International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 31 mars 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 11.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appelez le numéro

6 de l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

8 les Juges, il s'agit de l'affaire numéro IT-01-47-T, le Procureur contre

9 Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Je me tourne vers les

11 représentants de l'Accusation.

12 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

13 Monsieur les Juges, nous avons pour l'Accusation Daryl Mundis, Ekkehard

14 Withopf, et Ruth Karper, qui est le commis aux audiences.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les avocats de la Défense.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

17 les Juges, au nom du général Enver Hadzihasanovic, je me présente, Edina

18 Residovic, conseil; et Stéphane Bourgon, co-conseil; ainsi que Muriel

19 Cauvin, assistante juridique.

20 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Au nom de M. Kubura, nous avons M. Rodney

21 Dixon; moi-même, Fahrudin Ibrisimovic; et Nermin Mulalic, assistant

22 juridique.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

24 Après l'interruption d'hier, je salue toutes les personnes présentes, au

25 nom de la Chambre, les représentants de l'Accusation, les avocats des

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1 accusés, ainsi que tout le personnel de la salle d'audience.

2 Nous avons aujourd'hui deux témoins prévus. Il semblerait qu'il y a un

3 problème pour un des deux témoins. Avant d'aborder la question des témoins,

4 il y a deux points à régler.

5 D'abord, la Chambre constate avec satisfaction la présence de la fameuse

6 maquette qui est devant nous, ce qui permettra pour les témoins à venir le

7 cas échéant, de préciser les endroits dans la mesure où on a visualisé par

8 des petits cartons les localités. On s'y retrouvera plus facilement.

9 De la position où est la Chambre, nous voyons du blanc et du vert. Nous

10 pensons que le vert, c'est les forêts boisées, les espaces vertes.

11 Certainement, on aura d'autres précisions.

12 En tout cas, cette maquette nous servira aux uns et aux autres.

13 Le deuxième point que je tiens à aborder, c'est la question des pièces que

14 l'Accusation souhaite verser. L'Accusation, je rappelle, avait dressé un

15 tableau. Nous avons reçu à la Chambre hier, les observations de la Défense

16 sur les pièces. J'ai passé une partie de l'après-midi à regarder ce tableau

17 et à faire les calculs sur les pièces admises et contestées. D'après mes

18 calculs, il y aurait 212 documents qui ne sont pas contestés et 655

19 documents qui sont contestés. Nous avons un noyau dur de plus de 200

20 documents qui, de la part de la Défense n'a pas soulevé d'objections.

21 Ces documents sont référenciés dans le tableau que la Défense a joint à ses

22 observations écrites.

23 La Défense a fait valoir dans son mémoire qu'elle contestait des documents

24 pour deux principales raisons : La question de la pertinence, évidemment;

25 par ailleurs, la contestation de l'authenticité des documents soit en

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1 raison de la qualité des signataires ou pour toute autre raison. Ce sont

2 les deux motivations qui ont fait qu'un certain nombre de documents sont

3 contestés. Un certain nombre, mais là 655. Ce qui veut dire que ces

4 documents seront évidemment produits par l'Accusation lors des témoignages

5 à venir, et feront, bien entendu, l'objet de la part des Défenseurs, des

6 contestations quant à la pertinence ou à l'authenticité. Il reste à régler

7 le sort de 212 documents.

8 Vous avez tenu une réunion administrative hier à cet égard. Une des

9 solutions préconisées, serait que la Chambre rende une décision écrite sur

10 ces 212 documents non contestés. Ceci peut être fait. Nous allons reparler

11 entre nous tout à l'heure, lors de la pause.

12 Le problème qui peut apparaître est le suivant : C'est que ces documents

13 nous ne les avons pas, nous ne les avons pas vus, nous ne les connaissons

14 pas, nous ne connaissons pas la teneur. L'Accusation les a adressés à la

15 Défense qui les a, bien entendu, étudiés. Nous, nous ne les avons pas. Il

16 semblerait que l'Accusation est en train d'effectuer des copies de ces

17 documents. Aurons-nous ces documents avant la date prévue du mois d'avril,

18 c'est-à-dire, la semaine prochaine. Nous ne demandons pas, évidemment,

19 l'ensemble des documents, mais nous pourrions avoir au moins les 212

20 documents non contestés. Parce que la Chambre aura deux possibilités. Nous

21 allons délibérer soit si nous n'avons pas les documents d'ici l'audience

22 prévue, à ce moment-là, on donnera un numéro aux fins d'identification qui

23 se transformera en un numéro définitif quand on aura les documents.

24 Deuxième solution, nous faisons confiance aux uns et aux autres sur la

25 pertinence, à ce moment-là, notre décision entraînera un numéro définitif.

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1 Avant que nous puissions en délibérer entre nous, j'aimerais connaître de

2 la part de l'Accusation sa position quant à la copie de ces documents, et à

3 quel moment la Chambre pourrait être en possession dans la mesure où nous

4 avions recommandé de mettre ces documents dans des classeurs.

5 Monsieur Withopf.

6 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

7 Juges, pour ce qui est de la date à laquelle l'Accusation transmettra les

8 documents qui ne font l'objet d'aucune contestation, l'Accusation avait cru

9 comprendre que nous présenterons ces documents le 8 avril.

10 Sur la base d'une décision de la Chambre de première instance, il y a eu la

11 suggestion des parties présentées lors de la réunion de hier soir, à la

12 suite de la proposition du Greffe, nous aurons les cotes P qui seront

13 attribuées aux documents. Ensuite, à savoir, le

14 8 avril, l'Accusation présentera neuf des dix classeurs contenant les

15 documents qui ne sont pas contestés.

16 Cela représente un effort herculéen de la part de l'Accusation pour classer

17 tout cela dans ces classeurs. Il est très vraisemblable que l'Accusation

18 confiera cette tâche à autrui. Par conséquent, l'Accusation ainsi que la

19 Défense seraient extrêmement reconnaissantes à la Chambre si elle pouvait

20 prendre sa décision pendant le courant de cette semaine.

21 L'Accusation est également d'avis, et je pense que cela correspond

22 également au point de vue de la Défense, qu'étant donné qu'il ne s'agit pas

23 de documents qui font l'objet de contestation, ces documents sont

24 importants pour les audiences. Par conséquent, l'Accusation suggère que,

25 lorsque la Chambre aura pris sa décision à propos des cotes P, l'Accusation

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1 se chargera de mettre ces documents dans les classeurs respectifs, et

2 transmettra ces documents et ces classeurs, et ces documents qui seront

3 versés le 8 avril.

4 Si vous me permettez, Monsieur le Président, d'aborder un autre thème que

5 vous avez vous-même évoqué. Hier, vous avez parlé rapidement, et la Défense

6 hier, avait indiqué que pour toute une série de raisons, notamment, la

7 pertinence ou l'authenticité, la Défense, disais-je contestait la majorité

8 des documents. L'Accusation souhaiterait aborder la question des

9 préoccupations de la Défense. Je pense qu'il serait extrêmement utile que

10 la Défense puisse éclairer la lanterne de l'Accusation et de la Chambre à

11 propos de l'objet des contestations, puisque ce n'est qu'à partir de ce

12 moment-là que l'Accusation pourra véritablement prendre une position à

13 propos des préoccupations exprimées par la Défense, car cela pourrait avoir

14 une incidence sur les témoins qui seront appelés à comparaître. Si la

15 pertinence des documents fait l'objet de contestations, il s'agit d'une

16 question qui est d'ordre juridique.

17 Toutefois, s'il s'agit de l'authenticité des documents qui fera l'objet de

18 contestations, l'Accusation devra appeler à la barre certains témoins. Par

19 conséquent, l'Accusation serait extrêmement reconnaissante à la Défense si

20 elle avait l'amabilité d'informer à la fois la Chambre de première instance

21 et l'Accusation des contestations relatives aux différents documents. Je

22 vous remercie.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à la Défense, juste une

24 petite précision afin qu'il n'y ait pas de malentendus.

25 A l'origine, la Chambre avait indiqué que la date du 8 avril serait la date

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1 où seraient officiellement versés les documents. A l'époque, et vous pouvez

2 vous référer au transcript, il avait été indiqué que nous passerions cette

3 journée du 8 avril, d'une part à donner un numéro au témoignage du 92 bis

4 et à donner un numéro aux documents. Etant précisé à ce moment-là, que ces

5 documents, nous les aurions en main. A ce moment-là, comme je l'avais

6 indiqué et c'est dans le transcript, M. le Greffier, sur l'invitation de la

7 Chambre, donnerait un numéro, document par document. Postérieurement à ce

8 qui avait été dit, la Défense et l'Accusation qui ont réfléchi au problème

9 ont proposé de se réunir avec le Juriste de la Chambre, afin d'envisager

10 une autre modalité permettant de gagner du temps. C'est dans le contexte de

11 cette nouvelle modalité qu'est proposé que la Chambre prenne une décision

12 écrite ordonnant les versements. Voilà la problématique telle que je viens

13 de la rappeler.

14 Autant préciser que si nous prenons cette décision ordonnant le versement,

15 nous risquons de prendre une décision avant le 8 avril, alors même que nous

16 n'avons pas les documents. L'Accusation nous fait savoir qu'il y aura neuf

17 classeurs de prêts le 8 avril et pas dix. Je ne sais pas pourquoi il y en a

18 un qui reste en "stand-by", il y a certainement une raison. L'Accusation

19 nous a indiqué que ces documents seront classés dans le classeur.

20 Concernant le classement, il n'y a que deux méthodes, où la méthode par le

21 chiffre, c'est-à-dire, on le met classeur numéro un en fonction des numéros

22 des pièces qui figurent dans les annexes. A ce moment-là, on s'y retrouve.

23 Il y a un autre classement beaucoup plus élaboré qui serait de classer les

24 pièces en fonction des infractions ou des localités. Cela peut poser un

25 autre problème. C'est à l'Accusation de voir comment elle veut classer ces

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1 pièces, mais il y a plusieurs méthodes de classement. Nous allons prendre

2 une décision sur la suite à donner.

3 L'Accusation a soulevé un problème important qui est le fait qu'il y a 655

4 documents qui sont contestés. Est-ce qu'à ce stade, la Défense peut nous

5 dire pourquoi ils sont contestés ? Grosso modo, j'ai cru comprendre par vos

6 écritures que c'est en raison soit de la pertinence, soit de

7 l'authenticité. Comme l'a fait valoir l'Accusation, s'il y a des

8 contestations au niveau de la pertinence, cela peut poser des problèmes

9 plus compliqués que des problèmes d'authenticité.

10 Je me tourne vers la Défense pour leur demander leur point de vue éclairé

11 par rapport au document qui a été dressé le 29 mars, qui est assez

12 succinct, puisqu'il fait une page et demie sur la raison de contestation.

13 Maître Bourgon, comme je sais que c'est vous qui y avez travaillé, je vous

14 donne la parole.

15 M. BOURGON : Bonjour, Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour,

16 Monsieur le Président. La position de la Défense, Monsieur le Président, a

17 été exprimée dans le document que nous avons déposé hier, c'est-à-dire,

18 document déposé au nom de la Défense des deux accusés. Notre objectif en

19 déposant ce document était de donner suite à la décision de la Chambre. La

20 difficulté à laquelle nous avons fait face, c'est que les documents pour

21 lesquels la Défense était en mesure de donner un accord, sans même que le

22 document ne soit produit devant la Chambre, nous en arrivons aux documents

23 pour lesquels nous avons exprimé un accord concernant l'admissibilité.

24 Monsieur le Président, vous avez mentionné le chiffre 212. Le chiffre, que

25 j'avais, était un peu plus élevé, mais je crois que ce n'est pas une

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1 différence qui soit importante ce matin. Je crois que ce qui est important

2 de noter, c'est que, pour les autres documents pour lesquels nous

3 contestons, soit l'authenticité, soit la pertinence, nous sommes d'avis

4 que, pour que ces documents puissent être admis, ils doivent faire l'objet

5 de représentations de certains débats devant la Chambre, document par

6 document, comme la Chambre avait anticipé ou du moins la Chambre avait

7 indiqué son intention de procéder. Les documents, qui sont indiqués dans

8 notre réponse déposée hier, sont des documents qui peuvent être admis sans

9 même faire l'objet d'un débat. Pour ces documents, Monsieur le Président,

10 nous suggérons, pour faciliter la procédure, si la Chambre pouvait

11 l'ordonner peut-être au moins un numéro d'identification, cela permettrait

12 à l'Accusation de produire les classeurs, comme nous avons discuté hier et,

13 ensuite, il ne s'agirait que d'enlever la question d'identification pour

14 que les documents soient tous admis en bloque, ce qui déjà ferait une base

15 solide pour le procès qui nous occupe. La question du numéro

16 d'identification n'a pas été discutée entre nous hier, mais, devant ce que

17 la Chambre soulève ce matin, je crois que ce serait une façon d'éviter tout

18 problème. Une décision de la Chambre avec des numéros d'identification,

19 l'Accusation produit les documents et, en bloc, toutes les cotes

20 d'identification sont retirées au moment où les classeurs seront déposés.

21 Pour les autres documents, Monsieur le Président, nous, la Défense, nous

22 sommes prêts à procéder de deux façons, soit au cas par cas, témoin par

23 témoin, en cours de procès et, à la fin du procès, les documents, qui

24 resteront et qui n'auront pas été admis, pourront faire l'objet d'un débat.

25 Ou, si l'Accusation ou encore la Chambre le préfère, nous pourrons -- nous

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1 serions tout à fait d'accord pour procéder à un débat, document par

2 document, avant ce fait. Nous avons simplement cru, Monsieur le Président,

3 que de faire état, par écrit, de nos observations, document par document,

4 ne serait pas productif, du moins à ce moment. Merci, Monsieur le

5 Président.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Bourgon pour ces observations.

7 Maître Dixon.

8 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Dans un premier

9 temps, Monsieur le Président, je vous dirais que nous comprenons tout à

10 fait que vous devez avoir les documents avant qu'ils ne soient considérés

11 comme recevables. Ils doivent pouvoir être étudiés par vous avant que vous

12 ne puissiez prendre une décision officielle. Comme l'a dit, à juste titre,

13 Me Bourgon, je suis sûr que l'Accusation sera en mesure de le faire. Des

14 copies pourront être fournis avec des numéros aux fins d'identification

15 avant de statuer sur la recevabilité des documents.

16 Deuxièmement, Monsieur le Président, ce qui serait extrêmement utile pour

17 la Défense serait que l'Accusation puisse indiquer -- ce qui d'ailleurs

18 correspond à une procédure normale dans de nombreuses juridictions --

19 pourrait indiquer, disais-je, quels témoins sont afférents à quel document,

20 quels témoins envisage-t-il pour présenter le document. Parce qu'ainsi nous

21 serons en mesure d'apprécier la pertinence parce que, sinon, nous ne savons

22 pas quels sont les témoins qui sont visés. Pour ce qui est de

23 l'authenticité, si la source du document n'est pas certaine, nous devons

24 contester cela parce que nous ne savons pas quels témoins seront en mesure

25 d'indiquer que le document existe et que le document a été préparé en bonne

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1 et due forme. Dans un premier temps, il serait extrêmement que l'Accusation

2 nous indique quels témoins seraient à même de présenter des observations à

3 propos de quels documents, et ainsi nous pourrons voir si cela pourra

4 diminuer le nombre de documents. Je pense que nous pourrons continuer à

5 maintenir le contact avec l'Accusation pour pouvoir parvenir à une solution

6 avant de représenter tout cela aux Juges de la Chambre de première

7 instance. Merci.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Je vous remercie, Maître Dixon. Effectivement,

9 le problème résiduel est le suivant : c'est que nous avons des centaines de

10 documents qui seront introduits et, au fur et à mesure des témoins qui

11 viendront déposer dans les semaines et les mois à venir. Il serait vraiment

12 utile qu'à partir du tableau qui a été fait par l'Accusation et le tableau

13 de la Défense, on ait un nouveau tableau qui émanerait, à ce moment-là, de

14 l'Accusation, qui indiquerait, pièce par pièce; ces pièces à quels témoins

15 vont-elles se référer ? Ce qui serait déjà une bonne indication et

16 permettrez tant à l'Accusation qu'à la Défense et à la Chambre d'y voir

17 beaucoup plus clair. Par ailleurs, il y aurait peut-être lieu -- mais

18 c'est à l'Accusation d'y réfléchir, mais c'est ma pratique professionnelle

19 antérieure qui me permet de vous l'indiquer, dans la mesure où j'exerçais

20 les fonctions que vous occupiez les uns et les autres actuellement à

21 diverses occasions. Vu que je suis à même, ayant occupé les différentes

22 fonctions, de vous indiquer qu'il serait très utile que ces pièces aient

23 aussi une référence par rapport à l'acte d'accusation et par rapport au

24 mémoire préalable, ce permettrait, à ce moment-là, une lecture beaucoup

25 plus simple pour tous. Bien entendu, mes observations valent également, le

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1 moment venu, pour la Défense qui introduira également ses témoins. Ce que

2 je dis vaut également pour tout le monde. Cela permettrait, à ce moment-là,

3 de s'y retrouver beaucoup plus facilement.

4 Actuellement, de par la position de la Défense qu'il y a plus de 600

5 documents qui doivent être introduits par les témoins, et la Défense

6 souhaite, comme elle l'a indiqué par Me Dixon, avoir au moins des

7 indications sur la référence de ces documents par rapport aux témoins.

8 Monsieur Withopf, au vu de ces observations -- mais la Chambre n'a pris

9 aucune décision, on va en délibérer entre nous. Est-ce que vous pouvez nous

10 apporter parce qu'on voit que les débats contradictoires permettent

11 d'avancer et de mieux appréhender les problèmes pratiques, parce que là

12 nous sommes dans les problèmes pratiques.

13 Monsieur Withopf.

14 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation

15 souhaiterais évoquer un certain nombre de questions. L'Accusation

16 préférerait -- et cela d'ailleurs avait été indiqué par la Chambre de

17 première instance -- préférerait que nous ayons une discussion qui

18 porterait sur les documents contestés, et cela pourrait être suivie par une

19 décision prise par la Chambre. Cette procédure nous permettrait d'accélérer

20 l'affaire compte tenu du fait que l'Accusation envisage d'avoir environ 25

21 témoins supplémentaires qui seront présentés et qui comparaîtront ici dans

22 le prétoire. Nous avons quelques 655 documents, et l'Accusation devrait

23 verser quelques 20 à 25 documents par le truchement des témoins, et je

24 pense que cela aurait un impact sérieux sur le rythme de la procédure. Ne

25 serait-ce que, pour cette raison, il nous semble beaucoup plus efficace

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1 d'avoir une discussion document par document, même si cela nous prend toute

2 une journée et, ensuite, nous pourrions avoir la décision de la Chambre de

3 première instance pour ce qui est de la recevabilité desdits documents ?

4 Pour ce qui est du contexte, Monsieur le Président, la Défense a toujours

5 eu un avis très général à propos du contexte politique, militaire,

6 historique et économique. Quel doit être ce contexte et dans quelle mesure

7 est-ce que ce contexte doit faire l'objet de discussion pendant les

8 audiences ? Par conséquent, pour le moment, l'Accusation, qui n'a pas eu

9 d'information supplémentaire de la part de la Défense, ne comprends pas,

10 dans une certaine mesure, pourquoi la Défense conteste un nombre si

11 important de documents.

12 L'Accusation aimerait également attirer l'attention des Juges de la Chambre

13 sur un fait. Pour un grand nombre de documents contestés, il s'agit, dans

14 une grande mesure, de documents officiels. La Chambre de première instance,

15 à maintes reprises, a indiqué son avis sur la question, à savoir, les

16 documents officiels, estampillés, qui émanent de quelque autorité que ce

17 soit, doivent être considérés comme recevables et comme moyens de preuve.

18 Il y a un certain nombre d'ordres, fournis par l'accusé Kubura, qui sont

19 contestés et il s'agit d'exemples qui illustrent pourquoi l'Accusation,

20 pour le moment, sans avoir de plus amples renseignements de la part de la

21 Défense, n'est pas en mesure, véritablement, de régler la question des

22 contestations de la Défense. Je fais, notamment, allusion aux numéros 227 à

23 229, qui figurent sur la liste de la Défense, mais il y en a certainement

24 d'autres. Je vous ai donné cet exemple à titre d'illustration seulement.

25 Pour ce qui est du souhait exprimé par la Chambre de première instance, qui

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1 souhaite avoir une copie de tous les documents qui ne sont pas contestés

2 et, ce, afin de leur permettre de prendre une décision éclairée puisque

3 l'Accusation souhaite verser ces documents comme moyens de preuve, il est

4 évident que l'Accusation sera en mesure de fournir ce classeur et, ce,

5 avant le 8 avril. Cela ne devrait pas représenter un trop gros problème.

6 Sinon, l'Accusation est tout à fait d'accord avec la Défense pour ce qui

7 est du versement des documents non contestés. La décision de la Chambre

8 pourrait nous permettre d'avoir -- d'identifier les numéros, les cotes

9 indiquées au titre d'identification avec les numéros. Ensuite, le 8 avril,

10 ces documents pourraient se voir attribuer une cote définitive. Merci,

11 Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Monsieur Withopf.

