Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 11 avril 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  6   Monsieur le Greffier, pourriez-vous citer l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  8   les Juges. Affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Les parties

 10   peuvent-elles se présenter. L'Accusation, pour commencer.

 11   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Douglas

 12   Stringer pour l'Accusation, avec Matthew Gillet, Thomas Laugel et Kai

 13   Leung.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 16   les Juges. Pour M. Goran Hadzic, Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell. Je

 17   vous remercie.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Faites entrer le témoin dans

 19   le prétoire, s'il vous plaît.

 20   [Le témoin vient à la barre]

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Madame Bilic. Je tiens à

 22   vous rappeler que la déclaration solennelle que vous avez prononcée

 23   s'applique toujours.

 24   LE TÉMOIN : VISNJA BILIC [Reprise]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett.

 27   M. GILLETT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 28   Interrogatoire principal par M. Gillett : [Suite]

 


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  1   Q.  [interprétation] Hier, à la fin de l'audience, nous étions en train de

  2   discuter du rapport des Nations Unies - il s'agit du document 5499 de la

  3   liste 65 ter - et vous avez expliqué que les corps dont il est question au

  4   paragraphe 348, les corps de Velepromet, étaient les mêmes dont il avait

  5   été question précédemment dont on a dit qu'ils étaient déplacés vers le

  6   nouveau cimetière de Vukovar. Donc cela répond à ma dernière question posée

  7   sur ce document.

  8   M. GILLETT : [interprétation] Et j'en demande le versement. Il s'agit donc

  9   du document 5499 de la liste 65 ter, du rapport des Nations Unies.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document sera versé au dossier et

 11   reçoit une cote.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 5499 de la liste 65 ter

 13   devient la pièce P1513.

 14   M. GILLETT : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Q.  Et enfin, pour terminer, Madame Bilic, dans votre rapport d'expert, au

 16   paragraphe 15, vous parlez des fosses communes. Vous dites que ce sont des

 17   endroits où trois individus ou davantage sont inhumés de manière illégale

 18   sans qu'il y ait de marques de respect pour les restes de ces individus.

 19   Dans le rapport, vous parlez également d'exhumations de fosses

 20   individuelles, et j'aimerais savoir de quoi il s'agit en règle générale, de

 21   quel type de fosse ?

 22   R.  Pour ce qui est des fosses individuelles, il s'agit d'endroits où

 23   l'exhumation a eu lieu de restes humains d'un ou de deux individus. Dans la

 24   plupart des cas, également, il ne s'agit pas d'endroits qui auraient été

 25   marqués comme étant des sites d'inhumation. Et il n'y a pas non plus de

 26   documents accompagnant les individus dont les restes reposent dans ces

 27   fosses individuels.

 28   Q.  Je vous remercie, Madame Bilic.

 


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  1   M. GILLETT : [interprétation] J'en ai terminé. Je n'ai plus de questions

  2   dans le cadre de mon interrogatoire principal.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Maître Zivanovic, vous aborderez le contre-interrogatoire.

  5   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  6   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic : 

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Bilic. Je suis Zoran Zivanovic. Je

  8   suis l'un des défenseurs de Goran Hadzic en l'espèce. Pour commencer, je

  9   vais vous poser quelques questions relatives à votre rapport, document

 10   P1490. Et je commence par le premier chapitre.

 11   Dans votre rapport, vous dites que c'est en 1991 qu'une commission a été

 12   constituée pour se charger des personnes placées en détention dans le cadre

 13   des conflits armés.

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Et vous dites également qu'en 1993, cette commission a été rattachée à

 16   la commission chargée de rechercher les personnes portées disparues dans le

 17   cadre des conflits armés en République de Croatie et qu'elle a été

 18   rattachée à la nouvelle commission chargée des personnes détenues et

 19   portées disparues.

 20   R.  Exact.

 21   Q.  Et d'après ce que j'ai compris, c'est à partir de 1993 que vous avez

 22   commencé à prendre part aux travaux de cette commission qui sera rebaptisée

 23   et qui porte aujourd'hui le nom de l'administration chargée des anciens

 24   détenus et personnes portées disparues.

 25   R.  C'est exact.

 26   Q.  Alors, cette première commission que j'ai mentionnée, aux yeux de cette

 27   commission, qui était considéré comme étant la personne détenue dans le

 28   cadre d'un conflit armé ?


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  1   R.  Ceux qui étaient placés en détention pendant la guerre d'indépendance,

  2   donc les personnes placées dans les prisons, dans les camps ou dans les

  3   campements qui étaient réservés aux prisonniers de guerre.

  4   Q.  Vous nous dites dans des prisons, dans des camps, ainsi que d'autres

  5   endroits. Est-ce que vous entendez par là également ces prisons et ces

  6   lieux de détention qui étaient situés en République de Croatie ?

  7   R.  Cette commission s'est penchée avant tout sur les échanges de

  8   prisonniers, donc il était de son ressort de s'occuper des échanges des

  9   personnes placées dans les prisons et les camps de détention en République

 10   de Croatie et celles qui s'étaient trouvées dans les territoires

 11   précédemment occupés de la République de Croatie, ainsi qu'en l'ex-

 12   République fédérale de Yougoslavie et en Bosnie-Herzégovine.

 13   Q.  Est-ce que cela signifie que la compétence de la commission recouvrait

 14   également les prisons situées dans les parties non occupées de la

 15   République de Croatie, là où ont été placés ceux qui ont été faits

 16   prisonniers par les forces armées croates dans le cadre de ces conflits

 17   armés ?

 18   R.  Comme je viens de le dire, la priorité de cette commission était de

 19   s'occuper des échanges de prisonniers, les uns comme les autres, donc les

 20   échanges respectifs. Je n'ai pas sous les yeux le décret portant création

 21   de cette commission qui définit ses compétences, donc je ne suis pas

 22   certaine si la commission avait compétence sur le traitement réservé aux

 23   prisonniers de guerre dans les prisons et les lieux de détention réservés

 24   aux prisonniers de guerre en République de Croatie. Mais ce que je sais

 25   pour sûr, c'est que la commission n'a pas tenu de registres de personnes

 26   placées entre les mains des autorités croates liées aux conflits armés.

 27   Q.  La commission a-t-elle procédé à la recherche des personnes

 28   éventuellement considérées comme ayant été faites prisonnières et se


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  1   trouvant dans de telles prisons ?

  2   R.  Avant tout, c'était la compétence de la commission chargée de

  3   rechercher les personnes portées disparues dans le cadre des conflits armés

  4   en République de Croatie. Donc c'est la deuxième commission mentionnée par

  5   vous. Puis, en 1993, ces deux commissions ont été fusionnées et elles ont

  6   continué de travailler comme un seul organe, la commission de la République

  7   de Croatie chargée des personnes détenues et portées disparues, et, comme

  8   vous avez dit, elle porte le nom d'administration aujourd'hui --

  9   l'administration chargée des détenues et des personnes portées disparues.

 10   Q.  Vous personnellement, est-ce que vous vous êtes occupée de ces

 11   problèmes-là relatifs à la recherche de personnes portées disparues et qui

 12   sont considérées comme se trouvant éventuellement dans les prisons sur le

 13   territoire de la République de Croatie ?

 14   R.  A partir de 1993, quand j'ai commencé à travailler à ce poste, j'ai été

 15   chargée de l'ensemble des actions qui concernent la recherche des personnes

 16   portées disparues, y compris les personnes pour lesquelles certains indices

 17   permettaient de penser qu'elles aient disparu sur le territoire de la

 18   République de Croatie, quel que soit l'endroit de leur disparition.

 19   Q.  Autrement dit, y compris éventuellement les personnes faites

 20   prisonnières par les forces armées croates ?

 21   R.  Oui, y compris celles-là.

 22   Q.  Et pourriez-vous me dire, dans le cadre de vos activités à ce poste,

 23   est-ce que vous avez eu des contacts, est-ce que vous vous êtes rendue dans

 24   ces prisons ou autres lieux de détention de ces personnes ?

 25   R.  Je ne me suis jamais rendue dans les prisons ni autres lieux où étaient

 26   placés en détention les prisonniers de guerre. Les prisons et ces

 27   différents établissements, ainsi que le traitement réservé aux prisonniers

 28   de guerre, relevaient du comité international de la Croix-Rouge en


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  1   République de Croatie, dont le mandat englobait cela. Ils informaient

  2   l'administration chargée des détenus et des personnes portées disparues de

  3   la situation.

  4   Q.  Si je vous ai bien comprise, votre administration communiquait avec les

  5   prisons situées en Croatie, ou, comme vous venez de le dire, sur le

  6   territoire non occupé de Croatie, uniquement par le biais de cette

  7   organisation internationale et pas de manière directe.

  8   R.  Mon administration, comme je viens de le dire, n'entrait pas en contact

  9   avec les prisons ni avec les autres lieux de placement de prisonniers de

 10   guerre. Elle passait plutôt par l'administration compétente sous la tutelle

 11   du ministère de la Justice dont les compétences recouvraient les prisons et

 12   les lieux de détention. Donc mon administration n'avait pas besoin de

 13   communiquer avec eux. Et comme je viens de le dire, c'était placé sous la

 14   supervision du comité international de la Croix-Rouge.

 15   Q.  Je vous remercie. Au deuxième chapitre de votre rapport, vous parlez

 16   des attributions de cette administration et vous énumérez tout ce qui était

 17   sous sa compétence. J'ai remarqué que vous parliez d'exhumations également,

 18   ainsi que d'identifications des restes humains.

 19   R.  Oui, c'est exact.

 20   Q.  J'ai pris connaissance de l'ensemble des décisions qui portent sur les

 21   attributions de la commission pendant toute la période de son existence

 22   depuis 1991, pendant les différents remaniements de cette commission et

 23   lorsqu'elle a été rebaptisée, mais j'ai remarqué qu'à aucun moment les

 24   autopsies n'ont relevé de sa compétence. Alors, pourriez-vous m'en donner

 25   la raison ?

 26   R.  Eh bien, il s'agit du fait que, en l'occurrence, il s'agit d'une

 27   activité très technique, très spécialisée. Ce sont des institutions

 28   médicales et scientifiques qui s'en chargent au nom de l'administration.


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  1   Donc mon administration a passé un accord avec les institutions médico-

  2   légales compétentes qui, elles, se chargent de cette partie-là des tâches

  3   spécialisées au nom de mon administration.

  4   Q.  Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'un

  5   domaine de compétence très pointu. Mais l'identification des restes humains

  6   l'est également, surtout lorsqu'il s'agit de l'identification par l'ADN.

  7   Or, cette autre tâche fait partie des compétences de l'administration ?

  8   R.  C'est exact. L'administration se charge des identifications, parce que

  9   l'administration s'occupe de toute une série de gestes dont se compose

 10   l'identification. Donc elle a organisé la collecte des renseignements ante

 11   mortem, post mortem, des éléments d'information opérationnels qui vont dans

 12   le sens de l'identification, les échantillons pour les examens de l'ADN.

 13   L'identification préliminaire fait partie également des activités de

 14   l'administration, ainsi que l'identification définitive. L'administration

 15   se charge de tenir le registre de toutes les personnes identifiées. Et

 16   enfin, l'administration réunit aussi l'ensemble des renseignements portant

 17   sur les identifications. Donc les autopsies font partie intégrante de cette

 18   série de gestes, une partie médico-légale de l'ensemble des gestes qui

 19   accompagnent le traitement des restes humains, donc ce sont les documents

 20   qui sont également conservés par l'administration.

 21   Excusez-moi. Bien entendu, l'identification définitive des restes humains,

 22   qui relève, comme je l'ai déjà dit, de la compétence de mon administration,

 23   est entre les mains des institutions compétentes médico-légales. Bien

 24   entendu, en coopération, disons-le, en coopération avec les proches des

 25   victimes.

 26   Q.  Expliquez-moi, s'il vous plaît, une partie de votre réponse sur

 27   laquelle j'aurais besoin de précision. Vous dites que l'administration se

 28   charge d'identifications préliminaires. Qu'est-ce que cela signifie plus


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  1   précisément ?

  2   R.  Cela veut dire la chose suivante : pour l'ensemble des personnes

  3   portées disparues, l'administration dispose de renseignements ante mortem

  4   les concernant, donc des renseignements qui les concernent pendant qu'ils

  5   étaient encore en vie. A partir du moment où l'analyse des restes a été

  6   faite, les conclusions sont communiquées à mon administration. Mon

  7   administration, à ce moment-là, procède à une comparaison entre les deux

  8   jeux d'informations, à savoir les renseignements ante mortem et les

  9   renseignements post mortem, mais tout cela dans le contexte des

 10   circonstances où les restes ont été retrouvés, et c'est ce qui lui permet

 11   de dresser une liste de candidats possibles auxquels pourraient

 12   éventuellement être attribués ces restes humains. Cela est communiqué aux

 13   institutions médico-légales compétentes pour qu'elles puissent vérifier la

 14   validité de ces conclusions. Et c'est par la suite, éventuellement, qu'on

 15   procède aux convocations qui sont adressées aux proches pour qu'ils se

 16   rendent à l'identification. Mais comme je l'ai déjà dit, l'ensemble des

 17   restes aujourd'hui font l'objet d'une analyse par échantillon de l'ADN.

 18   Q.  Pour que je puisse comprendre quelle est l'envergure des examens

 19   auxquels vous procédez, j'aurais souhaité aussi plus précisément voir - et

 20   ce, par rapport à votre formation aussi - je voudrais voir comment vous

 21   pouvez répondre à des questions spécifiques qui concernent les autopsies,

 22   les analyses à l'ADN, les exhumations, et cetera, au cas par cas ? Parce

 23   que je vous ai écoutée hier, et hier vous nous avez donné des résumés et

 24   des données générales sur l'ensemble de ces cas et vous nous avez, en

 25   principe, relaté ce qui se trouve dans les différentes conclusions et dans

 26   les différents documents qui les comportent. Ce que nous pouvons voir par

 27   nous-mêmes. Mais êtes-vous en mesure de nous répondre sur une question

 28   concrète, au cas par cas, nous dire pourquoi telle ou telle conclusion a


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  1   été tirée sur, par exemple, la cause du décès, le moment du décès ?

  2   R.  S'agissant des conclusions des autopsies, non, je ne pourrais pas vous

  3   répondre à ce type de questions. En revanche, je pourrais vous parler des

  4   aspects organisationnels, je pourrais vous parler de la méthodologie

  5   adoptée par mon administration et je pourrais vous répondre sur les

  6   résultats. Pour ce qui est des conclusions des autopsies, il s'agit là d'un

  7   aspect très spécialisé du travail qui relève de la responsabilité de

  8   l'institution médico-légale, et je pense que vous avez eu un témoin expert

  9   ici qui est venu déposer là-dessus, à savoir Davor Strinovic.

 10   Q.  Sauf qu'il nous a dit qu'il ne pouvait répondre que sur des questions

 11   qui portaient sur les conclusions des autopsies effectuées par lui-même et

 12   non pas par d'autres. Je comprends votre réponse, je vous entends

 13   parfaitement. Mais dites-moi, est-ce qu'on pourrait dire la même chose --

 14   M. GILLETT : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. A ce stade, je ne

 15   me rappelle pas Dr Strinovic dire qu'il avait quelque réserve, donc qu'il

 16   ne souhaitait pas parler de rapports dont il ne se soit pas chargé lui-

 17   même, et je pense que si vous penchez sur les rapports versés par son

 18   truchement, il y en a un certain nombre qui ont été effectués par d'autres

 19   personnes.

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] J'ai posé cette question au Dr Strinovic

 21   pendant mon contre-interrogatoire, et je ne suis pas en mesure de vous dire

 22   maintenant ce qui est entré dans le compte rendu d'audience, mais je

 23   pourrais, effectivement, le retrouver pendant la pause.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 25   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 26   Q.  Mais dites-nous, est-ce que cela concerne également les résultats des

 27   identifications par l'ADN, donc de savoir pourquoi telle ou telle

 28   identification a été faite dans des cas concrets ? Est-ce que vous ne


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  1   pouvez pas parler de ces détails-là non plus, des électrophérogrammes, des

  2   allèles et d'autres questions sur l'ADN ?

  3   R.  Bien entendu, je ne peux pas répondre aux questions qui portent sur

  4   cette partie-là du travail.

  5   Q.  Vous avez dit hier que vous avez été présente pendant une série

  6   d'exhumations. Avez-vous joué un rôle actif sur les sites d'exhumation

  7   pendant le déroulement de ceci ou est-ce que vous y étiez en qualité

  8   d'observateur ?

  9   R.  Mon administration se charge d'organiser les exhumations et c'est elle

 10   qui coordonne la participation des différents protagonistes. Donc, en tant

 11   qu'employée de mon administration, j'y ai joué un rôle actif, bien entendu.

 12   Q.  Pourriez-vous nous décrire plus précisément le rôle que vous avez joué

 13   sur les lieux des exhumations sur le terrain ?

 14   R.  Pour l'essentiel, il s'agit de se charger des communications avec les

 15   autres parties prenantes à l'exhumation, avec les représentants des

 16   organisations internationales, ainsi qu'avec les représentants des

 17   instances compétentes chargées des recherches des personnes portées

 18   disparues en Serbie et en Monténégro qui, dans certains cas, se rendent sur

 19   les lieux d'exhumation également. Et donc, ils sont présents. Dans certains

 20   cas, il s'agissait également de recueillir des renseignements de la part

 21   des proches lorsqu'on supposait que des membres de leurs familles, leurs

 22   restes, se trouvaient dans ces fosses, et ainsi de suite.

 23   Q.  Dites-nous, s'il vous plaît, les proches des victimes potentielles

 24   étaient-ils présents aux exhumations ?

 25   R.  Non, mais au début, effectivement, oui, lorsque l'identification des

 26   restes humains se déroulait sur les lieux mêmes de l'exhumation ou lorsque

 27   les objets personnels étaient exposés sur les lieux mêmes d'exhumation aux

 28   fins d'identification. A Bacin Skela, par exemple, au nouveau cimetière de


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  1   Vukovar, où c'est sur le site même que l'on a procédé à l'identification

  2   d'une partie des restes humains. Ainsi qu'un certain nombre de cas

  3   d'exhumations à Brkus [phon], Sarvis Dol [phon] et Bilje, mais pas de

  4   manière générale.

  5   Q.  Vous venez de mentionner le nouveau cimetière de Vukovar. Il me semble

  6   qu'hier vous avez dit que c'était une fosse secondaire, qu'on y a transféré

  7   des restes humains initialement apportés de Velepromet ou - je ne sais pas

  8   - d'un autre lieu, et que c'est en décembre qu'ils auraient été apportés au

  9   nouveau cimetière de Vukovar.

 10   R.  Le nouveau cimetière de Vukovar, c'est une fosse très particulière. En

 11   partie, effectivement, il s'agit de fosse secondaire parce qu'on a

 12   transféré au nouveau cimetière de Vukovar des restes humains des fosses

 13   primaires : de Velepromet, 19 cas; de Trpinjska Cesta, 11 cas; de

 14   Petrovacki Atar, 36 cas; de Galisova Dol [phon], 28 cas. Mais il faut

 15   savoir qu'en plus de ces restes humains qui y ont été apportés des fosses

 16   primaires, on a enseveli à cet endroit également des restes des personnes

 17   dont les corps se trouvaient dans les rues de Vukovar, 938 corps en tout, y

 18   compris ceux trouvés dans le secteur de Bogdanovci.

 19   Q.  Hier, vous avez également parlé de différentes organisations avec

 20   lesquelles votre administration a coopéré, et ce, pour pouvoir savoir si

 21   les personnes dont la disparition avait été déclarée s'étaient manifestées

 22   entre-temps ou si elles doivent toujours être considérées comme étant

 23   portées disparues. Je cite la page 3 756 du compte rendu d'audience. Et

 24   lorsque vous avez énuméré ces organisations, vous n'avez pas mentionné les

 25   tribunaux. Est-ce que cela veut dire que vous n'avez pas ce type de

 26   coopération avec les tribunaux en Croatie ?

