Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 26 janvier 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez l'affaire.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, c'est l'affaire

7 IT-01-47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

9 L'Accusation.

10 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

11 Monsieur les Juges. Représentant l'Accusation, Daryl Mundis, Ekkehard

12 Withopf et Kimberly Fleming, qui est notre commise dans l'affaire.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Je demande maintenant aux Défenseurs de se

14 présenter.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour,

16 Madame, Monsieur les Juges. Au nom du général Hadzihasanovic, nous assurons

17 la Défense, Edina Residovic, Stéphane Bourgon et Mirna Milanovic, comme

18 assistante juridique. Je vous remercie.

19 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Au nom de

20 M. Kubura, M. Rodney Dixon, M. Fahrudin Ibrisimovic et Nermin Mulalic, qui

21 est notre assistant juridique.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre salue toutes les personnes présentes pour

23 la reprise de nos travaux concrétisés aujourd'hui par l'audition d'un

24 témoin. Je salue les représentants de l'Accusation, les Défenseurs, ainsi

25 que les accusés.

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1 Nous avons donc un témoin qui est prévu aujourd'hui. Je crois que des

2 mesures de protection vont nous être demandées. Pour ce faire, je vais

3 demander à Monsieur le Greffier de passer en audience à huis clos.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis

5 clos partiel.

6 [Audience à huis clos partiel]

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7 audience publique.

8 [Audience publique]

9 M. MUNDIS : [interprétation]

10 Q. Monsieur le Témoin, vous venez de nous dire que les plus jeunes sont

11 allés à la caserne. Est-ce qu'à Travnik, on vous a également emmené dans

12 l'ancienne caserne de la JNA ?

13 R. Oui, oui. J'y suis allé, oui.

14 Q. Lorsque vous êtes arrivé dans cette caserne, quelqu'un vous a-t-il

15 accueilli ou, en tout cas, a-t-il prononcé une espèce de discours de

16 bienvenue adressé à ceux qui descendaient de ces camions ou de ces autobus

17 pour entrer dans la caserne ?

18 R. Je sais qu'il y avait Fikret Cuskic, qui était là, et il a dit que nous

19 étions arrivés là. Il nous a dit : "Bienvenue". Il nous a dit : "Maintenant

20 vous êtes parmi nous", et ce genre de choses. Tout allait bien au début,

21 mais, plus tard, il a dit qu'il fallait qu'on se fasse connaître, qu'on

22 allait être mobilisés, et ce genre de choses.

23 Q. Monsieur le Témoin, savez-vous quelles étaient les fonctions de Fikret

24 Cuskic, lorsque vous êtes arrivés dans cette caserne de Travnik ?

25 R. Je pense que c'était un commandant de la brigade ou quelque chose comme

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1 cela. En tout cas, c'était commandant de quelque chose, d'un bataillon,

2 d'une brigade. Je ne sais plus exactement, mais je crois qu'il commandait,

3 en fait, un bataillon.

4 Q. Savez-vous quel bataillon ou quelle brigade il commandait ?

5 R. C'était la 17e Brigade de Krajina.

6 Q. Quelle a été votre réaction, lorsque vous avez appris que vous aviez

7 été mobilisé dans les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

8 R. J'ai d'abord demandé s'il existait une possibilité que je me repose un

9 petit peu, que je récupère un petit peu, parce que j'en avais vécu de

10 toutes sortes. Ils savaient très bien quelle était la situation dans la

11 ville d'où je venais, comment nous avions vécu, dans quel danger nous nous

12 trouvions. J'ai dit qu'il y avait des gens qui racontaient toutes sortes de

13 choses sur moi, qui disaient que je ne voulais pas entrer dans les rangs

14 des chetnik, et puisque je ne voulais pas entrer dans les rangs des

15 Musulmans, et ce genre de choses. Finalement, tout cela s'est envenimé et,

16 finalement, je sais qu'ils m'ont emmené dans cette cave là-bas, en bas. Je

17 portais un pantalon noir, et ils ont dit : "Regardez-le, celui-là est

18 habillé comme un Oustacha", et voilà.

19 Q. Pouvez-vous décrire le sous-sol du bâtiment où on vous a emmené. A quoi

20 servait ce sous-sol ?

21 R. Il y avait un long couloir. On descendait des escaliers pour arriver en

22 bas. Ensuite, on va à gauche ou à droite. Tout au bout, une fois qu'on va à

23 gauche, mais cela, je l'ai vu plus tard. Je ne savais pas tout de suite

24 parce que, quand j'ai vu la cave, j'étais complètement terrorisé, je n'ai

25 pas bien regardé. Mais on m'a emmené dans la partie qui se trouvait à

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1 droite et on m'a enfermé dans une pièce. Je ne saurais vous dire quelles

2 étaient les dimensions des cette pièce, qu'elle était étroite, petite,

3 enfin, non, elle n'était pas petite. Il y avait pas mal de gens qui étaient

4 allongés ou assis à l'intérieur. Je suis entré, et on m'a laissé là au

5 milieu de ces gens.

6 Q. Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire à peu près quel était le

7 nombre de personnes qui se trouvaient dans cette pièce et, si vous le

8 connaissez, quelle était l'appartenance ethnique de ces personnes ?

9 R. Il y avait peut-être une dizaine. Il y avait des Musulmans et, pour

10 autant que je le sache, deux Croates, dont je suis au courant moi-même.

11 Quand je suis parti, je n'ai plus eu tellement de contact avec eux car ce

12 n'était pas vraiment un endroit où on établit facilement des contacts.

13 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire --

14 R. Celui, qui m'a fait entrer dans cette cave -- dans ce sous-sol, il m'a

15 pris les 500 deutschemarks que j'avais et, plus tard, le policier militaire

16 -- c'était lui, en fait, le policier militaire, plus tard, je le voyais à

17 Zenica, et il disait qu'il était le garde du corps d'Alagic.

18 Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit que c'était un policier militaire.

19 Comment le saviez-vous ?

20 R. Ils portaient tous des insignes de la police militaire, en blanc.

21 Q. Comment était cette personne vêtue ?

22 R. Il portait un uniforme militaire.

23 Q. Est-ce que vous vous souvenez où se trouvaient les insignes de la

24 police en blanc sur cette uniforme ?

25 R. Sur les manches.

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1 Q. Est-ce que vous savez s'il y avait des insignes ou autre chose,

2 indiquant quelle était l'unité militaire à laquelle appartenait ce policier

3 militaire ?

4 R. Il était écrit la "17e Brigade de la Krajina" et la "27e Brigade de la

5 Krajina", mais, en fait, l'unique unité sur place était la 17e Brigade de

6 Krajina, il n'y en avait pas d'autre.

7 Q. Vous dites que "c'était la seule unité". Est-ce que vous voulez dire la

8 seule unité dans le bâtiment dans lequel vous étiez détenu ?

9 R. Dans l'ensemble de la caserne, ils étaient sur place et, dans un autre

10 bâtiment de la 27e Brigade, c'était une brigade en cours de constitution,

11 ils étaient dans un autre bâtiment, mais, pour autant que je le sache,

12 cette brigade n'a jamais été formée. La brigade devait devenir la 27e

13 Brigade de Banja Luka; cependant, après tout ce qui s'est passé là-bas,

14 cette brigade n'a jamais été constituée, et toutes ces personnes de Banja

15 Luka avaient fui Travnik.

16 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez décrire, à la Chambre de

17 première instance, la pièce au sous-sol dans laquelle vous étiez détenu.

18 R. Il s'agissait d'une pièce longue de six à sept mètres et large de trois

19 ou quatre mètres peut-être. D'un côté, il y avait des planches sur

20 lesquelles nous étions allongés. C'était en dessous du niveau de la rue,

21 donc la fenêtre se trouvait à la hauteur près du plafond. Si quelqu'un de

22 l'extérieure voulait regarder à l'intérieure, la personne aurait du

23 s'agenouiller pour regarder à l'intérieure.

24 Q. Est-ce que vous pourriez d'écrire s'il y avait une porte dans cette

25 pièce ?

