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1 Le mercredi 1er mai 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes
6 présentes dans le prétoire et autour du prétoire.
7 Monsieur le Greffier, veuillez citer le numéro de l'affaire, s'il vous
8 plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Ceci est
10 l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
12 Les présentations, s'il vous plaît.
13 M. STRINGER : [interprétation] Bonjour. Pour l'Accusation, Monsieur le
14 Président, Ivana Martinovic; Thomas Laugel, notre commis à l'affaire;
15 Matthew Gillett; et moi-même, Douglas Stringer.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. La Défense.
17 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Pour la Défense de Goran Hadzic, Zoran
18 Zivanovic et Christopher Gosnell, Messieurs les Juges.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
20 La Chambre va à présent rendre une décision au sujet de la dixième requête
21 de l'Accusation visant à une modification de sa liste de pièces en
22 application de l'article 65 ter, requête du 19 avril. Je crois avoir
23 compris qu'il n'y a pas d'objection de la Défense. Est-ce bien le cas ?
24 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
26 L'Accusation a demandé l'autorisation d'ajouter trois photographies à
27 sa liste de pièces 65 ter, ce à quoi la Chambre de première instance fait
28 droit, tout en relevant que tant la huitième que la dixième requêtes en ce
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1 sens de l'Accusation ont pour origine des documents identifiés le 18 mars
2 2013 par l'Accusation. La Chambre estime qu'il serait plus efficace pour
3 tout le monde si l'Accusation pouvait réexaminer l'ensemble de ces
4 documents et soumettre une requête d'ensemble demandant l'ajout de toute
5 pièce supplémentaire qu'elle souhaiterait voir annexée à sa liste en
6 application de la l'article 65 ter.
7 S'il n'y a rien d'autre, nous pouvons faire venir le témoin suivant. Nous
8 passons d'abord à huis clos.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Monsieur le
10 Président.
11 [Audience à huis clos]
12 (expurgé)
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18 (expurgé)
19 [Audience publique]
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
21 Bonjour, Monsieur le Témoin. Merci d'être venu apporter votre aide au
22 Tribunal à La Haye. Tout d'abord, m'entendez-vous dans une langue que vous
23 comprenez ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Monsieur le Témoin, vous
26 bénéficiez de mesures de protection, nous n'allons donc pas utiliser votre
27 nom. Nous nous référerons à vous en disant tout simplement M. le Témoin ou
28 par le numéro de témoin qui vous a été attribué.
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1 Monsieur Gillett, je suppose que vous avez préparé une fiche de pseudonyme
2 ?
3 M. GILLETT : [interprétation] Oui. Il s'agit du document 6412 dans la liste
4 65 ter.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, veuillez examiner
6 la fiche qui se trouve maintenant à l'écran et nous dire si vos nom et date
7 de naissance sont exacts.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout est exact.
9 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Vous allez dans quelques
10 instants lire le texte de la déclaration solennelle par laquelle les
11 témoins s'engagent à dire la vérité. Je dois vous dire qu'en vertu de cette
12 déclaration solennelle, une fois que vous l'aurez prononcée, vous vous
13 exposerez aux peines prévues pour faux témoignage si jamais vous donnez des
14 informations non véridiques à ce Tribunal. Veuillez maintenant lire ce
15 texte.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
18 LE TÉMOIN : GH-071 [Assermenté]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup. Je vous invite à vous
21 installer.
22 Nous allons verser la fiche de pseudonyme, Monsieur le Greffier.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] La fiche est versée sous pli scellé avec
24 le numéro de cote P1637.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A vous, Monsieur Gillett.
26 M. GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
27 Messieurs les Juges. Et bonjour à tout un chacun dans cette salle
28 d'audience.
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1 Interrogatoire principal par M. Gillett :
2 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous m'entendez bien ?
3 R. Oui.
4 M. GILLETT : [interprétation] Je souhaiterais que nous passions à huis clos
5 partiel pour quelques questions, s'il vous plaît.
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons donc à huis clos partiel.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
8 Messieurs les Juges.
9 [Audience à huis clos partiel]
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11 [Audience publique]
12 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
13 Q. Monsieur le Témoin, quel était le climat en Slavonie orientale et en
14 Vojvodine à la mi-1991 et vers la fin de 1991 ?
15 R. Il devenait plus difficile de se déplacer. La dernière fois où j'ai pu
16 utiliser l'autoroute, c'était vers la mi-1991. Les gens devenaient de plus
17 en plus intolérants les uns envers les autres lorsqu'ils appartenaient à
18 différents groupes ethniques, je parle des Croates et des Serbes.
19 Q. Vous avez dit qu'il était de plus en plus difficile de se déplacer. Si
20 nous avançons maintenant jusqu'au mois de novembre 1991, est-ce qu'à ce
21 stade-là vous aviez déjà été arrêté dans vos déplacements d'une façon ou
22 d'une autre ?
23 R. Lorsque je revenais à Novi Sad en provenance de Zagreb en voiture et en
24 empruntant l'autoroute, un groupe d'hommes en uniforme de la JNA ont fait
25 irruption à partir des champs sur la route, ils m'ont arrêté, ils ont
26 fouillé mon véhicule, ils m'ont demandé de présenter mes papiers
27 d'identité, ils m'ont interrogé en me demandant où j'allais. Et en allant
28 vers la Vojvodine, j'ai de nouveau été arrêté en chemin et interrogé de la
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1 même façon dans les rues de Novi Sad. C'était donc le même type de
2 situation. En fait, chaque fois ensuite que je me déplaçais vers la
3 Slavonie, je passais par la Hongrie.
4 Q. Avez-vous été arrêté à Titov Vrbas ?
5 R. Oui. Je suis allé travailler à Titov Vrbas avec un collègue qui était
6 Serbe. J'étais assis dans la voiture pendant que lui faisait la
7 présentation de ses produits cosmétiques, et c'est alors que deux personnes
8 en habits civils m'ont fait sortir assez brutalement de la voiture. Ils ont
9 attendu que mon collègue revienne et ils nous ont emmenés au SUP de Vrbas.
10 Q. Où se trouve Titov Vrbas, dans quel Etat ?
11 R. C'est en Vojvodine, à une cinquantaine de kilomètres de Novi Sad, où je
12 résidais.
13 Q. A quel groupe ethnique appartenez-vous ?
14 R. Je suis Croate.
15 Q. Lorsque vous avez été arrêté à Titov Vrbas, les personnes qui vous ont
16 arrêté, vous ont-elles donné la moindre raison quant à votre arrestation ?
17 R. Non, ils ne m'ont pas dit pourquoi, mais à ce moment-là il y avait déjà
18 eu les événements de Borovo Naselje, et cetera, et ils ont probablement
19 aussi réagi en raison des plaques d'immatriculation de Virovitica que
20 j'avais sur ma voiture.
21 Q. Qu'avaient-ils, donc ? A quoi ils auraient réagi en voyant vos plaques
22 d'immatriculation ?
23 R. C'étaient des plaques d'immatriculation d'une localité de Croatie. Et,
24 en Vojvodine, il y avait beaucoup de voitures qui circulaient avec de
25 telles plaques. Les gens déménageaient probablement.
26 Q. Vous dites que vous avez été emmenés au poste de police de Titov Vrbas.
27 Qu'ont-ils fait une fois que vous êtes arrivés là-bas ?
28 R. Ils nous ont séparés, mon collègue et moi. Pendant quatre ou cinq
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1 heures, nous sommes restés sur place. Ils ont commencé à nous interroger.
2 Ils m'ont demandé pourquoi j'étais là-bas, ce que je faisais, et cetera. Il
3 y en a un qui a commencé à être assez brutal, mais ils l'ont arrêté. Et ils
4 ont ensuite continué à m'interroger pour ainsi déterminer qui j'étais,
5 pourquoi j'étais là, et cetera.
6 Q. Est-ce qu'après avoir passé ces quelques heures au poste de police de
7 Titov Vrbas vous avez été emmenés à un autre endroit ?
8 R. Nous avons tous les deux été placés à bord d'une voiture de la police.
9 Il y avait trois hommes devant. L'un d'eux pointait son pistolet sur nous
10 pendant tout le trajet. C'était un policier en uniforme qui conduisait. Et
11 nous avons pris le chemin de Novi Sad où j'ai été emmené au SUP, qui était
12 le SUP pour toute la province probablement, l'administration de la police.
13 Q. Que s'est-il passé au SUP régional ?
14 R. Ils ont continué à m'interroger, et j'ai appris ensuite qu'ils avaient
15 laissé repartir mon collègue. Moi, ils m'ont retenu jusqu'à près de 2
16 heures du matin. Il y avait des policiers et des enquêteurs qui venaient à
17 tour de rôle selon le système du bon et du méchant. Donc, en jouant
18 alternativement ces rôles, ils ont essayé d'obtenir le plus d'information
19 possible de moi. Vers 2 ou 3 heures du matin, ils m'ont ramené à Novi Sad
20 en m'ordonnant que je revienne le lendemain matin. Ils ont conservé ma
21 voiture, mes papiers d'identité, les affaires que j'avais dans ma voiture
22 également, les échantillons commerciaux. Et après que je sois revenu au SUP
23 le jour suivant, j'ai de nouveau été interrogé jusqu'à 2 heures ou 3 heures
24 du matin, dans la nuit donc. Ils étaient de plus en plus brutaux, mais ils
25 ne m'ont pas battu. Ils me menaçaient de m'emmener à Papuk, sur la ligne de
26 front. C'était encore une fois jusqu'à 2 heures ou 3 heures du matin. Ils
27 m'ont emmené dans une voiture sans plaques d'immatriculation jusqu'à
28 l'endroit suivant, et ce n'est qu'après que j'ai appris que cet endroit
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1 s'appelait Paragovo et qu'il s'agissait d'une caserne. Ils m'ont remis aux
2 soldats de l'armée.
3 Q. Est-ce que qui que ce soit d'autre a été détenu en même temps que vous
4 à la caserne de Paragovo ?
5 R. Ils m'ont emmené vers ce qui était probablement organisé comme une
6 prison. Il y avait sept ou huit personnes qui s'y trouvaient déjà dans une
7 pièce de 10 ou 12 mètres carrés avec des barreaux aux fenêtres. Il y avait
8 des couchettes ou des lits de fortune sur toute la surface. Les gens
9 étaient allongés presque les uns en travers les autres. C'est là que j'ai
10 été placé jusqu'au matin, et il y avait un policier militaire en uniforme
11 avec une ceinture blanche qui montait la garde en permanence sur place, qui
12 assurait la garde de cette prison. Le matin, on nous faisait sortir en
13 rang. On avait les mains dans le dos, et nous devions marcher en gardant
14 notre tête basse. Ils nous ont fait nettoyer cette partie de la caserne. Et
15 vers midi, ils m'ont convoqué pour interrogatoire supplémentaire. J'ai vu
16 qu'il y avait là des hommes en uniforme de l'armée. Il y avait un
17 capitaine, je crois, et je ne me rappelle pas les autres grades maintenant.
18 Mais en tout cas, il y a eu un interrogatoire après. Ils essayaient
19 d'obtenir de moi ce que je savais. Je dois dire qu'à ce stade-là ils ne
20 m'ont pas battu. Dans l'ensemble, ils sont restés corrects. Ils m'ont
21 simplement bousculé. (expurgé) était un capitaine de la JNA à la
22 retraite. J'étais marié. Tout cela, ils l'ont probablement appris. Je n'ai
23 pas réussi à comprendre pourquoi, parce que les autres étaient battus, mais
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 Q. Excusez-moi, je voudrais vous interrompre à ce stade. Est-ce que vous
27 vous rappelez qui étaient les personnes qui étaient détenues en même temps
28 que vous ? Est-ce que vous vous rappelez ne serait-ce qu'un nom ?
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé). Je ne me rappelle pas son nom. Il voyageait à bord de son
4 véhicule. Je ne sais pas vers où il a été retenu, et il avait déjà passé
5 pas mal de temps sur place au moment où je suis arrivé. Plus tard, au camp,
6 j'ai reconnu deux ou trois personnes parmi lesquelles se trouvait le Dr
7 Mladen Loncar. Je l'ai vu au camp après. Et il y avait quelques réservistes
8 qui sont arrivés en uniforme, donc probablement qu'ils essayaient d'éviter
9 les soldats de l'armée. Il y en avait deux également qui étaient
10 originaires de villes ou de villages croates qui ne voulaient pas rejoindre
11 la réserve. Eux aussi ont été arrêtés après cette manifestation à laquelle
12 ils ont participé parce qu'ils refusaient de rejoindre les rangs de
13 l'armée, et ils les ont placés également sur place. Dans l'ensemble, c'est
14 ce dont je me souviens.