13 Pour résumer la position des uns et des autres afin que tout le monde soit

14 bien au clair, la Défense nous a dit, tout à l'heure : nous allons, pour

15 nos raisons propres à la Défense, contester un certain nombre de documents.

16 Nous souhaitons, nous, la Défense, que ces documents soient introduits

17 lorsque les témoins viendront.

18 Le reste des documents, qui n'ont même pas été introduits par les témoins,

19 la Défense suggère, à ce moment-là, qu'il y ait une audience spéciale pour

20 ces documents. Voilà le positionnement de la Défense.

21 L'Accusation nous dit -- elle inverse, en quelque sorte, la position de la

22 Défense en disant : faisons une audience sur les documents contestés et,

23 ensuite, nous faisons venir nos témoins et, à ce moment-là, on gagnera du

24 temps.

25 Sur cette proposition d'une audience sur les documents, compte tenu des

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1 contestations, on imagine qu'il faudra plusieurs jours d'audience, parce

2 que tous les documents vont faire l'objet -- enfin, un certain nombre, sont

3 susceptibles de faire l'objet, de la part de la Défense, de contestations

4 de fond. Il y aura un débat entre la Défense et l'Accusation. Les Juges

5 trancheront. A mon avis, cela ne prendra pas un seul jour, mais plusieurs

6 jours. Voilà le problème dans lequel nous sommes.

7 A titre d'exemple, j'ai remarqué, dans la liste des documents que nous

8 avons, par exemple, émanant de la source Serif Patkovic, la liste des

9 officiers de la 7e Brigade. Cette liste, qui apparemment est un document

10 officiel, est contestée. Je pense qu'elle est contestée, non pas par le nom

11 des officiers peut-être, mais peut-être en raison de la pertinence. S'il y

12 a un débat sur cette liste d'officiers, cela risque de prendre du temps.

13 Que cette liste aurait pu être introduite par un témoin, voilà un exemple

14 de problème qui peut se dérouler.

15 Compte tenu de la proposition formulée par l'Accusation, à savoir une

16 audience préalable sur tous les documents, que dit la Défense ? Maître

17 Bourgon.

18 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

19 Tout d'abord, Monsieur le Président, la Défense aimerait apporter quelques

20 précisions concernant les documents qui ont fait l'objet, c'est-à-dire, les

21 documents qui ne sont pas contestés. Tous les documents, qui sont de nature

22 officielle, c'est-à-dire, tous les documents qui émanent du gouvernement ou

23 qui sont des actes du parlement, ont été -- ont fait l'objet d'une

24 acceptation de la part de la Défense. De même, tous les documents qui

25 émanent d'organes internationaux, telles la Mission de monitoring de

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1 l'Union européenne, ainsi que la force de Protection des Nations Unies,

2 tous ces documents ont fait l'objet d'une acceptation de la part de la

3 Défense.

4 Là où nous avons encouru des problèmes, c'est surtout pour les autres

5 documents. Je crois qu'il est utile, à ce stade-ci, Monsieur le Président,

6 de donner un exemple concernant l'admissibilité d'un document eu égard à la

7 signature. Dans le cas de la Défense du général Hadzihasanovic, un document

8 émanant du 3e Corps est signé par le général Hadzihasanovic.

9 Lorsque nous avons reconnu la signature du général Hadzihasanovic, ce

10 document a fait l'objet d'une admission. Lorsqu'il s'agissait d'un document

11 du 3e Corps, et là où la signature n'était reconnue, mais, dans le cas

12 d'espèce où nous connaissions le processus qui a mené à ce document et le

13 processus qui a mené à la signature, non pas par l'accusé, mais par une

14 autre personne, nous avons également admis ces documents.

15 Pour les documents pour lesquels nous avons exprimé une opposition

16 concernant leur admissibilité, il s'agit de documents où nous ne pouvons

17 pas établir le processus d'élaboration du document. Il s'agit surtout de

18 documents, non pas ceux du 3e Corps, mais bien ceux qui ont pu être

19 échangés, à titre d'exemple, entre la 306e Brigade et une autre brigade du

20 3e Corps. Lorsqu'un document n'impliquait pas du tout le 3e Corps, mais

21 plutôt impliquait deux brigades au sein du 3e Corps, sans que le 3e Corps ne

22 soit impliqué, il est très difficile pour la Défense de faire une

23 déclaration concernant l'admissibilité d'un tel document sans avoir

24 davantage de renseignements.

25 De là, la pertinence, Monsieur le Président, des propos exprimés par mon

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1 confrère, Me Dixon, si la Défense connaissait le lien entre le document et

2 l'acte d'accusation, il nous aurait été beaucoup plus facile, à ce moment-

3 là, d'examiner le document à la lumière de ce que l'utilisation que

4 comptait en faire l'Accusation.

5 Pour en revenir à la suggestion exprimée par l'Accusation, nous croyons que

6 le processus, c'est-à-dire, de passer maintenant à la discussion sur chacun

7 de ces documents, nous sommes d'accord avec la Chambre qu'il s'agit d'un

8 processus qui risque d'être très long. Nous allons passé plusieurs jours à

9 simplement regarder les documents et essayé de nous faire une idée, sans

10 même faire l'objection d'une contestation. Si nous essayons de discuter de

11 ces documents devant la Chambre, cela risque de prendre, effectivement,

12 plusieurs jours.

13 A tout le moins, si la Chambre devait décider pour un tel processus, il

14 nous faudrait, au minimum, Monsieur le Président, avoir le lien avec l'acte

15 de l'accusation et le lien avec le témoin qui pourrait aider à comprendre

16 le document et en comprendre l'utilisation, à comprendre sa pertinence eu

17 égard aux accusations auxquelles l'accusé fait face. Nous croyons,

18 cependant, qu'il serait préférable de procéder avec les témoins, de faire

19 introduire les documents par les témoins qui sont présents devant la

20 Chambre. A la fin, à ce moment-là, nous serons exactement toute la preuve

21 orale qui aura été entendue. Il sera beaucoup plus facile, à ce moment-là,

22 de déterminer la pertinence d'un document.

23 Enfin, Monsieur le Président, concernant le contexte, il est tout à fait

24 exact que la Défense, depuis le début du procès, a fait état de

25 l'importance du contexte. Nous avons exprimé cet avis dans plusieurs

Page 5343

1 écritures, dont la dernière concernant notre demande pour prendre

2 connaissance judiciaire de certains faits admis dans d'autres procès. Nous

3 avons exprimé l'avis que cela était important, que le contexte était

4 important, puisqu'il jouait un rôle direct sur la capacité de l'accusé à

5 exercer ses fonctions de commandant, puisque c'est là l'objet du procès.

6 Cependant, Monsieur le Président, lorsque l'Accusation parle du contexte,

7 le contexte est tout aussi important pour l'Accusation, sauf qu'il n'a pas

8 la même pertinence eu égard à la fonction. C'est-à-dire que le contexte

9 pour l'Accusation doit avoir un lien avec une accusation directement levée

10 contre l'accusé, contrairement à la Défense qui, lorsque nous soulevons le

11 contexte, nous soulevons les conditions dans lesquelles l'accusé exerçait

12 ses fonctions. Il s'agit toujours du même contexte, mais l'exposition, la

13 présentation du contexte devant la Chambre n'a pas la même objectif si on

14 se place du côté de la Défense, que si ont se place du côté de la

15 poursuite.

16 Juste une précision à apporter en terminant, concernant la chaîne de

17 possession des documents. Je crois qu'il est important de mentionner,

18 Monsieur le Président, plusieurs des documents que nous contestons, dont

19 nous contestons l'admissibilité, ces documents proviennent d'une collection

20 qui s'appelle la collection de Sarajevo, qui a été prise à même les

21 archives du gouvernement à Sarajevo. Toutefois, le processus mérite d'être

22 expliqué devant cette Chambre, c'est-à-dire, que les documents ont d'abord

23 été pris à Sarajevo au complet, et transportés ici même au Tribunal par

24 l'Accusation. Lorsque la Défense, lorsque nous nous sommes présentés à

25 Sarajevo pour obtenir des documents, il n'y restait plus rien. C'est alors

Page 5344

1 qu'un processus de négociation s'est engagé entre l'Accusation et la

2 Défense, pour savoir d'abord, où étaient les documents, de quelle façon ces

3 documents pourraient être retournés à Sarajevo pour que nous puissions y

4 avoir accès.

5 De là, ces documents nous ont été donnés par l'Accusation sous forme

6 électronique, sur un CD-ROM. Tout l'aspect entourant, nous n'exprimons pas

7 de doutes concernant le processus, mais il reste qu'à plusieurs étapes du

8 processus, du moment où les documents ont été classés à Sarajevo jusqu'au

9 moment où ils ont été transportés dans les bureaux du Procureur,

10 photographiés et mis sur un CD-ROM et remis à la Défense, il y a plusieurs

11 de ces documents, Monsieur le Président, que nous avons des questions qui

12 nécessitent certaines informations additionnelles.

13 Merci, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, je vous donne la parole, mais Me

15 Dixon voulait aussi intervenir.

16 Maître Dixon.

17 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Notre position

18 sera la suivante. A ce stade, il est prématuré de rentrer dans les débats

19 dans ce prétoire sur les documents en cas par cas. Ce que je suggère

20 plutôt, c'est que maintenant que l'Accusation sait quels sont les documents

21 qui font l'objet de notre contestation, ou quels sont les documents au

22 sujet desquels nous avons des questions, il faut qu'ils se fondent là-

23 dessus, lorsqu'ils poursuivront avec la présentation des éléments de

24 preuve, qui leur appartiennent, qui est devant [imperceptible] 6,29. Il

25 faudra qu'ils demandent le versement des documents sur lesquels ils

Page 5345

1 souhaitent se fonder par le truchement des témoins qui viendront déposer.

2 Il y aura peut-être d'autres témoins. Vers la fin de la présentation des

3 éléments de preuve de l'Accusation, la situation sera peut-être réévaluée.

4 Nous estimons qu'il serait très difficile de débattre de ces documents de

5 manière abstraite. Il faudra que l'on les analyse eu égard aux moyens de

6 preuve. Peut-être vers la fin de la présentation des moyens de preuve, nous

7 aurons une meilleure idée quels sont les documents qui sont encore

8 contestés ou qui sont en suspens. A ce moment-là, la Chambre pourra s'y

9 pencher.

10 Comme je l'ai déjà dit, il y a peut-être un problème entre l'Accusation et

11 la Défense. Les témoins viendront déposer. On continuera à présenter des

12 éléments par leur intermédiaire. Il faudra peut-être se polariser sur cela

13 en fonction des documents. Ce n'est que plus tard qu'il faudra peut-être

14 reposer la question devant la Chambre.

15 Pour ce qui est en particulier de M. Kubura, je tiens à souligner pourquoi

16 nous contestons encore certains documents. Il y a beaucoup de documents, y

17 compris quelques ordres qui ont été mentionnés par mon éminent collègue. Ce

18 ne sont pas des ordres qui ont été émis, semble-t-il, pendant la période

19 qui est couverte par l'acte d'accusation. Il s'agit soit de documents qui

20 sont antérieurs, soit qui sont bien postérieurs. Vous savez que

21 l'Accusation a souvent contesté des documents que la Défense souhaitait

22 verser au dossier, parce qu'ils sortaient du cadre de l'acte d'accusation.

23 Ici, nous avons aussi fait une objection comparable. Lorsque les témoins

24 sont cités, on peut leur présenter des documents qui sont pertinents d'une

25 manière ou d'une autre. Je pense que c'est la meilleure manière de

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1 procéder.

2 Nous suggérons que l'Accusation poursuive avec la réalisation [phon] des

3 éléments de preuve. Ils savent quels sont les documents qui font objet de

4 contestations, et ils peuvent s'adapter à cela. Je vous remercie.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Dixon.

6 Je vais redonner la parole à M. Withopf. Dans cinq minutes, il sera 10

7 heures, on fera venir le témoin prévu.

8 J'aimerais également que M. Withopf, qui a évoqué 25 témoins, est-ce que ce

9 sont les 25 témoins qui vont venir à partir d'aujourd'hui, ou c'est 25

10 témoins supplémentaires, par rapport au planning qui nous a été communiqué

11 pour les mois d'avril et de mai ? Est-ce que ce sont 25 en plus du

12 planning, ou les 25 selon le planning ? La Chambre aimerait avoir des

13 précisions. Vous avez la parole.

14 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

15 Juges, les 25 témoins -- et je tiens à souligner qu'il s'agit d'à peu près

16 25 témoins, il y en aura peut-être quelques-uns de plus ou quelques-uns de

17 moins -- ce sont des témoins que l'Accusation a déjà présentés dans son

18 écriture motivée, en précisant qu'il s'agit des témoins que nous citerons

19 en avril et en mai. Il y a quelques témoins additionnels supplémentaires.

20 Le chiffre varie entre 25 et 30, voire même un petit peu moins.

21 A présent, je souhaite aborder un certain nombre de points qui ont été

22 soulevés par mes éminents collègues de la Défense. Quand bien même on

23 essayerait de procéder en suivant la suggestion de la Défense, à savoir, de

24 verser les documents par le truchement de la déposition des témoins, il

25 serait néanmoins très utile pour l'Accusation de savoir pour quelles

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1 raisons certains documents font l'objet de contestations. Ce n'est pas la

2 même chose si un document est contesté à cause de son manque de pertinence

3 allégué, ou parce que c'est la question de l'authenticité qui se pose. Même

4 si on souhaite respecter les lignes directrices suggérées par la Défense,

5 je pense qu'on accélèrerait les débats si la Défense pouvait nous informer

6 de manière un peu plus concrète, précise, quelles sont leurs

7 préoccupations.

8 Nous partageons tout à fait les préoccupations de la Défense, au sujet des

9 débats éventuels dans le prétoire portant sur les documents contestés, ceci

10 prendrait effectivement des jours. Puisque nous savons d'ores et déjà que

11 les questions qui se poseront au sujet de la pertinence des documents

12 peuvent être tranchées, nous l'avons déjà vu de par le passé, il s'agit là

13 de contestations qui peuvent se répartir selon les catégories de documents,

14 et la Chambre de première instance pourrait certainement trancher très

15 rapidement, si nécessaire.

16 Mon éminent collègue de la Défense du général Hadzihasanovic a abordé la

17 question de la collection de Sarajevo. Il s'agit de quelque chose que nous

18 avons parlé à de nombreuses reprises depuis deux ans et demi, lors des

19 conférences en application à l'Article 65 ter et des Conférences de mise en

20 état. Il y a toute une série de questions qui se pose au sujet de la

21 collection de Sarajevo. Nous avons un compte rendu de tout ce que nous

22 avons déjà dit à ce sujet, un compte rendu officiel.

23 L'Accusation, si nécessaire, serait prête à présenter des preuves, des

24 arguments pour ce qui est de la filière de conservation des documents, pour

25 ce qui est de l'ensemble des documents qui proviennent de la collection de

Page 5348

1 Sarajevo. Nous avons l'impression que la plupart de ces documents qui font

2 l'objet de contestation par la Défense, proviennent en effet de cette

3 collection. Vous savez, il y a 15 000 pages de documents qui constituent

4 cette collection de Sarajevo. Je le précise à l'intention de la Chambre, il

5 s'agit de cette collection qui a été ou prise par l'Accusation dans les

6 archives de l'ABiH en octobre de l'an 2000, à Sarajevo. Il s'agit de

7 documents officiels. Ce sont tous des documents officiels.

8 Des ordres, des rapports, c'est quelque chose qu'a abordé également la

9 Défense de M. Hadzihasanovic; les ordres qui n'ont pas été donnés par l'un

10 ou l'autre des accusés, mais qui ont circulé entre les différentes unités,

11 comme c'est le cas des ordres et des rapports en manière générale. La

12 Défense est parfaitement parfaitement au courant de cela. Il s'agit de

13 documents qui sont généralement copiés, et qui étaient copiés au sein du

14 commandement du 3e Corps. Nous estimons que l'accusé Hadzihasanovic était

15 certainement au courant de l'existence de ces documents.

16 Dans notre mémoire préalable au procès, nous avons cité dans de nombreuses

17 notes en bas de page, quel est le lien entre les documents et les parties

18 de l'acte d'accusation, et nous avons attiré l'attention de la Défense et

19 de la Chambre là-dessus. Si on lit de manière attentive le mémoire

20 préalable et les références qui y sont faites, je pense que les documents

21 sont très clairement identifiés et mis en relation avec les chefs

22 d'accusation.

23 Pour ce qui est du dernier point soulevé par la Défense, je tiens à dire

24 que l'Accusation hésite un petit peu à appliquer la suggestion qui consiste

25 à demander aux parties de débattre toutes les questions au sujet de la

Page 5349

1 recevabilité des documents contestés, qu'elles en discutent entre elles,

2 ce, pour la raison suivante. Vraiment, je souhaite rappeler à la fois à la

3 Chambre et à la Défense, le fait qu'il y a eu un débat très important au

4 début de ce procès, Monsieur le Président, au sujet des points d'accord. A

5 un moment donné, la Défense nous a dit : "Nous reviendrons à cela. Nous

6 nous adresserons à l'Accusation et nous aurons l'occasion d'en discuter". A

7 aucun moment la Défense ne l'a fait. Elle n'est pas revenue s'adresser à

8 l'Accusation sur ce point. C'est la raison, la seule raison pour laquelle

9 l'Accusation hésite vraiment, hésite à laisser cette question de la

10 recevabilité des documents contestés aux parties elles-mêmes pour qu'elles

11 résolvent cette question entre elles. Par conséquent, l'Accusation

12 maintient sa suggestion qui consiste à demander que ces points fassent

13 l'objet d'un débat pendant les audiences devant ce Tribunal très

14 prochainement.

15 Je vous remercie.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons en délibérer entre les Juges, et nous

17 vous dirons notre position finale sur cette question le plus rapidement

18 possible afin que vous soyez éclairés. Tout le monde a bien compris que

19 l'objectif recherché par tout le monde est évidemment d'éviter des pertes

20 de temps inutile et d'avoir une procédure qui permette d'éclairer la

21 manifestation de la vérité, par ailleurs, permet le débat contradictoire.

22 Car c'est le principe également du débat contradictoire. Nous allons

23 délibérer entre nous, et nous vous dirons quelle est la position finale que

24 nous prenons. Il était bon que chacun puisse s'exprimer et fasse valoir son

25 point de vue, ce qui va nous permettre de rendre une décision éclairée à la

Page 5350

1 lumière de vos observations.

2 Monsieur Withopf, j'ai cru comprendre que sur les deux témoins, il y en a

3 un qui est retiré. Pouvez-vous là aussi nous éclairer.

4 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

5 Juges, s'il vous plaît, peut-on passer en audience privée ?

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, nous passons en audience à

7 huis clos.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

9 le Président.

10 [Audience à huis clos partiel]

11 (Expurgé)

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22 (Expurgé)

23 [Audience publique]

24 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Avant que le témoin n'arrive,

25 Monsieur le Président, la Défense aimerait simplement indiquer que nous

Page 5351

1 aimerions nous adresser à la Chambre concernant les témoins qui sont prévus

2 pour la semaine prochaine, puisqu'il semble avoir une situation concernant

3 les témoins qui sont prévus à la lumière des communications entre les

4 parties au sujet des documents de la Mission de monitoring de l'Union

5 européenne. Monsieur le Président, nous aimerions nous adresser à la

6 Chambre après le témoin ou avant le témoin, comme la Chambre le désire.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vaut mieux que vous adressiez tout de suite, cela

8 serait beaucoup plus simple.

