Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 18 septembre 2013

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  7   présentes dans le prétoire et à l'extérieur du prétoire.

  8   Madame la Greffière d'audience, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Que les parties se présentent, en commençant par l'Accusation.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 14   Pour l'Accusation, Douglas Stringer, Sarah Clanton, Thomas Laugel et Simona

 15   Onicel.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Qu'en est-il de la Défense, Maître Zivanovic ?

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 19   Pour la Défense de M. Goran Hadzic, Me Zoran Zivanovic, Me

 20   Christopher Gosnell et notre stagiaire, Ivan Kochovski. Merci.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Monsieur le Témoin, bonjour. Est-ce que vous m'entendez dans une langue que

 23   vous comprenez ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Et oui, je vous entends et comprends

 25   bien.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Vous êtes sur le point de prononcer

 27   la déclaration solennelle en vertu de laquelle les témoins s'engagent à

 28   dire la vérité et toute la vérité. Et je dois vous expliquer qu'en

 


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  1   prononçant cette déclaration solennelle, vous vous exposez au crime de faux

  2   témoignage au cas où vous viendriez à fournir des informations erronées ou

  3   non véridiques à ce Tribunal.

  4   J'aimerais vous demander de bien vouloir vous lever et de prononcer la

  5   déclaration solennelle dont le texte vous est remis maintenant par M.

  6   l'Huissier.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN : VILIM KARLOVIC [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez prendre

 12   place.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur, pourriez-vous décliner

 15   votre identité ainsi que votre date de naissance, je vous prie.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Vilim Karlovic, et je suis né le

 17   27 octobre 1970.

 18   L'INTERPRÈTE : L'interprète demande au témoin de répéter sa date de

 19   naissance.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] 27 octobre 1970.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Karlovic.

 23   Monsieur Stringer, c'est à vous, puisque c'est votre témoin.

 24   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Interrogatoire principal par M. Stringer : 

 26   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Karlovic. Est-ce que vous

 27   m'entendez dans une langue que vous comprenez ?

 28   R.  Bonjour. Oui, oui, je vous entends et je vous comprends tout à fait.


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  1   Q.  Monsieur Karlovic, est-ce que vous vous souvenez être déjà venu devant

  2   ce Tribunal pour une déposition dans l'affaire Mrksic, il s'agissait donc

  3   de l'affaire contre MM. Mrksic, Sljivancanin et Radic, et vous êtes venu

  4   déposer les 20 et 21 mars 2006 ?

  5   R.  Oui, je m'en souviens.

  6   Q.  Et est-ce que vous avez eu récemment la possibilité d'écouter

  7   l'enregistrement de votre déposition dans cette affaire ?

  8   R.  Oui, oui, tout à fait. Il y a environ un mois.

  9   M. STRINGER : [interprétation] Et aux fins du compte rendu d'audience, je

 10   dirais que les pages en anglais du compte rendu d'audience de cette

 11   déposition se trouvent dans les documents 4502 et 4503 de la liste 65 ter.

 12   Ce sont des documents qui ont été déposés à titre confidentiel. Et toujours

 13   pour le compte rendu d'audience, Monsieur le Président, les versions

 14   publiques expurgées de ces comptes rendus d'audience ont également été

 15   saisies dans le système.

 16   Q.  Donc, Monsieur Karlovic, après avoir écouté cet enregistrement de votre

 17   déposition dans l'affaire Mrksic, avez-vous eu la possibilité d'avoir une

 18   réunion avec nous et est-ce que vous nous avez indiqué, lors de cette

 19   réunion, que vous aviez des corrections ou des modifications à apporter à

 20   ce document ?

 21   R.  Oui. Nous nous sommes réunis une journée plus tard, et à cette

 22   occasion, effectivement, nous avons apporté certaines corrections et

 23   modifications à cette déclaration.

 24   Q.  Fort bien. J'aimerais donc que nous examinions ensemble ces corrections

 25   pour que tout soit bien précis et exact dans le compte rendu d'audience à

 26   ce sujet.

 27   Si je vous ai bien compris, Monsieur Karlovic, vous avez souhaité modifier

 28   ou changer votre déposition, il s'agit du moment où vous vous trouviez à


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  1   Vukovar et vous avez ôté votre uniforme alors que vous étiez sur le point

  2   d'entrer dans l'hôpital à Vukovar; est-ce bien exact ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges quelle est la correction ou l'amendement

  5   que vous souhaitez apporter à ce sujet.

  6   R.  Je souhaiterais tout simplement dire que j'ai ôté mon uniforme

  7   militaire dans l'hôpital, alors que j'étais dans l'hôpital, et je l'ai

  8   rangé, mis cet uniforme dans une pièce où il y avait d'autres uniformes

  9   déchirés, de vieux uniformes qui appartenaient à d'autres personnes.

 10   M. STRINGER : [interprétation] Et cela est une référence, Messieurs les

 11   Juges, dans sa déposition dans l'affaire Mrksic, et ce qui est maintenant

 12   modifié correspond à la ligne 23 de la page 6 321 et la ligne 3 de la page

 13   6 322.

 14   Q.  Monsieur Karlovic, dans l'affaire Mrksic, vous aviez indiqué que vous

 15   aviez, en fait, placé ou mis votre uniforme dans un endroit différent.

 16   R.  Oui. Si ma mémoire ne me fait défaut, j'avais mentionné une maison qui

 17   avait été complètement détruite ou saccagée. Je pense que cela était censé

 18   être le poste de police qui avait brûlé à Vukovar.

 19   Q.  Deuxième amendement ou deuxième correction, Monsieur Karlovic, cela a

 20   trait au moment où vous et votre unité étiez basés dans ce silo à Vukovar.

 21   Il s'agit de la page 6 316, ligne 25, et de la première ligne de la page 6

 22   317, toujours dans l'affaire Mrksic.

 23   Si je vous ai bien compris, Monsieur Karlovic, vous souhaitiez indiquer que

 24   même si vous étiez basés au niveau de ce silo, votre unité est intervenue

 25   dans différents quartiers de la ville de Vukovar; c'est bien cela ?

 26   R.  Oui, oui. Je voulais juste ajouter que nous étions, certes, cantonnés

 27   au silo à ce moment-là; mais avec un groupe, à plusieurs reprises, nous

 28   avons participé à des missions d'intervention plus importantes dans


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  1   différents quartiers de la ville.

  2   Q.  Un plus tard, Monsieur Karlovic, de toute façon, nous allons nous

  3   intéresser à ces différents lieux.

  4   Et vous avez souhaité apporter une autre modification, Monsieur

  5   Karlovic, en ligne 12 de la page 6 228 dans votre déposition dans l'affaire

  6   Mrksic. Et là, Monsieur Karlovic, vous avez indiqué plutôt que vous n'aviez

  7   vu aucun autre soldat dans la cave de l'hôpital de Vukovar. Or, vous voulez

  8   maintenant apporter une précision à ce sujet.

  9   R.  Oui. J'en ai vu certains. D'ailleurs, il y avait des soldats qui

 10   étaient venus avec moi, puis il y avait d'autres soldats dans la cave de

 11   l'hôpital. Ils étaient avec nous. Je voulais juste ajouter que j'avais vu

 12   d'autres personnes. Ils étaient assez près de moi, d'ailleurs. Et je

 13   souhaiterais ajouter que ces soldats n'avaient pas d'armes. Ils se

 14   trouvaient dans la même situation que moi.

 15   Q.  Et à la page 6 328 dans l'affaire Mrksic, une question vous avait été

 16   posée, on vous avait demandé si quelque chose d'important s'était produit

 17   dans la nuit du 19 novembre, et vous avez répondu par un non. Et puis, à un

 18   moment donné, vous avez voulu ajouter quelque chose à propos du 19; est-ce

 19   bien exact ?

 20   R.  Oui, oui. Il est important d'indiquer qu'un homme qui travaillait à

 21   l'hôpital, qui travaillait comme agent technique dans la salle des plâtres

 22   -- en fait, c'était lui qui était chargé de poser les plâtres. Le 19 - bon,

 23   il s'appelait Marko - on l'a fait partir de l'hôpital et plus personne ne

 24   l'a jamais revu.

 25   Q.  Mais est-ce que vous vous souvenez qui l'a fait partir de l'hôpital ?

 26   R.  Je sais que certains avaient dit que c'était l'armée de l'ennemi qui

 27   l'avait emmené.

 28   Q.  A la page 6 330, ligne 21, de votre déposition dans l'affaire Mrksic,


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  1   Monsieur Karlovic, vous aviez indiqué qu'il n'y avait que des hommes à bord

  2   de votre autocar. Il s'agit de l'autocar que vous avez pris pour aller de

  3   l'hôpital à la caserne, et puis ensuite vers Ovcara. Est-ce que vous

  4   souhaitez apporter une correction à cette déclaration ?

  5   R.  Oui, oui. J'ajouterais qu'il y avait un couple marié, ce qui signifie

  6   qu'il y avait une femme dans cet autocar. Ils étaient assis devant moi

  7   juste derrière le conducteur. Ils étaient déjà à bord de l'autocar lorsque

  8   nous, nous avons commencé à monter dans cet autocar dans la cour de

  9   l'hôpital.

 10   Q.  Est-ce que vous savez quelle était leur appartenance ethnique ?

 11   R.  Oui, oui, je le sais. C'étaient des Serbes. Parce qu'à plusieurs

 12   reprises, ils ont insisté sur ce fait, ils ont dit qu'ils étaient Serbes et

 13   qu'ils devraient être libérés. C'est pour cela que je me souviens qu'ils

 14   avaient dit qu'ils étaient Serbes.

 15   Q.  Est-ce que vous savez ce qui est advenu de ces personnes ?

 16   R.  Ils ont été libérés à Ovcara, juste avant que nous, nous sortions de

 17   l'autocar. Un officier est venu les chercher, et il les a laissés partir.

 18   Q.  A la page 6 332 et 6 333 de votre déposition dans l'affaire Mrksic,

 19   vous avez fait une référence à quelqu'un que vous avez appelé Ivan Gruber.

 20   Est-ce que vous souhaitez corriger cela ?

 21   R.  Oui, il s'agit d'une correction que je souhaiterais apporter au nom. Il

 22   ne s'appelle pas Ivan; il s'appelle Zoran.

 23   Q.  Et qui était-il ?

 24   R.  C'était un membre de la 1ère Brigade du Corps de la Garde nationale,

 25   donc la 1ère Brigade à laquelle j'appartenais également, mais il faisait

 26   partie d'une unité différente au sein de cette brigade. Il a été blessé au

 27   niveau de l'épaule droite.

 28   Q.  Et à la page 6 337 dans l'affaire Mrksic, vous avez dit que vous aviez


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  1   appris que vous vous trouviez à la ferme d'Ovcara -- donc vous avez appris

  2   que le nom de cette ferme était Ovcara lorsque vous vous êtes trouvé à cet

  3   endroit. Est-ce que vous souhaitez apporter une correction à ceci ?

  4   R.  Je voulais tout simplement ajouter que j'ai, dans un premier temps,

  5   entendu parler d'Ovcara dans l'autocar. C'est l'homme qui était assis à

  6   côté de moi qui me l'a dit.

  7   Q.  Et pour que les Juges de la Chambre comprennent bien ce dont il est

  8   question - nous reviendrons là-dessus dans un petit moment - j'aimerais

  9   savoir si vous connaissiez à l'époque la région de Vukovar au moment où ces

 10   événements se sont déroulés ?

 11   R.  Non, moi, je ne connaissais pas le secteur de Vukovar.

 12   Q.  Pourquoi pas ?

 13   R.  Parce que je me suis trouvé à Vukovar pour la première fois pendant la

 14   guerre. Parce que moi, j'avais toujours vécu à Zagreb. Je ne m'étais jamais

 15   rendu à Vukovar auparavant.

 16   Q.  A la page 6 339, lignes 6 à 9 de votre déposition dans l'affaire

 17   Mrksic, vous avez dit que vous pensiez qu'il y avait environ dix personnes

 18   qui formaient cette espèce de haie par laquelle devaient passer les gens,

 19   en l'occurrence, vous et les autres, avant d'entrer dans le hangar.

 20   R.  Oui, bon, j'ai fourni une estimation, j'ai dit une dizaine de

 21   personnes. Ils étaient peut-être une quinzaine. Voilà, c'est le chiffre

 22   dont je me souviens approximativement. Parce que nous avons dû passer par

 23   cette haie avant d'entrer dans le hangar. Et je pense qu'il pouvait y avoir

 24   jusqu'à 15 personnes.

 25   Q.  Et la dernière modification concerne les lignes 2 à 5 de la page 6 336

 26   dans l'affaire Mrksic. Au cours de votre déposition, vous avez parlé d'un

 27   sixième autocar plus tôt que vous vous associiez à la caserne de la JNA. Et

 28   nous allons en parler ce matin. Mais une question vous avait été posée, il


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  1   vous avait été demandé, en fait, si ce sixième autocar dont vous vous

  2   souvenez était également allé depuis la caserne jusqu'à Ovcara avec les

  3   autres autocars.

