Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 28 octobre 2004

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler, s'il vous

6 plaît, le numéro de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Affaire numéro IT-01-47-T,

8 le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je vais demander à

10 l'Accusation de bien vouloir se présenter.

11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour tout le

12 monde dans ce prétoire. Le Procureur est représenté par Daryl Mundis, et

13 notre substitut d'audience, M. Vatter, de même que Matthias Neuner.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander à la Défense de se présenter.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je suis

16 Mme Edina Residovic. Je représente M. Hadzihasanovic avec mon co-conseil,

17 M. Stéphane Bourgon, et Mme Mirna Milanovic qui est notre assistante

18 juridique.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats.

20 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. La

21 défense de M. Kubura est représentée par Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic

22 et M. Nermin Mulalic, notre assistant juridique.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre salue par l'intermédiaire toutes les

24 personnes présentes, les représentants de l'Accusation, les avocats, les

25 accusés ainsi que tout le personnel de cette salle. Comme vous le savez

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1 aujourd'hui, nous avons une audience qui va être consacrée à l'audition de

2 deux témoins. Il a été prévu grâce aux diligences du Greffe que nous

3 aurions ce matin une audience qui ira jusqu'à 14 heures. Nous ferons une

4 pause d'une heure de 14 heures à 15 heures afin de permettre aux uns et aux

5 autres de se reposer, alors de se restaurer et de reprendre à 15 heures

6 jusqu'à 16 heures 30. En principe, nous devrions terminer à 16 heures 30,

7 sous réserve d'un complément horaire à apporter. Voilà, grosso modo, le

8 déroulement de cette journée d'audience.

9 S'il n'y a pas de points, je fais venir tout de suite le témoin.

10 Oui, la Défense.

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant que le témoin

12 n'entre, conformément à ce que vous nous avez dit auparavant, à savoir,

13 qu'il faudrait traiter des documents que l'on propose pour le versement au

14 dossier, je vous prie de bien vouloir me permettre de proposer le versement

15 au dossier des documents qui ont été présentés au témoin d'hier.

16 Hier, la Défense a montré, au Témoin Ahmed Mesanovic, le document qui porte

17 sur les rapports entre l'ABiH et le HVO, de même que d'autres documents, et

18 une partie des pièces à conviction déjà versées au dossier dans cette

19 affaire. Compte tenu du fait que le témoin a reconnu les documents, soit en

20 tant que documents rédigés par l'état-major municipal et signé par son

21 commandant de l'état-major municipal ou en tant que document dont le

22 contenu était connu par lui, et dont il connaît les éléments décrits qui se

23 sont déroulés au cours de l'année 1992, 1993, car il y a soit participé

24 personnellement, soit il était au courant des faits compte tenu de ses

25 fonctions, en raison de tout cela, je propose le versement au dossier en

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1 tant que pièces à conviction de la Défense de la partie 1, documents 0513,

2 0823, 0824, 0843, 0846, 0856, 0868, 0902.

3 La Défense n'a pas présenté au témoin le document 1032 car il s'agit d'un

4 document qui faisait partie de ce classeur par erreur, et qu'il ne porte

5 pas du tout sur la région de Travnik. Par conséquent, la Défense ne propose

6 pas, à ce stade, le versement au dossier de ce document.

7 Mais à part cela, la Défense propose le versement au dossier des

8 documents de la partie 2, à savoir, les documents numéros 0530, 0656, 0708,

9 0853, 0880, 0912. Merci beaucoup.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

11 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, nous avons 14 documents.

13 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Suivant notre logique, le

14 premier document qui faisait partie de la partie 1 est référencé DH513, la

15 version anglaise DH513/E. Le DH823 est versé au dossier sous cette

16 référence, et la version anglaise DH823/E. Prochain document, DH824, la

17 version anglaise DH824/E; le DH843 avec sa version anglaise DH843/E; le

18 DH846, sa version anglaise DH846/E; le DH856, sa version anglaise DH856/E;

19 le DH868, sa version anglaise DH868/E; le DH902 versé au dossier, et sa

20 référence anglaise DH902/E.

21 De la partie 2 : le DH530 avec sa version anglaise DH530/E; le DH656, sa

22 version anglaise DH656/E; le DH708, version anglaise DH708/E; DH853, sa

23 version anglaise DH853/E; le DH880, sa version anglaise DH880/E. Enfin, le

24 DH912, sa version anglaise DH912/E.

25 J'en profite pour apporter une précision concernant la pièce versée au

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1 dossier hier par l'Accusation sous la cote P931 qui a une version anglaise

2 qui est référencé au dossier sous la référence P931/E.