9 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Rapidement, la situation

10 concerne l'obtention des documents qui proviennent de la Mission de

11 monitoring. Nous avons eu des échanges avec l'Accusation à ce sujet. Nous

12 sommes conscients de tous les efforts qui ont été faits par l'Accusation

13 afin de nous donner accès à ces documents. Selon les dernières informations

14 disponibles, tel que discuté hier soir, l'Accusation devrait être en mesure

15 -- ou pourrait être en mesure, de nous fournir, aujourd'hui, la liste des

16 documents qu'elle a en sa possession, de façon à ce que nous puissions lui

17 communiquer les documents qui nous sont manquants. Selon les chiffres qui

18 nous ont été communiqués, l'Accusation aurait en sa possession quelques

19 3 500 documents qui proviennent, sous différentes catégories -- il y a

20 quatre catégories différentes -- un total de 3 500. Ces documents, Monsieur

21 le Président, lorsque nous aurons la liste, nous allons nous employer,

22 immédiatement, de la façon la plus rapide que possible, pour identifier

23 ceux que nous n'avons pas obtenus, soit qu'ils ne nous ont pas été

24 divulgués par l'Accusation depuis le début des procédures ou soit que nous

25 ne les avons pas obtenus dans les archives à Sarajevo. Nous croyons,

Page 5352

1 Monsieur le Président, que, dans les meilleurs des cas, la réponse à cette

2 question sera quelque part entre 500 et 1 000 documents que nous n'avons

3 pas reçus. Nous allons, le plus rapidement possible, communiquer ce

4 résultat à l'Accusation, dans le meilleur des cas, vendredi matin. A ce

5 moment-là, l'Accusation doit communiquer, de nouveau, avec la Mission à

6 Sarajevo, de même qu'avec un des gouvernements qui a remis ces documents à

7 l'Accusation, et lorsque l'Accusation aura obtenu une réponse, elle pourra

8 nous remettre ces documents. Encore une fois, dans le meilleur des cas,

9 nous ne pourrons obtenir ces documents pas avant lundi, en fin de journée,

10 voir mardi. Or, le témoin qui est prévu pour mardi de la semaine prochaine

11 est un témoin qui fait appel, justement, à la Mission de monitoring de

12 l'Union européenne en Bosnie centrale. Pour cette raison, Monsieur le

13 Président, nous avons fait valoir à l'Accusation que nous souhaitons

14 pouvoir avoir un délai minimum de deux jours entre le temps où nous allons

15 recevoir les documents et le moment où le premier témoin de la Mission de

16 monitoring sera entendu devant cette Chambre. Si nous recevons les

17 documents lundi, c'est-à-dire que l'Accusation ne pourrait procéder avec ce

18 témoin avant mercredi ou, à toutes fins pratiques, jeudi, le 8 avril, ce

19 qui risque de poser certains problèmes. Nous avons également discuté avec

20 l'Accusation -- ou l'Accusation plutôt nous a proposé de faire

21 l'interrogatoire principal la semaine prochaine et que nous puissions faire

22 le contre-interrogatoire plus tard, lorsque nous aurons pris connaissance

23 de ces documents. Nous croyons, Monsieur le Président, qu'il est important

24 de souligner cette situation devant la Chambre. Encore une fois, nous

25 sommes en discussion avec l'Accusation. Nous leur avons proposé ou suggéré

Page 5353

1 de changer l'ordre des témoins. Il semble qu'ils aient des difficultés,

2 mais je laisse mon confrère vous expliquer davantage la situation à ce

3 sujet. Pour nous, c'est une question d'obtenir les documents au moins deux

4 jours avant que nous puissions entendre le premier témoin de cette mission.

5 Merci, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de continuer, on va repasser en audience à

7 huis clos, Monsieur le Greffier.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis

9 clos partiel.

10 [Audience à huis clos partiel]

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12 Pages 5354 à 5359 –expurgées– audience à huis clos partiel.

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15 [Audience publique]

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier si vous

18 entendez la traduction de mes propos dans votre langue. Est-ce que vous

19 entendez traduit ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous avez été cité par l'Accusation pour

22 témoigner dans le cadre d'un procès en cours. Dans le cadre de ce

23 témoignage, je dois vous faire prêter serment. Pour vous faire prêter

24 serment, il m'incombe de vous identifier. Pour cela, je vous demande de me

25 donner votre nom et prénom.

Page 5361

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Hakan Birger.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me donner votre date de naissance et le

3 lieu de naissance ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis originaire de la Suède. Je suis né à

5 Tomelilla le 26 août 1955.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuellement ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis lieutenant-colonel de l'armée

8 suédoise.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993, quelles étaient vos fonctions en Bosnie

10 centrale ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais commandant d'une compagnie. Il

12 s'agissait du 1er Bataillon nordique en Bosnie.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal, soit un

14 tribunal international ou un tribunal national ? Est-ce que vous déjà

15 témoigné ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la première fois que vous témoignez.

18 Comme vous témoignez, il faut prêter serment. Je vous demande de lire le

19 texte qu'on va vous présenter.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

23 LE TÉMOIN: HAKAN BIRGER [Assermenté]

24 [Le témoin répond par l'interprète]

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole à l'Accusation pour que

Page 5362

1 celle-ci commence l'interrogatoire principal, je vais vous fournir quelques

2 éléments d'information sur les modalités de votre témoignage. Vous êtes un

3 témoin de l'Accusation. Vous témoignez sur des faits dont vous avez été,

4 dans le cadre de vos fonctions en 1993, témoin. Vous allez devoir répondre

5 à des questions qui vont vous être posées par l'Accusation. Essayez, dans

6 la mesure du possible, d'y répondre de la façon la plus complète possible,

7 car nous n'avons, nous, aucun document écrit. Ce qui compte, c'est ce que

8 vous allez nous dire, car nous sommes dans le cadre d'une procédure orale.

9 Pour ce faire, l'Accusation va vous poser des questions.

10 Une fois que l'Accusation aura terminé de vous poser des questions, les

11 avocats des accusés, qui sont situés à votre gauche, vous poseront des

12 questions dans le cadre de la procédure dite du contre-interrogatoire,

13 c'est-à-dire, qu'ils vont vous poser des questions visant à vérifier votre

14 crédibilité, et visant également à éclairer le contexte dans lequel se sont

15 déroulés des faits dont vous avez été témoin et, par ailleurs, des

16 questions pour les besoins de la cause de la Défense.

17 Les Défenseurs posent des questions assez précises. Répondez-y de manière

18 précise. Quelles que soient les parties qui vous posent les questions, si

19 vous estimez que la question est trop compliquée, nébuleuse, ou vous ne la

20 saisissez pas, demandez, à ce moment-là, à celui qui vous pose la question,

21 de la reformuler.

22 Si les questions vous paraissent complexes, prenez votre temps avant d'y

23 répondre. Il se peut que, comme les questions ont trait à des événements

24 qui se sont déroulés il y a plus de dix ans, vous ne vous rappelez pas très

25 bien. A ce moment-là, vous indiquez à celui qui vous pose la question, que

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1 vous ne vous souvenez pas ou vous vous en souvenez plus ou moins, afin

2 d'être assez précis dans vos réponses.

3 Par ailleurs, les trois Juges qui sont devant vous peuvent, s'ils

4 l'estiment utile, également vous poser des questions. D'autant plus que

5 vous êtes un militaire de carrière, les Juges peuvent être amenés à vous

6 poser des questions d'ordre technique. Les Juges peuvent intervenir à tout

7 moment pendant la phase des questions. Règle générale, on préfère

8 intervenir à la fin de l'interrogatoire ou du contre-interrogatoire. Il se

9 peut que, parfois, des questions posées appellent des réponses de nature

10 technique ou précise. A ce moment-là, si les Juges estiment qu'il y a un

11 vide, les Juges vous posent une question aux fins d'éclaircissement.

12 Je me dois également de vous indiquer deux autres éléments. Vous avez prêté

13 serment de dire toute la vérité, ce qui exclut tout faux témoignage.

14 Lorsqu'un témoin fait un faux témoignage, il peut s'exposer à des

15 poursuites du chef de faux témoignage. Il y a des peines d'amendes ou des

16 peines de prison qui sont prévues. Le deuxième élément, cela ne doit pas

17 s'appliquer à vous, concerne la situation où un témoin peut, dans sa

18 réponse, fournir des éléments qui pourraient se retourner à charge contre

19 lui. Dans cette hypothèse assez précise, le témoin peut refuser de

20 répondre. C'est un droit qui est tiré de la "common law" comme quoi on ne

21 peut pas témoigner contre soi. En revanche, la procédure suivie dans ce

22 Tribunal peut permettre au Tribunal de vous obliger, néanmoins, à répondre.

23 A ce moment-là, sur injonction de la Chambre, le témoin répond, et les

24 propos qu'il tiendra sur injonction ne pourront être retenus contre lui.

25 Voilà de manière très générale, le fonctionnement et les modalités qui

Page 5364

1 concernent l'audition d'un témoin. Comme c'est la première fois que vous

2 témoignez, vous pouvez être un peu désorienté, mais je me devais de vous

3 donner ces éléments d'explication.

4 Vous avez, devant vous, une carte des lieux. Peut-être qu'au travers les

5 questions qui seront posées, vous serez amené à préciser certains

6 emplacements.

7 Sans perdre de temps, je me tourne vers les représentants de l'Accusation

8 pour leur donner la parole. Monsieur Mundis.

9 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je me fais

10 l'écho des salutations qui ont été transmises par tout le monde.

11 Interrogatoire principal par M. Mundis :

12 Q. [interprétation] Lieutenant-colonel Birger, pourriez-vous indiquer à la

13 Chambre de première instance, de façon brève, quelle fut votre carrière

14 militaire et, ce, depuis le début, depuis le moment où vous avez porté un

15 uniforme militaire ?

16 R. J'ai commencé par faire mon service militaire en 1972, 1973. Après

17 cela, j'ai étudié pour faire une carrière militaire. En 1981, je suis

18 devenu officier. J'appartenais à une Brigade mécanisée. Il s'agissait d'une

19 Brigade d'infanterie et de blindés. J'étais plutôt dans l'infanterie.

20 Jusqu'en 1992, 1993, j'étais commandant d'un bataillon au sein de cette

21 brigade.

22 Q. Vous avez dit à la Chambre de première instance qu'en 1993, vous vous

23 trouviez en Bosnie. Comment vous êtes vous rendu pour la première fois en

24 Bosnie ?

25 R. A la mi-septembre 1993, j'y suis allé pendant une semaine. Nous avons

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1 commencé par l'aéroport de Sarajevo. Ensuite, avec les APC, nous sommes

2 allés jusqu'à Kiseljak, Vares, Tuzla. Après cette semaine-là, nous sommes

3 repartis en Scandinavie, au Danemark pour suivre un entraînement avec les

4 Danois au sein du bataillon.

5 Q. Pourriez-vous indiquer aux Juges de la Chambre de première instance

6 comment vous avez été appelé dans le cadre de cette mission en Bosnie ?

7 R. Je dois dire que dans un premier temps, j'ai beaucoup regardé les

8 événements en Bosnie à la télévision. Je n'aimais pas du tout voir ce qui

9 s'y passait, notamment, pour ce qui est de la population civile et des

10 enfants. Je me suis dis : "Quelqu'un doit faire quelque chose." Pendant le

11 printemps de 1993, le gouvernement suédois a décidé non pas de participer,

12 mais de préparer ses bataillons. Le commandant du bataillon n'a pas pu le

13 faire. Il m'a demandé d'être l'un des commandants de la compagnie. C'est ce

14 que je vous ai dit auparavant. J'avais vu les événements à la télévision,

15 les nouvelles. Je lui connaissais très, très bien. J'aimais beaucoup

16 d'ailleurs, travailler sous ses ordres. Nous avions le même avis pour ce

17 qui est de l'utilisation des unités mécanisées, et cetera. Il m'a été très

18 facile de répondre par l'affirmative.

19 Q. A ce moment-là, en septembre 1993, quel était votre grade, et ce,

20 pendant toute l'année 1993 ?

21 R. J'étais commandant de l'armée suédoise.

22 Q. Quand est-ce que votre compagnie s'est déployée en Bosnie ?

23 R. C'était à la fin du mois de septembre, avec les chefs de section. Nous

24 sommes arrivés, nous étions quelque huit à dix soldats, au sein de ma

25 compagnie. Nous sommes arrivés ce jour-là à Tuzla. Le lendemain, le 1er

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1 octobre, nous avons utilisé nos véhicules pour nous rendre à Vares. Nous

2 étions cantonnés avec une compagnie d'ingénieurs canadiens, cela à

3 l'extérieur de Vares. Mes premiers soldats sont arrivés le 20 octobre.

4 Après cela, ils sont arrivés tous les jours. Il y a eu un certain retard

5 qui a été pris parce qu'ils se trouvaient à Pancevo en Serbie, qu'il

6 n'était pas très facile de faire en sorte que les unités puissent prendre

7 l'avion pour arriver en Bosnie.

8 Q. Vous parlez des événements, de quel année s'agissait il ?

9 R. L'année 1993.

10 Q. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi est-ce que les soldats ont pris

11 ce retard à Pancevo en Serbie, ce qu'ils y faisaient ?

12 R. Tout le bataillon n'est pas arrivé le même jour, parce qu'il fallait

13 planifier cela. Nous avons reçu un entraînement au Danemark. Il fallait

14 transférer les véhicules, le matériel, l'équipement. Nous avons du attendre

15 dû attendre parce qu'il y a eu un problème, un problème relatif au train

16 qui devait les amener de Pancevo à la frontière de la Bosnie. Je ne sais

17 pas si cela a été fait de façon délibérée. Je n'en sais rien, il ne me

18 revient pas d'en parler.

19 J'étais déjà en Bosnie. J'attendais mes soldats. Nous essayions de savoir

20 quand est-ce que le train allait arriver, comment est-ce que nous pourrions

21 utiliser l'unité une fois qu'elle arriverait.

22 Q. Pourriez-vous nous dire, lieutenant-colonel, quelles instructions et

23 quel entraînement vous avez reçu avant votre arrivée en Bosnie, avant

24 l'arrivée de votre compagnie ?

25 R. Vous voulez dire en Suède ou ailleurs ?

Page 5367

1 Q. En Suède ou ailleurs. J'aimerais savoir quel type d'entraînement vous

2 avez reçu en tant que commandant de cette compagnie.

3 R. En Suède, nous avons une longue tradition des missions de maintien de

4 paix. Nous avons une longue expérience en la matière, en tant qu'officiers.

5 Dans un premier temps, pendant la première semaine, il n'y avait que des

6 officiers à Stockholm. Cela s'est passé vers la mi-Juin. Ensuite, chaque

7 compagnie et chaque garnison a fait bénéficier son bataillon de cet

8 entraînement. Il y avait également des officiers qui avaient une expérience

9 dans le domaine des missions de maintien de paix. On nous a donné le

10 contexte, les antécédents du conflit pour essayer de comprendre ce qui se

11 passait. J'avais moi-même une expérience en la matière puisque j'avais été

12 à Chypre auparavant, en 1987. Je savais pertinemment qu'il était primordial

13 de bien comprendre les antécédents et le long historique de plusieurs

14 centaines d'années. J'essayais de lire de nombreux ouvrages sur la question

15 pour essayer de comprendre ce qui se passait.

16 Nous avons également été formés par les Danois. Ils avaient l'expérience

17 du Bataillon danois en Croatie. Nous avons bénéficié de cet entraînement

18 avec eux. Ils nous ont fait part de l'expérience qu'ils avaient acquise.

19 Parfois, je ne comprenais pas véritablement à quel point cela pouvait être

20 dur, mais ils avaient cette expérience. Lorsque nous sommes arrivés en

21 Bosnie, j'ai été particulièrement heureux d'avoir pu bénéficié de cet

22 entraînement.

23 Q. Lieutenant-colonel Birger, pourriez-vous décrire aux Juges la structure

24 du Bataillon nordique ?

25 R. Au départ, il y avait une unité mécanisée, un Bataillon régulier

Page 5368

1 suédois mécanisé. Cela signifie une Compagnie d'artillerie, une Compagnie

2 de ravitaillement, une Compagnie mécanisée et deux Compagnies de blindés.

3 Nous ne pouvions pas utiliser les blindés, nous ne les avons pas utilisés.

4 Nous avons mis ensemble la Compagnie du ravitaillement et une autre

5 compagnie. Il y avait également les trois compagnies mécanisées.

6 Un peu plus tard, en 1993, il y a eu un accord de coopération avec la Suède

7 et le Danemark, ce qui fait que le Danemark a également envoyé une

8 compagnie de blindés. Il y avait quelque 50 membres.

9 Q. Quel était environ le nombre des ressources humaines du NordBat à la

10 fin de 1993 ?

11 R. Je ne comprends pas véritablement votre question.

12 Q. Combien de soldats se trouvaient au sein du bataillon nordique à la fin

13 du 1993, grosso modo ?

14 R. Je pense qu'il y avait quelque 800 soldats. Il y en avait quelque 150

15 au sein de ma compagnie.

16 Q. Quel était le nom de la compagnie que vous commandiez ?

17 R. Il s'agissait de la 8e Compagnie mécanisée.

18 Q. Pendant combien de temps est-ce que la 8e Compagnie mécanisée est

19 restée en Bosnie ?

20 R. Comme je l'ai déjà dit, nous sommes arrivés au début ou à la mi-octobre

21 1993. La relève a commencé à la fin du mois de mars 1994 et jusqu'à la mi-

22 avril. Ce qui fait que nous sommes restés plus ou moins six mois dans cette

23 région.

24 Q. Pourriez-vous indiquer à la Chambre quelle zone géographique était

25 couverte par le Bataillon nordique ?

Page 5369

1 R. Notre zone de responsabilité, pour ce qui est de notre bataillon, était

2 ce qu'on appelle "la poche de Tuzla". Un peu plus, puisque nous avions

3 également le secteur serbe qui se trouvait à l'est, et un peu au nord, nous

4 avions la possibilité d'envoyer des patrouilles vers le nord. Ce que nous

5 faisions, d'ailleurs, seulement lorsque nous devions assurer la protection

6 de convois humanitaires et de convois de ravitaillements -- de nos convois

7 de ravitaillements, lorsqu'ils se déplaçaient à l'est vers Zvornik. Vers le

8 sud, il y avait les Bataillons canadiens et britanniques. Ils se trouvaient

9 un peu au sud de Vares.

10 Q. Quelle était la zone de responsabilité pour le 8e Compagnie mécanisée,

11 compagnie que vous commandiez ?

12 R. Nous avions notre camp qui se trouvait à l'extérieur de Vares. Il

13 s'agissait du sud de Dabravina. Nous avions également, vers l'ouest,

14 Ribnica; au nord-ouest, le secteur de Ribnica; au nord-est, Olovo.

15 Q. Vous nous avez dit, il y a quelques minutes de cela, qu'il y avait

16 quelque 150 hommes dans votre compagnie. Est-ce bien exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Pourriez-vous nous dire quel type de véhicules possédait votre

19 compagnie et, plus ou moins, quel était le nombre de ces véhicules ?

20 R. Il y avait trois sections d'infanterie. Chaque section avait trois APC,

21 trois APC de fabrication suédoise. Nous avions des canons de 20

22 millimètres. Nous avions une section anti-blindée. Il y avait une quatrième

23 section qui était composée de trois sections. J'avais la section état-

24 major, ainsi que la section ravitaillement. Il y avait également des

25 véhicules tels que, par exemple, un APC médical. Il y avait une Unité

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1 médicale complète. J'avais plus ou moins six sections. Il y avait la

2 Section ravitaillement, trois Sections infanterie, une Section missiles

3 antichar et une Section médicale.

4 Q. Les APC de votre compagnie, est-ce qu'il s'agissait de véhicules à

5 chenilles, ou de véhicules tractés, ou d'une combinaison ?

6 R. La Section infanterie et la Section missiles anti-blindée avaient des

7 APC tractés de fabrication suédoise. Nous avions également des APC

8 médicaux. Il s'agissait d'APC finlandais qui avaient des chenilles. Il y en

9 avait un autre pour la Section du ravitaillement. Il s'agissait de

10 véhicules à chenilles et armés de mitrailleuses lourdes. L'APC médical ne

11 disposait pas d'armes.

12 Q. Colonel, quelle était la couleur de ces véhicules ?

13 R. Ils étaient blancs avec -- inscrits en noir les lettres UN.

14 Q. Pourriez-vous indiquer aux Juges quelle était la mission du Bataillon

15 nordique au moment de votre affectation en Bosnie ?

16 R. La poche de Tuzla était une des zones dont la sécurité était assurée

17 par les Nations Unies. Il s'agissait de l'aide humanitaire qui était

18 envoyée vers cette poche, ce qui fait que ma compagnie devait faire en

19 sorte que la route soit toujours ouverte à partir du sud de Vares jusqu'à

20 Tuzla. C'était le seul axe pour arriver vers cette poche. Il y avait

21 également un autre axe routier, à partir de l'est, par Zvornik. Je pense

22 que la plupart de l'aide humanitaire venait du sud en passant par Vares et

23 en allant vers la direction du nord.

24 Q. Vous nous avez dit que votre unité était cantonnée près de Vares.

25 Pourriez-vous nous dire de façon un peu plus précise, où se trouvait

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1 exactement votre compagnie ? Est-ce que vous pourriez nous décrire le camp

2 où vous vous trouviez ?

3 R. Vares est une ville qui se trouve dans une vallée. La route passe par

4 cette ville. En direction de Tuzla, il y a un tunnel. Après le tunnel, il y

5 a sur la gauche de la route, une scierie. C'est là que se trouvait mon

6 camp. Je pense que nous étions à quelque 700 ou 800 mètres de Vares.

7 Q. Est-ce que vous pourriez décrire votre camp de façon succincte ?

8 R. Lorsque je suis arrivé, il y avait une compagnie du génie canadien qui

9 s'y trouvait. Ils avaient des tentes à l'extérieur. J'ai compris que nous

10 allions passer l'hiver. Je n'ai pas voulu commencer à planter ma tente à

11 l'extérieur. Nous avons négocié avec les propriétaires de la scierie qui se

12 trouvait à Vares, pour avoir la possibilité de mettre nos tentes à

13 l'intérieur des bâtiments. C'est ainsi que nous avons monté notre camp.

14 Nous avons utilisé ce qui était la moitié de la scierie, là où se trouvait

15 l'usine où les meubles étaient fabriqués.

