Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 1er mai 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  6   présentes dans le prétoire et autour du prétoire.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer le numéro de l'affaire, s'il vous

  8   plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Ceci est

 10   l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 12   Les présentations, s'il vous plaît.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour. Pour l'Accusation, Monsieur le

 14   Président, Ivana Martinovic; Thomas Laugel, notre commis à l'affaire;

 15   Matthew Gillett; et moi-même, Douglas Stringer.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. La Défense.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pour la Défense de Goran Hadzic, Zoran

 18   Zivanovic et Christopher Gosnell, Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 20   La Chambre va à présent rendre une décision au sujet de la dixième requête

 21   de l'Accusation visant à une modification de sa liste de pièces en

 22   application de l'article 65 ter, requête du 19 avril. Je crois avoir

 23   compris qu'il n'y a pas d'objection de la Défense. Est-ce bien le cas ?

 24   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 26   L'Accusation a demandé l'autorisation d'ajouter trois photographies à

 27   sa liste de pièces 65 ter, ce à quoi la Chambre de première instance fait

 28   droit, tout en relevant que tant la huitième que la dixième requêtes en ce

 


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  1   sens de l'Accusation ont pour origine des documents identifiés le 18 mars

  2   2013 par l'Accusation. La Chambre estime qu'il serait plus efficace pour

  3   tout le monde si l'Accusation pouvait réexaminer l'ensemble de ces

  4   documents et soumettre une requête d'ensemble demandant l'ajout de toute

  5   pièce supplémentaire qu'elle souhaiterait voir annexée à sa liste en

  6   application de la l'article 65 ter.

  7   S'il n'y a rien d'autre, nous pouvons faire venir le témoin suivant. Nous

  8   passons d'abord à huis clos.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le

 10   Président.

 11   [Audience à huis clos]

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 19   [Audience publique]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 21   Bonjour, Monsieur le Témoin. Merci d'être venu apporter votre aide au

 22   Tribunal à La Haye. Tout d'abord, m'entendez-vous dans une langue que vous

 23   comprenez ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Monsieur le Témoin, vous

 26   bénéficiez de mesures de protection, nous n'allons donc pas utiliser votre

 27   nom. Nous nous référerons à vous en disant tout simplement M. le Témoin ou

 28   par le numéro de témoin qui vous a été attribué.

 


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  1   Monsieur Gillett, je suppose que vous avez préparé une fiche de pseudonyme

  2   ?

  3   M. GILLETT : [interprétation] Oui. Il s'agit du document 6412 dans la liste

  4   65 ter.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez examiner

  6   la fiche qui se trouve maintenant à l'écran et nous dire si vos nom et date

  7   de naissance sont exacts.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout est exact.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Vous allez dans quelques

 10   instants lire le texte de la déclaration solennelle par laquelle les

 11   témoins s'engagent à dire la vérité. Je dois vous dire qu'en vertu de cette

 12   déclaration solennelle, une fois que vous l'aurez prononcée, vous vous

 13   exposerez aux peines prévues pour faux témoignage si jamais vous donnez des

 14   informations non véridiques à ce Tribunal. Veuillez maintenant lire ce

 15   texte.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 17   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 18   LE TÉMOIN : GH-071 [Assermenté]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup. Je vous invite à vous

 21   installer.

 22   Nous allons verser la fiche de pseudonyme, Monsieur le Greffier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] La fiche est versée sous pli scellé avec

 24   le numéro de cote P1637.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A vous, Monsieur Gillett.

 26   M. GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

 27   Messieurs les Juges. Et bonjour à tout un chacun dans cette salle

 28   d'audience.

 


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  1   Interrogatoire principal par M. Gillett : 

  2   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous m'entendez bien ?

  3   R.  Oui.

  4   M. GILLETT : [interprétation] Je souhaiterais que nous passions à huis clos

  5   partiel pour quelques questions, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons donc à huis clos partiel.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  8   Messieurs les Juges.

  9   [Audience à huis clos partiel]

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 11   [Audience publique]

 12   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

 13   Q.  Monsieur le Témoin, quel était le climat en Slavonie orientale et en

 14   Vojvodine à la mi-1991 et vers la fin de 1991 ?

 15   R.  Il devenait plus difficile de se déplacer. La dernière fois où j'ai pu

 16   utiliser l'autoroute, c'était vers la mi-1991. Les gens devenaient de plus

 17   en plus intolérants les uns envers les autres lorsqu'ils appartenaient à

 18   différents groupes ethniques, je parle des Croates et des Serbes.

 19   Q.  Vous avez dit qu'il était de plus en plus difficile de se déplacer. Si

 20   nous avançons maintenant jusqu'au mois de novembre 1991, est-ce qu'à ce

 21   stade-là vous aviez déjà été arrêté dans vos déplacements d'une façon ou

 22   d'une autre ?

 23   R.  Lorsque je revenais à Novi Sad en provenance de Zagreb en voiture et en

 24   empruntant l'autoroute, un groupe d'hommes en uniforme de la JNA ont fait

 25   irruption à partir des champs sur la route, ils m'ont arrêté, ils ont

 26   fouillé mon véhicule, ils m'ont demandé de présenter mes papiers

 27   d'identité, ils m'ont interrogé en me demandant où j'allais. Et en allant

 28   vers la Vojvodine, j'ai de nouveau été arrêté en chemin et interrogé de la

 


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  1   même façon dans les rues de Novi Sad. C'était donc le même type de

  2   situation. En fait, chaque fois ensuite que je me déplaçais vers la

  3   Slavonie, je passais par la Hongrie.

  4   Q.  Avez-vous été arrêté à Titov Vrbas ?

  5   R.  Oui. Je suis allé travailler à Titov Vrbas avec un collègue qui était

  6   Serbe. J'étais assis dans la voiture pendant que lui faisait la

  7   présentation de ses produits cosmétiques, et c'est alors que deux personnes

  8   en habits civils m'ont fait sortir assez brutalement de la voiture. Ils ont

  9   attendu que mon collègue revienne et ils nous ont emmenés au SUP de Vrbas.

 10   Q.  Où se trouve Titov Vrbas, dans quel Etat ?

 11   R.  C'est en Vojvodine, à une cinquantaine de kilomètres de Novi Sad, où je

 12   résidais.

 13   Q.  A quel groupe ethnique appartenez-vous ?

 14   R.  Je suis Croate.

 15   Q.  Lorsque vous avez été arrêté à Titov Vrbas, les personnes qui vous ont

 16   arrêté, vous ont-elles donné la moindre raison quant à votre arrestation ?

 17   R.  Non, ils ne m'ont pas dit pourquoi, mais à ce moment-là il y avait déjà

 18   eu les événements de Borovo Naselje, et cetera, et ils ont probablement

 19   aussi réagi en raison des plaques d'immatriculation de Virovitica que

 20   j'avais sur ma voiture.

 21   Q.  Qu'avaient-ils, donc ? A quoi ils auraient réagi en voyant vos plaques

 22   d'immatriculation ?

 23   R.  C'étaient des plaques d'immatriculation d'une localité de Croatie. Et,

 24   en Vojvodine, il y avait beaucoup de voitures qui circulaient avec de

 25   telles plaques. Les gens déménageaient probablement.

 26   Q.  Vous dites que vous avez été emmenés au poste de police de Titov Vrbas.

 27   Qu'ont-ils fait une fois que vous êtes arrivés là-bas ?

 28   R.  Ils nous ont séparés, mon collègue et moi. Pendant quatre ou cinq


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  1   heures, nous sommes restés sur place. Ils ont commencé à nous interroger.

  2   Ils m'ont demandé pourquoi j'étais là-bas, ce que je faisais, et cetera. Il

  3   y en a un qui a commencé à être assez brutal, mais ils l'ont arrêté. Et ils

  4   ont ensuite continué à m'interroger pour ainsi déterminer qui j'étais,

  5   pourquoi j'étais là, et cetera.

  6   Q.  Est-ce qu'après avoir passé ces quelques heures au poste de police de

  7   Titov Vrbas vous avez été emmenés à un autre endroit ?

  8   R.  Nous avons tous les deux été placés à bord d'une voiture de la police.

  9   Il y avait trois hommes devant. L'un d'eux pointait son pistolet sur nous

 10   pendant tout le trajet. C'était un policier en uniforme qui conduisait. Et

 11   nous avons pris le chemin de Novi Sad où j'ai été emmené au SUP, qui était

 12   le SUP pour toute la province probablement, l'administration de la police.

 13   Q.  Que s'est-il passé au SUP régional ?

 14   R.  Ils ont continué à m'interroger, et j'ai appris ensuite qu'ils avaient

 15   laissé repartir mon collègue. Moi, ils m'ont retenu jusqu'à près de 2

 16   heures du matin. Il y avait des policiers et des enquêteurs qui venaient à

 17   tour de rôle selon le système du bon et du méchant. Donc, en jouant

 18   alternativement ces rôles, ils ont essayé d'obtenir le plus d'information

 19   possible de moi. Vers 2 ou 3 heures du matin, ils m'ont ramené à Novi Sad

 20   en m'ordonnant que je revienne le lendemain matin. Ils ont conservé ma

 21   voiture, mes papiers d'identité, les affaires que j'avais dans ma voiture

 22   également, les échantillons commerciaux. Et après que je sois revenu au SUP

 23   le jour suivant, j'ai de nouveau été interrogé jusqu'à 2 heures ou 3 heures

 24   du matin, dans la nuit donc. Ils étaient de plus en plus brutaux, mais ils

 25   ne m'ont pas battu. Ils me menaçaient de m'emmener à Papuk, sur la ligne de

 26   front. C'était encore une fois jusqu'à 2 heures ou 3 heures du matin. Ils

 27   m'ont emmené dans une voiture sans plaques d'immatriculation jusqu'à

 28   l'endroit suivant, et ce n'est qu'après que j'ai appris que cet endroit


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  1   s'appelait Paragovo et qu'il s'agissait d'une caserne. Ils m'ont remis aux

  2   soldats de l'armée.

  3   Q.  Est-ce que qui que ce soit d'autre a été détenu en même temps que vous

  4   à la caserne de Paragovo ?

  5   R.  Ils m'ont emmené vers ce qui était probablement organisé comme une

  6   prison. Il y avait sept ou huit personnes qui s'y trouvaient déjà dans une

  7   pièce de 10 ou 12 mètres carrés avec des barreaux aux fenêtres. Il y avait

  8   des couchettes ou des lits de fortune sur toute la surface. Les gens

  9   étaient allongés presque les uns en travers les autres. C'est là que j'ai

 10   été placé jusqu'au matin, et il y avait un policier militaire en uniforme

 11   avec une ceinture blanche qui montait la garde en permanence sur place, qui

 12   assurait la garde de cette prison. Le matin, on nous faisait sortir en

 13   rang. On avait les mains dans le dos, et nous devions marcher en gardant

 14   notre tête basse. Ils nous ont fait nettoyer cette partie de la caserne. Et

 15   vers midi, ils m'ont convoqué pour interrogatoire supplémentaire. J'ai vu

 16   qu'il y avait là des hommes en uniforme de l'armée. Il y avait un

 17   capitaine, je crois, et je ne me rappelle pas les autres grades maintenant.

 18   Mais en tout cas, il y a eu un interrogatoire après. Ils essayaient

 19   d'obtenir de moi ce que je savais. Je dois dire qu'à ce stade-là ils ne

 20   m'ont pas battu. Dans l'ensemble, ils sont restés corrects. Ils m'ont

 21   simplement bousculé. (expurgé) était un capitaine de la JNA à la

 22   retraite. J'étais marié. Tout cela, ils l'ont probablement appris. Je n'ai

 23   pas réussi à comprendre pourquoi, parce que les autres étaient battus, mais

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 26   Q.  Excusez-moi, je voudrais vous interrompre à ce stade. Est-ce que vous

 27   vous rappelez qui étaient les personnes qui étaient détenues en même temps

 28   que vous ? Est-ce que vous vous rappelez ne serait-ce qu'un nom ?


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  1   (expurgé)

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  3   (expurgé). Je ne me rappelle pas son nom. Il voyageait à bord de son

  4   véhicule. Je ne sais pas vers où il a été retenu, et il avait déjà passé

  5   pas mal de temps sur place au moment où je suis arrivé. Plus tard, au camp,

  6   j'ai reconnu deux ou trois personnes parmi lesquelles se trouvait le Dr

  7   Mladen Loncar. Je l'ai vu au camp après. Et il y avait quelques réservistes

  8   qui sont arrivés en uniforme, donc probablement qu'ils essayaient d'éviter

  9   les soldats de l'armée. Il y en avait deux également qui étaient

 10   originaires de villes ou de villages croates qui ne voulaient pas rejoindre

 11   la réserve. Eux aussi ont été arrêtés après cette manifestation à laquelle

 12   ils ont participé parce qu'ils refusaient de rejoindre les rangs de

 13   l'armée, et ils les ont placés également sur place. Dans l'ensemble, c'est

 14   ce dont je me souviens.

 15   Q.  Vous avez dit avoir vu Mladen Loncar également au camp. Mais de quel

 16   camp parlez-vous ?

