitrovica ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Avez-vous été informé, avez-vous entendu parler de sévices sexuels qui

 13   se sont déroulées à Sremska Mitrovica ?

 14   R.  Quand j'étais à Mitrovica, je n'ai entendu parler d'aucun crime sexuel.

 15   Lorsque j'ai été relâché des prisons serbes, lorsque j'ai retrouvé mes

 16   collègues, j'ai entendu dire qu'une femme avait été la victime de sévices

 17   sexuels, une femme nommée Manda, qui avait été mise au trou. Ceci,

 18   c'étaient deux agents de police militaires. Lorsque le commandant est

 19   arrivé le matin, il les a punis et plusieurs personnes l'ont entendu parce

 20   que ces personnes se trouvaient à proximité de la cellule d'isolement où se

 21   trouvait Manda.

 22   Q.  Comment les prisonniers étaient-ils traités en cellules d'isolement ?

 23   R.  L'un de mes amis qui s'y trouvait également a dit cela dépendait des

 24   ordres qu'ils avaient reçus. Parfois ils avaient des ordres de venir et de

 25   vous battre. Il a dit qu'il avait passé dix à 15 jours en isolement, et

 26   qu'il avait été plus battu que partout ailleurs. Quoi qu'il en soit, il s'y

 27   est trouvé. Il a été battu gravement, et ensuite il a été renvoyé dans la

 28   salle commune avec tous les autres.


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  1   Q.  Qu'est-ce que Pero Gojon a vu alors qu'il était détenu à Sremska

  2   Mitrovica ?

  3   R.  Mon ami, Pero Gojon, a été détenu. Il a vu Goran Hadzic qui est entré

  4   dans la salle, dans la pièce. Il est entré d'un ou 2 mètres dans la pièce,

  5   et il y avait trois ou quatre personnes qui l'accompagnaient, qui étaient

  6   vêtus d'uniformes militaires. Il a déclaré qu'il les ferait tous retournés

  7   à Vukovar où ils seraient déférés devant les tribunaux.

  8   Laissez-moi continuer. Après la guerre, j'ai parlé à Josip Tomasic, le

  9   commandant de la Défense de Sajmiste. Il était l'un de ceux qui avaient

 10   passé quelque temps en cellules d'isolement. Il m'a dit que Goran Hadzic

 11   lui avait rendu visite, s'était adressé à lui de façon très vulgaire, et

 12   lui avait dit qu'il emmènerait lui-même à Vukovar pour qu'il soit jugé.

 13   Q.  Vous avez déclaré : Mon ami, Pero Gojon, a vu Goran Hadzic. Où votre

 14   ami Pero a-t-il vu précisément Goran Hadzic ?

 15   R.  Pero Gojon l'a vu dans la pièce où il était emprisonné. Je lui ai

 16   demandé comment cela s'était produit, il m'a dit : Il est entré dans la

 17   pièce. Il est rentré d'un ou 2 mètres dans la pièce, et leur a dit qu'il

 18   les renverrait à Vukovar pour être jugés. Il n'est pas venu dans la pièce

 19   où je me trouvais, mais je sais que les autres personnes ont déclaré que

 20   Goran Hadzic était venu, leur avait rendu visite dans leurs salles. C'est

 21   ce que l'on se racontait entre nous.

 22   Q.  Et quand vous dites Goran Hadzic est entré dans les pièces, où se

 23   trouvaient ces pièces ? De quelle installation de détention s'agissait-il

 24   quand on parle de ces pièces ?

 25   R.  A Mitrovica, il s'agissait d'un bâtiment à trois étages avec des

 26   pièces, chacune contenant entre 80 et 120 prisonniers. Je ne sais pas

 27   combien de pièces, dans combien de pièces il s'est rendu, mais je sais que

 28   les gens ont dit qu'il est entré dans certaines de ces pièces, et qu'il a


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  1   répété partout la même chose, et qu'ils seraient tous renvoyés à Vukovar où

  2   ils seraient jugés.

  3   Mme DENNEHY : [interprétation] J'aimerais maintenant que la pièce 4609.6 à

  4   l'onglet 18 soit affichée.

  5   Q.  Monsieur Culic, vous allez voir un extrait vidéo sur cet écran devant

  6   vous.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  9   "Goran Hadzic : C'est la première session de notre gouvernement qui

 10   se trouve dans notre capitale future de la région serbe de Slavonie,

 11   Baranja et Srem occidental. Concernant les conclusions en dehors de celles

 12   ayant trait à la normalisation de la situation et l'établissement d'une

 13   situation plus ou moins normale, il y a une conclusion fondamentale : c'est

 14   celle que les prisonniers, des Oustachi qui ont les mains ensanglantées, ne

 15   peuvent quitter le territoire de la région serbe de Slavonie, Baranja et

 16   Srem occidental, et ne peuvent être emmenés en Serbie puisque la Serbie est

 17   l'Etat dans lequel il n'y a pas de guerre. En outre, les troupes qui ont

 18   appuyé la capture, eh bien, ceux qui ne sont pas les soldats qui ont été

 19   capturés, ceux qui sont des formations paramilitaires peuvent uniquement

 20   être jugés par ce peuple ici, qui est le peuple de notre région serbe qui

 21   est reconnu, et qui a son propre tribunal. Nous avons même une deuxième

 22   instance. La troisième instance pourra se trouver éventuellement au niveau

 23   fédéral, au niveau yougoslave, mais nous avons notre propre cour régionale

 24   et notre cour municipale. En conséquence, nous sommes convenus avec les

 25   autorités militaires que ces Oustachi resteront dans certains de nos camps

 26   ici à proximité de Vukovar. Puisqu'un groupe a déjà été emmené à Sremska

 27   Mitrovica, eh bien, j'ai entrepris la tâche de renvoyer ces personnes sur

 28   place, si l'on peut dire que ce sont les personnes, de les renvoyer et les


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  1   faire juger pour savoir lesquelles sont coupables, et ceux qui ne le sont