16 Q. Combien de sections se trouvaient cantonnées près de Vares dans cette

17 scierie ?

18 R. Je pense que la plupart des sections s'y trouvaient. Comme je vous l'ai

19 dit, elles n'étaient pas encore toutes arrivées. La première section est

20 arrivée le 20 octobre, et les derniers APC, les derniers soldats sont

21 arrivés au début de février.

22 Q. Pendant la période allant du 20 octobre 1993, au moment où la première

23 section est arrivée, jusqu'à la mi-novembre 1993, combien de sections se

24 trouvaient sur place ?

25 R. J'avais toutes les sections qui s'y trouvaient. En février, trois APC

Page 5372

1 de la Section missiles anti-blindée sont arrivés dans le cours de février,

2 comme je le disais.

3 Q. Si je vous ai bien compris, Monsieur, toutes vos sections se trouvaient

4 cantonnées dans la scierie près de Vares.

5 R. Oui, ils se trouvaient dans notre camp, mais je les utilisais également

6 dans le cadre de patrouilles. Je les envoyais sur le terrain dans les

7 postes d'Observation, aux postes de Contrôle. Cela signifie que, parfois,

8 ils ne revenaient pas au camp avant la nuit.

9 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, décrire à la Chambre de première instance

10 quel est le genre de tâches que vous aviez, votre section ? Quelles étaient

11 les tâches dans le cadre de votre mission pendant les premiers jours après

12 votre déploiement en Bosnie ?

13 R. J'étais sur place depuis quelques semaines. J'ai été informé du fait

14 qu'il se passait quelque chose dans la zone de Vares. J'étais sur le

15 terrain, et j'ai compris qu'il y a eu quelques échanges de tirs, puisque

16 c'était une zone sensible d'après ce que j'avais compris. Dans l'ouest,

17 entre la Brigade de Bobovac et le

18 3e Corps, d'après ce que j'ai compris, ou des Unités du 3e Corps, il y a eu

19 quelques échanges de tirs. Je comprenais que c'était une zone délicate,

20 dans la zone sud-ouest de la Brigade de Bobovac. Il y avait deux villages

21 musulmans. Je pense que c'étaient les villages Mijakovici et Dragovici, si

22 je n'ai pas mal prononcé leur nom. J'avais un petit peu peur que la Brigade

23 de Bobovac fasse du tort à la population du village. Je me suis rendu en

24 visite dans ce village un jour, au début du mois d'octobre. D'après ce que

25 j'ai compris, la situation n'était pas idéale. Il n'y avait pas beaucoup de

Page 5373

1 vivres. Mes premiers soldats étaient positionnés sur la colline, à

2 l'extérieur du village, le village croate du nom de Kopjari. La Brigade de

3 Bobovac, je pense qu'ils voulaient aussi que je sois sur place, parce que

4 j'avais peur qu'il y ait une attaque. Notre mission n'était pas de prendre

5 part à cette guerre. J'ai donné des instructions claires à mes soldats et à

6 mes officiers. Il ne fallait pas qu'ils se tiennent près des tranchées,

7 près des positions des soldats de la Brigade de Bobovac. Ma mission était

8 de surveiller ce qui se passait dans les deux villages musulmans, pour

9 qu'on puisse s'y rendre s'ils avaient subi un tort quel qu'il soit.

10 Q. Colonel, je vais vous interrompre un instant. Vous avez mentionné la

11 Brigade de Bobovac. Savez-vous quelle est l'armée ou la force militaire à

12 laquelle appartenait la Brigade de Bobovac ?

13 R. Au tout début, lorsque j'étais sur place, je me suis adressé au 2e

14 Corps de Tuzla, mais c'était au niveau des bataillons. Mon commandant, le

15 commandant de mon bataillon, m'a informé que le commandant du 2e Corps

16 avait dit que la Brigade de Bobovac faisait partie du 2e Corps et si

17 j'avais -- lorsque je demandais -- si j'avais demandé au commandant de la

18 brigade s'il faisait partie du 2e Corps il aurait -- il m'a répondu : non,

19 je constitue une unité indépendante dans cette zone.

20 Q. Très bien. Vous avez mentionnée le 2e Corps et le 3e Corps également.

21 Est-ce que c'était le 2e Corps ou le 3e Corps ? Quelle est l'armée à

22 laquelle ils appartenaient tous les deux ?

23 R. A l'ABiH.

24 Q. Après cette réunion dont vous nous avez parlé, est-ce que vous avez pu

25 finalement savoir quelle est la force militaire à laquelle appartenait la

Page 5374

1 Brigade de Bobovac ?

2 R. D'après ce que j'ai compris et j'ai pu voir cela sur les véhicules

3 aussi, c'était le HVO.

4 Q. Pour autant que vous le sachiez, en octobre 1993, où était stationnée

5 la Brigade de Bobovac ? Où était leur QG ?

6 R. C'était dans -- peut-être à 200 mètres après mon campement en direction

7 de Tuzla. Sur la gauche, il y avait un hôtel et c'est là qu'ils avaient le

8 QG de leur brigade.

9 Q. Ce n'était pas loin de Vares ?

10 R. Pardon.

11 Q. C'était près de la région de Vares ?

12 R. Oui. C'était dans la zone de Vares.

13 Q. Compte tenu de l'endroit où vous étiez stationné, vous auprès de Vares,

14 pourriez-vous nous dire où était situé le 2e Corps de l'ABiH ?

15 R. Il faut savoir que la zone de ma compagnie se situe aussi à l'extérieur

16 de la zone de la Brigade de Bobovac. Autrement dit, j'ai commencé

17 immédiatement à négocier avec les unités appartenant au 2e Corps. J'ai eu

18 des contacts avec le commandant de la Brigade à Olovo et j'ai eu quelques

19 entretiens aussi à Kladanj. J'ai eu quelques entretiens avec ce qu'on

20 pourrait appeler commandement du 3e Groupe opérationnel.

21 Q. Quelle est l'armée à laquelle appartenait le 3e Groupe opérationnel de

22 Kladanj ?

23 R. C'était le 3e Groupe opérationnel d'Olovo qui appartenait au 2e Corps de

24 l'ABiH.

25 Q. Encore une fois, le compte rendu ne reflète pas la réponse à la

Page 5375

1 question que je viens de vous poser. Le 2e Corps de l'ABiH, où était-il

2 située par rapport à l'endroit où était la garnison de votre compagnie à

3 Vares ?

4 R. Le 2e Corps était plus ou moins dans la zone du 2e Corps, c'est-à-dire,

5 la poche de Tuzla, et leur QG était à Tuzla. Les unités, avec lesquelles

6 j'étais en contact, les Unités du 2e Corps c'étaient la brigade qui était

7 stationnée à Olovo et le 3e Groupe opérationnel à Kladanj.

8 Q. Colonel, par rapport à l'endroit où vous étiez stationné à Vares, où se

9 situait le 3e Corps de l'ABiH ?

10 R. Je ne le savais pas tout de suite, mais je l'ai compris plus tard --

11 quelques mois plus tard, qu'ils avaient leur QG à Zenica. Il y avait la

12 Brigade de Bobovac, qui appartenait au HVO à l'ouest, et c'était au nord et

13 au sud par rapport au village de Borovica et jusqu'au village de Kopjari à

14 l'ouest de ces deux villages, plus ou moins, il avait des Unités du 3e

15 Corps de l'ABiH.

16 Q. Serait-il exact de dire, d'après ce que vous nous venez de nous

17 relater, que, dans le cadre de la zone de responsabilité de votre

18 compagnie, il y avait le 2e Corps et le 3e Corps de l'ABiH, les deux ?

19 R. Oui. Mais c'était surtout le 2e Corps. Je ne me rappelle pas exactement

20 quelle était la limite de la zone pour ma compagnie, mais je pense que

21 c'était plus ou moins la même frontière entre -- qui séparait la Brigade de

22 Bobovac et le 3e Corps. Je ne me rappelle pas exactement quel était le

23 tracé de cette ligne de délimitation.

24 Q. Maintenant, colonel Birger, pouvez-nous décrire quelle était la

25 situation qui prévalait sur le terrain vers la fin du mois d'octobre 1993,

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1 pour ce qui est de la présence des différentes unités militaires sur

2 place ?

3 R. Quand je suis arrivé, au départ, la première chose que j'ai remarquée à

4 Vares, c'est qu'il y avait beaucoup de réfugiés dans la ville. D'après ce

5 que j'ai compris, d'après ce que l'on m'a dit, c'est que c'était des

6 Croates qui s'étaient échappés de la zone de Kakanj et des zones alentour.

7 Dans le cadre de cette zone de Vares, il y avait la Brigade de Bobovac

8 l'appelant ainsi, mais, à mon sens, ce n'était pas vraiment une brigade

9 parce que c'était une unité plus petite; cependant, il l'appelait brigade.

10 Il y avait là-dedans des policiers, des soldats et des civils armés.

11 Q. La situation, d'un point de vue militaire, est-ce que c'était une

12 situation qu'on pourrait qualifier de tendue ? Est-ce qu'il y avait

13 effectivement des combats entrain de se dérouler fin octobre 1993 à

14 proximité de Vares ?

15 R. Lorsque j'y suis arrivé et avant que nos sections n'y soient déployées

16 le 20 octobre, il y avait quelques échanges de tirs, d'armes de petits

17 calibres entre les Unités du 3e Corps à l'ouest et la Brigade de Bobovac,

18 en particulier, pour ce qui est du village de Kopjari voir même dans le sud

19 et je pense que ce village s'appelait Planica ou quelque chose de ce genre.

20 En d'autres termes, c'était au sud-ouest ou au sud de Vares. Il nous a

21 également dit qu'il y avait des soldats morts ou blessés. Un jour, l'un de

22 mes officiers est -- mes officiers, qui faisaient partie de l'équipe

23 sanitaire, se sont rendus dans l'hôpital de campagne où ils ont transporté

24 un soldat blessé de la Brigade de Bobovac et cet hôpital était situé dans

25 la zone du 2e Corps à l'ouest de Kladanj dans l'hôtel Sport, et nous étions

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1 un petit peu surpris parce que la Brigade de Bobovac appartenait au HVO et

2 il y avait quelques échanges de tirs à l'ouest et au sud avec des membres

3 de l'ABiH, mais au nord et à l'est il y avait une coopération. Ils se sont

4 occupés des soldats blessés.

5 Je sais que le commandant de la Brigade d'Olovo lorsque je lui ai posé la

6 question au sujet de la Brigade de Bobovac, il m'a dit qu'ils étaient en

7 train de se parler et que jamais il n'y a eu de combats entre eux. Je lui

8 ai posé la question et il m'a dit : "Nous sommes des amis, nous ne sommes

9 pas opposés dans des combats." "Mais ils sont en train de se battre à

10 l'ouest," j'ai dit. Il a répondu : "A l'est, il y a le 2e Corps, ce n'est

11 pas le 3e Corps. Le 3e Corps est plus ou moins dur pour ce qui -- au sujet

12 de cette brigade."

13 Q. Plus tard, en octobre 1993, est-ce qu'il y a eu une escalade de tension

14 et ce de manière dramatique à proximité de Vares ?

15 R. Oui. Le 21 octobre dans la matinée, le village de Kopjari a été

16 attaqué. Avant cela j'en avais été informé, cela n'a pas été une surprise

17 pour moi. Tout simplement j'attendais de voir à quels moments ils allaient

18 attaqué et l'attaque a été très réussie du point de vue de l'ABiH. Ils se

19 sont servis d'Unités d'infanterie dans cette attaque et dans la direction

20 de Borovica, me semble-t-il. Il y a une attaque de petite envergure, mais

21 le gros de l'attaque est venue du petit village de Mijakovici et Dragovici

22 en haut de la colline. Cela n'a pris que quelques heures.

23 Ils se sont également servis du brouillard. Ils ont profité du brouillard

24 pendant l'attaque et à mon sens ils l'ont fait d'une manière très

25 professionnelle, d'un point de vue militaire.

Page 5378

1 J'avais une unité là-bas et ils m'ont fait un rapport complet sur ce qui

2 s'est passé et j'y suis arrivé moi-même juste avant le déjeuner. J'ai été

3 arrêté au poste de Contrôle, à un point de contrôle provisoire qui a été

4 dressé par l'ABiH. On ne m'a pas autorisé l'accès dans la zone et c'était

5 peut-être un ou deux kilomètres du village de Kopjari.

6 J'ai essayé de négocier afin de pouvoir rentrer dans le village et lorsque

7 je suis descendu devant le véhicule j'ai entendu des combats lourds dans

8 les bois sur la droite dans la vallée. Je pouvais entendre aussi beaucoup

9 de tirs d'armes de petit calibre et des grenades à main.

10 Q. Très brièvement, pouvez-vous nous dire qu'elle est l'unité -- qu'elles

11 sont les unités qui ont pris part à ces combats ? D'où provenaient ces tirs

12 d'armes de petit calibre que vous avez entendus ?

13 R. Oui. C'est la Brigade de Bobovac -- se défendait la Brigade du HVO.

14 D'après ce que j'ai compris, c'est l'ABiH qui l'a attaquée. C'était les

15 Unités du 3e Corps de l'ABiH.

16 Q. S'il vous plaît, je tiens à attirer votre attention sur les derniers

17 jours du mois d'octobre 1993. Pouvez-vous nous décrire la situation dans la

18 zone de Vares, à ce moment-là, la fin du mois d'octobre 1993 ?

19 R. Oui, après la prise de Kopjari ou à partir du moment où c'est l'ABiH

20 qui a pris le contrôle, il y a eu une escalade dans Vares. Nous avons vu

21 que de nouvelles personnes ou de nouveaux soldats sont arrivés et nous

22 l'avons remarqué parce qu'ils étaient davantage armés que les soldats du

23 HVO que nous avions l'habitude de voir à Vares. Ils avaient une attitude

24 très provocatrice à notre égard. D'après ce que nous avons compris, c'est

25 qu'il se passait quelque chose à Vares et ils portaient des croix. Ce

Page 5379

1 n'étaient pas des soldats du HVO de la zone et ils sont arrivés de quelque

2 part en Bosnie centrale.

3 Q. Vous venez de nous dire que leur attitude était provocatrice. Est-ce

4 que vous savez de quel côté ils se situaient dans ce conflit ?

5 R. Ils appartenaient au HVO. C'étaient ce qu'on pourrait appeler des

6 soldats du HVO.

7 Q. Plus tard, avez-vous vu ce que faisaient ces soldats ?

8 R. Oui, le 23 octobre dans la matinée j'ai envoyé une de mes unités dans

9 le village de Kopjari afin de procéder à une relève d'unité. Ils ont été

10 arrêtés à Vares, dans la partie nord de Vares. On ne leur a pas permis de

11 poursuivre la route vers Kopjari et d'après un rapport que j'ai reçu de ma

12 police militaire, ils n'avaient pas la liberté de circuler dans Vares.

13 C'était une situation qui s'était déjà produite auparavant. Il se passait

14 quelque chose.

15 Immédiatement, je me suis adressé au QG de la Brigade de Bobovac basé à

16 l'hôtel Sport, mais personne ne voulait me parler. Normalement, nous avions

17 une bonne coopération -- je ne dirais pas coopération -- de bons contacts

18 avec eux, mais aucun des commandants n'a voulu me parler.

19 Il y avait des membres de l'état-major qui étaient capables de parler

20 anglais. En fait, c'était une personne et il a dit que c'était une mauvaise

21 journée pour la Brigade de Bobovac, que quelque chose n'allait pas bien,

22 qu'ils avaient été attaqués dans le sud. Ils ont dit que la situation était

23 très très mauvaise. Il a donné le nom du village où ils ont été attaqués.

24 Il m'a également informé que c'est le village de Stupni Do qu'ils ont

25 attaqué et il a dit que c'était une route de ravitaillement. D'un point de

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1 vue militaire, je pense qu'il n'y avait aucun mal là-dedans mais la

2 situation était que je n'ai pas pu leur parler et je ne pouvais pas non

3 plus circuler librement. J'étais là pratiquement pendant toute la journée.

4 Q. Lieutenant-colonel, vous venez de mentionner le village de Stupni Do et

5 vous nous avez dit que ce village a été attaqué. Vous savez qui l'a

6 attaqué ?

7 R. Oui. C'était le HVO. Pendant que j'étais bloqué là, j'ai surveillé la

8 situation parce que j'avais une bonne vue sur l'entrée de l'hôtel et ils

9 sont arrivés avec quelques soldats blessés du HVO. Leur visage était noir

10 et j'ai compris qu'il s'y passait quelque chose.

11 J'ai compris aussi qu'ils ont vu quelques villageois musulmans et cela je

12 ne l'avais pas -- c'était quelque chose que j'ai appris à ce moment-là.

13 Nous avons essayé de négocier pour nous rendre dans le village pour voir

14 s'il y avait quelque chose de fait à l'encontre de la population civile

15 mais la réponse a été non parce que nous n'avons pas de commandant sur

16 place et cetera, et cetera.

17 Pendant que j'étais là, un groupe d'hommes est arrivé de manière

18 inattendue. Il y avait des personnes de Kiseljak qui étaient arrivées. Dans

19 ce groupe, il y avait aussi un homme qui s'appelait Ivica Rajic et c'est

20 lui qui a pris plus ou moins le commandement dans cette zone de Bobovac à

21 partir du moment où il est arrivé.

22 Q. Pour autant que vous vous en souveniez, quelle est la date de l'attaque

23 sur Stupni Do ?

24 R. Cette attaque a commencé dans la matinée du 23 octobre 1993.

25 Q. A présent, je souhaite aborder la journée du 31 octobre 1993. Pourriez-

Page 5381

1 vous nous dire quelle était la situation dans Vares et dans les alentours

2 pendant les derniers jours du mois d'octobre 1993 -- le dernier jour ?

3 R. Vous me parlez du 21 octobre ?

4 Q. Je vous parle du 31 octobre. Le dernier jour du mois d'octobre.

5 R. Ce dernier jour du mois d'octobre, beaucoup de villages sont tombés

6 autour de Vares. L'ABiH a lancé une attaque depuis le nord, le village de

7 Borovica je crois a été pris par le 3e Corps. Il y a eu aussi des attaques

8 ou une attaque du sud. Je ne sais pas exactement quel est le nom du corps

9 qu'il a mené. J'ai entendu parler du 6e et du 1er Corps. C'était cela la

10 situation. La Brigade du HVO de Vares a subi des pressions et des attaques

11 plus ou moins dans la zone de Vares et à l'est du village de Dubostica.

12 Q. Lieutenant-colonel Birger, pendant combien de temps la Brigade de

13 Bobovac est-elle restée à Vares, la Brigade du HVO ?

14 R. Je ne sais pas exactement à partir de quand ils s'y sont déployés mais

15 je pense qu'ils ont pris le commandement là-bas en été 1993, quelque chose

16 de cet ordre. Ils sont partis au début du mois de novembre 1993.

17 Q. Savez-vous dans quelle circonstance la Brigade de Bobovac a quitté

18 Vares au début du mois de novembre 1993 ?

19 R. Il y avait des civils sur la route entre Olovo et Vares. C'étaient des

20 personnes âgées, vraiment ils étaient dans un piètre état. J'ai reçu des

21 informations de la part de mon commandant du Bataillon de Tuzla et nous

22 avons essayé de négocier avec le 2e Corps parce que nous avions une unité

23 avancée au nord de Vares. J'ai pris un APC, un interprète et des gardes

24 pour me rendre au nord.

25 Je suis arrivé à la ligne de front et cela n'a pas constitué -- posé

Page 5382

1 problèmes de m'y emmener. Là, j'ai rencontré le commandant adjoint du 2e

2 Corps de Rijeka. C'était cela le nom de la localité. Il y avait un civil

3 là-bas. C'était le maire de Vares -- de Tuzla. Il y avait aussi le

4 commandant du 3e Groupe opérationnel de Kladanj et nous avons parlé de

5 l'opération où j'essayais d'obtenir qu'il y ait un cessez-le-feu à la fois

6 de la part de l'ABiH et du HVO, et j'ai essayé maintenant de le faire avec

7 le 2e Corps. Il m'a remis une lettre et dans cette lettre on parlait du

8 HVO, de la Brigade de Bobovac, disant qu'ils devaient arrêter de tirer,

9 d'arrêter de se combattre et qu'il fallait qu'ils viennent pour une réunion

10 le lendemain à Rijeka. C'était quelque chose de ce genre. Quand je suis

11 revenu à Vares, c'était nuit -- c'était déjà de nuit. J'ai arrêté mon APC

12 dehors devant le QG de la Brigade de Bobovac de l'hôtel Sport. Il y avait

13 des centaines de civils là-bas et ils étaient en colère, ils étaient

14 mouvementés contre moi et les Nations Unies. C'était peut-être un petit peu

15 dangereux de laisser l'APC là-bas, mais je l'ai fait quand même et moi et

16 mon interprète, nous sommes allés dans l'hôtel Sport. Il n'y avait pas

17 d'électricité et c'était de l'obscurité. Ils étaient en train de brûler des

18 documents et, d'après ce que j'ai compris, ils s'apprêtaient à quitter le

19 QG.

20 Q. Vous vous rappelez la date.

21 R. Je pense que c'était le 2 novembre.

22 Le lendemain, le 3 novembre, j'ai eu un rapport, dès le matin qu'au QG,

23 dans cet hôtel, il y avait le feu, qu'il a plus ou moins brûlé, qu'il a été

24 totalement dévasté par le feu. Aussi, qu'il y avait beaucoup de gens, des

25 milliers de personnes qui avaient fui la zone de Vares et les alentours.

