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2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
6 Monsieur le Greffier, pourriez-vous citer l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
8 les Juges. Affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Les parties
10 peuvent-elles se présenter. L'Accusation, pour commencer.
11 M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Douglas
12 Stringer pour l'Accusation, avec Matthew Gillet, Thomas Laugel et Kai
13 Leung.
14 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
15 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
16 les Juges. Pour M. Goran Hadzic, Zoran Zivanovic et Christopher Gosnell. Je
17 vous remercie.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Faites entrer le témoin dans
19 le prétoire, s'il vous plaît.
20 [Le témoin vient à la barre]
21 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Madame Bilic. Je tiens à
22 vous rappeler que la déclaration solennelle que vous avez prononcée
23 s'applique toujours.
24 LE TÉMOIN : VISNJA BILIC [Reprise]
25 [Le témoin répond par l'interprète]
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett.
27 M. GILLETT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
28 Interrogatoire principal par M. Gillett : [Suite]
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1 Q. [interprétation] Hier, à la fin de l'audience, nous étions en train de
2 discuter du rapport des Nations Unies - il s'agit du document 5499 de la
3 liste 65 ter - et vous avez expliqué que les corps dont il est question au
4 paragraphe 348, les corps de Velepromet, étaient les mêmes dont il avait
5 été question précédemment dont on a dit qu'ils étaient déplacés vers le
6 nouveau cimetière de Vukovar. Donc cela répond à ma dernière question posée
7 sur ce document.
8 M. GILLETT : [interprétation] Et j'en demande le versement. Il s'agit donc
9 du document 5499 de la liste 65 ter, du rapport des Nations Unies.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document sera versé au dossier et
11 reçoit une cote.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 5499 de la liste 65 ter
13 devient la pièce P1513.
14 M. GILLETT : [interprétation] Je vous remercie.
15 Q. Et enfin, pour terminer, Madame Bilic, dans votre rapport d'expert, au
16 paragraphe 15, vous parlez des fosses communes. Vous dites que ce sont des
17 endroits où trois individus ou davantage sont inhumés de manière illégale
18 sans qu'il y ait de marques de respect pour les restes de ces individus.
19 Dans le rapport, vous parlez également d'exhumations de fosses
20 individuelles, et j'aimerais savoir de quoi il s'agit en règle générale, de
21 quel type de fosse ?
22 R. Pour ce qui est des fosses individuelles, il s'agit d'endroits où
23 l'exhumation a eu lieu de restes humains d'un ou de deux individus. Dans la
24 plupart des cas, également, il ne s'agit pas d'endroits qui auraient été
25 marqués comme étant des sites d'inhumation. Et il n'y a pas non plus de
26 documents accompagnant les individus dont les restes reposent dans ces
27 fosses individuels.
28 Q. Je vous remercie, Madame Bilic.
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1 M. GILLETT : [interprétation] J'en ai terminé. Je n'ai plus de questions
2 dans le cadre de mon interrogatoire principal.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
4 Maître Zivanovic, vous aborderez le contre-interrogatoire.
5 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
6 Contre-interrogatoire par M. Zivanovic :
7 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Bilic. Je suis Zoran Zivanovic. Je
8 suis l'un des défenseurs de Goran Hadzic en l'espèce. Pour commencer, je
9 vais vous poser quelques questions relatives à votre rapport, document
10 P1490. Et je commence par le premier chapitre.
11 Dans votre rapport, vous dites que c'est en 1991 qu'une commission a été
12 constituée pour se charger des personnes placées en détention dans le cadre
13 des conflits armés.
14 R. C'est exact.
15 Q. Et vous dites également qu'en 1993, cette commission a été rattachée à
16 la commission chargée de rechercher les personnes portées disparues dans le
17 cadre des conflits armés en République de Croatie et qu'elle a été
18 rattachée à la nouvelle commission chargée des personnes détenues et
19 portées disparues.
20 R. Exact.
21 Q. Et d'après ce que j'ai compris, c'est à partir de 1993 que vous avez
22 commencé à prendre part aux travaux de cette commission qui sera rebaptisée
23 et qui porte aujourd'hui le nom de l'administration chargée des anciens
24 détenus et personnes portées disparues.
25 R. C'est exact.
26 Q. Alors, cette première commission que j'ai mentionnée, aux yeux de cette
27 commission, qui était considéré comme étant la personne détenue dans le
28 cadre d'un conflit armé ?
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1 R. Ceux qui étaient placés en détention pendant la guerre d'indépendance,
2 donc les personnes placées dans les prisons, dans les camps ou dans les
3 campements qui étaient réservés aux prisonniers de guerre.
4 Q. Vous nous dites dans des prisons, dans des camps, ainsi que d'autres
5 endroits. Est-ce que vous entendez par là également ces prisons et ces
6 lieux de détention qui étaient situés en République de Croatie ?
7 R. Cette commission s'est penchée avant tout sur les échanges de
8 prisonniers, donc il était de son ressort de s'occuper des échanges des
9 personnes placées dans les prisons et les camps de détention en République
10 de Croatie et celles qui s'étaient trouvées dans les territoires
11 précédemment occupés de la République de Croatie, ainsi qu'en l'ex-
12 République fédérale de Yougoslavie et en Bosnie-Herzégovine.
13 Q. Est-ce que cela signifie que la compétence de la commission recouvrait
14 également les prisons situées dans les parties non occupées de la
15 République de Croatie, là où ont été placés ceux qui ont été faits
16 prisonniers par les forces armées croates dans le cadre de ces conflits
17 armés ?
18 R. Comme je viens de le dire, la priorité de cette commission était de
19 s'occuper des échanges de prisonniers, les uns comme les autres, donc les
20 échanges respectifs. Je n'ai pas sous les yeux le décret portant création
21 de cette commission qui définit ses compétences, donc je ne suis pas
22 certaine si la commission avait compétence sur le traitement réservé aux
23 prisonniers de guerre dans les prisons et les lieux de détention réservés
24 aux prisonniers de guerre en République de Croatie. Mais ce que je sais
25 pour sûr, c'est que la commission n'a pas tenu de registres de personnes
26 placées entre les mains des autorités croates liées aux conflits armés.
27 Q. La commission a-t-elle procédé à la recherche des personnes
28 éventuellement considérées comme ayant été faites prisonnières et se
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1 trouvant dans de telles prisons ?
2 R. Avant tout, c'était la compétence de la commission chargée de
3 rechercher les personnes portées disparues dans le cadre des conflits armés
4 en République de Croatie. Donc c'est la deuxième commission mentionnée par
5 vous. Puis, en 1993, ces deux commissions ont été fusionnées et elles ont
6 continué de travailler comme un seul organe, la commission de la République
7 de Croatie chargée des personnes détenues et portées disparues, et, comme
8 vous avez dit, elle porte le nom d'administration aujourd'hui --
9 l'administration chargée des détenues et des personnes portées disparues.
10 Q. Vous personnellement, est-ce que vous vous êtes occupée de ces
11 problèmes-là relatifs à la recherche de personnes portées disparues et qui
12 sont considérées comme se trouvant éventuellement dans les prisons sur le
13 territoire de la République de Croatie ?
14 R. A partir de 1993, quand j'ai commencé à travailler à ce poste, j'ai été
15 chargée de l'ensemble des actions qui concernent la recherche des personnes
16 portées disparues, y compris les personnes pour lesquelles certains indices
17 permettaient de penser qu'elles aient disparu sur le territoire de la
18 République de Croatie, quel que soit l'endroit de leur disparition.
19 Q. Autrement dit, y compris éventuellement les personnes faites
20 prisonnières par les forces armées croates ?
21 R. Oui, y compris celles-là.
22 Q. Et pourriez-vous me dire, dans le cadre de vos activités à ce poste,
23 est-ce que vous avez eu des contacts, est-ce que vous vous êtes rendue dans
24 ces prisons ou autres lieux de détention de ces personnes ?
25 R. Je ne me suis jamais rendue dans les prisons ni autres lieux où étaient
26 placés en détention les prisonniers de guerre. Les prisons et ces
27 différents établissements, ainsi que le traitement réservé aux prisonniers
28 de guerre, relevaient du comité international de la Croix-Rouge en
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1 République de Croatie, dont le mandat englobait cela. Ils informaient
2 l'administration chargée des détenus et des personnes portées disparues de
3 la situation.
4 Q. Si je vous ai bien comprise, votre administration communiquait avec les
5 prisons situées en Croatie, ou, comme vous venez de le dire, sur le
6 territoire non occupé de Croatie, uniquement par le biais de cette
7 organisation internationale et pas de manière directe.
8 R. Mon administration, comme je viens de le dire, n'entrait pas en contact
9 avec les prisons ni avec les autres lieux de placement de prisonniers de
10 guerre. Elle passait plutôt par l'administration compétente sous la tutelle
11 du ministère de la Justice dont les compétences recouvraient les prisons et
12 les lieux de détention. Donc mon administration n'avait pas besoin de
13 communiquer avec eux. Et comme je viens de le dire, c'était placé sous la
14 supervision du comité international de la Croix-Rouge.
15 Q. Je vous remercie. Au deuxième chapitre de votre rapport, vous parlez
16 des attributions de cette administration et vous énumérez tout ce qui était
17 sous sa compétence. J'ai remarqué que vous parliez d'exhumations également,
18 ainsi que d'identifications des restes humains.
19 R. Oui, c'est exact.
20 Q. J'ai pris connaissance de l'ensemble des décisions qui portent sur les
21 attributions de la commission pendant toute la période de son existence
22 depuis 1991, pendant les différents remaniements de cette commission et
23 lorsqu'elle a été rebaptisée, mais j'ai remarqué qu'à aucun moment les
24 autopsies n'ont relevé de sa compétence. Alors, pourriez-vous m'en donner
25 la raison ?
26 R. Eh bien, il s'agit du fait que, en l'occurrence, il s'agit d'une
27 activité très technique, très spécialisée. Ce sont des institutions
28 médicales et scientifiques qui s'en chargent au nom de l'administration.
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1 Donc mon administration a passé un accord avec les institutions médico-
2 légales compétentes qui, elles, se chargent de cette partie-là des tâches
3 spécialisées au nom de mon administration.
4 Q. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'un
5 domaine de compétence très pointu. Mais l'identification des restes humains
6 l'est également, surtout lorsqu'il s'agit de l'identification par l'ADN.
7 Or, cette autre tâche fait partie des compétences de l'administration ?
8 R. C'est exact. L'administration se charge des identifications, parce que
9 l'administration s'occupe de toute une série de gestes dont se compose
10 l'identification. Donc elle a organisé la collecte des renseignements ante
11 mortem, post mortem, des éléments d'information opérationnels qui vont dans
12 le sens de l'identification, les échantillons pour les examens de l'ADN.
13 L'identification préliminaire fait partie également des activités de
14 l'administration, ainsi que l'identification définitive. L'administration
15 se charge de tenir le registre de toutes les personnes identifiées. Et
16 enfin, l'administration réunit aussi l'ensemble des renseignements portant
17 sur les identifications. Donc les autopsies font partie intégrante de cette
18 série de gestes, une partie médico-légale de l'ensemble des gestes qui
19 accompagnent le traitement des restes humains, donc ce sont les documents
20 qui sont également conservés par l'administration.
21 Excusez-moi. Bien entendu, l'identification définitive des restes humains,
22 qui relève, comme je l'ai déjà dit, de la compétence de mon administration,
23 est entre les mains des institutions compétentes médico-légales. Bien
24 entendu, en coopération, disons-le, en coopération avec les proches des
25 victimes.
26 Q. Expliquez-moi, s'il vous plaît, une partie de votre réponse sur
27 laquelle j'aurais besoin de précision. Vous dites que l'administration se
28 charge d'identifications préliminaires. Qu'est-ce que cela signifie plus
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1 précisément ?
2 R. Cela veut dire la chose suivante : pour l'ensemble des personnes
3 portées disparues, l'administration dispose de renseignements ante mortem
4 les concernant, donc des renseignements qui les concernent pendant qu'ils
5 étaient encore en vie. A partir du moment où l'analyse des restes a été
6 faite, les conclusions sont communiquées à mon administration. Mon
7 administration, à ce moment-là, procède à une comparaison entre les deux
8 jeux d'informations, à savoir les renseignements ante mortem et les
9 renseignements post mortem, mais tout cela dans le contexte des
10 circonstances où les restes ont été retrouvés, et c'est ce qui lui permet
11 de dresser une liste de candidats possibles auxquels pourraient
12 éventuellement être attribués ces restes humains. Cela est communiqué aux
13 institutions médico-légales compétentes pour qu'elles puissent vérifier la
14 validité de ces conclusions. Et c'est par la suite, éventuellement, qu'on
15 procède aux convocations qui sont adressées aux proches pour qu'ils se
16 rendent à l'identification. Mais comme je l'ai déjà dit, l'ensemble des
17 restes aujourd'hui font l'objet d'une analyse par échantillon de l'ADN.
18 Q. Pour que je puisse comprendre quelle est l'envergure des examens
19 auxquels vous procédez, j'aurais souhaité aussi plus précisément voir - et
20 ce, par rapport à votre formation aussi - je voudrais voir comment vous
21 pouvez répondre à des questions spécifiques qui concernent les autopsies,
22 les analyses à l'ADN, les exhumations, et cetera, au cas par cas ? Parce
23 que je vous ai écoutée hier, et hier vous nous avez donné des résumés et
24 des données générales sur l'ensemble de ces cas et vous nous avez, en
25 principe, relaté ce qui se trouve dans les différentes conclusions et dans
26 les différents documents qui les comportent. Ce que nous pouvons voir par
27 nous-mêmes. Mais êtes-vous en mesure de nous répondre sur une question
28 concrète, au cas par cas, nous dire pourquoi telle ou telle conclusion a
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1 été tirée sur, par exemple, la cause du décès, le moment du décès ?
2 R. S'agissant des conclusions des autopsies, non, je ne pourrais pas vous
3 répondre à ce type de questions. En revanche, je pourrais vous parler des
4 aspects organisationnels, je pourrais vous parler de la méthodologie
5 adoptée par mon administration et je pourrais vous répondre sur les
6 résultats. Pour ce qui est des conclusions des autopsies, il s'agit là d'un
7 aspect très spécialisé du travail qui relève de la responsabilité de
8 l'institution médico-légale, et je pense que vous avez eu un témoin expert
9 ici qui est venu déposer là-dessus, à savoir Davor Strinovic.
10 Q. Sauf qu'il nous a dit qu'il ne pouvait répondre que sur des questions
11 qui portaient sur les conclusions des autopsies effectuées par lui-même et
12 non pas par d'autres. Je comprends votre réponse, je vous entends
13 parfaitement. Mais dites-moi, est-ce qu'on pourrait dire la même chose --
14 M. GILLETT : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. A ce stade, je ne
15 me rappelle pas Dr Strinovic dire qu'il avait quelque réserve, donc qu'il
16 ne souhaitait pas parler de rapports dont il ne se soit pas chargé lui-
17 même, et je pense que si vous penchez sur les rapports versés par son
18 truchement, il y en a un certain nombre qui ont été effectués par d'autres
19 personnes.
20 M. ZIVANOVIC : [interprétation] J'ai posé cette question au Dr Strinovic
21 pendant mon contre-interrogatoire, et je ne suis pas en mesure de vous dire
22 maintenant ce qui est entré dans le compte rendu d'audience, mais je
23 pourrais, effectivement, le retrouver pendant la pause.
24 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
25 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
26 Q. Mais dites-nous, est-ce que cela concerne également les résultats des
27 identifications par l'ADN, donc de savoir pourquoi telle ou telle
28 identification a été faite dans des cas concrets ? Est-ce que vous ne
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1 pouvez pas parler de ces détails-là non plus, des électrophérogrammes, des
2 allèles et d'autres questions sur l'ADN ?
3 R. Bien entendu, je ne peux pas répondre aux questions qui portent sur
4 cette partie-là du travail.
5 Q. Vous avez dit hier que vous avez été présente pendant une série
6 d'exhumations. Avez-vous joué un rôle actif sur les sites d'exhumation
7 pendant le déroulement de ceci ou est-ce que vous y étiez en qualité
8 d'observateur ?
9 R. Mon administration se charge d'organiser les exhumations et c'est elle
10 qui coordonne la participation des différents protagonistes. Donc, en tant
11 qu'employée de mon administration, j'y ai joué un rôle actif, bien entendu.
12 Q. Pourriez-vous nous décrire plus précisément le rôle que vous avez joué
13 sur les lieux des exhumations sur le terrain ?
14 R. Pour l'essentiel, il s'agit de se charger des communications avec les
15 autres parties prenantes à l'exhumation, avec les représentants des
16 organisations internationales, ainsi qu'avec les représentants des
17 instances compétentes chargées des recherches des personnes portées
18 disparues en Serbie et en Monténégro qui, dans certains cas, se rendent sur
19 les lieux d'exhumation également. Et donc, ils sont présents. Dans certains
20 cas, il s'agissait également de recueillir des renseignements de la part
21 des proches lorsqu'on supposait que des membres de leurs familles, leurs
22 restes, se trouvaient dans ces fosses, et ainsi de suite.
23 Q. Dites-nous, s'il vous plaît, les proches des victimes potentielles
24 étaient-ils présents aux exhumations ?
25 R. Non, mais au début, effectivement, oui, lorsque l'identification des
26 restes humains se déroulait sur les lieux mêmes de l'exhumation ou lorsque
27 les objets personnels étaient exposés sur les lieux mêmes d'exhumation aux
28 fins d'identification. A Bacin Skela, par exemple, au nouveau cimetière de
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1 Vukovar, où c'est sur le site même que l'on a procédé à l'identification
2 d'une partie des restes humains. Ainsi qu'un certain nombre de cas
3 d'exhumations à Brkus [phon], Sarvis Dol [phon] et Bilje, mais pas de
4 manière générale.
5 Q. Vous venez de mentionner le nouveau cimetière de Vukovar. Il me semble
6 qu'hier vous avez dit que c'était une fosse secondaire, qu'on y a transféré
7 des restes humains initialement apportés de Velepromet ou - je ne sais pas
8 - d'un autre lieu, et que c'est en décembre qu'ils auraient été apportés au
9 nouveau cimetière de Vukovar.
10 R. Le nouveau cimetière de Vukovar, c'est une fosse très particulière. En
11 partie, effectivement, il s'agit de fosse secondaire parce qu'on a
12 transféré au nouveau cimetière de Vukovar des restes humains des fosses
13 primaires : de Velepromet, 19 cas; de Trpinjska Cesta, 11 cas; de
14 Petrovacki Atar, 36 cas; de Galisova Dol [phon], 28 cas. Mais il faut
15 savoir qu'en plus de ces restes humains qui y ont été apportés des fosses
16 primaires, on a enseveli à cet endroit également des restes des personnes
17 dont les corps se trouvaient dans les rues de Vukovar, 938 corps en tout, y
18 compris ceux trouvés dans le secteur de Bogdanovci.
