Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 20 juin 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 8 heures 59.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde dans le

  6   prétoire et à l'extérieur du prétoire.

  7   Madame la Greffière, s'il vous plaît, citez le numéro de l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Les parties peuvent-elles se

 12   présenter, d'abord l'Accusation.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 14   les Juges. Pour le bureau du Procureur, Douglas Stringer, Matthew Gillett,

 15   Thomas Laugel et Kathleen Childs.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 17   Maintenant la Défense, Maître Gosnell.

 18   M. GOSNELL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Christopher

 19   Gosnell pour la Défense et Liane Aronchick.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 21   Lundi, le 1er juillet, la Chambre a reçu des instructions disant que ce

 22   jour-là on ne pourrait pas siéger étant donné que la cérémonie d'ouverture

 23   du Mécanisme international va avoir lieu. Donc les parties sont informées

 24   que lundi, 1er juillet, il n'y aura pas d'audience. Merci.

 25   Le témoin peut entrer dans le prétoire.

 26   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'hier M.

 27   Hadzic a envoyé la déclaration pour renoncer à son droit d'être présent

 28   aujourd'hui.

 


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] On fait droit à cette demande.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Pour ce qui est du 1er juillet, est-ce qu'il

  3   serait possible de siéger vendredi cette semaine du 1er juillet pour ne pas

  4   devoir remanier le calendrier pour cette semaine et les choses nécessaires

  5   pour tout arranger pour siéger cette semaine ?

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons en parler pendant la

  7   première pause, Monsieur Stringer.

  8   M. STRINGER : [interprétation] Merci.

  9   [Le témoin vient à la barre]

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur McElligott.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 12   Juges.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous êtes assis

 14   confortablement ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Je vous rappelle que vous êtes

 17   toujours lié par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début

 18   de votre déposition.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 21   LE TÉMOIN : JOHN GERARD McELLIGOTT [Reprise]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Allez-y, Monsieur Gillett.

 24   M. GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Interrogatoire principal par M. Gillett : [Suite]

 26   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur McElligott. Est-ce que vous

 27   m'entendez distinctement ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Encore une fois, je vous demande de ménager une pause entre mes

  2   questions et vos réponses et de parler lentement, s'il vous plaît.

  3   Hier, à la fin de l'audience, vous avez décrit les mesures prises la CIVPOL

  4   des Nations Unies pour élucider des cas d'infractions pénales, des crimes

  5   qui ont été commis. Pouvez-vous nous dire quel était l'impact de cela sur

  6   ces communautés ? C'est en page du compte rendu 6 023.

  7   Pouvez-vous nous dire des types de mesures prises par la police de la RSK

  8   pour réduire et prévenir la commission de ces crimes ?

  9   R.  La fonction principale de la police était de prévenir la commission des

 10   crimes. Et si vous procédez ainsi, vous êtes visible au sein de la

 11   communauté, vous avez des contacts avec les membres de la communauté et

 12   vous êtes respecté par les membres de la communauté. Et je pense que cela

 13   n'a pas été fait dans beaucoup de cas. Les minorités avaient peur de

 14   rapporter des crimes qui avaient été commis, ils ne faisaient pas cela, et

 15   s'il n'y avait pas eu de nos observateurs, beaucoup de crimes n'auraient

 16   pas été enregistrés ou des enquêtes n'auraient pas été menées par rapport à

 17   ces crimes.

 18   Q.  Une dernière question. Vous avez témoigné qu'il y avait beaucoup

 19   d'exemples où les membres de la police de la RSK avaient été impliqués à la

 20   commission des crimes contre les civils. Qu'est-ce que la police a fait

 21   pour éviter que des crimes contre les habitants non serbes ne soient pas

 22   perpétrés dans ces zones ?

 23   R.  Il y avait des policiers professionnels sur le terrain, et beaucoup

 24   d'entre eux opéraient de façon très professionnelle. Nous n'avions aucun

 25   doute là-dessus et nous leur avons dit cela clairement. D'autre côté, il y

 26   avait un groupe qui n'opérait pas de façon appropriée et propre à la

 27   police, et je dirais que ce groupe présentait des problèmes. Et dans

 28   beaucoup de cas, ces policiers ont été impliqués à la commission des

 


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  1   infractions pénales, et il y avait des témoins qui disaient que ces

  2   personnes portaient des uniformes de la police lors de la commission de ces

  3   crimes. On a vu beaucoup de plaintes au pénal concernant ces crimes,

  4   concernant des tirs, de l'intimidation, et il y avait une campagne de

  5   terreur qui a été répandue par les membres de ce groupe. Mes observateurs

  6   m'ont envoyé des rapports là-dessus. Et il n'y a aucun doute que cela ait

  7   été fait et que cela ait eu un impact négatif sur la population.

  8   Q.  Merci. Je n'ai plus de questions dans le cadre de mon interrogatoire

  9   principal.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur Gillett.

 11   Maître Gosnell, vous pouvez commencer votre contre-interrogatoire.

 12   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Contre-interrogatoire par M. Gosnell : 

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur McElligott.

 15   R.  Bonjour, Maître.

 16   Q.  Comme vous le savez, Monsieur McElligott, je m'appelle Christopher

 17   Gosnell, et dans cette affaire je suis conseil de la Défense de M. Hadzic.

 18   Aujourd'hui, je vais vous poser quelques questions. Si vous pensez que mes

 19   questions ne sont pas claires, dites-le-moi et je vais donc clarifier mes

 20   questions.

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  Il faut que vous ménagiez une pause entre mes questions et vos

 23   réponses. Et moi, je vais essayer de ménager une pause également après mes

 24   questions [comme interprété].

 25   Monsieur McElligott, avant de parler des crimes que vous avez remarqués et

 26   avant de parler des rapports portant sur ces crimes, j'aimerais qu'on parle

 27   du contexte de votre mission. Au paragraphe 13 de votre déclaration, vous

 28   avez dit que :


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  1   "Le rôle des unités des Nations Unies était d'assurer que cette zone reste

  2   démilitarisée et que la population n'ait pas peur de subir une attaque

  3   armée."

  4   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on maintenant afficher L2, qui se trouve

  5   dans le recueil des documents de la Défense à l'intercalaire numéro 5.

  6   Q.  Ai-je raison de dire que le concept général du plan de Vance disait

  7   qu'il devait exister une composante militaire de la FORPRONU dont la

  8   responsabilité primordiale était d'assurer assurer la protection des

  9   Nations Unies dans des zones de sécurité et qu'il y aurait existé également

 10   une composante policière, à savoir la CIVPOL des Nations Unies, la police

 11   civile des Nations Unies, qui devait s'assurer que des lois soient

 12   appliquées sur le territoire des zones de sécurité ? Est-ce que cela était

 13   prévu par le plan de Vance ?

 14   R.  Oui.

 15   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on passer maintenant à la page 11,

 16   paragraphe numéro 7.

 17   Q.  D'abord, regardons les termes qui ont été utilisés --

 18   R.  Excusez-moi. J'ai des problèmes pour lire ce texte à cette distance.

 19   Est-ce qu'on peut agrandir un peu ce texte ?

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, est-ce qu'on peut agrandir le paragraphe

 21   numéro 7.

 22   Q.  Monsieur McElligott, pouvez-vous maintenant lire le texte de ce

 23   paragraphe ?

 24   R.  Est-ce qu'on peut agrandir encore un peu ? Ah, maintenant ça va.

 25   Q.  Dans la troisième phrase, on peut lire :

 26   "Le rôle des unités des Nations Unies serait d'assurer que ces zones

 27   restent démilitarisées et que toutes les personnes habitant dans ces zones

 28   soient protégées d'attaque armée et n'aient pas peur."


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  1   Il s'agit d'une formulation quelque peu étrange. Il est dit "les protéger

  2   de ne pas avoir peur" par rapport à les protéger d'attaque armée. Seriez-

  3   vous d'accord pour dire qu'il s'agissait de la protection de tout le monde

  4   qui se trouvait dans cette zone par rapport aux attaques ?

  5   R.  Je pense qu'il faut revenir un peu en arrière et dire que la

  6   démilitarisation devait être mise en œuvre avant de mettre tout cela en

  7   place. En d'autres termes, les parties belligérantes devaient se retirer de

  8   la zone démilitarisée pour que la FORPRONU assume la responsabilité de la

  9   zone démilitarisée. Et dans un tel contexte, la police locale devait

 10   fonctionner également.

 11   Mais, en pratique, nous n'avons jamais eu cela, en réalité.

 12   Q.  Dans un monde qui n'était pas parfait, la FORPRONU, certainement,

 13   opérait d'une façon qui n'était pas parfaite, mais nous allons voir des

 14   documents qui en parlent. Mais indépendamment du fait que les forces

 15   croates ne s'étaient pas retirées complètement des lignes de confrontation

 16   et qu'il n'y avait jamais eu de démilitarisation complète des zones de

 17   sécurité, l'objectif et le mandat de la FORPRONU était de protéger ces

 18   zones de sécurité, n'est-ce pas ?

 19   R.  Lorsque les parties signataires de cet accord s'engageaient à faire

 20   cela, elles devaient assumer cette responsabilité. Mais ils n'ont pas fait

 21   cela. Et nous nous sommes trouvés au milieu du conflit en essayant de faire

 22   établir une nouvelle situation, parce que la situation qui prévalait à

 23   l'époque était extrêmement difficile.

 24   Et lorsque nous étions là-bas, il y avait des pourparlers au sein du

 25   QG des Nations Unies qui ont essayé de faire appliquer les dispositions de

 26   l'accord. Entre-temps, nous travaillions sur le terrain sur lequel il y

 27   avait toujours un conflit.

 28   Q.  Au paragraphe 7, dans les deux phrases au début du paragraphe, il est


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  1   dit :

  2   "Lorsque les forces des Nations Unies assument leurs responsabilités au

  3   sein des zones de sécurité, toutes les forces de la JNA déployées ailleurs

  4   en Croatie doivent être relocalisées à l'extérieur de cette république."

  5   Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'il s'agissait d'une sorte de

  6   marchandage ici, puisque la JNA devait se retirer et laisser la FORPRONU

  7   entrer dans des zones protégées pour assurer leur sécurité ?

  8   R.  La FORPRONU devait démilitariser ces zones protégées et établir le

  9   contrôle de la FORPRONU dans ces zones, dans ces secteurs, dans les

 10   secteurs nord, sud, est et ouest. Il y avait des délais également pour

 11   établir ce contrôle. Mais les forces se trouvaient sur le terrain même

 12   avant ces dates, mais il a fallu une certaine période de temps pour que les

 13   dispositions de l'accord soient appliquées.

 14   Et il faut une période de temps nécessaire pour que vous puissiez

 15   dire que vous vous êtes bien installé dans la zone et que vous êtes en

 16   mesure d'assumer la responsabilité pour cette zone. Mais cela n'est jamais

 17   arrivé.

 18   Q.  Permettez-moi d'approcher cela d'un angle différent.

 19   Parmi les Serbes qui étaient vos locuteurs, est-ce que vous avec compris en

 20   leur parlant qu'ils avaient demandé à la FORPRONU de les protéger

 21   militairement sur le territoire des zones protégées par rapport aux

 22   attaques croates ?

 23   R.  Je vais répondre de la même façon que j'ai probablement déjà répondu à

 24   cette question. J'étais policier et je devais jouer un rôle concret. Il y

 25   avait des hommes politiques qui avaient leur rôle à jouer également, et je

 26   suis sûr qu'il y a beaucoup de moyens de preuve qui vous démontrent leur

 27   type de comportement. Je ne pense pas que je devrais maintenant parler de

 28   l'aspect politique de ce problème. Je ne peux vous en parler que du point


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  1   de vue de policier que j'étais. Et je peux vous dire que les choses

  2   n'étaient pas comme nous nous attendions à ce qu'elles soient sur le

  3   terrain lorsque nous sommes arrivés.

  4   Q.  Vous étiez dans cette région pendant combien de temps ?

  5   R.  Pendant un [comme interprété] mois.

  6   Q.  Et à quelle fréquence aviez-vous des contacts avec les responsables

  7   serbes ?

  8   R.  Je dirais peu de contacts, puisque les chefs de la police allaient aux

  9   réunions, et moi aussi, j'assistais à des réunions à Genève et à Vienne.

 10   Lorsqu'il y avait des questions qui étaient posées par rapport aux forces

 11   policières, moi j'ai participé à la discussion concernant ces questions.

 12   Mais sur le terrain, c'étaient des commissaires qui parlaient aux gens sur

 13   le terrain.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   R.  Donc les commissaires participaient à des réunions et les commissaires

 16   pour les affaires civiles et politiques participaient à ces discussions

 17   concernant les affaires politiques et civiles.

 18   Q.  Et les contacts se déroulaient entre vos commissaires, les chefs de la

 19   police civile des Nations Unies, et les responsables serbes ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Les contacts entre les hommes politiques et les Serbes continuaient

 22   également ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et dans beaucoup de documents -- permettez-moi de vous poser encore une

 25   question à ce sujet.

 26   Vous avez été tenu informé également des contacts que certains des

 27   militaires, y compris le commandant des forces, avaient avec les Serbes,

 28   n'est-ce pas ?


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  1   R.  Oui, nous étions au courant de ces réunions.

  2   Q.  Beaucoup de documents pour lesquels on vous a demandé de les

  3   authentifier et de fournir vos commentaires là-dessus étaient les documents

  4   concernant des contacts entre les militaires et les politiques ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Donc vous êtes en mesure de commenter des contacts entre les

  7   représentants civils et militaires et les Serbes, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on maintenant afficher 1367, à

 10   l'intercalaire numéro 30.

 11   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous avez vu la note du sténotypiste,

 13   n'est-ce pas, Maître Gosnell ?

 14   M. GOSNELL : [interprétation] Je vais faire de mon mieux. Je m'en excuse.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 16   M. GOSNELL : [interprétation]

 17   Q.  Il s'agit peut-être d'un télégramme codé. En tout cas, il s'agit de

 18   quelque chose que le général Nambiar a envoyé à M. Goulding au siège des

 19   Nations Unies à New York.

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-être nous ne devrions pas diffuser ça à

 21   l'extérieur. Je ne sais pas si l'Accusation peut m'aider. C'est sur la

 22   liste des documents du bureau du Procureur. Je ne me souviens pas quelle

 23   est la norme qu'il faut appliquer concernant ce type de documents.

 24   M. GILLETT : [interprétation] Accordez-moi quelques instants. Je ne pense

 25   pas qu'il y ait un problème, mais il faut que je vérifie cela.

 26   M. GOSNELL : [interprétation] En attendant votre information, je pense

 27   qu'il vaut mieux qu'on ne diffuse pas à l'extérieur du prétoire.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.


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  1   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on afficher la deuxième page du

  2   document. C'est quelque chose qu'on peut voir également sur la page de

  3   garde.

  4   Q.  Il s'agit d'une lettre qui a été envoyée par le conseil d'Etat pour la

  5   coopération avec la FORPRONU du gouvernement de la RSK.

  6   D'abord, j'aimerais vous poser la question suivante, Monsieur

  7   McElligott : saviez-vous que ce conseil d'Etat ou commission d'Etat

  8   existait, la commission qui était en charge de la coopération avec la

  9   FORPRONU ?

 10   R.  Il y avait beaucoup de commissions. Oui, je savais qu'il y avait

 11   beaucoup de commissions qui étaient en charge d'entrer en contact avec ces

 12   organes.

 13   Q.  Et pour ce qui est de la date de cette lettre, le 10 novembre 1992, à

 14   cette date-là, vous étiez déjà dans le pays, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce qu'on peut tourner la page.

 17   R.  Est-ce qu'on peut agrandir un peu cette page, s'il vous plaît ?

 18   Q.  Ici, M. Zecevic écrit à M. Nambiar, au général Nambiar, et j'aimerais

 19   attirer votre attention sur quelques paragraphes dans ce texte :

 20   "Il faut répéter que la raison principale pour accepter le plan de Vance

 21   était la sécurité totale de la population dans les zones protégées qui

 22   serait assurée par la présence des unités des Nations Unies. En d'autres

 23   termes, à l'article 7 du plan de Vance, votre tâche est définie. Je cite :

 24   'Le rôle des unités des Nations Unies est d'assurer que les zones protégées

 25   restent démilitarisées et que toute la population de ces zones protégées

 26   soit protégée des menaces d'attaque armée.'

 27   "Cette disposition du plan de Vance était la raison principale pour

 28   l'accepter. Avec la conviction profonde, je considère que cette disposition


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  1   représente l'expression essentielle du plan de Vance, et c'est pour cela

  2   que nous avons insisté là-dessus lors de tous nos contacts avec les

  3   représentants de la FORPRONU."

  4   Est-ce qu'on peut faire défiler le texte. Sur la même page, vous

  5   continuez :

  6   "Nous ne pouvons pas accepter que le cessez-le-feu soit violé par le

  7   côté croate, puisque la démilitarisation qui devait être complète n'avait

  8   pas été faite de cette façon-là dans les zones protégées. Cela est

  9   complètement inacceptable et absurde.

 10   "De la même façon, nous avons insisté à ce qu'on obtienne votre

 11   réponse et vos garanties pour la mise en œuvre complète de la disposition

 12   de l'article 7 du plan Vance, mais nous n'avons pas reçu de réponse

 13   adéquate, n'avons pas reçu de réponse positive en tout cas".

 14   Et permettez-moi de commencer par le dernier point. Est-ce que vous

 15   étiez informé du fait ou est-ce que vous saviez que la FORPRONU avait dit

 16   aux Serbes qu'ils ne pouvaient pas garantir la protection des zones de

 17   sécurité des attaques croates ?

 18   R.  D'abord, il faut que je revienne au premier point, où il est dit que

 19   cette zone devait rester démilitarisée. Donc la FORPRONU devait commencer à

 20   opérer dans des zones qui avaient déjà été démilitarisées, mais nous allons

 21   voir que la situation était complexe puisqu'il y avait un manque de

 22   confiance des deux côtés, du côté croate parce qu'ils menaçaient d'attaquer

 23   les Serbes, et il n'y avait pas de confiance du tout, et la FORPRONU devait

 24   négocier à ce sujet. La FORPRONU devait continuer à mettre en œuvre la

 25   démilitarisation, mais ni les uns ni les autres ne faisaient rien. Ils

 26   disaient, Si vous vous déplacez, nous allons nous déplacer également. Mais

 27   rien n'a été fait sur ce plan-là. La FORPRONU devait essayer de les faire

 28   revenir à ce point. Et la situation était très complexe. C'est dans ce


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  1   contexte que nous travaillions.

  2   Q.  La JNA ne s'était pas retirée, n'est-ce pas ?

  3   R.  Si j'ai bien compris, cette zone n'a pas été démilitarisée.

  4   Q.  Monsieur, ce n'était pas ma question.

  5   R.  Je ne sais pas qui s'est retiré de ces zones. Il faut que vous posiez

  6   cette question aux militaires. Je ne peux pas en parler en détail.

  7   M. GILLETT : [interprétation] Je serai bref. Nous avons vérifié ce qui en

  8   est concernant ce document. Le document peut être diffusé en public. Merci.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Merci.

 11   Q.  A l'époque où vous étiez là-bas, pouvez-vous nous dire quel était le

 12   déploiement des forces de la FORPRONU dans les zones protégées ?

 13   R.  Nous avions des observateurs des Nations Unies, des observateurs

 14   militaires, sur le terrain des deux côtés, ensuite des officiers de

 15   liaison. Il y avait un bataillon militaire des Nations Unies dans le

 16   secteur et quelques bataillons dans d'autres secteurs. Ils se trouvaient

 17   dispersés partout dans cette région et dans des zones protégées.

 18   Q.  Est-ce que leur déplacement était limité sur le territoire des zones

 19   protégées ? Est-ce qu'ils ont été déployés pour pouvoir d'abord observer la

 20   situation et ensuite protéger ou prévenir des incursions du côté croate sur

 21   le territoire des zones protégées ?

 22   R.  Je sais qu'il y avait des bases militaires dans des zones protégées,

 23   mais je ne sais pas quel était le déploiement des unités. Je ne le sais pas

 24   puisque nos tâches étaient les tâches policières, et nous pouvions demander

 25   leur aide, si cela était nécessaire. Ils étaient à notre disposition. Ils y

 26   étaient. Je suis sûr qu'ils ont fait leur travail.

 27   Q.  La raison pour laquelle je vous pose cette question et la raison pour

 28   laquelle je pense que vous êtes en position de commenter cela est que, si


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  1   je ne m'abuse, vous aviez 600 observateurs de la CIVPOL éparpillés partout

  2   dans cette région, parfois dans des coins très lointains, dans les zones

  3   protégées, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui. Nous avions des observateurs dans toutes les communautés, dans le

  5   cadre de la zone rose. Plusieurs postes d'observation.

  6   Q.  Donc vos observateurs étaient -- 

  7   R.  Hm-hm.

  8   Q.  A quelle fréquence vous vous rendiez à ces postes où se trouvaient vos

  9   observateurs ?

 10   R.  Ce n'était pas régulier. Parfois je suis allé pour y être pendant deux

 11   semaines, pour voir quelle était la situation sur le terrain, mais parfois

 12   je me rendais là-bas très souvent lorsqu'il y avait des choses sur

 13   lesquelles il fallait discuter ou si quelque chose a été passé, et cetera.

 14   Je me rendais à Benkovac, dans la poche de Medak et à d'autres endroits

 15   dans des secteurs.

 16   Q.  Vous avez fait référence aux zones roses. Qu'est-ce que c'était ?

 17   R.  Les zones roses ont été établies par une résolution supplémentaire

 18   concernant les zones protégées des Nations Unies. C'étaient des zones qui

 19   se trouvaient à l'extérieur des zones protégées en Croatie, mais tout près

 20   de la ligne de confrontation. Et sur le territoire de ces zones roses, il y

 21   avait la JNA, et la population majoritaire était la population serbe. Et

 22   par cette résolution, il a été décidé que la mission des Nations Unies

 23   devait fonctionner également sur le territoire de ces zones roses.

 24   Q.  Sur le territoire de ces zones roses, il y avait des observateurs de la

 25   CIVPOL, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, on avait plusieurs postes là-bas.

 27   Q.  Et c'était la position de la FORPRONU, concernant les zones protégées,

 28   qu'il ne fallait pas qu'il y ait d'attaque de la partie croate visant les


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  1   zones roses, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui. Et si je me rappelle bien, il y avait une ligne de confrontation,

  3   et je crois qu'il y avait une zone, un "no man's land", en fait, de 5

  4   kilomètres entre les deux parties qui faisait tampon.

  5   Q.  Est-ce qu'il serait juste de résumer le déploiement des forces de la

  6   FORPRONU en disant que les bataillons de celle-ci, dans une très large

  7   part, étaient déployés au centre des secteurs concernés, et qu'en réalité,

  8   la FORPRONU envoyait des patrouilles à partir de ce centre vers les lignes

  9   de confrontation ?

 10   R.  Eh bien, il y avait des casernes qui avaient été fournies, et quant à

 11   la façon dont ils patrouillaient, ils cherchaient à le faire efficacement.

 12   Et je crois que vous pouvez le voir dans les rapports militaires. Vous

 13   pouvez en voir le compte rendu ainsi que les activités dans lesquelles ils

 14   se sont engagés.

 15   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

 16   demander le versement de ce document.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gillett.

 18   M. GILLETT : [interprétation] Est-ce que nous parlons du numéro 1367,

 19   émanant de Zecevic --

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Oui.

 21   M. GILLETT : [interprétation] Mais le témoin n'a en rien confirmé le

 22   contenu de ce document. Il n'a pas reconnu ce document. Et, en fait, à

 23   plusieurs reprises, il a dit qu'il ne pouvait pas formuler de commentaires

 24   à son sujet.

 25   Donc je ne crois pas qu'il y ait là une base suffisante pour le

 26   verser au dossier. Il n'y a pas de lien suffisant qui ait été établi. Nous

 27   n'avons pas de difficulté quant au format puisque cela est inclus dans le

 28   document, mais nous ne croyons pas que le témoin ait ajouté quoi que ce


Page 6044

  1   soit de pertinent. Et ce qui peut l'être est déjà consigné au compte rendu.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell.

  3   M. GOSNELL : [interprétation] Ce n'est pas la première fois que

  4   l'Accusation s'oppose au versement d'un document qui figure sur sa propre

  5   liste.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

  7   d'interrompre. Mais nous avons une liste 65 ter en l'espèce qui consiste en

  8   plus de 6 000 documents qui a donc été dressée, cette liste, dans une phase

  9   de préparation intense au procès. Hier, la Chambre a refusé à l'Accusation

 10   la possibilité d'ajouter une pièce à sa liste.

 11   Et ce que je voulais dire simplement, c'est que le simple fait qu'un

 12   document figure sur une liste n'entraîne en rien qu'il soit recevable,

 13   qu'on puisse le verser au dossier. C'est tout simplement une pièce qui fait

 14   partie d'un ensemble de pièces potentielles. Rien d'autre.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'objection est retenue car le lien

 18   n'a pas été établi avec ce témoin.

 19   M. GOSNELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Monsieur McElligott, au paragraphe numéro 55 de votre déclaration.

 21   M. GOSNELL : [interprétation] Et peut-être que nous pourrions l'afficher.

 22   C'est la pièce 6363. Ou, plutôt, le document 6363, versé sous la cote

 23   P2168.

 24   Q.  Est-ce que vous l'avez sous les yeux, Monsieur le Témoin ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Donc, en page 17, nous trouvons un sous-titre : "Incursions dans les

 27   secteurs du fait de toutes les parties au conflit." Et :

 28   "Il y a eu des incursions consistant à franchir les lignes de démarcation


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  1   des zones protégées des Nations Unies, incursions qui ont été le fait de

  2   toutes les parties au conflit. Les incursions par la partie croate

  3   comprenaient les opérations menées à Benkovac en janvier 1993 et à

  4   Maslenica, ainsi que dans la poche de Medak en septembre 1993."

  5   Alors, vous dites ici qu'il y avait des incursions de toutes les parties,

  6   mais les seuls exemples que vous fournissez, ce sont des incursions par les

  7   forces croates ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Y a-t-il ici la moindre précision que vous souhaiteriez peut-être faire

 10   à ce sujet ?

 11   R.  Oui, Messieurs les Juges. A ce sujet, lorsque je dis "par toutes les

 12   parties," je pense aussi les explosions ou les attaques intervenant dans le

 13   cadre d'opérations militaires, et non pas les attaques étant le fait

 14   d'individus. Je parle de bombardements, en fait. Excusez-moi.