 27   R.  Nous coopérons avec les tribunaux en Croatie, nous communiquons avec

 28   eux et nous coopérons très étroitement puisque toutes les exhumations de


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  1   restes humains auxquelles il est procédé se font sur la base d'une décision

  2   du tribunal compétent. Cependant, pour cette phase de la vérification des

  3   éléments recueillis, je dois reconnaître que nous ne nous sommes pas

  4   appuyés sur ce mécanisme, et je ne suis d'ailleurs pas sûre -- je ne sais

  5   pas dans quelle mesure ce mécanisme aurait pu contribuer à la détermination

  6   pour une personne particulière de la question de savoir s'il était toujours

  7   en vie ou non compte tenu du fait que nous disposions d'autres mécanismes

  8   et d'autres sources d'information qui étaient à jour et qui nous

  9   fournissaient des éléments de grande qualité.

 10   Q.  J'ai eu l'occasion de consulter un certain nombre de textes

 11   réglementaires croates portant sur la façon dont on peut déclarer une

 12   personne disparue décédée et j'ai compris que cela tombait sous la

 13   compétence des tribunaux. Je vais justement vous donner lecture d'un

 14   document de cette nature, 1D273, qui figure dans notre liste. Vous allez le

 15   voir affiché sur votre écran. Alors, cela concerne une personne en

 16   particulier.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de diffuser cela à

 18   l'attention du public, je pense, en tout cas pas au-delà du degré qui est

 19   nécessaire.

 20   Q.  Vous voyez qu'il s'agit ici d'une décision du tribunal municipal de

 21   Vukovar dans laquelle il est établi qu'une personne est décédée. On a

 22   également établi la date de son décès, et l'on voit ici que c'est le

 23   tribunal qui a compétence pour établir les circonstances de la mort et la

 24   date de cette dernière. Voici ma question : concernant toutes ces personnes

 25   dont votre administration a déterminé qu'elles étaient décédées, combien

 26   d'entre elles ont fait l'objet d'une telle décision venant d'un tribunal

 27   les déclarant donc décédées ?

 28   R.  Je ne sais pas quel est le nombre de ces personnes qu'un tribunal a


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  1   déclaré décédées; il est un fait, cependant, que dans un certain nombre de

  2   cas, cela a bien eu lieu aux fins de la réalisation des droits statutaires

  3   dont jouissaient les familles des personnes concernées. En effet, les

  4   familles peuvent se retrouver dans l'impossibilité de régler des questions

  5   relatives au mariage, des questions de patrimoine également, tant que la

  6   personne concernée est portée disparue. C'est la raison pour laquelle les

  7   familles concernées par ce type de problème ont engagé des procédures

  8   visant à obtenir une déclaration officielle qu'une personne membre de leur

  9   famille et portée disparue était décédée.

 10   De cette façon, lorsqu'une personne est déclarée décédée par un

 11   tribunal, la famille a la possibilité d'obtenir ses droits. Cependant, en

 12   ce qui concerne Niko Soljic, dont nous avons collecté les restes humains en

 13   provenance de Sremska Mitrovica en 1999 ou 2000, eh bien, ceci est

 14   intervenu après qu'un tribunal l'ait déclaré décédé.

 15   Q.  Excusez-moi de vous interrompre, mais ce n'est pas le cas particulier

 16   de cette personne qui m'intéresse ici. Nous n'avons pas besoin de nous

 17   pencher sur ces détails. Je voulais le vous montrer à titre illustratif

 18   pour accompagner cette affirmation à savoir que ce sont les tribunaux qui

 19   déclarent décédée une personne. Alors, vous dites que cela permettait aux

 20   familles de jouir de leurs droits. Et, en fait, je crois qu'à cette fin, il

 21   est également essentiel de déterminer la date du décès de la personne, et

 22   non pas uniquement qu'elle est décédée; nous voyons que c'est ici le cas.

 23   Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si votre administration ou votre

 24   commission a déterminé également la date des décès ?

 25   R.  Non, l'administration ne déterminait pas la date des décès. La date des

 26   décès est avancée dans le résumé des faits émis par l'institution médico-

 27   légale après qu'elle ait émis un certificat de décès.

 28   Dans un cas comme celui-ci, en revanche, la date a été déterminée par le


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  1   tribunal. Si je peux me permettre de commenter ce cas, je crois qu'en fait,

  2   il confirme ce que j'ai dit. A savoir que dans certains cas particuliers,

  3   bien qu'il soit incontestable que la personne avait disparu, la famille

  4   concernée obtenait par voie de décision judiciaire un certificat de décès

  5   afin de pouvoir jouir pleinement de ses droits.

  6   Q.  Hier, j'ai cru comprendre que toutes les personnes disparues et qui ont

  7   été déclarés décédées - je crois que c'était la teneur de votre déposition,

  8   vous me corrigerez si je me trompe - que toutes ces personnes, donc,

  9   jouissaient d'un certain nombre de droits, je parle des personnes disparues

 10   au cours de ces conflits armés dont on a ensuite établie qu'elles étaient

 11   décédées, parce qu'en fait, les combattants avaient des droit plus étendus

 12   par rapport aux civils. Et donc, je crois que toutes les personnes qui ont

 13   soumis des demandes aux fins de recherche d'un des membres de leur famille

 14   disparu agissaient également avec cette intention de déterminer si la

 15   personne en question avait trouvé la mort en tant que civil ou en tant que

 16   combattant.

 17   R.  Pour autant que je le sache, il s'agissait avant tout d'un droit

 18   d'héritage, non pas au sens du droit statutaire dont pouvait jouir la

 19   personne, parce que les familles des combattants croates disparus et celles

 20   des combattants croates décédés ont pratiquement les mêmes droits. Donc, de

 21   ce point de vue, les familles n'avaient pas de motivation particulière pour

 22   obtenir une décision de justice établissant le décès de leur membre disparu

 23   pour des questions de droit statutaire. Le plus souvent, ce qui les

 24   poussait, c'était des questions d'héritage. Ou l'impossibilité, par

 25   exemple, pour l'épouse d'un homme porté disparu de se remarier jusqu'au

 26   moment où son mari n'aura pas été déclaré décédé, ou, respectivement,

 27   retrouvé et identifié.

 28   Q.  En d'autres termes, est-ce que vous nous affirmez que les membres des


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  1   familles concernées peuvent jouir d'un certain nombre de droits,

  2   indépendamment de la question de savoir si la personne disparue était un

  3   civil ou un militaire, et ce, sans qu'il y ait eu décision de justice

  4   déclarant que la personne concernée, la personne disparue, est décédée ?

  5   R.  Excusez-moi, mais je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre

  6   question.

  7   Q.  Je vais répéter. Cela signifie-t-il que les familles des personnes

  8   disparues avaient la possibilité d'obtenir la jouissance d'un certain

  9   nombre de droits que vous venez d'évoquer avant même la déclaration par un

 10   tribunal du décès de la personne disparue ?

 11   R.  Vous parlez du droit d'héritage ?

 12   Q.  Non, je parle d'autres droits.

 13   R.  Les familles des combattants croates disparus --

 14   Q.  Ou des civils ?

 15   R.  -- ou des civils, jouissent d'un certain nombre de droits sur le

 16   fondement des lois en vigueur en République de Croatie, et elles en

 17   jouissent même avant que l'on n'établisse le décès de la personne, du

 18   membre de la famille concerné.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Bilic, votre voix et celle de

 20   Me Zivanovic se chevauchent, ce qui rend la tâche difficile aux

 21   interprètes. Est-ce que vous pourriez reprendre votre réponse à la question

 22   posée par Me Zivanovic, s'il vous plaît.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Voici de quoi il s'agit : d'après

 24   les lois en vigueur en République de Croatie, et il s'agit de la Loi sur

 25   les droits des combattants croates dans le cadre de la guerre dite

 26   patriotique et de la Loi portant sur les droits des invalides civils et

 27   militaires de la dernière guerre, loi qui aborde les droits statutaires des

 28   civils, eh bien, en vertu de ces lois, un certain nombre de droits sont


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  1   octroyés aux familles des personnes portées disparues.

  2   Une catégorie particulière de droits correspond aux familles des personnes

  3   déclarées tuées ou décédées. Ceci dit, les droits des familles des

  4   personnes portées disparues sont pratiquement identiques à ceux des

  5   familles des personnes déclarées décédées ou tuées. Ce qui signifie que les

  6   droits qui découlent du décès d'un membre d'une telle famille -- eh bien,

  7   en fait, les familles en question ne sont pas motivées par la nécessité

  8   d'obtenir un certificat de décès, si ce n'est pour les droits que j'ai

  9   évoqués précédemment, droits d'héritage ou questions maritales.

 10   Q.  Merci. Alors, hier, vous avez parlé du questionnaire, vous avez dit

 11   avoir participé à sa rédaction et avoir également participé à la formation

 12   du personnel qui collectait des informations au sujet des personnes

 13   disparues. Ceci figure en page 3 755 du compte rendu d'audience d'hier.

 14   Voilà ce qui m'intéresse à présent au sujet de ces questionnaires :

 15   étaient-ils renseignés par les membres des familles concernées ou bien par

 16   ces personnes qui avaient été formées pour collecter ce genre d'information

 17   ?

 18   R.  Les formulaires étaient remplis par des spécialistes formés de la

 19   Croix-Rouge croate qui, dans la description de la tâche qui leur avait été

 20   confiée -- eh bien, dans les compétences requises, on trouve également

 21   l'expérience d'une interaction avec les familles qui se trouvent dans ce

 22   genre de situation, dont un membre a disparu. Nous avons donc renseigné ces

 23   questionnaires sur la base d'informations fournies à ces personnes par des

 24   membres de telles familles à la recherche d'une personne disparue. Chaque

 25   questionnaire devait être signée par la famille afin de confirmer

 26   l'exactitude des informations qui y figuraient. Et les questionnaires

 27   étaient également signés par les représentants officiels de la Croix-Rouge

 28   croate qui les avaient remplis.


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  1   Q.  Donc le questionnaire était rempli par une personne qui avait été

  2   formée à cette fin, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui, elle avait achevé une formation à cette fin.

  4   Q.  Formation lors de laquelle vous étiez présente, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Ici, dans la première ligne -- alors, je voudrais que l'on examine en

  7   fait la pièce numéro 224 de la liste de l'Accusation. En attendant

  8   l'affichage de ce document, si j'ai bien compris ce que vous avez dit hier,

  9   votre administration était à la recherche de tous les citoyens croates

 10   disparus au cours des conflits armés, indépendamment de leur appartenance

 11   ethnique, religieuse ou autre, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, c'est exact.

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Alors, les pages qui s'affichent à gauche

 14   et à droite ne correspondent pas l'une à l'autre, donc le texte en anglais

 15   et le texte en B/C/S, ce sont des pages différentes. Peut-on passer à la

 16   page numéro 2 en B/C/S, et, en fait, il nous faudrait la page suivante.

 17   Peut-on afficher la page suivante. Nous avons maintenant la même

 18   information qui s'affiche dans les deux langues.

 19   Q.  Pourriez-vous me dire pour quelle raison ce questionnaire, dans son

 20   point numéro 13, prévoit une ligne pour l'appartenance ethnique de la

 21   personne recherchée ? De quelle façon une information comme celle-là peut-

 22   elle contribuer aux recherches d'une personne disparue et, respectivement,

 23   décédée ?

 24   R.  Comme je l'ai déjà dit hier, cette information au sujet de

 25   l'appartenance ethnique était d'usage courant. Il était couramment utilisé

 26   dans les formulaires, y compris dans les formulaires du CICR. Excusez-moi.

 27   Donc, concernant la conception même de ce formulaire, cela figure dans mon

 28   rapport, et je l'ai dit également hier, lorsqu'on a élaboré ce


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  1   questionnaire, on s'est fondé sur le questionnaire des Nations Unies, sur

  2   les droits de l'homme, sur le questionnaire du CICR et sur l'avis de

  3   recherche d'Interpol. Donc le modèle qu'était pour nous le questionnaire du

  4   CICR, qui était le modèle principal sur lequel nous nous sommes appuyés

  5   dans notre travail pour élaborer ce questionnaire-ci, eh bien, le

  6   questionnaire du CICR comprenait également cette information de

  7   l'appartenance ethnique.

  8   Q.  En d'autres termes, ceci a été repris d'un formulaire du CICR ?

  9   R.  Oui, entre autres. Le CICR employait également cette catégorie.

 10   Q.  Et est-ce que le point numéro 14 a lui aussi été repris de ce même

 11   modèle ?

 12   R.  Je n'en suis pas tout à fait sûre, mais je ne pense pas.

 13   Q.  Alors, savez-vous pour quelle raison cette catégorie de l'appartenance

 14   religieuse a été incluse dans ce questionnaire ? Je pense, en effet, que

 15   cela ne peut d'aucune façon contribuer à la recherche d'une personne

 16   disparue ou des restes humains d'une personne décédée.

 17   R.  Je suis d'accord avec vous. Ceci dit, ceci a été inclus à un moment ou

 18   un autre, et maintenant je n'arrive pas à me rappeler des raisons pour

 19   lesquelles ceci a été inclus dans le questionnaire il y a près de 20 ans.

 20   Toutefois, je suis d'accord pour dire que ceci ne peut contribuer en aucune

 21   façon aux recherches. La seule chose que je puis dire, c'est que jamais, au

 22   grand jamais, je ne me souviens en tout cas pas qu'il y ait jamais eu la

 23   moindre utilisation faite de cette information relative à l'appartenance

 24   religieuse dans le cadre du travail qui a été fait. Je pense que ces

 25   données n'ont jamais été utilisées. Jamais analysées ni utilisées.

 26   Q.  Lorsque vous dites qu'elles n'ont jamais été analysées et utilisées,

 27   vous pensez à votre administration ? Vous dites que votre administration ne

 28   les a pas utilisées, ou bien pensez-vous à d'autres organes ou instances ?


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  1   R.  Ma réponse est générale. Parce que les dossiers concernant les

  2   personnes disparues étaient archivés à notre administration et n'étaient

  3   accessibles qu'à l'administration chargée des personnes disparues et

  4   détenues, à l'exclusion de tout autre. Toute personne souhaitant obtenir

  5   ces données doit fournir à notre administration une demande motivée en

  6   précisant à quelle fin elle entend utiliser les informations ou une partie

  7   des informations obtenues. C'est pourquoi je puis affirmer en toute

  8   certitude que ces informations relatives à l'appartenance religieuse n'ont

  9   jamais été utilisées à quelque fin que ce soit.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pouvons-nous afficher la page suivante.

 11   Q.  Je vais vous prier de vous pencher sur le point numéro 18. Alors, la

 12   question qui figure au numéro 18 concerne l'appartenance éventuelle de la

 13   personne disparue, l'effectif de l'une ou l'autre des formations armées.

 14   Alors, je vois qu'ici on a dressé une liste de sept, je crois -- enfin, de

 15   (a) à (g).

 16   Voici ce qui m'intéresse : comment a-t-on formé les personnes chargées de

 17   recueillir les informations et de remplir ces questionnaires afin qu'elles

 18   puissent déterminer si la personne disparue appartenait précisément à l'une

 19   ou à l'autre de ces sept formations armées identifiées ici ?

 20   R.  Les informations relatives aux personnes disparues étaient collectées

 21   par les agents de la Croix-Rouge croate sur la base des déclarations des

 22   familles. La source des informations qui se retrouvaient dans ce point

 23   numéro 18 du questionnaire, comme dans tous les autres points du

 24   questionnaire, était les déclarations des familles des disparus.

 25   Q.  Mais dans le cadre de la formation prodiguée à ces personnes chargées

 26   de recueillir les informations, leur a-t-on appris à faire le distinguo

 27   entre ces sept formations armées différentes ?

 28   R.  Non, non. Il n'y avait pas de formation à cet effet. Cela dépendait de


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  1   ce que disaient les familles. Ce qui nous a semblé important, c'est de

  2   sensibiliser ces agents à la nécessité de cocher dans ce point numéro 18 la

  3   catégorie correspondant à ce qu'avait déclaré la famille.

  4   Q.  Alors, je voudrais que nous passions maintenant au II sur cette même

  5   page. En chiffres romains, II. La question qui figure au numéro 8. Cette

  6   question se lit comme suit, je cite : "Qui est à l'origine du transfert

  7   forcé," et cetera.Et ensuite, on trouve de nouveau six possibilités. Voire

  8   davantage, sept ou huit.

  9   Voici ce qui m'intéresse : de quelle façon, s'ils y ont été formés, les

 10   agents chargés de recueillir ces informations ont-ils été formés pour

 11   obtenir ce type d'information auprès des familles ? Ont-ils été formés, et

 12   si oui, comment, pour identifier ces différentes catégories et établir des

 13   distinctions entre elles ? Par exemple, entre des membres des unités de la

 14   JNA ou des membres de la Défense territoriale yougoslave ?

 15   R.  Comme dans le cas de la question précédente qui concerne le statut de

 16   la personne, c'est de nouveau les familles qui étaient la source

 17   d'information. Donc c'étaient les informations dont disposaient les

 18   familles elles-mêmes que nous collections. Les agents chargés de collecter

 19   ces renseignements ne demandaient pas aux familles de faire un choix et

 20   d'identifier telle ou telle catégorie d'unités armées. Ils ne leur

 21   présentaient pas un choix. En fait, ici, on a tout simplement dressé la

 22   liste des réponses les plus fréquentes. La question de savoir qui est à

 23   l'origine de la disparition ou du transfert forcé a été renseignée en

 24   fonction des informations dont disposaient les familles.

 25   Q.  Alors, en examinant ces questionnaires, j'ai vu que dans certains cas

 26   les membres des familles citaient même des individus particuliers qui

 27   avaient emmené le membre disparu de leur famille. Cependant, dans de très

 28   nombreux cas, elles répondaient en disant qu'il s'agissait de


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  1   paramilitaires, de civils, et cetera.

  2   Alors, voici ce qui m'intéresse : attendait-on des agents chargés de

  3   collecter les renseignements de leur expliquer quoi que ce soit, de leur

  4   expliquer comment elles devaient répondre à cette question en entrant dans

  5   des détails; par exemple, comme le fait qu'un individu pouvait porter en

  6   partie seulement un uniforme militaire et être, par ailleurs, habillé en

  7   civil ?

  8   R.  Tant les familles que les agents du CICR pouvaient ne pas

  9   répondre à cette question s'ils estimaient ne pas être en mesure de le

 10   faire, donc à la question libellée comme suit : qui a procédé au transfert

 11   forcé. Si les familles le savaient, elles pouvaient répondre. Et comme vous

 12   l'avez dit vous-même, dans la partie des questionnaires que vous avez pu

 13   examiner, très souvent vous pouvez voir que cette information n'y figure

 14   pas parce que les familles ne savaient pas qui avait emmené ou qui avait

 15   procédé au transfert forcé de leur membre disparu, et dans ces cas-là la

 16   question au numéro 2 était laissée en blanc lorsqu'il leur était demandé

 17   d'indiquer ce qu'elles savaient au sujet des personnes concernées.

 18   Q.  Lorsque vous avez formulé ou rédigé ces questions, quelles

 19   réponses attendiez-vous ? Parce qu'il y a une suggestion suivant laquelle

 20   un membre de la famille a été enlevé par un membre des Services secrets.