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1 R. Je sais qu'il y avait des barreaux sur une grille. Je ne suis pas sur

2 quant à la porte. Je pense qu'il y en avait une, mais il faisait chaud, il

3 n'y avait pas suffisamment d'aire, donc la porte elle-même était ouverte,

4 mais il y avait la grille parce que, normalement, il y avait une grille et

5 une porte. La porte menait dans un petit couloir et il y avait la grille,

6 qui menait à droite aux pièces dans lesquelles l'on procédait aux passages

7 à tabac, et cetera.

8 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nombre de pièces qui se trouvaient au

9 sous-sol de ce bâtiment dans lequel vous étiez détenu ?

10 R. Je ne suis pas sûr, mais je pourrais deviner et dire qu'il y avait

11 peut-être encore une ou deux pièces derrière la grille. Je ne suis pas,

12 tout à fait, sûr parce que je ne pouvais pas me déplacer librement là-

13 dedans. Il y avait au moins encore une pièce derrière la grille, mais pas

14 plus que deux ou trois et cette partie du couloir avait une paroi qui

15 séparait les deux parties.

16 Q. Vous avez mentionné cette partie-là du couloir. Est-ce qu'il y en avait

17 d'autres et si, oui, est-ce qu'il avait d'autres pièces ou bureaux dans

18 l'autre partie du couloir, qui se trouvait au sous-sol de ce bâtiment ?

19 R. Il y avait d'autres pièces dans la deuxième partie du couloir et, tout

20 à fait, au fond du couloir. Il y avait ce qu'il appelait la prison

21 militaire. C'est là qu'ils détenaient, je pense, les soldats qui avaient

22 violés la loi ou qui avaient commis certains délits, donc les membres de la

23 17e Brigade de la Krajina, qui étaient leurs soldats, mais qui avaient

24 commis un délit.

25 Q. Est-ce que vous savez quelle était l'utilité des autres pièces situées

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1 au sous-sol de cet immeuble dans lequel vous étiez détenu ?

2 R. Dans l'une de ces pièces, il nous passait à tabac, et, plus tard,

3 lorsque la police m'a fait sortir de là, avec l'aide des gens de ma ville,

4 j'ai pu voir qu'ils utilisaient cela pour leurs commandements. C'est là que

5 se trouvait le groupe opérationnel, le commandant du groupe opérationnel,

6 pendant les combats contre la Croatie. Cuskic y était là tout comme tous

7 les autres.

8 Q. Est-ce que vous savez quels groupes opérationnels avaient ces bureaux

9 au sous-sol de ce bâtiment ?

10 R. Au cours des combats, le dispensaire y était. C'est là qu'il faisait

11 venir les soldats blessés, dans ce couloir, dans l'une de ces pièces.

12 Lorsque l'on descend l'escalier tout près de l'escalier se trouvait ce

13 dispensaire, où l'on accueillait les soldats blessés et, un peu plus loin,

14 il y avait le commandement, le centre des Communications, et cetera, ces

15 hauts officiers qui commandaient les combats.

16 Q. Monsieur le Témoin, je souhaite que l'on reparle maintenant de

17 l'occasion, lorsque vous êtes arrivé à cette cellule au sous-sol pour la

18 première fois. Est-ce que vous vous souvenez, approximativement, vers

19 quelle heure vous avez été amené dans cette cellule pour la première fois ?

20 R. C'était dans l'après midi ou la soirée, je ne suis pas sur de l'heure,

21 mais c'était dans l'après midi.

22 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit qu'il y avait environ dix

23 personnes dans la pièce, lorsque vous êtes arrivé. Est-ce que vous

24 connaissiez l'une quelconque des ces personnes ou est-ce que vous les avez

25 déjà vues ?

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1 R. Oui.

2 Q. Combien de ces personnes connaissiez-vous et comment les connaissiez-

3 vous ?

4 R. Je connaissais une ou deux de ces personnes, je les connaissais avant.

5 On venait de la même ville.

6 Q. C'est gens-là, est-ce qu'ils sont arrivés avec vous dans les camions

7 depuis votre ville natale ?

8 R. Non, ils étaient déjà sur place, lorsque je suis arrivé. Ils y étaient

9 déjà, ils étaient probablement venus plus tôt, mais peut-être pas ce jour-

10 là.

11 Q. Lorsque vous êtes arrivé ou peu de temps après, est-ce que vous avez

12 discuté avec les autres dix personnes, qui se trouvaient au sous-sol, quant

13 à la question de savoir pourquoi ils y étaient ?

14 R. Je n'ai pas posé de questions, j'avais peur. Je n'étais pas concentré,

15 je n'ai pas compris votre question.

16 Q. Est-ce que vous savez pourquoi les dix autres personnes étaient

17 détenues au sous-sol de l'ancienne caserne de la JNA à Travnik ?

18 R. Ils étaient tous accusés d'être, soit Chetnik, soit Oustacha.

19 Q. Est-ce que vous avez vu des traces visibles de blessures sur ces dix

20 autres personnes qui étaient sur place, lorsque vous êtes arrivé dans cette

21 pièce au sous-sol pour la première fois ?

22 R. Oui ?

23 Q. Pourriez-vous d'écrire à la Chambre quelles sont les blessures visibles

24 que vous avez remarquées sur vos co-détenus, lorsque vous êtes arrivé ?

25 R. Oui, ils avaient tous des bleus, ils avaient tous été passés à tabac,

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1 absolument tous, et ils avaient tous des bleus sur leur corps.

2 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez dire à la Chambre ce qui

3 vous est arrivé dans la soirée ou la nuit de votre première journée, passée

4 au sous-sol de la caserne de la JNA à Travnik ?

5 R. Lorsque la nuit est tombée, ils m'ont fait sortir et ils m'ont tabassés

6 pendant plusieurs heures, en me demandant que j'avoue que j'avais été

7 Chetnik et que j'avais tué des Musulmans, à Kozarac, à Prijedor, et je ne

8 sais pas où d'autre, je pense.

9 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous dites "ils m'ont fait sortir", est-ce

10 que vous pourriez dire à la Chambre qui vous a fait sortir ?

11 R. Ferguson et l'autre qui était là, celui qui était le commandant de ce

12 qu'il appelait la prison, et Ferguson était celui qui tabassait tout le

13 monde. Je souhaite simplement dire que toute la 17e Brigade de Krajina le

14 connaissait et même lorsqu'on le commandement a menacé des simples soldats,

15 en disaient : "Si tu fais quelque chose, tu passeras chez Ferguson." Ils

16 étaient, tout à fait, au courant. Ce Ferguson, il était énorme, très

17 costaud.

18 J'avais entendu dire qu'il venait d'un village près de Jajce, Donji Vakuf,

19 je pense, et c'est lui qui passait à tabac tout le monde. Plus tard, j'ai

20 même vu que même le commandant de la prison, la prison de la 17e Brigade de

21 Krajina réservée pour leur soldats, même lui, il n'osait pas l'opposer

22 parce que Ferguson avait sorti son pistolet une fois, brandissait son

23 pistolet en le menaçant de le tuer, donc même lui n'osait pas s'opposer à

24 lui. Il était tellement énorme qu'il a eu ce surnom de Ferguson, parce que

25 c'est la marque d'un tracteur.

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1 Q. Je vais vous arrêter là, Monsieur le Témoin. Ferguson c'était le surnom

2 de cette personne qui vous a fait sortir ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous connaissiez son nom et prénom ?

5 R. Oui -- non, tout le monde le connaissait comme Ferguson. Tout le monde

6 à Travnik le connaissait juste comme Ferguson.

7 Q. Très bien. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que Ferguson est

8 cette personne qui était connue comme le commandant du camp où vous ont

9 fait sortir. Est-ce qu'ils vous ont fait sortir du bâtiment ou juste de la

10 cellule ?

11 R. Ils nous ont fait sortir à l'extérieur de cette grille, la première

12 grille dans cette partie du couloir.

13 Q. Il s'agissait du couloir situait au sous-sol du bâtiment de la réserve

14 de la JNA à Travnik ?

15 R. Oui.

16 Q. Cette personne, Ferguson, est la personne que vous avez appelée le

17 commandant du camp. Que portait-il ?

18 R. Les uniformes militaires.

19 Q. Est-ce que vous vous souvenez également s'il portait des bandes

20 blanches sur les manches de leurs uniformes pour indiquer la police

21 militaire ou pas ?