15 Q. Vous avez dit avoir vu Mladen Loncar également au camp. Mais de quel
16 camp parlez-vous ?
17 R. Après deux ou trois jours d'interrogatoire, ils m'ont laissé, moi tout
18 seul, dans une voiture fermée. Il y avait juste une petite lucarne, une
19 petite fenêtre du côté du conducteur. Ils m'ont emmené dans une direction
20 inconnue, et j'ai ensuite seulement compris que c'était le camp où j'ai vu
21 plus tard Loncar et deux ou trois autres hommes de Paragovo, le camp de
22 Begej [phon].
23 Q. Où se trouve le camp de Begej, dans quel Etat ?
24 R. Il se trouve près de Srpska Crnja en Vojvodine, au-dessus de Zrenjanin
25 en Vojvodine, dans la partie est de la Vojvodine.
26 Q. Est-ce que le nom de ce camp peut également se lire
27 Begejci ?
28 R. Oui. Il y a une localité à proximité qui s'appelle Begejci.
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1 Q. Merci. Je vais maintenant vous poser quelques questions sur le camp de
2 Begejci.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett, je souhaiterais que
4 nous passions à huis clos partiel.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
6 le Président.
7 [Audience à huis clos partiel]
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
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16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 [Audience publique]
20 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
21 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous êtes arrivé pour la première fois au
22 camp de Begejci, quel accueil vous a-t-on réservé ?
23 R. Eh bien, franchement, j'avais assez peur dans cette voiture où l'on
24 m'emmenait après m'avoir menacé de me conduire à Papuk, parce que j'avais
25 déjà entendu des rumeurs qui disaient qu'il y avait une ligne de front qui
26 passait là-bas, que c'était la guerre. Donc, moi, on m'emmenait dans une
27 direction inconnue, et le premier endroit où nous nous sommes arrêtés,
28 c'était à Novi Sad. A ce moment-là, j'ai cru qu'ils me ramenaient chez moi.
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1 Mais la portière de la voiture s'est ouverte et des policiers militaires en
2 uniforme avec une ceinture blanche, des policiers militaires de la JNA, ont
3 ouvert les portières en lançant des commentaires du type : "Oustachi, on va
4 t'égorger maintenant." Et, bien entendu, j'ai compris immédiatement qu'on
5 ne me ramenait pas chez moi. Ils ont continué à m'emmener vers un endroit
6 que je ne connaissais pas. A travers la petite lucarne qui donnait sur
7 l'avant du véhicule où se trouvait le conducteur, j'ai vu que nous
8 traversions une forêt, donc j'ai commencé de nouveau à penser que quelque
9 chose allait m'arriver. Et puis, nous sommes arrivés dans une zone où il y
10 avait des étables, un complexe qui était entouré d'une clôture, donc j'ai
11 vu qu'on était arrivés quelque part. Ils m'ont fait sortir assez
12 brutalement de la voiture, ils ont commencé à m'asséner des coups sur le
13 dos, les bras, le cou. L'homme qui m'a accueilli sur place en uniforme m'a
14 poussé contre le fil de la clôture. On me hurlait dessus, on m'insultait,
15 et je faisais attention de ne pas me couper en tombant sur ces fils de la
16 clôture. Donc j'ai été choqué par ce qui m'arrivait. Et ils m'ont fait
17 entrer à l'intérieur de la clôture, en direction de cette grande étable où
18 il y avait deux hommes à l'entrée qui m'ont pris en charge et m'ont fait
19 entrer. Moi, j'ai regardé un peu autour de moi et j'ai vu que c'était un
20 espace très grand, 20 mètres par 40 mètres. C'était donc cette étable
21 silencieuse où il y avait des hommes allongés à même le sol, recouverts de
22 couvertures militaires. Et, de nouveau, l'un de ces policiers militaires
23 était assis à une sorte de table qui avait été installée temporairement sur
24 place, il a commencé à m'interroger, me demandant qui j'étais, combien
25 d'hommes j'avais tués, quelles armes j'avais portées. Pendant tout ce
26 temps, les deux autres me tenaient, j'avais les mains dans le dos et la
27 tête penchée vers le sol. Ils ont commencé à être brutaux. L'autre s'est
28 levé, il marchait avec une espèce de matraque. Il a marché à côté de moi et
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1 j'ai eu l'impression qu'il allait me frapper avec cette matraque, donc je
2 me suis un peu recroquevillé. Il a commencé à insulter ma mère et a
3 commencé à me frapper. Les deux autres me tenaient toujours et ils me
4 frappaient, mais en fait, c'est plutôt aux épaules qu'à la tête qu'il m'a
5 touché. Et ensuite, il a ordonné que je sois placé à l'endroit où j'ai
6 passé tout le mois suivant.
7 Q. Je voudrais revenir un peu sur une petite série de détails que vous
8 avez avancés. Vous avez parlé de la police militaire qui vous avait
9 bousculé vers cette clôture avec des fils. Vous connaissez le nom de
10 l'individu en question ?
11 R. J'ai appris par la suite que son surnom était Zare. Il avait plusieurs
12 surnoms. Sur tous des surnoms, on entendait Vojo, Zare, il y en a un que
13 l'on appelait Rambo. Je ne sais pas trop. Il y avait un Borko aussi. Mais
14 ils étaient plusieurs. Il y avait sept ou huit individus, dix au plus, si
15 je me souviens bien, qui venaient parmi nous dans cette étable, qui
16 entraient dans la partie où on était installés. Les autres, c'étaient des
17 réservistes qui étaient assis sur le sol avec un fusil à la main. Parce
18 qu'ils devaient forcément avoir déjà convenu du fait de savoir qui pouvait
19 entrer à l'intérieur et qui non.
20 Q. Quel uniforme portait cet individu dont le surnom était Zare ?
21 R. Il portait un uniforme de la JNA avec un ceinturon blanc qu'il portait
22 parfois et qu'il ne portait pas d'autres fois. Mais c'étaient des vêtements
23 de la JNA. Rambo, c'était l'un de ces hommes qui portaient un uniforme de
24 camouflage, si je m'en souviens bien.
25 Q. Vous avez mentionné le fait que vous étiez entré dans un grand hall et
26 qu'on vous a posé des questions et qu'on vous a malmené physiquement par un
27 certain nombre d'individus. Savez-vous nous dire les noms de ces individus
28 qui se trouvaient à l'intérieur de ce hall principal ?
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1 R. Les deux qui me tenaient, j'ai cru comprendre par la suite que
2 c'étaient des gens qui avaient le même statut que moi, c'étaient des
3 prisonniers, mais ils étaient des intermédiaires entre nous autres, les
4 prisonniers, et les autres, c'est-à-dire les soldats, l'armée. Ils étaient
5 censés se trouver tout le temps à l'entrée, c'est là qu'ils dormaient. Il y
6 en avait un qui devait toujours être éveillé pour le cas où quelqu'un
7 voudrait aller aux toilettes, parce que ça se trouvait à l'extérieur de
8 cette salle. Donc il fallait qu'on s'adresse à lui. Et quand on nous
9 appelait pour des interrogatoires, la procédure normale voulait que eux
10 nous convoquent, nous interpellent et nous accompagnent jusqu'à l'entrée de
11 la pièce. Il y avait un Mirko qui venait de Bilje, je ne connais pas son
12 nom de famille, et il y avait un Krasniqi, on l'appelait comme cela, un
13 Albanais. Je ne sais pas de quelle façon il avait abouti là.
14 Q. Et lorsque ces deux individus vous tenaient, quand vous êtes d'abord
15 entré dans ce grand hall, est-ce que les policiers de la police militaire
16 leur avaient dit à un moment donné de s'arrêter à tel endroit ?
17 R. Non, rien. Personne n'a rien dit. J'ai vu par la suite que c'était la
18 procédure normale. Parce que tous les nouveaux qui venaient, c'étaient des
19 coups ou bien il y a un petit tabassage et des questions, et j'ai vu qu'ils
20 s'entraînaient à donner des coups de karaté à des personnes et qu'on
21 envoyait contre le mur de la sorte. C'était donc le sort réservé à la
22 plupart des nouveaux qui arrivaient. On était battus pendant quelques
23 jours, puis on nous interrogeait ensuite, et c'était avec tout le monde que
24 l'on faisait la même chose. On se couvrait avec des couvertures par-dessus
25 la tête pour ne pas avoir à regarder les traitements infligés. On ne
26 pouvait qu'entendre les coups.
27 M. GILLETT : [interprétation] J'aimerais qu'on nous affiche maintenant la
28 pièce 65 ter 2415 sur nos écrans, sans pour autant que ce soit diffusé de
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1 façon à être visible par le public, et j'aimerais que l'on nous montre
2 l'intercalaire 4. Nous n'avons besoin que de l'original. Puisque c'est un
3 tableau, un diagramme. Et j'aimerais qu'on le tourne de 90 degrés dans le
4 sens des aiguilles d'une montre. Merci.
5 Q. Alors, est-ce que vous reconnaissez ce diagramme,
6 Monsieur ?
7 R. Oui, c'est un schéma de ce camp de Begejci.
8 Q. Et qui a dessiné ceci, je vous prie ?
9 R. C'est moi qui ai tracé ce croquis, en me fondant sur mes souvenirs.
10 Mais je ne sais plus quand est-ce que j'ai fait ce dessin.
11 M. GILLETT : [interprétation] J'aimerais qu'on nous fournisse un peu
12 d'aide. Monsieur l'Huissier, pouvez-vous équiper le témoin d'un stylet.
13 Q. Monsieur, je voudrais que vous mettiez un numéro 1 pour nous montrer
14 l'emplacement où on vous a balancé contre la clôture lorsque vous êtes
15 arrivé dans ce camp.
16 R. [Le témoin s'exécute]
17 Q. Et est-ce que vous pouvez montrer avec une flèche le sens de
18 déplacement que vous avez suivi lorsque vous êtes arrivé à bord de ce
19 véhicule ?
20 R. Vous voulez que je dessine le véhicule ? Voilà, le véhicule se trouvait
21 là, et on m'a pris d'ici vers là-bas.
22 Q. Merci.
23 M. GILLETT : [interprétation] Les Juges de la Chambre vont remarquer qu'il
24 y a des termes qui sont annotés. Il y a une traduction anglaise qui se
25 trouve rattachée à la plupart de ces termes.
26 Q. Alors, Monsieur le Témoin, l'un des sites c'est un nid de mitrailleuse.
27 D'abord, est-ce que vous pouvez me dire si vous voyez ce nid de
28 mitrailleuse; et, si oui, est-ce que vous pouvez indiquer dans quelle
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1 direction ce nid de mitrailleuse était tourné ?
2 R. Alors, je marque ce nid de mitrailleuse. Et c'était tourné vers la
3 porte d'entrée qui se trouvait quant à elle ici. Donc, c'est vers l'entrée
4 que cette mitrailleuse était tournée constamment. Mais je précise aussi
5 qu'il y avait ici une clôture en fil de fer, un treillis en fil de fer. Et
6 la mitrailleuse, elle, se trouvait de l'autre côté de la clôture.
7 Q. Et est-ce que cette clôture se trouvait à droite à côté de la
8 mitrailleuse ?
9 R. Juste à côté du nid de mitrailleuse, à une quinzaine de mètres de
10 l'entrée de l'étable, de cette grande pièce où nous étions couchés.
11 M. GILLETT : [interprétation] Je fais remarquer pour le compte rendu
12 d'audience que l'emplacement de la mitrailleuse est marqué avec un X, avec
13 un petit triangle en haut.
14 Q. Monsieur, est-ce que vous pouvez nous indiquer cette principale étable
15 à laquelle vous avez fait référence en mettant un grand cercle autour.
16 R. [Le témoin s'exécute]
17 Q. Alors, dans le cadre de ce cercle, à gauche de ce bâtiment
18 rectangulaire, il y a des lignes qu'on voit, deux lignes plus ou moins
19 parallèles. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce dont il s'agit là ?
20 R. C'était un petit emplacement couvert. Il y avait une espèce de guérite
21 ou de place -- une surface où l'on pouvait mettre les plats, où on mettait
22 nos plats en matière plastique quand on recevait à manger.
23 Q. Est-ce que vous pouvez mettre un numéro 2 à l'emplacement que vous
24 venez de nous décrire.
