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1 Le mardi 20 avril 2004
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame et Monsieur les Juges.
7 Il s'agit de l'affaire IT-01-47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic
8 et M. Kubura.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je demande à l'Accusation de bien vouloir se
10 présenter.
11 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour. Je salue la Défense également. Mme
12 Benjamin et moi-même, ainsi Mme Ruth Karper, commis aux audiences.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
14 Je vais demander aux avocats de se présenter.
15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
16 Madame, Monsieur les Juges. Représentant les intérêts de M. Hadzihasanovic,
17 Mme Residovic avec M. Bourgon, et nous avons Mme Milanovic pour assistante.
18 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
19 Représentant les intérêts de M. Kubura, Rodney Dixon,
20 M. Ibrisimovic, Nermin Mulalic, assistant.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. La Chambre salue toutes les personnes
22 présentes, les représentants du bureau du Procureur, les avocats, les
23 accusés, ainsi que tout le personnel de cette salle d'audience. Je salue
24 particulièrement notre nouvelle Greffière de ce jour.
25 Hier, lors de cette audience de mise en état, a été évoquée la question de
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1 la fin de présentation des éléments de preuve par le bureau du Procureur.
2 Il a été indiqué que le bureau du Procureur se conformerait à la date du
3 début juin -- du 1er juin. La Chambre, qui a réexaminé cette question après
4 l'audience, tient à souligner que cette date, qui avait été avancée tant
5 lors de la mise en état qu'en cours d'audience, est une date approximative
6 qui ne peut pas être considérée comme une date butoir, dans la mesure où
7 quelques témoins ont été retirés et que d'autres devront être auditionnés
8 par la suite. L'Accusation a la possibilité de faire venir ces témoins ou
9 d'autres témoins dans le courant du mois de juin. Je tiens à bien indiquer
10 que le 1er juin n'était pas une date où nous clôturons la présentation des
11 éléments de preuve, mais c'était une date indicative. Compte tenu
12 évidemment de l'ordonnancement des témoins et des pièces à conviction à
13 présenter, il est fort possible que cette date soit prolongée d'une, deux
14 ou trois semaines. Ce sera évidemment en fonction des besoins de
15 l'Accusation. Nous tenons à souligner, pour rassurer l'Accusation, que le
16 1er juin n'était qu'une date qui avait été fixée à titre indicatif, mais
17 qu'il ne fallait pas la considérer comme une date butoir.
18 Vous avez tous de l'expérience des procès pour savoir qu'il est très
19 difficile de se tenir à des dates précises, compte tenu des difficultés
20 inhérentes au procès, à savoir, le fait que certains témoins ne sont pas
21 là, des difficultés qui peuvent apparaître. Il se peut qu'il y ait des
22 prolongations. La Chambre estime qu'elle devait rappeler aux parties que ce
23 1er juin n'est pas une date butoir, mais une date indicative, que la
24 Chambre ne voit aucun inconvénient à ce qu'il y ait des prolongations.
25 Si M. Withopf veut nous faire part de ses observations.
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1 M. WITHOPF : [interprétation] Très rapidement, Monsieur le Président. Je
2 l'ai déjà indiqué hier. Pour le moment, nous sommes en train de revoir
3 notre liste de témoins. Du fait que plusieurs journées d'audience n'ont pas
4 pu être utilisées, il semble probable que nous aurions besoin soit de tout
5 le mois de juin ou d'une partie de ce mois-là pour entendre des témoins
6 supplémentaires.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Withopf.
8 La Défense n'ayant pas d'observations à faire valoir, nous allons entamer
9 l'audience de ce jour par l'audition d'un témoin. Je vais demander à Mme
10 l'Huissière de bien vouloir introduire le témoin.
11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous
13 entendez bien la traduction de mes propos dans votre langue.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité en qualité de témoin de
16 l'Accusation pour témoigner sur des faits ou des événements qui se sont
17 déroulés en 1993 en Bosnie-Herzégovine. Afin de recueillir votre
18 témoignage, je me dois de vous identifier. Pour ce faire, je vais vous
19 demander de me donner votre nom et votre prénom.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Jasenko Eminovic.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre date de naissance ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né le 29 septembre 1971.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans quelle ville ou village ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né à Travnik.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuelle ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Aujourd'hui, je suis employé dans une
2 organisation non gouvernementale qui s'appelle "World Vision".
3 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993, il y a plus de dix ans, quelles étaient à
4 l'époque vos activités, fonctions, occupations ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] A cette époque-là, je faisais partie de la
6 Commission municipale chargée des Echanges de prisonniers de guerre.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette commission municipale était située dans quelle
8 ville ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez parler des bâtiments ?
10 Il se trouvait à Travnik dans des locaux proches de la mairie.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné en justice ou c'est la
12 première fois que vous témoignez devant un tribunal international, ou avez-
13 vous témoigné devant un tribunal national ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois aujourd'hui.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je dois recueillir votre prestation de serment. Je
16 vous demande de bien vouloir lire le texte que Mme l'Huissière vous
17 présente.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
19 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.
21 LE TÉMOIN: JASENKO EMINOVIC [Assermenté]
22 [Le témoin répond par l'interprète]
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole aux représentants de
24 l'Accusation pour votre interrogatoire principal, je me dois de vous
25 fournir quelques éléments sur la façon dont va se dérouler cette audience.
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1 Vous allez répondre à des questions qui vont vous être posées par les
2 représentants de Mme le Procureur. Les représentants du Procureur sont
3 situés à votre droite.
4 A la suite des questions qui peuvent durer pendant une heure et demie,
5 voire deux heures, vous répondrez à des questions des avocats de la
6 Défense. Les avocats de la Défense sont situés à votre gauche.
7 Dans le cadre de cette audience, les trois Juges qui sont devant vous,
8 s'ils l'estiment nécessaire, pourront vous poser à tout moment des
9 questions soit aux fins d'éclaircir les réponses que vous donnez aux
10 questions posées, soit afin de combler des lacunes que les Juges peuvent
11 relever lors de votre témoignage.
12 Par ailleurs, comme vous avez prêté serment, je dois vous indiquer que la
13 prestation de serment exclut de votre part, bien entendu, tout mensonge ou
14 tout faux témoignage. Il faut que le témoin sache qu'en cas de faux
15 témoignage, il pourrait s'exposer à des poursuites du chef de faux
16 témoignage. Les peines prévues sont des peines d'amendes, voire des peines
17 de prison.
18 Par ailleurs, cela ne doit pas s'appliquer à votre cas, lorsqu'un témoin
19 est amené dans ses réponses à des éléments qui pourraient, un jour, se
20 retourner à charges contre lui, il peut refuser de répondre. Mais, dans
21 cette hypothèse, la Chambre, à ce moment-là, à la possibilité de lui
22 demander de répondre, et sur la réponse fait à l'injonction de la Chambre,
23 le témoin bénéficie dans cette hypothèse d'une forme d'immunité dans la
24 mesure où ses propos ne peuvent être utilisés par la suite contre lui.
25 Voilà, de manière général, la façon dont va se dérouler cet audience.
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1 Essayez de répondre de la façon la plus complète aux questions posées. Si
2 vous ne comprenez pas le sens d'une question ou si la question vous paraît
3 compliquée, demandez à celui qui vous la pose de la reformuler.
4 Comme nous sommes dans une procédure purement orale, il est important que
5 les réponses du témoin soient claires et précises, afin que les Juges
6 soient éclairés. S'il y a un difficulté quelconque, faites en part aux
7 trois Juges qui sont devant vous.
8 Je me tourne vers le représentant de l'Accusation, qui va commencer
9 l'interrogatoire principal. Madame Benjamin, vous avez la parole.
10 Interrogatoire principal par Mme Henry-Benjamin :
11 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
12 Bonjour, Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge.
13 Q. Bonjour, Monsieur le Témoin.
14 Vous avez dit à la Chambre que vous étiez né dans le village de Travnik.
15 Dans quelle municipalité se trouve Travnik ?
16 R. Dans la municipalité même de Travnik.
17 Q. Pourriez-vous dire aux Juges comment se présente la composition
18 ethnique de votre village de Travnik ?
19 R. Ce n'est pas un village, c'est une ville, Travnik.
20 Q. Excusez-moi. Quelle est la composition de la ville de Travnik ?
21 R. Est-ce que vous me demandez comment se présentait la population et sa
22 composition avant la guerre ?
23 Q. Oui.
24 R. Autant que je sache, avant la guerre, il y avait autant de musulmans
25 que de croates de Bosnie. Peut-être y avait-il quelques plus de Bosniens
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1 étant sur le territoire de la municipalité de Travnik, et il y avait à peu
2 près 20 % de Serbes ?
3 Q. Pourriez-vous nous dire qu'un rapport existait entre les habitants de
4 la ville de Travnik avant le conflit ?
5 R. Je peux vous dire des rapports que j'entretenais, moi et mes proches,
6 avec des personnes appartenant à d'autres groupes ethniques. A cette
7 époque-là, le rapport était plus harmonieux. Nous avions des relations
8 sociales, et il n'existait pas le moindre problème à cause de
9 l'appartenance ethnique de telle ou telle personne.
10 Q. Merci. Pourriez-vous dire aux Juges si vous avez fait votre service
11 militaire obligatoire dans la JNA et, si c'est le cas, à quel moment vous
12 l'avez fait ?
13 R. Je n'ai pas fait mon service militaire obligatoire dans la JNA, mais
14 j'ai terminé l'école secondaire militaire. De 1986 à 1990, j'avais suivi
15 des cours et, en fait, entre 1990 et 1992, j'ai suivi des cours à
16 l'académie militaire de Défense aérienne.
17 Q. Mais, à part ces activités de 1990 à 1992, par la suite, est-ce vous
18 avez été versé dans un camp militaire ? Est-ce que vous avez cherché à
19 servir dans une arme quelconque ?
20 R. Non. Je faisais partie des forces de réserve du ministère de
21 l'Intérieur et, aussi, je me suis occupé de l'échange des prisonniers de
22 guerre.
23 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre le grade qui était le votre
24 et, aussi, quelles étaient vos obligations ?
25 R. Je n'avais pas de grade à l'époque et, au sein de la Commission chargée
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1 des Echanges, j'ai préparé des listes de prisonniers de guerre. J'ai
2 préparé ce qu'il fallait faire en vue de leur échange. J'ai travaillé à
3 l'apparition d'une poste donné, rapatriant les personnes portées disparues
4 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. J'ai recueilli des déclarations
5 des personnes chassées de la région de Bosanska Krajina, à propos des
6 circonstances représentant des crimes de guerre ou un génocide. C'étaient-
7 là mes activités.
8 Q. Serait-il exact de dire que vous aviez surtout des obligations
9 administratives ?
10 R. C'est exact.
11 Q. Pourriez-vous dire aux Juges qui était votre supérieur ? A qui vous
12 étiez subordonné ?
13 R. J'étais sous les ordres de Salko Beba. C'était lui qui était le
14 président de la Commission municipale chargée des Echanges.
15 Q. Savez-vous qui était le supérieur de Salko Beba ?
16 R. Salko, il était subordonné à la Commission d'état chargée de s'occuper
17 de l'Echange des prisonniers de guerre.
18 Q. Monsieur Eminovic, veuillez expliquer aux Juges ce qui s'est passé,
19 plus particulièrement, à Guca Gora pendant l'époque où vous avez eu ces
20 activités au sein de la commission ? Pourriez-vous relater ce que vous avez
21 observé au cours de la période allant de janvier 1993 à mars 1994 ?