22 R. Je n'en suis pas sûr. Je pense que la personne, qui était le

23 commandant, avait, effectivement, une bande, un ruban sur le bras. Quant à

24 Ferguson, je ne suis pas sûr.

25 Q. Vous nous avez dit que vous avez été passé à tabac. Combien du temps a

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1 duré ce passage à tabac ?

2 R. Trois heures, deux, trois, quatre heures. Je ne sais pas. Vous saurez

3 le temps, parfois on a l'impression que cela passe vite, parfois on a

4 l'impression que cela se prolonge à l'infini.

5 R. Mis à part que Ferguson est le commandant du camp, est-ce que d'autres

6 soldats ou policiers militaires ont participé à ce passage à tabac ?

7 R. Tout le monde pouvait venir passer à tabac, c'est-à-dire, tous les

8 membres de la 17e Brigade de Krajina.

9 Q. Est-ce que vous vous souvenez combien de personnes ont participé au

10 passage à tabac, que vous a été infligé le premier jour de votre détention

11 dans l'ancienne caserne de la JNA à Travnik ?

12 R. Deux, trois personnes tabassaient ensemble. Ensuite, deux ou trois

13 autres les remplaçaient puisque le premier s'asseyait pour se reposer.

14 Lorsqu'un groupe était fatigué, il était remplacé par les autres.

15 Q. Comment ce groupe de soldats et de policiers militaires vous tabassait-

16 il ?

17 R. Ils utilisaient les manches d'une pelle ou des pioches, des barres de

18 fer et, avec leurs bottes, ils nous donnaient des coups de pied. Ils ont

19 pris une serviette, ils tenaient une partie de la serviette, et ils

20 mettaient leur partie dans l'eau. Ainsi, ils utilisaient cela pour nous

21 frapper, là où ils pouvaient nous frapper, mais surtout sur le dos.

22 Q. Pendant que vous étiez passé à tabac, Monsieur le Témoin, est-ce que

23 l'une quelconque de ces personnes vous a dit quoi que ce soit ?

24 R. Ils me disaient : "Avoue-le, pourquoi est-ce que tu faisais partie des

25 Chetniks ?" Je dis : "Non, je ne faisais pas partie des Chetniks. J'avais

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1 été mobilisé, et je n'ai participé à cela qu'au début. J'ai été à Croatie

2 pendant un mois et, lorsque j'ai vu que les Chetniks étaient arrivés, et

3 qu'ils chantaient des chansons Chetniks," je leur expliquais qu'il y avait

4 un certain Ilija qui était tué de dos par les membres de la JNA. J'ai dit

5 que, dès que j'ai eu l'occasion de fuir le front et regagner ma ville, je

6 l'ai fait et, par la suite, d'ailleurs, j'ai eu des problèmes. J'ai dit que

7 je n'étais pas Chetnik. Et ils ont dit : "Alors, tu es un Oustachi, tu ne

8 portes que du noir." Ils cherchaient des prétextes pour me passer à tabac.

9 Q. Monsieur le Témoin, que s'est-il passé après que le passage à tabac

10 était terminé au bout de quelques heures. Qu'est-ce qui vous est arrivé ?

11 R. A ce moment-là, il m'ont aidé d'une certaine manière pour me ramener

12 dans cette pièce et, lorsque je suis retrouvé -- en fait, je ne sais ce qui

13 s'est passé, je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite. Peut-être

14 quelqu'un m'a aidé, peut-être quelqu'un m'a donné de l'eau. Je sais qu'à

15 chaque fois que les gens revenaient du passage à tabac, ils demandaient de

16 l'eau, peut-être c'était mon cas aussi. Je ne m'en souviens pas.

17 Q. Monsieur le Témoin, combien du temps êtes-vous resté au sous-sol de

18 l'ancienne caserne de la JNA à Travnik ?

19 R. Pendant sept ou huis jours.

20 Q. Pendant les sept ou huis jours que vous avez encore passés en détention

21 là-bas. Est-ce que vous avez été soumis au mauvais traitement physique à

22 d'autres reprises ?

23 R. Je n'ai pas compris votre question ?

24 Q. Vous venez de nous relater votre passage à tabac, qui s'est déroulé

25 pendant la première nuit de votre détention. Vous êtes resté au sous-sol de

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1 l'ancienne caserne de la JNA à Travnik encore six à sept jours. Est-ce

2 qu'un autre jour, vous avez subi un mauvais traitement semblable

3 également ?

4 R. Oui, l'on me passait à tabac chaque nuit, et c'était fait à l'égard des

5 autres co-détenus également. Ils me faisaient sortir, ainsi que les autres

6 détenus, et ils me passaient à tabac.

7 Q. Est-ce que vous pourriez décrire ces autres passages à tabac à la

8 Chambre de première instance ?

9 R. C'était toujours la même chose. On était passé à tabac par les soldats

10 et, ensuite, il y avait d'autres soldats qui les remplaçaient. Ensuite, il

11 y avait des policiers militaires, les policiers de la 17e Brigade de la

12 Krajina. D'abord, un groupe de personnes me tabassait, ensuite, ce groupe a

13 été remplacé par les autres. Les détenus me passaient à tabac également.

14 C'était la même chose chaque nuit.

15 Q. Les détenus, pourquoi vous tabassaient-ils ? Pourquoi est-ce qu'ils

16 vous passaient à tabac ?

17 R. Ils étaient forcés. Lorsqu'ils n'en pouvaient plus, lorsqu'ils étaient

18 fatigués de nous frapper eux-mêmes, ils faisaient venir les détenus et ils

19 les forçaient à me battre. Si la personne refusait, ils disaient : "Tu dois

20 le frapper, sinon, je vais te frapper". Je regardais cela. Vous savez, ce

21 n'était pas facile pour l'autre non plus de me passer à tabac.

22 C'était, par exemple, la personne qui me connaissait depuis longtemps, et

23 là, tout d'un coup, il devait me frapper, me passer à tabac. Par la suite,

24 il m'approchait, il me disait : "Excuse-moi, tu sais, je devais le faire."

25 Je répondais : "Il n'y a pas de problème, je te pardonne".

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1 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous dites : "On se connaissait depuis

2 longtemps," est-ce que là vous parlez de l'un des autres détenus que vous

3 connaissiez déjà, qui venait de la même ville que vous ?

4 R. Oui, c'est de lui que je parle.

5 Q. Monsieur le Témoin, sur approximativement les dix personnes, qui

6 étaient détenues avec vous dans l'ancienne caserne de la JNA à Travnik,

7 est-ce qu'ils ont tous survécus à cette détention dans cette cellule au

8 sous-sol ?

9 R. Non, l'un d'eux est mort au cours d'une nuit et, le matin, on l'a fait

10 sortir.

11 Q. Est-ce que vous pourriez raconter, à la Chambre de première instance,

12 quels sont vos souvenirs à l'égard de cet incident ? Qui était la personne

13 en question et quelles étaient les circonstances de sa mort ?

14 R. Je n'ai pas eu de contact avec lui. On m'avait dit qu'il était un jeune

15 Croate. Cette première nuit, on l'a fait sortir pour le passer à tabac et,

16 lorsqu'on l'a ramené, on m'a fait sortir. Lorsque je suis rentré, les gens

17 disaient : "Il meurt, il est fini." Vous savez, c'est une situation où l'on

18 ne peut pas aider l'autre puisque, s'ils voient qu'on aide l'autre

19 personne, ils recommencent à nous passer à tabac, et quelqu'un a frappé sur

20 la porte en cherchant Ferguson. Il est venu : "Qu'est-ce que tu veux. C'est

21 le temps qu'il meure". Un autre a dit : "Mais fais-le sortir" et il disait

22 : "Non, mais il n'a rien". Le matin, on l'a fait sortir.

23 Q. Est-ce que vous savez s'il était encore vivant lorsqu'on l'a fait

24 sortir ?

25 R. [imperceptible]

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1 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je vois le temps. Peut-

2 être nous pourrions procéder à une pause.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais, Monsieur Mundis, reposez votre question

4 parce que nous n'avons pas entendu la réponse. Reposez votre question au

5 témoin.