 21   Donc, comment est-ce qu'ils auraient pu le savoir ?

 22   R.  Ecoutez, je n'en sais rien. Il y a de nombreuses possibilités. Je

 23   ne pense pas, d'ailleurs, que cela ait jamais été envisagé. Il n'y a pas

 24   une seule réponse allant dans ce sens. Mais nous avons essayé de prendre en

 25   considération un nombre important de possibilités pour faciliter le choix

 26   de la personne répondant.

 27   Q.  Donc, au vu de ces questionnaires, je pense à ceux qui ont été

 28   remplis, est-ce que l'administration a effectué des vérifications des


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  1   données qui ont été reçues de la part des personnes qui recherchaient les

  2   membres de leurs familles ?

  3   R.  Mais à quel égard ?

  4   Q.  Pour toutes les catégories.

  5   R.  Alors, là, c'est une question très, très, très vaste. Parce que, bien

  6   entendu que l'administration a effectué des vérifications à plusieurs

  7   reprises à propos de la liste des personnes portées disparues à proprement

  8   parler, liste qui avait été dressée à partir de ces questionnaires. Il y a

  9   des vérifications qui ont également été effectuées pour ce qui était donc

 10   des membres de la famille lorsqu'il s'agissait, par exemple, de l'état

 11   civil mentionné ou du niveau d'éducation. Donc les renseignements étaient

 12   collectés et étaient actualisés pour ce qui était du lieu de résidence, et

 13   cela était nécessaire, par exemple, afin de procéder au prélèvement des

 14   échantillons sanguins et en visant justement l'identification des

 15   personnes. Qui plus est, des vérifications ont également été effectuées

 16   pour obtenir des renseignements ou des documents médicaux dans les

 17   institutions médicales pour lesquelles les familles avaient mentionné que

 18   des dossiers médicaux existaient toujours pour les personnes portées

 19   disparues. Donc il y a, certes, des vérifications qui ont été effectuées,

 20   qui auraient pu avoir un impact d'ailleurs pour élucider certains cas de

 21   personnes portées disparues. Ces vérifications ont été effectuées. Elles

 22   sont toujours effectuées d'ailleurs en ce moment.

 23   Q.  Alors, puisque nous ne disposons d'aucun renseignement à propos de ces

 24   vérifications, j'aimerais en fait traiter ce sujet de façon séparée.

 25   Dites-moi, je vous prie : quelle était la date qui était considérée comme

 26   la date de la disparition si cela était utilisé comme la date du décès ?

 27   R.  Je vous ai déjà dit que nous ne déterminions pas la date du décès.

 28   Cette date émanait, par exemple, du rapport relatif au décès, et cela était


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  1   un rapport qui venait des institutions médicales ou qui était le fruit

  2   d'une décision d'un tribunal.

  3   Q.  Pour ce qui est de la date de la disparition, peut-être que nous

  4   pourrions en fait revenir d'une page dans le questionnaire, et je vais vous

  5   dire exactement quel est le numéro qui m'intéresse.

  6   R.  Pour ce qui est de la date de la disparition, nous utilisions comme

  7   information ce qui se trouvait en réponse à la première question, et puis

  8   il y a tout un ensemble d'information, donc renseignements relatifs à

  9   l'enlèvement, à la capture ou à la disparition de la personne portée

 10   disparue.

 11   Q.  Dans plusieurs cas, j'ai pu constaté que ces informations étaient

 12   différentes des informations collectées lorsque la personne avait été vue

 13   en vie pour la dernière fois. D'ailleurs, je ne sais pas à quelle page cela

 14   se trouve, je pensais que c'était à la page après.

 15   R.  Non. C'est une intervention qui figure aux pages 4 ou 5.

 16   Q.  Oui. Cela, c'est pour le texte B/C/S. Je pense que pour la version

 17   anglaise, cela se trouve à la page 5. Il s'agit de la question numéro 21.

 18   R.  Je pense qu'il y a une autre question qui se trouve sur la page

 19   précédente qui fait également référence à ceci.

 20   Q.  Peut-être. Nous verrons bien. Non. En fait, non. Non, non, je pense que

 21   pour la version anglaise, il s'agit bel et bien de la page numéro 4.

 22   R.  Peu importe, je peux essayer de répondre à votre question. Alors, cela

 23   a trait au fait que le questionnaire a été mis au point à la fin de l'année

 24   1993 et que les renseignements ont été compilés et collectés en 1994, à

 25   savoir deux années après la disparition de la plupart de ces personnes --

 26   ou deux années après que la plupart de ces personnes aient été emmenées de

 27   force.

 28   Alors, il ne faut pas oublier qu'entre-temps les familles avaient pris


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  1   elles-mêmes certaines mesures, elles avaient parlé, par exemple, à certains

  2   témoins, et elles avaient obtenu certains renseignements. Et nous avons

  3   donc pris en considération une question visant justement ce fait, la

  4   dernière fois que la personne avait été vue en vie. Les familles donnaient

  5   tous les renseignements dont elles disposaient. D'ailleurs, en règle

  6   générale, elles ne citaient pas la fiabilité de leurs renseignements. Et il

  7   faut savoir que dans la plupart des cas, malheureusement, ce type de

  8   renseignement n'était pas utile pour essayer de retrouver la trace d'une

  9   personne portée disparue. Je pense à des informations lorsque les gens

 10   essayaient de retrouver un membre de leur famille en montrant les

 11   photographies de la personne portée disparue, et puis les gens disent :

 12   "Oui, oui, je l'ai vu à ce moment-là à tel endroit."

 13   Et dans un petit nombre de cas, les informations, en fait, se sont avérées

 14   exactes; mais nous n'avons pu déterminer cela qu'à partir du moment où le

 15   dossier était considéré comme clos.

 16   Q.  Merci. Hier, vous avez mentionné justement certains cas précis; entre

 17   autres, vous avez indiqué que récemment l'identité de Haso Brajic a pu être

 18   déterminée et que ses restes mortels auraient apparemment été trouvés à

 19   Celije.

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  Pourriez-vous nous fournir une explication à propos et nous dire

 22   pourquoi il a fallu 15 années pour pouvoir déterminer l'identité de cette

 23   personne ?

 24   R.  Eh bien, je vais essayer de vous fournir une réponse. La personne en

 25   question résidait en République de Croatie, à Osijek. Haso Brajic était

 26   marié, mais son épouse et lui-même n'avaient pas d'enfants. Et Haso Brajic

 27   était originaire de Bosnie. Les membres de sa famille, à savoir sa sœur

 28   notamment et d'autres membres de la famille, à propos desquels nous


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  1   n'avions absolument aucun renseignement à l'époque, sont partis ailleurs

  2   pendant la guerre. Les restes mortels de cette personne ont été analysés

  3   grâce à la méthode ADN, mais nous n'avions pas d'échantillonnage de

  4   référence, ce qui fait que nous ne pouvions pas établir de comparaison

  5   entre ces restes mortels et d'autres éléments. Nous avons donc demandé

  6   l'aide des organes compétents en Bosnie-Herzégovine pour pouvoir déterminer

  7   le lieu de résidence des membres de sa famille. A partir du moment où nous

  8   avons obtenu ces renseignements, nous avons demandé l'aide de la Commission

  9   internationale pour les personnes disparues, qui d'ailleurs est notre

 10   homologue avec qui nous travaillons pour identifier les personnes. Ils ont

 11   donc procédé à des prélèvements d'échantillons sanguins sur les membres de

 12   la famille qui avaient été retrouvés, et nous avons pu ainsi établir la

 13   comparaison avec les restes mortels et déterminer qu'il y avait

 14   effectivement concordance. Et il a ainsi été déterminé que les restes

 15   mortels en question trouvés à Celije étaient bien ceux de Haso Brajic.

 16   Q.  Est-ce que la date de son décès a été déterminée par l'administration ?

 17   R.  L'administration ne s'est pas intéressée à cela. Elle ne disposait que

 18   de la date de sa disparition.

 19   Q.  Bien.

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,

 21   examiner le document 1964, document de l'Accusation. Il s'agit du

 22   questionnaire relatif à Haso Brajic. Est-ce que nous pourrions avec la page

 23   numéro 10 en anglais et la page 8 en version B/C/S. Excusez-moi, non, je ne

 24   pense pas que ce soit la page que je recherche. Alors, peut-être qu'il

 25   s'agit de la page 18 en B/C/S. Non, non. En fait, c'est la page 10.

 26   Excusez-moi. Je pense qu'il faudrait afficher de nouveau la page en B/C/S

 27   qui se trouvait à l'écran il y a quelques minutes. Je vais maintenant

 28   vérifier que nous avons la bonne page pour la version anglaise. Alors, il


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  1   me semble que pour la version anglaise, c'est la page suivante qui doit

  2   être affichée. Voilà. C'est cela.

  3   Q.  Regardez le (c), est-ce que la personne recherchée a fait l'objet d'un

  4   traitement hospitalier. Vous pouvez voir qu'en 1992 et en 1993, il a

  5   justement eu des soins dans le département de pneumologie de l'hôpital

  6   général d'Osijek. Ainsi qu'en 1993. Mais par ailleurs, les informations

  7   dont nous disposons à propos de sa disparition indiquent qu'il a été porté

  8   disparu en septembre 1991. Donc ce sont des données quand même qui peuvent

  9   laisser assez sceptique quant à l'identification de cette personne, à mon

 10   avis.

 11   Alors, voilà ce que j'aimerais savoir : étant donné que nous n'avons pas

 12   d'information officielle relative à son identification et que nous ne

 13   pouvons pas expliquer comment cette personne se serait retrouvée à Celije

 14   dans cette fosse commune alors qu'il semblerait qu'il se trouvait à Osijek

 15   en 1992 et 1993, j'aimerais savoir si l'administration, qui a comme

 16   politique de conserver ces documents, envisage et permet des vérifications

 17   dans le cas d'identifications telles que celle-ci ?

 18   R.  Excusez-moi. J'aimerais savoir si nous pourrions peut-être montrer de

 19   nouveau la page numéro 2 du questionnaire concernant M. Haso Brajic.

 20   Voilà. Vous avez la date de la disparition, vous voyez qu'il est indiqué

 21   "date inconnue". Et est-ce que la page 8 pourrait être affichée, parce que

 22   je voudrais juste m'assurer, enfin, voir si sa famille ou son épouse ont

 23   mentionné une date.

 24   Non, non, excusez-moi, il ne s'agit pas de la page 8, mais de la page 4.

 25   Nous y trouvons des renseignements sur la date à laquelle la personne a été

 26   vue pour la dernière fois.

 27   Regardez le numéro 29 : est-ce qu'il y a des éléments indiquant que la

 28   personne portée disparue a été tuée ou est morte ? Et là, il est indiqué


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  1   "oui". Il est question d'un article de journal, article publié le 22 avril

  2   1992, il s'agit du journal de "Slavonije Glas". Donc je suppose que son

  3   épouse, lorsqu'elle a fourni des renseignements à propos de son traitement

  4   médical à l'hôpital d'Osijek, a tout simplement fait une erreur. Enfin,

  5   c'est la conclusion que je tire, parce que si nous avons ici un article de

  6   presse qui a été publié le 22 avril 1992, article qui indique que M. Haso

  7   Brajic aurait pu être tué, alors il s'agit tout simplement d'une erreur à

  8   propos des renseignements qui ont été fournis sur son traitement à

  9   l'hôpital. Il n'aurait pas pu recevoir des soins à l'hôpital en 1993 si en

 10   1992 son épouse a déclaré qu'elle avait des informations indiquant qu'il

 11   avait été tué.

 12   Pour ce qui est des possibilités de vérifier les conclusions, je vous

 13   dirais que ce cas a été examiné dans le cadre d'un projet conjoint entre la

 14   Commission internationale pour les personnes portées disparues et

 15   l'administration chargée des détenus et des personnes portées disparues. Il

 16   ne s'agit pas d'un processus d'identification qui a été effectué de façon

 17   indépendante par la République de Croatie qui aurait fait cavalier seul.

 18   Cela a été fait dans le cadre d'un projet conjoint avec une organisation

 19   internationale renommée, et leurs données sont des données fiables en

 20   matière d'analyse d'ADN.

 21   Q.  Alors, je voulais vous poser une autre question à propos de cet article

 22   de presse étant donné que vous êtes une experte et que vous travaillez pour

 23   l'administration. Quel poids est-ce que l'administration et vous en tant

 24   qu'experte accordez à un article de presse ? A en juger d'après votre

 25   réponse, d'aucuns pourraient conclure que vous acceptez cela comme

 26   absolument véridique.

 27   R.  Il ne s'agit pas de savoir si j'accepte ou si nous acceptons un article

 28   de presse comme absolument véridique. Ce que je vous dis est ceci : si la


Page 3824

  1   famille a déclaré que d'après un article de presse de l'année 1992 il y

  2   avait des indices suivant lesquels M. Haso Brajic avait été tué, cela va

  3   tout à fait à l'encontre des renseignements qu'ils ont fournis à propos du

  4   traitement hospitalier dont il aurait bénéficié en 1992 et 1993. S'il avait

  5   été soigné à l'hôpital d'Osijek en 1993, sa femme n'aurait pas déclaré en

  6   1992 qu'il était probablement décédé. Donc nous parlons de faits ici; il ne

  7   s'agit pas d'accorder de poids à un article de presse. Ce qui est

  8   important, c'est la chronologie des événements.

  9   Q.  Vous dites qu'il y a des indices émanant de cet article de presse, d'où

 10   ma question : quel poids accorderiez-vous à un article de presse publié

 11   pendant la guerre de l'autre côté de la ligne de front, à savoir par des

 12   personnes qui n'étaient pas forcément des témoins oculaires ? Et vous nous

 13   dites que la seule conclusion logique est que les données relatives à sa

 14   situation sont inexactes pour ce qui est de la date du traitement médical.

 15   Mais ce que j'avance, c'est que l'on peut envisager une autre possibilité,

 16   à savoir que les données publiées dans l'article sont inexactes.

 17   R.  Mais il est tout à fait possible que certains des renseignements soient

 18   inexacts. Je n'en sais rien. Je ne vois pas cet article de presse. Mais là,

 19   il est question de chronologie maintenant, d'années. S'il a été soigné à

 20   l'hôpital d'Osijek en 1993, sa femme n'aurait pas dit qu'il était

 21   probablement décédé depuis l'année 1992. Là, ce qui est important, c'est la

 22   chronologie des événements.

 23   Q.  Où est-ce que vous avez dit qu'il était décédé en 1992 ?

 24   R.  C'est la réponse à la question numéro 29, en d'autres termes :

 25   "Est-ce qu'il y a des éléments qui indiquent que la personne portée

 26   disparue a été tuée ?"

 27   Et la réponse est :

 28   "Oui. L'article de presse publié le 22 avril 1992 dans 'Glas Slavonije'."


Page 3825

  1   Donc c'est dans cet article de presse que se trouvent ces renseignements,

  2   et la référence au traitement médical porte sur l'année 1993.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Une petite seconde, je vous prie.

  4   Madame Bilic, les informations relatives à l'article de presse sont des

  5   renseignements qui ont été donnés par l'épouse de cet homme, d'après ce que

  6   je comprends de vos propos. Une question lui a été posée, à cette femme, et

  7   c'est la réponse à cette question ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un petit moment.

 10   Alors, pour ce qui est des renseignements relatifs au traitement à

 11   l'hôpital en 1993, ce sont des renseignements qui ont été fournis par

 12   l'épouse de cette personne en réponse à une question; est-ce que cela est

 13   exact ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Donc, ce que vous nous dites,

 16   c'est qu'il n'aurait pas été logique qu'elle dise d'un côté qu'elle

 17   disposait d'informations suivant lesquelles il aurait été tué en 1992 et

 18   que, par ailleurs, elle aurait indiqué qu'il aurait suivi un traitement

 19   médical à l'hôpital d'Osijek en 1993. C'est ainsi que je dois vous

 20   comprendre ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'est tout à fait cela. D'où la

 22   conclusion que je tire à savoir qu'il y a certainement eu méprise, il y a

 23   eu une erreur, et cela, en fait, est une conclusion étayée par le fait que

 24   les restes mortels de Haso Brajic ont été identifiés, et cela est conforme

 25   à la réponse fournie par son épouse à la question 29.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 27   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,

 28   voir la dernière page pour pouvoir voir la date à laquelle l'épouse de M.


Page 3826

  1   Haso Brajic a fourni cette information.

  2   Q.  Je suppose qu'il s'agit de l'article de presse sur lequel vous vous

  3   êtes appuyée, mais ce n'est pas ce que je voulais montrer. Je voulais vous

  4   montrer cette date. Est-ce que vous le voyez ? Ce n'est pas très, très,

  5   très lisible, mais je pense que l'année, en tout cas, peut être vue. Il

  6   s'agit de l'année 1994.

  7   R.  Oui, c'est exact. Il s'agit de l'année 1994, donc ça se faisait dans le

  8   cadre des premières tentatives pour collecter les renseignements relatifs

  9   aux personnes portées disparues.

 10   Et j'aimerais juste apporter une correction. Nous ne nous sommes pas

 11   appuyés sur l'article de presse. Les renseignements émanant de l'article de

 12   presse ont été fournis par l'épouse de M. Haso Brajic.

 13   Q.  La date est la date du 8 février 1994. Alors, vous venez de nous dire

 14   que c'est la Commission internationale pour les personnes portées disparues

 15   qui à procéder à l'identification. Alors, est-ce que c'est la commission de

 16   Bosnie-Herzégovine ou de la Croatie ?

 17   R.  Le siège de la commission internationale se trouve en Bosnie-

 18   Herzégovine, et j'ai dit que ce processus précis d'identification a été

 19   effectué dans le cadre d'une opération conjointe entre l'administration

 20   chargée des détenues et des personnes portées disparues et la Commission

 21   internationale pour les personnes portées disparues. Il s'agit d'un projet

 22   conjoint qui a été appelé justement Projet conjoint ou Projet mixte pour

 23   l'identification d'ADN définitive.

 24   Q.  Je voudrais savoir autre chose. Est-ce que la commission a obtenu de la

 25   part de l'autre commission la conclusion -- est-ce qu'elle a obtenu la

 26   conclusion avec tous les documents qui l'étayent, notamment toutes les

 27   analyses scientifiques ?

 28   R.  La commission a reçu de la part de la commission internationale les


Page 3827

  1   conclusions relatives aux analyses d'échantillons sanguins des membres de

  2   la famille de Haso Brajic.

  3   Q.  Et est-ce que l'administration n'a obtenu que les conclusions

  4   définitives ou est-ce qu'elle a obtenu les électrophérogrammes qui sous-

  5   tendent les conclusions ?

  6   R.  Nous n'avons certainement pas obtenu les analyses relatives aux

  7   échantillons sanguins. Nous avons obtenu les conclusions. Alors, que ces

  8   conclusions soient seulement des chiffres ou les électrophérogrammes

  9   également, je n'en sais rien.

 10   Q.  Encore il faut savoir s'ils étaient disposés à fournir ce type de

 11   renseignement à ce Tribunal, et je ne parle pas seulement de cette affaire,

 12   je parle d'autres affaires. Ce que j'aimerais savoir, c'est à qui nous

 13   pourrions nous adresser au sein de votre administration ? Est-ce que nous

 14   pouvons nous adresser à vous directement ou à la commission internationale

 15   ?

 16   R.  Pour ce qui est des conclusions relatives aux analyses des restes

 17   mortels, notamment les électrophérogrammes, je peux vous dire que nous

 18   avons les conclusions établies par la Commission internationale pour les

 19   personnes portées disparues. Nous avons également des cas d'identification

 20   qui s'inscrivaient dans le cadre du projet conjoint entre l'administration

 21   pour les détenues et les personnes portées disparues et la commission

 22   internationale. Les restes mortels de quelque 300 à 350 personnes ont été

 23   identifiés. Il se peut que ce chiffre, d'ailleurs, soit supérieur, et dans

 24   plus de 100 cas, il y a eu confirmation des conclusions établies par

 25   l'administration pour les détenus et les personnes portées disparues. Donc

 26   cela faisait office de mécanisme de contrôle, mais nous prenons en

 27   considération tous les renseignements relatifs au traitement ou à l'analyse

 28   des restes mortels et à l'analyse des échantillons sanguins.