Page 5383

1 Nous avions aussi reçu des rapports de mes unités de Vares qu'il n'y avait

2 plus de soldat du HVO sur place, qu'ils avaient plus ou moins abandonné la

3 ville.

4 Là, j'avais décidé d'essayer d'ouvrir l'école parce qu'il y avait plus de

5 200 Musulmans à l'intérieur, et j'avais peur qu'ils les frappent ou qu'ils

6 les tuent. J'ai décidé, le lendemain matin, de rentrer dans l'école et je

7 m'y suis rendu, mais il n'y avait pas de policier sur place. Il n'y avait

8 pas de soldat du HVO non plus. Il n'y avait que des prisonniers musulmans.

9 Nous avons vu qu'il y en avait quelques-uns qui avaient été frappés, mais

10 personne n'a été tué.

11 Q. Lieutenant-colonel Birger, vous nous avez dit que, le 3 novembre, vous

12 avez reçu un rapport disant que l'hôtel était en feu, qu'il n'y avait plus

13 de soldats du HVO dans la ville. Savez-vous pour quelles raisons ?

14 R. D'après ce que j'ai compris, ils ont brûlé l'hôtel parce qu'ils ne

15 voulaient pas que l'hôtel tombe entre les mains de l'ABiH. J'ai aussi

16 rencontré un Croate, qui était en train d'incendier sa propre maison, et je

17 lui ai demandé : "Pourquoi ? Pourquoi êtes-vous en train de brûler une si

18 belle maison ?" Il m'a répondu : "Il faut que je parte et je ne veux pas

19 qu'elle tombe entre les mains des Musulmans. C'est ma maison et elle doit

20 appartenir uniquement à ma famille."

21 Mais, ce matin-là, il y avait une autre maison aussi juste à l'extérieur de

22 mon campement qui était en train de brûler, et il y avait aussi un accident

23 à l'hôpital de Vares, quelques échanges de feu, de tirs là-bas, d'armes de

24 petit calibre.

25 Lorsque j'étais à Vares ce matin-là, les prisonniers ont été sortis de

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1 l'école et on a pu entendre quelques tirs isolés dans la ville, mais

2 c'était tout. Je n'ai pas vu de soldats.

3 Plus tard dans la matinée, j'étais dans la maison du maire, je m'y étais

4 rendu pour chercher un document. J'ai entendu deux coups de feu provenant

5 de la station du poste de Police. C'était de l'autre côté de la place. J'ai

6 envoyé immédiatement un soldat sur place parce que j'avais peur qu'il ait

7 tué quelqu'un, mais en fait, ils ont simplement détruit un poste de

8 Télévision. Il y avait là un homme très vieux qui avait été gravement

9 battu.

10 Q. Ce jour-là, le 3 novembre, est-ce qu'il y a eu des combats dans la

11 ville de Vares ?

12 R. Non. Il n'y a pas eu de combat.

13 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire aux Juges, ce qui s'est passé

14 le lendemain, à savoir le 4 novembre 1993 ?

15 R. Oui. Il y avait beaucoup de journalistes étrangers sur place. Je pense

16 aussi aux grands médias, comme BBC, la CNN aussi. Ils sont descendus dans

17 mon campement, ils se trouvaient sur place, on coopérait bien. D'après ce

18 que j'ai compris, ils cherchaient toujours quelque chose d'intéressant pour

19 pouvoir le vendre, pour pouvoir le vendre aux médias à l'étranger. Dans la

20 matinée, du 4, une équipe de la BBC, m'a dit : "Nous vous remercions de

21 votre hospitalité. Mais nous ne voulons plus rester ici, il ne s'y passe

22 rien. Nous allons partir." C'était peut-être au bout d'une heure, une heure

23 trente, je ne me rappelle plus, ils sont revenus et ils m'ont dit : "Vous

24 avez des soldats de l'ABiH au sud de Vares, ils ont pris nos vivres et des

25 vêtements ou des choses comme cela." Ils m'ont également informé du fait

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1 qu'ils disaient qu'ils étaient des membres de la 7e Brigade musulmane. Je

2 n'avais jamais entendu parler auparavant de cette brigade.

3 Immédiatement, j'ai ordonné à ma section de réaction rapide de se tenir

4 prête. Je me suis servi de mon APC pour aller à Vares, je les ai vus

5 pratiquement au centre de Vares, en surplomb par rapport à la maison du

6 maire. Il y avait là une place. J'ai arrêté mon APC, je les ai faits monter

7 à bord du véhicule devant cette Unité de la 7e Brigade musulmane qui

8 attaquait. Ils marchaient en deux colonnes, sur la gauche et la droite de

9 la rue. C'était plus qu'une attaque ordinaire d'infanterie. Il y avait des

10 échanges de feu. De gauche, ils tiraient sur la droite et inversement. Il y

11 avait beaucoup de tirs, il y avait un feu nourri.

12 Immédiatement, je suis sorti avec mon interprète et quelques gardes et je

13 leur ai dit : "Commandant. Commandant." L'un d'entre eux est venu me voir

14 et a informé mon interprète du fait qu'il fallait arrêter les tirs parce

15 qu'il n'y avait plus de militaires, il n'y avait que des civils.

16 Q. Pouvez-vous dire ce qui s'est passé à partir du moment où vous avez

17 dit cela, qu'il n'y avait pas de militaires ?

18 R. Ils ont arrêté les tirs, mais ils ont tout de suite commencé à fêter,

19 c'était une sorte de fête. Ils avaient déjà brisé quelques vitres, quelques

20 fenêtres, devantures de magasins. Ils étaient en train de prendre du

21 chocolat, du pain, et cetera. Mais ils ne tiraient plus. Il n'y avait plus

22 d'ennemi sur place d'après ce que je voyais.

23 Je me suis adressé au soldat qui était peut-être un commandant de

24 bataillon, mais je ne suis pas sûr. J'ai dit qu'il n'y avait plus de tir.

25 Je lui parlais par l'intermédiaire de mon interprète et l'un des soldats a

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1 brisé une fenêtre, qui se trouvait juste devant moi, c'était une devanture

2 de magasin. Je pense que c'était un magasin d'articles pour femmes. Il est

3 rentré là-dedans pour prendre des chaussures. Immédiatement, j'ai dit :

4 "Arrêtez." C'est ce qu'il a fait. Il n'a pas fallu interpréter.

5 Q. Monsieur, est-ce que vous pourriez dire aux Juges, quels étaient les

6 soldats que vous avez vus dans ces rues, que portaient-ils ?

7 R. Oui. Ils arboraient beaucoup de drapeaux verts, ils avaient également

8 des bandeaux verts. Certains criaient "Allah-U-Ekber." Je n'avais jamais vu

9 ce genre d'unité auparavant. Il était absolument manifeste qu'il s'agissait

10 de Musulmans. Lorsque j'étais en Bosnie, ce qui était important pour moi

11 était de ne pas parler d'armée musulmane. J'ai toujours parlé de l'ABiH

12 parce qu'il s'agissait bien de l'ABiH. Mais, à ce moment-là, il était

13 absolument évident qu'il s'agissait de Musulmans. Il s'agissait de couleur

14 verte, de couleur verte comme je n'en avais jamais vu auparavant.

15 Q. Merci. Vous avez une maquette dans le prétoire. Pourriez-vous décrire

16 quel était le ton de ce vert auquel vous avez fait allusion ?

17 R. Il s'agissait d'un vert pâle, d'un vert clair, du vert, en fait, qui

18 est assez semblable à cela, il s'agit de vert clair.

19 Q. Pourriez-vous décrire aux Juges quels étaient les drapeaux qu'ils

20 arboraient ?

21 R. S'il s'agit de drapeaux avec le croissant de lune, ce croissant

22 musulman, je ne m'en souviens pas véritablement, mais il me semble qu'il y

23 avait des mots inscrits, mais, ceci étant dit, je ne m'en souviens pas

24 véritablement.

25 Q. Vous nous avez parlé de soldats que vous avez pu arrêter, en leur

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1 disant tout simplement d'arrêter. Pourriez-vous poursuivre votre récit ?

2 Que s'est-il passé après qu'il ait arrêté ce soldat ?

3 R. Oui. J'ai informé le commandant de cette unité qu'il ne devrait pas

4 causer de tort, qu'il s'agissait de civils croates qui se trouvaient encore

5 à Vares, ce qui n'avait en fait rien à voir à Stupni Do.

6 Q. Je m'excuse de vous interrompre, mais pourquoi avez-vous dit à cette

7 personne -- pourquoi avez-vous mentionné le nom de Stupni Do, dans ce

8 contexte ?

9 R. Parce que j'avais peur qu'il fasse subir des représailles à la

10 population civile croate qui se trouvait à Vares. Je les ai informés qu'ils

11 n'avaient rien à faire à Stupni Do, et je leur ai

12 dit : "Vous ne devriez véritablement pas provoquer de dégâts et faire de

13 torts." Mais il a été véritablement abrupte et il a dit : "Les Nations

14 Unis, la FORPRONU et les civils croates devraient véritablement partir de

15 Vares." Il a pointé mes APC, il a dit : "Vous êtes le bienvenu. Vous n'avez

16 qu'à commencer maintenant." Ensuite, il s'est éloigné de moi.

17 Q. Monsieur, vous nous avez dit que vous aviez une certaine appréhension

18 de représailles contre la population civile de Vares. Pourquoi, en fait,

19 aviez-vous cette crainte ou cette appréhension ?

20 R. Je ne comprends pas très bien. Qu'entendez-vous par Stupni Do ?

21 Q. Vous venez de nous dire, et je cite le compte rendu d'audience :

22 "J'avais peur qu'il fasse subir des représailles à la population civile

23 croate de Vares."

24 R. Je comprends maintenant. J'avais reçu des informations. J'avais

25 également mes propres avis et, en fait, je pensais qu'il y avait des

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1 mauvais éléments du HVO, qui, en fait, ont tout simplement tués des civils

2 à Stupni Do, ils ont détruit le village. D'après ce que j'ai pu comprendre,

3 il ne s'agissait pas de personnes de Vares. Elles venaient de la zone de

4 Kiseljak. On m'a informé d'ailleurs, il y a un policier du HVO qui m'a dit

5 : "Il faut faire très attention avec ces personnes parce qu'elles peuvent

6 être un peu folles, elles veulent se venger de ce qui leur est arrivé.

7 Elles ont été chassées de la zone de Kakanj. Il y a peut-être eu des viols,

8 certains membres de leurs familles ont pu être tués, et cetera. C'est pour

9 cela que j'ai pensé à cette éventualité de revanche à Stupni Do. Mais, ceci

10 étant, je n'étais pas sûr.

11 Q. Pourriez-vous poursuivre et nous expliquer ce qui s'est passé dans les

12 rues de Vares, lorsque vous avez eu cette discussion avec les soldats de la

13 7e Brigade musulmane.

14 R. Après que le commandant est parti, après qu'il m'a dit que je pouvais

15 commencer à partir, en fait, il ne l'a pas fait. Il s'est tout simplement

16 éloigné de moi. L'un des soldats m'a demandé, m'a posé une question à

17 propos du signe. Il s'agissait de la maison du maire, et il y avait un

18 signe, les couleurs rouge et blanche du HVO, avec l'échiquier du HVO en

19 rouge et blanc. Il m'a demandé de pouvoir faire descendre ceci. Je lui ai

20 dit : Oui, bien sûr, je n'avais rien à voir avec cela." Mais je ne lui ai

21 pas dit de recommencer leurs tirs.

22 Après qu'ils aient arrêté, ils ont recommencé à tirer. J'avais reçus des

23 informations suivant lesquelles il y avait beaucoup de pillage à Vares.

24 J'ai envoyé plusieurs patrouilles dans différentes rues pour mettre un

25 terme à ce pillage. Ils ont brisés, cassés beaucoup de magasins, il y avait

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1 des boulangeries. Chaque magasin a plus ou moins a eu sa devanture cassée.

2 Les vitres avaient été brisées et nous avons essayés, ici et là, de les

3 arrêter. En fait, c'était un peu comme le jeu du chat et la souris. Pendant

4 que nous étions là, ils arrêtaient. Dès que nous partions, ils

5 recommençaient.

6 J'ai décidé de nous positionner dans trois endroits pour protéger l'église

7 catholique parce qu'ils commençaient à tirer contre cette église. Ensuite,

8 pour protéger les deux magasins du Commissariat pour les Réfugiés des

9 Nations Unis, qui avaient des vivres pour la population civile, l'un de ces

10 dépôts, en fait, pour les Nations Unis, se trouvait dans un magasin. Ils

11 avaient déjà d'ailleurs brisé la vitrine. J'ai demandé à l'un des APC de se

12 placer près de ce magasin. En fait, pendant que je faisais cela, j'ai eu

13 une discussion avec le commandant qui se trouvait dans le square, et il m'a

14 dit : "Vous devez nous laisser les vivres parce qu'il s'agit de

15 logistiques. Nous, notre logistique consiste à prendre tous les vivres

16 lorsque nous pénétrons dans une zone. Nous n'avons pas eu à manger pendant

17 des jours et des semaines, ou quelque chose de ce style-là" Je lui ai dit :

18 "Vous n'avez pas droit de prendre cela parce que ces vivres ne sont pas à

19 vous. Ils appartiennent aux Nations Unis. En fait, si vous pénétrez dans

20 cette zone, dans ce secteur, nous allons répliquer, riposter."

21 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire de quel jour il s'agissait, quelle

22 était plus ou moins l'heure à laquelle vous avez eu cette discussion ?

23 R. C'était juste avant le déjeuner.

24 Q. Quel jour ?

25 R. Le 4 novembre 1993.

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1 Q. Vous nous aviez dit qu'il y avait beaucoup d'activités de pillage. Est-

2 ce que vous pourriez indiquer qui était responsable de ce pillage ?

3 R. Je pense qu'il s'agissait des soldats de cette unité qui était appelée

4 "la 7e Brigade musulmane. Il y avait peut-être des soldats d'autres unités,

5 également, je veux dire de l'ABiH. Je n'en sais rien. J'ai rencontré un

6 policier de l'ABiH, qui avait une Kalachnikov, et je lui ai dit qu'il

7 devait les arrêter. J'ai dit : "Vous êtes policier." Il m'a dit : "Je ne

8 peux pas faire cela. Je suis tout seul." Il n'a rien fait et je l'ai

9 compris.

10 Q. Quand est-ce que le pillage à Vares est arrêté ?

11 R. Je ne le sais pas parce qu'en fait, nous étions positionnés sur trois

12 endroits. Il y avait des tirs dans l'air.

13 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

14 Mais je pense qu'il y a une petite erreur qui s'est glissée dans le compte

15 rendu. Lorsque le témoin parlait d'autres unités qui pouvaient se trouver

16 dans la ville, et qui peut-être auraient également participées au pillage,

17 dans le compte rendu, à la page 59, à la ligne 25, il faudrait que soit

18 indiqué des membres "d'autres unités", et non pas "des soldats de notre

19 unité."

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Précisez.

21 M. MUNDIS : [interprétation] Je remercie mon estimé confrère d'avoir

22 apporté cette correction.

23 Q. Monsieur, je vous avais posé une question. Quand est-ce que le pillage

24 des soldats à Vares s'est arrêté ?

25 R. J'ai cru comprendre que ce pillage s'est arrêté à un moment dans

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1 l'après-midi du même jour parce que j'ai également été informé du fait

2 qu'il y a eu un massacre dans le village de Pogar. Je me suis rendu avec ma

3 section et nous avons trouvés 25 corps, corps d'hommes assez âgés. Le

4 responsable de la section sanitaire a observé cela, a observé certains des

5 corps. Je pense -- en fait, la population civile ne voulait rien dire.

6 C'est à ce moment-là que le colonel Henricsson, le commandant du bataillon,

7 est arrivée à Vares. Il m'a informé ce soir-là que, lorsque je suis revenu

8 de Pogar à mon campement, il y avait eu des policiers militaires de l'ABiH,

9 qu'ils avaient arrêté les pillages et qu'ils avaient d'ailleurs peut-être

10 même utilisé leurs armes pour mettre un terme à ces pillages. Je n'étais

11 pas moi-même là, cet après-midi, je n'ai obtenu que des rapports de la part

12 de mes soldats et de mon commandement, qui m'ont dit que ce pillage s'est

13 arrêté à la fin de l'après-midi.

14 Q. Le lendemain ou le surlendemain, à savoir, le 5, 6 ou 7 novembre 1993,

15 avez-vous la possibilité de vous rendre à Vares ?

16 R. Le soir du 4, si je ne m'abuse, il y avait une compagnie du Bataillon

17 français de Sarajevo, qui est arrivée pour nous prêter main-forte dans la

18 zone. Je n'en avais pas le commandement, bien entendu. Il était placé sous

19 le commandement du colonel Henricsson. Il leur a donné des ordres pour

20 qu'ils prennent position dans Vares pour qu'ils puissent assurer le

21 contrôle de la ville, pour qu'il n'y ait plus des pillages. C'est ainsi que

22 les positions ont été prises. Je pense que ce soir-là, cela s'est arrêté,

23 que la situation était calme le lendemain.

24 Q. Lorsque vous dites "le lendemain, la situation a été plus ou moins

25 calme", vous entendez par là, le 5 novembre ?

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1 R. Le 5 novembre, oui.

2 Q. Ce jour-là, avez-vous, vous-même, pu observer les résultats des

3 événements du jour précédent ?

4 R. Oui, parce que quasiment tous les magasins avaient fait l'objet de

5 pillage. Il n'y avait pas de maisons incendiées. Il y avait eu,

6 visiblement, du pillage avec des meubles, qui avaient été emportés. Les

7 soldats qui se trouvaient à Kopjari, puisque j'avais encore un poste

8 d'Observation à Kopjari, m'ont indiqué qu'ils avaient observé qu'il y avait

9 eu des véhicules qui étaient chargés de meubles et d'autre matériel, qui

10 venaient peut-être de ce secteur de Vares et d'autres villages autour de

11 Vares.

12 Q. Colonel, il y a quelque chose qui n'est pas très clair. Avez-vous

13 observé ou non des maisons incendiées ?

14 R. Non, il n'y a pas eu de maisons incendiées à Vares. Il n'y a eu que des

15 activités de pillage dans les magasins.

16 Q. Lieutenant-colonel Birger, je vous remercie d'avoir répondu à toutes

17 mes questions.

18 M. MUNDIS : [interprétation] : Monsieur le Président, l'Accusation n'a plus

19 de questions à poser, pour le moment, à ce témoin.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Monsieur Mundis.

21 Il nous reste un quart d'heure à 20 minutes avant la pause. Est-ce que la

22 Défense veut qu'on fasse la pause maintenant et reprendre après ? Maître

23 Bourgon.

24 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Bien que la Défense du général

25 Hadzihasanovic a très peu de questions pour ce témoin, puisque l'accusé

Page 5393

1 Hadzihasanovic n'est pas accusé pour les faits qui remontent à Vares,

2 toutefois, nous préférons faire la pause maintenant, et faire le contre-

3 interrogatoire en bloc après la pause, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Bourgon.

5 Il est 12 heures 10. Nous allons faire la pause traditionnelle d'une demi-

6 heure. Nous reprendrons à 12 heures 40 et nous aurons une heure en continu.

7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 10.

8 --- L'audience est reprise à 12 heures 43.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Le contre-interrogatoire

10 peut commencer.

11 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Comme j'ai eu l'occasion de le

12 mentionner un peu plus tôt, le général Hadzihasanovic n'est pas accusé pour

13 les faits qui se sont produits à Vares. Toutefois, nous aimerions poser

14 quelques questions au témoin eu égard au contexte, et surtout pour

15 faciliter la compréhension de la Chambre, du secteur où les opérations se

16 sont déroulées. J'aimerais pour ce faire, Monsieur le Président, utiliser

17 la maquette que nous avons devant nous, et demander au témoin s'il peut

18 nous aider à reconnaître certains endroits sur la maquette.

19 Contre-interrogatoire par M. Bourgon :

20 Q. [interprétation] Colonel Birger, bonjour. Nous avons eu la possibilité

21 de vous rencontrer hier avec mon confrère, Me Dixon. Aujourd'hui, je suis

22 avec ma collègue, Me Residovic, et avec Mme Cauvin. Nous représentons le

23 général Hadzihasanovic.