  4   R.  Ce que j'aimerais vous dire maintenant, c'est que je suis absolument

  5   sûr que cet autocar est resté à la caserne. Moi, je ne suis pas sûr qu'il

  6   soit parti pour Ovcara.

  7   Q.  Monsieur Karlovic, maintenant que nous avons examiné toutes ces

  8   corrections et ces modifications que vous souhaitiez apporter à votre

  9   déposition dans l'affaire Mrksic, est-ce que vous êtes maintenant en mesure

 10   de confirmer l'exactitude et la véracité de votre déposition dans l'affaire

 11   Mrksic ?

 12   R.  Oui, oui, je le confirme, tout à fait.

 13   Q.  Et si je venais à vous poser les mêmes questions aujourd'hui, les mêmes

 14   questions que celles qui vous ont été posées dans cette autre affaire, est-

 15   ce que vos réponses seraient les 

 16   mêmes ?

 17   R.  Je pense que je fournirais les mêmes réponses dans 95 % des cas.

 18   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 19   l'Accusation souhaiterait demander le versement au dossier de la

 20   déclaration en application de l'article 92 ter du témoin. Il s'agit du

 21   document 4502 de la liste 65 ter ainsi que du document 4503.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela sera versé au dossier et retenu.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Et les cotes seront les cotes P3000 et

 24   P3001, respectivement.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 26   M. STRINGER : [interprétation] Nous allons revenir là-dessus, mais juste

 27   pour le compte rendu d'audience, je souhaiterais vous dire que le témoin

 28   souhaitait apporter une légère correction à l'une des marques, en fait,


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  1   qu'il a apposée sur l'une des photographies aériennes, et nous proposons de

  2   ne pas demander de versement au dossier de cette photographie de l'affaire

  3   Mrksic comme faisant partie des pièces connexes. Il s'agit du document de

  4   la liste 65 ter 2683. Mais plutôt, nous allons repartir à partir de la case

  5   départ et nous demanderons au témoin de procéder, de faire ces marques

  6   comme il souhaiterait les faire, pour que nous n'ayons pas à corriger donc

  7   une pièce déjà versée au dossier.

  8   Q.  Donc, Monsieur Karlovic, avant que nous ne parlions des événements de

  9   la fin de l'année 1991, j'aimerais vous poser quelques questions de

 10   contexte.

 11   Est-ce que vous avez rallié la Garde nationale croate en 1991 ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Quel âge aviez-vous à cette époque-là ?

 14   R.  Je n'avais pas tout à fait 21 ans.

 15   Q.  Et par la suite, est-ce que la Garde nationale croate est devenue

 16   l'armée croate ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et combien de temps êtes-vous resté au sein de l'armée croate ?

 19   R.  Jusqu'en 2003.

 20   Q.  Et est-ce que vous avez, donc, été retraité de l'armée, en quelque

 21   sorte, en 2003 ?

 22   R.  Oui. Oui, oui, c'est en 2003 que j'ai pris ma retraite de l'armée.

 23   Q.  Monsieur Karlovic, pourriez-vous décrire brièvement aux Juges de la

 24   Chambre de première instance les raisons pour lesquelles vous avez été mis

 25   à la retraite, alors que vous étiez encore relativement jeune à cette

 26   époque ?

 27   R.  Alors, l'une des raisons principales qui expliquent mon départ à la

 28   retraite est un symptôme de stress post-traumatique.


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  1   Q.  Est-ce que vous êtes en train de purger une peine de prison en Croatie

  2   dans une localité qui s'appelle Lepoglava ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et pourriez-vous nous décrire brièvement la raison de votre

  5   incarcération à cet endroit ?

  6   R.  Je suis incarcéré pour meurtre.

  7   Q.  Souhaiteriez-vous nous donner de plus amples renseignements à ce sujet…

  8   bon, je vous laisse choisir cela, il vous appartient d'en décider.

  9   R.  Je vais essayer d'être bref.

 10   J'ai tué quelqu'un dont j'étais le témoin à mariage. Donc j'étais le témoin

 11   de cette personne et je l'ai tuée. Je lui avais emprunté de l'argent et je

 12   lui ai rendu cet argent en plusieurs fois. Mais il faut savoir que les

 13   menaces n'ont pas cessées, les menaces qui me visaient, moi, ainsi que ma

 14   famille. Donc, lorsque ces menaces étaient faites, on disait que ma famille

 15   et moi-même allions être tués. Et après tant de menaces et tant de

 16   pression, et après, en fait, que j'aie complètement fait faillite, nous

 17   étions en pleine altercation et j'ai tiré un coup de fusil sur cet homme et

 18   je l'ai tué. Voilà. Voilà. Et j'ai été emprisonné pour six ans pour ce

 19   fait.

 20   Voilà ce que je peux vous dire de façon très succincte.

 21   Q.  Et quand est-ce que cela s'est passé ?

 22   R.  Cela c'est passé le 30 octobre 2008.

 23   Q.  Monsieur Karlovic, dans votre déposition dans l'affaire Mrksic, vous

 24   parlez de votre arrivée à Vukovar, et j'aimerais vous poser quelques

 25   questions à ce sujet.

 26   M. STRINGER : [interprétation] Je souhaiterais demander l'affichage du

 27   document à l'intercalaire 12, qui correspond au document 2680 de la liste

 28   65 ter.


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  1   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  2   M. STRINGER : [interprétation] Bien. S'il faut attendre autant de temps

  3   pour l'affichage de chaque page, Monsieur le Président, nous allons tous

  4   rester ici très longtemps. Le document suivant sera le document 2676. Je

  5   l'annonce, comme ça, il pourra déjà être prêt.

  6   Q.  Monsieur Karlovic, voilà la pièce sur laquelle vous aviez fait quelques

  7   repères pendant votre déposition dans l'affaire Mrksic. Et pour que les

  8   Juges puissent se rendre compte de ce dont il s'agit, est-ce que vous

  9   pourriez décrire ce dont il est question.

 10   R.  Ça, c'est la direction empruntée par notre unité lorsqu'elle s'est

 11   déplacée d'un endroit qui s'appelait Bogdanovci, et cela correspond à un A

 12   majuscule, jusqu'au moment où nous sommes entrés dans la ville; et le silo,

 13   et là vous voyez un B, en fait. Nous l'appelions la route du champ de maïs,

 14   et c'est par là que nous sommes entrés dans Vukovar.

 15   Q.  Et quelle est la date de votre arrivée à cet endroit B ?

 16   R.  C'était déjà le 1er octobre, entre 3 et 4 heures du matin.

 17   M. STRINGER : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage du

 18   document 2676, qui se trouve à l'intercalaire 9.

 19   Q.  Bien, Monsieur, il s'agit à nouveau d'une carte où nous voyons les

 20   indications que vous avez apposées. Vous avez déjà précisé dans l'affaire

 21   Mrksic ce qu'il en était en matière d'intervention à partir de la zone du

 22   silo. Est-ce que vous pourriez dire rapidement aux Juges ce que nous montre

 23   cette carte.

 24   R.  Nous voyons la position du silo, qui correspond à la lettre A. Et après

 25   cela, nous voyons l'endroit vers lequel mon unité a été déplacée, et cela

 26   correspond à la lettre B.

 27   Q.  Et donc, il s'agit d'une position qui se trouve bien à l'intérieur de

 28   la ville de Vukovar, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Oui, oui. Il s'agit de la position B.

  2   Q.  Et est-ce que c'est l'endroit où vous vous trouviez avec vos collègues

  3   lorsque vous vous êtes rendus ou lorsque la résistance s'est terminée et

  4   lorsque vous êtes allés à l'hôpital ?

  5   R.  J'aimerais juste préciser quelque chose. Il s'agissait d'une position

  6   de départ. Nous étions en train de perdre cette position. Et lorsque nous

  7   avons mis un terme à notre résistance, lorsque cette résistance s'est

  8   arrêtée, nous étions plus près de l'hôpital. Nous étions, en fait, dans les

  9   environs de l'hôpital. Bon, je ne sais pas. Si ce n'est pas assez clair,

 10   nous pouvons revenir là-dessus.

 11   Q.  Non, je pense que cela suffit tout à fait. Merci.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Et j'aimerais annoncer à Mme la Greffière

 13   que je vais demander l'affichage du document qui se trouve à l'intercalaire

 14   23, document 2877 de liste 65 ter.

 15   Q.  Et en attendant que ce document soit affiché, Monsieur Karlovic, je

 16   souhaiterais vous poser quelques questions. Vous venez de dire que vous

 17   êtes allé à l'hôpital. Est-ce que vous vous souvenez quand vous êtes arrivé

 18   à l'hôpital de Vukovar ?

 19   R.  Le 17 novembre au soir.

 20   Q.  Je voulais vous demander pourquoi vous n'avez pas essayé de vous évader

 21   de Vukovar plutôt que de déposer vos armes et de vous rendre ? Peut-être

 22   auriez-vous pu essayer de passer par cette route du champ de maïs par

 23   laquelle vous étiez arrivé là ?

 24   R.  Je vais essayer, mais là, je crois qu'il faut être un peu plus long

 25   pour expliquer. Pour commencer, je vais vous dire que jusqu'à la fin de ma

 26   vie, je n'aurai probablement pas de réponse à cette question-là. On s'est

 27   battu. Nous avons combattu et résisté pratiquement jusqu'au dernier jour.

 28   Et là, lorsque nous avions pris nos dernières des positions autour de


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  1   l'hôpital, il régnait une certaine confusion. D'aucuns étaient pour un

  2   départ, d'autres étaient pour rester. Et étant donné qu'à l'hôpital il y

  3   avait huit camarades combattants à moi qui étaient blessés, nous avons

  4   estimé que le mieux c'était de partir à l'hôpital et se rendre ensemble

  5   avec eux.

  6   Je me sentais plus en sécurité lorsque j'étais près d'eux. Alors, je dois

  7   aussi dire un fait : c'est que j'en avais peut-être un peu marre aussi des

  8   combats, de l'incertitude. Peut-être ai-je choisi une ligne de moindre

  9   résistance. Je me suis donc remis à mon sort en attendant la prise de

 10   l'hôpital. C'est une question complexe et émotionnelle. A l'époque, je ne

 11   connaissais pas le terrain. Je n'étais pas originaire de Vukovar. Je ne

 12   savais pas de quel côté partir non plus. Et donc, en termes simples, c'est

 13   ce qui a été décidé, et je crois que jusqu'à la fin de ma vie je me poserai

 14   la question aussi de savoir s'il aurait peut-être été préférable d'agir

 15   autrement. Maintenant que j'ai survécu à tout cela, je crois que si c'est

 16   quelqu'un d'autre qui a décidé, ça doit être le Bon Dieu.

 17   Q.  Monsieur Karlovic, vous nous avez mentionné le fait que d'autres

 18   camarades combattants de votre unité ont été blessés et qu'ils étaient à

 19   l'hôpital. Est-ce que quiconque parmi vos co-combattants, camarades

 20   d'armes, était à bord de l'autocar lorsque vous vous êtes dirigé en

 21   direction de la caserne de la JNA ?

 22   R.  Eh bien, il y avait à mes côtés Zeljko Major. Il y avait aussi Zoran

 23   Gruber. A vrai dire, Gruber ne faisait pas partie de mon groupe d'origine,

 24   mais il faisait partie de cette unité de la 1ère Brigade.

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire quelle heure il était lorsque vous

 26   avez quitté l'hôpital et quelle était la procédure lorsque vous avez

 27   commencé à monter à bord des autocars ? Est-ce que vous pouvez d'abord nous

 28   donner une date.


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  1   R.  Eh bien, notre départ de l'hôpital a commencé le 20 octobre. Je crois

  2   que le processus tout entier a commencé vers 9 heures du matin --

  3   Q.  Excusez-moi, Monsieur Karlovic, nous avons au compte rendu d'audience

  4   un creux. Est-ce que vous pouvez donner la date ?

  5   R.  Je pense avoir dit le 20 octobre.

  6   Alors, ça, c'est la date de mon mariage avec ma femme. C'est peut-être la

  7   date qui m'est revenue tout à coup. Non, je m'excuse.

  8   Il fallait que je dise le 20 novembre, à 9 heures du matin.

  9   Q.  Est-ce que vous vous souvenez à peu près de l'heure qu'il était lorsque

 10   les autocars sont arrivés à la caserne de la JNA ?

 11   R.  Bon, il était à peu près 11 heures, d'après mes souvenirs.

 12   Q.  Combien d'autocars y avait-il là ?

 13   R.  Cinq autocars pleins.

 14   M. STRINGER : [interprétation] Je demanderais à ce qu'on nous affiche à

 15   présent l'intercalaire 23, page 14. Ça correspond à la pièce 65 ter 2877.

 16   Alors, j'avais dit page 14.

 17   Q.  Est-ce que vous reconnaissez cet endroit, Monsieur 

 18   Karlovic ?

 19   R.  Oui, je le reconnais. Il s'agit de la caserne de Vukovar où nous nous

 20   étions trouvés avec ces cinq autocars.