Page 3828

  1   Q.  Je vous ai posé une question précise à propos des électrophérogrammes,

  2   et vous m'avez répondu que vous n'en savez rien. Alors que, maintenant,

  3   vous nous dites que vous échangez avec eux toutes les données. Alors,

  4   quelle est la situation ? Est-ce que vous recevez, oui ou non, les

  5   électrophérogrammes ou est-ce que les électrophérogrammes ne sont pas

  6   inclus dans ce que vous appelez toutes les données que vous avez reçues ?

  7   R.  Ce que j'ai dit, c'est que dans le cas précis de M. Haso Brajic, je ne

  8   peux pas affirmer que pour le moment nous avons les électrophérogrammes. Je

  9   ne vous dis ni oui ni non. Je vous dis tout simplement que je n'en sais

 10   rien pour le moment. Sinon, je continue à maintenir que nous échangeons

 11   avec la commission internationale toutes les conclusions et toutes les

 12   données relatives, toutes les données obtenues dans le cadre de projet

 13   conjoint en matière d'analyse ADN des restes mortels.

 14   Q.  Est-ce que cela signifie que dans d'autres situations, vous avez les

 15   électrophérogrammes ?

 16   R.  Je pense que cela est le cas dans la majorité des cas.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, est-ce que vous

 18   pensez que nous pourrions faire la pause ?

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et j'aimerais vous rappeler de

 21   ménager des temps d'arrêt entre les questions et les réponses.

 22   Madame Bilic, nous allons faire la première pause. Nous reviendrons à 11

 23   heures. Mme l'Huissière va vous accompagner hors du prétoire. Je vous

 24   remercie.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.

 27   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 28   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.


Page 3829

  1   [Le témoin vient à la barre]

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.

  4   Q.  Madame Bilic, reprenons, si vous voulez bien, la question des

  5   questionnaires - il s'agit de la pièce 2324 - et examinons le point 8, page

  6   2, s'il vous plaît. Ou plutôt, page 3, au point 8.

  7   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Et la version anglaise aussi, s'il vous

  8   plaît.

  9   Q.  Ce qui figure au point 8, c'est la question suivante :

 10   "Qui est à l'origine de la disparition forcée de la personne portée

 11   disparue ?"

 12   Et plusieurs types d'unités, nous pourrions les qualifier d'ennemis, sont

 13   énumérés ici, donc ennemis du point de vue des forces armées croates. Je

 14   voudrais savoir la chose suivante : pour quelle raison l'on ne cite ici

 15   aucune unité croate ? Aucune formation croate ne figure également dans ce

 16   questionnaire, par ailleurs, et il y en a sept en tout, comme nous l'avons

 17   constaté. Avez-vous compris ma question ?

 18   R.  Oui, j'ai compris votre question. Donc la situation est la suivante :

 19   dans la plupart des cas, lorsqu'il s'agit de personnes dont les familles

 20   ont amorcé la procédure de recherche ou sont à l'origine de ces demandes de

 21   recherche, ce sont les membres de l'un des groupes énumérés ici qui sont

 22   responsables de la disparition forcée. Mais au petit (g), l'on voit qu'il

 23   est prévu la catégorie "Autre", donc c'est là que l'on a la possibilité de

 24   citer des membres de toute autre unité ou formation, y compris des membres

 25   de forces armées croates, si la famille dispose de telles informations, à

 26   savoir que la responsabilité de la disparition forcée ou de la capture

 27   incombe éventuellement à ces forces-là. Donc, à cette question, il est

 28   possible de répondre en fonction des renseignements dont dispose la


Page 3830

  1   famille, quels qu'ils soient, ces renseignements.

  2   Q.  Mais pourriez-vous nous citer les raisons pour lesquelles l'on ne cite

  3   pas nommément ces formations, comme cela est le cas du paragraphe que nous

  4   voyons s'afficher à l'écran ? Ou plutôt, ce qui figure sur une autre page

  5   du questionnaire.

  6   R.  Je vous l'ai déjà dit et je répète, dans la plupart des cas, la

  7   disparition forcée ou la capture des personnes, lorsque la disparition a

  8   été déclarée lors de cette action de 1994, donc, dans la plupart des cas,

  9   la responsabilité est celle des membres de ces formations énumérées ici, et

 10   l'on a également prévu la possibilité de renseigner sur cette question un

 11   membre de toute autre formation si la famille dispose de tels

 12   renseignements.

 13   Q.  Est-ce que nous pouvons remonter une page en arrière, s'il vous plaît,

 14   la page précédente; ce sont des renseignements sur l'affiliation de la

 15   personne recherchée, à savoir à quelle unité ou formation elle appartenait.

 16   Vous voyez des points du petit (a) au petit (i), toutes ces possibilités

 17   qui sont énumérées ici. Alors, dites-nous, pour quelle raison l'on ne

 18   prévoit pas ici que la personne recherchée puisse éventuellement être

 19   membre de l'une des formations que nous venons de voir précédemment, donc

 20   membre de la JNA, de la Défense territoriale, des unités paramilitaires,

 21   des Services secrets, et cetera ?

 22   R.  Ce questionnaire prévu pour les personnes portées disparues doit être

 23   examiné dans le contexte dans lequel il a été créé. C'est un instrument de

 24   qualité pour rassembler les informations, et les différentes questions de

 25   ce questionnaire reflètent la situation telle qu'elle se présentait au

 26   moment où il a été créé. D'autres questions sont prévues dans ce

 27   questionnaire qui nécessiteraient d'être reformulées aujourd'hui

 28   probablement, comme les zones protégées des Nations Unies, le statut de


Page 3831

  1   personne déplacée ou réfugié, et cetera.

  2   Mais pour ce qui est du statut, pour ce qui est de la question que vous me

  3   posez, à savoir pourquoi est-ce que les membres de la JNA, d'unités

  4   paramilitaires ou autre ne sont pas prévus ici, eh bien, c'est parce que la

  5   plupart des personnes portées disparues en 1991 et 1992 sont des anciens

  6   combattants de la guerre d'indépendance croate ainsi que des civils qui ont

  7   fait l'objet de disparition forcée, qui ont été emmenés de force par des

  8   membres de la JNA ou d'unités paramilitaires. Et leurs familles se sont

  9   adressées à notre administration pour déclencher la procédure de recherche

 10   auprès de notre administration. Les familles des membres de la JNA portés

 11   disparus, quant à elles, se sont adressées à la commission compétente

 12   chargée de rechercher les ressortissants de la République de Serbie,

 13   d'ailleurs à l'époque c'était la République fédérale de Yougoslavie; tandis

 14   que les familles des membres d'unités paramilitaires, quant à elles, se

 15   sont adressées à la commission de la soi-disant République serbe de

 16   Krajina.

 17   Et il faut savoir, donc, que sur les territoires précédemment occupés, un

 18   organe a également été mis sur pied, une institution qui était chargée des

 19   questions relatives aux membres d'unités paramilitaires détenus ou portés

 20   disparus. Le siège de cette commission était à Knin. Elle avait une antenne

 21   qui était chargée des personnes détenues ou portées disparues dans la

 22   région de la vallée du Danube, et le siège de cette antenne-là était à

 23   Erdut.

 24   Q.  Autrement dit, vu que cette commission a, elle aussi, existé et a

 25   fonctionné sur le territoire entre les mains des forces serbes, est-ce que

 26   c'est pour cette raison-là que votre administration n'a pas engagé de

 27   procédures vraiment approfondies ou développées pour rechercher les membres

 28   de ces formations-là qui auraient été portés disparus ?


Page 3832

  1   R.  Non. Non, non, cela ne veut absolument pas dire que notre

  2   administration n'a pas engagé de procédures. Au moment où notre

  3   administration a commencé à rechercher des renseignements sur les personnes

  4   portées disparues, on s'est adressé à ce moment-là aux familles de toutes

  5   les personnes portées disparues qui étaient des ressortissants de la

  6   République de Croatie, les invitant à se présenter à l'administration pour

  7   déclarer la disparition de leurs proches. Cette invitation a été lancée par

  8   le biais de tous les médias juste avant que l'action ne soit déclanchée et

  9   s'adressait à l'ensemble des familles dont un membre était porté disparu en

 10   relation aux conflits armés en République de Croatie.

 11   Et je pense que c'était simultanément avec la mise sur pied des commissions

 12   qui étaient actives sur le territoire libre de la République de Croatie.

 13   L'on a créé des commissions chargées de la même question sur les

 14   territoires précédemment occupés de la République de Croatie. Donc il y a

 15   eu des para-commissions qui se sont manifestées comme l'homologue de ces

 16   négociations ou de ces pourparlers, et les familles des personnes portées

 17   disparues qui avaient été membres de la JNA, de la Défense territoriale ou

 18   de formations paramilitaires résidaient pour la plupart sur les territoires

 19   occupés de la République de Croatie à l'époque et se sont adressées à ces

 20   commissions-là, ces commissions qui étaient chargées exactement de ces

 21   questions.

 22   Donc c'était la situation en 1994 -- ou, plutôt, en 1993-1994, au moment où

 23   les questionnaires ont été conçus et où on a rassemblé des informations.

 24   Aujourd'hui, la situation est tout à fait différente.

 25   Q.  C'est plutôt la question du questionnaire qui m'intéresse, et non pas

 26   la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui. Excusez-moi de vous

 27   interrompre.

 28   R.  Je vous en prie. Je voulais simplement ajouter que ce questionnaire


Page 3833

  1   reflète, pour certaines des questions qu'il comporte, la situation qui

  2   prévalait au moment où il a été conçu, donc il est le résultat d'un certain

  3   contexte.

  4   Q.  Mais cette question au point 18, elle ne concerne pas les membres des

  5   différentes unités armées énumérées au point 8 de la page suivante; donc,

  6   je veux dire, des membres de la JNA, de la police, de la Défense

  7   territoriale, des formations paramilitaires, des Services secrets, et

  8   cetera ?

  9   R.  Comme je l'ai déjà dit --

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Les voix

 11   se chevauchent de nouveau. Maître Zivanovic, n'avons-nous pas la sensation

 12   que la réponse a été apportée à votre question déjà ?

 13   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui. Je retire la question.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 16   Q.  Je vous invite à examiner la pièce 3747 à présent. Il s'agit, là

 17   encore, d'un questionnaire qui concerne un dénommé Vinko Oroz. Page 14 en

 18   anglais, s'il vous plaît. En B/C/S, ce sera la page 10.

 19   Cela semble être une erreur. Mais prenons le chapitre 2, la question qui

 20   figure sous 10.

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Page 4, excusez-moi, en B/C/S. Je pense que

 22   ce sera la dernière page en anglais.

 23   Q.  Je vous invite à examiner le point 10. Le texte se lit comme suit, la

 24   dernière phrase :

 25   "La personne qui est à l'origine de la recherche a appris --"

 26   Excusez-moi. Non, non, c'est une erreur. Nous n'allons pas examiner ce

 27   document. Excusez-moi. L'erreur vient de moi.

 28   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Prenons le document 3765, s'il vous plaît.


Page 3834

  1   Page 5. Excusez-moi. C'est la page 4, et il s'agit de la question au point

  2   21.

  3   Q.  Voyez-vous, il est écrit ici que l'individu en question a été vu pour

  4   la dernière fois fin février 1992, à Darda, au poste de police. Il figure

  5   chez nous parmi les victimes à partir du 4 octobre 1991.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, ce que j'ai en

  7   anglais à l'écran, il est renseigné que :

  8   "La personne a été vue pour la dernière fois fin novembre 1991." Au

  9   point 21.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Chez nous, c'est la fin du mois de février

 11   1992. Nous l'avons à présent en anglais.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, tout à fait. C'est le bon

 13   document.

 14   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 15   Q.  J'aimerais savoir si vous avez jamais procédé à des vérifications de ce

 16   renseignement, comme quoi la personne a été vue pour la dernière fois au

 17   poste de police de Darda fin février 1992 ?

 18   R.  Je n'arrive pas à me rappeler concrètement ce dossier-là. Est-ce que

 19   l'on a procédé à des vérifications ou pas dans ce sens-là, dans le sens où

 20   on a vu la personne pour la dernière fois.

 21   Q.  Excusez-moi. Ce qui m'intéresse, c'est uniquement ce dossier en

 22   particulier. Donc, si vous n'arrivez pas à vous rappeler, ne perdons pas de

 23   temps si vous n'avez pas de réponse à m'apporter à cette question-là

 24   concrète.

 25   R.  Oui. Concrètement sur ce point-là, à savoir est-ce qu'on a procédé à

 26   des vérifications supplémentaires, je ne peux pas me souvenir maintenant si

 27   on l'a fait. Mais concrètement s'agissant de cette personne-là, je sais que

 28   les restes de cette personne ont été trouvés et qu'ils ont été identifiés.


Page 3835

  1   Et si mes souvenirs sont bons, ils ont été trouvés et repris de la

  2   République de Serbie. Il me semble que d'après les informations que nous

  3   avons, nous savons également à quel moment ces restes mortels ont été

  4   trouvés, à quel moment ils ont été sortis du fleuve Danube.

  5   Q.  Et c'est l'ICMP qui a procédé à son identification, là encore ?

  6   R.  Dans ce cas précis, ce sont les laboratoires d'analyse ADN situés en

  7   République de Croatie qui ont procédé à l'identification. Mais je tiens à

  8   ajouter que ces restes mortels ont été ensevelis, si mes souvenirs sont

  9   bons, ensevelis à Novi Sad, et c'est en 2002. Sur la base d'un accord passé

 10   avec la commission de la République de Serbie, nous avons procédé à

 11   l'échantillonnage par prélèvement sur les restes non identifiés ensevelis à

 12   Novi Sad. Et nous avons également fait des prélèvements sur des restes

 13   mortels pour lesquels il a été constaté par la suite que l'échantillon

 14   venait de cette personne-là, et l'ADN a confirmé cette conclusion. Mais

 15   avant que cette identification n'ait lieu, nous ne savions pas ce qui était

 16   advenu de cette personne, nous ne savions pas où étaient ensevelis ses

 17   restes mortels. La commission internationale, donc l'ICMP, possède cet

 18   échantillon également. Mais mon administration, de manière indépendante,

 19   est arrivée à ces conclusions.

 20   Excusez-moi. Je veux juste ajouter que j'espère ne pas me tromper sur la

 21   personne, puisque nous avons Janes et Tibor Siles, donc deux prénoms

 22   différents avec le même nom de famille. Donc j'espère ne pas faire la

 23   confusion entre ces deux individus.

 24   Q.  Nous avons un temps limité. Donc la seule chose que je voulais savoir,

 25   c'était de savoir si l'administration a procédé à des vérifications des

 26   renseignements qui figurent ici dans ce questionnaire. Et vous avez répondu

 27   à ma question que vous ne pouviez pas nous donner de réponse là-dessus avec

 28   certitude, donc qu'il n'y a pas lieu de continuer d'examiner en détail ce


Page 3836

  1   document.

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] A présent, je souhaiterais que l'on examine

  3   le document 3931 de la liste du Procureur. Page 4, là encore, en B/C/S et

  4   page 5 en anglais. C'est la question au point 20. Pardon. Revenez en

  5   arrière, s'il vous plaît, d'une page. Vous voyez vers la fin de la page --

  6   non, pardon. Excusez-moi. On l'a vu à l'instant. Page suivante, s'il vous

  7   plaît.

  8   Q.  C'est la dernière réponse, au point 20. Entre autres, ce qui est écrit

  9   ici à la dernière ligne :

 10   "La mère précise qu'il a été vu à Sremska Mitrovica."

 11   Si mes informations sont bonnes -- en fait, je voudrais savoir s'il a été

 12   procédé à des vérifications pour savoir si cette personne se trouvait

 13   effectivement à Sremska Mitrovica ?

 14   R.  Nous avons procédé à des vérifications sur les personnes portées

 15   disparues pour vérifier si elles s'étaient trouvées soit en République de

 16   Serbie, soit en Bosnie-Herzégovine, selon les cas. Et la liste de toutes

 17   les personnes portées disparues a été communiquée au sujet instances

 18   compétentes de la République de Serbie, en particulier lorsque nous avions

 19   des éléments d'information signalant que ces personnes se seraient trouvées

 20   soit dans les prisons, soit dans les camps sur le territoire de la

 21   République de Serbie. Pour autant que je le sache, nous n'avons pas reçu de

 22   confirmation, donc, nous faisant savoir que cette personne se serait

 23   trouvée à Sremska Mitrovica.

 24   Donc le seul mécanisme que nous avions nous permettant de vérifier cette

 25   information, c'était des pourparlers, c'est-à-dire les relations

 26   bilatérales que nous avions avec la commission compétente située en

 27   République de Serbie.

 28   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Peut-on maintenant examiner le document


Page 3837

  1   numéro 4063. L'individu concerné s'appelle Ivan Redzic. Passons à la page

  2   numéro 3 puis à la numéro 4 en B/C/S. En anglais, il s'agira des pages 4 et

  3   puis 5.

  4   Q.  Vous voyez en bas de la page - de nouveau, dans la question numéro 20 -

  5   qu'il est indiqué ce qui suit : le 4 décembre 1992, il a été vu à l'hôpital

  6   de Vukovar par l'interprète de la FORPRONU, dont on donne également le nom

  7   ou le prénom, je ne sais pas. Il y a donc été vu par cet interprète et il a

  8   subi là-bas une intervention chirurgicale au bras ou à la main. Au moment

  9   où il aurait dû être pris en charge, il est parti, et au mois de mai il a

 10   été vu à Borovo Naselje, à ceci près qu'il avait changé de nom et de prénom

 11   ?

 12   R.  Je crois que la réponse à cette question figure dans une explication

 13   que j'avais déjà donnée auparavant, à savoir que toute une série de

 14   questions couvre les circonstances dans lesquelles la personne avait été

 15   vue pour la dernière fois parce que, sur l'échelle de temps à laquelle ce

 16   processus se déroulait, les familles pouvaient obtenir certaines

 17   informations. Et d'ailleurs, de telles informations pouvaient parfois se

 18   confirmer; par exemple, un témoin qui pouvait s'être trouvé en détention en

 19   même temps que les personnes concernées, c'étaient là des informations très

 20   fiables qui ont pu parfois être vérifiées. Cependant, pour la majorité de

 21   ces informations concernant des circonstances dans lesquelles la personne

 22   avait ensuite été vue quelque part, elles se sont avérées inexactes.

 23   Q.  Vous avez déjà donné une réponse générale, certes; mais ce qui

 24   m'intéresse, c'est ce cas concret : avez-vous procédé à une vérification

 25   auprès de cet interprète de la FORPRONU qui est ici identifié pour lui

 26   demander si il ou elle avait vu Redzic Ivan dans les circonstances ici

 27   décrites ?

 28   R.  Je ne m'en souviens pas.


Page 3838

  1   Q.  Hier, dans votre déposition, vous avez parlé d'un citoyen français

  2   répondant au nom de Jean-Michel Nicolier qui a été porté disparu. Vous avez

  3   dit qu'il avait le statut de combattant croate de la dernière guerre et

  4   qu'il était nécessaire, pour bénéficier de ce statut, d'avoir la

  5   nationalité croate. Ce qui m'intéresse, c'est si vous savez avec certitude

  6   qu'il avait le statut d'ancien combattant de la dernière guerre en Croatie

  7   ?

