International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 28 avril 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, pouvez-vous appeler le numéro

6 de l'affaire, s'il vous plaît.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-01-47-T, le Procureur contre

8 Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander aux représentants de l'Accusation

10 de bien vouloir se présenter.

11 M. WITHOPF : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

12 Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge. Je salue les avocats de la

13 Défense. Je m'appelle Ekkehard Withopf. Je suis accompagné de Daryl Mundis

14 et de Ruth Karper.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander aux avocats des accusés de bien

16 vouloir se présenter.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

18 Madame et Monsieur les Juges. Nous défendons les intérêts de M.

19 Hadzihasanovic. Je m'appelle Edina Residovic, conseil principal,

20 accompagnée de Stéphane Bourgon, co-conseil, et de Mme Milanovic, notre

21 assistante.

22 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Nous

23 défendons les intérêts de M. Kubura. Nous sommes Rodney Dixon, Fahrudin

24 Ibrisimovic et Nermin Mulalic, notre assistant juridique.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour aux représentants de l'Accusation, les

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1 avocats, les accusés, tout le personnel de la salle d'audience présent,

2 ainsi que le personnel qui se trouve à l'extérieur de cette salle

3 d'audience.

4 En cette matinée pluvieuse, nous avons poursuite des audiences consacrées

5 aux documents. Hier, nous n'avons pu mener à bien l'ordre du jour qui

6 comportait trois points. Il restait à aborder la question de la pertinence.

7 Par ailleurs, hier, la Défense nous a indiqué qu'elle avait l'intention

8 d'évoquer plusieurs documents. Nous avons reçu, pas plus tard qu'il y a

9 quelques minutes, le listing établi tant par les Défenseurs de chaque

10 accusé. Contrairement à ce qui avait été dit hier, il y a beaucoup moins de

11 documents qu'on s'attendait. Quoi qu'il en soit, il y a un certain nombre

12 de documents qui sont bien référenciés par rapport à la liste consolidée de

13 l'Accusation. Cela commence par le numéro 38 -- 3538, et se termine par le

14 numéro 639. C'est le document qui nous a été fourni par les Défenseurs de

15 M. Hadzihasanovic. Par ailleurs, M. Dixon, au nom de M. Kubura, nous a

16 également fourni une liste de documents.

17 J'ai cru comprendre que la tardivité de ce listing est susceptible de poser

18 quelques problèmes à l'Accusation. A cette fin, je vais donner la parole à

19 M. Withopf pour qu'il nous explique la difficulté et sa proposition.

20 M. WITHOPF : [interprétation] Grand merci, Monsieur le Président.

21 Malheureusement, c'est un fait, la Chambre de première instance et

22 l'Accusation viennent de recevoir ce listing, répertoriant les documents

23 dont veut discuter la Défense aujourd'hui, que très tard hier soir. Il

24 était 7 heures moins 06 hier soir, et c'est à ce moment que j'ai reçu un

25 courrier électronique, le même que celui qui a été envoyé aux Juristes de

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1 la Chambre, dans lequel étaient énumérés 36 documents, dont les avocats de

2 M. Hadzihasanovic voulaient discuter aujourd'hui au cours des débats. Hier,

3 il était 6 heures 30 lorsque je me suis enquis auprès de la Défense de M.

4 Kubura pour demander si ce qui avait été promis hier vers 14 heures, à

5 savoir, cette liste, serait disponible dans l'heure. A 6 heures 30, du fait

6 de ma recherche, on m'a informé oralement de 18 documents dont ils

7 voulaient discuter.

8 S'agissant de la liste élaborée par les avocats de

9 M. Hadzihasanovic, elle suit le système de numérotation que l'Accusation a

10 repris pour sa liste détaillée de pièces, et ceci constitue la base des

11 débats d'aujourd'hui. Ce sont les documents contestés. Il m'a fallu plus

12 d'une heure pour finir par comprendre quels étaient les documents dont

13 voulait discuter la Défense. Il m'a fallu encore plus de temps pour essayer

14 de repérer l'emplacement de ces documents dans les classeurs.

15 Une fois retrouvés ces documents, je me suis rendu compte que parmi ces

16 documents dont veut discuter la Défense, il y en a un bon nombre, et là

17 c'est un autre thème, qui sont des photocopies et dont la signature n'est

18 pas lisible. Les deux équipes de la Défense ont fourni ces renseignements,

19 la liste à l'Accusation, à un moment où il était impossible pour

20 l'Accusation de se préparer en bonne et due forme pour les débats

21 d'aujourd'hui. Pour bien se préparer, il aurait fallu discuter des éléments

22 dont veut discuter la Défense aujourd'hui avec des enquêteurs, des

23 analystes. Le point principal, et là c'est la question des mauvaises

24 photocopies de médiocre qualité ou des signatures illisibles, là c'est un

25 fait, nous ne pouvons discuter de ces documents qu'une fois en possession

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1 des originaux. Les deux parties à ce procès savent très bien que, quand il

2 est 20 heures 30, il n'est pas possible d'obtenir ces documents du coffre

3 où sont conservés les originaux. Cela veut dire que c'est ce matin, ce

4 matin seulement à 9 heures, puisque, entre 20 heures 30 et 9 heures,

5 l'Accusation n'a pas pu voir ces documents. C'est ce matin seulement que

6 l'Accusation aurait pu se présenter, ce qu'elle n'a pas pu faire.

7 A cet égard, je vous renvoie à la déclaration de M. Robert Reid qui a été

8 remise hier, septième paragraphe. Il y ait dit : "Qu'au cours du scannage

9 et du processus de reconnaissance optique, il se peut que des parties

10 soient perdues." C'est un risque qui est vrai lorsqu'on imprime à partir

11 d'un système électronique d'un document qui a été saisi sous forme

12 électronique. C'est davantage le risque que si on a l'original, c'est

13 évident.

14 Etant donné qu'on a reçu les documents très tard hier soir, je ne suis pas

15 en mesure de vous aider, Madame, Monsieur les Juges, pour ce qui est de la

16 décision que vous allez devoir prendre s'agissant de ces documents retenus

17 par la Défense. J'aurais pu le faire si j'avais eu la liste plus tôt et si

18 j'avais été informé à temps.

19 Je voulais vous manifester mes inquiétudes, et je voulais vous demander de

20 reporter la discussion sur ces documents sélectionnés par la Défense

21 demain.

22 J'ai fait référence aux documents de La MCCE. Nous avons eu une situation

23 tout à fait analogue déjà. La Défense a bénéficié d'un temps suffisant pour

24 se préparer. Je pense que ce même principe devrait aussi s'appliquer à

25 l'Accusation. C'était une situation tout à fait malencontreuse, car c'est

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1 une perte du temps d'audience, et que celui-ci représente une perte de

2 temps inutile, mais qui est provoquée par la Défense uniquement.

3 J'ai essayé de trouver une solution hier soir, mais je ne peux pas être

4 préparé comme il le faudrait que je fasse pour respecter ma profession, si

5 je le faisais maintenant.

6 L'Accusation se réserve de toute façon, tout du moins le droit au cours de

7 cette procédure, de faire d'autres observations.

8 Je vous remercie, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Withopf.

10 La Chambre a écouté vos explications. Vous nous avez indiqué que vous avez

11 reçu tardivement la liste, et vous n'avez pas été en mesure d'extraire

12 lesdits documents, notamment, les documents originaux pour faire des

13 vérifications et vous préparer à l'échange qui, dans le cadre du débat

14 contradictoire, ne manquera pas d'intervenir. Vous suggérez que nous

15 abordons demain cette question concernant le listing.

16 Pendant que vous parliez, j'ai pris ma calculette et j'ai listé 36

17 documents émanant de la Défense de M. Hadzihasanovic et

18 16 documents émanant des Défenseurs de M. Kubura. Je constate, sauf erreur

19 de ma part, apparemment il y a deux documents qui se retrouvent dans les

20 deux listings; les documents 8 et 123. Ce qui fait qu'au total le débat

21 portera sur 50 documents. C'est beaucoup moins que nous estimons.

22 Dans la mesure où les Juges ne voient aucun inconvénient --

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges ne voient aucun inconvénient à ce

25 que le débat portant sur les documents ait lieu demain. Ce qui veut dire

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1 que, demain, on examinera sur les documents, je ne parle pas des thèmes,

2 l'examen des 50 documents.

3 Il serait d'ailleurs souhaitable, me semble-t-il, que, demain,

4 l'Accusation soit en possession des originaux dans la mesure où elle les,

5 afin que le cas échéant, dans le cadre du débat, on puisse de visu

6 constater l'original. Pourquoi ? Vous savez tous, vu votre

7 professionnalisme, qu'un document photocopié, la photocopie ne retrace pas

8 la réalité d'un document, ne serait-ce que comme il s'agit des ordres

9 émanant de l'armée, il y a des tampons. Parfois les tampons, il y a des

10 couleurs, des couleurs de cachées et la photocopie, bien qu'il y ait des

11 photocopies en couleur, mais les moyens limités de l'Accusation ne lui

12 permettent pas d'avoir des scanneurs en couleur, la couleur peut être

13 parlante. Un document avec des indices de fiabilité, si on s'aperçoit qu'il

14 y a des tampons de couleurs différentes, cela peut être un indice

15 supplémentaire; d'où l'intérêt de regarder l'original.

16 D'ailleurs, il aurait été préférable, dans un sens plus général, que

17 ce soit les originaux qui soient versés et non pas les copies. C'est une

18 vue peut-être idéaliste, mais, quand il s'agit de documents, c'est

19 l'original qui doit être versé car c'est l'original qui permet le débat

20 contradictoire.

21 On a 50 documents qui sont bien listés. Si, Monsieur Withopf, vous

22 pouvez demain venir avec des originaux, ce sera une bonne chose. Est-ce

23 que, concernant les originaux, est-ce que l'Accusation peut nous dire

24 qu'elle pourra venir avec les originaux demain ?

25 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

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1 les Juges, si cette demande se limite aux quelques

2 50 documents dont veut discuter la Défense demain, je prévois que ceci

3 devrait être possible. Toutefois, si la requête s'applique à tous les

4 documents, je pense que ce serait un peu une gageure puisque,

5 effectivement, à ce moment-là, il faut demander chacun des documents.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Contentons-nous des 50 documents qui vont faire

7 l'objet des débats et, à partir des originaux, on verra. Cela sera déjà un

8 premier pas car l'original nous permettra de mieux apprécier la qualité de

9 la frappe des machines à écrire qui ont frappé ces ordres et on aura une

10 meilleure vue desdits documents, sur ce qu'on peut appeler les indices

11 externes de fiabilité.

12 Demain, nous examinerons ces documents.

13 Il serait également souhaitable, Monsieur Withopf -- les six ou sept

14 documents relèvent du classeur numéro 1. Il serait également souhaitable

15 que vous nous indiquiez dans quel classeur se trouve le document pour qu'on

16 puisse saisir le classeur, qui est juste derrière nous. A priori, cela ne

17 devrait pas poser de difficultés pour le maniement desdits documents.

18 Nonobstant cette question des documents, on peut, néanmoins, poursuivre sur

19 les thèmes qui restent à l'ordre du jour, c'est-à-dire, la question de la

20 pertinence, les problèmes généraux liés à l'Article 89(D). Je dis

21 "généraux" parce que je présume, sans savoir ce que va nous dire la Défense

22 sur les documents, que demain on va nous dire que ces documents, si

23 l'admissibilité était prononcée, porteraient atteinte aux droits des

24 accusés, au sens de l'Article 89(D). Je présume -- ce n'est qu'une

25 supposition -- mais, néanmoins, il faudra aborder, sur un plan plus

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1 général, la question du 89(D), que vous avez d'ailleurs évoqué dans votre

2 listing que vous nous avez fourni, puisque plusieurs documents sont dans la

3 colonne L, c'est-à-dire, il y a R89(D). La Défense nous donnera sa

4 position, sur un plan général, sur l'appréciation qu'elle fait du 89(D).

5 Ensuite, le troisième thème sera lié, la question de l'avis de la Défense,

6 quels sont les documents qui doivent être introduits par témoin. Peut-être

7 que la Défense nous dira non pas les 500 documents, parce que l'exercice

8 serait inutile, mais, après avoir réfléchi, la Défense pourra peut-être

9 nous dire, concernant certains documents, quels sont les documents qui

10 pourront, uniquement, être introduits que par témoin.

11 A titre d'exemple, je cite le cas du témoin qui a été retiré, le

12 (Expurgé), dont certains documents devaient être joints lors de ce

13 témoignage, et je pense que c'est un cas possible.

14 Monsieur Withopf.

15 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous

16 pourrions passer à huis clos partiel ?

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, nous allons passer à huis clos partiel.

18 Nous sommes à huis clos partiel. Monsieur Withopf, vous avez la parole.

19 [Audience à huis clos partiel]

20 (Expurgé)

21 (Expurgé)

22 (Expurgé)

23 (Expurgé)

24 (Expurgé)

25 (Expurgé)

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1 (Expurgé)

2 (Expurgé)

3 (Expurgé)

4 (Expurgé)

5 (Expurgé)

6 (Expurgé)

7 (Expurgé)

8 [Audience publique]

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons aborder le troisième point, qui était la

10 pertinence, à moins que Me Bourgon veuille intervenir sur d'autres

11 problèmes avant d'aborder la pertinence.

12 Vous avez la parole, Maître Bourgon.

13 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Madame le Juge.

14 Bonjour, Monsieur le Juge. Monsieur le Président, l'Accusation vient de

15 faire des allégations concernant la conduite de la Défense dans la

16 préparation de l'audience de ce matin. Il est difficile de répondre à ces

17 allégations que nous croyons assez sérieuses et tout à fait sans fondement.

18 Mais, Monsieur le Président, nous croyons qu'il est de notre devoir de le

19 faire.

20 J'aimerais aborder, tout premièrement, la question de la numérotation sur

21 la liste qui a été remise à l'Accusation.

22 La semaine dernière, Monsieur le Président, la Défense a fait une

23 proposition à l'Accusation d'échanger les listes électroniques de

24 documents, c'est-à-dire, les documents qui avaient été soumis -- les listes

25 qui avaient été soumises par la Défense et l'Accusation, de façon à pouvoir

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1 construire un tableau conjoint des deux listes. L'Accusation a accepté

2 notre proposition. Nous avons échangé les listes électroniques. Nous avons

3 construit un tableau conjoint, que j'ai devant moi ici. Ce tableau,

4 Monsieur le Président, est la liste de l'Accusation, qui ne comprend pas

5 cette nouvelle numérotation des exhibits contestés. Hier, c'est la première

6 fois que nous avons vu cette numérotation. Lorsque nous avons reçu lesdits

7 documents, nous nous sommes, en fait, aperçu qu'une nouvelle numérotation

8 existait puisque, devant chaque item -- chaque document, existait une page

9 qui disait, "prosecution number contested exhibit". Nous avons continué,

10 pour notre part, Monsieur le Président, à utiliser le numéro qui est devant

11 la Chambre depuis toujours, soit le numéro interne du Procureur, le numéro

12 de PT et le numéro de ERN. Nous avons continué à utiliser cette

13 numérotation jusqu'à hier, au début de l'audience. Nous avons reçu la liste

14 du Procureur, amendée avec la nouvelle numérotation des exhibits contestés.

15 Nous croyons, Monsieur le Président, que le fait d'utiliser cette

16 liste ne comporte absolument aucune -- aucune confusion et aucun retard, et

17 qu'il est très facile de se référer aux pièces qui ont été identifiées par

18 la Défense. Toutefois, Monsieur le Président, il s'agit, à notre avis, d'un

19 point tout mineur.

20 Ce qui est plus important, Monsieur le Président, c'est qu'hier, en

21 fait, les listes de documents ont été remises à l'Accusation au cours de --

22 entre 18 et 19 heures, dans un cas, par écrit de notre part, dans un autre

23 cas, de façon orale. Toutefois, Monsieur le Président, il est important de

24 retourner au but visé par ces listes. Ces listes n'ont jamais été la

25 condition avant les audiences d'hier, c'est-à-dire que le but de la liste

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1 avait deux objectifs : premièrement, permettre à la Défense de réduire le

2 nombre de pièces qui seraient discutées, de façon à éviter toute perte de

3 temps. Hier, j'ai indiqué à la Chambre que nous avions au-delà de 80

4 pièces, mais que nous allons tenter de faire de notre mieux pour diminuer

5 le nombre de pièces de façon à gagner du temps et être certains de finir

6 dans les temps requis. C'est ce que nous avons fait.

7 Lorsque mon confrère de l'Accusation a téléphoné hier à 18 heures 30,

8 je lui ai dit : "J'y travaille et j'ai presque fini." Nous avons, dès la

9 fin de l'audience, nous nous sommes attachés -- nous nous sommes engagés à

10 regarder ces documents, de façon à réduire la liste et à agir de façon

11 professionnelle avec toute la diligence voulue.

12 La deuxième raison pour laquelle nous voulions cette liste hier, Monsieur

13 le Président, c'était pour permettre, à tous et chacun, de prendre le

14 document du classeur et être prêt pour ce matin. Jamais, il n'a été

15 question de faire une telle liste avant. Les audiences concernant

16 l'admissibilité des documents sont prévues depuis déjà très longtemps.

17 L'Accusation se devait d'être prête, hier et aujourd'hui, à discuter chacun

18 des documents, qui sont devant cette Chambre. Aujourd'hui, l'Accusation

19 nous dit qu'elle n'est pas prêt à procéder à la discussion des documents,

20 et elle tente, essentiellement, qui nous fait un peu -- sortir un peu du

21 cadre -- du fait, qu'on nous fait dire que cela est la faute de la Défense.

22 Monsieur le Président, ce n'est pas la faute de la Défense.

23 Ensuite, Monsieur le Président, nous aimerions bien souligner un

24 détail important. Mon confrère a souligné qu'il voulait -- peut-être qu'il

25 serait nécessaire d'apporter, devant la Chambre, tous les documents.

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1 J'aimerais simplement souligner, Monsieur le Président, que nous allons

2 discuter d'une cinquantaine de documents, il est vrai. Toutefois, la

3 Défense a soulignée hier que ces 50 documents ne sont pas la liste diminuée

4 des documents contestés, mais ce sont des exemples, de façon à permettre à

5 la Chambre de se prononcer sur tous les documents contestés, ce sont des

6 exemples de façon à ce que les exemples pourront être utilisés par la

7 Chambre qu'au moment de rendre sa décision. La liste des documents

8 contestés n'est pas diminuée pour autant --

9 Enfin, Monsieur le Président, nous sommes tout à fait de l'accord avec la

10 Chambre de procéder aujourd'hui aux arguments oraux sur les deux thèmes.

11 Nous croyons que nous pourrions faire le thème de la pertinence et,

12 ensuite, joindre les deux autres thèmes ensemble, soit l'Article 89(D) du

13 règlement, de même que la question de la nécessité d'un témoin. Je crois

14 que ces deux thèmes pourraient être discutés ensemble avantageusement, de

15 façon très rapide, de façon à permettre aux deux parties d'être prêts pour

16 l'audience de demain.

17 Merci, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci, Maître Bourgon.

19 Maître Dixon.

20 M. DIXON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

21 Madame, Monsieur les Juges. Aux fins du dossier, je tiens attirer une chose

22 au clair. Les avocats de M. Kubura ont envoyé un courrier électronique hier

23 à votre Juriste de la Chambre, ainsi qu'à M. Withopf du bureau du

24 Procureur, à 17 heures 14. J'en ai une copie de ce courrier.

25 Malheureusement, on a mal épelé le nom de M. Withopf, c'est pour cela qu'il

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1 n'a pas reçu ce courrier à 17 heures 14, mais ce courrier est parvenu à

2 cette heure-là à votre Juriste de la Chambre, et c'est de ce fait-là qu'on

3 a appelé par téléphone M. Withopf et moi-même, et j'ai veillé à ce que son

4 nom soit bien épelé pour qu'il obtienne les documents dans les meilleurs

5 délais.

6 Je voulais simplement préciser pour le dossier que nous avons vraiment tout

7 fait pour veiller à ce que ces renseignements soient fournis le plus

8 rapidement possible.