24 Comme je l'ai déjà expliqué, nous avons très peu de questions à vous poser.

25 Toutefois, comme vous étiez sur place à l'époque, nous aimerions utiliser

Page 5394

1 vos connaissances. Je vous demanderais de vous déplacer vers la maquette,

2 du côté droit de la maquette, avec une règle ou un pointeur. L'Huissier va

3 vous aider. Je vous demanderais d'indiquer, avec le pointeur, les endroits

4 à propos desquels je voudrais parler. L'Huissier va vous donner également

5 des écouteurs.

6 M. BOURGON : Monsieur le Président, c'est la première fois que nous faisons

7 l'opération. J'aimerais demander à la régie de brancher le petit caméscope.

8 Q. [interprétation] Colonel Birger, est-ce que vous m'entendez ? Je vois

9 que vous avez le micro. Très bien. J'attends que la régie branche le

10 caméscope qui, visiblement est branché. Très bien.

11 Colonel Birger, j'aimerais vous demander de regarder la maquette et de nous

12 indiquer où se trouve la ville de Vares.

13 R. Elle est là. Elle se trouvait dans la vallée.

14 Q. J'aimerais maintenant vous demander de nous montrer la ville de Stupni

15 Do.

16 R. Elle se trouve ici.

17 Q. Pourriez-vous nous indiquer le lien entre Stupni Do en direction de

18 Vares ?

19 R. Il y avait deux axes. Le premier est là. Vous pouviez également

20 contourner et venir en direction du nord-est.

21 Q. Colonel Birger, j'aimerais vous demander de regarder la carte, et de

22 nous indiquer les deux villes que vous avez mentionnées préalablement, à

23 savoir Dragovici et Mijakovici.

24 R. [Le témoin s'exécute]

25 Voilà la vallée, attendez, Brovic [phon], je pense que cela doit se trouver

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1 là.

2 M. BOURGON : Est-ce que Mme l'Huissière pourrait écarter un peu le micro ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà où se trouve Dragovici.

4 M. BOURGON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir le caméscope, à

5 nouveau, Mijakovici et Dragovici ?

6 R. Depuis Vares, nous utilisions cette route. Lorsque nous arrivions là,

7 il y avait à gauche de la route -- c'est là que se trouvait Mijakovici.

8 Q. Finalement, Colonel Birger, je vous demanderais de nous indiquer

9 Kopjari. Je sais que le nom de Kopjari ne figure pas sur la maquette.

10 Toutefois, j'aimerais vous demander de nous montrer où se trouve Ratanj, la

11 ville de Ratanj.

12 R. Ratanj ?

13 Q. Oui.

14 R. Il s'agit d'un village qui se trouve à l'ouest de Kopjari. Kopjari se

15 trouve ici, voilà, doit se trouver sur la colline et là nous avons, en bas,

16 Mijakovici et Dragovici dans la vallée. Là, vous avez le village de

17 Kopjari, si je ne m'abuse et à l'ouest de Kopjari vous avez Ratanj.

18 Q. En voyant la maquette et en prenant en considération les villes que

19 vous venez d'indiquer, pouvez-vous nous dire si cette maquette nous donne

20 une bonne représentation du terrain en question, à savoir, les montagnes,

21 les bois fourrés et les routes, les problèmes posés par ces routes, et

22 cetera ?

23 R. Oui, il y avait beaucoup de montagnes et la route était très sinueuse.

24 C'est une bonne représentation du terrain, de ce secteur.

25 Q. Je vous remercie, Colonel. Vous pouvez reprendre place.

Page 5396

1 M. BOURGON : J'aimerais demander à l'Huissière de prendre la pièce à

2 conviction DH84, qui est la carte qui représente la zone de Vares. DH84 est

3 une carte à l'échelle 1 à

4 100 000. C'est une carte qui porte le numéro 475, Vares.

5 Monsieur le Président, nous allons, pour les témoins futurs, prendre les

6 cartes qui sont dans une proportion de 1 à 25 000, les coller ensemble pour

7 faire produire un grand tableau qui pourra reproduire la même surface que

8 celle représentée par la maquette.

9 Q. [interprétation] Colonel Birger, est-ce que vous pourriez situer la

10 ville de Vares sur cette carte en utilisant toujours le pointeur.

11 R. La voici.

12 Q. Pouvez-vous nous indiquer quel est le secteur général de Vares. Où

13 avez-vous situé cette ville ? Cela afin que les Juges de la Chambre puisse

14 la voir.

15 R. [Le témoin s'exécute]

16 M. BOURGON : Monsieur le Président, avez-vous localisé le même endroit que

17 le témoin sur la carte ?

18 Q. [interprétation] Commandant Birger, toujours à l'aide de votre

19 pointeur, pouvez-vous suivre la route de Vares à Stupni Do.

20 R. Ici. Vous avez cette route et vous pouvez également utiliser la route

21 en provenance du nord. Là, nous l'avons dans la petite vallée.

22 Q. Toujours à l'aide du pointeur, est-ce que vous pouvez nous montrer la

23 route qui part de Vares et qui aboutie aux deux villes que vous avez

24 mentionnées tout à l'heure, à savoir, Dragovici et Mijakovici.

25 R. Nous utilisions la route qui passait par Pogar comme je vous le montre

Page 5397

1 maintenant. Ensuite, on redescendait vers ces deux localités ou deux

2 villages. Là, il y avait un pont. Si vous preniez la droite, vous alliez à

3 Kopjari et si vous preniez la gauche, vous alliez vers Dragovici et

4 Mijakovici.

5 Q. Colonel Birger, nous pouvons voir la ville de Kopjari sur cette carte.

6 Est-ce que vous pouvez nous indiquer où se trouve la ville de Kopjari ?

7 R. Elle se trouve là et vous avez Ratanj en dessous.

8 Q. Pourriez-vous nous montrer où se trouve la ville de Borovica.

9 R. Borovica est un village, une bourgade plus importante. Vous la voyez là

10 au nord de Kopjari.

11 Q. Colonel Birger, puis-je avancer que lorsqu'il y avait une attaque sur

12 Kopjari, la première phase de l'attaque commençait à Borovica. Puis-je

13 faire valoir cela ?

14 R. J'ai des rapports à ce sujet. Maintenant je ne trouve pas le mot

15 anglais adéquat mais -- alors, il y avait une attaque contre Borovica mais

16 l'attaque principale était menée contre Kopjari. Cette attaque venait du

17 village de Mijakovici.

18 Q. Colonel Birger, puis-je avancer que tout ce qui s'est passé dans le

19 secteur de Borovica consistait à attirer le HVO vers ce secteur alors que

20 le gros de l'attaque venait de Mijakovici et de Dragovici ?

21 R. Je suppose peut-être qu'il s'agissait de ce plan, effectivement.

22 Q. Puis-je dire qu'il s'agissait d'une planification militaire et d'une

23 bonne planification et attaque militaire qui a été démontrée à cette

24 occasion ?

25 R. Oui.

Page 5398

1 Q. Merci.

2 M. BOURGON : [interprétation] Nous pouvons ranger pour le moment cette

3 carte.

4 Q. J'ai quelques questions à vous poser à propos de l'attaque sur Kopjari.

5 En réponse à une question qui vous a été posée par mon collègue de

6 l'Accusation, vous avez indiqué que l'attaque menée à bien contre Kopjari

7 était telle qu'il ne s'agissait pas de savoir si cette attaque allait avoir

8 lieu mais quand est-ce qu'elle allait avoir lieu ?

9 R. Si je vous comprends bien, vous êtes en train d'indiquer que nous

10 savions qu'il y allait avoir une attaque et effectivement, nous savions que

11 quelque chose allait se passer parce que lorsque je me suis rendu dans les

12 deux villages, à savoir Mijakovici et Dragovici, il y avait énormément de

13 soldats de l'ABiH, ce qui n'était pas le cas lors de mon premier passage

14 dans ces deux localités.

15 Q. Pouvez-vous confirmer que l'attaque fut rapide et efficace, qu'ils ont

16 utilisé à leur avantage le brouillard et qu'il s'agissait d'une attaque qui

17 a été rondement menée et bien exécutée ?

18 R. Effectivement, ils ont śuvré en utilisant le brouillard et je pense

19 qu'ils ont utilisé une bonne tactique. Ils ont bien utilisé le terrain et

20 le climat.

21 Q. Vous avez indiqué dans une déclaration que vous avez fournie au bureau

22 du Procureur que lors de cette attaque à Kopjari, il vous avait été fait

23 état de victimes, deux personnes mortes ou trois personnes mortes -- je ne

24 m'en souviens pas exactement -- mais qu'il s'agissait des victimes en

25 question.

Page 5399

1 R. Lorsque je suis arrivé, j'ai obtenu un message de l'un de mes officiers

2 qui était responsable du commandement dans cet endroit. Il nous a dit qu'il

3 avait besoin d'aide parce qu'il y avait des civils et que les soldats qui

4 étaient de l'ABiH essayaient de les expulser en disant qu'ils n'avaient

5 plus le droit de rester là. Lorsque je suis arrivé, il y avait environ 20

6 personnes civiles autour des APC. Il s'agissait d'enfants et de personnes

7 âgées qui, bien entendu, avaient peur. J'ai pu observer un certain nombre

8 de soldats de l'ABiH, certains d'ailleurs qui portaient des casques. Il

9 s'agissait de soldats de carrière. Il y a une femme qui est venue vers moi

10 en criant, qui a dit : "Cela a été un véritable massacre. Ils ont tué des

11 personnes," et cetera. J'ai envoyé ma police militaire et l'un des

12 officiers qui a allé inspecter l'endroit. Je me souviens, en fait, qu'il a

13 trouvé un soldat qui était allongé dans les tranchées. On lui avait peut-

14 être tiré dessus pendant qu'il attaquait et il avait une balle. En fait, il

15 était allongé, mais, d'après moi, il ne s'agissait pas d'un massacre. Il a

16 été tué pendant le combat. Le soldat qui a été blessé, qui était peut-être

17 un soldat de l'ABiH, avait essayé de l'aider parce qu'il y avait des

18 premiers secours, mais toujours est-il qu'il était décédé.

19 Q. Ce soldat de l'ABiH qui s'est occupé du soldat blessé était du HVO ?

20 R. D'après ce que je crois comprendre, il se peut que se soit vrai.

21 Q. Vous-même, Colonel, avez-vous vu les soldats qui menaient à bien

22 l'attaque ce jour-là ?

23 R. Non, c'est les responsables de la 1e Section et ses soldats.

24 Q. Ce n'est que par la suite que certains soldats vous ont parlé de la

25 Brigade Bobovac vous ont dit qu'il s'agissait du 3e Corps qui avait été

Page 5400

1 responsable de cette opération. Est-ce bien exact ?

2 R. D'après ce que j'ai compris, il s'agissait d'unités du 3e Corps parce

3 qu'en fait, lorsque j'ai parlé à leur commandant de bataillon, il m'a

4 informé que les civils croates ne devaient plus rester dans cet endroit. Il

5 voulait les expulser et j'ai refusé cela. Après quelques heures, sont

6 arrivés des officiers qui m'ont dit venir du quartier général du 3e Corps

7 et qui m'ont dit avoir exactement les mêmes objectifs. Ils l'ont annoncé.

8 Ils ont dit qu'ils n'avaient plus le droit d'être là, et je leur ai dit

9 qu'ils pouvaient tout à fait rester là parce que ces personnes étaient de

10 l'endroit et l'ABiH était une armée de gouvernement. Je leur ai demandé

11 pourquoi ils voulaient les expulser.

12 Q. Colonel, si je vous parle de cette attaque, est-ce que cette attaque a

13 été menée à bien par des soldats du 2e et du 3e Corps ? Est-ce que cela

14 pourrait être une éventualité ?

15 R. Non, ces hommes-là n'auraient jamais pu être du 2e Corps.

16 Q. Nous allons poursuivre, colonel Birger. Je pense aux événements qui ont

17 suivi, qui se sont passés le 23 octobre. A une réponse posée par ma

18 question, vous avez parlé d'une attaque qui s'est produite contre Stupni

19 Do. Est-ce que vous pouvez confirmer le fait que cette attaque a été menée

20 à bien par le HVO ?

21 R. Oui, c'est exact. Ils m'ont informé et ils m'ont dit qu'ils allaient

22 attaquer Stupni Do parce qu'ils souhaitaient que la route soit ouverte.

23 Ensuite, cela a été confirmé lorsque nous sommes arrivés dans le village.

24 Q. Colonel, l'attaque de Stupni Do, à propos de cette attaque, est-ce que

25 je pourrais dire que cela fut la chose la plus épouvantable que vous ayez

Page 5401

1 vue pendant votre affectation en Bosnie-Herzégovine et que cela,

2 effectivement, correspondait à un massacre ?

3 R. Je ne me suis rendu dans Stupni Do. Mon commandant y est allé, certains

4 de mes officiers, l'une de mes sections ainsi qu'un section d'une autre

5 compagnie. Ce qui m'a été décrit était épouvantable. L'odeur était

6 épouvantable. Ils ont essayé de détruire les cadavres, à savoir, de les

7 brûler. Un de mes officiers a également trouvé trois femmes dans le sous-

8 sol ou même le sous terrain d'une maison, et ces trois femmes qui étaient

9 ensemble avaient reçu des balles dans la tête. C'était, effectivement, un

10 massacre de façon tout à fait indubitable.

11 Q. Ai-je raison d'avancer que vous-même, vous avez essayé de vous rendre à

12 Stupni Do le même jour et le lendemain et qu'on vous a empêché de le

13 faire ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Lorsque vous avez insisté pour aller à Stupni Do, vous l'avez mentionné

16 à mon confrère, vous commenciez à être assez impatient parce que vous

17 deviez vous déplacer pour trouver des interlocuteurs, et vous avez indiqué

18 qu'à un moment donné, quelqu'un de la Brigade de Bobovac vous a dit, en

19 fait, fondamentalement, de prendre votre véhicule et de rentrer dans votre

20 campement, et qu'à partir de ce moment-là, vous n'auriez absolument plus la

21 possibilité de vous déplacer. Est-ce bien exact ?

22 R. C'est exact. Cela s'est passé dimanche, 24 octobre. Je m'en souviens

23 pertinemment parce que c'est un jour férié pour les Nations Unies. Je m'en

24 souviens très bien. J'ai essayé de parler à des personnes pendant toute la

25 journée et en début de soirée. Il y a un officier de la Brigade de Bobovac

Page 5402

1 avec qui j'ai parlé. Il m'a dit : "Je suis le commandant de la brigade." Il

2 avait très, très peur et il a dit : "Si vous ne repartez pas avec vos

3 soldats et vos véhicules à l'intérieur de votre campement, nous allons vous

4 éliminer ou les éliminer et les tuer. Nous allons également utiliser ou

5 faire appel à des tireurs d'élite contre votre camp." Parce qu'en fait,

6 c'était en contrebas dans la vallée. Je lui ai dit : "Si vous le faites,

7 nous allons utiliser tout notre matériel, toutes nos armes pour nous

8 défendre et je ne vais pas déplacer mes unités." Ensuite, j'ai quitté le

9 QG.

10 Q. Colonel, puis-je avancer que cette même nuit, le HVO a commencé,

11 véritablement, à tirer contre votre campement et qu'à ce moment-là vous

12 avez dû prendre toutes les mesures nécessaires pour riposter face à cette

13 menace ? Vous avez même dû dire à vos soldats de tirer pour tuer et non pas

14 de tirer pour prévenir ou menacer ?

15 R. Oui. C'était environ vers 22 heures mais je n'en suis pas entièrement

16 sûr. J'avais obtenu des informations de la part d'un de mes soldats à

17 l'intérieur du campement qui m'a dit : "Ils vont menacer tous les soldats

18 qui se trouvent à Vares à l'extérieur de l'école." Je lui ai dit de dire à

19 mes soldats de rester là parce que je ne pense pas qu'ils vont le faire.

20 Quelques minutes plus tard, il est revenu et il m'a dit : "Ils vont le

21 faire, vous devez sortir." Ce qu'il voulait dire, c'est que je devais aller

22 dans la tente de mon personnel

23 Au même temps, j'ai entendu également des tirs, et cetera à Vares

24 [imperceptible] de la colline. Lorsque je suis sorti du bâtiment, il y

25 avait également des coups de feu le long de la route. J'ai couru vers ma

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1 tente et j'ai donné l'ordre à l'un de mes chefs de section à Vares, je lui

2 ai dit -- il se trouvait d'ailleurs dans son propre APC, et je lui ai dit

3 d'envoyer des tirs, grâce à des canons automatiques, ce qu'il a fait.

4 Ensuite, ils ont tiré encore plus. Ils ont commencé à lancer des grenades

5 sur les APC de la Croix rouge, pour en détruire les roues, pour que nous

6 puissions les prendre dans le campement. Je lui ai donné l'ordre de tirer

7 véritablement avec le canon automatique pour nous défendre et pour défendre

8 les APC de la Croix rouge, mais il ne l'a pas fait. Je pense qu'il y a une

9 raison parce qu'en fait, il y avait également des civils dans les maisons.

10 Nous sommes revenus sur nos premières positions. Ils ont commencé à menacer

11 l'un des APC au niveau du poste de Contrôle de Stupni Do. Ensuite, ils sont

12 sortis avec des armes anti-blindées. J'ai donné l'ordre à l'APC de quitter

13 le secteur. Je lui ai dit de se mettre en dehors de ce secteur, de l'autre

14 côté du tunnel dans la partie nord de Vares, où nous avons maintenu des

15 positions pendant tout le reste de la nuit. Le lendemain, nous sommes

16 redescendus vers Vares pour essayer de suivre le contrôle de nos anciennes

17 positions et des négociations avec la Brigade de Bobovac. Ils ont été

18 informés que nous n'allions plus tirer des coups de feu pour les menacer,

19 mais que nous allions véritablement ouvrir le feu pour tirer véritablement.

20 Ils n'ont plus jamais tiré sur nous.

21 Q. Merci, Colonel. Permettez-moi de poursuivre. Il y avait eu ces

22 échauffourées avec la FORPRONU, votre unité, le HVO. Il y a eu une lettre

23 qui a été écrite par le général Petkovic. Est-ce bien exact ?

24 R. Je reconnais le nom, mais je ne me souviens pas de sa position.

25 Q. Vous vous souvenez peut-être quand même, Colonel, que vous avez reçu

Page 5404

1 une lettre qui indiquait que la Brigade de Bobovac devait arrêter toutes

2 ses menaces à l'encontre de la FORPRONU.

3 R. C'est exact. Nous avons eu une lettre de Kiseljak, je pense. C'est vrai

4 qu'il y avait eu une lettre à ce sujet.

5 Q. Colonel, j'aimerais vous poser quelques questions à propos de votre

6 déploiement. La première question est, à combien de kilomètres se trouvait

7 situé votre QG de la Brigade de Bobovac ?

8 R. Environ 200 mètres.

9 Q. Vous aviez pratiquement des contacts quotidiens avec la Brigade de

10 Bobovac pendant la période qui couvre les mois d'octobre et novembre 1993.

11 R. Oui, plus ou moins, oui.

12 Q. Kresimir Bozic est la personne qui a tracé ces lignes de confrontation

13 pendant votre déploiement, ainsi que les zones de responsabilité sur votre

14 carte. Est-ce exact ?

15 R. Oui, c'est exact. A l'époque, il était officier chargé des

16 informations. C'est du moins ce qu'il a dit. Plus tard, le

17 24 octobre, il a dit qu'il était le nouveau commandant de la brigade.

18 Q. Votre bataillon ou votre compagnie a opéré durant la plus grande partie

19 de votre mission ou, du moins, en octobre et novembre, dans la zone de

20 responsabilité du 2e Corps. C'est bien exact ?

21 R. 2e Corps et la Brigade de Bobovac.

22 Q. A l'époque, Colonel, quelles ont été, au préalable, les relations entre

23 le HVO et l'ABiH.

24 R. Je ne comprends pas votre question.

25 Q. Vous connaissiez la nature des relations entre le HVO et l'ABiH avant

Page 5405

1 ces événements ?

2 R. Je ne comprends vraiment pas votre question.

3 Q. Très bien. Je vais la reformuler. Saviez-vous que le HVO et l'ABiH ont

4 combattu ensemble avant ces événements ?

5 R. Peut-être l'ont-il fait, parce que le 2e Corps a dit à mon commandant

6 que la Brigade de Bobovac faisait partie du 2e Corps d'armée. Nous avons

7 négocié à Rijeka. Je pense que c'était le

8 2 novembre que le commandant les a invités à faire partie du

9 2e Corps, et à ne plus combattre contre eux.

10 Q. Colonel, vous êtes un militaire de carrière. Vous êtes un officier.

11 Vous saviez quelle était l'importance stratégique de Vares, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, c'est la seule voie d'accès vers Tuzla. La seule voie de

13 communication du sud au nord.

14 Q. Vous saviez aussi, n'est-ce pas, que pendant l'été 1993, avant votre

15 arrivée, les Serbes ont tenté de couper le 2e Corps du reste de l'ABiH ?

16 R. Pas à ce moment-là, plus tard, en novembre. Ils ont essayé de prendre

17 le contrôle. Ils ont attaqué depuis Vares et Olovo vers le nord. Ils ont

18 pris deux ou trois villages musulmans. Nous avions peur de cela. Ils ont

19 essayé de couper la route, en effet.