22 R. Pour autant que je sache, il ne s'est rien passé à Guca Gora entre --
23 attendez, excusez-moi. En été 1993, Salko Beba et moi-même, nous sommes
24 allé à Guca Gora. Nous avons vu qu'au monastère de Guca Gora, il y avait
25 des inscriptions en arabe. Je sais qu'on avait reçu ces renseignements,
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1 mais je ne sais plus de qui. Nous avons essayé d'effacer ces graffiti, en
2 repeignant les murs en blanc, afin que les prêtres du monastère ne
3 subissent pas de souffrances morales de ce fait.
4 Q. Pourriez-vous nous donner des détails ? Quelles sont les raisons ? Qui
5 vous ont poussé à aller au monastère ?
6 R. Nous avions reçu des renseignements selon lesquels il y avait eu
7 profanation du monastère. Je ne sais plus qui nous l'avait dit. Nous sommes
8 montés en voiture, nous y sommes allés et nous avons vu ces graffiti en
9 arabe. Nous avons pris de la peinture et nous avons essayé de les effacer
10 en peignant le mur.
11 Q. Mis à part ce monastère, pourriez-vous dire aux Juges à quoi
12 ressemblait Guca Gora à cette période ? Quelle est l'impression que vous en
13 avez recueillie ?
14 R. La route de Travnik à Guca Gora était couverte par des tirs du HVO.
15 Cela veut dire qu'il y avait des tirs tout au long de la route. A notre
16 arrivée à Guca Gora, j'ai vu de la fumée qui se dégageait de quelques
17 maisons. J'ai vu des membres de la 306e Brigade qui assuraient la sécurité
18 du monastère.
19 Q. Parlons de la partie croate de Guca Gora. Quel était l'aspect de cette
20 partie ?
21 R. Guca Gora, c'est un village croate. Il me semble me souvenir que
22 c'était un village à 100 % croate.
23 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était la configuration du terrain ?
24 Comment se présentait le village au cours de l'été 1993, pendant le
25 conflit ?
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1 R. Je viens de vous dire il y a un instant. Même aspect que d'habitude, si
2 ce n'est qu'il y avait de la fumée qui s'élevait de deux ou trois maisons
3 et qu'il y avait des dégâts causés au monastère.
4 Q. Vu votre expérience, pourriez-vous nous dire ceci : est-ce que, dans la
5 ville de Travnik, vous avez vu des membres de différentes organisations
6 militaires ? Est-ce qu'il y avait des militaires -- des instances
7 militaires, des organisations militaires actives, dans la ville de Travnik
8 en 1993 ?
9 R. En 1993, le commandement de la 17e Brigade de Krajina avait sa base à
10 Travnik. C'était vrai aussi pour le commandement du Groupe opérationnel.
11 C'était vrai pour le commandement pour la 312e Brigade.
12 Q. Y avait-il d'autres instances ou organisations militaires ?
13 R. Pas à ma connaissance.
14 Q. Je vais poser une question plus précise. Avez-vous déjà entendu parler
15 de ce terme de Moudjahiddines ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous savez de quoi avait l'air ces Moudjahiddines ?
18 R. D'après ce que j'en sais, d'après ce que j'ai vu, il s'agissait de
19 citoyens originaires de payes arabes. Ils portaient des barbes et des
20 pantalons en quelque sorte raccourcis.
21 Q. Avez-vous vu ces gens-là, des gens de cette nature en été 1993 dans la
22 ville de Travnik.
23 R. Oui.
24 Q. En réalité, vous avez vu d'autres militaires -- des militaires autres
25 que ceux appartenant au 306e ? Vous avez les Moudjahiddines, n'est-ce pas ?
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1 R. Je ne sais pas trop. Ce n'étaient pas des membres d'organisations
2 militaires quelconque.
3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il n'est point nécessaire de faire une
4 objection, étant donné que la question s'était enchaînée sur la réponse
5 fournie par le témoin tout à l'heure, mais il vient de répondre. Le témoin,
6 entre temps, a déjà répondu à ce que je voulais dire.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin.
8 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, je veux bien
9 accepter ce que mon éminente consoeur a dit, quoique je ne sois pas
10 d'accord avec ce qu'elle vient de dire, mais je vais continuer.
11 Q. Monsieur le Témoin, pendant que vous avez été membre de la commission,
12 pouvez-vous me dire, à votre connaissance, s'il y a eu des enquêtes de
13 diligenter au sujet des passages à tabac de prisonniers ?
14 R. Je ne sais pas.
15 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que
16 je viens de terminer avec l'interrogatoire principal de ce témoin.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Madame Benjamin. Les Juges auront
18 des questions à poser, mais nous reprendrons nos questions après la phase
19 du contre-interrogatoire.
20 Je donne la parole aux Défenseurs.
21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demanderais
22 de m'autoriser à poser plus de questions que cela n'a été le cas -- que
23 cela n'est prévu par votre décision, étant donné que j'ai préparé mes
24 questions partant des connaissances préalables et des déclarations
25 préalables, ainsi que sur la base d'une conversation sur des faits dont le
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1 témoin devrait se souvenir lors des préparatifs pour la tenue de ce procès.
2 Etant donné qu'il me faut plus de temps pour poser ces questions,
3 j'aimerais que je sois autorisée à le faire à l'occasion de contre-
4 interrogatoire.
5 Contre-interrogatoire par Mme Residovic :
6 Q. [interprétation] Monsieur Eminovic, bonjour. Comme vous savez, mon nom
7 est Edina Residovic et je suis là pour défendre le général Enver
8 Hadzihasanovic.
9 Serait-il exact de dire que vous avez fait une déclaration préalable au
10 bureau du Procureur le 11 et 14 novembre de l'an 2003 ?
11 R. Oui.
12 Q. Vous avez signé cette déclaration en langue anglaise, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Serait-il également exact de dire que nous nous sommes rencontrés à
15 Sarajevo la semaine passée ?
16 R. Oui.
17 Q. Nous nous sommes entretenus sur ce que vous saviez et sur votre séjour
18 à Travnik dans le courant de 1993, n'est-ce pas ?
19 R. En effet.
20 Q. En répondant aux questions de ma consoeur, vous avez dit que, dans le
21 courant de cette année 1993, vous avez été mobilisé dans les effectifs de
22 réserve de la police, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Les effectifs de réserve de la police se trouvaient dans le cadre du
25 MUP de la Bosnie-Herzégovine et se trouvaient directement subordonnés au
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1 ministère de l'Intérieur de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
2 R. En effet.
3 Q. Dans le cadre de ce ministère de l'Intérieur, il y avait un service de
4 sécurité publique et un service de sécurité d'état, n'est-ce pas ?
5 R. Exact.
6 Q. En termes pratique le service de sécurité d'état vaquait à tout ce qui
7 constituait collecte d'information sur la perpétration des crimes de
8 guerre, n'est-ce pas ?
9 R. Exact.
10 Q. En répondant à l'une des questions de ma consoeur, vous avez répondu
11 que vous étiez devenu, en 1993, membre d'une Commission chargée des
12 Echanges dans cette municipalité de Travnik; est-ce bien exact ?
13 R. Je suis devenu membre de cette commission en 1992.
14 Q. Je m'excuse. J'ai peut-être mal entendu. Dans le courant de 1992, vous
15 en avez été membre. S'agissant de cette Commission chargée des Echanges sur
16 le territoire de la municipalité de Travnik, vous avez été nommé à ces
17 fonctions par la présidence de Guerre de cette municipalité de Travnik,
18 n'est-ce pas ?
19 R. Exact. La présidence de Guerre de cette municipalité de Travnik a
20 assumé les fonctions de l'assemblée municipale de Travnik et a constitué
21 l'instance civile du pouvoir, n'est-ce pas ?
22 R. Exact.
23 Q. La présidence de Guerre a constitué une Commission chargée de procéder
24 à des Echanges et ce, conformément à une décision de la présidence de
25 Bosnie-Herzégovine, datant de 1992, décision par laquelle il a été créée
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1 une Commission d'état au niveau de la Bosnie-Herzégovine et, par laquelle,
2 il a été prévue la création de telle commission dans les départements et
3 dans les municipalités. Est-ce que ceci a constitué la raison majeure de la
4 création de votre commission à vous ?
5 R. Oui.
6 Q. Etant donné les tâches que vous avez été amené à réaliser, vous
7 n'ignorez pas qu'en 1993, mi-1993, dans l'ABiH, il a été mis en place des
8 instances qui étaient chargées de veiller aux échanges de membres de
9 l'armée qui soient décédés ou faits prisonniers, n'est-ce pas ?
10 R. C'est exact.
11 Q. En votre qualité de Commission d'état, vous avez coopéré avec une
12 commission qui avait été instituée au sein de l'ABiH; est-ce bien exact ?
13 R. Exact.
14 Q. En répondant à l'une des questions de l'Accusation, vous avez dit que
15 Salko Beba s'était trouvé à la tête de cette Commission d'état au niveau de
16 la municipalité de Travnik; c'est bien cela ?
17 R. C'est exact.
18 Q. Est-il exact aussi de dire que Salko Beba, en même temps, se trouvait
19 être également un employé des services de Sécurité d'état au niveau de ce
20 ministère de l'Intérieur ?
21 R. Oui.
22 Q. Compte tenu du fait que l'ABiH avait été instituée en 1993, serait-il
23 exact d'affirmer, Monsieur Eminovic, que les instances de l'intérieur, à
24 savoir, la police en d'autre termes, s'efforçaient de façons variées de
25 procéder d'aider en personnel et, de façon matérielle, la police militaire
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1 au sein des brigades et au sein de ce Groupe opérationnel à Travnik ?
2 R. C'est bien exact.
3 Q. Savez-vous que, vers la mi-1993, Salko Beba, en sus des tâches qu'il
4 effectuait dont vous avez parlé, s'était chargé d'une partie des tâches
5 dans les instances de sécurité du Groupe opérationnel de la Bosanska
6 Krajina, de la Krajina de Bosnie ?
7 R. Oui.
8 Q. Serait-il exact de dire que, par la suite, étant donné que vous avez
9 travaillé avec lui au sein de cette Commission de l'état, dans le cadre de
10 la coopération réalisée entre le MUP et les instances de sécurité, vous
11 l'avez assisté cela, et là dans la réalisation de certaines tâches qui
12 étaient celles des organes de Sécurité de ce Groupe opérationnel de la
13 Krajina de Bosnie ?
14 R. Tout à fait.
15 Q. En assistant Salko Beba dans l'exercice de certaines de ces tâches,
16 vous avez pu apprendre qu'il y a eu des ordres -- certains ordres qui ont
17 été donnés par le corps d'armée, qui imposaient le strict respect des
18 conventions de Genève, et qui imposait la protection de la population
19 civile et les édifices religieux. Dans le cadre des tâches que vous avez
20 été amené à réaliser pour le compte de M. Salko Beba, avez-vous eu
21 connaissance de ce fait ?
22 R. Oui.
23 Q. Serait-il exact de dire, Monsieur Eminovic, que ces organes chargés de
24 la Sécurité, ainsi que la police militaire du Groupe opérationnel,
25 s'étaient efforcés au maximum de réaliser les ordres donnés dans ce sens ?
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1 Avez-vous quelque connaissance que ce soit à ce sujet ?
2 R. Oui.
3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je demanderais que l'on montre au témoin
4 deux documents qui sont fournis ici pour identification. Ce sont des
5 documents de la Défense. Il s'agit de la pièce 64ID et de la pièce 65ID.