9 Permettez-moi d'ajouter ceci : comme M. Bourgon, je suis quelque peu

10 surpris de voir l'Accusation soulever cette question, alors que c'est à

11 l'Accusation qui le revient de vous expliquer que vous l'avez dit, à

12 maintes reprises, pourquoi il faudrait verser tous ces documents. On leur a

13 demandé de venir en prétoire, équipée de tous leurs documents. Il revient à

14 l'Accusation d'expliquer pourquoi ces documents sont pertinents et

15 authentiques.

16 S'agissant, par exemple, d'un document illisible, dans notre première

17 réponse, il y a beaucoup de -- nous avons indiqués quels étaient ces

18 documents illisibles, et vous avez ordonné à l'Accusation d'expliquer

19 pourquoi ces documents étaient illisibles. Ce n'est qu'un exemple.

20 Cependant, dans les réponses fournis hier, il y a eu beaucoup de

21 questions qui se restaient sans réponse de la part de l'Accusation. C'est

22 pour cela que nous avons choisi à titre illustratif certains documents pour

23 vous montrer, Madame et Messieurs les Juges, qu'elle était, en fait, les

24 problèmes pour ne pas rester dans le domaine de la théorie, mais pour

25 donner des exemples concrets afin de faire ramasser les choses.

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1 Merci.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur Dixon, dans les numéros que vous

3 indiquez sur votre listing, 4, 6, 8, 9, est-ce que ces numéros sont les

4 mêmes que ceux de Me Bourgon ? Est-ce que ce sont les mêmes que ceux du

5 Procureur, concernant -- internant le "OTP number" ? Est-ce que c'est la

6 même colonne que celle du Procureur ? Je pense que oui, mais confirmez-le

7 parce que le numéro 4 -- prenez l'exemple, le numéro 4 correspond à quoi,

8 d'après vous ?

9 M. DIXON : [interprétation] Oui, vous avez raison, Monsieur le Président.

10 Nous avons utilisé les cotes de la liste contestée, qui sont les premiers

11 chiffres qui se trouvent face ou au regard de chaque pièce à conviction. Il

12 est tout à fait clair, et nous savons à quel document nous faisons

13 référence.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Une petite précision, Maître Dixon. Vous avez dit 17

15 heures 14. Dans le document, c'est 6 heures 14. Est-ce qu'il y a une

16 question d'heure GMT dans votre document ? C'est 18 heures 14, et non pas

17 17 heures 14.

18 M. DIXON : [interprétation] Monsieur le Président, la copie du courrier

19 électronique, que j'ai, nous donne comme heure 17 heures 14, et je me

20 souviens que c'est à cette heure-là, à 17 heures 14, que j'ai envoyé ce

21 courrier.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document que j'ai, j'ai 6 heures 14, pas 17

23 heures 14. Tenez. Le Juriste de la Chambre va vous montrer que c'est 6

24 heures 14. Mme l'Huissière va vous montrer. Vous, vous avez 17 heures 14;

25 moi, j'ai 6 heures 14.

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1 M. DIXON : [interprétation] Peut-être que nous pourrions échanger les

2 documents, pour indiquer que c'est à 17 heures 14 que nous avons bel et

3 bien envoyé cette courrier électronique.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, le document, que vous avez, porte 17

5 heures 14, et le document que j'ai, c'est 6 heures 14. Il y a un mystère.

6 Vous avez tout à fait raison. Le document, "17 heures 14", est celui que je

7 vous montre -- il y a bien 6 heures 14. C'est d'autre -- il y a un mystère.

8 M. DIXON : [interprétation] Je pense que c'est probablement l'horloge de

9 l'ordinateur qui était sur un horaire --

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a un --

11 M. DIXON : [interprétation] -- Monsieur le Président, mais, ceci étant dit,

12 je peux confirmer que, lorsque le courrier électronique a été envoyé,

13 j'étais moi-même présent, et c'était 17 heures 14.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous estimez document que la Chambre peut considérer

15 votre document comme fiable.

16 Concernant le fond, Maître Bourgon, je pense que l'Accusation voulait du

17 temps pour demain, non pas parce qu'elle a été saisie tardivement, mais je

18 crois que c'est en raison des problèmes surtout de fond qu'elle voulait

19 évoquer.

20 Est-ce que, Monsieur Withopf, vous voulez répondre ? Ou vous confirmez un

21 peu ce que la Chambre a dit, à savoir que vous vouliez du temps pour vous

22 préparer sur le fond et non pas tant sur la question de forme, parce que

23 vous avez été saisie qu'à 19 heures ?

24 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi

25 brièvement de réagir.

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1 Après l'intervention de mon estimé confrère, les faits restent le même.

2 L'Accusation a obtenu cette liste à une heure fort tardive hier.

3 Malheureusement du fait de la mauvaise orthographe de mon nom, je n'ai reçu

4 aucun courrier électronique de la part des avocats de M. Kubura hier.

5 Dès le début, les Juges de la Chambre de première instance avaient indiqué

6 que nous parlerions des catégories de documents, et non pas de documents

7 particuliers. Par conséquent, l'Accusation n'a pas besoin de se préparer,

8 comme le suggère la Défense, pour tous les documents. Nous avions toujours

9 parlé des catégories. C'est pour cela que je ne suis pas d'accord avec les

10 suggestions avancées par mes confrères de la Défense, qui indique que

11 l'Accusation devrait être ou aurait du être en mesure de discuter de chacun

12 des documents. Ceci étant dit, je peux tout à fait, pour satisfaire aux

13 desideratas exprimés par la Chambre de première instance, je peux tout à

14 fait être en mesure de discuter des catégories, et je suis tout à fait prêt

15 à discuter de ces trois thèmes qui se trouvent à notre ordre du jour

16 d'aujourd'hui. Ceci étant dit, du fait que j'ai obtenu hier soir à une

17 heure tardive la liste, je ne serais pas en mesure d'étudier ou de donner

18 mon avis sur les documents particuliers. C'est pour cela qu'une fois de

19 plus, je demande que nous puissions surseoir à la discussion de ces

20 documents et ce, jusqu'à demain.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Concernant les documents, nous les évoquerons comme

22 il a été indiqué, demain. Nous allons pouvoir aborder la question de fonds

23 qui concerne la pertinence.

24 Je vais donner la parole à M. Withopf, qui va nous indiquer,

25 concernant la pertinence, quelles sont ses raisons qui motivent pour lui le

Page 6280

1 versement dans la procédure de l'ensemble de ces pièces. S'il compte

2 demander le versement, c'est qu'au regard de la pertinence, il estime que

3 tous ces documents sont pertinents. C'est dans ce sens que nous allons

4 l'entendre. Ensuite, la Défense, sur le point plus général, la pertinence,

5 nous fera part de ses observations. S'il y a des questions de pertinence

6 qui devront être évoquées document par document, ce sera demain au travers

7 des 50 documents, si la question, le cas échéant, peut se poser pour

8 lesdits documents.

9 Monsieur Withopf, pour la pertinence, vous avez la parole.

10 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

11 Juges, je vais, effectivement, parler de la pertinence à la suite de la

12 contestation présentée par les avocats de la Défense à ce sujet.

13 La Défense, de façon qui est très souvent stéréotypée, a contesté un

14 certain nombre de documents pour plusieurs raisons. Notamment, il y a

15 quatre raisons essentielles. La première étant que cela ne correspond pas à

16 la période couverte par l'acte d'accusation. Il s'agit de manque de

17 pertinence du fait des dates; deuxièmement, et c'est la deuxième raison, il

18 s'agit d'événements extérieurs au

19 3e Corps, à la 7e Brigade musulmane; troisièmement, il a été indiqué que

20 cela n'était pas afférent aux allégations qui se trouvent dans l'acte

21 d'accusation, où cela a été formulé de façon différente quant au fonds;

22 quatrièmement, il a été question du manque de renseignement relatif à la

23 réception de ce document.

24 Monsieur le Président, pour ce qui est des deux premiers thèmes, nous

25 les avons déjà partiellement abordés hier, pour ce qui est de la période

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1 couverte par l'acte d'accusation et pour ce qui est de tout document qui

2 est externe en quelque sorte au 3e Corps et à la 7e Brigade musulmane. C'est

3 pour cela que je souhaiterais succinctement présenter le point de vue ou

4 l'avis de l'Accusation.

5 Pour ce qui est de la période qui n'est pas couverte par l'acte

6 d'accusation, il s'agit d'une observation d'ordre général qui, d'après

7 l'Accusation, doit être réfutée et ce, pour un certain nombre de raisons

8 que je vais maintenant vous présenter. La Défense limite la période

9 couverte par l'acte d'accusation à une période comprise entre le 26 janvier

10 1993, Dusina. Il s'agit du premier incident qui se fonde sur les faits et

11 jusqu'au dernier incident qui a eu lieu à Vares au début du novembre 1993.

12 L'Accusation pense que cela ne semble pas être la bonne approche,

13 notamment, dans le contexte d'une affaire qui se fonde sur la

14 responsabilité au titre de l'Article 7(3) du statut du Tribunal.

15 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je vais vous

16 fournir quelques exemples. Toute pièce à conviction ou tout document

17 proposé qui précède en quelque sorte, le premier délit ou le premier crime

18 de la période couverte par l'acte d'accusation. C'est la première chose qui

19 a été évoquée. Nous pouvons prouver, compte tenu de documents, que l'un ou

20 l'autre des accusés savait qu'il existait certains problèmes au sein de

21 leurs unités militaires ou pour ce qui était de certains éléments de leurs

22 unités militaires placées sous leur commandement.

23 L'accusé Hadzihasanovic était le commandant du 3e Corps à partir du

24 14 novembre 1992. L'accusé Kubura a été le chef d'état-major de la 7e

25 Brigade musulmane, à partir du 1er janvier 1993. Il a été le responsable des

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1 opérations et responsable des questions relatives à l'instruction, à partir

2 du 11 décembre 1992. C'est justement en ces capacités que les deux accusés

3 ont eu connaissance de certains faits, qui permettront à l'Accusation

4 d'établir qu'ils avaient été mis au courant de ces faits et qu'ils avaient

5 eu connaissance des faits qui, à notre avis, sont des faits relatifs au

6 fait qu'ils n'ont pas été en mesure de prévenir ou de punir les personnes

7 en question.

8 Deuxièmement, il s'agit de documents qui ont une date précédant la

9 date du 26 janvier 1993. Ces documents, il y en a quelques-uns qui montrent

10 l'établissement de certaines unités militaires qui appartenaient à la

11 structure de commandement de l'accusé, notamment, l'accusé Hadzihasanovic.

12 Nous pensons que cela est pertinent, parce que cela a trait au thème même

13 de la relation entre un supérieur et un subordonné, pour ce qui est

14 justement, de la subordination des Moudjahiddines.

15 Je vais utiliser cet exemple à titre d'illustration. L'Accusation

16 avance que les Moudjahiddines sont arrivés dès le mois d'août 1992.

17 L'Accusation est d'avis que les Moudjahiddines ont été intégrés à la

18 structure du 3e Corps, après son établissement en date du 18 août 1992 et

19 après que le commandement du 3e Corps a été assuré par l'accusé

20 Hadzihasanovic, le 14 novembre 1992, après la subordination de la 7e

21 Brigade musulmane de montagne, le

22 19 novembre 1992. Il s'agit de dates qui ne sont pas couvertes par la

23 période d'accusation telle qu'elle est indiquée par la Défense. De toute

24 évidence, ces documents sont extrêmement pertinents. Hier, Monsieur le

25 Président, j'avais déjà évoqué le thème de la responsabilité à punir. La

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1 responsabilité qui consiste à punir et à sanctionner, ne se termine pas

2 avec le dernier incident de l'acte d'accusation car cette responsabilité et

3 ce devoir se poursuivent, tant que l'accusé est en position de punir,

4 puisque cela signifie qu'ils avaient une fonction de commandement qui

5 résultait justement de cette relation de supérieur à subordonné. Cela est

6 valable pour les deux accusés, notamment, pour l'accusé Kubura qui était

7 commandant de la 7e Brigade de Montagne musulmane et ce, jusqu'à la mi-mars

8 1994.

9 L'Accusation est d'avis que la période de temps, de l'acte

10 d'accusation, telle que définie et limitée par la Défense, peut être un

11 indicateur afin de savoir si les documents de l'Accusation sont pertinents

12 ou non pertinents, cela dépend en quelque sorte du contenu concret de ces

13 documents.

14 Afin de terminer mon intervention relative à la pertinence,

15 j'aimerais vous montrer un exemple qui prouve l'absurdité du point de vue

16 de la Défense. Si, aujourd'hui, quelqu'un du 3e Corps venait à m'écrire une

17 lettre en date du 28 avril 2004, si dans cette même lettre, cette personne

18 avouait un certain nombre de crimes qui sont couverts par la période de

19 l'acte d'accusation de 1993. Si cette personne m'indiquait qu'il avait des

20 informations sur l'un ou l'autre accusé et sur les crimes commis, si je

21 devais suivre l'avis exprimé par la Défense, cette lettre -- ce document ne

22 pourrait absolument pas être considéré comme "pertinent du fait de sa

23 date".

24 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, permettez-moi d'évoquer

25 maintenant la deuxième idée avancée par l'équipe de la Défense pour sa

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1 contestation. Il s'agit de documents qui sont externes au 3e Corps ou au QG

2 du 3e Corps et de la 7e Brigade de montagne. D'ailleurs, nous en avons déjà

3 parlé hier, puisque je fais référence à ce que j'ai dit hier pendant

4 l'audience. Pour expliciter mon propos, je vais à nouveau vous présenter

5 des exemples, qui vous prouveront à quel point cette approche peut être

6 problématique. Vous avez sur la liste le numéro 181, qui correspond au

7 numéro 90 de la liste des documents contestés. Il s'agit d'un entretien

8 avec l'accusé Hadzihasanovic, document que la Défense a considéré comme

9 externe au quartier général du 3e Corps et à la

10 7e Brigade musulmane de montagne. D'ailleurs, afin d'avoir un compte rendu

11 d'audience précis, je souhaiterais mentionner que l'encadré n'a pas été

12 approuvé par la Défense.

13 Toutefois, la Défense a considéré que ce genre de document ne pouvait pas

14 être considéré comme pertinent.

15 Pendant l'entretien que je viens de mentionner, l'accusé Hadzihasanovic

16 s'est vu posé une question le 1er décembre 1993. La question était : "Vous

17 êtes l'un des officiers ayant le plus d'expérience au sein de l'ABiH. Vous

18 avez le commandement et le contrôle de ces unités." La réponse a été :

19 "C'est tout à fait exact." Monsieur le Président, je pense que cela est

20 tout à fait pertinent. D'ailleurs, dans le même entretien, l'accusé

21 Hadzihasanovic relate de façon assez précise sa carrière militaire. Je

22 pense que cela est pertinent.

23 Je vois que mon confrère s'est levé. Je suppose qu'il souhaiterait faire

24 une observation.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Bourgon.

Page 6285

1 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Simplement pour noter tout à

2 fait comme mon confrère l'a indiqué, la case pertinente n'a pas été cochée

3 pour ce document. Je ne vois pas du tout la pertinence des arguments de mon

4 confrère.

5 Merci, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez, Monsieur Withopf.

7 M. WITHOPF : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Comme

8 je l'avais dit, aux fins du compte rendu d'audience, j'avais moi-même fait

9 cette observation.

10 Permettez-moi maintenant de vous parler de la troisième contestation

11 de la part de la Défense, à savoir que cela n'est pas afférent aux

12 allégations contenues dans l'acte d'accusation.

13 L'Accusation, dans sa requête du 19 avril 2004, a présenté les

14 détails de la pertinence de ces documents, en faisant référence aux

15 paragraphes de l'acte d'accusation. J'ai fais moi-même référence à cela

16 dans ce document.

17 J'aimerais mettre quelque chose en exergue à nouveau. J'aimerais vous

18 dire qu'il s'agit d'un cas circonstanciel à bien des égards. Cela inclut,

19 notamment, toutes les questions relatives à l'Article 7(3) du statut du

20 Tribunal. Cela signifie qu'un document, qui présente un point de vue,

21 pourrait nous faire dégager la conclusion suivant laquelle ce document

22 n'est pas pertinent. Toutefois, dans cette affaire, il faut bien savoir que

23 nous devons intégrer les différents éléments du puzzle pour pouvoir nous

24 faire une vision d'ensemble plus large et pour, et c'est ce que

25 l'Accusation pense, pour pouvoir prouver la culpabilité de l'accusé. Par

Page 6286

1 conséquent, tout document, et j'insiste sur cet élément, ne pourra être

2 jugé que lorsque tous les documents auront été étudiés et examinés. Je l'ai

3 mentionné déjà hier, cela est, effectivement, peut-être un élément

4 particulier de cette affaire.

5 Je n'oublie pas la quatrième contestation avancée par la Défense. Il s'agit

6 de la carence de renseignement à propos de l'envoi ou de la réception des

7 documents. C'est un critère, Monsieur le Président, que l'on ne peut pas

8 utiliser pour déterminer la pertinence d'un document; c'est du moins l'avis

9 de l'Accusation. Le fait que nous n'avons pas ce genre de renseignement,

10 peut avoir une incidence seulement sur la valeur probante. Toutefois, cela

11 n'a aucune conséquence pour la pertinence.

12 Je vais vous donner à nouveau un exemple : si nous avons un ordre de la

13 part d'un des accusés demandant une information à propos d'une allégation

14 suivant laquelle un crime a été commis, ce genre de document est pertinent

15 pour pouvoir prouver que ledit accusé avait été mis au courant et avait la

16 connaissance de ce crime, au moins, qu'il se posait des questions. La

17 Défense pense que ce genre de document ne peut pas être considéré comme

18 recevable puisqu'il ne contient pas de déclaration indiquant quand est-ce

19 que le document a été envoyé ou reçu. L'Accusation pense que cela n'est pas

20 vrai pour une seule et bonne raison, à savoir, si le document est signé par

21 l'accusé, cela prouve qu'il a été envoyé ou reçu indépendamment du fait

22 que, nous n'avons pas les renseignements sur l'envoi et la réception. Cela

23 signifie et, indépendamment du fait que l'accusé avait la connaissance de

24 ces crimes.

25 Lorsque je pense aux quatre contestations avancées par la Défense, il

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1 semblerait que cela n'est pas véritablement convaincant.

2 Monsieur le Président, je suis tout à fait disposé à poursuivre et à parler

3 de toute question relative à l'Article 89(D). Toutefois, je comprends que

4 la Chambre souhaitera, dans un premier temps, donner la parole à la Défense

5 pour qu'elle ait la possibilité de réagir.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole à la Défense, mais je vais,

7 comme j'ai pris l'habitude, synthétiser la position de celui qui

8 intervient, afin que le débat soit clair pour tout le monde et, notamment,

9 vis-à-vis de l'extérieur qui suit la retransmission de ce procès.

10 Concernant la pertinence, l'Accusation, et je parle sous son contrôle, a

11 évoqué quatre points : le premier, c'est le point relatif à la période de

12 l'acte d'accusation; le second point, c'est la question relative au

13 document externe au 3e Corps; le troisième point, c'est le fait qu'il n'y

14 aurait pas des références aux allégations contenues dans l'acte

15 d'accusation; et le quatrième point, c'est la carence des renseignements.

16 Concernant la période de l'acte d'accusation, M. Withopf a rappelé que si,

17 effectivement, l'acte d'accusation démarre pour Dusina, le 26 janvier, et

18 va à Vares, au mois de novembre 1993, l'Accusation, sur un terrain

19 juridique, rappelle que l'infraction, dont est saisie la Chambre et

20 l'Article 7(3) du statut, que cet article prévoit en ce qui concerne la

21 responsabilité pénale d'un supérieur hiérarchique, qu'il a le devoir de

22 prévenir et de punir, que la prévention dans cette hypothèse doit

23 intervenir avant la commission de l'infraction. Une infraction commise le

24 26 janvier, il est tout à fait normal que l'Accusation se penche sur ce qui

25 s'est passé avant, afin de prévenir.

Page 6288

1 Par ailleurs, comme il y a la répression qui incombe aux responsables

2 hiérarchiques, la répression doit être postérieure à l'événement intervenu.

3 A cet effet, l'Accusation nous a donné un exemple, à savoir, imaginons que

4 l'Accusation reçoive aujourd'hui une lettre de quelqu'un qui dénoncerait

5 des faits qui se seraient commis, par exemple, à Dusina ou ailleurs, selon

6 la théorie, à ce moment-là, de la Défense, cette lettre ne serait pas

7 pertinente. L'Accusation cite cet exemple pour dire que l'argumentation sur

8 le champ strict de la période d'acte d'accusation ne saurait être retenue.