  2   pas seront relâchés pour qu'ils puissent se joindre à nous pour

  3   reconstruire notre ville.

  4   Journaliste : A combien estimez-vous le nombre total de ces membres des

  5   formations paramilitaires croates ? Nous avons différents chiffres, 200 se

  6   sont rendus il y a deux nuits de cela, environ 1 000 aujourd'hui dans le

  7   complexe de Borovo. Quel est le chiffre dont il s'agit ?

  8   Goran Hadzic : Je crois que le chiffre est plus proche de 3 000

  9   environ, 3 000 Oustachi en uniforme environ, bien qu'il y en ait d'autres

 10   qui se cachent parmi les civils. Toutefois, il y a nombre de personnes

 11   honnêtes également. Notre tâche principale est d'enquêter sur tout et de ne

 12   laisser personne qui ne serait pas coupable être malmenée ou harcelée. Il

 13   vaut mieux n'avoir qu'un seul coupable qui nous échapperait plutôt que de

 14   toucher un innocent. C'est notre tâche. C'est la loi et la police et toutes

 15   les instances ici. Donc nous allons travailler à prévenir toute persécution

 16   des innocents."

 17   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 18   Mme DENNEHY : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Culic, reconnaissez-vous la personne qui était dans cette

 20   vidée qui vous a été projetée ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et qui est cet homme qui s'est présenté dans cette vidéo ?

 23   R.  Goran Hadzic.

 24   Q.  Et quand M. Hadzic, dans la vidéo, a déclaré :

 25   "J'ai entrepris la tâche de ramener toutes ces personnes, si on peut

 26   les appeler des personnes, et nous les renverrons tous et nous les ferons

 27   tous juger et nous les jugerons coupables."

 28   Est-ce que ces sentiments sont analogues à ceux que vous avez


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  1   entendus de la bouche de Pero Gojon et de Josip Tomasic lorsqu'ils ont vu

  2   Goran Hadzic à Mitrovica ?

  3   R.  Quand Pero Gojon a déclaré que Goran Hadzic était entré dans sa pièce,

  4   il n'a pas mentionné des insultes. Mais Josip Tomasic a également déclaré

  5   qu'on l'avait insulté, qu'on l'avait injurié et qu'il leur avait dit qu'il

  6   les renverrait personnellement à Vukovar pour qu'ils soient jugés. Pero --

  7   Tomasic était en cellule d'isolement alors que Pero Gojon était dans une

  8   grande salle avec quelque cent autres personnes qui ont entendu cette même

  9   déclaration.

 10   Mme DENNEHY : [interprétation] Puis-je demander le versement de ce document

 11   4806.6 de la liste 65 ter.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Reçu et reçoit une cote.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et reçoit la cote P1417. Merci.

 14   Mme DENNEHY : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Culic, que vous est-il arrivé le 22 mai 1992 ?

 16   R.  Le 22 mai, il y a eu un échange. A 3 heures du matin, la police

 17   militaire est arrivée. Nous nous sommes levés avec la tête baissée. Nous

 18   n'étions pas censés les regarder. Et ils ont appelé nos noms, les noms de

 19   ceux qui étaient censés rentrer chez eux. Mon nom  a été appelé. J'ai pris

 20   mes objets, mes effets personnels. Nous sommes passés dans le couloir, et

 21   on nous a préparés à rentrer dans la cour en file indienne. Ils nous ont

 22   alignés le long du mur et ils nous ont appelés par nos noms à nouveau pour

 23   s'assurer que nous étions tous là. Nous sommes montés dans un autocar, mais

 24   nous avons d'abord été fouillés pour voir si nous avions des dessins, des

 25   écrits ou quoi que ce soit d'écrit. J'avais une alliance. Je l'ai cachée

 26   sous ma langue pour m'assurer qu'ils ne me la prendraient pas.

 27   Nous sommes montés dans les autocars et nous avons été emmenés

 28   lentement à Lipovac où nous avons été échangés. C'est là où nous avons été,


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  1   de fait, échangés. Et nous sommes passés en Croatie. C'était le jour le

  2   plus heureux de ma vie. Lorsque je pense à ce jour, je ressens cette même

  3   émotion de soulagement en moi-même dans mon cœur.

  4   Q.  Monsieur Culic, comment cette détention a-t-elle eu une incidence sur

  5   votre santé ?

