Page 8970
1 Le lundi 16 décembre 2013
2 [Audience de Règle 98 bis]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes
7 présentes dans ce prétoire et à l'extérieur de ce prétoire.
8 Madame la Greffière d'audience, est-ce que vous pouvez citer l'affaire, je
9 vous prie.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
11 de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.
12 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
13 Est-ce que nous pourrions, je vous prie, avoir la présentation des parties.
14 Pour l'Accusation.
15 M. STRINGER : [interprétation] Bonjour. Douglas Stringer pour l'Accusation,
16 accompagné de Sarah Clanton et de notre commis aux affaires, Thomas Laugel.
17 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.
18 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Me
19 Christopher Gosnell, Me Zivanovic et notre assistante juridique.
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Nous sommes ici
21 pour entendre la présentation en application de l'article 98 bis,
22 présentation de la Défense. Qui va intervenir ?
23 Maître Gosnell, ce sera vous ?
24 M. GOSNELL : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président, ce
25 sera moi. Et bonjour.
26 Bonjour à vous, Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes
27 présentes dans le prétoire. Et bonjour à toutes les personnes qui ont
28 assisté à ce procès, qui a commencé lors de l'automne de l'an dernier. Et
Page 8971
1 nous sommes absolument et fermement convaincus, Messieurs les Juges, que si
2 vous prenez en considération l'intégralité des éléments de preuve de façon
3 intelligente, raisonnable et exacte, aucun des 14 chefs d'accusation
4 reprochés à M. Goran Hadzic n'ont été prouvés eu égard aux événements qui
5 sont allégués à son encontre et qui portent sur une période de deux ans et
6 demi entre 1991 et 1993.
7 Mais, Messieurs les Juges, puisqu'il s'agit d'une audience en application
8 de l'article 98 bis, notre tâche est d'essayer de vous faire comprendre
9 s'il y des éléments de preuve qui pourraient permettre de condamner M.
10 Hadzic. Nous n'allons pas présenter des arguments à propos de la façon
11 exacte, intelligente ou raisonnable de prendre en considération la
12 globalité des éléments de preuve. Et nous proposons aujourd'hui justement
13 de concentrer nos interventions en deux parties, en deux volets, Monsieur
14 le Président. Dans un premier temps, je vous propose d'énoncer le droit en
15 application de l'article 98 bis comme je le comprends, et, bien entendu, ce
16 que je suggère, c'est que vous n'êtes pas tributaires et tenus de respecter
17 par le menu les chefs d'accusation tels qu'ils sont énoncés dans l'acte
18 d'accusation pour déterminer comment il faudra trancher. Et, en fait, je
19 vais vous expliquer qu'il y a une jurisprudence qui montre effectivement
20 que des Chambres de première instance ont examiné des chefs d'accusation
21 pour voir s'il y avait une partie d'un chef d'accusation qui pouvait être
22 retenue. Et lorsque j'utilise le terme de "chef d'accusation", en fait, je
23 n'interprète pas forcément ce terme de "chef d'accusation" en application
24 de l'article 98 bis, tel que cela est défini par l'Accusation dans l'acte
25 d'accusation. Et je me propose de vous énoncer le droit ainsi que la
26 logique qui sous-tend cette interprétation bien précise.
27 Et, Messieurs les Juges, après avoir énoncé ce droit, nous suggérons qu'il
28 y a deux éléments pour lesquels les chefs d'accusation ne devraient pas
Page 8972
1 être retenus en l'espèce.
2 Le premier de ces éléments porte sur les crimes qui se seraient produits
3 dans la zone du Groupe opérationnel sud. Et les crimes pour lesquels il a
4 été allégué qu'ils se sont déroulés dans cette zone opérationnelle portent
5 sur quatre zones, tel que cela est indiqué dans l'acte d'accusation, Lovas
6 et trois autres zones.
7 La deuxième zone pour laquelle nous suggérons qu'il ne faudrait pas retenir
8 les chefs d'accusation -- parce que l'Accusation n'a justement pas su
9 déterminer et établir qu'il y avait eu violation du droit humanitaire
10 international ou qu'il y avait eu des crimes contre l'humanité commis sur
11 ce territoire.
12 Donc, Monsieur le Président, intéressons-nous au texte de l'article 98 bis
13 :
14 "A la fin de la présentation des moyens à charge," c'est ce qui est indiqué
15 dans cet article, "la Chambre de première instance doit, par décision
16 orale, et après avoir entendu les arguments oraux des parties, prononcer
17 l'acquittement de tout chef d'accusation pour lequel il n'y a pas d'élément
18 de preuve susceptible de justifier une condamnation."
19 Alors, Monsieur le Président, il a très souvent été dit que nous avons la
20 jurisprudence, bien entendu, mais je pense que cela est évident pour toutes
21 les personnes qui ont des dispositions semblables dans leurs systèmes
22 juridiques nationaux, mais il y a un mécanisme d'efficacité qui a été
23 retenu dont le but est de vous permettre de supprimer certains chefs
24 d'accusation lorsqu'il n'y a aucune perspective de succès en quelque sorte
25 pour ces chefs d'accusation, et lorsque l'aspect de l'efficacité est tel
26 que la Défense ne doit pas être appelée à présenter des moyens à décharge
27 si elle est absolument convaincue qu'il n'y a aucun élément de preuve qui
28 permettrait de faire en sorte que la personne soit condamnée pour ce type
Page 8973
1 de chef d'accusation; toutefois, la Défense va souvent, bien entendu,
2 présenter ce type d'élément de preuve par excès de précaution. Et la
3 procédure en application de l'article 98 bis vous permettra d'examiner ces
4 éléments de preuve et déterminer si ce besoin existe, oui ou non.
5 Et deuxièmement, Monsieur le Président, même si la Défense présentera des
6 éléments à décharge eu égard à ce chef d'accusation bien précis, il s'agira
7 de l'éliminer lors de cette phase tout simplement de façon sommaire parce
8 que ce sont des chefs d'accusation qui ne reposent sur aucun fond. Et le
9 premier aspect de l'article 98 bis est que le critère de l'article 98 bis
10 est tel qu'il n'y a aucun élément de preuve présenté capable de soutenir
11 une condamnation, et cela, pour chaque élément du crime allégué. Donc, il
12 s'agit d'éléments de preuve qui peuvent aboutir à une condamnation, ce qui
13 signifie qu'il faut qu'il y ait des éléments de preuve que la Chambre de
14 première instance pourrait, au-delà de tout doute raisonnable, considérer
15 comme existant pour chaque élément du crime allégué.
16 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à Me Gosnell d'avoir l'amabilité
17 de ralentir.
18 M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi. J'aimerais m'excuser à l'égard
19 de Me Gosnell, mais le sténotypiste n'a pas su consigner le lieu du
20 quatrième endroit. Il avait été dit que les éléments de preuve portaient
21 sur quatre endroits : Lovas, Velepromet, Orahovac, et quel était le
22 quatrième ?
23 M. GOSNELL : [interprétation] Ovcara, Monsieur le Président.
24 M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie.
25 M. GOSNELL : [interprétation] Alors, conformément à l'arrêt dans l'affaire
26 Jelesic, il s'agit d'une décision qui remonte à l'année 2001, le critère
27 pour l'article 98 bis consiste à voir s'il y a des éléments de preuve,
28 s'ils étaient acceptés, qui permettraient à un tribunal raisonnable de
Page 8974
1 condamner la personne; à savoir, il s'agit d'éléments de preuve qui peuvent
2 être acceptés par un juge du fait raisonnable. Il s'agit donc de déterminer
3 la culpabilité de l'accusé, c'est de cela dont il est question.
4 Alors, il s'agit d'une formule qui a été mise au point avant la formule que
5 nous avons maintenant dans l'article 98 bis, qui a été amendé, modifié en
6 2004. Et je vous le dis parce que l'élément essentiel est de savoir si vous
7 pourriez condamner au-delà de tout doute raisonnable et non pas si vous
8 condamneriez au-delà de tout doute raisonnable.
9 Et si nous passons au cliché suivant, nous voyons que parfois ce n'est pas
10 la peine de présenter un élément de preuve pour chacun des éléments de
11 crime pour pouvoir satisfaire la norme 98 bis. Mais cela n'est pas exact,
12 Monsieur le Président, parce qu'il n'y a pas d'élément de preuve qui était
13 un chef d'accusation bien précis. Il y une option, une possibilité, et nous
14 avons l'affaire Mrksic où il a été déterminé que même si le seul élément de
15 preuve pertinent ne permet pas de croire ou de penser que l'on n'aurait pas
16 pu étayer une condamnation, il faut en fait prendre l'élément de preuve par
17 rapport à son critère le plus élevé. Et nous voyons qu'il y a une légère
18 modification qui a été apportée par la Chambre dans l'affaire Prlic :
19 lorsqu'il n'y a pas d'élément de preuve permettant de justifier une
20 condamnation, cela représente une possibilité; ou même lorsque les éléments
21 de preuve sont pris par rapport à leur possibilité la plus importante, cela
22 ne peut pas justifier une condamnation de la part de la Chambre de première
23 instance; ou lorsque le seul élément de preuve disponible n'est pas digne
24 de foi ou n'est considéré comme fiable.
25 Alors, nous avons la dernière déclaration qui est l'énonciation la plus
26 exhaustive de la norme 98 bis, et vous ne devriez pas, Messieurs les Juges,
27 vous sentir obliger de vous en tenir à une analyse par rapport à un
28 élément. En fait, si vous m'y autorisez, même si vous n'irez pas jusqu'à
Page 8975
1 examiner de façon exacte la globalité des éléments de preuve, je dirais que
2 vous avez ce pouvoir discrétionnaire, et ce que j'avance, c'est que vous
3 êtes tout à fait en mesure et en droit d'exercer ce pouvoir discrétionnaire
4 si vous considérez que les éléments de preuve ne sont pas des éléments de
5 preuve sur lesquels vous pourriez vous fonder à la fin de la présentation
6 des moyens à charge et à décharge. Si vous pensez cela, alors vous serez
7 tout à fait en droit de rejeter ces éléments de preuve et vous pourrez
8 ainsi dire qu'il n'y a pas de base suffisante permettant de poursuivre
9 l'examen des chefs d'accusation.
10 Et cela va se passer, Monsieur le Président. Il y a des où nous allons vous
11 présenter ce type d'exemple. Il y aura des cas où les éléments de preuve
12 qui ont été entendus par cette Chambre de première instance sortiront du
13 cadre de ce qui peut être considéré comme la valeur probante de l'un des
14 chef d'accusation, et ce que nous avançons, c'est que vous ne devriez pas
15 vous sentir obligés d'accepter tous les éléments de preuve, quel que soit
16 leur niveau, quel que soit leur degré, tous les éléments de preuve qui ont
17 été présenté ici. Vous pourrez prendre en considération les éléments de
18 preuve et décider s'il y a une base qui vous permettra de prononcer une
19 condamnation. Et nous disons que cela est tout à fait conforme à l'esprit
20 de l'article 98 bis. En fait, il irait à l'encontre de l'esprit de
21 l'article 98 bis d'autoriser ou accepter ces chefs d'accusation lorsqu'il y
22 a des éléments de preuve, quel que soit d'ailleurs leur fiabilité, des
23 éléments de preuve qui sont parfois ténus et qui auront été établis; mais
24 je pense que vous pourrez ainsi indiquer que la base de ces éléments de
25 preuve n'est pas suffisante, et vous ne pouvez pas dire que vous n'aurez
26 pas le pouvoir discrétionnaire. Parce que ce dont nous parlons ici, c'est
27 de ce pouvoir discrétionnaire qui vous permet de considérer si l'on peut
28 continuer à examiner ces chefs et à considérer ces chefs d'accusation.
Page 8976
1 Alors, est-ce que ce seuil doit être valable pour les éléments de preuve
2 indirects ? Parce qu'en fait, ce n'est pas une question qui a été analysée
3 de façon considérable par la jurisprudence. Une chose consiste à dire, eu
4 égard à un critère en matière d'acquittement, que vous avez des éléments de
5 preuve directs à partir du moment où vous avez ne serait-ce qu'un élément
6 de preuve direct et cela est considéré comme valeur probante du fait qu'il
7 doit être prouvé et que l'on peut aller de l'avant. Ça, c'est une chose.
8 Mais il y a une autre chose en matière d'éléments de preuve indirects,
9 parce que, après tout, il faut en fait prendre en considération la valeur
10 probante de ces éléments indirects. Le simple fait que M. Hadzic ait été
11 présent en Croatie orientale peut être invoqué par l'Accusation pour
12 présenter des aspects d'élément indirect ayant une valeur probante, mais ce
13 que nous avançons, c'est que cela n'est pas une base suffisante permettant
14 de poursuivre en la matière, de poursuivre ce procès.
15 Mais voyons, en fait, ce qui est demandé en matière d'éléments de preuve
16 indirects. La norme est comme suit :
17 "Une Chambre de première instance peut conclure à l'existence d'un fait
18 particulier à partir duquel la culpabilité de l'accusé sera dégagée, mais
19 cela dépend des éléments de preuve indirects seulement si la seule
20 conclusion raisonnable qui peut être dégagée est celle qui est dégagée par
21 les éléments de preuve indirects présentés. S'il existe une autre
22 conclusion qui peut également être dégagée des éléments de preuve
23 présentés, la conclusion de culpabilité au-delà de tout doute raisonnable
24 ne pourra pas être déduite ou dégagée."
25 Donc, Monsieur le Président, à mon humble avis, en matière d'éléments de
26 preuve indirects, la norme est comme suit : il s'agit de savoir s'il y a
27 des éléments de preuve qui pourront exclure des déductions ou des
28 conclusions raisonnables qui ne sont pas compatibles avec le fait précis
Page 8977
1 qui devra être déterminé. Et vous avez maintenant la citation qui vient de
2 disparaître de vos écrans, en fait, il s'agissait du dernier alinéa. Et
3 pour qu'il n'y ait pas de confusion à ce sujet, cela est la façon dont je
4 résume en quelque sorte le droit. Pour ce qui est des éléments de preuve
5 directs, certes, si vous avez un seul élément de preuve, cela suffit pour
6 poursuivre le procès, si vous pensez que cet élément de preuve est
7 suffisant et si vous pensez que cet élément de preuve permettra de prouver
8 l'élément requis. Mais en matière d'éléments de preuve indirects, cela
9 n'est pas le cas. Cela n'est pas le cas parce que ce serait absolument
10 absurde. Cela signifierait que n'importe quel élément, aussi ténu fut-il,
11 qui aurait un vague lien avec les éléments de preuve qui doivent être
12 prouvés, suffirait pour que le procès aille de l'avant. Et cela ne fait pas
13 de sens.