9 Concernant le deuxième point, les documents externes au

10 3e Corps, l'Accusation nous dit que l'approche de la Défense est très

11 problématique. L'Accusation nous cite, à titre d'exemple, l'interview qui

12 aurait été donnée par un des deux accusés, que cette interview, même s'elle

13 n'émane pas du 3e Corps, si l'interview vient du responsable du 3e Corps, on

14 peut quand même considérer qu'elle est intégrée dans le 3e Corps. Même,

15 dans l'hypothèse où elle ne serait pas du 3e Corps, l'Accusation nous dit :

16 mais l'interview peut être considérée comme pertinente en raison de son

17 contenu. Concernant les documents externes au 3e Corps, il y a lieu

18 d'apprécier le contenu. C'est le deuxième point.

19 Concernant le troisième point, il est vrai que la Défense, concernant

20 le manque de référence à l'acte d'accusation, la Défense avait indiqué au

21 préalable que les allégations n'étaient pas visées dans l'acte

22 d'accusation. L'Accusation nous fait valoir que, dans les documents qu'elle

23 a dressés en définitive, chaque document a, dans la colonne pertinente, des

24 références au paragraphe de l'acte d'accusation. A titre d'exemple, on

25 pourrait considérer, par exemple, que le document numéro 1, qui a été

Page 6289

1 contesté, la référence est paragraphe 17 - 20. L'Accusation nous dit

2 qu'elle a mentionné dans son document toute référence utile à l'acte

3 d'accusation.

4 Le dernier point concerne la carence des renseignements. La Défense,

5 oralement, nous avait indiqué, également par écrit, que des documents

6 n'avaient pas mention de date d'envoi, de date de réception, du

7 destinataire, et cetera. Sur cette question, M. Withopf nous dit que la

8 Défense va y répondre, que la question de l'envoi et de la réception est

9 secondaire par rapport au contenu du document.

10 L'Accusation nous cite un exemple : imaginons qu'il existe un ordre

11 d'un des deux accusés qui demande à ce que des recherches entreprises, ou

12 qu'il y ait des éléments d'information si un crime a été commis, le contenu

13 même prouve à ce moment-là, que l'accusé ou ce contenu, tendrait à prouver

14 que l'accusé avait connaissance de l'existence de la survenance d'un

15 événement, que dans la mesure où ce document existe, il est pertinent, que

16 concernant, ensuite, la diffusion de ce document ou la réception de ce

17 document, ce problème pareil pour l'Accusation, demeure par rapport au

18 contenu du document qui, pour l'Accusation, tendrait à prouver que celui

19 qui rédige cet ordre, a eu connaissance d'un événement ou a demandé des

20 informations sur cet événement.

21 Voilà de manière globale, la position de l'Accusation sur les quatre points

22 concernant la pertinence. Les Défenseurs vont nous donner leur point de

23 vue, puisque nous avons eu des explications de l'Accusation assez

24 détaillées sur la question de la période de l'acte d'accusation et un

25 positionnement très précis illustré d'exemples pour les autres questions.

Page 6290

1 Qui veut intervenir en premier ? Je pense que ce sera

2 Me Bourgon qui a enlevé ses écouteurs. Comme ce sera long, il s'y prépare.

3 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

4 Les arguments de la Défense concernant la pertinence, Monsieur le

5 Président, ne seront pas très longs. Pour nous, la pertinence est un des

6 facteurs, Monsieur le Président, qu'on retrouve à l'Article 89(C) du

7 règlement de preuve et de procédure, où on dit, évidemment, qu'un document

8 sera admissible s'il est à la fois pertinent et s'il a un minimum de valeur

9 probante.

10 Hier, au cours de mon exposé, je vous ai donné la définition de

11 "pertinence", telle qu'elle est retrouvée dans la décision Delalic, où on

12 nous dit que la pertinence c'est : "La relation qui existe entre deux faits

13 et où la valeur probante serait la tendance d'un élément de preuve à

14 établir la proposition pour laquelle il est soumis par une partie."

15 En conséquence, Monsieur le Président, pour qu'un fait soit pertinent,

16 encore une fois, nous nous remettons à la décision Delalic. Cette décision

17 nous dit qu'au stade de l'admissibilité, le standard ne doit pas être trop

18 élevé puisqu'il reviendra aux Juges d'accorder le poids voulu à un document

19 ultérieurement.

20 De l'avis de la Défense, Monsieur le Président, il y a trois critères qui

21 pourront assister la Chambre à déterminer si un niveau minimum de

22 pertinence a été atteint au stade de l'admissibilité. Il y a tout d'abord

23 évidemment le fonds. Est-ce que l'élément proposé a un lien avec la

24 proposition, qui tente d'être établie par l'Accusation ?

25 Le deuxième élément, Monsieur le Président, concerne le temps. Je

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1 reviendrai un peu plus tard sur exactement quelle est l'approche de la

2 Défense concernant la qualité ratione temporis, c'est-à-dire, est-ce qu'un

3 document proposé parle d'un événement -- traite d'un événement qui s'est

4 produit avant le début de l'acte d'accusation ou après la période ratione

5 temporis de l'acte d'accusation ?

6 Enfin, le troisième critère, Monsieur le Président, concernant la

7 pertinence, serait là où la fidélité du document est si faible, que cela en

8 affecte la pertinence. Encore une fois, cela est tiré de la décision

9 Delalic de 1996. Comme vous l'aurez constaté, Monsieur le Président, dans

10 notre liste, nous avons fait très peu de contestations sur la pertinence

11 des documents. Nous avons pris une approche très libérale à ce sujet,

12 surtout en ce qui concerne le fond. Presque tous les documents contestés

13 par la Défense sur la question de pertinence l'ont été pour le motif de la

14 période.

15 Sur le fond, Monsieur le Président, l'approche de la Défense est : on

16 parle de l'armée, on parle à peu près de la période, c'est bon. L'approche

17 a été très libérale. La Chambre a été à même de constater que nous avons

18 contesté très peu de documents sur la question du lien entre le fait

19 proposé et la proposition que l'on tente d'établir.

20 Toutefois, sur le temps, il en est autrement puisque, sur le temps,

21 nous avons contesté plusieurs documents. Je note, à titre d'exemple,

22 Monsieur le Président, j'ai fait une liste rapide des documents pour

23 lesquels la Défense conteste la pertinence du document en fonction du

24 temps. Il y a le document 51 ou la pièce PT53. J'utilise, Monsieur le

25 Président, les numéros internes du Procureur, de même que les numéros de

Page 6292

1 PT, soit la liste avec laquelle je travaille depuis le début. La pièce 116

2 ou PT120, la pièce 117, 118, 119, 123, 180, 187, 201, 210, 214, 251, 292,

3 310, 339, 386, 387. Ensuite, les documents 808, 809, 810, 811, 826, 849.

4 Enfin, les numéros de 934 aller à 944. Ce sont les documents pour lesquels,

5 Monsieur le Président, la Défense conteste la pertinence du document en

6 fonction du temps ou de la date du document.

7 Sur les points soulevés par mon confrère, j'aborderai plus spécifiquement

8 la question de la période, la question de la date, puisque c'est le point

9 principal qui a été soulevé par mon confrère de l'Accusation. Monsieur le

10 Président, la Chambre d'appel a rendu une décision concernant l'Article

11 7(3) du statut, à l'effet qu'il y avait un lien entre les dates auxquelles

12 une personne occupait les fonctions de commandant et sa responsabilité en

13 vertu de l'Article 7(3) du statut. Il se peut, Monsieur le Président,

14 qu'une personne ait eu connaissance d'un fait à une date antérieure à

15 l'acte d'accusation. Cette personne, à ce moment-là, n'était pas ou

16 n'occupait pas les fonctions de commandant. Là où cela devient plus

17 important, Monsieur le Président, c'est dans la période après l'acte

18 d'accusation. A titre d'exemple, l'accusé, le général Hadzihasanovic,

19 n'était plus commandant du 3e Corps et n'occupait plus une fonction de

20 commandant, à partir du 1 novembre 1993. A partir de cette date, Monsieur

21 le Président, sa responsabilité envers toutes infractions commises au sein

22 de l'ABiH, change et en est modifiée.

23 Pour utiliser l'exemple donné par mon confrère : Si aujourd'hui, en l'an

24 2004, le général Hadzihasanovic faisait toujours partie de l'ABiH, et

25 recevait aujourd'hui une lettre comportant un aveu au sujet d'un crime

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1 commis en 1993, certes, nous pourrions penser au plan du droit strict,

2 qu'il a une responsabilité à l'égard de cette lettre. Sa responsabilité, à

3 ce moment-là, selon les fonctions qu'il pourrait occuper, en théorie, en

4 2004, ne sont pas les fonctions de commandant. Si une personne recevait une

5 telle lettre en 2004 et ne faisait rien avec la lettre, pourrait très bien

6 être accusé, mais d'un autre fait qu'il ne serait pas en vertu de l'Article

7 7(3) du statut. C'est au plan strictement temporel.

8 Il y a également, Monsieur le Président, sur le plan du fonds, si le

9 général Hadzihasanovic, après le 1er novembre 1993, n'est plus le

10 commandant, il n'a plus les moyens, n'est plus en mesure de prendre

11 justement des mesures raisonnables et nécessaires pour prévenir ou pour

12 punir. Cela est une distinction importante. Surtout lorsque la Chambre se

13 penchera sur les documents qui sont proposés par l'Accusation, il faudra

14 regarder en quoi l'événement dont traite ce document, a un lien avec la

15 capacité ou non de prévenir ou de punir.

16 Pour ces raisons, Monsieur le Président, les numéros de pièces auxquels

17 j'ai fait référence un peu plus tôt, sont pour la plupart, des dates qui

18 surviennent après le dernier événement, ou après le changement de poste du

19 général Hadzihasanovic, qui a changé de fonction le 1er novembre 1993.

20 Sur le deuxième point soulevé par mon confrère, soit un document externe au

21 3e Corps, nous vous soumettons, Monsieur le Président, que cela n'a pas de

22 lien avec la pertinence du document. Ces arguments-là qui ont été soulevés

23 par mon confrère, pour nous, le fait qu'un document soit externe au 3e

24 Corps, est un fait important pour l'admissibilité, mais pas pour la

25 pertinence. Que le fait soit extérieur ou non au 3e Corps, peut très bien

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1 être pertinent, et nous sommes d'accord avec ce fait.

2 Le troisième point soulevé par mon confrère est celui des allégations ou du

3 lien avec les allégations. Nous parlons vraiment du fonds d'un document. Il

4 y a-t-il un lien entre les deux ? Comme je vous l'ai dit, Monsieur le

5 Président, la Défense a adopté une approche très libérale en ce sens. Pour

6 nous, si le document traite de l'armée en général et du 3e Corps au cours

7 de la période de l'acte d'accusation, pour nous, il y a un minimum de

8 pertinence suffisant pour admettre le document. Comme nous l'avons dit, il

9 peut y avoir d'autres problèmes avec ce document.

10 Le quatrième et dernier point, Monsieur le Président, sur le point de la

11 carence des renseignements. Encore une fois, Monsieur le Président, nous

12 sommes tout à fait d'accord, la carence des renseignements dans un

13 document, n'a rien à voir avec la pertinence, et ce n'est pas là l'objet de

14 nos propos. Toutefois, nous l'avons dit hier, nous aurons l'occasion de le

15 souligner à nouveau, la carence de renseignements pour nous, est un facteur

16 qui est déterminant au moment de décider de l'admissibilité d'un document.

17 Enfin, Monsieur le Président, j'aimerais souligner la pratique jusqu'à ce

18 jour devant la Chambre concernant la pertinence. Puisque bien que nous

19 aillons adopter, lors de la soumission de nos critères pour la pertinence,

20 une approche très libérale, il en est tout autre de la part de

21 l'Accusation. Nous aimerions souligner à ce stade-ci, si nous regardons les

22 pièces admises jusqu'à ce jour, à titre d'exemple, Monsieur le Président,

23 je me réfère aux pièces DH44, DH45, DH47, DH48, 49, et 50. Ce sont là des

24 pièces, Monsieur le Président, qui sont présentement au dossier pour fins

25 d'identification seulement. Pourquoi ? Parce que l'Accusation en a discuté

Page 6295

1 la pertinence. Il faudrait tout le même faire preuve de cohérence lorsque

2 nous parlons de pertinence. Nous voulons bien prendre une approche

3 libérale, mais nous pensons également que la Chambre devrait, lorsqu'elle

4 évaluera la pertinence des documents, tenir compte des arguments de

5 l'Accusation concernant la pertinence.

6 A ce propos, Monsieur le Président, j'aimerais également faire référence à

7 un document de l'Accusation en date du 23 mars 2004, dans lequel

8 l'Accusation soumet ses observations concernant les faits pour lesquels

9 nous demandions à la Chambre de prendre connaissance judiciaire de faits

10 admis dans d'autres affaires. Dans ce document, Monsieur le Président,

11 l'Accusation propose, à titre d'exemple, en quoi le traitement de la

12 population civile par l'ennemi, en quoi la détention d'hommes qui ont l'âge

13 de se battre par les forces ennemies, en quoi ces faits ont-ils une

14 pertinence ? C'est au paragraphe 32.

15 Un peu plus tard, au paragraphe 32, on nous dit : "Même si le HVO a

16 mal traité la population civile, même si le HVO a détenu des hommes

17 musulmans en âge de se battre, comment ces facteurs pourraient-ils affecter

18 la responsabilité de l'accusé et, dans le meilleur des cas, ces faits ne

19 sont d'aucune assistance à la Chambre."

20 Un peu plus tard, on nous dit : "La préparation, les ressources,

21 l'armement de ces propres forces et des forces ennemies sont également des

22 faits qui ne sont pas pertinents."

23 Je m'arrête là, Monsieur le Président, simplement pour vous

24 mentionner que, malgré l'approche libérale de la Défense sur la pertinence,

25 l'Accusation semble avoir une approche qui est beaucoup plus restrictive et

Page 6296

1 que la Chambre devrait tenir compte de cette position au moment de rendre

2 sa décision.

3 Un dernier commentaire, Monsieur le Président, concernant la pertinence des

4 faits. Mon confrère a donné plusieurs exemples au cours de son

5 argumentation, mais il a dit une chose très intéressante. Il a dit que :

6 "Nous sommes dans un procès qui traite de preuves circonstancielles." Nous

7 prenons acte de l'aveu de l'Accusation comme quoi ils n'ont aucune preuve

8 directe du fait que les accusés auraient manqué à leur devoir et n'auraient

9 pas pris les mesures raisonnables et nécessaires pour prévenir ou pour

10 punir. C'est là un fait très important, Monsieur le Président, au moment de

11 déterminer la question de la pertinence des faits qui vous sont présentés.

12 Merci, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Bourgon.

14 L'Accusation aura l'occasion de reprendre la parole sur ces questions, mais

15 avant de donner la parole à M. Dixon, je vais quand même résumer votre

16 positionnement, afin qu'on ait bien en esprit votre position.

17 Concernant la pertinence, votre fondement juridique et

18 jurisprudentiel est l'Article 89(C) et la décision Delalic, où la

19 "pertinence" est définie comme suit : "La pertinence, c'est la relation

20 entre deux faits." A partir de là, vous avez indiqué que pour vous

21 concernant la pertinence, le standard ne doit pas être trop élevé, mais le

22 standard minimum, il y a trois critères qui doivent être remplis. Est-ce

23 que cela concerne l'élément proposé : la question du temps et la question

24 de la fidélité du document ? Si, pour vous, le document n'est pas très

25 fidèle, à ce moment-là, cela faiblit la pertinence.

Page 6297

1 Compte tenu de ce standard minimum et des trois critères, vous

2 estimez que vous aviez pris, en ce qui vous concerne, une approche très

3 libérale sur la pertinence. Vous indiquez, pour illustrer vos propos, qu'en

4 réalité vous n'avez contesté que 35 documents. Je fais le total des

5 documents que vous avez cités; 51, 76, 77, et cetera, mais que, pour vous,

6 le débat doit être porté sur la question de la période; la période d'avant,

7 la période d'après. A titre d'exemple, vous citez comme argument de fond le

8 fait que votre client n'était plus à la tête du 3e Corps à compter du 1er

9 novembre 1993. Vous illustrez votre démonstration par ce fait très précis,

10 à savoir qu'il n'est plus à la tête du 3e Corps après le 1er novembre 1993.

11 Concernant les trois autres points, qui avaient été évoqués par

12 l'Accusation sur les documents externes, vous ne portez pas de

13 contestation. Vous pourriez me dire que vous êtes globalement d'accord.

14 Concernant le troisième point, qui concerne les allégations par

15 rapport à l'acte d'accusation, là aussi vous avez une attitude assez

16 ouverte et une approche libérale.

17 Concernant le quatrième point sur la carence des documents, vous dites que

18 c'est à la Chambre d'apprécier, mais que, pour vous, cette question n'a pas

19 un lien direct avec la pertinence.

20 En définitive, vous avez, sur la pertinence, pris une approche très

21 libérale et, pour mettre l'Accusation en contradiction, vous indiquez que

22 celle-ci n'a pas eu cette approche puisqu'elle vous a opposé dans le

23 versement des pièces DH44, 45, 47, 48, 49 et 50, le fait que ces documents

24 qui ont eu un numéro aux fins d'identification, l'Accusation a estimé qu'il

25 n'y avait pas de pertinence.

Page 6298

1 Par ailleurs, vous avez mis en exergue également le fait que l'Accusation

2 pouvait être en contradiction avec ses propos par rapport à des éléments

3 écrits de sa part, ce qui a été le cas dans la requête relative au constat

4 judiciaire de certains faits où l'Accusation, dans ses écritures, où vous

5 avez cité l'exemple, et pouvait apparaître contraire par rapport à ce

6 qu'elle indiquait. De manière générale, pour résumer votre position, vous

7 indiquez que vous avez plutôt une approche libérale, mais qu'en réalité,

8 pour vous, le débat est surtout un débat ratione temporis, et la question

9 de la période est très importante. Pour votre client, vous, vous indiquez

10 qu'à partir du 1er novembre 1993, il n'y a pas lieu de lui reprocher quoi

11 que ce soit, l'intéressé n'étant plus en fonction.

12 Voilà résumé, notamment, pour l'extérieur, votre positionnement.

13 L'Accusation aura l'occasion, tout à l'heure, d'y revenir.

14 Sans perdre de temps, je vais donner la parole à Me Dixon, qui va

15 certainement à nouveau aborder la question du temps aussi.

16 M. DIXON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président, Madame,

17 Monsieur les Juges.

18 Je suis conscient du temps, et je ne pense pas avoir suffisamment de temps

19 à ma disposition pour terminer ce que j'avais voulu dire avant la pause.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai moi-même fait abstraction du temps. Vous nous

21 avez ramené au temps, et c'est pour cela que je ne vois contraint

22 d'interrompre l'audience pour des raisons techniques, et nous reprendrons

23 l'audience à 10 heures 55.

24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

25 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

Page 6299

1 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise, et je vais donner la parole

2 à Me Dixon.

3 M. DIXON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

4 Pour ce qui est du sujet de la pertinence, nous voulons tout d'abord

5 dire ceci : nous sommes un peu perplexes, alors que l'Accusation a eu

6 l'occasion d'expliquer quelle était la pertinence de ces documents. C'était

7 d'ailleurs l'ordonnance que vous aviez rendue. Vous avez dit que

8 l'Accusation devait expliquer pourquoi ces documents étaient pertinents

9 aujourd'hui. Nous n'avons toujours pas appris de la part de l'Accusation

10 pourquoi tel ou tel document est pertinent en l'espèce.

11 Vous vous souviendrez que la première fois que cette question a

12 surgit, il n'y avait que quelques 200 documents qui étaient énumérés dans

13 le mémoire préalable au procès de l'Accusation, documents qui se retrouvent

14 dans la liste des pièces contestées. On nous a donné quelques explications,

15 à notre avis, insuffisantes, de la pertinence. Quelquefois, il n'y avait

16 qu'une note en bas de page. Il n'en demeure pas moins qu'on a mentionné ces

17 documents dans le contexte des allégations que l'Accusation doit prouver.

18 Nous attendons toujours des explications pour les autres documents qui sont

19 au nombre d'environ 400, pour savoir pourquoi ces documents seraient

20 pertinents.