3 Merci, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. A ce jour, je constate

5 que la Chambre n'a aucun retard, et que les requêtes ont eu une décision.

6 Toutes les pièces versées ont été versées, donc nous sommes à jour

7 complètement.

8 Je vais demander à M. l'Huissier d'aller chercher le témoin.

9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous

11 entendez bien mes propos dans votre langue, mes propos étant traduits. Si

12 c'est le cas, dites : "Je vous entends."

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends bien.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous avez été cité en qualité de témoin par

15 la Défense pour témoigner sur des faits qui se sont déroulés en Bosnie-

16 Herzégovine, en 1992 et 1993.

17 Avant de recueillir votre prestation de serment, je me dois de vous

18 identifier et c'est pour cela que je vais vous demander de me donner votre

19 nom, prénom, date de naissance et lieu de naissance.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Haso Ribo, né le 15 février 1956, dans

21 le village de Kljaci, municipalité de Travnik en Bosnie-Herzégovine.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Sur le plan professionnel ou sur le

23 plan d'activités aujourd'hui, que faites-vous ? Est-ce que vous exercez une

24 activité, ou êtes-vous retraité ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis le chef de l'administration, chargée

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1 de la Défense du canton de Zenica, dans le cadre du ministère fédéral de la

2 Défense.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. En 1992 et 1993, quelle était votre fonction

4 à l'époque ou, si vous étiez militaire, aviez-vous un grade ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992, j'étais membre de la Défense

6 territoriale dans la municipalité de Travnik. Jusqu'au 1er juin, j'étais le

7 chef d'état-major et, par la suite, jusqu'au 18 novembre, j'étais

8 commandant de l'état-major municipal de la municipalité de Travnik.

9 Ensuite, après le 18 novembre jusqu'au 20 novembre 1993, j'ai été le

10 commandant de la 301e Brigade motorisée et mon grade était celui de

11 capitaine de première classe.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant une juridiction

13 internationale ou une juridiction nationale, sur des faits qui se sont

14 déroulés en 1992 et 1993, ou c'est la première fois que vous témoignez ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois ici devant ce Tribunal.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais est-ce que vous avez témoigné devant une

17 juridiction nationale ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je vais demander à M. l'Huissier de vous

20 faire lire le serment.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

23 LE TÉMOIN: HASO RIBO [Assermenté]

24 [Le témoin répond par l'interprète]

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

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1 Monsieur, avant de donner la parole aux avocats qui vont vous poser des

2 questions, je vais vous fournir quelques éléments d'information sur la

3 façon dont va se dérouler cette audience. C'est ce que je fais à chaque

4 fois qu'un témoin comparait afin de lui donner des éclaircissements sur la

5 façon dont la procédure se déroule.

6 Vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être posées par

7 les avocats des accusés. Les avocats des accusés sont situés à votre

8 gauche. A l'issu de cette phase qui théoriquement va prendre un certain

9 temps, les représentants de l'Accusation, qui sont situés à votre droite,

10 vous poseront des questions dans le cadre d'un contre-interrogatoire. A

11 l'issue de cette phase, le cas échéant, les avocats à nouveau pourront vous

12 poser des questions supplémentaires.

13 Les trois Juges, qui sont devant vous, peuvent - et le Règlement de

14 procédure le permet - vous poser à tout moment des questions, si la

15 nécessité s'en fait sentir, soit pour éclaircir des réponses que vous

16 faites aux questions posées, soit parce que nous estimons qu'il convient de

17 combler des lacunes qui peuvent apparaître de par vos réponses. En règle

18 générale, nous intervenons à la fin, mais il se peut que nous intervenions

19 pendant le cours, mais c'est quand même assez exceptionnel. Mais il se peut

20 également que nous ne posions aucune question, si les parties ont posé

21 toutes les questions nécessaires pour la manifestation de la vérité.

22 Si les questions vous semblent difficile, ou incompréhensibles,

23 demandez à celui qui vous la pose de la reformuler, afin d'une part que

24 vous compreniez bien la question puis, d'autre part, que vous restituez une

25 réponse compréhensible. Car la procédure qui nous régit est une procédure

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1 orale, basée sur des documents qui vous seront présentés par la Défense, ou

2 peut-être par l'Accusation. Parfois, si les Juges posent des questions, ils

3 peuvent également peut-être conforter leurs questions par des documents qui

4 ont déjà été versés dans la procédure.