 21   Q.  Bien. Dans quelques minutes, je vais vous demander de prendre un stylet

 22   et de nous faire des annotations sur cette image. Mais auparavant, je

 23   souhaiterais que vous décriviez brièvement cette scène et ce qui s'est

 24   produit lorsque vous vous trouviez là-bas. Qu'avez-vous pu observer ?

 25   R.  Eh bien, notre arrivée à la caserne, comme tout ce parcours par la

 26   ville, ça a été suivi par les unités variées de l'ennemi. L'escorte et

 27   l'accueil dans cette caserne de Vukovar étaient hostiles, bien entendu,

 28   avec des injures, des menaces. On nous disait qu'on allait nous égorger,


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  1   nous tuer. Enfin, c'est sous une grande pression et peur que nous nous

  2   trouvions dans cette caserne pendant quelques heures. Bien entendu,

  3   c'étaient des unités mixtes de la JNA de la Défense territoriale, des

  4   formations chetniks et autres. Tous tournaient autour des autocars.

  5   Certains voulaient même monter à bord. Par la suite, oui, ils l'ont fait.

  6   Donc il y a eu un état de peur générale et d'incertitude totale. C'est ce

  7   que je pourrais vous dire en gros.

  8   Q.  Est-ce que vous avez vu des gens faire descendre certaines personnes ?

  9   R.  Oui, bien sûr. Au bout d'un certain temps, ils ont commencé à faire

 10   sortir des individus de ces cinq autocars. En bref, la procédure était

 11   celle-ci : un officier faisait le tour des autocars avec une liste, et

 12   c'est suivant cette liste qu'il faisait sortir des individus de nos

 13   autocars, que l'on transférait vers un sixième autocar qui s'était trouvé

 14   dans la caserne avant que nous n'arrivions.

 15   Et mis à part l'officier de la JNA qui faisait sortir les gens

 16   suivant la liste, les Chetniks du cru entraient aussi dans les autocars

 17   pour faire sortir de nos cinq autocars un certain nombre de personnes.

 18   Q.  Est-ce que vous avez pu voir ce qu'il est advenu des gens que ces

 19   Chetniks ont fait descendre ?

 20   R.  Je vais vous dire ce qui s'est passé avec eux.

 21   Toutes les personnes qui sont descendues ont été torturées par tant

 22   la JNA que les Chetniks. La seule différence, c'est que ceux qui ont été

 23   descendues par la JNA ont été emmenés vers l'autocar que je viens de

 24   mentionner. Ils ont été tabassés devant l'autocar et à l'intérieur. Ceux

 25   que les Chetniks ont fait descendre, ils ont tout de suite commencé à être

 26   tabassés. On les a emmenés derrière le hangar. On a entendu des cris, des

 27   injures. On a aussi entendu des coups de feu et des hurlements.

 28   C'est à peu près ce que je peux vous dire au sujet du traitement


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  1   réservé à ceux qu'on a fait descendre de nos autocars.

  2   Q.  Dites-nous à peu près combien de temps ces autocars sont-ils restés

  3   dans la caserne ?

  4   R.  A peu près, je dirais qu'on a quitté la caserne vers 2 heures et demie,

  5   3 heures moins 20. On est donc restés plus de trois heures pour sûr.

  6   Q.  Monsieur Karlovic, avec l'assistance de M. l'Huissier, je vous

  7   demanderais de vous remettre un stylet --

  8   M. LE JUGE MINDUA : Avant de passer à ce que vous voulez faire là,

  9   j'aimerais une précision.

 10   Pouvez-vous demander au témoin sur le transcript, page 14, il a parlé des

 11   éléments de la JNA qui prenaient des personnes à partir des bus ou du bus,

 12   mais il a parlé aussi des Chetniks.

 13   Qu'est-ce qu'il entend par "Chetniks" ?

 14   M. STRINGER : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Karlovic, peut-être pourrais-je vous demander de répondre à la

 16   question du Juge Mindua pour nous fournir une description générale des

 17   critères que vous aviez utilisés pour faire la distinction entre JNA,

 18   Chetniks, TO, ce que vous venez de nous mentionner en somme.

 19   R.  Avant de vous répondre, je vais vous donner une opinion à moi, si vous

 20   le permettez.

 21   Pendant toute la durée de mes témoignages, au fil des quatre ou cinq fois

 22   où j'étais ici, j'ai dû expliquer qui était quoi, et je comprends. Parce

 23   que dans les territoires où nous résidons, nous savons parfaitement bien

 24   qui est qui. Je vais vous expliquer en bref.

 25   La distinction la plus simple entre la JNA, les Chetniks et autres,

 26   c'était les uniformes, la façon de se comporter, les insignes. C'est ce qui

 27   permettait de faire distinguer la JNA des formations de Chetniks.

 28   Bien entendu, il y avait aussi cette Défense territoriale, qui était


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  1   entre la JNA et les formations chetniks. Bien sûr, il n'est pas toujours

  2   possible de faire une distinction pour ce qui est de savoir qui faisait

  3   partie de la TO ou des formations chetniks. Mais pour l'essentiel, les

  4   membres de la JNA portaient les insignes de l'ex-Yougoslavie, ils portaient

  5   une étoile à cinq branches. Les membres de la Défense territoriale

  6   portaient des insignes serbes, un drapeau serbe. Et les formations chetniks

  7   se servaient essentiellement de leur emblème, des cocardes, et c'est là

  8   qu'on faisait la distinction. En plus, les Chetniks portaient ces espèces

  9   de toques traditionnelles. Donc il y avait des modalités pour ce qui est de

 10   savoir, de faire la distinction, qui faisait partie de quoi.

 11   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. Merci.

 12   M. STRINGER : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Karlovic, à présent, M. l'Huissier va vous aider pour que vous

 14   nous indiquiez sur l'image l'emplacement des cinq autocars au meilleur de

 15   vos souvenirs. Les cinq.

 16   R.  [Le témoin s'exécute]

 17   Q.  Est-ce que vous pouvez mettre la lettre A à côté, je vous prie.

 18   R.  [Le témoin s'exécute]

 19   Q.  Est-ce que vous pouvez maintenant nous montrer l'endroit où se trouvait

 20   l'autocar vert, c'est-à-dire l'autre autobus où on a fait monter des

 21   prisonniers qui étaient sur une liste.

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   Q.  Mettez une lettre B, je vous prie, à côté.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Vous nous avez mentionné un endroit, à savoir le hangar où les Chetniks

 26   avaient emmené des individus. Est-ce que vous pouvez nous indiquer cet

 27   emplacement-là tel que décrit par vous ?

 28   R.  Vous voulez que je mette une lettre C ?


Page 8663

  1   Q.  Oui, mettez une lettre C.

  2   R.  [Le témoin s'exécute]

  3   Q.  Bien. Alors, ça, c'est le hangar. Est-ce qu'on les emmenait à

  4   l'intérieur ou est-ce qu'on les emmenait ailleurs ?

  5   R.  Est-ce que vous voulez que je mette une flèche pour vous indiquer le

  6   sens du déplacement ?

  7   Q.  Oui, s'il vous plaît.

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   Q.  Fort bien. Pour finir, Monsieur Karlovic, si vous le pouvez, veuillez

 10   placer une flèche, une fois de plus, pour montrer l'endroit par lequel vous

 11   êtes entré dans la caserne une fois que vous êtes arrivé de l'hôpital, et

 12   également la direction que vous avez suivie en partant de la caserne pour

 13   aller à Ovcara.

 14   R.  Ça, c'est le sens du déplacement par où on est entré. Je précise que le

 15   stylet suit un cheminement que je n'avais pas souhaité lui faire suivre,

 16   mais c'est à peu près cela.

 17   Q.  Veuillez mettre une lettre D à côté, je vous prie.

 18   R.  [Le témoin s'exécute]

 19   Q.  Alors, ça, c'est l'entrée. Et maintenant, montrez-nous la sortie.

 20   R.  C'est la même voie de sortie, mais c'est dans l'autre sens que nous

 21   sommes repartis en direction d'Ovcara.

 22   Q.  Fort bien. Alors, pour ce qui est de la sortie, on va y mettre une

 23   lettre E.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Pour être tout à fait sûr que les choses sont clairement consignées au

 26   compte rendu d'audience, Monsieur Karlovic, ce C que vous avez annoté pour

 27   dire hangar -- là où on a emmené les prisonniers.

 28   R.  Je n'ai pas très bien compris. Le C désigne le hangar derrière lequel


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  1   on avait fait partir les prisonniers.

  2   Q.  Oui, c'était la question, et vous avez répondu. Merci.

  3   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander

  4   le versement au dossier de cette photo avec les annotations qui y figurent.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est admis au dossier et annoté.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P3002.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  8   M. STRINGER : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur le Témoin, dans votre déposition, vous avez dit que le groupe

 10   a ensuite quitté cet emplacement, la caserne, et est allé jusqu'à tel

 11   endroit appelé Ovcara -- vous pouvez poser le stylet. Vous n'avez plus

 12   besoin de celui-ci.

 13   Alors, au fur et à mesure que ces autocars sont arrivés à Ovcara, quel

 14   était le premier, quel était le dernier à arriver ?

 15   R.  Ecoutez, c'était une colonne de cinq autocars qui étaient escortés par

 16   l'armée, devant nous et derrière nous. Moi, j'étais dans l'avant-dernier

 17   des autocars, c'est-à-dire dans le quatrième. C'est, en bref, ce que je

 18   pourrais vous dire pour ce qui est de notre arrivée à Ovcara.

 19   Le transport n'a pas duré longtemps. On est arrivé relativement vite là-

 20   bas. Ces autocars se sont placés en colonne. Et ils s'approchaient un par

 21   un du hangar à Ovcara. Puis on faisait sortir les gens de ces autocars en

 22   colonne, par un. Ils passaient par cette espèce de haie d'hommes, où il y

 23   avait une quinzaine de soldats ennemis qui nous tapaient dessus.

 24   Alors, je ne sais pas s'il faut ajouter autre chose ou si vous voulez que

 25   je continue mon récit ?

 26   Q.  Je me propose de vous poser un certain nombre de questions. Parce que

 27   les Juges disposent d'une transcription du compte rendu d'audience de votre

 28   témoignage dans l'affaire Mrksic, et j'aimerais me pencher sur un certain


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  1   nombre de sujets, Monsieur Karlovic, éléments de déposition ou éléments de

  2   propos que vous avez pu entendre là-bas.

  3   Alors, vous avez décrit une conversation avec un individu que vous avez

  4   cité par son surnom, Stuka. Je vais vous demander ceci. Dans votre

  5   déposition, vous avez précisé que l'individu Stuka est venu avec son

  6   capitaine et vous a fait sortir du hangar après vous avoir fait passer par

  7   cette haie d'hommes.

  8   Alors, ma question est la suivante : lorsque vous vous êtes entretenu avec

  9   Stuka pendant le temps où vous vous trouviez à Ovcara, vous a-t-il dit quoi

 10   que ce soit au sujet du sort réservé aux gens qui se trouvaient dans le

 11   hangar ?

 12   R.  Bien, oui. Je me suis entretenu avec ce dénommé Stuka. Je lui ai

 13   demandé ce qu'il adviendrait de nous, et il a dit en termes simples qu'on

 14   allait tous nous exécuter, qu'on serait tous abattus. C'est tout ce que je

 15   peux vous dire au sujet de l'attitude. Cet homme, ce soldat de la JNA, m'a

 16   fait sortir du hangar. Et après être passé par la haie d'hommes et après

 17   avoir reçu des coups, je suis entré dans le hangar, là aussi j'ai reçu des

 18   coups, puis on m'a fait sortir.

 19   Et c'est ce que j'ai eu comme relation avec le dénommé Stuka. Il nous a dit

 20   qu'on allait tous être abattus, et que c'était le sort réservé au groupe

 21   entier.

 22   Q.  Pendant que vous vous trouviez à l'intérieur du hangar, est-ce que vous

 23   avez remarqué ou est-ce que vous êtes devenu conscient du fait qu'il y

 24   avait un autre prisonnier là-bas qui s'appelait Sinisa Glavasevic ?

 25   R.  Dès que je suis entré dans le hangar, du côté droit il y avait ce

 26   Sinisa Glavasevic. C'était juste au moment où ils étaient en train de le

 27   passer à tabac. Ils criaient de joie : Sinisa Glavasevic, c'était le plus

 28   grand des Oustachi, c'est lui qui avait tué le plus de nos hommes. Et


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  1   c'était un journaliste de la radio qui informait tous les jours des pertes

  2   de l'ennemi. C'était donc une ironie du sort que de les voir se comporter

  3   ainsi à son égard. Je me souviens très bien du moment où ils s'en sont

  4   donnés à cœur joie contre ce Sinisa Glavasevic.

  5   Q.  Pendant que les passages à tabac avaient lieu dans ce hangar, y a-t-il

  6   eu une relève du personnel ou est-ce que c'est les mêmes individus qui

  7   tabassaient les gens là-bas ?

  8   R.  En termes simples, c'est surtout la façon dont ça a été fait. Ils

  9   étaient tout le temps les mêmes, mais ils se sont partagés en groupes.

 10   Parce que le tabassage avait duré assez longtemps, il y avait donc deux

 11   groupes qui, sur un coup de sifflet, se relayaient. C'était d'abord les

 12   uns, puis à la relève c'était les autres qui venaient taper.