21 Dans ses écritures, l'Accusation a fait référence à certains

22 paragraphes de l'acte d'accusation, s'agissant de tel ou tel document. Vous

23 aurez sans doute remarqué, Madame et Messieurs les Juges, que ce sont des

24 paragraphes tout à fait généraux auxquels on fait référence. Quelquefois,

25 ce sont des paragraphes complets qui représentent des chefs d'accusation,

Page 6300

1 et ceci ne nous aide pas davantage pour mieux comprendre quelle est la

2 thèse défendue par l'Accusation au regard de ces documents.

3 Il se peut fort bien que la réponse fournie par l'Accusation à mi-

4 parcours du procès ou à la fin dans les arguments de clôture, qu'on donnera

5 des précisions, mais ce sera à la fin de la présentation des moyens à

6 charge. Cela veut dire qu'à ce moment-là, la Défense devra présenter sa

7 thèse.

8 Nous estimons que c'est à l'Accusation que revient la charge de la

9 preuve aussi pour ce qui est de ces documents, et nous pourrions donner une

10 réponse plus détaillée si c'était le cas.

11 Quel est l'article du règlement qui s'applique ici ? Ceci a été

12 mentionné plusieurs fois en parlant de la recevabilité des documents.

13 Permettez-moi d'y revenir puisqu'il y avait une question que vous aviez

14 posée suite à l'argument que j'avais présenté selon lequel la valeur

15 probante est un élément constitutif essentiel pour déterminer la

16 recevabilité. Il s'agit de l'Article 89(C) qui dit : "Qu'une Chambre de

17 première instance peut admettre tout document qui, selon elle, a

18 suffisamment de valeur probante." A notre avis, le libellé est très clair.

19 Pour déclarer recevable un élément de preuve, il faut que ce document ou

20 cet élément soit pertinent et assorti de valeur probante.

21 Pour ce qui est du poids à accorder à tout élément ou à la valeur

22 probante, cela c'est une autre paire de manches. Il se peut qu'il y ait

23 d'autres documents et qu'il soit nécessaire de faire des regroupements

24 entre les éléments de preuve.

25 Mais, lorsqu'on examine un seul élément de preuve, il faut se

Page 6301

1 demander s'il est pertinence et s'il a une valeur probante.

2 Le 19 avril, nous avons déposé des écritures en réponse à la liste de

3 synthèse présentée par le bureau du Procureur, et nous avons donné notre

4 interprétation de ce critère, à savoir qu'il faut qu'il y ait un lien qui

5 soit établi entre la pièce proposée et la question qui doit être prouvée

6 par l'Accusation dans le cadre de l'administration de la preuve. Il faut

7 qu'il y ait un lien entre l'infraction alléguée et le document. C'est une

8 question qui est, effectivement, contestée. Inutile de présenter des

9 documents sur des points qui ne sont pas contestés ou sur lesquels il ne

10 faudra pas se prononcer. Deuxième chose, un document a une valeur dans la

11 mesure où il peut aider les Juges à trancher tel ou tel point en litige.

12 A notre avis, le seuil n'est pas particulièrement élevé pour ce qui

13 est de la recevabilité. C'est quand même un seuil qu'il faut franchir. En

14 fait, il y en a deux; celui de la pertinence et celui de la valeur

15 probante. Pourquoi y a-t-il ce seuil ? C'est parce que notre système est

16 tout à fait unique. Ce n'est pas de la "common law" et ce n'est pas du

17 droit romano-germanique. Si nous étions dans un système de droit romano-

18 germanique, beaucoup de ces problèmes ne se poseraient pas, vous le savez

19 parfaitement. Le Juge d'instruction aurait recueilli tous ces documents. Il

20 y aurait eu versement officiel des documents au dossier de l'affaire, et

21 dès le départ du procès, ces documents auraient fait partie du dossier. Ce

22 n'est pas le cas ici, puisque nous sommes dans un système accusatoire.

23 C'est une des parties au procès seulement qui a recueilli ces documents. La

24 Défense et les Juges n'étaient pas partie prenante à ce processus. Il faut

25 examiner de très près les documents qui nous sont présentés pour déterminer

Page 6302

1 s'ils réunissent les critères déterminés par l'alinéa C de l'Article 89.

2 Dans un système de "common law", la pratique commune serait d'avoir

3 une déclaration du témoin pour chaque document ou chaque jeu de documents

4 recueilli par la police et le parquet, et la Défense pourrait dire s'il y a

5 contestation par elle de ces documents ou s'il faut présenter, au moment

6 des débats ou devant un juge des faits, le témoin pour attester de

7 l'exactitude du document en question.

8 A notre avis, il faut respecter de façon très rigoureuse les

9 dispositions du 89(C). C'est capital, parce que nous avons un système qui,

10 si vous voulez, qui n'est pas l'un ou l'autre des grands systèmes de droits

11 connus.

12 Mon confrère, Me Bourgon, a déjà parlé des différentes catégories de

13 la pertinence. Inutile de revenir là-dessus. Mais il y a une catégorie qui

14 est très importante pour M. Kubura. Il s'agit des documents qui portent une

15 date qui ne fait pas partie de la période au cours de laquelle il se

16 trouvait en position de commandement où il aurait été responsable de

17 subordonnés qui auraient commis des infractions. Or, cette période est très

18 claire à délimiter. On parle du 1er avril. Ce n'est pas le mois de janvier

19 qui est le début. Cela commence à partir du 1er avril 1993, jusqu'au début

20 de 1994. C'est au cours de cette période qu'il est permissible d'alléguer

21 contre lui des chefs d'accusation pour infraction qui auraient été commis

22 par ses subordonnés.

23 A notre avis, l'Accusation n'a pas compris les arguments que nous

24 avons soumis à cet égard. Jamais, nous n'avons dit que les documents se

25 trouvant en dehors de cette période étaient, par principe, à exclure. Ce

Page 6303

1 que nous avons dit, c'est que si un document porte une date qui ne se

2 trouve pas dans cette période de commandement, 1er avril 1993 jusqu'au début

3 1994, si c'est en dehors de cette période, il incombe à l'Accusation de

4 démontrer la pertinence de ce document pour ce qui est et par rapport à la

5 période de commandement. A notre avis, il faut que ce critère soit

6 respecté. C'est la pertinence des infractions qui, d'après l'Accusation,

7 auraient été commis pendant cette période de commandement, pendant cette

8 période au cours de laquelle on peut, en vertu de la jurisprudence du

9 Tribunal, tenir M. Kubura responsable. Je vous ai renvoyé à la décision

10 rendue par la Chambre d'appel à cet égard.

11 Il faut qu'il y ait une connexité très claire, entre ces documents

12 qui sont en dehors de la période de commandement et les infractions

13 commises pendant cette période, et qui sont à la base des chefs

14 d'accusation, retenus contre M. Kubura dans l'acte d'accusation. M. Withopf

15 a tout à fait raison. S'il y avait eu des aveux en 1995, à propos de crimes

16 commis pendant la période de commandement, ce document serait pertinent et

17 serait recevable. Nous n'aurions pas d'objection à ce qu'un tel document

18 soit versé au dossier; cependant, l'Accusation ne dispose pas de ce genre

19 de document. Qu'a-t-elle, par exemple ? Je vous présente certains des

20 documents dont nous allons parler demain. Il s'agit de plusieurs ordres du

21 mois de janvier 1993 délivré par M. Koricic, qui était commandant de la 7e

22 Brigade. Par rapport -- je prends un exemple, celui de l'école de musique.

23 Or, aucun des crimes -- aucunes des infractions commises à l'école de

24 musique n'est mentionnées dans cet ordre. M. Kubura n'est pas mentionné

25 dans ces ordres. Il n'est même pas parmi la liste des destinataires de cet

Page 6304

1 ordre. Nous nous demandons pourquoi il est nécessaire de verser au dossier

2 de tels documents, alors qu'ils se trouvent en dehors de la période au

3 cours de laquelle M. Kubura aurait été au commandement. Ces documents sont

4 dépourvus de toute pertinence par rapport aux crimes allégués, crimes qui,

5 selon l'Accusation, se seraient produits à l'école de musique. Il y a

6 beaucoup de documents de cette veine. Il y a même des documents postérieurs

7 à la date de 1994, qui datent de 1995, et de prime, abord, ne sont

8 aucunement en rapport -- n'ont aucun lien avec les crimes qui sont à la

9 base des chefs d'accusation. A notre avis, il ne serait qu'équitable que

10 d'exclure ces documents, à moins, bien sûr, que l'Accusation ne puisse

11 expliquer pourquoi elle veut s'appuyer sur ces documents, au quel cas la

12 Défense serait avisée de la pertinence de ce document et pourrait se

13 présenter en voie de conséquence.

14 Nous demandons que l'Accusation nous indique quelle est la pertinence de

15 ces documents. Il y en a 58 ou 59 de ces documents, qui sont soient

16 antérieurs à la période qui commence le 1er avril 1993 ou qui sont

17 postérieurs au début de l'année 1994. Nous pouvons fournir une liste de ces

18 documents. Je pense que ceci vous facilitera grandement la vie. Madame,

19 Messieurs les Juges, si vous voulez vous pencher sur ces documents, je

20 pourrais fournir demain certains de ces documents en tant qu'exemple pour

21 montrer la pertinence -- l'absence de pertinence plus exactement.

22 L'Accusation n'a pas encore indiqué la pertinence de ces documents. Nous

23 estimons dès lors que ces documents devraient être exclus. Cela demande que

24 nous formulons que, tout du moins en ce qui concerne ces quelques 59

25 documents, il faudrait les exclure.

Page 6305

1 Je n'ai qu'un dernier point à vous présenter, mais, en fait, on en a déjà

2 suffisamment parlé. C'est la question des preuves circonstancielles ou

3 indirectes. Hier et aujourd'hui, l'Accusation en a parlé. Il y a un risque

4 -- un danger, à nos avis, si l'Accusation nous présente ce genre d'indice.

5 Cela peut être un peu, si vous voulez, la disposition passe-partout fourre-

6 tout. On pourra avoir une liste qui n'en finit pas de ce genre de

7 documents. Il est beaucoup plus facile de vous dire : "Oui, ici, il y a

8 beaucoup de preuves indirectes. C'est un peu les pièces d'un puzzle. Ce

9 puzzle -- cette mosaïque va se révéler, à un moment donné, et on attendra

10 la fin pour déterminer -- pour trancher." Vous pourrez, en fin de parcourt,

11 aussi exclure les documents. C'est beaucoup plus facile de faire cela que

12 de déterminer -- que de cerner, de façon très claire, la thèse de

13 l'Accusation, quels sont les éléments du puzzle et comment ils se

14 fabriquent. Si l'Accusation veut réserver par devant être tous les

15 documents, c'est tout à fait possible. On peut leur donner une cote

16 provisoire d'identification. Ils restent dans le dossier et s'ils finissent

17 par devenir pertinents après la présentation des moyens à charge, au moment

18 de la présentation des moyens à décharge, ou lorsque l'Accusation aura le

19 loisir de répondre à la thèse de la Défense, en plus de la possibilité

20 qu'ont les Juges de citer leur propre témoin, à ce moment-là, ces documents

21 peuvent devenir des éléments de preuve.

22 Mais, à notre avis, il ne suffit pas de dire que dans ce procès il y

23 a beaucoup de déductions -- d'inférences de preuves indirectes. Il faut

24 mettre le lot des documents dans le dossier. Il faut garder une certaine

25 perspective, toute proportion gardée. Sinon, tout document risque de se

Page 6306

1 retrouver dans le dossier parce qu'on dira à son propos : "Il deviendra

2 peut-être pertinent puisqu'ici c'est un procès qui se jugera à partir de

3 preuves circonstancielles."

4 Je pense qu'ici, il faut déterminer -- que l'Accusation détermine les

5 documents qui sont les plus importants pour la défense de leur thèse,

6 pourquoi ces documents sont pertinents et ceci vous aidera grandement à

7 mieux circonscrire les questions en litiges lorsqu'il vous appartiendra de

8 trancher ces questions. Le reste du document peut rester dans le dossier et

9 on peut y faire référence en tant que de besoin.

10 Merci. Voilà les arguments que nous voulions présenter s'agissant de

11 la pertinence.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Dixon.

13 Je vais résumer ce que vous nous avez dit comme je l'ai fait tout à l'heure

14 et l'Accusation répondra.

15 Vous faites, d'abord, ressortir le fait que l'Accusation n'a pas

16 expliqué en quoi les documents qu'elle demande le versement sont

17 pertinents. Vous êtes parti de ce constat. Vous indiquez qu'il incombe à

18 l'Accusation d'apporter la charge de la preuve. Vous avez expliqué après

19 que nous sommes, concernant la preuve, dans un système hybride. La

20 procédure qui nous régit n'est pas strictement "common-law", ni strictement

21 civile. C'est un système hybride et, dans tous systèmes hybrides, il faut

22 examiner le texte et le texte c'est l'Article 89(C). Vous avez indiqué que

23 c'est l'article à prendre en compte concernant la pertinence,

24 l'admissibilité et la valeur probante. Effectivement, l'Article 89(C) dit

25 que : "La Chambre peut recevoir tout élément de preuve pertinente qu'elle

Page 6307

1 estime avoir valeur probante."

2 Vous avez continué votre argumentation, en disant qu'il fallait respecter -

3 - ce sont vos propres termes -- de manière vigoureuse, cet article. Vous

4 appelez la Chambre à apprécier, comme vous l'avez dit, la valeur probante

5 des documents.

6 Vous êtes revenu, comme votre confrère, Me Bourgon, sur la question du

7 temps, la question des ordres et concernant votre client, le général

8 Kubura, vous avez remis l'accent sur le fait que des ordres, émis en

9 janvier, ne pouvaient, en tout état de cause, concerner votre client. Vous

10 avez cité, notamment, le fait de l'école de musique. Vous nous avez indiqué

11 qu'en regardant la liste des documents, il y a des documents antérieurs et

12 des documents postérieurs à l'acte d'accusation, et vous en avez dénombré

13 exactement 58 ou 59. Pour vous, dans le nombre direct de ce que vous dites,

14 ces documents doivent être exclus.

15 Vous semblez contester la théorie de l'Accusation selon laquelle les

16 preuves sont des éléments d'un puzzle, qu'il s'agit de constituer et que ce

17 n'est que lorsque le puzzle sera entier que la Chambre appréciera, à ce

18 moment-là, la valeur probante et la pertinence. Voilà, de manière générale,

19 votre positionnement qui consisterait, pour le moins, exclure une

20 soixantaine de documents qui ne sont pas dans la date de l'acte

21 d'accusation et vous avez mis aussi l'accent sur la valeur probante.

22 A partir de ce qu'a dit Me Bourgon et de ce que vous avez dit vous-même,

23 l'Accusation, qui a interpellé, va prendre la parole et répondre aux

24 arguments qui ont été avancés par les Défenseurs.

25 Monsieur Withopf, vous avez la parole.

Page 6308

1 M. WITHOPF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

2 Madame, Monsieur les Juges.

3 Je vais me borner dans mes réponses à quatre points présentés par la

4 Défense en réponse à nos arguments : tout d'abord, je parlerais du cadre

5 temporel; en deuxième lieu, je parlerais des pratiques retenues par la

6 présente Chambre de première instance; au troisième point, je reviendrais

7 rapidement sur la question des preuves indirectes; et, quatrièmement, je

8 vais sans doute vous présenter quelques observations, suite à ce que vient

9 de dire la Défense de M. Kubura, s'agissant des modalités qu'il faudrait

10 retenir, s'agissant du traitement réservé à ce document au moment où nous

11 en arriverions à la réplique, ou à la duplique, dans le cadre de ce procès.

12 Cadre temporel, avant la période couverte par l'acte d'accusation, il y a

13 une période -- comme l'a dit l'avocat de la Défense de M. Kubura, il y a

14 une période postérieure à la période couverte par l'acte d'accusation. Je

15 vais peut-être revenir sur des explications que j'avais fournies pour

16 parler de l'accusé Kubura, mais je pense que ceci faut également pour

17 l'accusé M. Hadzihasanovic. Il est exact de dire que, s'agissant de

18 l'accusé Kubura, il est devenu commandant faisant fonction de la 7e Brigade

19 de montage musulmane le 1er avril 1992, et qu'il est devenu commandant

20 effectif plus tard; cependant, déjà avant, en 1992 -- en décembre 1992, il

21 a occupé certains fonctions au sein de la 7e Brigade de montagne musulmane.

22 D'abord, il a été adjoint au chef d'état-major et, plus tard, il est devenu

23 le chef d'état-major, le 1er janvier 1993.

24 La Défense de M. Kubura vous renvoie à la décision rendue par la Chambre

25 d'appel. Celle-ci s'est penchée sur la question de savoir si l'accusé

Page 6309

1 Kubura peut être accusé d'une infraction commise par ses subordonnés avant

2 le 1er avril 1993. Ici est évoqué la question des chefs d'accusation. A

3 notre avis, mon confrère de la Défense de M. Kubura ne comprend pas la

4 nature de la décision en appel. Elle n'a rien avoir, cette décision, avec

5 la question de la recevabilité en dossier d'audience d'un document.

6 L'Accusation demande le versement d'un document qui aurait pour vocation

7 d'administrer la preuve des faits qui sont en rapport avec des chefs

8 d'accusation, même si l'Accusation, d'après la décision de la Chambre

9 d'appel, n'est autorisée à inculper M. Kubura que d'infraction au cours de

10 la période pendant laquelle il avait un rapport de supérieur et subordonné.

11 Mais tout fait qu'il a -- dont il a eu connaissance auparavant, en vertu

12 des différents fonctions qu'il a occupé au sein de la 7e Brigade musulmane

13 de Montagne, tous ces faits sont sans doute pertinents, pour ce qui est de

14 la capacité qu'il a eu, plus tard, de punir et de sanctionner. "Plus tard",

15 je veux dire par là, au moment où il est devenu commandant. Ce sont deux

16 questions tout à fait distinctes qu'il faut aborder et traiter séparément.

17 Permettez-moi d'étoffer mon propos sur cette question. L'Accusation

18 estime que toute cette problématique, on ne peut pas l'aborder de façon

19 abstraite. J'en conviens avec mon confrère, il faut examiner les documents;

20 cependant, permettez-moi de revenir à l'exemple que je vous ai donné plutôt

21 dans la journée. Nous avons une lettre du 28 avril 2004. Ici, je reviens à

22 ce qu'a dit la Défense de M. Hadzihasanovic. Peu importe de savoir si M.

23 Hadzihasanovic est devenu le chef d'état-major de l'ABiH le 1er novembre ou

24 quelques jours plus tard. Ce n'est pas ce qui compte. Si vous avez une

25 lettre qui porte la date du 28 avril 2004, il est possible d'y trouver des

Page 6310

1 éléments de preuves démontrant que l'accusé Hadzihasanovic a appris

2 l'existence de certains crimes ou infractions, et là j'ai pris l'exemple de

3 Dusina, le 27 janvier 1993. De façon abstraite, la date que porte un

4 document ne peut pas être le critère retenu pour déterminer si un document

5 est recevable ou pas.

6 Permettez-moi de passer au deuxième point, qui est la pratique adoptée par

7 la Chambre de première instance. Mon confrère de la Défense de M.

8 Hadzihasanovic l'a évoqué, ce point. Cette Chambre de première instance a

9 une démarche tout à fait ouverte, et des documents ont été versés au

10 dossier qui étaient en dehors de la période couverte par l'acte

11 d'accusation. La Défense interprète, d'une façon très large, cette démarche

12 ouverte, retenue par la Chambre de première instance, pour ce qui est de

13 toutes les questions relatives au contexte. Que veut dire l'Accusation ?

14 C'est qu'il y a une différence entre le contexte et les chefs d'accusation

15 contenus dans l'acte d'accusation. Nous demandons le versement au dossier

16 de documents qui sont pertinents au regard des chefs d'accusation retenus

17 dans l'acte d'accusation. Ceci n'a rien avoir, ou n'est pas nécessairement

18 rapport avec le contexte ?

19 Pour nous, à nos yeux, il n'y a aucune contradiction dans notre démarche,

20 s'agissant de la recevabilité des documents et de la démarche que nous

21 avons retenues pour ce qui est du constat judiciaire.