  6   R.  Elle a eu un énorme effet. J'ai changé. Mais il me faut continuer à

  7   vivre. Il faut continuer à avoir du bonheur dans le peu de vie qui me

  8   reste. J'ai été emprisonné alors que j'étais encore jeune. C'était censé

  9   être l'époque la plus merveilleuse de ma vie. Je ressens un regret profond

 10   qu'il m'ait fallu souffrir ce sort. Et si j'ai des problèmes de santé, ceux

 11   qui m'entourent ne le comprennent pas. Mes enfants, mon épouse ne peuvent

 12   le comprendre, ce que j'ai traversé. Par exemple, je regarde un film, et

 13   tout d'un coup, je commence à penser à autre chose. Parfois je pense même

 14   que j'ai dû faire quelque chose de mal pour avoir eu à souffrir ainsi. J'ai

 15   tendance à pardonner à tous ceux qui m'ont maltraité parce que je suis un

 16   homme bon, mais mon plus grand crime est que j'aime ma mère patrie. J'ai

 17   également souffert du point de vue financier. Ma maison a été incendiée.

 18   Ceux que je connaissais auparavant ne sont plus là. La situation est

 19   différente. Nous avons un Etat croate libre, indépendant, mais la situation

 20   politique est telle que je ne saurais être satisfait, et je souffre pour

 21   l'avenir de mon pays. Il y a tant de choses que je pourrais vous dire. Ceci

 22   n'était que quelques-uns de ces éléments.

 23   Mme DENNEHY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ceci met un

 24   terme à mes questions pour l'instant.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Madame Dennehy.

 26   Monsieur Culic, êtes-vous en mesure de continuer ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 


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  1   Maître Gosnell, le contre-interrogatoire.

  2   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Contre-interrogatoire par M. Gosnell : 

  4   Q.  [interprétation] Monsieur Culic, je me présente, Christopher Gosnell.

  5   Je représente M. Hadzic ici. J'ai quelques questions à vous poser, pas un

  6   grand nombre. Si à quelque moment que ce soit mes questions ne sont pas

  7   claires ou si vous souhaitez que je développe ou que je donne des

  8   éclaircissements, n'hésitez pas à me le demander, je le ferai. Me

  9   comprenez-vous ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Si vous souhaitez que l'on prenne une pause, dites-le-moi, dites-le au

 12   Président, et je suis sûr que nous le pourrons. Me comprenez-vous ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  A la fin de votre témoignage, vous avez décrit Pero Gojon et Josip

 15   Tomasic relatant les propos de M. Hadzic à leur effet. J'ai bien compris

 16   que c'est M. Tomasic lui-même qui vous a dit ce que M. Hadzic avait dit;

 17   est-ce exact ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et personne d'autre ne vous a dit quels étaient les propos adressés à

 20   M. Tomasic à cette occasion; est-ce exact ?

 21   R.  Je l'ai entendu dire par d'autres également, mais je ne les connais pas

 22   aussi bien que je connais Tomasic. Je le connaissais avant la guerre. Je

 23   l'ai connu pendant la guerre, après la guerre. Nous habitions dans la même

 24   rue.

 25   Q.  La seule personne qui vous ait dit que M. Hadzic a employé des termes

 26   vulgaires était M. Tomasic; est-ce exact ?

 27   R.  M. Tomasic seulement.

 28   Q.  Et dans le cas de M. Gojon, il a décrit une situation où M. Hadzic est


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  1   entré dans la pièce, non seulement où se trouvait M. Gojon, mais également

  2   où se trouvaient d'autres détenus; est-ce exact ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  On vous a projeté une vidéo d'un discours de M. Hadzic. Et j'aimerais

  5   vous demander si, en particulier, vous avez entendu qui que ce soit vous

  6   dire -- vos codétenus vous ont-ils dit que M. Hadzic avait déclaré, par

  7   exemple, qu'il y a nombre de personnes honnêtes ici également ? A-t-il

  8   déclaré cela aux détenus, de ce que vous avez compris ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Parmi les codétenus, est-ce que quelqu'un vous a dit qu'il aurait dit

 11   qu'"il valait mieux laisser s'échapper un coupable que de faire du mal à un

 12   innocent" ?

 13   R.  On n'a pas parlé de cela. La seule chose qui a été dite, c'était qu'on

 14   l'a vu à Mitrovica et qu'il est entré dans certaines pièces. On n'a pas dit

 15   qu'il était bon ou mauvais. Je veux dire, on n'a pas commenté là-dessus, au

 16   sujet de M. Goran Hadzic.

 17   Q.  Avez-vous jamais entendu dire l'un quelconque de vos codétenus de

 18   Srenska Mitrovica qu'ils aient été jugés par des autorités serbes de

 19   Vukovar ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  En page 23 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui, vous avez déclaré

 22   qu'Ivica Banovic et un certain Filkovic se sont rendus à Borovo Selo pour

 23   négocier avec ce que vous avez décrit comme étant "un officier très haut

 24   gradé de la JNA et avec Arkan." Vous vous souvenez d'avoir dit cela ?

 25   R.  Oui, je me souviens d'avoir dit cela. J'ai vu cela également à la

 26   télévision croate et à la télévision de Novi Sad. Ça a été enregistré. Ça a

 27   été diffusé.