6 M. MUNDIS : [interprétation]

7 Q. Monsieur le Témoin, lorsqu'ils ont porté le corps de ce jeune Croate à

8 l'extérieur de la cellule, est-ce qu'il était encore vivant ?

9 R. Non, non.

10 Q. Qui a porté son corps à l'extérieur de la cellule ?

11 R. Les soldats. Il y avait ce Ferguson et d'autres soldats. Je ne sais pas

12 exactement.

13 Q. Merci.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Nous allons faire la pause

15 technique. Il est 16 heures moins quart, donc nous allons nous arrêter

16 pendant 25 minutes. Nous reprendrons le fil de l'audience à 16 heures 10.

17 Donc je demande à Monsieur le Greffier de prendre toute mesure pour que le

18 témoin ne soit pas vu de l'assistance.

19 --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.

20 --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons reprendre l'audience en audience

22 publique.

23 Je donne la parole à l'Accusation.

24 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Je voudrais demander que l'on présente au témoin la version électronique de

Page 1953

1 la pièce à conviction numéro 39, pièce à conviction de l'Accusation qui

2 avait été déposée comme élément de preuve la semaine dernière. Je

3 souhaiterais qu'on lui présente la version électronique.

4 Q. Témoin, sur l'écran devant vous, vous devriez voir la pièce à

5 conviction 39, de l'Accusation. Est-ce que vous voyez cela sur votre

6 écran ?

7 R. Je peux voir un bâtiment. Je vois un bâtiment.

8 Q. Pourriez-vous dire aux membres de la Chambre quel est ce bâtiment que

9 vous voyez devant vous ?

10 R. Je crois que c'est le bâtiment de Travnik, en l'occurrence la caserne.

11 Q. Je vous remercie.

12 M. MUNDIS : [interprétation] Je voudrais demander qu'on présente une autre

13 photographie au témoin avec l'aide de l'huissier.

14 Q. Témoin, si vous pourriez regarder, s'il vous plaît, la photographie qui

15 se trouve sur la machine, le rétroprojecteur à votre droite. Je sais que

16 c'est également visible à l'écran devant vous, mais je voudrais vous

17 demander de regarder la photographie qui se trouve à votre droite. Est-ce

18 que vous reconnaissez ce qui apparaît sur cette photographie qui se trouve

19 devant vous ?

20 R. Je crois que c'est le sous-sol dans lequel nous nous trouvions. Il y a

21 d'autres photographies.

22 Q. Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît, dater cette photographie ?

23 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, préfèreriez-vous que

24 l'on use d'un pseudonyme ?

25 Il faut que l'on retire la pièce du rétroprojecteur.

Page 1954

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin XE, vous allez marquer sur la photo votre nom

2 et prénom. Vous marquez la date d'aujourd'hui, 26 janvier 2004, et vous

3 marquez "XE".

4 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation demande le versement de cette pièce ?

6 M. MUNDIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous demandons que

7 cette pièce soit versée au dossier, sous scellé, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : On va présenter cette pièce aux Défenseurs, aux

9 accusés, à l'Accusation, qui ne l'a pas vu et qui n'a pas vu les mentions,

10 à la Chambre.

11 Monsieur le Greffier va nous donner un numéro.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit du numéro P49, conservé sous

13 scellé.

14 M. MUNDIS : [interprétation]

15 (expurgé)

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24 (expurgé)

25 (expurgé)

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1 (expurgé)

2 Ceci avait été convenu avec l'armée serbe. Quand je suis arrivé là,

3 le premier jour à Travnik, il m'a vu et nous nous sommes parlés brièvement.

4 Il a entendu dire quelque chose concernant la police militaire là-bas, à

5 savoir qu'ils avaient passé quelqu'un à tabac. Ils ont dit : "Nous l'avons

6 passé à tabac, mais il ne s'effondre pas." Ils ont dit : "Nous allons le

7 battre tous les soirs, toutes les nuits." J'étais habitué à ce genre de

8 passage à tabac. Les Serbes me battait.

9 Mais, quand j'étais battu par les Serbes, cela n'était pas si mal que

10 lorsque c'étaient les Musulmans qui me battaient. Les Musulmans parce que

11 j'étais un Musulman. A ce moment-là, je pensais que j'étais tranquille,

12 mais, quand j'étais avec les Musulmans, j'étais battu par des Musulmans.

13 Pourquoi est-ce que ceci se produisait, je ne sais pas. J'ai pensé que

14 j'avais résolu ce problème, mais ce juriste, qui avait aidé un grand nombre

15 de personnes, est parvenu à la conclusion que j'étais cette personne. Il a

16 tiré des conséquences logiques et, ensuite, il est allé à la police civile,

17 et la police civile est venue, et ils ont contacté la police militaire du

18 3e Corps et, avec la police civile, ils sont arrivés. Il y a eu beaucoup de

19 confusion, à ce moment-là, parce qu'après ces passages à tabac quotidiens,

20 je n'étais plus capable de me tenir debout. Je pouvais seulement resté

21 gisant, et ils n'arrivaient pas à me faire sortir. La police de la 17e

22 Brigade de la Krajina ne leur a pas permis de me faire sortir. La police

23 militaire du Corps de la Krajina et la police civile et ce juriste, ils ont

24 fait quelque chose qui a fait que certaines forces de la police spéciale

25 sont venues et ils voulaient m'emmener.

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1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 Q. Monsieur le Témoin, je voulais vous interrompre brièvement. Est-ce que

5 vous savez qui était cet officier de rang élevé qui est venu et leur a

6 ordonné de vous relâcher ?

7 R. C'était un officier de rang assez élevé de la police militaire du 3e

8 Corps. C'était ce corps de police qui m'avait pris. Toutefois, lorsque --

9 tandis que ceux qui me détenaient étaient des membres de la police de la

10 17e Brigade de la Krajina, et ceux, qui m'ont emmené là, étaient la police

11 de ce Corps, de la police civile et les commandants qui sont apparus, à ce

12 moment-là.

13 Q. Mais une fois que --

14 R. J'ai simplement vu qu'il avait -- bien, qu'il était très respecté --

15 ils le respectaient. Ils n'avaient pas peur de lui, mais, vous savez, ce

16 type de respect que l'on montre pour des officiers de haut rang.

17 Q. Une fois que cet officier de haut rang de la police militaire est

18 arrivé, est-ce qu'en fait, vous avez été emmené de la cellule, qui se

19 trouvait au sous-sol dans la caserne à Travnik ?

20 R. Je n'étais pas en mesure de marcher. Ils m'ont fait sortir sur une

21 civière. Une ambulance est venue.

22 Q. Où est-ce qu'ils vous ont emmené ?

23 R. Au poste de police civile à Travnik.

24 Q. Qu'est-ce que vous avez fait au moment où vous êtes arrivé au poste de

25 police civile à Travnik ?

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1 R. J'ai été interrogé par quelqu'un de la police civile et ils ont établi

2 un procès verbal de l'interrogatoire. Ils m'ont posé certaines questions.

3 Ils ont vu que j'avais été passé à tabac. Ils savaient qui m'avait battu,

4 ils savaient tout, mais ils m'ont demandé qui nous a passé à tabac. J'étais

5 malade, j'avais été passé à tabac. Je leur ai dit : "Laissez-moi

6 tranquille. Vous savez très bien qui m'a battu. Vous savez cela très bien."