25 R. [Le témoin s'exécute]
26 Q. Merci.
27 M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais revenir plus
28 tard vers ce schéma avec d'autres annotations. Je voudrais demander une
Page 3959
1 cote MFI entre-temps pour ne pas à ce que nous ayons des copies en
2 plusieurs exemplaires s'agissant de ce même schéma.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Monsieur Gillett, nous allons
4 attribuer une cote MFI à ce document.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1638, MFI, sous pli
6 scellé. Merci.
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Continuons.
8 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
9 J'aimerais maintenant qu'on nous affiche la pièce 65 ter 6413 sur nos
10 écrans, et là aussi, ça devrait être l'intercalaire numéro 5. Et ce dont on
11 a besoin, c'est la page 2.
12 Q. Au vu de la photo du haut - et j'aimerais qu'on l'agrandisse - alors,
13 est-ce que vous pouvez décrire ici de quoi il s'agit ?
14 R. C'est le numéro 2 que j'ai indiqué tout à l'heure, c'est l'endroit où
15 on nous donnait à manger. C'était couvert, une espèce d'auvent, et entre
16 les petits piliers il y avait des endroits de prévus pour que l'on puisse
17 placer nos assiettes. On voit que c'était là un moment où on était en train
18 de distribuer à manger.
19 M. GILLETT : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on nous montre
20 la photo du bas, s'il vous plaît.
21 Q. Alors, ces gens qui sont alignés, que font-ils ?
22 R. Ça, c'était la queue qu'on faisait pour aller manger. Cette façon de
23 procéder n'était pas habituelle; on devait pencher la tête. Mais c'était,
24 je crois, très près de l'endroit où l'on prenait à manger, donc là on
25 pouvait relever la tête. C'était donc juste avant le moment où on recevait
26 la gamelle.
27 Q. Mais pourquoi deviez-vous pencher la tête ?
28 R. C'était la façon de procéder depuis l'arrivée à Paragovo. Les mains
Page 3960
1 dans le dos, la tête baissée, on n'était pas censé regarder les gens
2 autour. Moi, on m'avait donné l'ordre -- les gardiens qui se trouvaient
3 maintenant de l'autre côté de cette clôture, il y avait un homme qui avait
4 regardé le gardien, et moi, on m'a mis en garde. Je n'ai pas réagi tout de
5 suite. Cet homme l'avait regardé, et le gardien m'a dit : Colle-lui une
6 gifle parce qu'il regarde. Je n'ai pas voulu le faire, alors il a donné
7 l'ordre à l'autre de me donner une gifle à moi, et c'est ce qu'il a fait.
8 Donc il fallait que nous baissions la tête, et c'était la seule façon de
9 faire.
10 Q. Quand cet homme a reçu l'ordre de vous coller une gifle, est-ce qu'il
11 l'a fait ?
12 R. Oui, il l'a fait, mais il ne m'a pas frappé fort. Parce qu'il savait
13 que si je ne le faisais pas, on allait en pâtir tous les deux. Je n'ai pas
14 réagi, et je savais forcément que si je réagissais, on connaîtrait le même
15 sort.
16 M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement
17 au dossier de ce document 6413.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé au dossier et annoté.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1639.
20 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
21 Je voudrais maintenant qu'on nous montre le diagramme ou le schéma 2415,
22 qui a déjà été versé au dossier avec une cote MFI, le P1638. Et à ce titre,
23 j'aimerais que nous passions à huis clos partiel brièvement, pour une
24 question.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
27 Messieurs les Juges.
28 [Audience à huis clos partiel]
Page 3961
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 [Audience publique]
16 M. GILLETT : [interprétation]
17 Q. Monsieur le Témoin, ce petit pointillé à l'intérieur de l'étable,
18 qu'est-ce que ça indique ?
19 R. C'étaient des gens couchés. J'ai essayé de schématiser les choses de la
20 sorte. Au moment où on m'a fait m'installer là, à l'endroit qui est indiqué
21 avec le numéro 3, c'était plein du côté gauche et du côté droit, alors côté
22 des murs. Et puis, il y avait une ligne qui allait d'un côté jusqu'à la
23 porte, et j'ai marqué un numéro 3, où on avait déjà rempli une quatrième
24 rangée de personnes couchées. On devait être à peu près 300. Je ne peux pas
25 vous dire autre chose, c'est ce que j'ai évalué. C'était éclairé la nuit
26 avec des réflecteurs placés aux quatre coins, et nous passions notre temps
27 essentiellement couchés avec un peu de paille et du béton en bas. Il y
28 avait une toile de tente ainsi qu'une couverture pour chacun d'entre nous.
Page 3962
1 M. GILLETT : [interprétation] Alors, si nous versions ceci au dossier sous
2 pli scellé, nous n'aurions pas à expurger la référence au numéro 3 faite
3 tout à l'heure.
4 Q. Monsieur, lorsque vous avez été détenu dans ce hall ou cette grande
5 salle, savez-vous nous dire à peu près le nombre total des détenus qui se
6 trouvaient gardés là pendant que vous vous trouviez à cet endroit ?
7 R. Quand je suis entré dans cette étable pour la première fois, j'ai
8 estimé à quelque 300 personnes le nombre des individus se trouvant dedans,
9 qui étaient là depuis à peu près un mois avant que je ne vienne. Par la
10 suite, 500 ou 530. Je crois que le chiffre de 530 avait été avancé. Parce
11 que quand on avait 500 personnes, les gens dormaient déjà dans ces espèces
12 d'auges où l'on donnait à manger au bétail. Je ne sais pas trop comment ça
13 s'appelait. Mais c'est cette espèce de grand récipient bétonné qui se
14 trouvait le long du mur et c'est là qu'on mettait de quoi nourrir le
15 bétail.
16 Q. C'est bien cela. Bon. Alors, d'où venaient la plupart de ces détenus ?
17 R. Ils venaient de la partie est de la Slavonie, Opatovac, Ilok, Bapska,
18 Sotin, jusqu'à la chute de Vukovar. C'est -- au numéro 3, c'étaient ensuite
19 des gens de Vukovar qu'on avait acheminés là, des civils.
20 M. GILLETT : [interprétation] Je voudrais que l'on nous affiche maintenant
21 le 65 ter 2916.1, s'il vous plaît.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et qu'adviendra-t-il de celui-ci ?
23 M. GILLETT : [interprétation] Nous allons y revenir. J'aimerais que l'on
24 garde le MFI de tout à l'heure, c'est-à-dire le P1638.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon, on va le sauvegarder avec les
26 nouvelles annotations.
27 M. GILLETT : [interprétation] Grand merci.
28 Merci.
Page 3963
1 Q. Alors, Monsieur le Témoin, ici nous avons une liste de personnes qui
2 sont listées comme étant détenues à Begejci. Est-ce que vous pouvez
3 parcourir la liste et indiquer les individus que vous avez été à même de
4 reconnaître, d'identifier ?
5 R. Oui, je me suis penché sur la liste déjà et j'ai déjà apporté mes
6 annotations.
7 M. GILLETT : [interprétation] Nous les avons surlignées. Si vous vous
8 penchez sur la page 5, vous pouvez voir l'une de ces listes affichée. Et en
9 parcourant la liste, vous verrez des annotations similaires.
10 Q. Quand il s'agit des individus qui sont indiqués ici - je ne vais pas
11 donner leurs noms pour ne pas révéler votre identité - mais est-ce que vous
12 pouvez nous décrire comment cet individu a été traité pendant qu'il était à
13 Begejci ?
14 R. Il est arrivé à peu près jusqu'au même endroit que moi, que j'avais
15 indiqué avec le numéro 3, me semble-t-il. Lui était déjà passé par ce que
16 j'avais vécu moi-même, mais il y a des points de détail qui d'après les
17 récits m'ont fait savoir qu'il a été suspendu par ses bras à un pilier et
18 ça a laissé des conséquences. Il n'a plus été à même de sentir les paumes
19 de sa main et les doigts des deux mains parce que ses nerfs ont été
20 endommagés. Il a passé deux jours accroché comme cela. Il a été battu en
21 même temps. Cela faisait partie de la procédure normale.
22 M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, vous allez remarquer que
23 sur la liste il a identifié huit individus, mais le nom de ce témoin n'est
24 pas indiqué dans la liste.
25 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez nous dire comment vous avez
26 fait pour reconnaître ces gens parmi les quelques centaines et comment se
27 fait-il que votre nom ne s'y trouve pas ?
28 R. Moi, je venais d'une autre partie des territoires. C'étaient des gens
Page 3964
1 venus des mêmes villages, ils se connaissaient entre eux. Et les autres ne
2 pouvaient pas connaître mon nom, parce qu'ils n'étaient pas à proximité de
3 là où je me trouvais pendant le mois et quelques que je me suis trouvé là
4 pour le savoir. Mais je vous dis qu'il s'agissait essentiellement de
5 groupes d'individus qui étaient originaires des mêmes localités de la
6 Slavonie orientale.
7 M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, nous allons demander le
8 versement au dossier de la pièce 2916.1 et nous demanderons à ce qu'une
9 cote sous pli scellé soit attribuée.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera versé au dossier et annoté.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document recevra la cote P1640. Merci.
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est moi.
13 M. GILLETT : [interprétation]
14 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez mentionné à l'instant qu'il y avait
15 des gens qui étaient des civils. Savez-vous nous donner le ratio de ces
16 détenus qui étaient dans ce grand hall et qui se trouvaient être des civils
17 ?
18 R. Un petit nombre qui se trouvait face à moi. Une vingtaine d'hommes, en
19 somme, étaient des gens en uniforme. Ils faisaient partie du rassemblement
20 de la Garde nationale. Ils étaient originaires de Belisce et des environs.
21 Les autres, c'étaient tous des civils, d'après ce que j'ai pu apprendre.
22 Eux - les autres, je veux dire - avaient sur eux des éléments d'uniformes
23 de camouflage. Ce groupe, d'après les récits, avait été trahi. Ils se
24 rendaient vers un poste frontière à la frontière hongroise, ils ont été
25 encerclés et ils ont été enfermés dans des cages à chien. J'ai pu voir de
26 mes yeux qu'ils ont été mordus à plusieurs endroits par des chiens. On
27 avait lâché les chiens contre eux à Beli Manastir. Parce qu'après, on les a
28 pansés et on a pu voir ces mêmes individus dans l'étable.
Page 3965
1 Q. A quel groupe ethnique appartenaient la plupart des
2 détenus ?
3 R. La plupart, c'étaient des Croates. Il y avait plusieurs Roumains. Ils
4 étaient peut-être trois ou quatre, ces Roumains. Deux hommes noirs, ils
5 venaient du Sri Lanka. Ils étaient, disait-on, des étudiants. Il y avait
6 aussi des Serbes, plusieurs Serbes. Mais pour l'essentiel, c'est tout ce
7 que je sais dire.
8 Q. Mais comment les Serbes ont-ils été traités, quant à eux ?
9 R. C'était la même procédure que nous autres, d'après ce que j'ai pu voir
10 du moins. Ils n'ont pas été nombreux. J'ai retenu deux ou trois individus
11 qui se trouvaient non loin de moi, mais on leur a réservé le même
12 traitement qu'à nous autres.
13 Q. Vous avez mentionné le fait que vous avez été malmené de plusieurs
14 façons, comme d'autres détenus, du reste. Comment les gardiens serbes ont-
15 ils malmené ces autres Serbes qui ont été placés en détention à Begejci ?
16 R. Je suppose que ces Serbes qui se sont trouvés là voulaient éviter de
17 mettre des uniformes. Ils n'étaient pas d'accord avec la politique de
18 l'époque. Ils ne voulaient pas aller se battre sur un territoire autre
19 parce que c'étaient des territoires qui étaient devenus la Croatie ou la
20 Bosnie par la suite, et en refusant de mettre l'uniforme, ils ont scellé
21 leur sort et ils ont connu le sort que nous avons connu, nous autres.
22 Q. J'allais vous poser quelques questions sur les conditions à Begejci.
23 Tout d'abord, quel niveau de température y avait-il lorsque vous y étiez à
24 la fin de l'année 1991 ? Quelle était la température ?
25 R. Il faisait froid déjà. Il faisait de plus en plus froid au fur et à
26 mesure que l'hiver progressait. Nous avions du mal à nous tenir debout
27 parce que nous n'avions sur le dos que les vêtements que nous portions
28 lorsque nous avions été arrêtés. Nous avons été autorisés à prendre un bain
Page 3966
1 une fois seulement pendant ce mois-là. C'était sept jours avant que nous ne
2 soyons échangés. Nous ne pouvions jamais changer nos vêtements ou nos
3 chaussures ou quoi que ce soit. La première semaine, nous avions peur. Il y
4 avait énormément de pression exercée par les interrogatoires, par exemple.
