Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 9 avril 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous dans le

  6   prétoire.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

  9   de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 11   La présentation des parties, s'il vous plaît, à commencer par l'Accusation.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 13   les Juges. Du côté de l'Accusation, Douglas Stringer, Alex Demirdjian,

 14   Thomas Laugel, Marija Bukovac.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et du côté de la Défense, s'il vous

 16   plaît, Maître Zivanovic.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Assurant la Défense de Goran Hadzic,

 18   Messieurs les Juges, Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell. Merci.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Très brièvement, à la fin de la journée

 21   d'hier, lorsque vous nous avez demandé de préciser la réponse du témoin

 22   quant à savoir si elle avait dit non ou pas, on m'a dit qu'elle a peut-être

 23   dit autre chose. Est-ce que nous pouvons demander au Greffier de remettre

 24   aux parties l'enregistrement audio et/ou la séquence vidéo lors de la

 25   prochaine pause de façon à ce que nous puissions examiner cette partie-là

 26   de sa déposition ?

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais en

 


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  1   informer les parties pendant l'audience même. Merci.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci beaucoup.

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   LE TÉMOIN : VESNA BOSANAC [Reprise]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Madame le Professeur

  8   Bosanac. Je dois vous rappeler que vous êtes toujours sous serment.

  9   Monsieur Demirdjian, veuillez poursuivre.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 11   Interrogatoire principal par M. Demirdjian : [Suite]

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame.

 13   R.  Bonjour à vous.

 14   Q.  J'espère que vous avez pu vous reposer hier malgré le travail dont nous

 15   vous avons surchargée. Avez-vous réussi à regarder le classeur que nous

 16   avions préparé, y compris les 19 télécopies et documents qui faisaient

 17   partie de votre livret ou recueil de documents ?

 18   R.  Oui, j'ai tout relu.

 19   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vois que la Défense regarde ce

 20   classeur. Est-ce qu'ils souhaitent vérifier que ceci est bien le reflet des

 21   documents qui viennent d'être cités ?

 22   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 24   Q.  Et pendant que la Défense parcoure le classeur, pourriez-vous nous

 25   dire, Madame, si vous reconnaissez ces lettres et ces télécopies ainsi que

 26   ces notes ?

 27   R.  Oui. Oui, j'ai tout examiné.

 28   Q.  Et s'agit-il des documents qui ont été envoyés par vous -- pourriez-


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  1   vous nous dire ce que contient ce classeur à l'intention des Juges de la

  2   Chambre, s'il vous plaît ?

  3   R.  Ce classeur contient des photocopies de télécopies que j'ai rédigées et

  4   que j'ai envoyées depuis Vukovar, et il y a également des notes sur mes

  5   appels téléphoniques et les appels que j'ai communiqués par téléphone.

  6   Q.  Et ceux-ci sont semblables à ceux que nous avons vus dans le prétoire

  7   hier, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] A ce stade, s'il n'y a pas d'objection, je

 10   souhaite lire dans le compte rendu d'audience les numéros 65 ter de ces

 11   télécopies et de ces notes.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pas d'objection, Maître Gosnell ?

 13   M. GOSNELL : [interprétation] Pas d'objection du tout, Monsieur le

 14   Président.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien.

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 17   Donc le premier est à l'intercalaire numéro 7 qui est le numéro 65 ter

 18   467.13. Le deuxième est à l'intercalaire numéro 8, c'est le 467.14. Le

 19   document suivant est à l'intercalaire numéro 9, 467.16. Et l'intercalaire

 20   numéro 10, 467.17. Nous avons ensuite à l'intercalaire numéro 11, 467.19. A

 21   l'intercalaire numéro 14, nous avons le numéro 467.3. A l'intercalaire

 22   numéro 15, nous avons le numéro 467.5. A l'intercalaire numéro 10 [sic],

 23   nous avons le numéro 65 ter 482. A l'intercalaire numéro 24, nous avons le

 24   numéro 65 ter 501. Et à l'intercalaire numéro 27, nous avons le numéro 65

 25   ter 516. Et à l'intercalaire numéro 28, nous avons le numéro 65 ter 518. A

 26   l'intercalaire numéro 30, nous avons le numéro 65 ter 562. A l'intercalaire

 27   numéro 32, nous avons le numéro 65 ter 580. Et à l'intercalaire 36, nous

 28   avons le numéro 65 ter 602. Et à l'intercalaire numéro 21, nous avons le


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  1   numéro 65 ter 486. A l'intercalaire numéro 25, nous avons le numéro 65 ter

  2   502. A l'intercalaire numéro 22, nous avons le numéro 65 ter 49D --

  3   L'INTERPRÈTE : C'est ce que l'interprète a entendu. Le compte rendu

  4   d'audience indique le numéro 490.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] A l'intercalaire numéro 17, nous avons le

  6   numéro 65 ter 467.7. A l'intercalaire numéro 6, nous avons le numéro 65 ter

  7   467.12.

  8   Nous avions l'intention de demander le versement au dossier de tous ces

  9   documents.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A la ligne 19, Monsieur Demirdjian,

 11   vous avez dit intercalaire numéro 10, numéro 462. C'est soit le numéro de

 12   la pièce, soit le numéro de l'intercalaire qui est erroné.

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Ça doit être le numéro 20, Messieurs les

 14   Juges.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 16   Ces documents sont versés au dossier et reçoivent une cote. Nous allons

 17   maintenant avoir les cotes, Madame la Greffière, maintenant les cotes ou

 18   après ?

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ces documents

 20   auront la cote P1442 jusqu'à 1450 inclus. Je communiquerai aux parties les

 21   cotes respectives de ces documents.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup.

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 24   Q.  Madame, hier, vous avez dit que vous n'étiez pas la seule personne à

 25   envoyer des télécopies, et vous avez en particulier mentionné le fait que

 26   le poste de police envoyait des télécopies également ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Je souhaite maintenant vous montrer une ou deux de ces télécopies.


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  1   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Numéro 65 ter 87.1 est le document que

  2   nous souhaitons afficher. Et dans la version anglaise, ce sera la page 32,

  3   et en B/C/S, ce sera la page 20, s'il vous plaît. Oui.

  4   Q.  Madame, vous devriez être en mesure de voir une télécopie qui a été

  5   envoyée le 6 octobre 1991. Le voyez-vous ?

  6   R.  Oui, je le vois.

  7   Q.  Et ceci semble avoir été envoyé depuis le poste de police de Vukovar au

  8   poste de police de Cakovec. Pourriez-vous nous dire en quelques mots où se

  9   trouve Cakovec, s'il vous plaît ?

 10   R.  Cakovec est une ville qui se trouve au nord-ouest de la Croatie, et

 11   depuis le poste de police de Cakovec, pendant l'attaque de Vukovar, les

 12   officiers de police de Cakovec, Varazdin et une autre ville ont été

 13   déployés à Vukovar. Donc je suppose que cette télécopie a été envoyée à

 14   Cakovec à cette fin-là, afin qu'ils soient tenus informés des conditions

 15   dans lesquelles les policiers de Cakovec intervenaient.

 16   Q.  Merci beaucoup. Donc, sur cette page, vers le bas en B/C/S et en

 17   anglais, on fait référence au château d'Eltz. Qu'est-ce que cela signifie ?

 18   R.  Le château des comtes d'Eltz se trouve au centre de Vukovar sur la rive

 19   droite du Danube, et à l'intérieur - pendant la guerre et encore

 20   aujourd'hui - se trouve dans ce bâtiment le musée de Vukovar.

 21   Q.  Y avait-il quelque chose de particulier dans ce secteur d'Eltz pendant

 22   le conflit qui s'est produit vers le mois d'octobre 1991 ?

 23   R.  Pendant la guerre, dans le sous-sol de ce château d'Eltz, on a placé

 24   les œuvres d'art que l'on avait descendues des étages supérieurs, ainsi que

 25   les archives du musée ont été placées dans le sous-sol de ce château.

 26   Q.  Et savez-vous à quelle fin a été utilisé le château d'Eltz pendant les

 27   mois d'octobre et novembre 1991 ?

 28   R.  Je n'étais jamais là à ce moment-là, donc je n'ai pas d'informations


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  1   exactes là-dessus, c'est-à-dire de savoir à quoi servait ce sous-sol.

  2   Q.  Bon. A proximité immédiate du château d'Eltz, y avait-il des bâtiments

  3   qui revêtaient un intérêt particulier ?

  4   R.  En face du château et en deçà de la route, il y avait un sous-sol; et

  5   de l'autre côté de la route, dans ce sous-sol, il y avait des caves à vins

  6   qui dataient d'avant la Deuxième Guerre mondiale. C'était un sous-sol bien

  7   construit où beaucoup de civils ont trouvé abri pendant le pilonnage de

  8   Vukovar et l'attaque de Vukovar.

  9   J'étais là moi-même car je recherchais des endroits où nous pourrions

 10   mettre les blessés à l'abri, blessés pour lesquels nous n'avions plus de

 11   place à l'hôpital. Et ce sous-sol était sûr et solide, mais il n'y avait ni

 12   électricité ni eau à cet endroit-là. Donc, nous, le personnel médical de

 13   l'hôpital, nous avons abandonné l'idée de nous en servir comme abri.

 14   Cependant, cela a été utilisé par de nombreux civils des bâtiments voisins

 15   et qui recherchaient un lieu sûr. Et pendant un certain temps, Radio

 16   Vukovar croate a commencé à émettre depuis ce sous-sol.

 17   A proximité immédiate de ce sous-sol, il y avait un abri antiatomique

 18   où le commandant chargé de la défense de la ville avait son QG. Au début,

 19   c'était Mile Dedakovic, et ensuite c'était Branko Borkovic.

 20   Q.  Alors, pour ce qui est de cet abri que vous avez cité, pendant le

 21   conflit, est-ce qu'on était en lieu sûr dans cet abri ou non ?

 22   R.  Oui, c'était assez sûr, d'autant qu'en deçà de la route. Cela formait

 23   un toit tout à fait adéquat. Cependant, l'entrée de sous-sol faisait

 24   l'objet de pilonnage, et je me souviens très bien que le 15, juste avant la

 25   chute de Vukovar, un obus est tombé sur l'entrée, qui a tué neuf personnes,

 26   y compris une de nos infirmières qui travaillait dans le service de

 27   kinésithérapie, Mme Aleksandar, son mari travaillait au bureau de poste, et

 28   leur enfant qui avait 3 ans. Emil s'est rendu à pied à l'hôpital et est


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  1   mort à cet endroit.

  2   Q.  Et pour ce qui est des neuf personnes tuées à cette occasion-là,

  3   pourriez-vous nous dire quel était leur statut ? Est-ce qu'il s'agissait de

  4   civils ou de défenseurs de la ville ?

  5   R.  C'étaient tous des civils. Je me souviens avoir lu quelque chose à

  6   propos de cet incident dans un magazine qui avait été publié par l'armée

  7   yougoslave, à savoir que le capitaine, je crois que c'était Radic, a fait

  8   l'objet d'une distinction ou a reçu des éloges parce qu'il avait réussi à

  9   atteindre l'entrée d'un abri oustachi avec un obus d'artillerie, et c'est

 10   en réalité au cours de cet événement-là que les civils ont été tués. Alors,

 11   j'ai lu cet article juste après mon arrivée à la prison de Mitrovica.

 12   Q.  Fort bien.

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que nous pourrions maintenant

 14   passer à la page suivante en anglais et en B/C/S, s'il vous plaît.

 15   Q.  Alors, ici, Madame, nous voyons qu'un certain nombre de noms de

 16   personnes sont énumérés qui sont venues demander de l'aide à l'hôpital de

 17   Vukovar. Veuillez nous dire comment cette liste a été établie ?

 18   R.  Alors, cette liste, comme je vous l'ai dit auparavant -- eh bien, un

 19   employé de la police était responsable de l'établissement d'une liste des

 20   blessés, et ce, chaque jour, et Tomislav Hegedus et le policier

 21   établissaient des listes des morts; et ils envoyaient ces rapports tous les

 22   jours. L'employé de police s'appelait Branko Lukenda. Et ils envoyaient ces

 23   rapports aux institutions compétentes au sein des forces de police.

 24   Q.  Est-ce que vous reconnaissez le nom qui se trouve en bas où on peut

 25   lire le chef Zvonimir Rados ? Cela se trouve sur la troisième page en

 26   anglais.

 27   R.  C'était un policier qui travaillait pour cette administration de la

 28   police à Vukovar et il était responsable de l'envoi de ce type


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  1   d'information à d'autres postes de police.

  2   Q.  Bien. Alors, dans cette liasse, il y a une autre télécopie que je

  3   souhaite vous montrer. Cela se trouve à la première page en anglais et en

  4   B/C/S. Vous devriez être en mesure de voir cette télécopie du 21 octobre

  5   1991. Il semblerait que le poste de police ait envoyé cette télécopie au

  6   ministère de l'Intérieur à Zagreb. Si vous regardez cette liste, il

  7   semblerait encore une fois qu'il s'agit d'un rapport sur le nombre de

  8   personnes qui ont été admises à l'hôpital. Est-ce que ceci ressemble à ce

  9   que nous venons de voir il y a quelques instants ?

 10   R.  Oui. Je reconnais les noms de ces soldats blessés de la JNA, Pavle

 11   Teofanovic et Sasa Jovic, et on peut voir ici que cette liste émane de la

 12   police également et que ceci a été envoyé au MUP de Zagreb.

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire défiler ce

 14   document vers le bas en B/C/S, s'il vous plaît, et passer à la page

 15   suivante en anglais, s'il vous plaît. Oui.

 16   Q.  Alors, ceci est signé par la même personne, Zvonimir Rados, n'est-ce

 17   pas ?

 18   R.  Oui, d'après ce que je peux voir.

 19   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande à ce que

 20   cette liasse de télécopies qui porte le numéro 65 ter 87.1 soit versée au

 21   dossier, et il comporte 23 pages en B/C/S et sont analogues en termes de

 22   teneur. Il s'agit d'une liste de noms de personnes qui sont venues au

 23   centre médical, et signée par le chef du poste de police, et ont été

 24   communiquées aux autres autorités de la police.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, il s'agit d'une liasse de

 26   télécopies ? Combien y en a-t-il exactement ?

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Il y a 23 pages. Je crois que cela

 28   correspond à une page par télécopie en B/C/S.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et cela porte un numéro 65 ter ?

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Un seul numéro 65 ter. L'original, qui est

  3   le 65 ter numéro 87, comporte 123 pages. Nous avons donc rassemblé

  4   simplement les 23 pages dans le but de montrer ce que nous souhaitons

  5   démontrer, et donc il s'agit de pages individuelles qui sont classées dans

  6   un seul classeur et leur teneur est analogue.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, n'est-il pas curieux de les

  8   verser en tant que document unique ?

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, écoutez, nous

 10   pourrions les diviser; ce n'est pas un problème. Je pensais que simplement

 11   comme leur teneur est analogue, c'était plus simple puisqu'il s'agit du

 12   même sujet.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell.

 14   M. GOSNELL : [interprétation] Alors, bien évidemment, je souhaite indiquer

 15   quelle est la position de la Défense par rapport à cette liasse de

 16   télécopies. La première chose est qu'il y a une liste de personnes blessées

 17   qui est fournie par différents individus liés au MUP qui surveillent ce qui

 18   se passe à l'hôpital. L'autre point, c'est que ceci comporte une liasse

 19   avec une description très longue de différentes activités militaires. Je ne

 20   sais pas si le témoin sait quelque chose à ce sujet. Moi, je ne peux pas y

 21   mettre la main au feu. Je ne peux pas préjuger de la fiabilité de ce

 22   document. Ces passages-là, à mon sens, ne devraient pas être versés au

 23   dossier, cela est certain. Je ne sais pas très bien si la Défense propose -

 24   - ou si l'Accusation, pardon, propose de traiter cette question-là. S'ils

 25   souhaitent simplement verser au dossier les deux télécopies qu'ils ont

 26   montrées au témoin, je ne m'y opposerai pas; mais pour ce qui est du reste

 27   du document, je m'y opposerais.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Puis-je faire une proposition ? Alors, si


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  1   nous pouvons indiquer au compte rendu d'audience que le but du versement de

  2   ces pièces est de montrer stricto sensu que par l'intermédiaire de ces

  3   télécopies émanant des postes de police, que ces télécopies des postes de

  4   police ont été envoyées dans le but d'enregistrer les patients qui sont

  5   venus au centre médical pour qu'on leur prodigue des soins, et simplement à

  6   cette fin-là. Messieurs les Juges, peut-être que lors de la deuxième pause,

  7   nous pouvons présenter ces télécopies individuellement et fournir des sous-

  8   numéros, si cela vous convient.

  9   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ces documents seront versés à cette

 11   fin, Monsieur Dermirdjian. Après, vous pourrez les diviser. Je crois que ce

 12   serait préférable.

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous ferons cela, Messieurs les Juges.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup.

 15   M. GOSNELL : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président, les

 16   deux documents ou l'ensemble de la liasse sera versé au dossier ?

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera la liasse.

 18   M. GOSNELL : [interprétation] L'ensemble de la liasse.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais à cette fin-là.

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 23   Q.  Alors, je souhaite maintenant passer à la chute de Vukovar. Pourriez-

 24   vous nous dire ce que vous avez appris à la fin des combats, si je puis

 25   m'exprimer ainsi.

 26   R.  Je m'entretenais tous les jours avec le ministre de la Santé, et je

 27   savais qu'à Zagreb, dans un hôtel, il y avait des négociations qui se

 28   poursuivaient à propos de l'évacuation de l'hôpital et l'évacuation des


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  1   civils de Vukovar. Et hormis cela, j'étais au poste de police, au QG chargé

  2   des défenses de la ville, et c'est de là que j'envoyais les télécopies et

  3   les appels. Donc, je savais qu'il y aurait très prochainement une

  4   évacuation de tout Vukovar et que la défense de la ville tomberait. Je ne

  5   savais pas exactement quand ceci aurait lieu. Tout ce que je savais, c'est

  6   que le plan consistait à commencer l'évacuation de l'hôpital le 18

  7   novembre.

  8   Q.  Et vers cette date, saviez-vous ce que faisaient les défenseurs croates

  9   ?

 10   R.  Je ne sais pas exactement ce que vous entendez par là.

 11   Q.  Alors, je vais être plus clair. Vous avez dit que vous avez appris

 12   qu'il y avait des négociations à Zagreb et qu'il y aurait une évacuation de

 13   la population civile. Puis-je vous présenter ma question ainsi : vous êtes-

 14   vous rendue au poste de police et au QG de la défense vers les 17 ou 18

 15   novembre ?

 16   R.  Oui, je m'y suis rendue le 17 novembre. Je me suis rendue au QG de la

 17   défense, et là, j'ai trouvé Marin Vidic, le chef de la police. Ils

 18   parlaient à plusieurs commandants à propos de différentes positions de

 19   défense. Ils parlaient de l'évacuation.

 20   Q.  Pardonnez-moi, mais au compte rendu d'audience, nous voyons "Marin

 21   Vidic, le chef de la police". Je crois que vous vouliez énumérer le nom

 22   d'autres personnes ?

 23   R.  Non. Il y avait le chef de police qui était Stipo Bole, et Marin Vidic;

 24   c'est ce que j'ai dit.

 25   Q.  Et on voit que son nom de famille est "Bole", c'est exact, au compte

 26   rendu d'audience ?

 27   R.  P. P. P-o-l-e. Stipo Pole était le chef de la police.

 28   Q.  Alors, vers cette date - nous avons déjà vu hier une télécopie qui


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  1   était datée du 15 novembre - que la population civile a commencé à arriver

  2   à l'hôpital de Vukovar. Alors, qu'est-il arrivé les 17 et 18 novembre à la

  3   population civile ?

  4   R.  Les gens des bâtiments et des maisons voisines sont venus à l'hôpital.

  5   J'ai essayé de leur expliquer qu'il n'y avait pas de place à l'hôpital,

  6   qu'il n'était pas possible de les héberger, que ces personnes devaient

  7   attendre l'évacuation et attendre chez elles. Les gens avaient peur parce

  8   qu'il y avait toujours des fusillades et les gens ne cessaient d'arriver à

  9   l'hôpital. Nous n'avions ni eau ni nourriture. Tout ce que nous pouvions

 10   proposer était de l'eau et du pain grillé pour les enfants. Et nous étions

 11   très occupés à nous occuper des blessés. Nous préparions l'évacuation, nous

 12   devions préparer les documents à cette fin, nous devions préparer le

 13   transport des personnes immobilisées, placer des plâtres sur les membres

 14   des différentes personnes qui en avaient besoin. Nous attendions la

 15   commission internationale de la Croix-Rouge et les observateurs européens.

 16   Ils devaient arriver le matin du 18 pour démarrer l'évacuation.

 17   Q.  Alors, vous venez de nous dire que vous attendiez la commission de la

 18   Croix-Rouge internationale et la Mission européenne, que ceux-ci devaient

 19   arriver à l'hôpital dans la matinée du 18. Qu'est-ce qui vous portait à

 20   croire que cela était le cas ?

 21   R.  Pendant la nuit, je m'étais entretenue avec le Pr Hebrang au téléphone,

 22   et il m'avait dit que le lendemain matin à 8 heures, il y aurait deux

 23   équipes du CICR qui viendraient à l'hôpital de Vukovar.