 28   Q.  Savez-vous à quel moment cela s'est produit ?


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  1   R.  Monsieur, avant de venir devant ce Tribunal de La Haye, je ne me suis

  2   pas particulièrement préparé. Mais c'est quelque chose que je sais. C'est

  3   la vérité. Je m'en souviens, j'étais là. C'était le 19. Avant le soir, ils

  4   étaient en train de parler entre eux pour dire qu'ils allaient négocier. Et

  5   je ne savais pas qu'ils allaient à Borovo Selo. Je savais qu'ils allaient

  6   négocier. C'est après, à la télévision, que j'ai vu qu'ils étaient allés à

  7   Borovo Selo et qu'il y en avait trois qui étaient partis. Et puis, les deux

  8   que j'ai mentionnés, M. Filkovic et Ivica Banovic, je les connais. Ce

  9   policier de Varazdin, je ne le connais pas.

 10   Q.  Je vous entends, Monsieur. Pour que ce soit clair, je ne suis pas en

 11   train d'affirmer que cela n'est pas vrai. Je voulais simplement que vous

 12   nous précisiez la date. Et c'est ce que vous avez fait. Je vous remercie de

 13   l'avoir fait.

 14   Est-ce que vous savez quoi que ce soit de plus au sujet de cette réunion,

 15   la réunion qui a eu lieu entre les représentants de la partie croate, puis

 16   M. Arkan et un officier haut gradé de la JNA ?

 17   R.  Je sais, oui. Quand ils ont dit qu'ils devaient aller négocier,

 18   Banovic, Filkovic et ce policier, ils disaient qu'ils devaient aller

 19   négocier. Mais après, je ne les ai pas vus. Je savais qu'ils étaient partis

 20   pour ces pourparlers. Mais après le camp, on en a parlé, je leur ai demandé

 21   comment ça s'était passé. Et cet entretien, cette réunion a été filmée. Il

 22   y a une vidéo, on a pu la voir à la télévision.

 23   Q.  Je n'ai pas eu l'occasion de voir cette vidéo. Pouvez-vous m'aider,

 24   s'il vous plaît, pouvez-vous nous dire ce qui a fait l'objet de cette

 25   réunion ?

 26   R.  D'après ce que j'ai entendu à la télévision, ce n'était pas ce que les

 27   personnes présentes disaient. C'était un commentaire disant que c'étaient

 28   les représentants des autorités croates qui étaient venus sur place pour se


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  1   mettre d'accord sur les conditions d'une reddition. C'est tout ce que j'ai

  2   entendu, rien d'autre.

  3   Q.  Arkan était-il assis au côté de ce haut gradé de la JNA ?

  4   R.  Arkan était assis de côté, à l'écart, et c'était ce monsieur, cet

  5   officier de la JNA, qui a eu un échange avec nos gars, avec les

  6   représentants de l'armée croate. C'était ça qu'on voyait à l'image.

  7   Q.  Mis à part ce haut gradé de la JNA et Arkan, est-ce qu'il y a eu un

  8   autre représentant de la partie serbe à ce moment-là ?

  9   R.  Je n'arrive pas à m'en souvenir. Je n'arrive pas à m'en souvenir, est-

 10   ce qu'il y avait quelqu'un de plus. Pour moi, ce qui m'intéressait, c'était

 11   de voir les miens, mes amis qui étaient là, qui négociaient.

 12   Q.  Aujourd'hui dans le cadre de votre déposition, vous avez décrit un

 13   moment pendant ce processus de reddition depuis l'usine de chaussures de

 14   Borovo Selo. Est-ce que j'ai bien compris que vous avez eu un échange avec

 15   un colonel ou un lieutenant-colonel de la JNA à ce moment-là ?

 16   R.  C'est moi qui ai engagé la conversation. Il y avait un jeune commandant

 17   de char qui est entré tout seul dans une cour et on s'est assemblé autour

 18   de lui. Il nous a distribué des cigarettes. Et puis, je lui ai dit qu'il y

 19   avait une citerne des pompiers qui avait été nettoyée -- un commerce qui

 20   avait été nettoyé la veille, et je voulais qu'il me donne la possibilité

 21   d'amener cette citerne sur place, parce qu'il y avait des gens qui

 22   attendaient pour recevoir de l'eau. Il n'y avait pas d'eau à cet endroit.

 23   Q.  En page 23 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui, vous avez déclaré

 24   que pendant que vous vous teniez devant l'usine de chaussures, vous avez

 25   dit que :

 26   "Il y avait toutes sortes de formations, mais il n'y avait pas

 27   énormément de monde."

 28   Et je pense que vous vouliez désigner par le mot "formations" des


Page 3472

  1   unités paramilitaires; ai-je raison ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et vous avez dit, je vous cite : "…il n'y en avait pas beaucoup."

  4   Est-ce qu'il y avait davantage de membres de la JNA que de membres

  5   d'unités paramilitaires à ce moment-là ?

  6   R.  Je ne pourrais pas vous répondre. Je n'ai vraiment pas fait attention à

  7   cela. J'avais peur. Ce n'était pas facile. Je ne cherchais pas à savoir

  8   combien ils étaient, mais je vous ai dit à titre approximatif à peu près ce

  9   que j'ai remarqué.