6 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française croit avoir entendu 64ID
7 et 65ID. Au compte rendu de l'audience, on dit 63ID et 65ID.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, l'interprète me signale au transcript qu'on a
9 mentionné 63ID et 65ID. Il semblerait que vous aviez dit 64.
10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, 64.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est 64 et 65.
12 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
13 Q. Monsieur Eminovic, je vous demanderais à présent de vous pencher sur
14 les deux documents en question.
15 Monsieur Eminovic, sont-ce là les ordres dont vous avez connaissance dans
16 l'exercice de cette assistance que vous étiez censé apporter à M. Salko
17 Beba, dans le cadre des fonctions de ces instances de sécurité ?
18 R. Oui.
19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, étant donné que le
20 témoin vient d'identifier lesdits documents, et qu'il vient de se prononcer
21 à leur sujet, je pense que le moment serait opportun pour attribuer une
22 cote définitive aux dits documents.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame l'Huissière, apportez-nous les deux
24 documents.
25 Il y a deux documents : DH64, qui est un ordre émanant du
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1 3e Corps, en date du 10 juin 1993, sur des "mesures contre le pillage et la
2 destruction des propriétés"; et du document du 19 juin, 65, cela concerne
3 l'arrestation des civils, les destructions, pillage de propriétés. Il y a
4 deux ordres. Quelles sont les observations de l'Accusation concernant ces
5 deux documents qui sont reconnus par le témoin ?
6 M. WITHOPF : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Qui, par ailleurs, avaient été recueillis par le
8 bureau du Procureur, puisqu'il y avait un numéro. Le 64 aux fins
9 d'identification devient définitif, et le 65 devient définitif tant en ce
10 qui concerne la version B/C/S que la traduction en anglais.
11 Poursuivez.
12 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
13 Q. En répondant à une des questions de l'Accusation, vous avez dit que
14 votre poste de travail avait été -- je m'excuse, c'était une question du
15 président de la Chambre. Vous avez dit que votre poste de travail, cette
16 Commission chargée des Echanges, se trouvait à proximité du bâtiment des
17 organes du pouvoir de la municipalité. Ai-je bien compris si je dis que,
18 s'agissant de ces fonctions des organes de Sécurité, M. Salko Beba a
19 disposé d'une pièce dans le cadre de la caserne de la JNA dans Travnik,
20 n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Serait-il exact de dire qu'en aidant Salko Beba, cela, et là lorsque
23 les besoins du travail le nécessitaient, il vous arrivait de venir dans ses
24 bureaux à lui dans le cadre de cette caserne de la JNA ?
25 R. En effet.
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1 Q. Serait-il exact de dire également que dans une déclaration faite auprès
2 du bureau du Procureur, vous avez indiqué qu'à une occasion, il vous est
3 arrivé de voir des soldats en train d'emmener là-bas un prisonnier croate,
4 et que vous les avez vus recourir à la force ?
5 R. Oui.
6 Q. Il s'agissait de M. Bonic, n'est-ce pas ?
7 R. En effet.
8 Q. Est-il exact de dire que vous avez empêché les soldats de malmener ce
9 membre du HVO ? Les soldats, à ce moment-là, vous auraient dit qu'ils
10 l'avaient capturé pendant les combats, que dans son sac il portait des
11 oreilles d'un collègue à eux, qui avait auparavant été tué. Exact ?
12 R. Oui.
13 Q. Serait-il exact de dire que vous avez emmené M. Bonic aux fins de le
14 protéger à l'égard de ces soldats, de ces militaires frustrés, pour
15 recueillir une déclaration de sa part pour ce qui est des circonstances de
16 son emprisonnement, et concernant les circonstances de l'événement qui vous
17 avait été relaté par ces soldats ?
18 R. Oui.
19 Q. Serait-il exact aussi de dire que ledit soldat emprisonné du HVO, vous
20 aurait déclaré que le HVO payait 200 marks allemands à tout soldat s'il
21 ramenait les oreilles ou une autre partie du corps d'un membre de l'armée ?
22 R. On m'a dit que 200 marks, c'étaient pour les oreilles. Pour les autres
23 parties du corps, croyez-moi bien que je ne le savais pas.
24 Q. Est-il bien vrai de dire que vous avez transmis ces dires à la sécurité
25 d'état, suite à quoi il y a eu une procédure au pénal à l'encontre de
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1 l'intéressé ?
2 R. Oui.
3 Q. Vous, personnellement, vous n'avez pas déposé une plainte au pénal à
4 l'encontre du soldat qui avait malmené le prisonnier, parce que vous aviez
5 estimé qu'il avait été emporté par ses sentiments et son affectif, que par
6 votre intervention vous l'avez empêché de porter des blessures plus graves
7 au dit prisonnier.
8 R. C'était bien exact.
9 Q. Serait-il exact de dire, Monsieur Eminovic, que, dans le cadre de vos
10 fonctions au sein de cette commission, vous avez dû à réaliser, à appliquer
11 les conventions de Genève ? Vous étiez tenu également par les ordres qui
12 ont été donnés par les autorités de l'état et les autorités militaires,
13 pour ce qui est de la collecte des informations au sujet de crimes de
14 guerre éventuellement commis.
15 R. En effet.
16 Q. En répondant à l'une des questions de l'Accusation, vous avez précisé
17 que vous avez essentiellement recueilli des informations de la part de
18 personnes qui ont été chassées de chez elle ou échangées, qui étaient
19 originaires de la Krajina de Bosnie, à savoir, auprès de personnes qui ont
20 été chassées de chez elle par l'armée de la Républika Srpska.
21 R. C'est exact.
22 Q. Est-ce que j'interprète bien vos termes si je dis que, dans votre
23 déclaration au bureau du Procureur, vous avez indiqué l'un de ces cas-là, à
24 savoir, l'exécution de quelque 200 prisonniers au mont Vlasic ?
25 R. Oui.
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1 Q. Serait-il exact de dire, Monsieur Eminovic, qu'à l'époque, à Travnik,
2 il y avait très peu de gens qui avaient connaissance de la teneur des
3 conventions de Genève ?
4 R. C'est bien exact.
5 Q. Il était difficile de se procurer le texte des conventions de Genève
6 pendant très longtemps. Pendant assez longtemps également, il n'a guère été
7 nécessaire de recourir à leur application.
8 R. Oui.
9 Q. Toutefois, vous avez acquis des connaissances au sujet de la teneur de
10 ces conventions de Genève à l'école secondaire militaire et à l'académie
11 militaire. Vous avez certes dû suivre des cours et avoir une formation en
12 matière de lecture et de l'assimilation des disposions des conventions de
13 Genève, qui s'appliquaient à la police militaire et au Groupe opérationnel
14 de la Krajina de Bosnie.
15 R. Oui.
16 Q. Vous avez traité de certains documents qui étaient communiqués par le
17 3e Corps au Groupe opérationnel et à la
18 3e Brigade, n'est-ce pas ?
19 R. [aucune interprétation]
20 Q. Est-il exact de dire, Monsieur Eminovic, que votre travail, ainsi que
21 le travail des services de Sécurité, se faisaient dans des conditions très
22 difficiles ?
23 Monsieur Emanovic, je m'excuse, il n'y a pas de traduction de votre réponse
24 à ma question. Serait-il exact de dire que vous vous êtes servi de
25 documents qui ont été remis au Groupe opérationnel et aux Brigades par le
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1 3e Corps ? Je vous demanderais de reprendre votre réponse.
2 R. Oui.
3 Q. Monsieur Eminovic, serait-il exact de dire que toutes ces tâches ont
4 été réalisées par vos soins dans des circonstances très difficiles parce
5 qu'il n'y avait pas de quoi recueillir ces déclarations. Il était difficile
6 de se procurer du papier. Très souvent, ces déclarations et ces
7 renseignements étaient recueillis pour l'essentiel manuellement ?
8 R. C'est bien exact.
9 Q. Monsieur Eminovic, serait-il exact de dire que s'agissant de toutes les
10 personnes qui avaient des informations au sujet de la perpétration des
11 crimes de guerre, vous avez recueilli des déclarations de façon tout à fait
12 identique ? Etant donné qu'à Travnik, il arrivait surtout des Bosniens
13 expulsés de chez eux, la plupart des déclarations étaient recueillies
14 auprès de Bosniens qui avaient disposé d'information de cette nature ?
15 R. C'est exact.
16 Q. Ma collègue vous a posé des questions au sujet de votre visite à Guca
17 Gora. Je me propose de vous poser une autre question puisque vous avez déjà
18 répondu que vous ne saviez pas d'où vous proveniez les informations de la
19 profanation du monastère. Pourriez-vous vous souvenir si des moyens
20 d'information des médias, notamment, des médias croates, à l'époque,
21 avaient transmis -- diffusé des informations, disant que ce monastère a été
22 mis à feu. Avez-vous entendu parler de cela ?
23 R. Nous n'avions pas, à l'époque, accès aux médias, mais les photographies
24 du monastère ont été publiées, en effet, par certains médias croates. Je
25 l'ai vu, par la suite, dans le courant de 1995.
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1 Q. Merci. En fait, les informations qui vous étiez parvenues au sujet de
2 ce monastère, s'agissant de ces informations, M. Salko Beba a réagi à leur
3 sujet en sa qualité de commandant adjoint du Sécurité, et c'est avec lui
4 que vous êtes dirigés en cette qualité-là, et non pas en qualité de membre
5 de la commission, dont nous avons parlé; est-ce bien exact ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Devant le monastère, vous avez vu, comme vous l'avez dit, des membres
8 de la 306e Brigade. Etait-ce là la police militaire de cette 306e Brigade ?
9 R. Autant que je m'en souvienne, oui. Ils étaient là pour assurer la
10 sécurité du monastère.
11 Q. Vous avez également dit que, sur les murs, vous avez vu des graffiti en
12 arabe. Est-il exact de dire que ces policiers militaires vous avez informé
13 du fait que les graffiti en question et certains endommagements au
14 monastère ont été l'œuvre -- le fait de Moudjahiddines, et que c'est par la
15 suite qu'eux, ils ont reçu des ordres leur demandant de sécuriser le
16 monastère ?
17 R. Oui.
18 Q. En répondant à l'une des questions de l'Accusation, vous avez précisé
19 que vous avez vu de la fumée se levée au-dessus de plusieurs maisons de
20 Guca Gora. Vous ne saviez pas, à ce moment-là, qui avait mis le feu à ces
21 maisons et quand les maisons en question ont été incendiées, n'est-ce pas ?
22 R. C'est exact.
23 Q. Dans la réalisation, dans l'exécution des ordres que vous avez confirmé
24 avoir reçus, vous avez confirmé que la police militaire avait assuré la
25 sécurité de l'église de Travnik, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Savez-vous qu'en exécutant ces ordres afférant à la protection des
3 biens d'autrui, la police militaire et les instances chargées de la
4 sécurité, dont faisait partie Salko Beba, ont déposé plusieurs dizaines de
5 plaintes au pénal à l'encontre de personnes qui avaient endommagés les
6 biens d'autrui ou ont commis des délits au pénal au détriment de la
7 population croate ?
8 R. Oui, je pense que c'était la police scientifique de cette unité-là qui
9 s'en était chargée.