 24   Q.  Donc, l'évacuation à proprement parler ne s'est pas déroulée le 18,

 25   n'est-ce pas ?

 26   R.  En effet.

 27   Q.  A qui avez-vous parlé le 18, si vous avez parlé à quelqu'un, à partir

 28   du moment où il est apparu que l'évacuation ne se déroulait pas ce jour-là


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  1   ?

  2   R.  J'ai de nouveau appelé au téléphone le ministre Hebrang. Je l'ai eu au

  3   téléphone. Il m'a dit que le CICR avait fait savoir qu'ils se trouvaient

  4   bien à Vukovar et qu'ils se rendraient en visite à l'hôpital, mais qu'ils

  5   étaient momentanément occupés, le CICR, par l'évacuation des civils dans la

  6   partie sud de la ville. J'ai alors rappelé les représentants de cette

  7   commission de la Communauté européenne, les observateurs qui étaient à

  8   l'hôtel I. J'ai réussi à en rejoindre quelques-uns des observateurs à 9

  9   heures, qui m'ont répondu qu'ils se trouvaient dans le village de

 10   Negoslavci et qu'ils ne pouvaient pas venir parce que la JNA ne pouvait pas

 11   assurer leur protection et leur sécurité, mais qu'ils allaient venir dès

 12   qu'ils en auraient la possibilité.

 13   Q.  Ce jour-là, le 18 novembre, y a-t-il eu quel que accord que ce soit

 14   entre les parties au sujet de l'évacuation ?

 15   R.  Cette nuit du 17 au 18, un accord a été signé à l'hôtel ainsi qu'à

 16   Zagreb. Les signataires étaient Georges-Marie Chenu, en tant que

 17   représentant de la Mission d'observation européenne; puis M. Hebrang, en

 18   tant que ministre du gouvernement croate; ainsi que le général Raseta de

 19   l'armée populaire yougoslave, la JNA.

 20   Q.  Très bien. Je vous demande simplement quelques instants, s'il vous

 21   plaît.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pourrions-nous afficher le document numéro

 23   601 de la liste 65 ter, onglet numéro 35, je vous prie. Merci.

 24   Q.  Madame le Témoin, nous avons ici devant nous un document qui est

 25   affiché. Le reconnaissez-vous ?

 26   R.  Oui. Il s'agit de cet accord. Il s'agit de l'une des copies de cet

 27   accord qui présente l'emblème du CICR en en-tête. C'est une copie de cet

 28   accord que j'ai pu voir, mais uniquement après ma sortie de prison, non pas


Page 3632

  1   avant.

  2   Q.  Sur ce document, au point numéro 1, nous voyons que les parties

  3   représentées sont des représentants de la République de Croatie, la JNA, le

  4   CICR, Médecins sans frontières et la Croix de Malte. Est-ce que ceci

  5   correspond bien aux informations dont vous disposiez à l'époque ?

  6   R.  Oui, j'avais bien ces informations-là indiquant que l'évacuation

  7   commencerait le 18 novembre et qu'elle serait organisée par le CICR et les

  8   observateurs européens, ainsi que par Médecins sans frontières et l'Ordre

  9   de la Croix de Malte. A l'époque, en effet, on considérait qu'un convoi

 10   pourrait être organisé sur le Danube par l'entremise de l'Ordre de la Croix

 11   de Malte, au moyen d'embarcations, qui assurerait l'évacuation des civils

 12   et des blessés. J'avais des informations à ce sujet, mais à vrai dire, je

 13   ne croyais pas qu'ils pourraient se rendre à Vukovar au moyen

 14   d'embarcations parce que les tirs d'artillerie étaient incessants au-dessus

 15   du Danube.

 16   Q.  Au point numéro 4, dans la deuxième partie de ce point numéro 4, on

 17   mentionne que les deux parties fourniront des ambulances convenablement

 18   équipées et dotées en personnel pour environ 40 patients grièvement

 19   blessés. On voit qu'ils sont donc au nombre de 40, et il y a 360 autres

 20   blessés. Alors, est-ce que les chiffres qui sont ici évoqués reflètent de

 21   façon précise la situation à l'hôpital le 18 novembre pour ce qui est du

 22   nombre de blessés ?

 23   R.  Oui. Ce sont les chiffres que j'ai transmis à M. Hebrang concernant les

 24   catégories et le nombre des blessés. Les 40 blessés ici évoqués sont ceux

 25   qui se trouvaient en réanimation, qui avaient été blessés quelques jours

 26   avant cette date, et les 360 autres étaient placés dans les sous-sols et

 27   les abris.

 28   Q.  Au point numéro 6, nous voyons ici : La République de Croatie et la JNA


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  1   reconnaîtront la neutralité de l'hôpital de Vukovar pendant une période

  2   comprenant l'évacuation. L'hôpital sera placé sous la protection du CICR,

  3   qui conseillera les deux parties quant à la neutralité requise. Est-ce là

  4   quelque chose dont vous avez été informée lors de votre entretien avec M.

  5   Hebrang ?

  6   R.  Oui. J'attendais l'arrivée du CICR à l'hôpital tout comme celle des

  7   observateurs européens afin que les malades et les blessés ainsi que le

  8   personnel puissent être évacués indépendamment de la présence de la JNA;

  9   cependant, au cours des journées qui ont suivi, il s'est avéré que ceci

 10   n'était pas exact.

 11   Q.  Que signifiait pour vous la présence à l'hôpital de Vukovar des

 12   observateurs de la Communauté européenne et des représentants du CICR, tout

 13   comme des membres de l'Ordre de la Croix de Malte ?

 14   R.  Pour nous, c'était une forme de sécurité. Cela signifiait que les

 15   blessées et le personnel médical allaient être évacués de façon sûre. Nous

 16   comprenions par là que nous allions, d'une façon ou d'une autre, être

 17   protégés contre ces agresseurs qui avaient essayé de nous détruire au cours

 18   des mois précédents.

 19   Q.  Très bien.

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaiterais

 21   demander le versement de ce document.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document numéro 601 de la liste 65

 24   ter reçoit la cote P1461, Messieurs les Juges.

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Vous nous avez dit que l'évacuation n'a pas eu lieu le 18 et que vous

 27   avez pu parler avec M. Hebrang et des membres de la Mission d'observation

 28   de la Communauté européenne. Qu'est-ce qui a été dit au sujet de


Page 3634

  1   l'évacuation à ce moment-là, puisque l'évacuation, elle, n'a pas eu lieu ?

  2   R.  Le ministre Hebrang m'a dit que des réunions étaient tenues

  3   quotidiennement et que s'ils ne venaient pas le 18, ils viendraient

  4   certainement le 19, que le CICR et les observateurs européens viendraient

  5   certainement. Les observateurs européens, quant à eux, m'ont dit qu'ils

  6   viendraient dès que cela leur serait possible.

  7   Q.  Sont-ils arrivés au cours de la journée du 18 ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Très bien. Passons maintenant au 19 novembre. A quoi vous attendiez-

 10   vous pour la matinée du 19 novembre ?

 11   R.  Nous nous attendions à ce que ceci ait lieu le 19, mais là encore,

 12   personne n'est venu. Vers 9 heures du matin, j'ai réussi à obtenir le

 13   général Raseta à Zagreb, il m'a dit que l'évacuation allait bientôt

 14   commencer et qu'un certain colonel Mile Mrksic était responsable de ce

 15   secteur. Je lui ai demandé où je pouvais le trouver, et il m'a répondu que

 16   c'était lui qui allait me trouver.

 17   Vers 12 heures, j'ai reçu en provenance des personnes qui étaient en ville

 18   l'information selon laquelle l'armée était entrée dans la ville et se

 19   trouvait au niveau du pont. Je suis sortie de l'hôpital, mais de là où je

 20   me trouvais à proximité de l'hôpital, je ne les ai pas vus. Je n'ai vu

 21   aucun membre du personnel du CICR. J'ai simplement vu des véhicules de

 22   transport de troupes militaires, des réservistes et un certain nombre de

 23   forces paramilitaires. Je leur ai demandé où se trouvait le CICR, et l'un

 24   d'entre eux - qui était le supérieur de ceux qui étaient à bord de ce

 25   véhicule de transport de troupes - m'a dit ne rien savoir à ce sujet et que

 26   leur mission était d'évacuer les personnes jusqu'au pont mais pas au-delà.

 27   Ensuite, je suis revenue à l'hôpital et j'ai attendu, et lorsque les

 28   premiers soldats de la JNA ont fait leur apparition devant l'hôpital, j'en


Page 3635

  1   suis ressortie. Je suis sortie devant l'hôpital, donc, et j'ai demandé la

  2   venue du CICR et des observateurs européens. Cet officier de la JNA a alors

  3   déclaré qu'il n'y avait ni CICR ni observateurs européens dans la ville,

  4   qu'ils se trouvaient à Negoslavci. Et j'ai alors demandé à être transportée

  5   là-bas pour pouvoir les contacter.

  6   Q.  Un instant, s'il vous plaît.

  7   Excusez-moi de vous interrompre. Vous avez évoqué il y a quelques

  8   instants que vous leur avez demandé où se trouvait le CICR et qu'un homme,

  9   l'un d'être eux, vous a répondu, celui qui était hiérarchiquement

 10   supérieur, et il a dit qu'ils ne savaient rien à ce sujet et que leur

 11   mission consistait à évacuer les gens jusqu'au pont mais pas au-delà. Et

 12   vous avez donné le nom d'une partie de la ville que les interprètes n'ont

 13   pas saisi. Est-ce que vous pourriez nous le répéter ?

 14   R.  Le pont où je me trouvais était un pont ferroviaire qui se trouvait

 15   entre deux secteurs de la ville, le quartier de l'hôpital d'une part et le

 16   quartier de Priljevo d'autre part.

 17   Q.  Très bien. Alors, vous nous disiez à l'instant que vous avez demandé à

 18   être emmenée jusqu'à Negoslavci. Est-ce que cela a eu lieu, est-ce qu'on

 19   vous a emmenée à Negoslavci ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Pourriez-vous nous dire à quelle distance Negoslavci se trouve de

 22   l'hôpital ?

 23   R.  Je ne peux pas vous le dire exactement. Il y avait peut-être 7 à 8

 24   kilomètres, je crois.

 25   Q.  Merci. Qui vous a emmenée jusqu'à Negoslavci ?

 26   R.  Un officier de la JNA à bord d'un véhicule militaire.

 27   Q.  Une fois que vous êtes arrivée à Negoslavci -- en fait, où avez-vous

 28   été emmenée dans Negoslavci par cet officier ?


Page 3636

  1   R.  Il m'a conduite devant une maison de particulier où se trouvait un

  2   écriteau "QG". Et c'est là que j'ai rencontré le colonel Mile Mrksic.

  3   Q.  Lorsque vous avez rencontré Mile Mrksic, combien de temps votre échange

  4   a-t-il duré avec lui ?

  5   R.  Peut-être une demi-heure.

  6   Q.  Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre quelle était la

  7   teneur de cette conversation d'une demi-heure avec Mile Mrksic ?

  8   R.  Je lui ai demandé ce qu'il en était du CICR et des observateurs

  9   européens, et j'ai posé une question également concernant l'évacuation de

 10   l'hôpital. C'est alors que j'ai entendu de sa bouche qu'en fait il ne

 11   savait rien à ce sujet. Je lui ai dit que le général Raseta avait signé

 12   l'accord au nom de la JNA. Il a alors dit que Raseta avait peut-être signé

 13   cela mais que Raseta ne savait pas ce qui se passait là sur le terrain et

 14   que lui-même, lui seul, était le seul à pouvoir prendre des décisions en

 15   matière d'évacuation. Je lui ai dit que la situation était très grave à

 16   l'hôpital, qu'il y avait de nombreux blessés et qu'il y avait également des

 17   soldats blessés, qu'il n'y avait pas d'eau, que l'on était à court de

 18   vivres et de médicaments et qu'il faudrait procéder dès que possible à une

 19   évacuation. Il a alors dit qu'il était possible de procéder à une

 20   évacuation via Sid et Adasevci. Adasevci est un village qui se trouve

 21   aujourd'hui en Serbie du côté de l'autoroute entre Belgrade et Zagreb. Et

 22   moi, alors, j'ai insisté pour qu'on respecte les termes de l'accord et pour

 23   qu'il soit procédé à l'évacuation en empruntant le chemin de Bogdanovci, de

 24   Marinci et de Nustar. En effet, j'avais des informations indiquant que les

 25   ambulances se trouvaient là-bas en attente, ainsi que des autocars, pour

 26   l'évacuation des civils et des blessés légers. Il a alors dit que cela ne

 27   serait possible qu'à partir de mercredi pour eux, parce qu'ils devaient

 28   d'abord déminer le secteur connu sous le nom de Zidine. A l'époque, je


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  1   n'avais pas la moindre idée de ce que recouvrait le nom de Zidine, ce

  2   secteur militaire de taille très importante qui se trouvait près de Nustar.

  3   Q.  Madame le Témoin, vous nous avez dit que selon Mrksic, cela ne serait

  4   possible qu'à partir de mercredi, n'est-ce pas. Est-ce que vous pourriez

  5   nous préciser --

  6   R.  Oui, à partir du 20.

  7   Q.  Alors, d'après ce que vous venez de nous dire, je crois comprendre

  8   qu'il n'était pas d'accord quant à l'itinéraire. Qu'a-t-il dit au sujet du

  9   reste des termes de l'accord d'évacuation, termes dont vous l'avez informé

 10   ?

 11   R.  Il m'a dit --

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un instant.

 13   M. GOSNELL : [interprétation] Je ne suis pas sûr que le dernier élément

 14   fourni par le Procureur reflète exactement ce que le témoin a dit, en

 15   fonction de la façon dont cela a été interprété, à savoir qu'elle avait

 16   informé le colonel Mrksic des termes de l'accord.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vais reformuler ceci, parce que plus

 18   tôt le témoin a dit qu'elle avait informé M. Mrksic du contenu de l'accord.

 19   Mais voici comment je voudrais reformuler ceci.

 20   Q.  Madame le Témoin, vous nous avez dit précédemment que vous aviez

 21   informé Mile Mrksic de l'existence de cette évacuation [sic]. Vous lui avez

 22   dit que vous vous attendiez à la présence de la Mission des observateurs

 23   européens et du CICR. Vous nous avez dit qu'il n'était pas d'accord avec

 24   l'itinéraire proposé. Qu'a-t-il dit au sujet des autres termes de l'accord

 25   ?

 26   R.  Il a dit que le CICR et la Mission des observateurs européens allaient

 27   arriver sous peu à l'hôpital. J'ai dit que c'est quelque chose que nous

 28   attendions, parce que cela faisait partie des termes de l'accord. Et


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  1   ensuite, le chauffeur m'a ramenée à l'hôpital.

  2   Et dans le village, vers la fin du chemin, j'ai vu un véhicule de la

  3   Mission des observateurs de la Communauté européenne. J'ai demandé au

  4   chauffeur de m'y conduire, mais il a répondu qu'il devait d'abord en

  5   demander l'autorisation. Il est donc allé d'abord dans la maison qui

  6   abritait le QG, et ensuite il est revenu en me disant qu'il avait reçu

  7   l'ordre de me ramener à l'hôpital. Par conséquent, je n'ai pas réussi à

  8   contacter les observateurs européens ni le CICR ce jour-là à Negoslavci.

  9   Ils m'ont, en revanche, ramenée directement à l'hôpital.

 10   Q.  Et sur le chemin du retour --

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian --

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian, à la ligne

 14   numéro 7 de la page 19 du compte rendu, vous posez la question suivante :

 15   Docteur, plus tôt, vous nous avez dit avoir informé Mile Mrksic de

 16   l'existence d'une évacuation.

 17   Je crois que vous vous vouliez parler de l'accord d'évacuation,

 18   n'est-ce pas ?

 19   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] En effet, de l'accord d'évacuation.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 22   Q.  Docteur, est-ce que quoi que ce soit de particulier s'est produit sur

 23   le chemin du retour vers l'hôpital ?

 24   R.  Oui. Sur le chemin du retour vers l'hôpital, j'ai rencontré ma mère qui

 25   se déplaçait à pied avec un groupe de personnes dans la ville. Et son

 26   foulard traînait dans la poussière, alors j'ai demandé qu'on la prenne à

 27   bord du véhicule et elle est alors revenue à l'hôpital avec moi. C'est de

 28   sa bouche que j'ai entendu qu'ils forçaient les civils à se rendre dans les


Page 3639

  1   installations de Velepromet et que mon père et ma belle-mère y avaient déjà

  2   été emmenés.

  3   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais que nous examinions l'extrait

  4   vidéo suivant, pièce numéro 4986.3 de la liste 65 ter, onglet numéro 21. Et

  5   onglet numéro J pour les interprètes, en démarrant à 1 heure, 33 minutes et

  6   44 secondes. Je crois que nous pouvons commencer.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  9   "Le chauffeur : …une grande partie des civils est déjà sortie, vous

 10   savez. Vous avez vu --

 11   Dr Bosanac : Attendez, ceci est ma mère. Attendez un peu. Où sont

 12   Milica et grand-père ?

 13   Réponse : Ils sont venus avec une voiture jusqu'à la station

 14   d'essence --"

 15   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 17   Q.  Que voyons-nous ici, Madame le Témoin ?

 18   R.  Eh bien, nous voyons ces instants lorsque moi je revenais de Negoslavci

 19   et que le véhicule s'est arrêté, si bien que j'ai pu emmener ma mère avec

 20   moi.

 21   Q.  Nous allons voir la suite dans quelques instants. Mais concernant le

 22   soldat qui est ici visible, que voyez-vous à gauche de son épaule ?

 23   R.  Je ne vois pas très bien. Je crois que c'est un insigne indiquant un

 24   grade.

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Peut-on poursuivre.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Mère : …jusqu'à la station d'essence.


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  1   Docteur Bosanac : Où, jusqu'à quelle station d'essence ?

  2   Officier de la JNA : --

  3   Docteur Bosanac : S'il te plaît, revenons en arrière, c'est ma mère

  4   et mon beau-père.

  5   Officier de la JNA : Ils ont été évacués. Ils vont à Velepromet, c'est

  6   pourquoi nous les évacuons.

  7   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  9   Q.  Quelqu'un prononce le nom de "Bogdan" -- mais, tout d'abord, est-ce que

 10   vous pourriez nous dire ce que vous voyez à l'image ?

 11   R.  C'est l'enregistrement vidéo de cette conversation entre cet officier

 12   de la JNA et moi-même, ainsi qu'avec ce Bogdan Kuzmic, qui porte l'uniforme

 13   militaire avec un casque.

 14   Q.  Dans quelle partie d'image voit-on Bogdan Kuzmic ? Vous n'êtes pas

 15   obligée d'annoter, vous pourriez simplement nous le dire.

 16   R.  Il se trouve à gauche.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Poursuivons, s'il vous plaît.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Officier de la JNA : Est-ce que tu peux régler cette question, son

 21   père et sa belle-mère sont partis jusqu'à la station d'essence ?"

 22   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 24   Q.  Nous venons juste de voir un soldat qui vous tapote l'épaule. De qui

 25   s'agissait-il ?

 26   R.  Je ne peux pas vous le dire. En fait, ce Bogdan Kuzmic habitait à

 27   proximité de l'immeuble où j'habitais moi-même, et avant la guerre il était

 28   employé comme portier à l'hôpital.


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  1   Q.  Peut-on revenir un petit peu en arrière, juste pour être tout à fait

  2   certain de qui il s'agit.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   M. DEMIRDJIAN : [aucune interprétation]

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   "Officier de la JNA : Son père et sa belle-mère sont partis jusqu'à la

  8   station d'essence. Est-ce que tu peux régler cette question ?"

  9   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 11   Q.  Je voulais juste essayer de préciser qui est cette personne qui place

 12   sa main sur votre épaule.

 13   R.  Je suppose qu'il s'agissait de Bogdan, mais je n'en suis pas absolument

 14   sûre.

 15   Q.  Très bien. Merci. Ceci a eu lieu juste après votre rencontre avec Mile

 16   Mrksic, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui. Lorsque je suis revenue à Vukovar.

 18   Q.  Et l'officier de la JNA qui se trouve à droite, est-ce que vous saviez

 19   à quelle unité il appartenait ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Très bien.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaiterais

 23   demander le versement de cet enregistrement vidéo.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, la pièce 4986.3

 26   reçoit la cote P1462.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]


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  1   Q.  Docteur, vous nous avez dit plus tôt qu'avant de quitter l'hôpital pour

  2   vous rendre à Negoslavci, les premiers soldats de la JNA étaient arrivés à

  3   l'hôpital. Est-ce que vous pourriez nous dire qui était responsable de

  4   l'hôpital à votre retour ?

  5   R.  Que voulez-vous dire par être responsable ? J'étais toujours la

  6   directrice de l'hôpital.