14 Ce que nous suggérons, Monsieur le Président, et, bien entendu, nous nous
15 en remettons à votre pouvoir discrétionnaire, mais vous avez le pouvoir
16 discrétionnaire qui vous permet d'examiner s'il y eu un ensemble des
17 éléments de preuve, lorsque vous procéderez à un examen global, qui vous
18 permettra de vous dire : Tous ces faits pris en combinaison nous permettent
19 de conclure que l'élément en question existe. Et je pense que cela doit
20 être fait en cette phase 98 bis.
21 A mon sens, quelques éléments de preuve pourraient et devraient êtres
22 rejetés par vous, Messieurs les Juges, à ce stade, au stade 98 bis, en tant
23 qu'éléments de preuve sur lesquels vous ne pourrez pas vous appuyer au
24 moment de prendre la décision. Et la première catégorie de ces éléments de
25 preuve qui est bien établie dans la jurisprudence au titre de l'article 98
26 bis, ce sont des éléments de preuve "invraisemblables". Il s'agit d'une
27 catégorie assez large, et votre pouvoir discrétionnaire est assez large
28 dans l'appréciation de ces éléments de preuve. Et je me permettrais
Page 8978
1 d'ajouter deux catégories supplémentaires qui, je pense, font partie de
2 cette large catégorie d'éléments invraisemblables, même si je dois dire que
3 je ne suis pas certain s'ils englobent la totalité de votre analyse. Et là,
4 je reviens à la description de la Chambre de première instance dans
5 l'affaire Prlic. Il s'agit donc d'éléments de preuve qui sont clairement
6 invraisemblables ou clairement pas fiables.
7 Et les éléments de preuve de cet ordre-là comprennent, à mon sens, les
8 éléments de preuve qui sont fondés sur des sources anonymes. Cela a été
9 bien établi au niveau du droit international humanitaire des droits de
10 l'homme, ainsi que dans de nombreux systèmes nationaux, qu'une déclaration
11 de culpabilité ne peut pas se fonder sur une source anonyme. En fait,
12 j'irais même plus loin et je dirais qu'une source anonyme, à moins qu'il
13 n'y ait des garanties très, très solides au niveau de la procédure ou au
14 niveau de la substance, qu'aucun point ne devrait être accordé à ce type
15 d'élément de preuve. Et vous avez entendu quelques éléments de preuve dans
16 ce prétoire qui étaient fondés justement sur des sources anonymes. Et
17 j'ajoute qu'il a été bien établi que vous ne pourrez pas vous appuyer sur
18 ces éléments au moment de la prise de décision, donc vous ne pourrez pas
19 vous appuyer sur des sources anonymes. Et j'affirme que même à mi-chemin,
20 où nous nous trouvons aujourd'hui, vous avez le pouvoir discrétionnaire de
21 considérer que ces moyens de preuve ne sont manifestement pas fiables et
22 qu'ils ne sont pas capables d'étayer la preuve de l'existence d'un élément
23 de crime.
24 Et puis, un troisième domaine qui, à mon sens, est bien établi, ce sont des
25 éléments de preuve où nous avons des ouï-dire non corroborés. Ce sont des
26 éléments qui ne peuvent pas être utilisés pour étayer un élément de crime.
27 Et de la manière dont cela est généralement formulé dans la jurisprudence,
28 dans les jugements, eh bien, c'est qu'aucun poids décisif ne peut être
Page 8979
1 accordé à l'ouï-dire. Donc, permettez-moi d'ajouter que si vous voyez qu'il
2 y a des éléments de preuve qui constituent l'ouï-dire, vous comprendrez
3 parfaitement que cet ouï-dire peut constituer un élément d'un jeu de moyens
4 de preuve plus large. Il est parfaitement approprié de le prendre en
5 considération dans un contexte plus large d'éléments de preuve indirects,
6 tout cela est tout à fait permissible, mais vous ne pouvez pas vous appuyer
7 sur cet élément seul.
8 Donc, si vous êtes en situation où vous voyez que vous avez un fait
9 qui dépend uniquement sur un élément de preuve par ouï-dire, alors, à ce
10 moment-là, Messieurs les Juges, vous avez ce pouvoir discrétionnaire
11 d'estimer que ce ne sont pas les moyens de preuve sur lesquels vous pouvez
12 fonder une conclusion de l'existence d'un élément de crime.
13 Maintenant, tous ces arguments portent sur la question qui est de
14 savoir si nous avons des éléments de preuve capables d'étayer une
15 déclaration de culpabilité. Donc, ce sont les derniers mots de l'article 98
16 bis. Maintenant, je voudrais me polariser avant tout sur les paramètres de
17 votre analyse consistant à examiner si, oui ou non, vous avez l'exigence de
18 considérer cette question uniquement sous l'angle des chefs de l'accusation
19 tels que définis à l'acte d'accusation qui vous a été soumis par le bureau
20 du Procureur.
21 Et voyons maintenant ce qui est en jeu ici pratiquement.
22 L'Accusation a l'autorisation de dresser un acte d'accusation et de le
23 présenter à un Juge seul ex parte. Cet acte d'accusation est à ce moment-
24 là, soit confirmé, soit rejeté par un Juge agissant seul. Je ne souhaite
25 absolument pas critiquer ici, mais de la manière dont je comprends les
26 choses, les Juges qui participent à ce processus de confirmation d'acte
27 d'accusation n'exigent pas de la part de l'Accusation de formuler cet acte
28 d'accusation sous une forme particulière. Au fond, il revient à la
Page 8980
1 discrétion de l'Accusation de décider de la forme qui lui agrée. Et cela
2 diffère dans certains autres systèmes judiciaires, où l'acte d'accusation
3 est préparé par un responsable sur la base de l'information fournie par le
4 Procureur, ou où nous avons un magistrat qui joue un rôle important en
5 fournissant des garanties que cet acte d'accusation est structuré de la
6 manière appropriée. Lorsque je dis de manière appropriée, je veux dire de
7 manière qui concorde avec les lignes directrices, le règlement prévu par le
8 code de procédure pénale du système en question. Bien entendu, ici, au
9 TPIY, nous n'avons pas ce système-là, nous n'avons pas cette pratique - et
10 je ne critique pas du tout - il s'agit d'un système qu'il convient de
11 prendre en considération dans son ensemble, et il y a là une relation dans
12 la mesure où une certaine discrétion est accordée à l'Accusation pour
13 structurer ses actes d'accusation et, d'autre part, le pouvoir
14 discrétionnaire de vous à ce stade, au stade du 98 bis, pour examiner les
15 paramètres sur la base desquels vous allez juger si les éléments de preuve
16 existent vous permettant de poursuivre ce procès.
17 Et je commencerais par quelques exemples pour montrer comment le
18 Procureur exerce son pouvoir discrétionnaire et dans quelle mesure cela est
19 important pour voir comment fonctionne l'article 98 bis au cas par cas.
20 Alors, prenons un extrait de l'acte d'accusation Lukic. Et tous les chefs
21 de l'acte d'accusation Lukic sont structurés à l'identique, donc exactement
22 comme celui-ci que je suis en train de vous montrer à l'écran. Et nous
23 voyons ici, par exemple, aux chefs 6 et 7, nous avons meurtre comme crime
24 qui a été défini. Donc, dans l'ensemble de ces chefs, il s'agit de crimes.
25 Et je peux vous dire que nous avons d'autres chefs d'accusation dans cet
26 acte d'accusation, donc, qui eux aussi reprochent le crime de meurtre.
27 Mais voyons comment ces chefs d'accusation sont définis par rapport
28 aux allégations. Alors, ils se limitent à un événement particulier. Ce qui
Page 8981
1 veut dire qu'au stade de la procédure qui est celui du 98 bis, les Juges de
2 la Chambre de première instance analysent si, oui ou non, il existe des
3 moyens de preuve suffisants sur la base desquels ils pourraient arriver à
4 la conclusion que les accusés ou l'accusé sont coupables de cet événement
5 de manière égale par rapport à d'autres événements. Et l'Accusation
6 pourrait également, si elle appliquait ce format de l'acte d'accusation,
7 avoir toute une longue liste de paragraphes où elle dirait, par exemple, Il
8 s'agit ici de l'événement un, deux, trois, quatre, cinq, six, et puis
9 ensuite, à la fin, reprocher le crime de meurtre sous forme d'un chef. Du
10 moins, c'est ce qu'elle prétend faire.
11 Et cela nous ramène à ce que je disais avant, à savoir que les Juges
12 qui examinent ces questions ne donnent pas de consignes sur la manière de
13 procéder au moment de la rédaction de l'acte d'accusation et ne demandent
14 pas que les actes d'accusation soient restructurés. Et j'affirmerais que
15 c'est un acte d'accusation relativement plus équitable que celui qui a été
16 dressé contre M. Hadzic. Je ne dis pas que l'acte d'accusation contre M.
17 Hadzic ne répond pas aux normes qui ont été établies par ce Tribunal. Vous
18 avez déjà jugé là-dessus et je n'avance pas autre chose et je ne rejette
19 pas cela. Mais ce que je dis, toutefois, c'est qu'il y a une relation entre
20 le pouvoir discrétionnaire qui vous revient et que vous devriez exercer à
21 ce stade, donc, du 98 bis, et la manière de laquelle l'acte d'accusation a
22 été structuré et dressé.
23 Alors, venons-nous-en maintenant à l'acte d'accusation dans l'affaire
24 Haradinaj. Là encore, c'est un acte d'accusation qui a été structuré sur
25 toute la longueur de la même manière au titre des différents chefs, comme
26 de celui que vous voyiez à l'écran. Et nous voyons qu'il s'agit donc de
27 crimes qui sont reprochés au titre des différents chefs par rapport aux
28 événements particuliers, et dans l'ensemble de l'acte d'accusation c'est la
Page 8982
1 même approche.
2 Alors, voyons maintenant ce que nous dit le dictionnaire Black.
3 Comment il définit un chef d'accusation ? Et justement, si j'en parle,
4 c'est pour voir comment nous allons interpréter, si nous allons interpréter
5 de manière appropriée ce terme au titre de l'article 98 bis. Donc, que nous
6 dit "Black's Law Dictionary" ? Il nous dit que :
7 "Un chef constitue une partie différente d'une déclaration dans
8 laquelle, s'il a été pris isolément, il constituerait un fondement pour
9 agir. Donc, il est utilisé également pour signifier que différentes parties
10 de l'acte d'accusation reprochent des crimes distincts."
11 Maintenant, c'est une chose de reprocher le génocide et d'englober
12 toute une série d'événements différents, parce que le schéma, comme la loi
13 l'affirme, pourrait être pertinent pour démontrer les éléments de génocide.
14 Mais la même chose ne vaut pas, Monsieur le Président, lorsqu'il s'agit de
15 crimes tels que meurtre, par exemple, un seul meurtre, puisque nous avons
16 besoin de voir si les différents éléments sont démontrés, sont prouvés. Et
17 de même manière par rapport à l'extermination, nous avons la jurisprudence
18 nous montrant dans quelle mesure les éléments disparates peuvent être liés
19 ensemble afin d'étayer cette allégation ou ce chef d'extermination. Et, au
20 fond, de la manière dont j'interprète cette jurisprudence, c'est qu'il y a
21 une limite, une limite à cet exercice de lier ensemble les événements
22 disparates afin de démontrer que cela nous montre l'existence du seuil
23 pertinent pour extermination. Et j'affirme que ces éléments disparates --
24 les meurtres disparates que vous voyez dans l'acte d'accusation contre
25 Hadzic vont bien au-delà de la mesure du permissible pour déterminer qu'il
26 est responsable de ces crimes de meurtre collectif au titre
27 d'extermination.
28 Donc, ce que j'affirme tout simplement, c'est qu'il n'y a pas de
Page 8983
1 raison, pas de justification, de ne pas avoir reproché des événements de
2 meurtre séparés en tant que chefs distincts, comme cela a été fait dans
3 l'affaire Haradinaj et dans l'affaire Lukic, dans les chefs d'accusation
4 qui ont été dressés dans ces affaires-là. Et j'affirme que cela aurait été
5 une manière appropriée de traiter le terme de "chef", donc de suivre la
6 définition appropriée du terme "chef". Bien entendu, l'acte d'accusation
7 contre M. Hadzic dit autre chose. Il n'est pas défini ni structuré de cette
8 manière-là, parce que l'Accusation ne va pas nécessairement structurer ses
9 actes d'accusation de la manière qui agrée le plus à la Défense ou qui aide
10 le plus la Défense, et le Juge qui confirme un acte d'accusation ne va pas
11 nécessairement avoir tendance à intervenir sur un point tel que la
12 structure de l'acte d'accusation à ce stade-là, sans avoir entendu les
13 arguments de l'autre partie. Bien que ce soit tout à fait raisonnable.
14 Et à ce stade, au stade du 98 bis, nous affirmons que c'est la
15 première occasion que vous avez, Messieurs les Juges, de vous pencher sur
16 la manière dont vous allez interpréter l'acte d'accusation par rapport et
17 au regard des éléments de preuve que vous avez entendus, et là encore,
18 j'affirme que cette structure, ce contexte constitue des raisons pour
19 lesquelles il vous faudrait vous pencher, non pas sur les chefs
20 d'accusation tels qu'ils se présentent dans leur forme, mais par rapport à
21 ce qu'ils comportent de substance. Et c'est cela, à mon sens, que signifie
22 l'article 98 bis, c'est à cela qu'il vous invite. Et voyons précisément
23 comment il est formulé.
24 Malheureusement, je dois dire que ce changement de formulation ne
25 nous informe pas véritablement sur ce qui nous intéresse ici. Donc,
26 l'ancienne formulation de l'article 98 bis était la suivante :
27 "La Chambre de première instance décidera d'un acquittement si elle
28 constate que les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour étayer une
Page 8984
1 déclaration de culpabilité de tel ou tel chef."
2 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'elle n'a pas le texte de
3 l'ancien article 98 bis sous les yeux.
4 M. GOSNELL : [interprétation] Mais le problème n'était pas tellement
5 l'ancienne formulation de l'article 98 bis, c'était plutôt que cette
6 pratique était de savoir comment cet article était appliqué avant 2004.
