Affaire No.: IT-01-47-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit:
M. le Juge Carmel Agius
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Jean-Claude Antonetti

Assistée de:
M. Hans Holthuis, Greffier

Jugement rendu le:
18 novembre 2003

LE PROCUREUR

c/

ENVER HADZIHASANOVIC
AMIR KUBURA

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DECISION RELATIVE A LA FORME DE L’ACTE D’ACCUSATION

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Le Bureau du Procureur:

M. Ekkehard Withopf
M. David Re

Le Conseil de la Défense:

Mme Edina Residovic et M. Stéphane Bourgon pour Enver Hadzihasanovic
MM. Fahrudin Ibrisimovic et Rodney Dixon pour Amir Kubura

 

La Chambre de première instance II (« Chambre de première instance ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (« Tribunal ») est saisie d’une exception préjudicielle fondée sur un vice de forme de l’acte d’accusation (« Defense motion of Amir Kubura on form of indictment in respect of new charges concerning Miletici »), déposée par la Défense de l’Accusé Amir Kubura (« Accusé ») le 7 novembre 2003, ainsi que de la réponse de l’Accusation à la demande de la Défense (« Prosecution response to defense motion of Amir Kubura on form of the indictment in respect of new charges concerning Miletici »), déposée le 12 novembre 2003.

L’objet de la requête tend à obtenir le retrait de la nouvelle accusation portée contre l’Accusé dans le troisième acte d’accusation modifié (« acte d’accusation ») déposé par l’Accusation le 26 septembre 2003, à savoir le retrait de la nouvelle accusation concernant les quatre meurtres commis à Miletici et contenue dans le chef d’accusation 1 au motif que cette nouvelle accusation contiendrait un vice de forme.

L’objection soulevée par la Défense concerne l’identité des auteurs des quatre meurtres à Miletici au mois d’avril 1993. La Défense soutient que l’Accusation n’aurait pas précisé au paragraphe 39(b) de l’acte d’accusation quels sont les auteurs de ces exactions ni en termes d’individus ni en termes d’unités, dans la mesure où l’Accusation y expose seulement que les exactions commises à Miletici se sont déroulées « après que les troupes de la 7ème brigade musulmane de montagne et la 306ème brigade de montagne aient lancé l’attaque sur Miletici ». La Défense affirme en conséquence que l’acte d’accusation manque de précision et qu’elle ne peut pas préparer sa défense pour le procès.

Dans sa réponse, l’Accusation soutient que la Chambre de première instance a déjà statué sur la question de l’introduction tardive des nouvelles accusations concernant le village de Miletici dans sa « Décision relative à la forme de l’acte d’accusation » rendue le 17 septembre 2003, et que par voie de conséquence, il ne doit pas être tenu compte de l’affirmation de la Défense suivant laquelle elle ne peut pas préparer sa cause en raison de l’introduction tardive de ces nouvelles accusations1. Par ailleurs, l’Accusation souligne que la question de l’identification des troupes de la 7ème brigade musulmane de montagne et de la 306ème brigade de montagne n’est pas une question de nature à affecter la forme de l’acte d’accusation.

Conformément aux articles 18 4), 21 2) et 21 4) a) et b) du Statut du Tribunal (« Statut ») et à l’article 47 C) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (« Règlement »), un acte d’accusation est réputé suffisamment précis s’il expose les faits matériels que compte prouver l’Accusation de manière concise mais suffisamment circonstanciée pour que l’Accusé soit clairement informé de ce qu’on lui reproche afin de pouvoir préparer sa défense.

En l’espèce, la Chambre de première instance est convaincue que l’acte d’accusation présente de façon suffisamment détaillée les aspects matériels de la cause de l’Accusation.

La Chambre de première instance a déjà jugé dans la même affaire que le défaut de mention, aux chefs d’accusation concernés, d’une brigade spécifique, ne rend pas pour autant l’acte d’accusation vicié2.

La Chambre de première instance considère que le paragraphe 39(b) de l’acte d’accusation ne doit pas être lu de manière isolée mais à la lumière des paragraphes 51 à 58 du Mémoire préalable au procès présenté par l’Accusation en application de l’article 65ter E) i) du Règlement (« Mémoire préalable de l’Accusation ») déposé par l’Accusation le 10 octobre 2003.

C’est ainsi que les paragraphes 56 et 57 du Mémoire préalable de l’Accusation mentionnent que des hommes du 1er Bataillon de la 7ème brigade musulmane de montagne sont arrivés dans le village de Miletici et qu’ils ont lancé l’assaut sur celui-ci. Ils exposent en outre que plusieurs soldats de la 7ème brigade musulmane ont emmené les habitants du village en direction de Mehurici, laissant quatre soldats prisonniers croates du HVO nominativement désignés sous la garde des autres soldats du 3ème corps. Le paragraphe 58 mentionne quant à lui que « les soldats du 3ème corps ont tué les quatre prisonniers ». La formulation des paragraphes susmentionnés informe par conséquent suffisamment la Défense sur l’identité des brigades qui auraient commis les crimes allégués.

Enfin, la Chambre de première instance considère que lorsque le paragraphe 39 (a) de l’acte d’accusation et les paragraphes 56, 57 et 58 du Mémoire préalable de l’Accusation sont lus ensemble, la seule interprétation raisonnable qui s’impose est que les forces qui ont attaqué le village en question ont également commis les crimes allégués.

La Chambre estime par voie de conséquence que l’acte d’accusation informe la Défense de manière suffisamment détaillée pour qu’elle puisse se préparer pour le procès et qu’il répond aux conditions énoncées par les articles 18 4), 21 2) et 21 4) a) et b) du Statut et l’article 47 C) du Règlement.

EN APPLICATION des articles 50 et 72 du Règlement, la Chambre de première instance,

REJETTE l’objection formulée par la défense et partant la requête,

 

Le 18 novembre 2003
Fait à La Haye (Pays Bas)

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Le Président de la Chambre de première instance II


1. Paragraphe 10 de la requête de la Défense.
2. Décision relative à la forme de l’accusation du 17 septembre 2003, paragraphe 14.