5 Par ailleurs, je me dois de vous rappeler également deux autres éléments

6 importants. Vous avez prêté serment de dire toute la vérité, rien que la

7 vérité, ce qui n'exclut tout faux témoignage car, comme vous le savez, un

8 faux témoignage est une infraction, et devant ce Tribunal, cette infraction

9 peut être appuyées par une peine d'emprisonnement.

10 Deuxième élément, compte tenu de votre qualité d'ancien militaire et de

11 commandant de la 301e Brigade motorisée, sachez que lorsque vous répondez à

12 une question, s'il peut apparaître dans votre réponse des éléments qui

13 pourraient, le cas échéant, être utilisés à charge contre vous, dans le

14 cadre d'une autre procédure, sachez que dans cette hypothèse, vous

15 bénéficiez d'une immunité, donc vous pouvez dire tout ce que vous voulez

16 dire. Vous avez la protection qui est prévue lorsque vous répondez à des

17 questions.

18 Voilà de manière générale l'architecture de votre audition. Si jamais vous

19 rencontrez un problème, n'hésitez pas en nous en faire part. Votre audition

20 est prévue cette matinée; donc, à priori, nous devons terminer et vous

21 serez en position de vaquer à vos occupations dès le début de l'après-midi,

22 certainement. Sans perdre de temps, je vais donner la parole aux avocats

23 qui vont entamer l'interrogatoire principal.

24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Interrogatoire principal par Mme Residovic :

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1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Avant de vous poser une question,

2 je souhaite vous demander de faire attention à la chose suivante, à savoir,

3 vous et moi, nous parlons la même langue et, lorsque vous entendez ma

4 question, vous pourriez répondre immédiatement; cependant, il est

5 extrêmement important que les Juges de la Chambre, de même que toutes les

6 personnes présentes dans ce prétoire, puissent suivre notre propos et, pour

7 ce faire, les interprètes doivent être en mesure d'interpréter la question

8 et la réponse; donc, faites une petite pause, s'il vous plaît, à la fin de

9 ma question avant de répondre. Avez-vous compris ?

10 R. J'ai compris.

11 Q. Merci beaucoup. On vous a déjà où vous êtes né et quand ? Dites-nous,

12 s'il vous plaît, où avez-vous fait vos études et de quelles écoles et

13 universités s'agissaient-ils ?

14 R. J'ai terminé le lycée à Vitez et j'ai terminé l'Académie militaire,

15 armée de terre, dans la période entre 1975 et 1979. J'ai terminé à Belgrade

16 et j'ai eu ma spécialisation à Banja Luka dans les études des Unités

17 motorisés et armées.

18 Q. Où avez-vous vécu après votre naissance jusqu'au début de la guerre ?

19 R. J'ai toujours vécu dans le village de Kljaci, là où je suis né. Après

20 mon départ à Belgrade pour faire les études à l'Académie militaire, je ne

21 vivais plus dans la municipalité de Travnik, ni dans mon village natal et

22 c'est seulement le 22 mars 1992 que je suis revenu vivre dans la

23 municipalité de Travnik.

24 Q. Quel était votre métier avant la guerre et dans quelle partie de

25 l'armée ?

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1 R. J'ai été militaire d'actif, j'étais membre de l'ancienne armée

2 populaire yougoslave. J'étais commandant du Bataillon blindé à la JNA et,

3 notamment, chargé des Unités blindées de la JNA.

4 Q. Vous avez déjà dit que votre grade était celui du capitaine de 1ère

5 classe. Quel est votre grade aujourd'hui ?

6 R. Aujourd'hui, mon grade est celui du général de brigade, ce qu'on

7 appelle "brigadier" au sein de l'armée de la Fédération de la Bosnie-

8 Herzégovine.

9 Q. M. Ribo, est-ce qu'à un moment donné, vous avez quitté la JNA et, si

10 oui, dites-nous brièvement : quelles ont été les raisons ?

11 R. J'ai abandonné l'armée populaire yougoslave le 30 mars 1992 et la

12 raison en était le fait que l'armée populaire yougoslave, la JNA n'était

13 plus une armée véritablement populaire, mais elle est devenue une armée

14 nationale, surtout serbe et, bien sur, il n'y avait pas de place pour moi

15 dans une telle armée.