 15   Q.  Vous parlez donc de violations de cessez-le feu ?

 16   R.  Oui. Je parle donc en ce sens d'incursions ou de violations par toutes

 17   les parties. Je parle donc d'incursions, tel que c'est indiqué ici, sur le

 18   terrain, au sol.

 19   Q.  Oui, mais pendant la période de 1992 et 1993, n'est-il pas exact que la

 20   seule partie qui ait traversé avec des soldats la ligne de démarcation et

 21   ce, de façon établie, était la partie croate ?

 22   R.  J'ai dit ici ce que je savais. Et je me rappelle avoir relu les

 23   éléments au sujet d'un incident mineur sur la ligne de front, mais je crois

 24   que ça a donné lieu à des négociations et des discussions. Ça n'a pas donné

 25   lieu à une escalade, ça ne s'est pas transformé en une situation grave.

 26   Donc, pas à l'échelle en tout cas de ce que nous avons ici. C'était un

 27   incident mineur.

 28   Q.  Je vais vous reposer la question d'une façon que nous ayons une réponse


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  1   claire.

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  Pour autant que vous le sachiez, la seule partie qui ait franchi la

  4   ligne de confrontation qui avait été mise en place dans le cadre du plan

  5   Vance et ce, avec des soldats, était les forces croates, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  En 1992 et 1993, ai-je raison de le dire ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Outre les exemples que vous avez donnés, saviez-vous qu'une attaque

 10   avait pris pour cible l'endroit nommé Miljevacki Visoravan [phon], le

 11   Plateau de Miljevacki, en 1993 [comme interprété] ?

 12   R.  Oui, j'en ai entendu parler.

 13   Q.  Est-ce que les forces croates étaient toujours présentes sur le Plateau

 14   de Miljevacki lorsque vous étiez sur place ?

 15   R.  Je ne suis pas sûr de cela. Je n'arrive pas à m'en souvenir.

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Pourrions-nous afficher le document 1D468,

 17   onglet numéro 39 de ce classeur de la Défense.

 18   Q.  Monsieur le Témoin, il s'agit ici d'un enregistrement vidéo dont

 19   j'espère et je crois que nous devrions être en mesure de le diffuser. Est-

 20   ce que vous voyez cela à l'écran devant vous ?

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  Je vais le diffuser et je vous poserai quelques questions.

 23   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : Aucune transcription n'a été

 24   fournie.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "… il n'y avait pas de problèmes sur la ligne, dit le capitaine

 28   originaire de Sibenik, dans l'action réussie de libération de Miljevac…"


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  1   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  2   M. GOSNELL : [interprétation]

  3   Q.  Avez-vous jamais vu cette vidéo auparavant ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Selon moi, cet enregistrement vidéo a été tourné par les forces

  6   croates. Apparemment, cela a été diffusé après les faits, en 1992. Dans les

  7   zones protégées, parmi la population serbe, et tout particulièrement dans

  8   le secteur sud, cette vidéo a acquis une réputation particulièrement

  9   sinistre, parce que c'était là l'un des événements qui s'étaient déroulés

 10   pendant l'opération au Plateau de Miljevacki.

 11   Est-ce que vous-même, vous avez jamais entendu dire par vos observateurs ou

 12   par la partie serbe qu'ils étaient préoccupés par le traitement infligé aux

 13   Serbes pendant cette opération ?

 14   R.  Oui. Et hier nous avons vu ce rapport du 27 juillet, il s'y trouvait un

 15   grand nombre de crimes enregistrés et imputés aux Croates. Je sais que nos

 16   observateurs ont eu des entretiens, je crois, avec tous les Serbes qui

 17   sortaient des zones protégées des Nations Unies. Ils ont donc documenté ces

 18   événements, et les récits étaient particulièrement horribles. Vous avez vu

 19   qu'il y avait ces éléments horribles dans le rapport du 27 juillet. Je

 20   crois que vous trouverez la même chose dans l'autre rapport. On voit le

 21   niveau de brutalité. Et nous avons également un rapport que nous avons vu

 22   hier de Kjell Johansen qui a rencontré un homme qui avait été battu. Il

 23   était alité et dans un état très grave. Donc on voit à quel point tout cela

 24   a été brutal.

 25   Q.  Quel impact cela avait-il, si vous avez pu en tout cas vous en rendre

 26   compte à l'époque, sur la confiance de la partie serbe en la capacité des

 27   Nations Unies à la protéger, que ce soit dans les zones roses ou les zones

 28   de protection ?


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  1   R.  Je crois qu'il faut garder à l'esprit que ce sont là des événements qui

  2   avaient touché les deux parties. La FORPRONU intervenait en tant que --

  3   elle venait de l'extérieur et elle prenait tout à partir de zéro pour

  4   essayer de mettre un terme à ceci, pour essayer de redémarrer, de repartir

  5   à zéro, afin d'aider peut-être les gens à avoir une vision nouvelle de la

  6   direction qu'ils voulaient prendre. Je crois que c'est ça la position de

  7   départ de la FORPRONU, essayer d'obtenir que les gens fassent preuve de

  8   retenue, qu'ils participent à des négociations, et de s'assurer que cela ne

  9   se reproduise pas de nouveau dans dix ans, que l'on puisse rentrer chez

 10   soi. Mais peut-être que cela a pris 15 ans, en fait, pour parvenir à un

 11   accord. Donc vous vous trouviez dans une situation qui était effroyable,

 12   avec tout un contexte historique en arrière-plan, et il n'y avait pas de

 13   réponse simple. La seule chose que vous pouviez espérer, c'est que les

 14   dirigeants allaient choisir la bonne direction et qu'ils coopéreraient en

 15   direction de la paix.

 16   Q.  Mais ceci se passe en juin 1992, juste après l'arrivée de la FORPRONU ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  C'est la première fois que les objectifs correspondant à la structure

 19   même du plan Vance, pour ainsi dire, n'étaient pas remplis, qu'il y avait

 20   eu violation de cela ?

 21   R.  Dans l'environnement où nous nous trouvions, il était fréquent de

 22   devoir faire un pas en avant et deux pas en arrière, et c'était la façon

 23   dont il fallait procéder. Il n'était pas possible de tout faire changer du

 24   jour au lendemain. Donc la FORPRONU arrivait sur place et elle essayait de

 25   fournir des conseils, de guider. Et ce n'était pas parce que les Nations

 26   Unies étaient là depuis six mois qu'il était possible de forcer les choses.

 27   On aurait pu être là depuis 20 ans et toujours être en train d'y

 28   travailler.


Page 6049

  1   Donc vous voyez comment les gens étaient terrorisés sur le terrain.

  2   Cela donnait la mesure des changements qu'il fallait essayer de mettre en

  3   route. Mais tout cela était effroyable.

  4   Q.  Comment ces événements en particulier ou, de façon plus générale, les

  5   événements sur le Plateau de Miljevacki ont-ils affecté la situation, dans

  6   la mesure où vous avez pu l'observer en tout cas, dans le secteur sud et le

  7   secteur nord, et du point de vue des rapports entre les communautés ?

  8   R.  Sur le terrain, nous avions en fait plusieurs observateurs qui,

  9   lorsqu'ils se rendaient sur le terrain, avaient été approchés par des

 10   personnes leur disant : "Mon voisin a été expulsé. Lorsque vous irez là où

 11   vous allez, où que ce soit, est-ce que vous pourrez le saluer pour moi ?"

 12   Et donc, c'est à ce niveau de haine qu'on en était venu sur la scène

 13   politique, et c'est alors que la dynamique a changé. Mais sur le terrain,

 14   les gens fonctionnaient toujours de cette façon.

 15   Q.  Monsieur McElligott, est-ce que vous pourriez revenir à la question que

 16   je vous ai posée ? Je voudrais que vous vous concentriez sur le point

 17   spécifique qui faisait l'objet de ma question.

 18   R.  Je vois toujours la vidéo à l'écran.

 19   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait aider le témoin à

 20   retrouver la question au compte rendu.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] De quelle question s'agit-il ?

 22   M. GOSNELL : [interprétation]

 23   Q.  C'est en ligne 21.

 24   R.  Excusez-moi. J'ai des problèmes de vue.

 25   Q.  Excusez-moi. Je vais répéter la question.

 26   Comment cet événement et, de façon plus générale, les événements dont les

 27   gens étaient au courant parce qu'ils savaient qu'ils s'étaient déroulés sur

 28   le Plateau de Miljevacki, quel était donc l'effet de ces événements sur les


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  1   tensions intercommunautaires dans les secteurs sud et nord ?

  2   R.  Bien entendu que cela a eu un effet déstabilisant. Les gens ne

  3   dormaient pas dans leur chambre la nuit parce qu'ils estimaient qu'il y

  4   avait un risque d'être attaqués. Il avait un effet très important sur les

  5   communautés, et cela renforçait la défiance. Cela augmentait l'instabilité.

  6   En fait, tout devenait complètement instable.

  7   Q.  Et cela vous affectait également dans votre possibilité et  celle de la

  8   police de maintenir l'ordre, de faire respecter l'ordre dans le secteur

  9   sud, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, cela rendait les choses extrêmement difficiles.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander

 12   le versement de l'enregistrement vidéo.

 13   M. GILLETT : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection. Nous relevons

 14   qu'il n'y a pas de transcription pour cette vidéo dans le prétoire

 15   électronique. Lorsque ceci se produisait, habituellement ce que nous

 16   faisions, c'était de verser aux fins d'indentification la vidéo en

 17   attendant qu'une traduction y soit adjointe. Donc je suggérerais que nous

 18   suivions peut-être cette procédure, s'il n'y a pas d'objection.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Peut-être que les parties disposent

 21   de plus d'informations que nous, mais savons-nous quelle est l'origine de

 22   cet enregistrement, où cela a été tourné, qui sont les personnes que l'on y

 23   voit ?

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai disposé

 25   uniquement de sources publiques concernant cet enregistrement vidéo. Je ne

 26   peux rien vous dire. Je ne peux pas me porter garant de la fiabilité de ces

 27   informations. En tout cas, c'est en toute bonne foi que je l'ai présentée à

 28   l'audience. Mais si les Juges de la Chambre ne sont pas pleinement


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  1   convaincus qu'il convient de verser cette séquence vidéo à ce stade, nous

  2   en demanderons le versement à un stade ultérieur.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] A moins que les parties ne soient en

  4   mesure de se mettre d'accord quant à l'origine de cette vidéo et à la date

  5   à laquelle elle a été tournée.

  6   M. GILLETT : [interprétation] Non, je n'ai pas cette information. Comme je

  7   l'ai déjà indiqué, nous n'avons pas de transcription dans le prétoire

  8   électronique non plus. Donc nous sommes pour l'instant dans le noir, comme

  9   les Juges viennent de le dire.

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Pour le moment, nous allons mettre ceci de

 11   côté.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 13   M. GOSNELL : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document 01273,

 14   intercalaire numéro 25, s'il vous plaît.

 15   Q.  Alors, nous avons ici un télégramme chiffré du général Nambiar à M.

 16   Goulding. La date est celle du 22 septembre. La troisième phrase se lit

 17   comme suit :

 18   "Dans ces circonstances, vous penserez peut-être que vous pourriez avoir un

 19   effet sur Tudjman, comme nous avons essayé de le faire hier avec Milas à

 20   Zagreb, et de lui faire comprendre la nécessité impérieuse pour l'armée

 21   croate de se retirer de Peruca et d'avoir un comportement irréprochable

 22   pour changer."

 23   Avez-vous le moindre élément qui pourrait nous aider à comprendre pourquoi

 24   le général Nambiar a été amené à utiliser cette formulation particulière, à

 25   savoir que pour changer, l'armée croate devrait avoir un comportement

 26   irréprochable ?

 27   R.  Je suppose qu'il s'appuie sur le caractère d'activités précédentes qui

 28   ne correspondait pas à cette exigence.


Page 6053

  1   Q.  Mais de façon générale, est-ce que vous avez noté des provocations

  2   pendant que vous étiez sur place ou bien avez-vous appris que des

  3   provocations avaient été faites par l'armée croate ?

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   Q.  Excusez-moi, je vais finir ma question, Monsieur le Témoin.

  6   En dehors des incursions particulières que nous avons déjà abordées

  7   et que vous mentionnez dans votre rapport ?

  8   R.  Non. Personnellement, je ne suis pas au courant d'activités de ce type.

  9   Et s'il y en avait dans les zones roses, qui étaient les plus proches de la

 10   ligne de front, elles auraient été enregistrées. Mais maintenant, à brûle-

 11   pourpoint, lorsque vous posez la question, je ne peux pas vous dire.

 12   Q.  Et vous souvenez-vous de quoi que ce soit au sujet de ces événements à

 13   Peruca ?

 14   R.  Je suppose que vous parlez du barrage de Peruca. C'était une source de

 15   conflit très importante, et la destruction du barrage aurait entraîné une

 16   inondation grave.

 17   Q.  Est-ce que Peruca était dans le secteur sud ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Ai-je raison de dire que les forces croates ont fréquemment menacé de

 20   prendre le barrage par la force ?

 21   R.  Je sais que c'était là l'un des points litigieux. Je ne suis pas sûr de

 22   ce qu'il en a été fait par les hommes politiques, mais je sais que c'était

 23   un problème potentiel très important.

 24   Q.  Est-ce que vous savez que vos observateurs étaient préoccupés par une

 25   incursion des forces croates à Peruca ?

 26   R.  Oui. Il y avait un risque de voir augmenter les tensions. Il y avait

 27   toujours ce risque. Et ce problème était présent là-bas.

 28   Q.  Alors, je parle maintenant des effectifs de la police régulière, les


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  1   fameux 7 000. Est-ce que cette police régulière était censée s'acquitter de

  2   tâches autres que celles relevant du maintien de l'ordre et du respect de

  3   la loi ?

  4   R.  Eh bien, compte tenu de ce qui figure dans les rapports de situation

  5   indiquant que certains d'entre eux étaient envoyés sur la ligne de front et

  6   qu'ils n'étaient pas disponibles, on voit ce qu'ils pouvaient faire.

  7   Q.  Donc la police régulière pouvait être envoyée sur la ligne de front ?

  8   R.  Je ne sais pas, mais je sais qu'en tout cas cela été invoqué comme

  9   l'une des raisons de leur indisponibilité. En tout cas, à première vue.

 10   Q.  En tout cas, cela s'est produit ?

 11   R.  C'est ce qu'on nous a dit.

 12   R.  C'est vos propres observateurs qui en ont rendu compte ?

 13   R.  Il y avait un rapport de situation à cet effet. Occasionnellement, il y

 14   avait un appel fait à un poste de police et personne n'était disponible là-

 15   bas, notamment dans le secteur sud. Par exemple, il y a eu un jour

 16   particulier où on nous a rendu compte que tout le monde était sur la ligne

 17   de front, et je crois qu'il s'agissait du pont de Maslenica à cette

 18   occasion particulière. Et je crois que j'en ai déjà parlé, qu'il y avait

 19   des situations avec une ou deux personnes seulement qui étaient restées en

 20   arrière.

 21   Q.  Alors, juste pour être tout à fait précis. Vous nous dites qu'il y a eu

 22   une situation dans laquelle tout l'effectif ou presque tout l'effectif de

 23   la police régulière dans un poste de police avait quitté celui-ci, laissant

 24   derrière lui ses tâches régulières, pour être envoyé à la ligne de front et

 25   y répondre à une situation particulière; est-ce exact ?

 26   R.  Je ne sais pas, mais en tout cas c'est la raison pour laquelle ils

 27   n'intervenaient pas ce jour-là. Et je ne sais pas où est-ce qu'ils sont

 28   allés, mais en tout cas ils n'étaient pas disponibles.


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  1   On peut imaginer qu'ils sont allés là où les combats se déroulaient à

  2   ce moment-là. Mais je sais pas, pour être franc.

  3   Q.  Vos observateurs vous disaient qu'ils partaient --

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que cela se produisait fréquemment ?

  6   R.  Je ne dirais pas que c'était fréquent, mais je sais

  7   qu'occasionnellement cela s'est produit. Je ne considérerais pas cela comme

  8   étant une situation fréquente, et je crois que ce que nous apprenions dans

  9   les réunions et dans d'autres cadres ne semblait pas justifier cela. Il

 10   semblait qu'il y avait des policiers disponibles.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 12   document.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 14   M. GILLETT : [interprétation] Pas d'objection.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il reçoit la cote D69.

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Pourrions-nous afficher le document numéro

 17   1254 de la liste 65 ter. Il s'agit de l'onglet 9 de l'Accusation.

 18   Q.  Monsieur, ceci est un document que vous citez dans votre déclaration,

 19   même si je ne peux pas vous citer le paragraphe où le document est évoqué -

 20   -

 21   M. GILLETT : [interprétation] Cela figure dans le paragraphe 113 de la

 22   déclaration préalable du témoin.

 23   M. GOSNELL : [interprétation]

 24   Q.  Mais il me semble que ce n'est pas le bon document qui a été affiché.

 25   M. GOSNELL : [interprétation] Il nous faut le document qui porte la cote

 26   01253, s'il vous plaît.

 27   Q.  Ceci est un rapport de situation consacré au conflit serbo-croate et la

 28   mission de la FORPRONU. La date du rapport est le 7 septembre 1992. Le nom


Page 6056

  1   de l'auteur n'est pas indiqué, mais vous avez sans doute étudié le

  2   document. Sur la base des formulations qui sont utilisées dans ce document,

  3   est-ce que vous pouvez conclure qui en est l'auteur ?

  4   R.  Pourriez-vous agrandir le document un peu, s'il vous plaît?

  5   Je dirais que c'est un document qui a été rédigé par le département chargé

  6   des affaires civiles.

  7   Q.  Est-ce alors M. Andreev qui est l'auteur probable de ce document ?

  8   R.  Je ne vois pas qui a rédigé le document. Mais, en effet, Viktor faisait

  9   partie de la mission au moment où je suis arrivé, et nous nous sommes

 10   rencontrés. Nous nous étions déjà rencontrés en Namibie auparavant.

 11   Q.  Et quel poste occupait-il à ce moment-là ?

 12   R.  Il se trouvait à la tête des affaires civiles dans le secteur sud.

 13   Q.  Au paragraphe 1, il est indiqué :

 14   "La mission de la FORPRONU est toujours dans sa phase militaire."

 15   Et vous aussi, vous reprenez cette évaluation dans votre déclaration

 16   préalable. Mais dites-nous ce que vous entendez par ce terme ?

 17   R.  Cela veut dire tout simplement que la démilitarisation n'avait pas

 18   encore eu lieu et que la personne qui a rédigé ce rapport se trouvait dans

 19   un environnement militarisé.

 20   Q.  Et quel impact cela pouvait avoir sur le rôle de la FORPRONU ou sur les

 21   missions qui lui ont été confiées ?

 22   R.  Pour revenir au plan Vance, la notion primordiale de tout ce plan était

 23   qu'il fallait que la zone soit démilitarisée pour que nous puissions

 24   remplir nos missions.

 25   Q.  Penchons-nous sur la page numéro 3, s'il vous plaît.

 26   En haut de la page, nous pouvons lire :

 27   "Un risque d'une action militaire pour remettre en place les autorités

 28   croates existe et il est bien réel. La patience de la partie croate et sa


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  1   bonne volonté atteignent le point de non-retour. Ils semblent réagir par

  2   nationalisme pur.

  3   "Le mois d'octobre représente pour eux une date butoir et, pour cette

  4   raison, un tournant dans l'ensemble de l'opération.

  5   "Les provocations et les représailles se multiplient. Les Croates exercent

  6   des pressions qui sont de jour en jour plus intenses sur la ligne du front.

  7   Elles se présentent sous forme d'incursions, d'infiltrations de groupes

  8   armés ainsi que de civils. Des affrontements et des incidents qui

  9   surviennent entre les membres de la 'milicija' et la police croate sont de

 10   plus en plus nombreux de jour en jour. Ces affrontations [phon] pourraient

 11   avoir pour résultat une tendance similaire de la part de la 'milicija' qui

 12   serait sans doute tentée d'intervenir et de se servir des armes lourdes de

 13   nouveau. La mobilisation sera sans doute reprise du jour au lendemain."

 14   Alors, j'aimerais que vous vous concentriez en particulier sur la partie où

 15   l'on dit que "les Croates exercent des pressions de plus en plus intenses

 16   le long de la ligne de front, qui prennent la forme d'incursions et

 17   d'infiltrations de groupes armés aussi bien que de civils."

 18   A quoi fait-on référence ici ?

 19   R.  Quand il parle d'infiltrations de groupes armés, je pense qu'on peut

 20   parler dans une certaine mesure d'actions militaires qui ont pu être

 21   relevées par les membres de la CIVPOL. Et vous retrouverez ça dans les

 22   rapports, là où on parle des meurtres qui ont été commis dans des zones

 23   protégées ou des zones de sécurité de l'ONU. J'ai déjà évoqué tout à

 24   l'heure un nombre d'incidents qui se sont produits. Et les autorités

 25   croates se plaignaient de quoi ? Leurs habitants se faisaient tuer. On m'a

 26   demandé de rédiger un rapport sur le sujet. J'ai examiné tous les dossiers

 27   qui étaient disponibles à l'époque et j'ai constaté qu'en fait, c'étaient

 28   les Croates qui avaient tué un nombre plus important de Serbes, et c'est


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  1   l'élément de l'information que nous avons renvoyé.

  2   Par ailleurs, nous avons demandé des explications parce qu'au niveau d'un

  3   incident qui est survenu, il s'agit d'un Serbe qui a été mis en détention

  4   dans une prison croate, et ensuite on a indiqué qu'il s'est suicidé.

  5   Lorsque son corps a été donné à sa famille, les observateurs ont mené une

  6   enquête, et nous avons aussi engagé les services d'un médecin britannique

  7   qui a fait un examen post mortem du corps, et il a été établi qu'en fait,

  8   cet homme avait été roué de coups à mort. Nous avons aussi envoyé ces

  9   éléments d'information à la partie concernée en rédigeant notre rapport.

 10   Donc vous voyez quelle incidence tout ceci pouvait avoir sur la vie de tous

 11   les jours.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : Veuillez éviter que les voix se

 14   chevauchent, s'il vous plaît.

 15   M. GOSNELL : [interprétation]

 16   Q.  L'infiltration de groupes armés est une chose et l'infiltration de

 17   civils en est une autre.

 18   Est-ce que vous savez à quoi Andreev faisait référence lorsqu'il a parlé de

 19   ces deux choses distinctes ? Quelle est la différence qui sépare ces deux

 20   types d'incidents ?

 21   R.  Je pense qu'il y a des éléments de preuve qu'il faudrait étudier. Il y

 22   avait des groupes qui se livraient à des incursions, et c'étaient des

 23   groupes armés.

 24   Q.  Mais vous voulez dire qu'il s'agissait de groupes de Croates

 25   indépendants de toute autorité, qui dépassaient la ligne de confrontation,

 26   pénétraient dans les zones protégées pour commettre des crimes ?

 27   R.  Je pense que nous avons un rapport sur l'existence des groupes de ce

 28   type dans le sud. C'était l'une des explications possibles pour les


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  1   meurtres, ou l'une des explications qui a été fournie pour les meurtres,

  2   oui.

  3   Q.  Et il est indiqué aussi qu'il y a eu des affrontements entre les forces

  4   de la "milicija" et celles de la police croate. Quand je vois le mot

  5   "milicija", je me demande si ce mot se réfère à la police serbe. Savez-vous

  6   si, effectivement, des escarmouches ont eu lieu ? Est-ce qu'il y a eu des

  7   combats ?

  8   R.  Oui, il y a eu des combats.

  9   Q.  Mais ici on n'évoque pas la police spéciale. Je ne parle pas de la même

 10   chose qui est invoquée par M. Andreev. Je vous demande s'il y a eu des

 11   confrontations directes entre la police régulière serbe et la police croate

 12   ?

 13   R.  Pas pour autant que je le sache. Pendant que je me trouvais sur le

 14   terrain, non. Mais je pense que des incidents de ce type se sont produits,

 15   historiquement parlant.

 16   Q.  Et les cas de figure où il y a eu infiltration ou où le risque

 17   d'infiltration se présentait, quelle incidence est-ce que cela avait sur la

 18   police, et quand je dis police, je pense aux 7 000 hommes qui se trouvaient

 19   dans la zone ? Quelle incidence est-ce que cela a eu sur votre [comme

 20   interprété] incapacité de maintenir et de faire respecter la loi dans les

 21   zones protégées ?

 22   R.  Bien sûr, ils devaient faire face à une situation difficile. On

 23   pourrait dire, en fait, qu'ils devaient jouer un jeu pour lequel ils

 24   n'avaient jamais été préparés. C'était là la situation réelle sur le

 25   terrain. Ils devaient y aller et, pourtant, y retrouver une situation à

 26   laquelle ils ne s'attendaient pas. Parce que ce à quoi ils s'attendaient,

 27   c'était ce qui avait été prévu par le plan Vance, donc ils arrivaient dans

 28   une zone qui était censée être démilitarisée, et alors ils devaient faire


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  1   face à toutes ces difficultés. C'est tout à fait compréhensible.

  2   Q.  Et en vertu du plan Vance, ils n'avaient pas le droit de porter des

  3   armes, mis à part des armes d'infanterie, n'est-ce pas ?

  4   R.  En effet.

  5   Q.  Et ces groupes indépendants que vous avez évoqués tout à l'heure,

  6   d'après vos connaissances, est-ce qu'ils portaient des armes lourdes ?

  7   R.  Je ne saurais me prononcer. J'imagine qu'en effet, ils étaient

  8   lourdement armés. Oui, je le pense.

  9   M. GOSNELL : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier

 10   de ce document. Il a peut-être déjà été versé au dossier. Je n'en suis pas

 11   sûr.

 12   M. GILLETT : [interprétation] Il fait partie des pièces associées, et il

 13   porte la cote 1253.

 14   M. GOSNELL : [interprétation] Merci. J'aimerais maintenant passer au

 15   document 1290, qui se trouve à l'intercalaire 26 de la Défense.

 16   Q.  Monsieur le Témoin, ceci est un rapport de suivi du secrétaire général

 17   en vertu de Résolutions adoptées par le Conseil de sécurité qui portent la

 18   cote 743 et 762. La date, c'est le 19 septembre 1992. Veuillez, s'il vous

 19   plaît, vous pencher sur le paragraphe [comme interprété] numéro 4, ainsi

 20   que sur le paragraphe numéro 6.