 17   R.  Après deux ou trois jours d'interrogatoire, ils m'ont laissé, moi tout

 18   seul, dans une voiture fermée. Il y avait juste une petite lucarne, une

 19   petite fenêtre du côté du conducteur. Ils m'ont emmené dans une direction

 20   inconnue, et j'ai ensuite seulement compris que c'était le camp où j'ai vu

 21   plus tard Loncar et deux ou trois autres hommes de Paragovo, le camp de

 22   Begej [phon].

 23   Q.  Où se trouve le camp de Begej, dans quel Etat ?

 24   R.  Il se trouve près de Srpska Crnja en Vojvodine, au-dessus de Zrenjanin

 25   en Vojvodine, dans la partie est de la Vojvodine.

 26   Q.  Est-ce que le nom de ce camp peut également se lire 

 27   Begejci ?

 28   R.  Oui. Il y a une localité à proximité qui s'appelle Begejci.

 


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  1   Q.  Merci. Je vais maintenant vous poser quelques questions sur le camp de

  2   Begejci.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett, je souhaiterais que

  4   nous passions à huis clos partiel.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

  6   le Président.

  7   [Audience à huis clos partiel]

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 19   [Audience publique]

 20   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

 21   Q.  Monsieur le Témoin, lorsque vous êtes arrivé pour la première fois au

 22   camp de Begejci, quel accueil vous a-t-on réservé ?

 23   R.  Eh bien, franchement, j'avais assez peur dans cette voiture où l'on

 24   m'emmenait après m'avoir menacé de me conduire à Papuk, parce que j'avais

 25   déjà entendu des rumeurs qui disaient qu'il y avait une ligne de front qui

 26   passait là-bas, que c'était la guerre. Donc, moi, on m'emmenait dans une

 27   direction inconnue, et le premier endroit où nous nous sommes arrêtés,

 28   c'était à Novi Sad. A ce moment-là, j'ai cru qu'ils me ramenaient chez moi.

 


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  1   Mais la portière de la voiture s'est ouverte et des policiers militaires en

  2   uniforme avec une ceinture blanche, des policiers militaires de la JNA, ont

  3   ouvert les portières en lançant des commentaires du type : "Oustachi, on va

  4   t'égorger maintenant." Et, bien entendu, j'ai compris immédiatement qu'on

  5   ne me ramenait pas chez moi. Ils ont continué à m'emmener vers un endroit

  6   que je ne connaissais pas. A travers la petite lucarne qui donnait sur

  7   l'avant du véhicule où se trouvait le conducteur, j'ai vu que nous

  8   traversions une forêt, donc j'ai commencé de nouveau à penser que quelque

  9   chose allait m'arriver. Et puis, nous sommes arrivés dans une zone où il y

 10   avait des étables, un complexe qui était entouré d'une clôture, donc j'ai

 11   vu qu'on était arrivés quelque part. Ils m'ont fait sortir assez

 12   brutalement de la voiture, ils ont commencé à m'asséner des coups sur le

 13   dos, les bras, le cou. L'homme qui m'a accueilli sur place en uniforme m'a

 14   poussé contre le fil de la clôture. On me hurlait dessus, on m'insultait,

 15   et je faisais attention de ne pas me couper en tombant sur ces fils de la

 16   clôture. Donc j'ai été choqué par ce qui m'arrivait. Et ils m'ont fait

 17   entrer à l'intérieur de la clôture, en direction de cette grande étable où

 18   il y avait deux hommes à l'entrée qui m'ont pris en charge et m'ont fait

 19   entrer. Moi, j'ai regardé un peu autour de moi et j'ai vu que c'était un

 20   espace très grand, 20 mètres par 40 mètres. C'était donc cette étable

 21   silencieuse où il y avait des hommes allongés à même le sol, recouverts de

 22   couvertures militaires. Et, de nouveau, l'un de ces policiers militaires

 23   était assis à une sorte de table qui avait été installée temporairement sur

 24   place, il a commencé à m'interroger, me demandant qui j'étais, combien

 25   d'hommes j'avais tués, quelles armes j'avais portées. Pendant tout ce

 26   temps, les deux autres me tenaient, j'avais les mains dans le dos et la

 27   tête penchée vers le sol. Ils ont commencé à être brutaux. L'autre s'est

 28   levé, il marchait avec une espèce de matraque. Il a marché à côté de moi et


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  1   j'ai eu l'impression qu'il allait me frapper avec cette matraque, donc je

  2   me suis un peu recroquevillé. Il a commencé à insulter ma mère et a

  3   commencé à me frapper. Les deux autres me tenaient toujours et ils me

  4   frappaient, mais en fait, c'est plutôt aux épaules qu'à la tête qu'il m'a

  5   touché. Et ensuite, il a ordonné que je sois placé à l'endroit où j'ai

  6   passé tout le mois suivant.

  7   Q.  Je voudrais revenir un peu sur une petite série de détails que vous

  8   avez avancés. Vous avez parlé de la police militaire qui vous avait

  9   bousculé vers cette clôture avec des fils. Vous connaissez le nom de

 10   l'individu en question ?

 11   R.  J'ai appris par la suite que son surnom était Zare. Il avait plusieurs

 12   surnoms. Sur tous des surnoms, on entendait Vojo, Zare, il y en a un que

 13   l'on appelait Rambo. Je ne sais pas trop. Il y avait un Borko aussi. Mais

 14   ils étaient plusieurs. Il y avait sept ou huit individus, dix au plus, si

 15   je me souviens bien, qui venaient parmi nous dans cette étable, qui

 16   entraient dans la partie où on était installés. Les autres, c'étaient des

 17   réservistes qui étaient assis sur le sol avec un fusil à la main. Parce

 18   qu'ils devaient forcément avoir déjà convenu du fait de savoir qui pouvait

 19   entrer à l'intérieur et qui non.

 20   Q.  Quel uniforme portait cet individu dont le surnom était Zare ?

 21   R.  Il portait un uniforme de la JNA avec un ceinturon blanc qu'il portait

 22   parfois et qu'il ne portait pas d'autres fois. Mais c'étaient des vêtements

 23   de la JNA. Rambo, c'était l'un de ces hommes qui portaient un uniforme de

 24   camouflage, si je m'en souviens bien.

 25   Q.  Vous avez mentionné le fait que vous étiez entré dans un grand hall et

 26   qu'on vous a posé des questions et qu'on vous a malmené physiquement par un

 27   certain nombre d'individus. Savez-vous nous dire les noms de ces individus

 28   qui se trouvaient à l'intérieur de ce hall principal ?


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  1   R.  Les deux qui me tenaient, j'ai cru comprendre par la suite que

  2   c'étaient des gens qui avaient le même statut que moi, c'étaient des

  3   prisonniers, mais ils étaient des intermédiaires entre nous autres, les

  4   prisonniers, et les autres, c'est-à-dire les soldats, l'armée. Ils étaient

  5   censés se trouver tout le temps à l'entrée, c'est là qu'ils dormaient. Il y

  6   en avait un qui devait toujours être éveillé pour le cas où quelqu'un

  7   voudrait aller aux toilettes, parce que ça se trouvait à l'extérieur de

  8   cette salle. Donc il fallait qu'on s'adresse à lui. Et quand on nous

  9   appelait pour des interrogatoires, la procédure normale voulait que eux

 10   nous convoquent, nous interpellent et nous accompagnent jusqu'à l'entrée de

 11   la pièce. Il y avait un Mirko qui venait de Bilje, je ne connais pas son

 12   nom de famille, et il y avait un Krasniqi, on l'appelait comme cela, un

 13   Albanais. Je ne sais pas de quelle façon il avait abouti là.

 14   Q.  Et lorsque ces deux individus vous tenaient, quand vous êtes d'abord

 15   entré dans ce grand hall, est-ce que les policiers de la police militaire

 16   leur avaient dit à un moment donné de s'arrêter à tel endroit ?

 17   R.  Non, rien. Personne n'a rien dit. J'ai vu par la suite que c'était la

 18   procédure normale. Parce que tous les nouveaux qui venaient, c'étaient des

 19   coups ou bien il y a un petit tabassage et des questions, et j'ai vu qu'ils

 20   s'entraînaient à donner des coups de karaté à des personnes et qu'on

 21   envoyait contre le mur de la sorte. C'était donc le sort réservé à la

 22   plupart des nouveaux qui arrivaient. On était battus pendant quelques

 23   jours, puis on nous interrogeait ensuite, et c'était avec tout le monde que

 24   l'on faisait la même chose. On se couvrait avec des couvertures par-dessus

 25   la tête pour ne pas avoir à regarder les traitements infligés. On ne

 26   pouvait qu'entendre les coups.

 27   M. GILLETT : [interprétation] J'aimerais qu'on nous affiche maintenant la

 28   pièce 65 ter 2415 sur nos écrans, sans pour autant que ce soit diffusé de


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  1   façon à être visible par le public, et j'aimerais que l'on nous montre

  2   l'intercalaire 4. Nous n'avons besoin que de l'original. Puisque c'est un

  3   tableau, un diagramme. Et j'aimerais qu'on le tourne de 90 degrés dans le

  4   sens des aiguilles d'une montre. Merci.

  5   Q.  Alors, est-ce que vous reconnaissez ce diagramme, 

  6   Monsieur ?

  7   R.  Oui, c'est un schéma de ce camp de Begejci.

  8   Q.  Et qui a dessiné ceci, je vous prie ?

  9   R.  C'est moi qui ai tracé ce croquis, en me fondant sur mes souvenirs.

 10   Mais je ne sais plus quand est-ce que j'ai fait ce dessin.

 11   M. GILLETT : [interprétation] J'aimerais qu'on nous fournisse un peu

 12   d'aide. Monsieur l'Huissier, pouvez-vous équiper le témoin d'un stylet.

 13   Q.  Monsieur, je voudrais que vous mettiez un numéro 1 pour nous montrer

 14   l'emplacement où on vous a balancé contre la clôture lorsque vous êtes

 15   arrivé dans ce camp.

 16   R.  [Le témoin s'exécute]

 17   Q.  Et est-ce que vous pouvez montrer avec une flèche le sens de

 18   déplacement que vous avez suivi lorsque vous êtes arrivé à bord de ce

 19   véhicule ?

 20   R.  Vous voulez que je dessine le véhicule ? Voilà, le véhicule se trouvait

 21   là, et on m'a pris d'ici vers là-bas.

 22   Q.  Merci.

 23   M. GILLETT : [interprétation] Les Juges de la Chambre vont remarquer qu'il

 24   y a des termes qui sont annotés. Il y a une traduction anglaise qui se

 25   trouve rattachée à la plupart de ces termes.

 26   Q.  Alors, Monsieur le Témoin, l'un des sites c'est un nid de mitrailleuse.

 27   D'abord, est-ce que vous pouvez me dire si vous voyez ce nid de

 28   mitrailleuse; et, si oui, est-ce que vous pouvez indiquer dans quelle


Page 3958

  1   direction ce nid de mitrailleuse était tourné ?

  2   R.  Alors, je marque ce nid de mitrailleuse. Et c'était tourné vers la

  3   porte d'entrée qui se trouvait quant à elle ici. Donc, c'est vers l'entrée

  4   que cette mitrailleuse était tournée constamment. Mais je précise aussi

  5   qu'il y avait ici une clôture en fil de fer, un treillis en fil de fer. Et

  6   la mitrailleuse, elle, se trouvait de l'autre côté de la clôture.

  7   Q.  Et est-ce que cette clôture se trouvait à droite à côté de la

  8   mitrailleuse ?

  9   R.  Juste à côté du nid de mitrailleuse, à une quinzaine de mètres de

 10   l'entrée de l'étable, de cette grande pièce où nous étions couchés.

 11   M. GILLETT : [interprétation] Je fais remarquer pour le compte rendu

 12   d'audience que l'emplacement de la mitrailleuse est marqué avec un X, avec

 13   un petit triangle en haut.

 14   Q.  Monsieur, est-ce que vous pouvez nous indiquer cette principale étable

 15   à laquelle vous avez fait référence en mettant un grand cercle autour.

 16   R.  [Le témoin s'exécute]

 17   Q.  Alors, dans le cadre de ce cercle, à gauche de ce bâtiment

 18   rectangulaire, il y a des lignes qu'on voit, deux lignes plus ou moins

 19   parallèles. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce dont il s'agit là ?

 20   R.  C'était un petit emplacement couvert. Il y avait une espèce de guérite

 21   ou de place -- une surface où l'on pouvait mettre les plats, où on mettait

 22   nos plats en matière plastique quand on recevait à manger.

 23   Q.  Est-ce que vous pouvez mettre un numéro 2 à l'emplacement que vous

 24   venez de nous décrire.

 25   R.  [Le témoin s'exécute]

 26   Q.  Merci.

 27   M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais revenir plus

 28   tard vers ce schéma avec d'autres annotations. Je voudrais demander une


Page 3959

  1   cote MFI entre-temps pour ne pas à ce que nous ayons des copies en

  2   plusieurs exemplaires s'agissant de ce même schéma.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Monsieur Gillett, nous allons

  4   attribuer une cote MFI à ce document.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1638, MFI, sous pli

  6   scellé. Merci.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Continuons.