16 Q. Où êtes-vous venu après avoir quitté la JNA ?

17 R. Après avoir quitté la JNA, entre temps, donc avant mon départ, j'ai

18 échangé mon appartement avec un Serbe originaire de Zajecar. Je lui ai cédé

19 mon appartement de Zajecar et, lui, il m'a cédé le sien à Travnik, et ceci

20 s'est passé le 25 février 1992. A ce moment-là, je suis rentré avec ma

21 famille à Travnik, c'était exactement ce jour-là, le 25 février.

22 Q. Lorsque vous êtes venu à Travnik, avez-vous pu remarquer de quelle

23 manière les événements qui se déroulaient au cours de l'année 1991 dans la

24 RSFY se reflétaient pour ce qui est de la situation à Travnik ?

25 R. Tout d'abord, je pense qu'on a pu remarquer que la guerre en Slovénie

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1 se reflétait fortement. L'armée s'était retirée de la Slovénie et de la

2 Croatie en Bosnie-Herzégovine et cela c'était caractéristique au cours de

3 cette période. Puis beaucoup d'autres événements se sont passés comme

4 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, le 6 avril; avant cela, le

5 référendum puis la reconnaissance de la part de l'Union européenne de cette

6 indépendance et, bien sur, il y a l'agression contre la Bosnie-Herzégovine.

7 Q. Merci. Compte tenu de cette situation qui régnait à Travnik lorsque

8 vous y êtes arrivé, dites-nous, s'il vous plaît : est-ce qu'à un moment

9 donné, vous avez rejoint les rangs de certaines forces armées et, si oui,

10 dites-nous lesquelles ?

11 R. Oui, bien sur, j'ai rejoint les rangs de la Défense territoriale de la

12 Bosnie-Herzégovine car la présidence les avait proclamées seules forces

13 armées légitimes à ce moment-là, donc, naturellement, je suis entré en

14 Défense territoriale; pour moi, il s'agissait d'un acte patriotique.

15 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : à la question posée par le président de la

16 Chambre de première instance, si vous saviez que vous étiez d'abord le chef

17 de l'état-major municipal et, par la suite, le commandant de la 301e

18 Brigade motorisée, est-ce que vous pouvez nous dire, en 1992 dans la

19 municipalité de Travnik, de quelle manière était organisée le pouvoir et de

20 quelle manière étaient reparties les fonctions différentes au sein de la

21 municipalité de Travnik, lorsque vous y êtes arrivé et lorsque vous avez

22 pris vos fonctions de chef ?

23 R. Oui, bien sur, je peux vous dire que les deux parties, qui ont remporté

24 les élections, à l'époque, étaient le HDZ et le SDA et, conformément aux

25 résultats de ces élections, on avait procédé à la répartition des

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1 fonctions. Pour ce qui est de la Défense, je sais que le Parti SDA a pu

2 nommer la personne qui devait être au poste du commandant de l'état-major

3 de la Défense municipale, alors que les Croates ont pu nommer le chef ou le

4 secrétaire du Secrétariat de la Défense nationale.

5 R. Au moment où vous êtes arrivé, quels étaient les moyens à la

6 disposition de l'état-major municipal ? Est-ce que vous le savez ?

7 R. Bien sur que je le sais, donc je suis au courant de cela. A l'époque,

8 l'état-major municipal ne disposait d'aucun moyen. En tant qu'état-major,

9 tout simplement, nous avions nos locaux, mais nous n'avions même pas de

10 ressources nous permettant de nous nourrir pendant que nous y étions

11 puisque nous mangions à l'hôtel Orient à Travnik.

12 Q. Compte tenu du fait que, par le biais des documents versés au dossier

13 jusqu'à présent, nous avons pu entendre que la Défense territoriale

14 disposait de ses propres moyens, de ses propres armes, et cetera. Dites-

15 nous, s'il vous plaît, où se trouvaient ces armes au moment où vous êtes

16 venu puisque vous dites que l'état-major ne disposait pas de ces armes.

17 R. Je sais très bien que l'armée populaire yougoslave avait reçu l'ordre

18 de confisquer l'ensemble des armes de la Défense territoriale, non pas dans

19 la région de la Bosnie centrale, mais aussi dans la région de Zénica, et

20 cetera; donc, ces moyens, ces armes devaient être rendus par la Défense

21 territoriale à la JNA. Toutes nos armes, qui étaient financées par notre

22 municipalité et nos entreprises, étaient stockées dans un entrepôt qui

23 était entièrement de la JNA.