7 Mais ils m'ont dit : "Il faut que vous fassiez une déclaration." Ils m'ont

8 interrogé sur place et j'ai passé deux ou trois heures là et quelqu'un, qui

9 s'appelait Esad, est venu. Je pense que c'était un officier de la sécurité

10 militaire de la 17e Brigade de la Krajina, et il voulait me transférer à

11 l'hôpital. Il voulait m'emmener du poste de Police à l'hôpital de sorte

12 qu'on pourrait me donner des soins. J'ai eu de la chance dans la mesure où

13 j'avais subi tous ces coups, mieux que quelqu'un d'autre peut-être, je ne

14 sais pas, mais j'ai réussi à survivre à tous ces passages à tabac. Il

15 voulait m'emmener à l'hôpital, mais, quand il est apparu, lorsque cette

16 personne, qui s'appelait Esad, cet officier de Sécurité de la 17e Brigade

17 de la Krajina, est apparue, il a dit : "Qu'est-ce que vous voulez dire par

18 hôpital ?" L'emmener à un hôpital équivaudrait à un scandale parce que la

19 police militaire a battu des Musulmans, et ainsi de suite. Alors il a dit :

20 "Ne le fais pas." A ce moment-là, une querelle a éclaté. La police civile

21 et le Corps de la police militaire voulaient me transférer à l'hôpital,

22 tandis que les autres ne voulaient pas que cela ait lieu. J'ai dit :

23 "Emmenez-moi simplement à un endroit où je pourrai recevoir des soins parce

24 que je vais mourir." (expurgé)

25 (expurgé)

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1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 C'est cela qui s'est passé et, d'une manière ou d'une autre, ils se sont

6 mis d'accord qu'il fallait éviter un scandale et qu'il ne fallait pas que

7 ceci devienne public -- que ce soit rendu public. Ensuite, ils m'ont

8 transféré. Ils se sont mis d'accord qu'il faudrait que j'aille à une

9 clinique et que je reçoive des soins. Ensuite, ils ont dit quelque chose

10 concernant le fait que quelqu'un avait pris de l'argent. Ils ont dit :

11 "Nous les trouverons. La police est ici et ils ont trouvé ce policier, la

12 police militaire, mais ils n'ont trouvé que 300 marks sur lui. Il avait

13 déjà dépensé 200 marks, a-t-il dit. Ils ont rendu les 300 marks et ils

14 m'ont emmené à la clinique, et je suis resté dans cette clinique où on m'a

15 alimenté pendant quelques jours. On m'a retourné dans mon lit de façon à

16 éviter à des escarres et je n'étais pas capable de me retourner tout seul.

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4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé). Il a confisqué

7 les photographies, de sorte que la police civile n'en a eu aucune. Par la

8 suite, tous les documents médicaux, qui avaient trait à ces soins, ont

9 disparu. Tous les documents concernant les traitements reçus à la clinique

10 -- dispensaire, tous ont disparu.

11 Q. Témoin, vous avez dit à la Chambre de première instance que la police

12 civile avait dit qu'ils seraient rendus compte du rapport au Corps. Est-ce

13 que vous savez de quel Corps ils voulaient parler ?

14 R. Il s'agissait du 3e Corps. C'était le 3e Corps.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons expurger du transcript, page 37, les

16 lignes 18, 19, 25 et page 38, la ligne 3.

17 Poursuivez.

18 M. MUNDIS : [interprétation]

19 Q. Témoin, pendant combien de temps, approximativement, êtes-vous resté à

20 l'infirmerie de la caserne ?

21 R. Plus de 20 jours.

22 Q. Y avait-il d'autres personnes à l'infirmerie de la caserne à l'époque

23 où vous vous trouviez ?

24 R. Oui, il y en avait. Il y avait d'autres personnes qui étaient là. Je me

25 trouvais dans une pièce. Je crois qu'il y avait deux ou trois lits qui s'y

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1 trouvaient. Je n'arrive pas m'en souvenir. Je ne suis pas sûr.

2 Q. Est-ce que vous vous rappelez d'autres personnes qui se trouvaient à

3 l'infirmerie au moment où vous étiez vous-même ?

4 R. Non, je ne parviens pas m'en souvenir.

5 Q. Vous vous rappelez approximativement la date, le mois, l'année, où on

6 vous a permis de quitter l'infirmerie ?

7 R. Je ne peux pas m'en souvenir. On m'a laissé sortir. J'ai pu quitter. Je

8 me souviens que je me tenais devant l'infirmerie, devant l'entrée. L'entrée

9 faisait face au village de Bojna. C'est un village croate. Nous étions là

10 debout. A l'époque, je me sentais mieux. Je pouvais marcher. Nous étions là

11 debout. Le soldat qui était allé pour avoir un bilan à l'infirmerie, est

12 tombé. Nous sommes allés dans cette direction, et nous avons remarqué qu'il

13 avait été touché par un tireur isolé. Je me souviens que c'était la

14 première personne à être touchée par un coup de feu. Je ne saurais dire

15 s'il était mort ou s'il avait seulement été blessé, mais c'est la première

16 personne qui ait été touchée ce jour-là. (expurgé)

17 (expurgé). C'est le moment où la guerre avec les

18 Croates a commencé pour de bon. Nous nous sommes déplacés. Nous sommes

19 allés dans le sous-sol. L'infirmerie est allée s'installer dans le

20 sous-sol, le même sous-sol dans lequel j'avais été précédemment détenu.

21 Non, pas le même sous-sol, mais le même couloir. C'était dans une autre

22 pièce. La cellule dans laquelle j'avais été se trouvait à une extrémité du

23 couloir. A l'autre extrémité du couloir, nous étions descendus là, le

24 commandement s'était déjà installé là avec les communications à la salle

25 des communications. L'infirmerie y avait été installée. Ils ont en fait,

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1 installé l'infirmerie en bas dans ce sous-sol.

2 Q. Témoin --

3 R. Je suis resté là. Un moment donné, elle était vide.

4 Q. Témoin, à partir du moment où vous avez été autorisé à quitter

5 l'infirmerie, où vous êtes-vous rendu ?

6 R. Des combats avaient lieu à ce moment-là. Je me déplaçais en ambulance.

7 Je me rappelle que j'ai aidé, et nous ramassions les blessés avec

8 l'ambulance. Un civil avait été touché. Il se trouvait dans la rue. Ils ont

9 dit qu'il avait été touché. (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé). Pendant que nous

15 étions en train de le transporter, il est décédé. J'ai aidé en fait, avec

16 l'ambulance en allant dans différents endroits avec l'ambulance, tandis que

17 les combats se poursuivaient.

18 Q. Témoin, au moment où vous avez pu quitter l'infirmerie, où habitiez-

19 vous ? Où étiez-vous logé ?

20 R. Au moment des combats, les combats n'ont pas duré très longtemps, pas

21 pendant très longtemps. Je me sentais mieux. Ils ont dit que je ne pouvais

22 pas rester à l'intérieur. Il fallait que je m'en aille. Il y avait un grand

23 nombre de maisons croates qui avaient été abandonnées. Un grand nombre

24 d'appartements avaient été abandonnés. Peut-être pas tous, mais un très

25 grand nombre de Croates avaient quitté Travnik. Pendant un certain temps,

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1 j'ai dormi dans l'école secondaire avec d'autres réfugiés. Comme je n'avais

2 pas le statut de réfugié, j'ai essayé d'obtenir les aliments, des vivres

3 comme je pouvais. J'ai acheté de la nourriture avec mon argent. Ensuite,

4 j'allais dormir dans une de ces maisons croates abandonnées dans le

5 village.

6 Q. Lorsque vous dites dans le village qui était là. Est-ce que c'était

7 encore dans la ville de Travnik ?

8 R. Bojna. Je pense que c'est le nom de l'endroit. Cela faisait face à la

9 caserne. C'est de là que les Croates ont attaqué la caserne.

10 Q. Pendant combien du temps êtes-vous resté dans la ville de Travnik, ou

11 près de la ville de Travnik après que l'on vous ait permis de quitter la

12 caserne ?

13 R. Je ne sais pas, plusieurs jours. Quand ils ont dit que les routes

14 avaient été ouvertes, quelqu'un m'a dit : "Tu sais, je crois que tu ferais

15 mieux de t'enfuir d'ici. On a fait beaucoup de bruit à cause de ce qui

16 t'est arrivé. Cela a fait beaucoup de bruit. Je pense que si tu restes, les

17 gens, il s'agit des gens de la Krajina, les gens de la Krajina me

18 tueraient." Dès que j'ai eu une occasion de monter sur un camion, c'est ce

19 que j'ai fait. Je suis parti.