  8   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

  9   J'aimerais maintenant qu'on nous affiche la pièce 65 ter 6413 sur nos

 10   écrans, et là aussi, ça devrait être l'intercalaire numéro 5. Et ce dont on

 11   a besoin, c'est la page 2.

 12   Q.  Au vu de la photo du haut - et j'aimerais qu'on l'agrandisse - alors,

 13   est-ce que vous pouvez décrire ici de quoi il s'agit ?

 14   R.  C'est le numéro 2 que j'ai indiqué tout à l'heure, c'est l'endroit où

 15   on nous donnait à manger. C'était couvert, une espèce d'auvent, et entre

 16   les petits piliers il y avait des endroits de prévus pour que l'on puisse

 17   placer nos assiettes. On voit que c'était là un moment où on était en train

 18   de distribuer à manger.

 19   M. GILLETT : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on nous montre

 20   la photo du bas, s'il vous plaît.

 21   Q.  Alors, ces gens qui sont alignés, que font-ils ?

 22   R.  Ça, c'était la queue qu'on faisait pour aller manger. Cette façon de

 23   procéder n'était pas habituelle; on devait pencher la tête. Mais c'était,

 24   je crois, très près de l'endroit où l'on prenait à manger, donc là on

 25   pouvait relever la tête. C'était donc juste avant le moment où on recevait

 26   la gamelle.

 27   Q.  Mais pourquoi deviez-vous pencher la tête ?

 28   R.  C'était la façon de procéder depuis l'arrivée à Paragovo. Les mains


Page 3960

  1   dans le dos, la tête baissée, on n'était pas censé regarder les gens

  2   autour. Moi, on m'avait donné l'ordre -- les gardiens qui se trouvaient

  3   maintenant de l'autre côté de cette clôture, il y avait un homme qui avait

  4   regardé le gardien, et moi, on m'a mis en garde. Je n'ai pas réagi tout de

  5   suite. Cet homme l'avait regardé, et le gardien m'a dit : Colle-lui une

  6   gifle parce qu'il regarde. Je n'ai pas voulu le faire, alors il a donné

  7   l'ordre à l'autre de me donner une gifle à moi, et c'est ce qu'il a fait.

  8   Donc il fallait que nous baissions la tête, et c'était la seule façon de

  9   faire.

 10   Q.  Quand cet homme a reçu l'ordre de vous coller une gifle, est-ce qu'il

 11   l'a fait ?

 12   R.  Oui, il l'a fait, mais il ne m'a pas frappé fort. Parce qu'il savait

 13   que si je ne le faisais pas, on allait en pâtir tous les deux. Je n'ai pas

 14   réagi, et je savais forcément que si je réagissais, on connaîtrait le même

 15   sort.

 16   M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement

 17   au dossier de ce document 6413.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé au dossier et annoté.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1639.

 20   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

 21   Je voudrais maintenant qu'on nous montre le diagramme ou le schéma 2415,

 22   qui a déjà été versé au dossier avec une cote MFI, le P1638. Et à ce titre,

 23   j'aimerais que nous passions à huis clos partiel brièvement, pour une

 24   question.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 27   Messieurs les Juges.

 28   [Audience à huis clos partiel]

 


Page 3961

  1   (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé)

  5   (expurgé)

  6   (expurgé)

  7   (expurgé)

  8   (expurgé)

  9   (expurgé)

 10   (expurgé)

 11   (expurgé)

 12   (expurgé)

 13   (expurgé)

 14   (expurgé)

 15   [Audience publique]

 16   M. GILLETT : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur le Témoin, ce petit pointillé à l'intérieur de l'étable,

 18   qu'est-ce que ça indique ?

 19   R.  C'étaient des gens couchés. J'ai essayé de schématiser les choses de la

 20   sorte. Au moment où on m'a fait m'installer là, à l'endroit qui est indiqué

 21   avec le numéro 3, c'était plein du côté gauche et du côté droit, alors côté

 22   des murs. Et puis, il y avait une ligne qui allait d'un côté jusqu'à la

 23   porte, et j'ai marqué un numéro 3, où on avait déjà rempli une quatrième

 24   rangée de personnes couchées. On devait être à peu près 300. Je ne peux pas

 25   vous dire autre chose, c'est ce que j'ai évalué. C'était éclairé la nuit

 26   avec des réflecteurs placés aux quatre coins, et nous passions notre temps

 27   essentiellement couchés avec un peu de paille et du béton en bas. Il y

 28   avait une toile de tente ainsi qu'une couverture pour chacun d'entre nous.

 


Page 3962

  1   M. GILLETT : [interprétation] Alors, si nous versions ceci au dossier sous

  2   pli scellé, nous n'aurions pas à expurger la référence au numéro 3 faite

  3   tout à l'heure.

  4   Q.  Monsieur, lorsque vous avez été détenu dans ce hall ou cette grande

  5   salle, savez-vous nous dire à peu près le nombre total des détenus qui se

  6   trouvaient gardés là pendant que vous vous trouviez à cet endroit ?

  7   R.  Quand je suis entré dans cette étable pour la première fois, j'ai

  8   estimé à quelque 300 personnes le nombre des individus se trouvant dedans,

  9   qui étaient là depuis à peu près un mois avant que je ne vienne. Par la

 10   suite, 500 ou 530. Je crois que le chiffre de 530 avait été avancé. Parce

 11   que quand on avait 500 personnes, les gens dormaient déjà dans ces espèces

 12   d'auges où l'on donnait à manger au bétail. Je ne sais pas trop comment ça

 13   s'appelait. Mais c'est cette espèce de grand récipient bétonné qui se

 14   trouvait le long du mur et c'est là qu'on mettait de quoi nourrir le

 15   bétail.

 16   Q.  C'est bien cela. Bon. Alors, d'où venaient la plupart de ces détenus ?

 17   R.  Ils venaient de la partie est de la Slavonie, Opatovac, Ilok, Bapska,

 18   Sotin, jusqu'à la chute de Vukovar. C'est -- au numéro 3, c'étaient ensuite

 19   des gens de Vukovar qu'on avait acheminés là, des civils.

 20   M. GILLETT : [interprétation] Je voudrais que l'on nous affiche maintenant

 21   le 65 ter 2916.1, s'il vous plaît.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et qu'adviendra-t-il de celui-ci ?

 23   M. GILLETT : [interprétation] Nous allons y revenir. J'aimerais que l'on

 24   garde le MFI de tout à l'heure, c'est-à-dire le P1638.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon, on va le sauvegarder avec les

 26   nouvelles annotations.

 27   M. GILLETT : [interprétation] Grand merci.

 28   Merci.


Page 3963

  1   Q.  Alors, Monsieur le Témoin, ici nous avons une liste de personnes qui

  2   sont listées comme étant détenues à Begejci. Est-ce que vous pouvez

  3   parcourir la liste et indiquer les individus que vous avez été à même de

  4   reconnaître, d'identifier ?

  5   R.  Oui, je me suis penché sur la liste déjà et j'ai déjà apporté mes

  6   annotations.

  7   M. GILLETT : [interprétation] Nous les avons surlignées. Si vous vous

  8   penchez sur la page 5, vous pouvez voir l'une de ces listes affichée. Et en

  9   parcourant la liste, vous verrez des annotations similaires.

 10   Q.  Quand il s'agit des individus qui sont indiqués ici - je ne vais pas

 11   donner leurs noms pour ne pas révéler votre identité - mais est-ce que vous

 12   pouvez nous décrire comment cet individu a été traité pendant qu'il était à

 13   Begejci ?

 14   R.  Il est arrivé à peu près jusqu'au même endroit que moi, que j'avais

 15   indiqué avec le numéro 3, me semble-t-il. Lui était déjà passé par ce que

 16   j'avais vécu moi-même, mais il y a des points de détail qui d'après les

 17   récits m'ont fait savoir qu'il a été suspendu par ses bras à un pilier et

 18   ça a laissé des conséquences. Il n'a plus été à même de sentir les paumes

 19   de sa main et les doigts des deux mains parce que ses nerfs ont été

 20   endommagés. Il a passé deux jours accroché comme cela. Il a été battu en

 21   même temps. Cela faisait partie de la procédure normale.

 22   M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, vous allez remarquer que

 23   sur la liste il a identifié huit individus, mais le nom de ce témoin n'est

 24   pas indiqué dans la liste.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez nous dire comment vous avez

 26   fait pour reconnaître ces gens parmi les quelques centaines et comment se

 27   fait-il que votre nom ne s'y trouve pas ?

 28   R.  Moi, je venais d'une autre partie des territoires. C'étaient des gens


Page 3964

  1   venus des mêmes villages, ils se connaissaient entre eux. Et les autres ne

  2   pouvaient pas connaître mon nom, parce qu'ils n'étaient pas à proximité de

  3   là où je me trouvais pendant le mois et quelques que je me suis trouvé là

  4   pour le savoir. Mais je vous dis qu'il s'agissait essentiellement de

  5   groupes d'individus qui étaient originaires des mêmes localités de la

  6   Slavonie orientale.

  7   M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, nous allons demander le

  8   versement au dossier de la pièce 2916.1 et nous demanderons à ce qu'une

  9   cote sous pli scellé soit attribuée.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera versé au dossier et annoté.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document recevra la cote P1640. Merci.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est moi.

 13   M. GILLETT : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur le Témoin, vous nous avez mentionné à l'instant qu'il y avait

 15   des gens qui étaient des civils. Savez-vous nous donner le ratio de ces

 16   détenus qui étaient dans ce grand hall et qui se trouvaient être des civils

 17   ?

 18   R.  Un petit nombre qui se trouvait face à moi. Une vingtaine d'hommes, en

 19   somme, étaient des gens en uniforme. Ils faisaient partie du rassemblement

 20   de la Garde nationale. Ils étaient originaires de Belisce et des environs.

 21   Les autres, c'étaient tous des civils, d'après ce que j'ai pu apprendre.

 22   Eux - les autres, je veux dire - avaient sur eux des éléments d'uniformes

 23   de camouflage. Ce groupe, d'après les récits, avait été trahi. Ils se

 24   rendaient vers un poste frontière à la frontière hongroise, ils ont été

 25   encerclés et ils ont été enfermés dans des cages à chien. J'ai pu voir de

 26   mes yeux qu'ils ont été mordus à plusieurs endroits par des chiens. On

 27   avait lâché les chiens contre eux à Beli Manastir. Parce qu'après, on les a

 28   pansés et on a pu voir ces mêmes individus dans l'étable.


Page 3965

  1   Q.  A quel groupe ethnique appartenaient la plupart des 

  2   détenus ?

  3   R.  La plupart, c'étaient des Croates. Il y avait plusieurs Roumains. Ils

  4   étaient peut-être trois ou quatre, ces Roumains. Deux hommes noirs, ils

  5   venaient du Sri Lanka. Ils étaient, disait-on, des étudiants. Il y avait

  6   aussi des Serbes, plusieurs Serbes. Mais pour l'essentiel, c'est tout ce

  7   que je sais dire.

  8   Q.  Mais comment les Serbes ont-ils été traités, quant à eux ?

  9   R.  C'était la même procédure que nous autres, d'après ce que j'ai pu voir

 10   du moins. Ils n'ont pas été nombreux. J'ai retenu deux ou trois individus

 11   qui se trouvaient non loin de moi, mais on leur a réservé le même

 12   traitement qu'à nous autres.

 13   Q.  Vous avez mentionné le fait que vous avez été malmené de plusieurs

 14   façons, comme d'autres détenus, du reste. Comment les gardiens serbes ont-

 15   ils malmené ces autres Serbes qui ont été placés en détention à Begejci ?

 16   R.  Je suppose que ces Serbes qui se sont trouvés là voulaient éviter de

 17   mettre des uniformes. Ils n'étaient pas d'accord avec la politique de

 18   l'époque. Ils ne voulaient pas aller se battre sur un territoire autre

 19   parce que c'étaient des territoires qui étaient devenus la Croatie ou la

 20   Bosnie par la suite, et en refusant de mettre l'uniforme, ils ont scellé

 21   leur sort et ils ont connu le sort que nous avons connu, nous autres.

 22   Q.  J'allais vous poser quelques questions sur les conditions à Begejci.

 23   Tout d'abord, quel niveau de température y avait-il lorsque vous y étiez à

 24   la fin de l'année 1991 ? Quelle était la température ?

 25   R.  Il faisait froid déjà. Il faisait de plus en plus froid au fur et à

 26   mesure que l'hiver progressait. Nous avions du mal à nous tenir debout

 27   parce que nous n'avions sur le dos que les vêtements que nous portions

 28   lorsque nous avions été arrêtés. Nous avons été autorisés à prendre un bain


Page 3966

  1   une fois seulement pendant ce mois-là. C'était sept jours avant que nous ne

  2   soyons échangés. Nous ne pouvions jamais changer nos vêtements ou nos

  3   chaussures ou quoi que ce soit. La première semaine, nous avions peur. Il y

  4   avait énormément de pression exercée par les interrogatoires, par exemple.