19 Q. Hier, vous avez également parlé de différentes organisations avec
20 lesquelles votre administration a coopéré, et ce, pour pouvoir savoir si
21 les personnes dont la disparition avait été déclarée s'étaient manifestées
22 entre-temps ou si elles doivent toujours être considérées comme étant
23 portées disparues. Je cite la page 3 756 du compte rendu d'audience. Et
24 lorsque vous avez énuméré ces organisations, vous n'avez pas mentionné les
25 tribunaux. Est-ce que cela veut dire que vous n'avez pas ce type de
26 coopération avec les tribunaux en Croatie ?
27 R. Nous coopérons avec les tribunaux en Croatie, nous communiquons avec
28 eux et nous coopérons très étroitement puisque toutes les exhumations de
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1 restes humains auxquelles il est procédé se font sur la base d'une décision
2 du tribunal compétent. Cependant, pour cette phase de la vérification des
3 éléments recueillis, je dois reconnaître que nous ne nous sommes pas
4 appuyés sur ce mécanisme, et je ne suis d'ailleurs pas sûre -- je ne sais
5 pas dans quelle mesure ce mécanisme aurait pu contribuer à la détermination
6 pour une personne particulière de la question de savoir s'il était toujours
7 en vie ou non compte tenu du fait que nous disposions d'autres mécanismes
8 et d'autres sources d'information qui étaient à jour et qui nous
9 fournissaient des éléments de grande qualité.
10 Q. J'ai eu l'occasion de consulter un certain nombre de textes
11 réglementaires croates portant sur la façon dont on peut déclarer une
12 personne disparue décédée et j'ai compris que cela tombait sous la
13 compétence des tribunaux. Je vais justement vous donner lecture d'un
14 document de cette nature, 1D273, qui figure dans notre liste. Vous allez le
15 voir affiché sur votre écran. Alors, cela concerne une personne en
16 particulier.
17 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de diffuser cela à
18 l'attention du public, je pense, en tout cas pas au-delà du degré qui est
19 nécessaire.
20 Q. Vous voyez qu'il s'agit ici d'une décision du tribunal municipal de
21 Vukovar dans laquelle il est établi qu'une personne est décédée. On a
22 également établi la date de son décès, et l'on voit ici que c'est le
23 tribunal qui a compétence pour établir les circonstances de la mort et la
24 date de cette dernière. Voici ma question : concernant toutes ces personnes
25 dont votre administration a déterminé qu'elles étaient décédées, combien
26 d'entre elles ont fait l'objet d'une telle décision venant d'un tribunal
27 les déclarant donc décédées ?
28 R. Je ne sais pas quel est le nombre de ces personnes qu'un tribunal a
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1 déclaré décédées; il est un fait, cependant, que dans un certain nombre de
2 cas, cela a bien eu lieu aux fins de la réalisation des droits statutaires
3 dont jouissaient les familles des personnes concernées. En effet, les
4 familles peuvent se retrouver dans l'impossibilité de régler des questions
5 relatives au mariage, des questions de patrimoine également, tant que la
6 personne concernée est portée disparue. C'est la raison pour laquelle les
7 familles concernées par ce type de problème ont engagé des procédures
8 visant à obtenir une déclaration officielle qu'une personne membre de leur
9 famille et portée disparue était décédée.
10 De cette façon, lorsqu'une personne est déclarée décédée par un
11 tribunal, la famille a la possibilité d'obtenir ses droits. Cependant, en
12 ce qui concerne Niko Soljic, dont nous avons collecté les restes humains en
13 provenance de Sremska Mitrovica en 1999 ou 2000, eh bien, ceci est
14 intervenu après qu'un tribunal l'ait déclaré décédé.
15 Q. Excusez-moi de vous interrompre, mais ce n'est pas le cas particulier
16 de cette personne qui m'intéresse ici. Nous n'avons pas besoin de nous
17 pencher sur ces détails. Je voulais le vous montrer à titre illustratif
18 pour accompagner cette affirmation à savoir que ce sont les tribunaux qui
19 déclarent décédée une personne. Alors, vous dites que cela permettait aux
20 familles de jouir de leurs droits. Et, en fait, je crois qu'à cette fin, il
21 est également essentiel de déterminer la date du décès de la personne, et
22 non pas uniquement qu'elle est décédée; nous voyons que c'est ici le cas.
23 Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si votre administration ou votre
24 commission a déterminé également la date des décès ?
25 R. Non, l'administration ne déterminait pas la date des décès. La date des
26 décès est avancée dans le résumé des faits émis par l'institution médico-
27 légale après qu'elle ait émis un certificat de décès.
28 Dans un cas comme celui-ci, en revanche, la date a été déterminée par le
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1 tribunal. Si je peux me permettre de commenter ce cas, je crois qu'en fait,
2 il confirme ce que j'ai dit. A savoir que dans certains cas particuliers,
3 bien qu'il soit incontestable que la personne avait disparu, la famille
4 concernée obtenait par voie de décision judiciaire un certificat de décès
5 afin de pouvoir jouir pleinement de ses droits.
6 Q. Hier, j'ai cru comprendre que toutes les personnes disparues et qui ont
7 été déclarés décédées - je crois que c'était la teneur de votre déposition,
8 vous me corrigerez si je me trompe - que toutes ces personnes, donc,
9 jouissaient d'un certain nombre de droits, je parle des personnes disparues
10 au cours de ces conflits armés dont on a ensuite établie qu'elles étaient
11 décédées, parce qu'en fait, les combattants avaient des droit plus étendus
12 par rapport aux civils. Et donc, je crois que toutes les personnes qui ont
13 soumis des demandes aux fins de recherche d'un des membres de leur famille
14 disparu agissaient également avec cette intention de déterminer si la
15 personne en question avait trouvé la mort en tant que civil ou en tant que
16 combattant.
17 R. Pour autant que je le sache, il s'agissait avant tout d'un droit
18 d'héritage, non pas au sens du droit statutaire dont pouvait jouir la
19 personne, parce que les familles des combattants croates disparus et celles
20 des combattants croates décédés ont pratiquement les mêmes droits. Donc, de
21 ce point de vue, les familles n'avaient pas de motivation particulière pour
22 obtenir une décision de justice établissant le décès de leur membre disparu
23 pour des questions de droit statutaire. Le plus souvent, ce qui les
24 poussait, c'était des questions d'héritage. Ou l'impossibilité, par
25 exemple, pour l'épouse d'un homme porté disparu de se remarier jusqu'au
26 moment où son mari n'aura pas été déclaré décédé, ou, respectivement,
27 retrouvé et identifié.
28 Q. En d'autres termes, est-ce que vous nous affirmez que les membres des
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1 familles concernées peuvent jouir d'un certain nombre de droits,
2 indépendamment de la question de savoir si la personne disparue était un
3 civil ou un militaire, et ce, sans qu'il y ait eu décision de justice
4 déclarant que la personne concernée, la personne disparue, est décédée ?
5 R. Excusez-moi, mais je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre
6 question.
7 Q. Je vais répéter. Cela signifie-t-il que les familles des personnes
8 disparues avaient la possibilité d'obtenir la jouissance d'un certain
9 nombre de droits que vous venez d'évoquer avant même la déclaration par un
10 tribunal du décès de la personne disparue ?
11 R. Vous parlez du droit d'héritage ?
12 Q. Non, je parle d'autres droits.
13 R. Les familles des combattants croates disparus --
14 Q. Ou des civils ?
15 R. -- ou des civils, jouissent d'un certain nombre de droits sur le
16 fondement des lois en vigueur en République de Croatie, et elles en
17 jouissent même avant que l'on n'établisse le décès de la personne, du
18 membre de la famille concerné.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Bilic, votre voix et celle de
20 Me Zivanovic se chevauchent, ce qui rend la tâche difficile aux
21 interprètes. Est-ce que vous pourriez reprendre votre réponse à la question
22 posée par Me Zivanovic, s'il vous plaît.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Voici de quoi il s'agit : d'après
24 les lois en vigueur en République de Croatie, et il s'agit de la Loi sur
25 les droits des combattants croates dans le cadre de la guerre dite
26 patriotique et de la Loi portant sur les droits des invalides civils et
27 militaires de la dernière guerre, loi qui aborde les droits statutaires des
28 civils, eh bien, en vertu de ces lois, un certain nombre de droits sont
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1 octroyés aux familles des personnes portées disparues.
2 Une catégorie particulière de droits correspond aux familles des personnes
3 déclarées tuées ou décédées. Ceci dit, les droits des familles des
4 personnes portées disparues sont pratiquement identiques à ceux des
5 familles des personnes déclarées décédées ou tuées. Ce qui signifie que les
6 droits qui découlent du décès d'un membre d'une telle famille -- eh bien,
7 en fait, les familles en question ne sont pas motivées par la nécessité
8 d'obtenir un certificat de décès, si ce n'est pour les droits que j'ai
9 évoqués précédemment, droits d'héritage ou questions maritales.
10 Q. Merci. Alors, hier, vous avez parlé du questionnaire, vous avez dit
11 avoir participé à sa rédaction et avoir également participé à la formation
12 du personnel qui collectait des informations au sujet des personnes
13 disparues. Ceci figure en page 3 755 du compte rendu d'audience d'hier.
14 Voilà ce qui m'intéresse à présent au sujet de ces questionnaires :
15 étaient-ils renseignés par les membres des familles concernées ou bien par
16 ces personnes qui avaient été formées pour collecter ce genre d'information
17 ?
18 R. Les formulaires étaient remplis par des spécialistes formés de la
19 Croix-Rouge croate qui, dans la description de la tâche qui leur avait été
20 confiée -- eh bien, dans les compétences requises, on trouve également
21 l'expérience d'une interaction avec les familles qui se trouvent dans ce
22 genre de situation, dont un membre a disparu. Nous avons donc renseigné ces
23 questionnaires sur la base d'informations fournies à ces personnes par des
24 membres de telles familles à la recherche d'une personne disparue. Chaque
25 questionnaire devait être signée par la famille afin de confirmer
26 l'exactitude des informations qui y figuraient. Et les questionnaires
27 étaient également signés par les représentants officiels de la Croix-Rouge
28 croate qui les avaient remplis.
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1 Q. Donc le questionnaire était rempli par une personne qui avait été
2 formée à cette fin, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, elle avait achevé une formation à cette fin.
4 Q. Formation lors de laquelle vous étiez présente, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Ici, dans la première ligne -- alors, je voudrais que l'on examine en
7 fait la pièce numéro 224 de la liste de l'Accusation. En attendant
8 l'affichage de ce document, si j'ai bien compris ce que vous avez dit hier,
9 votre administration était à la recherche de tous les citoyens croates
10 disparus au cours des conflits armés, indépendamment de leur appartenance
11 ethnique, religieuse ou autre, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, c'est exact.
13 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Alors, les pages qui s'affichent à gauche
14 et à droite ne correspondent pas l'une à l'autre, donc le texte en anglais
15 et le texte en B/C/S, ce sont des pages différentes. Peut-on passer à la
16 page numéro 2 en B/C/S, et, en fait, il nous faudrait la page suivante.
17 Peut-on afficher la page suivante. Nous avons maintenant la même
18 information qui s'affiche dans les deux langues.
19 Q. Pourriez-vous me dire pour quelle raison ce questionnaire, dans son
20 point numéro 13, prévoit une ligne pour l'appartenance ethnique de la
21 personne recherchée ? De quelle façon une information comme celle-là peut-
22 elle contribuer aux recherches d'une personne disparue et, respectivement,
23 décédée ?
24 R. Comme je l'ai déjà dit hier, cette information au sujet de
25 l'appartenance ethnique était d'usage courant. Il était couramment utilisé
26 dans les formulaires, y compris dans les formulaires du CICR. Excusez-moi.
27 Donc, concernant la conception même de ce formulaire, cela figure dans mon
28 rapport, et je l'ai dit également hier, lorsqu'on a élaboré ce
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1 questionnaire, on s'est fondé sur le questionnaire des Nations Unies, sur
2 les droits de l'homme, sur le questionnaire du CICR et sur l'avis de
3 recherche d'Interpol. Donc le modèle qu'était pour nous le questionnaire du
4 CICR, qui était le modèle principal sur lequel nous nous sommes appuyés
5 dans notre travail pour élaborer ce questionnaire-ci, eh bien, le
6 questionnaire du CICR comprenait également cette information de
7 l'appartenance ethnique.
8 Q. En d'autres termes, ceci a été repris d'un formulaire du CICR ?
9 R. Oui, entre autres. Le CICR employait également cette catégorie.
10 Q. Et est-ce que le point numéro 14 a lui aussi été repris de ce même
11 modèle ?
12 R. Je n'en suis pas tout à fait sûre, mais je ne pense pas.
13 Q. Alors, savez-vous pour quelle raison cette catégorie de l'appartenance
14 religieuse a été incluse dans ce questionnaire ? Je pense, en effet, que
15 cela ne peut d'aucune façon contribuer à la recherche d'une personne
16 disparue ou des restes humains d'une personne décédée.
17 R. Je suis d'accord avec vous. Ceci dit, ceci a été inclus à un moment ou
18 un autre, et maintenant je n'arrive pas à me rappeler des raisons pour
19 lesquelles ceci a été inclus dans le questionnaire il y a près de 20 ans.
20 Toutefois, je suis d'accord pour dire que ceci ne peut contribuer en aucune
21 façon aux recherches. La seule chose que je puis dire, c'est que jamais, au
22 grand jamais, je ne me souviens en tout cas pas qu'il y ait jamais eu la
23 moindre utilisation faite de cette information relative à l'appartenance
24 religieuse dans le cadre du travail qui a été fait. Je pense que ces
25 données n'ont jamais été utilisées. Jamais analysées ni utilisées.
26 Q. Lorsque vous dites qu'elles n'ont jamais été analysées et utilisées,
27 vous pensez à votre administration ? Vous dites que votre administration ne
28 les a pas utilisées, ou bien pensez-vous à d'autres organes ou instances ?
Page 3815
1 R. Ma réponse est générale. Parce que les dossiers concernant les
2 personnes disparues étaient archivés à notre administration et n'étaient
3 accessibles qu'à l'administration chargée des personnes disparues et
4 détenues, à l'exclusion de tout autre. Toute personne souhaitant obtenir
5 ces données doit fournir à notre administration une demande motivée en
6 précisant à quelle fin elle entend utiliser les informations ou une partie
7 des informations obtenues. C'est pourquoi je puis affirmer en toute
8 certitude que ces informations relatives à l'appartenance religieuse n'ont
9 jamais été utilisées à quelque fin que ce soit.
10 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pouvons-nous afficher la page suivante.
11 Q. Je vais vous prier de vous pencher sur le point numéro 18. Alors, la
12 question qui figure au numéro 18 concerne l'appartenance éventuelle de la
13 personne disparue, l'effectif de l'une ou l'autre des formations armées.
14 Alors, je vois qu'ici on a dressé une liste de sept, je crois -- enfin, de
15 (a) à (g).
16 Voici ce qui m'intéresse : comment a-t-on formé les personnes chargées de
17 recueillir les informations et de remplir ces questionnaires afin qu'elles
18 puissent déterminer si la personne disparue appartenait précisément à l'une
19 ou à l'autre de ces sept formations armées identifiées ici ?
20 R. Les informations relatives aux personnes disparues étaient collectées
21 par les agents de la Croix-Rouge croate sur la base des déclarations des
22 familles. La source des informations qui se retrouvaient dans ce point
23 numéro 18 du questionnaire, comme dans tous les autres points du
24 questionnaire, était les déclarations des familles des disparus.
25 Q. Mais dans le cadre de la formation prodiguée à ces personnes chargées
26 de recueillir les informations, leur a-t-on appris à faire le distinguo
27 entre ces sept formations armées différentes ?
28 R. Non, non. Il n'y avait pas de formation à cet effet. Cela dépendait de
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1 ce que disaient les familles. Ce qui nous a semblé important, c'est de
2 sensibiliser ces agents à la nécessité de cocher dans ce point numéro 18 la
3 catégorie correspondant à ce qu'avait déclaré la famille.
4 Q. Alors, je voudrais que nous passions maintenant au II sur cette même
5 page. En chiffres romains, II. La question qui figure au numéro 8. Cette
6 question se lit comme suit, je cite : "Qui est à l'origine du transfert
7 forcé," et cetera.Et ensuite, on trouve de nouveau six possibilités. Voire
8 davantage, sept ou huit.
9 Voici ce qui m'intéresse : de quelle façon, s'ils y ont été formés, les
10 agents chargés de recueillir ces informations ont-ils été formés pour
11 obtenir ce type d'information auprès des familles ? Ont-ils été formés, et
12 si oui, comment, pour identifier ces différentes catégories et établir des
13 distinctions entre elles ? Par exemple, entre des membres des unités de la
14 JNA ou des membres de la Défense territoriale yougoslave ?
15 R. Comme dans le cas de la question précédente qui concerne le statut de
16 la personne, c'est de nouveau les familles qui étaient la source
17 d'information. Donc c'étaient les informations dont disposaient les
18 familles elles-mêmes que nous collections. Les agents chargés de collecter
19 ces renseignements ne demandaient pas aux familles de faire un choix et
20 d'identifier telle ou telle catégorie d'unités armées. Ils ne leur
21 présentaient pas un choix. En fait, ici, on a tout simplement dressé la
22 liste des réponses les plus fréquentes. La question de savoir qui est à
23 l'origine de la disparition ou du transfert forcé a été renseignée en
24 fonction des informations dont disposaient les familles.
25 Q. Alors, en examinant ces questionnaires, j'ai vu que dans certains cas
26 les membres des familles citaient même des individus particuliers qui
27 avaient emmené le membre disparu de leur famille. Cependant, dans de très
28 nombreux cas, elles répondaient en disant qu'il s'agissait de
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1 paramilitaires, de civils, et cetera.
2 Alors, voici ce qui m'intéresse : attendait-on des agents chargés de
3 collecter les renseignements de leur expliquer quoi que ce soit, de leur
4 expliquer comment elles devaient répondre à cette question en entrant dans
5 des détails; par exemple, comme le fait qu'un individu pouvait porter en
6 partie seulement un uniforme militaire et être, par ailleurs, habillé en
7 civil ?
8 R. Tant les familles que les agents du CICR pouvaient ne pas
9 répondre à cette question s'ils estimaient ne pas être en mesure de le
10 faire, donc à la question libellée comme suit : qui a procédé au transfert
11 forcé. Si les familles le savaient, elles pouvaient répondre. Et comme vous
12 l'avez dit vous-même, dans la partie des questionnaires que vous avez pu
13 examiner, très souvent vous pouvez voir que cette information n'y figure
14 pas parce que les familles ne savaient pas qui avait emmené ou qui avait
15 procédé au transfert forcé de leur membre disparu, et dans ces cas-là la
16 question au numéro 2 était laissée en blanc lorsqu'il leur était demandé
17 d'indiquer ce qu'elles savaient au sujet des personnes concernées.
18 Q. Lorsque vous avez formulé ou rédigé ces questions, quelles
19 réponses attendiez-vous ? Parce qu'il y a une suggestion suivant laquelle
20 un membre de la famille a été enlevé par un membre des Services secrets.