 10   Q.  Mais vous vous souvenez qu'à un moment donné un lieutenant-colonel de

 11   la JNA est venu pour parler de la reddition. Vous vous souvenez de cela ?

 12   R.  Ce lieutenant-colonel est venu avec deux ou trois autres membres de la

 13   police militaire, il est venu au portail de l'usine de Borovo, alors que

 14   nous on était à 20, 30 mètres de là dans la cour. Je n'ai pas eu d'échange

 15   avec lui. J'étais juste présent. Zeljko Jukic lui a demandé ce qui allait

 16   se passer. Enfin, c'est à ce moment-là qu'il y a eu contact entre eux. Ils

 17   ont commencé à se parler. Ils ont découvert qu'ils se connaissaient parce

 18   que Zeljko Jukic avait été son soldat pendant son service militaire à Novi

 19   Sad.

 20   M. GOSNELL : [interprétation] L'Accusation pourrait-elle nous aider, je

 21   sais qu'ils ont téléchargé une séquence vidéo dans le système et ils nous

 22   ont dit qu'ils étaient prêts à nous aider. Donc, je demande la pièce P1413,

 23   à savoir le document 4799.7 de la liste 65 ter, et je voudrais que l'on

 24   nous montre les images à partir de la 35e seconde, s'il vous plaît.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire un arrêt ici, s'il

 27   vous plaît.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


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  1   M. GOSNELL : [interprétation] Je ne sais pas si cela est possible. Je

  2   voudrais que l'on regarde immédiatement le document 4799.7 [comme

  3   interprété], un extrait d'une trentaine de secondes, s'il vous plaît.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. GOSNELL : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce le lieutenant-colonel qui s'est adressé à vous ?

  7   R.  Non, ce n'est pas celui-là.

  8   Q.  Et cet homme, l'avez-vous vu ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Savez-vous qui il est ?

 11   R.  Je n'en ai pas la moindre idée.

 12   Q.  D'accord.

 13   M. GOSNELL : [interprétation] J'en ai terminé avec cet extrait vidéo.

 14   Q.  Monsieur, vous nous avez décrit de manière détaillée comment vous êtes

 15   allé de l'usine de chaussures à Stajicevo, puis à Nis, et à Sremska

 16   Mitrovica. Alors, je voudrais vous interroger un petit peu sur les autocars

 17   à bord desquels vous avez été transportés.

 18   Est-ce que je peux formuler ma question, cela pourrait nous faciliter le

 19   travail. Ai-je raison de penser que c'étaient des autocars civils entre

 20   l'usine et Stajicevo ?

 21   Avant que vous ne commenciez une description plutôt longue, la manière la

 22   plus simple de procéder serait que je vous pose des questions plutôt

 23   simples, et puis que vous me répondiez par un "oui" ou un "non", si cela

 24   vous paraît acceptable.

 25   R.  Mais j'ai remarqué que c'était des plaques d'immatriculation surtout

 26   civiles. Et de Stajicevo à Nis, il y a eu beaucoup d'autocars avec des

 27   plaques d'immatriculation militaires, parce que dans l'ex-JNA j'avais été

 28   chauffeur militaire. Donc, je connais ces plaques d'immatriculation. Je


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  1   suis capable de les reconnaître.

  2   Q.  Alors maintenant, parlons si vous voulez bien de ces autocars qui vous

  3   ont emmené de Borovo Selo à Stajicevo. Est-ce que c'étaient des autocars

  4   civils, d'après ce que vous avez vu, d'après leur aspect ?

  5   R.  C'étaient des véhicules civils, d'après leurs plaques

  6   d'immatriculation.

  7   Q.  Et d'après la couleur aussi ?

  8   R.  Oui, d'après la couleur.

  9   Q.  Et au volant de ces véhicules, c'étaient des civils ?

 10   R.  Les chauffeurs, c'étaient des civils, mais les deux policiers

 11   militaires, non.

 12   Q.  Oui, justement, j'allais vous demander cela. Donc il y avait un

 13   chauffeur civil, puis deux policiers militaires de la JNA qui vous ont

 14   escorté à bord de ces autocars ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce qu'il y a eu également deux véhicules blindés de transport de

 17   troupes de la JNA qui ont escorté les autocars ?

 18   R.  Il y avait en tête de colonne un transporteur. C'était lui qui

 19   devançait la colonne, et puis à la fin de la colonne aussi il y en a eu un.

 20   Mais je ne sais pas jusqu'où il est allé avec nous, peut-être jusqu'à la

 21   sortie de ces villages serbes, parce qu'ils avaient peur qu'on ne nous tire

 22   dessus.

 23   Q.  Et il y a eu un trajet que vous n'avez pas décrit en détail, c'est le

 24   déplacement de Stajicevo à la prison de Nis. Ai-je raison de dire que là

 25   encore vous avez été embarqué à bord d'un autocar civil donc entre

 26   Stajicevo et Nis ?

 27   R.  J'ai peut-être oublié de mentionner certaines choses, mais pendant --

 28   nous avons voyagé exactement de la même façon pour Nis que pour Stajicevo.