 21   "Le général Nambiar a répété à plusieurs reprises aux autorités de Belgrade

 22   et de Knin que c'était la FORPRONU qui était censée protéger la population

 23   dans les zones protégées de l'ONU. Par ailleurs, il a soumis à de

 24   nombreuses reprises que la présence de ces unités paramilitaires est

 25   contraire au plan adopté par les Nations Unies, et c'est pour cette raison

 26   que l'armée croate a gardé un certain nombre de ses effectifs le long de la

 27   ligne de confrontation."

 28   Alors, je fais un commentaire : à part envisager le contexte, il semblerait


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  1   que ces unités paramilitaires qui sont évoquées ici sont des unités de la

  2   police spéciale. Et puis, dans la suite du texte, on peut lire :

  3   "Par conséquent, les affrontements continuent à se produire le long de la

  4   ligne de confrontation, en donnant un coup de pouce aux tensions

  5   interethniques dans les zones protégées de l'ONU."

  6   Alors, pour commencer, Monsieur, ici on établit un lien entre les

  7   affrontements et les tensions entre différentes communautés ou différents

  8   groupes ethniques. Est-ce que cela cadre avec ce que vous avez pu voir sur

  9   le terrain ?

 10   R.  Oui. Parce qu'une chose donnait un coup de pouce à l'autre. Et c'est un

 11   peu un cercle vicieux.

 12   Q.  Et est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que d'après ce qui

 13   est indiqué ici, le général Nambiar aurait dit que c'est à la FORPRONU

 14   d'exercer le rôle de protection dans les zones protégées ?

 15   R.  Oui. Ce qu'il essaie de dire, c'est tout simplement que la police

 16   spéciale ne devrait pas se trouver sur place. Et si la police spéciale

 17   s'incruste sur le territoire, alors, bien sûr, on peut s'attendre à une

 18   réaction de l'autre partie. Donc il faut entamer des discussions, il faut

 19   entamer des négociations, si on veut avancer dans une situation de ce type,

 20   puisque le plan Vance a été violé et plus personne ne faisait confiance à

 21   qui que ce soit. Donc c'était là le message qu'il essayait de faire passer.

 22   Il voulait qu'on définisse un point de départ.

 23   Q.  Donc il ne souhaitait pas tout simplement qu'on replie ces forces et

 24   qu'on se désarme ?

 25   R.  En effet.

 26   Q.  Et est-ce que cela coïncide avec cette thèse générale que c'est à la

 27   FORPRONU d'assurer la protection et que, par conséquent, ces unités

 28   devaient être désarmées et qu'une démilitarisation totale devait avoir


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  1   lieu, n'est-ce pas ?

  2   R.  En fait, ce qu'on dit ici, c'est au fond, Donnez une chance à tout le

  3   monde pour qu'on puisse faire notre travail.

  4   M. GOSNELL : [interprétation] Nous demandons le versement au dossier de ce

  5   document, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D70, Messieurs les

  8   Juges.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Le document 01321, s'il vous plaît.

 11   Intercalaire 12 de l'Accusation.

 12   Q.  Est-ce que vous vous souvenez d'une commission conjointe qui a été mise

 13   en place pour résoudre les différentes questions qui se posaient entre les

 14   parties croate et serbe sous les auspices de la FORPRONU ?

 15   R.  Oui, et je pense que cette commission a été mise en place par la même

 16   résolution qui a établi les zones roses, si mes souvenirs sont bons.

 17   Q.  Et est-ce que vous pensez que les débats menés au sein de cette

 18   commission se limitaient à la question des zones roses ou est-ce que

 19   c'était un forum où on pouvait aborder des sujets plus larges?

 20   R.  Après avoir lu quelques procès-verbaux, je crois me souvenir qu'en

 21   fait, c'est un forum où on évoquait des sujets beaucoup plus larges. Et je

 22   pense en fait que l'ordre du jour n'était pas prédéterminé.

 23   Q.  Et le président de cette commission conjointe, c'était M. Thornberry;

 24   ai-je raison de l'affirmer ?

 25   R.  Thornberry, en effet. Mais je pense que Viktor Andreev a, lui aussi,

 26   présidé à quelques réunions.

 27   M. GOSNELL : [interprétation] Passons maintenant à la page 2, s'il vous

 28   plaît.


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  1   Q.  Nous avons ici le rapport soumis par le président :

  2   "La présence de ces formes armées irrégulières est tout à fait

  3   inacceptable. Il a indiqué aussi qu'il souhaitait que la délégation serbe

  4   fournisse une explication quant à ces déclarations récentes attribuées à,

  5   entre autres, M. Goran Hadzic et M. Milan Martic et dans lesquelles ils

  6   auraient dit que les autorités n'acceptent pas les éléments de base prévus

  7   par la Résolution 762, souhaitant ouvrir de nouvelles négociations au

  8   niveau du plan Vance."

  9   Est-ce que ceci représente un autre exemple des efforts exercés et des

 10   pressions exercées par la FORPRONU pour arriver à une démilitarisation de

 11   toutes les forces qui se trouvaient dans les zones protégées du côté serbe

 12   ?

 13   R.  Il m'a été impossible de lire le document…

 14   Est-ce que vous pourriez l'agrandir un petit peu ?

 15   M. GILLETT : [interprétation] Vous pouvez le retrouver dans le premier jeu

 16   de documents qui vous ont été remis, si vous préférez consulter la version

 17   papier. C'est le document 1321.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je le retrouve dans la première partie du

 19   classeur, ce document ?

 20   Est-ce que vous pourriez m'aider, s'il vous plaît…

 21   M. GOSNELL : [interprétation]

 22   Q.  Oui. Ce paragraphe figure à la page 2. C'est le premier paragraphe qui

 23   suit le sous-titre indiquant "Rapport du président."

 24   R.  Quelle était votre question ?

 25   Q.  A lire ce document, nous pouvons voir que la FORPRONU et ses instances

 26   les plus hautes insistaient pour qu'on arrive à une démilitarisation

 27   absolue du côté serbe dans les zones protégées ?

 28   R.  Oui, on demande ici la démilitarisation en application du plan Vance.


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  1   Q.  Ceci se passe à peu près un mois et demi après le rapport soumis par

  2   Andreev. Vous vous souviendrez de ce rapport que nous avons examiné, c'est

  3   l'avant-dernier document que nous avons vu, et où on parle d'un risque

  4   accru d'attaque croate, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et dans ce document-ci, on ne revient pas sur cette question de menace

  7   présente ?

  8   R.  On ne l'évoque pas dans le paragraphe que nous avons lu. Je n'ai pas lu

  9   le document dans sa totalité. Mais il est indiqué dans le document que les

 10   choses se développent très lentement et que la méfiance est très présente.

 11   Mais, au moins, les négociations sont toujours en cours avec l'UN [comme

 12   interprété]. C'est la façon de procéder.

 13   Q.  Et ici, la FORPRONU demande une démilitarisation pleine et entière au

 14   moment même que, sur la base des renseignements que la FORPRONU reçoit,

 15   elle sait que les forces croates sont en train de procéder à la

 16   mobilisation, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, et il ne faut pas douter du fait qu'ils ont parlé aussi à la

 18   partie croate et qu'ils ont essayé de calmer la situation et d'ouvrir des

 19   négociations ou des débats pour que tout le monde change légèrement de

 20   position. C'est ce que je vous disais tout à l'heure, c'est un processus où

 21   on faisait un pas en avant et deux pas en arrière. Mais il fallait quand

 22   même que les parties négocient d'une façon ou d'une autre pour que

 23   l'agression ne devienne pas totale et absolue, parce que l'ONU n'était pas

 24   préparée pour faire face à une situation de ce type.

 25   Q.  Et ces demandes d'une démilitarisation pleine et entière, elles sont

 26   basées sur l'idée avancée par le général Nambiar que la FORPRONU est

 27   capable de protéger ces zones, n'est-ce pas ?

 28   R.  Il dit, Revenons aux dispositions du plan Vance. Vous avez indiqué que


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  1   vous alliez accepter ce plan, vous vous êtes engagé pour le respecter. Et

  2   ensuite, il essaie de dire : "Nous avons un rôle joué, nous allons le

  3   faire." Mais après tout, nous voyons bien que c'était un rôle extrêmement

  4   difficile et qui devait sans doute prendre des années entières. Ce n'était

  5   pas quelque chose qu'on pouvait résoudre en un jour ou en une année.

  6   Q.  Et votre rôle c'était de protéger les zones protégées de façon

  7   militaire, par des moyens militaires ?

  8   R.  Il s'agissait de protéger les zones protégées. Et quand on parle de

  9   protection militaire -- mais, en fait, leur mandat se limitait à se

 10   défendre et à recourir à la force d'une façon prédéterminée, dans des

 11   limites prédestinées. Mais surtout, il fallait négocier et stabiliser la

 12   situation. Et recourir aux armes était vraiment la dernière solution à

 13   laquelle il fallait recourir, parce qu'il y avait beaucoup d'espace pour

 14   pouvoir négocier. Mais le jour où vous vous emparez d'une arme, alors vous

 15   avez perdu de vue votre objectif véritable.

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Passons maintenant au document 03170, s'il

 17   vous plaît. Intercalaire 37 de la Défense.

 18   Q.  Alors, deux mois avant cette réunion, la commission conjointe, je parle

 19   de la réunion de la commission conjointe, vers le 21 janvier, il y a eu une

 20   grande offensive croate --

 21   R.  En effet.

 22   Q.  -- dirigée contre le secteur de Benkovac, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, Messieurs les Juges. Oui.

 24   Q.  Pourriez-vous nous décrire ces événements et nous dire ce que vous en

 25   savez ?

 26   R.  Si j'ai bien compris, l'attaque a été dirigée depuis le pont de

 27   Maslenica, et puis les forces ont commencé à avancer vers Benkovac. J'étais

 28   sur place, et ce matin-là la ville a été bombardée, d'après ce que j'en


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  1   sais. Et la population s'est enfuie de la campagne environnante. Et

  2   beaucoup d'habitants sont arrivés au poste de la CIVPOL à Benkovac.

  3   Lorsque je suis parti des lieux le 22 au matin, la réception de l'hôtel

  4   pullulait de civils, et la même chose valait pour le parking. On disait

  5   aussi que certaines personnes avaient été blessées. On disait aussi qu'une

  6   femme était en train de donner naissance. En fait, la panique absolue

  7   régnait, et il nous a fallu du temps pour amener les victimes à l'hôpital

  8   et où on s'est occupé de cette dame qui était en train de donner naissance,

  9   mais toute la population était absolument terrorisée. Voilà l'incidence que

 10   cet événement a eu sur les civils.

 11   Q.  Est-ce qu'il y a eu beaucoup de blessés parmi les civils ?

 12   R.  Je ne peux pas vous citer de chiffres exacts, mais il y en a eu, oui.

 13   Et les chiffres, j'en avais pris connaissance à l'époque.

 14   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la question de la Défense.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Et nos observateurs qui avaient été pris pour

 16   otage sont allés à l'hôpital pour accompagner un certain nombre de patients

 17   et ils ont vu plusieurs personnes qui ont été blessées, certaines même

 18   grièvement blessées. Donc ils l'ont vu personnellement.

 19   M. GOSNELL : [interprétation]

 20   Q.  Donc ce sont les zones urbaines qui ont été bombardées en se servant

 21   d'artillerie, y compris la ville de Benkovac elle-même --

 22   R.  En effet.

 23   Q.  -- pendant que vous étiez sur place ?

 24   R.  Mais croyez-moi si vous le voulez. Moi, j'ai continué à dormir pendant

 25   que la chose se passait et on a dû me réveiller le matin. Mais au moment où

 26   je me suis réveillé, bien sûr, j'en ai pris conscience. Mais sinon, la

 27   nuit, j'ai dormi comme une souche.

 28   Q.  J'aimerais passer à la page 2 de ce document.


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  1   Là encore, vous avez les propos tenus par le général Nambiar. Et le

  2   document est destiné à M. Goulding. Et au paragraphe 5 --

  3   R.  Mais c'est quelle page, s'il vous plaît ?

  4   Q.  Monsieur, je ne pense que vous êtes en train d'étudier le bon document.

  5   En fait, ce document ne se trouve pas dans votre classeur, je suis désolé.

  6   R.  Très bien. Très bien.

  7   Q.  Mais nous pouvons peut-être laisser de côté la version en B/C/S pour

  8   n'afficher que la version anglaise et l'agrandir.

  9   "La crédibilité des différentes parties au conflit dans cette région a

 10   toujours fait l'objet de doutes, mais après ce que nous avons vécu au cours

 11   de ces quelques derniers jours, il est devenu impossible de se fier aux

 12   assurances que l'on vous donne, quelle que soit l'instance depuis laquelle

 13   ces assurances arrivent. L'un de nos collègues qui détient un poste

 14   important s'est servi du terme surréel pour décrire les contacts que nous

 15   avons et que nous n'avons jamais eus malgré toutes nos années d'expérience

 16   sur le terrain, et cela vaut même pour les instances très hautes du

 17   gouvernement. C'est un facteur qui aura des conséquences sérieuses pour

 18   toute éventuelle discussion et négociation à venir."

 19   Alors, je vous dirais qu'aux paragraphes 4 et 5, il parle de la partie

 20   croate, et puis, au paragraphe 6, nous avons son analyse de la partie

 21   serbe. Et il dit :

 22   "Du côté serbe, comme je l'ai indiqué dans un de mes télégrammes

 23   précédents, nous sommes perçus comme des traîtres. Ceci est surtout dû au

 24   fait que nous nous sommes fiés aux assurances fournies par les Croates

 25   quant à leur bonne volonté d'entamer des négociations. Et nous avons même

 26   communiqué notre foi à nos interlocuteurs serbes. Or, quand ils ont

 27   constaté quelle était la situation réelle, je me dis qu'il n'est pas fort

 28   possible qu'ils vont rendre leurs armes et les remettre aux entrepôts dans


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  1   un avenir proche."

  2   Donc, est-ce que vous comprenez ce paragraphe comme disant qu'en fait, la

  3   FORPRONU s'est sentie complètement trahie par les assurances qui avaient

  4   été fournies par les Croates et selon lesquelles ils avaient promis de ne

  5   pas attaquer les zones protégées et les zones roses ?

  6   R.  [aucune interprétation]

  7   M. GILLETT : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre. Mais au

  8   paragraphe 4, on parle de différents partis politiques en Croatie, et puis,

  9   au paragraphe 5, à la première ligne, il est indiqué : "La crédibilité des

 10   différentes parties au conflit dans cette région…" Alors que mon estimé

 11   confrère indique qu'on ne parle que de la partie croate, et ce n'est pas ce

 12   qui est indiqué dans ce paragraphe, me semble-t-il.

 13   M. GOSNELL : [interprétation] Moi, je propose mon interprétation de ce

 14   paragraphe. Et mon collègue peut de nouveau étudier la question lors des

 15   questions supplémentaires avec le témoin.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que la position du général Nambiar

 17   est présentée d'une façon très claire, ainsi que les difficultés que nous

 18   avons eues. Vous pouvez voir à quelles difficultés nous avons dû faire face

 19   au cours de notre mission. Ces difficultés sont reflétées d'une façon

 20   correcte dans ce document. Il fallait d'abord négocier et il fallait

 21   d'abord établir la confiance avant de pouvoir avancer. Et c'est pourquoi

 22   lui aussi, il se sentait frustré parfois.

 23   M. GOSNELL : [interprétation]

 24   Q.  Vous vous trouviez sur place à l'époque. Vous étiez en contact avec vos

 25   collègues de la FORPRONU. Est-ce que vous avez entendu dire que la FORPRONU

 26   a pris des mesures pour prévenir cette attaque ?

 27   R.  Mais à ce moment-là, le rôle de la FORPRON consistait à négocier, et

 28   surtout à négocier. Il faut consulter de nouveau le plan de Vance et


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  1   comprendre qu'il fallait commencer par la défense. Il ne s'agissait pas

  2   pour la FORPRONU de se transformer en agresseur à ce moment-là. Tout ce

  3   qu'ils pouvaient faire, c'était de négocier et de persuader les gens qu'il

  4   fallait discuter, et ils pouvaient essayer de les persuader de se replier

  5   en discutant avec eux d'une façon raisonnable, pour m'exprimer ainsi. Parce

  6   que lorsque vous vous adressez aux gens qui ont de l'autorité et qui

  7   exercent des responsabilités aux instances les plus élevées du

  8   gouvernement, eh bien, vous voyez les difficultés que nous avions dans nos

  9   contacts avec eux.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Je vois quelle heure il est, Monsieur le

 12   Président.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous arrivons au moment où il faut

 14   faire la pause.

 15   Et, par ailleurs, Maître Gosnell, je regarde ce que vous avez dit au

 16   sujet des paragraphes 4 et 5 de ce document. Le document n'est pas affiché

 17   à l'écran en ce moment. Mais si M. Gillett a raison de dire qu'au

 18   paragraphe 5 il est indiqué "la crédibilité des différentes parties au

 19   conflit dans cette région," et cetera, alors il faut dire que votre

 20   interprétation du document est plutôt une interprétation erronée.

 21   M. GOSNELL : [interprétation] Je préfère répondre à cette question en

 22   l'absence du témoin, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, le moment est

 24   venu de faire une pause. Nous reprendrons nos travaux dans 30 minutes.

 25   L'huissier vous accompagnera hors du prétoire. Merci.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous.

 27   [Le témoin quitte la barre]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Peut-on afficher le paragraphe numéro


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  1   5 à l'écran. Ah oui, c'est déjà sur l'écran.

  2   Oui, Maître Gosnell, vous avez la parole.

  3   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il n'y a

  4   aucun doute qu'au paragraphe 5 il s'agisse du côté croate, et il ne faut

  5   pas tenir compte de ce qui est dit dans la première phrase où il est dit

  6   "la crédibilité de toutes les parties."

  7   Je dis cela puisque vous voyez que dans la discussion présentée au

  8   paragraphe 4, où il est question de la position du côté croate, y compris

  9   le discours prononcé par le président Tudjman -- ou, plutôt, l'entretien

 10   accordé par le président Tudjman à "Der Spiegel", vous allez voir dans les

 11   deuxième et troisième phrases dans ce paragraphe que -- en fait, c'est

 12   seulement dans la première phrase, où il est question seulement d'une

 13   partie et des garanties données par cette partie. Et ce n'est pas du tout

 14   le côté serbe, c'est sûr. Ce sont les garanties croates qui font l'objet de

 15   la discussion. Dans ce contexte, je dis qu'il est tout à fait clair qu'il

 16   est fait référence au côté croate. Et dans ce contexte, je dirais que faire

 17   référence à ces garanties qui auraient été données par les Serbes pourrait

 18   être décrit comme surréel.

 19   M. GILLETT : [interprétation] Je comprends qu'il est possible d'interpréter

 20   cela de cette façon-là. Je pense qu'au paragraphe 4 il est question du côté

 21   croate; au paragraphe 5, des deux; et au paragraphe 6, du côté serbe. C'est

 22   la première phrase du paragraphe 5 qui a semé la confusion dans mon esprit.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons faire la pause

 24   maintenant.

 25   --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

 26   --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]


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  1   [Le témoin vient à la barre]

  2   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell, vous pouvez

  4   poursuivre.

  5   M. GOSNELL : [interprétation]

  6   Q.  Avant la pause, Monsieur McElligott, vous avez dit que le rôle de la

  7   FORPRONU à l'époque était de négocier et de négocier. Mais, en fait, le

  8   rôle de la FORPRONU d'après le plan Vance était plus étendu, n'est-ce pas ?

  9   Le rôle de la FORPRONU était de protéger des zones protégées contre des

 10   attaques armées, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, c'était la mission de la FORPRONU.

 12   Q.  Pour ce qui est de l'attaque de la direction de Maslenica contre

 13   Benkovac, je pense que vous avez dit qu'il s'agissait d'une situation où la

 14   FORPRONU n'a pas pu s'acquitter de sa tâche dans le cadre de cette mission,

 15   n'est-ce pas ?

 16   R.  Je ne peux pas accepter cela, présenté de cette façon-là. Je pense que

 17   la FORPRONU, sa mission n'était jamais de faire la guerre avec une nation.

 18   Je ne pense pas qu'il se soit agi du fait que la FORPRONU aurait dû faire

 19   la guerre aux parties belligérantes. C'est pour cela que j'ai dit que sa

 20   mission était de négocier et que de négocier, puisque des engagements

 21   donnés par des parties différentes qui avaient signé le plan Vance n'ont

 22   pas été respectés. Et la FORPRONU essayait de faire respecter ces

 23   engagements. Et il y avait des violations et des violations graves qui ont

 24   entraîné des conséquences graves. C'est comme cela que je vois cette

 25   mission.

 26   Q.  Et on peut dire que la FORPRONU n'était pas en mesure de s'acquitter de

 27   sa mission et de faire ce que le général Nambiar a appelé la fonction de

 28   protection. Monsieur McElligott, seriez-vous d'accord pour dire que la


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  1   FORPRONU n'a pas pu faire cela ?

  2   R.  Je pense que la fonction de protection basée sur le plan Vance était la

  3   base de la perception de cette fonction. Puisqu'au début on devait procéder

  4   au désarmement, et c'était la bonne base de départ pour continuer à

  5   travailler dans le même sens par la suite.

  6   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que vous avez appris concernant la réaction

  7   serbe à cet événement, et en particulier comment ils percevaient la

  8   FORPRONU ?

  9   R.  Il y avait toujours des réactions à des situations de cette gravité. Du

 10   point de vue de la CIVPOL des Nations Unies, nos observateurs ont perdu

 11   tous les postes d'observation dans des zones roses. Nous avions dû nous

 12   retirer. Nous ne pouvions pas être opérationnels pendant longtemps. Nous

 13   avons vu ce qui s'était passé à l'hôpital à Benkovac et il y avait des

 14   prises d'otages. C'était une réaction naturelle. Bien sûr, ils ont essayé

 15   de jeter le blâme sur l'autre partie. Les tensions ont augmenté de tous les

 16   côtés. C'était quelque chose qu'on pouvait prévoir.

 17   Q.  Pour ce qui est de vos interlocuteurs du côté serbe, diriez-vous qu'ils

 18   n'avaient pas eu beaucoup de confiance en la FORPRONU ?

 19   R.  Au début, personne n'avait confiance en personne. Je peux vous donner

 20   un exemple. Il y a quelque chose pratique dont on peut parler. Tous les

 21   observateurs -- ou lorsque le conflit était le plus violent, nous nous

 22   occupions des questions humanitaires. L'un de nos observateurs, il s'est

 23   rendu, par exemple, à un site où un échange des dépouilles mortelles devait

 24   avoir lieu et qui avaient été enterrées, mais personne ne voulait commencer

 25   à creuser ces fosses. C'est notre observateur qui a commencé à faire cela,

 26   après quoi d'autres l'ont aidé et l'échange a eu lieu finalement.

 27   Voilà, je considère que cela représentait quelque chose de bien qu'on

 28   a réussi à faire, et ils se sont mis d'accord pour que l'échange des


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  1   dépouilles mortelles des Croates ait lieu et ensuite, le lendemain, des

  2   dépouilles mortelles des serbes. Donc c'est comme cela qu'on a pensé, en

  3   fait, que la confiance allait être rétablie. Mais quelques jours après, ils

  4   ont abandonné cela.

  5   La FORPRONU avait des tâches considérables, et on ne pouvait pas les

  6   faire réaliser en une journée ou en une semaine. On était dans une position

  7   difficile. Et nous espérions pouvoir tenir des parties séparées et regagner

  8   leur confiance.

  9   Q.  Passons au paragraphe 7. Il s'agit des événements dont vous avez

 10   déposé pendant l'interrogatoire principal. Au paragraphe 7, on peut lire --

 11   et c'est le même document dont on a parlé. Je pense que ce document est

 12   affiché à l'écran devant vous.

 13   Au paragraphe 7, il est dit que :

 14   "Après une confusion au début et des problèmes qui avaient surgi au début,

 15   les Serbes se sont réorganisés petit à petit, et ils ont peut-être des

 16   problèmes logistiques. C'est notre avis. Ils ont été mobilisés et déployés

 17   sur la ligne de front et ont même commencé à poser des mines à beaucoup de

 18   lieux. Ce qui était un élément qui perturbait tout le temps la situation a

 19   été la présence de certains éléments des unités d'Arkan et d'autres unités

 20   de ce type. Il s'agissait des forces qui étaient extrêmement organisées,

 21   professionnelles et sans pitié."

 22   Est-ce qu'on peut tourner la page, s'il vous plaît.

 23   R.  Est-ce qu'on peut agrandir cette partie du texte du document, s'il vous

 24   plaît ?

 25   Q.  "L'effet de leur présence est que les responsables serbes présents à

 26   Knin, avec lesquels nous avions des difficultés au début, ont commencé à

 27   perdre le contrôle et le pouvoir sur leurs forces. De nouveaux responsables

 28   commencent à surgir et ils auront peut-être d'autres opinions."


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  1   D'abord, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord pour dire qu'il y avait

  2   des divergences, comme cela est décrit ici, pour ce qui est des

  3   responsables de la RSK et que ces responsables sont devenus faibles ?

  4   R.  Comme je l'ai déjà dit, Monsieur le Président, je ne suis pas en

  5   politique et je ne peux pas en parler.

  6   Q.  Et quant à la police ?

  7   R.  Quant à la police, je peux dire que nous avions compris qu'il y avait

  8   des difficultés. A savoir, il n'y avait pas d'enquêtes -- ils ont refusé de

  9   mener des enquêtes, et des infractions pénales qui avaient été commises

 10   n'ont pas été enregistrées. Et lorsqu'il était évident que des membres de

 11   la police spéciale avaient été impliqués à la commission des crimes et

 12   qu'ils n'étaient plus sous leur contrôle, cela est devenu une difficulté.

 13   Pour ce qui est de notre point de vue, nous avons dit qu'il fallait

 14   voir avec les autorités quelles seraient les solutions à apporter à cette

 15   situation. A ce moment-là, c'est M. Martic qui présentait le plus de

 16   problèmes. Il était représentant de l'autorité suprême par rapport

 17   également à la police spéciale. Je pense, et là je suis franc, que si

 18   j'avais été policier là-bas, je me serais senti abandonné dans certaines

 19   circonstances. Vous savez, il y avait des choses sur lesquelles je ne

 20   pouvais pas avoir contrôle.

 21   Donc, du point de vue de la police, oui, on avait beaucoup de

 22   difficultés, beaucoup de problèmes concernant certaines personnes qui

 23   étaient impliquées.