  5   Il fallait répondre tout de suite lorsqu'on appelait un nom, sinon vous

  6   étiez frappé. Pendant les dix premiers jours, je n'ai jamais enlevé mes

  7   chaussures parce que j'avais tellement peur, j'avais peur qu'il se passe

  8   quelque chose. Les gens portaient les vêtements qu'ils portaient au moment

  9   où ils ont été arrêtés. Il y a des gens qui ont même mis des sacs en

 10   plastique sur leurs têtes à cause des courants d'air. C'était une grange

 11   très ancienne. Il n'y avait pas de conditions de vie normale.

 12   Q.  Et vous a-t-on prodigué des soins médicaux ?

 13   R.  Pour ce qui est d'une quelconque aide médicale, il y avait une femme

 14   médecin qui venait deux ou trois fois pour changer les pansements des

 15   détenus qui portaient l'uniforme et qui appartenaient à la Garde nationale.

 16   Ensuite, c'est le Dr Loncar qui a assumé ce rôle, parce que je suppose que

 17   le jour où ils se sont rendus compte du fait qu'il y avait un médecin parmi

 18   nous, ils ne souhaitaient demander à quelqu'un de l'extérieur de venir. Et

 19   c'était un homme qui était cuisinier. Je suppose qu'ils souhaitaient faire

 20   le travail eux-mêmes et je suppose qu'ils souhaitaient faire venir le moins

 21   de gens possible de l'extérieur.

 22   Q.  Et est-ce que cette femme médecin ou le Dr Loncar disposaient de moyens

 23   suffisants pour traiter les blessures des détenus ?

 24   R.  Je sais qu'il avait des pansements et des analgésiques et des

 25   médicaments, pas grand-chose, parce qu'il y avait des gens à qui il

 26   manquait des morceaux de peau. (expurgé)

 27   (expurgé)

 28   (expurgé)


Page 3967

  1   (expurgé)

  2   M. GILLETT : [interprétation] Peut-être qu'il faudrait expurger cette

  3   dernière référence faite à l'endroit où il dormait.

  4   Q.  Monsieur le Témoin, vous nous avez dit avoir été poussé en direction

  5   des barbelés lorsque vous êtes arrivé et ensuite avoir été frappé dans la

  6   grange le premier jour de votre arrivée. Outre ces deux cas, avez-vous été

  7   maltraité physiquement à d'autres occasions dans le camp ?

  8   R.  Après trois ou quatre nuits que j'ai passées dans cette grange où --

  9   des mauvais traitements tous les soirs, ensuite il y a eu cinq ou six

 10   réservistes qui sont venus, et je vais vous décrire un cas en particulier

 11   lorsqu'il y a eu ces bergers allemands qui restaient en général à

 12   l'intérieur de l'enceinte et de l'autre côté des barbelés. Ils ont fait

 13   venir un de ces chiens et il respirait très fort du côté droit de mon

 14   oreille. Et à ce moment-là, l'image qui m'a traversé l'esprit de ces gens

 15   qui avaient des traces de morsure sur la peau et des gens qui couraient de

 16   part et d'autre sur des ordres qu'on avait donnés et qui nous écrasaient,

 17   qui nous marchaient dessus. Il y avait toujours une forme ou une autre de

 18   torture. Et dans le camp, il était habituel que les nouveaux venus

 19   subissent ces tortures avant d'être interrogés.

 20   Etant donné que j'étais seul, on m'a fait venir à cet endroit-là en tant

 21   qu'individu, et ces six hommes qui portaient l'uniforme de la JNA m'ont

 22   frappé à tour de rôle. Il y en a un qui avait une batte qui m'a frappé à la

 23   jambe gauche. Je pense qu'il souhaitait me faire tomber. Et on m'avait

 24   prévenu, on m'avait dit que si je tombais, ils me roueraient de coups. Il

 25   m'a frappé trois ou quatre fois sur l'avant-jambe, et la dernière fois il a

 26   raté son coup et il a frappé un de ses collègues. Ensuite, Zare l'a

 27   remplacé, car il avait dit : "Donne-le-moi." Il a enlevé ma montre, il m'a

 28   frappé à la tête, il m'a frappé aux genoux et dans le ventre et il n'a pas


Page 3968

  1   cessé de me battre avant que je ne commence à saigner de la bouche. Et,

  2   bien évidemment, dans les dix jours qui ont suivi, je n'ai pas pu me tenir

  3   debout en raison de la douleur que je ressentais au niveau du ventre et

  4   dans mon corps en général. J'avais besoin d'aide si je devais me tenir

  5   debout. Et la même chose est arrivée à chaque personne qui était là. Chacun

  6   devait sortir pour subir un interrogatoire tous les trois ou quatre jours.

  7   Q.  Dans votre dernière réponse, vous avez dit que "les gens couraient de

  8   part et d'autre sur les ordres qui leur avaient été donnés et qu'ils nous

  9   marchaient dessus." Pourriez-vous nous dire de qui émanaient ces ordres ?

 10   R.  Ces quelques hommes qui étaient autorisés à entrer dans la grange,

 11   Zare, Borko, les hommes que j'ai déjà cités, et celui-là qui s'appelait

 12   Vojo. Mais Zare reste gravé dans ma mémoire à cause des choses très laides

 13   qu'il a faites.

 14   Q.  Pour ce qui est de ces autres individus que vous venez de citer, vous

 15   avez dit qu'ils portaient un uniforme. Savez-vous autre chose au sujet de

 16   ces hommes et de leur parcours ?

 17   R.  La nuit où cela s'est passé, et ils avaient l'habitude d'entrer dans la

 18   grange lorsqu'ils étaient saouls pour nous passer à tabac, il y en a un qui

 19   a dit qu'il se fichait de l'endroit où il était - nous avons entendu cette

 20   conversation - et il a dit qu'il s'en fichait, il se fichait de savoir s'il

 21   était en prison, derrière les barreaux ou derrière un barbelé. Donc je

 22   suppose qu'il s'agissait de gens qui purgeaient une peine de prison. Ces

 23   personnes-là sont devenues réservistes et ont continué à servir de cette

 24   façon-là. Zare avait des cicatrices sur le visage d'escarmouches auxquelles

 25   il avait participé, mais il s'agit de simples suppositions de ma part.

 26   Q.  Vous avez parlé d'interrogatoires. Vous-même, avez-vous été interrogé à

 27   Begejci ?

 28   R.  Après avoir été torturé, j'ai été emmené à l'endroit dont je vous ai


Page 3969

  1   fourni un croquis. Il y avait du foin par terre. Ils m'ont fait rédiger des

  2   déclarations, déclarations de plusieurs pages, et ils revenaient ensuite

  3   sans cesse pour me frapper en disant que je n'avais pas écrit assez. Et

  4   quelquefois on appelait mon nom pour que je me rende dans un autre endroit

  5   pour être interrogé. La dernière fois qu'ils ont appelé mon nom, ils m'ont

  6   emmené dans le dortoir de ces hommes que j'ai cités, parce que j'ai vu

  7   leurs lits à cet endroit-là. J'ai trouvé un sergent dans cette pièce, ses

  8   pieds posés sur le bureau, une bouteille de cognac sur le bureau. Il y

  9   avait deux ou trois autres hommes qui m'ont poussé en direction d'un lit.

 10   Ils ont apporté cet attaché-case que j'avais apporté en arrivant qui

 11   contenait des documents liés à ma société ainsi que d'autres informations.

 12   Cet attaché-case a été ouvert devant eux parce qu'ils avaient le code, mais

 13   je me suis rendu compte après coup que là où ils voulaient en venir,

 14   c'était de prendre l'argent qu'il y avait à l'intérieur. Parce qu'à la fin,

 15   je n'ai pas retrouvé les objets de valeur ni l'argent qui étaient à

 16   l'intérieur de cet attaché-case. Et il y avait également -- et l'homme à

 17   qui appartenait ce lit m'a menacé de mort, parce qu'il m'a dit que j'avais

 18   été posé sur son lit, tout sale que j'étais. Mais tout ceci était très

 19   étrange. En fait, ils ont ouvert mon attaché-case et ils ont pris ce qu'ils

 20   voulaient. Ils avaient une matraque. Ces hommes avaient une matraque.

 21   Q.  Quel type de questions vous posaient-ils ?

 22   R.  C'était toujours la même chose : Combien de gens avez-vous tués ? Quel

 23   type d'arme avez-vous utilisé ? Vous êtes un espion, et si vous n'êtes pas

 24   un espion, vous êtes un Oustachi endurci, un pur et dur. Et ils nous

 25   insultaient. Alors, la seule chose qu'ils faisaient, c'était de nous

 26   maltraiter. Ils nous insultaient. Alors, quelle que soit la réponse que

 27   l'on donne, de toute façon, cela ne change rien. Ils trouvaient toujours un

 28   prétexte pour nous insulter.


Page 3970

  1   M. GILLETT : [interprétation] Je vois qu'il est 10 heures 15. Est-ce

  2   l'heure de faire la pause ou est-ce à 10 heures 30 ?

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A 10 heures 30.

  4   M. GILLETT : [interprétation] Très bien.

  5   Q.  Vous avez parlé du dortoir.

  6   M. GILLETT : [interprétation] Pourriez-vous afficher le document 2415 -

  7   document MFI P1638 - s'il vous plaît.

  8   Q.  Avec l'aide de l'huissier, je vous demande de bien vouloir indiquer par

  9   le chiffre 4 l'endroit où vous avez été interrogé par l'homme au cognac.

 10   R.  [Le témoin s'exécute]

 11   Q.  Vous avez dit qu'il y avait deux ou trois autres hommes qui étaient là

 12   en même temps. Saviez-vous qui étaient ces hommes qui étaient là pendant

 13   cet interrogatoire ?

 14   R.  Ils étaient à côté de moi et ils me frappaient. A un moment donné, cet

 15   homme est venu avec une matraque et il l'a balancée devant moi, mais il ne

 16   s'en est pas servi. Les interrogatoires étaient tels que les gens perdaient

 17   connaissance dès qu'on appelait leurs noms. Il est difficile de vous

 18   relater les expériences des uns et des autres, mais pour ce qui est du Dr

 19   Loncar, une voiture bleue venait le chercher, et il tremblait comme une

 20   feuille à chaque fois qu'il savait qu'il devait sortir.

 21   Q.  Est-ce qu'à aucun moment ils vous ont donné les motifs de votre

 22   détention au camp de Begejci ?

 23   (expurgé)

 24   (expurgé)

 25   (expurgé)

 26   (expurgé)

 27   (expurgé)

 28   (expurgé)


Page 3971

  1   (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   M. GILLETT : [interprétation] Pouvons-nous expurger les dernières lignes de

  5   cette dernière réponse, lorsqu'il parle de ses parents proches.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett.

  7   M. GILLETT : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez informer le greffier des

  9   passages précisément que vous souhaitez expurger. Vous parlez de votre

 10   question précédente, et je ne sais pas très bien ce que vous souhaitez

 11   expurger précisément.

 12   M. GILLETT : [interprétation] Très bien.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] En ce qui ce concerne cet élément-là,

 14   oui, mais l'élément précédent, je ne sais pas…

 15   M. GILLETT : [interprétation] Je vais vérifier cela pendant la pause.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien sûr.

 17   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

 18   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett.

 20   M. GILLETT : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il faut en fait que nous le fassions

 22   tout de suite, et donc il va falloir regarder.

 23   M. GILLETT : [interprétation] Oui, bien sûr. Page 22, ligne 21, et c'est

 24   l'endroit où il dormait, et la personne qui dormait à côté de lui.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 26   M. GILLETT : [interprétation] Ligne 21.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 28   M. GILLETT : [interprétation] Merci.


Page 3972

  1   Q.  Monsieur le Témoin, lorsque vous étiez à Begejci, est-ce que quelqu'un

  2   est mort ?

  3   R.  Un homme est mort. Je devrais peut-être vous le montrer sur l'image. Il

  4   se trouvait au même niveau que moi, mais à côté du mur. On nous avait donné

  5   l'ordre de sortir. Il n'a pas pu se lever, et ensuite ils se sont rendu

  6   compte de ce qui s'était passé, et je sais que le Dr Loncar l'a emmené à

  7   Zrenjanin, escorté, bien sûr. Il a été transféré à Zrenjanin. Ce sont les

  8   informations dont je dispose. Cet homme a succombé aux passages à tabac.

  9   C'était un homme plus âgé.

 10   Q.  Etait-ce un civil ou un soldat, le savez-vous ?

 11   R.  C'était certainement un civil. Tout cet endroit, il n'y avait que les

 12   20 personnes qui étaient en face de moi qui n'étaient pas des civils; tous

 13   les autres étaient des civils.