 13   Q.  Est-ce que vous avez pu remarquer qui est-ce qui avait ce sifflet pour

 14   donner le signal ?

 15   R.  Je ne l'ai pas vu, cela. C'est ce que j'ai pu entendre lorsque je me

 16   suis posté devant ce mur, face au hangar.

 17   Q.  Une fois que Stuka vous a fait sortir du hangar, est-ce que vous vous

 18   êtes trouvé là-bas avec d'autres personnes qu'on avait placées là ?

 19   R.  Oui. En sus de moi, il y en avait six autres; nous étions au total sept

 20   devant le hangar.

 21   Q.  Monsieur Karlovic, pendant ce temps-là, auriez-vous remarqué que l'on

 22   aurait fait sortir des enfants ou de très jeunes gens de ce hangar ?

 23   R.  Je me souviens d'une situation où une mère était venue au hangar. Je ne

 24   comprendrai jamais comment elle avait appris qu'il se passait quelque chose

 25   là-bas.

 26   J'ai ralenti un peu en raison des interprètes.

 27   Elle pleurait, elle disait que son fils se trouvait là et que c'était un

 28   invalide de naissance, qu'il n'avait rien à voir avec la guerre. Et je sais


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  1   qu'un officier de la JNA a fait sortir cet enfant. Cet enfant était déjà

  2   pas mal tabassé. Et cette mère, avant que de s'en aller en compagnie de

  3   l'enfant, a commencé à remercier cet officier. Et je me souviens qu'il lui

  4   a dit : Rappelez-vous bien du fait que la vie de votre fils a été sauvée --

  5   alors, là, je me souviens mal. C'était Ivanovic, Jovanovic ou Ivankovic.

  6   Mais il a 

  7   dit : Souvenez-vous bien que untel a sauvé la vie de votre enfant.

  8   Q.  Pendant combien de temps vous et les six autres du groupe du hangar

  9   êtes-vous restés dehors devant le hangar, et pendant combien de temps avez-

 10   vous pu observer ces événements ?

 11   R.  J'estime qu'on a dû y passer sûrement deux heures, parce qu'avant de

 12   nous en aller du hangar, il commençait à faire un petit peu nuit. On était

 13   en hiver, il devait être vers 5 heures et demie de l'après-midi.

 14   Q.  Lorsque vous avez quitté Ovcara, où êtes-vous allé ? Comment y êtes-

 15   vous arrivé ?

 16   R.  Une fourgonnette blanche est arrivée à Ovcara. On nous a entassés, nous

 17   sept, là-dedans. Et on nous a d'abord emmenés vers l'entrepôt de

 18   Velepromet. On s'est attardé fort peu de temps là-bas. Et ensuite, on nous

 19   a transportés vers l'usine Modateks.

 20   Q.  Qui est-ce qui vous a accompagné lorsque vous êtes allé en fourgonnette

 21   jusqu'à Modateks ?

 22   R.  Il y avait ce soldat de la JNA, Stuka, qui m'a sauvé, moi. Il y avait

 23   un autre soldat de la JNA, son surnom était Mujdzan. C'est tout ce dont je

 24   me rappelle. Il y avait le fils du Dr Ivankovic, un autre Serbe, lui aussi,

 25   qui faisait partie des rangs de l'armée ennemie. J'ai dit Dr Ivankovic. Le

 26   compte rendu est erroné. Et je crois qu'il y en avait un autre dont le nom

 27   et le surnom m'échappent à présent.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, la pièce à conviction


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  1   suivante est un clip vidéo qui est déjà versé au dossier.

  2   Q.  Nous allons juste le faire passer. Nous n'avons pas besoin de l'audio.

  3   Je vais juste vous demander de suivre l'enregistrement vidéo, et ensuite je

  4   vous poserai ma question.

  5   M. STRINGER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P1076.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. STRINGER : [interprétation] Très bien.

  8   Q.  Monsieur Karlovic, est-ce que vous reconnaissez qui que ce soit sur

  9   cette séquence vidéo ? Nous pouvons la rejouer, si vous le désirez.

 10   R.  Non, ce n'est pas nécessaire. Je vois bien -- vous pouvez la rejouer,

 11   mais je peux répondre à votre question d'ores et déjà.

 12   D'après ce que j'ai vu très rapidement, le soldat qui ferme le hangar, eh

 13   bien, je m'en souviens à Ovcara.

 14   Q.  Rejouons la séquence vidéo et puis nous arrêterons l'image pour

 15   identifier la personne que vous venez de décrire.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   M. STRINGER : [interprétation]

 18   Q.  Nous voyons un homme qui ferme la porte. Est-ce que c'est bien de lui

 19   que vous avez parlé ?

 20   R.  Oui. Celui qui tient encore la porte sur l'image arrêtée.

 21   Q.  Comment pouvez-vous vous souvenir avoir vu cette personne à Ovcara

 22   également ?

 23   R.  Eh bien, tout simplement, je me souviens de lui. Il portait les mêmes

 24   vêtements à Ovcara. Et il était un petit peu particulier, il se tenait

 25   toujours sur le côté en retrait. Il portait son fusil. Il n'a jamais

 26   participé à des rouages de coups. Il se contentait de regarder les choses,

 27   le regard grave, et j'ai eu l'impression qu'il se distanciait, qu'il

 28   prenait de la distance par rapport à tout ce qui se passait.


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  1   Voilà pourquoi je me souviens de lui.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Aux fins du compte rendu, Monsieur le

  3   Président, le témoin a identifié la personne qui se trouve à droite sur

  4   l'écran. Je peux passer à autre chose, à moins que les Juges de la Chambre

  5   désirent avoir davantage de détails sur cette identification. Très bien.

  6   Q.  Vous nous avez dit être retourné à un endroit qui s'appelait Modateks

  7   dans une fourgonnette blanche. Je vais vous poser des questions à ce sujet.

  8   M. STRINGER : [interprétation] Et entre-temps, j'aimerais demander

  9   l'affichage du document 2802 de la liste 65 ter, intercalaire 19. C'est une

 10   autre photographie. Document 2802.

 11   Le greffier [comme interprété] peut l'afficher à l'écran dès qu'il l'a

 12   retrouvée.

 13   Q.  Entre-temps, Monsieur Karlovic, est-ce que vous pourriez expliquer aux

 14   Juges de la Chambre ce qu'était cet endroit, Modateks ?

 15   R.  C'était une usine de textile. On y fabriquait des couvertures, je

 16   pense. Je me souviens que lorsque nous sommes entrés dans le bâtiment, il y

 17   avait une grande pièce, des tables s'y trouvaient, des machines à coudre.

 18   Donc c'était une petite usine de textile.

 19   Q.  Vous avez dit qu'il y avait sept prisonniers. J'aimerais savoir s'il y

 20   avait d'autres personnes à cet endroit à votre 

 21   arrivée ?

 22   R.  Oui. Il y avait un groupe de personnes, principalement des civils, des

 23   femmes, des enfants et des hommes âgés, les personnes qui étaient censées

 24   partir le lendemain pour être échangées en Croatie. C'est probablement la

 25   raison pour laquelle on nous a emmenés dans cet entrepôt. Je suppose que le

 26   plan était que nous qui avions été épargnés, nous allions être transportés

 27   avec ces civils en Croatie.

 28   Q.  Très bien. Cela a eu lieu la nuit du 20 novembre. Pendant cette nuit,


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  1   est-ce que quoi que ce soit a eu lieu ?

  2   R.  Oui, oui. Et c'est quelque chose d'important. Cela a expliqué pourquoi

  3   nous sommes restés à Vukovar au bout du compte.

  4   Pendant cette nuit, un groupe composé de plusieurs hommes est arrivé.

  5   Bulidza était à leur tête. Dès qu'ils nous ont vus, nous sept, ils nous ont

  6   menacés, ils nous ont dit de ne pas bouger, qu'on nous tuerait. Ils nous

  7   ont insultés, ils nous ont menacés, ils nous ont dit qu'ils allaient venir

  8   nous chercher le lendemain matin pour nous tuer. Après cela, ils sont

  9   partis, et nous sommes restés dans l'entrepôt jusqu'au matin. Les civils

 10   ont été emmenés au petit matin, et nous sept, nous sommes restés dans

 11   l'entrepôt.

 12   Q.  Donc c'est à partir de cet endroit, à Modateks, que votre groupe est

 13   passé à Velepromet ce matin-là -- au bâtiment de l'usine Velepromet ?

 14   R.  Je vais reprendre là où je me suis arrêté. Au matin, nous étions là

 15   tous les sept. Et le groupe, avec Bulidza à sa tête, est revenu. On nous a

 16   roués de coups, on nous a insultés, on nous a menacés. Mais un homme qui

 17   était là et qui nous gardait nous a pris sous son aile. Il s'occupait des

 18   civils. Il avait plusieurs anciens soldats de la JNA avec lui. On le

 19   surnommait Deda, Grand-père. Les autres l'appelaient comme ça. Et puis,

 20   j'ai appris qu'il s'appelait Jezdimir Stankovic, en fait. Il a convaincu

 21   Bulidza et son groupe de nous laisser tranquille pendant un moment. Il leur

 22   a dit que nous devions nettoyer l'entrepôt. Il a dit à Bulidza de revenir

 23   plus tard. Et je peux dire aujourd'hui que cet homme nous a sauvé la vie.

 24   Bulidza s'est exécuté, et après les mauvais traitements et après nous avoir

 25   roué de coups, lui et son groupe sont partis. Et Grand-père, probablement

 26   pour ne plus avoir d'ennuis avec nous, a décidé de nous emmener à

 27   l'entrepôt de Velepromet.

 28   Q.  Ce passage à tabac auquel vous faites référence, qui a été effectué par


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  1   les Chetniks ce matin-là à Modateks, pendant ce passage à tabac, j'aimerais

  2   savoir s'il y a eu d'autres menaces directes à votre encontre par l'un des

  3   membres du groupe ?

  4   R.  Oui. Le passage à tabac en lui-même était une menace, on nous faisait

  5   savoir ce qu'il nous arriverait plus tard. Je me souviens même qu'un homme

  6   avait mis le canon de son pistolet dans ma bouche. Et tous ces rouages de

  7   coups avaient pour objectif de nous faire bien rentrer dans le crâne que

  8   nous allions être tués. Ça n'a pas duré longtemps, mais c'était très

  9   douloureux.

 10   Q.  Lorsque vous étiez à Velepromet -- lorsque vous êtes arrivé à

 11   Velepromet, est-ce que vous avez vu un événement qui a fait participer un

 12   homme âgé, un prisonnier ?

 13   R.  Oui. Oui, j'ai vu cela lorsque j'étais encore debout en colonne. Je

 14   dois vous dire que lorsque nous sommes arrivés à Velepromet, il y avait

 15   déjà un groupe de personnes qui avaient formé une colonne, et un homme a

 16   été sorti de notre groupe, de notre colonne. Ils l'ont écarté du groupe et

 17   lui ont tranché la gorge avec un tesson de bouteille.

 18   Cela a eu lieu à environ 30 mètres de moi.

 19   Q.  Regardons l'écran à présent, Monsieur Karlovic. Est-ce que vous

 20   reconnaissez cet endroit ?

 21   R.  Oui. C'est Velepromet.

 22   Q.  Est-ce que vous pourriez indiquer avec le stylet l'endroit où vous vous

 23   trouviez debout et où cet événement a eu lieu, l'événement impliquant

 24   l'homme qui a eu la gorge tranchée ?

 25   R.  J'ai été un petit peu trop loin avec le stylet, d'un centimètre.

 26   Q.  [aucune interprétation]

 27   R.  Vous voulez que je ressaye ?

 28   Q.  On peut peut-être effacer les annotations et reprendre depuis le début.


Page 8672

  1   Attendez un instant, Monsieur Karlovic. On va venir vous aider.

  2   Très bien…

  3   R.  Ça se rapprocherait plus du point le plus gros des deux.

  4   Q.  Apposez un X.

  5   R.  Voilà. [Le témoin s'exécute]. J'ai fait de mon mieux.

  6   Q.  Vous venez d'apposer un point sur cette photographie. Que représente-t-

  7   il ?

  8   R.  C'est grosso modo l'endroit où j'étais lorsque cet événement a eu lieu.

  9   Q.  Est-ce que cet événement a eu lieu pendant que vous étiez debout ou

 10   est-ce que cet événement a eu lieu ailleurs, à un autre moment ?

 11   R.  Non. On l'a emmené à l'arrière. Je peux vous indiquer la direction --

 12   Q.  Oui, s'il vous plaît.

 13   R.  [Le témoin s'exécute]

 14   Q.  Bien.

 15   R.  Là encore, le stylet a légèrement glissé de ma main. C'est vraiment une

 16   approximation que je vous ai donnée, là.

 17   Q.  Je vais vous demander d'apposer la lettre A à l'endroit où vous vous

 18   trouviez et la lettre B à l'endroit où l'événement a eu lieu.