  8   R.  Pour autant que je le sache, ce statut d'ancien combattant de la guerre

  9   d'indépendance lui a été attribué. Mais si les familles n'ont pas pris

 10   position à ce sujet dans le questionnaire, c'est quelque chose à quoi je

 11   n'aurais pas accès de par les compétences qui sont celles de notre

 12   institution. Donc, ce que je puis en dire, comme je le dis maintenant, cela

 13   vient des informations que j'ai apprises dans les médias. Sa famille s'est

 14   rendue en visite en Croatie plusieurs fois, y compris afin de fournir des

 15   échantillons sanguins, des échantillons d'ADN pour analyse, et pour autant

 16   que je me souvienne, il s'est vu accorder ce statut d'ancien combattant de

 17   la guerre d'indépendance croate.

 18   Q.  Mais hier, vous avez dit qu'une précondition à cela était d'avoir la

 19   nationalité croate. Dans la mesure où vous avez dit cela, s'agit-il d'une

 20   information fiable que vous nous donnez là ?

 21   R.  Non. J'ai dit que pour autant que je le sache, je n'ai pas une

 22   connaissance suffisamment approfondie des textes réglementaires en question

 23   pour pouvoir vous l'affirmer en toute certitude.

 24   Q.  Concernant Milorad Stricevic, vous avez parlé de lui, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Vous avez dit que sa famille n'avait jamais engagé de procédures de

 27   recherche le concernant en Croatie. Ceci figure en page 3 786 du compte

 28   rendu d'audience. Et vous avez dit que, donc, elle n'avait engagé aucune


Page 3839

  1   procédure en Croatie ou en Serbie ou auprès du CICR --

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Alors, qui a effectué l'identification de Milorad Stricevic ?

  4   R.  Cela a été fait par analyse d'ADN. Alors, on utilise les méthodes

  5   classiques médico-légales et l'analyse d'ADN au moyen des échantillons

  6   fournis par la famille, et c'est ce qui a été fait. Cependant, nous avons

  7   obtenu des informations sur le terrain indiquant qu'il était possible qu'à

  8   partir des restes humains retrouvés à Daljski Atar et des restes humains de

  9   Milorad Stricevic, nous puissions procéder à une analyse d'ADN en utilisant

 10   des échantillons d'ADN prélevés auprès de son frère. Les résultats de

 11   l'analyse d'ADN ainsi effectuée ont été concluants. Ils ont permis

 12   d'établir l'identité de Milorad Stricevic en concordance avec les résultats

 13   des méthodes classiques médico-légales.

 14   Q.  En déposant à ce sujet, vous avez dit, au moment où on vous a indiqué

 15   que c'était l'année 1998 qui avait été inscrite comme année de son décès,

 16   que cela était inexact. Est-ce que vous pourriez me dire pourquoi ?

 17   R.  Je vais essayer. Il s'agit de restes humains dont il a été déterminé

 18   qu'ils appartenaient à Milorad Stricevic. Ils ont été exhumés d'un puits à

 19   Daljski Atar. Comme j'ai dit hier, les restes humains qui se trouvaient à

 20   Daljski Atar étaient ceux d'habitants d'Erdut qui, à plusieurs reprises,

 21   ont été emmenés de force de leurs domiciles. On trouvait plus vers le fond

 22   du puits les restes humains de ceux qui avaient été emmenés de force en

 23   premier et jetés dans le puits, puis ensuite, en remontant vers la surface,

 24   on trouvait par couches successives les restes humains de ceux qui avaient

 25   été emmenés de force et jetés dans le puits, pour ensuite retrouver au

 26   sommet les restes humains de ceux qui avaient été emmenés de force en

 27   dernier.

 28   Alors, à cet instant précis, je ne suis pas sûre, je ne peux pas vous dire


Page 3840

  1   quelle était la marque ou l'indication portée sur les restes humains de

  2   Milorad Stricevic, mais à partir de cela il est possible de déterminer

  3   approximativement à quel moment ses restes humains ont été jetés dans le

  4   puits, et je pense qu'il est tout à fait exclu qu'ils aient pu se trouver

  5   au sommet de la pile de restes humains dans ce puits.

  6   Q.  Si cela peut vous aider, je crois que ses restes humains ont été

  7   marqués du nombre 1387.

  8   R.  Est-ce que vous pourriez me donner la plage de numéros correspondant

  9   aux restes humains en question ?

 10   Q.  Je ne peux pas à ce stade. Mais en tout cas, vous n'êtes pas sûre quant

 11   à la question de savoir si ses restes humains se trouvaient tout au fond du

 12   puits, plutôt vers le milieu ou tout en haut de l'amas de restes humains,

 13   au fond, de ce puits ?

 14   R.  Non, je ne peux pas vous le dire sans avoir le détail des numéros de

 15   référence attribués.

 16   Q.  Mais comment avez-vous alors établi qu'il n'avait pas été jeté dans le

 17   puits en 1998 ?

 18   R.  Eh bien, entre autres critères, il est possible de le déterminer

 19   également à partir de l'état des restes humains. Donc, s'il avait été jeté

 20   dans le puits en 1998, alors que l'exhumation a elle-même eu lieu en 1998,

 21   on pourrait partir du principe que ses restes humains auraient été bien

 22   mieux conservés, en fait, assez bien conservés, jusqu'à dix mois à compter

 23   du moment où ils ont été jetés dans le puits.

 24   Q.  Et quel était le degré de conservation de ces restes humains pour cet

 25   individu ?

 26   R.  Je ne m'en souviens pas exactement, mais c'est quelque chose que l'on

 27   peut vérifier en consultant les documents relatifs à l'autopsie.

 28   Q.  Vous rappelez-vous si l'on a déterminé la cause de son décès ?


Page 3841

  1   R.  Je ne sais vraiment pas. C'est une question qu'il faudra adresser à des

  2   spécialistes de médecine légale.

  3   Q.  Une dernière chose. Vous avez dit que les exhumations à Ovcara avaient

  4   débuté au mois de septembre 1996. Pourriez-vous nous dire quelles étaient

  5   les autorités en place à l'époque sur ce territoire ?

  6   R.  A l'époque, la région de la vallée du Danube croate se trouvait en

  7   plein processus de réintégration pacifique, donc c'étaient les forces de

  8   l'administration transitoire de l'ONU pour la SBSO qui se trouvaient sur ce

  9   territoire à ce moment-là. Et la République de Croatie n'exerçait pas une

 10   souveraineté pleine et entière sur ce territoire.

 11   Q.  Savez-vous si des autorités serbes étaient en place à l'époque sur ce

 12   territoire, donc pendant cette période de la réintégration pacifique ?

 13   R.  Je crois que cela était bien le cas. En revanche, quel pouvait être le

 14   mandat de telles autorités, c'est quelque chose que j'ignore.

 15   Q.  Savez-vous qu'à cette époque, c'est précisément M. Hadzic qui se

 16   trouvait à la tête de ces autorités locales ?

 17   R.  Je l'ignore.

 18   Q.  Merci, Madame Bilic. Je n'ai pas d'autres questions.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je n'ai pas

 20   d'autres questions.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 22   Monsieur Gillett, avez-vous des questions supplémentaires ?

 23   M. GILLETT : [interprétation] Oui, quelques-unes, Monsieur le Président.

 24   Pour commencer, mon collègue a dit qu'il reviendrait vers nous après la

 25   pause au sujet du Dr Strinovic et de la façon dont il se serait distancié

 26   de certains rapports d'autopsie au moment où il les a commentés. Si cela

 27   pouvait nous être fourni, nous l'apprécierions grandement.

 28   M. GILLETT : [interprétation] Je voudrais maintenant passer au document

 


Page 3842

  1   1964 de la liste 65 ter.

  2   Nouvel interrogatoire par M. Gillett :

  3   Q.  [interprétation] On vous a demandé, Madame Bilic, ce qu'il en était du

  4   questionnaire de Haso Brajic. La Défense, à ce sujet, a fait référence à un

  5   traitement que cet individu a subi en 1992 et 1993 à l'hôpital principal

  6   d'Osijek.

  7   M. GILLETT : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher, donc, la

  8   page numéro 16 en anglais et 14 en B/C/S de ce document numéro 1964 de la

  9   liste 65 ter.

 10   Q.  Ces documents médicaux étaient joints au questionnaire relatif à cette

 11   personne. Alors, est-ce une situation tout à fait habituelle, Madame le

 12   Témoin, que des documents médicaux de cette nature soient joints au

 13   questionnaire relatif à la personne 

 14   concernée ?

 15   R.  C'est quelque chose qui était tout à fait habituel, dans la mesure où

 16   la famille disposait de dossiers médicaux, et ce, notamment dans le cadre

 17   d'un questionnaire comme celui que nous faisions remplir. Nous demandions

 18   aux familles de retrouver la documentation complète dont elles pouvaient

 19   disposer, y compris les dossiers médicaux de la personne disparue, et de

 20   les joindre au questionnaire. On voit que dans ce cas précis, cela a été le

 21   cas. Il y a toute une série de cas pour lesquels nous disposons de dossiers

 22   médicaux, et cette documentation médicale fait partie intégrante du dossier

 23   de la personne disparue dans un tel cas.

 24   Q.  Ce document concerne le traitement de Haso Brajic pour diabète à

 25   l'hôpital principal d'Osijek. Alors, concernant la référence qui apparaît

 26   dans le questionnaire au sujet d'un traitement en 1992 et 1993, qu'est-ce

 27   que cela suggèrerait ? Alors, j'aurais dû dire que cela remonte aux années

 28   1980.

 


Page 3843

  1   R.  C'est exact. Ici, on parle de 1981, mois de février 1981, et pour

  2   autant que je m'en souvienne, il est question des mêmes pathologies, donc

  3   du diabète. Ce qui est également mentionné dans le questionnaire, à ceci

  4   près que dans le questionnaire on évoque une période de temps différente.

  5   M. GILLETT : [interprétation] Passons maintenant à la page numéro 4 en

  6   B/C/S et en anglais de ce même document, question numéro 22.

  7   Q.  On y trouve indiquée l'adresse à laquelle la personne a été vue pour la

  8   dernière fois avant sa disparition. Cette adresse est Oraski Put, près

  9   d'Erdut. Alors, s'il avait été vu la dernière fois à l'hôpital général

 10   d'Osijek, est-ce que cela n'aurait pas dû être l'adresse à laquelle il a

 11   été vu pour la dernière fois ?

 12   R.  Oui. Dans ce cas-là, on trouverait comme adresse de l'endroit où il a

 13   été vu pour la dernière fois celle de l'hôpital général d'Osijek.

 14   M. GILLETT : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher le

 15   document 3747 de la liste 65 ter, et il s'agit du questionnaire concernant

 16   Janos Siles.

 17   Q.  Alors, concernant cet individu, il est indiqué qu'il a été aperçu en

 18   1992, je crois.

 19   M. GILLETT : [interprétation] Alors, pourrions-nous avoir le document

 20   1D264. C'était un document figurant sur la liste de la Défense. Page numéro

 21   1.

 22   Q.  Je me rappelle que concernant cet individu particulier, vous avez dit

 23   vous rappeler que les restes humains correspondants avaient été fournis par

 24   la République de Serbie. Alors, si nous examinons le document 1D264, au

 25   point numéro 3, nous voyons, en face de date de naissance, 1957, N.S.,

 26   1086/91. Est-ce que vous savez ce que ceci indique ?

 27   R.  Oui, c'est l'identification des restes humains, avec l'année à laquelle

 28   ils ont été retrouvés. Donc l'année à laquelle les restes humains ont été


Page 3844

  1   retrouvés a été établie sur la base des documents que l'administration des

  2   personnes disparues et détenues a obtenus de la part des autorités

  3   compétentes de la République de Serbie. C'est donc le moment auquel les

  4   restes humains ont été retirés du Danube avant d'être inhumés au cimetière

  5   de Novi Sad après leur autopsie.

  6   Q.  Et pour Janos Siles, de quelle année s'agit-il ? Quelle est la date

  7   concernée ?

  8   R.  L'année à laquelle les restes humains ont été retrouvés -- donc, 1991.

  9   Excusez-moi, je n'avais pas très bien compris. 1991.

 10   Q.  Merci.

 11   M. GILLETT : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher le

 12   document P1507, qui a été versé au dossier hier et qui concerne Ivan

 13   Redzic, dont il a été question en page numéro 39 du contre-interrogatoire.

 14   Q.  Dans le document auquel il a été fait référence pendant le contre-

 15   interrogatoire, la date de la disparition d'Ivan Redzic est avancée comme

 16   étant le 19 novembre 1991. Alors, si nous examinons la pièce P1507, qui est

 17   la liste des restes humains exhumés du cimetière catholique de Dalj, vous

 18   trouverez la date du 19 novembre 1991.

 19   Voici ma question : lorsque ces cadavres ont été exhumés, et vous avez,

 20   hier, indiqué votre participation à l'exhumation en question, comment les

 21   corps ou les cadavres étaient-ils disposés ? Est-ce qu'ils formaient un

 22   groupe ?

 23   Je voudrais que nous fassions défiler vers le bas de la page en B/C/S.

 24   Point numéro 4.

 25   R.  Oui. Les restes humains étaient groupés. C'était en fait un charnier de

 26   configuration assez classique qui a été retrouvé au cimetière catholique de

 27   Dalj. Des restes humains ont été retrouvés à une profondeur un peu plus

 28   importante, et au-dessus des restes humains, c'est-à-dire au-dessus des


Page 3845

  1   victimes retrouvées dans ce charnier, avaient été ensevelies des personnes

  2   qui étaient décédées après, peut-être même de mort naturelle. Donc, au-

  3   dessus de ce charnier se trouvaient des tombes dans lesquelles étaient

  4   inhumées les dépouilles d'autres personnes. Ce qui a, en fait, rendu

  5   beaucoup plus difficile, non seulement la découverte de ce charnier, mais

  6   également l'exhumation.

  7   M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, c'était là tout ce que

  8   j'avais à poser comme questions supplémentaires. Merci.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Oui, Maître.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi. Je voudrais donner la

 11   référence pour le Dr Strinovic et sa déposition. Celle-ci figure en pages 2

 12   390 à 2 393 du compte rendu d'audience, date du 8 janvier 2013.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 14   M. GILLETT : [interprétation] Excusez-moi, il y a peut-être eu une

 15   confusion. Parce que lorsque nous avons examiné ces pages, nous avons

 16   constaté que le Dr Strinovic parlait d'exhumations, mais qu'il parlait en

 17   fait d'un rapport d'exhumation précis dont il a dit qu'il n'avait pas

 18   participé à sa rédaction. Il ne parlait pas de rapports d'autopsie qui

 19   avaient été effectués par d'autres personnes que lui.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Bilic, ceci met un terme à

 21   votre déposition. Nous souhaitons vous remercier vivement d'être venue

 22   déposer devant le Tribunal. Vous êtes maintenant libre de repartir et

 23   libérée de vos obligations de témoin. Je vous souhaite bon retour chez

 24   vous. Merci beaucoup.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 26   [Le témoin se retire]

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, bonjour. Le témoin

 28   suivant est-il prêt ?


Page 3846

  1   Mme BIERSAY : [interprétation] Je crois que c'est bien le cas, Monsieur le

  2   Président. Si les Juges de la Chambre le préfèrent, nous pouvons commencer

  3   et faire la pause ensuite.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  6   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  8   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, bonjour. Merci

 10   d'être venu apporter votre concours à la Chambre de première instance ici

 11   même à La Haye. Est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous

 12   comprenez, pour commencer ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Pourriez-vous

 15   décliner vos nom, prénom, date de naissance, nationalité et/ou appartenance

 16   ethnique, s'il vous plaît.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me nomme Hicham Malla. Je suis né en 1943 à

 18   Damas [phon]. Je suis de nationalité croate actuellement et je suis Syrien

 19   d'origine. Je suis né à Damas [phon].

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Veuillez maintenant lire

 21   le texte de la déclaration solennelle qui vous est remis. Je souligne que

 22   par l'effet de cette déclaration solennelle, une fois que vous l'aurez lue,

 23   vous vous exposeriez aux peines prévues pour faux témoignage si jamais vous

 24   en veniez à donner des informations inexactes ou susceptibles d'induire en

 25   erreur les Juges de la Chambre. Je vous prie de lire maintenant ce texte.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 27   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 28   LE TÉMOIN : HICHAM MALLA [Assermenté]

 


Page 3847

  1   [Le témoin répond par l'interprète]

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez vous

  3   installer.

  4   Madame Biersay, à vous.

  5   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Interrogatoire principal par Mme Biersay : 

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur Malla.

  8   R.  Bonjour.

  9   Q.  Vous avez déclaré à la Chambre de première instance que vous êtes à

 10   l'heure actuelle ressortissant croate. Est-ce que vous pourriez dire aux

 11   Juges combien de temps vous avez vécu en Croatie ?

 12   R.  Depuis l'année 1964.

 13   Q.  Et où avez-vous terminé vos études universitaires ?

 14   R.  A Zagreb.

 15   Q.  Et qu'avez-vous étudié ?

 16   R.  J'étais étudiant en médecine.

 17   Q.  Et quelle fut votre profession lorsque vous avez terminé vos études ?

 18   R.  Je suis devenu généraliste, médecin généraliste.

 19   Q.  Pourriez-vous dire brièvement à la Chambre de première instance comment

 20   se fait-il que vous êtes arrivé à Zagreb, que vous y avez étudié et que

 21   vous y êtes resté par la suite ?

 22   R.  Lorsque j'ai obtenu mon diplôme universitaire, je me suis marié. J'ai

 23   trouvé un emploi à Zagreb, et j'y suis resté.

 24   Q.  Quelle était l'appartenance ethnique de votre femme ?

 25   R.  Croate.

 26   Q.  Est-ce que vous avez des enfants ?

 27   R.  J'ai une fille et un fils. Oui, deux enfants.

 28   Q.  En 1990 et 1991, où résidiez-vous en Croatie ?


Page 3848

  1   R.  A Borovo Naselje, à Vukovar.

  2   Q.  Et en 1991, au début de l'année 1991, où travailliez-vous ?

  3   R.  Au début de l'année 1991, je me trouvais à Zagreb. J'exerçais ma

  4   profession en tant que médecin du travail.

  5   Q.  Les Juges de la Chambre de première instance ont entendu parler de

  6   Borovo Naselje. Est-ce que vous pourriez brièvement indiquer où se trouve

  7   Borovo Naselje par rapport à Borovo ou Borovo Selo ?

  8   R.  Borovo Naselje est un quartier qui a été construit pour le personnel

  9   qui travaillait à Borovo, alors que Borovo Selo est un vieux village qui se

 10   trouve à quelque 2 ou 3 kilomètres de ce nouveau quartier connu sous le nom

 11   de Borovo Naselje.

 12   Q.  Est-ce que vous connaissiez cette société appelée Borovo ?

 13   R.  Oui, oui. C'était une énorme entreprise qui avait différentes unités de

 14   production, production de caoutchouc, fabrication de chaussures. Et il y

 15   avait même une composante construction ou maçonnerie. Borovo avait

 16   également son propre centre médical, ou dispensaire, que l'on appelait le

 17   centre médical de Borovo.

 18   Q.  Mais est-ce que vous avez jamais travaillé pour cette société, la

 19   société Borovo ?

 20   R.  Oui, oui. A partir de l'année 1982, c'est là que j'ai commencé à

 21   travailler comme médecin généraliste.

 22   Q.  Combien de médecins travaillaient à Borovo ?

 23   R.  En 1982, nous étions huit, et puis, petit à petit, ce nombre a augmenté

 24   jusqu'à atteindre 18.

 25   Q.  Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire, de façon approximative,

 26   combien d'employés travaillaient pour cette société ?