22 Troisième point, ce sont les preuves indirectes ou circonstancielles. Je

23 maintiens ce que j'ai dit. J'ai dit qu'ici, nous avons un procès qui a

24 certaines [imperceptible] et, en certaines domaines, et je pense-là surtout

25 au question soulevée par l'Article 7(3) du statut du tribunal, c'est un

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1 procès qui repose sur des preuves indirectes. En d'autres termes, cela veut

2 dire que les preuves sont circonstancielles ou indirectes. Cela veut dire

3 que nous avons des fragments d'éléments de preuve, qui doivent être

4 rassemblés pour permette à l'Accusation d'aider la Chambre au moment où

5 elle doit déterminer quelle est la vérité des faits, et dresser un tableau

6 d'ensemble de la situation.

7 Il est particulièrement important de ne pas examiner chacun des documents,

8 à la fois, mais de les voir dans leur ensemble, dans leur intégralité.

9 Dernier point que je voudrais évoquer, et là je reviens à ce qu'avait

10 laissé entendre la Défense de M. Kubura. C'est ceci : on pourra accorder

11 des cotes provisoires d'identification des documents qui se retrouveraient

12 dans le dossier de l'espèce et, au moment de la réplique, dans ce volet-là

13 de la procédure, l'Accusation pourrait essayer d'obtenir le versement de

14 ces documents à titre de pièces à conviction. Mais vous savez que cette

15 phase du procès est régie par certains articles du règlement. La réplique,

16 s'agissant précisément de ce volet-là, limite, de façon très rigoureuse,

17 très stricte, ce que peut faire l'Accusation. L'Accusation, à ce moment-là

18 du procès, ne peut reprendre que les éléments qui ont surgis au moment de

19 la présentation des moyens à des charges. Mon confrère de la Défense de M.

20 Kubura, avec la suggestion qu'il le fait, ne permettrait jamais à

21 l'Accusation de demander le versement de ces documents, en tant qu'en pièce

22 d'accusation, nous nous opposons très vigoureusement à cette idée. Dans ce

23 contexte, et je voulais en parler plus tard, mais, puisque ceci s'intègre

24 bien dans la question de la phase de réplique, je dirais que là nous

25 devrions faire, en tant qu'Accusation, une autre suggestion, qui se fonde

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1 sur la procédure appliquée dans le procès Kvocka. Je renvoie à la décision

2 prise le 17 mars 1999, ordonnance permettant le versement de pièces et de

3 preuves documentaires. La Chambre de première instance, dans le procès

4 Kvocka, a adopté la procédure suivante : les documents seront déclarés

5 recevables. C'est la Défense, au moment de présenter ces moyens, qui devra

6 contester l'authenticité de l'un quelconque de ces documents versés au

7 dossier ou toute autre question. L'Accusation, d'après cette décision,

8 s'occupera de ces questions contestées par la Défense s'agissant de

9 l'authenticité au moment de la réplique qu'elle fera dans la procédure.

10 C'est la suggestion que nous faisons ici. C'est tout à fait différent de

11 celle que vient de faire mon confrère de la Défense de M. Kubura.

12 Je ne veux pas vous donner davantage de détails pour le moment, Monsieur le

13 Président. Je vous remercie.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Withopf, de manière générale, vous êtes

15 revenu sur les observations de la Défense en mettant en avant quatre points

16 : le cadre temporel; les pratiques de la Chambre ou des Chambres; la

17 question des preuves indirectes; et les observations de la Défense

18 proposant des modalités nouvelles.

19 Concernant le cadre temporel, vous êtes resté sur votre position, en

20 rappelant, de manière détaillée, les fonctions du général Kubura à

21 l'époque, en 1992 et avant le 1er janvier 1993. Concernant le cadre

22 temporel, vous indiquez que ce qui compte, ce n'est pas tant les dates

23 qu'en réalité le contenu des documents.

24 Concernant les pratiques, vous dites que cette Chambre ou les autres

25 Chambres ont toujours eu une démarche ouverte. Cela n'appelle pas de votre

Page 6313

1 part de commentaires superflus.

2 Concernant les preuves indirectes, vous maintenez ce que vous aviez

3 dit. Vous dites qu'il y a, effectivement, des événements fragmentaires,

4 mais ces éléments permettent de dresser un tableau et qu'il faut voir ces

5 éléments fragmentaires dans leur intégralité. A titre de suggestion, vous

6 indiquez que ces éléments pourraient être à nouveau discutés au moment,

7 pourraient, comme voudrait la Défense, être contestés et expliqués au

8 moment de la réplique. Mais vous êtes, en définitive, opposé à ce que ce

9 débat intervienne au moment de la réplique.

10 Par ailleurs, vous vous êtes référés à la décision rendue le

11 17 mars 1999, dans l'espèce Kvocka. Vous invitez également la Chambre à

12 prendre en considération cette décision. Pour vous résumer, vous n'avez pas

13 pris compte de l'argumentation de la Défense, notamment, sur la question du

14 temps. Vous maintenez votre position. Nous vous avons écouté, tout le monde

15 a pu s'exprimer. Il y a eu un débat contradictoire sur la pertinence, et la

16 Chambre décidera.

17 Il nous reste les deux autres points qui sont le 89 -- est-ce que,

18 compte tenu de la position qui est maintenant figée de l'Accusation, est-ce

19 que la Défense, vous voulez répliquer à nouveau ? Si c'est utile oui, si ce

20 n'est pas utile, la réplique n'a peut-être pas de sens.

21 Maître Bourgon.

22 M. BOURGON : Cela ne sera pas nécessaire, Monsieur le Président. Merci.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : J'en étais convaincu. Maître Dixon, est-ce que vous

24 voulez répliquer à ce qu'a dit M. Withopf ?

25 M. DIXON : [interprétation] Monsieur le Président, une petite précision. Il

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1 me semble que, dans le compte rendu d'audience, la date pour M. Kubura est

2 erronée. Cela s'est passé avant le 1er avril 1993. C'est sur cela que porte

3 la majorité des 60 documents. Il s'agit du 1er avril 1993. En tout dernier

4 lieu, Monsieur le Président, à propos de l'argument relatif à la réplique,

5 argument présenté par mon confrère, j'avais dit qu'il y a de nombreuses

6 phases pendant lesquelles des documents peuvent être considérés comme

7 recevables. Notamment, lors du contre-interrogatoire d'un témoin, des

8 documents peuvent être présentés à un témoin et peuvent être ainsi

9 authentifiés. De même, si vous citez à la barre des témoins, si vous

10 souhaitez et choisissez de le faire, ces témoins peuvent être interrogés

11 par les deux parties. Dans la phase de réplique, à proprement parler, s'il

12 y a des questions qui ont été soulevées à propos de la pertinence de

13 documents du fait de la présentation des moyens à décharge de la Défense,

14 l'Accusation peut, à ce moment-là, présenter des documents pendant cette

15 phase. Cela vous permettra à vous d'évaluer lesdits documents en présence

16 du témoin, tel que cela est indiqué par l'Article 89(C). C'était

17 l'influence ou la nature de ce que je disais. Les documents peuvent être

18 considérés comme recevables durant différentes phases, une fois que leur

19 pertinence est beaucoup mieux connue dans un contexte plus général. Je vous

20 remercie.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Dixon, vous explicitez la question de la

22 réplique, en disant que la procédure permet également, pendant cette phase

23 dite de réplique à l'Accusation, de présenter à nouveau des documents,

24 qu'il y ait un débat, à ce moment-là, qu'il est toujours possible, à ce

25 moment-là, de permettre à la Chambre de statuer sur la pertinence des

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1 documents. Vous avez précisé ce point.

2 Comme je l'ai indiqué, nous avons pris note de ce que les uns et les

3 autres ont dit. Nous trancherons ce débat. Les deux autres points qui sont

4 à l'ordre du jour, sont le 89(D) et également la question liée aux

5 documents qui ne peuvent être introduits que par témoin. Ces deux points à

6 l'ordre du jour, Me Bourgon voulait les rassembler en un seul exposé. Peut-

7 être il conviendrait que ce soit plutôt la Défense qui commence à évoquer

8 ces questions, et l'Accusation y répondra pour que ce soit utile. Est-ce

9 que M. Withopf est d'accord sur l'inversion de la prise de parole ?

10 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

11 les Juges, cela ne nous pose absolument aucun problème. Toutefois, il me

12 semble qu'il serait judicieux de parler de ces deux thèmes de façon

13 séparée.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre avait estimé dans sa décision,

15 qu'il valait mieux les aborder de façon séparée.

16 Maître Bourgon, nous allons les aborder, de manière séparée. Dans un

17 premier temps, vous intervenez sur le 89(D) puisque c'est ce qui soulevait

18 le problème. Ensuite, Me Dixon abordera la question, et l'Accusation lui

19 répondra. Il y aura un échange.

20 Maître Bourgon, sur le 89(D) que vous avez d'ailleurs listé dans

21 votre document concernant plusieurs documents, où pour vous si ces pièces

22 étaient admises, elle porteraient préjudice à l'accusé dans le sens où cela

23 ne serait pas conforme à l'Article 89(D), que je lis comme suit : "La

24 Chambre peut exclure tout élément de preuve dont la valeur probante est

25 largement inférieure à l'exigence d'un procès équitable." A partir de cet

Page 6316

1 article, vous avez listé toute une série de documents qui, selon vous,

2 tombent sous le champ de l'exclusion.

3 Je vous donne la parole pour explicitation de votre position. Je vais

4 même dire, c'est quasiment tous les documents.

5 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

6 Tout d'abord, j'aimerais commencer ce bref exposé en soulignant le fait,

7 Monsieur le Président, qu'en effet, presque tous les documents qui ont été

8 proposés par l'Accusation, la Défense a ajouté un petit x dans la case de

9 l'Article 89(D). Toutefois, la Défense a bien précisé, Monsieur le

10 Président, dans ses commentaires, qu'en l'état, l'Article 89 (D)

11 s'appliquait, mais que le document pouvait être sauvé par un autre élément

12 de preuve additionnel. C'est là le sens de tout notre argument.

13 Monsieur le Président, les arguments de la Défense concernant

14 l'Article 89(D) du règlement sont les suivants : comme vous l'avez

15 mentionné, la Chambre peut exclure un élément de preuve si la valeur

16 probante de cet élément est largement inférieur aux exigences d'un procès

17 équitable. A notre avis, Monsieur le Président, cela peut se produire à

18 deux occasions.

19 Tout d'abord, au moment de la détermination par la Chambre de

20 l'admissibilité d'un document.

21 Deuxièmement, cela pourrait se produire plus tard, lors de

22 l'évaluation par la Chambre, du poids qui doit être accordé à un élément de

23 preuve qui a été admis au dossier au regard de l'ensemble de la preuve.

24 Nous vous soumettons respectueusement, Monsieur le Président, que

25 dans la mesure du possible, il y a lieu de procéder, le cas échéant, à

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1 l'exclusion d'un élément de preuve au moment de son admission, puisque

2 c'est à ce moment que les deux parties ont l'opportunité de faire valoir

3 leur point de vue respectif, qui sera consigné au dossier.

4 La question à résoudre concernant l'Article 89(D) est la suivante : à

5 quel moment la valeur probante d'un élément de preuve, en l'occurrence, un

6 document sera largement inférieur aux exigences d'un procès équitable. On

7 ne peut, certes, énumérer toutes les situations, où un tel cas pourrait se

8 produire. Toutefois, il est possible, Monsieur le Président, selon nous, de

9 dégager certains principes, des principes directeurs qui pourront assister

10 la Chambre à faire une telle détermination.

11 Dans le premier scénario, Monsieur le Président, celui qui est le

12 plus facile, nous traitons du fait qu'un accusé soit privé de son droit à

13 la contradiction ou de son droit de contre-interroger un document ou un

14 témoin sur la teneur d'un document. Pardon. A titre d'exemple, Monsieur le

15 Président, un document est remis à l'Accusation par un témoin. Ce témoin

16 est appelé à témoigner devant la Chambre. Au cours de l'audition de ce

17 témoin, le document n'est pas soulevé et n'est pas présenté par

18 l'Accusation. De ce fait, la Défense ne soulève pas la question non plus,

19 avec le témoin, puisque l'Accusation n'attache pas d'importance au

20 document. Une fois le témoin reparti chez lui, l'Accusation présente le

21 document dont elle avait l'occasion de présenter avec ce témoin. Si le

22 document est accepté par la Chambre, l'accusé se voit ainsi privé de son

23 droit qu'il aurait eu de contre-interroger le témoin qui pouvait faire

24 admettre ce document. A ce moment-là, selon le poids qui est accordé au

25 document par la Chambre, le fardeau semble, somme toute, renversé.

Page 6318

1 Maintenant, il y a une preuve au dossier, que l'accusé doit rencontré, doit

2 expliquer, alors que l'occasion de le faire, il en a été privé. C'est le

3 premier scénario, Monsieur le Président. De notre avis, lorsque cette

4 situation se produit, à moins, évidemment, d'avoir un autre témoin, mais

5 c'est le sujet que nous aborderons, ensuite. Ce document-là ne devrait pas

6 être admissibilité.

7 La deuxième situation, Monsieur le Président, est celle qui est la

8 plus importante à notre avis. C'est la présentation d'un document qui ne

9 peut, en l'état, être d'une assistance à la Chambre. Je vous donne un

10 exemple. Nous prenons un document que la Chambre reçoit. La Chambre doit,

11 au moment de déterminer l'admissibilité, regarder la pertinence et regarder

12 la valeur probante. Elle doit aussi, selon nos arguments, regarder la

13 composante inhérente à ces deux conditions, soit la fiabilité. Nous avons

14 déjà dit que la fiabilité n'est pas un test séparé et n'est pas un premier

15 test, mais la fiabilité demeure. La fiabilité, Monsieur le Président, c'est

16 lorsque la Chambre se retirera et aura entre les mains le document. La

17 Chambre, sera-t-elle en mesure d'utiliser ce document sans se poser de

18 questions à savoir, ce que représente le document et où il va dans la

19 théorie de l'Accusation. Si, une fois en possession du document, la Chambre

20 a des questions sur la fiabilité, tel qu'elle ne peut utiliser ce document

21 sans faire des hypothèses sur le document, à ce moment-là, il y a

22 définitivement un préjudice qui est causé aux droits de l'accusé, puisque

23 l'accusé n'aura pas eu l'occasion de faire valoir ses arguments sur ce

24 document. Si la Chambre pourrait être amenée, soit plus tard au cours de

25 l'évaluation du document, à accorder un poids à un document qui à sa face

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1 même, ne peut être utilisé, car sa fiabilité, son manque de fiabilité est

2 tel que le document ne parle pas de lui-même.

3 A cet effet, Monsieur le Président, nous avons à souligner plusieurs

4 exemples. Lorsque viendra le temps d'évaluer le caractère ratione temporis

5 de l'admissibilité, vous avez entendu des arguments des deux parties. Je

6 profite de l'occasion pour rajouter que, contrairement à ce que

7 l'Accusation dit, je suis tout à fait d'accord avec mon confrère, ce n'est

8 pas la date en soi qui fait foi, c'est la date avec le contenu. Il faut

9 regarder la date du document. Il faut regarder l'événement qui est sur le

10 document et, ainsi, on peut faire une détermination sur la pertinence d'un

11 document. Prima facie, un document, qui est à l'extérieur du cadre ratione

12 temporis de l'acte d'accusation, pose une question d'entrée de jeu au

13 moment de déterminer la pertinence.

14 Mon confrère, à ce sujet, vous a mentionné la question de l'acte

15 d'accusation. Il ne faudrait pas confondre, Monsieur le Président, les

16 violations alléguées dans l'acte d'accusation et la conduite qui est

17 reprochée aux deux accusés. Il s'agit de deux choses tout à fait

18 distinctes. Dans l'acte d'accusation, il y a des violations qui sont

19 reprochés à certaines personnes, que ce soit Dusina, que ce soit Miletici,

20 Maljine, ou un quelconque centre de détention. On y allègue que quelqu'un a

21 commis une infraction. Mais ce qui est reproché aux accusés, ceux ne sont

22 pas les infractions. Nous avons déjà dit à plusieurs reprises que les

23 accusés ne font pas face à des accusations pour avoir commis, pour avoir

24 planifié, pour avoir ordonné, pour avoir aidé, pour avoir encouragé, de

25 quelconque façon les violations allégués dans l'acte d'accusation. Ce qui

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1 est rapproché aux accusés, c'est une conduite dans leurs capacités de

2 commandement, dans leurs fonctions de commandant, de ne pas avoir su

3 prévenir ou punir, ou prendre les mesures nécessaires et raisonnables pour

4 arriver à ces deux objectifs, soit un objectif, soit de répression ou de

5 prévention. C'est tout à fait différent des violations alléguées. A cet

6 égard, il est important de souligner le paragraphe 26 de l'acte

7 d'accusation, qui fait état du contexte en lequel l'accusation tente de

8 mener le procès et la preuve circonstanciel.

9 Le contexte global allégué par l'Accusation au paragraphe 26 fait

10 état à peu près toutes les municipalités en Bosnie centrale, et fait

11 remonter le caractère ratione temporis de l'acte d'accusation loin avant

12 l'acte et loin après. Mais la pertinence d'un fait doit être déterminée à

13 la conduite qui est reprochée aux accusés, et cette conduite-là, c'est un

14 acte de commandement entre le 31 mars 1993, et la fin de l'année, selon

15 l'acte d'accusation; selon nos observations, le 31 octobre 1993, pour ce

16 qui est du général Hadzihasanovic. La pertinence devra être évaluée de

17 cette façon.

18 Lorsque nous arrivons, Monsieur le Président, à la fiabilité, nous

19 avons mentionné hier que la fiabilité avait certaines composantes. Pour

20 nous, une des composantes les plus importantes, c'est l'authenticité d'un

21 document, et l'authenticité d'un document est ce que lorsque la Chambre se

22 retira avec un document, aura-t-elle l'impression qu'elle a devant elle un

23 document authentique qui représente ce qu'il dit, non pas que le contenu

24 soit véridique ou non. Toutefois, est-ce que la Chambre sera en confiance à

25 la lecture du document ? Est-ce que la Chambre aura, selon elle, les

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1 informations nécessaires pour évaluer le document ? Si la Chambre demeure

2 sur un questionnement, il y a là, à notre avis, Monsieur le Président, un

3 préjudice qui est causé à l'accusé puisqu'on n'a pas l'occasion de revenir

4 et de présenter des arguments sur ce document.

5 Demain, Monsieur le Président, nous aurons l'occasion de montrer des

6 illustrations de ce que j'explique maintenant, où certains documents

7 laisseront tellement de questions à la Chambre, la fiabilité de ces

8 documents sera tellement questionnée, qu'un tel document ne peut être

9 introduit sans avoir le soutiens d'un élément de preuve additionnel. Comme

10 le disait mon confrère, ce n'est pas la fin pour ces éléments de preuve.

11 Ils peuvent très bien être placés pour identification au dossier, et au

12 cours soit de la preuve de l'Accusation, soit de la preuve de la Défense,

13 ou au cours de la procédure qui suit cette phase, les documents pourront

14 être admis au dossier. Ce n'est qu'à la fin, évidemment, que la Chambre en

15 évaluera le poids, la force probante, pour arriver à une décision dans

16 cette affaire.

17 J'aimerais conclure cet exposé, Monsieur le Président, par deux

18 points : Tout d'abord, la question de la vidéo. La question de la vidéo se

19 sépare quelque peu de la question de la preuve documentaire. Lorsqu'on

20 présente une vidéo, on tente de faire deux choses : on veut présenter des

21 images qui seraient conforme à la réalité, et on veut présenter un

22 commentaire associé à ces images, qui se veut en quelques sortes un

23 témoignage. Lorsque nous faisons une telle démonstration, la fiabilité du

24 document est d'autant plus importante, puisqu'à ce moment-là, nous n'avons

25 pas de témoin devant la Chambre. Comment la Chambre peut-elle accorder une

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1 quelconque valeur probante à une vidéo, à une image, dont elle ne connaît

2 pas la source, dont elle ne connaît pas la caractère technique, et dont

3 elle ne connaît pas de quelle façon, et à quel moment, et à quel fin, la

4 vidéo a été produite ?