 24   Q.  Vous avez vu à Benkovac et à Knin -- je crois que vous avez déjà

 25   déposé à deux reprises que vous l'avez vu après l'attaque. Puisque vous

 26   étiez présent là-bas, est-ce que vous avez vu que des éléments extérieurs,

 27   comme cela est décrit ici, ont commencé à être plus présents ?

 28   R.  Lorsque je suis revenu la deuxième fois, le jour où nos observateurs


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  1   avaient été libérés, ce lieu a été transformé en base militaire, en fait.

  2   Ce jour-là, je n'étais pas au courant du fait qu'Arkan et ses hommes

  3   étaient à l'hôtel. Peut-être que ce groupe, dans une certaine mesure,

  4   contrôlait la situation. Mais si nous regardons à nouveau le rôle de la

  5   police dans ce contexte, il y avait un policier là-bas, et il était

  6   policier professionnel et il jouissait de l'estime de tous et de la

  7   communauté. Mais ce jour-là, il est devenu quelqu'un qui a pris des otages

  8   et lorsqu'il a été confronté à ce problème --

  9   Q.  Monsieur McElligott, je vais revenir à cet aspect de cela.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Maintenant, j'aimerais revenir à la page numéro 1. Au premier

 12   paragraphe, il est dit :

 13   "Nous informions notre QG de l'évolution de la situation dans la zone à

 14   partir du 22 janvier 1993, lorsque le gouvernement croate a décidé

 15   d'utiliser ses forces. Et malgré les efforts pour que les opérations

 16   cessent et des garanties offertes, les opérations ont continué jusqu'à tard

 17   dans l'après-midi du 28 janvier 1993, et à ce moment-là le barrage de

 18   Peruca a été occupé par l'armée croate."

 19   Vous étiez au courant des événements survenus à Benkovac ? Est-ce que vous

 20   saviez que l'opération a continué jusqu'à la date du 28 janvier, au moins

 21   jusqu'à cette date-là ?

 22   R.  Oui, j'étais au courant de cela, et cela s'est poursuivi.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 24   document, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] En tant que D71.

 27   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher le

 28   document 01466. A l'intercalaire 32 du recueil de documents de la Défense.


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  1   Q.  Ce document émane de Jeannie Peterson, et nous en avons parlé pendant

  2   l'interrogatoire principal, envoyé à M. Thornberry le 1er février 1993.

  3   J'aimerais qu'on regarde des passages de ce télégramme. Au premier

  4   paragraphe, il est dit :

  5   "A la réunion à Knin il y a peu de temps, après l'attaque croate soudaine

  6   sur le secteur sud, le président Hadzic s'est adressé aux représentants de

  7   la FORPRONU en disant, Vous êtes les représentants de notre diplomatie. Les

  8   Serbes de la Krajina, sous la protection de la FORPRONU, maintenant,

  9   demandent à la FORPRONU que la FORPRONU s'assure que leur version des

 10   événements soit transmise, et Nambiar et Thornberry leur avaient dit que

 11   c'est vous qui êtes en charge de cela."

 12   Voilà ma question pour vous : concernant les tâches de la police, est-ce

 13   que vous avez constaté que le côté serbe avait de grandes difficultés pour

 14   pouvoir transmettre les informations vers le monde extérieur ? Monsieur le

 15   Témoin, puisque vous les observiez et puisque vous observiez les événements

 16   sur le terrain, est-ce que vous croyiez que le côté serbe avait été

 17   présenté dans les médias de façon correcte, en général ?

 18   R.  Je pense qu'eux-mêmes, ils pensaient que leur réputation était très

 19   mauvaise. Et lorsqu'on se penche sur les négociations qui ont eu lieu à

 20   Genève ou à Vienne -- j'en ai parlé à bord d'un avion avec l'un d'entre

 21   eux, et il m'a dit qu'ils devaient s'occuper de cela puisque l'image qui

 22   circule sur eux était extrêmement mauvaise. Et c'est comme cela qu'on

 23   voyait ça. Hier, j'ai dit que lorsque je suis revenu pour en finir avec les

 24   pourparlers concernant la libération des policiers, la même question a été

 25   posée, la question concernant leur image dans les médias, et je leur ai dit

 26   : "Voilà ce qui se passe." Puisque la situation se retournait contre eux.

 27   Et en parlant à cet homme politique à bord de l'avion, j'ai compris qu'il

 28   avait renoncé à faire des efforts pour que cela change. C'est comme cela


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  1   que j'ai vu les choses à l'époque.

  2   Q.  La description de la situation, paragraphe 3, la situation dans la

  3   région de Benkovac et de Knin :

  4   "Pourtant, le développement de la situation pendant quelques derniers jours

  5   nous pousse à conclure que cela a été complété. L'afflux incessant de

  6   volontaires de la République fédérale de Yougoslavie, la présence des

  7   hommes d'Arkan, Arkan, le redéploiement des unités, de l'artillerie, tout

  8   cela nous pousse à penser qu'un conflit était en train de se préparer."

  9   Monsieur, avez-vous entendu parler du fait qu'un grand nombre de

 10   volontaires affluaient, les volontaires qui ont demandé de combattre ?

 11   R.  Oui. L'afflux de ces volontaires était considérable, et cela nous a

 12   permis de comprendre que le conflit allait éclater.

 13   Q.  Savez-vous d'où provenaient ces volontaires ?

 14   R.  Non, je ne le sais pas. Mais je pense qu'ils provenaient de la Krajina,

 15   de la Bosnie et certainement de la Serbie.

 16   Q.  Paragraphe numéro 4. C'est encore le rapport de Jeannie Peterson.

 17   "Les autorités de Knin sont extrêmement préoccupées et soumises à une

 18   pression considérable. Elles en appellent instamment à la communauté

 19   internationale afin qu'elle agisse rapidement, rapidement, aux fins de

 20   mettre en œuvre la Résolution numéro 802 pour éviter une tragédie aux

 21   proportions inconcevables."

 22   Est-ce que vous vous rappelez cette résolution du Conseil de sécurité

 23   ordonnant leur retraite ?

 24   R.  Eh bien, nous revenons encore une fois au plan Vance --

 25   Q.  Monsieur le Témoin, je vais vous arrêter. Simplifions. Est-ce que vous

 26   vous souvenez que le Conseil de sécurité en a appelé aux forces croates

 27   afin qu'elles se retirent suite à cette offensive ?

 28   R.  Je ne m'en souviens pas avec précision, mais je n'ai pas le moindre


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  1   doute quant à la question de savoir si c'était là le chemin à suivre.

  2   Q.  Passons maintenant à la page suivante :

  3   "Ils sont préoccupés…" Alors, quand on parle de "ils", ce sont les

  4   autorités de Knin, sans plus de précision.

  5   "Ils sont préoccupés quant à la question de savoir si un combat qui

  6   pourrait commencer dans un futur très proche donnerait lieu à une escalade

  7   qui toucherait toutes les zones de protection des Nations Unies et pourrait

  8   y entraîner le reste de l'ex-Yougoslavie, des Balkans, de l'Europe, et

  9   cetera. Le 31 janvier, ils ont demandé à Thornberry, comme ils avaient

 10   précédemment demandé la même chose au commandant de la force, si la

 11   FORPRONU était en mesure de garantir la mise en œuvre de la Résolution

 12   numéro 802. Il a répondu que la FORPRONU ne pouvait pas parvenir à ceci par

 13   la force, mais que des efforts politiques et diplomatiques étaient en

 14   cours. Sur un ton qui n'était pas de bonne augure, ils ont dit," et "ils"

 15   ce sont encore les autorités de Knin, "Ils ont dit que malgré la

 16   désillusion dans laquelle ils étaient par rapport au Conseil de sécurité,

 17   qu'ils s'assureraient que la Résolution 802 serait mise en œuvre."

 18   Vous rappelez-vous que la partie serbe ait eu une exigence de cette

 19   nature dans les entretiens que vous avez pu avoir avec les représentants

 20   serbes ?

 21   R.  Est-ce que vous pourriez juste préciser par rapport à la Résolution

 22   802, ce sont les zones roses ?

 23   Q.  Eh bien, je ne crois pas que ceci sera controversé à mon sens. La

 24   Résolution 802 en appelait au retrait des forces croates suite à cette

 25   offensive. C'était là l'objet de la Résolution 802, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui. Si c'était là la résolution qui avait fait l'objet d'un accord, et

 27   manifestement c'est le cas, encore une fois c'est là-dessus qu'on se base,

 28   c'est l'un des éléments fondamentaux, eh bien, oui, c'est ce qu'on


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  1   s'efforcerait de mettre en œuvre et à quoi on essayerait de parvenir.

  2   Q.  Mais ce que je vous demande, c'est si vous aviez, par exemple, eu une

  3   conversation avec M. Spanovic et que peut-être vous vous rappeliez ? Est-ce

  4   que peut-être vous vous rappelez que cela a été mentionné, cette

  5   préoccupation avec la FORPRONU ?

  6   R.  Je ne me rappelle pas leur avoir parlé de cela, mais je me rappelle

  7   certainement que cela nous est parvenu dans notre correspondance, c'est-à-

  8   dire dans quelle situation sommes-nous et dans quelle direction allons-

  9   nous. Et il convenait d'être conscient de ce type de problèmes et du fait

 10   que des négociations étaient en cours.

 11   Q.  Est-ce que dans les conversations que vous avez eues, et je vous pose

 12   maintenant une question générale, et je vous le demande parce que cela

 13   semble implicite dans certaines de vos réponses à l'interrogatoire

 14   principal, est-ce que vous avez remarqué qu'il y avait toute une diversité

 15   de points de vue parmi les responsables à qui vous aviez affaire à Knin,

 16   entre d'un côté des modérés, et de l'autre côté des personnalités qui

 17   étaient plus radicales ?

 18   R.  Oui. Et il y a deux hommes que j'ai déjà mentionnés hier, dont M.

 19   Martinovic. Je l'ai rencontré la première fois en réunion à l'occasion de

 20   la prise d'otages, donc la veille de ceci. Je crois qu'il était considéré

 21   comme modéré. Il était possible de l'approcher. Et j'avais des discussions

 22   avec lui à ce sujet concernant la libération de nos observateurs. Donc j'ai

 23   rencontré M. Spanovic à une autre occasion précédemment aussi - et ensuite

 24   j'ai rencontré Jeannie Peterson - et lorsque je l'ai quitté ce jour-là, ce

 25   qui prédominait, c'était l'impression qu'il était possible de revenir voir

 26   cet homme et de discuter avec lui de nouveau. Nous avons eu un échange poli

 27   et constructif. Et il y avait la capacité d'avancer parmi ces personnes.

 28   Q.  Dans ce contexte, c'est-à-dire l'offensive croate, puis ensuite le


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  1   manquement des Croates à se retirer et l'échec de la FORPRONU à garantir

  2   leur retrait, est-ce que cela a peut-être compromis la position des modérés

  3   ?

  4   R.  Bien sûr, c'est ce que je m'attendrais à voir, oui.

  5   Q.  [aucune interprétation]

  6   R.  Et malgré cela, je crois qu'ils maintenaient une position modérée, ceux

  7   parmi eux qui étaient des modérés et qui portaient cela en eux.

  8   Q.  Au paragraphe 5, Jeannie Peterson, dans son rapport du 1er février

  9   1993, dit :

 10   "L'urgence dans laquelle ils estiment être," encore une fois, "ils"

 11   se réfère à des autorités de Knin non identifiées, "indique qu'ils sont

 12   préoccupés par quelque chose qui échappe partiellement à leur contrôle. Par

 13   exemple, lorsque Zadar a été bombardée… la seconde fois, Spanovic a dit que

 14   cela n'avait pas fait l'objet d'un ordre et n'avait pas été autorisé.

 15   Pendant une période critique également, concernant les explosions qui se

 16   sont produites à Peruca, Spanovic a déclaré qu'il ne disposait pas

 17   d'informations claires quant à ce qui s'était passé là-bas. A Benkovac, les

 18   hommes d'Arkan ont dit qu'ils ne prendraient pas leurs ordres de Spanovic,

 19   Martinovic ou Martic, mais uniquement d'Arkan."

 20   Donc, concernant ce dernier commentaire, parce que je crois que c'est

 21   quelque chose que vous avez évoqué lors de votre interrogatoire principal,

 22   qu'en dites-vous ? A savoir que les hommes d'Arkan ont dit qu'ils ne

 23   prendraient leurs ordres auprès d'aucun de ces individus ?

 24   R.  Je ne les ai pas entendus dire cela, mais je savais qu'Arkan était

 25   quelqu'un qui disposait d'une unité puissante avec laquelle il était

 26   difficile de traiter. Et, de mon point de vue, il ne pouvait le faire

 27   qu'avec la bénédiction de quelqu'un. Donc, par rapport à la fiabilité, tout

 28   ce que je peux dire, c'est que M. Spanovic a donné son accord pour libérer


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  1   nos observateurs. Il m'a dit qu'il les relâcherait le matin suivant à 8

  2   heures, et il a contacté Benkovac et s'est assuré de leur libération.

  3   Alors, c'est Arkan qui était aux commandes sur place et qui a

  4   contacté Mitchell, un de nos observateurs, en lui donnant une raison pour

  5   sa libération -- enfin, pour libérer les dix autres observateurs. Je dirais

  6   qu'il a répondu, en fait, aux demandes de M. Spanovic. En fait, pour parler

  7   simplement, nous ne nous sommes pas vus restituer nos observateurs.

  8   Donc c'est un problème simple. Nous avons des problèmes politiques,

  9   militaires, dans ce cas précis. Je ne sais pas de quelle façon exactement

 10   il exerçait son pouvoir, mais on considérait qu'il avait un grand pouvoir.

 11   Q.  Mme Peterson, dans son rapport, affirme que les autorités de Knin

 12   étaient très préoccupées par une perte de contrôle. Est-ce que dans vos

 13   conversations avec M. Spanovic ou qui que ce soit d'autre, vous avez eu

 14   l'impression qu'ils étaient effectivement préoccupés par cela ?

 15   R.  Nous n'avons pas abordé ceci dans nos conversations. Je me doutais

 16   également qu'il y avait des puissances plus importantes à l'est qui

 17   tenaient à exercer leur influence sur la situation et à s'en mêler. La

 18   question d'une Grande-Serbie était également présente en arrière-plan. Donc

 19   c'est quelque chose qui était présent de façon conscience. Et dans les

 20   paragraphes précédents, vous pouvez voir jusqu'où le conflit pouvait donner

 21   lieu à une escalade. C'est quelque chose à quoi on fait allusion dans ce

 22   rapport.

 23   Q.  Est-ce parce qu'il y avait un très grand afflux de forces à cette

 24   époque-là qui venaient de l'extérieur, qui n'ont pas été placées sous le

 25   contrôle de ces autorités et ne pouvaient pas l'être?

 26   R.  Eh bien, je ne pense pas que c'était là la situation où tout le monde,

 27   à un moment donné, a décidé, Eh bien, allons à Benkovac. Alors, que ce soit

 28   ou non à l'initiative des autorités de Knin, je ne le sais pas. Mais dans


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  1   son rapport, Jeannie Peterson donne une évaluation qui indique la présence

  2   d'une difficulté, et peut-être était-elle plus importante ce que qu'on

  3   indique ici.

  4   M. GOSNELL : [interprétation] Je demande le versement du document, Monsieur

  5   le Président.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit. 

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il reçoit la cote D72, Messieurs les

  8   Juges.

  9   M. GOSNELL : [interprétation]

 10   Q.  Je voudrais maintenant passer à ce que vous aviez déjà dit sur les

 11   tâches de police.

 12   M. GOSNELL : [interprétation] Je voudrais qu'on affiche le document 05404,

 13   onglet numéro 57 de l'Accusation.

 14   Q.  Monsieur McElligott, c'est ici votre rapport de synthèse au sujet des

 15   crimes commis contre des Croates dans le secteur sud. Je voudrais vous

 16   demander si vous prépariez également des rapports pour d'autres secteurs,

 17   ou bien ceci est-il un rapport unique en son genre?

 18   R.  Cela a été le seul rapport rédigé à ce stade, oui. Peut-être qu'il y en

 19   a eu d'autres plus tard. Je ne sais pas. Je crois savoir qu'il y en a eu un

 20   autre rédigé dans le secteur sud concernant la population serbe qui avait,

 21   elle aussi, été prise pour cible. Parmi elle, il y avait eu des victimes de

 22   crimes et d'autres attaques graves.

 23   Q.  Ce rapport couvre une période de dix mois, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Sur la page de couverture, il est indiqué qu'il y a eu 497 crimes ou

 26   événements relatifs à des crimes commis pendant cette période de dix mois,

 27   ce qui revient à peu près à 50 crimes par mois, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Savez-vous ou avez-vous la moindre idée quant à ce que représentait la

  2   population croate du secteur sud à l'époque ? La population totale, je veux

  3   dire.

  4   R.  Je l'ai su à un moment, mais en fait, je ne peux pas vous répondre. Je

  5   ne sais pas.

  6   Q.  Avez-vous la moindre notion ou disposez-vous de statistiques relatives

  7   au nombre total d'événements relatifs au nombre de crimes qui se sont

  8   produits dans le secteur sud pendant cette même période de dix mois ?

  9   R.  Non, Messieurs les Juges.

 10   Q.  Avez-vous une idée du nombre de crimes commis à l'encontre des membres

 11   des Nations Unies, de la FORPRONU, pendant cette période de dix mois ici

 12   évoquée ?

 13   R.  Ils ont été enregistrés à un moment ou un autre, oui. Tous ont été

 14   enregistrés.

 15   Q.  Et pour le secteur sud, est-ce que c'était de l'ordre de la centaine ?

 16   R.  Je ne sais pas. Mais je ne pense pas que cela atteignait la centaine.

 17   Q.  J'aurais dû poser une question plus précise. Pendant cette période de

 18   dix mois, à savoir entre le mois de mai -- non, excusez-moi. Entre le mois

 19   d'août 1992 et jusqu'au 31 mai, pendant donc cette période de dix mois,

 20   j'ignore s'il existe un rapport couvrant précisément cette période avec des

 21   statistiques relatives aux crimes commis contre des membres de l'ONU, mais

 22   y avait-il des rapports mensuels quant aux crimes commis contre les membres

 23   des Nations Unies?

 24   R.  Ceci a été enregistré au QG. Chaque incident, chaque rapport de

 25   situation y arrivait et donnait lieu à un enregistrement. Donc ceci,

 26   ensuite, était consolidé d'une façon ou d'une autre.

 27   Q.  Et parmi les 497 incidents ou crimes, 120 ont été commis par les

 28   individus portant l'uniforme, ce qui représente un peu plus de 20 %, n'est-


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  1   ce pas ?

  2   R.  Eh bien, encore une fois, j'ai revu ce document, et 497, c'est le

  3   chiffre que j'ai obtenu. Une page était en fait un doublon et je crois

  4   qu'il y avait une ou deux lignes qui étaient tout en bas et que j'avais pu

  5   manquer. Mais dans l'ensemble, c'est ça.

  6   Les 497 suspects -- en fait, il y avait 39 personnes portant d'autres

  7   uniformes que ceux de la "milicija", 4 950 [comme interprété] suspects qui

  8   portaient l'uniforme de la "milicija", et 97, je crois, autres, et 135

  9   suspects pour lesquels on n'a pas trouvé d'éléments de preuve.

 10   Q.  Monsieur le Témoin, je ne pense pas que les chiffres aient été bien

 11   consignés. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, reprendre et redonner

 12   les chiffres ?

 13   R.  Les chiffres que j'avance à partir de ce rapport sont les suivants. Il

 14   y avait en tout 490 crimes enregistrés. Parmi ces 490, 39 des incidents

 15   enregistrés concernent des personnes décrites comme portant l'uniforme de

 16   la "milicija" ou de la police. Puis, 97 autres étaient des personnes

 17   portant un uniforme militaire ou un autre uniforme. Et je crois qu'il y a

 18   135 cas de personnes en tenue civile. Et au bout du compte, il n'y a pas

 19   d'indication quant à l'identité des suspects.

 20   Q.  Tout ceci ne donne pas vraiment le même total de 120, mais nous

 21   n'allons pas nous y attarder. Est-il exact de dire qu'un peu plus des deux

 22   tiers de ceux qui ont été identifiés l'ont été en tant que personnes

 23   portant un uniforme qu'on pourrait décrire comme étant un uniforme régulier

 24   des forces armées ?

 25   R.  J'ai parlé du chiffre de 97. Vous pouvez calculer les pourcentages,

 26   mais le total, je crois que c'est 135.

 27   Q.  Pendant votre déposition, en page 5 977, vous avez dit que 48 % des

 28   auteurs de crimes avaient été vus sur les lieux du crime. Est-ce que ce


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  1   chiffre est exact ?

  2   R.  Les chiffres que je vous ai redonnés, c'est ceux que vous devriez

  3   prendre. En fait, je vous parle de tête maintenant. Je vous réponds de

  4   tête, mais j'ai les chiffres.

  5   Q.  Donc, plus de la moitié de ces crimes, plus de la moitié de ces 497,

  6   ont été commis par des auteurs qui n'ont pas été vus sur les lieux ?

  7   R.  Je crois, oui.

  8   Q.  Est-ce que cela signifie que -- alors, pour commencer, est-ce que la

  9   plupart de ces rapports ou de ces plaintes sont fondés sur des informations

 10   fournies par la victime ?

 11   R.  Eh bien, en cas de meurtres, évidemment non. Mais dans les autres cas,

 12   lorsqu'on a affaire à un vol, un vol à main armée ou autre, lorsqu'on est

 13   en présence de la partie lésée, on a effectivement une description.

 14   Q.  Laissons de côté les cas de meurtres. Est-ce que les rapports sur

 15   lesquels se fonde ce rapport-ci se fondent avant toute chose, sinon

 16   exclusivement, sur des informations partiellement ou exclusivement fournies

 17   par les victimes ?

 18   R.  En général, oui, je crois que cela était fourni par les victimes,

 19   éventuellement par un témoin indépendant qui s'était trouvé sur place.

 20   Q.   Donc, si nous suivons cette même piste, cela signifierait que dans

 21   près de la moitié de ces incidents, les victimes n'étaient pas présentes

 22   lorsque le crime a été commis ?

 23   R.  Eh bien, qu'elles étaient quelque part dans la région.

 24   Q.  Donc j'imagine que ces événements avaient quelque chose à voir plutôt

 25   avec des vols de biens ou des incendies, des pillages; est-ce exact ?

 26   R.  C'est indiqué avec précision, et, en général, je pense que ce serait

 27   effectivement le cas.

 28   Q.  Et si j'ai bien compris la teneur de ce rapport, lorsque l'auteur n'a


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  1   pas été identifié d'une façon ou d'une autre, cela signifie que le

  2   plaignant ou la victime ou l'éventuel témoin n'a pas été en mesure

  3   d'identifier positivement la personne en question, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   M. GOSNELL : [interprétation] Pouvons-nous passer, s'il vous plaît, à la

  6   page 29 de ce document dans le système du prétoire électronique.

  7   Q.  La raison pour laquelle je vous ai posé cette dernière question,

  8   Monsieur McElligott, c'est que sur cette page du rapport - qui, je pense,

  9   est un bon exemple de nombreuses pages qui sont réunies - nous voyons

 10   qu'aux première, deuxième, cinquième, sixième et septième entrées, il est

 11   indiqué des hommes armés et en uniforme ont forcé ou des hommes armés en

 12   uniforme ont commis telle et telle infraction. Mais dans aucun cas de

 13   figure il ne semble pas que nous ayons une description précise de l'auteur

 14   du crime.

 15   Ai-je raison de comprendre que dans tous ces cas de figure, on a pu

 16   identifier le type de vêtement porté par l'auteur, mais on n'a pas pu

 17   identifier l'auteur lui-même, établir son nom, son prénom, et cetera ?

 18   R.  De façon générale, oui, vous avez raison. Je pense que dans certains

 19   cas de figure, une telle personne ou une telle autre sont nommées. Mais en

 20   général, on disait que c'étaient tout simplement des gens en uniforme.

 21   Q.  Il était très habituel de porter l'uniforme dans cette région, vous

 22   êtes d'accord avec moi ? Pratiquement chaque homme en âge adulte en avait

 23   un. C'est certainement le cas pour les uniformes militaires réguliers.

 24   Pourriez-vous nous dire s'il était aussi possible d'acheter des uniformes

 25   bleus, là, un peu partout, si on le souhaitait ?

 26   R.  Je ne sais pas si ces uniformes-là ont été à la disposition de tout le

 27   monde, mais je pense que dans un rapport ou deux fournis par l'armée et par

 28   nous-mêmes il est indiqué que -- on parle d'uniformes bleus qui ont été


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  1   donnés à des hommes qui n'ont jamais suivi de formation en matière de

  2   police. Mais ils ont néanmoins reçu des uniformes bleus. Alors, je ne sais

  3   pas à quel endroit on vendait des uniformes de ce type, mais cet élément

  4   d'information est consigné dans plusieurs rapports.

  5   M. GOSNELL : [interprétation] Passons à la page 49, s'il vous plaît, au

  6   prétoire électronique.

  7   Q.  Il nous faut la troisième entrée à partir du bas.

  8   R.  Pourriez-vous agrandir un petit peu ?

  9   Q.  Il s'agit de P2-114/92. Le crime en question est un vol de bétail. Et

 10   dans la synthèse, il est indiqué :

 11   "Quatre hommes des rangs de la 'milicija' ont volé les agneaux de la

 12   victime."

 13   Alors, pourriez-vous nous dire si c'est une conclusion qui a été tirée du

 14   fait que ces hommes portaient des uniformes de la "milicija" ou est-ce que

 15   les auteurs ont été identifiés de façon positive comme étant des membres de

 16   la "milicija" ?

 17   R.  Je ne peux qu'interpréter ce qui est écrit dans le document, et dans le

 18   document ils sont décrits comme des hommes de la "milicija". Mais d'autre

 19   part, vous avez là une victime qui habite dans la communauté donnée et qui

 20   en parle, donc il s'agit de quelqu'un qui connaissait très bien de façon

 21   générale la population locale. Peut-être que la victime ne connaissait pas

 22   forcément tout le monde, mais il est dit ici que ces personnes

 23   appartenaient à OUMM [phon], et c'est le point de départ que vous avez.