7 Parce que dans certaines décisions de 98 bis, les Chambres ont évalué sur
8 la base d'un examen paragraphe par paragraphe si, oui ou non, telle ou
9 telle allégation a été démontrée, même si tous ces paragraphes étaient
10 liés, même là je dirais qu'il s'agit d'un simple chef compris au sens de la
11 substance. Donc, ils se penchaient sur des faits matériels, Monsieur le
12 Président, ou substantiels. Et vous pouvez imaginer à quel point c'était un
13 exercice laborieux, en particulier parce que les parties avaient
14 l'autorisation à ce moment-là de présenter leurs arguments par écrit. Et
15 c'est la raison pour laquelle dans certaines affaires, telle l'affaire
16 Milosevic, le jugement 98 bis a constitué à lui seul un mini jugement. Et
17 ce n'était pas dans l'intérêt de l'efficacité. Et le Juge Robinson a
18 critiqué la manière de laquelle cet article 98 bis a été kidnappé et
19 détourné, en fait, pour être engagé vers l'examen des faits matériels.
20 Donc, la distinction qui est précisée ici par le Juge Robinson ne
21 porte pas sur la différence entre les charges et les chefs d'accusation, du
22 moins dans la phrase qu'il donne à ce titre. Il estime qu'ils sont
23 équivalents. La question est entre les chefs ou les charges et les faits
24 matériels. Le Juge Robinson dit que les faits matériels ne constituent pas
25 une référence appropriée pour considérer si, oui ou non, le seuil de
26 l'article 98 bis a été atteint.
27 Alors, à la fin de l'année 2004, il y a eu amendement de l'article 98
28 bis. Et de la manière dont je l'interprète, les opinions formulées par le
Page 8985
1 Juge Robinson ont été très pertinentes dans la formulation de cet
2 amendement. Et si nous nous penchons sur l'intention du législateur, si je
3 puis le formuler ainsi, puisque je suggère que l'opinion séparée du Juge
4 Robinson constitue ce reflet d'intention du législateur par rapport à
5 l'article 98 bis, et nous en avons une autre de la part du Juge Antonetti
6 dans l'affaire Seselj. Et comment est-ce qu'il présente son opinion
7 différente ? Il dit :
8 "L'opinion de la majorité est qu'il n'est pas possible de prononcer
9 un acquittement partiel sur la base de la formulation de cet article. Je
10 suis entièrement en désaccord avec cette interprétation, d'autant plus que
11 je suis co-auteur avec un autre Juge de la nouvelle formulation de
12 l'article. L'objectif de cette réforme n'a jamais été de rendre impossible
13 le prononcé d'une décision d'acquittement partiel. Cela aurait été
14 paradoxal. L'objectif de cette réforme était d'économiser du temps, et un
15 prononcé d'une décision d'acquittement partiel n'aurait pas atteint cet
16 objectif. Il aurait été également paradoxal de forcer les accusés de
17 présenter des éléments de preuve au titre de chefs particuliers ou parties
18 de chefs au titre desquels l'Accusation n'avait pas présenté de moyens à
19 charge ou parce que les moyens présentés n'avaient pas été suffisants."
20 Cela étant le cas, il peut s'agir d'une question d'interprétation des
21 deux textes qui font foi. D'après ce que j'ai compris, M. le Juge
22 Antonetti, lorsqu'il parle de "acquittement partiel", et je crois que c'est
23 clair lorsqu'on lit ceci dans le contexte, il parle d'acquittement partiel
24 au sein d'un chef d'accusation, d'un seul chef d'accusation.
25 Dans le cas où on n'adopte pas cette interprétation, et que vous
26 rejetez cette interprétation, Messieurs les Juges, quelles sont les
27 conséquences pratiques de cette approche ? Cela signifie -- et nous pouvons
28 regarder notre acte d'accusation; par exemple, si nous nous penchons sur le
Page 8986
1 chef 3, meurtre, qui est précédé par toute une liste d'événements
2 individuels correspondant à des meurtres. Cela signifie dans ce cas que
3 même s'il y a 25, 30, voire 40 événements portant sur des meurtres plaidés
4 dans l'acte d'accusation portant sur différentes années dans des lieux
5 géographiques distincts commis par des auteurs complètement différents qui
6 n'ont aucun lien entre les autres, il s'agit d'événements complètement
7 disparates les uns par rapport aux autres, et si vous n'acceptez pas
8 l'interprétation de M. le Juge Antonetti, cela signifie que s'agissant de
9 ces événements au nombre de 50, à supposer - alors que dans ce cas-ci il ne
10 s'agit que d'une douzaine - si un seul de ces événements permet d'être
11 étayé par des éléments de preuve que vous pourriez retenir, cela signifie
12 qu'il faut poursuivre sur tous les autres événements ? Vous ne disposez pas
13 de pouvoir discrétionnaire vous permettant de dire si, oui ou non, ces
14 événements ont un lien entre eux ? Vous ne disposez pas de pouvoir
15 discrétionnaire pour décider si, oui ou non, certains événements relèvent
16 d'une période de temps particulière ou de lieu géographique distinct ? Vous
17 ne disposez pas de pouvoir discrétionnaire pour dire que cette partie qui
18 peut être identifiée ne devrait pas faire l'objet de poursuite, même si les
19 conséquences de cela consisteraient à dire qu'il faudrait dans ce cas
20 présenter des éléments de preuve sur toutes les accusations, même s'il n'y
21 a pas de preuve ? Et j'utilise à dessein le terme de "accusations", cela
22 correspond aux chefs d'accusation, parce que d'après moi il y a une
23 différence au niveau du fond et de la forme s'agissant des chefs
24 d'accusation.
25 Et lorsque vous avez une accusation qui est seule et qui constitue à
26 elle seule un crime, il s'agit à ce moment-là d'un chef d'accusation, même
27 si l'acte d'accusation présenté par l'Accusation n'est pas établi de cette
28 manière-là. Et les conséquences de cela, si on n'accepte pas l'opinion de
Page 8987
1 M. le Juge Antonetti, ceci est tout à fait contraire à l'objectif de
2 l'article 98 bis, qui est suggéré ici tout à fait clairement par M. le Juge
3 Antonetti et de façon plus oblique par M. le Juge Robinson. D'après ce que
4 je sais, M. le Juge Robinson n'a jamais eu l'occasion d'apporter un
5 commentaire, sur un plan juridique j'entends, car dans l'affaire Lukic il y
6 avait un acte d'accusation qui était établi et structuré en fonction des
7 événements. Et chaque événement correspondait à un chef d'accusation.
8 Existe-t-il une pratique qui me permette d'étayer ce que je viens de
9 dire par opposition à des déclarations juridiques ou des opinions
10 concomitantes ? Dans l'affaire Stanisic et Simatovic, il y a des chefs
11 d'accusation qui sont très larges, des chefs d'accusation qui comprennent
12 une très grande zone géographique et une période qui est très longue,
13 encore plus longue que dans l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui. En
14 conséquence, la Chambre de première instance, après avoir entendu les
15 arguments d'une seule équipe de la Défense, l'équipe Simatovic, a permis à
16 l'ensemble du procès d'aller de l'avant. Rien n'a été rejeté. Mais c'était
17 après avoir examiné les éléments de preuve présentés.
18 Et comment la Chambre a-t-elle examiné les éléments de preuve
19 présentés ? Eh bien, Messieurs les Juges, elle a examiné les éléments de
20 preuve présentés en fonction de sa propre analyse d'après ce qu'elle
21 jugeait être sur un plan géographique et temporel associé. Cela étant dit,
22 cela figurait dans l'acte d'accusation lui-même. Cela n'était pas défini en
23 tant que chefs distincts. Donc, la Chambre de première instance a analysé
24 les éléments de preuve pour constater si, oui ou non, ils étaient
25 suffisants en vertu de l'article 98 bis et en vertu des trois zones
26 géographiques distinctes par rapport aux chefs d'accusation. Donc, la
27 Chambre a analysé les éléments de preuve dans la SAO de Krajina, voir si
28 ces éléments étaient suffisants, dans le SBSO également et ainsi qu'en
Page 8988
1 Bosnie, séparément. La Chambre a examiné chaque chef d'accusation eu égard
2 à ces trois régions géographiques distinctes.
3 De même, dans Karadzic, la Chambre de première instance a examiné les
4 soi-disant composantes de l'affaire, qui, encore une fois, n'avaient pas
5 été formulées clairement dans l'acte d'accusation, et il s'agissait
6 d'examiner donc l'acte d'accusation et il s'agissait d'identifier quelles
7 zones géographiques et quels espaces-temps devaient être associés. Les
8 éléments de preuve ont été présentés en fonction de ces composantes-là, et
9 les Juges dans l'affaire Karadzic ont analysé séparément chacune de ces
10 zones géographiques et périodes de temps. Alors, s'il s'agissait simplement
11 d'une question de chefs d'accusation -- cela dit, il ne faut pas confondre
12 le chef 1, le génocide dans certaines régions de Bosnie-Herzégovine, par
13 opposition au chef 2, à Srebrenica. Bien sûr que les Juges de la Chambre
14 ont analysé ces deux chefs d'accusation séparément. Je ne parle pas de
15 cela. Moi, je parle d'une question distincte. Je demande si les autres
16 chefs d'accusation qui n'ont pas été définis clairement géographiquement
17 parlant, si ceci pouvait être défini plus clairement. Si la Chambre avait
18 simplement dit, Eh bien, y a-t-il des éléments de preuve qui correspondent
19 aux chefs d'accusation, qui correspondent à l'une quelconque de ces zones
20 géographiques, dans ce cas la Chambre de première instance n'aurait pas eu
21 à analyser la structure et à analyser ces zones géographiques et la
22 définition temporelle.
23 Alors, qu'est-ce que nous avons, en somme ? Que pouvons-nous tirer de
24 cette pratique et de ces déclarations ? Alors, je suggère qu'il y a deux
25 principes qui découlent de notre jurisprudence. Le premier principe, c'est
26 que, Messieurs les Juges, vous disposez de pouvoir discrétionnaire et vous
27 pouvez aller au-delà des chefs d'accusation tels qu'ils sont définis par
28 l'Accusation. Cela est tout à fait clair d'après ces exemples que je viens
Page 8989
1 de vous citer, et cela est clairement étayé par les déclarations qui ont
2 été faits par deux Juges au moins. Et je dois faire valoir que ceci est
3 tout à fait approprié compte tenu des objectifs de l'article 98 bis.
4 Ensuite, si cela est vrai, comment devriez-vous, Messieurs les Juges,
5 exercer vos pouvoirs discrétionnaires ? Comment devriez-vous définir en
6 tout cas le point central de votre analyse, le point de référence ? Et je
7 dirais que cela relève de vos pouvoirs discrétionnaires qui sont sûrs. Et
8 vous devriez savoir s'il y a un groupe d'événements que vous pourriez
9 identifier qui, d'après vous, pourraient être considérés comme événements
10 distincts, qui devraient être analysés en tant que tels. Et c'est ce que je
11 vous demande de bien vouloir faire, s'il vous plaît, eu égard à nos
12 arguments qui portent sur le fond et les différents éléments sur lesquels
13 nous vous demandons de bien vouloir vous pencher.
14 Donc, après avoir donner un aperçu de ce cadre en vertu de l'article
15 98 bis, nous souhaitons maintenant vous présenter des arguments de fond
16 concernant ces chefs d'accusation qui devraient être, d'après nous,
17 abandonnés. Et nous faisons valoir que les chefs 2 à 9 -- nous faisons
18 valoir que les chefs 2 à 9 ne devraient pas être retenus d'après les
19 critères correspondant à l'article 98 bis eu égard aux événements qui se
20 sont déroulés dans la région du Groupe opérationnel sud. Il s'agit de
21 quatre événements et des passages pertinents de l'acte d'accusation qui
22 correspondent à : Lovas, le paragraphe 18 de l'acte d'accusation;
23 Velepromet, le 19 novembre; les événements d'Ovcara, le 20 novembre; et
24 Opatovac. Et nous faisons valoir qu'il n'y a pas suffisamment de fondement
25 pour qu'il y ait des poursuites pour tous les crimes commis en Serbie. Il
26 s'agit principalement des chefs 7 à 9.
27 Donc, il serait peut-être utile, avant que d'examiner les éléments de
28 preuve, de vous donner un croquis, un croquis qui n'a rien d'exhaustif, un
Page 8990
1 croquis grossier, vous donnant les éléments de preuve essentiels qui
2 devraient être établis pour que M. Hadzic puisse être déclaré coupable.
3 Encore une fois, à ce stade, il ne s'agit pas de savoir si les éléments de
4 preuve sont exacts; il s'agit d'établir s'il existe des éléments de preuve,
5 des éléments de preuve fiables, sur lesquels vous pourriez vous fonder pour
6 parvenir à cette décision-là. Alors, ce que j'ai fait sur cette
7 diapositive, j'ai tenté de représenter, comme je vous l'ai dit, de façon
8 très grossière les différents modes de responsabilité sur la base desquels
9 M. Hadzic pourrait être déclaré coupable.
10 Au premier paragraphe, nous voyons l'entreprise criminelle commune,
11 et donc la commission des crimes en tant que tels; au deuxième point,
12 l'entreprise criminelle commune 3; le troisième point, c'est aider et
13 encourager; et le quatrième point correspond à la responsabilité des
14 supérieurs hiérarchiques.
15 Il est important de se souvenir du fait que, et je suis sûr, Messieurs les
16 Juges, que nul n'est besoin de le vous le rappeler, Messieurs les Juges,
17 l'entreprise criminelle commune correspond à une forme de participation
18 directe. Et l'intention requise, à savoir l'élément moral pour constater
19 qu'une personne a participé ou participe à une entreprise criminelle
20 commune, est précisément le même élément moral que celui qui est requis
21 pour une personne qui commet un crime lui tout seul. Et c'est la même chose
22 que si une personne utilise une machette et commet un acte de violence
23 contre une victime. Cela constitue le critère ou le seuil de l'élément
24 moral. Et, en tant que commission directe, l'élément distinct ne porte pas
25 sur l'élément moral mais sur l'actus reus, l'élément matériel, qui est
26 diffus et qui est réparti entre différents individus.
27 Mais, nonobstant cela, ce même dolus directus qui s'applique à un
28 individu qui commet un crime lui tout seul, cela s'applique à l'entreprise
Page 8991
1 criminelle commune, ce qui rend votre tâche difficile, Monsieur le
2 Président. Parce que, s'agissant d'une personne qui utilise une machette
3 contre quelqu'un, c'est assez aisé dans tous les cas de figure de tirer les
4 déductions nécessaires à propos de l'élément moral. S'agissant d'un
5 individu qui est censé avoir participé à un plan commun, à un plan criminel
6 commun, la déduction qu'il faut faire est beaucoup plus difficile et
7 compliquée concernant l'élément moral nécessaire. Mais ce critère de
8 l'élément moral existe toujours. Il n'est pas amoindri parce que les
9 allégations consistent à dire que les crimes ont été commis par d'autres.