10 Q. Mais, Monsieur Eminovic, à l'époque, serait-il exact de dire qu'en
11 votre qualité de membre de la Commission d'état et, en partie, membre de
12 ces effectifs de réserve, vous n'avez pas déposé de plaintes au pénal pour
13 perpétration de crimes de guerre à l'encontre de certains membres de
14 l'armée parce que vous n'avez jamais eu connaissance du fait de la
15 perpétration de tels délits par des membres de l'armée ?
16 R. Oui.
17 Q. Je vous remercie.
18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de
19 questions à poser à l'intention de ce témoin-ci.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
21 Les autres Défenseurs.
22 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pas de
23 questions à l'intention de ce témoin.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, les Juges vont vous poser
25 quelques questions aux fins d'éclaircissement.
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1 Questions de la Cour :
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout d'abord, j'aimerais savoir exactement votre
3 situation par rapport au 3e Corps. Vous avez dit, au départ, que vous étiez
4 affecté dans la réserve du ministère de l'Intérieur et que vous étiez
5 affecté à la commission, qui dépendait de la municipalité d'échanges de
6 prisonniers. Au cours des questions posées par l'Accusation et par la
7 Défense, on se rencontre que vous étiez l'adjoint de Salko Beba, qui lui-
8 même était l'adjoint du Groupe opérationnel de la Krajina.
9 Il semble, d'après ce qui ressort, qu'il y a un mélange entre les activités
10 civiles et militaires. Alors, je voudrais que vous éclaircissiez votre
11 situation par rapport à la fonction militaire de l'ABiH. Quand vous
12 exerciez votre mission dans cette Commission d'échange, aviez-vous une
13 tenue ou étiez-vous en civil ?
14 R. Quand je travaillais au sein de la Commission d'échange, j'étais en
15 civil.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous aidiez l'armée par votre assistance, vous
17 étiez en civil ou en militaire ?
18 R. En tenue militaire.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que vous avez, face à vous, des Juges
20 professionnels qui ont l'habitude des témoignages, et nous sentons, depuis
21 le départ, que vous êtes très réticent à répondre aux questions et, en
22 quelque sorte, vous retranchez dans les réponses au minimal. Vous voyez que
23 cela progresse. On apprend maintenant qu'un moment, vous étiez en tenue
24 militaire. Alors, quand vous étiez en tenue militaire, vous dépendiez de
25 quelle autorité hiérarchique militaire ?
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1 R. Salko Beba.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Quel grade avait-il, Salko Beba, dans l'armée ?
3 R. Il n'avait pas de grade.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Il était en tenue militaire ?
5 R. Oui, quand il travaillait dans le Groupe opérationnel.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand il était dans le Groupe opérationnel, vous
7 avez travaillé avec lui au sein de ce Groupe opérationnel ?
8 R. Oui.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous apporté votre concours à la confection
10 d'ordres de nature militaire ?
11 R. Je vous l'ai dit déjà, je l'aidais surtout à des taches
12 administratives. Ce n'est que très rarement que je me suis rendu sur le
13 terrain. Cela ne s'est pratiquement jamais passé. Quand je dis sur le
14 terrain, je veux dire avec des membres de l'armée. C'était plutôt --
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais pouvez-vous -- c'était dans un contexte
16 militaire et non pas civil ?
17 R. Oui.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez répondu à une question de la Défense, en
19 disant -- ou en confirmant une question qui était très longue, en disant
20 que c'était la police militaire qui vous avait dit que les inscriptions
21 avaient été effectuées par les Moudjahiddines. Est-ce que c'est bien ce que
22 vous avez répondu tout à l'heure ?
23 R. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir qu'un policier militaire
24 et le prêtre nous avaient dit que c'était le fait des Moudjahiddines.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que vous avez -- vous vous êtes entretenu avec
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1 le prêtre qui était présent ?
2 R. Je l'ai salué, c'est tout. C'est Salko qui a poursuivi l'entretien avec
3 lui.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Le prêtre, est-ce qu'il y avait demandé a ce qui --
5 que l'on l'identifie, au moins ceux qui avaient fait cela, que ce que le
6 prêtre a dit à M. Salko Beba, que vous avez entendu ?
7 R. Je n'étais pas présent. Je suis allé repeindre les murs, mais, si je me
8 souviens bien, Salko Beba est entré dans le monastère avec le prêtre. Je
9 n'étais plus avec eux.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans vos tâches qui apparaissent de la nature
11 intellectuelle, il parait étonnant que quelqu'un, de votre niveau de cachet
12 de la cabine militaire, prend le pinceau et un peu de peinture pour
13 repeindre des inscriptions. Vous l'avez fait sous l'ordre, ou
14 spontanément ?
15 R. Je l'ai fait spontanément. C'est moi qui avais décidé de le faire car
16 la façon, dont on m'a éduqué, c'est celle-ci : personne ne devrait subir de
17 souffrances mentales. Il ne faut faire souffrir personne.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela veut dire que, quand vous êtes venus à Guca
19 Gora, vous n'êtes pas venu à pied, certainement, vous êtes venus en
20 véhicule. Dans ce véhicule, il y avait un peu de peinture et un pinceau ?
21 D'où venait la peinture ? Je vous rappelle que vous avez prêté serment de
22 dire toute la vérité. D'où venait cette peinture ?
23 R. Une quinzaine de jours avant cet incident, Salko Beba et moi-même, nous
24 avons repeint le bureau de la Commission municipale des Echanges. Il
25 restait un pot de peinture, et nous avons mis le pot dans la voiture et
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1 nous sommes allés au monastère.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne vais pas vous enferrer par des questions qui
3 arriverait de montrer le contraire de ce que vous dites, mais vous venez de
4 nous dire que vous aviez mis le pot de peinture dans le voiture, ce qui
5 veut dire que, quand vous êtes allé sur place, au moins l'un des deux
6 savait qu'il fallait repeindre. C'est bien comme cela qu'on doit
7 comprendre ?
8 R. Salko Beba savait qu'il y avait des graffiti, et c'est aussitôt que
9 nous sommes mise en route. Nous savions qu'il y avait une profanation du
10 monastère. Je ne sais pas d'où étaient venu ces renseignements, mais nous
11 les avions. Nous savions -- nous avions appris que cela avait été fait au
12 monastère.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
14 Une autre question qui concerne un autre plan. Vous avez dit tout à l'heure
15 que vous travaillez dans une organisation non gouvernementale. Que faites
16 vous, actuellement, précisément ?
17 R. Aujourd'hui, je travaille dans une organisation non gouvernementale,
18 qui s'appelle "World Vision", et je suis le chef de leur bureau à Sarajevo.
19 C'est une organisation qui fait de l'aide et du développement en Bosnie-
20 Herzégovine.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette organisation est financée sur quel fond ? Car
22 vous êtes salarié de cette organisation ?
23 R. Oui, je suis salarié. C'est une organisation non gouvernementale
24 internationale, financée par des dons internationaux, par des bourses de
25 part le monde, des dons privés.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Un autre élément qui peut paraître nébuleux. Vous
2 avez dit que vous aviez fait l'académie militaire, et on peut s'interroger
3 de savoir pourquoi, à la fin de l'académie militaire, vous n'êtes pas
4 devenu militaire à part entier ? Pourquoi vous n'avez pas été intégré
5 directement comme militaire, alors qu'on découvre par vos réponses que, par
6 moment, vous portiez l'uniforme ? Comment se fait-il qu'à la sortie de
7 l'académie militaire, vous n'êtes pas devenu militaire à part entier ?
8 R. Je n'ai pas terminé l'académie militaire. C'est la guerre qui a
9 interrompu ma formation. Je me trouvais en deuxième année à l'académie.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous aviez terminé le cursus de l'académie
11 militaire, vous auriez eu quelle grade, normalement ?
12 R. J'aurais été sous-lieutenant.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
14 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Bonjour, Monsieur le Témoin. J'aurais
15 quelques questions supplémentaires à vous poser, suite à votre déposition
16 de ce matin.
17 Si j'ai bien compris, vous aviez deux fonctions différentes. D'un côté,
18 vous vous occupiez de l'échange des prisonniers de guerre, et de l'autre,
19 vous aviez d'autres fonctions, vous étiez une espèce d'assistant de M.
20 Beba. Premier volet de vos activités en 1993, vous vous occupiez de
21 l'échange de prisonniers, prisonniers qui avaient été pris par des parties
22 belligérantes en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que c'était surtout l'armée
23 croate et l'armée officielle de la Bosnie qui étaient les parties
24 concernées ?
25 R. Nous nous occupions surtout de l'échange de prisonniers de guerre. Nous
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1 occupions des personnes, qui avaient été chassées de la Krajina de Bosnie,
2 échange de prisonniers entre l'armée de la Republika Srpska et l'ABiH.
3 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Vous étiez à Travnik, c'était-là votre
4 base, n'est-ce pas ? Quels étaient les effectifs serbes qui étaient engagés
5 sur ce territoire ? Quel était le type de prisonnier dont vous occupiez
6 pour ce qui est de l'armée serbe ?
7 R. Autour de Travnik, il y avait plusieurs Brigades de l'armée de la
8 Republika Srpska, VRS, qui étaient déployées. Il y avait des prisonniers
9 qui étaient des soldats de l'armée de la Republika Srpska, qui venaient des
10 parties extérieurs de la municipalité de Travnik. Il y avait des échanges
11 entre l'armée de la Republika Srpska -- où plutôt, entre, disons, la
12 commission qui se chargeait, ou du président des Commissions d'échange de
13 la Republika Srpska, et notre propre commission.
14 Mais, pour l'essentiel, nous nous occupions des personnes qui avaient été
15 chassées de la Bosanska Krajina. Il y avait aussi des prisonniers de guerre
16 qui ont été membres de l'ABiH, qui avaient peut-être été capturés sur
17 d'autres fronts, mais c'est à Travnik que se faisaient les échanges. Il y
18 avait des échanges de prisonniers du camp de Batkovic, du camp d'Omarska,
19 du camp de Keraterm, il y en avait mêmes certains de Brcko.
20 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Cela couvre une large partie du
21 territoire de la Bosnie-Herzégovine.
22 R. Pas officiellement; cependant, puisqu'il y avait cette coopération
23 entre les Commissions d'échange, une collaboration poussait -- vient
24 développer, il était plus facile d'effectuer des échanges dans cette zone-
25 là.
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1 M. LE JUGE SWART [interprétation] : Les prisonniers, dont vous êtes occupé
2 que vous avez amené à la partie adverse et pour contre partie, lorsque vous
3 avez reçu des prisonniers, est-ce que c'étaient des prisonniers qui se sont
4 trouvés en détention à Travnik ou dans d'autres parties du territoire sous
5 le contrôle de l'armée de Bosnie ?
6 R. C'est très rarement qu'il y a eu détention de prisonniers à Travnik. En
7 tout cas, je n'en avais pas connaissance. Il n'y avait pas d'établissement
8 le permettant à Travnik. Les prisonniers de guerre venaient de la prison du
9 KP Dom de Zenica. Ils venaient, escortés par la police militaire, jusqu'au
10 lieu de l'échange. Ils étaient aussi accompagnés par la FORPRONU.
11 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que des prisonniers sont venus
12 d'autres endroits ? Vous avez parlé de Zenica, vous avez surtout mentionné
13 Zenica.
14 R. Pour autant que je m'en souvienne, il n'y avait d'autres endroits
15 d'origine, c'était Zenica; cependant, les corps des combattants tués ont
16 été échangés en peu partout. En général, ces corps étaient maintenus là où
17 les conditions le permettaient. Par exemple, lorsqu'il y avait des lieux où
18 on pouvait les garder au froid, dans des hôpitaux. Nous avons fait
19 l'impossible pour procéder le plus rapidement possible à l'échange de ces
20 corps de combattants tués.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Avant l'échange de prisonniers de
22 guerre par les factions belligérantes, est-ce que vous-même, vous avez
23 interrogé ces individus ? Est-ce que vous les avez rencontrés ?