5 Un petit peu plus tôt au cours de ce procès, Monsieur le Président, nous

6 avons eu l'occasion de présenter des arguments sur les vidéos. Dans un

7 premier cas, il y avait une vidéo qui comportait une scène où nous avons vu

8 certaines personnes qui avaient des blessures, et nous avons à ce moment-là

9 présenté des arguments pour faire en sorte que la scène, qui soit en

10 possession de la Chambre plus tard, l'hors de l'évaluation du procès, se

11 limite à celle qui avait été vue l'hors du procès, et reconnu par le

12 témoin, de façon à éviter toute préjudice qui pourrait être apporté à

13 l'accusé en ayant la Chambre en possession d'une scène qui n'aurait pas

14 fait l'objet de cette procédure contradictoire. C'est le premier cas.

15 Dans le deuxième cas, c'était avec le témoin Totic. Il y a eu des arguments

16 présentés d'un part et d'autres concernant l'admissibilité d'une vidéo. Une

17 fois les conditions nécessaires réunies, la Défense a retirée son objection

18 à la présentation d'une scène vidéo limitée dans le temps sans commentaire

19 audio, et cette vidéo a été produite devant la Chambre, et elle est

20 maintenant au dossier.

21 Aujourd'hui, on tente de prendre des vidéos complètes qui traitent d'une

22 très longue période, et de les faire admettre au dossier en bloc sans même

23 qu'elles soient visionnées devant la Chambre, sans même que la Chambre

24 n'ait aucun renseignement, aucune information concernant ces pièces. Nous

25 croyons, Monsieur le Président, qu'il s'agit à cet effet d'un préjudice

Page 6323

1 réel à l'accusé, à moins évidemment que comme on l'a fait précédemment ce

2 préjudice ne soit réparé ou ne soit annulé par le soutien d'une autre

3 preuve, qu'elle soit testimonial, qu'elle soit documentaire, ou quelconque.

4 Mais là, les arguments de la Défense sont centrés sur la question de la

5 preuve en l'état d'abord pour les documents, mais encore plus pour une

6 vidéo qui entrerait sans aucun débat quelconque et qui serait remise aux

7 Juges. Je rappelle à cet effet l'argument présenté par mon confrère, qui a

8 bien expliqué la nature du procès ici. Cette pièce a été reçue par

9 l'Accusation, qui est une des trois parties au procès. Cette pièce n'a pas

10 été au moment où elle a été obtenue, n'a pas fait l'objet, comme on

11 pourrait le faire dans un système de droit continental, de droit romano-

12 germanique, où les pièces admises au dossier ont déjà fait l'objet, ont

13 déjà été observées, ont déjà été analysées avant leur admission au dossier.

14 Le dernier point, Monsieur le Président, concerne la question

15 soulevée par mon confrère de l'Accusation au sujet de la décision dans

16 Kvocka. Selon cette décision, on nous dit qu'on puisse admettre les pièces

17 au dossier, et ce n'est à la Défense après que de les contester. Monsieur

18 le Président, nous sommes d'avis que cela est tout à fait contraire, et que

19 cela serait définitivement un préjudice à l'accusé. Si la Chambre se

20 questionne toujours sur un document et sur sa fiabilité, elle ne peut

21 accepter sous réserve de dire, bien, la Défense pourra toujours contester

22 cette pièce, parce que dans un tel cas il y a, effectivement, renversement

23 du fardeau de preuve, où c'est à la Défense de défaire une preuve plutôt

24 qu'à l'Accusation de présenter un élément de preuve pour appuyer sa thèse,

25 pour remplir son fardeau de preuve, qui est de dire que les accusés, hors

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1 de tout doute raisonnable, auraient eu la conduire qui leur est reprochée

2 par l'Accusation.

3 Pour ces motifs, Monsieur le Président, nous demandons à ce que tous

4 les documents pour lesquels la colonne 89(D) a été cochée, suite à

5 l'évaluation par la Chambre de tous les critères, de la source, de la

6 fiabilité, de la pertinence, de la valeur probante, que tous ces éléments

7 soient écartés du dossier jusqu'à ce qu'ils soient appuyés par un

8 complément de preuve qui pourrait leur donner un minimum acceptable pour la

9 Chambre. Nous vous soumettons, Monsieur le Président, que le test minimum;

10 c'est le questionnement de la Chambre lorsqu'elle sera seule dans sa

11 chambre pour évaluer une pièce. Est-ce que la pièce parlera d'elle-même

12 suffisamment pour en faire une pièce fiable ou est-ce que la Chambre

13 demeurera sur un questionnement intérieur ? Dans un tel cas, cette pièce ne

14 doit pas être admise au dossier. Nous pourrons toujours l'admettre pour

15 fins d'identification et sujet à d'autres moments, nous pourrons l'admettre

16 au dossier.

17 J'ai terminé, Monsieur le Président, mais j'ai oublié une petite

18 remarque concernant les documents du HVO. Les documents du HVO, Monsieur le

19 Président, l'Accusation a eu la possibilité, par un témoin devant cette

20 Chambre, notamment, le Témoin Totic, de prendre tous les documents HVO

21 qu'elle avait et de montrer au témoin : "Est-ce que selon vous c'est un

22 document qui a été produit au sein de l'armée du HVO ? Est-ce que vous

23 reconnaissez une quelconque signature ? Est-ce que vous reconnaissez un

24 quelconque tampon ? Est-ce que vous reconnaissez quelque chose sur le

25 document qui pourra assister les Juges à aller au-delà du seuil de la

Page 6325

1 fiabilité, pour répondre à la question minimum des Juges ?" Mais non, on ne

2 l'a pas fait. Aujourd'hui, on produit une série de documents qui

3 proviennent du HVO sans témoin, en disant à la Chambre : "Vous pouvez

4 comprendre à quoi sert le document et d'où il vient et quel était le

5 fonctionnement interne du document."

6 Un dernier commentaire concerne le caractère externe des documents.

7 Le caractère externe des documents, Monsieur le Président, ce que nous

8 disons, c'est qu'en soit plus le document est loin de l'accusé, plus à ce

9 moment-là la Chambre doit exiger une fiabilité du document. Plus le

10 document est proche de l'accusé, la fiabilité est un questionnement qui

11 risque d'être moindre pour la Chambre. Avant d'utiliser un document qui a

12 été produit dans une autre armée, dans un autre état-major qui avait des

13 ambitions ennemies contre l'accusé au moment de l'exercice de ses

14 fonctions, encore faut-il que ce document-là ait une fiabilité minimum.

15 Merci beaucoup, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais re-synthétiser ce que vous avez dit,

17 et je donnerai la parole à M. Withopf pour qu'il réponde. Après, le cas

18 échéant, vous reprendrez la parole et je donnerai la parole à Me Dixon sur

19 le 89(D).

20 Comme votre intervention a été riche et nourrie, je vais rappeler les

21 points principaux. Bien entendu, l'Accusation devra nous dire son

22 positionnement.

23 Vous avez abordé une question principale qui est que la Chambre doit

24 se prononcer au moment de l'admission des pièces. C'est votre position

25 qu'au moment de l'admission, même que la Chambre, de par le règlement, a la

Page 6326

1 mission d'évaluer et d'en délibérer. C'est au moment de l'admission, au

2 moment où la pièce en demande de versement que vous estimiez que la Chambre

3 doit apprécier la valeur probante et la question de l'exigence du procès

4 équitable est que si, à ce moment-là, la Chambre estime que la valeur

5 probante est inférieure aux exigences du procès équitable, la Chambre doit

6 exclure. C'est clair et net, c'est votre position.

7 Vous abordez un deuxième problème, qui est un problème aussi très

8 important. Vous expliquez que dans le cadre du procès équitable il y a des

9 principes directeurs bien connus de tous et, notamment, celui de l'accusé à

10 contre-interroger un témoin. Qu'à partir de là, vous vous posez la question

11 qui résulte du fait que lorsque des témoins sont venus, l'Accusation

12 pouvait introduire des documents. Si elle l'avait fait à ce moment-là, vous

13 auriez interrogé le témoin sur le document, ce qui n'a pas été fait.

14 Qu'introduire un document après l'audition d'un témoin, cela porte

15 préjudice aux droits de l'accusé, dans la mesure où vous n'avez pu contre-

16 interroger le document, et qu'ainsi l'accusé se voit privé d'un droit.

17 Voilà le deuxième problème important que vous soulevez.

18 Vous abordez un troisième point qui est le rôle de la Chambre par

19 rapport à l'examen des documents et à la fiabilité d'un document. Vous

20 dites que la Chambre, lorsqu'elle délibère, peut être amené à se poser des

21 questions sur un document concernant la fiabilité et que, si la Défense n'a

22 pas été en mesure d'apporter des éclairages à la Chambre, l'accusé

23 pourrait, dans cette hypothèse, subir un préjudice. C'est un troisième

24 thème que vous livrez concernant un préjudice éventuel de l'accusé en

25 raison de l'examen par la Chambre d'un document non fiable, et le document

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1 qui aurait été admis.

2 Vous revenez, ensuite, sur le problème ratione temporis en

3 explicitant la position de la Défense en disant qu'un document, en réalité,

4 un document c'est une date et un contenu. Un document est non pas

5 simplement le contenu ou simplement la date. Qu'il faut apprécier un

6 document en regardant la date et le contenu. Voilà un autre point que vous

7 abordez.

8 Ensuite, vous abordez un problème plus juridique, qui est la

9 responsabilité pénale des accusés. Vous rappelez que si dans l'acte

10 d'accusation, il y a des allégations sur des infractions commises dans les

11 municipalités - vous citez Dusina, et cetera - et vous dites que ces

12 infractions, les faits commis dans ces municipalités, n'ont pas été

13 commises par les accusés. Ce qu'on leur reproche à eux c'est de ne pas

14 avoir fait de la prévention ou de la répression. C'est le sens de l'Article

15 7(3). C'est cela qu'on reproche. C'est prévention et répression, absence de

16 prévention, absence de répression, ce qui caractérise les infractions

17 définies par l'Article 7(3) du Statut. Vous nous avez tenu à rappeler cette

18 question juridique.

19 Vous êtes, ensuite, revenu à nouveau sur la question de la fiabilité, et

20 vous avez posé la question de savoir comment la Chambre pourra apprécier,

21 le cas échéant, l'authenticité d'un document. S'il manque des éléments sur

22 l'authenticité, que si la Chambre se prononce ou évoque dans son délibéré

23 la question d'un document authentique sans que l'Accusation ait pu livrer à

24 la Chambre les informations suffisantes, il pourrait y avoir un préjudice

25 de l'accusé. Vous avez l'intention vous nous l'avez dit, demain, d'évoquer

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1 quelques documents en ce sens. Vous avez, ensuite, abordé d'autres points

2 importants aussi. La question des vidéos. Vous avez rappelé les deux vidéos

3 qui ont été admises, la vidéo Totic et la vidéo des témoins qui avaient été

4 blessés. Vous estimez que la vidéo doit faire l'objet d'une diffusion

5 devant la Chambre, afin de permettre à la Défense de faire valoir son point

6 de vue pour, justement, que l'accusé puisse avoir le bénéfice d'un procès

7 équitable, qu'admettre des vidéos sans visionnage, entraverait et porterait

8 une atteinte grave à ce droit fondamental de l'accusé. Vous expliquez que

9 la vidéo, ce sont des images et un commentaire, et qu'il y a lieu à

10 positionnement de la Défense sur la vidéo.

11 Vous avez abordé à nouveau la décision Kvocka qui, selon vous, la mise en

12 œuvre de cette décision équivaudrait au renversement de la charge de

13 preuve. Ce serait à la Défense de contester des éléments de preuve, alors

14 que c'est à l'Accusation de prouver les charges par ses moyens de preuve,

15 qu'appliquer cette décision, en disant, (1) on l'admet et (2) c'est la

16 Défense qui doit contester. Là, pour vous, c'est un renversement de la

17 charge de la preuve.

18 Vous avez abordé, ensuite, la question des documents HVO. Vous avez fait

19 part de votre étonnement sur le fait que, lorsque le général Totic était

20 présent, l'Accusation n'a pas jugé utile de lui présenter les documents

21 dits HVO, car ce militaire de haut rang aurait pu, à ce moment-là,

22 reconnaître les documents, ce qui n'a pas été fait.

23 Enfin, vous avez redéfini, vous l'aviez dit hier, mais vous le redites, je

24 le reprends à nouveau, la question de l'examen externe des documents. Votre

25 thèse est de dire que plus le document est éloigné de l'accusé, plus à ce

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1 moment-là, il faut avoir des garanties, comme quoi ce document est fiable.

2 En revanche, si le document émane de l'accusé ou est proche de l'accusé, à

3 ce moment-là, les garanties de fiabilité peuvent être moindres. C'est un

4 principe général que vous affirmez.

5 Tous ces points, évidemment, sont fort intéressants, et appelle de la part

6 de l'Accusation, une réponse pour que la Chambre soit éclairée avant

7 qu'elle puisse statuer. Après, je donnerai la parole à Me Dixon et on

8 recommencera. Il vaut mieux procéder de cette manière. Ce sera beaucoup

9 plus clair pour tout le monde, plutôt que de mélanger les arguments des uns

10 et des autres.

11 Monsieur Withopf, pouvez-vous nous faire valoir votre position sur tous les

12 points qui ont été évoqués par Me Bourgon, que j'ai rappelés afin de bien

13 cerner l'ensemble des questions soulevées. Vous avez la parole, Monsieur

14 Withopf.

15 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que je suis

16 d'accord avec mon éminent confrère de la Défense de Kubura. Peut-être

17 serait-il plus approprié avec l'autorisation de la Chambre, de faire en

18 sorte que la Défense de M. Kubura nous fasse des commentaires sur les deux

19 questions, afin que l'Accusation ne réponde qu'en une seule fois.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous préférez que M. Dixon intervienne. S'il

21 intervient pour dire les mêmes choses, cela peut être utile, mais s'il

22 intervient pour rajouter d'autres éléments, à ce moment-là, il peut y

23 avoir, dans l'esprit du public, des confusions et dans l'esprit de la

24 Chambre aussi.

25 Maître Dixon, qu'est-ce que vous souhaitez ? Intervenir maintenant et

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1 laisser à l'Accusation une réponse globale, ou vous préférez que

2 l'Accusation réponde d'abord à Me Bourgon et à vous après ?

3 L'Accusation semble en penser que vous préférez intervenir tout de suite

4 afin que l'Accusation réponde globalement. Peut-être qu'elle interprète

5 votre positionnement. Qu'est-ce que vous souhaitez ?

6 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai rien à

7 ajouter à la suite de l'exposé extrêmement exhaustif de M. Bourgon sur

8 l'Article 89(D). Je n'ai rien à ajouter à ce sujet. Toutefois, j'aimerais

9 parler brièvement des spécifications relatives aux témoins. Je ne sais pas

10 si je dois le faire après que nous ayons étudié l'Article 89(D). Si tel est

11 le cas, je pourrais attendre que M. Withopf réponde à propos de l'Article

12 89(D). Ensuite, je réinterviendrai à propos des témoins et des conditions

13 relatives aux témoins.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Actuellement, nous sommes uniquement sur le 89(D).

15 La question des témoins, c'était la dernière question. C'était la question

16 la plus fondamentale aussi, de savoir quels étaient les documents qui ne

17 pouvaient être exclusivement introduits que par témoins. Je pense que c'est

18 là-dessus que vous voulez intervenir. Le mieux, comme la Chambre l'avait

19 indiqué, il vaut mieux que M. Withopf réponde aux observations de Me

20 Bourgon, dans la mesure où la Défense de M. Kubura est sur le même plan que

21 la Défense de

22 M. Hadzihasanovic. Vous avez la parole, Monsieur Withopf.

23 M. WITHOPF : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président,

24 Madame, Monsieur les Juges. Si nous avons bien compris, nos éminents

25 confrères de la Défense de Hadzihasanovic se sont penchés sur les deux

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1 questions, à savoir, le 89(D) et la nécessité de faire venir des témoins

2 pour l'admission de pièces. C'est la dernière interprétation de ce qui

3 s'est dit. Si je peux le faire, au sujet du 89(D), je dirais qu'il s'agit

4 d'une question distincte. Nous avons fait des recherches pour ce qui est de

5 la jurisprudence du TPIY à ce sujet. La recherche a révélé ce qui suit :

6 cet article n'a pas apporté d'élément jurisprudentiel extensif. Toutefois,

7 il en découle ce qui suit et ce qui vient faire le résumé de la

8 jurisprudence du TPIY.

9 La valeur probante des éléments de preuve est largement inférieure à

10 l'exigence d'un procès équitable. Je tiens à dire que pour ce qui est d'un

11 procès équitable, la Défense affirme ne pas avoir suffisamment de temps

12 pour préparer sa défense, mais si les documents de l'Accusation qui doivent

13 être versés au dossier ont été obtenus contrairement aux droits de l'homme

14 internationalement reconnus, il devient évident que la jurisprudence touche

15 à des questions qui sont avec la régularité ou l'irrégularité de la

16 procédure, ce qui est tout à fait différent de ce que la Défense a fourni

17 dans ces présentations d'arguments au sujet de la question dont nous

18 parlons. Il y a jurisprudence qui couvre deux scénarios.

19 Le numéro 1 des scénarios, concerne les documents qui sont de nature

20 cumulative. Le numéro 2 concernerait des éléments de preuve qui

21 relèveraient de l'ouï-dire. Il s'agit là de critères qui, selon l'avis de

22 la Défense, ne devraient pas être exclus pour ce qui est du versement au

23 dossier pour des raisons que j'ai déjà expliquées aujourd'hui.

24 Dans ce contexte, je tiens à souligner que ce procès se déroule devant des

25 Juges professionnels qui sont certainement à même de porter des jugements

Page 6332

1 sur des questions recouvertes par les termes de l'Article 89(D).

2 Je voudrais, ensuite, passer à la question du matériel vidéo. Le matériel

3 vidéo, dans bon nombre de cas, l'Accusation convie la Chambre à visionner

4 ces enregistrements vidéo, ces derniers pouvant être mis à disposition.

5 Dans un bon nombre de cas, les enregistrements vidéo parlent par eux-mêmes.

6 Ils parlent par eux-mêmes, du fait de ce qu'on peut voir sur

7 l'enregistrement vidéo et du fait de ce qui est écrit en accompagnement; ce

8 qui est intéressant aussi de savoir. Cela signifie que la nécessité d'avoir

9 un témoin de présent pour confirmer la valeur probante d'un enregistrement

10 vidéo, de l'avis de l'Accusation, cette nécessité ne se trouverait pas

11 justifiée à chaque fois.

12 Un des éminents confrères de la Défense de Hadzihasanovic, a également

13 traité de la question de savoir pourquoi l'Accusation n'avait pas montré au

14 général de brigade, Totic, tous les documents émanant du HVO. Je rappelle

15 que le général de brigade, Totic, à l'époque, en 1993, était commandant de

16 brigade. Il n'avait pas été en position de commenter des documents du HVO,

17 qui sortaient du domaine ou de la portée de ses responsabilités à l'époque.

18 C'est la raison pour laquelle il n'y aurait eu aucune raison de présenter

19 ces documents du HVO par le biais du témoignage du témoin en question.

20 Comme je l'ai déjà dit, l'Accusation croit comprendre du moins, partant de

21 ce que notre éminent confrère de la Défense Hadzihasanovic nous a dit

22 aujourd'hui, qu'il s'est penché sur la question de savoir si des témoins

23 doivent nécessairement être présents pour le versement de documents ou de

24 pièces au dossier.

25 Ce sont, avec la permission de la Chambre, des questions dont nous

Page 6333

1 avons traité à un bon nombre d'occasions devant la Chambre. Si l'on se

2 penche de près sur les écritures présentées par la Défense, il semblerait

3 que la Défense souhaiterait pour la grande majorité des pièces à

4 conviction, si ce n'est pas pour la totalité des pièces à conviction, qu'il

5 y ait possibilité d'interroger le témoin au sujet des circonstances de

6 l'établissement de ces documents.

7 Je vais résumer la position de l'Accusation. Il a déjà été accepté

8 dans le passé, par au moins deux Chambres, à savoir, les affaires Galic et

9 Simic, que les documents pourraient être versés au dossier sans pour autant

10 qu'il y ait présence du témoin. Cela est conforme à la procédure et à la

11 pratique appliquées dans les juridictions de ce que l'on appelle le "civil

12 law", le droit continental.