 19   R.  [Le témoin s'exécute]

 20   Q.  Merci. Monsieur Karlovic, pour gagner du temps, nous avons votre

 21   déclaration, si nécessaire. Après cela, on vous a mis dans une pièce que

 22   l'on appelait l'atelier de menuiserie. J'aimerais que vous entouriez

 23   l'emplacement sur la photographie, s'il vous plaît.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Et mettez-y la lettre C.

 26   R.  [Le témoin s'exécute]

 27   M. STRINGER : [interprétation] Nous demandons le versement de ce document,

 28   Monsieur le Président.


Page 8673

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le document est admis. Quelle sera sa

  2   cote ?

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce P3003, Messieurs

  4   les Juges.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Je demande l'affichage de l'intercalaire 18,

  7   document 2725 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  8   Q.  En attendant que le document s'affiche, Monsieur Karlovic, j'aimerais

  9   savoir environ combien de temps vous êtes resté dans cet atelier surnommé

 10   Stolarija ? Vous y êtes arrivé le 21 novembre.

 11   R.  J'y suis resté dans un premier temps cinq à six heures. Quand on m'a

 12   sorti de l'atelier de menuiserie, je suis passé par -- ah, vous voulez me

 13   poser une question ?

 14   Q.  Oui, avant de passer à l'endroit suivant où vous vous êtes rendu.

 15   J'aimerais que vous me disiez où se trouvait cette pièce à laquelle vous

 16   avez fait référence sur la photographie ?

 17   R.  La pièce, c'est celle-ci. Mais le stylet ne fonctionne plus. Je ne sais

 18   pas pourquoi…

 19   Q.  M. l'Huissier va vous aider. Je vais vous demander d'apposer la lettre

 20   A à cet endroit-là.

 21   R.  [Le témoin s'exécute]

 22   Q.  Dans cette pièce, est-ce qu'il y avait l'un des autres prisonniers,

 23   vous étiez un groupe de sept, est-ce qu'il y avait l'un d'entre eux avec

 24   vous ? Vous veniez d'Ovcara.

 25   R.  Oui. Tihomir Perkovic était avec moi.

 26   Q.  Est-ce que vous savez si d'autres personnes de ce groupe avaient été

 27   détenues à ce moment-là ?

 28   R.  Eh bien, il y avait une autre pièce - je vais lui donner la lettre B -


Page 8674

  1   et cette pièce faisait face à la nôtre.

  2   Q.  A l'écran, nous voyons entre ces deux lettres une porte, semble-t-il.

  3   S'agit-il de la porte par laquelle vous êtes passé pour entrer dans le

  4   bâtiment ?

  5   R.  C'est la pièce centrale, en fait. Il y a l'entrée qui donne sur la

  6   pièce centrale, et de cette pièce-là, on pouvait accéder à ma gauche à la

  7   pièce A et à ma droite à la pièce B.

  8   Q.  Dans votre déposition, vous avez parlé de prisonniers qui avaient été

  9   sortis de ces pièces par des Chetniks. Ma question est la suivante :

 10   pendant ce temps-là, est-ce que vous avez pu constater qu'une procédure

 11   particulière était suivie ? Comment les choses se sont-elles passées, en

 12   fait ?

 13   R.  Il n'y avait pas de procédure. La police militaire de la JNA était

 14   chargée de nous garder. Mais les Chetniks pouvaient entrer dans les deux

 15   pièces librement, les deux pièces où nous nous trouvions, et emmener des

 16   personnes. En fait, la police militaire de la JNA, en collaboration avec

 17   les Chetniks, avait organisé l'enlèvement de ces personnes pour qu'elles

 18   soient tuées.

 19   Q.  Et les hommes qui ont été emmenés, est-ce qu'on leur a ordonné de faire

 20   quoi que ce soit avant de quitter le bâtiment ?

 21   R.  La plupart des gens qui sont sortis de la pièce ont dû se déshabiller.

 22   Par exemple, quand quelqu'un est parti de la pièce où moi je me trouvais,

 23   cette personne devait se déshabiller et laisser les vêtements derrière la

 24   porte.

 25   Q.  Quel âge avait la personne la plus jeune dans la pièce où vous étiez ?

 26   R.  Là où j'étais, le plus jeune avait 14 ans. Environ 14 ans. On l'a aussi

 27   emmené. Il y avait deux frères. Ils ont voulu d'abord emmener le plus âgé

 28   des deux, mais quand le cadet a commencé à crier, à pleurer, à s'accrocher


Page 8675

  1   à lui et à ne pas vouloir le laisser partir, ils ont laissé l'aîné dans la

  2   pièce et ils ont emmené le cadet à sa place. Il avait environ 14 ans. Et

  3   quand il a quitté la pièce, il a dû enlever ses vêtements. On l'a emmené

  4   dehors. On a entendu ses gémissements, ses pleurs. Il disait : Ça fait mal,

  5   ne me faites pas ça. Après cela, on a entendu des coups de feu. Et nous

  6   n'avons plus jamais entendu la voix de cet enfant.

  7   Q.  Est-ce que vous vous souvenez des noms des Chetniks qui emmenaient ces

  8   prisonniers ou est-ce que vous avez entendu leurs noms prononcés ?

  9   R.  Je me souviens que l'un d'entre eux s'appelait Dule. Un autre Sveto, ou

 10   Stevo, ou Stevan. Je ne suis pas sûr.

 11   Quoi qu'il en soit, ces personnes faisaient partie du même groupe qui, ce

 12   jour, dans les quelques heures, a emmené les personnes qui se trouvaient

 13   dans ces deux pièces.

 14   Q.  Qu'est-il advenu de M. Perkovic ?

 15   R.  On l'a fait sortir de la pièce où je me trouvais. Malheureusement,

 16   l'homme que l'on surnommait Sveto le connaissait, il connaissait Perkovic,

 17   et Sveto avait l'air très heureux de l'avoir retrouvé. Et aujourd'hui, j'ai

 18   appris qu'après l'avoir emmené, Perkovic a été tué. Il n'a pas survécu.

 19   Q.  On vous a fait sortir de la pièce à un moment.

 20   M. STRINGER : [interprétation] Je demande l'affichage de l'intercalaire 8,

 21   document 2675.

 22   Et j'ai oublié de demander le versement de la pièce actuelle,

 23   Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La pièce est admise. On lui attribue

 25   une cote.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cela devient la pièce P3004, Messieurs

 27   les Juges.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.


Page 8676

  1   M. STRINGER : [interprétation] Donc je demande l'affichage de

  2   l'intercalaire 8, document 2675 de la liste 65 ter.

  3   Q.  En attendant l'affichage de ce document, Monsieur Karlovic, j'aimerais

  4   savoir qui est venu vous prendre de cette pièce ?

  5   R.  C'est un groupe de Chetniks qui est venu me chercher. Ce jour-là,

  6   pendant ces quelques heures, les Chetniks n'étaient pas à l'entrepôt de

  7   Velepromet. Ils sont arrivés pour me chercher, ils m'ont fait sortir de la

  8   pièce et ils m'ont fait aller dans la maison où j'ai été torturé par la

  9   suite.

 10   Q.  Nous avons là l'une des photographies que vous avez annotées pendant

 11   votre déposition dans l'affaire Mrksic. Que nous montre la flèche à l'écran

 12   ?

 13   R.  La flèche indique la route que j'ai suivie lorsque Belgija est venu me

 14   chercher. Et Belgija, c'était le surnom de l'homme qui m'a emmené là-bas.

 15   Q.  Et que représente la lettre A ?

 16   R.  C'est l'endroit d'où je suis parti.

 17   Q.  Lorsque vous vous trouviez sur ce chemin à Velepromet, est-ce que vous

 18   avez vu des corps ?

 19   R.  Oui. Oui, j'ai plusieurs dépouilles qui jonchaient le sol. En sortant

 20   de la cour de Velepromet, près des rails, il y en avait.

 21   Q.  Dans votre déposition, vous avez dit que cette personne, Belgija, vous

 22   a emmené dans un entrepôt où vous avez rejoint un groupe plus important de

 23   Chetniks.

 24   Est-ce que vous pourriez nous décrire brièvement ce qui s'est passé à

 25   cet endroit-là.

 26   R.  On m'a emmené dans une maison. Il y avait là plus de 20 Chetniks. Après

 27   y être arrivé, les Chetniks étaient contents. En fait, on venait de leur

 28   remettre un jeune Oustacha avec lequel ils avaient pu s'amuser. Au milieu


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  1   de la pièce se trouvait une table. Sur la table, de la nourriture et des

  2   boissons. On m'a fait asseoir au milieu. Un homme me tenait en joue, le

  3   canon de son pistolet était pointé sur ma tempe. Il est resté derrière moi

  4   pendant tout le temps. A ma droite se trouvait cet homme-là dont j'ai parlé

  5   tout à l'heure, Belgija. De l'autre côté, un homme plus âgé. Et puis, les

  6   mauvais traitements ont commencé. On m'a roué de coups, on m'a insulté, on

  7   m'a craché dessus. A un moment, ils m'ont déshabillé, et on m'a laissé là

  8   nu comme un ver. Et pendant ces mauvais traitements, ce rouage de coups, on

  9   m'a grièvement blessé au bras, au dos. Ils ont fait couler des bougies sur

 10   ma peau. On m'a cassé le nez. On m'a menacé. Et parmi ce groupe, il y avait

 11   une femme qui n'arrêtait pas de dire qu'elle voulait me violer, et elle

 12   disait qu'après m'avoir violé, elle me couperait les parties génitales.

 13   Elle s'appelait Daka [phon]. Le point d'orgue serait que Belgija me tranche

 14   la gorge.

 15   Q.  Monsieur Karlovic, est-ce que l'on vous a violé pendant cet événement-

 16   là ?

 17   R.  Heureusement, non.

 18   Q.  Que s'est-il passé d'autre pendant ce temps-là ?

 19   R.  A un moment, un homme est venu dans la maison. Je sais aujourd'hui qui

 20   c'est. Il s'appelait Mare, c'était son surnom. Son vrai nom était Marko

 21   Ljuboja. Il a regardé tout ce qui se passait, il était présent. Et il a dit

 22   : Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Qu'est-ce qui se passe ? Marko Ljuboja

 23   était aussi membre des Chetniks. Plus précisément, il faisait partie des

 24   Chetniks de Seselj. Après avoir vu ce que l'on m'avait fait, il est parti

 25   de la maison, et je me souviens que les autres lui ont dit : Non, ne fait

 26   pas ça. Tu vas le sauver. Tu veux le sauver. Et en partant, il a dit : Non,

 27   non, continuez ce que vous êtes en train de faire. Mais, en fait, il est

 28   revenu avec un autre homme que l'on surnommait Kinez.


Page 8678

  1   Q.  Désolé de vous interrompre, Monsieur, mais je vois l'heure et il est

  2   temps de faire la première pause. Résumons ce sujet-là. C'est donc bien

  3   Kinez et Mare qui ont réussi à vous faire sortir de cette maison où se

  4   trouvaient les Chetniks ?

  5   R.  Oui. Ils ont difficilement réussi à me faire sortir, parce qu'ils en

  6   sont presque venus aux fusils. Mais ils y ont réussi.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je me tourne vers la

  8   Chambre pour savoir s'il est temps de faire la pause.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 10   Monsieur Karlovic, nous allons faire notre première pause, 30

 11   minutes. Nous reviendrons à 11 heures. M. l'Huissier va vous escorter.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je ne crois pas.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, effectivement, c'est les

 14   services de sécurité qui vont vous escorter.

 15   Nous suspendons l'audience.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 18   [Le témoin vient à la barre]

 19   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Stringer, poursuivez.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Monsieur Karlovic, il y a quelque chose, en fait, qui m'a échappé et je

 23   voudrais juste que nous y revenions rapidement avant de poursuivre

 24   l'interrogatoire principal. En fait, je voulais vous montrer ce qui figure

 25   à l'intercalaire 13, il s'agit du document 2681 de la liste 65 ter. C'est

 26   une photographie.

 27   Monsieur Karlovic, il s'agit de l'une des photographies sur laquelle vous

 28   avez fait des annotations pendant votre déposition dans l'affaire Mrksic,


Page 8679

  1   donc je ne vais pas vous demander d'ajouter quoi que ce soit. Mais

  2   pourriez-vous brièvement décrire à l'intention des Juges de la Chambre ce

  3   que nous voyons sur cette photographie et à quoi correspond ce que vous

  4   avez indiqué.

  5   Dans un premier temps, je pense que je devrais vous demander où cela se

  6   situe ?

  7   R.  Il s'agit de la zone d'Ovcara où se trouve ce hangar, où nous avons été

  8   conduits depuis la caserne de Vukovar.

  9   Q.  Est-ce que vous pourriez nous décrire rapidement les annotations que

 10   vous avez faites. A quoi est-ce qu'elles correspondent ?

 11   R.  Premièrement, j'ai indiqué où s'était trouvée la colonne d'autocars.

 12   Puis, avec le numéro 2, j'ai indiqué où j'avais eu un contact avec le

 13   soldat qui répondait au surnom de Stuka. Le numéro 3, en fait, c'est

 14   l'endroit qui est devant le hangar, c'est l'endroit où nous sept, nous

 15   avons été sauvés et où nous étions.