  7   Q.  Très bien. Vous étiez donc toujours la directrice de l'hôpital ce jour-

  8   là, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous

 11   visionnions l'extrait vidéo suivant, numéro 4989.4 de la liste 65 ter,

 12   onglet numéro 99. Et pour les interprètes, c'est l'onglet F.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Ils seraient déjà rentrés -- à cause de la guerre et attendre

 16   l'évacuation -- ils n'ont pas pu rentrer chez eux. L'évacuation devait

 17   avoir lieu il y a longtemps et aujourd'hui encore, mais rien ne s'est

 18   passé. J'espère que ça se fera demain, car on a des gangrènes, des

 19   infections, et il n'y a pas d'eau… vous allez voir vous-mêmes ce qui se

 20   passe ici. --"

 21   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 23   Q.  A qui parliez-vous, est-ce que vous le savez ?

 24   R.  Je m'adressais aux officiers de la JNA qui étaient venus cet après-

 25   midi-là à l'hôpital, parce qu'il n'y avait toujours pas de représentant du

 26   CICR. Ce n'est qu'en début d'après-midi que le commandant Sljivancanin est

 27   venu à l'hôpital. On ne le voit pas sur le clip vidéo. Moi, je l'ai vu pour

 28   la première fois dans la cour de l'hôpital, et puis il a commencé


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  1   l'évacuation des civils de l'hôpital. Et là, j'ai protesté, j'ai insisté en

  2   disant qu'il fallait d'abord évacuer en priorité les blessés lorsque le

  3   CICR allait arriver; mais il était absolument résolu, déterminé, voire

  4   arrogant. Et il a déclaré qu'à partir de ce moment-là, c'était lui qui

  5   dirigeait l'hôpital, qui contrôlait l'hôpital, et qu'il devait dans un

  6   premier temps évacuer les civils. Cela s'est passé le lundi, le 19, vers 19

  7   heures. Ce n'est que vers 19 heures que le premier représentant du CICR est

  8   arrivé, M. --

  9   L'INTERPRÈTE : Un homme dont l'interprète n'a pas entendu le nom.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 11   Q.  Pour préciser un peu ce que vous venez de nous dire, vous avez dit au

 12   début de votre intervention que c'est le commandant Sljivancanin qui avait

 13   commencé cette évacuation des civils de l'hôpital. Est-ce que vous saviez

 14   où il allait emmener les civils de l'hôpital ?

 15   R.  A ce moment-là, non, je ne le savais pas. J'ai appris par la suite

 16   qu'ils avaient conduit tout le monde à Velepromet.

 17   Q.  Et puis, vers la fin de cette intervention, vous avez dit, c'était

 18   lundi le 19, vers 7 heures.

 19   R.  Non, non, non, ce n'était pas un lundi. C'était un mardi. C'était le

 20   mardi 19.

 21   Q.  Bien. Et pour que tout soit précis, vers quelle heure est-ce que le

 22   commandant Sljivancanin a commencé à évacuer les civils ?

 23   R.  C'était l'après-midi, je dirais vers 16 heures, 17 heures. Bon, je ne

 24   le sais pas exactement, mais il faisait encore jour, c'est peu de temps

 25   après mon retour de Negoslavci.

 26   Q.  Et à quelle heure est arrivé le représentant du CICR ?

 27   R.  Vers 19 heures. Il était accompagné également du commandant

 28   Sljivancanin.


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  1   Q.  Et les interprètes n'ont pas entendu le nom du représentant du CICR.

  2   Quel était son nom ?

  3   R.  M. Bossinger ou Borsinger. Je ne sais pas exactement comment épeler son

  4   nom. Mais je suppose que son nom figure dans les documents du début.

  5   Q.  Je vous remercie.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et avant que je ne passe à autre chose, je

  7   souhaiterais que le document 4989.4 soit versé au dossier.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela sera fait.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce clip vidéo deviendra la pièce P1463.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 11   Q.  J'aimerais maintenant vous montrer le clip vidéo suivant. Il s'agit

 12   d'un document qui se trouve à l'onglet 99, document 4989.6. Onglet G pour

 13   les interprètes.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 16   "Djuro Srenk : Il n'y a pas d'eau --"

 17   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Excusez-moi.

 19   Q.  Avant que nous ne continuions, est-ce que vous reconnaissez la personne

 20   qui se trouve à l'écran ?

 21   R.  C'était notre homme à tout faire, Djuro Srenk. Il faisait partie du

 22   service technique de l'hôpital.

 23   Q.  Et cela faisait combien de temps qu'il travaillait pour l'hôpital au

 24   mois de novembre 1991 ?

 25   R.  Il y avait travaillé pendant un certain nombre d'années. Je ne peux pas

 26   vous dire exactement la durée, mais c'était l'homme à tout faire de

 27   l'hôpital.

 28   Q.  Entre les mois de septembre et de novembre, est-ce qu'il a également


Page 3645

  1   travaillé à l'hôpital ?

  2   R.  Oui, oui. Il y a travaillé tout le temps à l'hôpital.

  3   Q.  Est-ce que vous pourriez dire aux Juges si M. Srenk est toujours en vie

  4   ?

  5   R.  Non, non. Il a été tué à Ovcara.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bien. Est-ce que vous pouvez montrer le

  7   reste.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   "Djuro Srenk : C'est une vraie infection. Nous n'avons pas d'eau.

 11   C'est véritablement une infection. Je ne sais pas. Ça va propager des

 12   maladies. Nous sommes jusqu'à 500, 700. Je ne sais pas depuis combien de

 13   temps ils sont arrivés. Il y a peut-être mille patients, puis il y toutes

 14   ces autres personnes qui doivent également aller aux toilettes."

 15   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander le

 17   versement au dossier de ce clip vidéo.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Cela sera fait.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 4989.6 deviendra la pièce

 20   P1464.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bien. Clip vidéo suivant, 4989.10, onglet

 22   99. Onglet H.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Journaliste : Qu'est-ce que vous faisiez à Vukovar, en tant que

 26   Français ?"

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]


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  1   Q.  Est-ce que vous reconnaissez cette personne, Docteur Bosanac ?

  2   R.  C'était un patient, Jean-Michel Nicolier. C'était un volontaire au sein

  3   de la défense de Vukovar, et il était à l'hôpital, il avait été blessé. Il

  4   attendait d'être évacué, comme tout le monde, d'ailleurs.

  5   Q.  Est-ce que vous savez ce qu'il est advenu de cette personne ?

  6   R.  Il a également été conduit hors de l'hôpital le 20 novembre. On l'a

  7   fait sortir de l'hôpital, mais je ne pense pas qu'il ait été identifié

  8   jusqu'au jour d'aujourd'hui. Je ne pense pas qu'il ait été identifié comme

  9   l'une des personnes ayant été tuées à Ovcara. Je pense qu'il fait toujours

 10   partie de la liste des personnes portées disparues.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous allons poursuivre le vidéoclip.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "Jean-Michel Nicolier : Je suis venu comme volontaire et on a perdu.

 15   C'est la première fois que je les vois d'aussi près."

 16   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Poursuivons.

 18   Q.  Est-ce que vous reconnaissez le soldat que nous voyons à l'arrêt sur

 19   image 20 secondes pour ce clip vidéo ?

 20   R.  Oui. C'est Bogdan Kuzmic.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci. Poursuivons cette diffusion.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Journaliste : Est-ce que tu as peur ?

 25   Jean-Michel Nicolier : Je n'ai pas peur. Les soldats sont des soldats. Moi,

 26   je suis un soldat également. Bien sûr qu'il y a des gens stupides dans tous

 27   les camps. On ne peut véritablement rien y faire. Parce que je suis

 28   Français, tout simplement, je ne peux pas passer à travers les gouttes


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  1   d'eau. Si je n'avais pas vu tout cela, je serais parti il y a longtemps.

  2   Mais je suis ici maintenant et je vais rester ici, pour le meilleur ou pour

  3   le pire…"

  4   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  6   Q.  Merci, Docteur.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

  8   dossier de ce clip vidéo, document de la liste 65 ter 4989.10.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Cela sera versé au dossier.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 4989.10 deviendra le

 11   document P1465.

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 13   Q.  Je vais vous montrer un dernier clip vidéo, document 4989.11,

 14   intercalaire 89 [comme interprété], et pour les interprètes il s'agit de

 15   l'onglet I. C'est en allemand.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Ivan Herman : Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je ne sais pas qui

 19   était avec qui, comment, et cetera… je ne sais rien."

 20   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que vous reconnaissez cette personne ?

 23   R.  Oui. Oui, oui. Il s'agit également d'un des blessés. Il s'appelait

 24   Herman, il avait été blessé au niveau de la jambe. Il se trouvait également

 25   à l'hôpital. Il attendait d'être évacué.

 26   Q.  Est-ce que Herman est son nom de famille ou son prénom ?

 27   R.  C'est son nom de famille. Il s'appelait Ivan Herman.

 28   Q.  Fort bien. Est-ce que vous savez ce qu'il est advenu de cette personne


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  1   ?

  2   R.  Je ne suis plus sûre en fait. Je ne sais pas s'il a été reconnu et

  3   identifié comme l'une des victimes d'Ovcara - je n'en suis pas sûre - ou je

  4   ne sais pas s'il est toujours considéré comme porté disparu.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous allons poursuivre.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  8   "Je n'en sais rien.

  9   "Journaliste : Est-ce que vous savez quel est l'état de la ville

 10   maintenant ?

 11   "Ivan Herman: Oui, oui, je sais, je sais. Je sais, je sais. Elle a

 12   été détruite."

 13   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 14   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 15   Je souhaiterais demander le versement au dossier de ce dernier clip vidéo.

 16   Il s'agit du document 4989.11.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Cela sera fait.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela deviendra le document P1466.

 19   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 20   Q.  Docteur, vous nous avez expliqué qu'à 19 heures M. Borsinger du CICR

 21   est arrivé en compagnie de M. Sljivancanin. Est-ce que vous pourriez nous

 22   dire ce qui s'est passé avec ces deux hommes ? Avez-vous parlé avec ces

 23   deux hommes ? En quoi consistait l'échange ?

 24   R.  Il y avait également, hormis ces deux hommes, un médecin ainsi qu'un

 25   interprète - une interprète, plus précisément. Je leur ai dit que les

 26   conditions à l'hôpital étaient particulièrement difficiles, que cela

 27   faisait une semaine que nous attendions l'évacuation, que tout était prêt.

 28   Ils m'ont demandé si j'avais une liste de personnes. Je leur ai répondu par


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  1   l'affirmative. Je leur ai dit que nous avions dressé une liste de toutes

  2   les personnes blessées, accompagnée des diagnostics pour ces personnes. Ils

  3   nous ont demandé de leur remettre ces listes, ce que nous avons fait. En

  4   fait, je pensais que le CICR n'aurait besoin que d'une liste et que nous

  5   aurions pu garder les autres, mais le commandant Sljivancanin a insisté

  6   pour que nous leur remettions tous les exemplaires des listes. Il m'a

  7   demandé si j'avais également une liste du personnel, ce par quoi j'ai

  8   répondu par la négative, parce que je lui ai dit que cela ne nous avait pas

  9   semblé nécessaire. Il a fallu que cette soirée-là nous dressions une liste

 10   des membres du personnel.

 11   Et puis, M. Borsinger a d'abord inspecté l'hôpital. Il a constaté la

 12   situation, puis il nous a dit qu'il devait partir et qu'il reviendrait le

 13   lendemain matin, ce qui, pour moi, fût une surprise, d'ailleurs, parce que

 14   je m'attendais à ce que le CICR reste. A partir du moment où il arrivait à

 15   l'hôpital, je pensais qu'il allait s'occuper de l'hôpital. Toutefois, il

 16   m'a dit qu'il devait partir et qu'il reviendrait le lendemain à 8 heures.

 17   Q.  Mais est-ce qu'il vous a fourni une explication pour vous expliquer les

 18   raisons de son départ ?

 19   R.  Non, il ne m'a rien dit. Il m'a tout simplement dit qu'il devait

 20   partir. Moi, je m'attendais à ce qu'il reste, mais il nous a dit qu'il

 21   allait revenir le lendemain et qu'il devait rentrer à Belgrade, ce qui m'a

 22   véritablement vivement inquiété après tout ce que nous venions de vivre.

 23   Mais étant donné qu'il avait pu constater quelle était la situation de

 24   visu, et que nous leur avions remis les listes des personnes blessées, je

 25   ne m'attendais certainement pas à ce que l'évacuation ne soit pas, en

 26   quelque sorte, dirigée par eux, et je ne m'attendais surtout pas à la suite

 27   des événements.

 28   Q.  Est-ce qu'il pouvait véritablement rester à l'hôpital ? Quel était le


Page 3650

  1   choix qui s'offrait à lui ?

  2   R.  Bien sûr qu'il aurait pu rester à l'hôpital, et de toute façon nous

  3   nous attendions à ce qu'il reste à l'hôpital. Mais je ne sais pas de quoi

  4   il a parlé avec M. Sljivancanin et je ne sais pas ce que M. Sljivancanin

  5   lui avait dit, mais moi, à sa place, je serais restée.

  6   Q.  Lorsque vous avez -- donc, lorsqu'il a inspecté en quelque sorte

  7   l'hôpital et que vous vous trouviez avec lui, vous nous avez dit qu'il a pu

  8   constater la situation. Mais qui se trouvait avec vous et M. Borsinger ?

  9   R.  M. Sljivancanin et puis ce docteur suisse.

 10   Q.  Fort bien. Combien de temps est-ce qu'il est resté à l'hôpital ce soir-

 11   là ?

 12   R.  Une heure environ.

 13   Q.  Fort bien. Et est-ce qu'il a été question de l'accord d'évacuation ?

 14   Est-ce que vous en avez parlé ?

 15   R.  Bien sûr, mais comme je vous l'ai dit, n'empêche qu'il est quand même

 16   parti. Il est évident que tout le monde accordait sa propre interprétation

 17   à cet accord. Moi, je ne sais pas ce que cela signifiait pour lui,

 18   l'organisation de l'évacuation. Il serait peut-être judicieux que ce

 19   Tribunal le convoque comme témoin.

 20   Q.  Je vous demanderais de regarder maintenant le prochain clip vidéo, qui

 21   fait l'objet du document 4989.5, onglet 21.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et onglet K pour les interprètes.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   "Borsinger : Nous sommes --"

 25   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que vous savez qui est cette personne ?

 28   R.  Oui. Ça, c'est Borsinger.


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  1   Q.  Bien.

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Poursuivons.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   "…les mesures humanitaires qu'ils doivent prendre pour que ce type

  5   d'opération se déroule bien."

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  8   Q.  Docteur, vous nous avez expliqué qu'il y avait eu un accord

  9   d'évacuation et que cette possibilité d'évacuation était toujours

 10   présentée.

 11   R.  [aucune interprétation]

 12   Q.  Vous m'entendez maintenant ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Donc je vous disais qu'un peu plus tôt vous nous aviez dit qu'il avait

 15   été question d'une évacuation, et ce, au cours des jours qui ont précédé la

 16   chute de Vukovar. Comment est-ce que vous interprétez ce que vous venez

 17   d'entendre lorsque vous entendez M. Borsinger qui indique que la présence

 18   du CICR sert à rappeler aux parties belligérantes que des mesures

 19   humanitaires sont en train d'être prises dans ce cadre d'opération ?

 20   R.  Ecoutez, je ne peux rien vous dire à ce sujet. Je ne sais pas ce qu'il

 21   entendait par ses propos. Bon, c'est évident qu'il était le représentant du

 22   CICR et que le représentant du CICR n'a pas mis en œuvre l'accord

 23   d'évacuation qui avait été avalisé à Zagreb par la Mission des observateurs

 24   européens.

 25   Q.  Lorsqu'il est parti ce soir-là, que vous a-t-il dit à propos de

 26   l'évacuation ?

 27   R.  Il m'a dit qu'il reviendrait le lendemain matin à 8 heures.

 28   Q.  Est-ce qu'il vous a dit pourquoi il allait revenir le lendemain à 8


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  1   heures ?

  2   R.  Eh bien, pour exécuter ou effectuer l'évacuation.

  3   Q.  Et lorsque vous avez entendu qu'il disait qu'il allait revenir pour

  4   s'occuper de l'évacuation, qu'est-ce que cela a signifié pour vous à ce

  5   moment-là, qu'est-ce que vous avez compris, donc ?

  6   R.  J'espérais que les choses allaient se dérouler comme il l'avait dit.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

  8   dossier de ce clip vidéo, clip 4989.5.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Cela sera versé au dossier.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 4989.5 deviendra la pièce

 11   P1467.

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 13   Q.  Après son départ ce soir-là, donc, est-ce qu'il y a eu un événement

 14   particulier qui s'est produit à l'hôpital, est-ce que quelque chose en

 15   particulier s'est produit ?

 16   R.  Oui. Dans un premier temps, Sljivancanin est arrivé. Il est venu et il

 17   cherchait une femme docteur pour voir si elle se trouvait à l'hôpital. Il

 18   l'a prise avec lui pour l'interroger. Puis, un officier est venu me

 19   chercher. Un officier de la JNA est venu me chercher et m'accompagner

 20   quelque part pour un interrogatoire, pour me poser des questions, et il m'a

 21   à nouveau accompagné à Negoslavci. Et là, c'est à nouveau Sljivancanin et

 22   quelqu'un d'autre qui m'ont posé ces questions. Je ne sais pas qui il

 23   était. Il portait un uniforme. Je ne sais pas, c'est peut-être un enquêteur

 24   ou un policier. Enfin, quoi qu'il en soit, ils m'ont posé des questions, et

 25   cela a duré environ une heure. Ils m'ont posé des questions à propos de

 26   l'endroit où se trouvaient les commandants de la défense de Vukovar, à

 27   propos de leur identité. Moi, je m'attendais à ce qu'ils me raccompagnent à

 28   l'hôpital, ce qu'ils n'ont pas fait. Ils m'ont laissée là-bas à Negoslavci.


Page 3653

  1   J'ai passé la nuit dans le bâtiment de l'école qu'ils utilisaient comme

  2   hôpital militaire et comme caserne. Là, j'ai vu beaucoup de soldats à cet

  3   endroit. J'y suis restée jusqu'à 6 heures du matin. Là, ils sont venus me

  4   chercher et ils m'ont mis à bord d'un véhicule militaire. Il y avait Marin

  5   Vidic qui s'y trouvait également. Ils m'ont ramenée à l'hôpital mercredi,

  6   donc c'était le mercredi, 20, vers 6 heures…

  7   Q.  Alors, je vais revenir sur cet interrogatoire auquel vous avez fait

  8   référence, interrogatoire de la part de M. Sljivancanin. Donc vous nous

  9   avez dit qu'il vous avait demandé où se trouvaient les commandants de la

 10   défense de Vukovar. Et quel a été son comportement vis-à-vis de vous ?

 11   R.  Il était arrogant. Je lui ai dit que je n'avais pas la moindre idée de

 12   l'endroit où se trouvaient les commandants de la défense. Je lui ai dit que

 13   je ne savais pas qui ils étaient. Il était véritablement très arrogant,

 14   extrêmement courroucé. Il voulait savoir qui avait tué ses jeunes soldats.

 15   Et je lui ai donc demandé pourquoi est-ce qu'il avait amené ses jeunes

 16   soldats à Vukovar de toute façon. Il était véritablement très en colère.

 17   Et donc, j'ai demandé à ce qu'ils me ramènent à l'hôpital; ils ont

 18   refusé. Ils m'ont dit qu'il était dangereux de conduire la nuit et ils

 19   m'ont laissée à Negoslavci jusqu'au lendemain matin. Par la suite, j'ai

 20   entendu dire que de nombreuses personnes avaient été emmenées pour être

 21   interrogées. Certaines ne sont jamais revenues, telles que Branko Lukenda

 22   et Tomislav Hegedus, deux hommes qui travaillaient pour la police. Cette

 23   nuit-là, on les a emmenés quelque part et ils ne sont jamais revenus.

 24   Personne ne sait quel fut leur sort.

 25   Et puis, notre technicien médical, Marko Mandic, a également été

 26   emmené quelque part cette nuit-là. Personne ne sait ce qu'il est advenu de

 27   lui ou où se trouve, d'ailleurs, sa tombe.

 28   Q.  Vous nous avez dit que vous avez entendu dire que de nombreuses


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  1   personnes avaient été sorties de l'hôpital. Est-ce que l'on vous a

  2   également dit qui avait emmené ces hommes ?

  3   R.  Pour ce qui est de Marko Mandic, c'est Bogdan Kuzmic qui l'a emmené

  4   quelque part. C'est la femme de Marko qui me l'a dit. Pour les autres, je

  5   ne le sais pas. Je suppose que ce sont des membres de l'armée qui les ont

  6   emmenés quelque part, tout comme ils m'ont emmenée, moi, à Negoslavci.

  7   Q.  Un peu plus tôt nous avons vu un clip vidéo où Bogdan Kuzmic était

  8   présent à l'hôpital. Vous nous avez également dit que Veselin Sljivancanin

  9   se trouvait à l'hôpital. Est-ce que vous pourriez nous indiquer et indiquer

 10   aux Juges combien de soldats ou d'officiers de la JNA étaient présents à

 11   l'hôpital pendant l'après-midi du 19 ?

 12   R.  Une vingtaine.

 13   Q.  Fort bien. Et où avez-vous vu ces soldats et officiers ?

 14   R.  Les soldats se trouvaient à l'entrée de l'hôpital, donc ils étaient

 15   postés au niveau des différentes entrées de l'hôpital, et ils déambulaient,

 16   ils marchaient dans les couloirs et dans la cour de l'hôpital.