 14   Q.  Et vous-même, vous a-t-on menacé de mort à un quelconque moment ?

 15   R.  Un jour, on nous avait sortis plus tôt que d'habitude et on nous a

 16   alignés, on nous a demandé de chanter l'hymne national, car il y avait un

 17   des officiers qui partait pour Vukovar. Tout ceci est arrivé avant la chute

 18   de Vukovar. Deux ou trois jours plus tard, on nous a annoncé qu'il avait

 19   été tué à Vukovar, et ensuite nous avons été soumis à de mauvais

 20   traitements particuliers dans ce camp. On nous a alignés. Il y avait un

 21   peloton d'exécution qui était là, debout, prêt à tirer. Ils ont orchestré

 22   tout cela. Ils ont orchestré l'exécution, et nous pensions que nous allions

 23   être tués. Donc ils ont mis tout ceci en scène pour nous faire croire que

 24   nous allions être exécutés, et pour finir, ils nous ont permis de retourner

 25   dans la grange. Mais c'est quelque chose qu'on n'oublie jamais. Ils nous

 26   menaçaient sans cesse, ils nous disaient que les Chetniks viendraient pour

 27   nous trancher la gorge. On devait écouter ceci sans arrêt.

 28   Q.  Y avait-il des femmes qui étaient détenues à Begejci pendant que vous y


Page 3973

  1   étiez ?

  2   R.  Il y avait une vingtaine de femmes après la chute de Vukovar. Je me

  3   souviens d'une de ces femmes qui a passé cinq ou six jours avec nous dans

  4   la grange, et ses mains étaient liées. Et si je regarde ce croquis, je peux

  5   vous dire qu'elle se trouvait du même côté que l'endroit où cet homme se

  6   trouvait qui est mort. Ces femmes ont ensuite été transférées dans ce

  7   bâtiment qui a hébergé le dortoir des gardiens. Je ne sais pas s'il

  8   s'agissait de gardiens ou de policiers militaires. Je ne sais pas comment

  9   il faut les appeler.

 10   Q.  Est-ce que c'est le bâtiment qui correspond au chiffre 4 ici sur votre

 11   croquis ?

 12   R.  Oui, c'est le bâtiment numéro 4. C'est là qu'ont séjourné ces femmes

 13   jusqu'à la fin. Je ne sais pas dans quelle pièce exactement. En tout cas,

 14   nous les avons vues dans ces parages-là, autour de ce bâtiment, à

 15   l'extérieur du bâtiment, donc nous avons supposé que ces femmes étaient là

 16   pendant tout le temps de leur séjour.

 17   Q.  Et à quel groupe ethnique appartenaient ces femmes ?

 18   R.  Je ne pouvais pas leur parler, et nous ne pouvions pas parler librement

 19   de toute façon. Je suppose que ces femmes venaient de Vukovar. Je suppose

 20   que la plupart de ces femmes étaient Croates.

 21   Q.  Avec l'aide de l'huissier, pourriez-vous nous dire où ces femmes ont

 22   été placées dans la grange principale les premiers jours de leur arrivée,

 23   et veuillez apposer le chiffre 5 à cet endroit, s'il vous plaît.

 24   R.  Donc cette partie-ci, où cet homme est mort, l'homme qui a succombé à

 25   ces passages à tabac, c'est indiqué en vert. Il y en avait une vingtaine à

 26   cet endroit-là environ.

 27    Q.  Je vais vous demander d'apposer le chiffre 5 à côté de cet endroit,

 28   s'il vous plaît.


Page 3974

  1   R.  [Le témoin s'exécute]

  2   M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement

  3   au dossier de ce croquis à ce stade, s'il vous plaît, qui porte une cote

  4   MFI qui est le P1638, sous pli scellé, s'il vous plaît.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera versé au dossier et placé

  6   sous pli scellé, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document porte la cote P1638, sous pli

  8   scellé.

  9   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

 10   Q.  Monsieur le Témoin, s'agissant de ces femmes, savez-vous si certaines

 11   d'entre elles ont été maltraitées ?

 12   R.  Je n'ai rien vu, mais j'ai appris plus tard qu'il y avait eu des viols

 13   et que certaines de ces femmes avaient été violées.

 14   Q.  Et savez-vous qui était à l'origine de ces viols ?

 15   R.  Je ne peux que me livrer à des conjectures. Ces femmes ont dû être

 16   violées par les gardiens. C'est ce que je suppose. Je ne l'ai pas vu moi-

 17   même. Je ne peux que vous parler de ce dont j'ai entendu parler et de ce

 18   que je peux supposer.

 19   Q.  Et savez-vous si ces femmes ont été blessées ?

 20   R.  La femme âgée avait le bras cassé. Elle était toujours assise à cet

 21   endroit. C'est ainsi que je me souviens d'elle, avec son bras cassé. On

 22   aurait dû l'emmener à l'hôpital. Même sans cela, les conditions de vie à

 23   cet endroit étaient tout à fait inappropriées.

 24   M. GILLETT : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher la

 25   photographie numéro 65 ter 6415, à droite [comme interprété] de l'écran. Je

 26   regarde l'heure, mais je pense que nous pourrions encore aborder cette

 27   question-là rapidement.

 28   Q.  Monsieur le Témoin, s'agit-il là des femmes qui ont été détenues à

 


Page 3975

  1   Begejci ?

  2   R.  Je ne reconnais personne, mais ces femmes ressemblaient certainement à

  3   celles-ci. Il n'y a que cette femme qui porte quelque chose de blanc, il

  4   peut s'agir là de la femme qui avait le bras cassé, mais je ne reconnais

  5   pas son visage. C'était il y a longtemps, après tout.

  6   M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, nous demandons le

  7   versement au dossier de ce document, s'il vous plaît.

  8   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je soulève une objection, car le témoin n'a

  9   reconnu personne sur cette photographie.

 10   M. GILLETT : [interprétation] Au vu de cette objection, nous demandons dans

 11   ce cas à ce que soit attribuée une cote provisoire à ce document pour le

 12   témoin suivant.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, cote MFI, Monsieur le Greffier,

 14   s'il vous plaît.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document recevra la cote P1641, MFI.

 16   Merci.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 18   M. GILLETT : [interprétation] Je vois qu'il est l'heure de faire la pause

 19   maintenant.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 21   Monsieur le Témoin, nous allons faire notre première pause maintenant. Nous

 22   reprendrons à 11 heures. L'huissier va vous accompagner. Merci. Un instant,

 23   s'il vous plaît. Un instant, s'il vous plaît.

 24   Huis clos, s'il vous plaît.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Messieurs les

 26   Juges.

 27   [Audience à huis clos]

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 10   [Audience publique]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 12   Veuillez poursuivre, Monsieur le Procureur.

 13   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

 14   Q.  Monsieur le Témoin, avant la pause, vous avez dit que vous deviez vous

 15   présenter aux gardes à chaque fois que vous deviez aller aux toilettes. Où

 16   se trouvaient les toilettes ?

 17   R.  Les toilettes étaient du côté droit du bâtiment, avant l'étable, si on

 18   se réfère au croquis. Les gens devaient sortir pour aller aux toilettes,

 19   et, pour sortir, ils devaient se présenter à la sortie à ces deux hommes,

 20   ce Mirko et ce Krasniqi devaient savoir ce qui se passait. Devant l'entrée,

 21   à côté du nid de mitrailleuses, il y avait des gardes armés de fusils. Il

 22   arrivait que les hommes qui allaient aux toilettes pendant la nuit soient

 23   soumis à de mauvais traitements, qu'on les oblige à chanter l'hymne, qu'on

 24   leur passe la tête à travers les fils de fer de la clôture. Et après

 25   quelques nuits, on a commencé à avoir peur d'aller aux toilettes pendant la

 26   nuit. Il était très important de connaître l'hymne yougoslave parce qu'à

 27   tout moment on pouvait vous demander de le chanter, et si jamais vous ne

 28   connaissiez pas les paroles, vous étiez battu. Ça a été le cas de ces deux

 


Page 3977

  1   hommes originaires du Sri Lanka qui, évidemment, ne parlaient pas la langue

  2   -- il n'y a pas que moi, les gens leur écrivaient les paroles de l'hymne

  3   pour qu'au cas où on leur demande de le chanter, ils puissent le chanter.

  4   Parce que, eux aussi, ils étaient battus s'ils ne pouvaient pas chanter

  5   l'hymne yougoslave.

  6   Q.  Qui était responsable du camp de Begejci, pour autant que vous le

  7   sachiez ?

  8   R.  Je ne me souviens pas de son grade. C'était un commandant, enfin, le

  9   commandant Zivanovic. En tout cas, c'était le plus haut gradé qui était sur

 10   place et c'était ce Zivanovic. C'est de Zivanovic qu'on parlait. Donc, d'un

 11   grade élevé. Je ne sais pas exactement lequel, commandant probablement.

 12   Q.  Et pour lever tout doute, il était commandant de quelle armée ?

 13   R.  Il était commandant au sein de la JNA.

 14   Q.  Plus tôt, vous avez également dit que le CICR, ou plutôt, que, excusez-

 15   moi, la Croix-Rouge est venue vous rendre visite une fois. Lorsqu'ils sont

 16   venus, ont-ils pu voir l'ensemble des détenus ?

 17   R.  Lorsqu'on a appris que la Croix-Rouge allait venir dresser des listes,

 18   il y a eu une dizaine de personnes qui ont été cachées. Pour l'un d'entre

 19   eux, on racontait qu'il avait été tireur d'élite dans une armée, mais cet

 20   homme louchait tellement qu'il était absolument invraisemblable qu'il

 21   puisse être tireur d'élite. En tout cas, il y en a eu une dizaine qui ont

 22   été cachés pendant que la Croix-Rouge est venue dresser des listes.

 23   Puisqu'à ce moment-là, nous avons fourni des informations personnelles nous

 24   concernant aux représentants de la Croix-Rouge. Il y avait des

 25   représentants qui étaient en place à plusieurs endroits dans l'étable où

 26   nous allions les voir pour qu'ils puissent dresser ces listes.

 27   M. GILLETT : [interprétation] Pourrions-nous, pour les quelques questions

 28   suivantes, passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 


Page 3978

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  3   Messieurs les Juges.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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  6   [Audience publique]

  7   M. GILLETT : [interprétation]

  8   Q.  En dehors des visites que vous venez d'évoquer, y a-t-il eu la moindre

  9   autre visite faite par quelqu'un d'extérieur au camp dont vous seriez au

 10   courant ?

 11   R.  Les soldats réservistes qui montaient la garde avaient probablement le

 12   droit aussi de recevoir des visites qui se passaient lorsqu'il n'y avait

 13   pas d'officiers supérieurs présents. C'est alors qu'au moment du déjeuner

 14   ou pendant qu'ils nous laissaient sortir à l'extérieur de l'étable, c'est

 15   pendant ces moments-là que nous pouvions voir des personnes qui étaient en

 16   train de nous regarder et auxquelles ils expliquaient combien d'hommes nous

 17   avions tués. Ils nous montraient du doigt comme des animaux au zoo.

 18   C'étaient des civils à qui on nous montrait. C'était vraiment très

 19   dégradant.

 20   Q.  Y avait-il une équipe de télévision présente sur le site du camp ?

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 27   M. GILLETT : [interprétation] Peut-on expurger la référence qui est faite à

 28   cette parente.

 


Page 3980

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera fait.

  2   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

  3   Q.  Monsieur le Témoin, quand avez-vous quitté le camp de Begejci,

  4   approximativement ?

  5   R.  Je crois que c'était au début du mois de décembre, vers le 10 décembre.

  6   Nous avons fait l'objet d'un échange et on nous a emmenés en autocar. On

  7   nous a rendu nos effets personnels, en tout cas cela dépendait d'une

  8   personne à l'autre, on arrivait à récupérer une partie. On nous a emmenés à

  9   Bosanski Samac, où nous avons été échangés. Nous avons également vu des

 10   autocars en provenance d'autres camps. Nous étions environ 600 sur place et

 11   avons été échangés contre environ 120 officiers de Bjelovar. Et cet échange

 12   a eu lieu à Bosanski Samac.

 13   M. GILLETT : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document numéro 793

 14   de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 15   Q.  Monsieur le Témoin, cet article parle d'un groupe de plus de 600

 16   personnes échangées en provenance de Begejci, de Stajicevo, qui sont

 17   arrivées le 12 décembre à Zagreb. Est-ce là le même groupe que celui dont

 18   vous faisiez partie et qui a fait l'objet d'un 

 19   échange ?

 20   R.  Oui, il pourrait tout à fait s'agir de la même chose.

 21   Q.  L'article évoque un endroit nommé Kutija Sibica, où ce groupe a passé

 22   une nuit. A quoi cela correspond-t-il ? C'est la fin du premier paragraphe

 23   en anglais.

 24   R.  Oui, je le vois. Kutija Sibica, ou la boite d'allumettes, c'est une

 25   installation sportive, une salle de sport à Zagreb où les gens étaient

 26   accueillis. Moi, je m'y suis trouvé aussi. J'y ai passé une nuit. Il y

 27   avait des médecins sur place. Ceux qui souhaitaient subir un examen médical

 28   étaient également présents là-bas. Il y avait des lits arrangés dans la


Page 3981

  1   salle de sport. C'est là qu'on nous a accueillis, en fait. Il y avait

  2   probablement d'autres endroits qui remplissaient la même fonction. Après

  3   cela, nous sommes rentrés chez nous.