21 Donc, comment est-ce qu'ils auraient pu le savoir ?
22 R. Ecoutez, je n'en sais rien. Il y a de nombreuses possibilités. Je
23 ne pense pas, d'ailleurs, que cela ait jamais été envisagé. Il n'y a pas
24 une seule réponse allant dans ce sens. Mais nous avons essayé de prendre en
25 considération un nombre important de possibilités pour faciliter le choix
26 de la personne répondant.
27 Q. Donc, au vu de ces questionnaires, je pense à ceux qui ont été
28 remplis, est-ce que l'administration a effectué des vérifications des
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1 données qui ont été reçues de la part des personnes qui recherchaient les
2 membres de leurs familles ?
3 R. Mais à quel égard ?
4 Q. Pour toutes les catégories.
5 R. Alors, là, c'est une question très, très, très vaste. Parce que, bien
6 entendu que l'administration a effectué des vérifications à plusieurs
7 reprises à propos de la liste des personnes portées disparues à proprement
8 parler, liste qui avait été dressée à partir de ces questionnaires. Il y a
9 des vérifications qui ont également été effectuées pour ce qui était donc
10 des membres de la famille lorsqu'il s'agissait, par exemple, de l'état
11 civil mentionné ou du niveau d'éducation. Donc les renseignements étaient
12 collectés et étaient actualisés pour ce qui était du lieu de résidence, et
13 cela était nécessaire, par exemple, afin de procéder au prélèvement des
14 échantillons sanguins et en visant justement l'identification des
15 personnes. Qui plus est, des vérifications ont également été effectuées
16 pour obtenir des renseignements ou des documents médicaux dans les
17 institutions médicales pour lesquelles les familles avaient mentionné que
18 des dossiers médicaux existaient toujours pour les personnes portées
19 disparues. Donc il y a, certes, des vérifications qui ont été effectuées,
20 qui auraient pu avoir un impact d'ailleurs pour élucider certains cas de
21 personnes portées disparues. Ces vérifications ont été effectuées. Elles
22 sont toujours effectuées d'ailleurs en ce moment.
23 Q. Alors, puisque nous ne disposons d'aucun renseignement à propos de ces
24 vérifications, j'aimerais en fait traiter ce sujet de façon séparée.
25 Dites-moi, je vous prie : quelle était la date qui était considérée comme
26 la date de la disparition si cela était utilisé comme la date du décès ?
27 R. Je vous ai déjà dit que nous ne déterminions pas la date du décès.
28 Cette date émanait, par exemple, du rapport relatif au décès, et cela était
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1 un rapport qui venait des institutions médicales ou qui était le fruit
2 d'une décision d'un tribunal.
3 Q. Pour ce qui est de la date de la disparition, peut-être que nous
4 pourrions en fait revenir d'une page dans le questionnaire, et je vais vous
5 dire exactement quel est le numéro qui m'intéresse.
6 R. Pour ce qui est de la date de la disparition, nous utilisions comme
7 information ce qui se trouvait en réponse à la première question, et puis
8 il y a tout un ensemble d'information, donc renseignements relatifs à
9 l'enlèvement, à la capture ou à la disparition de la personne portée
10 disparue.
11 Q. Dans plusieurs cas, j'ai pu constaté que ces informations étaient
12 différentes des informations collectées lorsque la personne avait été vue
13 en vie pour la dernière fois. D'ailleurs, je ne sais pas à quelle page cela
14 se trouve, je pensais que c'était à la page après.
15 R. Non. C'est une intervention qui figure aux pages 4 ou 5.
16 Q. Oui. Cela, c'est pour le texte B/C/S. Je pense que pour la version
17 anglaise, cela se trouve à la page 5. Il s'agit de la question numéro 21.
18 R. Je pense qu'il y a une autre question qui se trouve sur la page
19 précédente qui fait également référence à ceci.
20 Q. Peut-être. Nous verrons bien. Non. En fait, non. Non, non, je pense que
21 pour la version anglaise, il s'agit bel et bien de la page numéro 4.
22 R. Peu importe, je peux essayer de répondre à votre question. Alors, cela
23 a trait au fait que le questionnaire a été mis au point à la fin de l'année
24 1993 et que les renseignements ont été compilés et collectés en 1994, à
25 savoir deux années après la disparition de la plupart de ces personnes --
26 ou deux années après que la plupart de ces personnes aient été emmenées de
27 force.
28 Alors, il ne faut pas oublier qu'entre-temps les familles avaient pris
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1 elles-mêmes certaines mesures, elles avaient parlé, par exemple, à certains
2 témoins, et elles avaient obtenu certains renseignements. Et nous avons
3 donc pris en considération une question visant justement ce fait, la
4 dernière fois que la personne avait été vue en vie. Les familles donnaient
5 tous les renseignements dont elles disposaient. D'ailleurs, en règle
6 générale, elles ne citaient pas la fiabilité de leurs renseignements. Et il
7 faut savoir que dans la plupart des cas, malheureusement, ce type de
8 renseignement n'était pas utile pour essayer de retrouver la trace d'une
9 personne portée disparue. Je pense à des informations lorsque les gens
10 essayaient de retrouver un membre de leur famille en montrant les
11 photographies de la personne portée disparue, et puis les gens disent :
12 "Oui, oui, je l'ai vu à ce moment-là à tel endroit."
13 Et dans un petit nombre de cas, les informations, en fait, se sont avérées
14 exactes; mais nous n'avons pu déterminer cela qu'à partir du moment où le
15 dossier était considéré comme clos.
16 Q. Merci. Hier, vous avez mentionné justement certains cas précis; entre
17 autres, vous avez indiqué que récemment l'identité de Haso Brajic a pu être
18 déterminée et que ses restes mortels auraient apparemment été trouvés à
19 Celije.
20 R. C'est exact.
21 Q. Pourriez-vous nous fournir une explication à propos et nous dire
22 pourquoi il a fallu 15 années pour pouvoir déterminer l'identité de cette
23 personne ?
24 R. Eh bien, je vais essayer de vous fournir une réponse. La personne en
25 question résidait en République de Croatie, à Osijek. Haso Brajic était
26 marié, mais son épouse et lui-même n'avaient pas d'enfants. Et Haso Brajic
27 était originaire de Bosnie. Les membres de sa famille, à savoir sa sœur
28 notamment et d'autres membres de la famille, à propos desquels nous
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1 n'avions absolument aucun renseignement à l'époque, sont partis ailleurs
2 pendant la guerre. Les restes mortels de cette personne ont été analysés
3 grâce à la méthode ADN, mais nous n'avions pas d'échantillonnage de
4 référence, ce qui fait que nous ne pouvions pas établir de comparaison
5 entre ces restes mortels et d'autres éléments. Nous avons donc demandé
6 l'aide des organes compétents en Bosnie-Herzégovine pour pouvoir déterminer
7 le lieu de résidence des membres de sa famille. A partir du moment où nous
8 avons obtenu ces renseignements, nous avons demandé l'aide de la Commission
9 internationale pour les personnes disparues, qui d'ailleurs est notre
10 homologue avec qui nous travaillons pour identifier les personnes. Ils ont
11 donc procédé à des prélèvements d'échantillons sanguins sur les membres de
12 la famille qui avaient été retrouvés, et nous avons pu ainsi établir la
13 comparaison avec les restes mortels et déterminer qu'il y avait
14 effectivement concordance. Et il a ainsi été déterminé que les restes
15 mortels en question trouvés à Celije étaient bien ceux de Haso Brajic.
16 Q. Est-ce que la date de son décès a été déterminée par l'administration ?
17 R. L'administration ne s'est pas intéressée à cela. Elle ne disposait que
18 de la date de sa disparition.
19 Q. Bien.
20 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,
21 examiner le document 1964, document de l'Accusation. Il s'agit du
22 questionnaire relatif à Haso Brajic. Est-ce que nous pourrions avec la page
23 numéro 10 en anglais et la page 8 en version B/C/S. Excusez-moi, non, je ne
24 pense pas que ce soit la page que je recherche. Alors, peut-être qu'il
25 s'agit de la page 18 en B/C/S. Non, non. En fait, c'est la page 10.
26 Excusez-moi. Je pense qu'il faudrait afficher de nouveau la page en B/C/S
27 qui se trouvait à l'écran il y a quelques minutes. Je vais maintenant
28 vérifier que nous avons la bonne page pour la version anglaise. Alors, il
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1 me semble que pour la version anglaise, c'est la page suivante qui doit
2 être affichée. Voilà. C'est cela.
3 Q. Regardez le (c), est-ce que la personne recherchée a fait l'objet d'un
4 traitement hospitalier. Vous pouvez voir qu'en 1992 et en 1993, il a
5 justement eu des soins dans le département de pneumologie de l'hôpital
6 général d'Osijek. Ainsi qu'en 1993. Mais par ailleurs, les informations
7 dont nous disposons à propos de sa disparition indiquent qu'il a été porté
8 disparu en septembre 1991. Donc ce sont des données quand même qui peuvent
9 laisser assez sceptique quant à l'identification de cette personne, à mon
10 avis.
11 Alors, voilà ce que j'aimerais savoir : étant donné que nous n'avons pas
12 d'information officielle relative à son identification et que nous ne
13 pouvons pas expliquer comment cette personne se serait retrouvée à Celije
14 dans cette fosse commune alors qu'il semblerait qu'il se trouvait à Osijek
15 en 1992 et 1993, j'aimerais savoir si l'administration, qui a comme
16 politique de conserver ces documents, envisage et permet des vérifications
17 dans le cas d'identifications telles que celle-ci ?
18 R. Excusez-moi. J'aimerais savoir si nous pourrions peut-être montrer de
19 nouveau la page numéro 2 du questionnaire concernant M. Haso Brajic.
20 Voilà. Vous avez la date de la disparition, vous voyez qu'il est indiqué
21 "date inconnue". Et est-ce que la page 8 pourrait être affichée, parce que
22 je voudrais juste m'assurer, enfin, voir si sa famille ou son épouse ont
23 mentionné une date.
24 Non, non, excusez-moi, il ne s'agit pas de la page 8, mais de la page 4.
25 Nous y trouvons des renseignements sur la date à laquelle la personne a été
26 vue pour la dernière fois.
27 Regardez le numéro 29 : est-ce qu'il y a des éléments indiquant que la
28 personne portée disparue a été tuée ou est morte ? Et là, il est indiqué
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1 "oui". Il est question d'un article de journal, article publié le 22 avril
2 1992, il s'agit du journal de "Slavonije Glas". Donc je suppose que son
3 épouse, lorsqu'elle a fourni des renseignements à propos de son traitement
4 médical à l'hôpital d'Osijek, a tout simplement fait une erreur. Enfin,
5 c'est la conclusion que je tire, parce que si nous avons ici un article de
6 presse qui a été publié le 22 avril 1992, article qui indique que M. Haso
7 Brajic aurait pu être tué, alors il s'agit tout simplement d'une erreur à
8 propos des renseignements qui ont été fournis sur son traitement à
9 l'hôpital. Il n'aurait pas pu recevoir des soins à l'hôpital en 1993 si en
10 1992 son épouse a déclaré qu'elle avait des informations indiquant qu'il
11 avait été tué.
12 Pour ce qui est des possibilités de vérifier les conclusions, je vous
13 dirais que ce cas a été examiné dans le cadre d'un projet conjoint entre la
14 Commission internationale pour les personnes portées disparues et
15 l'administration chargée des détenus et des personnes portées disparues. Il
16 ne s'agit pas d'un processus d'identification qui a été effectué de façon
17 indépendante par la République de Croatie qui aurait fait cavalier seul.
18 Cela a été fait dans le cadre d'un projet conjoint avec une organisation
19 internationale renommée, et leurs données sont des données fiables en
20 matière d'analyse d'ADN.
21 Q. Alors, je voulais vous poser une autre question à propos de cet article
22 de presse étant donné que vous êtes une experte et que vous travaillez pour
23 l'administration. Quel poids est-ce que l'administration et vous en tant
24 qu'experte accordez à un article de presse ? A en juger d'après votre
25 réponse, d'aucuns pourraient conclure que vous acceptez cela comme
26 absolument véridique.
27 R. Il ne s'agit pas de savoir si j'accepte ou si nous acceptons un article
28 de presse comme absolument véridique. Ce que je vous dis est ceci : si la
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1 famille a déclaré que d'après un article de presse de l'année 1992 il y
2 avait des indices suivant lesquels M. Haso Brajic avait été tué, cela va
3 tout à fait à l'encontre des renseignements qu'ils ont fournis à propos du
4 traitement hospitalier dont il aurait bénéficié en 1992 et 1993. S'il avait
5 été soigné à l'hôpital d'Osijek en 1993, sa femme n'aurait pas déclaré en
6 1992 qu'il était probablement décédé. Donc nous parlons de faits ici; il ne
7 s'agit pas d'accorder de poids à un article de presse. Ce qui est
8 important, c'est la chronologie des événements.
9 Q. Vous dites qu'il y a des indices émanant de cet article de presse, d'où
10 ma question : quel poids accorderiez-vous à un article de presse publié
11 pendant la guerre de l'autre côté de la ligne de front, à savoir par des
12 personnes qui n'étaient pas forcément des témoins oculaires ? Et vous nous
13 dites que la seule conclusion logique est que les données relatives à sa
14 situation sont inexactes pour ce qui est de la date du traitement médical.
15 Mais ce que j'avance, c'est que l'on peut envisager une autre possibilité,
16 à savoir que les données publiées dans l'article sont inexactes.
17 R. Mais il est tout à fait possible que certains des renseignements soient
18 inexacts. Je n'en sais rien. Je ne vois pas cet article de presse. Mais là,
19 il est question de chronologie maintenant, d'années. S'il a été soigné à
20 l'hôpital d'Osijek en 1993, sa femme n'aurait pas dit qu'il était
21 probablement décédé depuis l'année 1992. Là, ce qui est important, c'est la
22 chronologie des événements.
23 Q. Où est-ce que vous avez dit qu'il était décédé en 1992 ?
24 R. C'est la réponse à la question numéro 29, en d'autres termes :
25 "Est-ce qu'il y a des éléments qui indiquent que la personne portée
26 disparue a été tuée ?"
27 Et la réponse est :
28 "Oui. L'article de presse publié le 22 avril 1992 dans 'Glas Slavonije'."
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1 Donc c'est dans cet article de presse que se trouvent ces renseignements,
2 et la référence au traitement médical porte sur l'année 1993.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Une petite seconde, je vous prie.
4 Madame Bilic, les informations relatives à l'article de presse sont des
5 renseignements qui ont été donnés par l'épouse de cet homme, d'après ce que
6 je comprends de vos propos. Une question lui a été posée, à cette femme, et
7 c'est la réponse à cette question ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un petit moment.
10 Alors, pour ce qui est des renseignements relatifs au traitement à
11 l'hôpital en 1993, ce sont des renseignements qui ont été fournis par
12 l'épouse de cette personne en réponse à une question; est-ce que cela est
13 exact ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.
15 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Donc, ce que vous nous dites,
16 c'est qu'il n'aurait pas été logique qu'elle dise d'un côté qu'elle
17 disposait d'informations suivant lesquelles il aurait été tué en 1992 et
18 que, par ailleurs, elle aurait indiqué qu'il aurait suivi un traitement
19 médical à l'hôpital d'Osijek en 1993. C'est ainsi que je dois vous
20 comprendre ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'est tout à fait cela. D'où la
22 conclusion que je tire à savoir qu'il y a certainement eu méprise, il y a
23 eu une erreur, et cela, en fait, est une conclusion étayée par le fait que
24 les restes mortels de Haso Brajic ont été identifiés, et cela est conforme
25 à la réponse fournie par son épouse à la question 29.
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
27 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,
28 voir la dernière page pour pouvoir voir la date à laquelle l'épouse de M.
Page 3826
1 Haso Brajic a fourni cette information.
2 Q. Je suppose qu'il s'agit de l'article de presse sur lequel vous vous
3 êtes appuyée, mais ce n'est pas ce que je voulais montrer. Je voulais vous
4 montrer cette date. Est-ce que vous le voyez ? Ce n'est pas très, très,
5 très lisible, mais je pense que l'année, en tout cas, peut être vue. Il
6 s'agit de l'année 1994.
7 R. Oui, c'est exact. Il s'agit de l'année 1994, donc ça se faisait dans le
8 cadre des premières tentatives pour collecter les renseignements relatifs
9 aux personnes portées disparues.
10 Et j'aimerais juste apporter une correction. Nous ne nous sommes pas
11 appuyés sur l'article de presse. Les renseignements émanant de l'article de
12 presse ont été fournis par l'épouse de M. Haso Brajic.
13 Q. La date est la date du 8 février 1994. Alors, vous venez de nous dire
14 que c'est la Commission internationale pour les personnes portées disparues
15 qui à procéder à l'identification. Alors, est-ce que c'est la commission de
16 Bosnie-Herzégovine ou de la Croatie ?
17 R. Le siège de la commission internationale se trouve en Bosnie-
18 Herzégovine, et j'ai dit que ce processus précis d'identification a été
19 effectué dans le cadre d'une opération conjointe entre l'administration
20 chargée des détenues et des personnes portées disparues et la Commission
21 internationale pour les personnes portées disparues. Il s'agit d'un projet
22 conjoint qui a été appelé justement Projet conjoint ou Projet mixte pour
23 l'identification d'ADN définitive.
24 Q. Je voudrais savoir autre chose. Est-ce que la commission a obtenu de la
25 part de l'autre commission la conclusion -- est-ce qu'elle a obtenu la
26 conclusion avec tous les documents qui l'étayent, notamment toutes les
27 analyses scientifiques ?
28 R. La commission a reçu de la part de la commission internationale les
Page 3827
1 conclusions relatives aux analyses d'échantillons sanguins des membres de
2 la famille de Haso Brajic.
3 Q. Et est-ce que l'administration n'a obtenu que les conclusions
4 définitives ou est-ce qu'elle a obtenu les électrophérogrammes qui sous-
5 tendent les conclusions ?
6 R. Nous n'avons certainement pas obtenu les analyses relatives aux
7 échantillons sanguins. Nous avons obtenu les conclusions. Alors, que ces
8 conclusions soient seulement des chiffres ou les électrophérogrammes
9 également, je n'en sais rien.
10 Q. Encore il faut savoir s'ils étaient disposés à fournir ce type de
11 renseignement à ce Tribunal, et je ne parle pas seulement de cette affaire,
12 je parle d'autres affaires. Ce que j'aimerais savoir, c'est à qui nous
13 pourrions nous adresser au sein de votre administration ? Est-ce que nous
14 pouvons nous adresser à vous directement ou à la commission internationale
15 ?
16 R. Pour ce qui est des conclusions relatives aux analyses des restes
17 mortels, notamment les électrophérogrammes, je peux vous dire que nous
18 avons les conclusions établies par la Commission internationale pour les
19 personnes portées disparues. Nous avons également des cas d'identification
20 qui s'inscrivaient dans le cadre du projet conjoint entre l'administration
21 pour les détenues et les personnes portées disparues et la commission
22 internationale. Les restes mortels de quelque 300 à 350 personnes ont été
23 identifiés. Il se peut que ce chiffre, d'ailleurs, soit supérieur, et dans
24 plus de 100 cas, il y a eu confirmation des conclusions établies par
25 l'administration pour les détenus et les personnes portées disparues. Donc
26 cela faisait office de mécanisme de contrôle, mais nous prenons en
27 considération tous les renseignements relatifs au traitement ou à l'analyse
28 des restes mortels et à l'analyse des échantillons sanguins.