 16   Q.  Merci. Alors, Monsieur Karlovic, j'aimerais maintenant vous demander de

 17   regarder un bref extrait vidéo, qui a déjà été versé au dossier sous la

 18   cote P1729. Ce n'est pas la peine que nous entendions le son.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   M. STRINGER : [interprétation]

 21   Q.  Avez-vous vu sur cet extrait vidéo quelqu'un que vous reconnaissez,

 22   Monsieur Karlovic ?

 23   R.  J'ai reconnu Kinez qui, avec Mare, m'a sauvé la vie dans cette maison

 24   dont je vous ai parlé il y a un moment.

 25   Q.  Donc, hier -- bon, nous nous sommes réunis et vous avez vu cet extrait

 26   vidéo. Mais à part hier, est-ce que vous l'aviez déjà vu précédemment, cet

 27   extrait vidéo ?

 28   R.  Oui, oui. Je l'avais également trouvé sur YouTube. Donc je l'avais déjà


Page 8680

  1   vu avant.

  2   Q.  Est-ce que nous pourrions revoir et rediffuser cet extrait vidéo, et

  3   dites-nous donc qui est l'homme que vous reconnaissez comme étant Kinez.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   R.  Vous voulez que je l'arrête ?

  6   Q.  Voilà.

  7   R.  Là, voilà. C'est lui.

  8   C'est l'homme que vous voyez sur l'arrêt sur image, l'homme grand qui se

  9   trouve à l'arrière-plan et qui porte un béret. Est-ce que cela suffit comme

 10   description ?

 11   Q.  Oui. Merci.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Est-ce que le document P1730, qui a la cote

 13   de la liste 65 ter 4885, pourrait être affiché. La première page, en fait.

 14   Donc je dirais, pour le compte rendu d'audience, Monsieur le Président, que

 15   pour ce qui est du code horaire, le témoin nous a indiqué cette personne à

 16   l'arrêt sur image 2 heures, 49 minutes, 29.1 secondes.

 17   Est-ce que -- ah, excusez-moi. Oui, la photographie est toujours affichée.

 18   Excusez-moi.

 19   Donc, document 4885.1 de la liste 65 ter. Non, excusez-moi, 4885.2.

 20   Excusez-moi.

 21   Q.  Monsieur Karlovic, nous pouvons donc travailler sur cette photographie

 22   en quelque sorte. Et avec le stylet que va vous remettre M. l'Huissier,

 23   pourriez-vous faire un cercle autour de la tête de la personne que vous

 24   avez reconnue comme étant Kinez.

 25   R.  [Le témoin s'exécute]

 26   Q.  Merci.

 27   M. STRINGER : [interprétation] Et nous demandons le versement au dossier de

 28   cette photographie, Monsieur le Président.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela sera versé au dossier et retenu.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Et ce sera la pièce P3005, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

  5   M. STRINGER : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que Kinez était vêtu de la sorte lorsque qu'il est venu dans

  7   cette maison avec Mare lorsqu'ils vous ont enlevés, en quelque sorte, à ces

  8   Chetniks ?

  9   R.  Oui. Pour autant que je m'en souvienne, oui.

 10   Q.  Donc, après ces événements du mois de novembre 1991, avez-vous jamais

 11   rencontré à nouveau cette personne répondant au surnom de Kinez ?

 12   R.  Eh bien, je l'ai rencontré lors du procès du Belgrade qui portait sur

 13   les crimes commis à Ovcara. Moi, j'ai témoigné à Belgrade à ce moment-là.

 14   J'ai reconnu Kinez. La cour, les juges m'avaient demandé, en fait, de

 15   l'identifier, lui ainsi que Marko. Je l'ai vu là pour la première fois, en

 16   fait, après l'année 1991.

 17   Q.  Et est-ce que vous vous souvenez maintenant de son véritable nom ?

 18   R.  Predrag Milojevic, et son nom était Kinez.

 19   Q.  Je regarde l'heure qui passe, Monsieur Karlovic, donc je vous présente

 20   par avance mes excuses si je vous interromps de temps à autre parce que je

 21   voudrais véritablement aborder tous les sujets que j'avais prévus d'aborder

 22   lors du temps qui m'a été imparti.

 23   Alors, vous avez témoigné dans l'affaire Mrksic, et ce n'est pas la peine

 24   d'entrer dans tous les détails, mais vous avez fini -- en fait, vous vous

 25   êtes retrouvé donc à Velepromet. Et combien de temps est-ce que vous y êtes

 26   resté ?

 27   R.  Après que Kinez et Mare ont réussi à me faire sortir de cette maison,

 28   j'ai été une fois de plus accompagné par lui et par Mare, puis il y avait


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  1   d'autres soldats de la JNA également, et ils m'ont raccompagné à

  2   Velepromet. J'y suis resté pendant trois à quatre heures. Et puis, à un

  3   moment donné avant minuit, la JNA, avec certains de leurs officiers, ont

  4   déplacé tous les gens de Velepromet à la caserne de Vukovar, et c'est là où

  5   nous avons passé la nuit. Et je vous parle de la nuit du 21 novembre 1991.

  6   Q.  Et avant que nous ne parlions du jour suivant, donc du 22 novembre,

  7   avant que vous ne reveniez à Velepromet, est-ce qu'on vous a prodigué des

  8   soins pour les blessures que vous aviez subies lors de votre rencontre avec

  9   les Chetniks ?

 10   R.  Oui. L'officier nous a ramenés à la caserne, et puis il m'a regardé, il

 11   a vu toutes les blessures que j'avais, il m'a emmené voir un docteur qui a

 12   effectivement pansé mes blessures et qui m'a aidé comme il le pouvait.

 13   C'est là, en fait, que l'on m'a prodigué ces soins.

 14   Q.  Le lendemain, donc le 22 novembre, Monsieur Karlovic, est-ce que vous

 15   pourriez nous dire ce qui s'est passé ?

 16   Et je dois vous dire que je vais vous demander d'entrer dans les

 17   détails parce que vous n'avez pas parlé de cela lors de votre déposition

 18   dans l'affaire Mrksic.

 19   R.  Le 22 novembre, le matin du 22 novembre, on nous a conduits

 20   depuis la caserne de Vukovar dans un grand autocar. Nous étions une

 21   soixantaine, voire 70. Et là, ils nous ont conduits jusqu'à Sremska

 22   Mitrovica. Pendant ce voyage, nous nous sommes arrêtés à Negoslavci, à Sid

 23   également. Enfin, quoi qu'il en soit, les Serbes qui résidaient dans ces

 24   localités sortaient. Alors, bien entendu, leur comportement vis-à-vis de

 25   nous était extrêmement hostile, ils nous insultaient, ils proféraient des

 26   jurons, et cetera. Bon, nous avons fini par arriver à la prison de Sremska

 27   Mitrovica.

 28   On nous a fait sortir des autocars, on nous a emmenés dans une salle


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  1   de gymnastique. Alors, là, on a dû se dévêtir complètement. Ils nous ont

  2   fouillés.

  3   En ce qui me concerne personnellement, moi, parce qu'ils ont vu mes

  4   blessures, et lorsque je leur ai dit comment j'avais eu ces blessures, que

  5   c'est la première fois que j'ai été brutalement roué de coups à Sremska

  6   Mitrovica. Donc j'ai été battu alors que j'étais tout nu. Après ce passage

  7   à tabac, on m'a fait sortir. J'étais le dernier, en fait, à rester dans

  8   cette salle de gymnastique. Ensuite, ils m'ont fait sortir dehors. Ensuite,

  9   nous avons dû nous aligner dans un champ, et les policiers, à savoir les

 10   gardiens de prison qui travaillaient à cette prison, nous ont roués de

 11   coups. Il y avait quelques policiers militaires également qui ont participé

 12   à ces sévices et à ces passages à tabac. Je dois vous dire qu'ils nous ont

 13   véritablement battus de façon brutale.

 14   En fait, étant donné que j'étais de Zagreb, ils savaient que je

 15   faisais partie du Corps de la Garde nationale, et donc quelle ne fût pas ma

 16   malchance, parce que dès que j'ai prononcé une phrase et dès que j'ai dit,

 17   en fait, que les incisions et coupures avaient été faites par des Chetniks,

 18   là, je dois dire que j'ai bénéficié d'un traitement spécial.

 19   Après qu'ils nous ont --

 20   Q.  Excusez-moi. Je vous interromps parce que je voulais poser une question

 21   à propos de ce que vous avez dit jusqu'à présent.

 22   Vous venez de nous dire que vous étiez un groupe assez important. Vous

 23   étiez entre 60 et 70 personnes dans ce groupe. D'où venaient les autres

 24   personnes ? Les autres personnes avec qui vous avez été transportés à

 25   Sremska Mitrovica, d'où venaient-elles ?

 26   R.  Eh bien, je voudrais revenir sur quelque chose pour préciser la

 27   situation.

 28   Car il faut savoir que déjà à Velepromet, nous étions tous là pour la


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  1   plupart, ceux dont je parle. Lorsque nous sommes arrivés à la caserne de

  2   Vukovar la nuit du 21, tard dans la soirée, lorsque nous sommes arrivés à

  3   la caserne, il y avait déjà des personnes. Combien, je ne le sais pas

  4   exactement. Mais ce que je pourrais vous dire, et c'est une estimation,

  5   c'est que les gens de Velepromet et les gens qui se trouvaient déjà dans la

  6   caserne, le nombre total de ces personnes ne dépassait pas 70. Comment est-

  7   ce que je le sais ? Parce que l'autocar était plein.

  8   Tout le monde était assis, toutes les places assises étaient

  9   occupées, et il y avait aussi des gens debout dans l'autocar. Donc c'est

 10   sur cela que je m'appuie pour indiquer quel est le nombre de personnes.

 11   Est-ce que cela vous suffit comme réponse ?

 12   Q.  Est-ce que vous savez d'où venaient ces autres personnes, ces personnes

 13   avec qui vous avez été à Velepromet et à la caserne ?

 14   R.  Ecoutez, moi, je ne savais pas d'où elles venaient, mais c'étaient des

 15   gens de Vukovar qui avaient probablement été faits prisonniers dans des

 16   endroits différents. Là, je n'ai pas d'information précise à ce sujet.

 17   Q.  Est-ce que vous pourriez décrire les uniformes, si tant est que vous

 18   vous en souvenez, les uniformes de ces gens qui vous ont roués de coups à

 19   votre arrivée à Sremska Mitrovica ?

 20   R.  Les gardiens de prison portaient l'uniforme de la police, l'uniforme

 21   bleu traditionnel de la police. La police militaire, eux, ils avaient leurs

 22   tenues de camouflage. Il faut savoir qu'ils avaient aussi, en plus, ces

 23   ceinturons et ces ceinturons blancs qui passent au niveau des épaules

 24   également. Voilà, c'est ça qu'ils portaient.

 25   Q.  Et est-ce que ces groupes ont participé à ces passages à tabac ?

 26   R.  Oui, ils l'ont fait ensemble.

 27   Q.  Quelles ont été les conditions de votre emprisonnant ? Où est-ce qu'ils

 28   vous ont mis ?


Page 8685

  1   R.  Premièrement, je me trouvais dans un endroit précis pendant plusieurs

  2   jours. Je ne sais pas comment vous décrire cet endroit. Nous étions environ

  3   une soixantaine. Il y avait des matelas par terre, à même le sol. La pièce

  4   était pleine à craquer de gens. Après ces quelques premiers jours, j'ai été

  5   transféré, envoyé dans une pièce plus grande dans un lieu différent. Là,

  6   nous étions quelque 180. La pièce était remplie de lits. Il y avait du

  7   chauffage. C'était l'hiver.

  8   Et dans cette pièce, il y avait des toilettes séparées avec un lavabo. Là,

  9   on nous donnait trois repas par jour. Pour vous dire toute la vérité, ils

 10   étaient plutôt de piètre qualité, ces repas, mais nous avions trois repas

 11   par jour. Et les gens, en fait, on les faisait sortir régulièrement pour

 12   des interrogatoires. Lors de ces interrogatoires, il était absolument

 13   manifeste que les gens étaient roués de coups.

 14   Q.  Lorsque votre groupe est arrivé, est-ce que vous avez été les premiers

 15   prisonniers arrivés ou est-ce qu'il y avait déjà des prisonniers à cet

 16   endroit ?

 17   R.  Ecoutez, moi, je faisais partie des derniers. Il y avait déjà de

 18   nombreux prisonniers à Mitrovica.

 19   Q.  Et les autres prisonniers, est-ce qu'il s'en trouvait qui sont restés

 20   dans cette pièce où se trouvaient quelque 180 personnes, comme vous venez

 21   de nous le décrire ?

 22   R.  Excusez-moi, mais je dois vous poser une question. Vous voulez parler

 23   du groupe qui est arrivé avec moi ?

 24   Q.  Excusez-moi. Le groupe qui est arrivé avec vous -- je vais reformuler

 25   ma question.

 26   Il y a d'autres prisonniers qui se trouvaient dans la place déjà lorsque

 27   vous êtes arrivé; est-ce bien exact ?