24 Q. Est-ce que c'est l'entrepôt Slimena ? Est-ce qu'à un moment donné,

25 pendant que vous étiez chef ou commandant de l'état-major municipal, on

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1 vous a rendu ces armes ?

2 R. Non, jamais puisque la JNA, tôt un matin, c'était au cours du mois de

3 mai, s'est retirée de la caserne sur le mont de Vilenica à proximité. Avant

4 cela, ils ont miné toutes les installations. Toutes ces installations ont

5 explosé, et nous n'avons pu rien obtenir de toutes ces armes et moyens.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Page 11, ligne 8, Monsieur le Président,

7 mes collègues m'avertissent du fait qu'une partie de la réponse n'a pas été

8 consignée, à savoir que ces moyens se trouvaient dans la caserne de

9 Slimena. J'aimerais que l'on corrige cela, que l'on consigne cela au compte

10 rendu d'audience.

11 Q. Excusez-moi, Monsieur Ribo. Parfois, il nous faut réagir pour remédier

12 aux petites erreurs du compte rendu d'audience.

13 Vous avez dit qu'au moment du retrait de la JNA, on a piégé, on a

14 miné dans la caserne. Qu'est-il advenu de l'équipement, des moyens qui s'y

15 trouvaient ?

16 R. En quantité énorme où pour la plupart de ces équipements ou moyens, en

17 pourcentage, au moins 80 % ont été détruits pendant l'explosion. Une partie

18 ou la partie qui n'a pas été détruite concernait avant tout les munitions

19 et les pièces d'artillerie, ou plutôt des munitions pour des pièces

20 d'artillerie d'un calibre de

21 105 millimètres.

22 Q. Pendant que vous étiez commandant, pourriez-vous nous dire par rapport

23 à la structure organique, quelle était la quantité d'armes qui était à la

24 disposition du QG municipal de Travnik ?

25 R. J'ai fait une étude sur ordre du QG de Zenica, QG régional de Zenica le

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1 24 juillet. A ce moment-là, j'avais 5 100 combattants, pour la plupart des

2 volontaires. Sur les 5 100, c'est en tout 7 % par rapport à l'ensemble de

3 la population de Travnik, de la municipalité. Pour eux, j'avais entre 1 000

4 et 1 200 fusils.

5 Q. Vous venez de dire que vous aviez environ 5 000 hommes et que c'était

6 pour la plupart des volontaires. Pendant cette période-là, comment

7 procédait-on à la mobilisation ? Comment recrutait-on dans les rangs de la

8 Défense territoriale, et dans quelles unités, quelle formation au sein du

9 QG municipal de la TO ?

10 R. A ce moment-là, les premiers conflits ont éclaté à Turbe. C'est une

11 région qui se situe à l'ouest de Travnik, à 10,

12 15 kilomètres de distance. Dans un premier temps, pendant la première étape

13 de la défense, se sont des membres du MUP, les Bérets verts et la Ligue

14 patriotique ainsi que des volontaires des villages qui s'étaient portés

15 volontaires pour assurer la défense. A ce moment-là, il n'y avait pas de

16 système acquis de mobilisation. Avec le départ des Serbes de Travnik, pour

17 aller se rendre sur les territoires placés sous le contrôle de la

18 république serbe, les plans de mobilisation n'étaient pas fonctionnels.

19 Tout s'était effondré. D'ailleurs, on n'avait pas d'instance qui aurait pu

20 procéder à la mobilisation.

21 Q. Monsieur Ribo, vous venez de dire que la défense de Travnik était

22 assurée grâce aux volontaires et aux Unités du MUP. Vous avez dit qu'elle a

23 commencé sur les lignes près de Turbe, pas loin de Travnik pendant que vous

24 étiez commandant du QG municipal. De manière générale, quelle était la

25 situation sur le plan des combats dans votre zone ?

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1 R. La situation qui prévalait dans la municipalité de Travnik était

2 extrêmement complexe. Avant tout, pour ce qui est des combats, parce que

3 nous avons constitué une défense qui consistait à nous défendre face à

4 l'agresseur serbe, car avant que l'on arrive à s'emparer des points-clés ou

5 des installations des édifices d'importance vitale, la JNA, ensemble avec

6 la République serbe et les réservistes de la République serbe, a pu

7 s'emparer des édifices ou des installations-clés, ce qui nous a empêché

8 d'occuper des positions intéressantes. On était très désavantagé. On

9 prenait position là où, d'après la logique militaire, un soldat ne

10 chercherait jamais à s'installer.