Page 3828
1 Q. Je vous ai posé une question précise à propos des électrophérogrammes,
2 et vous m'avez répondu que vous n'en savez rien. Alors que, maintenant,
3 vous nous dites que vous échangez avec eux toutes les données. Alors,
4 quelle est la situation ? Est-ce que vous recevez, oui ou non, les
5 électrophérogrammes ou est-ce que les électrophérogrammes ne sont pas
6 inclus dans ce que vous appelez toutes les données que vous avez reçues ?
7 R. Ce que j'ai dit, c'est que dans le cas précis de M. Haso Brajic, je ne
8 peux pas affirmer que pour le moment nous avons les électrophérogrammes. Je
9 ne vous dis ni oui ni non. Je vous dis tout simplement que je n'en sais
10 rien pour le moment. Sinon, je continue à maintenir que nous échangeons
11 avec la commission internationale toutes les conclusions et toutes les
12 données relatives, toutes les données obtenues dans le cadre de projet
13 conjoint en matière d'analyse ADN des restes mortels.
14 Q. Est-ce que cela signifie que dans d'autres situations, vous avez les
15 électrophérogrammes ?
16 R. Je pense que cela est le cas dans la majorité des cas.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, est-ce que vous
18 pensez que nous pourrions faire la pause ?
19 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait.
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et j'aimerais vous rappeler de
21 ménager des temps d'arrêt entre les questions et les réponses.
22 Madame Bilic, nous allons faire la première pause. Nous reviendrons à 11
23 heures. Mme l'Huissière va vous accompagner hors du prétoire. Je vous
24 remercie.
25 [Le témoin quitte la barre]
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.
27 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
28 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
Page 3829
1 [Le témoin vient à la barre]
2 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.
3 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.
4 Q. Madame Bilic, reprenons, si vous voulez bien, la question des
5 questionnaires - il s'agit de la pièce 2324 - et examinons le point 8, page
6 2, s'il vous plaît. Ou plutôt, page 3, au point 8.
7 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Et la version anglaise aussi, s'il vous
8 plaît.
9 Q. Ce qui figure au point 8, c'est la question suivante :
10 "Qui est à l'origine de la disparition forcée de la personne portée
11 disparue ?"
12 Et plusieurs types d'unités, nous pourrions les qualifier d'ennemis, sont
13 énumérés ici, donc ennemis du point de vue des forces armées croates. Je
14 voudrais savoir la chose suivante : pour quelle raison l'on ne cite ici
15 aucune unité croate ? Aucune formation croate ne figure également dans ce
16 questionnaire, par ailleurs, et il y en a sept en tout, comme nous l'avons
17 constaté. Avez-vous compris ma question ?
18 R. Oui, j'ai compris votre question. Donc la situation est la suivante :
19 dans la plupart des cas, lorsqu'il s'agit de personnes dont les familles
20 ont amorcé la procédure de recherche ou sont à l'origine de ces demandes de
21 recherche, ce sont les membres de l'un des groupes énumérés ici qui sont
22 responsables de la disparition forcée. Mais au petit (g), l'on voit qu'il
23 est prévu la catégorie "Autre", donc c'est là que l'on a la possibilité de
24 citer des membres de toute autre unité ou formation, y compris des membres
25 de forces armées croates, si la famille dispose de telles informations, à
26 savoir que la responsabilité de la disparition forcée ou de la capture
27 incombe éventuellement à ces forces-là. Donc, à cette question, il est
28 possible de répondre en fonction des renseignements dont dispose la
Page 3830
1 famille, quels qu'ils soient, ces renseignements.
2 Q. Mais pourriez-vous nous citer les raisons pour lesquelles l'on ne cite
3 pas nommément ces formations, comme cela est le cas du paragraphe que nous
4 voyons s'afficher à l'écran ? Ou plutôt, ce qui figure sur une autre page
5 du questionnaire.
6 R. Je vous l'ai déjà dit et je répète, dans la plupart des cas, la
7 disparition forcée ou la capture des personnes, lorsque la disparition a
8 été déclarée lors de cette action de 1994, donc, dans la plupart des cas,
9 la responsabilité est celle des membres de ces formations énumérées ici, et
10 l'on a également prévu la possibilité de renseigner sur cette question un
11 membre de toute autre formation si la famille dispose de tels
12 renseignements.
13 Q. Est-ce que nous pouvons remonter une page en arrière, s'il vous plaît,
14 la page précédente; ce sont des renseignements sur l'affiliation de la
15 personne recherchée, à savoir à quelle unité ou formation elle appartenait.
16 Vous voyez des points du petit (a) au petit (i), toutes ces possibilités
17 qui sont énumérées ici. Alors, dites-nous, pour quelle raison l'on ne
18 prévoit pas ici que la personne recherchée puisse éventuellement être
19 membre de l'une des formations que nous venons de voir précédemment, donc
20 membre de la JNA, de la Défense territoriale, des unités paramilitaires,
21 des Services secrets, et cetera ?
22 R. Ce questionnaire prévu pour les personnes portées disparues doit être
23 examiné dans le contexte dans lequel il a été créé. C'est un instrument de
24 qualité pour rassembler les informations, et les différentes questions de
25 ce questionnaire reflètent la situation telle qu'elle se présentait au
26 moment où il a été créé. D'autres questions sont prévues dans ce
27 questionnaire qui nécessiteraient d'être reformulées aujourd'hui
28 probablement, comme les zones protégées des Nations Unies, le statut de
Page 3831
1 personne déplacée ou réfugié, et cetera.
2 Mais pour ce qui est du statut, pour ce qui est de la question que vous me
3 posez, à savoir pourquoi est-ce que les membres de la JNA, d'unités
4 paramilitaires ou autre ne sont pas prévus ici, eh bien, c'est parce que la
5 plupart des personnes portées disparues en 1991 et 1992 sont des anciens
6 combattants de la guerre d'indépendance croate ainsi que des civils qui ont
7 fait l'objet de disparition forcée, qui ont été emmenés de force par des
8 membres de la JNA ou d'unités paramilitaires. Et leurs familles se sont
9 adressées à notre administration pour déclencher la procédure de recherche
10 auprès de notre administration. Les familles des membres de la JNA portés
11 disparus, quant à elles, se sont adressées à la commission compétente
12 chargée de rechercher les ressortissants de la République de Serbie,
13 d'ailleurs à l'époque c'était la République fédérale de Yougoslavie; tandis
14 que les familles des membres d'unités paramilitaires, quant à elles, se
15 sont adressées à la commission de la soi-disant République serbe de
16 Krajina.
17 Et il faut savoir, donc, que sur les territoires précédemment occupés, un
18 organe a également été mis sur pied, une institution qui était chargée des
19 questions relatives aux membres d'unités paramilitaires détenus ou portés
20 disparus. Le siège de cette commission était à Knin. Elle avait une antenne
21 qui était chargée des personnes détenues ou portées disparues dans la
22 région de la vallée du Danube, et le siège de cette antenne-là était à
23 Erdut.
24 Q. Autrement dit, vu que cette commission a, elle aussi, existé et a
25 fonctionné sur le territoire entre les mains des forces serbes, est-ce que
26 c'est pour cette raison-là que votre administration n'a pas engagé de
27 procédures vraiment approfondies ou développées pour rechercher les membres
28 de ces formations-là qui auraient été portés disparus ?
Page 3832
1 R. Non. Non, non, cela ne veut absolument pas dire que notre
2 administration n'a pas engagé de procédures. Au moment où notre
3 administration a commencé à rechercher des renseignements sur les personnes
4 portées disparues, on s'est adressé à ce moment-là aux familles de toutes
5 les personnes portées disparues qui étaient des ressortissants de la
6 République de Croatie, les invitant à se présenter à l'administration pour
7 déclarer la disparition de leurs proches. Cette invitation a été lancée par
8 le biais de tous les médias juste avant que l'action ne soit déclanchée et
9 s'adressait à l'ensemble des familles dont un membre était porté disparu en
10 relation aux conflits armés en République de Croatie.
11 Et je pense que c'était simultanément avec la mise sur pied des commissions
12 qui étaient actives sur le territoire libre de la République de Croatie.
13 L'on a créé des commissions chargées de la même question sur les
14 territoires précédemment occupés de la République de Croatie. Donc il y a
15 eu des para-commissions qui se sont manifestées comme l'homologue de ces
16 négociations ou de ces pourparlers, et les familles des personnes portées
17 disparues qui avaient été membres de la JNA, de la Défense territoriale ou
18 de formations paramilitaires résidaient pour la plupart sur les territoires
19 occupés de la République de Croatie à l'époque et se sont adressées à ces
20 commissions-là, ces commissions qui étaient chargées exactement de ces
21 questions.
22 Donc c'était la situation en 1994 -- ou, plutôt, en 1993-1994, au moment où
23 les questionnaires ont été conçus et où on a rassemblé des informations.
24 Aujourd'hui, la situation est tout à fait différente.
25 Q. C'est plutôt la question du questionnaire qui m'intéresse, et non pas
26 la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui. Excusez-moi de vous
27 interrompre.
28 R. Je vous en prie. Je voulais simplement ajouter que ce questionnaire
Page 3833
1 reflète, pour certaines des questions qu'il comporte, la situation qui
2 prévalait au moment où il a été conçu, donc il est le résultat d'un certain
3 contexte.
4 Q. Mais cette question au point 18, elle ne concerne pas les membres des
5 différentes unités armées énumérées au point 8 de la page suivante; donc,
6 je veux dire, des membres de la JNA, de la police, de la Défense
7 territoriale, des formations paramilitaires, des Services secrets, et
8 cetera ?
9 R. Comme je l'ai déjà dit --
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Les voix
11 se chevauchent de nouveau. Maître Zivanovic, n'avons-nous pas la sensation
12 que la réponse a été apportée à votre question déjà ?
13 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui. Je retire la question.
14 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
15 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
16 Q. Je vous invite à examiner la pièce 3747 à présent. Il s'agit, là
17 encore, d'un questionnaire qui concerne un dénommé Vinko Oroz. Page 14 en
18 anglais, s'il vous plaît. En B/C/S, ce sera la page 10.
19 Cela semble être une erreur. Mais prenons le chapitre 2, la question qui
20 figure sous 10.
21 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Page 4, excusez-moi, en B/C/S. Je pense que
22 ce sera la dernière page en anglais.
23 Q. Je vous invite à examiner le point 10. Le texte se lit comme suit, la
24 dernière phrase :
25 "La personne qui est à l'origine de la recherche a appris --"
26 Excusez-moi. Non, non, c'est une erreur. Nous n'allons pas examiner ce
27 document. Excusez-moi. L'erreur vient de moi.
28 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Prenons le document 3765, s'il vous plaît.
Page 3834
1 Page 5. Excusez-moi. C'est la page 4, et il s'agit de la question au point
2 21.
3 Q. Voyez-vous, il est écrit ici que l'individu en question a été vu pour
4 la dernière fois fin février 1992, à Darda, au poste de police. Il figure
5 chez nous parmi les victimes à partir du 4 octobre 1991.
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, ce que j'ai en
7 anglais à l'écran, il est renseigné que :
8 "La personne a été vue pour la dernière fois fin novembre 1991." Au
9 point 21.
10 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Chez nous, c'est la fin du mois de février
11 1992. Nous l'avons à présent en anglais.
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, tout à fait. C'est le bon
13 document.
14 M. ZIVANOVIC : [interprétation]
15 Q. J'aimerais savoir si vous avez jamais procédé à des vérifications de ce
16 renseignement, comme quoi la personne a été vue pour la dernière fois au
17 poste de police de Darda fin février 1992 ?
18 R. Je n'arrive pas à me rappeler concrètement ce dossier-là. Est-ce que
19 l'on a procédé à des vérifications ou pas dans ce sens-là, dans le sens où
20 on a vu la personne pour la dernière fois.
21 Q. Excusez-moi. Ce qui m'intéresse, c'est uniquement ce dossier en
22 particulier. Donc, si vous n'arrivez pas à vous rappeler, ne perdons pas de
23 temps si vous n'avez pas de réponse à m'apporter à cette question-là
24 concrète.
25 R. Oui. Concrètement sur ce point-là, à savoir est-ce qu'on a procédé à
26 des vérifications supplémentaires, je ne peux pas me souvenir maintenant si
27 on l'a fait. Mais concrètement s'agissant de cette personne-là, je sais que
28 les restes de cette personne ont été trouvés et qu'ils ont été identifiés.
Page 3835
1 Et si mes souvenirs sont bons, ils ont été trouvés et repris de la
2 République de Serbie. Il me semble que d'après les informations que nous
3 avons, nous savons également à quel moment ces restes mortels ont été
4 trouvés, à quel moment ils ont été sortis du fleuve Danube.
5 Q. Et c'est l'ICMP qui a procédé à son identification, là encore ?
6 R. Dans ce cas précis, ce sont les laboratoires d'analyse ADN situés en
7 République de Croatie qui ont procédé à l'identification. Mais je tiens à
8 ajouter que ces restes mortels ont été ensevelis, si mes souvenirs sont
9 bons, ensevelis à Novi Sad, et c'est en 2002. Sur la base d'un accord passé
10 avec la commission de la République de Serbie, nous avons procédé à
11 l'échantillonnage par prélèvement sur les restes non identifiés ensevelis à
12 Novi Sad. Et nous avons également fait des prélèvements sur des restes
13 mortels pour lesquels il a été constaté par la suite que l'échantillon
14 venait de cette personne-là, et l'ADN a confirmé cette conclusion. Mais
15 avant que cette identification n'ait lieu, nous ne savions pas ce qui était
16 advenu de cette personne, nous ne savions pas où étaient ensevelis ses
17 restes mortels. La commission internationale, donc l'ICMP, possède cet
18 échantillon également. Mais mon administration, de manière indépendante,
19 est arrivée à ces conclusions.
20 Excusez-moi. Je veux juste ajouter que j'espère ne pas me tromper sur la
21 personne, puisque nous avons Janes et Tibor Siles, donc deux prénoms
22 différents avec le même nom de famille. Donc j'espère ne pas faire la
23 confusion entre ces deux individus.
24 Q. Nous avons un temps limité. Donc la seule chose que je voulais savoir,
25 c'était de savoir si l'administration a procédé à des vérifications des
26 renseignements qui figurent ici dans ce questionnaire. Et vous avez répondu
27 à ma question que vous ne pouviez pas nous donner de réponse là-dessus avec
28 certitude, donc qu'il n'y a pas lieu de continuer d'examiner en détail ce
Page 3836
1 document.
2 M. ZIVANOVIC : [interprétation] A présent, je souhaiterais que l'on examine
3 le document 3931 de la liste du Procureur. Page 4, là encore, en B/C/S et
4 page 5 en anglais. C'est la question au point 20. Pardon. Revenez en
5 arrière, s'il vous plaît, d'une page. Vous voyez vers la fin de la page --
6 non, pardon. Excusez-moi. On l'a vu à l'instant. Page suivante, s'il vous
7 plaît.
8 Q. C'est la dernière réponse, au point 20. Entre autres, ce qui est écrit
9 ici à la dernière ligne :
10 "La mère précise qu'il a été vu à Sremska Mitrovica."
11 Si mes informations sont bonnes -- en fait, je voudrais savoir s'il a été
12 procédé à des vérifications pour savoir si cette personne se trouvait
13 effectivement à Sremska Mitrovica ?
14 R. Nous avons procédé à des vérifications sur les personnes portées
15 disparues pour vérifier si elles s'étaient trouvées soit en République de
16 Serbie, soit en Bosnie-Herzégovine, selon les cas. Et la liste de toutes
17 les personnes portées disparues a été communiquée au sujet instances
18 compétentes de la République de Serbie, en particulier lorsque nous avions
19 des éléments d'information signalant que ces personnes se seraient trouvées
20 soit dans les prisons, soit dans les camps sur le territoire de la
21 République de Serbie. Pour autant que je le sache, nous n'avons pas reçu de
22 confirmation, donc, nous faisant savoir que cette personne se serait
23 trouvée à Sremska Mitrovica.
24 Donc le seul mécanisme que nous avions nous permettant de vérifier cette
25 information, c'était des pourparlers, c'est-à-dire les relations
26 bilatérales que nous avions avec la commission compétente située en
27 République de Serbie.
28 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Peut-on maintenant examiner le document
Page 3837
1 numéro 4063. L'individu concerné s'appelle Ivan Redzic. Passons à la page
2 numéro 3 puis à la numéro 4 en B/C/S. En anglais, il s'agira des pages 4 et
3 puis 5.
4 Q. Vous voyez en bas de la page - de nouveau, dans la question numéro 20 -
5 qu'il est indiqué ce qui suit : le 4 décembre 1992, il a été vu à l'hôpital
6 de Vukovar par l'interprète de la FORPRONU, dont on donne également le nom
7 ou le prénom, je ne sais pas. Il y a donc été vu par cet interprète et il a
8 subi là-bas une intervention chirurgicale au bras ou à la main. Au moment
9 où il aurait dû être pris en charge, il est parti, et au mois de mai il a
10 été vu à Borovo Naselje, à ceci près qu'il avait changé de nom et de prénom
11 ?
12 R. Je crois que la réponse à cette question figure dans une explication
13 que j'avais déjà donnée auparavant, à savoir que toute une série de
14 questions couvre les circonstances dans lesquelles la personne avait été
15 vue pour la dernière fois parce que, sur l'échelle de temps à laquelle ce
16 processus se déroulait, les familles pouvaient obtenir certaines
17 informations. Et d'ailleurs, de telles informations pouvaient parfois se
18 confirmer; par exemple, un témoin qui pouvait s'être trouvé en détention en
19 même temps que les personnes concernées, c'étaient là des informations très
20 fiables qui ont pu parfois être vérifiées. Cependant, pour la majorité de
21 ces informations concernant des circonstances dans lesquelles la personne
22 avait ensuite été vue quelque part, elles se sont avérées inexactes.
23 Q. Vous avez déjà donné une réponse générale, certes; mais ce qui
24 m'intéresse, c'est ce cas concret : avez-vous procédé à une vérification
25 auprès de cet interprète de la FORPRONU qui est ici identifié pour lui
26 demander si il ou elle avait vu Redzic Ivan dans les circonstances ici
27 décrites ?
28 R. Je ne m'en souviens pas.
Page 3838
1 Q. Hier, dans votre déposition, vous avez parlé d'un citoyen français
2 répondant au nom de Jean-Michel Nicolier qui a été porté disparu. Vous avez
3 dit qu'il avait le statut de combattant croate de la dernière guerre et
4 qu'il était nécessaire, pour bénéficier de ce statut, d'avoir la
5 nationalité croate. Ce qui m'intéresse, c'est si vous savez avec certitude
6 qu'il avait le statut d'ancien combattant de la dernière guerre en Croatie
7 ?