 27   R.  Entre 21 000 et 23 000 personnes travaillaient à Borovo, et puis il y

 28   avait 3 000 autres personnes qui travaillaient dans toute la Croatie dans


Page 3849

  1   les magasins Borovo.

  2   Q.  Vous avez décrit comment vous exerciez votre profession dans le cadre

  3   de la médecine du travail. Est-ce que vous avez parfois travaillé à la

  4   société Borovo en 1991 ?

  5   R.  Oui. Lorsque cela était nécessaire, lorsqu'un de mes collègues était en

  6   congé maladie ou en vacances, je venais, effectivement, pour aider les

  7   autres.

  8   Q.  Alors, outre le fait que vous étiez médecin pour cette société Borovo,

  9   est-ce que vous avez exercé une autre activité professionnelle ? Ou est-ce

 10   que vous avez travaillé ailleurs ?

 11   R.  Oui. J'étais spécialisé dans la médecine du sport. J'étais en fait le

 12   médecin du club de football. Il y avait également un club de boxe dont je

 13   m'occupais en tant que médecin. Il y avait également le club de handball de

 14   Borovo. Il y avait également le club de karaté de Borovo. Il s'agissait

 15   d'autant d'équipes sportives ou de clubs sportifs qui étaient parrainés par

 16   l'usine Borovo.

 17   Q.  Et quel était le nom du club de football pour lequel vous étiez médecin

 18   ?

 19   R.  Le nom du club était Sindzelic de Trpinja.

 20   Q.  Et comment se fait-il que vous êtes devenu le médecin de ce club de

 21   football de Trpinja ?

 22   R.  Le président de ce club était M. Dokmanovic en 1982. Donc il a pris

 23   contact avec moi à ce moment-là et il m'a dit qu'ils avaient besoin d'un

 24   médecin à temps partiel. J'ai accepté cette offre, et j'ai continué à

 25   travailler en tant que médecin pour le club de football.

 26   Q.  Quel est le prénom de M. Dokmanovic, si tant est que vous vous en

 27   souveniez ? Ecoutez, je vais vous poser une autre question : lorsque vous

 28   travailliez en tant que médecin pour ce club de football de Trpinja,


Page 3850

  1   comment est-ce que vous vous entendiez avec M. Dokmanovic, quels sont les

  2   liens que vous avez eus avec lui ?

  3   R.  Moi, j'étais le médecin du club de football, et lui, il était le

  4   président de ce club de football. Donc nous nous voyions toutes les

  5   semaines lors des matchs de football, nous nous voyions après les matchs

  6   également, et le lundi j'examinais les joueurs de football faisaient

  7   l'objet d'examens médicaux en cas de blessures ou de traitements éventuels

  8   qui devaient être donnés.

  9   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je n'ai pas entendu la réponse du témoin à

 10   la première question, lorsqu'on lui a demandé quel était le prénom de M.

 11   Dokmanovic.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ecoutez, il se peut que je me trompe,

 13   mais je ne pense pas que le témoin ait apporté une réponse.

 14   Est-ce que vous avez répondu à cette question, Monsieur Malla,

 15   lorsqu'on vous a demandé quel était le prénom de M. Dokmanovic ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas répondu, mais écoutez,

 17   je ne me souviens plus de son prénom. Je peux vous donner le prénom de son

 18   frère. Mais là, non, j'ai un trou de mémoire.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 20   Mme BIERSAY : [interprétation]

 21   Q.  Et quel est le prénom de son frère ?

 22   R.  Jovan.

 23   Q.  Et où travaillait son frère ?

 24   R.  Dans l'entrepôt central de l'usine de Borovo.

 25   Q.  Est-ce que d'autres membres de la famille de M. Dokmanovic

 26   travaillaient pour la société Borovo ?

 27   R.  Oui, son épouse travaillait également à l'entrepôt central.

 28   Q.  Est-ce que vous avez eu des contacts soit avec l'épouse de M.


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  1   Dokmanovic, soit avec son frère, et quels étaient ces contacts, si vous en

  2   avez eus ?

  3   R.  Nous nous voyions souvent parce que nous allions souvent, mon épouse et

  4   moi-même, chez les Dokmanovic. Nous nous y sommes rendus, par exemple,

  5   lorsqu'il y avait la fête du club de football. Nos épouses respectives

  6   étaient présentes à la fête.

  7   Q.  Quelle était en règle générale la tenue vestimentaire de M. Dokmanovic

  8   à cette époque-là ?

  9   R.  Il était toujours habillé en costume, cravaté. C'était un ingénieur.

 10   C'était un homme politique également. Donc il portait toujours un costume.

 11   Maintenant, voilà, son nom m'est revenu. Il s'appelait Slavko.

 12   Q.  Docteur Malla, lorsque vous avez indiqué que vous alliez chez les

 13   Dokmanovic, de qui parliez-vous exactement ?

 14   R.  De Slavko Dokmanovic.

 15   Q.  Et lorsque vous avez décrit la tenue vestimentaire de M. Dokmanovic, à

 16   qui faisiez-vous référence ?

 17   R.  A l'ingénieur Slavko Dokmanovic.

 18   Q.  J'aimerais maintenant que nous nous intéressions au milieu de l'année

 19   1991. Est-ce qu'à un moment donné vous avez envoyé vos enfants vivre

 20   ailleurs ?

 21   R.  Oui. Au mois de juillet, à la fin de l'année scolaire, en fait, la

 22   Croix-Rouge a organisé le départ de nos enfants vers la côte. Mon fils

 23   avait dix ans et demi à l'époque. Donc je l'ai envoyé à la côte. Ma fille,

 24   quant à elle, est restée avec moi pendant une dizaine de jours, puis

 25   ensuite je l'ai envoyée à Zagreb.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi de vous

 27   interrompre.

 28   Mais je pense toujours à Slavko Dokmanovic, Monsieur Malla, et je


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  1   pense à cette période où vous avez travaillé avec lui, ou plutôt, où il

  2   était le président du club de football et vous étiez le médecin de ce même

  3   club. A ce moment-là, est-ce que vous connaissiez son appartenance ethnique

  4   ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et quelle était son appartenance

  7   ethnique ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Il était Serbe. Et le village entier était un

  9   village serbe. Trpinja était un village serbe.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Eh bien, c'est peut-être la réponse à

 11   la question que j'allais vous poser, car j'allais vous demander : comment

 12   est-ce que vous saviez qu'il était Serbe ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je le savais de par sa façon de parler, de

 14   s'exprimer, et je savais de quel village il venait. Tout le monde le

 15   savait. J'étais invité à leurs cérémonies religieuses, à leurs fêtes

 16   religieuses. Il s'agissait de vacances ou de jours de congé religieux en

 17   quelque sorte, donc tout le monde le savait.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ah, maintenant je vois --

 19   Mme BIERSAY : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vois que le moment est venu de

 21   faire la pause.

 22   Monsieur Malla, c'est le moment de faire notre deuxième pause. Même

 23   si vous n'êtes dans ce prétoire que depuis un quart d'heure, nous devons

 24   faire la pause. Et nous reviendrons à 12 heures 45. Mme l'Huissière va vous

 25   accompagner hors du prétoire. Et je vous remercie.

 26   [Le témoin quitte la barre]

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.

 28   --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.


Page 3853

  1   --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

  2   [Le témoin vient à la barre]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, poursuivez, je

  4   vous prie.

  5   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Q.  Docteur Malla, est-ce que vous êtes bien installé ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Juste avant la pause, nous parlions de vos enfants, et vous nous avez

  9   expliqué comment vous les aviez envoyés hors de l'endroit où vous habitiez,

 10   à savoir Borovo Naselje. Est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi vous

 11   avez fait ceci ?

 12   R.  Les bombardements avaient commencé, ils avaient commencé autour de

 13   Borovo et autour de Vukovar. La guerre avait déjà commencé.

 14   Q.  Et est-ce que vous pourriez nous décrire l'intensité de ces

 15   bombardements ?

 16   R.  Par exemple, la crèche qui se trouvait au centre de Borovo Naselje a

 17   été bombardée, donc les gens avaient peur et ils faisaient partir leurs

 18   enfants de Borovo Naselje et de Vukovar. Certains, donc, sont partis grâce

 19   à l'organisation de la Croix-Rouge et certains sont partis de façon

 20   individuelle. C'est leurs parents qui avaient organisé ceci.

 21   Q.  Est-ce qu'à un moment donné il y a eu une intensification des

 22   bombardements pendant l'été de l'année 1992 [comme interprété] ?

 23   R.  Oui. Oui, il y a eu une intensification des bombardements. Avec la plus

 24   grande attaque qui a eu lieu vers 6 heures du matin le 26 août.

 25   Q.  Et où vous trouviez-vous lorsque cela s'est produit ?

 26   R.  J'étais chez moi. Ma femme, toutefois, était partie travailler. Elle

 27   est partie travailler à 6 heures. Elle travaillait pour la société Borovo.

 28   Q.  Le 26 août 1991, quels sont les bâtiments qui ont été bombardés ? Quel


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  1   type de structure a été bombardé ?

  2   R.  L'essentiel, enfin, de notre quartier, de ce quartier, puis la société

  3   Borovo également, à proprement parler. En d'autres termes, il s'agissait de

  4   bâtiments civils et de l'usine.

  5   Q.  Ce jour-là, est-ce que vous vous êtes rendu à l'usine ?

  6   R.  Non, non. Non, non, je n'y suis pas allé. Je ne pouvais pas à cause de

  7   l'intensité des bombardements. Nous avons dû tous aller nous réfugier vers

  8   un abri atomique. Je dois dire que j'étais extrêmement inquiet au sujet de

  9   ma femme, car je ne savais pas ce qu'il en était d'elle. Et cela, j'ai dû

 10   attendre jusqu'à l'après-midi, lorsque finalement elle a pu elle-même aller

 11   à l'abri de la société.

 12   Q.  Vous dites que vous vous êtes rendu dans un abri. Est-ce que vous

 13   pourriez décrire cet abri ? De quel type d'abri s'agissait-il ? Je parle de

 14   l'abri où vous, vous êtes allé.

 15   R.  Oui, oui. Dans mon immeuble à Borovo Naselje, il y avait trois abris de

 16   ce type. Il y avait beaucoup de sous-sols, et l'abri où je suis allé

 17   pouvait contenir jusqu'à 400 personnes. Il était véritablement souterrain.

 18   C'était un abri souterrain.

 19   Q.  Est-ce que vous êtes resté dans cet abri pendant une certaine période ?

 20   R.  J'y suis resté jusqu'à la chute de Vukovar. Pendant trois mois environ.

 21   Voilà la durée de notre séjour dans cet abri.

 22   Q.  Et combien de personnes se trouvaient avec vous dans cet abri, de façon

 23   approximative ?

 24   R.  Parfois, l'abri était plein à craquer, il y avait 400 personnes, puis

 25   ensuite le nombre a diminué. Il n'y avait plus que 300 personnes. C'étaient

 26   pour l'essentiel mes voisins. Mes voisins, leurs familles, les enfants, les

 27   personnes âgées.

 28   Q.  Et quelle était l'appartenance ethnique ou la nationalité des personnes


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  1   qui se trouvaient dans cet abri ?

  2   R.  C'étaient des personnes qui habitaient à Borovo Naselje, toutes

  3   appartenances ethniques confondues. Il y avait des Croates, des Serbes, des

  4   Ruthènes.

  5   Q.  Et qu'avez-vous fait, si tant est vous ayez fait quelque chose, pour

  6   les blessés ou les malades de la zone de Borovo Naselje ?

  7   R.  J'ai fait ce que je pouvais faire. De toute façon, je n'ai pas pu faire

  8   d'opérations, bien sûr. Si quelqu'un devait subir une opération

  9   chirurgicale, je l'envoyais à l'hôpital de Vukovar. Et si à l'hôpital il

 10   n'y avait pas suffisamment de place pour les personnes convalescentes, les

 11   personnes qui se remettaient d'interventions chirurgicales lourdes, ils me

 12   les envoyaient, ces personnes.

 13   Q.  Où est-ce que ces personnes étaient, ces personnes que l'on vous

 14   envoyait ?

 15   R.  Dans l'abri. Il y avait trois abris atomiques en tout, ce qui fait

 16   qu'il pouvait y avoir jusqu'à 1 500 personnes en tout.

 17   Q.  Est-ce que les personnes blessées et malades sont restées dans l'abri

 18   atomique pendant toute cette période, ou est-ce qu'elles sont allées

 19   ailleurs ?

 20   R.  Non, non, ces personnes sont restées là tout le temps.

 21   Q.  J'aimerais maintenant attirer votre attention sur le 8 novembre 1991.

 22   Est-ce que vous vous souvenez de ce jour ?

 23   R.  De quel mois parlez-vous ? Vous dites novembre, mais de quel mois

 24   d'agit-il ? Ah oui, oui. Le 8 de ce mois-là, je me trouvais dans l'abri

 25   atomique. Et pendant toute la nuit, il y a eu des bombardements. Il y a eu

 26   une attaque importante. Et ils m'ont appelé vers 8 heures en me disant

 27   qu'il y avait des blessés devant l'abri. Donc j'ai pris mon sac. Ma femme

 28   est venue avec moi parce que je n'avais pas d'infirmière avec moi. Elle m'a


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  1   aidé, donc.

  2   Nous avons parcouru une vingtaine de mètres à partir de l'abri

  3   atomique et nous avons vu une voiture en feu. Il y avait encore un homme au

  4   volant qui était déjà mort. Il avait été touché. A côté de lui, il y avait

  5   un enfant qui avait à peu près 9 ans et qui était blessé. J'ai vu qu'il y

  6   avait du sang qui sortait de la poitrine de l'enfant, donc j'ai fait sortir

  7   l'enfant. Puis, à ce moment-là, il y a quelqu'un qui est sorti de l'abri.

  8   Cette personne avait une voiture et elle a conduit l'enfant à l'hôpital.

  9   Après, la femme dont le mari avait été tué - il s'agissait de l'homme

 10   qui se trouvait dans la voiture - et dont l'enfant avait été conduit à

 11   l'hôpital est venue me trouver. Elle était en état de choc. Je lui ai donné

 12   quelque tranquillisant. A ce moment-là, il y a un obus qui est tombé. Donc,

 13   moi, j'ai perdu connaissance. Ma femme a été tuée sur le coup, cette femme

 14   a été blessée et il y a deux autres personnes qui ont été blessées

 15   également. En fait, le point d'impact de l'obus se trouvait à quelque 5

 16   mètres de là où je me trouvais, et je m'en suis rendu compte seulement

 17   lorsque j'ai repris connaissance.

 18   Q.  Et lorsque vous avez repris connaissance, quelles sont les blessures

 19   que vous avez pu constater sur vous ?

 20   R.  J'étais absolument recouvert de sang. Je saignais. En fait, je n'étais

 21   qu'une plaie sanglante, des pieds à la tête. Donc ils m'ont conduit à

 22   Borovo Komerc, c'est l'entrepôt de la société Borovo. Il y avait un docteur

 23   là-bas, le Dr Emedi. Ils m'ont conduit là-bas avec ma femme. Le médecin a

 24   confirmé le décès de ma femme. Il a soigné mes blessures et il m'a fait des

 25   points au niveau de la tête. Bon, j'avais deux ou trois éclats d'obus au

 26   niveau du corps, au niveau du dos, au niveau de mes jambes. Tout mon corps,

 27   en fait, avait été transpercé par les éclats d'obus.

 28   Q.  Je regarde la traduction et je vois que vous dites que vous aviez deux


Page 3857

  1   ou trois éclats d'obus dans le corps; c'est cela ?

  2   R.  Oui. Je les ai toujours, 43.

  3   Q.  Est-ce que vous avez deux ou trois éclats d'obus ou 43 ? Je pense qu'il

  4   y a eu un petit problème causé par la prononciation.

  5   R.  Non. J'ai eu 43 éclats d'obus dans mon corps. La plupart ont été

  6   enlevés à Zagreb, mais j'en ai encore, des éclats d'obus, dans mon corps.

  7   Q.  Est-ce que vous pourriez décrire aux Juges de la Chambre où se trouvait

  8   cette blessure sur votre tête ?

  9   R.  Là, ici. Donc j'ai eu des points de suture de là jusqu'à là. J'ai des

 10   cicatrices à ce niveau sur mon dos. J'ai également de nombreuses cicatrices

 11   au niveau des jambes. Et lorsque je suis parti du camp, je suis allé à

 12   Zagreb, ils m'ont fait une radiographie afin d'enlever les éclats d'obus,

 13   et là ils ont constaté qu'il y avait une fracture entre les vertèbres

 14   cervicales 4 à 7. Donc il ne s'agit pas des vertèbres à proprement parler,

 15   mais des articulations entre les vertèbres. Donc, là, il s'agissait d'une

 16   fracture de ma colonne vertébrale, et on m'a plâtré à Zagreb. Je dois dire

 17   que c'était un plâtre que j'ai conservé pendant longtemps.

 18   Q.  Vous dites que vous avez eu des points de suture au niveau de la tête.

 19   Est-ce que vous avez eu également des pansements qui vous ont été posés,

 20   des bandages, ou quoi que ce soit d'autre ?

 21   R.  J'avais un filet pour retenir le pansement sur la tête, un filet

 22   médical, et j'avais des pansements partout.

 23   Q.  Est-ce que vous étiez en mesure de vous déplacer, de marcher

 24   facilement, après avoir été touché par autant d'éclats ?

 25   R.  Non, non, c'était difficile, parce que j'ai été blessé au niveau des

 26   deux jambes. J'ai reçu des éclats dans les deux jambes. C'était difficile

 27   de marcher. Je le pouvais, mais je titubais.

 28   Q.  Et vos patients, quand ils vous ont revus le même jour, comment ont-ils


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  1   réagi ?

  2   R.  Quand ils sont venus pour les traitements, pour les changements de

  3   pansements, eh bien, ils étaient très touchés de me voir dans cet état,

  4   parce que j'avais plus de blessures qu'eux. Certains ont même refusé de

  5   recevoir des soins de ma part puisqu'ils disaient que j'avais davantage

  6   besoin d'aide qu'eux.

  7   Q.  Vous-même et les autres personnes se trouvant dans cet abri

  8   antiatomique que vous avez décrit aux Juges de la Chambre, à quel moment

  9   est-ce que vous avez quitté l'abri en question ?

 10   R.  Le 17 novembre, vers 16 heures. On a été informés par la Garde

 11   nationale qu'il fallait qu'on se replie vers l'usine, qu'il valait mieux

 12   qu'on se retrouve tous ensemble là-bas parce que c'était certain que la

 13   ville allait tomber. Donc, dans l'après-midi, il y a eu une accalmie, et à

 14   un moment donné on s'est retirés de là. En partie, on est allés dans

 15   l'usine de chaussures parce que c'était le seul bâtiment de l'enceinte qui

 16   avait un sous-sol, et les autres sont allés dans l'entrepôt Borovo Komerc.

 17   Q.  Vous dites qu'on vous a informés qu'il valait mieux se replier vers la

 18   société. Vous voulez dire vers la société Borovo ?

 19   R.  Oui, Borovo.

 20   Q.  Vous avez dit qu'à un moment donné en fin d'après-midi, vers la soirée,

 21   il y a eu une accalmie. Une accalmie à quel niveau ?

 22   R.  Il n'y avait pas de coups de feu et pas d'obus qui tombaient.

 23   Q.  D'après vous, quel est le nombre de personnes qui se sont trouvées dans

 24   le sous-sol de l'usine de Borovo ?

 25   R.  Environ 3 000 personnes.

 26   Q.  Et ce sous-sol pouvait en tenir combien ?

 27   R.  Trois cents à 400, tout au plus.

 28   Q.  Avez-vous prodigué des soins à qui que ce soit pendant que vous êtes


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  1   resté dans ce sous-sol ?