24 R. Non. C'étaient, en fait, les instances chargées de la sécurité
25 militaire qui le faisaient.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous, vous ne les voyiez pas en chair
2 et en os ?
3 R. Il m'arrivait de les voir physiquement, en chair et en os, au moment
4 même de l'échange ou plutôt au moment où ils étaient transportés sur le
5 lieu d'échange.
6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce qu'il y avait des rapports
7 établis à leur propos, à propos de l'état dans lequel ils se trouvaient ou
8 d'autres circonstances ?
9 R. Ils étaient enregistrés par la Croix rouge internationale.
10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez lu des rapports
11 les concernant ?
12 R. Il ne m'était pas autorisé de consulter ces rapports, car c'était un
13 droit qui revenait uniquement à la Croix rouge internationale,
14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez dit, qu'à votre connaissance,
15 il n'y avait pas de prisonniers de guerre détenus à Travnik. Pourtant, vous
16 nous avez parlé d'un Bonic, un soldat croate que vous avez rencontré, si je
17 vous ai bien compris, à la caserne de Travnik; c'est bien cela ?
18 R. Il était détenu, oui. Dès que des charges ont été retenues contre lui,
19 il a été déféré à la prison de Zenica. Il n'est pas resté longtemps en
20 détention.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pourtant vous, vous l'avez vu à
22 Travnik.
23 R. Oui.
24 Q. M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous l'avez vu. Cela s'est passé à
25 la caserne.
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1 R. Oui.
2 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais quelle était la raison qui fait
3 que vous l'avez vu ?
4 R. Il avait été arrêté ce jour-là. On a trouvé des oreilles sur lui, des
5 oreilles qu'on avait coupées. C'étaient les oreilles d'un combattant de
6 l'ABiH.
7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais, en quelle qualité vous êtes-vous
8 trouvé dans cette caserne lorsque vous avez vu cet incident ?
9 R. J'aidais Salko Beba. Je me trouvais dans le bureau, le bureau de M.
10 Salko Beba. Nous avons reçu des renseignements comme quoi, un jeune homme
11 de 16 ans du HVO avait été arrêté et on avait trouvé sur lui les oreilles
12 coupées d'un combattant bosnien.
13 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce qu'il vous arrivait fréquemment
14 d'aller à la caserne pour y voir M. Beba ? Est-ce que là, dans la caserne,
15 vous aviez votre propre bureau, une pièce à vous ?
16 R. Non, je n'avais pas une pièce à moi. La plupart du temps, j'y allais
17 une ou deux fois par semaine et j'y ai passé quelques heures, là dans les
18 locaux réservés à la Commission chargée des Echanges.
19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que cette Commission chargée des
20 Echanges, elle avait un siège à la caserne de la JNA à Travnik ?
21 R. Non. La Commission chargée des Echanges, elle était abritée dans un
22 bâtiment qui était une cinquantaine de mètres de la mairie de Travnik.
23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Voyez, je ne comprends pas pour quelle
24 raison vous alliez à la caserne ? Vous déclarez que vous y étiez pour
25 rencontrer Beba, pour avoir une réunion avec lui. A cet égard, vous faites
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1 mention de la Commission d'échange. Or, elle se trouve qu'elle a son siège
2 quelque part ailleurs. Expliquez-moi, s'il vous plaît, pour quelle raison
3 vous alliez rendre visite à Beba à la caserne de la JNA ?
4 R. C'était pour discuter des activités à venir en rapport avec la
5 Commission d'échange, pour l'aider dans ses tâches administratives en
6 rapport avec ce qu'il faisait lui-même dans le Groupe opérationnel, en vue
7 d'échange d'information et de renseignements avec lui.
8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Lorsque vous alliez voir Beba à la
9 caserne de la JNA, est-ce que vous avez eu d'autres contacts, des contacts
10 avec des prisonniers qui s'y trouvaient en détention ?
11 R. Non.
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais comment se fait-il que vous ayez
13 vu cet incident concernant M. Bonic ?
14 R. Parce que j'avais reçu des renseignements. A ce moment-là, je me
15 trouvais dans le bureau de Beba. Un des combattants est venu nous dire que
16 cet homme avait été arrêté, et je me suis rendu aussitôt là où il était
17 détenu, pour voir ce qui s'était passé.
18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous étiez au courant du fait qu'il y
19 avait détention de prisonniers de guerre à la caserne de la JNA, et Bonic
20 en était un exemple.
21 R. En fait, Bonic a été le premier exemple que j'ai vu.
22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Sa présence indiquait qu'il y avait, à
23 cet endroit, des prisonniers de guerre, n'est-ce pas ?
24 R. Je ne serais pas d'accord avec vous. En effet, ce jour-là, sans doute
25 une heure, une heure et demie auparavant, il avait été arrêté. Il était
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1 impossible de le transporter ailleurs que là. C'était, sans doute, le lieu
2 le plus sûr pour le garder jusqu'au moment où il serait envoyé à la prison
3 de Zenica.
4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vos propos reviennent à dire
5 que vous n'étiez au courant de la présence d'aucun autre prisonnier de
6 guerre à Travnik, à la caserne de la JNA ?
7 R. Non, il se peut qu'ils aient été gardés là un jour ou deux jusqu'au
8 moment où on aurait recueilli une déclaration de leur part mais dès qu'il y
9 avait formulation de chefs d'accusation, de charges au pénal, ils étaient
10 déférés à Zenica. Parce que là ce n'était pas une prison, c'était plutôt un
11 lieu de détention préventive et les locaux étaient si exigus qu'on ne
12 pouvait pas s'en servir comme prison. C'était surtout des membres de
13 l'armée qui avaient commis des infractions qui y étaient placés.
14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez déclaré que, outre ces
15 activités concernant l'échange de prisonniers, vous avez fait d'autres
16 choses pour M. Beba. Vous l'avez dit en répondant aux questions posées par
17 Monsieur le Président de la Chambre. Vous avez répondu qu'il vous arrivait
18 de vous trouver en tenue militaire. Pourriez-vous nous parler des autres
19 fonctions qui étaient les vôtres, en votre qualité d'assistant de M. Beba ?
20 Première question : est-ce que vous avez été nommé officiellement à ce
21 poste d'assistant ?
22 R. Non. Je n'ai pas reçu de nomination officielle en tant qu'assistant ni
23 en tant que membre du Groupe opérationnel. Je faisais partie de la
24 Commission d'échange. J'en étais membre. Mais comme il n'y avait pas
25 suffisamment de personnel dans le Groupe opérationnel, ils pouvaient se
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1 servir de tout l'aide qu'ils recevaient.
2 M. LE JUGE SWART : [interprétation] C'était, si vous voulez, un accord
3 pratique informel entre vous, entre la Commission d'échange et M. Beba ?
4 R. Entre M. Beba et moi.
5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Cela représentait combien de temps dans
6 votre journée, ces activités que vous faisiez pour M. Beba ?
7 R. Vous voulez dire dans le Groupe opérationnel ?
8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] En moyenne, sur la semaine.
9 R. Au sein de la Commission d'échange, en fait c'est là que je passais le
10 plus clair de mon temps, et une ou deux fois pendant la semaine, nous
11 avions une réunion en Groupe opérationnel. Nous passions quelques heures à
12 travailler ensemble sur des questions administratives pour lesquelles il
13 avait besoin d'aide. On n'avait pas de jours ouvrables pendant la guerre.
14 Il arrivait qu'on travaille 24 heures sur 24 ou 20 heures. Il arrivait
15 qu'on travaille moins, mais on travaillait en général quand même 12 à 13
16 heures par jour.
17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] L'image qui se forme dans mon esprit
18 n'est pas très claire, j'en ai bien peur. Je vous demandais combien de
19 temps vous consacriez à vos activités pour M. Beba dans d'autres qualités
20 que celle de membre de la Commission d'échange. Quelle était la partie la
21 plus importante de votre travail ?
22 R. Oui, la question est plus claire à présent. Tout à l'heure, je n'avais
23 pas bien compris et c'est la raison pour laquelle peut-être la réponse n'a
24 pas été claire non plus. J'ai dit que je faisais plusieurs heures, deux ou
25 trois fois par semaine, avec M. Beba. Pour ce qui est des choses en
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1 corrélation avec le Groupe opérationnel, il s'agissait, notamment, de
2 sujets administratifs, de rédaction d'ordres par exemple, organisation des
3 transports ou choses de cette nature, et activités liées à l'entraînement
4 des membres de cette compagnie de la police militaire.
5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] C'est, en cette capacité-là, que vous
6 êtes allé à Guca Gora avec Beba ? Vous n'êtes pas allé là-bas en votre
7 qualité de membre de cette Commission chargée des Echanges, n'est-ce pas ?
8 R. Exact.
9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez dit quelque chose pour ce qui
10 est de la rédaction d'ordres pour le compte de M. Beba. Pouvez-vous nous
11 dire de quel type d'ordres il s'agissait ?
12 R. Il s'agissait essentiellement d'ordres qui se rapportaient aux
13 activités de la Compagnie de la Police militaire.
14 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être l'heure est-
15 elle venue de faire la pause. L'Accusation, toutefois, avec tout le respect
16 qui est dû à tout et chacun, doit faire la remarque, compte tenu des
17 réponses apportées par le témoin à l'occasion du contre-interrogatoire, de
18 nous accorder une pause un peu plus longue, peut-être une pause d'une heure
19 et demie pour se préparer aux questions complémentaires à l'intention de ce
20 témoin.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, vous voulez une pause d'une heure
22 et demie ou d'une demie heure ?
23 M. WITHOPF : [interprétation] Si c'était possible, et cela devrait l'être
24 puisque nous n'avons pas d'autres témoins prévus pour la journée
25 d'aujourd'hui, au moins une heure car plusieurs questions ont surgi au
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1 cours du contre-interrogatoire et il nous faut y répondre dans nos
2 questions supplémentaires.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, nous reprendrons l'audience à 11 heures 30.
4 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
5 --- L'audience est reprise à 11 heures 32.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges poursuivent les questions. Je donne la
7 parole au Juge Swart qui va continuer à poser des questions.
8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Nous étions en train de parler de vos
9 activités d'assistant de M. Beba avant la pause. Vous avez dit, notamment,
10 que vous aviez des tâches administratives que vous exerciez pour lui, comme
11 par exemple, avez-vous dit le fait de rédiger des ordres pour la police
12 militaire ?
13 Question suivante : est-ce que vous aviez aussi participé à l'élaboration
14 de rapports par M. Beba ?
15 R. Non.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez rédigé de la
17 correspondance pour M. Beba ?
18 R. Je ne m'en souviens pas.
19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] De façon générale, mis à part le fait
20 que vous avez rédigé des ordres, de quoi vous souvenez-vous s'agissant de
21 vos activités ?
22 R. En sus de cela, nous discutions des activités de cette Commission
23 chargée des Echanges. Dans la période concernée, il y a eu un influx
24 considérable de réfugiés ou de personnes expulsées de cette région de la
25 Krajina de Bosnie. Nous convenions de la coopération à développer avec la
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1 FORPRONU, ainsi qu'avec la Croix rouge internationale.