 28   R.  Oui. Oui, oui. Nous parlons du moment où nous étions juste arrivés, du


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  1   premier jour. Oui, certes, il y avait déjà des prisonniers à Mitrovica.

  2   Q.  Mais est-ce que vous savez d'où ils venaient, quel avait été leur

  3   parcours ?

  4   R.  Ecoutez, leur parcours, ça avait été le parcours qui avait été le mien,

  5   de Vukovar à Sremska Mitrovica. C'étaient des gens qui vivaient à Vukovar,

  6   qui avaient combattu à Vukovar. Il y avait un certain nombre de civils.

  7   Voilà, c'était comme ça.

  8   Q.  Et est-ce que tous les prisonniers se sont retrouvés dans cette pièce

  9   où il y avait 180 personnes ?

 10   R.  Oui. Lorsque j'ai été emmené dans cette grande pièce, nous étions tous

 11   ensemble, les 180 personnes.

 12   Si vous m'y autorisez, je vais vous donner une information qui vous sera

 13   peut-être utile à vous tous.

 14   Moi, je n'ai pas compris pourquoi ils m'avaient emmené dans cette salle.

 15   Parce qu'ils m'ont transféré, en quelque sorte, emmené dans cette salle où

 16   toutes les personnes qui s'y trouvaient étaient des personnes qui avaient

 17   été faites prisonnières à Mitnica. Ils s'étaient tous rendus à Mitnica. Ça,

 18   c'était un groupe indépendant, complètement indépendant de la ville de

 19   Vukovar. Donc j'avais été dans cette première pièce, puis ensuite j'ai été

 20   séparé et on m'a conduit dans cette pièce où il y avait ces quelque 180

 21   personnes de Mitnica.

 22   Je voulais juste vous fournir cette explication, pour être utile.

 23   Q.  Combien de temps, approximativement, bien sûr, êtes-vous resté dans

 24   cette pièce où il y avait ces 180 personnes ?

 25   R.  J'y suis resté environ deux mois. Peut-être deux mois et deux jours.

 26   Q.  Et pendant cette période, est-ce que vous avez rencontré des Serbes, à

 27   l'exception des gardes ? Est-ce que votre groupe a vu des Serbes ?

 28   R.  Eh bien, oui, on nous faisait sortir pour ces interrogatoires tout le


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  1   temps. Donc j'ai vu ces gardes.

  2   J'aimerais juste mentionner qu'une délégation nous a rendu visite. C'était

  3   peut-être déjà au mois de janvier 1992. Il se trouve qu'une délégation est

  4   arrivée pour nous rendre visite. Elle venait de cette région de la Croatie

  5   qui était occupée à ce moment-là. Je ne me souviens pas comment elle

  6   s'appelle, cette région. Je crois que c'est le Srem occidental ou quelque

  7   chose de ce style. Ils sont venus et nous ont rendu visite - je peux

  8   poursuivre - et je peux vous dire que M. Hadzic faisait partie de cette

  9   délégation. Je m'en souviens de cela. Il y avait plusieurs autres personnes

 10   avec lui. Donc ils sont venus inspecter cette pièce. M. Goran Hadzic n'a

 11   rien dit. Il s'est contenté d'observer, de regarder, il a déambulé dans la

 12   pièce. Il y avait des gens qui l'accompagnaient qui ont eu des propos

 13   provocateurs vis-à-vis des personnes qui se trouvaient là. Et étant donné

 14   qu'il s'agissait également de personnes de Vukovar, ils connaissaient nos

 15   Croates de Vukovar, mais bon, il y a eu donc ces provocations.

 16   Q.  Est-ce que vous vous souvenez si M. Hadzic ou ce groupe avec lequel il

 17   s'est trouvé était accompagné par des militaires ?

 18   R.  Oui, oui. Ils étaient accompagnés par la police militaire parce que,

 19   eux-mêmes, ils portaient des uniformes, et des uniformes de camouflage

 20   d'ailleurs. Donc ils étaient revêtus d'uniformes, et les gens qui sont

 21   venus avec eux, à savoir les gens de l'armée Yougoslave, les

 22   accompagnaient. Puis il y avait également les policiers militaires qui nous

 23   gardaient qui étaient là également.

 24   Q.  Mais est-ce que vous vous souvenez de la tenue vestimentaire de M.

 25   Hadzic ?

 26   R.  Ecoutez, je ne peux pas vous fournir une description détaillée. Mais

 27   pour autant que je m'en souvienne, je pense qu'il portait un uniforme

 28   également. Toute la délégation portait un uniforme. Je pense qu'il


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  1   s'agissait de tenues de camouflage. Voilà.

  2   Q.  Mais vous, vous n'étiez pas de la région de Vukovar, donc comment est-

  3   ce que vous saviez qu'il s'agissait de Goran Hadzic ?

  4   R.  Ecoutez, vous savez, Goran Hadzic était connu en Croatie. Moi, j'ai

  5   participé à la guerre. Quel que soit l'âge que j'avais à l'époque, je

  6   savais pertinemment qui était Goran Hadzic. Et puis, il y avait également

  7   dans cette pièce des gens de Vukovar qui le connaissaient. Enfin, je

  8   n'aurais absolument pas pu faire une erreur à ce sujet. Je n'aurais

  9   absolument pas pu ne pas savoir de qui il s'agissait. Donc, voilà les deux

 10   raisons que je peux avancer.

 11   Et puis, je peux également ajouter que je me souviens de son arrestation à

 12   Plitvice, parce que cela a fait la une des médias. Et c'est la raison pour

 13   laquelle je vous dis qu'il était particulièrement connu en Croatie, dans le

 14   contexte de la rébellion Serbe.

 15   Q.  Est-ce qu'à un moment donné, vous et les autres avez été inscrits

 16   auprès de la Croix-Rouge internationale ?

 17   R.  Oui, oui. Après un moment, on nous a emmenés depuis cette pièce où nous

 18   nous trouvions jusqu'à la première pièce où je m'étais trouvé, d'où j'étais

 19   venu au départ. Et c'est là qu'on nous a inscrits avec la Croix-Rouge.

 20   Q.  Alors, combien de temps est-ce que vous êtes resté dans cette pièce où

 21   se trouvaient 180 personnes environ ? Peut-être que je vous ai déjà posé

 22   cette question, d'ailleurs.

 23   R.  Oui, vous m'avez déjà posé la question. Je vous avais dit que j'y

 24   avais passé environ deux mois.

 25   Q.  Et après, après cette période, où êtes-vous allé ?

 26   R.  Nous sommes allés vers un autre bâtiment, une autre salle, où la Croix-

 27   Rouge a pris note de nos identités. Alors, il y avait manifestement une

 28   raison pour laquelle nous avions été séparés pendant un moment et cachés


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  1   dans cette pièce.

  2   Q.  Et lorsque vous êtes arrivé dans ce troisième endroit, toujours à

  3   Sremska Mitrovica, bien entendu, est-ce que vous pourriez décrire

  4   brièvement les conditions de vie qui ont été les vôtres pendant cette

  5   période?

  6   R.  Eh bien, les conditions, elles étaient assez semblables à celles que

  7   j'avais connues précédemment. Donc c'était une pièce plutôt étroite, plutôt

  8   contiguë, nous étions une soixantaine de personne, on était vraiment

  9   entassés comme des sardines. Alors, je répète à nouveau que nous avions

 10   quand même trois repas par jour. C'était l'hiver et il y avait du

 11   chauffage. Il y avait des toilettes avec un lavabo. Nous pouvions avoir de

 12   l'eau. Il y avait toujours des interrogatoires qui avaient lieu tous les

 13   jours. Nous étions roués de coups pendant ces interrogatoires, parce qu'ils

 14   trouvaient toujours une raison pour rouer de coups les gens. Et je peux

 15   vous dire qu'outre le fait que nous étions entassés dans cette petite pièce

 16   et que nous avions peu de nourriture, notre plus grand problème, c'était

 17   ces tortures, ces passages à tabac.

 18   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du personnel qui était impliqué dans ces

 19   interrogatoires et ces passages à tabac ? Quels unités ou groupes en

 20   faisaient donc partie ?

 21   R.  Le processus des interrogatoires était confié aux officiers du

 22   renseignement. C'étaient des officiers. Ils se présentaient en donnant leur

 23   grade, capitaine, commandant, colonel. Il y a même eu des sous-officiers.

 24   Mais pour l'essentiel, c'étaient des officiers de la JNA. Les passages à

 25   tabac étaient répartis entre soldats ou policiers militaires. Mais des

 26   fois, les officiers eux-mêmes mettaient la main à la pâte.

 27   Q.  A l'époque où M. Hadzic est venu avec sa délégation, est-ce que

 28   quelqu'un dans sa délégation aurait fait des déclarations au sujet du fait


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  1   de savoir ce qu'il adviendrait de vous, ce qu'on avait envisagé à votre

  2   égard ?

  3   R.  Ecoutez, je vais vous dire qu'un homme de la délégation a posé une

  4   question lors de cette visite.

  5   Il a demandé : Comment ça va ? Est-ce que vous avez chaud ici ? D'aucuns

  6   ont dit : Oui, oui. Et lui, il a dit qu'il ferait encore plus chaud quand

  7   on viendrait vers eux. Et il y en avait un qui était avec une cigarette et

  8   il a posé la question à un de nos Croates de quoi ça aurait l'air s'il lui

  9   éteignait la cigarette sur la paume de sa main. Enfin, ça ne s'est pas

 10   passé. Mais il y a eu des petites provocations de la part de personnes

 11   autres qui faisaient partie de l'escorte.

 12   Q.  Vous faites référence dans votre déposition du fait qu'il faisait plus

 13   chaud lorsque vous êtes allé là-bas. Alors, est-ce qu'il y a eu des

 14   informations ou indications qui montreraient quelles étaient les intentions

 15   à votre égard ?

 16   R.  Je ne sais pas me souvenir exactement. A un moment donné, on a reçu une

 17   information qui disait que notre groupe était censé être transféré vers la

 18   Région autonome du Srem occidental pour être jugé à l'occasion d'un procès

 19   qui était censé se tenir à Vukovar. C'est l'information qui a couru. De ce

 20   fait, la visite de ladite délégation dont faisait partie Goran Hadzic et

 21   ses hommes, et ces propos, ces petites provocations, ça pouvait confirmer

 22   la chose.

 23   Et une fois qu'on a été enregistrés par les soins de la Croix-Rouge,

 24   on est devenus conscients du fait que le planning était probablement de

 25   cette nature, de faire en sorte que certains individus de Sremska Mitrovica

 26   soient transférés à Vukovar pour un procès ou un nouveau procès, que sais-

 27   je.

 28   Q.  Est-ce que, au final, vous avez bel et bien été transféré à Vukovar ou

 


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  1   pas ?

  2   R.  Non. Une fois que j'ai été enregistré par les soins de Croix-Rouge, le

  3   22 mai 1992, j'ai été échangé suivant un principe tous pour tous, et c'est

  4   là la fin du récit relatif à Sremska Mitrovica.

  5   Q.  Merci, Monsieur Karlovic.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

  7   questions à poser à ce témoin.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, contre-

  9   interrogatoire.

 10   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic : 

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Karlovic. Je m'appelle Zoran

 13   Zivanovic. Je suis le conseil de la défense de Monsieur Goran Hadzic dans

 14   ce procès.

 15   R.  Bonjour.

 16   Q.  Je voudrais m'attarder sur deux sujets que vous avez évoqués dans votre

 17   témoignage.

 18   Ce qui m'intéresse en premier lieu, et c'est ce que je vais vous

 19   demander, à savoir des éclaircissements relatifs à votre témoignage lié à

 20   votre séjour à Ovcara.

 21   Alors, d'après ce que j'ai cru comprendre dans votre témoignage, vous étiez

 22   là-bas alors qu'il faisait jour, vous pouviez voir ce qui se passait autour

 23   de vous, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, je pouvais voir.

 25   Q.  Vous avez dit que vous avez quitté Ovcara lorsqu'il commençait à faire

 26   nuit, lorsque la nuit tombait. C'est bien ce que j'ai compris.

 27   R.  Exactement.

 28   Q.  Je vais vous montrer un rapport qui nous a été confié par


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  1   l'observatoire astronomique. Je sais que vous avez eu des problèmes pour ce

  2   qui était de définir exactement les différents moments d'arrivée et de

  3   départ. Et vous allez voir s'agissant de la journée du 20 novembre quand

  4   est-ce qu'il y a eu le crépuscule et quand est-ce qu'il a commencé à faire

  5   nuit.

  6   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Et je voudrais qu'on nous affiche la pièce

  7   D89, je vous prie.

  8   Q.  Il s'agit des rapports relatifs aux 18, 19, 20 et 21. Alors, c'est la

  9   journée du 21 [comme interprété] qui nous intéresse puisque vous y étiez le

 10   20 novembre. Vous allez voir dans cette troisième ligne que, où on indique

 11   l'heure de la tombée du jour, c'est 16 heures 10. Puis après, le crépuscule

 12   jusqu'à 16 heures 43. Et là vient la nuit.