20 Q. Vous saviez, dès le début de votre déploiement en Bosnie, que la

21 situation ailleurs en Bosnie centrale était très tendue entre le HVO et

22 l'ABiH ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Vous saviez aussi, à l'époque, qu'il y a eu quelques allégations que le

25 HVO et les Serbes allaient s'unir afin d'infliger une défaite à l'ABiH.

Page 5406

1 R. Non, pas vraiment. Pendant que j'étais à Vares, il y a eu un petit peu

2 de coopération entre les Serbes et le HVO, parce qu'ils ont utilisé la

3 route à travers les zones serbes, vers l'Herzégovine. C'est du moins ce que

4 je pense, qu'il y a eu un petit peu de coopération là-dessus.

5 Q. Très bien. C'était bien ma question, à savoir que les Serbes et le HVO

6 ont coopéré. Vous aviez des preuves à cet effet. Ma question suivante sera

7 celle-ci : dans la zone où vous étiez, il y a énormément de montagnes, des

8 bois, des sommets, des montagnes. Nous le voyons bien sur cette maquette.

9 Etes-vous êtes d'accord avec moi pour dire que les communications étaient

10 très difficiles compte tenu de ce contexte, que même pour vous, il était

11 difficile de garder un contact permanent avec le QG, votre QG de Tuzla, que

12 vous ne pouviez pas y parvenir que grâce aux communications par satellite

13 radio ?

14 R. Oui, nous avions des problèmes avec des communications radio. Nous

15 avons installé un poste d'Observation dans le village. Je ne me rappelle

16 plus du nom du village. C'était dans les montagnes, à l'ouest d'Olovo. Nous

17 avions un poste d'Observation pour maintenir le contact par radio. Pour la

18 plupart, nous avons utilisé des téléphones par satellite pour pouvoir

19 contacter nos QG du Bataillon à Tuzla.

20 Q. Pour autant que vous le sachiez, Colonel, le téléphone par satellite

21 que vous aviez, n'était pas accessible au HVO ou à l'ABiH ? Ils n'en

22 avaient pas, n'est-ce pas ?

23 R. Non, je ne me souviens pas que nous l'ayons utilisé. Nous ne nous en

24 sommes pas servis pour communiquer avec le HVO ou l'armée. Nous avons

25 négocié avec eux.

Page 5407

1 Q. Vous ne pensez pas qu'ils avaient ce genre d'équipement ?

2 R. Je pense qu'ils en avaient. D'après mes souvenirs, nous ne nous sommes

3 jamais servis de cela dans nos contacts.

4 Q. Si le HVO et l'ABiH avaient ce genre d'équipement, cet équipement ne

5 pouvait être qu'entre les mains des commandants les plus haut placés,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Oui. A Tuzla, je pense qu'ils avaient des contacts par télécopies. Nous

8 avons essayé de déployer une unité en Bosnie, mais nous n'avons jamais eu

9 cela à mon niveau.

10 Q. Colonel, vous avez dit dans une de vos réponses que vers la fin du mois

11 d'octobre, il y a eu une situation à Vares où plus de 200 Musulmans ont été

12 détenus à l'école. Je ne suis pas sûr si j'ai bien compris toute cette

13 situation. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous donner quelques détails ?

14 Q. C'était également un dimanche, le 24. Comme je l'ai déjà dit, nous

15 avons essayé d'entrer dans Stupni Do. Nous avons essayé de parler au

16 commandant de Bobovac, mais sans succès. Je me suis servi de ma voiture et

17 j'ai pris quelques-uns de mes soldats pour aller à Pogar. On a pris la

18 route, c'est à l'ouest de Vares, pour essayer de voir ce qui se passe dans

19 le village et pour essayer de voir depuis le village vers Stupni Do, parce

20 qu'on pouvait voir la fumée par-dessus les collines. Lorsque j'étais là,

21 une femme est venue, elle avait peut-être une cinquantaine d'années. Elle

22 pouvait parler un petit peu allemand. Elle m'a parlé, elle m'a dit qu'il y

23 avait des centaines de Musulmans qui étaient âgés, certains d'entre eux

24 étaient âgés, qu'ils étaient détenus à l'école. Elle a décrit l'endroit.

25 Elle a dit que c'était l'école. J'ai compris où c'était. J'ai pris

Page 5408

1 immédiatement ma voiture. Je me suis rendu en bas, à Vares. Il y a là une

2 place. Il y a la maison du maire, et à droite, par rapport à la maison du

3 maire, il y a l'école. Nous étions en train de regarder dans cette

4 direction, derrière le poste de Police. Je me suis rendu dans le poste de

5 Police. Je crois que je peux dire que j'ai proféré des mots : "Vous savez,

6 je sais ce qui se passe à l'intérieur de cette école. Je veux avoir la

7 liste des prisonniers." Immédiatement, il m'a donné la liste. A côté de

8 chaque nom, il y avait un numéro. Je pouvais parcourir les documents. Je

9 pense qu'il y avait 233 noms sur ce papier. Cela n'a pris que quelques

10 secondes. Immédiatement, il a repris le papier, parce que je pense qu'il a

11 compris qu'il avait fait une erreur en me le fournissant. J'ai dit que je

12 voulais m'adresser encore une fois au commandant. Il a dit qu'il était sur

13 le terrain, il n'y avait pas de chef de la police, pas de commandant

14 militaire, personne à qui on pouvait s'adresser. Je me souviens qu'il était

15 très en colère. Il a pris mon casque. Il l'a balancé brutalement sur la

16 table. J'ai dit que je voulais parler au commandant. Il a pris peur. L'un

17 des policiers a pris le téléphone, il a essayé de parler au commandant. Je

18 pouvais entendre grâce à la conversation, qu'ils étaient très en colère.

19 J'ai compris que cela ne servait à rien de s'y attarder.

20 Je suis parti, il faisait nuit. Quand je suis sorti, l'un de mes soldats

21 m'a appelé, il m'a dit : "Il faut que vous veniez, il y a ici quelques

22 personnes qui veulent vous parler." Derrière l'APC de la Croix Rouge, et un

23 APC ordinaire, il y avait deux soldats du HVO. L'un d'entre eux avait la

24 Croix Rouge. C'était quelqu'un qui appartenait au personnel sanitaire. Il

25 pouvait parler anglais. Il m'a dit qu'à l'intérieur de l'école, il allait

Page 5409

1 se passer des choses pas bien. Il m'a demandé si j'étais le commandant le

2 plus haut placé à Vares. J'ai dit : "Pour l'instant, oui." Il m'a dit : "Il

3 faut faire quelque chose parce que ce sont mes amis. Je suis de Vares, mais

4 il ne faut pas le dire. Il faut que je vous dise quelque chose." Il est

5 reparti dans une rue adjacente.

6 A ce moment-là, j'ai décidé d'avoir un APC là-bas. Je ne voulais pas

7 provoquer un incident. J'ai mis un APC de la Croix Rouge là-bas. Tout

8 simplement, je me suis revenu à la Brigade de Bogovac. Lorsque j'ai vu le

9 nouveau commandant de la brigade, il m'a dit que je devais faire entrer

10 toutes mes unités dans mon campement.

11 Q. Pour la Chambre, pouvez-vous confirmer que vous avez parlé de l'APC,

12 que c'était bien un transporteur blindé de troupes, que c'était un véhicule

13 qui transportait entre sept et dix soldats ?

14 R. Ce type de véhicules au niveau des sections, était effectivement un

15 transporteur blindé de troupes. Il était sur chenilles, mais l'APC du Croix

16 Rouge avait des roues. Il n'était pas armé. L'APC que j'utilisais, c'était

17 celui de Pancevo. Il était sur roues, il n'était pas de ma compagnie.

18 Q. Pouvez-vous confirmer que vers la fin du mois d'octobre, début

19 novembre, le HVO a bloqué un convoi humanitaire qui voulait passer par

20 Vares. C'est la raison pour laquelle le maire de Tuzla est venu à Vares

21 pour essayer de faire passer ce convoi ?

22 R. Je ne sais pas pourquoi il était là, de Tuzla. Pourquoi il était dans

23 cette zone ? Je ne sais pas.

24 Q. Vous savez, Colonel, que c'était un convoi humanitaire, qu'on l'a

25 empêché de passer par Vares. C'est le HVO qui l'a empêché.

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1 R. Oui. Vous savez, il y avait des convois pratiquement tous les jours. Je

2 me souviens que c'était ce soir-là que je l'ai rencontré lorsque je

3 rentrais à Vares. Il y avait un pont entre les deux différentes parties. A

4 ce moment-là, la ligne ne passait plus par là, parce qu'elle s'était

5 déplacée vers le sud, mais il y avait toujours un poste de Contrôle sur ce

6 pont. On ne m'a pas laissé passer par le pont. Il y avait une partie du 10e

7 Corps mécanisé sur place. J'allais dans ma zone, et j'allais rentrer à

8 Rijeka. Je ne me souviens pas très bien si cela faisait partie du convoi

9 humanitaire.

10 Q. Colonel, je viens de terminer avec mes questions. Vous avez évoqué

11 beaucoup de détails au sujet des attaques qui ont été menées par des

12 soldats de l'ABiH. Vous avez dit que c'étaient des attaques menées de

13 manière professionnelle. Pourriez vous en convenir avec moi que la nature

14 des opérations militaires qui ont été menées dans la zone à l'époque, fin

15 octobre, début de novembre, était nécessairement coordonnée au très haut

16 niveau, au sein de l'ABiH ?

17 R. Je ne sais pas comment cela a été coordonné, parce que mon commandant

18 m'a informé, je dois dire que le 2e Corps était un petit peu effrayé au

19 sujet du 3e Corps, parce qu'à ce moment-là, le

20 2e Corps avait, comme j'ai déjà dit, avait attaqué du nord au sud. Ils

21 avaient peur de rencontrer le 3e Corps à Vares. Je lui ai demandé si

22 c'était entre les deux corps de la même armée. Ceci ne faisait pas partie

23 de notre mission.

24 Q. Vous êtes un militaire de carrière, Colonel. Si vous dites que la 7e

25 Brigade a pris part à cette opération de Vares, où se trouvait le 2e Corps,

Page 5411

1 vous savez que cela nécessite une autorisation du plus haut niveau, et

2 généralement du Q.G., afin d'accepter qu'une unité passe d'un corps à

3 l'autre.

4 R. Oui, cela je comprends. Lorsque la 7e Brigade musulmane allait attaquer

5 du sud, à ce moment-là, elle n'était pas placée sous le commandement du 2e

6 Corps. Non, pas du 2e Corps.

7 Q. Vous avez parlé des opérations de Vares et des conséquences lorsque

8 Vares a été prise. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que

9 le résultat a été que le 2e Corps s'est retrouvé réuni avec le 1e Corps et

10 le 3e Corps ?

11 R. A mon avis, Vares a été attaqué du nord par le 2e Corps, de l'ouest par

12 le 3e Corps, peut-être aussi par le 6e Corps, à un moment. Je n'en avais

13 jamais entendu parler avant, aussi par le

14 1e Corps, parce que ce que j'ai compris, c'est que lorsqu'ils ont pris

15 contrôle à Vares, c'était plus ou moins la 7e Brigade musulmane, qu'elle

16 était arrivée du sud. Au même moment, si vous regardez la carte au nord-

17 ouest de Vares, il a le village de Pogar. Pogar était sous le contrôle du

18 2e Corps.

19 Q. Je n'ai plus de questions pour vous, je vous remercie.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Les autres Défenseurs ?

21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Contre-interrogatoire de M. Ibrisimovic :

23 Q. [interprétation] Lieutenant-colonel, je représente ici M. Kubura. Je

24 vous poserai quelques questions en cette qualité. Je voudrais que vous nous

25 reparliez des événements en sujet desquels vous avez déposé aujourd'hui.

Page 5412

1 Lieutenant-colonel, pendant votre déposition, vous avez dit que vous étiez

2 présent jusqu'au moment où des civils croates ont commencé à quitter Vares.

3 Est-ce exact ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Pouvez-vous en convenir avec moi qu'un rôle important a été joué au

6 moment où les civils croates ont quitté Vares, qu'un rôle important a été

7 joué par des autorités croates du HVO ?

8 R. Je pense que c'était clair qu'ils étaient sous attaque. Nous pouvions

9 l'entendre, les civils pouvaient l'entendre. Il y avait beaucoup de tirs.

10 Il y avait des explosions de grenades dans la zone. Il les ont aussi

11 informés, informés du fait que les musulmans étaient en train de les

12 attaquer. Ils les en ont informés.

13 Q. Est-il exact que des représentants du HVO ont lancé des appels à la

14 population pour qu'ils quittent la ville et se sont servis des haut-

15 parleurs pour le faire ?

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire, comme je venais de vous

18 demander il y a un instant, que la population avait très peur, que c'est

19 cela aussi qui a joué un rôle important pour qu'ils quittent la ville ?

20 R. Oui, il y avait beaucoup de gens qui avaient peur. Ils voulaient

21 s'enfuir. Il y avait aussi des gens qui étaient toujours dans la ville.

22 Plusieurs milliers de réfugiés ont quitté la ville de Vares.

23 Q. Pendant votre déposition, aujourd'hui, vous avez dit qu'un certain

24 nombre de personnes ont détruit leurs propres biens lorsqu'ils ont commencé

25 à quitter la ville et vous nous avez cité l'exemple d'un Croate qui a

Page 5413

1 incendié lui-même sa maison. Est-ce exact ?

2 R. D'après mes souvenirs, c'est tout simplement une famille au nord de la

3 Brigade de Bobovac, c'était une très belle maison et je pense qu'il était

4 membre de l'état-major de la Brigade de Bobovac et il mettait le feu à sa

5 maison. Je lui ai demandé pourquoi et il m'a dit : "Je suis en train de

6 bâtir et je ne veux pas qu'elle appartienne aux Musulmans." Aussi l'hôtel

7 Sport a été incendié.

8 Il y avait une deuxième maison qui a été incendié à l'extérieur de mon

9 campement, mais il ne s'agissait pas de destruction sur une plus grande

10 échelle. Ce n'étaient que quelques maisons que je viens de citer. Aussi, à

11 l'hôpital de Vares, mais je pense que ce feu était accidentel.

12 Q. Est-il exact qu'en plus de ces événements que vous venez d'évoquer, à

13 savoir, la détention des civils musulmans, que des soldats du HVO au moment

14 où ils partaient de Vares se sont livrés à des pillages des biens des

15 Musulmans.

16 R. Ceux dont j'arrive à me rappeler maintenant, c'est qu'ils ont pillé un

17 certain nombre de maisons musulmanes quelques jours avant cela à Vares,

18 mais je ne me rappelle pas des pillages le jour de leur départ. Ils l'ont

19 fait quelques jours auparavant. Il y avait aussi des viols sur des femmes

20 là-bas.

21 Q. Vous avez mentionné aujourd'hui des opérations qui ont été menées

22 autour de Vares et vous avez parlé du 2e et du 3e Corps d'armée de l'ABiH.

23 R. Vous entendez par là, l'attaque sur Vares ? Oui.

24 Q. Savez-vous que la 304e Brigade de montagne, la 310e Brigade de Montagne,

25 des Unités de l'état-major municipal de Vares et des Unités du 2e Corps en

Page 5414

1 provenance du nord ont pris part à cette attaque ?

2 R. Des attaques dans la zone de Vares, oui, mais pas à l'intérieur de

3 Vares pendant les jours qui nous intéressent ou dont nous sommes en train

4 de parler maintenant.

5 Q. Savez-vous, Lieutenant-Colonel, que des Unités de la 7e Brigade

6 musulmane, bien qu'elles aient été versées dans cette opération, n'ont pas,

7 effectivement, pris part aux opérations de combat.

8 R. Non, ce que j'ai compris, et là je parle uniquement du jour où je les

9 ai vus à Vares. Ce jour-là, il n'y avait pas d'unités du HVO à Vares. La

10 ville était vide. C'était plus ou moins un jour auparavant. C'était la

11 raison pour laquelle je voulais les arrêter pour qu'ils arrêtent de tirer

12 dans la ville.

13 Q. Au moment où vous leur avez dit que, dans la ville même, il n'y a pas

14 de membres du HVO, ces soldats que vous avez désignés comme étant des

15 membres de la 7e Brigade musulmane, à partir de ce moment-là, ils se sont

16 mis à tirer en l'air, c'est bien cela ?

17 R. Oui. Lorsque je les ai rencontrés, ils étaient en train de tirer du

18 côté droit vers le côté gauche de la rue et inversement. Ils tiraient sur

19 des maisons et, une fois que je les ai arrêtés, une fois que je leur ai dit

20 qu'il n'y avait plus de soldats du HVO dans la ville. Lorsqu'ils ont

21 compris, en effet, il y a eu des tirs quand même dans la zone mais c'était

22 comme une sorte de célébration, de fête. Je pense que c'était une grande

23 victoire pour l'ABiH, et ils ont continué à piller aussi.

24 Q. Ils ont estimé que c'était une grande victoire pour eux et que c'était

25 une victoire qu'ils ont remportée sans combat.

Page 5415

1 R. C'est exact. Enfin, à la fois oui et non. Ce jour-là, c'était exact

2 mais la veille, ils ont peut-être eu à se battre contre le HVO, mais ce

3 jour-là il n'y avait pas de combat contre le HVO dans la ville même, c'est

4 vrai.

5 Q. Colonel, pouvez-vous me confirmer que la ville de Vares elle-même ne

6 s'est pas trouvée exposée à des tirs d'artillerie nourris ou à des tirs à

7 l'intérieur de la ville.

8 R. C'est exact. Nous avons essayé de négocier à ce sujet. Pendant

9 longtemps et nous avons dit à l'ABiH qu'il ne faut pas chercher à se venger

10 pour Stupni Do, qu'il ne fallait pas pilonner la ville, et cetera. Je pense

11 qu'ils ont utilisé beaucoup d'artillerie mais uniquement dans les environs

12 et il n'y a pas eu d'impact dans la ville même.

13 Q. La plupart des dégâts se sont produits pendant cette célébration ?

14 R. Non, pas la célébration. C'était en fait en deux étapes. Tout d'abord

15 lorsque nous sommes rentrés dans Vares et j'ai dit que nous avancions par

16 deux colonnes et ils tiraient sur des maisons. Ils ont brisé pas mal de

17 fenêtres sur des maisons et des maisons elles-mêmes. Après, ils ont détruit

18 aussi des vitrines, des devantures de magasins et ils se sont mis à piller.

19 Q. A deux reprises aujourd'hui, vous avez dit que les soldats

20 s'intéressaient aux vivres. Vous avez même cité des cas précis. Vous avez

21 dit qu'ils ont pris du pain et du chocolat, c'est exact ?

22 R. C'est exact.

23 Q. Les soldats qui ont été en contact avec vous ou le commandant avec qui

24 vous avez parlé, vous a-t-il dit qu'il n'avait pas vu de nourriture depuis

25 plusieurs semaines. Est-ce exact ?

Page 5416

1 R. Des semaines ou des jours, je ne m'en souviens pas, mais je pouvais

2 effectivement voir qu'ils avaient faim, qu'ils étaient fatigués et il m'a

3 également informé de la chose suivante. Lorsque je lui ai dit : "Vous

4 n'avez pas le droit de piller les magasins et les dépôts de la FORPRONU",

5 il m'a dit "Oui mais cela c'est notre logistique". En d'autres termes,

6 c'était une tactique pour eux que de prendre ce qu'ils trouvaient.

7 Q. Lors de l'interrogatoire principal, vous avez dit qu'il était probable

8 qu'il y ait d'autres unités dans la ville.

9 R. Ce que j'entendais par cela c'est que les soldats que j'ai rencontrés

10 sur la place du village, m'ont dit qu'ils étaient membres de la 7e Brigade

11 musulmane. Je vous ai également dit que nous ne pouvions pas être partout à

12 la fois dans la ville.

13 Si d'autres soldats ou d'autres unités venaient à arriver du sud dans la

14 ville et si ces unités avaient pillées également, je n'en sais rien. Mais

15 ce que je sais c'est que cette brigade s'est trouvée là pendant deux jours

16 et qu'elle a été arrêtée par la police militaire de l'ABiH l'après-midi du

17 4 novembre 1993.

18 Q. Si je suggérais que les Unités de la 126e Brigade, de la 393e Brigade de

19 Montagne et de la 310e Brigade de Montage, ainsi que les Unités de la

20 Défense territoriale de Vares étaient présentes. Pouvez-vous marquer votre

21 accord avec cette déclaration ?

22 R. Je ne me souviens pas le numéro des brigades, cela s'est passé il y a

23 dix ans maintenant. Mais je sais que par la suite il y a eu d'autres

24 brigades qui sont arrivés un ou deux jours après à Vares, un ou deux jours

25 après l'arrivée de ces soldats musulmans. Il y avait visiblement un

Page 5417

1 roulement qui était instauré. Ils partaient et d'autres soldats de l'ABiH

2 arrivaient. Il y a eu des soldats qui sont arrivés du 2e Corps, mais cela

3 des jours après. Je ne me souviens pas d'ailleurs combien de soldats sont

4 arrivés.