  4   Q.  Les personnes qui ont été échangées au sein du même groupe étaient-

  5   elles des civils, des soldats, ou bien s'agissait-il d'un mélange de civils

  6   et de soldats au sein de ce groupe de personnes qui avaient été détenues

  7   dans les camps et qui ont été échangées ?

  8   R.  Je suppose que près de trois quarts des personnes présentes au camp de

  9   Begejci ont fait l'objet de cet échange, auxquelles s'ajoutent les

 10   personnes originaires d'autres camps, tout cela pour atteindre ce chiffre

 11   d'environ 600. Et la majorité des détenus du camp de Begejci qui étaient à

 12   Kutija Sibica, comme je l'ai dit, c'étaient des civils. Ceux qui étaient

 13   avec moi, en tout cas, et qui venaient de Begejci étaient des civils. Il

 14   n'y avait qu'un groupe d'une vingtaine d'hommes que j'ai vus portant

 15   l'uniforme.

 16   M. GILLETT : [interprétation] Je voudrais demander le versement du document

 17   numéro 793 de la liste 65 ter.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P1642.

 20   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

 21   Pouvons-nous maintenant afficher le document numéro 789. C'est également un

 22   article de journal qui figure à l'onglet numéro 3.

 23   Q.  Pendant que nous attendons l'affichage de l'article, on cite les propos

 24   d'un individu surnommé Griesbacher. Est-ce que vous savez de qui il s'agit

 25   ? Griesbacher, de qui s'agissait-il ?

 26   R.  Griesbacher était le chef de ce groupe d'une vingtaine de soldats de la

 27   Garde nationale, donc du ZNG. Ils venaient de Belisce ou des environs de

 28   Belisce, comme je l'ai déjà dit.


Page 3982

  1   Q.  Il dit qu'ils pouvaient entendre les cris -- excusez-moi, j'essaie de

  2   retrouver la citation. Les cris de ceux qui étaient battus par les soldats

  3   fédéraux, de ceux qui sont morts sans avoir été soignés. Vous avez parlé

  4   d'une personne qui est décédée pendant que vous étiez détenu à Begejci.

  5   Est-ce que vous savez si d'autres personnes sont mortes pendant qu'elles

  6   étaient détenues ?

  7   R.  Il y avait un groupe de travail qui allait travailler dans d'autres

  8   camps lorsque des camps étaient ouverts. Notamment, à Zrenjanin, on disait

  9   que trois autres camps devaient être ouverts. Ces gens de ce groupe de

 10   travail venaient parfois avec ce type d'information en disant combien de

 11   personnes étaient mortes, et cetera. Mais moi je ne sais cela que par ouï-

 12   dire, contrairement au cas de la personne qui est morte à Begejci, ce que

 13   j'ai vu. Il a été question de cela. C'était le traitement habituel réservé

 14   à tout un chacun. Tous étaient battus. C'est de cela qu'il est question

 15   ici. Ils en parlent.

 16   M. GILLETT : [interprétation] Nous souhaitons demander le versement de ce

 17   document.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P1643.

 20   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

 21   Q.  Avant votre arrestation à Titov Vrbas, Monsieur le Témoin, et vous nous

 22   l'avez décrite, avez-vous participé aux événements de Suhopolje ?

 23   R.  Le matin, au retour de Zagreb et en chemin vers Novi Sad, j'ai été

 24   appelé vers 5 heures, 5 heures 30 du matin, par un ami qui m'a dit de venir

 25   devant une maison devant laquelle étaient rassemblés les habitants de cette

 26   localité, qui s'étaient constitués en cellule de Crise aux fins de la

 27   défense de cette localité. Ils m'ont appelé pour que je vienne les

 28   rejoindre, parce qu'une attaque était en cours qui visait une grande


Page 3983

  1   caserne. On attendait la reddition de cette caserne. Et nous, on nous

  2   appelait, on nous demandait de venir à cet endroit au cas où. C'est comme

  3   ça que ça a été organisé. Il y a eu un autocar qui se tenait prêt.

  4   Puisqu'en fait, il n'y avait pas d'armes. C'était donc une sorte de

  5   protection civile. Enfin, c'est comme ça que moi je l'ai compris à ce

  6   moment-là. La caserne s'est rendue, effectivement. Après, nous avons été

  7   affectés dans les différentes rues comme une sorte de garde, comme des

  8   tours de garde. Je sais qu'ensuite il y a eu une alerte aérienne et que

  9   nous nous sommes dispersés et nous sommes rentrés chez nous. C'est tout.

 10   Q.  Est-ce que vous étiez armé pendant ces événements ?

 11   R.  Je n'avais pas d'arme. Il y avait des individus qui avaient des armes

 12   légères, donc des pistolets ou des fusils qui avaient été bricolés en

 13   utilisant des volants d'automobile Fiat ou des fusils de chasse. Celui qui

 14   était avec moi pour ce tour de garde auquel nous avons participé, lui, il

 15   avait un fusil de chasse.

 16   Q.  Est-ce que vous portiez un uniforme quel qu'il soit ?

 17   R.  Non. Je portais une veste de cuir et un jean. J'étais en civil. La

 18   plupart d'entre nous étions en civil également.

 19   Q.  Dernière question : quelle conséquence votre détention à Begejci a-t-

 20   elle eu sur votre vie et sur la vie des autres détenus qui se sont trouvés

 21   dans ce camp, pour autant que vous le sachiez ?

 22   R.  Après avoir vécu une expérience comme celle-là, il y a probablement des

 23   séquelles physiques. En effet, j'ai souvent eu des infections rénales, sans

 24   doute pour avoir été couché si souvent au sol. Quant aux conséquences

 25   psychologiques, également, bien sûr, parce qu'après avoir été libéré,

 26   pendant longtemps je n'ai pas pu dormir, j'avais des cauchemars. J'ai

 27   réussi plus ou moins à me sortir de tout cela. Bien entendu, je ne peux pas

 28   oublier. Quant à ma famille, j'ai eu à subir des conséquences aussi puisque

 


Page 3984

  1   je n'ai jamais pu mener jusqu'à son terme ce mariage -- je n'ai jamais

  2   consommé mon premier mariage, en fin de compte. Et pour continuer à parler

  3   de conséquences psychologiques, en un mot, je n'ai plus jamais été le même

  4   après cela.

  5   Le plus difficile pour moi, c'est de décrire la peur, l'état d'esprit dans

  6   lequel je me trouvais et tout ce que j'ai subi sur le plan psychologique

  7   pendant que j'étais au camp, où on me donnait l'impression que je pouvais

  8   être fusillé ou que je pouvais y passer. Il est difficile de vous décrire

  9   comment on se sent lorsqu'on est dans ces conditions, lorsqu'on vous hurle

 10   dessus, lorsqu'on vous insulte dans ce genre de situation. Je peux vous le

 11   décrire, mais vous ne pourrez jamais en avoir la même idée que celle de la

 12   personne qui a réellement vécu cela.

 13   M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, ceci conclut mes

 14   questions au titre de l'interrogatoire principal. Merci.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons donc au contre-

 16   interrogatoire.

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 18   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic : 

 19   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je suis Zoran Zivanovic

 20   et je défends Goran Hadzic au présent procès. Je vais donc vous poser

 21   quelques questions au sujet de votre déposition d'aujourd'hui.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, quelques instants,

 23   s'il vous plaît.

 24   Monsieur le Témoin, vous et Me Zivanovic parlez la même langue, mais vos

 25   propos sont interprétés afin que nous puissions vous comprendre aussi, je

 26   vous prie donc de bien vouloir prendre garde à ne pas commencer à répondre

 27   avant la fin de chaque question de Me Zivanovic, et je vous demande même de

 28   ménager une courte pause avant de répondre. Merci.


Page 3985

  1   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.

  2   Q.  Sur la base de vos déclarations antérieures, j'ai pu voir qu'après

  3   cette arrestation vous avez été interrogé à plusieurs reprises, après cette

  4   arrestation du 5 novembre. Vous avez dit que dès le début, la personne qui

  5   vous interrogeait était assez bien informée des différents mouvements qui

  6   étaient les vôtres et des détails de votre vie. Est-ce bien le cas ?

  7   R.  Oui. Si vous pensez à l'interrogatoire qui s'est déroulé au SUP

  8   régional, je dois vous dire que ça m'a surpris, parce que cet homme au

  9   teint mat et aux cheveux noirs qui m'interrogeait connaissait les noms

 10   importants dans ma vie et puis les faits marquants de ma vie, connaissait

 11   les noms des personnes, il savait d'où je venais. Pour ainsi dire, il

 12   savait presque ce que je portais à tout moment. Je ne sais pas d'où il

 13   tenait ces informations.

 14   Q.  Et il savait que vous étiez à Suhopolje lorsque la caserne a été prise

 15   ?

 16   R.  Oui. Il savait même où je me tenais précisément.

 17   Q.  Vous avez dit que l'homme numéro un à Begejci, où vous avez été détenu

 18   plus tard, était un commandant de la JNA répondant au nom de Zivanovic.

 19   R.  Oui, Zivanovic. Je pense que c'était son nom de famille.

 20   Q.  Voici ce qui m'intéresse : est-ce que vous avez jamais été en contact

 21   avec lui ?

 22   R.  Je ne l'ai jamais vu autrement que de loin.

 23   Q.  Compte tenu des mauvais traitements que vous avez subis et que d'autres

 24   détenus ont également subis, est-ce que qui ce soit s'est adressé à lui,

 25   pour autant que vous le sachiez, pour lui dire ce qui se passait sur place

 26   ?

 27   R.  Personne ne pouvait le faire. Il n'y avait aucune façon possible de lui

 28   dire cela, parce qu'il y avait une procédure bien précise. J'ai parlé de


Page 3986

  1   ces deux hommes qui se tenaient à la sortie de l'étable, donc ce Mirko et

  2   ce Krasniqi, c'est eux qui servaient de liaison avec la police militaire

  3   lorsqu'elle entrait. Ce n'est que de cette façon-là qu'on pouvait aller

  4   vers l'extérieur, par leur intermédiaire. Et moi, je n'ai aucune

  5   information selon laquelle quiconque aurait parlé avec lui.

  6   Q.  Quand vous avez mentionné Mirko et le dénommé Krasniqi, est-ce que

  7   c'étaient des gens qui portaient des uniformes à ce moment-là ?

  8   R.  Non. Ils avaient le même traitement que nous. Ils étaient des détenus.

  9   C'est ainsi qu'on se qualifiait. Ils étaient vêtus tout comme nous. Et ils

 10   ont dû être choisis parmi tous ces gens-là pour être une espèce

 11   d'intermédiaire.

 12   Q.  Ils étaient des responsables de camp, mais c'étaient aussi des détenus

 13   ?

 14   R.  Oui, c'étaient des détenus, des prisonniers, et d'après les récits, ils

 15   auraient été tabassés terriblement avant que nous ne venions, nous autres.

 16   Ils sont donc passés par toutes ces tortures.

 17   Q.  Ce qui m'intéresse, c'est que vous avez établi un lien entre les

 18   passages à tabac et les interrogatoires qui ont suivi.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Etait-ce une procédure normale que de tabasser d'abord un détenu puis

 21   ensuite le conduire à un interrogatoire ?

 22   R.  Moi, je vous ai raconté quel a été mon sort, mais tous les détenus ont

 23   été soumis au même traitement. Ceux qui étaient venus étaient tabassés dès

 24   leur entrée dans l'étable. Nous, on se couvrait la tête, on était restés

 25   couchés. C'était l'ordre reçu : il fallait que nous placions la couverture

 26   par-dessus la tête. Et c'est ainsi que ça durait tant qu'ils n'avaient pas

 27   terminé ce qu'ils voulaient. Ensuite, on prenait place dans cette étable.

 28   Puis, quelques jours après, dans la nuit, ils venaient, ils interpellaient


Page 3987

  1   et ils tabassaient, et ensuite ils interpellaient pour les interrogatoires

  2   à l'extérieur de l'étable.

  3   Q.  Qui est-ce qui tabassait ?

  4   R.  Ceux qui avaient le droit d'entrer dans l'étable. Ils étaient quelques-

  5   uns. Je vous ai dit quels étaient leurs patronymes ou leurs surnoms, Zare,

  6   Borko, Vojo, Rambo. Il y avait un homme qu'on appelait Sergent. Enfin, ils

  7   étaient sept ou huit. Il y avait donc des individus qui entraient. Parce

  8   qu'il y avait d'autres réservistes. J'ai vu qu'il y en avait qui étaient

  9   plus âgés que les autres, et ils montaient la garde de l'autre côté de la

 10   clôture.

 11   Q.  Maintenant, vous venez de nous énumérer tous ces individus. Est-ce que

 12   vous pouvez nous préciser s'ils portaient des uniformes ou des vêtements

 13   civils ?