8 R. Pour autant que je le sache, ce statut d'ancien combattant de la guerre
9 d'indépendance lui a été attribué. Mais si les familles n'ont pas pris
10 position à ce sujet dans le questionnaire, c'est quelque chose à quoi je
11 n'aurais pas accès de par les compétences qui sont celles de notre
12 institution. Donc, ce que je puis en dire, comme je le dis maintenant, cela
13 vient des informations que j'ai apprises dans les médias. Sa famille s'est
14 rendue en visite en Croatie plusieurs fois, y compris afin de fournir des
15 échantillons sanguins, des échantillons d'ADN pour analyse, et pour autant
16 que je me souvienne, il s'est vu accorder ce statut d'ancien combattant de
17 la guerre d'indépendance croate.
18 Q. Mais hier, vous avez dit qu'une précondition à cela était d'avoir la
19 nationalité croate. Dans la mesure où vous avez dit cela, s'agit-il d'une
20 information fiable que vous nous donnez là ?
21 R. Non. J'ai dit que pour autant que je le sache, je n'ai pas une
22 connaissance suffisamment approfondie des textes réglementaires en question
23 pour pouvoir vous l'affirmer en toute certitude.
24 Q. Concernant Milorad Stricevic, vous avez parlé de lui, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
26 Q. Vous avez dit que sa famille n'avait jamais engagé de procédures de
27 recherche le concernant en Croatie. Ceci figure en page 3 786 du compte
28 rendu d'audience. Et vous avez dit que, donc, elle n'avait engagé aucune
Page 3839
1 procédure en Croatie ou en Serbie ou auprès du CICR --
2 R. C'est exact.
3 Q. Alors, qui a effectué l'identification de Milorad Stricevic ?
4 R. Cela a été fait par analyse d'ADN. Alors, on utilise les méthodes
5 classiques médico-légales et l'analyse d'ADN au moyen des échantillons
6 fournis par la famille, et c'est ce qui a été fait. Cependant, nous avons
7 obtenu des informations sur le terrain indiquant qu'il était possible qu'à
8 partir des restes humains retrouvés à Daljski Atar et des restes humains de
9 Milorad Stricevic, nous puissions procéder à une analyse d'ADN en utilisant
10 des échantillons d'ADN prélevés auprès de son frère. Les résultats de
11 l'analyse d'ADN ainsi effectuée ont été concluants. Ils ont permis
12 d'établir l'identité de Milorad Stricevic en concordance avec les résultats
13 des méthodes classiques médico-légales.
14 Q. En déposant à ce sujet, vous avez dit, au moment où on vous a indiqué
15 que c'était l'année 1998 qui avait été inscrite comme année de son décès,
16 que cela était inexact. Est-ce que vous pourriez me dire pourquoi ?
17 R. Je vais essayer. Il s'agit de restes humains dont il a été déterminé
18 qu'ils appartenaient à Milorad Stricevic. Ils ont été exhumés d'un puits à
19 Daljski Atar. Comme j'ai dit hier, les restes humains qui se trouvaient à
20 Daljski Atar étaient ceux d'habitants d'Erdut qui, à plusieurs reprises,
21 ont été emmenés de force de leurs domiciles. On trouvait plus vers le fond
22 du puits les restes humains de ceux qui avaient été emmenés de force en
23 premier et jetés dans le puits, puis ensuite, en remontant vers la surface,
24 on trouvait par couches successives les restes humains de ceux qui avaient
25 été emmenés de force et jetés dans le puits, pour ensuite retrouver au
26 sommet les restes humains de ceux qui avaient été emmenés de force en
27 dernier.
28 Alors, à cet instant précis, je ne suis pas sûre, je ne peux pas vous dire
Page 3840
1 quelle était la marque ou l'indication portée sur les restes humains de
2 Milorad Stricevic, mais à partir de cela il est possible de déterminer
3 approximativement à quel moment ses restes humains ont été jetés dans le
4 puits, et je pense qu'il est tout à fait exclu qu'ils aient pu se trouver
5 au sommet de la pile de restes humains dans ce puits.
6 Q. Si cela peut vous aider, je crois que ses restes humains ont été
7 marqués du nombre 1387.
8 R. Est-ce que vous pourriez me donner la plage de numéros correspondant
9 aux restes humains en question ?
10 Q. Je ne peux pas à ce stade. Mais en tout cas, vous n'êtes pas sûre quant
11 à la question de savoir si ses restes humains se trouvaient tout au fond du
12 puits, plutôt vers le milieu ou tout en haut de l'amas de restes humains,
13 au fond, de ce puits ?
14 R. Non, je ne peux pas vous le dire sans avoir le détail des numéros de
15 référence attribués.
16 Q. Mais comment avez-vous alors établi qu'il n'avait pas été jeté dans le
17 puits en 1998 ?
18 R. Eh bien, entre autres critères, il est possible de le déterminer
19 également à partir de l'état des restes humains. Donc, s'il avait été jeté
20 dans le puits en 1998, alors que l'exhumation a elle-même eu lieu en 1998,
21 on pourrait partir du principe que ses restes humains auraient été bien
22 mieux conservés, en fait, assez bien conservés, jusqu'à dix mois à compter
23 du moment où ils ont été jetés dans le puits.
24 Q. Et quel était le degré de conservation de ces restes humains pour cet
25 individu ?
26 R. Je ne m'en souviens pas exactement, mais c'est quelque chose que l'on
27 peut vérifier en consultant les documents relatifs à l'autopsie.
28 Q. Vous rappelez-vous si l'on a déterminé la cause de son décès ?
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1 R. Je ne sais vraiment pas. C'est une question qu'il faudra adresser à des
2 spécialistes de médecine légale.
3 Q. Une dernière chose. Vous avez dit que les exhumations à Ovcara avaient
4 débuté au mois de septembre 1996. Pourriez-vous nous dire quelles étaient
5 les autorités en place à l'époque sur ce territoire ?
6 R. A l'époque, la région de la vallée du Danube croate se trouvait en
7 plein processus de réintégration pacifique, donc c'étaient les forces de
8 l'administration transitoire de l'ONU pour la SBSO qui se trouvaient sur ce
9 territoire à ce moment-là. Et la République de Croatie n'exerçait pas une
10 souveraineté pleine et entière sur ce territoire.
11 Q. Savez-vous si des autorités serbes étaient en place à l'époque sur ce
12 territoire, donc pendant cette période de la réintégration pacifique ?
13 R. Je crois que cela était bien le cas. En revanche, quel pouvait être le
14 mandat de telles autorités, c'est quelque chose que j'ignore.
15 Q. Savez-vous qu'à cette époque, c'est précisément M. Hadzic qui se
16 trouvait à la tête de ces autorités locales ?
17 R. Je l'ignore.
18 Q. Merci, Madame Bilic. Je n'ai pas d'autres questions.
19 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je n'ai pas
20 d'autres questions.
21 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
22 Monsieur Gillett, avez-vous des questions supplémentaires ?
23 M. GILLETT : [interprétation] Oui, quelques-unes, Monsieur le Président.
24 Pour commencer, mon collègue a dit qu'il reviendrait vers nous après la
25 pause au sujet du Dr Strinovic et de la façon dont il se serait distancié
26 de certains rapports d'autopsie au moment où il les a commentés. Si cela
27 pouvait nous être fourni, nous l'apprécierions grandement.
28 M. GILLETT : [interprétation] Je voudrais maintenant passer au document
Page 3842
1 1964 de la liste 65 ter.
2 Nouvel interrogatoire par M. Gillett :
3 Q. [interprétation] On vous a demandé, Madame Bilic, ce qu'il en était du
4 questionnaire de Haso Brajic. La Défense, à ce sujet, a fait référence à un
5 traitement que cet individu a subi en 1992 et 1993 à l'hôpital principal
6 d'Osijek.
7 M. GILLETT : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher, donc, la
8 page numéro 16 en anglais et 14 en B/C/S de ce document numéro 1964 de la
9 liste 65 ter.
10 Q. Ces documents médicaux étaient joints au questionnaire relatif à cette
11 personne. Alors, est-ce une situation tout à fait habituelle, Madame le
12 Témoin, que des documents médicaux de cette nature soient joints au
13 questionnaire relatif à la personne
14 concernée ?
15 R. C'est quelque chose qui était tout à fait habituel, dans la mesure où
16 la famille disposait de dossiers médicaux, et ce, notamment dans le cadre
17 d'un questionnaire comme celui que nous faisions remplir. Nous demandions
18 aux familles de retrouver la documentation complète dont elles pouvaient
19 disposer, y compris les dossiers médicaux de la personne disparue, et de
20 les joindre au questionnaire. On voit que dans ce cas précis, cela a été le
21 cas. Il y a toute une série de cas pour lesquels nous disposons de dossiers
22 médicaux, et cette documentation médicale fait partie intégrante du dossier
23 de la personne disparue dans un tel cas.
24 Q. Ce document concerne le traitement de Haso Brajic pour diabète à
25 l'hôpital principal d'Osijek. Alors, concernant la référence qui apparaît
26 dans le questionnaire au sujet d'un traitement en 1992 et 1993, qu'est-ce
27 que cela suggèrerait ? Alors, j'aurais dû dire que cela remonte aux années
28 1980.
Page 3843
1 R. C'est exact. Ici, on parle de 1981, mois de février 1981, et pour
2 autant que je m'en souvienne, il est question des mêmes pathologies, donc
3 du diabète. Ce qui est également mentionné dans le questionnaire, à ceci
4 près que dans le questionnaire on évoque une période de temps différente.
5 M. GILLETT : [interprétation] Passons maintenant à la page numéro 4 en
6 B/C/S et en anglais de ce même document, question numéro 22.
7 Q. On y trouve indiquée l'adresse à laquelle la personne a été vue pour la
8 dernière fois avant sa disparition. Cette adresse est Oraski Put, près
9 d'Erdut. Alors, s'il avait été vu la dernière fois à l'hôpital général
10 d'Osijek, est-ce que cela n'aurait pas dû être l'adresse à laquelle il a
11 été vu pour la dernière fois ?
12 R. Oui. Dans ce cas-là, on trouverait comme adresse de l'endroit où il a
13 été vu pour la dernière fois celle de l'hôpital général d'Osijek.
14 M. GILLETT : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher le
15 document 3747 de la liste 65 ter, et il s'agit du questionnaire concernant
16 Janos Siles.
17 Q. Alors, concernant cet individu, il est indiqué qu'il a été aperçu en
18 1992, je crois.
19 M. GILLETT : [interprétation] Alors, pourrions-nous avoir le document
20 1D264. C'était un document figurant sur la liste de la Défense. Page numéro
21 1.
22 Q. Je me rappelle que concernant cet individu particulier, vous avez dit
23 vous rappeler que les restes humains correspondants avaient été fournis par
24 la République de Serbie. Alors, si nous examinons le document 1D264, au
25 point numéro 3, nous voyons, en face de date de naissance, 1957, N.S.,
26 1086/91. Est-ce que vous savez ce que ceci indique ?
27 R. Oui, c'est l'identification des restes humains, avec l'année à laquelle
28 ils ont été retrouvés. Donc l'année à laquelle les restes humains ont été
Page 3844
1 retrouvés a été établie sur la base des documents que l'administration des
2 personnes disparues et détenues a obtenus de la part des autorités
3 compétentes de la République de Serbie. C'est donc le moment auquel les
4 restes humains ont été retirés du Danube avant d'être inhumés au cimetière
5 de Novi Sad après leur autopsie.
6 Q. Et pour Janos Siles, de quelle année s'agit-il ? Quelle est la date
7 concernée ?
8 R. L'année à laquelle les restes humains ont été retrouvés -- donc, 1991.
9 Excusez-moi, je n'avais pas très bien compris. 1991.
10 Q. Merci.
11 M. GILLETT : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher le
12 document P1507, qui a été versé au dossier hier et qui concerne Ivan
13 Redzic, dont il a été question en page numéro 39 du contre-interrogatoire.
14 Q. Dans le document auquel il a été fait référence pendant le contre-
15 interrogatoire, la date de la disparition d'Ivan Redzic est avancée comme
16 étant le 19 novembre 1991. Alors, si nous examinons la pièce P1507, qui est
17 la liste des restes humains exhumés du cimetière catholique de Dalj, vous
18 trouverez la date du 19 novembre 1991.
19 Voici ma question : lorsque ces cadavres ont été exhumés, et vous avez,
20 hier, indiqué votre participation à l'exhumation en question, comment les
21 corps ou les cadavres étaient-ils disposés ? Est-ce qu'ils formaient un
22 groupe ?
23 Je voudrais que nous fassions défiler vers le bas de la page en B/C/S.
24 Point numéro 4.
25 R. Oui. Les restes humains étaient groupés. C'était en fait un charnier de
26 configuration assez classique qui a été retrouvé au cimetière catholique de
27 Dalj. Des restes humains ont été retrouvés à une profondeur un peu plus
28 importante, et au-dessus des restes humains, c'est-à-dire au-dessus des
Page 3845
1 victimes retrouvées dans ce charnier, avaient été ensevelies des personnes
2 qui étaient décédées après, peut-être même de mort naturelle. Donc, au-
3 dessus de ce charnier se trouvaient des tombes dans lesquelles étaient
4 inhumées les dépouilles d'autres personnes. Ce qui a, en fait, rendu
5 beaucoup plus difficile, non seulement la découverte de ce charnier, mais
6 également l'exhumation.
7 M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, c'était là tout ce que
8 j'avais à poser comme questions supplémentaires. Merci.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Oui, Maître.
10 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi. Je voudrais donner la
11 référence pour le Dr Strinovic et sa déposition. Celle-ci figure en pages 2
12 390 à 2 393 du compte rendu d'audience, date du 8 janvier 2013.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
14 M. GILLETT : [interprétation] Excusez-moi, il y a peut-être eu une
15 confusion. Parce que lorsque nous avons examiné ces pages, nous avons
16 constaté que le Dr Strinovic parlait d'exhumations, mais qu'il parlait en
17 fait d'un rapport d'exhumation précis dont il a dit qu'il n'avait pas
18 participé à sa rédaction. Il ne parlait pas de rapports d'autopsie qui
19 avaient été effectués par d'autres personnes que lui.
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Bilic, ceci met un terme à
21 votre déposition. Nous souhaitons vous remercier vivement d'être venue
22 déposer devant le Tribunal. Vous êtes maintenant libre de repartir et
23 libérée de vos obligations de témoin. Je vous souhaite bon retour chez
24 vous. Merci beaucoup.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
26 [Le témoin se retire]
27 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, bonjour. Le témoin
28 suivant est-il prêt ?
Page 3846
1 Mme BIERSAY : [interprétation] Je crois que c'est bien le cas, Monsieur le
2 Président. Si les Juges de la Chambre le préfèrent, nous pouvons commencer
3 et faire la pause ensuite.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
6 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
7 M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]
8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, bonjour. Merci
10 d'être venu apporter votre concours à la Chambre de première instance ici
11 même à La Haye. Est-ce que vous m'entendez dans une langue que vous
12 comprenez, pour commencer ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Pourriez-vous
15 décliner vos nom, prénom, date de naissance, nationalité et/ou appartenance
16 ethnique, s'il vous plaît.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me nomme Hicham Malla. Je suis né en 1943 à
18 Damas [phon]. Je suis de nationalité croate actuellement et je suis Syrien
19 d'origine. Je suis né à Damas [phon].
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Veuillez maintenant lire
21 le texte de la déclaration solennelle qui vous est remis. Je souligne que
22 par l'effet de cette déclaration solennelle, une fois que vous l'aurez lue,
23 vous vous exposeriez aux peines prévues pour faux témoignage si jamais vous
24 en veniez à donner des informations inexactes ou susceptibles d'induire en
25 erreur les Juges de la Chambre. Je vous prie de lire maintenant ce texte.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
27 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
28 LE TÉMOIN : HICHAM MALLA [Assermenté]
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1 [Le témoin répond par l'interprète]
2 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez vous
3 installer.
4 Madame Biersay, à vous.
5 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Interrogatoire principal par Mme Biersay :
7 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Malla.
8 R. Bonjour.
9 Q. Vous avez déclaré à la Chambre de première instance que vous êtes à
10 l'heure actuelle ressortissant croate. Est-ce que vous pourriez dire aux
11 Juges combien de temps vous avez vécu en Croatie ?
12 R. Depuis l'année 1964.
13 Q. Et où avez-vous terminé vos études universitaires ?
14 R. A Zagreb.
15 Q. Et qu'avez-vous étudié ?
16 R. J'étais étudiant en médecine.
17 Q. Et quelle fut votre profession lorsque vous avez terminé vos études ?
18 R. Je suis devenu généraliste, médecin généraliste.
19 Q. Pourriez-vous dire brièvement à la Chambre de première instance comment
20 se fait-il que vous êtes arrivé à Zagreb, que vous y avez étudié et que
21 vous y êtes resté par la suite ?
22 R. Lorsque j'ai obtenu mon diplôme universitaire, je me suis marié. J'ai
23 trouvé un emploi à Zagreb, et j'y suis resté.
24 Q. Quelle était l'appartenance ethnique de votre femme ?
25 R. Croate.
26 Q. Est-ce que vous avez des enfants ?
27 R. J'ai une fille et un fils. Oui, deux enfants.
28 Q. En 1990 et 1991, où résidiez-vous en Croatie ?
Page 3848
1 R. A Borovo Naselje, à Vukovar.
2 Q. Et en 1991, au début de l'année 1991, où travailliez-vous ?
3 R. Au début de l'année 1991, je me trouvais à Zagreb. J'exerçais ma
4 profession en tant que médecin du travail.
5 Q. Les Juges de la Chambre de première instance ont entendu parler de
6 Borovo Naselje. Est-ce que vous pourriez brièvement indiquer où se trouve
7 Borovo Naselje par rapport à Borovo ou Borovo Selo ?
8 R. Borovo Naselje est un quartier qui a été construit pour le personnel
9 qui travaillait à Borovo, alors que Borovo Selo est un vieux village qui se
10 trouve à quelque 2 ou 3 kilomètres de ce nouveau quartier connu sous le nom
11 de Borovo Naselje.
12 Q. Est-ce que vous connaissiez cette société appelée Borovo ?
13 R. Oui, oui. C'était une énorme entreprise qui avait différentes unités de
14 production, production de caoutchouc, fabrication de chaussures. Et il y
15 avait même une composante construction ou maçonnerie. Borovo avait
16 également son propre centre médical, ou dispensaire, que l'on appelait le
17 centre médical de Borovo.
18 Q. Mais est-ce que vous avez jamais travaillé pour cette société, la
19 société Borovo ?
20 R. Oui, oui. A partir de l'année 1982, c'est là que j'ai commencé à
21 travailler comme médecin généraliste.
22 Q. Combien de médecins travaillaient à Borovo ?
23 R. En 1982, nous étions huit, et puis, petit à petit, ce nombre a augmenté
24 jusqu'à atteindre 18.