10 Et, Messieurs les Juges, vous avez que notre jurisprudence déclare qu'il
11 existe d'autres personnes, que cette entreprise criminelle commune est
12 assez large et que son champ n'est pas limité, comme c'est le cas ici,
13 puisse que l'entreprise criminelle commune qui est reprochée est large.
14 De surcroît, et je dis que c'est tout à fait essentiel, c'est
15 crucial, c'est important non seulement pour comprendre l'élément moral de
16 l'entreprise criminelle commune, mais c'est important pour comprendre si
17 oui ou non et comment vous pouvez faire les déductions nécessaire
18 s'agissant de l'élément moral, car le crime doit dans ce cas être commis
19 par d'autres membres de ce plan commun, de cette entreprise criminelle
20 commune, ou ce crime doit être commis par des individus qui sont contrôlés
21 par d'autres membres de l'entreprise criminel commune. Et cela, confer
22 l'arrêt Brdjanin.
23 Il arrive très souvent, et, Messieurs les Juges, vous l'avez
24 constatés dans bon nombre d'autres affaires et cela n'est pas contesté, que
25 les structures organisationnelles sont parfois le moyen par lequel ces
26 modes de responsabilité sont mis en œuvre et sur lesquels on peut tirer des
27 déductions sur l'élément moral nécessaire et sur le fait de savoir si, oui
28 ou non, quelqu'un a contribué au crime, s'il y a eu contribution. Mais si
Page 8992
1 une structure organisationnelle constitue un fondement permettant d'établir
2 ces éléments-là, nous disons que cela relève véritablement du domaine des
3 preuves indirectes, et dans ce cas cette structure organisationnelle ou cet
4 organigramme doit exister, et il doit exister suffisamment d'éléments de
5 preuve pour vous permettre à vous, Messieurs les Juges, de dire que cette
6 structure organisationnelle englobe les crimes qui sont allégués contre M.
7 Hadzic. Et dans le cas où les éléments de preuve ne sont pas suffisants et
8 ne permettent pas d'établir cela, dans ce cas il n'y a pas de
9 responsabilité, certainement pas au motif de l'entreprise criminelle
10 commune. Et donc, je propose à ce stade, Messieurs les Juges, de poser la
11 question suivante : existe-t-il des éléments de preuve qui vous
12 permettraient de déterminer si, oui ou non, il existait une structure
13 organisationnelle dans laquelle était impliqué M. Hadzic mais qui englobait
14 également les crimes qui ont été commis dans la zone du Groupe opérationnel
15 sud ? Car telle est la question que nous vous soumettons à ce stade.
16 Et je devrais ajouter que ce que je suis sur le point de dire
17 concernant la région du Groupe opérationnel sud peut être appliqué
18 ailleurs, mais nous estimons que les éléments de preuve sont très clairs -
19 ou, plutôt, le nombre de preuve est assez manifeste - sur la non-existence
20 d'une structure organisationnelle qui lie M. Hadzic à l'un quelconque des
21 crimes qui sont allégués et qui auraient été commis dans le secteur du
22 Groupe opérationnel sud.
23 De même, s'agissant de la complicité par aide et encouragement et la
24 responsabilité du supérieur hiérarchique, on peut démontrer que ceci est
25 mis en œuvre par une structure organisationnelle. Mais dans ce cas là, le
26 niveau de l'organisation au sein de cette structure doit être encore plus
27 distinct. Il doit y avoir un élément de la notion de viser précisément par
28 rapport au crime. Et c'est toujours le lien, Messieurs les Juges. C'est ce
Page 8993
1 lien-là qui est important entre l'accusé et ses actes et le crime.
2 Et pour ce qui est du fait d'avoir aidé et encouragé, encore faut-il savoir
3 si ses actes ou actions visaient précisément à la commission d'un crime.
4 Pour ce qui est de la responsabilité du supérieur hiérarchique,
5 j'avance que l'élément primordial, s'il en fut, en fait, le seul élément
6 que je doive invoquer maintenant, est l'élément du véritable contrôle, qui
7 suppose qu'il y a un lien, une relation de subordination, d'obéissance, et
8 des ordres qui sont donnés entre l'auteur du crime et l'accusé.
9 Alors, qu'est-ce que le Groupe opérationnel sud ? Nous, nous avançons
10 que le Groupe opérationnel sud a, certes, existé et il a existé à partir de
11 la fin du mois de septembre jusqu'au 24 novembre. Il y a une chose qui est
12 absolument claire et qui ne fait l'objet d'aucun contentieux, d'aucun
13 litige. Certes, le Groupe opérationnel sud existait bel et bien au moment
14 où chacun des quatre crimes pour lesquels nous avançons qu'il n'y a pas
15 d'élément de preuve permettant de poursuivre ce procès se sont déroulés.
16 J'aimerais maintenant que le transparent suivant soit affiché, ou la
17 diapositive ou le cliché suivant. Vous vous souviendrez certainement,
18 Messieurs les Juges, de cette carte qui a été montrée à plus d'une reprise
19 et qui indique -+ et cela, nous le voyons sur la carte - qui indique le
20 périmètre de la région qui correspondait au Groupe opérationnel sud. Alors,
21 dans un premier temps, le Groupe opérationnel sud a été la création
22 militaire en quelque sorte de la JNA. C'est la JNA qui a constitué le
23 Groupe opérationnel sud, qui a créé la hiérarchie au sein du Groupe
24 opérationnel sud. Et cette hiérarchie, cette organisation, était le fidèle
25 reflet de ce qui se passait sur le terrain, de la réalité qui prévalait sur
26 le terrain, à savoir qu'il y avait une séparation physique entre la zone se
27 situant au sud de Vukovar et la zone de situant au nord de Vukovar, en ce
28 sens où il y avait à ce niveau-là des forces croates jusqu'à une certaine
Page 8994
1 date. Mais même lorsqu'il y a eu suppression du couloir vers Vukovar, le
2 Groupe opérationnel sud a continué à exister.
3 Alors, quelle fut la portée de cette structure organisationnelle qui
4 a été constituée par la JNA et quelle fut son étendue ? Alors, je dirais,
5 et d'ailleurs je suis particulièrement reconnaissant, je loue les efforts
6 de l'Accusation qui a bien voulu appeler à la barre ce témoin, car nous
7 avons entendu les propos de la personne qui était le chef de ce qu'il a
8 décrit comme "l'état-major de la Défense territoriale pour le Groupe
9 opérationnel sud." Cet homme a été nommé en octobre 1991. Et il a témoigné
10 comme suit : il a indiqué qu'il avait été "subordonné au commandant du
11 Groupe opérationnel sud, M. Mrksic," pendant tout son mandat. Le deuxième
12 commandant, M. Vujovic, a été nommé par Sljivancanin ou par Mrksic
13 immédiatement avant la chute de Vukovar. Le QG de l'état-major de la
14 Défense territoriale du Groupe opérationnel sud se trouvait à Velepromet.
15 Et, en fait -- d'ailleurs, je ne vais pas insister là-dessus, je ne vais
16 pas, en fait, avancer cela parce que je ne sais plus si c'est une question
17 qui a été soulevée par l'Accusation ou par la Défense, mais une question
18 lui avait été posée, on lui avait demandé s'il pouvait dire de façon
19 approximative combien d'états-majors de la Défense territoriale lui étaient
20 subordonnés.
21 Il a dit qu'il y avait plus de 20 villages, et il a parlé de toutes
22 les unités qui s'y trouvaient, y compris l'unité qui se trouvait à Petrova
23 Gora.
24 Alors, voilà un élément de preuve apporté par quelqu'un qui savait,
25 et d'ailleurs on ne peut absolument pas suggérer que ce qu'il a indiqué
26 était partial ou que ce qu'il allait dire allait militer en faveur de M.
27 Hadzic.
28 Alors, comment est-ce que l'on peut apprécier à leur valeur maximale
Page 8995
1 les éléments de preuve qui ont été présentés par ce témoin, le Témoin GH-
2 012, qui avait des liens -- ou, plutôt, qui était le commandant, puisque
3 c'est ce qu'il nous a dit, qui était le commandant de l'état-major de la
4 Défense territoriale du Groupe opérationnel sud, qui englobait à l'époque
5 au moins 20 villages du Groupe opérationnel sud, qui à ce moment-là était
6 séparé physiquement du Groupe opérationnel nord, au moins en Croatie.
7 Alors, comment est-ce que l'on peut apprécier à leur valeur maximale ces
8 éléments de preuve apportés par quelqu'un à propos, donc, des liens qu'il
9 avait avec le gouvernement du district ? Alors, il a expliqué en fait qu'il
10 avait rencontré, et il me semble qu'il avait dit que c'était au mois de
11 septembre, qu'il avait rencontré M. Hadzic, parce qu'il y a en fait une
12 référence au fait que ses forces devaient opérer une jonction avec les
13 forces de la JNA afin d'essayer de libérer la caserne de Vukovar. Donc, ça,
14 c'est le contexte de la première citation. Et le Témoin GH-012 dit -- et
15 vous vous souviendrez, en fait, que ce témoin nous a dit que cela s'était
16 passé en septembre. Et le Témoin GH-012 nous dit qu'il a rencontré Ilija
17 Kojic, et il pensait qu'Ilija Kojic était le chef de la Défense
18 territoriale de Borovo Selo, et il le décrit comme étant "more organised".
19 Il décrit cela, en fait, comme une tentative pour essayer "d'atteindre le
20 commandement du corps par son truchement."
21 Alors, ils vont ensemble trouver le général Bratic à Novi Sad. Et si
22 je ne m'abuse, cela s'est passé avant que le Témoin GH-012 ne soit nommé à
23 la tête du Groupe opérationnel sud, mais c'est la raison pour laquelle, en
24 fait, ils vont trouver le général Bratic, qui, comme vous le savez --
25 M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, mais je pense qu'il va falloir
26 envisager une expurgation.
27 M. GOSNELL : [interprétation] Non, mais il ne s'agit pas d'un témoin
28 protégé, Monsieur le Président.
Page 8996
1 M. STRINGER : [interprétation] Fort bien. Excusez-moi donc.
2 M. GOSNELL : [interprétation] Donc, comme je vous le disais, le général
3 Bratic, en fait, il ne faisait pas partie de la formation du Groupe
4 opérationnel sud, parce que cela se passe avant la constitution du Groupe
5 opérationnel sud. Et à ce moment-là, au mois de septembre 1991, le Témoin
6 GH-012 ne fait aucune référence, aucune mention, au gouvernement du
7 district. Il ne semble pas suggérer, d'ailleurs, qu'il existe. Il ne
8 mentionne aucune affiliation de M. Kojic au gouvernement du district. Il
9 n'indique absolument pas que le gouvernement du district fournit une
10 assistance. Cette rencontre ou cette réunion avec M. Kojic porte
11 essentiellement sur son rôle en tant que chef de la Défense territoriale de
12 Borovo Selo, et ce, afin de prendre contact avec le général Bratic, et le
13 témoin a indiqué qu'il s'attendait à ce que le général Bratic prenne
14 contact avec le commandant local de la JNA dans sa zone qui se trouvait
15 autour de Vukovar.
16 Donc, ça, c'est la première indication, et je suggère que même lorsque l'on
17 apprécie cet élément de preuve à sa valeur maximale, c'est la première
18 indication, dis-je, du fait qu'il n'existe aucun lien - qu'il s'agisse d'un
19 lien organisationnel, d'un lien ad hoc ou de tout autre lien - entre le
20 gouvernement du district et le Groupe opérationnel sud.
21 Là, il s'agit du témoin qui, lui, parle de sa nomination, et je pense que
22 le contexte de la citation est extrêmement important. Je m'attends de toute
23 façon à ce que l'Accusation revienne à la charge là-dessus, et c'est pour
24 cela que je veux vous présenter l'ensemble du contexte. Alors, voilà ce que
25 nous dit le Témoin GH-012, et je cite :
26 "J'ai été nommé commandant de l'état-major de la Défense territoriale, mais
27 je ne pouvais pas m'acquitter de cette fonction seul. Mrksic ne l'a pas
28 autorisé parce que sinon, l'unité de Petrova Gora aurait été sans chef."
Page 8997
1 Alors, je m'interromps et je me permets d'analyser ce que d'après moi dit
2 le témoin. Il est en train d'indiquer que le colonel Mrksic se plaint de la
3 double capacité du témoin, qui est à la fois le commandant du groupe de la
4 Défense territoriale du Groupe opérationnel sud ainsi que le commandant de
5 la Défense territoriale de Petrova Gora. Et je poursuis ma citation :
6 "Il a dit qu'il était important que nous libérions Vukovar et que le
7 commandant de l'état-major de la Défense territoriale avait une fonction
8 politique et que nous devions nous concentrer sur la libération de Vukovar.
9 Par conséquent, je devais rester auprès de l'unité de Petrova Gora jusqu'à
10 la libération.
11 "Question : Et de quelle façon est-ce que le commandant de l'état-major de
12 la Défense territoriale avait une fonction
13 politique ?"
14 "Réponse : C'était une fonction politique parce que je dirais que la
15 Défense territoriale finance, équipe et nomme les commandants de la Défense
16 territoriale municipale. Donc, il ne s'agit pas d'une structure militaire;
17 il s'agit d'une structure municipale et civile.
18 "Question : Et est-ce que les états-majors de la Défense territoriale
19 relèvent d'une institution du gouvernement, et le cas échéant, de quelles
20 institutions ?
21 "Réponse : Ils relèvent du ministère de la Défense."
22 Donc, qu'entend exactement le Témoin GH-012 ? Qu'entend-il exactement
23 lorsqu'on lui pose la question suivante : "Et est-ce les états-majors de la
24 Défense territoriale relèvent d'une institution du gouvernement ?" Parce
25 que c'est cela la question qui nous intéresse. La question n'était pas de
26 savoir si à un moment donné ils relevaient d'une institution du
27 gouvernement particulière. C'était une question générique qui a été posée à
28 propos des états-majors de la Défense territoriale en général. Sur quoi
Page 8998
1 est-ce que cela se fonde ? Nous ne le savons pas. Mais ce que j'avance,
2 c'est qu'au vu de la totalité du contexte, le témoin nous dit que M.