5 Il fallait répondre tout de suite lorsqu'on appelait un nom, sinon vous
6 étiez frappé. Pendant les dix premiers jours, je n'ai jamais enlevé mes
7 chaussures parce que j'avais tellement peur, j'avais peur qu'il se passe
8 quelque chose. Les gens portaient les vêtements qu'ils portaient au moment
9 où ils ont été arrêtés. Il y a des gens qui ont même mis des sacs en
10 plastique sur leurs têtes à cause des courants d'air. C'était une grange
11 très ancienne. Il n'y avait pas de conditions de vie normale.
12 Q. Et vous a-t-on prodigué des soins médicaux ?
13 R. Pour ce qui est d'une quelconque aide médicale, il y avait une femme
14 médecin qui venait deux ou trois fois pour changer les pansements des
15 détenus qui portaient l'uniforme et qui appartenaient à la Garde nationale.
16 Ensuite, c'est le Dr Loncar qui a assumé ce rôle, parce que je suppose que
17 le jour où ils se sont rendus compte du fait qu'il y avait un médecin parmi
18 nous, ils ne souhaitaient demander à quelqu'un de l'extérieur de venir. Et
19 c'était un homme qui était cuisinier. Je suppose qu'ils souhaitaient faire
20 le travail eux-mêmes et je suppose qu'ils souhaitaient faire venir le moins
21 de gens possible de l'extérieur.
22 Q. Et est-ce que cette femme médecin ou le Dr Loncar disposaient de moyens
23 suffisants pour traiter les blessures des détenus ?
24 R. Je sais qu'il avait des pansements et des analgésiques et des
25 médicaments, pas grand-chose, parce qu'il y avait des gens à qui il
26 manquait des morceaux de peau. (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 3967
1 (expurgé)
2 M. GILLETT : [interprétation] Peut-être qu'il faudrait expurger cette
3 dernière référence faite à l'endroit où il dormait.
4 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit avoir été poussé en direction
5 des barbelés lorsque vous êtes arrivé et ensuite avoir été frappé dans la
6 grange le premier jour de votre arrivée. Outre ces deux cas, avez-vous été
7 maltraité physiquement à d'autres occasions dans le camp ?
8 R. Après trois ou quatre nuits que j'ai passées dans cette grange où --
9 des mauvais traitements tous les soirs, ensuite il y a eu cinq ou six
10 réservistes qui sont venus, et je vais vous décrire un cas en particulier
11 lorsqu'il y a eu ces bergers allemands qui restaient en général à
12 l'intérieur de l'enceinte et de l'autre côté des barbelés. Ils ont fait
13 venir un de ces chiens et il respirait très fort du côté droit de mon
14 oreille. Et à ce moment-là, l'image qui m'a traversé l'esprit de ces gens
15 qui avaient des traces de morsure sur la peau et des gens qui couraient de
16 part et d'autre sur des ordres qu'on avait donnés et qui nous écrasaient,
17 qui nous marchaient dessus. Il y avait toujours une forme ou une autre de
18 torture. Et dans le camp, il était habituel que les nouveaux venus
19 subissent ces tortures avant d'être interrogés.
20 Etant donné que j'étais seul, on m'a fait venir à cet endroit-là en tant
21 qu'individu, et ces six hommes qui portaient l'uniforme de la JNA m'ont
22 frappé à tour de rôle. Il y en a un qui avait une batte qui m'a frappé à la
23 jambe gauche. Je pense qu'il souhaitait me faire tomber. Et on m'avait
24 prévenu, on m'avait dit que si je tombais, ils me roueraient de coups. Il
25 m'a frappé trois ou quatre fois sur l'avant-jambe, et la dernière fois il a
26 raté son coup et il a frappé un de ses collègues. Ensuite, Zare l'a
27 remplacé, car il avait dit : "Donne-le-moi." Il a enlevé ma montre, il m'a
28 frappé à la tête, il m'a frappé aux genoux et dans le ventre et il n'a pas
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1 cessé de me battre avant que je ne commence à saigner de la bouche. Et,
2 bien évidemment, dans les dix jours qui ont suivi, je n'ai pas pu me tenir
3 debout en raison de la douleur que je ressentais au niveau du ventre et
4 dans mon corps en général. J'avais besoin d'aide si je devais me tenir
5 debout. Et la même chose est arrivée à chaque personne qui était là. Chacun
6 devait sortir pour subir un interrogatoire tous les trois ou quatre jours.
7 Q. Dans votre dernière réponse, vous avez dit que "les gens couraient de
8 part et d'autre sur les ordres qui leur avaient été donnés et qu'ils nous
9 marchaient dessus." Pourriez-vous nous dire de qui émanaient ces ordres ?
10 R. Ces quelques hommes qui étaient autorisés à entrer dans la grange,
11 Zare, Borko, les hommes que j'ai déjà cités, et celui-là qui s'appelait
12 Vojo. Mais Zare reste gravé dans ma mémoire à cause des choses très laides
13 qu'il a faites.
14 Q. Pour ce qui est de ces autres individus que vous venez de citer, vous
15 avez dit qu'ils portaient un uniforme. Savez-vous autre chose au sujet de
16 ces hommes et de leur parcours ?
17 R. La nuit où cela s'est passé, et ils avaient l'habitude d'entrer dans la
18 grange lorsqu'ils étaient saouls pour nous passer à tabac, il y en a un qui
19 a dit qu'il se fichait de l'endroit où il était - nous avons entendu cette
20 conversation - et il a dit qu'il s'en fichait, il se fichait de savoir s'il
21 était en prison, derrière les barreaux ou derrière un barbelé. Donc je
22 suppose qu'il s'agissait de gens qui purgeaient une peine de prison. Ces
23 personnes-là sont devenues réservistes et ont continué à servir de cette
24 façon-là. Zare avait des cicatrices sur le visage d'escarmouches auxquelles
25 il avait participé, mais il s'agit de simples suppositions de ma part.
26 Q. Vous avez parlé d'interrogatoires. Vous-même, avez-vous été interrogé à
27 Begejci ?
28 R. Après avoir été torturé, j'ai été emmené à l'endroit dont je vous ai
Page 3969
1 fourni un croquis. Il y avait du foin par terre. Ils m'ont fait rédiger des
2 déclarations, déclarations de plusieurs pages, et ils revenaient ensuite
3 sans cesse pour me frapper en disant que je n'avais pas écrit assez. Et
4 quelquefois on appelait mon nom pour que je me rende dans un autre endroit
5 pour être interrogé. La dernière fois qu'ils ont appelé mon nom, ils m'ont
6 emmené dans le dortoir de ces hommes que j'ai cités, parce que j'ai vu
7 leurs lits à cet endroit-là. J'ai trouvé un sergent dans cette pièce, ses
8 pieds posés sur le bureau, une bouteille de cognac sur le bureau. Il y
9 avait deux ou trois autres hommes qui m'ont poussé en direction d'un lit.
10 Ils ont apporté cet attaché-case que j'avais apporté en arrivant qui
11 contenait des documents liés à ma société ainsi que d'autres informations.
12 Cet attaché-case a été ouvert devant eux parce qu'ils avaient le code, mais
13 je me suis rendu compte après coup que là où ils voulaient en venir,
14 c'était de prendre l'argent qu'il y avait à l'intérieur. Parce qu'à la fin,
15 je n'ai pas retrouvé les objets de valeur ni l'argent qui étaient à
16 l'intérieur de cet attaché-case. Et il y avait également -- et l'homme à
17 qui appartenait ce lit m'a menacé de mort, parce qu'il m'a dit que j'avais
18 été posé sur son lit, tout sale que j'étais. Mais tout ceci était très
19 étrange. En fait, ils ont ouvert mon attaché-case et ils ont pris ce qu'ils
20 voulaient. Ils avaient une matraque. Ces hommes avaient une matraque.
21 Q. Quel type de questions vous posaient-ils ?
22 R. C'était toujours la même chose : Combien de gens avez-vous tués ? Quel
23 type d'arme avez-vous utilisé ? Vous êtes un espion, et si vous n'êtes pas
24 un espion, vous êtes un Oustachi endurci, un pur et dur. Et ils nous
25 insultaient. Alors, la seule chose qu'ils faisaient, c'était de nous
26 maltraiter. Ils nous insultaient. Alors, quelle que soit la réponse que
27 l'on donne, de toute façon, cela ne change rien. Ils trouvaient toujours un
28 prétexte pour nous insulter.
Page 3970
1 M. GILLETT : [interprétation] Je vois qu'il est 10 heures 15. Est-ce
2 l'heure de faire la pause ou est-ce à 10 heures 30 ?
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A 10 heures 30.
4 M. GILLETT : [interprétation] Très bien.
5 Q. Vous avez parlé du dortoir.
6 M. GILLETT : [interprétation] Pourriez-vous afficher le document 2415 -
7 document MFI P1638 - s'il vous plaît.
8 Q. Avec l'aide de l'huissier, je vous demande de bien vouloir indiquer par
9 le chiffre 4 l'endroit où vous avez été interrogé par l'homme au cognac.
10 R. [Le témoin s'exécute]
11 Q. Vous avez dit qu'il y avait deux ou trois autres hommes qui étaient là
12 en même temps. Saviez-vous qui étaient ces hommes qui étaient là pendant
13 cet interrogatoire ?
14 R. Ils étaient à côté de moi et ils me frappaient. A un moment donné, cet
15 homme est venu avec une matraque et il l'a balancée devant moi, mais il ne
16 s'en est pas servi. Les interrogatoires étaient tels que les gens perdaient
17 connaissance dès qu'on appelait leurs noms. Il est difficile de vous
18 relater les expériences des uns et des autres, mais pour ce qui est du Dr
19 Loncar, une voiture bleue venait le chercher, et il tremblait comme une
20 feuille à chaque fois qu'il savait qu'il devait sortir.
21 Q. Est-ce qu'à aucun moment ils vous ont donné les motifs de votre
22 détention au camp de Begejci ?
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 3971
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 M. GILLETT : [interprétation] Pouvons-nous expurger les dernières lignes de
5 cette dernière réponse, lorsqu'il parle de ses parents proches.
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett.
7 M. GILLETT : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez informer le greffier des
9 passages précisément que vous souhaitez expurger. Vous parlez de votre
10 question précédente, et je ne sais pas très bien ce que vous souhaitez
11 expurger précisément.
12 M. GILLETT : [interprétation] Très bien.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] En ce qui ce concerne cet élément-là,
14 oui, mais l'élément précédent, je ne sais pas…
15 M. GILLETT : [interprétation] Je vais vérifier cela pendant la pause.
16 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien sûr.
17 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
18 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gillett.
20 M. GILLETT : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il faut en fait que nous le fassions
22 tout de suite, et donc il va falloir regarder.
23 M. GILLETT : [interprétation] Oui, bien sûr. Page 22, ligne 21, et c'est
24 l'endroit où il dormait, et la personne qui dormait à côté de lui.
25 M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]
26 M. GILLETT : [interprétation] Ligne 21.
27 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
28 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
Page 3972
1 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous étiez à Begejci, est-ce que quelqu'un
2 est mort ?
3 R. Un homme est mort. Je devrais peut-être vous le montrer sur l'image. Il
4 se trouvait au même niveau que moi, mais à côté du mur. On nous avait donné
5 l'ordre de sortir. Il n'a pas pu se lever, et ensuite ils se sont rendu
6 compte de ce qui s'était passé, et je sais que le Dr Loncar l'a emmené à
7 Zrenjanin, escorté, bien sûr. Il a été transféré à Zrenjanin. Ce sont les
8 informations dont je dispose. Cet homme a succombé aux passages à tabac.
9 C'était un homme plus âgé.
10 Q. Etait-ce un civil ou un soldat, le savez-vous ?
11 R. C'était certainement un civil. Tout cet endroit, il n'y avait que les
12 20 personnes qui étaient en face de moi qui n'étaient pas des civils; tous
13 les autres étaient des civils.