25 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire, de façon approximative,
26 combien d'employés travaillaient pour cette société ?
27 R. Entre 21 000 et 23 000 personnes travaillaient à Borovo, et puis il y
28 avait 3 000 autres personnes qui travaillaient dans toute la Croatie dans
Page 3849
1 les magasins Borovo.
2 Q. Vous avez décrit comment vous exerciez votre profession dans le cadre
3 de la médecine du travail. Est-ce que vous avez parfois travaillé à la
4 société Borovo en 1991 ?
5 R. Oui. Lorsque cela était nécessaire, lorsqu'un de mes collègues était en
6 congé maladie ou en vacances, je venais, effectivement, pour aider les
7 autres.
8 Q. Alors, outre le fait que vous étiez médecin pour cette société Borovo,
9 est-ce que vous avez exercé une autre activité professionnelle ? Ou est-ce
10 que vous avez travaillé ailleurs ?
11 R. Oui. J'étais spécialisé dans la médecine du sport. J'étais en fait le
12 médecin du club de football. Il y avait également un club de boxe dont je
13 m'occupais en tant que médecin. Il y avait également le club de handball de
14 Borovo. Il y avait également le club de karaté de Borovo. Il s'agissait
15 d'autant d'équipes sportives ou de clubs sportifs qui étaient parrainés par
16 l'usine Borovo.
17 Q. Et quel était le nom du club de football pour lequel vous étiez médecin
18 ?
19 R. Le nom du club était Sindzelic de Trpinja.
20 Q. Et comment se fait-il que vous êtes devenu le médecin de ce club de
21 football de Trpinja ?
22 R. Le président de ce club était M. Dokmanovic en 1982. Donc il a pris
23 contact avec moi à ce moment-là et il m'a dit qu'ils avaient besoin d'un
24 médecin à temps partiel. J'ai accepté cette offre, et j'ai continué à
25 travailler en tant que médecin pour le club de football.
26 Q. Quel est le prénom de M. Dokmanovic, si tant est que vous vous en
27 souveniez ? Ecoutez, je vais vous poser une autre question : lorsque vous
28 travailliez en tant que médecin pour ce club de football de Trpinja,
Page 3850
1 comment est-ce que vous vous entendiez avec M. Dokmanovic, quels sont les
2 liens que vous avez eus avec lui ?
3 R. Moi, j'étais le médecin du club de football, et lui, il était le
4 président de ce club de football. Donc nous nous voyions toutes les
5 semaines lors des matchs de football, nous nous voyions après les matchs
6 également, et le lundi j'examinais les joueurs de football faisaient
7 l'objet d'examens médicaux en cas de blessures ou de traitements éventuels
8 qui devaient être donnés.
9 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je n'ai pas entendu la réponse du témoin à
10 la première question, lorsqu'on lui a demandé quel était le prénom de M.
11 Dokmanovic.
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ecoutez, il se peut que je me trompe,
13 mais je ne pense pas que le témoin ait apporté une réponse.
14 Est-ce que vous avez répondu à cette question, Monsieur Malla,
15 lorsqu'on vous a demandé quel était le prénom de M. Dokmanovic ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas répondu, mais écoutez,
17 je ne me souviens plus de son prénom. Je peux vous donner le prénom de son
18 frère. Mais là, non, j'ai un trou de mémoire.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]
20 Mme BIERSAY : [interprétation]
21 Q. Et quel est le prénom de son frère ?
22 R. Jovan.
23 Q. Et où travaillait son frère ?
24 R. Dans l'entrepôt central de l'usine de Borovo.
25 Q. Est-ce que d'autres membres de la famille de M. Dokmanovic
26 travaillaient pour la société Borovo ?
27 R. Oui, son épouse travaillait également à l'entrepôt central.
28 Q. Est-ce que vous avez eu des contacts soit avec l'épouse de M.
Page 3851
1 Dokmanovic, soit avec son frère, et quels étaient ces contacts, si vous en
2 avez eus ?
3 R. Nous nous voyions souvent parce que nous allions souvent, mon épouse et
4 moi-même, chez les Dokmanovic. Nous nous y sommes rendus, par exemple,
5 lorsqu'il y avait la fête du club de football. Nos épouses respectives
6 étaient présentes à la fête.
7 Q. Quelle était en règle générale la tenue vestimentaire de M. Dokmanovic
8 à cette époque-là ?
9 R. Il était toujours habillé en costume, cravaté. C'était un ingénieur.
10 C'était un homme politique également. Donc il portait toujours un costume.
11 Maintenant, voilà, son nom m'est revenu. Il s'appelait Slavko.
12 Q. Docteur Malla, lorsque vous avez indiqué que vous alliez chez les
13 Dokmanovic, de qui parliez-vous exactement ?
14 R. De Slavko Dokmanovic.
15 Q. Et lorsque vous avez décrit la tenue vestimentaire de M. Dokmanovic, à
16 qui faisiez-vous référence ?
17 R. A l'ingénieur Slavko Dokmanovic.
18 Q. J'aimerais maintenant que nous nous intéressions au milieu de l'année
19 1991. Est-ce qu'à un moment donné vous avez envoyé vos enfants vivre
20 ailleurs ?
21 R. Oui. Au mois de juillet, à la fin de l'année scolaire, en fait, la
22 Croix-Rouge a organisé le départ de nos enfants vers la côte. Mon fils
23 avait dix ans et demi à l'époque. Donc je l'ai envoyé à la côte. Ma fille,
24 quant à elle, est restée avec moi pendant une dizaine de jours, puis
25 ensuite je l'ai envoyée à Zagreb.
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi de vous
27 interrompre.
28 Mais je pense toujours à Slavko Dokmanovic, Monsieur Malla, et je
Page 3852
1 pense à cette période où vous avez travaillé avec lui, ou plutôt, où il
2 était le président du club de football et vous étiez le médecin de ce même
3 club. A ce moment-là, est-ce que vous connaissiez son appartenance ethnique
4 ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et quelle était son appartenance
7 ethnique ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était Serbe. Et le village entier était un
9 village serbe. Trpinja était un village serbe.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Eh bien, c'est peut-être la réponse à
11 la question que j'allais vous poser, car j'allais vous demander : comment
12 est-ce que vous saviez qu'il était Serbe ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le savais de par sa façon de parler, de
14 s'exprimer, et je savais de quel village il venait. Tout le monde le
15 savait. J'étais invité à leurs cérémonies religieuses, à leurs fêtes
16 religieuses. Il s'agissait de vacances ou de jours de congé religieux en
17 quelque sorte, donc tout le monde le savait.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ah, maintenant je vois --
19 Mme BIERSAY : [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vois que le moment est venu de
21 faire la pause.
22 Monsieur Malla, c'est le moment de faire notre deuxième pause. Même
23 si vous n'êtes dans ce prétoire que depuis un quart d'heure, nous devons
24 faire la pause. Et nous reviendrons à 12 heures 45. Mme l'Huissière va vous
25 accompagner hors du prétoire. Et je vous remercie.
26 [Le témoin quitte la barre]
27 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.
28 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.
Page 3853
1 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.
2 [Le témoin vient à la barre]
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, poursuivez, je
4 vous prie.
5 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Q. Docteur Malla, est-ce que vous êtes bien installé ?
7 R. Oui.
8 Q. Juste avant la pause, nous parlions de vos enfants, et vous nous avez
9 expliqué comment vous les aviez envoyés hors de l'endroit où vous habitiez,
10 à savoir Borovo Naselje. Est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi vous
11 avez fait ceci ?
12 R. Les bombardements avaient commencé, ils avaient commencé autour de
13 Borovo et autour de Vukovar. La guerre avait déjà commencé.
14 Q. Et est-ce que vous pourriez nous décrire l'intensité de ces
15 bombardements ?
16 R. Par exemple, la crèche qui se trouvait au centre de Borovo Naselje a
17 été bombardée, donc les gens avaient peur et ils faisaient partir leurs
18 enfants de Borovo Naselje et de Vukovar. Certains, donc, sont partis grâce
19 à l'organisation de la Croix-Rouge et certains sont partis de façon
20 individuelle. C'est leurs parents qui avaient organisé ceci.
21 Q. Est-ce qu'à un moment donné il y a eu une intensification des
22 bombardements pendant l'été de l'année 1992 [comme interprété] ?
23 R. Oui. Oui, il y a eu une intensification des bombardements. Avec la plus
24 grande attaque qui a eu lieu vers 6 heures du matin le 26 août.
25 Q. Et où vous trouviez-vous lorsque cela s'est produit ?
26 R. J'étais chez moi. Ma femme, toutefois, était partie travailler. Elle
27 est partie travailler à 6 heures. Elle travaillait pour la société Borovo.
28 Q. Le 26 août 1991, quels sont les bâtiments qui ont été bombardés ? Quel
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1 type de structure a été bombardé ?
2 R. L'essentiel, enfin, de notre quartier, de ce quartier, puis la société
3 Borovo également, à proprement parler. En d'autres termes, il s'agissait de
4 bâtiments civils et de l'usine.
5 Q. Ce jour-là, est-ce que vous vous êtes rendu à l'usine ?
6 R. Non, non. Non, non, je n'y suis pas allé. Je ne pouvais pas à cause de
7 l'intensité des bombardements. Nous avons dû tous aller nous réfugier vers
8 un abri atomique. Je dois dire que j'étais extrêmement inquiet au sujet de
9 ma femme, car je ne savais pas ce qu'il en était d'elle. Et cela, j'ai dû
10 attendre jusqu'à l'après-midi, lorsque finalement elle a pu elle-même aller
11 à l'abri de la société.
12 Q. Vous dites que vous vous êtes rendu dans un abri. Est-ce que vous
13 pourriez décrire cet abri ? De quel type d'abri s'agissait-il ? Je parle de
14 l'abri où vous, vous êtes allé.
15 R. Oui, oui. Dans mon immeuble à Borovo Naselje, il y avait trois abris de
16 ce type. Il y avait beaucoup de sous-sols, et l'abri où je suis allé
17 pouvait contenir jusqu'à 400 personnes. Il était véritablement souterrain.
18 C'était un abri souterrain.
19 Q. Est-ce que vous êtes resté dans cet abri pendant une certaine période ?
20 R. J'y suis resté jusqu'à la chute de Vukovar. Pendant trois mois environ.
21 Voilà la durée de notre séjour dans cet abri.
22 Q. Et combien de personnes se trouvaient avec vous dans cet abri, de façon
23 approximative ?
24 R. Parfois, l'abri était plein à craquer, il y avait 400 personnes, puis
25 ensuite le nombre a diminué. Il n'y avait plus que 300 personnes. C'étaient
26 pour l'essentiel mes voisins. Mes voisins, leurs familles, les enfants, les
27 personnes âgées.
28 Q. Et quelle était l'appartenance ethnique ou la nationalité des personnes
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1 qui se trouvaient dans cet abri ?
2 R. C'étaient des personnes qui habitaient à Borovo Naselje, toutes
3 appartenances ethniques confondues. Il y avait des Croates, des Serbes, des
4 Ruthènes.
5 Q. Et qu'avez-vous fait, si tant est vous ayez fait quelque chose, pour
6 les blessés ou les malades de la zone de Borovo Naselje ?
7 R. J'ai fait ce que je pouvais faire. De toute façon, je n'ai pas pu faire
8 d'opérations, bien sûr. Si quelqu'un devait subir une opération
9 chirurgicale, je l'envoyais à l'hôpital de Vukovar. Et si à l'hôpital il
10 n'y avait pas suffisamment de place pour les personnes convalescentes, les
11 personnes qui se remettaient d'interventions chirurgicales lourdes, ils me
12 les envoyaient, ces personnes.
13 Q. Où est-ce que ces personnes étaient, ces personnes que l'on vous
14 envoyait ?
15 R. Dans l'abri. Il y avait trois abris atomiques en tout, ce qui fait
16 qu'il pouvait y avoir jusqu'à 1 500 personnes en tout.
17 Q. Est-ce que les personnes blessées et malades sont restées dans l'abri
18 atomique pendant toute cette période, ou est-ce qu'elles sont allées
19 ailleurs ?
20 R. Non, non, ces personnes sont restées là tout le temps.
21 Q. J'aimerais maintenant attirer votre attention sur le 8 novembre 1991.
22 Est-ce que vous vous souvenez de ce jour ?
23 R. De quel mois parlez-vous ? Vous dites novembre, mais de quel mois
24 d'agit-il ? Ah oui, oui. Le 8 de ce mois-là, je me trouvais dans l'abri
25 atomique. Et pendant toute la nuit, il y a eu des bombardements. Il y a eu
26 une attaque importante. Et ils m'ont appelé vers 8 heures en me disant
27 qu'il y avait des blessés devant l'abri. Donc j'ai pris mon sac. Ma femme
28 est venue avec moi parce que je n'avais pas d'infirmière avec moi. Elle m'a
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1 aidé, donc.
2 Nous avons parcouru une vingtaine de mètres à partir de l'abri
3 atomique et nous avons vu une voiture en feu. Il y avait encore un homme au
4 volant qui était déjà mort. Il avait été touché. A côté de lui, il y avait
5 un enfant qui avait à peu près 9 ans et qui était blessé. J'ai vu qu'il y
6 avait du sang qui sortait de la poitrine de l'enfant, donc j'ai fait sortir
7 l'enfant. Puis, à ce moment-là, il y a quelqu'un qui est sorti de l'abri.
8 Cette personne avait une voiture et elle a conduit l'enfant à l'hôpital.
9 Après, la femme dont le mari avait été tué - il s'agissait de l'homme
10 qui se trouvait dans la voiture - et dont l'enfant avait été conduit à
11 l'hôpital est venue me trouver. Elle était en état de choc. Je lui ai donné
12 quelque tranquillisant. A ce moment-là, il y a un obus qui est tombé. Donc,
13 moi, j'ai perdu connaissance. Ma femme a été tuée sur le coup, cette femme
14 a été blessée et il y a deux autres personnes qui ont été blessées
15 également. En fait, le point d'impact de l'obus se trouvait à quelque 5
16 mètres de là où je me trouvais, et je m'en suis rendu compte seulement
17 lorsque j'ai repris connaissance.
18 Q. Et lorsque vous avez repris connaissance, quelles sont les blessures
19 que vous avez pu constater sur vous ?
20 R. J'étais absolument recouvert de sang. Je saignais. En fait, je n'étais
21 qu'une plaie sanglante, des pieds à la tête. Donc ils m'ont conduit à
22 Borovo Komerc, c'est l'entrepôt de la société Borovo. Il y avait un docteur
23 là-bas, le Dr Emedi. Ils m'ont conduit là-bas avec ma femme. Le médecin a
24 confirmé le décès de ma femme. Il a soigné mes blessures et il m'a fait des
25 points au niveau de la tête. Bon, j'avais deux ou trois éclats d'obus au
26 niveau du corps, au niveau du dos, au niveau de mes jambes. Tout mon corps,
27 en fait, avait été transpercé par les éclats d'obus.
28 Q. Je regarde la traduction et je vois que vous dites que vous aviez deux
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1 ou trois éclats d'obus dans le corps; c'est cela ?
2 R. Oui. Je les ai toujours, 43.
3 Q. Est-ce que vous avez deux ou trois éclats d'obus ou 43 ? Je pense qu'il
4 y a eu un petit problème causé par la prononciation.
5 R. Non. J'ai eu 43 éclats d'obus dans mon corps. La plupart ont été
6 enlevés à Zagreb, mais j'en ai encore, des éclats d'obus, dans mon corps.
7 Q. Est-ce que vous pourriez décrire aux Juges de la Chambre où se trouvait
8 cette blessure sur votre tête ?
9 R. Là, ici. Donc j'ai eu des points de suture de là jusqu'à là. J'ai des
10 cicatrices à ce niveau sur mon dos. J'ai également de nombreuses cicatrices
11 au niveau des jambes. Et lorsque je suis parti du camp, je suis allé à
12 Zagreb, ils m'ont fait une radiographie afin d'enlever les éclats d'obus,
13 et là ils ont constaté qu'il y avait une fracture entre les vertèbres
14 cervicales 4 à 7. Donc il ne s'agit pas des vertèbres à proprement parler,
15 mais des articulations entre les vertèbres. Donc, là, il s'agissait d'une
16 fracture de ma colonne vertébrale, et on m'a plâtré à Zagreb. Je dois dire
17 que c'était un plâtre que j'ai conservé pendant longtemps.
18 Q. Vous dites que vous avez eu des points de suture au niveau de la tête.
19 Est-ce que vous avez eu également des pansements qui vous ont été posés,
20 des bandages, ou quoi que ce soit d'autre ?
21 R. J'avais un filet pour retenir le pansement sur la tête, un filet
22 médical, et j'avais des pansements partout.
23 Q. Est-ce que vous étiez en mesure de vous déplacer, de marcher
24 facilement, après avoir été touché par autant d'éclats ?
25 R. Non, non, c'était difficile, parce que j'ai été blessé au niveau des
26 deux jambes. J'ai reçu des éclats dans les deux jambes. C'était difficile
27 de marcher. Je le pouvais, mais je titubais.
28 Q. Et vos patients, quand ils vous ont revus le même jour, comment ont-ils
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1 réagi ?
2 R. Quand ils sont venus pour les traitements, pour les changements de
3 pansements, eh bien, ils étaient très touchés de me voir dans cet état,
4 parce que j'avais plus de blessures qu'eux. Certains ont même refusé de
5 recevoir des soins de ma part puisqu'ils disaient que j'avais davantage
6 besoin d'aide qu'eux.
7 Q. Vous-même et les autres personnes se trouvant dans cet abri
8 antiatomique que vous avez décrit aux Juges de la Chambre, à quel moment
9 est-ce que vous avez quitté l'abri en question ?
10 R. Le 17 novembre, vers 16 heures. On a été informés par la Garde
11 nationale qu'il fallait qu'on se replie vers l'usine, qu'il valait mieux
12 qu'on se retrouve tous ensemble là-bas parce que c'était certain que la
13 ville allait tomber. Donc, dans l'après-midi, il y a eu une accalmie, et à
14 un moment donné on s'est retirés de là. En partie, on est allés dans
15 l'usine de chaussures parce que c'était le seul bâtiment de l'enceinte qui
16 avait un sous-sol, et les autres sont allés dans l'entrepôt Borovo Komerc.
17 Q. Vous dites qu'on vous a informés qu'il valait mieux se replier vers la
18 société. Vous voulez dire vers la société Borovo ?
19 R. Oui, Borovo.
20 Q. Vous avez dit qu'à un moment donné en fin d'après-midi, vers la soirée,
21 il y a eu une accalmie. Une accalmie à quel niveau ?
22 R. Il n'y avait pas de coups de feu et pas d'obus qui tombaient.
23 Q. D'après vous, quel est le nombre de personnes qui se sont trouvées dans
24 le sous-sol de l'usine de Borovo ?
25 R. Environ 3 000 personnes.
26 Q. Et ce sous-sol pouvait en tenir combien ?
27 R. Trois cents à 400, tout au plus.
28 Q. Avez-vous prodigué des soins à qui que ce soit pendant que vous êtes
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1 resté dans ce sous-sol ?