11 Ce qui compliquait encore davantage la situation à Travnik, c'était

12 environ 80 000 réfugiés qui étaient arrivés à Travnik. On aidait à les

13 transporter des zones où leurs vies étaient menacées. Il y avait aussi à

14 assurer des vivres pour les réfugiés et les soldats. Il y avait un grand

15 nombre de différentes unités sur place. Tout cela rendait

16 la situation à Travnik très complexe. C'était cela la situation dans

17 laquelle on s'est trouvée en 1992, nous, en tant que QG1.

18 Q. A ce moment-là, les autorités civiles fonctionnaient-elles à

19 Travnik et assumaient-elles des obligations, des responsabilités envers

20 l'armée ?

21 R. Oui, les autorités civiles fonctionnaient entièrement, complètement à

22 Travnik. Pour ce qui est de leurs attributions à l'égard de l'armée, elles

23 n'avaient que deux tâches principales à l'égard des membres de la Défense

24 territoriale. C'était l'approvisionnement logistique dont le ravitaillement

25 des unités et la mobilisation. Nous, pour autant que je m'en souvienne, on

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1 n'avait pas d'autres obligations à l'égard de l'armée.

2 Q. Vous, en tant que commandant du QG, est-ce que vous étiez membre de la

3 présidence de Guerre de la municipalité de Travnik ?

4 R. Non, je n'étais pas membre de la présidence de Guerre.

5 Q. Compte tenu de ces obligations des instances civiles, pourriez-vous me

6 dire si vous avez été confronté en rapport ou à une attitude des instances

7 civiles qui auraient pu avoir un impact sur l'exercice de vos fonctions de

8 commandant du QG municipal ?

9 R. Bien entendu, j'avais des problèmes énormes et des pressions qui

10 étaient exercées. Tout d'abord, sur mon QG parce que je n'étais membre

11 d'aucun parti politique. Ils ont exercé des pressions sur mon officier

12 chargé des effectifs pour qu'il nettoie notre QG de certains éléments. Il

13 faut savoir que je ne me suis jamais rendu dans le siège d'aucun parti en

14 1992, mis à part le moment où j'ai été élu commandant conjoint. Je n'ai

15 jamais mis les pieds au siège de l'assemblée municipale de Travnik. Je me

16 suis consacré exclusivement à la défense. J'avais tant de problèmes, que je

17 n'avais pas le temps de me rendre à ces différents partis, de m'entretenir

18 avec les différents politiciens. Tout simplement, je n'avais pas un moment

19 pendant les cinq mois que j'ai passés au QG pendant que j'étais commandant.

20 Je ne me suis même pas rendu chez moi dans le logement de ma famille qui se

21 trouvait à 500 mètres de mon QG.

22 Compte tenu des pressions qui étaient exercées dès le

23 19 juillet, j'avais présenté une requête au QG régional de Zenica pour être

24 démis de mes fonctions, relevé de mes fonctions. Je n'étais

25 vraisemblablement pas sur la bonne ligne politiquement parlant parce que

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1 j'étais ex-officier de la JNA. Je n'étais pas la personne censée être à la

2 tête du QG municipal.

3 Q. Quelles sont les unités qui ont été créées sur le territoire du QG

4 municipal, des Unités de la Défense territoriale ? Quelles sont ces unités

5 qui ont été créées pendant que vous exerciez les fonctions du commandant ?

6 R. Pour ce qui est du QG municipal de la TO, ces unités étaient des

7 détachements et des QG sectoriels. Nous avions un détachement sectoriel à

8 Karaula. Ensuite, le QG de Turbe, de Gradina, QG sectoriel de Travnik,

9 Détachement Travnik 1, Travnik 2, Hum, Krpeljici sectoriel, Han Bila

10 sectoriel, Mehurici sectoriel et aussi nous avions un Détachement Ljuta

11 Greda.

12 Q. Merci. Il y a un instant, vous avez évoqué les pressions terribles qui

13 s'exerçaient à cause de l'arrivée des réfugiés des zones sous le contrôle

14 des forces serbes. Dites-moi : si, à un moment donné, pour ce qui est de

15 ces réfugiés ou d'autres individus qui se rendaient à Travnik, de ces

16 zones-là, est-ce qu'il y a eu création de certaines unités qui ont été

17 rattachées au QG municipal ?