 17   Q.  Vous nous avez dit qu'ils avaient été postés aux entrées de l'hôpital.

 18   Dans quel but ?

 19   R.  Ecoutez, même avant que je ne me rende à Negoslavci la première fois,

 20   lorsque ce premier officier était venu à l'hôpital, j'avais demandé s'ils

 21   étaient en mesure de garantir la sécurité au sein de l'hôpital en attendant

 22   l'arrivée du CICR. Et déjà à ce moment-là, il avait placé ces soldats - il

 23   s'agissait d'officiers de la police militaire - qui se trouvaient donc

 24   postés aux entrées de l'hôpital, et ils y sont restés pendant toute cette

 25   période. Enfin, en tout cas, ils y ont été jusqu'au moment où ils m'ont

 26   emmenée pour être détenue le mercredi, 20.

 27   Q.  Fort bien.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je remarque l'heure, Monsieur le


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  1   Président. Je pense que le moment serait peut-être venu de faire une pause.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Docteur Bosanac, nous allons faire la

  3   première pause. Je vous demanderais de bien vouloir revenir à 11 heures. Et

  4   M. l'Huissier va vous accompagner hors du prétoire.

  5   [Le témoin quitte la barre]

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons faire la pause.

  7   --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.

  8   --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Monsieur Demirdjian.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Alors, pendant qu'on fait entrer le

 12   témoin, je souhaite vous mettre à jour concernant la requête que nous

 13   allons déposer ce matin, que nous serons en mesure de déposer d'ici une

 14   heure. Si je termine mon interrogatoire principal avant la fin de la

 15   journée d'aujourd'hui, je pense que nous pourrons commencer le contre-

 16   interrogatoire demain matin et je pourrais à ce moment-là poser mes

 17   questions supplémentaires une fois que la Défense aura eu le temps de lire

 18   et de digérer notre requête. Est-ce que cela vous semble acceptable ?

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell ?

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Eh bien, je pense que ce serait la seule

 21   manière de procéder.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, vous pensez terminer votre

 23   interrogatoire principal avant la fin de l'audience d'aujourd'hui ?

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je l'espère. Je le souhaite.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous le souhaitez.

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.


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  1   [Le témoin vient à la barre]

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur

  3   Demirdjian.

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

  5   Q.  Madame Bosanac, je souhaite maintenant que nous abordions la question

  6   de la matinée du 20 novembre. Vous nous avez dit que ce matin-là on vous a

  7   ramenée en voiture avec Marin Vidic. Pourriez-vous nous rappeler encore une

  8   fois à quelle heure vous êtes revenue à l'hôpital ce matin-là, le 20

  9   novembre 1991 ?

 10   R.  C'était très exactement à 6 heures que le chauffeur est venu me

 11   chercher avec un véhicule de la JNA. Il m'a ramenée à l'hôpital. J'étais de

 12   retour là-bas vers 6 heures 30.

 13   Q.  Très bien. Ce matin-là, comment se présentait la situation à l'égard du

 14   pilonnage et des tirs d'artillerie que vous nous avez décrits et qui se

 15   sont déroulés pendant les mois d'octobre et de novembre ? Quelle était la

 16   situation qui prévalait ce matin-là, le 20 novembre ?

 17   R.  Le 20 novembre, dans la matinée, il n'y avait plus de tir. Je

 18   n'entendais plus de détonation ou de déflagration ni de tir.

 19   Q.  Alors, j'ai omis de vous poser la question plus tôt, mais comment se

 20   présentait la situation le 19 novembre en ce qui concerne le pilonnage et

 21   les tirs de coups de feu ?

 22   R.  Je n'ai entendu aucune explosion ni d'obus tombé le 19 non plus.

 23   C'était calme en ce qui concerne les explosions ou les tirs.

 24   Q.  Et d'après votre estimation, quelles étaient les conditions d'une

 25   évacuation le 19 ? Dans quelles conditions cela s'est-il fait ?

 26   R.  Je crois qu'il y avait des conditions préalables. Si le CICR et les

 27   observateurs européens étaient arrivés le 18, comme cela avait été prévu,

 28   eh bien, le 19, l'évacuation aurait pu se faire.


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  1   Q.  Très bien. Nous allons revenir à cette question du 20. Vous dites que

  2   vous êtes revenue très précisément à 6 heures 30 à l'hôpital, qu'est-il

  3   arrivé à ce moment-là à l'hôpital ?

  4   R.  J'étais dans mon bureau, j'attendais l'arrivée du CICR. Le téléphone a

  5   sonné à plusieurs reprises. Il y avait un officier de la JNA qui était avec

  6   moi dans mon bureau et qui ne me permettait pas de répondre au téléphone.

  7   C'est lui qui a répondu à chaque appel, et il répondait en disant qu'il

  8   était officier de l'armée victorieuse et que je ne pouvais pas répondre au

  9   téléphone.

 10   Q.  Bien. Quelque chose de particulier est-il arrivé peu de temps après ce

 11   que vous venez de nous décrire ?

 12   R.  Un officier est arrivé et a demandé quelle grande pièce pouvait être

 13   utilisée pour organiser une réunion importante avec le personnel. La seule

 14   pièce importante était celle où l'on mettait les plâtres, et il n'y avait

 15   pas de patients dans cette pièce-là. On m'y a emmenée. A ce moment-là, tout

 16   le personnel avait été rassemblé, ou l'essentiel du personnel médical de

 17   Vukovar. C'est là que le commandant Sljivancanin a fait un discours en

 18   présence de cinq autres militaires qui nous ont été présentés comme étant

 19   des médecins militaires. La JNA avait sa propre académie médicale

 20   militaire, donc les médecins en question portaient un uniforme de la JNA.

 21   Sljivancanin a dit qu'à partir de ce jour-là, l'hôpital relèverait de la

 22   VMA, donc cette académie médicale militaire, et tout le personnel militaire

 23   qui s'était rassemblé dans cette pièce pouvait opter de continuer à

 24   travailler à l'hôpital ou indiquer s'il souhaitait être évacué.

 25   Q.  Vers quelle heure cette réunion s'est-elle déroulée ?

 26   R.  A 7 heures 30, d'après mon souvenir.

 27   Q.  Combien de temps cette réunion a-t-elle duré ?

 28   R.  Une demi-heure. Je suis revenue à mon bureau à 8 heures. Je suis restée


Page 3658

  1   là, assise, pendant un certain temps. Un représentant de la JNA est arrivé

  2   et a dit que Marin Vidic et moi-même, nous devions l'accompagner. Marin

  3   Vidic était avec moi dans cette pièce.

  4   Nous sommes tous deux sortis, nous sommes passés devant tout le

  5   personnel militaire qui était en rang, qui attendait l'évacuation. Et

  6   j'étais convaincue à l'époque qu'on allait nous emmener pour être évacués,

  7   mais en réalité nous avons été emmenés dans une unité de détention dans la

  8   caserne de la JNA à Vukovar.

  9   Q.  Ce matin-là, quelle organisation internationale - pour autant qu'une

 10   organisation internationale était présente - était à l'hôpital ?

 11   R.  Je n'ai vu personne à ce moment-là.

 12   Q.  Vous nous avez dit que Sljivancanin a dit qu'à partir de ce jour-là

 13   l'hôpital relèverait de l'hôpital militaire. Au cours de cette réunion,

 14   saviez-vous ce qui se passait à l'extérieur de la pièce en question ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Et il y a quelques instants, vous nous avez dit que lorsque vous êtes

 17   partis, vous avez vu le personnel médical en rang qui attendait

 18   l'évacuation. Y a-t-il autre chose que vous avez observé à ce moment-là ?

 19   R.  Non. Nous sommes passés devant le personnel médical qui était en rang

 20   jusqu'au véhicule militaire qui nous a emmenés.

 21   Q.  Vous nous avez dit que vous avez été emmenée avec Marin Vidic à la

 22   caserne de la JNA. Combien de temps fallait-il pour aller de l'hôpital à la

 23   caserne de la JNA ?

 24   R.  Dix à 15 minutes, je crois.

 25   Q.  Bien. Et où vous a-t-on emmenés une fois arrivés à la caserne.

 26   R.  On nous a emmenés dans une pièce qui se trouvait au premier étage. Un

 27   policier militaire se trouvait à l'intérieur et cet homme est resté là

 28   pendant tout le temps où nous étions assis à cet endroit-là.


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  1   Q.  Et combien de temps avez-vous été retenus dans cette pièce ?

  2   R.  Toute la journée.

  3   Q.  Qui est venu vous rendre visite, pour autant que quelqu'un soit venu

  4   vous voir dans cette pièce ?

  5   R.  Un représentant de la JNA est venu, il nous a apporté de la nourriture,

  6   de la charcuterie, mais en dehors de cela, personne ne nous a adressé la

  7   parole avant le soir.

  8   Q.  Et avez-vous pu parler avec les observateurs internationaux ou le CICR

  9   ce jour-là ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Je souhaite maintenant vous montrer une séquence vidéo, qui est le

 12   numéro 65 ter 4989.9 à l'intercalaire numéro 21.

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et à l'intention des interprètes, il

 14   s'agit de l'intercalaire N.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 17   Q.  [aucune interprétation]

 18   R.  Je l'ai vu plus tard, lorsque je suis arrivé à Zagreb.

 19   Q.  Pourriez-vous nous dire où ceci se déroule, où ces images ont été

 20   tournées ?

 21   R.  Ces images ont été tournées quelque part dans le centre-ville. A

 22   droite, nous voyons M. Borsinger, et à gauche, le commandant Sljivancanin.

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Avant de visionner la vidéo, pourrions-

 24   nous retrouver l'endroit en question pour les interprètes ?

 25   Cela se trouve effectivement à l'onglet N. Les interprètes disposent-ils de

 26   la transcription à 2 minutes 57 ?

 27   Peut-être que les premières secondes ne figurent pas dessus.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Veselin Sljivancanin : Monsieur, mes soldats ont perdu la vie cette

  3   nuit. Il y a une guerre, ici.

  4   Nicolas Borsinger : Tout ce que nous savions, c'est qu'il y avait un convoi

  5   qui quittait l'hôpital et qu'en même temps ils tentent de nous interdire

  6   l'accès à l'hôpital et que donc, dans de telles circonstances, nous ne

  7   pouvions pas demander vraiment ce qui se passait.

  8   Veselin Sljivancanin : -- se comporter de cette manière envers moi… la

  9   sécurité et la paix, et c'est vous qui êtes à l'origine des problèmes en ce

 10   qui me concerne. Si cela ne vous plaît pas, allez-y, retournez. Allez où

 11   vous voulez. J'ai honte de la manière dont vous me traitez. Je vous ai

 12   donné tout ce que vous avez demandé."

 13   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 14   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 15   Q.  Madame, le soir précédent vous nous avez dit avoir vu Borsinger et

 16   Sljivancanin à l'hôpital, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Comment pouvez-vous comparer -- ou, en tout cas, comment s'adressait-il

 19   -- ou Borsinger s'adressait-il à Sljivancanin ce soir-là lorsque vous les

 20   avez vus ?

 21   R.  Qu'est-ce que vous voulez dire, comment ? Son ton de voix était normal.

 22   Il n'a pas crié comme il l'a fait dans la dernière séquence vidéo.

 23   Q.  Et avez-vous reconnu quelqu'un d'autre sur ces images, outre

 24   Sljivancanin et Borsinger ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Fort bien.

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, puis-je demander le

 28   versement au dossier de cette séquence vidéo qui est le numéro 4989.9.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera admis et versé au dossier.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, le 4989.9 recevra

  3   la cote P1468.

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  5   Q.  Madame, un peu plus tôt nous avons vu l'accord portant sur

  6   l'évacuation, et vous avez lu le passage qui traitait du principe de la

  7   neutralité. Comment ceci a-t-il été appliqué le 20 novembre 1991 ?

  8   R.  Cela ne l'a pas été.

  9   Q.  Et pourriez-vous nous dire comment cela ne l'a pas été ?

 10   R.  Eh bien, cela ne l'a pas été car ni le CICR ni les observateurs

 11   européens n'étaient là dans la matinée du 20 lorsque le commandant

 12   Sljivancanin a dit qu'à partir de ce moment-là l'hôpital relevait de la JNA

 13   et de la VMA, de l'Académie médicale militaire.

 14   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Alors, je souhaite maintenant regarder la

 15   séquence vidéo suivante, qui est le numéro 4799.11. A l'intercalaire numéro

 16   91. Et pour les interprètes, à l'onglet O.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 19   "Borsinger : Ceci s'est poursuivi pendant un temps assez long encore.

 20   Je souhaite simplement dire que hier soir -- mais, en réalité, hier après-

 21   midi, nous avons conclu un accord avec la JNA, représentée par le général

 22   Raseta, et le gouvernement croate. L'objet de cet accord : de neutraliser

 23   l'hôpital de Vukovar conformément à l'article 15 des conventions de Genève.

 24   Je vais aborder cet accord en détail. L'objectif était de faire en sorte

 25   qu'il entre en vigueur à 20 heures hier soir, le 19 novembre. Au terme de

 26   cet accord, l'accès à l'hôpital et aux bâtiments voisins était limité aux

 27   patients et au personnel militaire, c'était la première catégorie; la

 28   deuxième catégorie était composée de civils qui ne participaient pas à la


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  1   guerre; la troisième catégorie était composée du personnel militaire [comme

  2   interprété]; et la quatrième catégorie était représentée par les délégués

  3   de la Croix-Rouge internationale. Au point 3 de cet accord, il était

  4   interdit de faire entrer du matériel militaire dans l'hôpital. Messieurs,

  5   vous savez, vous avez pu voir ce qui s'est déroulé ici. A l'exception de

  6   ces quatre catégories de personnes susmentionnées, personne d'autre n'était

  7   autorisé à entrer dans l'hôpital à moins qu'ils n'aient une permission

  8   particulière délivrée par la Croix-Rouge internationale. Vous avez vu

  9   comment a été conclu cet accord. Deuxièmement, nous avons dit que l'hôpital

 10   devait être signalé de façon claire à l'aide d'une croix rouge. Le dernier

 11   point est particulièrement important parce qu'on peut y lire que les

 12   autorités croates et la JNA coopéreront de façon pleine et entière avec la

 13   Croix-Rouge internationale aux fins de mettre en œuvre l'accord. Vous avez

 14   sans doute remarqué que le comité international était -- ou, plutôt, n'a

 15   pas pu remplir la mission qui lui a été confiée et, par conséquent, ne peut

 16   pas être tenu responsable des événements qui se sont déroulés ce matin. Et

 17   maintenant, je ne sais pas, parce qu'on m'a empêché d'entrer dans

 18   l'enceinte de l'hôpital."

 19   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 20   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 21   Q.  Madame, ce matin-là -- saviez-vous qui exactement vous a emmenée de

 22   l'hôpital à la caserne de la JNA ?

 23   R.  Un officier de la JNA. Je ne connais pas son nom et je ne sais pas quel

 24   était son grade.

 25   Q.  Et savez-vous qui était responsable à ce moment-là des officiers de la

 26   JNA à l'hôpital ?

 27   R.  Le commandant Sljivancanin.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Alors, puis-je demander à ce que le numéro


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  1   4799.11 soit versé au dossier.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera admis et recevra une cote.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, le numéro 65 ter

  4   4799.11 recevra la cote P1469.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  6   Q.  Madame, est-ce qu'il y avait des membres de votre famille ce jour-là à

  7   l'hôpital ?

  8   R.  Oui. Ma mère était là, ainsi que mes beaux-parents.

  9   Q.  Et pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce qui leur est arrivé ce

 10   jour-là ?

 11   R.  Ma mère a dit qu'un soldat était venu à l'hôpital et qu'il a dit que

 12   toutes les personnes qui étaient capables de marcher devaient sortir. Mon

 13   beau-père est sorti du sous-sol où ils attendaient l'évacuation. Il était

 14   âgé et malade et il avait mal aux jambes. Il est sorti pour se dégourdir

 15   les jambes et on l'a emmené. Pendant longtemps, on a estimé qu'il était

 16   porté disparu, jusqu'à ce qu'il soit identifié en 1996 comme quelqu'un qui

 17   a été tué Ovcara. Ma mère et ma belle-mère sont sorties avec les autres

 18   civils et elles sont allées à Zagreb. Lorsque je suis revenue après

 19   l'échange de prisonniers, je les ai trouvées à Zagreb.

 20   Q.  Et vous m'avez dit que votre beau-père a été tué à Ovcara. Pourriez-

 21   vous, aux fins du compte rendu d'audience, nous donner son nom, s'il vous

 22   plaît ?

 23   R.  Le nom de mon beau-père était Dragutin Bosanac. Lorsqu'il a été

 24   identifié, nous avons vu le rapport du médecin légiste en langue anglaise.

 25   Ce sont des médecins américains qui ont procédé à son identification. Et

 26   dans ce rapport d'identification, il était clair que c'était bien lui

 27   compte tenu de ce dont il souffrait auparavant ainsi que des objets trouvés

 28   sur son squelette. Il y avait des vêtements, les clés de la maison et


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  1   quelques documents qu'il avait sur lui. Cause du décès, blessures à la

  2   tête.

  3   Q.  Alors, Madame, nous savons ce qui est advenu d'un certain nombre de

  4   patients et de personnes ainsi que d'autres hommes de l'hôpital le 20

  5   novembre. Alors, la question que je souhaite vous poser : parmi ceux qui

  6   ont été retrouvés à Ovcara et qui ont été tués, y avait-il du personnel

  7   médical de l'hôpital ?

  8   R.  Oui. A Ovcara, pendant les exhumations, 200 corps ont été levés. Et

  9   parmi ces corps, 193 ont été identifiés. Il y avait parmi eux des blessés,

 10   des défenseurs de la ville, ainsi que des civils et du médical soignant ou

 11   militaire de l'hôpital, y compris Djuro Srenk, que nous avons vu sur les

 12   images. Outre cela, il y avait des jeunes, des mineurs, le fils d'une

 13   infirmière, le fils d'une femme de ménage et son mari qui travaillait à

 14   l'hôpital pendant la guerre. Toutes ces personnes qui ont été emmenées de

 15   l'hôpital. Mais cela ne comprend pas toutes les personnes qui étaient là,

 16   car encore aujourd'hui 58 personnes n'ont pas été retrouvées parmi ces

 17   personnes qui ont été emmenées de l'hôpital. Cela comprend 33 blessés, des

 18   civils et policiers, comme Branko Lukenda et Tomislav Hegedus, ainsi que le

 19   technicien médical Marko Mandic. Deux cent quatre-vingt-seize personnes

 20   sont toujours portées disparues qui étaient dans la ville de Vukovar; parmi

 21   ces personnes, 58 ont été emmenées de l'hôpital.

 22   Q.  Madame, je souhaite vous montrer un document.

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Avant de le faire, Messieurs les Juges, je

 24   vais vous montrer une liste des victimes identifiées de la fosse d'Ovcara.

 25   Avant que le témoin n'entre dans le prétoire, je lui ai demandé

 26   d'identifier les personnes et de dire s'il s'agissait de personnel médical

 27   et de membres de la famille du personnel médical. Donc cette liste a été

 28   préannotée. J'ai partagé cette information avec la Défense afin de gagner


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  1   du temps dans le prétoire plutôt que de demander au témoin d'annoter chaque

  2   nom l'un après l'autre. Je souhaite simplement m'assurer que la Défense est

  3   en accord avec ceci, ainsi que les Juges de la Chambre.

  4   M. GOSNELL : [interprétation] Nous avons donné notre accord.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Puis-je

  7   maintenant vous montrer le document qui est à l'écran ?

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Numéro 65 ter 5846.1. L'original était le

 10   5846, intercalaire 107. Très bien. Pouvons-nous agrandir ceci ?

 11   Q.  Connaissez-vous cette liste que vous avez sous les yeux ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Alors, veuillez nous dire ce que représentent ces annotations

 14   manuscrites et d'où proviennent-elles ?

 15   R.  Cela indique quels liens existent entre ces personnes et le personnel

 16   médical. La première personne est le mari d'une femme qui travaillait à

 17   l'hôpital. Ensuite, l'autre, HS, Ilija Asadjanin, était un chauffeur qui

 18   travaillait pour l'hôpital. Ivan Bainrauh était un ingénieur technique qui

 19   travaillait à l'hôpital. Josip Balog était le fils de notre blanchisseuse;

 20   il avait 16 ans à l'époque. Dragutin Balog était le mari de la

 21   blanchisseuse et le père de Josip. C'était un homme malade. Il avait un

 22   cancer de la gorge. Il avait une prothèse. Et avec ma permission, ces

 23   personnes étaient hébergées à l'hôpital ainsi que la blanchisseuse.

 24   Q.  Alors, pour que les Juges de la Chambre comprennent ce que vous voulez

 25   dire, pourriez-vous nous indiquer ce que signifie FHS et SH ?

 26   R.  FHS signifie famille du personnel de l'hôpital. Et HS veut dire

 27   personnel de l'hôpital.

 28   Q.  Donc, FHS signifie famille du personnel de l'hôpital. Il s'agit donc


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  1   des membres de la famille d'un membre de l'hôpital ou quelqu'un qui

  2   travaillait à l'hôpital; est-ce exact ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Alors, est-ce que nous pouvons passer à la page suivante. Nous voyons

  5   encore trois annotations supplémentaires sur cette page.