3 Mrksic, d'après ce qu'il comprend de la façon dont fonctionnent normalement
4 et habituellement les états-majors de la Défense territoriale, à savoir en
5 temps de paix et avant le conflit, nous indique que les états-majors de la
6 Défense territoriale locale ont un lien organisationnel avec les autorités
7 politiques. Et non pas opérationnel, Monsieur le Président. Il ne s'agit
8 pas d'un lien opérationnel, il ne s'agit pas d'un lien de commandement et
9 de contrôle. Et cela a été indiqué de façon très claire par le Témoin
10 Theunens. Il s'agit en fait d'une discussion tout à fait théorique à propos
11 de la situation générale des états-majors de la Défense territoriale. Il ne
12 s'agit pas d'une discussion ou d'un débat qui porte sur la situation telle
13 qu'il l'a perçue, telle qu'il l'a vécue.
14 Et d'ailleurs, d'après sa déclaration, Monsieur le Président, il
15 n'est pas clair à quel ministère de la Défense il faisait référence. Es-ce
16 qu'il faisait référence à la RSFY ? Est-ce qu'il faisait référence au
17 gouvernement de la Serbie ? Cela n'a pas été précisé dans cette série de
18 questions et de réponses. Il s'agit d'une question qui a été posée lors de
19 l'interrogatoire principal du témoin. Pendant le contre-interrogatoire, le
20 témoin a déclaré de façon très, très claire - et je vous l'ai indiqué
21 lorsque je vous ai présenté le cliché précédent - qu'il a été subordonné
22 pendant tout son mandat à M. Mrksic. Il n'y a pas eu de questions de suivi
23 posées par l'Accusation. Ils n'ont pas demandé de précision. Ils n'ont pas
24 dit : Mais, Monsieur le Témoin, vous nous avez dit lors de l'interrogatoire
25 principal que vous aviez des responsabilités vis-à-vis du ministère de la
26 Défense. Ces questions n'ont pas été posées. Et c'est justement cette
27 question qui, pendant un contre-interrogatoire, aurait pu fournir la
28 précision suffisante et le contexte de la déclaration.
Page 8999
1 C'est pour cela que nous avançons que ces éléments de preuve
2 appréciés à leur valeur maximale, éléments de preuve qui viennent de la
3 bouche d'un témoin essentiel, montrent qu'il n'y a pas de lien
4 organisationnel entre le gouvernement du district et les Défenses
5 territoriales dans le Groupe opérationnel sud.
6 Et nous allons maintenant nous intéresser à un autre aspect, une
7 autre facette des éléments de preuve qui nous permettra de mieux comprendre
8 cela. Parce que, Monsieur le Président, je me rends compte que je reviens à
9 la charge pour décrire à votre intention les éléments de preuve, alors que
10 cela peut vous paraître paradoxal que pour prouver qu'il n'y a pas
11 d'élément de preuve, je revienne justement sur ces éléments de preuve et de
12 façon si importante. Et c'est une question que vous seriez tout à fait en
13 droit de me poser. Mais je le fais parce qu'il y a beaucoup d'éléments de
14 preuve en l'espèce qui ont été présentés hors contexte, et je vous exhorte
15 à prendre en considération la valeur probante de chaque élément des crimes
16 qui sont reprochés ou d'établir les formes de responsabilité, parce qu'il
17 n'y a pas de formes de responsabilité. Et c'est ce que j'essaie d'indiquer
18 à votre intention, Messieurs les Juges, car il s'agit en fait de voir quels
19 sont les différents éléments de preuve et d'établir les liens entre ces
20 éléments de preuve et les crimes qui ont été commis. Mais ce que j'avance
21 en fait, c'est que si cela est fait, cela ne justifie absolument pas une
22 condamnation pour ce qui est de ces événements particuliers.
23 Il y a un document, un document qui a été versé au dossier, qui est
24 devenu une pièce, et qui va nous permettre de parler du contexte. C'est,
25 certes, un document qui pourrait être cité pour déterminer le lien qui
26 existe entre le Groupe opérationnel sud et le gouvernement du district. Il
27 s'agit du commandant de la ville d'Ilok qui écrit cela en décembre 1991.
28 Alors, certes, je vous l'accorde, cela correspond à une phase tardive de la
Page 9000
1 période par rapport aux événements et aux crimes que nous avons décrits,
2 mais cela n'est pas atypique, en fait, du type d'éléments que nous trouvons
3 dans les documents. Et nous avançons qu'il y a quand même une très, très
4 grande part d'ambiguïté. Voilà ce que le colonel Belic dit dans une lettre
5 qu'il adresse à M. Hadzic, et c'est un document important, je le souligne :
6 "Etant donné que vous ne contestez pas la présence de l'armée dans
7 cette zone," il s'agit de la zone autour d'Ilok, et d'ailleurs j'avancerais
8 qu'il y a des éléments de preuve qui indiquent que le colonel Belic était
9 le commandant non seulement d'Ilok mais qu'il était responsable de
10 plusieurs villages dans la zone, "cela nous permet d'aboutir à la
11 conclusion que l'armée est présente non pas parce qu'il s'agit d'une zone
12 d'activité de combat et parce qu'elle doit exécuter des tâches de combat,
13 mais parce que vous nous avez fort aimablement autorisés à ce que l'armée
14 se trouve là."
15 Alors, il y a un des témoins experts de l'Accusation, le Dr Nielsen,
16 à qui l'on a posé une question à ce sujet lors du contre-interrogatoire. On
17 lui a posé une question à propos de ce passage, et voilà de qu'il a dit, et
18 cela a son importance. Il a dit :
19 "Ecoutez, c'est une déclaration qui me rend fort perplexe," et puis
20 il poursuit en disant, "non seulement parce que tout le monde sait
21 pertinemment que l'armée était arrivée avant les autorités du district
22 serbe. Je ne sais pas s'il essaie tout simplement d'être facétieux ou non,
23 mais le fait est que l'armée est arrivée dans de nombreux cas avant les
24 autorités du district. Et ce terme qu'il a utilisé, 'vous nous avez fort
25 aimablement autorisés à être là,' c'est une formule qui me semble tout
26 simplement facétieuse."
27 Alors, ce que j'avance, c'est que même si l'on analyse de façon très
28 diagonale ce à quoi il est fait référence dans ce document de la liste 65
Page 9001
1 ter 6059, et je sais d'ailleurs qu'il s'agit maintenant d'une pièce de
2 l'Accusation ou de la Défense qui a été versée au dossier, mais même si on
3 analyse cela de la façon la plus diagonale possible, il est absolument
4 évident qu'il ne s'agit pas d'un élément de preuve qui permettrait de
5 justifier le point de vue suivant lequel le gouvernement du district avait
6 une position d'autorité, premièrement vis-à-vis de la JNA, et deuxièmement,
7 vis-à-vis de l'état-major de la Défense territoriale locale, de tous les
8 états-majors des Défenses territoriales, et également de l'état-major de la
9 Défense territoriale du Groupe opérationnel sud dans cette zone. Cela ne le
10 prouve pas. Et d'ailleurs, le Dr Nielsen, qui à mon avis a tout à fait
11 raison en la matière, nous a donné quelque chose de fiable, car non
12 seulement cela indique que ce n'est pas vrai, mais cela prouve tout à fait
13 le contraire. Il s'agit tout simplement d'un colonel de la JNA qui se
14 moque, en quelque sorte, du président du gouvernement du district et qui
15 l'accuse d'avoir été facétieux à ce sujet. Mais nous affirmons que l'on ne
16 respecte pas le contexte dans lequel cela a été dit, du moins pour ce qui y
17 est de cet élément d'élément de preuve documentaire. Ce n'est pas ce qui
18 apparaît, même si on l'examinait de manière la plus diagonale qui soit,
19 Monsieur le Président --
20 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell, nous avons peut-être
21 une difficulté ici, si le document et les références du compte rendu
22 d'audience qui figurent dans vos présentations PowerPoint, si cela n'a pas
23 été lu pour faire partie du compte rendu d'audience. Est-ce que vous
24 pourriez vous occuper de cela ?
25 M. GOSNELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais retrouver
26 la référence et j'en donnerai lecture pour le compte rendu d'audience.
27 Et puis, un deuxième exemple, Monsieur le Président, de ce que je suis en
28 train d'avancer, ce même phénomène, donc c'est une vidéo, la vidéo -- non,
Page 9002
1 je fournirais la transcription en temps voulu.
2 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
3 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell, je ne suis pas
4 certain que vous ayez bien compris notre difficulté. Il s'agit d'une
5 question d'ordre général. Cela porte sur l'ensemble des références que nous
6 voyons dans vos clichés de votre présentation PowerPoint. Nous allons les
7 perdre si on n'en donne pas lecture pour le compte rendu d'audience.
8 M. GOSNELL : [interprétation] Oui, je vois entends, Monsieur le Président,
9 et je vais m'y pencher pendant la pause. Je vais voir de quelle manière on
10 pourrait résoudre cela de manière appropriée. Je vous remercie d'avoir
11 attiré mon attention là-dessus.
12 Alors, un autre exemple de ce qui constitue, à mon sens, ce même
13 phénomène, et je pense que cet exemple est important parce que l'Accusation
14 a essayé de s'appuyer sur ce moyen de preuve, et je m'attends aussi à ce
15 qu'ils reviennent là-dessus ce mercredi, eh bien, c'est la vidéo de M.
16 Hadzic qui parle à Sid à la date du 20 novembre en fin d'après-midi, au
17 début de la soirée, donc, de la journée du 20 novembre. Je vais peut-être
18 devoir me corriger sur le moment exact dans la journée, mais quoi qu'il en
19 soit c'est bien la date du 20 novembre. Donc, il arrive à Sid et il dit
20 dans cet enregistrement vidéo que les prisonniers devraient être ramenés à
21 Vukovar pour être jugés. Et pour diverses raisons, peut-être, l'Accusation
22 s'y est référée souvent. Mais je me permets d'avancer une chose, c'est
23 qu'il y a un élément que cela ne nous montre pas, ne prouve pas. Cela ne
24 prouve certainement pas qu'à ce stade - ou à tout autre moment - le
25 gouvernement du district avait pris en charge les prisonniers qu'il
26 souhaitait faire amener pour être jugés à Vukovar.
27 Et pourquoi est-ce que j'affirme cela, Monsieur le Président ?
28 Qu'est-ce qui me permet de dire cela ? Parce qu'aucun des ces individus n'a
Page 9003
1 été ramené. Et c'est de cela que parlait M. Hadzic. Il parlait du retour
2 des prisonniers qui avaient été emmenés en Serbie. Donc, aucun d'entre eux
3 n'est revenu. Aucun n'a été jugé. Donc, il n'y a aucun élément de preuve
4 nous permettant de voir que cela ait eu lieu. Donc, cela étant dit, et
5 compte tenu du fait qu'il n'y a pas d'élément de preuve montrant que cela
6 se soit produit, cette déclaration ne nous montre pas qu'il ait été en
7 position d'autorité. Cela ne nous montre pas un contrôle organisationnel
8 sur les événements dans le Groupe opérationnel sud à quelque degré que ce
9 soit. Ces prisonniers étaient entre les mains de la JNA tout au long de
10 cette période où ils ont été arrêtés, placés en détention, où ils ont été
11 emmenés en Serbie ou, pour certains des plus malheureux, emmenés à Ovcara.
12 Et tout cela s'est passé alors qu'ils étaient entre les mains de la JNA, et
13 je vais en parler plus en détail.
14 La question, donc, de cette vidéo est qu'elle ne nous montre pas
15 qu'il y a eu un lien organisationnel entre ce qui était en train de se
16 produire dans le Groupe opérationnel sud et le gouvernement du district, et
17 encore moins qu'il y a eu un lien entre M. Hadzic lui-même -- et là on
18 reparle des formes de responsabilité, donc, soit qu'il ait contrôlé les
19 éléments jusqu'à un degré suffisant pour que vous puissiez en conclure que
20 des crimes qui ont été commis dans le Groupe opérationnel sud étaient
21 commis alors qu'il en avait connaissance, qu'il avait l'intention que ces
22 crimes soient commis ou qu'il ait contribué de manière importante à leur
23 commission. Donc, le lien organisationnel sur lequel on s'est souvent
24 appuyé en tant que base pour ces formes de responsabilité est absent ici.
25 Cela ne constitue pas une base justifiant une déclaration de culpabilité à
26 ce titre.
27 Est-ce que nous pourrions faire une pause ?
28 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Maître Gosnell.
Page 9004
1 Nous reviendrons à 11 heures.
2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.
3 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.
4 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez, Maître
5 Gosnell.
6 M. GOSNELL : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie. Je
7 vais justement revenir un petit peu en arrière et je vais faire en sorte
8 d'avoir toutes les références relatives à la jurisprudence pour le compte
9 rendu d'audience que j'ai omis de préciser expressément précédemment.
10 Donc, la première préférence porte sur les éléments de preuve portant sur
11 chaque élément des crimes allégués, et la référence porte sur l'affaire
12 Stanisic et Simatovic, page 11 465 du compte rendu d'audience; Gotovina,
13 page 17 599 du compte rendu d'audience; et Mrksic, 11 312 du compte rendu
14 d'audience.
15 Le paragraphe de l'arrêt dans l'affaire Jelesic que j'ai mentionné est le
16 paragraphe 36.
17 La norme par rapport à l'absence d'élément de preuve susceptible de
18 justifier une condamnation, eh bien, ces références-là portaient sur
19 l'affaire Mrksic, page 11 312 du compte rendu d'audience; Prlic, page 27
20 206 du compte rendu d'audience.
21 Ensuite, la référence portant sur le critère de preuve pour preuve
22 indirecte ou indiciaire, Bagosora, arrêt en appel, paragraphe 515.
23 La référence portant sur l'ouï-dire, elle se réfère à l'affaire Prlic en
24 date du 23 novembre 2011, paragraphe 53.
25 Les parties de l'acte d'accusation dans l'affaire Lukic, c'étaient les
26 chefs 6 et 7 que j'ai mentionnés; et l'acte d'accusation dans l'affaire
27 Haradinaj, les chefs d'accusation 3 et 4. La décision d'acquittement dans
28 l'affaire Milosevic le 16 juin 2004, l'opinion séparée du Juge Robinson,
Page 9005
1 paragraphe 17. L'opinion séparée du Juge Antonetti se retrouve au compte
2 rendu d'audience de l'affaire Seselj, pages 16 901 et 16 902.
3 L'examen des différentes zones géographiques et différentes périodes de
4 temps par rapport aux chefs d'accusation dans l'affaire Stanisic et
5 Simatovic; à titre d'exemple, pages 11 472 à 11 473 du compte rendu
6 d'audience, 11 474 et 11 476. Dans l'affaire Karadzic, pages 28 734 et
7 suivantes du compte rendu d'audience.