14 Q. Et vous-même, vous a-t-on menacé de mort à un quelconque moment ?
15 R. Un jour, on nous avait sortis plus tôt que d'habitude et on nous a
16 alignés, on nous a demandé de chanter l'hymne national, car il y avait un
17 des officiers qui partait pour Vukovar. Tout ceci est arrivé avant la chute
18 de Vukovar. Deux ou trois jours plus tard, on nous a annoncé qu'il avait
19 été tué à Vukovar, et ensuite nous avons été soumis à de mauvais
20 traitements particuliers dans ce camp. On nous a alignés. Il y avait un
21 peloton d'exécution qui était là, debout, prêt à tirer. Ils ont orchestré
22 tout cela. Ils ont orchestré l'exécution, et nous pensions que nous allions
23 être tués. Donc ils ont mis tout ceci en scène pour nous faire croire que
24 nous allions être exécutés, et pour finir, ils nous ont permis de retourner
25 dans la grange. Mais c'est quelque chose qu'on n'oublie jamais. Ils nous
26 menaçaient sans cesse, ils nous disaient que les Chetniks viendraient pour
27 nous trancher la gorge. On devait écouter ceci sans arrêt.
28 Q. Y avait-il des femmes qui étaient détenues à Begejci pendant que vous y
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1 étiez ?
2 R. Il y avait une vingtaine de femmes après la chute de Vukovar. Je me
3 souviens d'une de ces femmes qui a passé cinq ou six jours avec nous dans
4 la grange, et ses mains étaient liées. Et si je regarde ce croquis, je peux
5 vous dire qu'elle se trouvait du même côté que l'endroit où cet homme se
6 trouvait qui est mort. Ces femmes ont ensuite été transférées dans ce
7 bâtiment qui a hébergé le dortoir des gardiens. Je ne sais pas s'il
8 s'agissait de gardiens ou de policiers militaires. Je ne sais pas comment
9 il faut les appeler.
10 Q. Est-ce que c'est le bâtiment qui correspond au chiffre 4 ici sur votre
11 croquis ?
12 R. Oui, c'est le bâtiment numéro 4. C'est là qu'ont séjourné ces femmes
13 jusqu'à la fin. Je ne sais pas dans quelle pièce exactement. En tout cas,
14 nous les avons vues dans ces parages-là, autour de ce bâtiment, à
15 l'extérieur du bâtiment, donc nous avons supposé que ces femmes étaient là
16 pendant tout le temps de leur séjour.
17 Q. Et à quel groupe ethnique appartenaient ces femmes ?
18 R. Je ne pouvais pas leur parler, et nous ne pouvions pas parler librement
19 de toute façon. Je suppose que ces femmes venaient de Vukovar. Je suppose
20 que la plupart de ces femmes étaient Croates.
21 Q. Avec l'aide de l'huissier, pourriez-vous nous dire où ces femmes ont
22 été placées dans la grange principale les premiers jours de leur arrivée,
23 et veuillez apposer le chiffre 5 à cet endroit, s'il vous plaît.
24 R. Donc cette partie-ci, où cet homme est mort, l'homme qui a succombé à
25 ces passages à tabac, c'est indiqué en vert. Il y en avait une vingtaine à
26 cet endroit-là environ.
27 Q. Je vais vous demander d'apposer le chiffre 5 à côté de cet endroit,
28 s'il vous plaît.
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1 R. [Le témoin s'exécute]
2 M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement
3 au dossier de ce croquis à ce stade, s'il vous plaît, qui porte une cote
4 MFI qui est le P1638, sous pli scellé, s'il vous plaît.
5 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera versé au dossier et placé
6 sous pli scellé, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document porte la cote P1638, sous pli
8 scellé.
9 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
10 Q. Monsieur le Témoin, s'agissant de ces femmes, savez-vous si certaines
11 d'entre elles ont été maltraitées ?
12 R. Je n'ai rien vu, mais j'ai appris plus tard qu'il y avait eu des viols
13 et que certaines de ces femmes avaient été violées.
14 Q. Et savez-vous qui était à l'origine de ces viols ?
15 R. Je ne peux que me livrer à des conjectures. Ces femmes ont dû être
16 violées par les gardiens. C'est ce que je suppose. Je ne l'ai pas vu moi-
17 même. Je ne peux que vous parler de ce dont j'ai entendu parler et de ce
18 que je peux supposer.
19 Q. Et savez-vous si ces femmes ont été blessées ?
20 R. La femme âgée avait le bras cassé. Elle était toujours assise à cet
21 endroit. C'est ainsi que je me souviens d'elle, avec son bras cassé. On
22 aurait dû l'emmener à l'hôpital. Même sans cela, les conditions de vie à
23 cet endroit étaient tout à fait inappropriées.
24 M. GILLETT : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher la
25 photographie numéro 65 ter 6415, à droite [comme interprété] de l'écran. Je
26 regarde l'heure, mais je pense que nous pourrions encore aborder cette
27 question-là rapidement.
28 Q. Monsieur le Témoin, s'agit-il là des femmes qui ont été détenues à
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1 Begejci ?
2 R. Je ne reconnais personne, mais ces femmes ressemblaient certainement à
3 celles-ci. Il n'y a que cette femme qui porte quelque chose de blanc, il
4 peut s'agir là de la femme qui avait le bras cassé, mais je ne reconnais
5 pas son visage. C'était il y a longtemps, après tout.
6 M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, nous demandons le
7 versement au dossier de ce document, s'il vous plaît.
8 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je soulève une objection, car le témoin n'a
9 reconnu personne sur cette photographie.
10 M. GILLETT : [interprétation] Au vu de cette objection, nous demandons dans
11 ce cas à ce que soit attribuée une cote provisoire à ce document pour le
12 témoin suivant.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, cote MFI, Monsieur le Greffier,
14 s'il vous plaît.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document recevra la cote P1641, MFI.
16 Merci.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
18 M. GILLETT : [interprétation] Je vois qu'il est l'heure de faire la pause
19 maintenant.
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.
21 Monsieur le Témoin, nous allons faire notre première pause maintenant. Nous
22 reprendrons à 11 heures. L'huissier va vous accompagner. Merci. Un instant,
23 s'il vous plaît. Un instant, s'il vous plaît.
24 Huis clos, s'il vous plaît.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Messieurs les
26 Juges.
27 [Audience à huis clos]
28 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
12 Veuillez poursuivre, Monsieur le Procureur.
13 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
14 Q. Monsieur le Témoin, avant la pause, vous avez dit que vous deviez vous
15 présenter aux gardes à chaque fois que vous deviez aller aux toilettes. Où
16 se trouvaient les toilettes ?
17 R. Les toilettes étaient du côté droit du bâtiment, avant l'étable, si on
18 se réfère au croquis. Les gens devaient sortir pour aller aux toilettes,
19 et, pour sortir, ils devaient se présenter à la sortie à ces deux hommes,
20 ce Mirko et ce Krasniqi devaient savoir ce qui se passait. Devant l'entrée,
21 à côté du nid de mitrailleuses, il y avait des gardes armés de fusils. Il
22 arrivait que les hommes qui allaient aux toilettes pendant la nuit soient
23 soumis à de mauvais traitements, qu'on les oblige à chanter l'hymne, qu'on
24 leur passe la tête à travers les fils de fer de la clôture. Et après
25 quelques nuits, on a commencé à avoir peur d'aller aux toilettes pendant la
26 nuit. Il était très important de connaître l'hymne yougoslave parce qu'à
27 tout moment on pouvait vous demander de le chanter, et si jamais vous ne
28 connaissiez pas les paroles, vous étiez battu. Ça a été le cas de ces deux
Page 3977
1 hommes originaires du Sri Lanka qui, évidemment, ne parlaient pas la langue
2 -- il n'y a pas que moi, les gens leur écrivaient les paroles de l'hymne
3 pour qu'au cas où on leur demande de le chanter, ils puissent le chanter.
4 Parce que, eux aussi, ils étaient battus s'ils ne pouvaient pas chanter
5 l'hymne yougoslave.
6 Q. Qui était responsable du camp de Begejci, pour autant que vous le
7 sachiez ?
8 R. Je ne me souviens pas de son grade. C'était un commandant, enfin, le
9 commandant Zivanovic. En tout cas, c'était le plus haut gradé qui était sur
10 place et c'était ce Zivanovic. C'est de Zivanovic qu'on parlait. Donc, d'un
11 grade élevé. Je ne sais pas exactement lequel, commandant probablement.
12 Q. Et pour lever tout doute, il était commandant de quelle armée ?
13 R. Il était commandant au sein de la JNA.
14 Q. Plus tôt, vous avez également dit que le CICR, ou plutôt, que, excusez-
15 moi, la Croix-Rouge est venue vous rendre visite une fois. Lorsqu'ils sont
16 venus, ont-ils pu voir l'ensemble des détenus ?
17 R. Lorsqu'on a appris que la Croix-Rouge allait venir dresser des listes,
18 il y a eu une dizaine de personnes qui ont été cachées. Pour l'un d'entre
19 eux, on racontait qu'il avait été tireur d'élite dans une armée, mais cet
20 homme louchait tellement qu'il était absolument invraisemblable qu'il
21 puisse être tireur d'élite. En tout cas, il y en a eu une dizaine qui ont
22 été cachés pendant que la Croix-Rouge est venue dresser des listes.
23 Puisqu'à ce moment-là, nous avons fourni des informations personnelles nous
24 concernant aux représentants de la Croix-Rouge. Il y avait des
25 représentants qui étaient en place à plusieurs endroits dans l'étable où
26 nous allions les voir pour qu'ils puissent dresser ces listes.
27 M. GILLETT : [interprétation] Pourrions-nous, pour les quelques questions
28 suivantes, passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.
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1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
3 Messieurs les Juges.
4 [Audience à huis clos partiel]
5 (expurgé)
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1 (expurgé)
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3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 [Audience publique]
7 M. GILLETT : [interprétation]
8 Q. En dehors des visites que vous venez d'évoquer, y a-t-il eu la moindre
9 autre visite faite par quelqu'un d'extérieur au camp dont vous seriez au
10 courant ?
11 R. Les soldats réservistes qui montaient la garde avaient probablement le
12 droit aussi de recevoir des visites qui se passaient lorsqu'il n'y avait
13 pas d'officiers supérieurs présents. C'est alors qu'au moment du déjeuner
14 ou pendant qu'ils nous laissaient sortir à l'extérieur de l'étable, c'est
15 pendant ces moments-là que nous pouvions voir des personnes qui étaient en
16 train de nous regarder et auxquelles ils expliquaient combien d'hommes nous
17 avions tués. Ils nous montraient du doigt comme des animaux au zoo.
18 C'étaient des civils à qui on nous montrait. C'était vraiment très
19 dégradant.
20 Q. Y avait-il une équipe de télévision présente sur le site du camp ?
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 M. GILLETT : [interprétation] Peut-on expurger la référence qui est faite à
28 cette parente.
Page 3980
1 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce sera fait.
2 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
3 Q. Monsieur le Témoin, quand avez-vous quitté le camp de Begejci,
4 approximativement ?
5 R. Je crois que c'était au début du mois de décembre, vers le 10 décembre.
6 Nous avons fait l'objet d'un échange et on nous a emmenés en autocar. On
7 nous a rendu nos effets personnels, en tout cas cela dépendait d'une
8 personne à l'autre, on arrivait à récupérer une partie. On nous a emmenés à
9 Bosanski Samac, où nous avons été échangés. Nous avons également vu des
10 autocars en provenance d'autres camps. Nous étions environ 600 sur place et
11 avons été échangés contre environ 120 officiers de Bjelovar. Et cet échange
12 a eu lieu à Bosanski Samac.
13 M. GILLETT : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document numéro 793
14 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.
15 Q. Monsieur le Témoin, cet article parle d'un groupe de plus de 600
16 personnes échangées en provenance de Begejci, de Stajicevo, qui sont
17 arrivées le 12 décembre à Zagreb. Est-ce là le même groupe que celui dont
18 vous faisiez partie et qui a fait l'objet d'un
19 échange ?
20 R. Oui, il pourrait tout à fait s'agir de la même chose.
21 Q. L'article évoque un endroit nommé Kutija Sibica, où ce groupe a passé
22 une nuit. A quoi cela correspond-t-il ? C'est la fin du premier paragraphe
23 en anglais.
24 R. Oui, je le vois. Kutija Sibica, ou la boite d'allumettes, c'est une
25 installation sportive, une salle de sport à Zagreb où les gens étaient
26 accueillis. Moi, je m'y suis trouvé aussi. J'y ai passé une nuit. Il y
27 avait des médecins sur place. Ceux qui souhaitaient subir un examen médical
28 étaient également présents là-bas. Il y avait des lits arrangés dans la
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1 salle de sport. C'est là qu'on nous a accueillis, en fait. Il y avait
2 probablement d'autres endroits qui remplissaient la même fonction. Après
3 cela, nous sommes rentrés chez nous.