  6   R.  Oui. Baumgertner Tomislav, c'était le fils d'une infirmière chez nous.

  7   Il avait 17 ans. Ensuite, Bosanac Dragutin, mon beau-père. Bosanac

  8   Tomislav, c'était un cousin de mon mari, qui était accompagné de son épouse

  9   blessée. C'était une infirmière qui avait été grièvement blessée à

 10   l'hôpital. Et j'ai mis en garde le commandant Sljivancanin, je l'ai informé

 11   du fait que les blessés graves étaient accompagnés, donc que Tomislav

 12   Bosanac était accompagné de son épouse grièvement blessée. Cependant, il a

 13   lui aussi été emmené -- ils ont été emmenés à Ovcara.

 14   Q.  Peut-on voir une page de plus. La page suivante, s'il vous plaît. Nous

 15   voyons deux annotations supplémentaires à la page 3.

 16   R.  Ivan Buovac, c'était un chauffeur. Et Petar Furundzija était le mari

 17   d'une de nos employées.

 18   Q.  Très bien. Est-il exact de dire que dans les pages restantes, nous

 19   retrouvons ces mêmes annotations, HS et FHS, les mêmes qui sont en fait

 20   utilisées du début à la fin du document ?

 21   R.  Oui. C'est quelque chose qui a été ajouté avant ce procès, ou plutôt,

 22   cette audience.

 23   Q.  Peut-on afficher la dernière page. Nous voyons deux annotations

 24   supplémentaires, et pour l'un des patients, Dominik Zeravica, nous voyons

 25   que son nom a été entouré. Est-ce qu'il y a quoi que ce soit de particulier

 26   que vous pourriez nous dire au sujet de cette victime ?

 27   R.  La commission chargée des personnes emprisonnées et disparues a formulé

 28   des remarques au sujet de cette victime parce que son corps a été identifié


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  1   au moyen d'une analyse d'ADN, mais la famille n'en a pas accepté le

  2   résultat. Et la commission, également, considère que cette personne est

  3   toujours portée disparue.

  4   Q.  Très bien. Merci.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Puis-je demander, Messieurs les Juges, le

  6   versement de cette version annotée du document 5846.1.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document reçoit la cote P1470.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 11   Q.  Docteur, seriez-vous en mesure de nous dire combien des victimes tuées

 12   à Ovcara étaient des patients de l'hôpital ?

 13   R.  Il y en a beaucoup dont nous ne savons toujours pas quel a été leur

 14   sort. Ils n'ont pas tous été identifiés parmi les 193. Quatre-vingt-douze

 15   ont été blessés, d'après ce que nous savons, mais l'ensemble de la

 16   documentation de l'hôpital de Vukovar et les dossiers médicaux n'ont

 17   toujours pas été restitués. En tout cas, ils n'ont pas été restitués dans

 18   leur ensemble. Ce qui reste se trouve quelque part dans les archives d'un

 19   tribunal militaire de Belgrade, et tout ce que nous savons avec certitude,

 20   c'est la liste des blessés dressée le 20 novembre, que nous avons également

 21   été en mesure d'adresser et d'envoyer au ministère de la Santé. Et sur la

 22   base, également, des listes figurant dans les carnets qui nous ont été

 23   restitués il y a deux ans sur l'entremise du président de la République de

 24   Serbie, nous avons été en mesure d'obtenir des informations, donc, mais

 25   cela ne représentait qu'une faible part de la documentation par rapport à

 26   tout ce qui n'a pas encore été restitué, y compris les carnets de

 27   l'infirmière en chef fournissant des informations exhaustives sur chacun

 28   des blessés, avec la date de prise en charge et la raison de cette prise en


Page 3669

  1   charge.

  2   Q.  Docteur, sur les 193 victimes, indépendamment de la question de savoir

  3   si elles ont été identifiées ou non, est-ce que vous savez combien d'entre

  4   elles étaient des patients de l'hôpital ?

  5   R.  Quatre-vingt-treize, j'ai dit.

  6   Q.  Très bien.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous demande maintenant que nous

  8   affichions le document 636 de la liste 65 ter, onglet numéro 43.

  9   Q.  Reconnaissez-vous ce document ?

 10   R.  Il s'agit de la liste des blessés de l'hôpital de Vukovar qui ont été

 11   identifiés à Ovcara, et j'ai dressé cette liste sur la base de tous les

 12   éléments d'information disponibles aux fins de l'un des procès tenus ici à

 13   La Haye.

 14   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page suivante.

 15   Q.  Nous voyons la suite de cette liste.

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pouvons-nous passer à la page 3.

 17   Q.  Alors, le dernier nom qui apparaît ici, au numéro 97, n'est-ce pas.

 18   D'ailleurs, je voulais vous demander si ce nombre de 97 est exact, Madame

 19   Bosanac ?

 20   R.  Oui, c'est bien le cas. Chacun de ces blessés avait un dossier en tant

 21   que blessé et nous savons qu'ils ont été emmenés de l'hôpital de Vukovar.

 22   Q.  Très bien. Passons à la page 4, qui est la page suivante dans les deux

 23   langues. Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi il s'agit ici ?

 24   R.  Il s'agit du formulaire que nous remplissions en temps de guerre pour

 25   chaque personne blessée. Nous l'envoyions auprès du quartier général des

 26   services médicaux auprès du ministère de la Santé, si bien que le 6

 27   novembre, nous étions en mesure d'envoyer toutes ces informations par e-

 28   mail. Après, les communications ont été interrompues et nous n'avons plus


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  1   été en mesure d'envoyer la moindre liste de blessés de cette façon.

  2   Q.  Alors, on voit ici le nom d'une personne, genre, date de naissance, et

  3   cetera, et on voit hospitalisation et diagnostic. Est-ce que vous pouvez

  4   nous expliquer le diagnostic, s'il vous plaît ?

  5   R.  "Vul explos genus sinos", donc il s'agit d'une blessure au genou gauche

  6   et à l'arrière du genou gauche due à une explosion. Ces informations ont

  7   été consignées le 21 octobre 1991.

  8   Q.  Comment avez-vous été en mesure de collecter ces informations relatives

  9   à la blessure ?

 10   R.  Eh bien, ces informations ont été introduites sur la base des documents

 11   médicaux et des dossiers médicaux qui étaient disponibles pour chaque

 12   patient, avec l'anamnèse, les examens médicaux, et cetera. Le problème qui

 13   s'est présenté, c'est qu'après le 6 novembre, pour les nouveaux patients

 14   qui arrivaient, nous ne pouvions plus transmettre leurs informations. Or,

 15   les documents médicaux qui correspondent à ces patients-là ont été emmenés

 16   et ne nous ont pas encore été restitués. Toutes les informations dont nous

 17   disposons à leur sujet viennent de ces carnets, les carnets de l'infirmière

 18   en chef qui nous ont été restitués il y a environ deux ans seulement, et

 19   c'est sur la base de ces seuls carnets que nous avons été en mesure de

 20   remplir certains des champs de ce type de formulaires, alors que les

 21   rapports médicaux en eux-mêmes n'ont toujours pas été restitués à l'hôpital

 22   de Vukovar.

 23   Q.  Alors, au début de ce document, la première chose que nous voyons est

 24   une liste des blessés avec 97 patients, et maintenant nous voyons un

 25   certificat de victimes. Alors, y a-t-il un certificat de victimes dans

 26   cette liasse de documents pour chaque patient énuméré aux numéros 1 à 97 ?

 27   R.  Eh bien, pour l'un des procès qui se sont précédemment tenus ici même à

 28   La Haye, j'avais préparé des registres, et lorsqu'il y avait un certificat


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  1   de décès, j'étais en mesure de l'inclure, tout comme une photographie avec

  2   les informations personnelles de chaque patient concerné, que j'ai été en

  3   mesure d'obtenir auprès de l'Association des mères à la recherche de leurs

  4   fils et maris disparus, et on utilisait également la liste des détenus du

  5   camp. Donc, j'ai préparé ces registres et ces dossiers pour les personnes

  6   qui, à l'époque, ont été détenues, tuées ou portées disparues.

  7   Q.  Je vous demandais s'il y avait un certificat de victimes similaire pour

  8   chacune des 97 personnes énumérées au début du document ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Merci.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 12   document, Messieurs les Juges.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 636 de la liste 65 ter

 15   devient la pièce P1471.

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 17   Q.  Vous nous aviez expliqué que vous aviez été retenue à la caserne de la

 18   JNA pendant toute la journée du 19 [comme interprété] novembre. Que vous

 19   est-il arrivé ensuite ?

 20   R.  C'était le 20 novembre, mercredi 20.

 21   Q.  Oui, le 20.

 22   R.  Eh bien, le soir du 20, à la caserne, j'ai été interrogée pour la

 23   première fois, en présence de caméras, au sujet de ce qui s'était passé

 24   pendant la guerre à l'hôpital de Vukovar. Ensuite, avec le Dr Njavro et

 25   avec Anto Maric [comme interprété], j'ai été conduite à bord d'un véhicule

 26   de la police à la prison de Sremska Mitrovica, tôt le matin du 21.

 27   Q.  Combien de temps avez-vous été détenue à la prison de Sremska Mitrovica

 28   ?


Page 3672

  1   R.  Environ trois semaines. Un petit peu moins de trois semaines.

  2   Q.  Le 20 novembre -- excusez-moi, le 21 novembre, vous a-t-on informée des

  3   raisons pour lesquelles on vous avait emmenée à Sremska Mitrovica ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  A votre arrivée à Sremska Mitrovica, où vous a-t-on conduite ?

  6   R.  A la prison, il y avait un officier de la JNA qui a dit que j'avais été

  7   conduite sur place dans le cadre d'une enquête portant sur la situation à

  8   Vukovar.

  9   Q.  Une fois arrivée à la prison, où avez-vous été conduite ?

 10   R.  On m'a emmenée dans une pièce, ensemble avec Ante Maric [comme

 11   interprété] et le Dr Njavro. Le Dr Njavro a dû se mettre debout contre le

 12   mur avec les mains dans le dos et la tête baissée, alors que ce Anto Maric

 13   [comme interprété] a été tabassé par les gardes de prison, au sujet de quoi

 14   j'ai protesté auprès du commandant de la prison, parce que j'ai été très

 15   choquée de voir cela. J'au subi un interrogatoire et j'ai passé la première

 16   nuit en isolement, puis à partir du jour suivant, en fait à partir de

 17   l'après-midi du 21 novembre et au cours des deux semaines qui ont suivi, je

 18   me suis trouvée dans une cellule où il y avait 86 autres femmes de Vukovar.

 19   Comme tous les prisonniers, j'ai passé des jours très difficiles et

 20   très éprouvants là-bas. J'ai rédigé une déclaration décrivant tout ce qui

 21   s'est passé à Vukovar sur 116 pages. Cette déclaration est également

 22   disponible et accessible à la présente Chambre, et ce n'est qu'ici, lors

 23   d'un procès précédent, que j'ai eu la possibilité de la revoir.

 24   J'ai ensuite été emmenée de Sremska Mitrovica à la prison militaire

 25   d'instruction de Belgrade où une procédure avait été initiée à mon

 26   encontre. Cependant, rien n'a été démontré de ce qui m'était reproché. On

 27   m'a même attribué un conseil d'office. La seule chose qui m'a été

 28   reprochée, c'est que j'envoyais des rapports et je lançais des appels dans


Page 3673

  1   le monde entier au sujet de la JNA en affirmant que la JNA était une force

  2   d'agression criminelle. C'est ce qu'on m'a reproché. Cependant, j'ai été

  3   ensuite libérée dans le cadre d'un échange de prisonniers.

  4   Q.  Je voudrais que nous revenions vers le début de votre réponse où vous

  5   nous avez dit qu'Anto Maric [comme interprété] avait été violemment tabassé

  6   par des gardes de prison. Etes-vous en mesure de dire aux Juges de la

  7   Chambre à quelle institution appartenaient ces gardes de prison ?

  8   R.  Non, non, non. C'était Ante Aric et non pas Maric.

  9   Q.  Très bien. Est-ce que vous seriez en mesure de dire aux Juges de la

 10   Chambre à quelle institution appartenaient les gardes de prison ?

 11   R.  Non, je ne le sais pas. C'étaient des gardiens de prison.

 12   Q.  Vous avez parlé au commandant. Est-ce que vous savez à quelle

 13   institution il appartenait, lui ?

 14   R.  Il appartenait à la JNA.

 15   Q.  Vous nous avez brièvement parlé des conditions dans lesquelles vous

 16   étiez détenue, d'abord en isolement la première nuit, puis ensuite avec 86

 17   autres femmes de Vukovar. Est-ce que vous pourriez nous décrire cette

 18   seconde pièce, j'imagine ? Enfin, l'endroit où vous avez été détenue

 19   ensemble avec ces 86 autres femmes de Vukovar ?

 20   R.  C'était une grande salle, un peu comme une grande salle de classe ou

 21   une petite salle de sport où nous dormions à même le sol, sur des matelas.

 22   Et il y avait aussi une autre pièce plus petite où on avait un accès à des

 23   sanitaires.

 24   Q.  Est-ce que vous sauriez dire aux Juges de la Chambre de quelle taille

 25   était à peu près cette pièce ou cette salle ?

 26   R.  Soixante-six -- je ne sais pas quelle était exactement sa taille. Peut-

 27   être 20 mètres sur 30.

 28   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quelle quantité de


Page 3674

  1   nourriture vous était donnée pendant votre détention ?

  2   R.  Eh bien, nous recevions la nourriture dans de grandes marmites. C'était

  3   pour l'essentiel des ragoûts qui ne sentaient pas très bons et étaient tout

  4   sauf appétissants. On nous donnait du pain, du thé, parfois. Parfois du

  5   pain et du thé.

  6   Q.  Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des conditions

  7   d'hygiène dans lesquelles vous avez été détenue ?

  8   R.  Les conditions étaient mauvaises, comme je l'ai dit. Il y avait des

  9   sanitaires, de l'eau froide. Des conditions très mauvaises. Ces sanitaires

 10   étaient les seuls.

 11   Q.  Vous avez également dit avoir fait une longue déclaration. A qui avez-

 12   vous fait cette déclaration ?

 13   R.  J'étais interrogée quotidiennement par un officier de la JNA, il s'est

 14   présenté sous le nom de capitaine Branko. Je ne sais pas quel était son

 15   véritable nom. Mais il m'interrogeait tous les jours.

 16   Q.  Au sujet de ce que vous venez de dire de son grade, avez-vous dit

 17   capitaine Branko ?

 18   R.  Oui. C'est ainsi que je l'ai compris, en tout cas.

 19   Q.  Comment cette déclaration a-t-elle été recueillie ?

 20   R.  Je l'ai rédigée à la main. C'est lui qui posait les questions, et moi

 21   j'y répondais. Je devais signer chaque page, et c'est lui qui numérotait

 22   chaque page. Moi, je voulais consigner par écrit tout ce que j'avais inclus

 23   dans les appels que j'avais lancés, et il m'a dit de ne pas le faire, de

 24   n'écrire tout cela qu'à la fin et de me contenter de répondre aux questions

 25   posées. Et je n'arrive pas à m'en souvenir exactement, mais je crois que

 26   cette déclaration existe encore quelque part.

 27   Q.  Très bien. Est-ce que vous pourriez nous dire de façon générale comment

 28   le capitaine Branko vous traitait ?


Page 3675

  1   R.  Eh bien, par comparaison aux autres, d'après ce que j'ai pu voir, il me

  2   traitait bien. Je n'ai pas été soumise à des mauvais traitements, qu'ils

  3   soient physiques ou psychologiques. Je pouvais dire tout ce que je voulais

  4   dire. Je pouvais fumer autant que je le souhaitais, et pour moi c'était

  5   important.

  6   Q.  Vous nous avez dit avoir été détenue dans une pièce ensemble avec

  7   d'autres femmes. Y avait-il également des hommes à la prison de Sremska

  8   Mitrovica qui, donc, y étaient détenus ?

  9   R.  Eh bien, pour la plupart, les détenus étaient des hommes. Lorsque j'y

 10   suis arrivée, c'est quelque chose que je ne savais pas, mais le jour

 11   suivant j'ai entendu de la bouche des femmes qui étaient dans la même pièce

 12   que moi de quelle façon elles étaient arrivées là. Elles venaient de

 13   Sajmiste, de Mitnica. Elles m'ont raconté la façon dont leurs maris et

 14   leurs fils ont été conduits jusqu'à cette prison.

 15   Avec une autre femme, je nettoyais le couloir, et j'ai vu beaucoup de

 16   bandages et de restes de plâtres, alors je me suis dit qu'il y avait peut-

 17   être là également eu des blessés. Cependant, plus tard, il s'est avéré que

 18   personne de l'hôpital n'avait été conduit ici, mais qu'il s'agissait de

 19   blessés de Borovo Komerc et d'autres abris.

 20   Il y avait des femmes âgées et malades. Il y avait des femmes avec leurs

 21   enfants.

 22   Q.  Concernant les hommes, connaissez-vous les conditions dans lesquelles

 23   ils étaient détenus ?

 24   R.  Oui. Je m'en suis convaincue moi-même sur place et je l'ai entendu dire

 25   par nombre de personnes et j'ai également lu les rapports. Mon époux a

 26   également été détenu là-bas. Il a été tabassé et soumis à de mauvais

 27   traitements. Pendant la nuit, j'entendais de nombreux cris. Je ne cessais

 28   de protester auprès de ce colonel Branko à cause de la façon dont les


Page 3676

  1   civils détenus étaient traités. Ils ont été soumis à beaucoup de mauvais

  2   traitements physiques. Ils étaient affamés.

  3   Il existe également des témoignages à ce sujet que vous pouvez consulter.

  4   Q.  Et avant que nous ne fassions la pause, Docteur, vous venez de parler

  5   du colonel Branko, alors qu'au départ vous aviez fait référence au

  6   capitaine Branko. Alors, lequel des deux grades ?

  7   R.  Ecoutez, je n'en sais rien. Je ne sais pas véritablement quel était son

  8   grade. Je pense qu'il était capitaine, mais vraiment, je ne le sais pas.

  9   Peut-être que c'est une information que vous pourrez obtenir dans d'autres

 10   déclarations de témoin, parce qu'il a interrogé bon nombre de personnes. Je

 11   ne m'en souviens pas. Je pense qu'il était capitaine, en fait, et le

 12   colonel, c'est celui qui était le commandant de la prison, qui nous avait

 13   emmenés à la prison.

 14   Q.  Et une toute dernière question avant la pause. Est-ce que vous

 15   connaissiez de façon approximative l'âge de ce capitaine ou colonel Branko

 16   ?

 17   R.  Ecoutez, je ne peux pas vous le dire précisément. Bon, il avait la

 18   cinquantaine à ce moment-là.

 19   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que c'est le moment de faire la

 20   pause ?

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Non, non. Nous avons encore un quart

 22   d'heure.

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 24   Q.  Excusez-moi, Docteur Bosanac, je vous ai fait miroiter de faux espoirs,

 25   mais nous avons encore un quart d'heure avant la pause.

 26   Lorsque vous vous êtes trouvée en détention, est-ce que quelqu'un est venu

 27   vous rendre visite ?

 28   R.  Oui.


Page 3677

  1   Q.  Et de qui s'agissait-il ?

  2   R.  Les observateurs européens sont venus me voir peut-être une semaine

  3   après mon arrivée dans cette prison. C'étaient les observateurs qui étaient

  4   censés venir à l'hôpital de Vukovar ce jour-là. En fait, au lieu de cela,

  5   ils sont venus me voir à la prison. Donc une réunion a été organisée, il y

  6   avait des représentants de la prison présents, moi-même, les observateurs

  7   européens également étaient présents. Je ne me souviens de rien de

  8   particulier à propos de cette réunion, si ce n'est qu'ils étaient cinq ou

  9   six et qu'ils avaient ces uniformes bleu et blanc de la Mission des

 10   observateurs européens. Et puis, des représentants du CICR sont venus me

 11   voir également. En fait, ils ont rendu visite à tout le monde. Ils ont pris

 12   des messages adressés aux familles, ils ont également amené avec eux des

 13   listes où les familles donnaient des renseignements nécessaires. Nous avons

 14   également eu la visite de médecins de Belgrade qui venaient de l'hôpital

 15   universitaire militaire de Belgrade, il s'agissait donc de représentants de

 16   haut niveau.

 17   Q.  Et, je pense, au début de votre réponse, vous avez fait référence aux

 18   observateurs européens. Est-ce que vous savez quel était l'objectif de leur

 19   visite ?

 20   R.  Je pense qu'ils voulaient constater et voir qui était détenu dans cette

 21   prison, et je pense qu'ils voulaient voir également où je me trouvais, au

 22   vu de l'échange de correspondance que nous avions eu. Le deuxième jour de

 23   mon séjour dans cette prison, c'était un vendredi, le 22, et j'ai entendu à

 24   la radio - parce que les femmes à la prison avaient une radio - j'ai

 25   entendu, disais-je, que le Vatican avait lancé des recherches en ce qui

 26   nous concernait. Bon, il y avait une émission à 7 heures, Radio Vatican, et

 27   elle a été diffusée en Croatie. Là, ils ont indiqué qu'ils étaient à la

 28   recherche du Dr Sinisa Glavasevic de l'hôpital de Vukovar, qu'ils


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  1   cherchaient également des prêtres, des religieuses. Donc c'est le premier

  2   signe que nous avons obtenu, que nous avons capté, suivant lequel d'aucuns

  3   savaient où nous nous trouvions après tout et suivant lequel ils nous

  4   recherchaient.