 24   Q.  Mais est-ce que vous pouvez vous prononcer d'une façon ou d'une autre -

 25   -

 26   R.  Mais l'enquête --

 27   Q.  Mais permettez-moi de finir ma phrase. Nous voyons tout simplement que

 28   ces personnes ont été vues en uniforme. Ou alors, est-ce que vous êtes en


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  1   train de nous dire que ces personnes ont été identifiées de façon

  2   définitive comme étant des membres de la "milicija" ?

  3   R.  C'est l'enquête qui aurait dû le relever. Et l'enquête, c'est la police

  4   locale qui aurait dû s'en charger.

  5   Q.  Donc vous répondez par oui à ma question ?

  6   R.  Mais comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas de réponse définitive. Les

  7   faits n'ont pas été établis. Tout ce que nous avons, c'est le rapport de

  8   départ.

  9   Q.  Mais je ne parle pas de la procédure policière ici. J'essaie de

 10   comprendre justement ce qui est écrit dans votre rapport et ce que vous

 11   êtes en train de nous dire. Et il me semble que si vous ne fournissez pas

 12   d'autres éléments d'information, il n'est clair si les victimes ont

 13   identifié les hommes comme faisant partie de la "milicija" ou s'ils les ont

 14   identifiés comme étant habillés en uniforme de la "milicija".

 15   R.  Je dirais qu'ici il est indiqué que les auteurs n'ont pas été

 16   identifiés personnellement. Sinon, leurs noms auraient été cités.

 17   Q.  Et est-ce que vous pouvez nous dire quoi que ce soit lorsque vous vous

 18   penchez sur la troisième entrée qui concerne les motifs des auteurs ou de

 19   l'auteur ?

 20   R.  Nous avons deux éléments différents. Le premier concerne la victime.

 21   Donc, pour lui, ce bétail est une source de vivres, de nourriture, et

 22   cetera. Et donc, c'est très important pour lui. Et puis, d'autre part, on

 23   se demande pour quelle raison ce bétail a été volé.

 24   Surtout quand on sait que les gens vivaient dans des conditions

 25   horribles, qu'il n'y avait pas suffisamment de vivres, qu'il n'y avait pas

 26   de quoi manger. Donc il y a toute une série de questions sociétales qui se

 27   posent en même temps quand on regarde ce qui est écrit dans ce rapport.

 28   Q.  Mais oui, tout à fait. Mais on ne peut pas savoir pour quelle raison le


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  1   crime a été commis.

  2   R.  Exactement.

  3   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'ici nous n'avons

  4   tout simplement pas suffisamment d'éléments pour en tirer des conclusions

  5   quant aux motifs ou motivations de ces quatre individus ?

  6   R.  Dans la plainte au pénal, le rapport préliminaire de la CIVPOL est

  7   cité. Et normalement, ceci aurait dû être remis à la police pour qu'elle

  8   entame une enquête. Parfois on nous donnait, en fait, des éléments

  9   supplémentaires. Ils le faisaient de temps en temps. Et il se peut qu'ils

 10   l'aient fait pour cette affaire-ci. Il faudrait voir si on a donné suite à

 11   l'affaire, s'il y a eu une enquête et quels sont les faits qui ont été

 12   établis.

 13   Q.  Je le comprends, Monsieur. Je ne dis pas que les choses se passaient

 14   autrement. Je vous demande tout simplement : sur la base des informations

 15   qui sont citées dans votre rapport, sur la base de la description qui est

 16   fournie ici et sur la base du fait qu'il s'agit d'un vol, vous ne pouvez

 17   pas tout simplement en déduire que le motivation de ce crime était d'ordre

 18   ethnique ou qu'il s'agissait d'une forme de discrimination ?

 19   R.  Je pense que si vous vous penchez sur un seul crime isolé, alors, oui,

 20   c'est la façon dont vous réfléchissez. Mais si vous regardez la toile de

 21   fond, si vous vous faites une idée globale de la situation, et si vous

 22   voyez qu'au sein d'une communauté il y a de nombreux incidents qui

 23   surviennent et dont les auteurs sont des hommes en uniforme, d'une façon ou

 24   d'une autre, qu'ils commettent des vols ou des meurtres ou qu'ils

 25   incendient des maisons, alors vous verrez des choses dans une perspective

 26   différente. Et en tant que policier, vous vous demandez, Comment est-ce que

 27   nous devons réagir à ce problème ? Parce que, justement, le problème ne

 28   concerne pas des crimes isolés ou individuels, mais il faut trouver une


Page 6093

  1   approche globale pour résoudre la question.

  2   Q.  Mais, Monsieur le Témoin, je ne vous demande pas quelle serait la

  3   réaction appropriée de la part de la police. Je vous demande quelles

  4   conclusions nous pouvons tirer sur la base des éléments d'information cités

  5   dans le rapport.

  6   R.  Si vous tirez vos conclusions d'un seul rapport isolé où nous n'avons

  7   qu'un rapport préliminaire qui est rédigé sur la base de ce qui a été dit

  8   par la victime, alors les éléments que vous avez, ce sont les éléments que

  9   nous avons ici précisément. Moi, j'ai indiqué ce qui a été vu. Et ensuite,

 10   tout ceci devait être suivi par une enquête où on partirait à la recherche

 11   d'autres témoins oculaires qui seraient en mesure de décrire les personnes

 12   concernées. Alors, on pourrait dire définitivement à la fin de l'enquête,

 13   Oui, c'est un membre de la "milicija". Ou alors, Non, ce n'était pas un

 14   membre de la "milicija". C'est là l'objectif visé par une véritable

 15   enquête. Vous revenez alors aux gens qui habitent dans votre communauté,

 16   vous leur montrez les faits, et alors vous gagnez leur confiance. Mais ici,

 17   en fait, vous ne pouvez pas vous prononcez dès le départ si quelqu'un fait

 18   partie de la police ou non, parce que cela veut dire que vous avez

 19   abandonné l'affaire à l'avance.

 20   Q.  Mais vous ne pouvez pas tirer de conclusions définitives; vus ne pouvez

 21   pas dire que tout simplement parce que la victime est croate, que ce crime

 22   de vol a été motivé par une animosité de nature ethnique ?

 23   R.  Si.

 24   Q.  Mais ce n'est pas ma question. Je ne vous demande pas si cela est

 25   possible. Je vous demande si c'est une conclusion qui s'impose

 26   nécessairement.

 27   R.  Si on étudie un seul cas isolé, non. Mais si vous regardez le profil

 28   global de tous les crimes qui sont perpétrés dans votre zone de


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  1   responsabilité et si vous regardez le modèle qui se dégage, alors vous

  2   devez vous demander, Mais qu'est-ce qui se passe ici ? Est-ce que nous

  3   faisons face à un problème spécifique, et comment allons-nous le résoudre ?

  4   Et il faut aussi prendre un petit peu de distance par rapport au problème

  5   et ensuite étudier la situation. Parce que si vous avez un seul crime

  6   isolé, alors il ne faut pas agir de la même façon que si on a toute une

  7   série de crimes.

  8   Q.  Mais on ne parle pas ici de contexte générale. Je ne vous dis pas qu'il

  9   faut laisser de côté un crime tout simplement parce que c'est un crime

 10   isolé du point de vue de la procédure policière. Je vous dis tout

 11   simplement que ces agneaux auraient pu être volés, non pas parce que la

 12   victime était Croate, mais parce que de façon générale la situation n'était

 13   pas stable sur le point de la sécurité. Est-ce que ce n'est pas là une

 14   interprétation possible ?

 15   R.  Franchement, quelle que soit la situation, vous avez toujours des

 16   éléments criminels. Et compte tenu des circonstances que vous avez

 17   décrites, certes, il y a toujours un certain pourcentage de personnes qui

 18   ont tendance à profiter de la situation. Mais je pense que oui, c'est une

 19   conclusion réaliste à tirer. Mais aussi, cela ne veut pas dire que le

 20   problème ne doit pas être résolu.

 21   Q.  Mais est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'un grand pourcentage

 22   des crimes perpétrés, tout simplement, ne pouvaient pas être résolus de

 23   façon satisfaisante par la "milicija" ? Ils n'étaient pas en mesure

 24   d'exercer un contrôle sur les auteurs ou de les sanctionner ?

 25   R.  Moi, maintenant, je réfléchis du point de vue de la prévention. En

 26   fait, la police aurait dû agir en fonction du plan Vance qui lui permettait

 27   de porter seulement des armes de poing. Et lorsque la police se trouvait

 28   dans une situation où il y a des crimes de proportion importante, alors


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  1   cela nous a présenté une certaine difficulté, et alors nous nous adressions

  2   aux autorités compétentes pour dire, Eh bien voilà, vous avez des problèmes

  3   au niveau de la criminalité dans votre région, et ce sont des problèmes de

  4   nature très spécifique. Il nous faut des renforcements, il nous faut votre

  5   soutien aussi. Et quand je parle de soutien, je ne parle pas d'autres armes

  6   à feu. Je parle d'une réaction générale du gouvernement. Et là, je pense à

  7   la situation dans mon pays. Dans mon pays, les forces de police sont des

  8   forces de police qui ne portent pas d'armes. Ce sont des formations mises

  9   en place par l'Etat. Néanmoins, nos agents de police ne portent pas d'armes

 10   à feu. Et, en fait, l'objectif visé, c'était que nos forces de police

 11   n'arriveraient à rien par un recours à la force ou par un recours aux

 12   armes, mais il faut exercer une autorité d'ordre moral sur la population,

 13   et les agents de police doivent être perçus comme des personnes qui servent

 14   la communauté.

 15   Au cours des années, nous avons eu des problèmes politiques et des

 16   problèmes aussi qui concernaient la criminalité. Notre gouvernement a

 17   réagi. Par exemple, ils ont mis sur pied un tribunal spécial dédié à la

 18   criminalité. Normalement, dans nos procès nos avons un jury, mais on a mis

 19   sur pied un tribunal où on avait une chambre de trois juges pour résoudre

 20   les problèmes. Et ça a aidé aussi les témoins, le fait qu'il n'y avait pas

 21   de jury.

 22   Par la suite, nous avons dû faire face au crime organisé et aux problèmes

 23   avec les stupéfiants. Là encore, nous avons mis en place des mécanismes qui

 24   nous ont permis de réagir. Donc il faut voir la situation dans le contexte

 25   général, et ensuite c'est aux autorités et au gouvernement de répondre pour

 26   protéger aussi ses forces de police, mais aussi pour protéger la

 27   communauté. Donc il se peut que la police s'est sentie un peu abandonnée à

 28   l'époque, et voilà. Mais -- de façon stratégique. Mais aussi, il y avait de


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  1   problèmes quotidiens.

  2   Q.  Mais permettez-moi de vous poser une question différente, un peu moins

  3   subjective. Est-ce qu'il serait injuste de dire que la plupart des membres

  4   de police réguliers participaient à des activités criminelles ?

  5   R.  Vous parlez de la police régulière ? Oh non.

  6   Q.  Oui, oui, oui, je parle de la police régulière.

  7   R.  De façon générale, les policiers réguliers, nous les considérions comme

  8   des gens équitables, des agents de police qui étaient équitables dans leur

  9   travail et qui étaient de très braves gens. Il n'y aucun doute à cet égard.

 10   Q.  Mais compte tenu de ce que vous venez de nous dire concernant le

 11   secteur sud, il y a 39 incidents où les victimes ont identifié les auteurs

 12   comme des personnes portant un uniforme de la "milicija".

 13   R.  Oui. Mais je pense que cela se réfère aux membres de la police spéciale

 14   et pas aux 7 000 policiers réguliers.

 15   Mais les difficultés -- j'en ai déjà parlé un peu plus tôt. Il y a eu

 16   des crimes au sujet desquels une enquête n'a jamais été menée, et parfois

 17   même on refusait carrément de mener une enquête. Et il y a eu aussi des cas

 18   de meurtres où, vraiment, rien n'a été fait --

 19   Q.  Monsieur McElligott, aux fins du compte rendu d'audience, pourriez-vous

 20   ralentir un petit peu.

 21   R.  Très bien.

 22   Q.  Cela nous serait très utile. Mais, merci de votre réponse.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Et j'aimerais maintenant que nous nous

 24   penchions sur le document 1335, s'il vous plaît. Intercalaire 14 dans le

 25   classeur de l'Accusation.

 26   Q.  Ceci est un rapport qui concerne le secteur sud de la CIVPOL de l'ONU.

 27   C'est un rapport mensuel, j'imagine pour le mois d'octobre, parce que la

 28   date que nous voyons ici c'est le 2 novembre 1992. Et j'aimerais que nous


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  1   passions à la page 3, s'il vous plaît. La zone générale B, vers le bas, on

  2   peut lire :

  3   "Les incidents survenus dans l'après-midi nous montrent que les violations

  4   des droits de l'homme continuent. La 'milicija' locale semble ne pas être

  5   en mesure de protéger des gens. Pour autant que nous le sachions, il y a

  6   beaucoup de patrouilles nocturnes. Pourtant, la 'milicija' avait promis

  7   d'augmenter le nombre de patrouilles dans certains villages."

  8   Pouvez-vous nous dire ce que cela veut dire, a/m ? Cela se trouve au début

  9   de ce passage.

 10   R.  Pouvez-vous agrandir cette partie, s'il vous plaît ?

 11   Vous faites référence à la zone B ?

 12   Q.  Oui.

 13   R.  Les incidents a/m sont probablement les incidents survenus dans la

 14   matinée.

 15   Q.  Est-ce que la police avait des difficultés particulières quand il

 16   s'agit des patrouilles nocturnes ?

 17   R.  Des patrouilles nocturnes étaient quelque chose d'habituel dans le

 18   travail de la police. Et nos observateurs procédaient également à des

 19   patrouilles nocturnes. Et, encore une fois, vous devez vous poser la

 20   question quel était leur rôle et leur place par rapport à la communauté et

 21   de savoir quelles aurait pu être les réactions des gens, puisqu'il y avait

 22   des situations où les observateurs pouvaient ne pas se sentir en sécurité.

 23   Et cela nous amène à la question de savoir comment cela pouvait être

 24   changé. Et, encore une fois, vous devez vous adresser à vos autorités

 25   supérieures pour procéder à des changements concernant des tâches de la

 26   police.

 27   Q.  Et vous voulez dire que les autorités supérieures n'étaient pas en

 28   mesure de faire respecter toutes les conditions décrites comme les


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  1   conditions requises pour que la police s'acquitte de ses tâches de façon

  2   appropriée ?

  3   R.  Je pense que si vous regardez l'un des rapports, les "milicija" en

  4   uniforme posaient des problèmes. Et ils n'ont pas contribué à résoudre des

  5   problèmes dans la communauté. Ils n'ont pas essayé de faire partie de la

  6   communauté et non pas de provoquer des problèmes.

  7   Q.  Revenons à la question que je vous ai posée auparavant concernant le

  8   petit nombre d'individus en uniforme qui avaient été identifiés en tant

  9   qu'auteurs des crimes de la part des témoins ou des victimes. Alors, en

 10   tant que policier, n'avez-vous pas pu en déduire qu'il y avait un grand

 11   pourcentage d'individus qui avaient été repérés sur les sites de crimes,

 12   mais qu'un nombre relativement petit avait été identifié par les victimes

 13   ou par les témoins. Qu'est-ce que cela vous dites concernant ces auteurs de

 14   crimes ?

 15   R.  Lorsque vous avez une communauté bien établie et des gens qui

 16   fonctionnent bien dans le cadre de cette communauté, et vous avez un groupe

 17   de 16 000 personnes en uniforme et vous leur donnez carte blanche pour ce

 18   qui est des activités sur le territoire. Mais ils ne sont pas connus par la

 19   communauté, et la communauté ne connaissait pas leurs uniformes. La

 20   communauté était terrorisée de les avoir vus.

 21   Q.  Est-ce que cela veut dire que des individus ou des soldats qui

 22   portaient des uniformes provenaient de l'extérieur de ces communautés sur

 23   le territoire desquelles des crimes avaient été commis ?

 24   R.  La police spéciale dont on parle ici était placée sous l'autorité de

 25   Milan Martic. C'était le groupe qui s'y trouvait et qui présentait des

 26   problèmes, ainsi que des policiers qui étaient censés être responsables du

 27   maintien de l'ordre. Ils étaient toujours là et ils posaient des problèmes

 28   Et cela avait une grande incidence sur la communauté parce que les gens


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  1   étaient impuissants pour ce qui est de la résolution des problèmes qu'ils

  2   présentaient.

  3   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on maintenant revenir à 1502. A

  4   l'intercalaire 27 du recueil de documents de l'Accusation.

  5   Q.  Il s'agit d'un rapport de situation. Cela est affiché à l'écran devant

  6   vous. Mais cela se trouve peut-être dans votre classeur sous le numéro

  7   1502.

  8   R.  Peut-on agrandir un peu, s'il vous plaît, cette partie ?

  9   Q.  Page 1, au point 1, la situation générale. La date est le 22 février

 10   1992, à savoir un mois à peu près après le lancement de l'offensive croate

 11   sur Benkovac.

 12   "Les observateurs de la CIVPOL des Nations Unies, accompagnés par les

 13   membres de la 'milicija' locale, sont entrés dans le village et ont trouvé

 14   16 Croates habitant une cabane et c'était en fait un poste de la

 15   'milicija'. Ils ont également appris qu'à peu près 42 autres Croates se

 16   sont rendus vers ce site."

 17   Seriez-vous d'accord pour dire que pour ce qui est de ce cas précis, la

 18   population locale a trouvé abri dans une base de la Défense territoriale ou

 19   de la "milicija", comme cela est indiqué ici?

 20   R.  Il semble qu'ils aient quitté leurs maisons. Et il s'agit des Croates ?

 21   Q.  Seize  Croates, et ensuite 42 autres Croates.

 22   R.  Croates. Qu'ils ont trouvé refuge là-bas.

 23   Q.  Dans ce cas-là, pouvez-vous nous dire si la population locale croate

 24   avait confiance en la "milicija" ou en la Défense territoriale pour

 25   demander qu'ils les protègent.

 26   R.  Ici, il n'est pas dit s'il y en avait d'autres. Il est écrit que les

 27   observateurs de la CIVPOL des Nations Unies, accompagnés par les membres de

 28   la "milicija", se sont rendus là-bas et les ont retrouvés sur place. Il


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  1   semble que cette pièce ait été vide, et ils se sont introduits dans cette

  2   pièce puisqu'ils pensaient que cette pièce ou cette cabane pouvait leur

  3   servir d'abri. Ils avaient froid, ils avaient faim. Les conditions étaient

  4   terribles.

  5   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que c'était un poste ou une

  6   base de "milicija" ou de la Défense territoriale abandonné et que ces

  7   Croates ont trouvé refuge là-bas ?

  8   R.  Je vois nulle part la référence à d'autres personnes présentes sur les

  9   lieux. Personne d'autre.

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on afficher 01478. L'intercalaire 25 du

 11   recueil de l'Accusation.

 12   Q.  Il s'agit de la date du 8 février 1993. Le document émane de la CIVPOL

 13   des Nations Unies, du QG du secteur sud. Rapport de situation quotidien.

 14   M. GOSNELL : [interprétation] Pourrait-on passer à la page 3, s'il vous

 15   plaît.

 16   Q.  Au deuxième paragraphe, où on peut lire comme suit : 

 17   "Un problème habituel qui surgit ces jours est le fait que les Croates

 18   locaux continuent à être forcés de quitter leurs maisons et leurs

 19   appartements par les réfugiés qui affluent et par les opportunistes locaux.

 20   Il semble que les autorités locales ne soient pas en mesure de les

 21   arrêter."

 22   Je vais m'arrêter là. Savez-vous qu'il y avait des réfugiés qui affluaient

 23   dans la zone et qui, en fait, se comportaient de façon que cela

 24   représentait une sorte de menace pour l'ordre public ?

 25   R.  Il y avait des gens qui affluaient dans le secteur de l'extérieur des

 26   zones. C'étaient des Croates, des personnes déplacées, et je pense que dans

 27   le secteur est et dans le secteur sud cette situation prévalait après ce

 28   qui s'est passé à Benkovac, et je pense que le nombre de personnes a


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  1   doublé, des personnes qui étaient déplacées. Et des maisons ont été

  2   occupées par des personnes déplacées.

  3   Q.  Dans beaucoup de cas, les autorités locales n'avaient pas le pouvoir

  4   d'arrêter tout cela et les agissements de ces individus hostiles ?

  5   R.  Vous devez encore une fois savoir comment vous pouvez répondre à ce

  6   type de situation concernant des logements. Si demain quelqu'un occupe ma

  7   maison, j'appelle la police, je ne sais pas ce que la police va me dire. La

  8   police peut me dire, Vous ne pouvez pas retourner dans votre maison. Vous

  9   allez être envoyé ailleurs. C'était la situation concernant des logements à

 10   l'époque, et c'était problématique.

 11   Q.  Est-ce que la "milicija" a continué à soutenir la CIVPOL des Nations

 12   Unies en fournissant des informations portant sur les crimes qui ont eu

 13   lieu dans des zones qui étaient placées sous votre [comme interprété]

 14   autorité ?

 15   R.  Oui, mais il y avait parfois des situations -- parfois, nous les

 16   informions également. Et dans certains cas, les victimes ne s'adressaient

 17   pas à la "milicija", vu leur comportement à l'époque.

 18   Q.  Diriez-vous que la majorité des crimes mentionnés dans vos

 19   rapports ou les informations -- la majorité des informations portant sur

 20   les crimes provenaient de la police régulière, de ces 7 000 policiers

 21   réguliers ?

 22   R.  Je pense que dans les rapports il est dit que la "milicija" ou la

 23   police leur avait transmis les informations dans les rapports. On peut voir

 24   que c'était le cas. Mais il n'y a pas plus de détails là-dessus. Les

 25   informations étaient échangées mutuellement.

 26   M. GOSNELL : [interprétation] Je regarde l'heure, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Maître Gosnell.

 28   Nous allons faire la pause, Monsieur McElligott. Nous allons faire notre

 


Page 6103

  1   deuxième pause et nous allons retourner dans la salle d'audience à 12

  2   heures 45. M. l'Huissier va vous raccompagner à l'extérieur du prétoire.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  5   [Le témoin quitte la barre]

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est suspendue.

  7   --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 44.

  9   [L'accusé est absent]

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, quant à votre

 11   demande aux fins d'une audience qui se tiendrait vendredi, 5 juillet,

 12   malheureusement, ce jour-là aucun prétoire n'est disponible. Y a-t-il un

 13   problème particulier de calendrier que vous rencontrez pour cette semaine-

 14   là ?

 15   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Pouvons-nous passer brièvement à huis clos partiel, parce que j'ai des

 17   informations dont des noms qu'il convient de ne pas divulguer.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 20   [Audience à huis clos partiel]

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 28   [Audience publique]

 


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  2   [Le témoin vient à la barre]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur McElligott, excusez-nous de

  4   ce retard. Il y avait des questions d'intendance et de procédure à aborder

  5   au préalable.

  6   Maître Gosnell, poursuivez.

  7   M. GOSNELL : [interprétation] Pourrions-nous afficher le document 01383 à

  8   l'écran. Onglet numéro 31 de la Défense.

  9   Q.  Alors, Monsieur McElligott, devant vous à l'écran, dans quelques

 10   instants un courrier de Nambiar à Goulding va s'afficher, portant la date

 11   du 30 novembre 1992. Avec pour objet : "Discussion avec les autorités de

 12   Knin."

 13   M. GOSNELL : [interprétation] Alors, pourrions-nous passer à la page numéro

 14   3, s'il vous plaît.

 15   Q.  "La visite d'aujourd'hui s'est terminée par une inspection de deux

 16   heures et un briefing de la CIVPOL dans la zone de Benkovac, où il y a eu

 17   récemment une série d'embuscades et de meurtres horribles. La plupart

 18   d'entre eux ont été très probablement commis par des infiltrés croates et

 19   d'autres. Un processus de déstabilisation relativement compréhensible mais

 20   indéfendable semble avoir visé Benkovac et avoir été le fait des Croates,

 21   tout comme quelque chose de semblable a apparemment touché un ou deux

 22   autres secteurs dans les zones roses."

 23   Alors, Monsieur McElligott, je crois que vous avez déjà déposé au sujet des

 24   infiltrés. Je ne vais pas vous demander de répéter, mais est-ce que vous

 25   avez participé à ce briefing de la CIVPOL dont il est question ici ?

 26   R.  Je connais ce dont il est question ici, oui.

 27   Q.  Est-ce que vous pourriez nous aider à comprendre à quelle distance, à

 28   quelle profondeur par rapport à la ligne de confrontation ces meurtres ont


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  1   eu lieu ? A quelle distance de la ligne de confrontation du côté serbe ?

  2   R.  Je ne suis pas sûr de la distance, mais en tout cas ces incursions

  3   étaient considérées comme très graves.

  4   Q.  Et comment cela a-t-il affecté les activités de la "milicija" serbe, et

  5   j'entends par là les forces régulières de police, dans ce secteur ?

  6   R.  Il y a eu d'abord une recrudescence des tensions sur place et la police

  7   serbe à Benkovac a été particulièrement affectée. Nos propres observateurs

  8   ont mis en place des patrouilles dans ce secteur. Je crois que le Bataillon

  9   kenyan était sur place à l'époque. Il y avait également un officier de

 10   liaison avec le chef local de la "milicija". Donc les choses étaient

 11   partiellement sous contrôle, mais il y avait des répercussions aussi de

 12   l'autre côté, où des personnes ont été attaquées. Donc différents scénarios

 13   ont vu le jour, se sont présentés dans le cadre des réactions à ces

 14   activités.

 15   Q.  Alors, est-ce que la mesure dans laquelle ils patrouillaient --

 16   l'ampleur du territoire couvert par leur patrouille a diminué ?

 17   R.  Je ne suis pas sûr. Par rapport à la question que vous vous posez, je

 18   ne suis pas sûr si à ce moment précis il y a quoi que ce soit qui a changé

 19   dans leur patrouille.

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 21   document, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il reçoit la cote D73.

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher le

 25   document 01277, s'il vous plaît. Et j'ai informé l'Accusation de

 26   l'utilisation de ce document par e-mail, bien que ce document ne figure pas

 27   sur notre liste.

 28   Q.  Pouvons-nous passer à la page 3. C'est un télégramme chiffré sortant de


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  1   Nambiar à Vance portant la date du 26 septembre 1992. Au point numéro 2,

  2   vers le bas :

  3   "Nous nous trouvons toujours dans une phase militaire, échelon 3, dans la

  4   zone rose. Les zones roses sont actuellement contrôlées par la 'milicija'

  5   qui est organisée en unités militaires lourdement armées. Le comportement

  6   de la 'milicija' dans la zone rose est le résultat d'ordres reçus de Knin

  7   aux fins d'empêcher tout processus de retour sans autorisation de la RSK.