4 Q. Les personnes qui ont été échangées au sein du même groupe étaient-
5 elles des civils, des soldats, ou bien s'agissait-il d'un mélange de civils
6 et de soldats au sein de ce groupe de personnes qui avaient été détenues
7 dans les camps et qui ont été échangées ?
8 R. Je suppose que près de trois quarts des personnes présentes au camp de
9 Begejci ont fait l'objet de cet échange, auxquelles s'ajoutent les
10 personnes originaires d'autres camps, tout cela pour atteindre ce chiffre
11 d'environ 600. Et la majorité des détenus du camp de Begejci qui étaient à
12 Kutija Sibica, comme je l'ai dit, c'étaient des civils. Ceux qui étaient
13 avec moi, en tout cas, et qui venaient de Begejci étaient des civils. Il
14 n'y avait qu'un groupe d'une vingtaine d'hommes que j'ai vus portant
15 l'uniforme.
16 M. GILLETT : [interprétation] Je voudrais demander le versement du document
17 numéro 793 de la liste 65 ter.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P1642.
20 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
21 Pouvons-nous maintenant afficher le document numéro 789. C'est également un
22 article de journal qui figure à l'onglet numéro 3.
23 Q. Pendant que nous attendons l'affichage de l'article, on cite les propos
24 d'un individu surnommé Griesbacher. Est-ce que vous savez de qui il s'agit
25 ? Griesbacher, de qui s'agissait-il ?
26 R. Griesbacher était le chef de ce groupe d'une vingtaine de soldats de la
27 Garde nationale, donc du ZNG. Ils venaient de Belisce ou des environs de
28 Belisce, comme je l'ai déjà dit.
Page 3982
1 Q. Il dit qu'ils pouvaient entendre les cris -- excusez-moi, j'essaie de
2 retrouver la citation. Les cris de ceux qui étaient battus par les soldats
3 fédéraux, de ceux qui sont morts sans avoir été soignés. Vous avez parlé
4 d'une personne qui est décédée pendant que vous étiez détenu à Begejci.
5 Est-ce que vous savez si d'autres personnes sont mortes pendant qu'elles
6 étaient détenues ?
7 R. Il y avait un groupe de travail qui allait travailler dans d'autres
8 camps lorsque des camps étaient ouverts. Notamment, à Zrenjanin, on disait
9 que trois autres camps devaient être ouverts. Ces gens de ce groupe de
10 travail venaient parfois avec ce type d'information en disant combien de
11 personnes étaient mortes, et cetera. Mais moi je ne sais cela que par ouï-
12 dire, contrairement au cas de la personne qui est morte à Begejci, ce que
13 j'ai vu. Il a été question de cela. C'était le traitement habituel réservé
14 à tout un chacun. Tous étaient battus. C'est de cela qu'il est question
15 ici. Ils en parlent.
16 M. GILLETT : [interprétation] Nous souhaitons demander le versement de ce
17 document.
18 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P1643.
20 M. GILLETT : [interprétation] Merci.
21 Q. Avant votre arrestation à Titov Vrbas, Monsieur le Témoin, et vous nous
22 l'avez décrite, avez-vous participé aux événements de Suhopolje ?
23 R. Le matin, au retour de Zagreb et en chemin vers Novi Sad, j'ai été
24 appelé vers 5 heures, 5 heures 30 du matin, par un ami qui m'a dit de venir
25 devant une maison devant laquelle étaient rassemblés les habitants de cette
26 localité, qui s'étaient constitués en cellule de Crise aux fins de la
27 défense de cette localité. Ils m'ont appelé pour que je vienne les
28 rejoindre, parce qu'une attaque était en cours qui visait une grande
Page 3983
1 caserne. On attendait la reddition de cette caserne. Et nous, on nous
2 appelait, on nous demandait de venir à cet endroit au cas où. C'est comme
3 ça que ça a été organisé. Il y a eu un autocar qui se tenait prêt.
4 Puisqu'en fait, il n'y avait pas d'armes. C'était donc une sorte de
5 protection civile. Enfin, c'est comme ça que moi je l'ai compris à ce
6 moment-là. La caserne s'est rendue, effectivement. Après, nous avons été
7 affectés dans les différentes rues comme une sorte de garde, comme des
8 tours de garde. Je sais qu'ensuite il y a eu une alerte aérienne et que
9 nous nous sommes dispersés et nous sommes rentrés chez nous. C'est tout.
10 Q. Est-ce que vous étiez armé pendant ces événements ?
11 R. Je n'avais pas d'arme. Il y avait des individus qui avaient des armes
12 légères, donc des pistolets ou des fusils qui avaient été bricolés en
13 utilisant des volants d'automobile Fiat ou des fusils de chasse. Celui qui
14 était avec moi pour ce tour de garde auquel nous avons participé, lui, il
15 avait un fusil de chasse.
16 Q. Est-ce que vous portiez un uniforme quel qu'il soit ?
17 R. Non. Je portais une veste de cuir et un jean. J'étais en civil. La
18 plupart d'entre nous étions en civil également.
19 Q. Dernière question : quelle conséquence votre détention à Begejci a-t-
20 elle eu sur votre vie et sur la vie des autres détenus qui se sont trouvés
21 dans ce camp, pour autant que vous le sachiez ?
22 R. Après avoir vécu une expérience comme celle-là, il y a probablement des
23 séquelles physiques. En effet, j'ai souvent eu des infections rénales, sans
24 doute pour avoir été couché si souvent au sol. Quant aux conséquences
25 psychologiques, également, bien sûr, parce qu'après avoir été libéré,
26 pendant longtemps je n'ai pas pu dormir, j'avais des cauchemars. J'ai
27 réussi plus ou moins à me sortir de tout cela. Bien entendu, je ne peux pas
28 oublier. Quant à ma famille, j'ai eu à subir des conséquences aussi puisque
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1 je n'ai jamais pu mener jusqu'à son terme ce mariage -- je n'ai jamais
2 consommé mon premier mariage, en fin de compte. Et pour continuer à parler
3 de conséquences psychologiques, en un mot, je n'ai plus jamais été le même
4 après cela.
5 Le plus difficile pour moi, c'est de décrire la peur, l'état d'esprit dans
6 lequel je me trouvais et tout ce que j'ai subi sur le plan psychologique
7 pendant que j'étais au camp, où on me donnait l'impression que je pouvais
8 être fusillé ou que je pouvais y passer. Il est difficile de vous décrire
9 comment on se sent lorsqu'on est dans ces conditions, lorsqu'on vous hurle
10 dessus, lorsqu'on vous insulte dans ce genre de situation. Je peux vous le
11 décrire, mais vous ne pourrez jamais en avoir la même idée que celle de la
12 personne qui a réellement vécu cela.
13 M. GILLETT : [interprétation] Messieurs les Juges, ceci conclut mes
14 questions au titre de l'interrogatoire principal. Merci.
15 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons donc au contre-
16 interrogatoire.
17 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
18 Contre-interrogatoire par M. Zivanovic :
19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je suis Zoran Zivanovic
20 et je défends Goran Hadzic au présent procès. Je vais donc vous poser
21 quelques questions au sujet de votre déposition d'aujourd'hui.
22 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, quelques instants,
23 s'il vous plaît.
24 Monsieur le Témoin, vous et Me Zivanovic parlez la même langue, mais vos
25 propos sont interprétés afin que nous puissions vous comprendre aussi, je
26 vous prie donc de bien vouloir prendre garde à ne pas commencer à répondre
27 avant la fin de chaque question de Me Zivanovic, et je vous demande même de
28 ménager une courte pause avant de répondre. Merci.
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1 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.
2 Q. Sur la base de vos déclarations antérieures, j'ai pu voir qu'après
3 cette arrestation vous avez été interrogé à plusieurs reprises, après cette
4 arrestation du 5 novembre. Vous avez dit que dès le début, la personne qui
5 vous interrogeait était assez bien informée des différents mouvements qui
6 étaient les vôtres et des détails de votre vie. Est-ce bien le cas ?
7 R. Oui. Si vous pensez à l'interrogatoire qui s'est déroulé au SUP
8 régional, je dois vous dire que ça m'a surpris, parce que cet homme au
9 teint mat et aux cheveux noirs qui m'interrogeait connaissait les noms
10 importants dans ma vie et puis les faits marquants de ma vie, connaissait
11 les noms des personnes, il savait d'où je venais. Pour ainsi dire, il
12 savait presque ce que je portais à tout moment. Je ne sais pas d'où il
13 tenait ces informations.
14 Q. Et il savait que vous étiez à Suhopolje lorsque la caserne a été prise
15 ?
16 R. Oui. Il savait même où je me tenais précisément.
17 Q. Vous avez dit que l'homme numéro un à Begejci, où vous avez été détenu
18 plus tard, était un commandant de la JNA répondant au nom de Zivanovic.
19 R. Oui, Zivanovic. Je pense que c'était son nom de famille.
20 Q. Voici ce qui m'intéresse : est-ce que vous avez jamais été en contact
21 avec lui ?
22 R. Je ne l'ai jamais vu autrement que de loin.
23 Q. Compte tenu des mauvais traitements que vous avez subis et que d'autres
24 détenus ont également subis, est-ce que qui ce soit s'est adressé à lui,
25 pour autant que vous le sachiez, pour lui dire ce qui se passait sur place
26 ?
27 R. Personne ne pouvait le faire. Il n'y avait aucune façon possible de lui
28 dire cela, parce qu'il y avait une procédure bien précise. J'ai parlé de
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1 ces deux hommes qui se tenaient à la sortie de l'étable, donc ce Mirko et
2 ce Krasniqi, c'est eux qui servaient de liaison avec la police militaire
3 lorsqu'elle entrait. Ce n'est que de cette façon-là qu'on pouvait aller
4 vers l'extérieur, par leur intermédiaire. Et moi, je n'ai aucune
5 information selon laquelle quiconque aurait parlé avec lui.
6 Q. Quand vous avez mentionné Mirko et le dénommé Krasniqi, est-ce que
7 c'étaient des gens qui portaient des uniformes à ce moment-là ?
8 R. Non. Ils avaient le même traitement que nous. Ils étaient des détenus.
9 C'est ainsi qu'on se qualifiait. Ils étaient vêtus tout comme nous. Et ils
10 ont dû être choisis parmi tous ces gens-là pour être une espèce
11 d'intermédiaire.
12 Q. Ils étaient des responsables de camp, mais c'étaient aussi des détenus
13 ?
14 R. Oui, c'étaient des détenus, des prisonniers, et d'après les récits, ils
15 auraient été tabassés terriblement avant que nous ne venions, nous autres.
16 Ils sont donc passés par toutes ces tortures.
17 Q. Ce qui m'intéresse, c'est que vous avez établi un lien entre les
18 passages à tabac et les interrogatoires qui ont suivi.
19 R. Oui.
20 Q. Etait-ce une procédure normale que de tabasser d'abord un détenu puis
21 ensuite le conduire à un interrogatoire ?
22 R. Moi, je vous ai raconté quel a été mon sort, mais tous les détenus ont
23 été soumis au même traitement. Ceux qui étaient venus étaient tabassés dès
24 leur entrée dans l'étable. Nous, on se couvrait la tête, on était restés
25 couchés. C'était l'ordre reçu : il fallait que nous placions la couverture
26 par-dessus la tête. Et c'est ainsi que ça durait tant qu'ils n'avaient pas
27 terminé ce qu'ils voulaient. Ensuite, on prenait place dans cette étable.
28 Puis, quelques jours après, dans la nuit, ils venaient, ils interpellaient
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1 et ils tabassaient, et ensuite ils interpellaient pour les interrogatoires
2 à l'extérieur de l'étable.
3 Q. Qui est-ce qui tabassait ?
4 R. Ceux qui avaient le droit d'entrer dans l'étable. Ils étaient quelques-
5 uns. Je vous ai dit quels étaient leurs patronymes ou leurs surnoms, Zare,
6 Borko, Vojo, Rambo. Il y avait un homme qu'on appelait Sergent. Enfin, ils
7 étaient sept ou huit. Il y avait donc des individus qui entraient. Parce
8 qu'il y avait d'autres réservistes. J'ai vu qu'il y en avait qui étaient
9 plus âgés que les autres, et ils montaient la garde de l'autre côté de la
10 clôture.
11 Q. Maintenant, vous venez de nous énumérer tous ces individus. Est-ce que
12 vous pouvez nous préciser s'ils portaient des uniformes ou des vêtements
13 civils ?