8 La définition du Groupe opérationnel sud qui figure dans le rapport
9 Theunens, à savoir la pièce P1753, se trouve dans la première partie, page
10 8.
11 Les références à la déposition de GH-012, sa nomination a fait l'objet
12 d'une présentation en pages 7 061 et 7 063 du compte rendu d'audience, sa
13 subordination mentionnée en page 7 114. La nomination au poste de
14 commandant en second de Vujovic, 7 072 et 7073, ainsi que page du compte
15 rendu d'audience 4 563. Le fait que le QG se trouve à Velepromet, page du
16 compte rendu d'audience 7 063. Et le nombre de villages qui lui ont été
17 subordonnés est mentionné à la page 7 063 du compte rendu d'audience ainsi
18 qu'à la page 7 068.
19 Deux références pour la précession à la valeur maximale des éléments de
20 preuve : premièrement, en page 7 049 du compte rendu d'audience, puis page
21 7 063 du compte rendu d'audience. Par rapport au Groupe opérationnel sud.
22 Le document du colonel Belic à M. Hadzic se retrouve à la pièce P1731,
23 première page. Une correction, s'il vous plaît, il s'agit en fait de la
24 pièce P1962, et la vidéo que j'ai mentionnée par rapport à M. Hadzic est la
25 pièce P1731, première page.
26 Monsieur le Président, ai-je dis avant la pause qu'il n'y avait pas de
27 moyen de preuve démontrant que le Groupe opérationnel sud faisait partie
28 des structures du gouvernement régional, était englobé dans ces structures
Page 9006
1 ? J'ai peut-être dit cela, et cela n'était pas totalement exact si je l'ai
2 dit. Vous vous rappellerez le Témoin GH-0168, le témoin, dans le témoignage
3 -- qui nous rappellerait cette image du garçon néerlandais remplir tous les
4 trous qui se créent dans la digue.
5 Ce n'est pas une chose très agréable que j'ai à vous dire, mais, Messieurs
6 les Juges, ce témoin a fait sa déclaration solennelle dans le prétoire et
7 il vous a menti droit dans les yeux, malheureusement. J'affirme que c'est
8 ce qu'il s'est passé. Et j'affirme que nous avons des indices clairs nous
9 permettant d'affirmer cela, du moins pour ce qui est de tous les éléments
10 de son témoignage qui ont porté sur sa perception de la responsabilité
11 relative de la JNA pour les crimes qui font l'objet de l'acte d'accusation.
12 Passons à huis clos partiel, s'il vous plaît, par précaution.
13 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
15 [Audience à huis clos partiel]
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 9007
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Pages 9007-9010 expurgées. Audience à huis clos partiel.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 9011
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 [Audience publique]
25 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.
26 M. GOSNELL : [interprétation] Alors, regardons maintenant les différents
27 villages qui faisaient partie du secteur du Groupe opérationnel tels que
28 définis par GH-012 et les allégations dans les chefs d'accusation à l'égard
Page 9012
1 de chacun de ces villages.
2 Au paragraphe 21 -- pardonnez-moi, paragraphe 26 de l'acte
3 d'accusation, qui porte sur les chefs 2, 3 et 4; et ensuite le paragraphe
4 41(m), qui porte sur les chefs 5 à 9. Passons à la diapositive suivante, je
5 vous prie.
6 Alors, quels étaient les éléments sur qui était responsable ? Ou,
7 posé plus simplement : qui a commis de façon directe les crimes à Lovas ?
8 Eh bien, d'après les éléments de preuve principaux, Ljuban et Milan
9 Radojcic et le Détachement de Dusan Silni ont participé aux crimes qui ont
10 été commis à Lovas. Cela comprenait l'événement du champ de mines, et je
11 suis sûr, Messieurs les Juges, que vous vous souvenez de cette déposition.
12 Mais ce qui a été dit au niveau de la déposition à propos de qui était à
13 cet endroit et qui contrôlait ces événements-là, qui les organisait et qui
14 dispose de l'autorité et quelle structure organisationnelle est en place.
15 Eh bien, GH-102 a précisé à la pièce P50, au paragraphe 152 :
16 "Il est difficile de savoir combien de soldats de la JNA étaient
17 déployés à Lovas, mais j'ai remarqué qu'ils contrôlaient tout."
18 P296, GH-134, paragraphe 6 :
19 "Radojcic… d'après ce que je sais, son uniforme était celui d'un
20 soldat de l'armée régulière de la JNA et non pas d'un réserviste. Il avait
21 trois étoiles sur ses épaulettes."
22 Et ensuite, la déposition d'un expert militaire, je vois que dans
23 cette citation on fait référence à la pièce P378, et que M. Theunens a
24 commenté à la page 4 572. Au début, il y a une citation qui est lue à M.
25 Theunens et qui se lit comme suit :
26 "'Les autorités civiles n'ont pas été établies à ce jour dans la
27 ville d'Ilok, ni dans les villages de Sarengrad, Mohovo, Opatovac, Lovas et
28 Bapska…'"
Page 9013
1 Et ensuite, la question qui est posée :
2 "Question : Arrêtons-nous là un instant. A supposer que ce qui vient
3 d'être dit -- à savoir si cette déclaration est exacte ou non, les
4 conséquences de sa déclaration," le colonel Milan Belic, à la date du 9
5 décembre 1991, "qu'il n'y ait pas d'autorités locales en place, le
6 commandement de la ville exerce donc un contrôle civil sur ces villes,
7 n'est-ce pas ?
8 "Réponse : Oui. En réalité, c'est le commandant militaire de la ville qui
9 est toujours responsable des affaires civiles dans ces villes."
10 Regardons maintenant la page suivante et essayons de regarder les
11 éléments de preuve pris à leur valeur maximale concernant le lien entre M.
12 Hadzic et ces événements. Et rappelons-nous, Messieurs les Juges, qu'il ne
13 suffit pas de dire simplement : Eh bien, il s'agit des mêmes crimes que
14 ceux qui ont été commis ailleurs en SBSO. Cela n'est pas suffisant. Car,
15 comme le dit Brdjanin au paragraphe 430, ce qui est requis pour conclure
16 qu'une personne participe à une entreprise criminelle commune est, et je
17 cite, "que l'objectif criminel n'est pas simplement qu'il s'agit du même,
18 mais qu'il est commun à toutes les personnes qui agissent de concert au
19 sein d'une entreprise criminelle commune."
20 Donc, il ne suffit pas de dire : Eh bien, peut-être qu'il y a des
21 éléments de preuve qui indiquent que M. Hadzic a participé avec des
22 personnes de mauvais aloi dans le secteur du Groupe opérationnel nord, et
23 donc il s'agit de personnes de mauvais aloi qui interviennent également
24 dans le secteur sud, qui commettent les mêmes crimes. Il ne s'agit pas dans
25 ce cas de la même entreprise criminelle commune. Cela ne suffit pas,
26 Monsieur le Président. Il doit s'agir de la même entreprise criminelle
27 commune. Il ne s'agit pas simplement de dire que c'est identique, que
28 l'objectif criminel est identique et que les plans sont identiques.
Page 9014
1 L'objectif criminel commun doit s'agir de participants, ceux qui ont
2 participé aux crimes, et ils ont dû dans ce cas faire partie du même plan
3 criminel commun avec M. Hadzic. Ceci est un élément essentiel. C'est un
4 élément qui doit être prouvé par l'Accusation, un élément moral et
5 l'élément matériel. C'est ça qui est important.
6 Alors, que montrent les éléments de preuve appréciés à la valeur
7 maximale par rapport aux événements qui se sont déroulés à Lovas un mois
8 avant la chute de Vukovar ? Les crimes allégués dans l'acte d'accusation,
9 les meurtres ainsi que les événements portant sur les champs de mines, ont
10 lieu un mois avant la chute de Vukovar. Le Témoin GH-102 n'était pas, sans
11 doute, celui le plus favorable envers M. Hadzic. Il a dit que M. Hadzic a
12 visité Lovas après que l'événement ait eu lieu, car le Témoin GH-102 a dit
13 qu'il est arrivé après l'événement qui s'est déroulé sur les champs de
14 mines de Lovas. Il n'a vu M. Lovas [comme interprété] à cet endroit
15 qu'après cette date-là. Donc, rien n'indique dans ce cas que M. Hadzic
16 était à Lovas, que ce soit au moment des faits ou avant les faits. Il n'y a
17 aucune indication à cet effet. Aucune preuve à cet effet.
18 Ljuban Devetak, alors, quel est son éventuel lien avec les structures
19 du gouvernement local ? Il aurait assisté, d'après un témoin, à la réunion
20 qui s'est tenue à Velepromet -- et je vais revenir en arrière pour dire que
21 la référence à GH-102 se trouve au paragraphe 150 de sa déclaration 92 ter.
22 Je vais vous fournir la référence exacte incessamment sous peu.
23 Ljuban Devetak, d'après GH-028, à la page du compte rendu d'audience
24 6 420, aurait assisté à la réunion à Velepromet le 12 [comme interprété]
25 novembre. Mais aucun élément de preuve n'indique ce qu'il y faisait,
26 pourquoi il y était et avec qui il a parlé, à savoir s'il a parlé avec M.
27 Hadzic, s'il occupait un quelconque poste au sein de la hiérarchie. Et il
28 n'y a pas d'élément de preuve qui indique, et ceci émane du Témoin Nielsen,
Page 9015
1 qui a dit : Oui, effectivement, il y a eu des cas où certains individus
2 s'appropriaient des titres ou des postes et indiquaient qu'ils disposaient
3 d'une autorité, mais il n'y avait aucun fondement à cela. Le témoin a
4 indiqué que ce qu'indique Ljuban Devetak indique simplement qu'il était
5 présent plus d'un mois après l'incident qui s'est déroulé sur les champs de
6 mines, dans une pièce où M. Hadzic était également présent. Ceci n'a aucune
7 valeur probante et n'indique pas que M. Hadzic avait la connaissance de
8 cela et qu'il a contribué à ces crimes à Lovas.
9 Il a dit que :
10 "… lorsque les opérations étaient terminées à Vukovar, eux…," et il
11 n'a pas été très précis, il a dit "eux", et ici, prenons les éléments à
12 leur valeur maximale, "… ils sont établis des commandements de villes qui
13 étaient les leurs," et ensuite il parle de Devetak. GH-027, à la page du
14 compte rendu d'audience 7 956. Encore une fois, après la chute de Vukovar,
15 plus d'un mois après les faits qui se sont déroulés sur les champs de mines
16 et longtemps après les détentions illégales et les sévices qui sont décrits
17 dans l'acte d'accusation.
18 En page du compte rendu d'audience 2 831, GH-24 dit que Bogic a --
19 Devetak à une date non précisée, et GH-24 dit également qu'il ne savait pas
20 si M. Hadzic était au courant de l'événement portant sur les champs de
21 mines à Lovas. A supposer qu'il existe un éventuel lien entre M. Hadzic et
22 M. Bogic, rien n'indique que Bogic a partagé ses informations au sujet de
23 ce fait, et encore moins que Bogic était le lien qui aurait permis de
24 transmettre les éléments d'information permettant d'indiquer qui a
25 contribué au crime. Et quand bien même si on ne devait pas fermer la porte
26 dans ce cas et dire que nous ne sommes qu'au stade du 98 bis, quand bien
27 même vous diriez cela, nous ne savons pas à quel moment cette réunion a eu
28 lieu. Aucun élément de preuve n'indique quand ces événements se sont
Page 9016
1 produits à l'époque ou au moment des crimes allégués dans l'acte
2 d'accusation. Et il s'agit là d'une condition préalable pour constater que
3 quelqu'un est responsable d'avoir commis ce crime.
4 A la diapositive suivante, nous disons que GH-12 -- c'est peut-être
5 GH-102, pardonnez-moi. Je dois vérifier cette référence. Je crois que
6 c'était page [comme interprété] 50, paragraphe 149. Il n'a pas appris
7 l'existence de cet événement au moment des faits, simplement longtemps
8 avant [comme interprété]. Et en termes de connaissance des événements, il
9 était dans une position analogue à celle de M. Hadzic dans le secteur du
10 Groupe opérationnel nord, qui à l'époque était coupé physiquement parlant
11 du secteur du Groupe opérationnel nord.
12 Velepromet, Monsieur le Président. Les allégations sont énoncées aux
13 paragraphes 31 et 41, alinéa (j), ainsi qu'au paragraphe 39 de l'acte
14 d'accusation. Alors, essentiellement de quoi s'agit-il à propos de
15 Velepromet ? Des interrogatoires ont eu lieu. Au cours de ces
16 interrogatoires, des personnes ont été battues, insultées ou ont subi
17 d'autres mauvais traitements. Dix-sept personnes au moins ont été tuées à
18 Velepromet. Et cela s'est passé le 19 novembre ou aux environs du 19
19 novembre. Les éléments de preuve entendus en l'affaire suggèrent que cela
20 s'est passé au cours des jours précédents, précédant le 19, et le 19, mais
21 que rien ne s'est passé après midi le 20 novembre 1991.
22 Alors, quels sont les éléments de preuve qui ont été avancés à propos
23 des personnes qui ses trouvaient à Velepromet lors de ces événements ? Eh
24 bien, dans un premier temps, premier élément de preuve, la Défense
25 territoriale de Vukovar était toujours subordonnée à la JNA jusqu'au moins
26 au 21 novembre 1991. Nous, nous disons même après cette date. Mais il est
27 absolument indubitable qu'au moins jusqu'au 21 novembre, ils étaient
28 subordonnés à la JNA. Et nous avons, par exemple, le document P1995 où nous
Page 9017
1 voyons des ordres qui leur sont donnés, et M. Theunens a confirmé cela à la
2 page 4 561 du compte rendu d'audience.
3 Très peu de temps avant ces événements, le commandant de la Défense
4 territoriale de Vukovar, c'est ainsi que M. Vujovic est décrit, est nommé
5 par Mrksic ou par Sljivancanin. Apparemment, là, il y aurait peut-être
6 discussion à propos de qui des deux l'a nommé, s'agissait-il de M. Mrksic
7 ou de M. Sljivancanin. Les sources pour cela pouvant être trouvées dans la
8 déposition de M. Jaksic, en pages 7 072 à 7 073 du compte rendu d'audience;
9 ainsi que lors de la déposition de M. Theunens, à la page 4 561.
10 Et d'ailleurs, à ce sujet, dans la mesure où cela est pertinent, il
11 est également évident, d'après les pages 1 995 à 1 981 [comme interprété],
12 que l'unité de Leva Supoderica était subordonnée à la JNA, et ce, au moins
13 jusqu'au 21 novembre.