13 La seule question, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, la

14 seule question qui, de l'avis de l'Accusation, pourrait faire l'objet d'un

15 débat, est celle de la valeur probante des documents qui sont versés au

16 dossier, sans qu'il y ait médiation d'un témoin, ceci pour la raison

17 suivante, à savoir que les documents n'ont pas été discutés avec le témoin

18 dans le courant du contre-interrogatoire. Dans ce contexte, Monsieur le

19 Président, il a été fait référence à l'affaire Celebici, à savoir, la

20 décision de la Chambre de première instance datée du 19 janvier 1998,

21 notamment, au paragraphe 22, où il est dit : "Il apparaît clairement

22 partant des dispositions pertinentes du Règlement de procédure et de

23 preuve, qu'il n'y ait point exclu, qu'il ne soient admis au dossier des

24 documents partant sur des fondements qui découlent du témoignage dans le

25 courant de leur procédure."

Page 6334

1 On dit : "Que la valeur probante de tels éléments de preuve, sera

2 nécessairement affectée par le fait qu'elle n'a pas été prise en

3 considération à l'occasion du contre-interrogatoire."

4 C'est là un facteur important que la Chambre de première instance va

5 certainement prendre en considération, lorsqu'elle se penchera sur le poids

6 à accorder à des éléments de preuve de cette nature. Une fois de plus, ce

7 paragraphe 22 de la décision de la Chambre de première instance dans

8 l'affaire Celebici, datée du

9 19 janvier 1998, il est donné un résumé complet des positions de

10 l'Accusation sur la question.

11 C'est exactement la raison, Monsieur le Président, Madame, Monsieur

12 les Juges, pour laquelle l'Accusation se propose de continuer très

13 certainement à débattre de certains documents avec des témoins. Ceci aux

14 fins d'être sûr que de tels documents, la teneur de tels documents, ainsi

15 que la valeur probante de documents de cette nature, soient mis à la

16 disposition et connus de la Chambre de première instance dans toute la

17 mesure du possible.

18 La situation qui est exprimée par la décision de la Chambre de

19 première instance dans l'affaire Celebici, et datée du

20 19 janvier 1998, traite de deux situations distinctes. Le témoin a été

21 retiré comme cela était le cas avec le témoin dont le nom a été expurgé du

22 compte rendu d'audience, plus tôt dans la matinée d'aujourd'hui. Une autre

23 situation, est celle où le témoin est cité à comparaître et, pour une

24 raison quelconque, il n'a pas été interrogé au sujet d'un document donné,

25 que ce témoin a reçu.

Page 6335

1 Ce serait les deux éléments que j'avais à souligner au sujet des deux

2 questions; l'Article 89(D) et le question de savoir si tous les témoins

3 devaient être interrogés au regard de la totalité des documents. Merci,

4 Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de faire la pause obligatoire, je

6 rappelle ce que vous venez de nous dire, et je redonnerais la parole à la

7 Défense après la pause.

8 Vous nous dites, compte tenu des questions soulevées par les

9 Défenseurs, vous avez examiné la jurisprudence qui, si je comprends bien,

10 n'est pas une jurisprudence qui serait susceptible d'apporter des éléments

11 fort intéressants, notamment, des éléments extensifs. Grosso modo, on

12 pourrait distinguer une jurisprudence, fondée sur deux grands tons forts :

13 la question des éléments cumulatifs, concernant les moyens de preuves; et

14 tous ce qui vient par ouï-dire. Malgré cela, vous dites que des

15 inconvénients, que l'on peut déceler, peuvent être corrigés par le fait

16 même qu'on a affaire à des Juges professionnels, qui sont à même apprécier

17 de la pertinence, la valeur probante, la fiabilité, l'authenticité, et

18 cetera.

19 Vous rappelez d'ailleurs trois décisions : Galic et Simic --

20 ou, dans ces deux décisions, il est dit qu'il est possible de verser dans

21 la procédure des documents sans témoin. L'argumentation de la Défense n'a

22 pas lieu d'être puisque cela a déjà été tranché. En revanche, vous faites

23 état de la déclaration Celebici, le 19 janvier 1998, notamment, le

24 paragraphe 22 ou il est dit que : "Lorsqu'un document n'a pas été soumis

25 par les Défenseurs à un contre-interrogatoire du témoin, la Chambre doit en

Page 6336

1 tirer la conclusion que la valeur probante est en quelque sorte affaiblie,

2 rebondissant sur cette déclaration Celebici, vous nous dites que

3 l'Accusation, dans les jours à venir, dans les semaines à venir, introduira

4 des documents en fonction des témoins.

5 Là, à titre personnel, je me suis posée une question : est-ce que

6 votre phrase doit s'interpréter, comme le fait qu'une partie des documents

7 qui sont listés et qui ont été contestés, va être introduite par le

8 témoin ? Si c'est le cas, il serait utilisé qu'on le sache très vite, ce

9 qui aurait d'ailleurs permis d'éviter des débats inutiles, à moins que cela

10 soit des témoins qui viendront avec des documents qui n'ont pas été listés,

11 ce que je n'envisage pas une seconde.

12 Pouvez-vous, Monsieur Withopf, préciser le sens de vos propos ? En ce

13 qui nous concerne, mais je pense que les Juges ont également entendu la

14 même chose, vous nous dites qu'il y a avoir dans le futur des témoins qui

15 vont venir, et vous allez introduire des documents avec ces témoins, en

16 tenant compte évidemment, de la déclaration Celebici, mais, à ce moment-là,

17 ces documents sont déjà listés. C'est bien cela. Que pouvez-vous nous

18 dire ? Après j'interromprai.

19 M. WITHOPF : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur

20 les Juges, pour être très, très clair à ce sujet, l'Accusation souhaiterait

21 avoir versé au dossier tous les documents qui se trouvent sur sa liste

22 compte tenu des discussions en cours, et pour ce qui est de la valeur

23 probante.

24 Par ailleurs, l'Accusation a l'intention de discuter d'un certain

25 nombre de documents que l'Accusation souhaiterait voir verser au dossier à

Page 6337

1 la suite d'une décision ultérieure de la Chambre de première instance,

2 compte tenu des discussions d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Comme cela

3 s'est fait par le passé, à propos d'un certain nombre de documents, qui

4 n'avaient pas été contestés par la Défense, et qui avaient été admis et

5 versés au dossier à la suite d'une décision de la Chambre de première

6 instance, l'Accusation souhaiterait que tous les documents soient versés au

7 dossier. Toutefois à l'avenir, l'Accusation discutera d'un certain nombre

8 de ces documents en sus des témoins.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous résume. Vous nous dites que vous

10 demandez que tous les documents soient versés au dossier, et vous nous

11 dites qu'une partie de ces documents au jour d'aujourd'hui on ne sait pas

12 lesquels pourront être discutés avec des témoins. C'est bien comme cela que

13 nous avons compris.

14 Je vais suspendre. Il est 12 heures 32. Nous reprendrons à 13 heures et

15 nous terminerons l'audience.

16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.

17 --- L'audience est reprise à 12 heures 59.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Suite à ce que nous a dit M. Withopf, est-ce que Me

19 Bourgon veut répliquer ?

20 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

21 Mes commentaires à ce stade-ci, Monsieur le Président, seront divisés

22 en deux parties. Tout d'abord, j'aimerais répliquer aux arguments qui ont

23 été soulevés par l'Accusation concernant la question de l'Article 89(D) du

24 règlement et, dans un deuxième temps, j'aborderai le deuxième point, soit

25 la question de la nécessité d'un témoin.

Page 6338

1 Sur la question, Monsieur le Président, des points soulevés par

2 l'Accusation au sujet de l'Article 89(D), l'Accusation a traité de la

3 preuve vidéo en disant qu'une preuve vidéo était "self explanatory," la

4 pièce parle d'elle-même, et qu'il était intéressant de voir les écrits qui

5 pouvaient être inclus sur les images. Mon confrère a souligné de lui-même

6 les dangers de voir une vidéo par ces deux points. Qui nous dit que l'image

7 est la vérité ? Qui nous dit à quel moment l'image a été tournée ? Qui nous

8 dit que l'image n'est pas une construction ? Sans avoir de connaissance

9 technique, nous savons tous la facilité avec laquelle des montages vidéos

10 peuvent être faits avec des scènes qui proviennent de différentes époques,

11 de différentes dates, de différents lieux.

12 Sur la question des écritures au bas de l'écran, qui a fait ces écritures ?

13 S'agit-il de commentaires ? Les écritures sont-elles exactes ? A quel but

14 on a écrit sur la vidéo ? Tous ces points, Monsieur le Président, militent

15 en faveur d'avoir une vidéo introduite par un témoin et non pas simplement

16 donnée au cours de la procédure qui nous occupe présentement.

17 Le deuxième point, Monsieur le Président, concernant la venue du Témoin

18 Totic. Mon confrère semble ne pas avoir compris le point que je soulevais

19 concernant la présentation des documents à ce témoin. Bien entendu,

20 Monsieur le Président, il n'aurait pas été possible au Témoin Totic de

21 parler du contenu de ces documents, à moins qu'il n'ait été impliqué lui-

22 même. Nous pensons alors qu'évidemment, l'Accusation n'aurait pas hésité à

23 utiliser ces documents. Toutefois, ce n'est pas là le point de la Défense.

24 Notre question c'est sur le plan de la fiabilité. Nous pensons, comme nous

25 allons le démontrer demain, que ces documents du HVO sont si peu fiables

Page 6339

1 par eux-mêmes en l'état qu'ils ne peuvent être admis au dossier. Or, le

2 Témoin Totic aurait pu reconnaître le mode de rédaction des documents, le

3 mode d'envoi des documents, le mode de réception des documents, la

4 numérotation employée, la façon de savoir qui peut ou ne peut pas signer.

5 Il aurait été en mesure d'apporter plusieurs informations, plusieurs

6 renseignements à la Chambre qui auraient augmenté la fiabilité de tous les

7 documents du HVO, peut-être au-delà du seuil que nous demandons

8 respectueusement à la Chambre d'introduire. C'était là l'objet de mon

9 commentaire au sujet du témoin Totic.

10 Enfin, le dernier point, Monsieur le Président, qui a été soulevé par mon

11 confrère, qui disait : le document est au dossier, un témoin se présente et

12 la Défense ne soulève pas ce document avec le témoin. Il semblerait, selon

13 mon confrère, qu'il y aurait une présomption que le document n'a pas

14 d'intérêt ou la Défense n'a pas d'objection avec la fiabilité et avec la

15 pertinence de ce document. On semble voir établir une présomption que c'est

16 à la Défense de soulever les documents avec un témoin et que, si la Défense

17 ne le fait pas, c'est que la Défense est d'accord.

18 Monsieur le Président, le procédé que nous suivons devant ce Tribunal est

19 clair. Le fardeau de preuve n'appartient pas à la Défense, mais le fardeau

20 de preuve appartient à l'Accusation. L'argument de la Défense est tout le

21 contraire. L'Accusation a reçu un document d'un témoin et lorsque ce témoin

22 se présente devant la Chambre, elle n'utilise pas le document. Là, Monsieur

23 le Président, nous sommes d'avis qu'il peut y avoir une présomption que le

24 document n'a pas de valeur probante. Sinon, l'Accusation l'aurait utilisé

25 puisque c'est son objectif, c'est son fardeau de dire que le document peut

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1 entrer par après et de dire, ensuite, que, comme la Défense n'a pas soulevé

2 ledit document avec le témoin, c'est encore relatif au renversement du

3 fardeau, ce qui serait un préjudice à l'accusé.

4 C'étaient mes commentaires, Monsieur le Président, sur la première partie,

5 soit l'Article 89(D). J'en arrive maintenant à la seconde partie, soit sur

6 la nécessité d'avoir un témoin pour introduire un document.

7 Le premier commentaire de la Défense, Monsieur le Président, nous l'avons

8 déjà dit à maintes reprises. Nous ne croyons pas qu'il y ait une règle

9 quelconque qui fait qu'un document ne peut être introduit par lui-même.

10 Cela se fait dans toutes les juridictions, que ce soit en "common law" ou

11 en "civil law". Il y a des moments, il y a des conditions où un document

12 peut être introduit. Ce n'est pas l'argumentation présentée par la Défense.

13 L'argumentation présentée par la Défense est lorsqu'il y a un problème avec

14 ce document, à ce moment-là, le document ne peut être présenté par lui-

15 même.

16 A ce titre, Monsieur le Président, mon confrère faisait référence à

17 la décision dans Celebici où il disait qu'il n'y avait pas, je crois qu'il

18 a utilisé le terme "blanket prohibition." Ce que mon confrère a lu comme

19 référence dans ce paragraphe, il était question du moins, je n'ai pas le

20 paragraphe complet, mais, si j'ai bien compris, il était question de

21 l'auteur du document. Nous sommes tout à fait d'accord avec cette décision.

22 On n'a pas besoin toujours de l'auteur du document mais on peut avoir

23 besoin d'un témoin autre pour donner assez de force probante au document

24 pour lui faire passer le seuil voulu. Nous sommes d'accord que l'auteur du

25 document n'a pas à témoigner à chaque occasion.

Page 6341

1 Lorsqu'il est question de déterminer, Monsieur le Président, si un témoin

2 est nécessaire pour un document, nous faisons deux cas d'espèce : il y a le

3 cas de l'admissibilité et il y a le cas d'une preuve au fond. Lorsqu'il est

4 question d'admissibilité, pour savoir si un document est admissible, à ce

5 moment-là, Monsieur le Président, l'argument de la Défense est tel, comme

6 nous l'avons, précédemment, que certains documents nécessitent quelque

7 chose de plus. Ce quelque chose, Monsieur le Président, peut être, à titre

8 d'exemple, un autre document, peut-être un témoin, un témoin qui n'est pas

9 l'auteur, un témoin qui pourrait apporter une certaine lumière sur ce

10 document. Mais il y a également d'autres possibilités qui feraient qu'on

11 ajoute juste suffisamment à la fiabilité pour que le document puisse être

12 admissible. Pour ces documents, lorsque la Chambre aura l'occasion de voir

13 les exemples que nous allons soumettre demain, vous serez en mesure de

14 constater, Monsieur le Président que, pour plusieurs des documents, où nous

15 avons indiqué un "X" dans la colonne témoin, il se pourrait être également

16 pour un autre type de preuve puisqu'il est question d'admissibilité, et

17 tout ce que nous voulons, c'est être certain qu'un document est fiable.

18 Toutefois, Monsieur le Président, il y a des certains documents qui

19 nécessitent davantage, qui nécessitent, obligatoirement, de notre avis, un

20 témoin. Pour ce faire, nous faisons référence à l'Article 92 bis du

21 règlement. L'Article 92 bis, Monsieur le Président, a été conçu pour

22 permettre le dépôt de déclarations écrites pour faire place et lieu de

23 témoignages sans avoir à faire déplacer le témoin. On accepte un écrit pour

24 remplacer un témoignage oral, mais on le fait dans certaines circonstances.

25 On nous dit -- à l'Article 92 bis, on nous dit, entre autres, que l'Article

Page 6342

1 92 bis ou le témoignage 92 bis, par écrit, sera favorisé dans les

2 circonstances suivantes. Là, on dit que : "Lorsque les facteurs justifient

3 le versement au dossier d'une telle déclaration, une preuve cumulative,

4 c'est une preuve historique, politique ou le contexte militaire, une pièce

5 qui consiste en une analyse statistique ou composition ethnique, qui se

6 rapporte à les faits des crimes sur les victimes, qui porte sur la moralité

7 ou qui se rapporte à des éléments à prendre en compte pour la détermination

8 de la peine." Par contre, on nous dit que certains facteurs s'opposent au

9 versement d'une déclaration écrite.

10 A titre d'exemple, paragraphe A : "Lorsque l'intérêt général commande que

11 les éléments de preuve concernés soient présentés oralement." Paragraphe B

12 : "Lorsqu'une partie s'oppose au versement des éléments de preuve parce

13 qu'ils ne sont pas fiables, du fait de leur nature, de leur source ou que

14 leur valeur probante est largement inférieur à leur effet préjudiciable."

15 Enfin : "Tout autre facteur qui justifie la comparution du témoin."

16 Ce sont des facteurs qui favorisent ou qui sont contre, mais il y a un

17 facteur déterminant, qui est le facteur des faits et gestes de l'accusé. La

18 déclaration écrite 92 bis doit démontrer un point qui est autre que les

19 actes et le comportement de l'accusé, tels qu'allégués dans l'acte

20 d'accusation.

21 L'Article 92 bis, Monsieur le Président, évidemment, s'applique à la preuve

22 orale. Il est question de témoignage, mais il faut regarder l'esprit de

23 l'Article 92 bis. On ne permet pas de déposer un écrit pour remplacer un

24 oral lorsqu'il s'agit des faits et gestes de l'accusé. De permettre de

25 faire la même chose avec une preuve écrite, de déposer un document sans

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1 qu'il ne soit accompagné -- soit qu'il ne soit introduit par un témoin,

2 lorsqu'il va aux faits et gestes de l'accusé, cela serait contraire,

3 Monsieur le Président, à l'esprit de l'Article 92 bis.

4 Notre argument, concernant les documents qui nécessitent absolument un

5 témoin, ce sont les documents qui visent les faits et gestes de l'accusé.

6 Parmi ces documents, Monsieur le Président, nous avons des documents qui

7 portent la signature de l'accusé, qui ont été rédigés par l'accusé ou

8 ordonnés par l'accusé ou qui traitent directement les faits et gestes de

9 l'accusé.

10 Malgré ce fait, Monsieur le Président, comme nous avons eu l'occasion de le

11 dire hier, nous avons déjà retiré toute contestation à plusieurs documents

12 qui étaient signés par l'accusé, pour, évidemment, favoriser le bon

13 déroulement du procès. Pour résumer, Monsieur le Président, nous croyons

14 que, lorsqu'il est question d'admissibilité -- et nous avons coché la case

15 "témoin" -- ce pourrait un témoin ou une autre preuve, mais, lorsqu'il est

16 question des faits et gestes de l'accusé, le témoin est absolument

17 nécessaire.

18 Un dernier point, Monsieur le Président, concernant l'Article 89(D), qui a

19 été soulevé par mon confrère, qui a fait le survol de la jurisprudence. Il

20 a dit que la jurisprudence fait état de quatre cas. Vous n'êtes pas dans

21 les quatre cas. L'Article ne doit pas s'appliquer à vous. Avec tout le

22 respect que j'ai pour mon confrère, Monsieur le Président, si mon confrère

23 avait pu soulever quelque chose dans la jurisprudence, où les arguments de

24 la Défense ont été défaits, là, on peut se servir de la jurisprudence, mais

25 de dire qu'il n'y a pas jurisprudence, on ne peut pas faire une telle

Page 6344

1 action. Je crois que c'est tourner à l'envers le sens de l'utilisation de

2 la jurisprudence. Merci, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

4 Maître Dixon.

5 M. DIXON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

6 S'agissant des conditions qu'il faut remplir à l'encontre des témoins, je

7 voudrais évoquer deux points d'ordre général avant d'aborder des catégories

8 plus précises que nous avons cernées, catégories pour lesquelles, d'après

9 nous, il faut remplir ces conditions.

10 Premier point général, effectivement, vous l'aurez remarqué que tous les

11 témoins, pour lesquels il y a un document coché, cela veut dire que, pour

12 tous ces documents, il faut un témoin. Ici, il faut tirer une chose, qui

13 est importante, au clair. Comme nous l'avons dit hier, nous le demandons --

14 nous l'exigeons, et l'Accusation l'a reconnu -- l'a concédé -- nous

15 demandons qu'il y ait un témoin de chacune des archives, qui vient nous

16 expliquer de quelle façon ces documents sont arrivés dans les archives. Que

17 s'est-il passé entre 1993 et l'an 2000, moment où il y a eu perquisition de

18 ces archives

19 -- recherches par le bureau du Procureur ? Je voulais dire, par exemple,

20 pour les archives de la 7e Brigade, nous avons quelques questions. Nous

21 voulons savoir si ces archives existaient, et de quelle façon on a repéré

22 lesdits documents dans ces archives. C'est là une des raisons pour lesquels

23 tous ces témoins ont été cochés, parce que la plupart des documents ont

24 trait à l'une ou l'autre de ces archives. Mais cela ne veut pas dire qu'il

25 nous faudra 600 témoins. Il faudra peut-être un seul témoin pour une des

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1 archives. On pourra avoir un témoin qui va parler de 300 de ces documents.