14 R. Ils portaient des uniformes de la JNA. De Paragovo, ils avaient des
15 ceinturons blancs. On les qualifiait de membres de la police militaire. Ils
16 ne les portaient pas tout le temps, mais ils portaient ces ceinturons
17 blancs, et c'est ce qui les désigne comme faisant partie des rangs de la
18 police militaire.
19 Q. Veuillez me préciser encore un point : pour ce qui est des
20 interrogatoires, est-ce que c'était le fait de gens qui faisaient partie de
21 la police militaire, de gens qui portaient donc des ceinturons blancs, ou
22 était-ce des gens qui étaient vêtus autrement ?
23 R. Cela dépend du moment de l'interrogatoire dont on parle. A Paragovo,
24 c'étaient des officiers qui étaient chargés de l'interrogatoire en tant que
25 tel. Il y avait un commandant et un capitaine, ils étaient deux gradés.
26 Puis ensuite, il y a eu un sergent, que j'ai mentionné, avec sa bouteille
27 d'eau de vie, mais là c'est sous un point d'interrogation, parce qu'on
28 était un week-end, un dimanche, alors il y a eu un interrogatoire qui
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1 s'était fait à titre officiel. Mais l'interrogatoire qui a suivi juste
2 après mon tabassage, la dernière fois où j'ai été tabassé par six hommes,
3 là j'ai été régulièrement emmené par un policier de la police militaire
4 dans une pièce à l'avant du dortoir, et il y avait des balles de foin, et
5 là on m'a fait signer des déclarations. Puis, un policier de la police
6 militaire est entré pour me tabasser parce que je n'en avais pas écrit
7 assez, il fallait que j'en mette plus sur papier. Et il y avait des souris
8 qui se trouvaient autour de moi pendant que j'écrivais. Et pendant que
9 j'écrivais, il y avait, parmi ces bottes de foin, une souris qui est passée
10 devant moi.
11 Q. Tirons un petit point au clair. A Paragovo, vous avez été interrogé par
12 des officiers de la JNA ?
13 R. Oui.
14 Q. Ensuite, à Begejci, vous avez eu ces policiers militaires ?
15 R. Oui. On m'a sorti pour vérifier ce que j'ai mis sur papier chez un
16 officier. Mais dans la pièce, je me trouvais seul, c'est là que j'ai écrit
17 la teneur de ce que je devais mettre par écrit. Ensuite, j'ai été convoqué
18 par un officier pour interpréter ce que j'ai mis sur papier. Ils ont
19 probablement comparé ce que j'ai mis sur papier avec mes déclarations
20 antérieures.
21 Q. Est-ce que vous pouvez vous souvenir de cet officier chez qui on vous a
22 emmené pour vérifier vos propos ? Est-ce qu'il portait un ceinturon blanc
23 comme les effectifs de la police militaire ou est-ce qu'il portait un
24 uniforme normal ?
25 R. L'officier, je ne m'en souviens plus, pour ce qui est de Begejci,
26 j'entends. Il portait, certes, un uniforme, mais pour ce qui est de son
27 visage, je ne m'en souviens plus.
28 Q. Est-ce que vous pouvez à peu près vous rappelez du grade ? Etait-ce un
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1 grade supérieur ou subalterne ?
2 R. C'étaient pour l'essentiel des gardes de capitaines et de commandants
3 pour ce qui est de Paragovo et pour ce qui est de l'autre endroit. Ce
4 n'étaient pas des sous-officiers ou des subalternes de rang inférieur.
5 Q. Excusez-moi, un instant.
6 Lorsqu'on vous a emmené pour que l'on puisse vérifier ce que vous aviez
7 déclaré, est-ce qu'en plus de l'officier et de vous-même il y a eu
8 quelqu'un d'autre de présent ?
9 R. Il y avait à chaque fois deux hommes. Il y en avait qui allaient et
10 venaient. Ils entraient et ils sortaient. Ce n'était pas quelque chose de
11 significatif, mais il était évident que les déclarations étaient vérifiées.
12 On ne m'a pas tabassé là. Je n'ai pas gardé le souvenir d'un mauvais
13 traitement quel qu'il soit à ce moment-là.
14 Q. Est-ce que vous vous êtes plaint du traitement qui vous a été réservé
15 antérieurement auprès de cet officier ?
16 R. Non, vous ne pouviez pas le faire. Il y a eu des déclarations de
17 détenus qui étaient du genre conventions de Genève, ceci et cela, et la
18 réponse était vous imaginez laquelle. On était traités de façon à se sentir
19 de moindre valeur, valeur moindre au torchon qu'on utilisait pour essuyer
20 le sol. Donc il n'était pas question d'aller se plaindre de quoi que ce
21 soit. Parce que ce qu'on risquait de subir, c'était pire encore, plus de
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 M. GILLETT : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Peut-être
28 devrions-nous expurger ? Je ne sais pas combien de détenus ont reçu des
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1 visites pendant ce temps-là, donc il serait peut-être utile de prendre des
2 précautions et expurger cette ligne.
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je suis d'accord.
4 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Certes.
5 Q. Je voulais encore demander autre chose. Si j'ai bien compris, vous
6 aviez peur de vous plaindre auprès de cet officier parce que vous vous êtes
7 imaginé que ça aurait été pire pour vous par la suite, n'est-ce pas ?
8 R. Oui. Mais je pense que tous avaient redouté ou pris peur de dire quoi
9 que ce soit. Parce que ça n'avait pas de sens. Vous ne compreniez pas
10 pourquoi tout ce qui vous arrivait était en train de se passer.
11 Q. Je vois que dans votre réponse antérieure vous avez mentionné des
12 individus qui avaient fait référence aux conventions de Genève. Ce qui
13 m'intéresse, c'est de savoir auprès de qui ont-ils évoqué les conventions
14 de Genève, les officiers qui les ont interrogés ou les membres de la police
15 militaire ?
16 R. La police militaire, c'est ce que j'ai appris, moi. Quand ils ont
17 évoqué ces conventions de Genève, on leur a rétorqué de façon plutôt
18 vilaine ce qu'ils faisaient des conventions de Genève. Donc, plus personne
19 n'avait envisagé d'y faire référence, parce qu'ils savaient ce qui allait
20 suivre.
21 Q. Mais personne n'a mentionné ces conventions auprès des officiers ?
22 R. On ne pouvait pas arriver jusqu'à ces officiers. On avait affaire aux
23 policiers de la police militaire, Krasniqi et les deux autres.
24 Q. Et lorsque vous avez été interrogé pour des vérifications, j'imagine
25 que leurs propos ont été vérifiés d'après ce que vous avez dit ?
26 R. Oui, ils ont été tabassés, et j'ai pu apprendre cela lorsqu'on les
27 ramenait. Il y avait des gens qui s'évanouissaient à la simple
28 interpellation de leurs noms parce qu'ils avaient peur.
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1 Q. J'ai compris cela. Mais est-ce que certaines de ces personnes qui ont
2 été convoquées, comme vous, pour que leurs propos soient vérifiés chez
3 l'officier de la JNA, est-ce que quiconque s'est plaint auprès de
4 l'officier en question pour faire référence aux conventions de Genève ?
5 R. Je ne peux pas le savoir. Mais je ne pense pas que cela ait pu avoir
6 une finalité quelle qu'elle soit. J'ai l'impression que personne n'était
7 intéressé par. Parce que s'ils avaient voulu nous assurer une vie meilleure
8 dans l'environnement dans lequel nous nous trouvions, ça aurait pu se
9 faire. On n'aurait pas été traités comme on l'a été. A un moment donné, on
10 nous a tondu le crâne parce qu'on avait commencé à avoir des poux. Et
11 pendant le mois où j'ai été là-bas, il y a eu un seul bain avant que d'être
12 échangés. Et on le savait, ils ont pu le voir, cela. Porter plainte n'avait
13 aucune finalité. On n'avait pas assez à manger.
14 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Je n'ai plus de questions pour vous.
15 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je viens de
16 terminer.
17 J'ai fini mon contre-interrogatoire, mais ça n'a pas été consigné au
18 compte rendu -- je vois.
19 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Maître Zivanovic.
20 Questions supplémentaires.
21 M. GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
22 Juges.
23 Nouvel interrogatoire par M. Gillett :
24 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, dans votre dernière réponse, vous
25 avez décrit la façon dont les détenus ont eu le crâne rasé, vous avez parlé
26 des conditions de vie et le manque de vivres et vous avez dit qu'"ils en
27 avaient conscience."
28 Alors, qui est-ce qui, à votre avis, avait eu conscience de la chose ?
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1 R. Je parlais des supérieurs, des officiers supérieurs de la JNA qui se
2 trouvaient là-bas à être les éléments de commandement. Ils pouvaient donner
3 l'ordre de changer telles ou telles choses. Ils ont pu voir les conditions
4 dans lesquelles nous vivions, et je suppose que c'est en raison de
5 l'évocation des conventions de Genève et des raisons pour lesquelles nous
6 n'avions pas porté plainte à ce sujet auprès des officiers. C'est, je
7 crois, ce que j'ai répondu à la question qu'on m'a posée.
8 M. GILLETT : [interprétation] Pas d'autres questions supplémentaires.
9 Merci, Messieurs les Juges.
10 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.
11 Questions de la Cour :
12 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, j'ai une petite question de
13 clarification. Je pense au transcript, à la page 37 -- transcript, page 37,
14 lignes 18 à 25. Vous avez parlé du comité de crise à Suhopolje avant votre
15 arrestation à Titov Vrbas. Je n'ai pas bien compris en quoi consistait ce
16 comité de crise. Etait-il un petit comité constitué d'un petit nombre de
17 personnes ou était-il une grande assemblée avec énormément de participants
18 ? Première question.
19 R. C'étaient des gens du cru, des gens originaires de Suhopolje même. Les
20 gens avec qui j'ai grandi, avec qui j'ai été à l'école. Ils se sont auto-
21 organisés pour constituer une cellule de Crise. Une cellule de Crise, à mes
22 yeux, c'est ce qu'on crée quand il y a, par exemple, des intempéries ou des
23 catastrophes naturelles, pour résoudre des problèmes. J'imagine que c'est
24 de façon analogue qu'ils avaient créé cette cellule de Crise pour se
25 défendre de quoi que ce soit, et ils avaient redouté le fait de voir
26 l'armée quitter la caserne -- ils avaient notamment redouté ce qui se
27 passerait dans ce cas de figure-là.
28 M. LE JUGE MINDUA : Alors, quel était le rôle de cette cellule de Crise ?
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1 C'était pour empêcher l'armée de quitter la caserne ou pour se battre
2 contre les intervenants extérieurs ?
3 R. D'après ce que j'ai cru comprendre, il n'y avait pas la possibilité de
4 les empêcher, il n'y avait pas avec quoi le faire. Ils n'avaient pas
5 d'armes. Donc on ne pouvait pas empêcher l'armée de faire quoi que ce soit.
6 Ils s'étaient juste auto-organisés. Tout village ou toute localité l'avait
7 fait. Il y avait ce qu'on appelait la protection civile, et ils s'étaient
8 mis à fonctionner de façon analogue. C'est ainsi que j'ai cru comprendre
9 les choses. Mais je n'étais pas avec eux. Je ne résidais pas là à ce
10 moment-là; je m'étais juste trouvé là. Des amis m'ont convoqué, m'ont fait
11 venir, et j'ai essayé de fonctionner à leurs côtés de façon analogue sur le
12 coup.
13 M. LE JUGE MINDUA : D'accord. Je comprends mieux. Ça va. Merci.
14 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, ceci met un terme
15 à votre témoignage. Nous vous remercions d'être venu à La Haye pour aider
16 ce Tribunal. Vous êtes à présent libre de vous en aller. Nous vous
17 souhaitons un bon voyage de retour chez vous. Et nous allons demander à
18 l'huissier de vous raccompagner pour vous faire sortir de ce prétoire.
19 Grand merci.
20 Passons à huis clos pour cela, je vous prie.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos, Messieurs les
22 Juges. Merci.
23 [Audience à huis clos]
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 [Audience publique]
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y, Monsieur Stringer.
8 M. STRINGER : [interprétation] Je vais essayer d'être le plus bref
9 possible. Le témoin suivant a déjà témoigné auparavant dans une autre
10 affaire, et la Défense a demandé à ce qu'une version en B/C/S de la
11 transcription de sa déposition soit fournie, or cette transcription
12 n'existe pas. Le Tribunal n'établi pas de comptes rendus en B/C/S. Il se
13 peut que pour d'autres témoins cela ait été fait, mais pas pour celui-ci.