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  1   Il y avait deux policiers militaires également, et je pense que la moitié

  2   des autocars étaient des autocars militaires pendant le déplacement pour

  3   Nis, parce qu'ils avaient des plaques d'immatriculation militaires.

  4   Q.  Est-ce que cela veut dire que la moitié des autocars avaient des

  5   plaques d'immatriculations militaires, et les autres, civiles ?

  6   R.  Ecoutez, je ne sais pas si c'était exactement la moitié. Peut-être que

  7   j'ai vu quelques plaques d'immatriculation qui étaient militaires, une ou

  8   deux. Je n'ai pas vraiment compté. Je ne pensais pas que c'était important.

  9   Q.  Tout à fait, les pourcentages ne sont pas importants. Certains autocars

 10   avaient des plaques civiles et beaucoup avaient des plaques militaires;

 11   exact ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et là encore, il y avait des policiers militaires à bord de ces

 14   autocars qui vous ont escorté ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Et là encore, est-ce que les chauffeurs étaient des 

 17   civils ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et puis, le troisième déplacement en autocar, de Nis --

 20   R.  Excusez-moi. Dans mon autocar, le chauffeur était un civil, mais je ne

 21   sais pas ce qu'il en était des autres autocars. Donc c'était le cas dans

 22   mon autocar. Mais je n'osais pas regarder ce qui se passait dans les autres

 23   autocars, et je ne suis pas à 100 % sûr de leur nombre. Excusez-moi.

 24   Q.  Merci pour cet éclaircissement. Alors, ce troisième voyage à bord de

 25   bus de Nis vers Sremska Mitrovica, est-ce que --- dites-nous d'abord,

 26   lorsqu'ils sont arrivés ces autocars, est-ce qu'ils semblaient être des

 27   autocars civils ?

 28   R.  Les autocars avaient une apparence d'autocars civils. Il faisait nuit


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  1   quand on est montés à bord de ces autocars. Enfin, c'était le petit matin,

  2   mais il faisait encore nuit.

  3   Q.  Et vous avez des autocars civils avec des chauffeurs civils et une

  4   escorte militaire de la JNA à l'intérieur; c'est bien cela ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Savez-vous si et quand votre famille a été informée de votre détention

  7   ?

  8   R.  Ils ont appris que j'étais détenu. Ils ont appris que j'étais blessé.

  9   C'était écrit dans les journaux que j'avais été blessé en ma qualité de

 10   sapeur-pompier. Je ne sais pas comment ils l'ont appris, mais toujours est-

 11   il qu'ils l'ont appris. Comment, je ne sais. Ils ont appris que j'étais

 12   blessé. Par la suite, ils ont appris que nous étions dans un camp. Ils

 13   l'ont appris au bout de deux ou trois jours, mais ils savaient que j'étais

 14   dans un camp.

 15   Q.  Vous avez décrit votre interrogatoire dans cette prison de Nis. Je ne

 16   vais pas vous demander à nous le décrire une autre fois, mais il y a un

 17   détail que j'aimerais tirer au clair avec vous. Pendant les sept, huit

 18   heures que vous avez été, en fait, tabassé, est-ce que celui qui vous

 19   interrogeait vous tabassait en continuité ou il y a eu intermittence ?

 20   R.  Il y a eu des intervalles. Il allait dans ma pièce puis il allait dans

 21   les deux ou trois autres pièces qui étaient là. Puis, alors, il

 22   interrogeait là-bas, il entendait ce que les autres disaient puis il

 23   revenait à moi. Il me disait : Mais les autres disent telle chose. Il

 24   cherchait donc à déterminer une vérité qui aurait été la sienne ou il

 25   voulait nous faire dire quelque chose. Je peux répéter cette réponse ?

 26   Q.  Oui, je crois qu'à la fin il y a une omission quelque part. Allez-y, je

 27   vous prie.

 28   R.  Mon interrogatoire, là où j'ai passé beaucoup d'heures, c'était lié


Page 3477

  1   d'abord à un passage à tabac puis à une rédaction d'une déclaration. Mais

  2   il sortait puis il allait dans une pièce, il restait là-bas 15, 20 minutes,

  3   une demi-heure, puis il revenait. Ils étaient trois. Ils se relayaient. Il

  4   est difficile de vous l'expliquer à présent. Ils ont d'abord été trois,

  5   puis deux, puis il y en a un qui revenait tout seul. Ils étaient en train

  6   de faire une espèce de ronde entre nous et il y a eu énormément de coups

  7   d'assénés entre ces différents passages.

  8   Q.  Puis-je maintenant vous faire revenir vers le siège ou la batille de

  9   Vukovar. Selon vos souvenirs, quand est-ce vous diriez que cette bataille

 10   ou ce siège avait, en réalité, commencé ?

 11   R.  La bataille de Vukovar a commencé le 2 mai 1991, après le massacre de

 12   la police croate à Borovo Selo.

 13   Q.  D'après vos souvenirs, les barrages routiers ont été mis en place par

 14   ces forces croates afin de contrôler les accès, n'est-ce pas ?

 15   R.  D'après ce que j'ai pu suivre, il y a d'abord eu des barrages routiers

 16   d'érigés par les Serbes révoltés ou rebellés, insurgés, qui ont mis cela en

 17   place dans les villages autour de Vukovar où ils avaient la majorité. C'est

 18   là que ça a commencé.