 14   R.  Ils portaient des uniformes de la JNA. De Paragovo, ils avaient des

 15   ceinturons blancs. On les qualifiait de membres de la police militaire. Ils

 16   ne les portaient pas tout le temps, mais ils portaient ces ceinturons

 17   blancs, et c'est ce qui les désigne comme faisant partie des rangs de la

 18   police militaire.

 19   Q.  Veuillez me préciser encore un point : pour ce qui est des

 20   interrogatoires, est-ce que c'était le fait de gens qui faisaient partie de

 21   la police militaire, de gens qui portaient donc des ceinturons blancs, ou

 22   était-ce des gens qui étaient vêtus autrement ?

 23   R.  Cela dépend du moment de l'interrogatoire dont on parle. A Paragovo,

 24   c'étaient des officiers qui étaient chargés de l'interrogatoire en tant que

 25   tel. Il y avait un commandant et un capitaine, ils étaient deux gradés.

 26   Puis ensuite, il y a eu un sergent, que j'ai mentionné, avec sa bouteille

 27   d'eau de vie, mais là c'est sous un point d'interrogation, parce qu'on

 28   était un week-end, un dimanche, alors il y a eu un interrogatoire qui


Page 3988

  1   s'était fait à titre officiel. Mais l'interrogatoire qui a suivi juste

  2   après mon tabassage, la dernière fois où j'ai été tabassé par six hommes,

  3   là j'ai été régulièrement emmené par un policier de la police militaire

  4   dans une pièce à l'avant du dortoir, et il y avait des balles de foin, et

  5   là on m'a fait signer des déclarations. Puis, un policier de la police

  6   militaire est entré pour me tabasser parce que je n'en avais pas écrit

  7   assez, il fallait que j'en mette plus sur papier. Et il y avait des souris

  8   qui se trouvaient autour de moi pendant que j'écrivais. Et pendant que

  9   j'écrivais, il y avait, parmi ces bottes de foin, une souris qui est passée

 10   devant moi.

 11   Q.  Tirons un petit point au clair. A Paragovo, vous avez été interrogé par

 12   des officiers de la JNA ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Ensuite, à Begejci, vous avez eu ces policiers militaires ?

 15   R.  Oui. On m'a sorti pour vérifier ce que j'ai mis sur papier chez un

 16   officier. Mais dans la pièce, je me trouvais seul, c'est là que j'ai écrit

 17   la teneur de ce que je devais mettre par écrit. Ensuite, j'ai été convoqué

 18   par un officier pour interpréter ce que j'ai mis sur papier. Ils ont

 19   probablement comparé ce que j'ai mis sur papier avec mes déclarations

 20   antérieures.

 21   Q.  Est-ce que vous pouvez vous souvenir de cet officier chez qui on vous a

 22   emmené pour vérifier vos propos ? Est-ce qu'il portait un ceinturon blanc

 23   comme les effectifs de la police militaire ou est-ce qu'il portait un

 24   uniforme normal ?

 25   R.  L'officier, je ne m'en souviens plus, pour ce qui est de Begejci,

 26   j'entends. Il portait, certes, un uniforme, mais pour ce qui est de son

 27   visage, je ne m'en souviens plus.

 28   Q.  Est-ce que vous pouvez à peu près vous rappelez du grade ? Etait-ce un


Page 3989

  1   grade supérieur ou subalterne ?

  2   R.  C'étaient pour l'essentiel des gardes de capitaines et de commandants

  3   pour ce qui est de Paragovo et pour ce qui est de l'autre endroit. Ce

  4   n'étaient pas des sous-officiers ou des subalternes de rang inférieur.

  5   Q.  Excusez-moi, un instant.

  6   Lorsqu'on vous a emmené pour que l'on puisse vérifier ce que vous aviez

  7   déclaré, est-ce qu'en plus de l'officier et de vous-même il y a eu

  8   quelqu'un d'autre de présent ?

  9   R.  Il y avait à chaque fois deux hommes. Il y en avait qui allaient et

 10   venaient. Ils entraient et ils sortaient. Ce n'était pas quelque chose de

 11   significatif, mais il était évident que les déclarations étaient vérifiées.

 12   On ne m'a pas tabassé là. Je n'ai pas gardé le souvenir d'un mauvais

 13   traitement quel qu'il soit à ce moment-là.

 14   Q.  Est-ce que vous vous êtes plaint du traitement qui vous a été réservé

 15   antérieurement auprès de cet officier ?

 16   R.  Non, vous ne pouviez pas le faire. Il y a eu des déclarations de

 17   détenus qui étaient du genre conventions de Genève, ceci et cela, et la

 18   réponse était vous imaginez laquelle. On était traités de façon à se sentir

 19   de moindre valeur, valeur moindre au torchon qu'on utilisait pour essuyer

 20   le sol. Donc il n'était pas question d'aller se plaindre de quoi que ce

 21   soit. Parce que ce qu'on risquait de subir, c'était pire encore, plus de

 22   (expurgé)

 23   (expurgé)

 24   (expurgé)

 25   (expurgé)

 26   (expurgé)

 27   M. GILLETT : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Peut-être

 28   devrions-nous expurger ? Je ne sais pas combien de détenus ont reçu des


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  1   visites pendant ce temps-là, donc il serait peut-être utile de prendre des

  2   précautions et expurger cette ligne.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je suis d'accord.

  4   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Certes.

  5   Q.  Je voulais encore demander autre chose. Si j'ai bien compris, vous

  6   aviez peur de vous plaindre auprès de cet officier parce que vous vous êtes

  7   imaginé que ça aurait été pire pour vous par la suite, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui. Mais je pense que tous avaient redouté ou pris peur de dire quoi

  9   que ce soit. Parce que ça n'avait pas de sens. Vous ne compreniez pas

 10   pourquoi tout ce qui vous arrivait était en train de se passer.

 11   Q.  Je vois que dans votre réponse antérieure vous avez mentionné des

 12   individus qui avaient fait référence aux conventions de Genève. Ce qui

 13   m'intéresse, c'est de savoir auprès de qui ont-ils évoqué les conventions

 14   de Genève, les officiers qui les ont interrogés ou les membres de la police

 15   militaire ?

 16   R.  La police militaire, c'est ce que j'ai appris, moi. Quand ils ont

 17   évoqué ces conventions de Genève, on leur a rétorqué de façon plutôt

 18   vilaine ce qu'ils faisaient des conventions de Genève. Donc, plus personne

 19   n'avait envisagé d'y faire référence, parce qu'ils savaient ce qui allait

 20   suivre.

 21   Q.  Mais personne n'a mentionné ces conventions auprès des officiers ?

 22   R.  On ne pouvait pas arriver jusqu'à ces officiers. On avait affaire aux

 23   policiers de la police militaire, Krasniqi et les deux autres.

 24   Q.  Et lorsque vous avez été interrogé pour des vérifications, j'imagine

 25   que leurs propos ont été vérifiés d'après ce que vous avez dit ?

 26   R.  Oui, ils ont été tabassés, et j'ai pu apprendre cela lorsqu'on les

 27   ramenait. Il y avait des gens qui s'évanouissaient à la simple

 28   interpellation de leurs noms parce qu'ils avaient peur.

 


Page 3991

  1   Q.  J'ai compris cela. Mais est-ce que certaines de ces personnes qui ont

  2   été convoquées, comme vous, pour que leurs propos soient vérifiés chez

  3   l'officier de la JNA, est-ce que quiconque s'est plaint auprès de

  4   l'officier en question pour faire référence aux conventions de Genève ?

  5   R.  Je ne peux pas le savoir. Mais je ne pense pas que cela ait pu avoir

  6   une finalité quelle qu'elle soit. J'ai l'impression que personne n'était

  7   intéressé par. Parce que s'ils avaient voulu nous assurer une vie meilleure

  8   dans l'environnement dans lequel nous nous trouvions, ça aurait pu se

  9   faire. On n'aurait pas été traités comme on l'a été. A un moment donné, on

 10   nous a tondu le crâne parce qu'on avait commencé à avoir des poux. Et

 11   pendant le mois où j'ai été là-bas, il y a eu un seul bain avant que d'être

 12   échangés. Et on le savait, ils ont pu le voir, cela. Porter plainte n'avait

 13   aucune finalité. On n'avait pas assez à manger.

 14   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. Je n'ai plus de questions pour vous.

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je viens de

 16   terminer.

 17   J'ai fini mon contre-interrogatoire, mais ça n'a pas été consigné au

 18   compte rendu -- je vois.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Maître Zivanovic.

 20   Questions supplémentaires.

 21   M. GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 22   Juges.

 23   Nouvel interrogatoire par M. Gillett : 

 24   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, dans votre dernière réponse, vous

 25   avez décrit la façon dont les détenus ont eu le crâne rasé, vous avez parlé

 26   des conditions de vie et le manque de vivres et vous avez dit qu'"ils en

 27   avaient conscience."

 28   Alors, qui est-ce qui, à votre avis, avait eu conscience de la chose ?

 


Page 3992

  1   R.  Je parlais des supérieurs, des officiers supérieurs de la JNA qui se

  2   trouvaient là-bas à être les éléments de commandement. Ils pouvaient donner

  3   l'ordre de changer telles ou telles choses. Ils ont pu voir les conditions

  4   dans lesquelles nous vivions, et je suppose que c'est en raison de

  5   l'évocation des conventions de Genève et des raisons pour lesquelles nous

  6   n'avions pas porté plainte à ce sujet auprès des officiers. C'est, je

  7   crois, ce que j'ai répondu à la question qu'on m'a posée.

  8   M. GILLETT : [interprétation] Pas d'autres questions supplémentaires.

  9   Merci, Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 11   Questions de la Cour : 

 12   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, j'ai une petite question de

 13   clarification. Je pense au transcript, à la page 37 -- transcript, page 37,

 14   lignes 18 à 25. Vous avez parlé du comité de crise à Suhopolje avant votre

 15   arrestation à Titov Vrbas. Je n'ai pas bien compris en quoi consistait ce

 16   comité de crise. Etait-il un petit comité constitué d'un petit nombre de

 17   personnes ou était-il une grande assemblée avec énormément de participants

 18   ? Première question.

 19   R.  C'étaient des gens du cru, des gens originaires de Suhopolje même. Les

 20   gens avec qui j'ai grandi, avec qui j'ai été à l'école. Ils se sont auto-

 21   organisés pour constituer une cellule de Crise. Une cellule de Crise, à mes

 22   yeux, c'est ce qu'on crée quand il y a, par exemple, des intempéries ou des

 23   catastrophes naturelles, pour résoudre des problèmes. J'imagine que c'est

 24   de façon analogue qu'ils avaient créé cette cellule de Crise pour se

 25   défendre de quoi que ce soit, et ils avaient redouté le fait de voir

 26   l'armée quitter la caserne -- ils avaient notamment redouté ce qui se

 27   passerait dans ce cas de figure-là.

 28   M. LE JUGE MINDUA : Alors, quel était le rôle de cette cellule de Crise ?

 


Page 3993

  1   C'était pour empêcher l'armée de quitter la caserne ou pour se battre

  2   contre les intervenants extérieurs ?

  3   R.  D'après ce que j'ai cru comprendre, il n'y avait pas la possibilité de

  4   les empêcher, il n'y avait pas avec quoi le faire. Ils n'avaient pas

  5   d'armes. Donc on ne pouvait pas empêcher l'armée de faire quoi que ce soit.

  6   Ils s'étaient juste auto-organisés. Tout village ou toute localité l'avait

  7   fait. Il y avait ce qu'on appelait la protection civile, et ils s'étaient

  8   mis à fonctionner de façon analogue. C'est ainsi que j'ai cru comprendre

  9   les choses. Mais je n'étais pas avec eux. Je ne résidais pas là à ce

 10   moment-là; je m'étais juste trouvé là. Des amis m'ont convoqué, m'ont fait

 11   venir, et j'ai essayé de fonctionner à leurs côtés de façon analogue sur le

 12   coup.

 13   M. LE JUGE MINDUA : D'accord. Je comprends mieux. Ça va. Merci.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, ceci met un terme

 15   à votre témoignage. Nous vous remercions d'être venu à La Haye pour aider

 16   ce Tribunal. Vous êtes à présent libre de vous en aller. Nous vous

 17   souhaitons un bon voyage de retour chez vous. Et nous allons demander à

 18   l'huissier de vous raccompagner pour vous faire sortir de ce prétoire.

 19   Grand merci.

 20   Passons à huis clos pour cela, je vous prie.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Messieurs les

 22   Juges. Merci.

 23   [Audience à huis clos]

 24   (expurgé)

 25   (expurgé)

 26   (expurgé)

 27   (expurgé)

 28   (expurgé)


Page 3994

  1   (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé)

  5   (expurgé)

  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y, Monsieur Stringer.

  8   M. STRINGER : [interprétation] Je vais essayer d'être le plus bref

  9   possible. Le témoin suivant a déjà témoigné auparavant dans une autre

 10   affaire, et la Défense a demandé à ce qu'une version en B/C/S de la

 11   transcription de sa déposition soit fournie, or cette transcription

 12   n'existe pas. Le Tribunal n'établi pas de comptes rendus en B/C/S. Il se

 13   peut que pour d'autres témoins cela ait été fait, mais pas pour celui-ci.