2 R. Oui, car pendant cette nuit-là, on a amené trois blessés. Ils avaient
3 des blessures par balle, ce n'étaient pas des blessures d'obus, car il y
4 avait des tireurs embusqués positionnés autour de l'enceinte de la société
5 et ils tiraient sur tout un chacun.
6 Q. Est-ce que vous étiez vêtu d'une manière qui permettait de vous
7 identifier comme faisant partie du personnel médical ?
8 R. J'avais des vêtements civils habituels, mais j'avais un brassard blanc,
9 large, autour d'un bras avec une croix rouge dessus.
10 Q. Etiez-vous la seule personne qui portait ce type de brassard ?
11 R. Non. Dans ce même abri où je me suis trouvé, il y avait trois autres
12 médecins, et à Borovo Komerc également. Là-bas, il y avait trois médecins
13 également. Et nous portions tous ce signe.
14 Q. A quel moment êtes-vous sortis de ce sous-sol de l'usine de chaussures
15 de Borovo ?
16 R. Le 19, dans la matinée, le 19 novembre.
17 Q. Pour quelle raison êtes-vous partis ?
18 R. Il y a eu un accord entre la JNA, l'armée yougoslave, et la Garde
19 nationale, un accord sur la reddition, et d'après l'accord, ou du moins de
20 ce qu'on nous a dit, l'armée allait laisser partir les femmes, les enfants
21 et le personnel médical pour qu'ils se rendent à Vinkovci, et les autre
22 allaient être faits prisonniers. Mais quand nous sommes sortis, on nous a
23 séparés, les hommes d'un côté et les femmes et les enfants de l'autre. Mais
24 sans poser aucune question sur nos noms, notre appartenance ethnique, rien
25 du tout. On nous a roués de coups, on nous a envoyé des menaces et on nous
26 a mis à bord des autocars, et on nous a menacés avec des armes aussi, on
27 nous a insultés. Et puis, les femmes et les enfants, ils ont été mis sur
28 des camions.
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1 Q. Vous avez dit qu'ils se sont mis à vous séparer. Les "eux", c'est qui ?
2 R. C'est l'armée yougoslave, la JNA.
3 Q. Etaient-ils les seuls ?
4 R. Non. Il y avait aussi des civils armés et il y avait aussi des
5 paramilitaires.
6 Q. Et la JNA ou les paramilitaires ou les civils, est-ce qu'ils ont fait
7 quelque chose aux hommes avant de les embarquer dans ces autocars ?
8 R. Ils les assénaient de coups. Ils les traitaient d'Oustachi,
9 d'assassins, les insultaient et les rouaient de coups.
10 Q. Lorsqu'ils les traitaient d'"Oustachi", est-ce que cela vous permettait
11 de savoir de quelle appartenance ethnique ils pensaient que vous étiez ?
12 R. C'est depuis 1964 que j'étais en Yougoslavie, et j'ai lu aussi
13 l'histoire de la Yougoslavie. J'ai appris qu'en Croatie il y a eu des
14 Oustachi, qu'il y a eu des Chetniks en Serbie. Que c'étaient des
15 nationalistes. Qu'ils combattaient chacun pour leurs peuples respectifs;
16 les Oustacha d'un côté, les Chetniks de l'autre. Donc, quand on veut
17 insulter un Croate, quand on veut le traiter d'assassin, à ce moment-là on
18 lui dit qu'il est Oustachi. C'était comme ça pendant la Deuxième Guerre
19 mondiale. Je pense que c'était soit l'armée, soit des unités paramilitaires
20 croates. C'était ça, les Oustachi.
21 Q. D'après votre évaluation, il y a eu combien d'autocars à bord desquels
22 on a fait monter les hommes qui venaient des abris ?
23 R. Quand les autocars ont été pleins, ils ont continué, et j'en ai compté
24 neuf, et je sais que moi-même j'étais dans le cinquième dans la série
25 d'autocars.
26 Q. Et les autocars, ils sont allés où ?
27 R. J'ai vu que c'étaient des autocars municipaux de Novi Sad, donc je
28 savais qu'on allait nous emmener en Vojvodine, en Serbie. Et on est allés à
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1 Zrenjanin, c'est en Vojvodine.
2 Q. Est-ce qu'il y avait des gardes armés à bord de votre autocar ?
3 R. Deux, oui, il y en avait un à l'avant et un à l'arrière. Je pense que
4 c'était plutôt la police militaire, parce qu'ils avaient des matraques, car
5 un soldat ordinaire n'a pas de matraque. Donc, du moment qu'ils en avaient,
6 c'était certain que c'était la police militaire.
7 Q. Et comment étaient-ils armés, en plus de ces matraques ?
8 R. Ils avaient des fusils automatiques en plus des matraques.
9 Q. Ont-ils fait quelque chose aux prisonniers à bord de l'autocar, et si
10 oui, quoi ?
11 R. Mais la même chose. Des insultes : "Oustachi, on va vous tuer." Ils ont
12 distribué des coups. "Regardez en bas. Penchez vos têtes en bas." Ils
13 donnaient des coups sans raison.
14 Q. Quel était le nombre de prisonniers à bord d'un autocar ?
15 R. Plus de 100, je pense. C'était plein à craquer. On était entassés les
16 uns sur les autres. On arrivait à peine à respirer.
17 Q. Quelle était l'allure de l'autocar pendant son déplacement de Croatie
18 vers Zrenjanin, à quelle vitesse est-ce qu'il a roulé ?
19 R. On est partis vers 14 heures 30, on était partis de la société Borovo,
20 et on est arrivés à Zrenjanin à 19 heures 45 à peu près, donc à peu près
21 six heures, plus de six heures.
22 Q. Pendant que vous traversiez des secteurs serbes, est-ce qu'il y a eu un
23 accueil qui a été réservé aux autocars ?
24 R. Oui, pendant tout le temps du trajet, il y a eu la radio qui était mise
25 dans l'autocar, sans arrêt des chants guerriers, et on disait qu'un convoi
26 de 1 200 Oustachi de Vukovar allait passer par ici et par là. Et pendant
27 qu'on passait, les gens étaient devant et ils jetaient des pierres. Il y a
28 eu toutes sortes de choses.
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1 Q. Au moment où votre autocar s'est arrêté, vous étiez où ?
2 R. On est arrivés dans un bois. C'était la nuit. Donc c'est le mois de
3 novembre. A partir de 19 heures 30, 8 heures, on ne peut pas voir. Mais
4 toutes les cinq minutes, on a pu voir l'autocar avancer d'une vingtaine de
5 mètres avant de s'arrêter, puis c'est comme ça qu'on s'est arrêtés devant
6 une ferme où il y a de l'élevage de porcs. Donc on s'est arrêtés devant une
7 porcherie, et on s'est arrêtés à 20 ou 30 mètres devant ce bâtiment.
8 On est descendus des autocars et il y avait une double haie. Il y avait la
9 police et les militaires, et des civils aussi, et on nous a battus pendant
10 tout le temps où on s'est déplacés depuis l'autocar jusqu'à ce qu'on entre
11 dans cette porcherie. Au moment du passage entre la double haie, les coups
12 étaient assénés avec des crosses de fusil.
13 Q. Et pendant que vous passiez à travers cette double haie, est-ce que
14 vous aviez encore ce brassard que vous nous aviez décrit ?
15 R. Il y avait deux infirmiers et un autre médecin, Dr Ganic [phon], et il
16 m'a dit : Attends, on va descendre à la fin. Donc, nous quatre, on est
17 descendus à la fin. Et quand ils ont vu le brassard avec la Croix-Rouge
18 qu'on portait, ils ont dit : "Mais ça, c'est des assassins. Ils ont tué nos
19 blessés, ils ont vendu leurs organes," et ils se sont mis à nous battre, à
20 nous frapper encore plus que les autres.
21 Q. Vos blessures dues aux éclats, est-ce qu'elles étaient encore visibles
22 ou est-ce qu'elles avaient cicatrisé entre-temps ?
23 R. On voyait encore la cicatrice au niveau du cou où on m'a sorti deux
24 éclats, puis on voyait aussi les points de suture au niveau de la nuque.
25 Q. Et pendant que vous passiez par cette double haie, est-ce que vous avez
26 reçu des coups ?
27 R. Je me suis protégé comme ça, avec les bras et les mains, donc j'ai été
28 frappé au niveau de mes épaules et du dos.
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1 Q. Alors, que s'est-il passé quand vous êtes arrivés à l'intérieur ?
2 R. Il a fallu qu'on s'assoie par terre. Il y avait une très grande porte.
3 Il fallait qu'on baisse la tête, qu'on mette les mains derrière, et on nous
4 a frappés sans poser de questions, sans même nous demander notre nom, sans
5 aucune raison, et pendant tout ce temps, pendant qu'ils faisaient descendre
6 tout le monde de ces autocars. Et ça a continué jusqu'à 1 heure après
7 minuit. Et à 1 heure du matin, un des prisonniers, qui recevait des coups,
8 s'est mis à crier : "Mais pourquoi est-ce que vous me frappez ? Je suis
9 Serbe comme vous." Et ils lui ont demandé comment il s'appelait. Il a donné
10 son nom, son prénom, alors ils lui ont donné la permission de s'introduire
11 vers l'intérieur de cette étable. Puis, l'un après l'autre, tous les Serbes
12 se sont déclarés. Il avait été le premier à avoir le courage de le dire, et
13 donc il y avait à peu près 150 Serbes qui sont allés comme ça. Et
14 finalement, moi, j'ai levé la main. Le garde m'a demandé qui j'étais. Je
15 lui ai dit que j'étais étranger et, en plus, que j'étais médecin.
16 Heureusement que je m'étais installé un peu plus loin que le centre de
17 cette étable. Il m'a dit : "Mais non, tu n'es pas un médecin, tu es un
18 mercenaire." Ils se sont mis à quatre à me frapper.
19 Q. Est-ce que ces coups qui vous ont été assénés se sont arrêtés à un
20 moment donné ?
21 R. Non. Ils me battaient, et avec la tête penchée, mains dans le dos, j'ai
22 vu qu'un civil était debout devant moi en pantalon civil, en jean, et il
23 m'a dit : "Personne ne vous battra, Docteur. Venez." J'ai pensé d'abord que
24 c'était une plaisanterie et je suis resté sur place, je n'ai pas répondu.
25 Alors, il m'a attrapé sous les aisselles, et il m'a dit : "Docteur Hicham,
26 venez avec moi." Je me suis alors levé et il a discuté avec le commandant
27 qui était sur place en lui disant que j'étais médecin, qu'ils ne devaient
28 plus me battre, et il m'a emmené dans l'autre partie, la pièce qui était
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1 réservée aux prisonniers serbes, et j'y suis resté jusqu'au lendemain
2 matin, seul.
3 Q. Est-il arrivé un moment où on vous a demandé de vous occuper des
4 prisonniers qui étaient dans l'étable et de leur prodiguer des soins ?
5 R. Le matin, alors que j'étais à attendre, ce jeune homme qui m'avait
6 sauvé est arrivé - en fait, c'était le lieutenant-colonel Zivanovic, c'est
7 ce que j'ai appris plus tard - et je pensais qu'il était le commandant. Il
8 m'a dit qu'il regrettait ce qui m'était arrivé. Il a dit : Il y a des
9 tueurs parmi nous, des Chetniks, et cetera, et que j'avais de la chance que
10 cet Aleksandar qui m'avait sauvé m'ait vu. En fait, Aleksandar et le
11 lieutenant-colonel Zivanovic étaient en train de parler ensemble. Il a dit
12 qu'il était à court de personnel médical et que s'il obtenait l'accord de
13 Belgrade, il était censé mettre en place ici un camp pour 300 personnes. Il
14 a dit : "Maintenant, j'en ai reçu plus de 1 200. Est-ce que vous pouvez
15 faire votre travail de médecin ici ?" J'ai dit que je le pourrais, mais pas
16 seul, qu'il y avait d'autres médecins parmi les prisonniers. Il a dit :
17 "Très bien. Allez les chercher." Et ensemble avec lui, je me suis rendu
18 auprès des prisonniers. J'ai retrouvé quatre médecins et un dentiste. Il
19 nous a attribué un coin de cette étable, il nous a donné cinq couvertures à
20 étaler sur le sol et nous a dit que nous devrions mettre en place une sorte
21 d'infirmerie à cet endroit.
22 Q. Est-ce que vous-même ou le reste de -- ce que j'appellerai cette équipe
23 médicale, avez continué à être battu, vous qui travailliez à fournir des
24 soins médicaux et les personnes qui vous assistaient ?
25 R. A ce moment-là, plus personne ne levait la main sur moi ni ne
26 m'insultait, mais ils le faisaient aux autres médecins. Ils subissaient le
27 même traitement que les autres prisonniers.
28 Mme BIERSAY : [interprétation] Alors, si nous passons à l'intercalaire
Page 3865
1 numéro 6, numéro 6395 de la liste 65 ter, c'est une photographie.
2 Et, Messieurs les Juges, cette photographie faisait également l'objet
3 de la requête demandant l'ajout à la liste de pièces en application de
4 l'article 65 ter. Je souhaiterais faire une requête orale afin de procéder
5 à l'ajout de cette photographie à la liste. Ceci est également couvert par
6 la requête écrite qui a été déposée auprès de la Chambre.
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il s'agit de la requête écrite --
8 Mme BIERSAY : [interprétation] C'est la huitième requête.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Donc il s'agit là d'un
10 autre document, d'une autre pièce que vous souhaitez présenter à ce témoin
11 ?
12 Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, c'est exact. Ceci figure à l'onglet
13 numéro 6 dans la liste fournie à la Chambre. J'indique simplement aux Juges
14 que cela n'a pas été encore officiellement ajouté à la liste 65 ter puisque
15 la requête correspondante est toujours en suspens.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Quelle est la position de la Défense
17 ?
18 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Rien à dire. Nous n'avons pas de position.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous avez dit que vous n'aviez pas de
20 position à ce sujet ?
21 M. ZIVANOVIC : [interprétation] En effet.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Donc, de quoi s'agit-il ?
23 Une photographie ?
24 Mme BIERSAY : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais une photographie de quoi ?
26 Mme BIERSAY : [interprétation] J'espérais que le témoin nous le dirait.
27 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Que le témoin nous le
28 dirait, dans ce cas-là.
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1 Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, mais cela concerne en tout cas la
2 porcherie.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Vous pouvez donc l'ajouter
4 à votre liste en application de l'article 65 ter.
5 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci. Je voudrais pour le moment que l'on
6 présente l'onglet numéro 6 au témoin, à savoir le numéro 6395 de la liste
7 65 ter.
8 Q. Docteur Malla, j'attire votre attention sur ce qui est affiché devant
9 vous. Est-ce que vous le reconnaissez ?
10 R. Oui.
11 Q. Alors, que reconnaissez-vous ?
12 R. Eh bien, c'est cette étable, cette très grande porcherie. On voit les
13 auges de part et d'autre et l'endroit où nous dormions.
14 Q. Cet endroit était connu sous quel nom ?
15 R. Stajicevo.
16 Mme BIERSAY : [interprétation] Je voudrais demander le versement de cette
17 pièce numéro 6395 de la liste 65 ter.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote P1514,
20 Messieurs les Juges.
21 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
22 Mme BIERSAY : [interprétation]
23 Q. Sur cette photographie, Docteur, on a l'impression que les deux
24 bâtiments, les deux corps de bâtiments que l'on voit, sont en fait jointifs
25 l'un de l'autre. Etait-ce bien le cas ?
26 R. Non, ils n'étaient pas reliés.
27 Q. Alors, je vais m'y référer en parlant du bâtiment long et du bâtiment
28 court. Dans lequel des deux vous trouviez-vous ?
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1 R. Ce qu'on voit à l'écran donne l'impression d'être plus court, mais en
2 fait, ces deux bâtiments sont de la même longueur.
3 Lorsque nous sommes arrivés, nous étions tous dans l'une de ces
4 porcheries. Et le lendemain, le deuxième jour, une partie d'entre nous, 300
5 à 400, ont été placés dans la deuxième porcherie après qu'ils l'aient
6 préparée.
7 Q. Vous dites que vous étiez tous dans une des porcheries avant
8 d'être déplacés, pour une partie d'entre vous, dans l'autre. Est-ce que
9 vous pourriez nous dire de quel côté se trouve la porcherie où vous étiez
10 tous rassemblés en premier ? A gauche ou à droite ?
11 R. Dans la première.
12 Mme BIERSAY : [interprétation] Peut-on aider le témoin à apporter une
13 annotation sur la photographie.
14 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
15 Mme BIERSAY : [interprétation]
16 Q. Merci, Docteur Malla. C'est ce que vous entendez par le premier
17 bâtiment, n'est-ce pas ?
18 R. Oui. C'est le premier bâtiment où nous nous sommes trouvés tous
19 rassemblés en premier.
20 Q. Est-ce que vous pourriez, au moyen du stylet, indiquer aux Juges de la
21 Chambre où vous-même et les autres dormiez ? J'attire votre attention sur
22 l'insert que vous avez déjà commenté, la photographie dans la photographie.
23 R. Ici étaient les gardiens qui montaient la garde. Ici étaient les auges,
24 et au sol, de part et d'autre derrière les auges, nous dormions. Il n'y
25 avait pas de verres aux fenêtres, pas de carreaux. Et les premiers dix
26 jours il n'y avait pas de toilettes, si bien que nous faisions nos besoins
27 entre le mur et l'endroit où les gens dormaient par terre. Donc vous pouvez
28 imaginer lorsque vous avez ce type de conditions d'hygiène avec un millier
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1 de personnes dans une grande porcherie comme celle-là.
2 Q. Excusez-moi, Docteur, j'ai besoin d'un peu plus de précision. Est-ce
3 que vous nous dites que les gens faisaient leurs besoins, qu'ils urinaient
4 et qu'ils déféquaient, au même endroit que là où ils dormaient ?
5 R. Oui. Oui.
6 Q. Merci. Est-ce qu'on vous a demandé à un moment, Docteur, de collecter
7 des informations et de faire des statistiques quant à l'âge des prisonniers
8 qui se trouvaient au camp de Stajicevo ?
9 R. Oui. Le lieutenant-colonel Zivanovic m'a demandé de préparer des
10 informations statistiques quant à l'âge des détenus, et je l'ai fait. Il y
11 avait 19 enfants qui étaient là prisonniers et qui étaient âgés de 12 à 17
12 ans. Il y avait environ 470 personnes qui avaient plus de 60 ans.
13 Q. Vous avez décrit la façon dont vous avez dû rester assis avec vos mains
14 dans le dos et la tête baissée lorsque vous êtes entré pour la première
15 fois dans la porcherie. Quelles instructions ont été données aux
16 prisonniers quant à la façon dont ils devaient être assis, est-ce que ce
17 sont des instructions qui ont été données, en fait, pour leur dire où ils
18 devaient regarder, comment ils devaient être assis ?
19 R. Oui.
20 Q. Après le premier jour, y avait-il des règles particulières quant à la
21 façon dont les prisonniers devaient se conduire lorsqu'ils se déplaçaient
22 dans la porcherie ?