 19   Q.  Non, ce qui ne m'intéresse pas, c'est de savoir qui a fait quoi en

 20   premier. Ce que je voudrais savoir, c'est quand est-ce que ces barrages ont

 21   été érigés du côté croate. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que

 22   ça s'est fait après l'incident du début mai à Borovo Selo ?

 23   R.  Monsieur, il y a eu deux fois érection de barrages routiers. La

 24   première fois, les Serbes ont placé des barrages routiers, puis les ont

 25   enlevés. Et la deuxième fois, quand est-ce que ça s'est passé, je ne sais

 26   pas trop vous dire quand, mais il est arrivé qu'il y a eu une deuxième

 27   érection de barrage.

 28   Q.  Essayons de nous assurer d'être clair. Je ne suis pas du tout intéressé


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  1   par les barrages routiers posés par les Serbes. Je voudrais savoir quand

  2   est-ce que les barrages routiers croates ont été mis en place pour

  3   contrôler les accès de Vukovar. Est-ce que vous savez dire quand est-ce que

  4   cela s'est passé ?

  5   R.  Monsieur, j'étais chauffeur. J'entrais chez moi et j'avais 30 moutons à

  6   la maison. J'étais constamment à travailler. Je ne sais pas quand est-ce

  7   que les Croates ont mis sur pied des barrages routiers. Je n'ai rien décidé

  8   du tout. On ne m'a pas posé la question de savoir si oui ou non il fallait

  9   le faire. Est-ce qu'on avait fait un barrage à Mitnica et non pas à

 10   Trpinska [phon] ? On l'avait peut-être vers Borovo Selo et pas à Brsadin.

 11   Je ne sais pas vous le dire exactement.

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez nous rappeler quand est-ce que vous avez

 13   commencé à porter un pistolet en continuité en votre qualité de partie

 14   intégrante de cette défense organisée de la ville de Vukovar ?

 15   R.  J'ai commencé à porter une arme constamment quand je suis arrivé le 5

 16   octobre de Vukovar de mon poste de travail. Je ne pouvais plus y aller.

 17   C'était loin et il est tombé beaucoup d'obus. Et je n'avais plus avec quoi

 18   y aller. Et je n'avais plus envie du tout d'y aller, c'était de plus en

 19   plus difficile. Je suis resté sur la ligne, mais chez moi à la maison. Nous

 20   avons monté la garde là-bas. C'est là que j'ai constamment porté une arme

 21   parce que j'étais sur la première ligne.

 22   Q.  Donc vous ne l'avez pas fait en août ou en septembre 1991 ?

 23   R.  Oui, de temps à autre. Quand j'allais au travail, je ne portais pas

 24   d'arme. Je ne portais une arme que quand j'étais à la maison, parce que là

 25   il y avait une première ligne. Là, quand je venais à la maison, oui.

 26   Q.  Et quand avez-vous commencé à le faire de temps à autre ? Quand je dis

 27   "faire cela", c'est quand est-ce que vous avez commencé à occasionnellement

 28   aider à l'organisation de cette défense de la ville de Vukovar ?


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  1   R.  J'ai commencé à la porter au mois de juin ou de juillet. Je ne suis

  2   plus sûr du tout.

  3   Q.  Après le début de la bataille de Vukovar, y a-t-il eu des offres de

  4   faites par la JNA à l'intention des effectifs croates qui se trouvaient là-

  5   bas pour ce qui est de les convaincre à se rendre ?

  6   R.  Je ne sais pas. J'aurais espéré que cela ait été proposé.

  7   Q.  Vous venez de dire :

  8   "J'aurais aimé qu'ils aient fait cette proposition."

  9   Est-ce que vous laissez entendre qu'une reddition n'avait pas été proposée

 10   par la JNA durant la bataille de Vukovar ?

 11   R.  D'après la façon dont j'ai compris votre question, vous avez demandé si

 12   dès le départ ils avaient proposé une reddition ou s'ils ont proposé une

 13   reddition à la fin par des porte-voix. Peut-être à l'attention de certains.

 14   Mais moi, là où j'étais, personne ne nous a rien proposé du tout.

 15   Q.  Bon, écoutez, je vais essayer d'être tout à fait précis : entre juillet

 16   et novembre 1991, avant la reddition, en fin de compte, des effectifs

 17   croates à Vukovar, est-ce que la JNA aurait proposé des conditions de

 18   reddition à l'intention des forces croates qui s'y trouvaient ?

 19   R.  Je ne le sais pas. Je n'étais pas un commandant, moi. Je ne le sais

 20   pas. Je n'étais pas intégré à ce genre de chose. J'étais un simple homme,

 21   un homme ordinaire.

 22   Q.  Mais même en tant qu'homme ordinaire, n'y aurait-il pas eu des soldats

 23   d'infanterie qui étaient des soldats qui auraient pu être informés de ce

 24   genre de chose ?

 25   R.  Mais vous n'y pensez pas, Monsieur. Il tombait tant d'obus que la seule

 26   idée que j'avais, c'était de me mettre à l'abri. On ne déambulait pas, il

 27   n'y avait pas d'échange. Ça et là, on entendait des bribes de phrase, mais

 28   il était difficile d'entendre ou d'apprendre bon nombre de choses.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Dennehy.