  5   Q.  Il est indiqué, en fait, que vous avez dit que : "Ils étaient à la

  6   recherche d'un Dr Sinisa Glavasevic de l'hôpital de Vukovar." Est-ce que

  7   cela est exact ?

  8   R.  Non, non, non, non. J'ai dit qu'ils cherchaient les médecins de

  9   l'hôpital de Vukovar et qu'ils cherchaient également Sinisa Glavasevic, qui

 10   était journaliste.

 11   Q.  Merci de cette précision. Est-ce que vous pourriez nous relater comment

 12   vous avez été libérée de Sremska Mitrovica ?

 13   R.  Alors, après quelque deux semaines ou un peu plus d'interrogatoire, un

 14   dimanche, le commandant de la prison est arrivé et m'a dit que je devais en

 15   fait prendre mes affaires et que j'allais être envoyée quelque part. Donc

 16   on m'a demandé de monter dans un autocar où se trouvaient d'autres

 17   prisonniers, notamment mon époux. Ils nous ont conduits à la prison

 18   militaire à Belgrade où j'ai passé encore deux jours, à la suite de quoi

 19   j'ai fait l'objet d'un échange avec d'autres personnes. Cela s'est passé

 20   dans le cadre d'un échange de prisonniers, et nous avons été échangés

 21   contre certains membres des services du contre-renseignement de Zagreb,

 22   qui, pour autant que je m'en souvienne, s'appelaient les Chiens labrador.

 23   Donc ils nous ont mis à bord d'un avion et nous sommes allés, en avion

 24   donc, de Belgrade à Zagreb.

 25   Q.  Et pendant cette période de détention, est-ce qu'il y a eu des chefs

 26   d'accusation dressés contre vous, si tant est qu'il y en ait eu ?

 27   R.  Lorsque je me suis trouvé à Mitrovica, on ne m'a rien reproché. J'ai dû

 28   tout simplement rédiger une déclaration, j'ai dû également répondre à des


Page 3679

  1   questions à propos des blessés, à propos d'inhumations. Lorsque je me suis

  2   trouvée à Belgrade pour cette période de deux jours, là j'ai été accusée

  3   d'avoir lancé des appels et d'avoir, en fait, mis en place un service de

  4   soins sanitaires lors de l'agression contre Vukovar. J'ai été accusée

  5   d'avoir rédigé des appels et on m'a accusée de les avoir envoyés au monde

  6   entier, appels dans lesquels j'indiquais que la JNA était une armée de

  7   criminels et une armée qui agressait. Et de toute façon, c'est ce que j'ai

  8   toujours dit et je continue à l'avancer.

  9   Donc, à un moment donné, il y a un tribunal militaire qui a été mis en

 10   place. Je dois dire que j'étais un peu appréhensive à ce moment-là, parce

 11   que je me suis dit que cela allait prolonger ma détention. Un conseil de la

 12   Défense a été nommé ex officio. Donc, là, je dois dire qu'il était très

 13   calme. Il s'est adressé à moi. C'était un militaire qui m'a dit que je ne

 14   devrais pas être préoccupée, que je n'allais pas passer beaucoup de temps

 15   en prison parce que la seule chose qui m'était reprochée était en quelque

 16   sorte un délit verbal, oral.

 17   Q.  Docteur, j'aimerais maintenant que nous nous intéressions au document

 18   suivant de la liste 65 ter 5128, à l'onglet 106. Docteur, est-ce que vous

 19   voyez le document qui se trouve sur votre écran ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Ce document porte la date du 11 décembre 1991, et en haut du document,

 22   vous voyez qu'il est indiqué -- enfin, vous trouvez votre nom, Dr Vesna

 23   Bosanac, et Dr Juraj Njavro. Il est indiqué que vous avez été libérés, et

 24   il y a une date qui est indiquée. Mais ça, c'est --

 25   R.  C'est exact, mais je ne trouve pas ce que vous venez de nous lire. Ah,

 26   maintenant je l'ai trouvé. Très bien. Donc nous avons été libérés le 10

 27   décembre.

 28   Q.  Fort bien. Page 2 de la version B/C/S. Vous pouvez conserver la même


Page 3680

  1   page pour la version anglaise.

  2   Donc, tout en haut de la page de la version B/C/S, vous pouvez voir qu'il y

  3   a un paragraphe où il est indiqué qu'il n'y a toujours aucune nouvelle à

  4   propos du journaliste Sinisa Glavasevic.

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Vous avez indiqué que lorsque les observateurs européens vous avaient

  7   rendu visite, ils étaient à la recherche des médecins de l'hôpital et de

  8   Sinisa Glavasevic. Est-ce que vous savez pourquoi est-ce qu'ils étaient à

  9   la recherche de M. Glavasevic ?

 10   R.  Non, je ne le sais pas. Mais je suppose qu'ils avaient envoyé le même

 11   genre d'appel pour lui, tout comme dans mon cas et dans le cas des autres

 12   médecins de l'hôpital. Je suppose que c'étaient nos collègues et nos amis

 13   qui le faisaient. Et les journalistes, j'imagine, étaient également à la

 14   recherche de Sinisa Glavasevic. Car il envoyait des reportages quotidiens à

 15   la radio, il envoyait des fax, des messages, il envoyait des rapports

 16   également ou des reportages à son association de journalistes. C'est la

 17   raison pour laquelle, je suppose, ils avaient demandé qu'il soit libéré,

 18   tout comme Branimir Polovina, qui se trouvait souvent aux côtés de Sinisa

 19   Glavasevic. Ils travaillaient tous les deux pour la Radio croate de

 20   Vukovar.

 21   Q.  Si vous reprenez la première page de la version B/C/S - merci - vous

 22   voyez cinq noms au milieu de la page. Donc le premier nom est le vôtre,

 23   ensuite Dr Njavro, Sinisa Glavasevic, Branimir Polovina que vous venez de

 24   mentionner, ainsi que Marin Vidic, Bili. Savez-vous ce qu'il est advenu de

 25   Marin Vidic, Bili, parce que je pense que vous avez dit que lui aussi avait

 26   été emmené avec vous à Sremska Mitrovica ?

 27   R.  Oui, oui, Marin Vidic, Bili, a effectivement été conduit à Mitrovica.

 28   Il a été emprisonné à Mitrovica pendant toute la période jusqu'au moment où


Page 3681

  1   il a fait l'objet d'un échange le 13 août 1992. C'est ce jour-là que la

  2   plupart des gens ont été échangés. C'était un échange qui portait sur de

  3   nombreuses personnes et qui suivait toute une série de négociations. Il y a

  4   de nombreuses personnes de Vukovar qui avaient fait l'objet d'un échange

  5   plus tôt, en décembre, puis en mai 1992. Moi, j'ai participé à tous ces

  6   échanges parce que nous étions constamment à la recherche des personnes

  7   portées disparues. J'étais également à la recherche des membres de la

  8   famille de mon beau-père. Donc j'étais à la recherche de nombreuses

  9   personnes, et j'ai voyagé un peu aux quatre coins du monde, à Bruxelles, à

 10   Londres, à Washington, aux Etats-Unis, ainsi qu'à Zagreb d'ailleurs. Et

 11   lorsque je me suis trouvée là-bas, à Zagreb donc, j'ai travaillé en tant

 12   que conseillère pour les questions humanitaires au sein du ministère de la

 13   Santé. Donc j'ai fait partie ou j'ai participé à de nombreuses

 14   négociations. Et Marin Vidic, lui, a fait l'objet d'un échange qui

 15   s'inscrivait dans un échange assez important le 13 août 1992.

 16   Q.  Une petite précision, Docteur. Au début de la réponse, vous avez fait

 17   référence à une date, la date du 3 août, puis ensuite vous avez parlé du

 18   13. Quelle est la date exacte ?

 19   R.  Non, non, c'est le 13, la date exacte -- ah, ou peut-être le 14, en

 20   fait. Parce qu'il y a eu un seul échange en août 1992.

 21   Q.  Au début de votre réponse, je vois qu'il est indiqué "Marin Vidovic".

 22   C'est comme cela que le nom a été consigné, mais ce n'est pas le nom que

 23   vous aviez dit. Vous avez dit "Marin Vidic", n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui. Marin Vidic.

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 26   dossier de ce document.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document sera versé au dossier.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 5128 deviendra la pièce


Page 3682

  1   P1472.

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je pense que le moment est maintenant

  3   peut-être venu de faire la pause, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Tout à fait.

  5   Madame, Docteur Bosanac, c'est notre deuxième pause. Nous allons

  6   revenir à 12 heures 45. Et M. l'Huissier va vous accompagner hors du

  7   prétoire. Merci.

  8   [Le témoin quitte la barre]

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons faire la pause.

 10   --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

 11   --- L'audience est reprise à 12 heures 46.

 12   [Le témoin vient à la barre]

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Monsieur Demirdjian, poursuivez,

 14   je vous prie.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 16   Q.  Madame Bosanac, je souhaiterais vous poser une question qui a trait à

 17   quelque chose que vous avez dit un peu plus tôt. J'aimerais vous demander

 18   de repenser à ce qui a précédé votre détention à Sremska Mitrovica. Vous

 19   vous souvenez peut-être qu'un peu plus tôt, je vous avais demandé quelle

 20   était la situation qui prévalait en matière de bombardement les 19 et 20.

 21   Vous vous souvenez de cette question ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Etes-vous en mesure d'indiquer aux Juges quelle était la situation à ce

 24   sujet le 18 novembre ?

 25   R.  Le matin du 18, la situation était assez calme. C'était une belle

 26   journée ensoleillée, un peu comme aujourd'hui, et nous attendions tous

 27   d'être évacués. Toutefois, personne n'est venu se présenter et les

 28   bombardements ont commencé. Les obus provenaient de la rive gauche du


Page 3683

  1   Danube. Les engins explosifs survolaient l'hôpital et la ville. Je ne sais

  2   pas, d'ailleurs, où ils ont atterri. Ce n'était pas comme les autres jours.

  3   Il y avait moins de bombardements, certes, mais il y a quand même eu des

  4   bombardements, le 18. Les 19 et 20, là, il n'y a plus eu de bombardements.

  5   La situation -- enfin, tout était calme à ce niveau-là.

  6   Q.  Vous nous dites que les obus venaient de la rive gauche du Danube le

  7   18, et qu'ils survolaient l'hôpital, mais est-ce que vous savez dans quelle

  8   direction ils tiraient ?

  9   R.  Vers Bogdanovci.

 10   L'INTERPRÈTE : Et les interprètes souhaiteraient que le témoin répète le

 11   deuxième nom.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela se trouve dans la partie sud-ouest de la

 13   ville. Je ne sais pas exactement où sont tombés les obus. Tout ce que je

 14   sais, c'est qu'ils ne sont pas tombés sur l'hôpital.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 16   Q.  Vous avez mentionné Bogdanovci et un autre village dont les interprètes

 17   n'ont pas compris le nom. Est-ce que vous pourriez répéter ce deuxième nom

 18   ?

 19   R.  Marinci. C'est le village le plus proche de Bogdanovci. C'est vers

 20   Nustar.

 21   Q.  Et est-ce que vous savez pourquoi les bombardements ont repris le 18

 22   novembre ?

 23   R.  Non. Je ne le sais pas. Je n'en sais rien. Par la suite, j'ai eu

 24   l'impression que puisqu'il y avait eu bombardement, l'évacuation n'aurait

 25   pas pu avoir lieu ce jour-là, que cela aurait été une excuse, parce que les

 26   observateurs européens m'ont téléphoné et ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient

 27   pas passer, puisque la JNA ne pouvait absolument pas garantir leur sécurité

 28   puisqu'il y avait encore des combats. Mais ceci étant, je ne sais pas


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  1   pourquoi.

  2   Q.  Bien. Je souhaiterais maintenant que vous pensiez à nouveau à la

  3   période qui a suivi votre libération de la prison de Sremska Mitrovica.

  4   Est-ce que vous pourriez dire aux Juges ce que vous avez fait lorsque vous

  5   avez été dans cet avion de Belgrade en Croatie, une fois que vous êtes

  6   arrivé là-bas, est-ce que vous avez assumé des fonctions ?

  7   R.  Oui, j'ai commencé à travailler au ministère de la Santé. J'étais

  8   conseillère pour les questions humanitaires. Je suis restée directrice du

  9   centre médical de Vukovar en exil.

 10   Q.  Et dans le cadre de votre rôle en tant que conseillère pour les

 11   questions humanitaires, que faisiez-vous ?

 12   R.  Ma fonction essentielle - et la plus importante d'ailleurs - consistait

 13   à rechercher les personnes qui avaient été détenues, qui étaient portées

 14   disparues ainsi que les blessés de l'hôpital de Vukovar. J'ai essayé

 15   d'aider toutes les personnes déplacées et j'ai également apporté mon

 16   assistance dans le cadre de la mise en place de travail pour le personnel

 17   médical en exil, et j'ai également eu d'autres tâches.

 18   Q.  Dans le cadre de votre travail qui consistait à chercher ceux qui

 19   étaient détenus, portés disparus et blessés - et il s'agissait toujours des

 20   personnes de l'hôpital de Vukovar - j'aimerais savoir dans quelle mesure

 21   vous avez été en mesure d'effectuer cette composante de votre fonction ?

 22   R.  J'ai beaucoup travaillé pour consigner les dépositions et les

 23   déclarations des personnes qui avaient été détenues et qui, en fait,

 24   avaient fait partie de l'évacuation de Vukovar. J'ai également continué à

 25   rédiger et à écrire des appels concernant la situation des blessés. Je me

 26   suis souvent déplacée. J'ai, par exemple, rencontré Lord Carrington, Cyrus

 27   Vance, je suis allée au siège d'Amnistie internationale à Londres. Je suis

 28   allée à Bruxelles et à Paris pour y voir Bernard Kouchner. J'ai participé


Page 3685

  1   aux négociations menées par le CICR avec la Croix-Rouge serbe, ou la Croix-

  2   Rouge de ce qui était à l'époque l'ex-Yougoslavie. Il s'agissait en fait

  3   d'identifier et de reconnaître les personnes qui avaient été détenues ou

  4   qui étaient détenues en Serbie.

  5   J'ai assisté à tous les échanges, j'ai parlé à beaucoup de personnes,

  6   à beaucoup de personnes détenues qui avaient été libérées. J'ai écrit à ce

  7   sujet, j'ai rédigé des rapports, j'ai eu des réunions avec différentes

  8   organisations qui recherchaient les personnes portées disparues et

  9   détenues.

 10   Q.  Fort bien. Il y a un moment, vous avez mentionné le fait que vous aviez

 11   participé à des négociations dirigées par le CICR. J'aimerais savoir dans

 12   quel type d'endroit est-ce que ces négociations ont eu lieu ?

 13   R.  Il y a des commissions de négociation qui ont été mises sur place à

 14   Genève ainsi qu'à Budapest, en Hongrie. J'ai lu leurs rapports et pendant

 15   un certain temps, pendant l'été de l'année 1992, j'ai également été membre

 16   de cette commission.

 17   Q.  Est-ce que vous savez quand est-ce que ces négociations ont commencé ?

 18   R.  Ces négociations ont commencé dès le mois de décembre 1991, et sur la

 19   base du fait du travail accompli par ces commissions et lors de ces

 20   négociations, il y a des détenus qui ont été libérés de nombreuses prisons

 21   dès l'année 1991 et également 1992, d'ailleurs.

 22   Q.  J'aimerais vous présenter le procès-verbal d'une de ces réunions. Il

 23   s'agit du document 6402 de la liste 65 ter, onglet 115. Est-ce que vous

 24   voyez ce procès-verbal, Docteur ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Vous voyez qu'il s'agit d'une réunion qui a eu lieu à Pec le 2 avril

 27   1992. Premièrement, est-ce que vous pourriez nous dire où se trouve Pec ?

 28   R.  Pec est une ville qui se trouve en Hongrie, tout près de la frontière


Page 3686

  1   avec la Croatie.

  2   Q.  Fort bien. Nous voyons donc les noms des représentants de différents

  3   organes. Donc, nous voyons, dans un premier temps, les représentants du

  4   Conseil exécutif fédéral. Pourriez-vous nous dire de quel Etat ou pays il

  5   s'agissait ?

  6   R.  D'après ce que je peux en déduire des noms, je suppose qu'il s'agissait

  7   des personnes originaires de l'ex-Yougoslavie, bien que je ne les connaisse

  8   pas personnellement. Je connais les membres de la délégation croate.

  9   Q.  Fort bien. Est-ce que vous pourriez nous dire rapidement qui sont les

 10   membres de la délégation croate ?

 11   R.  Le Dr Ivan Simonovic, il était membre de la commission au nom et il

 12   représentait la Croatie. C'est un avocat de profession. Ensuite, vous avez

 13   Nenad Javornik, qui était le secrétaire de la Croix-Rouge croate. Ensuite,

 14   Mme Dubravka Horvat, qui représentait également la Croix-Rouge croate.

 15   Ivica Kopjar, quant à lui, était secrétaire de la Croix-Rouge croate à

 16   Osijek. Et puis le Dr Davor Strinovic qui est médecin pathologiste de

 17   l'université de médecine de l'Université de Zagreb. C'est un expert dans le

 18   domaine de l'identification.

 19   Q.  Et vous voyez qu'au bas de la page nous avons les noms des

 20   représentants de l'armée populaire yougoslave. Est-ce que vous connaissez

 21   les noms de ces personnes ?

 22   R.  Oui. Les noms, oui, évoquent quelque chose. Je les connais, ces noms,

 23   mais je ne les connais pas personnellement. Je les ai tout simplement

 24   rencontrés lors de deux réunions alors que je représentais la commission.

 25   Q.  En bas de la page, nous voyons les représentants du CICR. Je crois

 26   qu'en B/C/S nous ne voyons qu'un nom. Les deux autres noms se trouvent sur

 27   la page suivante. S'agit-il de noms que vous connaissez ?

 28   R.  Oui. Je connais ce Paul Bonard personnellement, qui participait de


Page 3687

  1   façon régulière à ces réunions. Et par la suite, il a participé à cet

  2   échange très important de prisonniers en août 1992.

  3   Q.  Merci. Je souhaite maintenant vous demander de regarder la page 5 en

  4   anglais et en B/C/S. Dans la version en B/C/S, nous allons faire défiler le

  5   texte vers le bas de page. C'est tout en bas, s'il vous plaît. Merci

  6   beaucoup.

  7   Madame, est-ce que vous voyez le point VI "Information sur les blessés de

  8   l'hôpital de Vukovar" ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Ici, il est dit que le Dr Simonovic a apporté son commentaire et a

 11   indiqué que la partie croate n'était pas satisfaite avec les données reçues

 12   sur les blessées à l'hôpital de Vukovar, car il s'agit de listes

 13   incomplètes et, d'après les estimations, il y avait 390 blessés à l'hôpital

 14   de Vukovar.

 15   Que pouvez-vous nous dire à propos de ce chiffre et des propos du Dr

 16   Simonovic ?

 17   R.  Je vous ai dit, lorsque nous avons abordé cette question avec le Dr

 18   Hebrang et moi-même, que lorsque nous nous sommes entretenus au téléphone,

 19   nous avons parlé du nombre d'ambulances et de véhicules dont nous avions

 20   besoin pour l'évacuation de l'hôpital, et je vous ai dit qu'il y avait

 21   environ 450 patients et blessés qui se trouvaient dans l'hôpital de

 22   Vukovar, parmi lesquels 360 blessés et 46 blessés graves qui étaient

 23   immobilisés et qui ne pouvaient se déplacer et qui se trouvaient dans le

 24   service des soins intensifs. Et au total, le nombre total de personnes se

 25   trouvant dans l'hôpital de Vukovar était de 700 environ. C'est sans doute

 26   en se fondant sur ces informations-là que le Dr Simonovic souhaitait

 27   établir des listes de tous ces patients et de tous ces blessés qui

 28   attendaient l'évacuation.


Page 3688

  1   Q.  Si nous regardons la page suivante en B/C/S, maintenant, s'il vous

  2   plaît, et si on reste sur la même page en anglais, en haut de la page, on

  3   peut lire en B/C/S -- oui. Et on indique que :

  4   "D'après le Dr Simonovic, des listes complètes ont été remises par le

  5   Dr Bosanac au commandant Sljivancanin, en présence de témoins, ainsi qu'un

  6   carnet et l'ordinateur contenant des informations complètes."

  7   Pourriez-vous commenter ce paragraphe pour les Juges de la Chambre,

  8   s'il vous plaît ?