  8   L'impression que l'on a est celle d'une tendance à une anarchie dont on se

  9   rapprocherait de plus en plus. Certains commandants locaux semblent

 10   disposés à prendre des initiatives pour réagir à tout signe d'une présence

 11   croate dans la zone rose."

 12   Alors, est-ce que vous aviez l'impression que les zones roses étaient dans

 13   une situation anarchique ?

 14   R.  Je ne parlais pas d'anarchie en ce sens-là, mais plutôt en des termes

 15   généraux du point de vue du fonctionnement de la police spéciale, qui avait

 16   carte blanche, en quelque sorte. En tout cas, ceci suggère qu'ils n'étaient

 17   pas sous contrôle. Mais je ne pense pas que cela ait été exactement le cas.

 18   Ils avaient, en revanche, carte blanche, ça, c'est certain.

 19   Q.  Mais il y a peut-être une différence entre agir librement, en toute

 20   liberté ou avoir carte blanche d'une part, et puis prendre des initiatives

 21   ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Avez-vous observé qu'il y ait eu des éléments de la police spéciale

 24   ayant pris des initiatives personnelles de diverses natures?

 25   R.  Je n'ai pas l'expérience directe de cela, mais c'est ce à quoi je

 26   m'attendrais étant donné le caractère relativement relâché des liens et des

 27   limites qui étaient imposés aux individus.

 28   M. GOSNELL : [interprétation] Revenons, s'il vous plaît, au dernier


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  1   document, 1383.

  2   Pouvons-nous passer à la page numéro 2, paragraphe 6. Encore une fois, cela

  3   vient de Nambiar et est adressé à Goulding à la date du 30 novembre 1992.

  4   Q.  "Nous nous sommes tenus à l'écart des questions de problèmes [comme

  5   interprété] déplacés à cette occasion et nous avons dit peu de choses au

  6   sujet du désarmement. Mais Spanovic a indiqué qu'il faisait un très grand

  7   effort pour s'améliorer en arrêtant leurs propres criminels et en rendant

  8   la vie difficile à leurs gangsters, notamment dans le secteur est."

  9   Alors, premièrement, est-ce que vous seriez d'accord pour dire que les

 10   autorités considéraient ceux qui commettaient des crimes comme des

 11   criminels, des bandits, des gangsters ? En d'autres termes, c'est ainsi

 12   qu'ils les qualifiaient ?

 13   R.  Nous parlons -- si nous parlons d'Arkan, oui, absolument. C'était

 14   quelqu'un qui avait un passé criminel et qui se comportait conformément à

 15   cela. Il était actif dans le secteur avec un certain degré d'approbation.

 16   Et ceci suggère qu'ils se penchent sur la question avec l'intention de

 17   prononcer des sanctions contre quelqu'un.

 18   Q.  Mais vous ne savez pas s'ils agissaient avec leur approbation

 19   lorsqu'ils commettaient des crimes, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je crois que leurs activités étaient bien connues. En d'autres termes,

 21   lorsqu'ils étaient sur place, ils exerçaient un contrôle. Leur seule

 22   présence avait déjà des conséquences, et si les autorités en charge de ce

 23   secteur ne s'en étaient pas rendu compte, je pense que cela reviendrait à

 24   affirmer qu'elles étaient aveugles.

 25   Q.  Ensuite, il est indiqué :

 26   "Il était manifestement très sensible à la question et il a été d'accord

 27   avec notre analyse en détail. Il a considéré que ce 'déclin vers

 28   l'anarchie' leur faisait courir le risque de perdre le peu de crédibilité


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  1   qu'ils pouvaient encore avoir. Des collègues ont confirmé qu'ils avaient

  2   effectivement essayé de lutter au moins contre une partie de leurs

  3   criminels et que le taux de crimes graves avait chuté de façon

  4   appréciable."

  5   Est-ce exact ? Est-ce ainsi que les choses se sont passées ?

  6   R.  Il faudrait que je regarde les chiffres de la criminalité, mais ce qui

  7   est indiqué ici. Cela vient d'un haut responsable des Nations Unies et

  8   c'est adressé à un autre, et donc, dans le contexte de cela, des recherches

  9   auront été faites et des vérifications pour étayer cela.

 10   Q.  Mais vous surveilliez les chiffres relatifs à la criminalité, n'est-ce

 11   pas ?

 12   R.  Eh bien, vous me demandez ce qu'il en est du période de temps

 13   spécifique il y a plus de 20 ans. Je n'ai pas les chiffres et les faits

 14   sous les yeux. Mais je voudrais dire que ceux, à mon avis, qui ont rédigé

 15   ce rapport avaient accès aux informations pertinentes dans la phase de

 16   rédaction de ce rapport.

 17   Q.  Les autorités de la RSK, au terme du plan Vance, n'étaient pas censées

 18   avoir à leur disposition la moindre force armée munie d'armes à canon long.

 19   Comment, selon-vous, étaient-ils censés arrêter un groupe armé d'une

 20   centaine de personnes disposant d'armes à canon long ? Est-ce qu'ils

 21   auraient été capables de le faire ?

 22   R.  Encore une fois, ceci concerne le cœur du sujet lorsque nous parlons de

 23   la mise en œuvre initiale du plan Vance. Nous avons ici une indication que

 24   cela pourrait se produire. En réalité, je crois que vous avez à peu près 90

 25   % d'un secteur ou d'une région qui va jouer le jeu et qui va appliquer le

 26   plan au sens de la démilitarisation. Mais dans la réalité, sur place il y a

 27   un groupe, un noyau dur, si vous voulez, qui va continuer à causer des

 28   problèmes et qui vous fait revenir toujours à la case de départ avec le


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  1   désarmement et toujours la même question, le même problème. A ce stade-là,

  2   vous devez trouver une réponse efficace, et on en revient à ce que je

  3   disais ce matin, c'est la mise en place de tous les piliers du système de

  4   la justice pénale afin de mettre en place cette mesure décisive et de

  5   mettre en place également des mesures de contrôle visant les éléments les

  6   plus extrêmes, qui représentent toujours un pourcentage très faible mais

  7   qui est toujours présent, indépendamment de la qualité de votre système.

  8   Q.  Merci.

  9   M. GOSNELL : [interprétation] Alors, le document numéro 01344, s'il vous

 10   plaît.

 11   Q.  La page de couverture indique que cela vient de Nambiar et que ça

 12   s'adresse encore une fois à M. Goulding, en date du 9 novembre 1992. En

 13   pièce jointe, on trouve une lettre. Vous voyez que c'est une lettre d'un

 14   type différent. Mais c'est une lettre, en fait, de Zecevic à Nambiar.

 15   Zecevic écrit ici en tant que président de la commission d'Etat chargée de

 16   la coopération avec la FORPRONU.

 17   Et si nous passons à la page 3 dans le prétoire électronique de ce

 18   document. Encore une fois, nous voyons que Zecevic informe Nambiar que la

 19   FORPRONU a des devoirs et des responsabilités qui, à son avis, n'ont pas

 20   été remplis. Mais à la fin il dit également : "En même temps, des groupes

 21   armés qui ont pu être observés sur le terrain sortent du cadre de leur

 22   composition de nos propres unités de la 'milicija' et représentent

 23   actuellement un problème plus important pour nous que pour vous."

 24   Alors, la question que j'ai pour vous est la suivante : compte tenu

 25   de ceci, y avait-il des éléments de la "milicija" qui étaient hors du

 26   contrôle du gouvernement, en avez-vous vus ?

 27   R.  Il y a un groupe, comme je l'ai mentionné précédemment, qui avait

 28   quasiment carte blanche. Je suppose que quand vous permettez qu'une telle


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  1   situation se présente, eh bien, ces gens deviennent incontrôlables, ils ne

  2   répondent plus devant personne, et c'est quelque chose que vous avez créé

  3   vous-mêmes, en fin de compte, dès le premier jour. Peut-être qu'à ce stade-

  4   là, on a des indications qui nous montrent qu'ils ont commencé à traiter

  5   les problèmes. Ila commencent à pressentir qu'il y a une ouverture dans le

  6   cadre de ce début du plan Vance. Ils ont des problèmes graves et ils s'en

  7   rendent compte. Cela ne signifie pas qu'il est impossible de trouver des

  8   solutions; simplement que c'est difficile et qu'il faut trouver des moyens.

  9   Et les Nations Unies étaient précisément là sur place pour apporter leur

 10   aide, apporter des moyens et trouver une solution.

 11   Q.  Hier, à la page du compte rendu d'audience 6 007, vous avez parlé

 12   de la structure hiérarchique et de la chaîne de commandement au sein de la

 13   police, et j'aimerais maintenant vous poser des questions à ce sujet.

 14   Vous dites dans votre réponse : "Vous avez la police qui fonctionne comme

 15   une force de police. Et puis, au niveau des postes de police, c'est-à-dire

 16   au niveau municipal, ils ont un rôle à jouer et ils ont leur chaîne de

 17   commandement, et au sommet de cette chaîne, au sommet de la pyramide, se

 18   trouve Milan Martic."

 19   Alors, avant de passer à Milan Martic, permettez-moi de vous poser la

 20   question suivante : là, vous parlez exclusivement des 7 000 hommes qui

 21   composent les forces de police régulières ?

 22   R.  Oui, les forces de police régulières que j'ai vues sur un schéma.

 23   Mais cela s'applique au secteur tel qu'il existait au sein des zones

 24   protégées de l'UN [comme interprété]. Mais il faut dire aussi que cela

 25   correspond à un QG régional. Donc, peut-être qu'un certain nombre de

 26   municipalités, "opstina" en B/C/S, dépendaient de ce centre régional. Et à

 27   ce moment-là, il était contrôlé au niveau du gouvernement.

 28   Q.  En vertu du plan Vance, et nous n'allons pas l'étudier en détail, mais


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  1   je vous citerais quand même le paragraphe 19, où il est indiqué : "Les

  2   forces de police locales seront responsables pour les conseils municipaux

  3   existant sur place dans les zones protégées de l'ONU."

  4   Alors, je ne dis pas que -- enfin, j'aimerais savoir ce que vous avez pu

  5   observer sur le terrain par rapport à cette disposition. Quelles étaient

  6   les responsabilités des municipalités et des autres ?

  7   R.  D'après mes souvenirs, le maire d'une municipalité jouait un rôle dans

  8   le fait de diriger les effectifs de la police, et parfois il assistait à

  9   des réunions. Donc c'était quelqu'un qui exerçait une certaine autorité. Et

 10   il était élu au niveau municipal.

 11   Mais vous aviez aussi des autorités du niveau régional qui étaient

 12   plus importantes et qui avaient une incidence sur les choses qui

 13   concernaient la police dans toute la zone.

 14   Q.  Et donc, la responsabilité finale revenait à Milan Martic à ce niveau

 15   régional ?

 16   R.  Oui, c'était lui la personne responsable.

 17   Q.  Et cela valait pour la police régulière aussi bien que pour les forces

 18   de police spéciale ?

 19   R.  En effet.

 20   Q.  Ai-je raison de dire que M. Martic et M. Prijic, M. Ilija Prijic,

 21   étaient les interlocuteurs de la FORPRONU du côté serbe ?

 22   R.  M. Prijic était une personnalité assez importante dans le secteur sud.

 23   Je pense que je l'ai déjà évoqué dans le sens où le commandant du secteur

 24   suédois, M. Andersson, a eu de bons rapports avec lui, et ils ont réussi à

 25   améliorer la situation. Et le secteur est a eu, par ailleurs, des contacts

 26   avec le niveau régional.

 27   Et je me souviens d'avoir lu un rapport où on évoquait des

 28   difficultés particulières dans un secteur donné en disant que la mafia


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  1   était active dans cette zone-là. La police régionale a rejoint les forces

  2   de la police locale pour résoudre ce problème. Et nos observateurs ont fait

  3   partie de cette initiative.

  4   Q.  Mais c'est Martic qui se trouvait au sommet de cette pyramide régionale

  5   ?

  6   R.  Oui, voire il était l'homme numéro un au niveau national, dirais-je.

  7   Q.  Vous parlez de Martic ?

  8   R.  Oui, de Martic.

  9   Q.  Et avez-vous vu des documents qui étaient adressés à M. Hadzic où il

 10   était question de matière relative à la police ?

 11   R.  Il y a toute une série --

 12   L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que les voix se chevauchent.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] -- mais je ne vous ai pas, en fait, entendu

 14   très bien.

 15   M. GOSNELL : [interprétation]

 16   Q.  Est-ce que vous avez vu des documents qui auraient été adressés à M.

 17   Hadzic concernant les questions qui se référaient au travail quotidien du

 18   maintien de la loi ?

 19   R.  Toute une série de lettres ont été écrites et présentées ici. Mais si

 20   vous me posez une question concrète relative aux matières qui concernent la

 21   police, il faudrait que je relise toutes ces lettres pour me rafraîchir la

 22   mémoire.

 23   Q.  Mais vous vous souvenez de Martic --

 24   R.  Il était la personne que l'on considérait comme responsable.

 25   Q.  Et vous ne savez pas quel type de contrôle politique ou quel type

 26   d'instruction Martic donnait, ou quelle place il occupait dans la structure

 27   de la RSK, n'est-ce pas ?

 28   R.  Tout ce que je peux dire, c'est qu'il était considéré comme faisant


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  1   partie du parlement.

  2   Q.  J'aimerais maintenant vous poser quelques questions au sujet de la

  3   prise des otages.

  4   Est-ce que l'hôtel où les observateurs étaient détenus semblait être

  5   une installation civile ?

  6   R.  Ah oui, absolument.

  7   Q.  Est-ce que cela a été manifeste au moment de la prise des otages ?

  8   R.  Quand je suis arrivé ce jour-là, on pouvait remarquer que d'autres

  9   personnes étaient présentes. D'après ce que vous avez pu voir sur le

 10   parking, c'est ce qu'on pouvait percevoir immédiatement. On avait aussi de

 11   nouvelles antennes de transmission qui avaient été installées sur le toit.

 12   Q.  Vous les avez vues vous-même ?

 13   R.  Non, je ne les ai pas vues.

 14   Q.  Et quelle était leur taille ? Etaient-elles perceptibles ?

 15   R.  Eh bien, les antennes aériennes peuvent varier en taille. Tout dépend

 16   de leur portée.

 17   Q.  Et un hôtel civil peut être doté d'une antenne aérienne ?

 18   R.  En effet.

 19   Q.  Et donc, d'une certaine distance, il était impossible d'établir que

 20   l'hôtel avait été transformé en installation de nature militaire, n'est-ce

 21   pas ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Eh bien, puisque la situation était telle que vous la décrivez,

 24   pourquoi est-ce que vous dites que les Serbes les détenaient là pour servir

 25   de boucliers humains pour protéger des installations militaires puisqu'on

 26   ne pouvait pas conclure, en regardant de l'extérieur, que c'étaient des

 27   locaux militaires ?

 28   R.  Il faut étudier tous les facteurs et toutes les personnes qui ont été


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  1   impliquées dans ces activités et qui avaient des renseignements à fournir

  2   pour permettre de se faire une idée globale de ce qui s'est passé sur le

  3   terrain. Et je n'ai aucun doute quant à la réalité de la situation sur

  4   place. Une personne qui faisait partie de la police ou de l'armée vous

  5   dirait que le renseignement est un élément essentiel. Il serait très naïf

  6   de croire que l'adversaire n'en savait pas long sur moi.

  7   Q.  [aucune interprétation]

  8   R.  Et j'ai vu que cela posait un grand risque pour nos hommes, et j'en ai

  9   parlé à Cedric Thornberry pour que lui s'adresse au gouvernement croate.

 10   Q.  Mais est-ce que quelqu'un du côté serbe --

 11   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas compris le reste de la phrase.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] L'observateur de la police qui était censé

 13   prendre mes hommes en otage, comme je l'ai déjà indiqué, c'était un très

 14   brave homme. Il leur a dit carrément qu'ils seront pris pour otage, et cela

 15   correspondait à la réalité sur le terrain.

 16   M. GOSNELL : [interprétation]

 17   Q.  Mais être pris en otage -- et je ne pense pas que là je cherche à

 18   mettre des points sur des i. Etre pris pour otage est une chose et être

 19   utilisé comme bouclier humain en est une autre. Est-ce que vous n'êtes pas

 20   d'accord avec moi ?

 21   R.  Eh bien, ils ont été hébergés, ils ont été détenus au dernier étage, au

 22   troisième étage, et c'était donc pour servir de boucliers humains. Et nous

 23   avions aussi des éléments de renseignement qui nous disaient que la même

 24   chose pouvait se produire pour d'autres installations.

 25   Q.  Mais je reviens à ma question première. Est-ce que quelqu'un du côté

 26   serbe vous a dit qu'ils allaient être utilisés comme boucliers humains ?

 27   R.  Nous l'avons appris d'autres sources. Nous avons appris que nos

 28   observateurs et d'autres membres du personnel civil de la FORPRONU seront


Page 6119

  1   pris en otage pour servir de boucliers humains. Donc c'est une utilisation

  2   stratégique pour prévenir toute attaque contre des installations

  3   concernées. Voilà, c'est tout simple. Il faut appeler les choses par leur

  4   nom.

  5   Q.  Mais vous avez reçu cet élément de renseignement combien de temps avant

  6   que cet événement n'ait survenu ?

  7   R.  Il s'agit d'un rapport qui a été rédigé par Mitchell, et je pense qu'il

  8   l'a établi deux jours avant l'incident, donc le 17 ou le 16.

  9   Q.  Et est-ce qu'ils lui ont dit qu'ils ne recevront pas l'autorisation de

 10   partir de Benkovac, que peut-être cette chose lui a été dite pour prévenir

 11   une incursion des forces croates ? Ou lui a-t-on dit qu'ils seront utilisés

 12   comme boucliers humains pour protéger des locaux militaires ?

 13   R.  Je pense que pour nous tous il n'y avait pas de doute, ils devaient

 14   être utilisés comme des boucliers humains. Il n'y a pas de doute à cet

 15   égard. Nous étions très conscients du risque que couraient nos hommes sur

 16   le terrain.

 17   Q.  Mais quand vous utilisez ce terme, quelle est votre interprétation de

 18   ce terme ? Est-ce que cela voulait dire tout simplement qu'ils allaient

 19   être détenus dans des installations militaires ou que ces installations

 20   militaires seront prises pour cible et qu'il s'agissait de les protéger ?

 21   R.  Je pense que les informations dont nous disposions allaient même encore

 22   plus loin. Ils avaient l'intention de se servir de ces locaux pour y placer

 23   des postes électriques. Et donc, quand vous faites ça, que vous empruntez

 24   cette route-là vis-à-vis de la communauté internationale, vous voyez quelle

 25   implication cela peut avoir. Surtout que sur place il y avait 22 [comme

 26   interprété] observateurs qui venaient de dix pays différents. Donc c'était

 27   une décision très stratégique. Donc il ne peut pas s'agir d'une action qui

 28   a été prise par quelques individus indépendants. Et nos hommes couraient un


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  1   véritable risque.

  2   Et je peux vous dire, cet événement a laissé des séquelles pour un

  3   grand nombre d'entre eux.

  4   Q.  Mais quand vous parlez de ces individus qui auraient pu agir à leur

  5   propre initiative, indépendamment des autorités, est-ce que vous êtes en

  6   train de nous dire que les personnes qui ont mis en détention les

  7   observateurs de la CIVPOL agissaient de leur propre initiative ?

  8   R.  Non. Il s'agissait d'une action planifiée.

  9   Q.  Mais par qui ?

 10   R.  Mais par les personnes qui avaient la tâche d'élaborer des stratégies

 11   et d'évaluer tout risque d'attaque, y compris les attaques croates. Je vous

 12   ai dit que nous avions des renseignements qui nous étaient indisponibles et

 13   qui, entre autres, concernaient de différentes installations. Donc c'était,

 14   nous le savions, un événement qui avait été planifié.

 15   Q.  Oui, mais qui a participé à la planification, le savez-vous?

 16   R.  Finalement, je pense que, décidemment, c'était un plan stratégique, et

 17   donc la décision a dû être prise à un niveau assez élevé.

 18   Q.  Spanovic y aurait-il participé ?

 19   R.  Je ne sais pas qui y a participé parce qu'en fait, c'est un véritable

 20   défi adressé à la communauté internationale. On nous a dit tout simplement,

 21   Voilà, nous allons nous emparer de vous et nous allons nous servir de vous.

 22   Q.  Est-il vrai qu'à un moment donné pendant la prise d'otages, un certain

 23   nombre d'observateurs de l'ONU ont reçu l'autorisation de sortir de l'hôtel

 24   sous escorte ?

 25   R.  Oui, mais on les menaçait d'une arme.

 26   Q.  Et c'est sous menace d'une arme qu'ils ont pu partir à l'hôpital de

 27   Knin ?

 28   R.  Je crois que oui. En fait, si je m'en souviens, si mes souvenirs sont


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  1   bons, c'est eux qui ont demandé l'autorisation d'aller au poste de police

  2   local, où se trouvaient aussi les bureaux de la FORPRONU, mais

  3   l'autorisation leur a été refusée.

  4   Q.  Quelle est la distance qui sépare l'hôtel de Benkovac de l'hôpital de

  5   Knin ?

  6   R.  Quelque 50 milles.

  7   Q.  Et les observateurs de l'ONU, on les menaçait des armes pendant qu'on

  8   les conduisait et pendant qu'ils parcouraient cette distance de 50 milles ?

  9   R.  On les menaçait en se servant d'une arme.

 10   Q.  Et à un moment donné pendant qu'ils faisaient ce trajet, malgré le fait

 11   qu'ils étaient soi-disant escortés par la police, à un moment donné un

 12   soldat serbe fâché les a chassés de la route. Est-ce que vous êtes au

 13   courant de cet incident ?

 14   R.  Je sais que l'incident s'est produit, on a ouvert le feu sur eux. Et je

 15   dirais qu'ils avaient le sentiment qu'ils auraient été tués si les autres

 16   n'avaient pas été présents. Donc j'insiste sur ce point. Malgré la pression

 17   qui est exercée sur eux par leurs propres hommes, ils ont quand même réagi

 18   et ils ont riposté.

 19   Q.  Et il y a eu un autre incident, un incident séparé, qui s'est passé

 20   juste devant l'hôtel. Un soldat qui était enragé a vu un véhicule de l'ONU

 21   et il s'est servi d'un fusil automatique et a ouvert le feu sur la voiture.

 22   R.  Oui. Et là, encore une fois, je signale que nos observateurs étaient

 23   soumis à un risque.

 24   Q.  Et est-ce que deux soldats français ont été tués ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Ils ont trouvé la mort parce qu'ils ont été frappés par un obus de

 27   mortier, et ils ont été tués sur place ?

 28   R.  En effet.


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  1   Q.  Et l'opération militaire était en cours déjà pour au moins sept jours

  2   et peut-être même davantage ?

  3   R.  Oui, elle s'étendait longtemps.

  4   Q.  Et ils ont été relâchés à la fin de l'opération militaire, n'est-ce pas

  5   ?

  6   R.  Mais quand je suis allé sur place, j'ai lu ce qui se passait. Et ce qui

  7   se passait, il faut le regarder dans le contexte général. C'est moi qui ai

  8   pris l'initiative qu'on les relâche ce jour-là particulier. Ce n'était pas

  9   prévu dans leur agenda, c'est le moindre que l'on puisse dire.

 10   Q.  Mais leur relâchement, leur remise en liberté a coïncidé avec la fin de

 11   l'opération militaire, n'est-ce pas ?

 12   R.  Non, je ne le pense pas. Comme je l'ai déjà indiqué, c'est moi qui suis

 13   allé à Benkovac, et je suis allé au barrage le 28.

 14   Q.  Mais vous êtes d'accord que pour quelqu'un qui observe la chose de

 15   l'extérieur, il a toutes des raisons pour croire que le personnel de l'ONU,

 16   qui n'avait pas d'armes, pouvait être menacé ou pouvait se trouver en

 17   danger à cause des combats qui étaient en cours et à cause des éléments des

 18   forces serbes qui n'étaient pas placés sous contrôle des autorités et qui

 19   étaient fâchés contre l'ONU, qui se sentaient contrariés à ce moment donné

 20   ?

 21   R.  Mais nous avions toujours le sentiment que le fait même que nous

 22   n'avions pas d'armes était notre arme la plus puissante, dans le sens où

 23   nous ne posions pas de danger pour personne. Et nous avons toujours cru que

 24   c'était la meilleure approche à adopter pour assurer notre propre sûreté.

 25   C'est ainsi que les choses ont fonctionné. Mais on s'est servi de nous dans

 26   cette situation donnée.

 27   Q.  Bon, je vais essayer de formuler ma question très précisément. Je ne

 28   vous dis pas nécessairement que toutes les personnes qui ont été impliquées


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  1   dans cet événement avaient un désir très sincère et très profond de

  2   protéger les observateurs de l'ONU. Mais je vous dis tout simplement que

  3   pour quelqu'un qui observe la chose de l'extérieur et qui essaie de

  4   raisonner, il est fort possible de conclure, Eh bien, voilà, il y avait

  5   peut-être des raisons légitimes pour ne pas permettre aux observateurs de

  6   l'ONU de circuler dans la zone et dans les circonstances données pour

  7   assurer leur propre sûreté ?

  8   R.  Mais il faut revenir en arrière et demander aux observateurs quelle

  9   était la situation factuelle. Parce que, eux, ils ont participé

 10   personnellement à cet événement. Et pour eux, il était tout à fait clair

 11   qu'ils avaient été pris en otage et qu'on ne peut pas appeler la chose

 12   autrement. Pour eux, la situation était parfaitement claire. Et voilà, je

 13   ne pense pas qu'on puisse aller au-delà, à mon avis. Je vous le dis

 14   honnêtement.

 15   Q.  Mais vous ne savez pas ce qui a pu être dit lors de la conférence de

 16   presse, je parle de l'enregistrement vidéo qui vous a été montré par

 17   l'Accusation ?

 18   R.  Non, je ne sais pas ce qui a été dit lors des briefings qui ont pu

 19   avoir lieu avant.

 20   Q.  J'aimerais maintenant vous poser quelques questions sur le retour des

 21   personnes déplacées à l'intérieur du pays.