  2   Mme DENNEHY : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais qu'il

  3   soit dit de façon claire que le témoin n'a pas indiqué qu'il faisait partie

  4   des forces croates avant le 5 octobre. Or, la Défense est en train de

  5   laisser entendre que ça avait été le cas. Le témoin a dit que jusqu'au 5

  6   octobre, il faisait partie des rangs d'un poste de sapeurs-pompiers, et

  7   rien d'autre à cet effet.

  8   M. GOSNELL : [interprétation] Mais c'est une question d'interprétation

  9   quant à ce que le témoin a dit, et je ne serais pas du tout d'accord avec

 10   l'interprétation qui vient d'être donnée.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y, continuez.

 12   M. GOSNELL : [interprétation]

 13   Q.  Vous n'avez jamais entendu quiconque de la JNA se servir de porte-voix

 14   pour convier les forces croates à se rendre, et ce, à quel que moment que

 15   ce soit entre juillet et novembre 1991 avant qu'il y ait eu une reddition

 16   définitive ?

 17   R.  Je n'en ai pas entendu parler, et quand bien même aurais-je entendu

 18   parler de la chose, ce n'est pas moi qui étais censé en décider. C'était à

 19   ceux qui commandaient la défense d'en décider.

 20   Q.  Je comprends ceci parfaitement bien. Mais y a-t-il eu des échanges de

 21   propos entre soldats qui auraient, par exemple, laissé entendre que la

 22   reddition serait peut-être une bonne idée dans ce type de circonstances ?

 23   R.  Je ne sais pas. Nous n'avons pas échangé de propos à ce sujet. En

 24   termes simples, je ne peux pas vous répondre. Je ne sais pas.

 25   Q.  Avez-vous ouï dire que des civils auraient exprimé le souhait de

 26   quitter Vukovar ?

 27   R.  Mais nous, on voulait tous partir. On ne pouvait pas, on était bloqués

 28   de toutes parts. On avait peur.

 


Page 3481

  1   Q.  Mais avez-vous entendu des propos échangés au sujet d'un cessez-le-feu

  2   ou au sujet d'une trêve qui aurait permis aux civils de s'en aller ?

  3   R.  Je n'en ai pas entendu parler. Je n'écoutais pas la radio et je ne

  4   regardais pas la télévision. Il n'y avait pas d'électricité. Il n'y avait

  5   pas d'eau. Il y avait de l'eau qu'on sortait du puits. Il y avait de quoi

  6   survivre, c'est tout. Il tombait des obus partout. Moi, je n'en ai pas

  7   entendu parler, moi en ma qualité d'homme ordinaire. Là où je me trouvais,

  8   je n'en ai pas entendu parler.

  9   Q.  Je vous remercie, Monsieur, d'être venu ici, et je vous remercie

 10   d'avoir fourni votre témoignage.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

 12   questions à poser.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Grand merci.

 14   Y a-t-il des questions supplémentaires, Madame Dennehy ?

 15   Mme DENNEHY : [interprétation] Non, Monsieur le Président, il n'y en a pas.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon, il n'y en a pas de questions

 17   supplémentaires. Merci.

 18   Questions de la Cour : 

 19   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin Culic, j'ai une petite question pour

 20   vous. Après votre détention à Stajicevo -- après votre détention à

 21   Stajicevo, vous avez été transféré au centre pénitentiaire de Nis, où vous

 22   êtes arrivé au milieu de la nuit.

 23   Au transcript d'aujourd'hui, à la page 49, lignes 10 à 12, vous précisez

 24   que le lendemain les policiers militaires qui vous gardaient vous ont

 25   habillés en uniforme militaire vert olive de la JNA, ils vont ont rasé la

 26   tête. Le 20 février 1992, à votre départ de Nis pour Sremska Mitrovica, on

 27   vous a retiré vos uniformes militaires et vous vous êtes de nouveau habillé

 28   en civil. Au transcript de la page 54, ligne 15 à 17.


Page 3482

  1   Ma question : savez-vous pourquoi vous étiez tenu de vous habiller en

  2   uniforme militaire de la JNA pendant votre détention à Nis ?

  3   R.  Je ne sais en fait pas pourquoi. Je n'ai jamais pensé. Après coup, ma

  4   seule pensée était de quitter cet endroit et de le quitter au moins à

  5   moitié normal pour continuer à vivre en tant qu'être humain. C'est tout ce

  6   que j'avais à l'esprit pour être honnête.

  7   M. LE JUGE MINDUA : Très bien. Est-ce que dans les autres centres de

  8   détention dans lesquels vous avez été, c'était la même pratique, de vous

  9   habiller en uniforme militaire ?

 10   R.  Non.

 11   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup, merci.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Culic, merci d'être venu à

 13   La Haye pour apporter votre concours à la Chambre. C'est là la fin de votre

 14   déposition. Vous ne relevez plus de la fonction de témoin. Mme l'Huissière

 15   va vous accompagner. Vous sortirez du prétoire et nous vous souhaitons un

 16   bon voyage pour retourner chez vous.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 18   [Le témoin se retire]

 19    M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

 20   --- L'audience est levée à 14 heures 01 et reprendra le vendredi, 8 mars

 21   2013, à 9 heures 00.

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