20 Q. Où êtes-vous allé ?

21 R. Je suis parti pour Zenica.

22 Q. Où êtes-vous allé avec ce camion ?

23 R. Je suis allé à un endroit où il y avait un centre pour recevoir les

24 réfugiés. C'est là que j'ai dormi à même le sol pendant plusieurs jours,

25 comme tous les autres réfugiés. Lorsque je suis arrivé là-bas -- comme

Page 1963

1 j'avais déjà été enregistré par la Croix rouge internationale, je m'y suis

2 rendu, et j'ai demandé à la Croix rouge internationale de m'aider à

3 m'enfuir de Bosnie, à m'aider à partir, à faire en sorte que j'aie soit de

4 l'argent, soit de quoi me nourrir ou des choses de ce genre. Ils n'étaient

5 pas en mesure de le faire. J'avais encore quelques marks allemands. J'ai pu

6 obtenir quelques aliments. Par la suite, j'ai reçu une sorte de coupon ou

7 de bon qui m'a permis d'obtenir du pain et des aliments en boîte. Ensuite,

8 j'ai cherché du travail. Ils ont dit : "Va à l'hôpital." J'allais à

9 l'hôpital.

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21 Q. Témoin, de quelle sorte de police s'agissait-il, qui se trouvait à

22 l'école de musique ?

23 R. C'était la police qui faisait partie de la 7e Brigade musulmane.

24 Q. Est-ce que vous vous souvenez approximativement la date ou du mois ou

25 de l'année où vous êtes allé à l'école de musique de Zenica et où vous avez

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1 parlé à la police de la 7e Brigade musulmane ?

2 R. C'était peut-être au mois de juin, mais je ne m'en souviens pas

3 vraiment. En juin -- à la fin de juin, au début juillet, je n'arrive pas à

4 mon souvenir très exactement.

5 Q. Lorsque vous avez parlé à la police militaire à l'école de musique de

6 Zenica, est-ce qu'on vous a posé des questions ? Dans l'affirmative,

7 veuillez dire aux membres de la Chambre qu'elles sont les questions qui

8 vous ont été posées ?

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13 (expurgé). "J'ai

14 peur qu'ils me tue." Et ce policier, qui se trouvait assis au bureau, qui

15 se trouvait à l'entrée du bâtiment, a dit : "N'aie pas peur, ce sont des

16 ivrognes, c'est de la vermine." Il a dit : "S'ils te prennent, ils ne

17 pourront pas te toucher, nous te protègerons." Il m'a ensuite demandé

18 d'examiner quelque chose. Je ne me rappelle plus ce que c'était que j'ai

19 examiné. Il a fallu que je fasse quelque chose concernant le Koran. Il m'a

20 demandé de réciter quelque chose.

21 Lorsque j'étais enfant, j'allais à la mosquée. Les enfants y allaient, j'y

22 allais aussi, et j'avais appris pas mal de choses du Koran. Il voulait

23 simplement vérifier si j'étais un vrai Musulman ou si je faisais simplement

24 semblant d'être un Musulman. Il a dit : "Très bien. Vas te présenter à la

25 caserne à Bilmiste." Je m'y suis rendu. Je ne sais pas s'il m'a donné ou

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1 non une sorte de document à un bout de papier, mais j'y suis allé, je m'y

2 suis présenté, je me suis présenté à eux. Ils m'ont demandé ce que je

3 savais faire. Je leur ai dit que je savais travailler dans un hôpital, que

4 je savais conduire des véhicules, que je pouvais aider au travail qui se

5 faisait dans les hôpitaux et aider les blessés, ainsi de suite.

6 Ils m'ont demandé si j'avais peur d'aller sur le terrain, d'aller sur

7 place, et j'ai dit non. Ils ont dit : "Bon, bien, alors vas là voir Hasan."

8 Hasan, à ce moment là, m'a vu et il m'a dit : "Tu vas aller avec la

9 compagnie." Très bien, de sorte que -- bien alors, en fait, lorsque je ne

10 suis pas la compagnie, la compagnie n'était pas sur le terrain. Lorsque la

11 compagnie n'était pas sur le terrain, j'aidais, à ce moment-là, à

12 l'infirmerie et j'aidais des blessés, en mettant, par exemple, des bandages

13 ou des pansements, ainsi de suite. Ils y en avaient beaucoup -- ils y

14 avaient plusieurs Hasans : Hasan, le technicien; Hasan, le médecin; et un

15 autre Hasan, qui était un docteur. J'en ai vu beaucoup et tous s'appelaient

16 Hasan.

17 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demande

18 brièvement que nous puissions allés à huis clos, de façon à ce que je

19 puisse poser au témoin certaines questions précises.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous passons à huis clos.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis

22 clos partiel.

23 [Audience à huis clos partiel]

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20 [Audience publique]

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24 R. Oui, j'y suis allé une fois au début pour qu'on m'y donne du matériel.

25 Je ne sais plus quoi, quelque chose dont on n'avait besoin. Ce n'était pas

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1 moi qui conduisais, c'était quelqu'un d'autre qui connaissait la route et

2 tout le reste. On lui avait dit qu'il fallait aller chercher des pansements

3 pour la brigade pour l'infirmerie, des pansements et d'autres fournitures

4 médicales pour l'infirmerie.

5 Q. Lorsque vous êtes allé à Mehurici pour chercher ces fournitures

6 médicales, avez-vous parlé à des personnes en particulier ? Vous avait-on

7 dit qu'il fallait établir un contact avec quelqu'un, en particulier, ou

8 est-ce qu'on vous a simplement dit de vous rendre là-bas pour aller

9 chercher des fournitures médicales ?

10 R. Je ne sais pas quand on est arrivé là-bas. On a vu qu'ils s'y

11 trouvaient beaucoup d'étrangers. On est allé là-bas. Après, je ne me

12 souviens plus de tout ce qui s'est passé. Je sais qu'on y est allé, qu'on a

13 pris tout ce qu'on nous donnait, tous ces objets. Je ne me souviens pas des

14 détails.

15 Q. Que faisaient ces étrangers à Mehurici ?

16 R. Je ne sais pas. Ils étaient là-bas. Il y avait toute sorte de gens là-

17 bas. Ils avaient sans doute quelque chose à y faire. C'étaient des

18 combattants, des gens qui faisaient la guerre.

19 Q. Savez-vous si ces combattants, ces guerriers, faisaient partie de la 7e

20 Brigade musulmane ?

21 R. Oui.

22 Q. Comment le savez-vous ?

23 R. On m'a dit, quand j'ai pris la route pour aller là-bas, on m'a dit :

24 "Ce sont nos combattants." On m'a dit de m'adresser à eux là-bas. Il y en

25 avait qui portaient des insignes, d'autres pas. Tout le monde ne portait

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1 pas des insignes, mais il y en avait qui portaient les insignes verts de la

2 7e Brigade musulmane et les insignes avec la fleur de lys. Il y en avait

3 qui portaient ces insignes, et d'autres pas.

4 Q. Savez-vous, Monsieur le Témoin, quel était le nom, ou quelle était une

5 quelconque autre dénomination de ces autres unités de base de la 7e Brigade

6 musulmane qui se trouvaient à Mehurici ?

7 R. On les connaissait sous le nom d'El Moudjahid. J'étais un nouveau venu.

8 Ce qu'on m'a dit, c'était qu'il fallait que j'aille là-bas, où se trouvait

9 un peloton d'El Moudjahid.

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20 M. MUNDIS : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos partiel,

21 Monsieur le Président, je vous prie.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous passons à huis clos.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis

24 clos partiel.

25 [Audience à huis clos partiel]

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22 (expurgé)

23 [Audience publique]

24 M. MUNDIS : [interprétation]

25 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez brièvement décrire à la

Page 1985

1 Chambre de première instance ce qui s'est passé lorsque votre unité est

2 arrivée à Vares.

3 R. Nous sommes partis. Je partais avec la deuxième compagnie, j'en faisais

4 partie. J'ai dit : "Je vais descendre avec vous lors de l'attaque". Ils ont

5 dit : "D'accord". Sur la route, nous avons entendu que Vares avait été

6 désertée, que les Croates avaient quitté Vares. On avait reçu l'information

7 selon laquelle la veille déjà une percée avait été effectuée. L'autre a dit

8 : "Moi, j'ai entendu que c'était la "plavis ocolovis", qui avait opéré

9 cette percée et une Brigade de Sabotage, mais qui ne faisait pas partie de

10 la 7e Brigade musulmane". Ils nous ont dit que la route était ouverte et

11 que les Croates avaient fui. Nous y sommes arrivés. Personne n'a tiré une

12 seule balle. Nous avons pu constater que plusieurs grenades avaient été

13 lancées près de nous, mais personne n'a été blessé.