 13   Alors, ce qui m'intéresse, c'est de vous demander si vous êtes à même de

 14   dire, compte tenu des différentes heures que vous avez données de mémoire,

 15   si vous seriez d'accord avec moi pour dire que vous avez pu quitter Ovcara

 16   vers l'heure où le crépuscule commence ou alors pendant la durée de ce

 17   crépuscule, c'est-à-dire avant 16 heures 43 ?

 18   R.  Tous les horaires que j'ai donnés, c'était suite à l'arrivée d'Ovcara.

 19   Je savais à peu près quand est-ce qu'on est arrivé. Pour ce qui est du

 20   départ, j'ai fait une évaluation en fonction du crépuscule ou de la nuit,

 21   et c'est ainsi que j'ai fait mes estimations. Je veux bien accepter qu'on

 22   pouvait bien être à 5 heures moins le quart de l'après-midi. Si la science

 23   le dit, je n'ai aucune raison de dire autre chose.

 24   Q.  Merci. Vous avez aussi indiqué que pendant que vous vous trouviez à

 25   l'extérieur du hangar, un groupe d'officiers de la JNA est arrivé à Ovcara;

 26   ils étaient au nombre de trois ou quatre. Et vous avez raconté des détails

 27   au sujet de ce jeune garçon dont la mère est venue pour intervenir afin de

 28   le sauver de ce hangar.


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  1   Alors, vous avez mentionné plusieurs noms, parce que vous n'avez pas retenu

  2   la totalité de ces noms. Mais est-ce que vous pourriez vous rappeler -

  3   parce que le PV n'en fait pas état - l'homme qui a dit avoir sauvé cet

  4   enfant vous a-t-il donné son grade ?

  5   R.  Moi, j'ai gardé en mémoire le fait qu'il avait mentionné un grade de

  6   colonel. Mais je parle de mémoire. Il a pu être lieutenant-colonel, mais je

  7   crois que c'est colonel que j'ai entendu.

  8   Q.  J'ai remarqué que vous avez mentionné ce grade dans vos témoignages

  9   antérieurs, le grade de colonel notamment. Vous avez mentionné certains

 10   noms de famille, Ivanovic, Ivankovic, Jovanovic. Vous n'étiez pas sûr du

 11   nom véritable de cet homme.

 12   Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si, d'une façon ou d'une autre, vous

 13   avez gardé en mémoire le nom de famille Kijanovic ? Est-ce que ça vous dit

 14   quelque chose ?

 15   R.  Je vais être sincère. J'ai ouï dire ce nom de famille quelque part,

 16   mais je ne peux pas vous le définir avec précision. J'ai fait des

 17   recherches au sujet de Vukovar, j'ai lu beaucoup de choses et j'ai rédigé

 18   moi-même des articles. Et il est certain que dans ma mémoire le nom de

 19   famille de Kijanovic se situe quelque part, mais je ne sais pas vous dire

 20   où et en corrélation avec quoi.

 21   Q.  Pendant la durée de votre séjour à Ovcara, vous avez remarqué la

 22   présence de certains véhicules qui venaient, qui partaient, qui étaient

 23   garés. Est-ce que vous pouvez vous souvenir de façon plus détaillée de quel

 24   type de véhicules il s'agissait là ?

 25   R.  La plupart des véhicules, c'étaient des véhicules militaires.

 26   S'agissant d'autres véhicules, là maintenant, en ce moment-ci, je n'arrive

 27   pas à m'en souvenir. Je sais que j'ai vu différents types de véhicules

 28   militaires.


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  1   Q.  Vous avez aussi mentionné -- et là, je vais vous demander si vous êtes

  2   à même de me le dire. Pendant que vous étiez à Ovcara, jusqu'au moment de

  3   votre départ, vous avez vu un certain nombre d'officiers et un certain

  4   nombre de véhicules militaires. Est-ce que les choses se présentaient ainsi

  5   pendant tout votre séjour ? Est-ce que, quand vous partiez, ils sont tous

  6   restés là-bas ?

  7   R.  Les officiers étaient constamment présents. Ils étaient là à surveiller

  8   la totalité de ce qui se passait. Ils maîtrisaient la situation.

  9   Q.  A l'occasion de vos témoignages antérieures, vous en avez parlé déjà,

 10   mais je vais vous reposer la question : est-ce que vous avez eu

 11   l'impression que ces officiers se trouvant là-bas avaient exercé un

 12   contrôle à l'égard de la situation ? Est-ce qu'ils donnaient des ordres et

 13   est-ce que ces ordres étaient obéis de la part de tous les autres qui

 14   étaient présents ?

 15   R.  Mon affirmation principale et mes témoignages au sujet de cet élément,

 16   c'est que le contrôle, la surveillance, la planification, c'était contrôlé

 17   à part entière par les officiers de la JNA. Il y a bien sûr eu des

 18   exécutants, mais le contrôle de la situation était, quant à lui, exercé par

 19   l'armée populaire yougoslave.

 20   Q.  Autre chose. Un point qui n'est pas très clair en page 22 du compte

 21   rendu.

 22   Lorsque vous avez dit que vous quittiez Ovcara, entre autres - et

 23   c'est du moins ce que le compte rendu nous dit - vous avez mentionné le Dr

 24   Ivankovic. Alors, j'aimerais tirer au clair, vous avez dit le fils du Dr

 25   Ivankovic. Et comme on a parlé du Dr Ivankovic, il était dans le véhicule

 26   lui aussi ?

 27   R.  Non, non. J'ai tout le temps parlé du fils de ce Dr Ivankovic.

 28   Q.  Etant donné que vous avez mentionné ce nom de famille lorsque vous avez


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  1   parlé du colonel, ce n'était ni le Dr Ivankovic ni son fils, ce colonel ?

  2   R.  Non, non. Non, c'est clair.

  3   Q.  Le Procureur vous a montré une photographie, ou plutôt, un clip, le

  4   P1076. Il s'agit d'un clip vidéo avec un soldat qui est en train de fermer

  5   la porte du hangar, je le dis à titre de rappel. Et vous nous avez dit

  6   aussi que cet homme, vous l'aviez vu à Ovcara aussi.

  7   Est-ce que vous avez pu remarquer s'il portait un grade ?

  8   R.  Non, je ne me souviens pas d'un grade. Non.

  9   Q.  Autre chose encore. J'ai relevé qu'en page 26, ligne 9, vous avez

 10   mentionné dans ce contexte, et ça n'a pas été consigné au compte rendu

 11   d'audience, un certain Safet, originaire de Doboj.

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Comme ce n'est pas consigné de façon exacte, je voudrais que vous nous

 14   disiez une fois de plus qui était ce Safet originaire de Doboj à titre

 15   d'éclaircissement.

 16   R.  C'était un Musulman qui s'était porté volontaire et qui avait pour

 17   idéologie la nécessité de combattre et de sauver la Yougoslavie, et c'est

 18   la raison pour laquelle il était à Vukovar du côté serbe.

 19   Q.  Le Procureur vous a montré, et je précise qu'il s'agit d'une photo, le

 20   P3005.

 21   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Et j'aimerais qu'on nous le montre une fois

 22   de plus.

 23   Q.  Vous avez reconnu cet homme, là où il y a un cercle de placé autour de

 24   sa tête. Mais est-ce que vous voyez en arrière-plan les gens qui semblent

 25   porter aussi des uniformes ? Etant donné qu'on vous a donné beaucoup de mal

 26   pour ce qui est de vous demander de faire la distinction entre les soldats

 27   de la JNA, les réservistes, les membre de la TO, les chetniks, et cetera.

 28   Est-ce que vous sauriez nous dire à présent, d'après l'apparence, cet homme


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  1   qui a un cercle autour de la tête, en quoi le qualifieriez-vous de membre

  2   de telle ou de telle autre formation, en laissant de côté ce que vous

  3   appris par la suite ? Je vous parle maintenant de l'aspect physique.

  4   R.  Pendant ces événements, pendant que Kinez m'avait sauvé, j'avais pensé

  5   qu'il faisait partie des rangs de la JNA. Après, j'ai appris que c'était

  6   l'un des membres des unités à Seselj. Il y a une explication pour ce qui

  7   est de la raison pour laquelle il était vêtu de la sorte. Je ne sais pas

  8   si, maintenant, cela vous importe.

  9   Q.  Au vu des deux soldats que vous voyez encore, d'après la description

 10   que vous avez faite, comment les définiriez-vous ? Il y en a un que vous ne

 11   voyez peut-être pas très bien, vous voyez juste la partie supérieure de la

 12   tête. Mais il y a un autre soldat devant. Alors, celui-là, vous le

 13   rangeriez où ?

 14   R.  Je le rangerais dans les unités de la JNA. Je ne serais pas en mesure

 15   de vous dire si c'est un réserviste ou un soldat qui faisait son service

 16   militaire, mais c'est de cela qu'il s'agit.

 17   Q.  Bien.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je voudrais que l'on nous affiche encore le

 19   1D834, s'il vous plaît.

 20   Q.  Il s'agit d'une autre image et ça se situe dans le même contexte.

 21   Alors, voyez un peu ces deux soldats. Je crois que vous êtes tout à

 22   fait à même de voir leurs casques, de voir même les insignes sur les

 23   casques, bien que cela ne soit pas si clair que cela. Mais on voit une

 24   trace rouge.

 25   D'abord, je vais vous demander si vous le voyez ?

 26   R.  Je le vois, oui. Mais je vais être sincère, je suis un peu daltonien,

 27   je ne vois pas trop de trace rouge. Moi, le rouge et le vert, j'ai un

 28   problème avec. Je distingue mal. Je vois une tache.


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  1   Mais ce que je peux dire tout de suite, celui de droite, je ne préfère pas

  2   commenter. On n'en voit pas grand-chose, mis à part le casque. Celui qui

  3   est à gauche, je le caserais dans les rangs de la JNA.

  4   Q.  Merci. J'essayerais maintenant d'opérer un retour vers l'officier qui a

  5   dit à la femme en question qu'il avait sauvé son enfant.

  6   Est-ce que vous pourriez dire -- parce que vous l'avez décrit, vous

  7   avez dit qu'elle était sa taille et le reste, et vous avez aussi mentionné

  8   le fait qu'il avait déjà des cheveux grisonnants.

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Ça signifierait que c'est quelqu'un d'assez âgé ?

 11   R.  Ecoutez, le fait d'avoir des cheveux blancs, ça ne veut rien dire. J'ai

 12   43 ans. Pour moi, un homme de 60 ans, ce n'est pas si vieux que cela. Il

 13   devait avoir une cinquantaine d'années à vue de nez, et ce, depuis le

 14   contexte actuel.

 15   Q.  Lorsqu'il a fait sortir cet enfant du hangar, l'auriez-vous vu dans

 16   d'autres types de situations, cet homme ? Faisait-il autre chose encore ?

 17   R.  Ecoutez, il était là tout le temps. Il y avait lui, il y avait un

 18   commandant. Je ne sais pas vous dire ce qu'il faisait, mis à part ce

 19   sauvetage. Ils étaient plutôt là pour contrôler le reste.

 20   Q.  Merci. Je voudrais à présent que nous revenions un peu vers Sremska

 21   Mitrovica.

 22   J'ai lu vos déclaration antérieures, vos dépositions, et je n'ai pas

 23   remarqué que vous ayez parlé de cette délégation de la Slavonie, Baranja et

 24   Srem occidental et de l'arrivé de Goran Hadzic à Sremska Mitrovica. Alors,

 25   ce qui m'intéresserait, c'est de vous entendre expliquer comment se fait-il

 26   ? Vous l'avez dit au bureau du Procureur l'été passé.

 27   R.  Si vous avez attentivement lu mes déclarations, vous verrez que j'ai

 28   très peu parlé de Velepromet aussi, et j'ai très peu parlé de Sremska

 


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  1   Mitrovica également. La raison en est le fait qu'au tribunal j'étais censé

  2   répondre aux questions qu'on me posait. Je n'étais pas censé parler de moi-

  3   même et de raconter le récit du début à la fin. C'est peut-être la raison

  4   pour laquelle Velepromet et Sremska Mitrovica, je les ai mentionnés de

  5   façon très superficielle.

  6   Q.  Ce serait tout. Je vous remercie, Monsieur.

  7   R.  Je vous remercie également.

  8   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je viens de terminer mon contre-

  9   interrogatoire, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci, Monsieur Zivanovic.

 11   Monsieur Stringer, avez-vous des questions supplémentaires à poser ?

 12   M. STRINGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Karlovic, ceci constitue la

 15   fin de votre témoignage. Nous vous remercions d'être venu à La Haye pour

 16   aider les Juges de la Chambre dans ce Tribunal, en dépit des circonstances

 17   qui sont les vôtres. Vous êtes maintenant libre de vous en aller en votre

 18   qualité de témoin, et nous vous souhaitons un bon retour chez vous. Merci.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je vous souhaite tout ce qu'on peut

 20   souhaiter de bien. Et, une fois de plus, un grand merci.

 21   [Le témoin se retire]

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Y a-t-il quelque chose d'autre à

 23   ajouter ?

 24   L'audience est levée.

 25   --- L'audience est levée à 11 heures 54, sine die.

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