  2   R.  Oui, car pendant cette nuit-là, on a amené trois blessés. Ils avaient

  3   des blessures par balle, ce n'étaient pas des blessures d'obus, car il y

  4   avait des tireurs embusqués positionnés autour de l'enceinte de la société

  5   et ils tiraient sur tout un chacun.

  6   Q.  Est-ce que vous étiez vêtu d'une manière qui permettait de vous

  7   identifier comme faisant partie du personnel médical ?

  8   R.  J'avais des vêtements civils habituels, mais j'avais un brassard blanc,

  9   large, autour d'un bras avec une croix rouge dessus.

 10   Q.  Etiez-vous la seule personne qui portait ce type de brassard ?

 11   R.  Non. Dans ce même abri où je me suis trouvé, il y avait trois autres

 12   médecins, et à Borovo Komerc également. Là-bas, il y avait trois médecins

 13   également. Et nous portions tous ce signe.

 14   Q.  A quel moment êtes-vous sortis de ce sous-sol de l'usine de chaussures

 15   de Borovo ?

 16   R.  Le 19, dans la matinée, le 19 novembre.

 17   Q.  Pour quelle raison êtes-vous partis ?

 18   R.  Il y a eu un accord entre la JNA, l'armée yougoslave, et la Garde

 19   nationale, un accord sur la reddition, et d'après l'accord, ou du moins de

 20   ce qu'on nous a dit, l'armée allait laisser partir les femmes, les enfants

 21   et le personnel médical pour qu'ils se rendent à Vinkovci, et les autre

 22   allaient être faits prisonniers. Mais quand nous sommes sortis, on nous a

 23   séparés, les hommes d'un côté et les femmes et les enfants de l'autre. Mais

 24   sans poser aucune question sur nos noms, notre appartenance ethnique, rien

 25   du tout. On nous a roués de coups, on nous a envoyé des menaces et on nous

 26   a mis à bord des autocars, et on nous a menacés avec des armes aussi, on

 27   nous a insultés. Et puis, les femmes et les enfants, ils ont été mis sur

 28   des camions.


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  1   Q.  Vous avez dit qu'ils se sont mis à vous séparer. Les "eux", c'est qui ?

  2   R.  C'est l'armée yougoslave, la JNA.

  3   Q.  Etaient-ils les seuls ?

  4   R.  Non. Il y avait aussi des civils armés et il y avait aussi des

  5   paramilitaires.

  6   Q.  Et la JNA ou les paramilitaires ou les civils, est-ce qu'ils ont fait

  7   quelque chose aux hommes avant de les embarquer dans ces autocars ?

  8   R.  Ils les assénaient de coups. Ils les traitaient d'Oustachi,

  9   d'assassins, les insultaient et les rouaient de coups.

 10   Q.  Lorsqu'ils les traitaient d'"Oustachi", est-ce que cela vous permettait

 11   de savoir de quelle appartenance ethnique ils pensaient que vous étiez ?

 12   R.  C'est depuis 1964 que j'étais en Yougoslavie, et j'ai lu aussi

 13   l'histoire de la Yougoslavie. J'ai appris qu'en Croatie il y a eu des

 14   Oustachi, qu'il y a eu des Chetniks en Serbie. Que c'étaient des

 15   nationalistes. Qu'ils combattaient chacun pour leurs peuples respectifs;

 16   les Oustacha d'un côté, les Chetniks de l'autre. Donc, quand on veut

 17   insulter un Croate, quand on veut le traiter d'assassin, à ce moment-là on

 18   lui dit qu'il est Oustachi. C'était comme ça pendant la Deuxième Guerre

 19   mondiale. Je pense que c'était soit l'armée, soit des unités paramilitaires

 20   croates. C'était ça, les Oustachi.

 21   Q.  D'après votre évaluation, il y a eu combien d'autocars à bord desquels

 22   on a fait monter les hommes qui venaient des abris ?

 23   R.  Quand les autocars ont été pleins, ils ont continué, et j'en ai compté

 24   neuf, et je sais que moi-même j'étais dans le cinquième dans la série

 25   d'autocars.

 26   Q.  Et les autocars, ils sont allés où ?

 27   R.  J'ai vu que c'étaient des autocars municipaux de Novi Sad, donc je

 28   savais qu'on allait nous emmener en Vojvodine, en Serbie. Et on est allés à


Page 3861

  1   Zrenjanin, c'est en Vojvodine.

  2   Q.  Est-ce qu'il y avait des gardes armés à bord de votre autocar ?

  3   R.  Deux, oui, il y en avait un à l'avant et un à l'arrière. Je pense que

  4   c'était plutôt la police militaire, parce qu'ils avaient des matraques, car

  5   un soldat ordinaire n'a pas de matraque. Donc, du moment qu'ils en avaient,

  6   c'était certain que c'était la police militaire.

  7   Q.  Et comment étaient-ils armés, en plus de ces matraques ?

  8   R.  Ils avaient des fusils automatiques en plus des matraques.

  9   Q.  Ont-ils fait quelque chose aux prisonniers à bord de l'autocar, et si

 10   oui, quoi ?

 11   R.  Mais la même chose. Des insultes : "Oustachi, on va vous tuer." Ils ont

 12   distribué des coups. "Regardez en bas. Penchez vos têtes en bas." Ils

 13   donnaient des coups sans raison.

 14   Q.  Quel était le nombre de prisonniers à bord d'un autocar ?

 15   R.  Plus de 100, je pense. C'était plein à craquer. On était entassés les

 16   uns sur les autres. On arrivait à peine à respirer.

 17   Q.  Quelle était l'allure de l'autocar pendant son déplacement de Croatie

 18   vers Zrenjanin, à quelle vitesse est-ce qu'il a roulé ?

 19   R.  On est partis vers 14 heures 30, on était partis de la société Borovo,

 20   et on est arrivés à Zrenjanin à 19 heures 45 à peu près, donc à peu près

 21   six heures, plus de six heures.

 22   Q.  Pendant que vous traversiez des secteurs serbes, est-ce qu'il y a eu un

 23   accueil qui a été réservé aux autocars ?

 24   R.  Oui, pendant tout le temps du trajet, il y a eu la radio qui était mise

 25   dans l'autocar, sans arrêt des chants guerriers, et on disait qu'un convoi

 26   de 1 200 Oustachi de Vukovar allait passer par ici et par là. Et pendant

 27   qu'on passait, les gens étaient devant et ils jetaient des pierres. Il y a

 28   eu toutes sortes de choses.


Page 3862

  1   Q.  Au moment où votre autocar s'est arrêté, vous étiez où ?

  2   R.  On est arrivés dans un bois. C'était la nuit. Donc c'est le mois de

  3   novembre. A partir de 19 heures 30, 8 heures, on ne peut pas voir. Mais

  4   toutes les cinq minutes, on a pu voir l'autocar avancer d'une vingtaine de

  5   mètres avant de s'arrêter, puis c'est comme ça qu'on s'est arrêtés devant

  6   une ferme où il y a de l'élevage de porcs. Donc on s'est arrêtés devant une

  7   porcherie, et on s'est arrêtés à 20 ou 30 mètres devant ce bâtiment.

  8   On est descendus des autocars et il y avait une double haie. Il y avait la

  9   police et les militaires, et des civils aussi, et on nous a battus pendant

 10   tout le temps où on s'est déplacés depuis l'autocar jusqu'à ce qu'on entre

 11   dans cette porcherie. Au moment du passage entre la double haie, les coups

 12   étaient assénés avec des crosses de fusil.

 13   Q.  Et pendant que vous passiez à travers cette double haie, est-ce que

 14   vous aviez encore ce brassard que vous nous aviez décrit ?

 15   R.  Il y avait deux infirmiers et un autre médecin, Dr Ganic [phon], et il

 16   m'a dit : Attends, on va descendre à la fin. Donc, nous quatre, on est

 17   descendus à la fin. Et quand ils ont vu le brassard avec la Croix-Rouge

 18   qu'on portait, ils ont dit : "Mais ça, c'est des assassins. Ils ont tué nos

 19   blessés, ils ont vendu leurs organes," et ils se sont mis à nous battre, à

 20   nous frapper encore plus que les autres.

 21   Q.  Vos blessures dues aux éclats, est-ce qu'elles étaient encore visibles

 22   ou est-ce qu'elles avaient cicatrisé entre-temps ?

 23   R.  On voyait encore la cicatrice au niveau du cou où on m'a sorti deux

 24   éclats, puis on voyait aussi les points de suture au niveau de la nuque.

 25   Q.  Et pendant que vous passiez par cette double haie, est-ce que vous avez

 26   reçu des coups ?

 27   R.  Je me suis protégé comme ça, avec les bras et les mains, donc j'ai été

 28   frappé au niveau de mes épaules et du dos.


Page 3863

  1   Q.  Alors, que s'est-il passé quand vous êtes arrivés à l'intérieur ?

  2   R.  Il a fallu qu'on s'assoie par terre. Il y avait une très grande porte.

  3   Il fallait qu'on baisse la tête, qu'on mette les mains derrière, et on nous

  4   a frappés sans poser de questions, sans même nous demander notre nom, sans

  5   aucune raison, et pendant tout ce temps, pendant qu'ils faisaient descendre

  6   tout le monde de ces autocars. Et ça a continué jusqu'à 1 heure après

  7   minuit. Et à 1 heure du matin, un des prisonniers, qui recevait des coups,

  8   s'est mis à crier : "Mais pourquoi est-ce que vous me frappez ? Je suis

  9   Serbe comme vous." Et ils lui ont demandé comment il s'appelait. Il a donné

 10   son nom, son prénom, alors ils lui ont donné la permission de s'introduire

 11   vers l'intérieur de cette étable. Puis, l'un après l'autre, tous les Serbes

 12   se sont déclarés. Il avait été le premier à avoir le courage de le dire, et

 13   donc il y avait à peu près 150 Serbes qui sont allés comme ça. Et

 14   finalement, moi, j'ai levé la main. Le garde m'a demandé qui j'étais. Je

 15   lui ai dit que j'étais étranger et, en plus, que j'étais médecin.

 16   Heureusement que je m'étais installé un peu plus loin que le centre de

 17   cette étable. Il m'a dit : "Mais non, tu n'es pas un médecin, tu es un

 18   mercenaire." Ils se sont mis à quatre à me frapper.

 19   Q.  Est-ce que ces coups qui vous ont été assénés se sont arrêtés à un

 20   moment donné ?

 21   R.  Non. Ils me battaient, et avec la tête penchée, mains dans le dos, j'ai

 22   vu qu'un civil était debout devant moi en pantalon civil, en jean, et il

 23   m'a dit : "Personne ne vous battra, Docteur. Venez." J'ai pensé d'abord que

 24   c'était une plaisanterie et je suis resté sur place, je n'ai pas répondu.

 25   Alors, il m'a attrapé sous les aisselles, et il m'a dit : "Docteur Hicham,

 26   venez avec moi." Je me suis alors levé et il a discuté avec le commandant

 27   qui était sur place en lui disant que j'étais médecin, qu'ils ne devaient

 28   plus me battre, et il m'a emmené dans l'autre partie, la pièce qui était


Page 3864

  1   réservée aux prisonniers serbes, et j'y suis resté jusqu'au lendemain

  2   matin, seul.

  3   Q.  Est-il arrivé un moment où on vous a demandé de vous occuper des

  4   prisonniers qui étaient dans l'étable et de leur prodiguer des soins ?

  5   R.  Le matin, alors que j'étais à attendre, ce jeune homme qui m'avait

  6   sauvé est arrivé - en fait, c'était le lieutenant-colonel Zivanovic, c'est

  7   ce que j'ai appris plus tard - et je pensais qu'il était le commandant. Il

  8   m'a dit qu'il regrettait ce qui m'était arrivé. Il a dit : Il y a des

  9   tueurs parmi nous, des Chetniks, et cetera, et que j'avais de la chance que

 10   cet Aleksandar qui m'avait sauvé m'ait vu. En fait, Aleksandar et le

 11   lieutenant-colonel Zivanovic étaient en train de parler ensemble. Il a dit

 12   qu'il était à court de personnel médical et que s'il obtenait l'accord de

 13   Belgrade, il était censé mettre en place ici un camp pour 300 personnes. Il

 14   a dit : "Maintenant, j'en ai reçu plus de 1 200. Est-ce que vous pouvez

 15   faire votre travail de médecin ici ?" J'ai dit que je le pourrais, mais pas

 16   seul, qu'il y avait d'autres médecins parmi les prisonniers. Il a dit :

 17   "Très bien. Allez les chercher." Et ensemble avec lui, je me suis rendu

 18   auprès des prisonniers. J'ai retrouvé quatre médecins et un dentiste. Il

 19   nous a attribué un coin de cette étable, il nous a donné cinq couvertures à

 20   étaler sur le sol et nous a dit que nous devrions mettre en place une sorte

 21   d'infirmerie à cet endroit.

 22   Q.  Est-ce que vous-même ou le reste de -- ce que j'appellerai cette équipe

 23   médicale, avez continué à être battu, vous qui travailliez à fournir des

 24   soins médicaux et les personnes qui vous assistaient ?

 25   R.  A ce moment-là, plus personne ne levait la main sur moi ni ne

 26   m'insultait, mais ils le faisaient aux autres médecins. Ils subissaient le

 27   même traitement que les autres prisonniers.

 28   Mme BIERSAY : [interprétation] Alors, si nous passons à l'intercalaire


Page 3865

  1   numéro 6, numéro 6395 de la liste 65 ter, c'est une photographie.

  2   Et, Messieurs les Juges, cette photographie faisait également l'objet

  3   de la requête demandant l'ajout à la liste de pièces en application de

  4   l'article 65 ter. Je souhaiterais faire une requête orale afin de procéder

  5   à l'ajout de cette photographie à la liste. Ceci est également couvert par

  6   la requête écrite qui a été déposée auprès de la Chambre.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il s'agit de la requête écrite --

  8   Mme BIERSAY : [interprétation] C'est la huitième requête.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Donc il s'agit là d'un

 10   autre document, d'une autre pièce que vous souhaitez présenter à ce témoin

 11   ?

 12   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, c'est exact. Ceci figure à l'onglet

 13   numéro 6 dans la liste fournie à la Chambre. J'indique simplement aux Juges

 14   que cela n'a pas été encore officiellement ajouté à la liste 65 ter puisque

 15   la requête correspondante est toujours en suspens.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Quelle est la position de la Défense

 17   ?

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Rien à dire. Nous n'avons pas de position.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous avez dit que vous n'aviez pas de

 20   position à ce sujet ?

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation] En effet.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Donc, de quoi s'agit-il ?

 23   Une photographie ?

 24   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais une photographie de quoi ?

 26   Mme BIERSAY : [interprétation] J'espérais que le témoin nous le dirait.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Que le témoin nous le

 28   dirait, dans ce cas-là.


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  1   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, mais cela concerne en tout cas la

  2   porcherie.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Vous pouvez donc l'ajouter

  4   à votre liste en application de l'article 65 ter.

  5   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci. Je voudrais pour le moment que l'on

  6   présente l'onglet numéro 6 au témoin, à savoir le numéro 6395 de la liste

  7   65 ter.

  8   Q.  Docteur Malla, j'attire votre attention sur ce qui est affiché devant

  9   vous. Est-ce que vous le reconnaissez ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Alors, que reconnaissez-vous ?

 12   R.  Eh bien, c'est cette étable, cette très grande porcherie. On voit les

 13   auges de part et d'autre et l'endroit où nous dormions.

 14   Q.  Cet endroit était connu sous quel nom ?

 15   R.  Stajicevo.

 16   Mme BIERSAY : [interprétation] Je voudrais demander le versement de cette

 17   pièce numéro 6395 de la liste 65 ter.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P1514,

 20   Messieurs les Juges.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 22   Mme BIERSAY : [interprétation]

 23   Q.  Sur cette photographie, Docteur, on a l'impression que les deux

 24   bâtiments, les deux corps de bâtiments que l'on voit, sont en fait jointifs

 25   l'un de l'autre. Etait-ce bien le cas ?

 26   R.  Non, ils n'étaient pas reliés.

 27   Q.  Alors, je vais m'y référer en parlant du bâtiment long et du bâtiment

 28   court. Dans lequel des deux vous trouviez-vous ?


Page 3867

  1   R.  Ce qu'on voit à l'écran donne l'impression d'être plus court, mais en

  2   fait, ces deux bâtiments sont de la même longueur.

  3   Lorsque nous sommes arrivés, nous étions tous dans l'une de ces

  4   porcheries. Et le lendemain, le deuxième jour, une partie d'entre nous, 300

  5   à 400, ont été placés dans la deuxième porcherie après qu'ils l'aient

  6   préparée.

  7   Q.  Vous dites que vous étiez tous dans une des porcheries avant

  8   d'être déplacés, pour une partie d'entre vous, dans l'autre. Est-ce que

  9   vous pourriez nous dire de quel côté se trouve la porcherie où vous étiez

 10   tous rassemblés en premier ? A gauche ou à droite ?

 11   R.  Dans la première.

 12   Mme BIERSAY : [interprétation] Peut-on aider le témoin à apporter une

 13   annotation sur la photographie.

 14   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

 15   Mme BIERSAY : [interprétation]

 16   Q.  Merci, Docteur Malla. C'est ce que vous entendez par le premier

 17   bâtiment, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui. C'est le premier bâtiment où nous nous sommes trouvés tous

 19   rassemblés en premier.

 20   Q.  Est-ce que vous pourriez, au moyen du stylet, indiquer aux Juges de la

 21   Chambre où vous-même et les autres dormiez ? J'attire votre attention sur

 22   l'insert que vous avez déjà commenté, la photographie dans la photographie.

 23   R.  Ici étaient les gardiens qui montaient la garde. Ici étaient les auges,

 24   et au sol, de part et d'autre derrière les auges, nous dormions. Il n'y

 25   avait pas de verres aux fenêtres, pas de carreaux. Et les premiers dix

 26   jours il n'y avait pas de toilettes, si bien que nous faisions nos besoins

 27   entre le mur et l'endroit où les gens dormaient par terre. Donc vous pouvez

 28   imaginer lorsque vous avez ce type de conditions d'hygiène avec un millier


Page 3868

  1   de personnes dans une grande porcherie comme celle-là.

  2   Q.  Excusez-moi, Docteur, j'ai besoin d'un peu plus de précision. Est-ce

  3   que vous nous dites que les gens faisaient leurs besoins, qu'ils urinaient

  4   et qu'ils déféquaient, au même endroit que là où ils dormaient ?

  5   R.  Oui. Oui.

  6   Q.  Merci. Est-ce qu'on vous a demandé à un moment, Docteur, de collecter

  7   des informations et de faire des statistiques quant à l'âge des prisonniers

  8   qui se trouvaient au camp de Stajicevo ?

  9   R.  Oui. Le lieutenant-colonel Zivanovic m'a demandé de préparer des

 10   informations statistiques quant à l'âge des détenus, et je l'ai fait. Il y

 11   avait 19 enfants qui étaient là prisonniers et qui étaient âgés de 12 à 17

 12   ans. Il y avait environ 470 personnes qui avaient plus de 60 ans.

 13   Q.  Vous avez décrit la façon dont vous avez dû rester assis avec vos mains

 14   dans le dos et la tête baissée lorsque vous êtes entré pour la première

 15   fois dans la porcherie. Quelles instructions ont été données aux

 16   prisonniers quant à la façon dont ils devaient être assis, est-ce que ce

 17   sont des instructions qui ont été données, en fait, pour leur dire où ils

 18   devaient regarder, comment ils devaient être assis ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Après le premier jour, y avait-il des règles particulières quant à la

 21   façon dont les prisonniers devaient se conduire lorsqu'ils se déplaçaient

 22   dans la porcherie ?