14 Nous sommes entrés à Vares. Dès que nous y sommes arrivés, nous sommes

15 arrivés dans Donji Vares, Vares le bas, et à ce moment-là, nous avons vu

16 sur une fenêtre d'un appartement, je ne sais pas très exactement qui, mais

17 un membre de "plavis ocolovis", qui nous faisait des signes de la main. Peu

18 de temps après, nous avons trouvé beaucoup des gens dans une maison, des

19 Croates, aussi des Musulmans, qui ont ouvert les fenêtres en disant : "Nous

20 sommes des Musulmans". Tout le monde s'est regroupé là-bas, les soldats

21 aussi et la FORPRONU. Je pense que c'était les Suédois. A ce moment-là, ils

22 se sont dissipés tous.

23 Personne ne regardait plus personne. A ce moment-là, ils ont commencé à

24 piller. Je ne sais pas comment appeler cela. Les gens allaient d'un

25 appartement à l'autre, d'une maison à l'autre. J'ai perdu tout le monde de

Page 1986

1 vue. Je ne savais plus. Je ne savais plus comment j'ai pu arriver jusqu'à

2 Gornji Vares, Vares le haut. Là, la situation était complètement

3 anarchique. Après, j'ai entendu dire qu'après la guerre, ceux-la sont

4 entrés, ainsi que les autres, et cetera. Mais, non, c'était la 7e Brigade

5 musulmane qui est arrivée. Ensuite, c'était les hirondelles de Sarajevo et

6 les gens de Tuzla qui sont venus.

7 Tout le monde s'occupait de lui-même. Vous savez, on est venu. On était

8 affamé. On avait la soif et la faim de tout. Je me souviens qu'au bout de

9 longtemps j'ai trouvé une bière. Je me suis dit : "Est-ce que je l'ouvre ou

10 pas". Je n'osais pas parce que je me suis dit quelqu'un va en parler à la

11 police, parce qu'à l'époque, on n'osait pas boire quoi que ce soit. Ce

12 n'était pas permis. J'ai quand même ouvert la bière, et donc j'ai bu une

13 bière au bout de plusieurs années.

14 J'ai vu des gens qui conduisaient des voitures, des motos, des camions, et

15 cetera. D'autres soldats, de nombreuses troupes sont arrivées, d'autres

16 Corps d'armée. Je me souviens qu'ils étaient partout. J'ai vu un civil qui

17 portait un fusil. Il a dit : "C'est ma ville. Vous pillez ma ville. Je suis

18 ici avant la guerre. J'étais un policier. Je suis un Musulman. Qu'est-ce

19 que vous faites ?" J'ai

20 dit : "Laisse-moi tranquille. Va voir ce que font les autres". C'était

21 vraiment le chaos total.

22 Q. Monsieur le Témoin, vous avez décrit les gens qui conduisaient les

23 voitures, les motos, les camions, et cetera. Qui étaient ces personnes qui

24 conduisaient les véhicules ?

25 R. Les soldats.

Page 1987

1 Q. Est-ce que vous vous souvenez avoir vu les pillages d'autres biens

2 personnels, mis à part ces véhicules différents que vous avez décrits ?

3 R. Je ne pouvais pas regarder à l'intérieur des véhicules des autres

4 personnes. Je ne savais pas ce qu'ils avaient à l'intérieur des véhicules.

5 On avait dit qu'un point de contrôle allait être établi par la brigade à la

6 sortie de la ville et que rien ne devait être pillé, et que tout allait

7 saisi par la police militaire. C'est ce qu'on avait dit.

8 Après, je suis sorti. Je ne me souviens de plus comment. Je pense que nous

9 sommes sortis à pied. En partant, je me souviens qu'il y avait une caméra

10 qui filmait tout cela. Nous, on quittait Vares. On retournait dans un

11 village dont je ne connais pas le nom. On était parti vers Vares. En

12 sortant, je me souviens qu'il y avait des camions qui partaient, et cetera.

13 Il y en a qui avaient trouvé des camions. Il y en a qui avaient trouvé des

14 voitures. De toute façon, en ce qui concerne ce qui s'est passé, je sais

15 que l'ordre avait été donné que tous les véhicules, toutes les voitures et

16 tous les produits électroménagers allaient être rendus à la caserne de

17 Zenica une fois sur place. J'ai connu une personne qui n'a pas rendu cela.

18 Qu'est-ce qu'il avait pris ? C'était une voiture Zastava. C'était un

19 voisin, un de mes voisins. Il a pris la voiture et il m'a dit qu'il l'a

20 vendue à quelqu'un pour 400 deutsche Marks, marks allemands. Après il a eu

21 des problèmes avec la police militaire et je pense qu'il est même allé en

22 prison à cause de cela.

23 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit tout à l'heure que vous avez vu

24 les soldats de la FORPRONU à Vares. Est-ce que vous avez eu des contacts

25 avec des soldats de la FORPRONU à Vares ?

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1 R. Ils ont essayé de nous protéger d'une certaine manière. Je ne sais pas.

2 Les troupes ont fait la percée et ils ont essayé d'empêcher cela. Ils ont

3 dit : "Vous êtes en train de piller. Regardez ce que vous faites. Vous

4 allez détruire toute la ville". Je ne me souviens pas de tout, mais il y

5 avait une sorte de dispute. Il y avait un interprète. On avait

6 l'impression, d'après la manière dont il parlait, que c'était un Croate.

7 Quelqu'un lui a dit : "Mais qu'est-ce que tu fais ici, oustachi ?" Il s'est

8 retourné. Je ne me souviens pas très exactement. Il y avait deux véhicules

9 blindés. Ensuite, ils sont allés protéger un autre bâtiment. Je ne suis pas

10 sûr de cela, mais j'ai entendu dire qu'ils sont partis protéger les

11 entrepôts de la UNHCR.

12 M. MUNDIS : [interprétation] Je pense que le moment est opportun pour

13 procéder à une pause, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, il est six heures moins 25. Nous allons faire

15 la pause technique de 25 minutes. Nous reprendrons à six heures.

16 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

17 --- L'audience est suspendue à 17 heures 37.

18 --- L'audience est reprise à 18 heures 08.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons reprendre. Il est 18 heures 08. Nous

20 pouvons aller jusqu'à 19 heures.

21 Monsieur Mundis, continuez.

22 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 L'Accusation a terminé son interrogatoire principal de ce témoin et nous

24 n'avons pas d'autres questions à lui poser.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous remercie.

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1 Nous sommes en audience publique.

2 Questions de la Cour :

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin XE, vous allez avoir à répondre à des

4 questions que la Défense va vous poser, mais j'ai quelques petites

5 questions afin de préciser des questions qui vous ont été posées et

6 auxquelles vous avez répondues.

7 Vous avez indiqué que vous aviez été intégré, en qualité d'infirmier ou

8 d'aide médicale, dans la 7e Brigade musulmane. Quand vous avez été intégré,

9 est-ce que vous deviez toucher un salaire ou bien vous avez été intégré

10 sans être payé ? Est-ce que vous aviez un salaire ou pas ?

11 R. Non, je n'en ai pas reçu. Je ne me souviens pas si on recevait de temps

12 à autre une aide sous une forme, comme des aliments par exemple, mais pas

13 d'argent, pour autant que je puisse m'en souvenir.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais, quand vous avez -- quand vous vous êtes

15 présenté pour être recruté, vous n'étiez pas obligé. Vous auriez pu partir

16 ailleurs ? Vous avez été recruté de manière volontaire. C'est vous qui avez

17 décidé d'être recruté et vous ne vous êtes pas posé la question du

18 salaire ?

19 R. Non.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez été recruté, vous deveniez donc

21 militaire ? Etant devenu militaire, est-ce qu'on vous a remis des

22 documents, le règlement militaire, des documents d'origine religieuse ?

23 Est-ce qu'on vous a remis des documents ?

24 R. Pour autant que je puisse m'en souvenir, non.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous avez relaté tout à l'heure, avec beaucoup

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1 d'émotion dans votre voix, les mauvais traitements que vous aviez subis.