 22   M. GOSNELL : [interprétation] Affichez, s'il vous plaît, le document 01212.

 23   Intercalaire 23 de la Défense. Ceci est un rapport du secrétaire général du

 24   22 [comme interprété] juillet 1992. J'aimerais que nous passions à la page

 25   6, paragraphe 18 :

 26   "Le commandant des forces considère qu'il n'y a toujours pas de conditions

 27   remplies pour le retour des réfugiés dans les zones protégées."

 28   Q.  Est-ce que les responsables de la FORPRONU partageaient ce point de vue


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  1   ?

  2   R.  Oui.

  3   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher 01253.

  4   L'intercalaire 9 dans le recueil de l'Accusation.

  5   Q.  Il s'agit du rapport portant sur la situation. Nous avons déjà vu cela

  6   auparavant, donc je ne veux pas qu'on discute en détail de cela. Il s'agit

  7   du document du 7 septembre 1992.

  8   Peut-on maintenant afficher la page numéro 3, s'il vous plaît.

  9   "Retour des Croates déplacés." Et il faut qu'on trouve la phrase qui

 10   commence comme suit :

 11   "L'escalation [phon] des événements récents dans le secteur sud, y compris

 12   les violations des droits par les Croates, nous amène à la conclusion qu'il

 13   n'est peut-être pas réel de penser à ce que les réfugiés puissent revenir

 14   dans un avenir proche. Il est nécessaire de se pencher sur les dangers de

 15   la situation, puisque si on ne fait pas cela, on pourrait avoir la guerre."

 16   Pouvez-vous nous aider pour nous dire pourquoi l'auteur de ce texte nous

 17   donne ce commentaire ?

 18   R.  Il y a plusieurs commentaires ici. D'abord, il y a le nombre de

 19   réfugiés, de personnes déplacées qui voulaient retourner qui augmentait.

 20   Mais sur le terrain, il n'y avait pas de conditions réunies pour leur

 21   retour. Et ils auraient pu tirer profit de cela. Et l'autre côté aurait pu

 22   exercer une pression pour qu'un groupe plus petit revienne pour quand même

 23   faire quelque chose.

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on afficher 01273. C'est le document

 25   qu'on a déjà vu. L'intercalaire de la Défense 25.

 26   Q.  C'est le rapport du général Nambiar envoyé à Goulding le 22 septembre

 27   1992. Il s'agit d'une date significative, le 22 septembre 1992, parce que

 28   n'y avait-il pas eu de discussions vers la fin du mois de septembre portant


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  1   sur le retour en masse des réfugiés vers la fin du mois ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  On a déjà vu le premier paragraphe du document, où le général Nambiar a

  4   dit :

  5   "Peut-être pourriez-vous lui expliquer," lui, c'est Tudjman, "des

  6   conséquences qui pourraient s'ensuivre si les réfugiés se déplaçaient en

  7   masse le 30 septembre vers le secteur est."

  8   Pourquoi la FORPRONU pensait que ce retour n'était pas une bonne idée ?

  9   R.  Je pense que oui.

 10   Q.  Et la FORPRONU s'y opposait.

 11   R.  Oui, ils se sont opposés à cela.

 12   Q.  Savez-vous si la FORPRONU a pris des mesures pour prévenir ce retour en

 13   masse de personnes déplacées ?

 14   R.  La FORPRONU a pris des mesures telles que négociations, pourparlers,

 15   pour essayer de calmer la situation.

 16   Et ce qu'ils ont fait en pratique à ce moment-là, je ne le sais pas.

 17   Mais encore une fois, ils ont donc procédé à des négociations pour éviter

 18   le conflit plus sérieux.

 19   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on afficher 01290, à l'intercalaire 26

 20   de la Défense.

 21   Q.  Un autre rapport du secrétaire général du 29 septembre 1992. Ai-je

 22   raison de dire qu'il s'agit encore une fois de la date à laquelle le retour

 23   en masse des réfugiés était prévu ?

 24   R.  Je ne suis pas tout à fait certain qu'il s'agisse de cette date-là, la

 25   fin de septembre.

 26   M. GOSNELL : [interprétation] Peut-on afficher la page 9 dans le prétoire

 27   électronique. Paragraphe 21.

 28   Q.  "Pourtant, il y a des allégations placées constamment par les médias et

 


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  1   par certaines autorités politiques portant sur le retour des réfugiés, qui

  2   représente des pressions dangereuses d'un côté et qui avance le calendrier

  3   pour le retour en masse dans des secteurs. La FORPRONU a dit aux autorités

  4   qu'exploiter les désirs normaux des gens de retourner dans leurs foyers ne

  5   présente pas un acte responsable. Tous les retours non coordonnés et à des

  6   moments inopportuns représenteraient un désastre à l'avenir."

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Est-ce que la Croatie a utilisé cette question concernant les personnes

  9   déplacées à l'intérieur pour accomplir des objectifs de la guerre ?

 10   R.  D'après moi, c'était quelque chose qui a été tout le temps exploité.

 11   Des civils ont été utilisés à cette fin. Et si on regarde des rapports de

 12   l'autre côté, du côté serbe, nous allons voir qu'il y a eu une réponse

 13   militaire plus conséquente. Et ici, il s'agit des personnes armées

 14   disposant des kalachnikovs qui se sont rendues au pont de Batina. Donc vous

 15   pouvez vous imaginer quelle aurait été la situation si ce retour en masse

 16   des civils se serait produit.

 17   Q.  Merci, Monsieur McElligott.

 18   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

 19   questions.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 21   Monsieur Gillett, avez-vous des questions supplémentaires ?

 22   M. GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Oui. Je serai

 23   bref.

 24   Nouvel interrogatoire par M. Gillett :

 25   Q.  [interprétation] Monsieur McElligott, encore une fois, je vous demande

 26   de parler lentement et distinctement. Merci.

 27   Si on revient à la page 47 du compte rendu, où on vous a posé la question

 28   portant sur la police régulière et les capacités de la police régulière de


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  1   contrôler la police spéciale. Vous avez dit, en répondant cette question,

  2   que :

  3   "La police avait des difficultés dans ce contexte. Ils nous ont dit

  4   que de temps en temps, ils avaient des problèmes pour contrôler la police

  5   spéciale."

  6   A qui avez-vous fait référence lorsque vous avez dit "eux" ?

  7   R.  J'ai fait référence à des membres de la police régulière.

  8   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire quelles sont les personnes qui vous

  9   ont dit cela ?

 10   R.  J'ai rencontré une ou deux de ces personnes qui m'ont dit cela, qui

 11   m'ont dit qu'ils avaient des problèmes. Cela est mentionné dans mon

 12   rapport. Il y avait des policiers qui voulaient que la police s'acquitte de

 13   leurs tâches de façon appropriée, mais ils étaient bloqués dans leurs

 14   travaux. Ils essayaient de faire de leur mieux au niveau local. Ils

 15   disposaient de la bonne volonté pour le faire, mais ils ne pouvaient faire

 16   cela qu'au niveau local. Et dans certaines situations, ils devaient se

 17   retirer.

 18   Q.  Merci, Monsieur McElligott. Je pense que j'ai compris sur qui portait

 19   ce pronom "eux". Cela suffit.

 20   En page 66 du compte rendu, on vous a posé la question relative à des

 21   situations où des crimes opportunistes pouvaient être commis et que c'était

 22   l'explication des crimes commis, et cela figure dans le rapport 5404. Et

 23   vous avez dit que :

 24   "Dans ce contexte, on pouvait toujours donner cette explication pour

 25   expliquer ce type de crimes."

 26   Et vous avez dit que :

 27   "Il y avait une autre explication."

 28   Qu'est-ce que vous avez voulu dire par là ?


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  1   R.  Etant donné qu'un certain nombre de personnes qui ont commis ces crimes

  2   portaient des uniformes. Et si vous êtes membre des forces de la police, si

  3   vous commettez des crimes et si la victime porte plainte à la police en

  4   accusant un policier en uniforme, cela veut dire que la crédibilité des

  5   forces de la police est ébranlée. Et si la police, donc, abuse de leur

  6   position, de cette façon-là on ne peut pas faire appliquer des normes de

  7   travail professionnelles de la police.

  8   Q.  Merci. Par rapport aux crimes commis par les membres de la police, on

  9   vous a demandé si vous avez jamais contacté Hadzic à ce sujet. Dans le

 10   document 5312 de la liste 65 ter, qui va être affiché à l'écran, vous allez

 11   voir que cette lettre ressemble à des lettres de protestation qu'on avait

 12   déjà vues.

 13   M. GILLETT : [interprétation] C'est le document 5312 de la liste 65 ter. Il

 14   faut afficher la deuxième page du document.

 15   Q.  Et il s'agit de la lettre de Nambiar, commandant des forces, où il est

 16   dit :

 17   "J'écris cette lettre pour exprimer ma préoccupation concernant des tirs

 18   lancés au hasard et de façon indiscriminée sur les observateurs militaires

 19   dans le secteur est et dans la région de Bapska."

 20   Est-ce que vous considériez cela comme étant une infraction pénale ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et pourquoi cela était envoyé à M. Hadzic ?

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   M. GOSNELL : [interprétation] Objection. On invite le témoin à se lancer

 25   dans des conjectures.

 26   M. GILLETT : [interprétation] Le témoin a commenté un certain nombre de

 27   lettres de protestation envoyées à M. Hadzic concernant des tirs d'obus et

 28   d'autres sujets, et on lui a posé la question lors du contre-interrogatoire


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  1   de savoir pourquoi ces lettres ont été envoyées à M. Hadzic. C'est pour

  2   cela que je lui pose cette question, pour savoir quelle est son opinion

  3   concernant ces lettres.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  5   M. GILLETT : [interprétation]

  6   Q.  [aucune interprétation]

  7   R.  Nos observateurs avaient le droit de se déplacer librement. Et cela

  8   était une violation grave des dispositions du plan Vance.

  9   Q.  Au deuxième paragraphe, vous avez parlé des restrictions de votre

 10   liberté de mouvement. Cela se trouve dans votre déclaration, vous en avez

 11   parlé en détail. Je ne vais pas vous poser plus de questions là-dessus.

 12   M. GILLETT : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser au dossier le

 13   document 5312.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La cote sera P2184.

 16   M. GILLETT : [interprétation] Merci.

 17   Q.  Quant à Benkovac, on vous a posé la question portant sur la raison pour

 18   laquelle les observateurs de la CIVPOL des Nations Unies qui avaient été

 19   pris en otage étaient accompagnés par la "milicija" armée.

 20   Vous avez dit que vos forces n'étaient pas armées, c'est ce que vous

 21   avez dit, et c'était toujours le cas pendant que vos forces se trouvaient

 22   dans la région. Est-ce que dans d'autres situations vos forces étaient

 23   confrontées à des dangers, à d'autres moments ?

 24   R.  Oui, en effet, il y avait des situations de ce type. Il y a eu des cas

 25   où ils se trouvaient sous menace des armes. Je me souviens d'un incident

 26   concret où l'interprète s'est interposée entre quelqu'un qui a pointé son

 27   arme sur un observateur et l'observateur même, et l'interprète a été

 28   menacée également d'être tuée. Il y avait beaucoup de cas sérieux de ce


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  1   type.

  2   Q.  Merci. Oui, c'est de quoi vous parlez dans la déclaration. Dans d'autre

  3   cas, hormis Benkovac, est-ce qu'il y avait des observateurs qui étaient

  4   escortés par des gardes armés, comme cela a été dit par mon éminent

  5   collègue de la Défense ?

  6   R.  Non. Nous n'avons jamais eu de gardes armés pour nous escorter lors de

  7   nos patrouilles. Et dans le secteur sud je pense qu'on utilisait des

  8   ressources et des capacités pour les mettre à la disposition de beaucoup de

  9   patrouilles. Nous avions un policier, par exemple, à bord d'un véhicule qui

 10   était accompagné par un soldat ou deux soldats. Je ne sais pas s'ils

 11   portaient des armes. Mais en général, selon notre principe, les policiers,

 12   il s'agissait --

 13   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi la partie -- cette partie de la

 14   réponse du témoin.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] -- s'il y a des armes, il y a toujours la

 16   possibilité plus grande que l'autre partie utilise les armes aussi, et nous

 17   ne voulions pas exposer des personnes non armées à ces dangers et

 18   compromettre leur sécurité.

 19   M. GILLETT : [interprétation]

 20   Q.  Ma dernière question. Par rapport à des tentatives de retour en masse

 21   vers la fin de 1992, on vous a posé la question.

 22   M. GILLETT : [interprétation] Et j'aimerais qu'on affiche maintenant le

 23   document 65 ter 1277 de la liste de documents de la Défense. Il nous faut

 24   la page 3.

 25   Q.  On vous a posé plusieurs questions au sujet de ce document pendant le

 26   contre-interrogatoire.

 27   M. GILLETT : [interprétation] Il s'agit du document 1277. Merci.

 28   Est-ce qu'on peut agrandir la partie qui se trouve vers le bas de la


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  1   page. Merci.

  2   Q.  On y voit :

  3   "Les violations récentes des droits de l'homme dans la zone rose, la

  4   destruction des maisons, l'incendie des églises, représentent des messages

  5   clairs pour qu'il n'y ait pas de retour des personnes déplacées."

  6   Est-ce que cela a eu une incidence sur les conditions qui étaient

  7   nécessaires pour le retour des gens dans ces zones où vous travailliez ?

  8   R.  Oui. Cela a créé une situation instable. Ils ont détruit des églises.

  9   Et pour une communauté, c'est important. C'étaient des édifices où des gens

 10   se rassemblaient. Donc ce n'était pas uniquement un édifice de culte.

 11   C'était également un lieu où les gens se rassemblaient, la communauté se

 12   rassemblait. Et c'est comme cela qu'ils ont essayé de déstabiliser la

 13   communauté toute entière.

 14   Q.  Merci.

 15   M. GILLETT : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant verser au

 16   dossier le document 1267.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce portera la cote P2185.

 19   M. GILLETT : [interprétation] Merci. Je n'ai plus de questions pour ce

 20   témoin, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur McElligott, ceci met un

 24   terme à votre déposition. Nous vous remercions vivement d'être venu à La

 25   Haye apporter votre concours au travail de ce Tribunal. Vous êtes

 26   maintenant libéré de vos obligations en tant que témoin, et nous vous

 27   souhaitons un bon retour chez vous.

 28   Mme l'Huissier va vous accompagner.

 


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

  2   Juges.

  3   [Le témoin se retire]

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Entre-temps, il a été confirmé que

  5   nous pouvons siéger un volet d'audience supplémentaire cet après-midi à

  6   partir de 15 heures 30 [comme interprété]. Donc, 15 heures 30 [comme

  7   interprété] à 16 heures 30. Et j'en remercie toutes les personnes qui

  8   rendent cela possible. Merci, donc, de nous permettre d'en terminer avec

  9   les témoins prévus cette semaine.

 10   S'il n'y a rien d'autre -- Maître.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Juste un commentaire relatif au calendrier.

 12   J'aurais peut-être besoin de cinq minutes de contre-interrogatoire au

 13   maximum. Je ne sais pas si cela peut changer quoi que ce soit à ce qui est

 14   prévu pour le reste de la journée d'aujourd'hui.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je ne crois pas que nous puissions

 16   entendre ce témoin immédiatement et en terminer dans le cadre de ce volet

 17   d'audience-ci. Je ne crois pas que ce soit réaliste…

 18   M. STRINGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Nous avons

 19   confirmé en fait que l'interrogatoire principal de l'Accusation nécessitera

 20   à peu près 30 minutes. Donc nous ne pouvons pas finir avant 14 heures.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, tenons-

 22   nous-en au plan. Et nous reprendrons à 15 heures pour finir sans doute

 23   avant 16 heures 30.

 24   Merci beaucoup. L'audience est suspendue.

 25   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 47.

 26   --- L'audience est reprise à 15 heures 00.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell.

 28   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, pour le compte rendu


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  1   d'audience, je souhaite simplement indiquer que Jolana Makraiova, notre

  2   stagiaire juriste, a rejoint les rangs de la Défense de M. Hadzic.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Et je souhaite indiquer de mon côté que pour

  5   l'Accusation, Marija Bukovac, notre juriste stagiaire, est présente, ainsi

  6   que Mme Sarah Clanton.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci aux uns et aux autres.

  8   [Le témoin est introduit dans le prétoire] 

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin.

 10   M'entendez-vous dans une langue que vous comprenez ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci d'être venue à La Haye pour

 13   apporter votre concours à nos travaux. Dans quelques instants, je vais vous

 14   prier de lire la déclaration solennelle par laquelle les témoins s'engagent

 15   à dire la vérité. Je dois vous signaler que ce faisant, vous vous exposez

 16   aux peines prévues pour parjure si jamais vous en venez à donner des

 17   informations fausses au présent Tribunal.

 18   Alors, je vous demande de vous lever pour quelques instants et de

 19   bien vouloir lire le texte de cette déclaration que M. l'Huissier vient de

 20   vous remettre.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 22   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 23   LE TÉMOIN : SARLOTA FORO [Assermentée]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

 26   Madame Clanton, à vous.

 27   Mme CLANTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à vous

 28   et à tous.

 


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  1    Je ne crois pas que nous ayons présenté le témoin. Souhaitez-vous que je

  2   le fasse --

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, vous avez raison. J'ai oublié de

  4   demander au témoin quels étaient ses nom, prénom et date de naissance.

  5   Madame le Témoin, pourriez-vous nous dire vos nom, prénom et date de

  6   naissance.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me nomme Sarlota Foro. Je suis née le 4

  8   janvier 1963 à Vukovar.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 10   Interrogatoire principal par Mme Clanton : 

 11   Q.  [interprétation] Madame Foro, vous rappelez-vous avoir déposé ici même

 12   à La Haye en novembre 2005 dans le procès de MM. Mrksic, Sljivancanin et

 13   Radic ?

 14   R.  Je m'en souviens.

 15   Q.  Depuis votre arrivée ici à La Haye cette semaine, avez-vous eu

 16   l'occasion de réécouter l'enregistrement audio de votre déposition

 17   antérieure ?

 18   R.  On m'a remis un enregistrement audio que j'ai réécouté.

 19   Q.  Et dans cette déposition antérieure, y a-t-il quoi que ce soit dont

 20   vous estimiez que cela n'est pas exact ?

 21   R.  Un détail, simplement, relatif à l'identification d'une personne

 22   apparaissant dans une photographie qui m'a été présentée dans le cadre de

 23   cet autre procès. On ne voit pas sur la photographie la personne en entier,

 24   on ne voit que ses bras, ses mains, et apparemment j'ai mal identifié cette

 25   personne.

 26   Q.  Pour être tout à fait clair au compte rendu d'audience, Madame Foro,

 27   quelle était la personne que vous avez mal identifiée en vous fondant

 28   uniquement sur ce qui était visible, les bras donc, les mains ?


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  1   R.  Le commandant Veselin Sljivancanin.

  2   Q.  Donc, à l'exception de cette modification que vous venez de faire, pour

  3   le reste, si l'on vous posait aujourd'hui les mêmes questions que celles

  4   qui vous ont été posées au procès dans lequel vous avez déposé

  5   antérieurement, fourniriez-vous en substance les mêmes réponses ?

  6   R.  Je maintiens l'intégralité de ma déposition antérieure, à l'exception

  7   du détail que je viens de mentionner.

  8   Q.  Maintenant que vous avez prononcé la déclaration solennelle, nous

  9   confirmez-vous l'exactitude et la véracité du contenu de votre déposition ?

 10   R.  Dans mon souvenir le plus précis, j'ai tout indiqué de façon exacte et

 11   véridique.

 12   Q.  Merci.

 13   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, à cette phase, nous

 14   souhaitons demander le versement du document numéro 04638.1 ainsi que de

 15   04638.2 de la liste 65 ter, figurant à l'onglet 14. Nous souhaitons

 16   également demander le versement des pièces connexes, à l'exception de la

 17   pièce 02601 ainsi que de 02990, figurant aux onglets 2 et 12. La raison

 18   pour laquelle nous n'en demandons pas le versement est qu'il s'agit de

 19   pièces directement liées à la correction que vient d'apporter le témoin.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Les cotes attribuées sont P2186 et

 22   P2187.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 24   Mme CLANTON : [interprétation]

 25   Q.  Je voudrais commencer par vous poser des questions concernant les

 26   événements à Vukovar au mois de novembre 1991. Vous avez dit que les

 27   habitants de Vukovar vivaient des abris ou dans des sous-sols à cause du

 28   bombardement, et ceci figure en page 2 399 du compte rendu. Vous avez


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  1   également déposé en indiquant que la destruction de Vukovar avait atteint

  2   un tel degré que les murs et les toits étaient détruits, si bien que les

  3   projectiles s'abattaient dans les abris et que les civils étaient blessés à

  4   cause de cela. En page 2 409 du compte rendu.

  5   Alors, pouvez-vous décrire aux Juges de la Chambre un exemple particulier

  6   où ce type de chose s'est produit.

  7   R.  Si j'ai bien compris, vous me demandez de décrire des événements qui

  8   remontent au mois de novembre 1991.

  9   Q.  Oui, s'il y a un cas particulier d'événement de ce type qui se soit

 10   produit à cette époque-là, veuillez continuer avec votre réponse.

 11   R.  En 1991, à cette époque que vous venez d'évoquer, c'était déjà le mois

 12   de novembre lorsque la destruction de la ville a atteint de telles

 13   proportions que les gens qui s'étaient abrités dans des abris n'étaient

 14   plus en sécurité. C'est alors que ces événements se sont produits où un ami

 15   de notre famille, avec toute sa famille à lui, est mort dans un abri au

 16   centre-ville. Donc c'était lui-même, son épouse, sa mère et son enfant de

 17   deux ans, ils sont tous morts.

 18   Lors des mêmes événements, un jeune homme a aussi trouvé la mort dans ce

 19   même abri. Le projectile qui les a tués a pénétré dans l'abri et y a

 20   explosé. Ce sont là les victimes civiles dont j'ai parlé la dernière fois

 21   et dont j'ai dit que dès le mois de novembre 1991 il y en avait. C'était à

 22   une échelle massive que les gens étaient dans les abris et se faisaient

 23   tuer dans les abris.

 24   Q.  Madame Foro, vous venez de dire qu'il y avait un enfant en bas âge qui

 25   avait été tué suite à l'explosion de ce projectile à l'intérieur de l'abri.

 26   Pourriez-vous nous dire ce que vous avez entendu dire par la suite au sujet

 27   de cet enfant en bas âge ?

 28   R.  Il s'agit très précisément de la famille Aleksandar, l'enfant c'était


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  1   Matija Aleksandar. Les parents étaient Vlasta Aleksandar et Emil

  2   Aleksandar. C'étaient des amis proches de notre famille puisque Emil

  3   travaillait avec mon père. Et la chose suivante que j'ai vue et entendue à

  4   leur sujet, c'était lorsque je suis allée à Sremska Mitrovica et que l'on

  5   m'a interrogée. Sur la table de ce colonel qui menait l'interrogatoire,

  6   j'ai vu un article de journal de la presse belgradoise avec la photo de ce

  7   petit enfant qui avait été tué sur la page de couverture du journal.

  8   Q.  Et quelles questions vous a-t-on posées au sujet de la photographie de

  9   cet enfant sur la page de couverture de ce journal de Belgrade.

 10   R.  Ils ne m'ont rien demandé. Ils ont simplement établi que cet enfant

 11   était une victime. Ils ont dit que c'était un enfant serbe que les Croates

 12   avaient égorgé à Vukovar entre autres enfants serbes qui ont été retrouvés

 13   sur place et qui étaient au nombre d'une quarantaine. C'était un scandale

 14   qui avait fait beaucoup de bruit et qui était encore très actuel à

 15   l'époque. Entre-temps, on a appris des éclaircissements sur cette affaire.

 16   Mais le colonel qui posait les questions m'a dit cela, et moi j'ai

 17   lors répondu que j'avais des informations différentes à ce sujet et que je

 18   pouvais les lui donner s'il le souhaitait.

 19   Q.  Lorsque vous lui avez proposé de lui fournir ces informations, qu'a-t-

 20   il dit ?

 21   R.  Il m'a demandé de m'expliquer, et je l'ai fait exactement de la façon

 22   dont je viens de le faire à l'attention des Juges, en disant comment

 23   s'appelait cet enfant, qui étaient ses parents et dans quelles

 24   circonstances l'enfant avait trouvé la mort. A ce sujet, j'ai également

 25   fait une déclaration écrite de ma propre main, que j'ai signée.

 26   Q.  Et qu'avez-vous découvert par la suite au sujet de ce récit d'une

 27   quarantaine d'enfants qui avaient été tués ?

 28   R.  J'ai appris plus tard qu'un scandale avait éclaté à cause de cela en


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  1   Serbie parce que toutes ces allégations qui étaient parues dans la presse

  2   quotidienne juste après la chute de Vukovar avaient manifestement été

  3   utilisées à des fins de propagande et ont été démenties par le journaliste

  4   même qui avait écrit cela, ou sa rédaction. Je n'en suis plus tout à fait

  5   sûre.

  6   Q.  Merci. Vous avez dit précédemment que la pénurie de munitions et de

  7   vivres ainsi que les destructions avaient entraîné une situation dans

  8   laquelle il était manifeste que les gens qui se trouvaient à Vukovar, y

  9   compris vous-même, ne pouvaient plus y rester. Page 2 409 du compte rendu.

 10   Vous avez dit que les habitants de Vukovar ont compris que la ville serait

 11   occupée et qu'ils ont décidé de commencer à se rendre à la JNA. Ceci figure

 12   en pages 2 410 et 2 411, pour le compte rendu. Alors, voici ma question :

 13   quelles étaient les préoccupations des Croates qui se trouvaient à Mitnica

 14   par rapport à l'occupation par la JNA ?

 15   R.  C'est à plusieurs reprises que dans ma déposition j'ai indiqué la chose

 16   suivante. A Vukovar, c'étaient les habitants mêmes de Vukovar qui y

 17   faisaient la guerre. Donc c'étaient les gens qui avaient leurs familles sur

 18   place qui étaient pour certains d'entre eux membres de la ZNG, de la Garde

 19   nationale, et d'autres étaient membres de ce qu'on appelait la Défense

 20   territoriale. Ils montaient la garde chez eux, autour de leurs maisons, et

 21   la plus grande partie des membres qui étaient membres de la ZNG et qui

 22   s'est plus tard rendue à Mitnica avec ses armes, ils avaient leurs familles

 23   qui résidaient précisément dans cette partie de la ville.

 24   Ce qui les préoccupait le plus, tout comme cela préoccupait les autres

 25   habitants, était le sort qui allait être réservé aux civils, à savoir les

 26   femmes et les enfants, qui vivaient dans les sous-sols pendant ces trois

 27   mois.