18 R. Non, aucune unité n'a été créée, qui aurait été rattachée au QG

19 municipal de la Défense de Travnik.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] A présent, j'aurais besoin de l'aide de

21 l'Huissier pour remettre un jeu de documents au témoin. Je demanderais

22 aussi que ces documents soient communiqués à la Chambre, au Greffe, à mes

23 collègues de l'Accusation, aux accusés et à mes collègues qui sont les

24 conseils de M. Kubura.

25 Q. Avant de vous présenter un document, je vais vous poser la question

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1 suivante : est-ce qu'à un moment donné, on a vu arriver à Travnik des

2 hommes de Krajina organisés, et quelle a été la position qu'ils ont

3 occupée ?

4 R. Je ne peux pas me rappeler le mois, mais la 1e unité de Krajina est

5 arrivée de Croatie. Je ne sais pas si c'était de Zagreb ou de Rijeka. Comme

6 il s'agissait de 520 combattants qui étaient armés, qui avaient 250 fusils

7 automatiques, donc un armement qui, compte tenu des circonstances, était le

8 plus sophistiqué possible, sur ordre du Grand état-major des forces armées,

9 je les ai installés à la caserne de Travnik. Ils avaient tous des uniformes

10 également.

11 Q. C'est le document 0446 qui m'intéresse à présent ainsi que le document

12 au numéro 4, 0457. Je vous prie d'examiner tout d'abord le document du 18

13 août 1992, le document 0446. Connaissez-vous ce document ?

14 R. Je connais, oui, ce document, mais que ce soit, à l'époque, où je l'ai

15 reçu ou aujourd'hui, j'ai constaté qu'il y avait des éléments qui n'étaient

16 pas logiques parce qu'il est question du

17 3e Corps. Je pense qu'à ce moment-là, on ne songeait même pas encore au 3e

18 Corps. C'est le mois d'août ici de l'année 1992.

19 Q. En réalité, ce document ne parle-t-il pas de ce bataillon que vous

20 venez de mentionner dans votre déposition ? Ne parle-t-il pas du fait que

21 ce bataillon sera rattaché à un autre commandement ?

22 Dites-moi s'il s'agit là d'un document qui concerne les unités que vous

23 venez de mentionner dans votre déposition.

24 R. Oui, c'est ce document qui concerne le 1er Bataillon de Krajina, arrivé

25 de Croatie avec 520 hommes.

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1 Q. C'est le document au point 4, qui porte la référence 0457, que je vous

2 prie d'examiner à présent. Connaissez-vous ce document, ou connaissez-vous

3 l'un quelconque des éléments qui sont contenus dans ce document ?

4 R. Oui, je connais ce document car il s'agit là de la création du 1er

5 Bataillon d'Infanterie, le premier bataillon autonome. Nous l'appelions

6 Bataillon de Siprazje qui s'est trouvé, à un moment donné, sur le

7 territoire de la municipalité.

8 Q. Dites-moi, Monsieur Ribo, vous avez énuméré les unités qui faisaient

9 partie du QG municipal. Dites-nous : quel commandement était votre

10 commandement supérieur, à ce moment-là ?

11 R. A ce moment-là, mon commandement supérieur était le QG régional de la

12 défense de Zenica.

13 Q. Vous avez évoqué la situation qui prévalait à Travnik à ce moment-là.

14 Vous avez parlé de réfugiés qui sont arrivés en grand nombre. Dites-nous :

15 ces réfugiés sont-ils arrivés en apportant leurs biens, ou qu'ont-il

16 apporté en arrivant à Travnik ?

17 R. Ils n'auraient pas pu arriver autrement des territoires d'où on les a

18 expulsés, qu'en apportant le strict nécessaire, ce qu'ils pouvaient porter

19 sur le dos, donc quelques vêtements dans des baluchons, rien de plus.

20 Q. Monsieur Ribo, je souhaite passer à un autre sujet, maintenant, avec

21 vous. A ce moment-là, à Travnik, des représentants ou des membres du peuple

22 croate ou la plupart des Croates se sont-ils enrôlés dans la Défense

23 territoriale ou, sinon, pouvez-vous nous dire comment ils se sont

24 organisés ?

25 R. Dès le départ, le peuple croate avait adopté une approche tout à fait

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1 différente. Ils se sont organisés au sein du conseil croate de Défense.