 14   Ce qui est pratiqué normalement dans ce type de situation, c'est de fournir

 15   un enregistrement audio de cette déposition antérieure en B/C/S pour servir

 16   de version en B/C/S, et ça a été la pratique que de ne pas communiquer ce

 17   type d'enregistrement à la Défense. Mais cela a également été rendu

 18   disponible au Greffe. Nous n'avons pas de version en B/C/S pour ce qui est

 19   de l'enregistrement audio du témoignage antérieur, mais si nous avons bien

 20   compris, la Défense souhaiterait disposer de la possibilité pour l'accusé

 21   de réécouter le témoignage de ce témoin antérieurement fourni avant que

 22   nous ne l'entendions ici. Nous n'avons pas obtenu cela de la part du

 23   Greffier, et la Défense non plus.

 24   Et ce que nous suggérerions, parce que nous nous sommes entretenus

 25   avec le Greffe pendant la pause d'aujourd'hui, et nous pensons que cet

 26   après-midi le Greffier pourrait fournir l'enregistrement audio. Nous

 27   pourrions donc le préparer et le rendre disponible à la Défense afin que M.

 28   Hadzic puisse entendre le témoignage antérieurement fourni et consulter ses


Page 3995

  1   conseils de la Défense avant le témoignage du témoin maintenant.

  2   Le témoin est -- enfin, nous avions demandé la possibilité d'avoir

  3   une heure pour l'interrogatoire principal. Et comme nous l'avons déjà fait

  4   savoir, ce sera un peu plus court, parce que pour le témoin d'après, nous

  5   sommes certains du temps que ça va prendre. Et nous voudrions fournir à la

  6   Défense l'opportunité de se procurer cet enregistrement audio afin qu'il

  7   puisse être réécouté par l'accusé.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que la Défense a quelque

  9   chose à ajouter ?

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous pensons

 11   qu'en application de l'article 66(A)(ii), M. Hadzic aurait le droit de

 12   disposer des déclarations antérieurement fournies par un témoin ou des

 13   témoins, et étant donné qu'il ne s'agit pas de déclarations ou de

 14   témoignages en application de l'article 92 ter, l'accusé aurait le droit de

 15   voir les transcriptions, mais pas les enregistrements audio antérieurs.

 16   Alors, nous demanderions à ce qu'à l'avenir dans ce type de situation, pour

 17   le cas où nous aurions un témoin 92 ter, il soit communiqué des

 18   transcriptions des témoignages antérieurs, soit sous forme audio, soit sous

 19   forme écrite si transcription il y a. Je sais qu'il y a des situations où

 20   ce type de transcription a déjà été généré, peut-être par des agences

 21   extérieures, ou alors cela se trouve peut-être sur le site internet du

 22   TPIY.

 23   Mais jusqu'à présent, je crois avoir compris qu'il n'y a eu que deux

 24   témoins à avoir témoigné en application du 92 ter, et le témoignage a été

 25   proposé comme étant une déposition antérieurement fournie par un témoin.

 26   Nous avons cru comprendre à un moment donné que ça ne nous a pas été

 27   communiqué pour ce qui est de la déposition antérieurement fournie

 28   s'agissant de ce témoin-ci et nous avons demandé au Procureur de nous


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  1   fournir ces enregistrements audio de chaque témoignage antérieurement

  2   fourni pour tout témoin, en particulier dans le cas de figure où le témoin

  3   viendrait à témoigner en application du 92 ter. Et partant de ce que je

  4   viens de dire, je demanderais à ce que l'audition du témoin présent soit

  5   remise à demain afin que M. Hadzic puisse se pencher sur la teneur de son

  6   témoignage.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon. Si j'ai bien compris, la

  8   déposition dont nous parlons maintenant, est-ce une déclaration en

  9   application du 92 ter ?

 10   M. STRINGER : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Il s'agit d'un témoignage antérieurement

 13   fourni devant ce même Tribunal. Et si je puis faire quelques commentaires

 14   additionnels --

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y.

 16   M. STRINGER : [interprétation] En réponse à ce que mon éminent confrère a

 17   dit, il y a deux autres témoins dont les dépositions sont proposées pour

 18   versement en application du 92 ter. Tout d'abord, il n'a jamais été

 19   auparavant suggéré que l'Accusation aurait l'obligation de communiquer la

 20   teneur de ce qu'il a déjà dit sous cette forme -- c'est-à-dire

 21   l'élaboration d'une transcription en B/C/S de ce qu'il a déjà déclaré. Ça,

 22   c'est nouveau. Et nous nous sommes entretenus pendant la pause pour essayer

 23   de voir s'il y a moyen, tout d'abord, d'identifier et de déterminer le

 24   nombre de ces témoins où la question pourrait se poser et où la demande

 25   pourrait être faite en ce sens.

 26   Et je pense que si l'Accusation essayait de produire des transcriptions en

 27   B/C/S partant des versions anglaises des transcriptions recueillies par le

 28   TPIY, ce serait une obligation qui serait mutuelle pour les deux parties au


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  1   procès, parce que la partie adverse peut également avoir des

  2   enregistrements audio s'agissant des dépositions faites par des témoins

  3   autres.

  4   Or, le service des traductions qui est chargé de ces versions,

  5   d'après l'expérience qui est la mienne, nous répond de façon systématique

  6   que ce service-là ne fournit pas de transcriptions. Parce que ceci

  7   signifierait qu'il y aurait une réécoute des enregistrements B/C/S et

  8   frappe de la teneur de ces enregistrements audio; et d'après ce que j'ai

  9   cru comprendre, le service CLSS ne le fait pas.

 10   Donc, d'un, je ne pense pas que nous ayons une obligation de

 11   communication de ce type de transcription. Par contre, nous pouvons nous

 12   pencher sur l'identité des témoins à venir du même type et le personnel du

 13   bureau du Procureur qui fait partie du service linguistique de l'Accusation

 14   pourrait être saisi pour qu'eux soient sollicités pour ce qui est des

 15   transcriptions de ce type, mais ceci se rapporte aux témoins à venir. C'est

 16   ce que j'avais voulu dire pour répondre à ce qui vient d'être dit. Nous ne

 17   considérons pas ceci comme étant une obligation de communication.

 18   Les transcriptions de l'affaire Seselj existent en B/C/S. Et je crois que

 19   c'est une ordonnance qui a été rendue de façon spécifique, parce que dans

 20   l'affaire en question l'accusé se défend lui-même. Et, en sus, comme mon

 21   confrère l'a dit, certaines organisations non gouvernementales qui sont

 22   extérieures au Tribunal ont élaboré ce type de transcription en B/C/S, mais

 23   je ne suis pas sûr de savoir que cela se rapporte aux témoins qui seront

 24   des témoins cités dans notre affaire à nous. Alors, à l'avenir, nous

 25   pourrions peut-être nous entretenir sur le sujet, mais nous ne pensons pas

 26   que nous nous opposerions à une requête de ce type. Mais pour répondre à la

 27   suggestion formulée par la Défense pour laisser entendre que ceci fait

 28   partie de notre obligation de communication de documents, je tiens à


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  1   entendre qu'il ne s'agit pas d'une violation quelle qu'elle soit de

  2   communication nous concernant. Nous ne savions pas que le problème se

  3   poserait parce que ça n'a pas été évoqué de par le passé.

  4   M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais par curiosité, dites-moi, lorsque

  5   des établissements extérieurs ont procédé à la frappe de transcriptions,

  6   est-ce qu'il y a eu des problèmes d'authenticité à aborder ?

  7   M. STRINGER : [interprétation] Nous n'avons jamais demandé le versement au

  8   dossier de transcriptions établies à l'extérieur pour ce qui est des

  9   paquets de documents en application du 92 ter. Il y a un témoin pour lequel

 10   ça a été fait - ça me vient à l'esprit maintenant - et quand je parle de ce

 11   type de transcription en B/C/S, c'est une transcription établie par un

 12   établissement extérieur. C'est une transcription du Tribunal pénal

 13   international. Et lorsque nous disposons de tout ceci, nous le communiquons

 14   à la Défense. Mais nous ne faisons pas de recherches pour voir si dans les

 15   ressources extérieures on serait susceptible de trouver des transcriptions

 16   d'un témoin antérieur de l'Accusation. Ce sont des sources qui sont

 17   disponibles à tout un chacun, et tout un chacun a libre accès à ce type de

 18   transcription. Donc nous ne nous sommes pas servi de ce type de

 19   transcription et nous ne demanderions pas un versement au dossier de ce

 20   type de document en application du 92 ter. Par analogie, dans le cas où

 21   l'Accusation prendrait sur soi l'obligation d'établir des transcriptions en

 22   B/C/S dans un esprit de coopération avec la Défense pour ce qui est des

 23   témoins à venir, étant donné qu'il s'agit de transcriptions du bureau du

 24   Procureur qui seraient confiées à nos assistants linguistiques, ce ne

 25   serait pas une transcription officielle de ce Tribunal international et

 26   nous ne considérerions pas que ceci constitue une transcription officielle.

 27   Parce qu'il n'y a que les membres de l'interprétation ou de la traduction

 28   qui en sont chargés.


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  1   M. GOSNELL : [interprétation] Pour préciser, si vous me le permettez,

  2   Monsieur le Président, nous ne disposons ni des enregistrements audio, ni

  3   des transcriptions concernant cette déclaration 92 ter, et c'est le

  4   problème auquel nous faisons face maintenant. Alors, si mes remarques ont

  5   été interprétées comme quelque chose relevant d'une allégation d'une

  6   conduite erronée, il y a une zone grise. Mais nous disons qu'en vertu de

  7   l'article 66(A)(ii), néanmoins, l'Accusation a l'obligation de communiquer

  8   les éléments en question et qu'ils doivent être fournis dans la langue de

  9   l'accusé. Alors, effectivement, nous pouvons résoudre cette situation en

 10   entendant les enregistrements audio, ce qui éclairera peut-être l'attitude

 11   adoptée par les Juges de la Chambre. Vous comprendrez combien il est

 12   difficile de travailler avec un enregistrement audio, avec une

 13   transcription de cet enregistrement audio, sans que les passages ne soient

 14   délimités sur un plan horaire. Nous voulons en fait pouvoir suivre à la

 15   fois en anglais et en B/C/S. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons

 16   avoir un enregistrement audio et une transcription à l'avenir.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pour l'instant, nous allons rendre

 18   une décision en ce qui concerne le témoin suivant. Je suis d'accord pour

 19   dire que le mieux sera de lever l'audience pour aujourd'hui et de permettre

 20   à la Défense d'écouter les enregistrements audio qui seront fournis par le

 21   Procureur. Est-ce que j'ai bien compris vos propos, Monsieur Stringer ?

 22   M. STRINGER : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. La

 23   commise à l'affaire a été en contact avec le greffier et les membres du

 24   Greffe, et on nous a dit que l'enregistrement audio pourrait être remis à

 25   l'Accusation cet après-midi. Il y aura peut-être une autre question

 26   logistique qui pourrait exiger de la part de la Chambre une décision,

 27   c'est-à-dire qu'il faudra remettre le CD à l'accusé au quartier

 28   pénitentiaire, car il y a des procédures qui doivent être appliquée dans ce


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  1   cas. Je pense que le Greffe sera en mesure de s'en occuper. Une fois que

  2   nous avons le CD, à ce moment-là l'Accusation ne peut pas garantir que ceci

  3   soit remis au quartier pénitentiaire.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je suppose qu'avec l'aide du Greffe,

  5   cela fonctionnera ?

  6   Monsieur le Greffier.

  7   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, le greffier me dit

  9   que dans ce cas, vous devriez fournir le CD avant 16 heures. C'est possible

 10   pour vous ?

 11   M. STRINGER : [interprétation] Je suppose que dès que nous l'obtiendrons du

 12   Greffe, nous le remettrons au Greffe. Il y a en fait des règles techniques

 13   que nous devons respecter --

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je n'essaie pas de comprendre cela,

 15   Monsieur Stringer.

 16   La question de la manière dont il faudra procéder à l'avenir dans un cas

 17   comme celui-ci, je crois qu'il faut un petit peu de temps. Nous devrons y

 18   consacrer du temps et y réfléchir. Nous allons peut-être même demander des

 19   arguments écrits, que ceci soit présenté par écrit, mais si tel est le cas,

 20   nous vous le ferons savoir.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Sur ce point -- aujourd'hui, nous allons

 22   voir combien de témoins dans le cadre du 92 ter existent et nous allons

 23   voir s'il existe une transcription de leurs dépositions. Dans ce cas, nous

 24   pourrons peut-être trouver un arrangement avec la Défense. Si cela leur

 25   convient, dans ce cas nous aurons peut-être le temps pour faire cela.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions,

 27   l'audience est levée.

 28   --- L'audience est levée à 12 heures 07 et reprendra le jeudi 2 mai 2013, à


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  1   9 heures 00.

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