 28   Au commandement de la ZNG, il y a eu des discussions quant à la façon dont


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  1   il fallait procéder, comment et dans quelles conditions négocier avec la

  2   JNA pour ce qui était de la reddition de cette partie de la ville.

  3   Les conditions que j'évoque étaient les suivantes : que tous les civils

  4   puissent gagner une partie non occupée du territoire de la Croatie, c'est-

  5   à-dire qu'ils ne soient pas touchés par la guerre; deuxième condition, que

  6   les membres de la ZNG allaient se rendre avec leurs armes, mais à condition

  7   que le traitement qui leur soit réservé soit celui de prisonniers de

  8   guerre, et qu'à cette occasion leurs noms soient rassemblés sur une liste

  9   ou qu'ils soient filmés ou qu'ils soient enregistrés en tant que tels.

 10   Q.  Un instant -- excusez-moi, je vous arrête pour le moment parce que je

 11   reviendrais à ce sujet.

 12   Vous avez dit qu'il y avait des membres de la ZNG mais qu'il y avait

 13   également des membres de la Défense territoriale qui montaient la garde

 14   chez eux, qui assuraient la garde de leurs propres maisons -- est-ce que

 15   vous m'entendez maintenant ?

 16   R.  Oui, maintenant je vous entends.

 17   Q.  Je vais répéter ma question.

 18   Il y a quelques instants, vous avez dit que les personnes qui étaient

 19   membres de la ZNG, c'est-à-dire du Corps de la Garde nationale,

 20   participaient à la protection civile et à la défense civile de leurs

 21   propres domiciles. Vous avez dit que les gens de ce secteur étaient

 22   préoccupées par le sort qui allait être réservé aux civils. Et je voudrais

 23   vous demander pourquoi ils étaient très préoccupés par le sort qui allait

 24   être celui des civils ?

 25   R.  Voici comment cela s'est présenté : les citoyens, les habitants de

 26   Vukovar ont été bombardés et même pilonnés pendant trois mois au moyen de

 27   toutes les armes lourdes dont disposait la JNA, qui était la seule force

 28   disposant de ce type d'armes dans toute l'ex-Yougoslavie. La ville a été


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  1   totalement détruite et les civils se trouvaient dans les sous-sols. Un

  2   grand nombre de civils ont trouvé la mort. Ce qui nous préoccupaient tous,

  3   qu'il s'agisse de membres de la ZNG ou de civils, était la question

  4   suivante : pourquoi la JNA qui avait essayé de détruire la ville dans son

  5   intégralité et de tuer tous les civils - puisque c'était là manifestement

  6   son intention - donc, pourquoi le JNA se comporterait-elle d'une façon

  7   différente en cas d'occupation par elle de la ville ?

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Clanton.

  9   Mme CLANTON : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je me demande si vous ne pourriez pas

 11   apporter une précision avec l'aide du témoin, ce que le témoin a voulu dire

 12   lorsqu'elle a dit que "à Vukovar, c'était les habitants mêmes de la ville

 13   qui faisaient la guerre."

 14   Cela figure à la page du compte rendu d'audience 109, ligne 12.

 15   Mme CLANTON : [interprétation]

 16   Q.  Madame Foro, est-ce que vous pouvez répondre à la question posée par le

 17   Président ?

 18   R.  Je ne sais pas exactement à quelle partie de ma déposition il est fait

 19   référence. Est-ce que vous pourriez me le préciser, s'il vous plaît ?

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vais peut-être en donner lecture

 21   au témoin --

 22   Mme CLANTON : [interprétation] Si vous le pouvez, oui, Monsieur le

 23   Président. Je suis désolée, mais l'affichage s'est arrêté sur mon écran.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Foro, voilà la réponse que

 25   vous avez fournie à Mme Clanton et qui est consignée dans le compte rendu

 26   d'audience en anglais. Je cite :

 27   "Je l'ai indiqué à plusieurs fois dans ma déclaration préalable. La guerre

 28   à Vukovar, c'était les habitants locaux qui la faisaient."


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  1   Est-ce là ce que vous avez dit ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et qu'est-ce que vous avez dit, au

  4   juste ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

  5   Il doit s'agir d'un problème d'interprétation. Alors, vous souvenez-vous de

  6   ce que vous avez dit ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai tout simplement expliqué que les membres

  8   de la ZNG, donc les membres de l'armée croate, oui, c'était bien une arme

  9   croate, et oui, ces hommes-là étaient armés. Mais la plupart d'entre eux

 10   ont été recrutés parmi la population locale qui habitait dans la région.

 11   Donc, lorsqu'il a fallu évacuer la ville et lorsque l'armée a rendu

 12   ses armes à Mitnica, toutes les personnes concernées, tous les soldats

 13   concernés de l'armée croate étaient les gens qui normalement habitaient

 14   dans ce quartier de la ville qui s'appelait Mitnica. Je ne sais pas si mes

 15   propos sont maintenant clairs.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup, Madame.

 17   Madame Clanton, vous pouvez reprendre votre interrogatoire.

 18   Mme CLANTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Q.  Madame Foro, il y a quelques instants, nous avons parlé de la situation

 20   qui prévalait à Vukovar, et notamment au niveau de la JNA. J'aimerais

 21   maintenant vous demander si vous étiez au courant des activités de la JNA

 22   dans les villes et les villages qui entouraient la ville de Vukovar ?

 23   R.  Nous savions que dès le mois d'octobre, la population a commencé à

 24   partir, ou plutôt, que certaines localités ont été occupées - Ilok,

 25   Sarengrad, Sotin et plusieurs autres localités quand on va de la frontière

 26   avec la Serbie vers la ville de Vukovar - et nous savions que toutes ces

 27   localités étaient placées sous l'occupation. Nous pouvions écouter la

 28   radio. Et dans une certaine mesure, nous avons pu suivre les informations à


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  1   la télévision, et nous avons pu suivre à la fois les chaînes de télévision

  2   serbes et croates.

  3   Q.  Et lorsque vous avez appris ce qui était arrivé à la population d'Ilok,

  4   de Sarengrad et de Sotin, quelle incidence cela a eue sur vous ?

  5   R.  Bien sûr, les habitants qui suivaient la situation et qui apprenaient

  6   ces nouvelles se sentaient déstabilisés, ils avaient peur. Et ils se

  7   demandaient quel sort nous serait réservé à nous.

  8   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais que notre commis à l'affaire nous

  9   aide à afficher le document 04780.9 de la liste 65 ter.

 10   Q.  Et pendant que nous attendons l'affichage de ce document, Madame Foro,

 11   comment s'appelaient les personnes qui négociaient au nom de la partie

 12   croate ?

 13   R.  Les négociateurs étaient au nombre de trois : Zdravko Komsic, Matija

 14   Mandic et Filip Karaula. Ils faisaient partie du commandement de la ZNG

 15   pour cette partie de la ville.

 16   Mme CLANTON : [interprétation] Je signale aux fins du compte rendu

 17   d'audience que ceci est un extrait vidéo tiré de l'enregistrement qui porte

 18   V000-686, et le compteur montre 8 minutes, 45 secondes à 9 minutes, 2

 19   secondes.

 20   Et j'insiste qu'il n'est pas nécessaire de présenter une transcription.

 21   Tout ce qui nous intéresse ici, ce sont les images. Donc, maintenant nous

 22   allons visionner l'enregistrement, et j'aimerais que nous nous arrêtions à

 23   un moment particulier, à savoir 8 minutes, 47 secondes.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   Mme CLANTON : [interprétation]

 26   Q.  Madame Foro, qui sont les personnes qui suivent à la queue leu leu ce

 27   soldat que nous voyons ?

 28   R.  Le soldat armé est suivi par Filip Karaula, qui à son tour est suivi


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  1   par Matija Manda et par Zdravko Komsic.

  2   Q.  Aux fins du compte rendu d'audience, est-ce que vous pourriez répéter

  3   le dernier nom que vous avez cité ?

  4   R.  Il s'agit de Zdravko Komsic.

  5   Q.  Merci.

  6   Mme CLANTON : [interprétation] Passons maintenant la vidéo, et nous allons

  7   nous arrêter à 9 minutes, s'il vous plaît.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   Mme CLANTON : [interprétation]

 10   Q.  Madame Foro, qui est l'homme que nous voyons à l'extrême gauche de cet

 11   arrêt sur image ?

 12   R.  Nous voyons Filip Karaula, qui négociait au nom de la partie croate.

 13   Q.  Et la personne qui se trouve à côté de lui et qui porte des lunettes de

 14   soleil ? Est-ce que vous savez ce que cette personne a fait au cours des

 15   négociations, quel rôle elle a joué ?

 16   R.  Je ne connais pas cet homme.

 17   Q.  Après votre arrivée à La Haye, est-ce que vous avez eu l'occasion de

 18   voir une version plus longue de cet enregistrement vidéo ?

 19   R.  J'ai visionné cet enregistrement vidéo dans sa totalité. La durée

 20   totale de la vidéo est d'environ une heure.

 21   Q.  Et d'après ce que vous avez pu voir, est-ce que vous avez pu établir

 22   quel rôle a été joué par la personne qui porte des lunettes de soleil et de

 23   qui il s'agit ?

 24   R.  Manifestement, il s'agit d'un interprète qui travaillait pour les

 25   représentants de la Croix-Rouge internationale.

 26   Q.  Merci.

 27   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite demander le

 28   versement au dossier de cet enregistrement vidéo.


Page 6146

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce 2188.

  3   Mme CLANTON : [interprétation] Merci.

  4   Q.  Madame Foro, vous avez déposé dans l'affaire Mrksic et vous avez dit

  5   qu'une fois les négociations terminées, les personnes qui s'en étaient

  6   chargé sont revenues à Mitnica. Vous dites qu'elles sont allées à un point

  7   de rassemblement qui se trouvait non loin d'une clinique vétérinaire et

  8   devaient s'y rendre dans l'espace d'une heure pour se préparer pour le

  9   départ. Vous l'avez déclaré à la page du compte rendu d'audience 2 417.

 10   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais maintenant vous montrer

 11   l'enregistrement vidéo qui porte la cote 4780.11 de la liste 65 ter. Il

 12   s'agit d'un autre extrait qui a été tiré du même enregistrement vidéo que

 13   tout à l'heure et qui porte la même cote ERN, et le compteur va nous

 14   montrer 43 minutes, 42 secondes à 47 minutes, 52 secondes. Et j'aimerais

 15   que nous nous arrêtions à 43 minutes, 50 secondes.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   Mme CLANTON : [interprétation]

 18   Q.  Madame Foro, d'après ce que vous pouvez voir sur cette image, est-ce

 19   que vous pouvez nous dire où se trouvait le point de rassemblement ?

 20   R.  Il ne s'agissait pas d'un point de rassemblement. Il s'agissait tout

 21   simplement de l'endroit que tout le monde connaissait bien. C'était une

 22   clinique vétérinaire à Mitnica. C'était un bon endroit pour se réunir et

 23   pour former une colonne en vue de partir de Vukovar. Et cet endroit se

 24   trouve un peu plus loin quand on avance de long de la route, donc en

 25   profondeur de cette image.

 26   Q.  Merci. Et pourriez-vous nous dire dans quelle direction se déplacent

 27   les personnes que nous voyons entre les chars ?

 28   R.  Ils vont en direction du nouveau cimetière de Mitnica. Donc ils


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  1   avancent vers la sortie de Vukovar. Vous pouvez, par ailleurs, voir le

  2   panneau bleu qui indique Vukovar. Et ces personnes sont en train de se

  3   diriger vers la sortie, ils vont en direction de Sotin et du nouveau

  4   cimetière.

  5   Mme CLANTON : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous passions

  6   directement à 46 minutes, 52 secondes, s'il vous plaît. Et nous allons

  7   visionner l'extrait suivant et nous arrêter à 46 minutes, 58 secondes.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   Mme CLANTON : [interprétation]

 10   Q.  Madame Foro, est-ce que vous reconnaissez cette femme ?

 11   R.  C'est une voisine. Elle habitait la même rue où mon mari avait habité

 12   avec ses parents. C'est toujours dans le quartier de Mitnica.

 13   Q.  Et où vous trouviez-vous au moment où cet enregistrement vidéo a été

 14   tourné ?

 15   R.  Mais moi aussi, je me trouvais dans cette colonne et je marchais avec

 16   tout le monde.

 17   Mme CLANTON : [interprétation] Messieurs les Juges, nous souhaitons

 18   demander le versement au dossier du document 0480.1 [comme interprété].

 19   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûre d'avoir bien saisi le chiffre.

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Est-ce que je peux demander quelle est la

 21   durée de cet enregistrement ?

 22   Mme CLANTON : [interprétation] Cet extrait, sa durée est de quatre minutes.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] Eh bien, je ne sais pas ce qu'on peut voir

 24   dans les autres quatre minutes de cet extrait vidéo et je ne sais pas si le

 25   témoin compte présenter des commentaires au sujet des autres extraits, mais

 26   moi je préfère qu'on verse au dossier seulement les images qui ont été

 27   présentées au témoin.

 28   Mme CLANTON : [interprétation] En fait, j'ai sauté une partie de la vidéo


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  1   pour gagner du temps. Mais si je peux demander aux Juges de la Chambre de

  2   m'accorder dix minutes supplémentaires pour mon interrogatoire principal,

  3   alors je peux très bien présenter au témoin cet extrait dans sa totalité.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous avez besoin de dix minutes pour

  5   présenter un extrait vidéo de quatre minutes, Madame Clanton ?

  6   Mme CLANTON : [interprétation] Mais je demande ces dix minutes

  7   supplémentaires et en plus des 30 minutes qui m'ont été accordées. Si,

  8   Messieurs les Juges, vous souhaitez voir et entendre les commentaires

  9   relatifs à cet enregistrement.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Nous vous accordons cinq

 11   minutes de plus.

 12   Mme CLANTON : [interprétation] Très bien.

 13   Nous allons revenir à 43 minutes, 42 secondes, s'il vous plaît,

 14   Monsieur Laugel.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   Mme CLANTON : [interprétation]

 17   Q.  Madame Foro, j'aimerais vous poser la question pour savoir si tout ce

 18   qu'on vient de voir dans cet extrait vidéo correspond à ce que vous avez vu

 19   ce jour-là ?

 20   R.  Tout ce qu'on a vu dans cet extrait vidéo est conforme à ce qui s'est

 21   passé ce jour-là et à cet endroit-là. J'aimerais juste observer qu'on a vu

 22   juste quelque chose qui représente une partie de ce qui s'était passé ce

 23   jour-là. On ne peut pas avoir une image complète des événements. Moi, j'ai

 24   vu toute la vidéo. Mais ce qu'on vient de voir ne représente qu'une petite

 25   partie de cette vidéo et de ce qui s'est passé ce jour-là.

 26   Q.  Madame Foro, êtes-vous d'accord pour dire que cette vidéo reflète

 27   exactement l'événement qui a eu lieu ce jour-là ?

 28   R.  Oui.


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  1   Mme CLANTON : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

  2   vidéo.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Sous la cote P2189, Monsieur le

  5   Président.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  7   Mme CLANTON : [interprétation] Est-ce que Mme le Greffier peut me dire

  8   combien de temps j'ai encore.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous avez besoin d'encore combien de

 10   temps, Madame Clanton ?

 11   Mme CLANTON : [interprétation] A peu près cinq minutes, Monsieur le

 12   Président.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien.

 14   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 15   Mme CLANTON : [interprétation] Merci pour votre aide.

 16   Q.  Madame Foro, j'aimerais vous poser des questions à un autre sujet qui

 17   est le dernier sujet concernant mes questions, c'est ce que vous avez vécu

 18   Sremska Mitrovica.

 19   Vous avez témoigné là-dessus et vous avez dit comment vous êtes

 20   arrivé à Sremska Mitrovica. Mais j'aimerais vous demander où vous ainsi que

 21   d'autres femmes avez été emmenées ?

 22   R.  Nous avons été emmenées dans le bâtiment de la prison de Sremska

 23   Mitrovica. Nous avons été enfermées dans une grande pièce au sein de la

 24   prison.

 25   Q.  Et dans cette grande pièce, y avait-il d'autres personnes qui n'étaient

 26   pas arrivées à Sremska Mitrovica à bord du même autocar que vous de la

 27   direction d'Ovcara ?

 28   R.  La plupart de ces femmes étaient les femmes qui étaient arrivées à


Page 6150

  1   Sremska Mitrovica avec moi de la direction d'Ovcara. Mme Bosanac, médecin

  2   Bosanac, a été amenée deux jours après notre arrivée. Et deux jeunes filles

  3   ont été amenées quelques jours plus tard, qui n'étaient pas de Mitnica.

  4   Q.  Et dites-nous ce qui leur est arrivé, à ces deux femmes qui n'étaient

  5   pas de Mitnica et qui ont été amenées deux jours plus tard?

  6   R.  Si je m'en souviens bien, l'une de ces deux femmes avait des blessures.

  7   Je pense qu'elle a essuyé des blessures d'un éclat d'obus, il s'agissait de

  8   blessures légères. Et elles sont restées avec nous brièvement, si je me

  9   souviens bien, après quoi elles ont été emmenées ailleurs. Elles n'étaient

 10   plus dans notre pièce.

 11   Q.  Qu'est-ce que vous avez appris par la suite concernant ces deux femmes

 12   ?

 13   R.  J'ai appris que ces deux femmes ont été emmenées dans des cellules

 14   séparées, en isolement, qu'elles ont été malmenées et interrogées.

 15   Q.  Depuis votre arrivée à La Haye, est-ce que vous avez eu l'occasion de

 16   voir la liste des noms -- des noms des gens qui se trouvaient à Sremska

 17   Mitrovica ?

 18   R.  Oui, j'ai vu cette liste, la liste des noms. Et je connais cette liste

 19   puisqu'elle provient du bureau où je travaillais après être arrivée à

 20   Zagreb après les événements dont j'ai parlé.

 21   Mme CLANTON : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher maintenant le

 22   document 65 ter 02406.2. C'est à l'intercalaire 27. Et il s'agit du

 23   document qui a envoyé hier par message électronique. La Défense a fait

 24   savoir qu'elle n'a pas d'objection à soulever à l'ajout de ce document à

 25   notre liste 65 ter.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] On fait droit à votre requête pour

 27   que ce document soit ajouté à votre liste de documents 65 ter.

 28   Mme CLANTON : [interprétation]


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  1   Q.  Madame Foro, reconnaissez-vous la signature qui figure sur cette page ?

  2   R.  Oui, c'est ma signature. Donc j'ai signé cette liste à la dernière page

  3   de la liste. Et j'ai examiné cette liste.

  4   Mme CLANTON : [interprétation] Peut-on met affiché la page 4 de la liste.

  5   Le numéro ERN finit par les chiffres 8716.

  6   Q.  Madame Foro, nous voyons ici au point 136, qui est encerclé, et il y a

  7   également la lettre A près du nom de Vesna Bosanac. Qu'est-ce que cela veut

  8   dire ?

  9   R.  Cela veut dire que Mme Vesna Bosanac, médecin Vesna Bosanac, se

 10   trouvait dans la même pièce que moi. Dans la prison de Sremska Mitrovica.

 11   Q.  Et au-dessus de cette ligne, au numéro 135, nous voyons que -- que ce

 12   chiffre est encerclé et on voit la lettre B à côté du nom de Bosanac,

 13   Lavoslav. Pouvez-vous nous dire pourquoi on voit la lettre B à côté de ce

 14   nom ?

 15   R.  C'est parce que j'ai appris que Lavoslav Bosanac, lui aussi, était

 16   emprisonné dans le camp de Sremska Mitrovica. Il est l'époux du médecin

 17   Bosanac.

 18   Q.  Savez-vous qui est Lavoslav Bosanac, ou saviez-vous qui il était avant

 19   d'avoir vu son nom figurer sur cette liste ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Madame Foro, pouvez-vous confirmer que la lettre A qui figure ici

 22   représente la mention qui a la même signification que les lettres A qui

 23   sont à côté d'autres personnes qui étaient avec vous dans la même pièce ?

 24   R.  Toutes les personnes que j'ai reconnues et dont les noms figurent sur

 25   cette liste et qui étaient avec moi dans la prison de Sremska Mitrovica

 26   portent la lettre A.

 27   Q.  Est-ce vrai que dans tout ce document, où vous avez apposé la lettre B,

 28   qui figure, par exemple, à côté du numéro 135 -- représente toutes les


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  1   personnes que vous connaissiez ?

  2   R.  Oui, c'est vrai. Ça représente toutes les personnes que je connaissais.

  3   A côté des noms de telles personnes, j'ai apposé la lettre B.

  4   Mme CLANTON : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

  5   versement au dossier du document 02406.2.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Comme P2190, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  9   Mme CLANTON : [interprétation]

 10   Q.  Madame Foro, j'aimerais vous poser des questions concernant un autre

 11   sujet. Vous avez témoigné dans l'affaire Mrksic et vous avez dit que votre

 12   époux se trouvait enfermé à Sremska Mitrovica, et vous avez dit cela en

 13   page du compte rendu 2 435.

 14   Qu'est-ce que votre époux a dit quant aux conditions où des hommes

 15   étaient détenus là-bas ?

 16   R.  D'après ce qu'il m'a dit, j'ai compris que les conditions dans

 17   lesquelles il se trouvait étaient pires que les conditions où nous nous

 18   trouvions et qu'ils ont été malmenés quotidiennement. Par exemple, de

 19   Sremska Mitrovica, après avoir été battu, il est revenu sans dents. Ils ont

 20   été malmenés. Les conditions dans lesquelles ils se trouvaient étaient

 21   pires que les conditions dans lesquelles nous nous trouvions, et ils ont

 22   été maltraités. En tout cas, c'était pire que les conditions où nous nous

 23   trouvions.

 24   Q.  Pendant qu'il était à Sremska Mitrovica, est-ce qu'on lui n'a jamais

 25   dit pourquoi il était détenu là-bas ?

 26   R.  Personne ne lui a parlé de cela. Personne ne leur a dit pourquoi ils

 27   s'y trouvaient. Ils n'ont pas dit à nous non plus pourquoi nous étions là-

 28   bas. Mais d'ailleurs, nous n'avions aucune occasion de leur poser cette

 


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  1   question.

  2   Mme CLANTON : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

  3   questions pour ce témoin.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Madame Clanton.

  5   Maître Gosnell, vous avez la parole.

  6   Contre-interrogatoire par M. Gosnell : 

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Foro. Je m'appelle Christopher

  8   Gosnell. Je représente M. Hadzic dans cette affaire. J'ai quelques

  9   questions à vous poser. Si je ne vous pose pas mes questions de façon

 10   claire, dites-le-moi et je vais reformuler ma question. Est-ce que vous

 11   m'avez compris ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  En 1992, regardiez-vous les programmes de la télévision croate ?

 14   R.  En 1992 ? Oui. Oui, je me trouvais à Zagreb et je regardais les

 15   programmes de la télévision croate.

 16   Q.  Est-ce que vous connaissez un programme télévision qui s'appelle

 17   "Latinica" ?

 18   R.  Oui, je connais ce programme à la télévision croate. Mais je dois dire

 19   que je ne regardais pas beaucoup les programmes de la télévision parce que

 20   je travaillais dans un bureau qui fonctionnait à peu près 24 heures sur 24.

 21   Nous travaillions sur les documents concernant l'échange des prisonniers,

 22   et nous n'avions pas beaucoup de temps pour regarder les programmes de la

 23   télévision.

 24    Q.  Est-ce qu'il s'agissait d'un programme qui était diffusé pendant la

 25   nuit ou pendant la journée ? Est-ce que c'était le programme qui était

 26   diffusé une fois par semaine ? Est-ce que vous savez davantage de quoi il

 27   s'agit, le programme "Latinica" ?

 28   R.  Je ne suivais très attentivement ce programme. Et je ne le sais pas de


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  1   quel type de programme il s'agissait.

  2   Q.  Si je vous ai bien comprise, pendant le siège de Vukovar, vous étiez

  3   dans un abri qui se trouvait au sous-sol d'une entreprise de service

  4   public, Komunalno Predzece [phon] ?

  5   R.  Oui, je travaillais dans cette entreprise. Et puisqu'il s'agissait

  6   d'une entreprise d'une importance vitale pour la ville qui se trouvait dans

  7   de telles conditions, notre directeur nous a demandé de créer un groupe, au

  8   moins ceux qui voulaient faire partie de ce groupe, qui devait être la

  9   disposition au sein de l'entreprise et être dans cet abri au sous-sol de

 10   l'entreprise pour pouvoir s'occuper de nos activités professionnelles.

 11   Q.  Et quel était le nombre de personnes qui se trouvaient dans cet abri au

 12   sous-sol ?

 13   R.  Nous étions à peu près une dizaine de l'entreprise de service public,

 14   ou entre dix et 15 personnes.

 15   Q.  Est-ce que vous avez été rejoint à un moment donné par les membres de

 16   la Garde nationale croate, ZNG ?

 17   R.  A un moment donné, lorsque les attaques contre Vukovar se sont

 18   intensifiées, les membres de la ZNG nous ont rejoints, puisqu'il s'agit de

 19   cave à vin profondément creusée au sous-sol, très étendue, vaste, avec

 20   plusieurs pièces. Et le commandement de la ZNG nous a rejoints dans cette

 21   cave à vin; bien sûr, il se trouvait dans une autre partie de la même cave

 22   à vin.

 23   Q.  Disposaient-ils d'équipement de transmissions radio ?

 24   R.  Oui. Ils avaient des transmissions radio. Nous avions un poste de

 25   télévision et des postes radio qui nous permettaient d'écouter les

 26   émissions de la première chaîne de radio de Vukovar parce que nous

 27   souhaitions pouvoir entendre les informations qui étaient diffusées.

 28   Q.  Merci beaucoup, Madame.


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  1   M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

  2   questions.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  4   Y a-t-il quoi que ce soit au titre des questions supplémentaires, Madame

  5   Clanton ?

  6   Mme CLANTON : [interprétation] Non.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Foro, ceci met un point final

  8   à votre déposition. Nous vous remercions d'avoir bien voulu venir à La

  9   Haye. Vous êtes maintenant libérée de vos obligations en tant que témoin.

 10   Nous vous souhaitons bon voyage de retour.

 11   L'huissier va vous accompagner. Et merci beaucoup.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

 13   [Le témoin se retire]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

 15   --- L'audience est levée à 15 heures 56 et reprendra le lundi 24 juin 2013,

 16   à 9 heures 00.

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