2 Deuxième point général, il se peut fort bien que, même si plusieurs

3 documents ont été cochés pour un témoin, lorsqu'on examine et qu'on met ces

4 documents par catégories, catégories dont je vais parler dans un instant,

5 il ne serait pas nécessaire d'avoir un témoin par document. Un témoin

6 pourra évoquer, dans une catégorie, plusieurs documents. Nous tenons à ne

7 demander qu'un minimum de témoins à la barre, pour que ces documents

8 puissent faire l'objet d'un examen complet, par le truchement de ce témoin.

9 Ce n'est pas là un processus qui va retarder, de façon considérable, la

10 procédure et prolonger la présentation des moyens à charge. Il nous reste,

11 je pense, encore un mois et demi d'audience, puisque vous avez prévu qu'il

12 serait possible d'avoir plusieurs témoins supplémentaires qui viennent

13 parler des documents. Nous avons cerné sept catégories pour lesquelles nous

14 demanderions un témoin. Il se peut fort bien qu'il n'y ait qu'une poignée

15 de témoins, voir un seul témoin, par catégorie, et qui pourra aborder tous

16 les documents concernés. Mais tout sera fonction, dans une grande mesure,

17 du type de documents dont va -- et du type de témoin que l'Accusation va

18 peut-être citer à la barre.

19 Première catégorie, la rubrique sera celle de la signature de M. Kubura. Il

20 y a, je le disais, une poignée de documents, huit ou neuf, qui, selon nous,

21 même si le nom de M. Kubura apparaît au bas du document, ne portent pas sa

22 signature. Ceci peut être établi aisément, en faisant la comparaison de sa

23 signature avec la signature apposée à plusieurs documents que la Défense ne

24 conteste pas. Lorsque nous disons, s'agissant de certains de ces documents,

25 que la signature n'est pas celle de M. Kubura, ils sont signés ces

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1 documents par d'autres personnes, dont pour certains, on pourra établir une

2 identité, mais ce ne sera pas vrai pour tous. S'agissant de ces ordres,

3 nous demandons et nous insistons pour qu'on appelle à la barre un témoin

4 qui viendra expliquer qui a signé ces ordres. Il est essentiel qu'il ne

5 soit lié ou associé à M. Kubura puisque ce n'est pas lui, ce n'est pas M.

6 Kubura qui a émis ces ordres. S'il n'est pas possible de trouver un témoin,

7 je pense, que ceci ferait qu'il n'est pas autorisé de verser ces documents

8 au dossier, lorsqu'il apparaît clairement que ce n'était pas la signature

9 de M. Kubura, puisque l'on a comparé à la signature qui se trouve sur

10 d'autres documents.

11 Deuxième catégorie, il s'agit d'une signature de d'autres personnes, de

12 tierce partie, deux tiers. Ce sont les documents que M. Kubura n'a pas

13 signés, ni que quelqu'un, qui aurait signé en son nom, aurait signé, mais

14 qui sont qui portent la signature de membres de la 7e Brigade, deux

15 personnes du 3e Corps d'armée ou de personnes en dehors du 3e Corps d'armée.

16 Nous ne savons pas si la signature apposée à ces documents est bien la

17 signature de la personne concernée, et nous n'avons aucune connaissance du

18 document en tant que tel. Là aussi, nous insistons pour qu'un témoin ou que

19 plusieurs témoins soient cités à la barre. D'autant que les auteurs de ces

20 documents étaient des membres actifs du HVO ou de l'ABiH, à l'époque, que

21 ces témoins sont disponibles et ils sont en Bosnie. On peut les appeler

22 afin de vérifier ou pas les documents concernés. Cela ne représentera pas

23 des journées entières d'audience. Il suffira peut-être de recueillir une

24 déclaration de ces témoins dans laquelle il [imperceptible] ces documents

25 et il se peut être, en vertu, bien sûr, de la teneur d'une telle

Page 6347

1 déclaration. La Défense ne les conteste pas. Ce sont des procédures que

2 nous aurions ou qu'auraient toute entreprise, un Juge d'instruction dans un

3 système remano germanique [comme interprété] ou tout du moins dans un

4 système de "common law" par un fonctionnaire du parquet pour vérifier

5 l'authenticité de ce document, et pour apporter confirmation de la

6 signature surtout s'il ne s'agit pas de la signature de l'accusé.

7 Troisième catégorie, c'est celle de documents manuscrits. Il y en a une

8 douzaine à peu près. Ce ne sont pas des documents officiels. Il n'y a aucun

9 tampon, aucun cachet. L'écriture utilisée n'est pas claire pour nous. On ne

10 sait pas trop de qui c'est l'écriture. Dans certains cas, on ne connaît pas

11 l'auteur du document. Ceci -- ce que j'ai fait valoir pour la catégorie

12 précédente s'applique ici aussi, à savoir qu'il faut exclure ce document, à

13 moins qu'on ne puisse en apporter la vérification que ce soit l'auteur qui

14 le fasse ou quelqu'un qui fait partie des forces armées qui sera à même de

15 confirmer l'existence des dits documents.

16 Quatrième catégorie, il s'agit de témoins à venir. La Chambre a soulevé

17 cette question. Le tout premier document qu'on trouve sur la liste -- dans

18 la liste de l'Accusation, c'est un document qui est la transcription d'une

19 conversation entre un certain M. Aziz et M. Hogg. Ce dernier fait partie

20 des témoins à charge qui vont encore venir à la barre. A notre avis, ce

21 document ne doit pas être versé tant que ce témoin ne sera pas ici. Quand

22 il comparaîtra devant vous, on pourrait demander le versement par son

23 truchement. Il y a beaucoup de ces documents s'agissant desquels le témoin

24 n'est pas encore venu à la barre. Nous nous demandons pourquoi l'Accusation

25 insiste pour demander cette modalité de versement plutôt que de le faire

Page 6348

1 comme d'habitude.

2 Catégorie suivante, ce sont les extraits du magazine "El-Liva".

3 Apparemment, c'était l'organe par lequel s'exprimait la 7e Brigade, ce que

4 conteste la Défense. En fait, ici, on trouve des rubriques de ce magazine

5 ou d'un journal qui sont bien postérieurs à la période couverte par l'acte

6 d'accusation. Je parle de 1994 et de 1995. S'agissant de ces documents,

7 vous savez quelle est notre objection, mais nous demandons en outre qu'il y

8 est un témoin, à voir un seul, qui vienne nous parler de ce magazine. D'où

9 ce magazine, tenait-il ces informations ? Comment se fait-il que ces

10 informations se soient retrouvées consignées dans ce magazine ? Quel est le

11 statut a donné à ce magazine ? Est-ce qu'il avait un rapport quelconque

12 avec la 7e Brigade ?

13 Catégorie suivante, déjà mentionnée à plusieurs reprises, elle porte entête

14 "Vidéo". Vous connaissez la nature de notre objection, s'agissant des

15 extraits vidéo. Permettez-moi de donner un seul exemple supplémentaire,

16 pièce contestée 409. Il s'agit d'un extrait vidéo, dont on ne connaît pas

17 la source. L'Accusation a dit que c'était une source sensible déjà. La date

18 c'est le 21 août 1992. La description du document est celle-ci, on dit :

19 "Que c'est un enregistrement vidéo qui montre la formation du 3e Corps

20 d'armée, 7e Brigade musulmane de l'ABiH, en 1992, municipalité de Travnik."

21 L'Accusation l'a dit aujourd'hui, il me l'a dit au paragraphe 19 de l'acte

22 d'accusation, que la 7e Brigade, elle a été constituée le 19 novembre -- le

23 19 novembre 1992. Or, ici, nous avons un enregistrement vidéo qui parle,

24 apparemment, du mois d'août 1992, et qui a trait à la formation de la 7e

25 Brigade musulmane. Vous comprendrez, Madame et Messieurs les Juges,

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1 pourquoi nous contestons la fiabilité d'un tel enregistrement vidéo et

2 pourquoi nous demandons que comparaisse un témoin qui viendrait pour

3 expliquer comment on peut avoir enregistré des images de cette formation,

4 alors que l'Accusation dit elle-même, dans son acte d'accusation, que cette

5 brigade a été formée deux ou trois mois plus tard.

6 Dernière catégorie, c'est celle des documents, où il n'y a aucune signature

7 quelle quel soit apposée au document. Hier, l'Accusation nous a quelque peu

8 expliqué pourquoi c'est le cas, mais nous l'avons, nous aussi, dit hier que

9 ce n'est pas l'Accusation qui doit déposer en tant que témoin. Nous avons

10 besoin d'un témoin qui peut expliquer pourquoi ces documents ne sont pas

11 signés. De cette façon, vous verrez s'il faut accorder le moindre poids à

12 ces documents.

13 Voilà les sept catégories, à propos desquelles nous pensons qu'il faut des

14 témoins. Demain, nous vous fournirons des exemples provenant de ces sept

15 catégories. De cette façon, nous allons essayer de vous montrer, de façon

16 très claire, de quels documents nous parlons, et pourquoi nous demandons la

17 présence d'un témoin. Entre cela, si vous le voulez, nous pouvons vous

18 ventiler les documents par catégorie. Il sera limpide, de cette façon, de

19 voir quels sont les documents qui sont contestés dans chacune des

20 catégories. Il ne sera plus nécessaire de revenir à la longue liste de

21 synthèse pour essayer de déterminer quelles étaient les objections. Je

22 pense qu'il serait plus commode de ventiler les documents par catégorie,

23 par ces catégories que je viens de citer assortis de certains exemples,

24 afin que vous puissiez déterminer s'il faut ou pas appeler un témoin, ou

25 s'il faut, effectivement, exclure ces documents en l'absence d'un témoin,

Page 6350

1 ou même s'il y a venue d'un témoin, si ces documents sont, de toute façon,

2 dépourvus de pertinence.

3 Une dernière chose -- une dernière catégorie qui est générale, on ne

4 retrouve que deux documents, mais je veux être complet. Je dois les

5 mentionner. Déclaration préalable du colonel Stewart, numéro 57 de la liste

6 de synthèse, je crois comprendre que l'Accusation veut toujours s'appuyer

7 sur celle-ci. Même s'ils ont -- si l'Accusation a retiré les déclarations

8 préalables de plusieurs témoins, à notre avis, ce document ne serait être

9 versé au dossier sans la présence du colonel Stewart car sa déposition

10 porterait sur les actes et comportements des accusés. En vertu du 92 bis,

11 il faut sa présence à l'audience.

12 Il y a un autre document. Vous le connaissez sans doute, c'est le document

13 58, celui qu'on a appelé, "Les instructions données aux combattants

14 musulmans". Ce document a déjà reçu une cote provisoire. L'Accusation a

15 cherché à le verser par le truchement d'un membre de la 7e Brigade

16 musulmane, et n'a pas réussi à le faire. A notre avis, ce document devrait

17 être exclu, à moins qu'un témoin ne soit en mesure d'identifier ce

18 document, lui donnant ainsi son indice nécessaire de fiabilité pour autant

19 que celui-ci existe. C'est un document important, parce que d'après ce

20 qu'affirme l'Accusation, il aurait été utilisé de façon très commune dans

21 la 7e Brigade du 3e Corps. Ce n'est pas un document qui a déjà un statut de

22 pièce à conviction, et pour lequel nous demandons sans nul doute la

23 présence d'un témoin.

24 J'espère que ceci vous aide. Demain, vous recevrez des exemples. Nous

25 pouvons vous donner les numéros de pièces au regard de chacune des entêtes

Page 6351

1 pour vous aider. Merci.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.

3 Je vais redonner la parole à M. Withopf. Je vais d'abord synthétiser

4 ce qu'ont dit les Défenseurs, Me Bourgon et Me Dixon.

5 Me Bourgon est revenu pour évoquer un certain nombre de problèmes liés à

6 l'Article 89(D), a évoqué l'Article 92 (bis) et a avancé l'idée que

7 l'esprit même de l'Article 92 (bis), lorsqu'il s'agit en l'espèce de

8 déclarations, mais qu'on pourrait étendre aux documents, quand il s'agit de

9 dates et de comportements de l'accusé, à ce moment-là, il faut le témoin.

10 C'est ce que Me Bourgon nous a dit en faisant la comparaison pour les

11 questions liées à la fiabilité.

12 Après quoi, Me Dixon est intervenu toujours dans la même tonalité,

13 pour en ce qui le concerne, évoquer sept catégories de documents. Il a cité

14 des exemples que je ne vais pas reprendre, puisque tout le monde a suivi.

15 Je prendrai à titre d'exemple la catégorie 2, qui est le fait que des

16 documents ont été signés par des tiers et non pas par celui qui est censé

17 avoir signé le document. Pour la Défense, il conviendrait d'avoir comme

18 témoin ceux qui ont signé.

19 La Défense, représentée par Me Dixon, a indiqué par ailleurs, que des

20 témoins vont venir, que des documents pourront être à cette occasion,

21 versés. Il a cité le journaliste Hogg dans le cadre de l'interview avec M.

22 Aziz. Un autre exemple, une autre catégorie, c'est le magazine de la 7e

23 Brigade que j'ai sous les yeux, qui a le tampon ABiH. Le document qui est

24 versé dans la procédure, est un document du 1er mars 1994. Peut-être qu'il y

25 a d'autres magazines. La Défense nous dit qu'il serait souhaitable d'avoir

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1 un témoin qui vienne authentifier ce type de document. Me Dixon a évoqué,

2 cela avait été fait hier, la nécessité de faire venir les archivistes pour

3 qu'ils puissent témoigner.

4 La Chambre a pris bonne note que la Défense se propose de nous faire

5 un document recoupant les documents en fonction de ces sept catégories.

6 Cela a été évoqué. Tout ce qui peut venir aux fins de clarification ou

7 d'assistance est toujours le bienvenu. Parfois, il n'y a pas de nécessité

8 qu'on prenne une décision en ce sens. Les parties pouvant le faire

9 spontanément dans la mesure où cela peut aider la Chambre et l'autre

10 partie.

11 Voilà de manière globale la position de la Défense. Comme c'est

12 l'Accusation qui a la charge de la preuve, je vais lui donner pour la

13 dernière fois la parole, et nous arrêterons cette audience. Demain,

14 l'audience continuera avec l'examen des 50 documents qui ont été

15 référenciés.

16 Monsieur Withopf, vous avez la parole.

17 M. WITHOPF : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président,

18 Madame, Monsieur les Juges. Je suis conscient du fait que je n'ai pas

19 beaucoup de temps à ma disposition. J'essaierai d'être bref et succinct.

20 Je souhaiterais dans un premier temps, faire allusion à l'Article 92

21 bis qui est, de toute évidence, l'article qui porte sur les dépositions

22 écrites d'un témoin. Il y a une différence entre des dépositions écrites de

23 témoins, des documents et le fait que les documents ne sont pas inclus et

24 ce, de façon délibérée, dans le champ d'application de l'Article 92 bis.

25 Les documents n'ont pas à respecter les critères stipulés par l'Article 92

Page 6353

1 bis. Même, au cas où, le contenu de ces documents a trait aux actions et au

2 comportement de l'accusé.

3 L'Accusation est d'avis que la teneur de l'Article 92 bis, ne peut

4 pas être utilisée pour ce qui est des documents, parce que les documents

5 appartiennent à une catégorie de moyens de preuve tout à fait différente,

6 par opposition aux dépositions écrites de témoins.

7 Comme je l'ai indiqué, l'Accusation va faire des efforts pour, soit

8 prendre contact avec les archivistes des archives ou pour prendre en

9 considération les déclarations au titre de l'Article 92 bis.

10 Mon confrère de la Défense de M. Kubura, a mentionné un certain

11 nombre de catégories. Je pense que ce sont des questions fondamentales

12 telles que la question de la valeur probante ou la question de la

13 recevabilité. Parce que s'il n'y a pas de signature, l'Accusation a

14 tendance à être d'accord et à dire que la valeur probante est inférieure à

15 la valeur probante d'un document pour lequel vous avez une signature qui a

16 été apposée. Pour ce qui est de l'exemple qui a été fourni par mon confrère

17 de la Défense de

18 M. Kubura, le fait qu'un ordre militaire qui comporte le nom de

19 M. Kubura en bas de la page, avec la signature de quelqu'un d'autre,

20 n'exclut aucunement le fait que l'accusé Kubura a émis l'ordre, ordre qui a

21 été, ensuite, signé par quelqu'un d'autre en son nom.

22 L'Accusation pense que cette catégorie, tout comme les autres

23 catégories, devront être étudiées par rapport à la valeur probante, et non

24 pas par rapport à la recevabilité des documents.

25 La revue "El-Liva" a déjà fait l'objet d'un examen par vous-même,

Page 6354

1 Monsieur le Président. D'ailleurs, j'ai un exemplaire de cette revue devant

2 moi. De toute évidence, il s'agit d'un document officiel de la 7e Brigade

3 musulmane. C'est une revue qui a tous les tampons et toutes les

4 caractéristiques de la de la République de la Bosnie-Herzégovine et,

5 manifestement, il s'agit d'un document officiel.

6 Pour ce qui est de la vidéo, l'Accusation a informé la Chambre à ce

7 sujet, qu'il s'agit d'une source qui est, particulièrement, sensible. Ceci

8 étant dit, si la Chambre de première instance souhaite que soit communiqué

9 le nom de cette source sensible, l'Accusation est, tout à fait, disposée à

10 divulguer le nom de la source, en huis clos.

11 Pour résumer mes propos, il faut savoir qu'il y a beaucoup de questions qui

12 ne portent pas sur la recevabilité des documents, mais plutôt sur la valeur

13 probante des documents. Les documents doivent être perçus et examinés dans

14 leur totalité, parce qu'il y a, pour certains aspects, des cas de preuves

15 indirectes ou de preuves circonstancielles. Une fois de plus, l'Accusation

16 souhaiterait réitérer son souhait, à savoir, la Chambre de première

17 instance pourrait utiliser la procédure qui, pour de bonnes raisons, a déjà

18 été utilisée par la Chambre de première instance dans l'affaire Kvocka.

19 Je vous remercie, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. L'audience va se terminer puisque tous les

21 points qui étaient à l'ordre du jour ont été évoqués, à l'exception de la

22 question des 50 documents qui représentent, globalement, 10 % de l'ensemble

23 des documents qui fera l'objet, demain, d'un examen document par document.

24 Ce qui permettra d'avancer et d'avoir une vue complète.

25 Avant de clôturer, je voudrais quand même rappeler aux parties, notamment,

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1 à la Défense, que les exigences du procès équitable, c'est quoi. Le procès

2 équitable, c'est le fait que l'accusé doit avoir des Défenseurs et doit

3 être en mesure de contester les éléments de preuve apportés par

4 l'Accusation et ce, dans le cas d'un débat contradictoire. C'est cela le

5 procès équitable. La Défense et les accusés doivent pouvoir apporter leur

6 vision sur les preuves qui sont censées être à charge contre eux. C'est le

7 principe général qui doit être toujours permanent dans l'esprit des uns et

8 des autres.

9 A partir de là, une question que tout le monde doit avoir en mémoire,

10 est-ce que les accusés ont eu le temps d'examiner ces pièces et d'apporter

11 leur point de vue, leur appréciation. Comme vous le savez, cette affaire

12 n'a pas démarré il y a quelques mois, mais il y a plusieurs années, puisque

13 les actes d'accusation remontent à quelques temps. Depuis l'acte

14 d'accusation, l'Accusation a fourni la grande majorité des documents. La

15 Défense a été en mesure, avec les accusés, d'apprécier les documents.

16 Preuve en est, c'est que, lorsque la Chambre a demandé aux Défenseurs de

17 faire valoir leur argumentation, la Défense a été à même de nous indiquer,

18 document par document, les questions liées à l'authenticité, à la

19 pertinence, à la fiabilité, aux sources inconnues, et cetera, ce qui veut

20 dire qu'il y a déjà eu un débat contradictoire. Ce débat va continuer

21 demain avec certains documents. Voilà, je tenais, quand même, à rappeler

22 cela, compte tenu de ce qui a été dit aujourd'hui.

23 L'audience se termine. Elle reprendra demain à 9 heures. Ensuite, elle se

24 terminera, comme aujourd'hui, aux environs de 13 heures 45. Les Juges

25 seront amenés à prendre une décision sur la requête orale et écrite formée

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1 par l'Accusation sur le versement des documents dans la procédure.

2 Merci, et à demain.

3 --- L'audience est levée à 13 heures 43 et reprendra le jeudi 29 avril

4 2004, à 9 heures 00.

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