2 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Avant la pause, vous avez dit que vous
3 faisiez du travail pour M. Beba. Outre vos activités au sein de la
4 Commission chargée des Echanges de prisonniers, vous avez dit que toutes
5 les semaines vous passiez plusieurs heures à travailler pour M. Beba sur
6 d'autres sujets que ceux qui étaient en rapport avec l'échange de
7 prisonniers. C'est là-dessus que portait ma question. Vous avez fourni un
8 exemple. Vous avez donné l'exemple de la rédaction d'ordres pour la police
9 militaire. Je vous demande ce que vous faisiez d'autre.
10 R. Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, dans le courant de la
11 semaine, pendant deux ou trois heures, quelques heures durant, j'ai
12 travaillé avec M. Beba. En sus des ordres, j'ai œuvré en faveur de
13 l'entraînement des membres de cette Compagnie de la Police militaire.
14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Rien d'autre ?
15 R. Non.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez rédigé des ordres, et vous
17 avez fait la formation des fonctionnaires de la police militaire. C'était
18 tout. C'est tout ce que vous faisiez pour M. Beba, mis à part l'échange des
19 prisonniers ?
20 R. Exact.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci. Parlez-moi davantage de ces
22 fonctions de formateur. Est-ce que vous avez enseigné ce que contiennent
23 les conventions de Genève, droit humanitaire international à la police
24 militaire ? Combien de membres de la police avez-vous formés, et au cours
25 de quelle période l'avez-vous fait ? Dites-nous en d'avantage à ce propos.
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1 R. Nous avions œuvré en faveur de cet entraînement, de cette formation de
2 la police militaire, à savoir, la police scientifique de cette police
3 militaire. Il y avait dans ce secteur quatre ou cinq membres de la police
4 militaire, qui avaient reçu un niveau de formation plus élevé. Ils
5 oeuvraient à la collecte des informations. Ils recueillaient des
6 déclarations de témoins. Ils recueillaient des renseignements sur les
7 activités criminelles des membres de l'ABiH. En plus de cela, j'ai
8 travaillé à leur formation pour ce qui est des questions de topographie
9 militaire et de l'armement d'infanterie.
10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] En tout, vous avez formé quatre ou cinq
11 membres de la police militaire, des individus de grade élevé au sein de la
12 hiérarchie militaire. Vous leur avez donné combien de cours sur le droit
13 international humanitaire ?
14 R. En tout et pour tout, il y a eu une dizaine d'heures de travail avec
15 eux sur ces questions-là.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous voulez dire uniquement ce qui
17 concerne le droit de la guerre, pas sur les autres sujets que vous avez
18 mentionnés ?
19 R. Non, pour ce qui est de la loi de la guerre seulement.
20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Quelle était la raison de cet
21 enseignement en matière de droit international humanitaire ? Etait-ce pour
22 interroger des personnes qui avaient été chassées d'autres régions de la
23 Bosnie, ou est-ce qu'il y avait d'autres raisons à cela ?
24 R. La raison en a été celle de faire en sorte qu'ils accomplissent leurs
25 tâches de la façon la plus professionnelle qu'il soit, de la façon la plus
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1 conforme possible aux normes en vigueur, sans préjugé quelconque pour ce
2 qui est de la collecte des renseignements. Il s'agissait, bien entendu, de
3 tenir compte de la nécessité de respecter la personnalité de
4 l'interlocuteur, de ne pas dénigrer quiconque indépendamment du fait de
5 savoir s'il s'agissait là d'un membre de l'ABiH ou d'un membre d'une autre
6 formation militaire quelconque.
7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Savez-vous d'autres choses à propos de
8 l'enseignement du droit international humanitaire à l'ABiH ? Est-ce que
9 vous étiez le seul de ces instructeurs, de ces formateurs, ou il y avait
10 d'autres ?
11 R. Pour ce qui est de ces policiers-là, je sais que c'est moi qui me suis
12 occupé de leur formation, des quatre ou cinq policiers. Pour ce qui est des
13 autres, je ne sais pas. Ce que je sais, c'est qu'il y a eu un ordre en
14 provenance du 3e Corps portant sur le respect des conventions de Genève et
15 des droits et coutumes de la guerre.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je reviens à quelque chose que vous
17 avez dit auparavant avant la pause. Vous avez mentionné le fait que vous
18 aviez rédigé des ordres exigeant le respect des conventions de Genève. Si
19 mes notes ne me trompent pas - si je me trompe, corrigez-moi - vous avez
20 dit qu'à votre connaissance, les organes chargés de la Sécurité, la police
21 militaire, s'efforçaient de respecter et d'appliquer ces ordres dans la
22 mesure du possible. Est-ce bien ce que vous avez dit ?
23 R. Oui.
24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Un peu plus tard, vous avez donné
25 l'exemple de Guca Gora, là où vous avez été témoin du fait que l'église, où
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1 vous aviez été, était protégée par l'armée de Bosnie, protégée de nouvelles
2 dégradations, je suppose. Voici ma question : votre déclaration est des
3 plus générales. Vous avez donné l'exemple de Guca Gora. Etes-vous au
4 courant de l'existence de d'autres exemples ?
5 R. L'église catholique de Travnik est également placée sous la protection
6 de la police militaire et de la police civile de Travnik.
7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] L'avez-vous vu de vos propres yeux, ou
8 le tenez-vous d'une autre source ?
9 R. Je l'ai vu en passant. J'ai vu des membres de la police militaire et
10 civile, qui étaient là à assurer la sécurité de l'église catholique de
11 Travnik. Cette église se trouve au centre de Travnik. Tous les passants
12 pouvaient forcément voir que l'église était placée sous protection.
13 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pourtant votre déclaration est plus
14 générale. Elle porte sur autre chose que la simple protection d'un bien
15 culturel, n'est-ce pas ?
16 R. Bien sûr.
17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Veuillez m'expliquer comment il se fait
18 que vous soyez au courant d'autres aspects du respect et du droit
19 international humanitaire. Je pense, notamment, au traitement réservé aux
20 prisonniers.
21 R. J'ai travaillé au niveau de l'entraînement de ces quatre ou cinq
22 policiers militaires pour ce qui est, de la façon professionnelle, de
23 recueillir des déclarations, sans pour autant qu'ils fassent preuve de
24 préjugés de quelque nature que ce soit, ou sans qu'ils essaient de faire en
25 sorte qu'un prisonnier militaire appartenant à une autre formation, finisse
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1 par être traité de façon autre que celle prévue par les conventions de
2 Genève.
3 Cette formation a été réalisée de façon à ce que les prisonniers de guerre
4 puissent bénéficier d'une protection, et soient interrogés pour recueillir
5 des déclarations sur des circonstances dans lesquelles auraient été commis
6 quelques crimes de guerre, et de conduire la procédure, par la suite,
7 conformément à la loi en vigueur. En parallèle, l'on soulignait
8 l'importance de faire en sorte que ces prisonniers de guerre soient
9 enregistrés auprès de la Croix rouge internationale pour permettre la libre
10 communication de ces gens-là avec les représentants de la Croix rouge
11 internationale.
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] C'est de la théorie, vous le savez
13 aussi bien que moi, Monsieur le Témoin. Cela ne veut pas dire forcément que
14 la pratique soit fidèle à la théorie. C'est que semble sous-entendre votre
15 déclaration pourtant.
16 Vous l'avez dit. C'est pour cela que je vous demande. Vous avez dit que
17 vous faisiez du travail administratif. Si c'est le cas, une question
18 s'impose : comment savez-vous que la pratique soit effectivement conforme
19 au droit international ? Je ne vous demande pas de commentaires, mais, si
20 vous voulez dire quelque chose, allez-y.
21 R. Pour ce qui est de la pratique, je dirais que je n'avais pas accès à
22 toutes ces informations relatives aux activités sur le terrain, ce qui fait
23 que je ne peux pas le confirmer. S'agissant de confirmation de ce que j'ai
24 vu, à savoir, Guca Gora et l'église catholique de Travnik, cela je peux le
25 confirmer, je l'ai vu de mes yeux. Aucun dilemme possible.
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1 M. SWART : [interprétation] Je vous remercie.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Eminovic, je vous rappelle que vous avez
3 prêté serment de dire toute la vérité. Il est bien entendu que, quand vous
4 répondez aux questions, vous dites la vérité. J'ai quelques questions au
5 niveau résiduel à vous demander.
6 Dans le cadre des échanges de prisonniers, est-ce qu'il est arrivé que,
7 dans cette phase d'échange de prisonniers, vous ayez une connaissance
8 d'échange de prisonniers de Moudjahiddines contre des soldats du HVO ? Est-
9 ce qu'à votre connaissance, il y a eu ce type d'échange ?
10 R. Pour autant que je sache, non.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que tous les échanges de prisonniers
12 auxquels vous avez apporté votre concours, ne concernaient uniquement que
13 soit des soldats de l'ABiH, soit des soldats du HVO. C'est bien cela ?
14 R. De l'armée de la Republika Srpska aussi, oui. Je dois dire pour une
15 majeure partie des cas.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Que vous avez traité pour la majeure partie des cas
17 des échanges avec des prisonniers serbes ?
18 R. Exact.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, il n'y a jamais eu d'après
20 vous, des échanges de soldats du HVO contre des ressortissants étrangers ?
21 R. Exact.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à la Défense pour ses
23 questions. Je vais aussi donner la parole à l'Accusation. Je rappelle que
24 la Chambre d'appel a récemment rendu une décision sur le rafraîchissement
25 de la mémoire. Lorsqu'un témoin semble oublier des passages de son
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1 témoignage écrit, l'Accusation peut être amenée à moment-là, à lui
2 présenter son témoignage écrit pour lui rafraîchir la mémoire. Lorsqu'il
3 s'agit a fortiori d'un témoin hostile, l'Accusation est en droit à ce
4 moment-là, de présenter toute déclaration antérieure contredisant. Cette
5 décision de la Chambre d'appel a été rendue il y a quelque temps.
6 Maître Bourgon.
7 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.
8 Avec votre permission, Monsieur le Président, la Défense aimerait
9 s'adresser à la Chambre en l'absence du témoin, au sujet de ce que vous
10 venez de dire concernant la décision de la Chambre d'appel.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame l'Huissière, pourriez-vous faire retirer
12 pendant quelques secondes ou quelques minutes le témoin, et qu'il ne reste
13 pas loin, parce qu'on lui réintroduira.
14 [Le témoin se retire]
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Bourgon.
16 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.
17 Afin d'éviter tout malentendu lors de la poursuite, lors du
18 réinterrogatoire du témoin que nous avons devant la Chambre ce matin,
19 Monsieur le Président, concernant la décision qui a été rendue par la
20 Chambre d'appel, la décision est très claire qu'une déclaration antérieure,
21 donnée à des enquêteurs du bureau du Procureur, peut être utilisée aux fins
22 de rafraîchir la mémoire.
23 Monsieur le Président, de l'avis de la Défense, cela est très différent de
24 vouloir contredire le témoin avec sa déclaration. Rafraîchir la mémoire, de
25 notre avis, Monsieur le Président, c'est de dire, si le témoin ne se
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1 souvient pas d'une question, une question qui n'est pas tendancieuse,
2 c'est-à-dire, qui n'est pas directrice, à ce moment-là, on peut lui montrer
3 son déclaration pour voir :
4 "Aviez-vous oublié ce fait ?" On ne peut pas utiliser cette déclaration
5 pour contredire un témoin. Afin d'éviter toute ambiguïté et tout problème
6 lors de l'audition du témoin, nous aimerions simplement peut-être
7 mentionner ce fait avant de commencer avec ce témoin.