2 Ayant pratiqué du sport de très haut niveau, vous deviez être habitué à

3 recevoir des coups. Mais les coups que vous aviez reçus, ils étaient

4 supérieurs à ceux que vous receviez dans votre pratique professionnelle

5 sportive ?

6 R. J'ai été passé à tabac par quatre ou cinq hommes à la fois là-bas --

7 cinq ou six. Ils m'ont donné des coups avec leurs brodequins militaires et

8 avec des barres ou des morceaux de bois. Personne n'est habitué à être

9 battu comme cela. Je ne vois pas vraiment pas, je ne sais vraiment pas

10 comment on peut imaginer que qui ce soit puisse être habitué à être battu

11 avec des barres de métal et des serviettes mouillées. On ne voit cela nulle

12 part.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

14 Je vais donner la parole à la Défense pour ses questions.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant que je ne

16 commence le contre-interrogatoire de ce témoin, l'équipe de la Défense, les

17 équipes pour les deux accusés, voudraient lancer un appel aux membres de la

18 Chambre en demandant leur compréhension afin que nous puissions commencer

19 notre contre-interrogatoire demain, parce que d'après l'horaire qui nous

20 avait été communiqué, il était prévu que le témoin aurait son

21 interrogatoire principal aujourd'hui ainsi que demain matin. Nous avons

22 achevé la plupart de nos préparatifs, mais puisque le contre-interrogatoire

23 est lié à la déclaration qui a été faite par ce témoin qui est ici devant

24 votre Chambre, et il a évoqué de plusieurs domaines, nous pensons que, si

25 nous pouvions commencer ce contre-interrogatoire demain, la procédure

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1 serait plus simple, et serait peut-être -- ce serait plus aisé pour le

2 témoin et il serait mieux préparé.

3 Il y a également un motif technique de moindre d'importance pour lequel

4 nous vous lançons cet appel et demandons votre indulgence, à savoir qu'au

5 début de l'audience d'aujourd'hui, nous avons mis le Procureur au courant

6 d'une déclaration ultérieure faite par ce témoin au poste de police de

7 Boden en Suède, et nous n'avons pas reçu une traduction complète en B/C/S.

8 Il s'agit d'une déclaration qui, je le crois -- que nous utiliserons au

9 cours de notre contre-interrogatoire de ce témoin. Comme le Procureur ne

10 dispose pas de la traduction, il faut qu'elle soit traduite cette nuit

11 parce que le témoin ne pourra pas suivre le contre-interrogatoire si je lui

12 montre cette déclaration seulement en anglais. Donc pour des raisons

13 d'efficacité, et de façon à ce que nous puissions être mieux préparés, nous

14 lançons un appel, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, pour

15 nous permettre de commencer notre contre-interrogatoire demain seulement.

16 Bien entendu, nous nous en tiendrons à la décision prise par la Chambre. Je

17 vous remercie.

18 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, avant de prendre

19 position sur la requête présentée par la Défense, peut-être que mon éminent

20 confrère ou mes confrères pourraient nous donner quelques indications de la

21 durée qu'ils prévoient pour leur contre-interrogatoire. Nous avons

22 également un autre témoin qui est prévu pour demain. Comme vous le savez,

23 l'Accusation, étant contrainte par certaines limites dans le temps, ainsi

24 que pour les témoins dont elle fait la liste, avant que nous puissions

25 prendre une position sur cette requête, il faudrait qu'on nous indique le

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1 temps au total nécessaire aux deux équipes de la Défense, si les deux

2 équipes ont l'intention de procéder à un contre-interrogatoire. Cela serait

3 très utile.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, compte tenu de

5 cette déposition assez compliquée qui couvre une vaste gamme de questions,

6 je pense que la Défense du général Hadzihasanovic aura besoin d'une heure

7 et demie. Si nous nous organisons comme il faut et si nous pouvons avoir

8 toutes les traductions prêtes, préparées et distribuées à toutes les

9 parties, et à vous, à ce moment-là, nous pourrions le faire.

10 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense de M.

11 Kubura aura probablement besoin d'une demi-heure pour le contre-

12 interrogatoire.

13 Nous voudrions toutefois faire remarquer quelque chose d'autre, à savoir

14 que, tout comme pour la Défense du général Hadzihasanovic, nous nous sommes

15 montrés coopératifs et nous avons essayé de faire de notre mieux pour

16 l'utilisation du temps qui nous était imparti. Je pense que ceci n'aura pas

17 d'incidence sur la déposition éventuelle du prochain témoin qu'il est prévu

18 d'entendre demain.

19 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation n'a pas

20 d'objection à soulever pour ce qui est de commencer le contre-

21 interrogatoire du témoin au début de l'audience de demain.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre a écouté les uns et les autres.

23 Si j'ai bien compris, la Défense aurait, dans un premier temps, une heure

24 et demie de laps du temps pour contre-interroger le témoin. Les seconds

25 défenseurs auraient besoin de 30 minutes, donc, au total, on aurait déjà

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1 deux heures, sans préjudice d'éventuelles questions de l'Accusation. Il y a

2 des chances que le deuxième témoin, qui était prévu demain, on n'a pas le

3 temps de terminer également son audition.

4 Il nous restait 40 minutes. Nonobstant les raisons techniques importantes

5 que vous avez développées, est-ce qu'il n'y aurait pas néanmoins des

6 questions qui, en l'état, pourraient être posées à l'intéressé sans que

7 cela porte préjudice aux autres questions de demain ? Est-ce qu'il n'y

8 aurait pas de questions assez simples qui pourraient permettre de donner du

9 temps sur demain ? C'est une suggestion que je formule. Il y a peut-être

10 des questions qui n'appellent pas de votre part une longue réflexion

11 jusqu'à demain matin, qui pourraient être posées à l'intéressé.

12 Maître Residovic.

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, comme je l'ai dit,

14 je pourrais certainement poser certaines questions, mais j'ai l'impression

15 que, si nous devons avoir d'avantage de temps pour mettre de l'ordre dans

16 nos pensées, le contre-interrogatoire sera plus bref et peut-être pourrais-

17 je commencer par des questions générales pendant environ 15 minutes et,

18 après cela, est-ce que vous m'autoriseriez à reprendre demain ?

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous auriez 15 minutes de questions générales, tout

20 à fait, et on reprendrait demain, sans problème.

21 Témoin XE, vous allez avoir quelques petites questions d'ordre générales

22 qui vont vous être posées par la Défense, ce qui nous permettra de gagner

23 un peu sur demain et, demain, nous poursuivrons. Nous sommes en audience

24 publique. Si vous voulez passer en audience à huis clos, vous me le dites.

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci beaucoup.

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1 Contre-interrogatoire par Mme Residovic :

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonsoir, Monsieur XE. Je m'appelle Edina

3 Residovic. Je suis le conseil de la Défense du général Hadzihasanovic, et

4 je vous priais de bien vouloir finir d'entendre l'interprétation de mes

5 questions en anglais avant de commencer à répondre. De cette façon, chaque

6 personne présente dans le prétoire aura plus de facilité à vous suivre.

7 Nous nous sommes bien compris ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas compris ce qu'il fallait que

9 j'attendre.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Dans vos écouteurs, ce que vous entendez

11 c'est une interprétation de mes questions.

12 R. Il faut que j'attende la fin de l'interprétation en anglais, c'est

13 cela ?

14 Q. Oui, parce que, si vous n'attendez pas la fin de l'interprétation, vos

15 questions et mes questions, et vos réponses risquent de se mêler et les

16 gens, qui suivent les débats dans le prétoire, risquent de ne pas pouvoir

17 nous suivre.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous passions à

20 huis clos partiel pour quelques instants ?

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous passons à huis clos partiel.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis

23 clos partiel.

24 [Audience à huis clos partiel]

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12 Pages 1995 – 2001 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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13 [Audience publique]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience publique est reprise pour que je

15 puisse clôturer l'audience. Comme je l'ai indiqué, nous nous retrouverons

16 demain à 14 heures 15, pour la continuation de l'audition d'un témoin.

17 --- L'audience est levée à 18 heures 43 et reprendra le mardi 27 janvier

18 2004, à 14 heures 15.

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