14 Ce qui est pratiqué normalement dans ce type de situation, c'est de fournir
15 un enregistrement audio de cette déposition antérieure en B/C/S pour servir
16 de version en B/C/S, et ça a été la pratique que de ne pas communiquer ce
17 type d'enregistrement à la Défense. Mais cela a également été rendu
18 disponible au Greffe. Nous n'avons pas de version en B/C/S pour ce qui est
19 de l'enregistrement audio du témoignage antérieur, mais si nous avons bien
20 compris, la Défense souhaiterait disposer de la possibilité pour l'accusé
21 de réécouter le témoignage de ce témoin antérieurement fourni avant que
22 nous ne l'entendions ici. Nous n'avons pas obtenu cela de la part du
23 Greffier, et la Défense non plus.
24 Et ce que nous suggérerions, parce que nous nous sommes entretenus
25 avec le Greffe pendant la pause d'aujourd'hui, et nous pensons que cet
26 après-midi le Greffier pourrait fournir l'enregistrement audio. Nous
27 pourrions donc le préparer et le rendre disponible à la Défense afin que M.
28 Hadzic puisse entendre le témoignage antérieurement fourni et consulter ses
Page 3995
1 conseils de la Défense avant le témoignage du témoin maintenant.
2 Le témoin est -- enfin, nous avions demandé la possibilité d'avoir
3 une heure pour l'interrogatoire principal. Et comme nous l'avons déjà fait
4 savoir, ce sera un peu plus court, parce que pour le témoin d'après, nous
5 sommes certains du temps que ça va prendre. Et nous voudrions fournir à la
6 Défense l'opportunité de se procurer cet enregistrement audio afin qu'il
7 puisse être réécouté par l'accusé.
8 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que la Défense a quelque
9 chose à ajouter ?
10 M. GOSNELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous pensons
11 qu'en application de l'article 66(A)(ii), M. Hadzic aurait le droit de
12 disposer des déclarations antérieurement fournies par un témoin ou des
13 témoins, et étant donné qu'il ne s'agit pas de déclarations ou de
14 témoignages en application de l'article 92 ter, l'accusé aurait le droit de
15 voir les transcriptions, mais pas les enregistrements audio antérieurs.
16 Alors, nous demanderions à ce qu'à l'avenir dans ce type de situation, pour
17 le cas où nous aurions un témoin 92 ter, il soit communiqué des
18 transcriptions des témoignages antérieurs, soit sous forme audio, soit sous
19 forme écrite si transcription il y a. Je sais qu'il y a des situations où
20 ce type de transcription a déjà été généré, peut-être par des agences
21 extérieures, ou alors cela se trouve peut-être sur le site internet du
22 TPIY.
23 Mais jusqu'à présent, je crois avoir compris qu'il n'y a eu que deux
24 témoins à avoir témoigné en application du 92 ter, et le témoignage a été
25 proposé comme étant une déposition antérieurement fournie par un témoin.
26 Nous avons cru comprendre à un moment donné que ça ne nous a pas été
27 communiqué pour ce qui est de la déposition antérieurement fournie
28 s'agissant de ce témoin-ci et nous avons demandé au Procureur de nous
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1 fournir ces enregistrements audio de chaque témoignage antérieurement
2 fourni pour tout témoin, en particulier dans le cas de figure où le témoin
3 viendrait à témoigner en application du 92 ter. Et partant de ce que je
4 viens de dire, je demanderais à ce que l'audition du témoin présent soit
5 remise à demain afin que M. Hadzic puisse se pencher sur la teneur de son
6 témoignage.
7 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bon. Si j'ai bien compris, la
8 déposition dont nous parlons maintenant, est-ce une déclaration en
9 application du 92 ter ?
10 M. STRINGER : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien.
12 M. STRINGER : [interprétation] Il s'agit d'un témoignage antérieurement
13 fourni devant ce même Tribunal. Et si je puis faire quelques commentaires
14 additionnels --
15 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y.
16 M. STRINGER : [interprétation] En réponse à ce que mon éminent confrère a
17 dit, il y a deux autres témoins dont les dépositions sont proposées pour
18 versement en application du 92 ter. Tout d'abord, il n'a jamais été
19 auparavant suggéré que l'Accusation aurait l'obligation de communiquer la
20 teneur de ce qu'il a déjà dit sous cette forme -- c'est-à-dire
21 l'élaboration d'une transcription en B/C/S de ce qu'il a déjà déclaré. Ça,
22 c'est nouveau. Et nous nous sommes entretenus pendant la pause pour essayer
23 de voir s'il y a moyen, tout d'abord, d'identifier et de déterminer le
24 nombre de ces témoins où la question pourrait se poser et où la demande
25 pourrait être faite en ce sens.
26 Et je pense que si l'Accusation essayait de produire des transcriptions en
27 B/C/S partant des versions anglaises des transcriptions recueillies par le
28 TPIY, ce serait une obligation qui serait mutuelle pour les deux parties au
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1 procès, parce que la partie adverse peut également avoir des
2 enregistrements audio s'agissant des dépositions faites par des témoins
3 autres.
4 Or, le service des traductions qui est chargé de ces versions,
5 d'après l'expérience qui est la mienne, nous répond de façon systématique
6 que ce service-là ne fournit pas de transcriptions. Parce que ceci
7 signifierait qu'il y aurait une réécoute des enregistrements B/C/S et
8 frappe de la teneur de ces enregistrements audio; et d'après ce que j'ai
9 cru comprendre, le service CLSS ne le fait pas.
10 Donc, d'un, je ne pense pas que nous ayons une obligation de
11 communication de ce type de transcription. Par contre, nous pouvons nous
12 pencher sur l'identité des témoins à venir du même type et le personnel du
13 bureau du Procureur qui fait partie du service linguistique de l'Accusation
14 pourrait être saisi pour qu'eux soient sollicités pour ce qui est des
15 transcriptions de ce type, mais ceci se rapporte aux témoins à venir. C'est
16 ce que j'avais voulu dire pour répondre à ce qui vient d'être dit. Nous ne
17 considérons pas ceci comme étant une obligation de communication.
18 Les transcriptions de l'affaire Seselj existent en B/C/S. Et je crois que
19 c'est une ordonnance qui a été rendue de façon spécifique, parce que dans
20 l'affaire en question l'accusé se défend lui-même. Et, en sus, comme mon
21 confrère l'a dit, certaines organisations non gouvernementales qui sont
22 extérieures au Tribunal ont élaboré ce type de transcription en B/C/S, mais
23 je ne suis pas sûr de savoir que cela se rapporte aux témoins qui seront
24 des témoins cités dans notre affaire à nous. Alors, à l'avenir, nous
25 pourrions peut-être nous entretenir sur le sujet, mais nous ne pensons pas
26 que nous nous opposerions à une requête de ce type. Mais pour répondre à la
27 suggestion formulée par la Défense pour laisser entendre que ceci fait
28 partie de notre obligation de communication de documents, je tiens à
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1 entendre qu'il ne s'agit pas d'une violation quelle qu'elle soit de
2 communication nous concernant. Nous ne savions pas que le problème se
3 poserait parce que ça n'a pas été évoqué de par le passé.
4 M. LE JUGE HALL : [interprétation] Mais par curiosité, dites-moi, lorsque
5 des établissements extérieurs ont procédé à la frappe de transcriptions,
6 est-ce qu'il y a eu des problèmes d'authenticité à aborder ?
7 M. STRINGER : [interprétation] Nous n'avons jamais demandé le versement au
8 dossier de transcriptions établies à l'extérieur pour ce qui est des
9 paquets de documents en application du 92 ter. Il y a un témoin pour lequel
10 ça a été fait - ça me vient à l'esprit maintenant - et quand je parle de ce
11 type de transcription en B/C/S, c'est une transcription établie par un
12 établissement extérieur. C'est une transcription du Tribunal pénal
13 international. Et lorsque nous disposons de tout ceci, nous le communiquons
14 à la Défense. Mais nous ne faisons pas de recherches pour voir si dans les
15 ressources extérieures on serait susceptible de trouver des transcriptions
16 d'un témoin antérieur de l'Accusation. Ce sont des sources qui sont
17 disponibles à tout un chacun, et tout un chacun a libre accès à ce type de
18 transcription. Donc nous ne nous sommes pas servi de ce type de
19 transcription et nous ne demanderions pas un versement au dossier de ce
20 type de document en application du 92 ter. Par analogie, dans le cas où
21 l'Accusation prendrait sur soi l'obligation d'établir des transcriptions en
22 B/C/S dans un esprit de coopération avec la Défense pour ce qui est des
23 témoins à venir, étant donné qu'il s'agit de transcriptions du bureau du
24 Procureur qui seraient confiées à nos assistants linguistiques, ce ne
25 serait pas une transcription officielle de ce Tribunal international et
26 nous ne considérerions pas que ceci constitue une transcription officielle.
27 Parce qu'il n'y a que les membres de l'interprétation ou de la traduction
28 qui en sont chargés.
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1 M. GOSNELL : [interprétation] Pour préciser, si vous me le permettez,
2 Monsieur le Président, nous ne disposons ni des enregistrements audio, ni
3 des transcriptions concernant cette déclaration 92 ter, et c'est le
4 problème auquel nous faisons face maintenant. Alors, si mes remarques ont
5 été interprétées comme quelque chose relevant d'une allégation d'une
6 conduite erronée, il y a une zone grise. Mais nous disons qu'en vertu de
7 l'article 66(A)(ii), néanmoins, l'Accusation a l'obligation de communiquer
8 les éléments en question et qu'ils doivent être fournis dans la langue de
9 l'accusé. Alors, effectivement, nous pouvons résoudre cette situation en
10 entendant les enregistrements audio, ce qui éclairera peut-être l'attitude
11 adoptée par les Juges de la Chambre. Vous comprendrez combien il est
12 difficile de travailler avec un enregistrement audio, avec une
13 transcription de cet enregistrement audio, sans que les passages ne soient
14 délimités sur un plan horaire. Nous voulons en fait pouvoir suivre à la
15 fois en anglais et en B/C/S. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons
16 avoir un enregistrement audio et une transcription à l'avenir.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pour l'instant, nous allons rendre
18 une décision en ce qui concerne le témoin suivant. Je suis d'accord pour
19 dire que le mieux sera de lever l'audience pour aujourd'hui et de permettre
20 à la Défense d'écouter les enregistrements audio qui seront fournis par le
21 Procureur. Est-ce que j'ai bien compris vos propos, Monsieur Stringer ?
22 M. STRINGER : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. La
23 commise à l'affaire a été en contact avec le greffier et les membres du
24 Greffe, et on nous a dit que l'enregistrement audio pourrait être remis à
25 l'Accusation cet après-midi. Il y aura peut-être une autre question
26 logistique qui pourrait exiger de la part de la Chambre une décision,
27 c'est-à-dire qu'il faudra remettre le CD à l'accusé au quartier
28 pénitentiaire, car il y a des procédures qui doivent être appliquée dans ce
Page 4000
1 cas. Je pense que le Greffe sera en mesure de s'en occuper. Une fois que
2 nous avons le CD, à ce moment-là l'Accusation ne peut pas garantir que ceci
3 soit remis au quartier pénitentiaire.
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je suppose qu'avec l'aide du Greffe,
5 cela fonctionnera ?
6 Monsieur le Greffier.
7 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
8 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, le greffier me dit
9 que dans ce cas, vous devriez fournir le CD avant 16 heures. C'est possible
10 pour vous ?
11 M. STRINGER : [interprétation] Je suppose que dès que nous l'obtiendrons du
12 Greffe, nous le remettrons au Greffe. Il y a en fait des règles techniques
13 que nous devons respecter --
14 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je n'essaie pas de comprendre cela,
15 Monsieur Stringer.
16 La question de la manière dont il faudra procéder à l'avenir dans un cas
17 comme celui-ci, je crois qu'il faut un petit peu de temps. Nous devrons y
18 consacrer du temps et y réfléchir. Nous allons peut-être même demander des
19 arguments écrits, que ceci soit présenté par écrit, mais si tel est le cas,
20 nous vous le ferons savoir.
21 M. STRINGER : [interprétation] Sur ce point -- aujourd'hui, nous allons
22 voir combien de témoins dans le cadre du 92 ter existent et nous allons
23 voir s'il existe une transcription de leurs dépositions. Dans ce cas, nous
24 pourrons peut-être trouver un arrangement avec la Défense. Si cela leur
25 convient, dans ce cas nous aurons peut-être le temps pour faire cela.
26 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions,
27 l'audience est levée.
28 --- L'audience est levée à 12 heures 07 et reprendra le jeudi 2 mai 2013, à
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1 9 heures 00.
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