8 Merci, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, je vous remercie.
10 Madame l'Huissière, allez rechercher le témoin. Je vais donner la parole à
11 M. Withopf.
12 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
13 Juges, c'est Mme Benjamin qui va procéder à notre interrogatoire
14 supplémentaire.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce que la Défense vient de dire, l'Accusation
17 n'a pas d'observations ? S'il y a des observations, à ce moment-là, on va
18 être amené à demander au témoin à nouveau à se retirer.
19 M. WITHOPF : [interprétation] Oui. Je voudrais faire quelques observations,
20 Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : On en a encore que pour quelques secondes, mais la
22 procédure est telle que la réponse doit être faite en votre présence.
23 [Le témoin se retire]
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Withopf. Vous avez entendu
25 l'interprétation donnée par la Défense sur la décision de la Chambre
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1 d'appel, à savoir qu'on ne peut produire une déclaration aux fins de
2 rafraîchissement, que pour rappeler au témoin qu'il a fait une déclaration,
3 mais non pas pour l'utiliser pour venir contredire ce qu'il peut dire.
4 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, dans vos remarques
5 liminaires, vous avez réconcilié deux idées à juste titre : celle du témoin
6 hostile et celle du rafraîchissement de la mémoire d'un témoin. Il est bien
7 entendu que l'Accusation n'est pas d'accord avec la Défense. Une fois qu'un
8 témoin est déclaré hostile, l'Accusation peut se servir d'une déclaration
9 préalable du témoin, pas seulement pour lui rafraîchir la mémoire, mais,
10 aussi, pour montrer où se trouvent les contradictions entre la déclaration
11 écrite préalable et les dires du témoin à l'audience.
12 Ici, la situation est différente. Si, au cours de l'interrogatoire
13 supplémentaire, l'Accusation décide qu'il s'agit ici d'un témoin hostile,
14 si on lui montre sa déclaration préalable, c'est pour lui rafraîchir la
15 mémoire, certes, mais, aussi, pour lui montrer qu'il est en contradiction
16 avec sa déclaration écrite, ou pour porter à la connaissance des Juges
17 toute question relative à la crédibilité du témoin. Merci.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, sur la question du témoin hostile.
19 M. BOURGON : Monsieur le Président, mon collègue n'a pas tort. Si le témoin
20 est déclaré hostile, selon une procédure connue en "common law", on peut
21 contredire le témoin avec sa déclaration.
22 Toutefois, Monsieur le Président, la déclaration qu'un témoin est hostile,
23 c'est une décision qui doit être prise par la Chambre à la requête de la
24 partie qui produit le témoin, qui doit invoquer pourquoi ce témoin est
25 hostile, et suite à une déclaration, une décision de la Chambre, à ce
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1 moment-là, les règles changent.
2 En l'espèce, ce témoin n'a rien d'hostile du moins de l'avis de la Défense.
3 Tant qu'il n'est pas déclaré hostile, à ce moment-là, l'utilisation d'une
4 déclaration antérieure ne peut être utilisée que pour rafraîchir la
5 mémoire, est-ce qu'il se rappelle, oui ou non.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce qu'il y a un commentaire à nouveau de la
7 Défense, qui est de dire que si l'Accusation estime que le témoin hostile,
8 encore faut-il qu'elle en fasse état auprès de la Chambre qui, à ce moment-
9 là, dénote du fait que le témoin est hostile. A ce moment-là, l'Accusation
10 est autorisée à lui présenter le document.
11 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, c'est effectivement la
12 procédure qu'il faut suivre. Si l'Accusation décide de faire une requête
13 orale auprès de la Chambre pour que ce témoin soit considéré comme un
14 témoin hostile, elle le fera, mais uniquement en tant que de besoin. Après
15 cela, l'Accusation est autorisée à utiliser la déclaration préalable pour
16 montrer les contradictions pour mettre en cause sa crédibilité, et peut
17 proposer ou procéder à un contre-interrogatoire du témoin.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. La Chambre constate que tout le monde est
19 bien d'accord.
20 Nous allons demander à Mme l'Huissière de réintroduire le témoin.
21 Sur les questions que les Juges avaient posées, je vais donner la parole à
22 l'Accusation si elle veut poser des questions. Ensuite, la Défense
23 interviendra.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin, à la lumière des questions qui
2 avaient été posées par la Chambre et à la lumière des réponses apportées
3 par le témoin, avez-vous des questions à poser au témoin ?
4 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Vous avez la parole.
6 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Merci.
7 Nouvel interrogatoire par Mme Henry-Benjamin :
8 Q. [interprétation] Monsieur Eminovic, s'agissant de la pièce à la
9 caserne, l'endroit que vous aviez avec M. Beba, est-ce que vous pourriez, à
10 l'intention des Juges, expliquer davantage ce qu'il en était. La caserne de
11 Travnik, où était-elle par rapport à l'endroit où vous vous trouviez ?
12 Etait-elle proche ou pas ?
13 R. La question me semble peu claire. Le bureau de cette Commission chargée
14 des Echanges se trouvait à 20 ou 30 minutes de distance de la caserne.
15 Q. Je vous demande maintenant ceci : pendant que vous avez été, et là, je
16 parle de la période allant de janvier 1993 au mois de mars 1994 -- pendant
17 que vous étiez à ces fonctions, est-ce que vous connaissiez la prison -- ou
18 centre de détention car je crois que vous préférez cette expression -- la
19 prison ou le centre de détention de Travnik ?
20 R. S'agissant de la période allant de la mi-1993, époque à laquelle où
21 j'ai eu des contacts avec le Groupe opérationnel jusqu'en février 1994, je
22 sais que, dans la caserne de Travnik, il y avait une garde à vue.
23 Q. Je vous demande alors ceci : vous sembliez connaître l'existence de ce
24 centre de détention. Est-ce que M. Bonic a été le premier cas dont vous
25 avez eu connaissance, que vous avez vu à ce centre de détention ? C'est
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1 cela ?
2 R. Oui. Cela a à peu près été la première fois où je suis allé dans cette
3 salle de garde à vue, de détention provisoire.
4 Q. Après M. Bonic, pourriez-vous dire aux Juges s'il y avait eu d'autres
5 prisonniers se trouvant à cette prison ou à ce centre de détention, comme
6 vous préférez l'appeler ?
7 R. Oui. Il y avait-là des membres de l'ABiH qui se trouvaient accusés
8 d'activités criminelles.
9 Q. Mis à part les membres de l'ABiH, est-ce qu'il y avait d'autres
10 prisonniers appartenant à d'autres armées qui auraient été détenus dans ce
11 centre de détention ?
12 R. Je ne les ai pas vus. J'ai ouï-dire qu'il y avait des personnes, des
13 prisonniers du HVO, qui étaient en attente d'un transfert vers le KP Dom de
14 Zenica.
15 Q. A votre connaissance, est-ce que vous avez, en votre qualité de
16 personne faisant des recommandations pour l'échange de prisonniers, est-ce
17 que vous avez reçu des rapports relatifs à ces personnes dont vous avez
18 entendu parler, par rapport à ces prisonniers du HVO qui se trouvaient dans
19 ce centre ? Est-ce que vous avez reçu des rapports à leur égard ?
20 R. Je n'ai fait aucune espèce de recommandation pour ma part. Les échanges
21 se faisaient essentiellement suite à des demandes formulées par les
22 Commissions chargées des Echanges du HVO, voire de l'armée de la Republika
23 Srpska. Je n'ai pas reçu de rapport, aucun rapport afférent à ce centre.
24 Q. Sauf le respect que je vous dois, Monsieur Eminovic, je pense que vous
25 n'avez pas bien compris ma question. Je vous la répète. En votre qualité de
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1 l'époque, est-ce que vous avez reçu des rapports à propos de prisonniers du
2 HVO détenus dans ce centre de détention de Travnik ?
3 R. Non.
4 Q. Je vais être un peu plus précise. Vous est-il arrivé d'entendre parler
5 de passages à tabac infligés à des prisonniers du HVO dans ce centre de
6 détention de Travnik ?
7 R. On en a parlé, mais je ne l'ai pas vu jusqu'à l'incident avec M. Bonic
8 Krunoslav.
9 Q. Vous avez dit aux Juges de la Chambre que vous, vous aviez de vos
10 propres yeux vu cette prison, ce centre de détention. Pourriez-vous dire
11 aux Juges combien, à peu près, il y avait de prisonniers détenus à un
12 moment quelconque dans ce centre de détention ?
13 R. Autant que je m'en souvienne, dans ces détentions, il y avait trois
14 pièces, deux ou trois pièces. Selon mon avis, il ne pouvait pas être détenu
15 plus de 20 à 30 personnes. Je ne pense pas qu'il y en ait, à quelque moment
16 que ce soit, eu plus de 20 en détention.
17 Q. Pour l'intelligence de la Chambre, pourriez-vous nous dire ceci : A
18 votre connaissance, vu ce que vous venez de dire, c'étaient des prisonniers
19 de l'ABiH ?
20 R. C'était là la pénalité de cette unité de détention. Les membres de
21 l'ABiH qui auraient commis des délits ou des crimes, devaient être gardés
22 là jusqu'à l'achèvement de la procédure d'enquête ou de l'instruction. Les
23 conditions de l'installation n'étaient pas de nature à permettre la
24 détention à long terme. C'est ce que j'ai pu voir au niveau des locaux, il
25 est arrivé que, comme dans l'affaire Bonic, certains membres du HVO étaient
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1 installés là, jusqu'au transfert vers la prison, le KP Dom de Zenica.
2 Q. Merci. Dans une situation idéale, et j'en conviens avec vous, c'était
3 là la vocation de ce centre de détention, mais soyons réaliste, pourriez-
4 vous dire aux Juges ce qui s'est passé dans ce centre ?
5 R. En fait, je n'ai pas d'information sur ce qui se passait dans ce
6 centre-là. Je vous ai dit que, la première fois où je suis allé là sur les
7 lieux, il y a eu cette incident avec Bonic et, autant que je m'en
8 souvienne, il se peut que je sois allé, encore une fois, par la suite, en
9 visite à cette -- à ce centre de détention.
10 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Avec l'autorisation de la Chambre,
11 Monsieur le Président, je voudrais montrer au témoin la pièce de
12 l'Accusation P40.
13 Monsieur le Président, je pense que ceci apparaît grâce au système
14 d'affichage électronique Sanction.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est un document déposé sous pli
16 scellé.
17 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Est-ce qu'il est possible de le faire
18 apparaître à l'écran ? Cela devrait suffire.
19 Je pense que, pour ce faire, il faut passer à huis clos partiel.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous passons à huis clos partiel.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
22 Monsieur le Président.
23 [Audience à huis clos partiel]
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1 (Expurgé)
2 [Audience publique]
3 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation a pris note des observations de la
4 Défense sur le fait que vous n'êtes pas éclairé. La Chambre non plus ne
5 l'était pas. On lui demande de préciser ses fonctions militaires.
6 Manifestement, il ne veut pas nous donner des éléments. Il vaut mieux
7 arrêter là, parce que cela ne servira à rien de continuer à lui poser des
8 questions, l'intéressé refusant de préciser cet aspect militaire. Je lui ai
9 posé la question, le Juge Swart lui également posé la question. Il a dit
10 qu'il aidait M. Salko Beba. Peut-être que l'audition de M. Salko Beba
11 s'imposera, mais cela on le verra par la suite.