23 R. Les gardiens emportaient ceux qui devaient être interrogés, mais en
24 dehors de cela, il était interdit de se déplacer de l'endroit où on se
25 trouvait. Les détenus n'avaient pas la permission du tout de se déplacer
26 dans la porcherie. Donc il n'y avait pas de mouvement.
27 Q. Que se passait-il si jamais certains décidaient de se déplacer malgré
28 tout ?
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1 R. Ils étaient punis. Ils les battaient. Mais par peur, personne ne s'est
2 déplacé ni n'est allé se promener sans permission. S'il fallait faire ses
3 besoins, il fallait aussi demander la permission d'aller jusqu'au mur.
4 Donc, dans ces cas-là, on demandait la permission et on y allait. Il
5 fallait aussi demander la permission pour avoir un tout petit peu d'eau à
6 boire.
7 Q. De quoi le sol de la porcherie était-il fait ?
8 R. C'était un sol qui avait autrefois été en ciment. Il était très sale,
9 recouvert de déjections porcines. Il n'y avait pas de carreaux aux
10 fenêtres. C'était une porcherie qui n'avait pas été utilisée pendant 15
11 ans. Il n'y avait pas d'électricité, pas d'éclairage.
12 Q. Que se passait-il à 5 heures du matin pendant que vous étiez au camp de
13 Stajicevo ?
14 R. Ils ont dit que tous les prisonniers devaient se lever et chanter
15 l'hymne yougoslave. Une partie de cet hymne parle de "la malédiction qui
16 frappe celui qui trahit," et il nous a fallu répéter d'innombrables fois
17 cette partie-là, et tous ceux qui ne répétaient pas ce couplet étaient
18 battus. Donc il fallait répéter ça une centaine de fois. Et cela se passait
19 tous les matins.
20 Q. Est-ce que vous entendiez souvent des chiens à l'intérieur du complexe
21 de Stajicevo, et si oui, à quelle fréquence ?
22 R. au début, ça a été trois nuits de suite que la police civile était
23 venue avec des chiens, des chiens policiers, qu'ils lâchaient sur nous à
24 l'intérieur du camp.
25 Q. Et que faisaient les chiens ?
26 R. Ils couraient et ils aboyaient sur nous. Ils sautaient, grondaient,
27 aboyaient, mais ils avaient tous une muselière. Et c'était à chaque fois à
28 2 ou 3 heures du matin, en pleine nuit.
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1 Q. Vous avez déjà mentionné ce lieutenant Zivanovic. Est-ce que vous savez
2 s'il était membre de la JNA, de la police militaire ou d'une autre
3 structure ?
4 R. Il appartenait à la police militaire, mais cette police militaire
5 faisait partie aussi de la JNA. C'était de la police, oui, mais de la JNA.
6 Q. Est-ce qu'il y avait des officiers, des militaires de haut rang, que
7 vous auriez vus au camp ?
8 R. J'en ai vu trois. Lorsque nous sommes arrivés et qu'ils nous ont battus
9 le plus, il y en avait un et son assistant. Et plus tard, lorsque j'ai été
10 interrogé, je l'ai été par un commandant.
11 Q. Est-ce que vous savez à quelle structure appartenait ce commandant ?
12 R. A la JNA.
13 Q. Vous avez dit aux Juges de la Chambre qu'après avoir été choisi pour
14 organiser cette équipe médicale, vous n'avez plus été battu. Alors, je
15 voudrais savoir si vous avez, en revanche, été interrogé ?
16 R. Il y a une erreur ici. Ce n'est que moi qui n'ai plus été battu, mais
17 les autres médecins étaient battus quotidiennement. Le Dr Emedi est le
18 premier à avoir été interrogé. Il y est allé vers 8 heures du matin et il
19 est revenu à 5 heures de l'après-midi, avec le visage tuméfié. On voyait
20 qu'il avait été battu. Alors, j'ai parlé avec lui et il m'a dit qu'il ne
21 savait pas pourquoi mais qu'ils l'avaient interrogé au sujet du Corps de la
22 Garde nationale croate parce qu'il avait traité le plus souvent des membres
23 de cette garde croate.
24 Et après, c'est moi qu'ils ont appelé pour que je sois interrogé. J'y ai
25 été interrogé, mais je n'ai pas été battu.
26 Q. Et où avaient lieu ces interrogatoires ?
27 R. Vous ne pouvez pas le voir sur la photo. Il y a un petit bois qui
28 entoure le complexe, et puis il y a un immeuble à un étage qui avait été
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1 probablement le bâtiment administratif pour toute l'exploitation, parce
2 qu'il y a avait un couloir et puis il y avait cinq, voire six, bureaux.
3 Alors, dans chaque bureau, il y avait un enquêteur, une personne qui nous
4 interrogeait, et c'est dans ces pièces qu'on nous conduisait pour être
5 interrogés.
6 Q. J'aimerais attirer votre attention sur ce bâtiment. Est-ce qu'à un
7 moment donné vous y avez vu dans ce bâtiment quelqu'un que vous connaissiez
8 de la Croatie ?
9 R. Alors que je sortais du bureau où j'avais été interrogé, je suis entré
10 dans le couloir. Bon, le couloir qui était large de 1 à 2 mètres. Il y
11 avait deux gardes qui me gardaient, et ce groupe venait de l'autre côté,
12 donc j'étais censé m'écarter, et l'un des gardes m'a dit : M. Dokmanovic
13 arrive avec quatre escortes. Donc ils sont passés près de moi. Je ne pense
14 pas qu'il y avait plus de 30 à 40 centimètres entre son visage et le mien.
15 Il m'a regardé, mais son regard était complètement vide. C'est comme si, en
16 fait, il ne m'avait jamais vu. Il n'y a jamais eu ne serait-ce que le
17 moindre signal indiquant qu'il m'avait connu. C'est comme s'il ne me
18 connaissait pas.
19 Q. Et de quel Dokmanovic parlez-vous ?
20 R. De l'ingénieur Slavko Dokmanovic.
21 Q. Et comment était-il habillé ?
22 R. Il avait un pantalon militaire. Ça, j'ai pu le voir. Une redingote
23 militaire ou une veste militaire, une veste d'artilleur. Enfin, quoi qu'il
24 en soit, c'était une veste ou une redingote qui avait de nombreuses poches,
25 une redingote que l'on porte en hiver. Et moi, j'avais vu des photos de
26 Fidel Castro et de Che Guevara qui portaient le même type de veste.
27 Certains appelaient cela des vestes de maréchal, parce que je pense en fait
28 que cela fait partie de l'uniforme militaire américain pour l'hiver.
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1 Q. Vous nous avez dit qu'il était accompagné de quatre escortes. Est-ce
2 que vous avez vu ces quatre personnes ?
3 R. Non. Excusez-moi. Ce ne sont pas les gardes qui me l'ont dit. Je l'ai
4 vu moi-même. Il est entré et il y avait quatre personnes qui
5 l'accompagnaient.
6 Q. Et comment est-ce que ces personnes étaient vêtues ?
7 R. Ils avaient un uniforme militaire, mais il s'agissait d'uniformes de
8 camouflage.
9 Q. Et est-ce qu'ils portaient des armes, et le cas échéant, quelles armes
10 portaient-ils ?
11 R. Oui, oui, ils étaient armés. Ils avaient des armes automatiques.
12 Q. Lorsque Slavko Dokmanovic vous a regardé dans les yeux et a fait comme
13 s'il ne vous connaissait pas, comment est-ce que vous vous êtes senti ?
14 R. J'ai été très déçu. Premièrement, il avait été un ami de la famille,
15 c'était mon ami. Nous nous connaissions depuis très longtemps.
16 Deuxièmement, il savait que j'étais médecin. Lorsque son père avait été
17 malade, je m'étais occupé de son père, je l'avais soigné, alors que je
18 n'étais même pas tenu de le faire, parce que je travaillais pour la société
19 à Borovo. Parce que je n'étais pas, en fait, le médecin de son père. Il
20 savait que pendant la guerre j'étais un médecin qui prodiguait des soins à
21 tout le monde. Je ne faisais pas partie de la défense. Je n'ai jamais porté
22 une seule arme. Et à mon avis, il aurait pu m'aider à sortir de là. Il
23 aurait pu dire que j'étais médecin et que je n'avais pas à être là, mais il
24 a fait comme s'il ne m'avait jamais vu auparavant.
25 Q. Alors, nous allons maintenant montrer des clips vidéo.
26 Mme BIERSAY : [interprétation] Onglet 5, qui correspond -- non, en fait,
27 non, non, je vais modifier l'ordre. Je vais dans un premier temps vous
28 demander de prendre l'onglet 14, document 4886.2 de la liste 65 ter. Il
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1 s'agit d'un extrait qui va de 8 minutes, 58 secondes à 12 minutes, 32
2 secondes. Il s'agit du document de la liste 65 ter 4886. Mais nous allons
3 commencer à 11 minutes, 14 secondes.
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.
5 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, mais quelle est la question ?
6 Ou plutôt, sur quoi est-ce que l'Accusation s'appuie pour présenter cette
7 pièce ?
8 Mme BIERSAY : [interprétation] Je voudrais montrer cela au témoin afin
9 qu'il nous dise s'il reconnaît les gens que nous allons voir.
10 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Mais je pense là qu'il s'agit d'une
11 question directrice.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Poursuivez, Madame Biersay.
14 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vois en
15 fait qu'il s'agit d'un -- que cela commence à 11 minutes, 12 secondes.
16 [Diffusion de la cassette vidéo]
17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
18 "Aujourd'hui, Borovo Naselje est la ville la plus détruite et la plus
19 désertée de toute la planète. Nous parlons à Slavko Dokmanovic à propos de
20 ce que nous sommes censés faire.
21 Malheureusement, Vukovar est effectivement la ville la plus détruite. Une
22 ville qui auparavant était propre, où régnait l'ordre public, ce qui n'est
23 plus le cas. Nous allons faire de notre mieux pour faire en sorte que la
24 ville reprenne son cours normal. Et nous le faisons de deux façons. Dans un
25 premier temps, nous allons faire en sorte d'établir les autorités civiles,
26 et cela sera peut-être fait aujourd'hui, voire demain. Il y a des
27 préparatifs pour nettoyer la ville et la reconstruire qui dépendent de
28 plusieurs éléments. Premièrement, il faut améliorer les conditions
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1 sanitaires, puis ensuite nous allons dégager les débris et nous
2 construirons une nouvelle ville en conformité avec un projet existant.
3 J'espère sincèrement que cette nouvelle ville ne sera jamais une ville
4 d'Oustachi, mais une véritable ville serbe où toutes les personnes pourront
5 vivre en toute liberté."
6 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
7 Mme BIERSAY : [interprétation]
8 Q. Docteur Malla, donc vous avez un arrêt sur image de ce clip à 11
9 minutes, 24 secondes. Est-ce que vous reconnaissez la personne que nous
10 voyons sur cette photographie ?
11 R. Oui. C'est M. Slavko Dokmanovic.
12 Q. Est-ce que sa tenue vestimentaire est semblable ou différente de celle
13 que vous avez vue à Stajicevo ?
14 R. Elle est différente.
15 Mme BIERSAY : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier
16 du document 4886.2 [comme interprété] de la liste 65 ter.
17 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Objection. Objection car je ne souhaiterais
18 pas que cela soit utilisé pour identifier M. Slavko Dokmanovic. Ce n'est
19 pas la peine d'avoir toute sa déclaration. L'image est suffisante; ce n'est
20 pas la peine d'avoir tout le texte.
21 Mme BIERSAY : [interprétation] Mais nous aimerions demander le versement au
22 dossier de ce clip vidéo, et nous incluons là-dedans ce que M. Dokmanovic
23 est en train de dire, la teneur de son discours. Le témoin a identifié la
24 personne qui s'exprimait comme étant quelqu'un qu'il connaissait et qui est
25 effectivement Slavko Dokmanovic.
26 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, mais le témoin n'a rien dit à propos
27 de ce qui est dit sur ce clip vidéo.
28 Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, parce que cela se passe d'explication.
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1 Il n'a pas besoin de faire d'observations à ce sujet. Il devait juste nous
2 dire qui était l'orateur.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Cela sera versé au dossier.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1515.
5 Mme BIERSAY : [interprétation]
6 Q. Docteur Malla, lorsque vous avez vu M. Dokmanovic à Stajicevo, est-ce
7 que c'était la première fois que vous l'aviez vu portant un uniforme
8 militaire ?
9 R. Non, non. C'était la deuxième fois. La première fois c'était vers le 5
10 août à Trpinja. Je m'étais rendu là-bas pour aider le fils d'une amie qui
11 m'avait appelé. Donc j'étais là-bas, et lorsque je suis reparti vers le
12 centre de Trpinja, je l'ai vu et il m'a vu. Il m'a demandé de prendre un
13 café avec lui, mais bon, j'ai refusé parce que l'heure était déjà assez
14 tardive. Et il portait l'uniforme de réserve de la JNA. Alors, le pantalon
15 et la chemise qu'il portait étaient de couleur vert olive.
16 Q. Docteur Malla, si je ne me trompe, il nous reste encore sept minutes,
17 et j'aimerais vous demander de décrire les prisonniers que vous avez
18 soignés dans l'étable à cochons. Alors, voilà quelle est ma première
19 question : est-ce qu'il y avait des prisonniers qui n'étaient pas en mesure
20 de marcher à leur arrivée à Stajicevo ?
21 R. Oui. Parmi les civils qui se trouvaient là-bas, il y avait un homme âgé
22 qui était paralysé. Et toujours parmi les civils, il y avait un autre homme
23 âgé qui avait un cathéter. Il y avait deux hommes âgés qui avaient des
24 béquilles.
25 Q. Est-ce que vous connaissiez ces personnes personnellement ?
26 R. J'en connaissais un, mais pas les autres. Celui-ci était de Borovo
27 Naselje. Je n'étais pas son médecin généraliste. Vous savez, j'étais un
28 médecin qui pratiquait la médecine de travail, et ils ne travaillaient
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1 plus. Ils étaient trop âgés pour être encore salariés dans cette société.
2 Q. Mais je pense aux prisonniers que vous avez soignés. Est-ce qu'il y en
3 avait certains qui étaient déjà blessés lorsqu'ils sont arrivés à Stajicevo
4 ?
5 R. Il y avait de nombreux blessés. Il fallait soigner leurs blessures,
6 changer les pansements. Ils avaient besoin de traitements. Mais tous les
7 jours, il y avait quelqu'un de nouveau qui était blessé à la suite des
8 sévices, parce qu'ils étaient frappés. Il y a sept personnes parmi ces
9 hommes âgés qui ont eu les côtes fracturées parce qu'on leur avait demandé,
10 en fait, de passer à travers une -- alors que de part et d'autre il y avait
11 des bâtons et des -- en fait, ils formaient une espèce de haie d'honneur,
12 une double haie, et ils les frappaient avec leurs crosses de fusil et leurs
13 bâtons. C'est comme cela qu'ils ont été blessés. C'est à ce moment-là
14 qu'ils ont eu les côtes fracturées.
15 Q. Lorsque vous soigniez ces personnes, est-ce qu'ils vous racontaient
16 comment ils avaient été blessés, par exemple, ceux qui ont eu les côtes
17 fracturées ?
18 R. Oui. Ils me disaient qu'ils avaient été roués de coups et qu'à la suite
19 de cela ils avaient eu les côtes fracturées. Enfin, c'était absolument
20 incompréhensible, parce qu'ils n'étaient pas tous Croates. Certains étaient
21 Serbes. Il y avait un homme âgé de quelque 70 ans. Il avait des fractures
22 aux côtes. C'était un Serbe. Je peux même vous dire son nom de famille. Il
23 appartenait à la famille Jeftic. Son petit-fils était l'un des détenus dans
24 le camp. Il ne pouvait plus respirer. Il voulait être transporté à
25 l'hôpital pour y être soigné.
26 Q. Et est-ce qu'ils vous ont raconté pourquoi ils étaient roués de coups ?
27 Bon, je pense maintenant seulement aux Serbes. Je limite ma question aux
28 Serbes, donc --
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1 R. Ecoutez, au départ, lorsque les Croates et les Serbes étaient roués de
2 coups, là on était au niveau de la haine pure. Alors, bien sûr, lorsqu'il y
3 a la guerre, c'est la guerre. Mais lorsque quelqu'un est détenu, vous ne
4 pouvez quand même pas complètement détruire cette personne. Parce qu'ils
5 interrogeaient les gens et ils les passaient à tabac. Ils les traitaient de
6 traîtres. S'ils étaient restés à Borovo et à Vukovar, ils pensaient qu'ils
7 avaient combattu contre eux, ils les traitaient de traîtres et puis ils les
8 rouaient de coups.
9 Q. Juste une petite précision, parce que nous allons bientôt terminer pour
10 aujourd'hui. Vous dites que :
11 "… ils avaient été roués de coups." Et vous dites : "Ils les
12 traitaient de traîtres." Vous avez dit : "S'ils étaient restés à Borovo et
13 à Vukovar, ils auraient pensé d'eux qu'ils étaient des traîtres."
14 Mais qui étaient considérés comme des traîtres ? Ce n'est pas très
15 clair.
16 R. Ecoutez, d'après ce que je sais, il y avait un petit nombre de Serbes
17 qui faisaient partie de la Garde croate. Bon, il s'agissait de civils qui
18 ne voulaient pas partir de Vukovar ou de Borovo Naselje. Ils voulaient
19 rester chez eux, et c'étaient eux qui étaient considérés comme des traîtres
20 parce qu'ils étaient restés et qu'ils vivaient avec l'ennemi, et ils
21 supposaient qu'ils avaient collaboré avec l'ennemi.
22 Q. Je vois.
23 Mme BIERSAY : [interprétation] J'aimerais juste poser une question
24 supplémentaire.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous en prie.
26 Mme BIERSAY : [interprétation]
27 Q. Vous dites qu'ils voulaient rester chez eux, dans leurs domiciles. Est-
28 ce que vous parlez de Croates ou de Serbes ?
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1 R. Je parle des deux, de Croates et de Serbes. Mais il y avait également
2 des Serbes qui ne voulaient pas partir, qui voulaient rester. Qui voulaient
3 rester chez eux. Qui ne voulaient pas partir.
4 Q. Je vous remercie, Docteur Malla.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Docteur Malla, nous sommes arrivés à
6 la fin de l'audience pour aujourd'hui. Vous reviendrez demain à 9 heures.
7 Je vous rappelle que vous avez prononcé la déclaration solennelle, que vous
8 devez respecter, et cela signifie que d'ici demain vous n'êtes pas autorisé
9 à parler de votre déposition avec quiconque, et vous n'êtes pas non plus
10 autorisé à parler aux parties. Mme l'Huissière va vous accompagner hors du
11 prétoire, et nous vous retrouverons demain matin. Merci.
12 [Le témoin quitte la barre]
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.
14 --- L'audience est levée à 14 heures 01 et reprendra le vendredi 12
15 avril 2013, à 9 heures 00.
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