14 Nous en avons pour preuve la page 8 960 du compte rendu d'audience,
15 où il est indiqué que les soldats de la JNA amenaient des détenus à
16 Velepromet au cours de ces jours-là.
17 Le Témoin GH-63 indique à la page 8 674 du compte rendu d'audience,
18 et je cite :
19 "La police militaire de la JNA montait la garde auprès de nous."
20 Donc, il y avait présence de la police militaire lorsque les
21 prisonniers sont arrivés; document P3000, il s'agit d'une déclaration en
22 application de l'article 92 ter avec un compte rendu d'audience, la page
23 idoine pour le compte rendu d'audience étant la page 6 359. Ces membres de
24 la police militaire ou d'autres soldats de la JNA ou des réservistes
25 étaient, certes, présents à Velepromet, et nous avançons que c'étaient eux
26 qui contrôlaient absolument Velepromet pendant tous ces jours-là. Et dans
27 la mesure où il s'agissait de membres de la TO, ils étaient également
28 subordonnés à la JNA. C'était là où se trouvait leur QG. C'était le QG de
Page 9018
1 l'homme qui avait été nommé par soit M. Mrksic, soit M. Sljivancanin.
2 Alors, bien entendu qu'il y a eu des délinquants qui sont venus là,
3 mais si une telle personne arrive et commet un crime dans un lieu tel que
4 cela, ce que nous avançons en fait, c'est que les crimes ont été commis par
5 ce type d'individus, au vu et au sus de la JNA qui avait autorité sur les
6 lieux, et ils étaient, en plus, subordonnés à ces personnes.
7 Il faut savoir que tous les crimes en question, d'après les éléments
8 de preuve qui ont été présentés, se sont déroulés avant cette réunion qui a
9 eu lieu à Velepromet à un moment donné le 20 novembre, et il n'y a pas
10 d'élément de preuve ayant indiqué que M. Hadzic s'était trouvé à Velepromet
11 avant ce moment-là ou qu'il était informé de ce qui s'y passait. Et non
12 seulement cela, mais il n'y a aucune indication suivant laquelle il avait
13 le contrôle effectif de la situation, et il ne jouissait pas du pouvoir sur
14 les personnes qui se trouvaient à Velepromet et qui ont commis ces crimes.
15 Et voilà où réside le cœur du problème, Monsieur le Président. Parce qu'il
16 faut qu'il y ait élément de preuve. Il faut qu'il y ait des éléments des
17 éléments de preuve suivant lesquels il était informé de ce qui ce passait -
18 - ça, c'est la connaissance des crimes. Il faut qu'il y ait eu connaissance
19 que ces crimes ont bel et bien eu lieu ou allaient être commis. Il devait
20 au moins ne serait-ce qu'être informé de ce qui était sur le point de se
21 passer. Et s'il n'était pas informé, il ne peut pas être considéré comme
22 ayant une responsabilité par rapport à ces crimes. C'est tout aussi simple
23 que cela.
24 Alors, venons-en maintenant à Ovcara. La majorité des victimes d'Ovcara,
25 comme cela a été montré par les éléments de preuve, venaient effectivement
26 de l'hôpital de Vukovar. Et dans l'acte d'accusation, les allégations sont
27 comme suit : les forces qui étaient présentes dans le hangar d'Ovcara le 20
28 novembre ont roué de coups et ont torturé les victimes pendant des heures;
Page 9019
1 avant cela, ils les avaient transportées vers un lieu éloigné, à savoir la
2 ferme de Grahovo, où 260 personnes ont été tuées dans la ferme de Grahovo;
3 puis ensuite ces personnes qui ont été tuées ont été inhumées dans une
4 fosse commune. Et il a été indiqué en fait que non seulement cela
5 correspondait à un chef d'extermination et de meurtre, mais à d'autres
6 crimes également, notamment l'emprisonnement, la torture, les actes
7 inhumains et le traitement cruel.
8 Alors, quels sont les éléments de preuve dont vous avez été saisis à propos
9 de la façon dont ces victimes se sont retrouvées dans cette fosse commune ?
10 Premièrement, le transport depuis l'hôpital de Vukovar a été ordonné et
11 supervisé par M. Sljivancanin, qui a eu recours à la JNA et aux forces de
12 la TO, ainsi qu'à des volontaires. Document P1040, paragraphe 100.
13 Et vous vous souviendrez certainement, Messieurs les Juges, de la
14 déposition du Dr Bosanac à cet égard; notamment à propos du type de
15 personnes qui ont exécuté ces tâches sous la supervision de M.
16 Sljivancanin.
17 Dans le document P1981, paragraphe 38, et dans le compte rendu d'audience à
18 la page 33 [comme interprété] du Témoin GH-80, ainsi qu'à la page 43 [comme
19 interprété] du même compte rendu d'audience, nous apprenons que pour ce qui
20 est du transport de l'hôpital vers la caserne de la JNA, c'est la police
21 militaire de la JNA qui s'occupe de ce transport et qui a accompagné ces
22 victimes considérées comme prisonniers -- qui les a accompagnées, disais-
23 je, de la caserne de la JNA jusqu'à Ovcara.
24 Au document P1981, qui correspond à la déclaration en application de
25 l'article 92 ter du Témoin GH-110, au paragraphe 42, pour être plus précis,
26 nous savons qu'il y avait plusieurs douzaines de soldats de la Défense
27 territoriale qui étaient présents à Ovcara à ce moment-là, mais le nombre
28 de soldats a été estimé à 35. La déposition de ce témoin est comme suit :
Page 9020
1 c'était Vujovic, à savoir Mile Vujovic, l'homme qui avait nommé par soit M.
2 Mrksic, soit M. Sljivancanin, qui commandait ces unités de la Défense
3 territoriale à Ovcara. Et puis ensuite, nous voyons les références qui
4 indiquent cela. Nous avons, par exemple, le compte rendu d'audience de M.
5 Jaksic, page 7 [comme interprété] du compte rendu d'audience; puis nous
6 avons la déposition de M. Theunens, pages 4 563 et 4 561. Donc, il y avait
7 plusieurs officiers de la JNA qui étaient présents à Ovcara lors des
8 passages à tabac et des traitements inhumains qui ont été infligés lorsque
9 ces personnes ont été rouées de coups, il y avait notamment le commandant
10 Vukasinovic, ainsi qu'un autre colonel qui n'a pas été identifié et
11 d'autres membres de la Brigade des Gardes Motorisée, ainsi que des civils
12 et des volontaires. Et cela correspond à la pièce P1981, pour le Témoin GH-
13 110, paragraphes 38, 42 et 46.
14 Et comment est-ce que le Témoin GH-110 résume la situation au paragraphe 47
15 du document 1981 :
16 "La présence des soldats de la 1ère Brigade des Gardes Motorisée dans le
17 hangar m'a amené à conclure que c'était cette 1ère Brigade des Gardes
18 Motorisée qui se chargeait de l'opération et qui contrôlait l'opération."
19 Et je vous rappellerais le contexte dans lequel ce transfert vers Ovcara a
20 eu lieu. Il y a des milliers de prisonniers qui sont conduits sous la garde
21 de la JNA, et cela ne peut être décrit que comme une vaste opération pour
22 ce qui est de ce transport depuis Vukovar jusqu'à la Serbie. Les
23 prisonniers leur ont été confiés. Donc, ils s'occupent des prisonniers.
24 C'est la tâche qui leur a été donnée. Ils ne sont pas en train de remettre
25 ces prisonniers à d'autres personnes, bien qu'il y ait d'autres personnes
26 qui ont le contrôle et qui les aident lors de cette vaste opération. Et
27 pour ce qui est d'Ovcara, si l'on prend le moindre détail, la moindre
28 indication, on se rend compte que ce qui s'est passé est absolument
Page 9021
1 identique aux autres mouvements ou aux autres actes des autres personnes
2 qui se trouvaient là pour ce qui est de la garde, pour ce qui est des
3 véhicules dans lesquels ces prisonniers ont été transportés, de l'horaire,
4 de savoir qui commandait. Il n'y a aucune différence entre cette opération
5 à Ovcara et toutes les autres opérations menées à bien par la JNA pour ce
6 qui est des prisonniers, pour ce qui est de les transporter et de les
7 amener tragiquement vers leur fin.
8 Alors, après ces passages à tabac pendant la journée du 20 novembre, quel
9 est le sort terrible qui attend ces prisonniers ? Eh bien, d'après le
10 Témoin GH-80, qui est un témoin fiable et extrêmement important, en tout
11 cas pour ce qui est de la façon dont il relate son transport, et je cite :
12 "L'évacuation à partir du hangar d'Ovcara, après que la nuit ait tombé le
13 20 novembre, a été supervisé par un homme qui avait un sifflet," page 3
14 364, "il s'agissait d'un homme corpulent qui avait une moustache, qui
15 portait un coupe-vent de la JNA et qui avait des insignes et un sifflet, et
16 c'est avec ce sifflet que d'une certaine façon il supervisait ces
17 personnes."
18 Et lorsqu'on lui a demandé -- lorsque l'Accusation, plutôt, lui a posé des
19 questions à propos du véhicule, lorsqu'on lui a demandé dans quel type de
20 véhicule il avait été transporté depuis le hangar d'Ovcara jusqu'à la fosse
21 commune -- vers la fosse commune, il a insisté, il a persisté, et il dit
22 qu'il s'agissait "absolument d'un véhicule militaire sans aucun doute." La
23 question lui a été posée plus d'une fois. Et il a indiqué que c'était un
24 véhicule militaire et que les personnes qui conduisaient ce véhicule
25 étaient des soldats. Et autre chose encore, et je cite :
26 "Question : … est-ce que vous avez vu des membres de la JNA qui portaient
27 des ceinturons blancs ?
28 "Réponse : Je crois que ce sont ces personnes qui nous ont pris du hangar,
Page 9022
1 mais je n'en suis pas sûr maintenant."
2 Alors, quels sont les éléments de preuve qui prouvent le lien entre M.
3 Hadzic et cet événement ? Quels sont les éléments de preuve qui indiquent
4 qu'il savait que cet événement allait se produire ? Sur quoi se base-t-on
5 pour indiquer que M. Hadzic savait que ce groupe bien précis de prisonniers
6 allait connaître un sort différent du sort des autres prisonniers qui
7 étaient envoyés en Serbie ? Sur quelle base se repose-t-on pour indiquer
8 qu'il savait que ce groupe allait être écarté, envoyé à Ovcara, roué de
9 coups, victimes de mauvais traitements et tués ? Sur rien, Monsieur le
10 Président. Car il n'y a absolument aucune base sur laquelle on peut
11 s'appuyer pour suggérer qu'il savait que cela allait se passer.
12 Alors, bien entendu, l'Accusation va certainement s'appuyer sur les
13 déclarations qui ont été faites à Sid et lors de la réunion du gouvernement
14 qui a eu lieu à Velepromet, et, certes, il y a un chevauchement temporel,
15 en fait, à ce sujet. Et je ne vais pas m'appesantir ou vous présenter des
16 détails à ce sujet, mais le simple fait qu'il y avait une réunion au cours
17 de laquelle il y a une discussion sur la façon de traiter des criminels de
18 guerre allégués, qui se trouvent parmi ces prisonniers, puisque lors de la
19 réunion il y a eu des discussions à propos de la façon dont ces criminels
20 de guerre devraient être traduits en justice, cela ne constitue pas un
21 élément de preuve indiquant que M. Hadzic ait été informé de ce massacre ce
22 jour-là.
23 Et pour en revenir à ce que j'ai dit au début à propos des éléments
24 de preuve indirects ou des preuves indiciaires. Alors, bien entendu,
25 lorsque l'on s'en tient à l'essentiel, où se trouvent les éléments de
26 preuve indirects ? Quels sont-ils ? Parce qu'il faut savoir que la
27 définition des éléments de preuve indirects ou des preuves indiciaires est
28 une définition assez souple. Bon, ce qui ne pose aucun problème,
Page 9023
1 d'ailleurs. Mais en cette phase du 98 bis, il ne s'agit pas de savoir si
2 certains éléments de preuve peuvent être considérés comme des éléments de
3 preuve indirects, ce qui vous permettrait très facilement de franchir
4 l'obstacle du 98 bis. Je pense que, Messieurs les Juges, vous devez pouvoir
5 vous sentir assez libres et vous devez avoir toute latitude pour analyser
6 si, conjointement avec tous les éléments de preuve présentés, il y a une
7 possibilité qui exclurait -- une possibilité raisonnable, bien entendu, qui
8 exclurait le fait que M. Hadzic ne savait pas ce qui allait se passer.
9 Et il n'y a pas d'élément de preuve sur lequel vous pouvez vous
10 appuyer pour prévoir cette possibilité. Je pense que pour ce qui est
11 d'Ovcara, vous devriez prononcer l'acquittement. Car non seulement cela
12 nous permettrait d'être beaucoup plus efficaces, mais cela accélèrerait la
13 procédure et ferait en sorte que la Défense n'aurait pas à présenter des
14 éléments de preuve à propos d'un chef d'accusation qui manifestement n'a
15 pas été prouvé et pour lequel il n'y a aucun fondement crédible qui a été
16 présenté, et ce qui ferait qu'un homme qui a été accusé d'un crime pour
17 lequel il n'y a pas eu de preuve ne devrait plus souffrir de cette
18 possibilité de chef d'accusation. Et moi, ce que je suggère, c'est que vous
19 avez tout à fait le pouvoir discrétionnaire pour examiner ces éléments de
20 preuve et déterminer si vous allez vous en tenir à cette possibilité de
21 déclaration de culpabilité pour les événements d'Ovcara ou non.
22 Pour ce qui est d'Opatovac. Nous voyons le paragraphe 41(k), où il
23 est question des crimes d'emprisonnement, de torture, d'actes inhumains, de
24 traitements cruels, autant de crimes qui sont énoncés. Il s'agit de
25 différentes forces qui apparemment auraient participé à ces crimes dans le
26 poste de police d'Opatovac. Des moyens de preuve ont été présentés en bloc,
27 en tant qu'un tout, des moyens de preuve sur l'identité des auteurs et sur
28 ce qu'ils ont fait, présentés de la manière suivantes : l'attaque initiale
Page 9024
1 sur Opatovac aurait été menée par "des réservistes serbes, des réservistes
2 qui sont entrés dans le village de concert avec la JNA," et ceux qui ont
3 procédé à asséner des coups dans un premier temps et à la détention à la
4 maison de Culture, ils avaient "un ceinturon blanc". Page du compte rendu
5 d'audience 58 [comme interprété].