12 Continuez.
13 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Il faudra peut-être citer à la barre
14 M. Beba, mais nous pourrions aussi emprunter une autre voie.
15 Je pense que Mme Residovic n'a pas fait preuve d'équité, lorsqu'elle a dit
16 que je pourrais poser la question. J'aurais pu la poser à l'interrogatoire
17 principal. Non, ce n'était pas possible, parce que le témoin n'a pas voulu
18 le faire.
19 Je pense que le moment est venu de vous demander de considérer ce témoin
20 comme étant un témoin hostile afin de pouvoir obtenir sa déclaration. Nous
21 voulons maintenant formuler cette demande oralement pour que ce témoin soit
22 considéré comme témoin hostile.
23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous demanderions
24 de faire sortir le témoin afin que le bureau du Procureur argumente la
25 demande qui vient d'être présentée.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame l'Huissière.
2 [Le témoin se retire]
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous sommes à la phase où l'Accusation envisage de
4 demander à ce que la poursuite dénote le fait que le témoin est un témoin
5 hostile. Quels sont les éléments, Madame Benjamin, qui vous permettent de
6 vous engager dans cette voie ?
7 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, la seule façon
8 qui m'est permise d'obtenir les éléments de preuve, les éléments que nous
9 avait présentés ce témoin, c'est en empruntant cette voie comme l'a dit ma
10 consoeur, j'ai effectué les préparatifs du témoin. Je devrais le savoir. Il
11 était impossible de vous soumettre ces éléments sans le faire de la façon
12 que je viens d'utiliser. Si la Chambre l'avait compris, j'avais beaucoup de
13 peine à obtenir des réponses ce matin, des réponses précises de la part du
14 témoin. Il hésitait beaucoup au niveau de ses réponses, et j'ai dû écourter
15 pour cette raison mon interrogatoire principal. Au moment de ma préparation
16 du témoin, le témoin nous a donné des éléments de preuve qui sont tout à
17 fait différents de ceux qu'il a présentés aujourd'hui. S'agissant de la
18 caserne de Travnik, il nous a parlé des prisonniers du HVO qui étaient
19 détenus, du nombre de prisonniers par cellule, il a parlé des passages à
20 tabac. Cet après-midi, il vient vous dire ici, que jamais il n'a entendu
21 parler de passages à tabac, que jamais il n'est au courant de quoi que ce
22 soit. Au moment de la préparation, lorsqu'on lui a montré les ordres, il a
23 dit ne rien savoir de ces ordres.
24 Monsieur le Président, en ce moment même, j'essaie d'obtenir des
25 exemplaires de ces ordres. Mon collègue me dit que ces exemplaires viennent
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1 d'arriver. Ce sont ici des ordres. J'ai posé des questions au témoin à
2 leurs propos. Il m'a dit de n'avoir pas du tout participé à leur
3 élaboration. Il n'a pas donné d'ordres. Il ne les a pas exécutés. Il ne
4 faisait pas partie prenante. Les ordres mentionnent son nom expressément et
5 sa participation. Il le nie. Pourtant, lorsque ma consoeur lui a présenté
6 deux ordres, il a répondu par l'affirmative. Il a dit connaître ces ordres.
7 Dans sa déposition, il parle de Bonic. Il refuse de d'autre chose qu'il
8 saurait de ce qui lui aurait été rapporté par d'autres témoins. Il insiste,
9 comment dire ? Je pense qu'il ne dit pas la vérité à la Chambre en lui
10 donnant l'impression que ses obligations militaires n'avaient pas de poids,
11 alors que dans ses ordres et dans sa déclaration préalable, il dit le
12 contraire. D'abord, il a dit que jamais il n'avait été officier militaire.
13 Il vient ici, il dit que : "Oui, je suis officier militaire." A un moment,
14 il est civil, et celui d'après il change de tenue, il devient militaire.
15 C'est la raison pour laquelle, Monsieur le Président, je pense qu'il faut
16 présenter la déclaration préalable et les notes de préparation du témoin à
17 celui-ci.
18 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.
19 Monsieur le Président, la requête pour demander à ce qu'un témoin soit
20 déclaré hostile est un geste important de la part d'une partie qui produit
21 un témoin. Cela revient à dire que son propre témoin n'offre pas toute la
22 vérité devant cette Chambre ce matin. Le standard, la démonstration qui
23 doit être faite afin d'obtenir une déclaration d'hostilité. Il est utile de
24 noter, Monsieur le Président, qu'il s'agit d'une première devant cette
25 Chambre. Il s'agit également d'une procédure qui a été très peu utilisée
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1 devant le Tribunal pénal international. Le standard doit être assez élevé.
2 On doit démontrer à la cour, on doit démontrer devant cette Chambre en quoi
3 le témoin est hostile à la partie qui le produit. En l'occurrence, tout ce
4 qu'on vous présente aujourd'hui, ce matin, Monsieur le Président, on vous
5 dit que le témoin a été difficile lors de l'interrogatoire principal, et
6 qu'il a été hésitant. Ce n'est pas suffisant, Monsieur le Président. On a
7 dit qu'il n'offre pas toute la vérité devant cette Chambre, eu égard à la
8 session de préparation qui a eue lieu avant. Monsieur le Président, du côté
9 de la Défense, nous avons la déclaration antérieure de l'accusé. Nous ne
10 voyons pas de différence marquée entre les propos du témoin aujourd'hui et
11 ce qu'on peut retrouver dans la déclaration. Bien sûr, les mêmes mots ne
12 sont pas utilisés, mais si ma consoeur de l'Accusation veut produire la
13 déclaration et dire : "Monsieur le Président, paragraphe 14, le témoin a
14 dit cela à l'enquêteur, et ce matin, il nous dit cela. Pour ces raisons, je
15 demande à le contre-interroger."
16 Un tel test -- une telle démonstration, Monsieur le Président, pourrait
17 mener à une déclaration d'hostilité. Par contre, de dire que le témoin a
18 répondu autrement lors d'une session avec l'Accusation, c'est une question
19 qui va à la crédibilité du témoin, que la Chambre est en mesure d'évaluer.
20 La Chambre a eu l'occasion de poser des questions au témoin. Nous avons
21 procédé au contre-interrogatoire. Il y a eu un interrogatoire principal de
22 même qu'un très long
23 réinterrogatoire. Monsieur le Président, nous avons très bien l'idée de ce
24 que peut ou ne peut pas apporter ce témoin. Il est utile de retourner sur
25 certaines de ses réponses. Le témoin a parlé de son rôle militaire. Le
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1 témoin a dit ce qu'il faisait avec M. Beba. Il a dit qu'il faisait des
2 demandes de transport. Il a dit qu'il rédigeait des ordres. Il a dit
3 qu'elle était la composante militaire de son travail. En aucun temps, il a
4 refusé de répondre à une question concernant la nature militaire de son
5 travail. Il a également apporté certaines clarifications au fait qu'il
6 travaillait à la fois pour la commission, et également en tant qu'adjoint à
7 M. Beba. Il a également expliqué pourquoi il travaillait pour M. Beba.
8 Parce que le personnel confié à M. Beba dans l'exécution de ses tâches
9 était insuffisant, il a fait appel à toutes les ressources. Nous sommes au
10 milieu d'une guerre, tout le monde travaille 20 heures par jour, il a deux
11 emplois, il a expliqué. Il a expliqué ses connaissances en fonction de ce
12 qu'il savait des prisonniers, de ce qu'il savait de ses fonctions qui, de
13 notre point de vue, il n'y a pas de différence marquée avec sa déclaration
14 antérieure. Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, nous sommes
15 d'avis que la poursuite n'a pas atteint le standard nécessaire pour obtenir
16 une déclaration d'hostilité de ce témoin. Merci, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
18 Les autres Défenseurs. Monsieur Dixon.
19 M. DIXON : [interprétation] Merci. Pas d'autres observations. Nous
20 reprenons ce que vient de dire Me Bourgon. Merci.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre va se retirer quelques minutes, que
22 personne ne bouge. Nous allons revenir pour indiquer la décision.
23 ---La pause est prise à 12.36
24 ---La pause est terminée à 12.42
25 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre va rendre sa décision sur la requête
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1 formée par l'Accusation, tendant à ce que la Chambre constate ce jour que
2 ce témoin lui est devenu hostile, et qu'à cet effet, elle souhaiterait
3 présenter au témoin sa déclaration écrite ainsi que tout document utile.
4 La Chambre a constaté que la Défense s'y est opposée en explicitant sa
5 thèse, en indiquant qu'il n'y a aucune raison de considérer que ce témoin
6 est hostile. Compte tenu de l'importance du problème soulevé, la Chambre
7 est d'avis qu'il convient d'interrompre l'audience de ce jour, et de
8 permettre à la Chambre de rendre sa décision demain à 9 heures.
9 Nous allons faire réintroduire le témoin, lui dire qu'il doit rester, et se
10 représenter demain à 9 heures, en continuation.
11 A ce stade, il n'y a pas lieu d'intervention, puisque notre décision sera
12 rendue demain à 9 heures.
13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Eminovic, vous avez été amené à quitter la
15 salle d'audience parce que cela posait un problème de procédure. Ce
16 problème, nous devons le trancher. Nous le trancherons à la reprise de
17 l'audience demain à 9 heures, ce qui va malheureusement pour vous, vous
18 amener à rester cet après-midi et ce soir à La Haye, et à revenir demain à
19 9 heures.
20 Je vous demande de prendre vos dispositions pour être présent demain à 9
21 heures, en continuation de votre interrogatoire.
22 Je vais demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner à la
23 porte de la salle d'audience.
24 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, avant le départ --
25 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation a quelque chose à indiquer, avant votre
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1 départ.
2 Oui, Monsieur Withopf.
3 M. WITHOPF : [interprétation] Oui. Il faudrait peut-être que la Chambre
4 dise au témoin que ce dernier n'est autorisé à parler à aucune des parties.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela va de soi, il vaut mieux de préciser. Je vous
6 indique que d'ici à demain, vous ne devez prendre contact avec personne,
7 personne ne doit entrer en contact avec vous. Vous pouvez maintenant
8 disposer.
9 [Le témoin se retire]
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme je l'indiquais, nous rendrons notre décision à
11 l'ouverture de demain, à 9 heures. Dans ces conditions, je vais clore
12 l'audience. Maître Bourgon voulait intervenir sur un sujet.
13 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Rapidement, la première chose,
14 la Chambre, souhaite-elle recevoir des arguments supplémentaires par écrit,
15 ce que nous pourrions pas avoir avant
16 4 heures --
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Non, ce n'est pas la peine.
18 M. BOURGON : Deuxième chose, Monsieur le Président, pourrions-nous avoir
19 des informations additionnelles concernant le calendrier des témoins, suite
20 aux discussions qui ont eu lieu lors du session d'hier ? Merci, Monsieur le
21 Président.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, concernant le calendrier, hier,
23 l'Accusation nous a bien explicité ce qu'elle comptait faire, mais je vais
24 lui redonner la parole concernant le calendrier, étant précisé que ce
25 témoin revient mercredi -- demain matin.
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1 M. WITHOPF : [interprétation] A cette fin, pourrions-nous passer à huis
2 clos partiel, Monsieur le Président ?
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Passons à huis clos partiel.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
5 Monsieur le Président.
6 [Audience à huis clos partiel]
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15 --- L'audience est levée à 12 heures 56 et reprendra le mercredi 21 avril
16 2004, à 9 heures 00.
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