 23   R.  Les gardiens emportaient ceux qui devaient être interrogés, mais en

 24   dehors de cela, il était interdit de se déplacer de l'endroit où on se

 25   trouvait. Les détenus n'avaient pas la permission du tout de se déplacer

 26   dans la porcherie. Donc il n'y avait pas de mouvement.

 27   Q.  Que se passait-il si jamais certains décidaient de se déplacer malgré

 28   tout ?


Page 3869

  1   R.  Ils étaient punis. Ils les battaient. Mais par peur, personne ne s'est

  2   déplacé ni n'est allé se promener sans permission. S'il fallait faire ses

  3   besoins, il fallait aussi demander la permission d'aller jusqu'au mur.

  4   Donc, dans ces cas-là, on demandait la permission et on y allait. Il

  5   fallait aussi demander la permission pour avoir un tout petit peu d'eau à

  6   boire.

  7   Q.  De quoi le sol de la porcherie était-il fait ?

  8   R.  C'était un sol qui avait autrefois été en ciment. Il était très sale,

  9   recouvert de déjections porcines. Il n'y avait pas de carreaux aux

 10   fenêtres. C'était une porcherie qui n'avait pas été utilisée pendant 15

 11   ans. Il n'y avait pas d'électricité, pas d'éclairage.

 12   Q.  Que se passait-il à 5 heures du matin pendant que vous étiez au camp de

 13   Stajicevo ?

 14   R.  Ils ont dit que tous les prisonniers devaient se lever et chanter

 15   l'hymne yougoslave. Une partie de cet hymne parle de "la malédiction qui

 16   frappe celui qui trahit," et il nous a fallu répéter d'innombrables fois

 17   cette partie-là, et tous ceux qui ne répétaient pas ce couplet étaient

 18   battus. Donc il fallait répéter ça une centaine de fois. Et cela se passait

 19   tous les matins.

 20   Q.  Est-ce que vous entendiez souvent des chiens à l'intérieur du complexe

 21   de Stajicevo, et si oui, à quelle fréquence ?

 22   R.  au début, ça a été trois nuits de suite que la police civile était

 23   venue avec des chiens, des chiens policiers, qu'ils lâchaient sur nous à

 24   l'intérieur du camp.

 25   Q.  Et que faisaient les chiens ?

 26   R.  Ils couraient et ils aboyaient sur nous. Ils sautaient, grondaient,

 27   aboyaient, mais ils avaient tous une muselière. Et c'était à chaque fois à

 28   2 ou 3 heures du matin, en pleine nuit.


Page 3870

  1   Q.  Vous avez déjà mentionné ce lieutenant Zivanovic. Est-ce que vous savez

  2   s'il était membre de la JNA, de la police militaire ou d'une autre

  3   structure ?

  4   R.  Il appartenait à la police militaire, mais cette police militaire

  5   faisait partie aussi de la JNA. C'était de la police, oui, mais de la JNA.

  6   Q.  Est-ce qu'il y avait des officiers, des militaires de haut rang, que

  7   vous auriez vus au camp ?

  8   R.  J'en ai vu trois. Lorsque nous sommes arrivés et qu'ils nous ont battus

  9   le plus, il y en avait un et son assistant. Et plus tard, lorsque j'ai été

 10   interrogé, je l'ai été par un commandant.

 11   Q.  Est-ce que vous savez à quelle structure appartenait ce commandant ?

 12   R.  A la JNA.

 13   Q.  Vous avez dit aux Juges de la Chambre qu'après avoir été choisi pour

 14   organiser cette équipe médicale, vous n'avez plus été battu. Alors, je

 15   voudrais savoir si vous avez, en revanche, été interrogé ?

 16   R.  Il y a une erreur ici. Ce n'est que moi qui n'ai plus été battu, mais

 17   les autres médecins étaient battus quotidiennement. Le Dr Emedi est le

 18   premier à avoir été interrogé. Il y est allé vers 8 heures du matin et il

 19   est revenu à 5 heures de l'après-midi, avec le visage tuméfié. On voyait

 20   qu'il avait été battu. Alors, j'ai parlé avec lui et il m'a dit qu'il ne

 21   savait pas pourquoi mais qu'ils l'avaient interrogé au sujet du Corps de la

 22   Garde nationale croate parce qu'il avait traité le plus souvent des membres

 23   de cette garde croate.

 24   Et après, c'est moi qu'ils ont appelé pour que je sois interrogé. J'y ai

 25   été interrogé, mais je n'ai pas été battu.

 26   Q.  Et où avaient lieu ces interrogatoires ?

 27   R.  Vous ne pouvez pas le voir sur la photo. Il y a un petit bois qui

 28   entoure le complexe, et puis il y a un immeuble à un étage qui avait été


Page 3871

  1   probablement le bâtiment administratif pour toute l'exploitation, parce

  2   qu'il y a avait un couloir et puis il y avait cinq, voire six, bureaux.

  3   Alors, dans chaque bureau, il y avait un enquêteur, une personne qui nous

  4   interrogeait, et c'est dans ces pièces qu'on nous conduisait pour être

  5   interrogés.

  6   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur ce bâtiment. Est-ce qu'à un

  7   moment donné vous y avez vu dans ce bâtiment quelqu'un que vous connaissiez

  8   de la Croatie ?

  9   R.  Alors que je sortais du bureau où j'avais été interrogé, je suis entré

 10   dans le couloir. Bon, le couloir qui était large de 1 à 2 mètres. Il y

 11   avait deux gardes qui me gardaient, et ce groupe venait de l'autre côté,

 12   donc j'étais censé m'écarter, et l'un des gardes m'a dit : M. Dokmanovic

 13   arrive avec quatre escortes. Donc ils sont passés près de moi. Je ne pense

 14   pas qu'il y avait plus de 30 à 40 centimètres entre son visage et le mien.

 15   Il m'a regardé, mais son regard était complètement vide. C'est comme si, en

 16   fait, il ne m'avait jamais vu. Il n'y a jamais eu ne serait-ce que le

 17   moindre signal indiquant qu'il m'avait connu. C'est comme s'il ne me

 18   connaissait pas.

 19   Q.  Et de quel Dokmanovic parlez-vous ?

 20   R.  De l'ingénieur Slavko Dokmanovic.

 21   Q.  Et comment était-il habillé ?

 22   R.  Il avait un pantalon militaire. Ça, j'ai pu le voir. Une redingote

 23   militaire ou une veste militaire, une veste d'artilleur. Enfin, quoi qu'il

 24   en soit, c'était une veste ou une redingote qui avait de nombreuses poches,

 25   une redingote que l'on porte en hiver. Et moi, j'avais vu des photos de

 26   Fidel Castro et de Che Guevara qui portaient le même type de veste.

 27   Certains appelaient cela des vestes de maréchal, parce que je pense en fait

 28   que cela fait partie de l'uniforme militaire américain pour l'hiver.


Page 3872

  1   Q.  Vous nous avez dit qu'il était accompagné de quatre escortes. Est-ce

  2   que vous avez vu ces quatre personnes ?

  3   R.  Non. Excusez-moi. Ce ne sont pas les gardes qui me l'ont dit. Je l'ai

  4   vu moi-même. Il est entré et il y avait quatre personnes qui

  5   l'accompagnaient.

  6   Q.  Et comment est-ce que ces personnes étaient vêtues ?

  7   R.  Ils avaient un uniforme militaire, mais il s'agissait d'uniformes de

  8   camouflage.

  9   Q.  Et est-ce qu'ils portaient des armes, et le cas échéant, quelles armes

 10   portaient-ils ?

 11   R.  Oui, oui, ils étaient armés. Ils avaient des armes automatiques.

 12   Q.  Lorsque Slavko Dokmanovic vous a regardé dans les yeux et a fait comme

 13   s'il ne vous connaissait pas, comment est-ce que vous vous êtes senti ?

 14   R.  J'ai été très déçu. Premièrement, il avait été un ami de la famille,

 15   c'était mon ami. Nous nous connaissions depuis très longtemps.

 16   Deuxièmement, il savait que j'étais médecin. Lorsque son père avait été

 17   malade, je m'étais occupé de son père, je l'avais soigné, alors que je

 18   n'étais même pas tenu de le faire, parce que je travaillais pour la société

 19   à Borovo. Parce que je n'étais pas, en fait, le médecin de son père. Il

 20   savait que pendant la guerre j'étais un médecin qui prodiguait des soins à

 21   tout le monde. Je ne faisais pas partie de la défense. Je n'ai jamais porté

 22   une seule arme. Et à mon avis, il aurait pu m'aider à sortir de là. Il

 23   aurait pu dire que j'étais médecin et que je n'avais pas à être là, mais il

 24   a fait comme s'il ne m'avait jamais vu auparavant.

 25   Q.  Alors, nous allons maintenant montrer des clips vidéo.

 26   Mme BIERSAY : [interprétation] Onglet 5, qui correspond -- non, en fait,

 27   non, non, je vais modifier l'ordre. Je vais dans un premier temps vous

 28   demander de prendre l'onglet 14, document 4886.2 de la liste 65 ter. Il


Page 3873

  1   s'agit d'un extrait qui va de 8 minutes, 58 secondes à 12 minutes, 32

  2   secondes. Il s'agit du document de la liste 65 ter 4886. Mais nous allons

  3   commencer à 11 minutes, 14 secondes.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

  5   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, mais quelle est la question ?

  6   Ou plutôt, sur quoi est-ce que l'Accusation s'appuie pour présenter cette

  7   pièce ?

  8   Mme BIERSAY : [interprétation] Je voudrais montrer cela au témoin afin

  9   qu'il nous dise s'il reconnaît les gens que nous allons voir.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Mais je pense là qu'il s'agit d'une

 11   question directrice.

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Poursuivez, Madame Biersay.

 14   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vois en

 15   fait qu'il s'agit d'un -- que cela commence à 11 minutes, 12 secondes.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Aujourd'hui, Borovo Naselje est la ville la plus détruite et la plus

 19   désertée de toute la planète. Nous parlons à Slavko Dokmanovic à propos de

 20   ce que nous sommes censés faire.

 21   Malheureusement, Vukovar est effectivement la ville la plus détruite. Une

 22   ville qui auparavant était propre, où régnait l'ordre public, ce qui n'est

 23   plus le cas. Nous allons faire de notre mieux pour faire en sorte que la

 24   ville reprenne son cours normal. Et nous le faisons de deux façons. Dans un

 25   premier temps, nous allons faire en sorte d'établir les autorités civiles,

 26   et cela sera peut-être fait aujourd'hui, voire demain. Il y a des

 27   préparatifs pour nettoyer la ville et la reconstruire qui dépendent de

 28   plusieurs éléments. Premièrement, il faut améliorer les conditions


Page 3874

  1   sanitaires, puis ensuite nous allons dégager les débris et nous

  2   construirons une nouvelle ville en conformité avec un projet existant.

  3   J'espère sincèrement que cette nouvelle ville ne sera jamais une ville

  4   d'Oustachi, mais une véritable ville serbe où toutes les personnes pourront

  5   vivre en toute liberté."

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   Mme BIERSAY : [interprétation]

  8   Q.  Docteur Malla, donc vous avez un arrêt sur image de ce clip à 11

  9   minutes, 24 secondes. Est-ce que vous reconnaissez la personne que nous

 10   voyons sur cette photographie ?

 11   R.  Oui. C'est M. Slavko Dokmanovic.

 12   Q.  Est-ce que sa tenue vestimentaire est semblable ou différente de celle

 13   que vous avez vue à Stajicevo ?

 14   R.  Elle est différente.

 15   Mme BIERSAY : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier

 16   du document 4886.2 [comme interprété] de la liste 65 ter.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Objection. Objection car je ne souhaiterais

 18   pas que cela soit utilisé pour identifier M. Slavko Dokmanovic. Ce n'est

 19   pas la peine d'avoir toute sa déclaration. L'image est suffisante; ce n'est

 20   pas la peine d'avoir tout le texte.

 21   Mme BIERSAY : [interprétation] Mais nous aimerions demander le versement au

 22   dossier de ce clip vidéo, et nous incluons là-dedans ce que M. Dokmanovic

 23   est en train de dire, la teneur de son discours. Le témoin a identifié la

 24   personne qui s'exprimait comme étant quelqu'un qu'il connaissait et qui est

 25   effectivement Slavko Dokmanovic.

 26   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, mais le témoin n'a rien dit à propos

 27   de ce qui est dit sur ce clip vidéo.

 28   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, parce que cela se passe d'explication.


Page 3875

  1   Il n'a pas besoin de faire d'observations à ce sujet. Il devait juste nous

  2   dire qui était l'orateur.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Cela sera versé au dossier.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1515.

  5   Mme BIERSAY : [interprétation]

  6   Q.  Docteur Malla, lorsque vous avez vu M. Dokmanovic à Stajicevo, est-ce

  7   que c'était la première fois que vous l'aviez vu portant un uniforme

  8   militaire ?

  9   R.  Non, non. C'était la deuxième fois. La première fois c'était vers le 5

 10   août à Trpinja. Je m'étais rendu là-bas pour aider le fils d'une amie qui

 11   m'avait appelé. Donc j'étais là-bas, et lorsque je suis reparti vers le

 12   centre de Trpinja, je l'ai vu et il m'a vu. Il m'a demandé de prendre un

 13   café avec lui, mais bon, j'ai refusé parce que l'heure était déjà assez

 14   tardive. Et il portait l'uniforme de réserve de la JNA. Alors, le pantalon

 15   et la chemise qu'il portait étaient de couleur vert olive.

 16   Q.  Docteur Malla, si je ne me trompe, il nous reste encore sept minutes,

 17   et j'aimerais vous demander de décrire les prisonniers que vous avez

 18   soignés dans l'étable à cochons. Alors, voilà quelle est ma première

 19   question : est-ce qu'il y avait des prisonniers qui n'étaient pas en mesure

 20   de marcher à leur arrivée à Stajicevo ?

 21   R.  Oui. Parmi les civils qui se trouvaient là-bas, il y avait un homme âgé

 22   qui était paralysé. Et toujours parmi les civils, il y avait un autre homme

 23   âgé qui avait un cathéter. Il y avait deux hommes âgés qui avaient des

 24   béquilles.

 25   Q.  Est-ce que vous connaissiez ces personnes personnellement ?

 26   R.  J'en connaissais un, mais pas les autres. Celui-ci était de Borovo

 27   Naselje. Je n'étais pas son médecin généraliste. Vous savez, j'étais un

 28   médecin qui pratiquait la médecine de travail, et ils ne travaillaient


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  1   plus. Ils étaient trop âgés pour être encore salariés dans cette société.

  2   Q.  Mais je pense aux prisonniers que vous avez soignés. Est-ce qu'il y en

  3   avait certains qui étaient déjà blessés lorsqu'ils sont arrivés à Stajicevo

  4   ?

  5   R.  Il y avait de nombreux blessés. Il fallait soigner leurs blessures,

  6   changer les pansements. Ils avaient besoin de traitements. Mais tous les

  7   jours, il y avait quelqu'un de nouveau qui était blessé à la suite des

  8   sévices, parce qu'ils étaient frappés. Il y a sept personnes parmi ces

  9   hommes âgés qui ont eu les côtes fracturées parce qu'on leur avait demandé,

 10   en fait, de passer à travers une -- alors que de part et d'autre il y avait

 11   des bâtons et des -- en fait, ils formaient une espèce de haie d'honneur,

 12   une double haie, et ils les frappaient avec leurs crosses de fusil et leurs

 13   bâtons. C'est comme cela qu'ils ont été blessés. C'est à ce moment-là

 14   qu'ils ont eu les côtes fracturées.

 15   Q.  Lorsque vous soigniez ces personnes, est-ce qu'ils vous racontaient

 16   comment ils avaient été blessés, par exemple, ceux qui ont eu les côtes

 17   fracturées ?

 18   R.  Oui. Ils me disaient qu'ils avaient été roués de coups et qu'à la suite

 19   de cela ils avaient eu les côtes fracturées. Enfin, c'était absolument

 20   incompréhensible, parce qu'ils n'étaient pas tous Croates. Certains étaient

 21   Serbes. Il y avait un homme âgé de quelque 70 ans. Il avait des fractures

 22   aux côtes. C'était un Serbe. Je peux même vous dire son nom de famille. Il

 23   appartenait à la famille Jeftic. Son petit-fils était l'un des détenus dans

 24   le camp. Il ne pouvait plus respirer. Il voulait être transporté à

 25   l'hôpital pour y être soigné.

 26   Q.  Et est-ce qu'ils vous ont raconté pourquoi ils étaient roués de coups ?

 27   Bon, je pense maintenant seulement aux Serbes. Je limite ma question aux

 28   Serbes, donc --


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  1   R.  Ecoutez, au départ, lorsque les Croates et les Serbes étaient roués de

  2   coups, là on était au niveau de la haine pure. Alors, bien sûr, lorsqu'il y

  3   a la guerre, c'est la guerre. Mais lorsque quelqu'un est détenu, vous ne

  4   pouvez quand même pas complètement détruire cette personne. Parce qu'ils

  5   interrogeaient les gens et ils les passaient à tabac. Ils les traitaient de

  6   traîtres. S'ils étaient restés à Borovo et à Vukovar, ils pensaient qu'ils

  7   avaient combattu contre eux, ils les traitaient de traîtres et puis ils les

  8   rouaient de coups.

  9   Q.  Juste une petite précision, parce que nous allons bientôt terminer pour

 10   aujourd'hui. Vous dites que :

 11   "… ils avaient été roués de coups." Et vous dites : "Ils les

 12   traitaient de traîtres." Vous avez dit : "S'ils étaient restés à Borovo et

 13   à Vukovar, ils auraient pensé d'eux qu'ils étaient des traîtres."

 14   Mais qui étaient considérés comme des traîtres ? Ce n'est pas très

 15   clair.

 16   R.  Ecoutez, d'après ce que je sais, il y avait un petit nombre de Serbes

 17   qui faisaient partie de la Garde croate. Bon, il s'agissait de civils qui

 18   ne voulaient pas partir de Vukovar ou de Borovo Naselje. Ils voulaient

 19   rester chez eux, et c'étaient eux qui étaient considérés comme des traîtres

 20   parce qu'ils étaient restés et qu'ils vivaient avec l'ennemi, et ils

 21   supposaient qu'ils avaient collaboré avec l'ennemi.

 22   Q.  Je vois.

 23   Mme BIERSAY : [interprétation] J'aimerais juste poser une question

 24   supplémentaire.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous en prie.

 26   Mme BIERSAY : [interprétation]

 27   Q.  Vous dites qu'ils voulaient rester chez eux, dans leurs domiciles. Est-

 28   ce que vous parlez de Croates ou de Serbes ?


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  1   R.  Je parle des deux, de Croates et de Serbes. Mais il y avait également

  2   des Serbes qui ne voulaient pas partir, qui voulaient rester. Qui voulaient

  3   rester chez eux. Qui ne voulaient pas partir.

  4   Q.  Je vous remercie, Docteur Malla.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Docteur Malla, nous sommes arrivés à

  6   la fin de l'audience pour aujourd'hui. Vous reviendrez demain à 9 heures.

  7   Je vous rappelle que vous avez prononcé la déclaration solennelle, que vous

  8   devez respecter, et cela signifie que d'ici demain vous n'êtes pas autorisé

  9   à parler de votre déposition avec quiconque, et vous n'êtes pas non plus

 10   autorisé à parler aux parties. Mme l'Huissière va vous accompagner hors du

 11   prétoire, et nous vous retrouverons demain matin. Merci.

 12   [Le témoin quitte la barre]

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

 14   --- L'audience est levée à 14 heures 01 et reprendra le vendredi 12

 15   avril 2013, à 9 heures 00.

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