  9   R.  Je pense que ce qui est consigné ici n'est pas tout à fait exact, car

 10   je n'ai pas remis les dossiers médicaux ni l'ordinateur. J'ai remis - en

 11   présence de Sljivancanin - à M. Borsinger la liste de tous les blessés et

 12   patients, alors que l'ordinateur et les dossiers médicaux se trouvaient

 13   dans mon bureau, car j'attendais l'évacuation. Et dans l'intervalle,

 14   lorsqu'on m'a emmenée et je suis revenue. J'ai appris que tous ces

 15   documents avaient été emmenés à Belgrade, car j'ai vu dans un hebdomadaire

 16   serbe, Ilustrovana Politika, une interview de Stankovic à Belgrade, un

 17   médecin légiste ou un pathologiste qui s'est occupé des identifications à

 18   Vukovar. Dans l'article de journal, il y avait des photographies et j'ai vu

 19   qu'ils avaient notre ordinateur en leur possession qui était resté à

 20   l'hôpital après qu'ils m'ont emmenée.

 21   Q.  Alors, je souhaite maintenant que vous regardiez le bas de cette page

 22   en B/C/S, et en anglais il nous faut passer à la page suivante, s'il vous

 23   plaît.

 24   Est-ce que vous voyez cela en bas de la page ? Il y a un paragraphe

 25   où le colonel Starcevic -- où on rapporte ses propos. Est-ce que vous voyez

 26   ce passage vers le bas de la page ?

 27   R.  Je vois ce qui est écrit en bas, à savoir que l'hôpital de Vukovar doit

 28   être neutre. Cependant, cet accord n'a pas été accepté par la JNA, car le


Page 3689

  1   CICR avait demandé avoir un accès exclusif à l'hôpital. La JNA est entrée à

  2   l'hôpital et y a trouvé 100 hommes armés qui n'avaient pas un seul -- et je

  3   ne vois pas ce qui est écrit d'autre car c'est la fin de la page, mais ce

  4   qui est écrit ici, qu'il y avait 100 hommes armés dans l'hôpital, n'est pas

  5   exact, n'est pas vrai.

  6   Q.  Alors, vous pouvez voir le reste de ce paragraphe en haut de la page,

  7   et il poursuit en disant --

  8   R.  Et il n'y avait aucune raison pour qu'ils soient dans l'hôpital. Karlo

  9   Crk était le directeur de l'usine Vupik, et à titre d'exemple, son nom

 10   figurait sur la liste du personnel médical.

 11   Cela n'est pas vrai qu'il y avait 100 personnes armées. Et

 12   deuxièmement, ce Karlo Crk était là en tant que civil dans l'hôpital. Il

 13   travaillait pour la police, il préparait la nourriture, car avant la guerre

 14   il travaillait à l'abattoir de Vupik, où il dirigeait cet abattoir, et il

 15   préparait la nourriture, de la viande, pour la police et l'armée, l'armée

 16   croate et l'hôpital. C'était un civil et il n'était pas armé.

 17   Q.  Alors, deux paragraphes plus loin, on peut lire ce qui suit :

 18   "Colonel Starcevic a affirmé que le commandant Sljivancanin n'a

 19   jamais obtenu ladite liste".

 20   Que pourriez-vous nous dire à ce propos, car vous avez dit avoir

 21   remis les listes à M. Borsinger ?

 22   R.  Oui, effectivement, je l'ai fait, j'ai remis cela à M. Borsinger en

 23   présence de Sljivancanin, la liste des patients et des blessés, alors que

 24   la liste du personnel médical a été préparée par l'administrateur de ce

 25   conseil, et le lendemain j'ai été emmenée. Donc, je ne sais pas s'ils

 26   disposaient de la liste du personnel ou pas.

 27   Q.  Alors, est-ce que nous pouvons maintenant passer à la page suivante en

 28   B/C/S, s'il vous plaît. Nous restons sur la même page en anglais. Et nous


Page 3690

  1   pouvons faire défiler le texte vers le bas. Pardonnez-moi, ce n'est pas ce

  2   que je cherche en B/C/S. C'est la page 7 en B/C/S que je souhaite afficher.

  3   Ah, nous sommes déjà sur la page 7. Pardonnez-moi. Et en anglais, faites

  4   défiler le texte vers le bas. Oui. Merci beaucoup.

  5   Vous voyez qu'ici un paragraphe qui fait figurer des propositions

  6   faites par le Dr Simonovic, et au point 2 il propose que l'accord sur la

  7   neutralité de l'hôpital -- car il dit que ceci a été, effectivement, signé

  8   par général Raseta et Hebrang, et ensuite il demande à ce que soit

  9   organisée une audience pour le commandant Sljivancanin, le Dr Bosanac et le

 10   colonel Vojnovic.

 11   Nous avons entendu parler du commandant Sljivancanin et du Dr

 12   Bosanac. Savez-vous qui était le colonel Vojnovic ?

 13   R.  Je ne connais pas cet homme personnellement, mais je pense que ce

 14   colonel Vojnovic était censé prendre le contrôle de l'hôpital pour le

 15   compte de l'Académie médicale militaire. Lorsque cette réunion a été

 16   organisée le 20, je crois que j'ai entendu parler par le Dr Njavro que le

 17   nom de cette personne était le colonel Vojnovic.

 18   Q.  Alors, y a-t-il jamais eu une audience à laquelle auriez assisté le

 19   commandant Sljivancanin et vous-même ?

 20   R.  Non.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, puis-je demander le

 22   versement au dossier de ce document, s'il vous plaît, numéro 65 ter 6402 ?

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il sera admis et versé au dossier.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, le numéro 65 ter

 25   6402 recevra la cote P1473.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Alors vous avez dit, Madame, aujourd'hui avoir participé à certaines de


Page 3691

  1   ces réunions. Quand avez-vous participé à une réunion de cette commission

  2   pour la première fois ?

  3   R.  La première fois que j'ai participé à ce type de réunion, c'était

  4   pendant l'été. Je crois que c'était au mois de juin 1992, parce que j'ai vu

  5   ces rapports, et j'ai vu que les derniers points concernaient les blessés

  6   de Vukovar qui ne pouvaient être identifiés. Personne ne saurait dire ce

  7   qu'il était advenu de ces personnes. C'était à l'époque où j'étais très

  8   impliquée dans la recherche du sort des blessés. J'ai fait des recherches

  9   un peu partout. J'ai insisté auprès du Pr Hebrang et de M. Kostic, qui

 10   faisait partie de la délégation à Genève, insisté pour faire partie de ces

 11   négociations. Et donc, à ces deux occasions-là j'ai participé. Ce qui se

 12   passait, j'ai suggéré que l'on fasse venir des experts devant cette

 13   commission : le Dr Stankovic, qui s'occupait des identifications, ainsi que

 14   le Dr Strinovic, afin qu'ils fournissent un rapport sur l'identification

 15   des morts. J'ai également proposé que la commission entende des témoins ces

 16   personnes qui étaient à bord des autocars qui ont quitté l'hôpital, Emil

 17   Cakalic et Guncevic, et j'ai dit que ces personnes-là devaient assister à

 18   la réunion de la commission qui s'est tenue à Hongrie.

 19   Q.  Donc, Madame, est-il exact que les procès-verbaux de ces réunions sont

 20   également disponibles ?

 21   R.  Je pense que oui.

 22   Q.  Au cours de cette période après votre libération et pendant l'année

 23   1992, quelle information était à votre disposition concernant le sort des

 24   patients et du personnel de l'hôpital de Vukovar ?

 25   R.  Compte tenu du fait que le CICR et des services menant les recherches

 26   ne fournissaient aucune réponse au sujet de personnes qui avaient été

 27   emmenées de l'hôpital à Vukovar, et que ces personnes étaient toujours

 28   portées disparues, et c'est d'après mon vécu personnel que je sais cela,


Page 3692

  1   parce que je recherchais moi-même mon beau-père, je soupçonnais qu'ils

  2   n'étaient plus en vie. Et ces témoins qui avaient été relâchés dans le

  3   cadre d'un échange, Emil Cakalic et Stjepan Guncevic, m'ont dit qu'ils

  4   avaient aperçu mon beau-père dans ce hangar à Ovcara, avec d'autres

  5   personnes que je connaissais, mais ces personnes-là ne figuraient pas sur

  6   les listes du CICR ou sur d'autres listes d'autres services qui

  7   participaient aux recherches des personnes portées disparues, et nous

  8   n'avons jamais eu de confirmation de leur part.

  9   Q.  Quand Emil Cakalic et Stjepan Guncevic vous ont-ils donné ces

 10   informations, à quel moment ?

 11   R.  Lorsqu'ils ont été relâchés de prison. Je vois qu'il est écrit ici

 12   Stjepan Guncevic. Après avoir passé du temps dans ce hangar à Ovcara, ces

 13   hommes ont été ramenés à Velepromet ou Moditeks, un de ces centres de

 14   rassemblement, après quoi ils ont passé du temps dans les prisons serbes et

 15   ont été libérés. Après leur libération, je leur en ai parlé.

 16   Q.  Alors je ne sais pas si la date ou le mois sont exacts. Pourriez-vous

 17   nous dire à quel moment cela s'est passé, lorsqu'ils ont été relâchés de

 18   prison ?

 19   R.  Je crois que c'était au mois de mai 1992, mais je crois qu'il existe

 20   (expurgé)

 21   (expurgé)

 22   (expurgé)

 23   Q.  Aviez-vous accès à la zone de Vukovar après avoir été relâchée de

 24   prison ?

 25   R.  Non. Je suis retournée à Vukovar pour la première fois en 1996.

 26   Q.  Et de quelles informations disposiez-vous, pour autant que vous en

 27   ayez, en 1992 par rapport à ce qui se passait à Vukovar après votre

 28   libération de Sremska Mitrovica ?


Page 3693

  1   R.  Oui. Comme je vous l'ai dit, nous disposions d'information provenant de

  2   personnes qui sortaient de Vukovar en passant soit par la Hongrie ou soit

  3   que ces personnes aient été libérées dans le cadre d'un échange de

  4   prisonniers.

  5   Q.  En ce qui concerne le début de l'année 1992, avez-vous reçu des

  6   informations sur ce qui se passait dans la ville même de Vukovar ?

  7   R.  J'ai découvert qu'un gouvernement serbe avait été établi à Vukovar et

  8   que toute personne qui était restée a été soumise à la torture, de nombreux

  9   Croates ont été chassés, et je me souviens en particulier d'un journaliste

 10   qui était dans quelque chose qui ressemblait à un camp de travail où on les

 11   obligeait à enterrer les morts. Il y avait également le mari d'une

 12   infirmière qui est venu. Il faisait partie d'un groupe qui enterrait les

 13   morts, et il nous a apporté des listes.

 14   Nous avons reçu des informations de personnes qui ont quitté

 15   tardivement Vukovar. Une femme âgée, qui était la belle-mère d'une de nos

 16   infirmières, est venue me voir et a dit que son mari avait été emmené

 17   également, qu'il avait été tué, que son enfant avait été emmené en Serbie.

 18   Nous recevions toutes sortes d'informations sur la torture dont ces

 19   personnes ont fait l'objet à ce moment-là en 1992.

 20   Q.  Vous nous avez expliqué un peu plus tôt que vous avez continué à

 21   envoyer ces appels après votre remise en liberté. Pourriez-vous regarder le

 22   document suivant, qui est le numéro 65 ter 5902, intercalaire 108, s'il

 23   vous plaît.

 24   Non, excusez-moi. Ce n'est pas le bon document. Est-ce qu'on peut le

 25   retirer. Un instant, s'il vous plaît.

 26   [Le conseil de l'Accusation et le commis à l'affaire se concertent]

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] En fait, il s'agit d'une erreur qui est de

 28   mon fait, Messieurs les Juges. Excusez-moi. Le document qu'il nous faut est


Page 3694

  1   le 1037 de la liste 65 ter, onglet numéro 52.

  2   Q.  Madame Bosanac, reconnaissez-vous ce document ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Il est daté du 22 avril 1992, après votre libération. Est-ce que vous

  5   pourriez nous préciser le contexte de l'envoi de cet appel ?

  6   R.  Oui. J'ai envoyé ceci après avoir reçu la visite de ces deux femmes qui

  7   m'ont décrit de quelle façon cette infirmière et le mari de cette dernière

  8   avaient été tués. J'ai souhaité au moins tenter quelque chose pour essayer

  9   de protéger les personnes qui étaient restées sur place.

 10   Q.  A qui avez-vous envoyé cet appel ?

 11   R.  A l'époque, il y avait à Zagreb un bureau des Nations Unies qui était

 12   chargé des questions humanitaires pour le HCR et l'ONURC. Nous le leur

 13   avons envoyé.

 14   Q.  Merci.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demande le versement de ceci.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1037 de la liste 65 ter

 18   reçoit la cote P1474.

 19   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, ceci conclut mon

 20   interrogatoire principal et, comme annoncé précédemment, en fonction de

 21   l'évolution de l'audience, nous serons peut-être amenés à rouvrir notre

 22   interrogatoire principal demain au sujet du DVD que Mme Bosanac nous a

 23   fourni le week-end dernier.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup.

 25   Maître Gosnell.

 26   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Contre-interrogatoire par M. Gosnell : 

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Bosanac.

 


Page 3695

  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Je me nomme Christopher Gosnell et je représente ici M. Hadzic, et je

  3   vais vous poser une série de questions, et je ne crois pas que nous ne

  4   débordions sur la journée de demain. Si jamais, à quelque moment que ce

  5   soit, mes questions ne sont pas assez claires ou si vous avez besoin de

  6   davantage de précisions, n'hésitez pas à me le signaler et je ferai de mon

  7   mieux. Comprenez-vous ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Je voudrais d'emblée vous demander quelques détails au sujet de

 10   l'évacuation de l'hôpital et des civils qui s'y trouvaient les 19 et 20

 11   novembre. Pour commencer, j'aimerais que nous nous penchions une fois

 12   encore sur l'accord d'évacuation.

 13   Pouvons-nous afficher la pièce P1461 qui est à l'onglet numéro 35 du

 14   classeur de l'Accusation.

 15   Madame, vous avez déjà déposé au sujet du document qui va s'afficher devant

 16   vous. Vous rappelez-vous quand vous avez vu pour la première fois ce

 17   document ?

 18   R.  En tant que document à proprement parler, je l'ai vu pour la première

 19   fois après ma sortie de prison. Je ne l'avais pas vu avant à Vukovar.

 20   Q.  Ai-je raison de dire que c'est M. Hebrang qui vous avait donné des

 21   informations au sujet de la teneur de cet accord ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Alors, je voudrais attirer votre attention sur quelques aspects qui

 24   n'ont pas été traités par l'Accusation. Si nous nous penchons sur le

 25   paragraphe numéro 1, nous verrons qu'il indique les différentes parties à

 26   l'accord. Est-ce que le Dr Hebrang, si vous vous en souvenez, vous a

 27   explicitement informé du fait que la JNA était partie à cet accord ?

 28   R.  Oui. Il m'a dit que le général Raseta représentait la JNA, l'armée


Page 3696

  1   populaire yougoslave.

  2   Q.  Au paragraphe numéro 2, il est dit :

  3   "La République de Croatie et la YPA, l'armée populaire yougoslave, ont

  4   entrepris de garantir un cessez-le-feu dans le secteur de l'hôpital de

  5   Vukovar et le long de l'itinéraire convenu pour l'évacuation."

  6   Est-ce que M. Hebrang vous a dit que le cessez-le-feu était censé

  7   s'appliquer non seulement aux secteurs de l'hôpital mais également à

  8   l'ensemble de l'itinéraire d'évacuation ?

  9   R.  Il ne me l'a pas dit de façon aussi précise que vous le dites dans

 10   votre question, mais il m'a dit qu'un accord avait été signé, que les tirs

 11   allaient cesser et les attaques également et qu'on procéderait à un début

 12   d'évacuation organisé par le CICR et la Mission d'observation de la

 13   Communauté européenne.

 14   Q.  Vous a-t-il informé, en termes généraux, que les parties avaient la

 15   responsabilité d'assurer la sécurité des convois d'évacuation ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Le paragraphe 2 se poursuit ainsi :

 18   "Cette garantie comprendra tant les effectifs réguliers que les unités

 19   irrégulières se trouvant dans les secteurs dont ils et elles auraient la

 20   responsabilité pendant l'opération d'évacuation."

 21   Je sais que beaucoup de temps s'est écoulé depuis, mais vous rappelez-vous

 22   peut-être si M. Hebrang vous a informé du fait que cet accord ne comprenait

 23   pas uniquement la JNA en tant que tel, mais également des unités

 24   irrégulières telles qu'elles sont décrites ici et qui pouvaient

 25   éventuellement être associées à la JNA ?

 26   R.  Il ne m'en a pas fait état avec autant de précision. Il ne m'a pas

 27   précisément expliqué chaque article de l'accord. Il m'a seulement dit que

 28   l'hôpital allait être une zone neutre. Il m'a demandé combien il fallait


Page 3697

  1   préparer d'ambulances et d'autocars pour procéder à l'évacuation et m'a dit

  2   que tout serait organisé par le CICR et la Mission d'observation de la

  3   Communauté européenne.

  4   Q.  Au point numéro 4 de cet accord, il est dit :

  5   "La JNA fournira des véhicules militaires appropriés aux fins du transfert

  6   de Vukovar à Zidine."

  7   Est-ce que selon vous les patients étaient censés être transportés à bord

  8   de véhicules de la JNA ?

  9   R.  Oui, c'est ce que j'ai compris. C'est l'itinéraire que j'ai également

 10   compris, celui qui figure au point 3. Vukovar, Priljevo, Luzac, Bogdanovci.

 11   Et j'ai compris qu'à bord de véhicules de la JNA, ils seraient transférés

 12   jusqu'à Nustar, d'où ils passeraient dans des ambulances ou des autocars

 13   fournis par le ministère de la Santé de la République de Croatie.

 14   Q.  Merci, Madame Bosanac.

 15   M. GOSNELL : [interprétation] J'en ai fini avec ce document, qu'on peut

 16   donc retirer de l'affichage.

 17   Q.  Docteur, si j'ai bien compris votre déposition plus tôt aujourd'hui,

 18   vous vous êtes aventurée à l'extérieur de l'hôpital dans la matinée du 19

 19   novembre et vous vous êtes dirigée vers un pont ferroviaire. Vous rappelez-

 20   vous avoir déclaré ceci ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et lorsque vous êtes arrivée à ce pont ferroviaire, vous avez vu ce que

 23   vous avez décrit comme étant des réservistes ainsi que des membres de

 24   différents effectifs paramilitaires. Est-ce que vous vous en souvenez ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce que ces forces paramilitaires comprenaient également des

 27   individus portant de longues barbes ?

 28   R.  Il s'agissait d'un camion militaire qui était plein de soldats


Page 3698

  1   présentant une apparence différente. Vous savez, les uniformes vert olive.

  2   Il y avait des gens en civil. Ils étaient vêtus de façon différente, mais

  3   je n'ai reconnu personne parmi eux. Ceci dit, je n'y suis pas allé seule.

  4   Il y avait Marin Vidic avec moi. Il y avait également Senka Vuko, qui était

  5   radiologue et qui intervenait comme interprète. Nous nous attendions à

  6   rencontrer des représentants du CICR, mais lorsque ces hommes nous ont vus,

  7   comme nous portions des blouses blanches de médecins, ils ont appelé l'un

  8   de leurs supérieurs en l'informant que nous étions là.

  9   L'un d'eux, qui avait un uniforme et un casque, je crois --

 10   Q.  Je vais vous demander de faire une pause maintenant pour pouvoir

 11   aborder les choses, point par point, parce que vous nous fournissez

 12   beaucoup d'information, et j'aimerais que nous parcourions tout ceci point

 13   par point.

 14   Est-ce que vous allez bien, Docteur ? Est-ce que nous pouvons

 15   continuer ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Vous avez dit ces différents soldats -- est-ce que tous ces soldats

 18   étaient ensemble dans un même camion ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et est-ce que c'était un camion de la JNA ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous avez dit qu'ils ont appelé l'un de leurs supérieurs. Pourriez-vous

 23   nous décrire le supérieur en question ?

 24   R.  Il portait également un uniforme vert olive et il avait un casque comme

 25   on a pu en voir dans ces enregistrements vidéo. En fait, j'ai vu plusieurs

 26   camions sur la route de Priljevo qui est visible de ce pont ferroviaire. Et

 27   j'ai vu pas mal de personnes qui, sur ordre de ces soldats, cheminaient

 28   dans une direction donnée. Et le supérieur hiérarchique en question a


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  1   demandé qui nous étions. J'ai répondu que nous venions de l'hôpital et que

  2   nous étions à la recherche du CICR. Il a dit alors qu'il n'y avait là

  3   aucune Croix-Rouge internationale. Je lui ai ensuite demandé s'il était

  4   possible d'appeler quelqu'un par téléphone auprès de qui il serait possible

  5   d'apprendre où se trouvait le CICR, il m'a dit qu'il ne pouvait pas faire

  6   cela.

  7   Q.  Je vais vous demander encore une fois de faire une pause maintenant,

  8   Docteur. Ce supérieur hiérarchique, portait-il un uniforme de la JNA ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Vous rappelez-vous son rang, son grade ?

 11   R.  Non.

 12   M. GOSNELL : [interprétation] Pourrions-nous afficher la pièce 1D252 qui se

 13   trouve à l'intercalaire numéro 29 de la Défense. Il nous faudrait la page

 14   numéro 28 de ce document qui est en fait une transcription faisant figurer

 15   à la même page tant le texte en B/C/S qu'en anglais.