5 Q. Vous avez dit que les soldats étaient également intéressés par les

6 magasins ou les entrepôts de livres du Haut Commissariat des Nations Unies.

7 Est-ce bien exact ?

8 R. C'est exact.

9 Q. Les entrepôts n'ont pas été touchés et tous les livres sont restés.

10 Est-ce bien exact ?

11 R. J'ai été la seule personne à pouvoir m'introduire dans l'un de ces

12 magasins et en fait je ne m'en souviens pas, mais je ne pense pas qu'ils

13 avaient pris quoi que ce soit de ce magasin. Mais nous avons essayé de

14 concentrer nos unités pour mettre un terme à cela et s'ils ont pris quelque

15 chose ce ne sont pas des choses importantes en fait. Mais je sais que j'ai

16 essayé d'arrêter cela.

17 Q. Lorsque j'écoutais votre déposition, je me demande si vous seriez en

18 mesure de convenir avec moi que la situation qui prévalait dans Vares était

19 assez chaotique.

20 R. Oui, c'était un peu chaotique effectivement parce que je me souviens

21 que nous en avons parlé le soir. Dans un premier temps, nous avons dit que

22 c'étaient les gens du HVO qui étaient les méchants en quelque sorte et qui

23 se livraient à des activités de pillage et qui violaient. Ensuite, une

24 partie de l'armée -- ensuite, cela a été le tour de l'ABiH qui ne violait

25 pas mais qui pillait. Il y a eu un camp d'abord et, ensuite, l'autre camp

Page 5418

1 plusieurs jours après.

2 Q. Pourriez-vous convenir avec moi de dire qu'au vu de la situation qui

3 prévalait, il était particulièrement difficile de contrôler les soldats.

4 R. Oui, et non parce que moi j'ai pu leur parler en suédois. Bien sûr que

5 j'ai essayé de leur expliquer qu'ils ne pouvaient pas pénétrer dans le

6 magasin de chaussures et de toute évidence ils ont compris. Cela c'est du

7 ressort du commandant de mettre un terme à ce genre de choses.

8 Q. Saviez-vous que des membres de la 7e Brigade ont pénétré dans la ville

9 de Vares en désobéissant aux ordres de leur commandant qui leur avait donné

10 l'ordre de ne pas entrer dans la ville.

11 R. Je ne comprends pas vraiment votre question. Pourriez-vous répéter ?

12 Q. Savez-vous que des membres de la 7e Brigade ont pénétré dans la ville

13 de Vares et cela de leur propre chef, de leur propre initiative.

14 R. Je n'en ai jamais entendu parler. Non, j'en suis navré mais je n'en ai

15 jamais entendu parler.

16 Q. Savez-vous que le commandant de la brigade a appris que les soldats

17 étaient dans la ville et leur a intimé l'ordre de quitter la ville de Vares

18 immédiatement.

19 R. Je me souviens qu'ils ont quitté Vares deux jours plus tard, le 6

20 novembre. En tant qu'officier de carrière, je peux comprendre qu'ils l'ont

21 fait lorsqu'ils ont reçu l'ordre de le faire.

22 Q. Je vous remercie, Monsieur.

23 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

24 nous n'avons plus d'autres questions à poser à ce témoin.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges auront quelques questions.

Page 5419

1 Monsieur Mundis, est-ce que vous avez des questions supplémentaires car, si

2 nous pouvions libérer le témoin aujourd'hui, cela serait une bonne chose.

3 Monsieur Mundis.

4 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une ou deux

5 questions peut-être à formuler, question qui porte sur une abréviation

6 utilisée par le témoin.

7 Nouvel interrogatoire par M. Mundis :

8 Q. [interprétation] Je vous ai écouté et j'ai vu ce qui figurait dans le

9 compte rendu d'audience et j'aimerais vous poser une question. Est-il vrai

10 de dire que vous utilisez en anglais le terme "COY" qui est l'abréviation

11 pour compagnie ?

12 R. Pardon ?

13 Q. Est-il exact de dire que vous utilisez le terme "COY", qui est

14 l'abréviation du mot "compagnie".

15 R. Oui, c'est le terme "COY".

16 Q. COY, en anglais.

17 R. Charlie October Yankee.

18 Q. Lorsque vous faites des références au 8e Corps mécanisé, il se trouve

19 des références de cela dans le compte rendu - en fait il faudrait, dans le

20 compte rendu en version anglaise, qu'il s'agisse du mot "COY".

21 R. Tout à fait.

22 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Questions de la Cour :

24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bonjour, Monsieur, j'aimerais poser

25 quelques questions de suivi à propos de ce que vous avez décrit ce matin, à

Page 5420

1 savoir le pilage de Vares. Vous avez assisté à l'entrée de la 7e Brigade de

2 Montagne dans Vares depuis le début ?

3 R. Non, j'ai obtenu un rapport à ce sujet. Je ne me trouvais pas dans la

4 partie au sud de Vares. J'ai obtenu le rapport de l'équipe de la BBC qui

5 m'ont dit qu'est-ce qu'ils avaient observé et qui ont dit qu'ils avaient

6 emporté des vivres. Ensuite, avec l'une de mes sections, nous nous sommes

7 rendus à Vares et c'est là que nous avons rencontré ces soldats qui se

8 trouvaient sur la place principale où se trouve la maison du maire.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Lorsque vous êtes arrivés, ils étaient

10 encore en train de pénétrer dans la ville ?

11 R. Oui, il s'agit d'une tactique de l'infanterie sur ce type de terrain.

12 Il y a deux colonnes qui sont en marche et qui tirent des coups de feux sur

13 les maisons et je les ai arrêtés parce que je leur ai dit que ce n'est pas

14 nécessaire de faire partir des civils.

15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez parlé de la 7e Brigade et on

16 avait l'impression que l'ensemble de la 7e Brigade était impliqué. Est-ce

17 que vous pourriez nous indiquer le nombre de soldats dont il s'agissait ?

18 R. Je peux vous dire ce que j'ai vu de mes propres yeux. Il y avait une

19 centaine d'hommes. Il s'agissait de deux colonnes dans la rue de cette

20 ville mais moi, j'ai pu voir 100 ou 150 personnes.

21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais vous avez entendu ce que vous ont

22 relaté vos collègues de votre unité. Ils ont dû vous parler du nombre de

23 soldats.

24 R. Oui, il s'agissait de soldats qui ont investi l'ensemble de la ville.

25 Il y avait des activités de pillage partout, dans tous les magasins,

Page 5421

1 partout. Je ne sais pas exactement combien de soldats il y avait.

2 Personnellement, j'en ai vu entre 100 et 150.

3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous pensez que cela

4 correspond à plus d'un bataillon ?

5 R. Il est très difficile de vous donner une réponse à ce sujet. Il est

6 très difficile également d'utiliser ce mot parce que moi je parle de

7 bataillon, je pense au bataillon suédois qui est composé de quelques 900

8 soldats, alors que là, dans ce secteur, il y avait des brigades. Ils

9 n'étaient pas composés de 900 soldats. Cela dépend en fait du type d'unité

10 en question, mais, si vous utilisez des bataillons, un bataillon est

11 composé d'une centaine d'hommes. Voilà ce que je peux vous dire.

12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous avez également parlé de

13 plusieurs conversations d'ailleurs d'après ce que je crois comprendre, que

14 vous avez eues avec un commandant. Quel était son grade ?

15 R. Je n'en sais rien. Il portait des vêtements civils avec une veste de

16 camouflage. Il m'a dit qu'il était le commandant du bataillon mais je ne me

17 souviens pas exactement de quelle unité il a parlée. Il est venu vers moi,

18 il m'a dit qu'il était le commandant, parce que je venais de dire qu'il

19 devait arrêter de tirer.

20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous avez dit qu'il était

21 commandant.

22 R. Je ne m'en souviens pas.

23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] De toute évidence, vous ne vous

24 souvenez pas de son nom.

25 R. Il ne nous disait jamais leur nom dans ce genre de situation. Les noms,

Page 5422

1 ils vous les donnaient lorsque vous vous trouviez dans une situation un peu

2 plus agréable, autour d'une table de négociations, par exemple.

3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous avez parlé de la 7e Brigade

4 musulmane. Comment avez-vous dégagé cette conclusion, parce que vous ne

5 l'aviez jamais vu auparavant, ou est-ce que vous vous êtes servi de

6 d'autres idées, d'autres observations ?

7 R. C'était une information de la part de cette équipe de la BBC. Ce sont

8 eux qui m'avaient dit de qu'il s'agissait. Je pensais qu'il s'agissait

9 d'une unité musulmane, parce que je n'en avais jamais vu auparavant. Ils

10 avaient des drapeaux vert clair, beaucoup de drapeaux avec un bandeau sur

11 la tête, et ils disaient "Allah-U-Ekber."

12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez vu des signes

13 particuliers ou des insignes ?

14 R. Je m'excuse, je ne vous ai pas compris.

15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez observé des

16 emblèmes, des signes particuliers, des insignes ?

17 R. Je ne m'en souviens pas.

18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'aimerais vous poser également

19 quelques questions à propos de l'ampleur du pillage. Vous nous avez donné

20 une indication du nombre de soldats présents. Vous nous avez dit qu'à un

21 moment donné, vous avez en vain essayé d'arrêter ce pillage, que vous vous

22 êtes concentré sur l'église et les dépôts du Haut commissariat aux Réfugiés

23 des Nations Unies. Vous nous avez parlé de ce jeu de chat et de la souris.

24 Comment de temps est-ce que cela a duré ?

25 R. Le pillage, vous voulez dire.

Page 5423

1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Non. Pendant combien de temps est-ce

2 que vous avez poursuivi les auteurs de pillage pour essayer de les empêcher

3 d'agir ?

4 R. Mon unité est restée là pendant toute la journée. Nous y sommes restés

5 jusqu'à ce qu'une compagnie française arrive pendant la soirée. Nous étions

6 sur une position près de l'église catholique. Je pense que nous y sommes

7 restés pendant la journée.

8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] A un moment donné, le pillage a

9 commencé, et vous vous êtes rendu compte que vous ne pouviez pas

10 l'empêcher, alors qu'à un autre moment, vous vous êtes rendu à l'église, au

11 dépôt du Haut commissariat des Nations Unies aux Réfugiés, parce que vous

12 vous êtes rendu compte, je suppose, que vous ne pouviez pas empêcher ce

13 pillage.

14 R. C'est exact.

15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Combien s'était écoulé entre les deux

16 moments ?

17 R. Je ne m'en souviens pas. Peut-être une heure, peut-être un peu plus,

18 parce que nous faisions des efforts. Nous avons dû également tirer dans

19 certains endroits. Lorsque nous prenions position, nous avions besoin

20 d'aide. Il y avait le pillage qui recommençait. Lorsque nous partions, de

21 toute façon, dès que nous quittions la position, ils recommençaient à

22 piller. Je pense que cela a duré peut-être une heure.

23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Un peu plus tôt, il a été question des

24 objets qui ont été pillés. Il a été question de livres, de denrées

25 alimentaires. Est-ce qu'il y a d'autres choses qui ont été pillées ou

Page 5424

1 prises ? Est-ce qu'il s'agissait tout simplement de prendre ces vivres ?

2 R. Dans des petits magasins, ils prenaient du chocolat, des stylos, des

3 papiers, et cetera. A un moment donné, je suis intervenu. Ils ont

4 d'ailleurs même voulu me donner un stylo. J'ai refusé le dit stylo. Ils

5 prenaient ce qu'ils pouvaient trouver. D'après ce que je pouvais

6 comprendre, ils étaient affamés. Ils m'ont également fait savoir que cela

7 correspondait à leur stratégie, que de trouver des denrées alimentaires.

8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Plus tard, est-ce qu'ils s'en sont

9 tenus aux denrées alimentaires ou est-ce qu'ils ont pris également des

10 réfrigérateurs ou d'autres appareils électroménagers ?

11 R. Oui. A Kopjari, le 21 octobre. Nous avons essayé de mettre un terme à

12 ce qui se passait. Le lendemain, le 22 octobre, j'ai obtenu un rapport de

13 la part de mes soldats, qui m'ont dit qu'ils commençaient à piller le

14 village. Nous avions également observé au début, qu'ils pillaient à Ratanj.

15 Lorsque Vares a été placé sous le contrôle de l'ABiH, nous avons obtenu un

16 rapport de la part d'un observateur qui se trouvait à Kopjari, qui nous a

17 indiqué qu'il y avait des camions et des voitures chargés de

18 réfrigérateurs, d'autres appareils électroménagers qui provenaient de

19 maisons.

20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez observé cela

21 également ce jour-là en novembre à Vares ?

22 R. Non. Comme je vous l'ai déjà dit, je me suis contenté de donner des

23 ordres pour que la position près de l'église soit investie. Je me suis

24 trouvé dans l'un des magasins. J'ai parlé aux soldats de l'ABiH. Je lui ai

25 dit qu'ils n'avaient pas le droit de le faire. Après cela, j'ai obtenu un

Page 5425

1 rapport par radio selon lequel il y avait un massacre dans le village de

2 Pogar. C'est ainsi que j'ai quitté Vares, que je me suis rendu avec une

3 patrouille.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous avez déjà parlé de cela.

5 R. Oui.

6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Toujours à propos du pillage, est-ce

7 que vous-même, des membres de votre unité, avez observé que des maisons de

8 particuliers étaient pillées et non seulement des magasins ?

9 R. Comme je vous l'ai déjà dit, je me souviens de ce que j'ai observé moi-

10 même. Il s'agissait essentiellement de magasins qui se trouvaient dans la

11 rue principale. C'est ceux-là qui étaient pillés. Nous avons également vu

12 que des camions et des voitures partaient, avaient des choses qui devaient

13 appartenir à des maisons de particuliers.

14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Très bien. Quelques questions à propos

15 de ce que vous nous avez dit. Vous avez parlé d'une unité ou d'un bataillon

16 français qui venait de Sarajevo pour vous prêter main-forte.

17 R. C'est exact.

18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous nous avez dit que des membres du

19 3e Corps sont intervenus pour arrêter le pillage. Je suppose qu'il

20 s'agissait de police militaire. Quels étaient les liens entre les deux ?

21 Parce que si vous nous dites que vous avez obtenu des renforts de la part

22 des français du Sarajevo, cela signifie que vous aviez besoin de ces

23 renforts. C'est l'événement en quelque sorte qui a arrêté le pillage.

24 R. Oui. Nous avons demandé de l'aide. Lorsque nous avons essayé de

25 pénétrer dans Stupni Do, nous avons également obtenu de l'aide de la part

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1 du BritBat. Nous avions une compagnie mécanisée. Ils devaient repartir à

2 Vitez. Mon commandant se trouvait à Sarajevo, si je ne m'abuse. Ils sont

3 partis de Sarajevo le matin. Lorsque nous avons eu ce rapport, on nous a

4 dit que le pillage continuait à Vares. Ils sont arrivés le soir du même

5 jour.

6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Le pillage a arrêté immédiatement ?

7 R. Je me souviens que cela s'est arrêté à la fin de l'après-midi, que cela

8 a été interrompu par la police militaire de l'ABiH. Je ne sais pas s'ils

9 venaient du 3e Corps, mais il s'agissait de l'ABiH.

10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que cela a repris le lendemain ?

11 Est-ce qu'il y avait encore des combats ?

12 R. Oui. Il y avait des combats à l'extérieur de Vares, notamment, dans une

13 toute petite zone, dans un petit secteur. Le lendemain, la situation est

14 devenue calme à Vares. Je me souviens que le lendemain, la 7e Brigade

15 musulmane est partie.

16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Entre temps, il n'y a pas eu de

17 pillage ?

18 R. Pas autant que je m'en souvienne.

19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Avez-vous été présent lorsque la 7e

20 Brigade est partie de Vares ?

21 R. Non. Je me souviens qu'il y avait un roulement. Il y a d'autres unités

22 qui sont arrivées. Je me souviens qu'un des officiers à qui on avait parlé,

23 avait un signe qui disait, "Vares." C'était peut-être le nom de son unité.

24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous n'êtes pas du tout en mesure de

25 nous dire véritablement si les choses qui ont été prises, ont été prises

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1 par la 7e Brigade lorsqu'elle est partie de Vares.

2 R. De quelle brigade ? De toute façon, je ne sais pas à quel Corps

3 appartenait la 7e Brigade. Ce que je sais, c'est qu'ils sont partis deux

4 jours après leur arrivée.

5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Non. Ma question était simplement

6 celle-ci, s'agissant du pillage de biens, de voitures, de bus ou de

7 camions. Est-ce que la 7e Brigade les ont emportés ? Est-ce que vous avez

8 pu voir cela ?

9 R. Non, je n'ai pas vu cela. Peut-être qu'ils en ont fait auparavant, mais

10 pas à ce que je l'ai vu.

11 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une petite question d'ordre purement

13 militaire. Vous nous avez dit que vous aviez vu patrouiller en deux

14 colonnes. Vous avez indiqué que c'était la technique habituelle de circuler

15 en deux colonnes, l'une des colonnes tirant sur le mur qui se trouve à

16 gauche ou vice versa.

17 Est-ce que dans votre souvenir, parce que cela remonte à plusieurs années,

18 ces personnes qui étaient de l'ordre d'une centaine, avaient à leur

19 disposition des appareils radio, des talkies walkies ? Est-ce que d'après

20 vous ils étaient reliés par des liaisons radio à une autre autorité qui

21 serait à l'extérieur ? Parce que théoriquement, dans tout camp d'armée bien

22 constitué, il y a toujours des liaisons radio. Est-ce que dans votre

23 souvenir, ces personnes avaient des moyens radio ou ils étaient livrés à

24 eux-mêmes ?

25 R. Pour autant que je m'en souvienne, normalement, ce ne sont pas les

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1 premiers soldats à la tête de colonnes qui ont ces appareils de

2 communication radio; c'est plutôt vers l'arrière. Je ne peux pas vous dire

3 s'ils les avaient, parce que je ne m'en souviens pas. Je ne les ai pas vus.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour compléter ma question. Apparemment quand ils

5 circulent en deux colonnes, d'après vous, ils pensaient qu'il y avait

6 encore des membres du HVO. On était dans une opération militaire classique.

7 Dans ce type d'opération, est-ce qu'il y a une couverture radio avec le

8 commandement qui se trouve ailleurs ?

9 R. Oui. Normalement, oui c'est ce qui se passe. Nous avons pu voir qu'ils

10 avaient des petits appareils pas vraiment des talkies walkies, mais quelque

11 chose de ce genre. Je n'en ai pas vus là parmi ces soldats qui étaient

12 devant. Je dois dire que normalement dans une armée, dans mon armée, par

13 exemple, on a des communications, des transmissions sur la ligne de front,

14 mais peut-être plus vers l'arrière de cette unité. Je ne me souviens pas

15 d'en avoir vus.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Est-ce que les défenseurs, à la suite des

17 questions, ont d'autres questions ? Pas de questions ?

18 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas de questions -- plus de

19 questions, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, est-ce que nous jouons de

21 prolongation ?

22 M. MUNDIS : [interprétation] Juste une ou deux questions, Monsieur le

23 Président, des questions qui découlent des questions qui avaient été posées

24 par Monsieur le Juge Swart au témoin.

25 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Mundis :

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1 Q. [interprétation] Colonel, vous avez dit que peu après ce pillage à

2 Vares, ce qui a été remarqué par l'un de vos postes d'Observation de

3 Kopjari, c'était qu'il y avait des véhicules qui transportaient des biens

4 pillés. Est-ce exact ?

5 R. C'est exact.

6 Q. D'où provenaient ces véhicules, vers où avançaient-ils ?

7 R. De l'est vers l'ouest. Autrement dit, ils allaient vers Kakanj. C'était

8 la route Vares-Pogar, vers Kakanj.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, la Défense.

10 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, compte tenu du

11 fait que le témoin vient de répondre, je ne sais pas si je dois objecter,

12 mais cette question découle de l'interrogatoire principal.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous prenons note de votre observation.

14 S'il n'y a plus de questions, la Chambre vous remercie, mon Colonel, d'être

15 venu témoigner à La Haye malgré les occupations que vous avez. Nous vous

16 souhaitons bon voyage de retour. Je vais demander à Mme l'Huissière de bien

17 vouloir vous raccompagnez.

18 [Le témoin se retire du prétoire]

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, pour demain, il semble qu'il va y

20 avoir un problème. Le témoin qui est prévu vendredi ne peut pas être

21 utilement entendu demain. Pouvez-vous nous éclairer sur la situation

22 découlant de l'élément nouveau qui est intervenu ce matin ?

23 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, s'il vous plaît, peut-

24 on passer en audience à huis clos ?

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, nous passons en audience à

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1 huis clos.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

3 [Audience à huis clos partiel]

4 (Expurgé)

5 (Expurgé)

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23 (Expurgé)

24 --- L'audience est levée à 14 heures 07 et reprendra le vendredi 2 avril

25 2004, à 9 heures.