6 Des individus qui faisaient partie de la Défense territoriale,
7 d'après le Témoin GH-61, en page 8 623 du compte rendu d'audience, étaient
8 venus de Belgrade, à en juger d'après leur accent. Ce n'étaient pas des
9 hommes du cru. Ils étaient de Belgrade. Ce sont des individus qui sont sur
10 place, qui occupent donc les bureaux ou les locaux de la communauté locale.
11 GH-61, qui a demandé un laissez-passer pour pouvoir quitter Opatovac à un
12 moment donné, ce qui figure aux pages 8 633 et 8 634 du compte rendu
13 d'audience, a vu que c'était la police militaire de la JNA qui, à cette
14 occasion, a donné pour consigne à ce personnel de la Défense territoriale
15 locale de délivrer ce laissez-passer.
16 Et enfin, reprenons la citation de M. Theunens au sujet d'un document
17 du mois de décembre par M. Belic, colonel Belic, disant qu'il n'y a pas
18 d'autorités civiles en place à Opatovac au début du mois de décembre.
19 Autrement dit, c'est le commandement de la ville, qui est un commandement
20 de la JNA, qui contrôle les affaires civiles d'Opatovac. C'est le témoin
21 qui a été cité par l'Accusation, Monsieur le Président.
22 Maintenant, pour revenir sur ce qui a été dit précédemment sur les
23 éléments-clés des formes de responsabilité qui ont été reprochées par
24 rapport aux événements spécifiques de sévices ou de mauvais traitements ou
25 de détention à Opatovac, où est l'élément de preuve démontrant que M.
26 Hadzic avait l'intention que ces crimes soient commis ? Où sont les moyens
27 de preuve démontrant que ces crimes étaient englobés au sein de
28 l'entreprise criminelle commune dont il était membre ? Cela ne provient pas
Page 9025
1 de la structure organisationnelle et n'a pas été démontré par le truchement
2 de la structure organisationnelle, Monsieur le Président, puisque ces
3 éléments de preuve n'existent pas. Il n'y a pas de lien entre le bureau du
4 président, donc de M. Hadzic, chef du gouvernement de district, et les
5 hommes qui ont commis ces crimes et les hommes qui sont responsables au
6 pénal pour ces crimes.
7 Ces éléments de preuve, non seulement n'existent pas, mais nous
8 montrent que la structure organisationnelle n'était pas liée à M. Hadzic.
9 Et tout cela provient des éléments de preuve fournis par l'Accusation,
10 Monsieur le Président, sur les structures qui étaient en place, sur les
11 fonctions des uns et des autres. Et je fais valoir qu'il ne suffit pas de
12 s'appuyer sur des abstractions et sur des conjectures, par exemple, sur le
13 rôle qu'aurait été emmenée à jouer la JNA -- la JNA. Et j'affirme que cela
14 n'a absolument pas été justifié, que cette entreprise criminelle commune
15 émanait de M. Milosevic. Puisque, en fin de compte, est-ce qu'il n'est pas
16 trop simple de s'appuyer sur cette entreprise criminelle commune et dire
17 que l'ensemble de ces éléments provient de cette large entreprise
18 criminelle commune dont l'objectif était de créer une Grande-Serbie ?
19 Eh bien, Monsieur le Président, reprenons le critère d'élément de
20 preuve indirect ou indiciaire au titre de l'article 98 bis. Il n'est
21 simplement pas suffisant à mon sens de donner quelques éléments de moyens
22 de preuve sur la Grande-Serbie ou quelques petits fragments d'élément sur
23 le rôle du président ou sur comment M. le Président Milosevic aurait pu
24 être au sommet d'une structure globale ou un schéma qui d'une certaine
25 manière aurait incité M. Karadzic à commettre ces crimes individuels dans
26 Opatovac. S'il y a des éléments de preuve, il faudrait qu'il y ait
27 suffisamment d'éléments de preuve pour exclure une possibilité raisonnable
28 que M. Hadzic n'était pas au courant de cela, eh bien, vous pouvez
Page 9026
1 justement procéder à cela. Mais j'affirme aussi que vous avez un pouvoir
2 discrétionnaire vous permettant d'affirmer que ces éléments de preuve, même
3 s'ils étaient appréciés à leur valeur maximale, ne peuvent pas exclure
4 cette possibilité, donc que M. Hadzic n'était pas au courant de cela.
5 Alors, voyons maintenant les crimes en Serbie. Les chefs d'accusation 5 à 9
6 de l'acte d'accusation, il convient de les mettre en regard des paragraphes
7 41 (a) à (d), ils allèguent un certain nombre de crimes qui se seraient
8 produits en Serbie. Et la question qui se pose sur cette base est la
9 suivante : sur quelle base est le droit international humanitaire, donc le
10 droit des conflits armés, élargi au territoire de la Serbie, et également,
11 sur quelle base -- sur la base de quelle théorie est-ce qu'on allègue des
12 crimes au titre de l'article 5, qui doivent se produire au sein d'un
13 conflit armé -- donc, sur quelle base est-ce qu'on les élargit sur le
14 territoire de la Serbie ?
15 La question se pose sur la base d'une vision conventionnelle, donc le
16 principe est que la responsabilité et la portée du droit international
17 humanitaire englobent les crimes qui ont été commis sur le territoire d'un
18 pays où le conflit armé était en cours. Mais qu'en est-il si ce conflit est
19 caractérisé comme étant un conflit interne ? Et ici, nous avons une
20 citation de la décision sur la compétence dans l'affaire Tadic du 2 octobre
21 1995, qui, effectivement, porte au fond sur une question différente. La
22 question est de savoir si, oui ou non, les crimes doivent être commis sur
23 le champs de bataille pour pouvoir relever du droit international
24 humanitaire, ou bien est-ce qu'ils peuvent être commis loin, donc ailleurs
25 qu'au champs de bataille, et tomber sous la coupe du droit international
26 humanitaire néanmoins ? Mais en répondant à cette question, la Chambre
27 d'arrêt a dit la chose suivante :
28 "… nous estimons que le conflit armé existe à tout moment lorsque l'on
Page 9027
1 recourt à la force armée entre les Etats où lorsqu'il y a état de violence
2 armée prolongé entre les autorités gouvernementales et les groupes armés
3 organisés ou entre de tels groupes au sein d'un Etat. Le droit humanitaire
4 international s'applique en plus à ces conflits armés et s'étend au-delà de
5 la cessation des hostilités, jusqu'à ce que la paix ne soit conclue, donc
6 qu'un accord de paix global ne soit conclu; ou jusqu'à, lorsqu'il s'agit de
7 conflit interne, il y ait un règlement de paix. Jusqu'à ce moment-là, le
8 droit humanitaire international continu de s'appliquer sur l'ensemble du
9 territoire des pays belligérants ou, lorsqu'il s'agit de conflit interne,
10 l'ensemble du territoire sous le contrôle d'une partie, que des combats
11 effectifs s'y déroulent ou non."
12 Je ne voudrais pas que vous pensiez que nous estimons que le droit
13 international humanitaire ne peut pas s'étendre -- ne peut pas
14 nécessairement s'étendre au-delà du territoire de l'Etat où se déroule un
15 conflit armé interne. Il est possible que cette compétence déborde et que
16 le conflit déborde, et cela a été reconnu dans la doctrine. Mais s'il y a
17 ce débordement, alors il faut démontrer que le conflit armé s'est
18 effectivement étendu au-delà de ce territoire. On doit prouver que cela a
19 eu lieu. S'il n'y a pas de débordement de conflit armé, s'il n'y a pas de
20 preuve de ce débordement, alors, à ce moment-là, nous faisons valoir que
21 lorsqu'il s'agit d'un conflit armé interne, eh bien, le droit international
22 humanitaire s'applique uniquement au territoire de l'Etat où le conflit a
23 lieu.
24 Alors, si on laisse cela de côté un instant, Monsieur le Président, il
25 convient de noter qu'il n'y a pas de caractérisation de conflit armé dans
26 l'acte d'accusation en l'espèce, et je n'en ai pas entendu parler dans les
27 propos liminaires, et je ne l'ai pas entendu de la part de l'Accusation
28 pendant toute la phase de présentation de leurs moyens de preuve. Et nous
Page 9028
1 avons une déclaration de l'affaire Hadzihasanovic du 21 février 2003, de la
2 Chambre d'arrêt, paragraphe 12, une décision en appel, et une des
3 affirmations intéressantes au sein de cette décision suit le retrait des
4 chefs d'accusation au titre de l'article 2. Donc, l'article 2, bien sûr,
5 qui porte sur les violations des conventions de Genève et il s'applique
6 uniquement aux conflits armés internationaux. Et pour que ce soit tout à
7 fait clair, cela n'a pas été reproché dans notre affaire. Donc, il n'y a
8 pas d'article 2 en l'espèce.
9 Mais suite au retrait des chefs d'accusation au titre de l'article 2 et de
10 l'allégation expresse figurant à l'acte d'accusation initial, à savoir
11 qu'il s'agissait d'un conflit armé international, l'Accusation ne devrait
12 pas se faire autoriser de s'appuyer sur cette imprécision dans sa cause
13 telle qu'elle est formulée, à savoir de présenter des moyens sur un conflit
14 armé international sans qu'il y ait d'amendement, de modification de l'acte
15 d'accusation de manière expresse.
16 Donc, la position qui semble être présentée dans cette décision, qui peut
17 découler ou non du fait que l'on a abandonné les allégations au titre de
18 l'article 2 de l'acte d'accusation, et si on laisse de côté cette
19 explication potentielle, le principe qui semble découlé de cette
20 affirmation est qu'à partir du moment où le conflit armé n'est pas
21 caractérisé dans l'acte d'accusation, on part de l'hypothèse qu'il s'agit
22 d'un conflit armé interne. C'est ce que semble nous dire cette décision.
23 Donc, sur quelle base est-ce que l'Accusation affirme que le droit
24 international humanitaire s'étend à la Serbie ? Il y a ici beaucoup
25 d'éléments incertains. C'est à géométrie variable, Monsieur le Président.
26 Premièrement, on ne peut pas simplement, d'après nous, se contenter
27 d'affirmer qu'il y a des moyens de preuve de conflit armé. Cela ne suffit
28 pas. Il convient de présenter des moyens de preuve qui expliquent comment,
Page 9029
1 soit, ce conflit armé interne s'est élargi, a débordé pour englober des
2 territoires d'un Etat voisin, ou bien de démontrer comment des éléments
3 d'un conflit armé international sont réunis et affirmer qu'il s'agit
4 effectivement de cette caractérisation-là du conflit qui est avancée.
5 Alors, je ne sais pas si tel est le cas. Peut-être qu'il y a des éléments
6 de preuve pour l'étayer, mais l'Accusation a l'obligation, même au stade du
7 98 bis, de faire comprendre si les éléments sur lesquels ils s'appuient
8 sont là pour démontrer qu'il y a débordement du conflit armé interne ou
9 bien que les conditions sont réunies pour constater qu'il y a eu conflit
10 armé international. Et parmi ces éléments, eh bien, il faudrait démontrer,
11 au moins sur la base des éléments pertinents en l'espèce, que la Croatie a
12 été un Etat à des périodes couvertes par l'acte d'accusation. Et
13 l'Accusation aurait à démontrer cet élément, à savoir que la Croatie était
14 constituée en tant qu'Etat pour pouvoir déterminer l'applicabilité et la
15 caractérisation du conflit.
16 Pour représenter cette question sur un plan graphique, s'il s'agit d'un
17 conflit interne, dans ce cas le champ d'application serait à titre de
18 présomption la Croatie. S'il s'agit d'un conflit international entre la
19 Serbie et la Croatie, dans ce cas le champ d'application serait tel qu'il
20 est représenté à l'écran, c'est-à-dire s'appliquant à l'ensemble du
21 territoire de la Serbie. Ceci est particulièrement pertinent, Monsieur le
22 Président, parce qu'un des centres de détention est très éloigné de la
23 frontière, à des centaines de kilomètres. Donc, il ne s'agit pas simplement
24 d'une question théorique que de demander comment le conflit armé étend-il
25 le champ du droit international humanitaire aux sévices, parce que c'est ce
26 qui est reproché dans l'acte d'accusation, mais à des sévices qui se
27 déroulent dans des prisons qui se trouvent à des centaines de kilomètres de
28 l'Etat dans lequel le conflit se déroule. Quel est l'élément qui peut être
Page 9030
1 retenu dans ce cas pour étayer une caractérisation du conflit qui étend le
2 droit international humanitaire pour s'appliquer à une telle prison ?
3 La troisième possibilité, bien sûr : à supposer que la Croatie ne soit pas
4 un Etat au moment couvert par l'acte d'accusation, dans ce cas peut-être
5 que l'Accusation estime qu'il y a un conflit interne au sein de la RSFY,
6 dans lequel cas le droit international humanitaire s'appliquerait sur
7 l'ensemble du territoire, d'après les leçons tirées de l'arrêt Tadic, car
8 cela représenterait l'ex-RSFY. C'est ainsi que nous l'appelons.
9 Nous sommes sur le point d'avoir une pause. J'ai terminé la présentation de
10 mes arguments.
11 Encore une fois, un récapitulatif. Il s'agit d'une affaire très vaste, dont
12 le champ est très vaste. Il y a 14 chefs d'accusation qui ont été retenus,
13 deux ans et demi, sur un territoire qui à tout moment était autonome par
14 rapport à la Croatie entre 1991 et 1993. Et il s'agit d'une affaire qui
15 repose sur les éléments de preuve indirects, circonstanciés. Nous n'avons
16 pas contesté à ce stade de 98 bis chaque crime. Nous n'avons pas contesté
17 chaque événement que l'on peut caractériser comme un chef d'accusation.
18 Nous avons contesté ce qui d'après nous n'a pas permis de démontrer quelque
19 chose au vu des éléments de preuve présentés en l'espèce. Et, Monsieur le
20 Président, une des raisons à cela, c'est qu'il s'agit d'une affaire qui
21 repose sur des éléments de preuve indirects, sur une conjonction de
22 facteurs. Et si vous examinez cette conjonction de facteurs que nous avons
23 exposés par rapport à chaque crime et chaque crime précis que nous avons
24 identifié, et si cela ne permet pas de condamner l'accusé, dans ce cas vous
25 pouvez rendre un acquittement. Vous pourrez dans ce cas l'acquitter sur des
26 accusations précises, et non pas sur ces chefs d'accusation. C'est ce que
27 nous vous demandons de faire.
28 M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée jusqu'à
Page 9031
1 mercredi, 9 heures.
2 --- L'audience est levée à 12 heures 15 et reprendra le mercredi 18
3 décembre 2013, à 9 heures 00.
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28