 16   Q.  Docteur, nous avons ici un extrait d'une déclaration que vous avez

 17   faite en 1993 à un enquêteur canadien qui intervenait et enquêtait au nom

 18   de la mission d'observation de la Communauté européenne, si j'ai bien

 19   compris. Vous rappelez-vous avoir fait cette déclaration en 1993 à un

 20   enquêteur canadien ?

 21   Excusez-moi, je vais rectifier.

 22   R.  Non, je n'arrive pas à m'en souvenir. J'ai donné des déclarations, cela

 23   je m'en souviens, à la faculté de médecine au service d'information, mais

 24   je ne me rappelle pas à quelle fin.

 25   Q.  Bien. Voici ce qui a été consigné dans cette transcription de votre

 26   entretien, tel que recueilli près de deux ans après les événements. Vous

 27   décrivez cette rencontre précise et vous dites :

 28   "Un capitaine a fait son apparition. Ils s'adressaient à lui par


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  1   capitaine."

  2   Alors est-ce que ceci vous rafraîchit peut-être la mémoire, s'agissait-il

  3   d'un capitaine de la JNA lorsqu'on parle de ce supérieur ?

  4   R.  Je n'arrive vraiment pas à m'en souvenir. Probablement que oui. Mais

  5   lorsque j'ai fait cette déclaration en 1993, oui, peut-être que je m'en

  6   souvenais mieux à l'époque. Moi, je me souviens que c'était un soldat, un

  7   officier de la JNA, en tout cas, qui à ce moment-là nous a dit qu'il n'y

  8   avait pas là de croix rouge et qu'il nous a dit de rentrer à l'hôpital,

  9   qu'il ne pouvait pas les joindre et que sa tâche consistait en l'évacuation

 10   jusqu'à ce pont, mais que ce qui se trouvait au-delà de ce pont, et

 11   l'hôpital notamment, cela n'était pas dans le cadre de sa mission, ne le

 12   concernait pas. Il n'en était pas responsable, selon ses propres mots.

 13   Q.  Est-ce que, d'après vous, ce capitaine était le supérieur de tous les

 14   soldats qui se trouvaient à bord de ces camions ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Avez-vous vu des soldats portant la barbe - et lorsque je parle de

 17   soldats "portant la barbe", je veux dire membres d'effectifs paramilitaires

 18   portant la barbe assis à bord de véhicules de transport de troupes blindés

 19   de la JNA ?

 20   R.  Vous pensez à ce moment où je me suis trouvée au pont ferroviaire ou de

 21   façon générale ?

 22   Q.  Non, à cette occasion particulière.

 23   R.  Je ne peux pas dire que j'ai vu des soldats portant la barbe de façon

 24   particulière, mais ils étaient tous assez mal rasés et leur tenue était en

 25   désordre. Ceci dit, j'ai vu également de vrais paramilitaires avec des

 26   poignards et des barbes. Ils étaient à bord de véhicules de la JNA, eux

 27   aussi, et une de ces personnes nous a accompagnés sur le chemin de

 28   Negoslavci.


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  1   Q.  Ça, c'est quand vous avez été conduite à Negoslavci par l'officier de

  2   la JNA, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous nous dites que l'un de ces soldats paramilitaires portant une

  5   longue barbe vous a accompagnée, c'est cela ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Après ce qui s'est passé, donc après cet événement sur le pont

  8   ferroviaire, d'après ce que je comprends, vous êtes repartie à l'hôpital et

  9   là vous avez attendu, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et puis vers midi, midi et demi, un véhicule militaire est arrivé et

 12   des soldats de la JNA se trouvaient à bord de ce véhicule militaire, n'est-

 13   ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et vous avez parlé à quelqu'un qui s'est présenté comme étant le

 16   commandant de ces soldats de la JNA ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et à cette occasion vous lui avez demandé de poster quelqu'un à

 19   l'entrée de l'hôpital ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce qu'il vous a dit qu'il allait donc mettre de faction à cet

 22   endroit-là un membre de la police militaire ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous avez vu ce membre de la police militaire ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Quelle était sa tenue vestimentaire ?

 27   R.  Il avait un uniforme vert olive. Ils avaient également des ceinturons

 28   en cuir blanc.


Page 3702

  1   Q.  Et, bon, vous nous avez dit que les soldats sont arrivés devant

  2   l'hôpital vers midi, midi et demi. Alors combien de soldats avaient ce

  3   ceinturon blanc ?

  4   R.  Je ne m'en souviens pas exactement. Je dirais quatre, cinq.

  5   Q.  Pouvez-vous nous dire combien de soldats sont arrivés en tout à cette

  6   occasion ?

  7   R.  Une quinzaine de soldats, je ne m'en souviens pas exactement. Mais en

  8   revanche, ce que je sais c'est que dès que la jeep est arrivée, et le

  9   commandant se trouvait à bord de cette jeep, je lui ai parlé au commandant,

 10   je suis ensuite repartie à l'hôpital pour dire à mes collègues que je

 11   devais aller à Negoslavci, puis ensuite je suis partie. Alors moi je ne

 12   sais pas combien sont arrivés, combien ils étaient.

 13   Q.  Et puis ensuite vous avez cette conversation avec le colonel Mrksic à

 14   Negoslavci. Je ne vais pas vous demander de relater par le menu tout cet

 15   épisode, mais j'ai quelques questions à vous poser pour préciser la

 16   situation.

 17   Lorsque vous êtes arrivée et lorsque vous avez commencé à parler au colonel

 18   Mrksic et que vous lui avez dit qu'il fallait évacuer les patients de

 19   l'hôpital, est-ce que vous avez eu l'impression que c'était la première

 20   qu'il en entendait parler, ou est-ce que vous avez plutôt eu l'impression

 21   que le colonel Mrksic avait déjà été informé qu'un accord avait été conclu,

 22   accord portant sur l'évacuation des patients ?

 23   R.  Je pense qu'il avait été informé. Oui, oui, je le pense, parce qu'en

 24   fait il m'a dit que si nous insistions à propos de l'itinéraire Bogdanovci-

 25   Marinci-Nustar, il fallait qu'il procède au déminage de la zone de Zidine.

 26   A ce moment-là, moi je ne savais pas ce que c'était que cette zone de

 27   Zidine. Et il m'a dit qu'il s'agissait d'un polygone d'entraînement

 28   militaire et qu'il fallait qu'il démine une partie de cet endroit. Donc


Page 3703

  1   c'est comme cela que j'ai su qu'il avait été informé certainement de cet

  2   accord.

  3   Q.  Est-ce que vous avez eu l'impression que le colonel Mrksic considérait

  4   qu'il était responsable de l'exécution de l'évacuation de l'hôpital ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et est-ce que cela correspondait à ce que vous aviez entendu de la part

  7   du général Raseta à propos de l'évacuation qui avait dit que l'évacuation

  8   devait avoir lieu sous le contrôle et la supervision du colonel Mrksic ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  D'après ce que j'ai compris de vos propos, vous êtes ensuite repartie à

 11   l'hôpital, et ai-je raison d'indiquer que vous êtes arrivée vers 15 heures

 12   ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce que les policiers militaires, est-ce qu'ils étaient toujours de

 15   faction à l'entrée de l'hôpital lorsque vous y êtes arrivée ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Combien en avez-vous vu postés, en faction donc devant l'entrée de

 18   l'hôpital ?

 19   R.  Quatre.

 20   Q.  Est-ce qu'ils étaient armés ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce qu'ils ont autorisé quiconque à entrer dans l'hôpital ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Qui ?

 25   R.  Toutes les personnes qui voulaient entrer, telles que Bogdan Kuzmic et

 26   de nombreuses autres personnes qui se trouvaient dans l'hôpital. Moi je me

 27   souviens de quelque chose qui s'est passé ce soir ou le soir du 19. Marko

 28   Mandic est venu me trouver pour me dire qu'il y avait une altercation à


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  1   l'entrée. Donc je suis sortie, et là j'ai vu des hommes qui portaient un

  2   uniforme militaire et qui voulaient entrer dans l'hôpital, mais les

  3   policiers militaires ne les y ont pas autorisés. Il y a eu donc cette

  4   altercation avec force de protestations. Et, en fait, il y a eu des membres

  5   de ce groupe qui s'appelait les Aigles blancs qui voulaient entrer,

  6   notamment le fils d'un de nos collègues médecins.

  7   Lorsque je suis sortie, le médecin en question est sorti de la

  8   clinique de jour et il leur a dit qu'ils pouvaient laisser son fils passer,

  9   et ensuite il m'a dit de repartir dans mon bureau et qu'il allait s'occuper

 10   de la sécurité de l'hôpital.

 11   Je me souviens de ce problème. Je m'en souviens parce qu'ils ne

 12   laissaient pas n'importe qui entrer. Cela s'est passé dans la soirée du 19

 13   avant que je ne retourne pour la deuxième fois à Negoslavci.

 14   Q.  Et est-ce que vous vous souvenez de l'heure où vous avez vu pour la

 15   première fois -- ou du moment où vous avez vu pour la première fois le

 16   commandant Sljivancanin à l'hôpital ?

 17   R.  Je l'ai vu pour la première fois l'après-midi, vers 16 heures ou 17

 18   heures. Là, j'étais revenue de Negoslavci.

 19   Q.  Et un peu plus tôt aujourd'hui, vous avez indiqué qu'il a dit qu'à

 20   partir de ce moment-là, et je cite :

 21   "Il dirigeait l'hôpital et il devait évacuer dans un premier temps

 22   les civils."

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce qu'il vous a dit à ce moment-là qu'il évacuait les civils vers

 25   Velepromet ?

 26   R.  Non. Non, non. Il s'est contenté de dire qu'il devait évacuer les

 27   civils. J'ai l'ai entendu de la bouche de Zeljka Zgonjanic. Elle était en

 28   train de dresser une liste de civils. Elle m'a dit en fait qu'ils avaient


Page 3705

  1   fait sortir les hommes, qu'ils les avaient mis à part et que les femmes

  2   étaient restées. En d'autres termes, ils séparaient les hommes des femmes.

  3   Et je suis sortie dans la cour de l'hôpital pour voir ce qui se passait.

  4   C'est à ce moment-là que j'ai rencontré le commandant Sljivancanin.

  5   Q.  Page 46 du document qui figure sur l'écran. Docteur Bosanac, il s'agit

  6   de votre entretien de l'année 1993, et je voudrais savoir si cela va

  7   rafraîchir votre mémoire à propos de ce que le commandant Sljivancanin vous

  8   a dit, puisqu'il vous a dit qu'il allait faire sortir ces civils pour les

  9   conduire à Velepromet.

 10   Alors, je souhaiterais que le bas de la page soit affiché. Merci. Je vais

 11   vous donner lecture de l'anglais, mais il est évident que vous, vous

 12   pourrez suivre en B/C/S :

 13   "Zeljka est arrivée me trouver dans le bureau parce qu'il y avait une

 14   certaine panique. Je suis allée là-bas et j'ai vu en fait qu'ils sortaient

 15   du nouvel hôpital. L'armée les a placés dans des camions qui étaient

 16   alignés le long de la rue Gunduliceva."

 17   Alors, nous allons faire un temps d'arrêt là. Est-ce qu'il est vrai que les

 18   civils étaient placés à bord de camions ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce qu'il s'agissait de camions militaires de la JNA ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Puis, vous poursuivez :

 23   "Ils ont dans un premier temps fait sortir les hommes, et c'est pour cela

 24   qu'il y a eu tous ces bruits et cette altercation, parce que les femmes

 25   pleuraient et criaient, et c'est là que j'ai vu pour la première fois

 26   Sljivancanin. 'Que faites-vous ? Pourquoi est-ce que vous prenez ces

 27   personnes ?' Il a dit qu'ils allaient à Velepromet, et il disait

 28   constamment à ces personnes : 'Vous pourrez aller là où vous souhaiterez


Page 3706

  1   aller. L'armée fédérale yougoslave vous a libérées. Ces hommes vont

  2   seulement donner leurs noms. Et vous vous retrouverez à nouveau à

  3   Velepromet.'"

  4   Alors, maintenant que vous avez lu cela, Docteur Bosanac, est-ce que cela

  5   vous rafraîchit la mémoire à propos de ce que le commandant Sljivancanin

  6   vous avait dit expressis verbis, à savoir qu'il allait les emmener à

  7   Velepromet ?

  8   R.  Oui, probablement. Je sais que j'ai entendu pour la première fois de

  9   Velepromet lorsque j'ai rencontré ma mère alors que je revenais de

 10   Negoslavci. Elle m'a dit à ce moment-là que mes beaux-parents, par exemple,

 11   ou que des membres de ma famille allaient être conduits à Velepromet. Donc

 12   c'est probablement ce qui s'est passé, bien que je ne m'en souvienne pas

 13   précisément. Il a dit qu'il allait les emmener à un endroit où ils allaient

 14   pouvoir être inscrits, mais tout cela était une vaste rigolade, une

 15   parodie, parce qu'ils ont été nombreux à avoir été tués à Velepromet. Et de

 16   toute façon, le fait est que le CICR ne s'est pas occupé de l'évacuation,

 17   qu'il s'agisse de l'évacuation de l'hôpital ou de l'évacuation de civils.

 18   Et de toute façon, la Mission d'observation des observateurs européens n'a

 19   réellement plus dirigé. Tout a été organisé et orchestré par le commandant

 20   Sljivancanin, par la JNA et par les soldats paramilitaires qui se

 21   trouvaient là.

 22   Q.  Justement, j'aimerais rebondir à propos de ces paramilitaires, de ces

 23   soldats paramilitaires. Est-ce que vous vous souvenez à ce moment-là,

 24   lorsque vous avez vu des civils que l'on faisait sortir de l'hôpital

 25   l'après-midi du 19 novembre sous la supervision du commandant Sljivancanin

 26   -- est-ce qu'à ce moment-là, vous avez vu des soldats paramilitaires qui

 27   participaient à cela ?

 28   R.  Au moment où les civils ont dû sortir et ont été placés dans des


Page 3707

  1   camions, non. Il s'agissait de réservistes, comme Bogdan Kuzmic, par

  2   exemple, et d'autres.

  3   Pour ce qui est de savoir maintenant s'il s'agissait de paramilitaires ou

  4   d'autre chose, je n'en sais absolument rien.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Document de la liste 65 ter 02742, qui

  6   correspond à l'onglet 11 pour le classeur de la Défense. Il s'agit du

  7   paragraphe 82 pour les versions anglaise et B/C/S.

  8   C'est le paragraphe 82 de la version B/C/S qui m'intéresse.

  9   Q.  Docteur Bosanac, voilà ce que vous avez dit dans votre déclaration qui

 10   a été préparée pour votre déposition dans l'affaire Seselj, et vous avez

 11   signé ceci. Dans ce paragraphe, voilà ce que vous dites :

 12   "Elle," et là vous faites référence à Zeljka Zgonjanin, "elle m'a dit

 13   qu'elle ne savait pas que faire --"

 14   R.  Un petit moment, je vous prie. Pourriez-vous vérifier si cela se trouve

 15   sur mon écran, parce que je ne trouve pas cette phrase.

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, je pense qu'on pourrait ajuster la

 17   version B/C/S, qui est peut-être un peu floue. Ah non, mais plutôt, il y a

 18   une -- c'est la partie gauche, en fait, de la version B/C/S. Ce n'est pas

 19   qu'elle soit floue, mais ça a été coupé.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] De quel paragraphe parlez-vous ?

 21   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que vous pourriez déplacer très, très,

 22   très légèrement le document vers la gauche. Voilà. Parfait. C'est parfait.

 23   Merci.

 24   Q.  Docteur Bosanac, c'est le premier paragraphe qui se trouve en haut de

 25   l'écran. Et voilà ce que vous avez dit --

 26   R.  Le numéro 82, c'est cela ? C'est de cela dont vous parlez ?

 27   Q.  Oui, c'est le premier paragraphe qui se trouve en haut de l'écran.

 28   "Elle m'a dit qu'elle ne savait pas que faire parce que la panique


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  1   régnait en haut étant donné que les soldats de la JNA étaient en train de

  2   séparer les hommes de leurs familles. Vidic est allé en haut avec elle pour

  3   voir ce qui s'est passé, et moi je suis sortie et j'ai vu que la JNA

  4   dirigeait les opérations. Hormis la JNA, j'ai vu les membres de la Défense

  5   territoriale parmi eux, ainsi que des Chetniks qui déambulaient de façon

  6   assez nerveuse et qui regardaient pour voir s'ils pouvaient reconnaître des

  7   soldats croates. Et je ne sais absolument pas quelles étaient leur

  8   intentions."

  9   Docteur Bosanac, est-ce que cela vous rafraîchit la mémoire, à savoir que

 10   non seulement vous avez vu les soldats de la JNA qui séparaient les hommes

 11   et qui les faisaient sortir de l'hôpital, mais que vous avez également vu

 12   ce que vous avez décrit, à savoir des membres de la Défense territoriale et

 13   des Chetniks qui se trouvaient là-bas ?

 14   R.  Oui. Bien que je ne sois pas en mesure de tout lire parce que les

 15   caractères sont beaucoup trop petits. Bon, je n'arrive pas à lire tout ce

 16   qui figure dans ce document.

 17   Q.  Est-ce que vous pouvez lire le passage dont je viens de vous donner

 18   lecture, et est-ce que vous êtes d'accord avec ce que j'ai lu ?

 19   R.  Oui, oui, oui. Voilà ce que je peux lire :

 20   "Vidic est allé en haut pour voir ce qui s'est passé. Moi, je suis

 21   sortie et j'ai vu la JNA qui dirigeait l'opération. Outre la JNA, j'ai vu

 22   également des membres de la Défense territoriale parmi eux, ainsi que des

 23   Chetniks qui déambulaient de façon assez nerveuse et qui essayaient de

 24   reconnaître des soldats croates. Et je ne peux absolument pas supposer ou

 25   suggérer quelles étaient leurs intentions."

 26   Voilà ce que je peux lire, oui. Mais je ne me souviens pas exactement

 27   du moment où j'ai fait cette déclaration. Je suppose --

 28   Q.  Non, mais ce qui est le plus important -- excusez-moi de vous


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  1   interrompre, mais maintenant que vous êtes ici dans ce prétoire, est-ce que

  2   vous pouvez maintenant vous souvenir que le 19 novembre, vous avez non

  3   seulement vu des soldats de la JNA qui séparaient les hommes de leurs

  4   familles, mais que vous avez également vu des personnes que vous décrivez

  5   comme étant des Chetniks et les membres de la Défense territoriale, de la

  6   TO ?

  7   R.  Je répète que j'ai vu des membres de la TO et des forces

  8   paramilitaires. Il y a un de ces hommes qui se trouvait dans la même

  9   voiture que nous, d'ailleurs. Moi, par contre, je ne me souviens pas si je

 10   les ai vus près du camion --

 11   Q.  Docteur Bosanac, excusez-moi de vous interrompre, mais là, moi, je vous

 12   parle de l'hôpital, de l'après-midi du 19, du moment où les civils doivent

 13   sortir. Est-ce que vous avez vu des Chetniks faire ceci ?

 14   R.  Non. Non. Je n'ai pas vu de Chetniks les faire sortir. J'ai vu qu'ils

 15   étaient dirigés vers les camions par des soldats. J'ai vu également des

 16   membres de la Défense territoriale. Il ne s'agissait pas de jeunes soldats,

 17   il ne s'agissait pas de conscrits, mais de réservistes tels que Bogdan

 18   Kuzmic.

 19   Q.  Et toute cette opération a été dirigée par le commandant Sljivancanin ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Alors, en fait, ce n'était pas tant que le commandant Sljivancanin se

 22   contentait que cela se passe. C'était quelque chose qui correspondait à des

 23   ordres. Le commandant Sljivancanin donnait des ordres, donnait des

 24   consignes, n'est-ce pas ?

 25   R.  Moi, je n'ai pas été présente là tout le temps. Je vous ai dit ce qu'il

 26   m'a dit lorsque je lui ai posé des questions à ce sujet. A ce moment-là, le

 27   commandant Sljivancanin faisait preuve d'une arrogance extrême. Il m'a dit

 28   que cela ne me regardait absolument pas, que c'est lui qui dirigeait les


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  1   opérations et qu'il allait mettre cela en œuvre.

  2   Q.  Et en disant qu'il dirigeait et qu'il assurait le contrôle, est-ce que

  3   vous n'êtes pas en train d'aboutir à la déduction que ce qu'il entendait

  4   c'est qu'il était responsable ou que c'était lui qui était chargé de faire

  5   sortir ces civils ?

  6   R.  Oui, c'est ainsi que j'ai compris les choses.

  7   Q.  Et il vous en a voulu de ce qu'il a perçu, en fait, de votre intention,

  8   n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Je pense que le moment est venu, Monsieur le

 11   Président.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Docteur Bosanac, nous sommes arrivés à la fin de l'audience d'aujourd'hui.

 14   Nous reprendrons demain à 9 heures. Vous êtes tenue de respecter la

 15   déclaration solennelle que vous avez prononcée, ce qui signifie que vous ne

 16   pouvez parler de votre déposition avec personne et que vous ne pouvez pas

 17   non plus en parler avec les parties. Je vous remercie.

 18   [Le témoin quitte la barre]

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

 20   --- L'audience est levée à 14 heures 01 et reprendra le mercredi, 10 avril

 21   2013, à 9 heures 00.

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