2 C'était une organisation à la fois politique et militaire.

3 Au début, ou plutôt au début de mon entrée en fonction en tant que

4 commandant, quand j'étais chef du QG municipal, il m'est arrivé de voir des

5 hommes qui portaient des insignes de l'armée croate sur leurs vêtements.

6 Puis ils ont pris la décision que ces soldats, qui étaient probablement

7 arrivés des théâtres d'opération en Croatie, qui avaient acquis une

8 certaine expérience, qu'ils soient admis dans les rangs du HVO. On n'a pu

9 le voir à la télévision, tout comme on a parlé de l'ABiH. A l'époque, les

10 médias en ont beaucoup parlé.

11 Q. M. Ribo, vous, en tant que commandant du QG et avant cela son membre,

12 comment avez-vous réagi en voyant arriver dans la ville une force militaire

13 qui était bien mieux équipée que vous ?

14 R. Je vais vous dire, c'était une situation peu confortable. On faisait

15 des évaluations, on pensait qu'on allait pouvoir se placer sous un

16 commandement conjoint pour faire face à l'agresseur serbo-monténégrin, qui

17 constituait le plus grand danger pour nous, le seul danger, à l'époque.

18 Avec l'arrivée de leurs Unités militaires, qui portaient l'appellation HVO,

19 cela ne m'a pas particulièrement surpris, je dois vous dire, parce qu'on

20 pouvait s'y attendre. Il y avait, en fait, des choses qui se constituaient

21 en parallèle à tout niveau. A chaque fois qu'on voulait faire quelque chose

22 ensemble, eux, ils faisaient quelque chose à part. Cela a suscité une

23 certaine révolte dans les rangs de la population bosnienne, mais, pour vous

24 dire tout à fait franchement, j'avais un QG multinational. Il y avait des

25 Croates et des Serbes dans mon QG et cela s'applique aussi à nos unités,

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1 donc cela n'était quelque chose qui nous préoccupait, mais qui les

2 préoccupait, eux, de constituer une armée unie nationale comme l'était le

3 HVO.

4 Q. M. Ribo, vous étiez commandant et, en votre qualité de commandant, vous

5 essayez de résoudre cette situation. Quelles sont les mesures que vous avez

6 prises et quels sont les fruits -- les résultats de ces tentatives.

7 R. Ce sont plutôt les hommes politiques qui ont pris des mesures. Un jour,

8 on nous tous convoqués à la mairie pour en parler, pour essayer de mettre

9 sur pied un commandement conjoint. Je me souviens d'une chose pendant cette

10 réunion, j'ai été élu commandant conjoint des forces armées de la défense

11 de Travnik. Cependant, après cette décision de pure forme, des

12 applaudissements, et cetera, les Croates ont accepté, formellement, que je

13 sois élu commandant conjoint, mais jamais je n'ai pu mettre sur pied ce

14 commandement, et ce, pour plusieurs raisons. J'ai rencontré plusieurs fois

15 le commandant du HVO, mais il voulait avoir, à chaque fois, des instances

16 parallèles, or avec ce parallélisme d'un point de vue opérationnelle, le QG

17 ne pouvait pas fonctionner. L'objectif principal qu'ils avaient, et ce, sur

18 quoi ils ont insisté le plus, c'était que nos entrepôts, nos équipements et

19 qui étaient modestes dans ces entrepôts soient remis dans un entrepôt

20 commun.

21 Par la suite, lorsque j'ai réfléchi à cela, parce que j'avais refusé l'une

22 de ces propositions qui sont venues d'eux, je me suis dit que j'ai bien

23 fait parce que, si je leur avais ces moyens, les Unités de la Défense

24 territoriale se seraient retrouvées sans un seul obus, sans aucun élément

25 de moyens techniques.

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1 Q. D'un part, ils n'étaient pas prêts à se placer sous un commandement

2 conjoint, mais est-ce qu'il y a eu en plus des incidents, des excès. Est-ce

3 qu'il y a eu des conflits, qu'ils soient d'intensité moindre ou plus

4 importante entre les Unités de la Défense territoriale et le HVO ?

5 R. Il n'y a pas vraiment eu d'incidents importants, mais il y a eu bien

6 des problèmes et ces problèmes, pour ce qui de moi, par exemple, en ma

7 qualité de commandant, ces problèmes ont rendu difficile l'exercice de mes

8 fonctions. Tout d'abord, avec mon QG, j'étais placé dans des locaux qui

9 n'étaient pas plus grands que cette pièce-ci, donc, dans son ensemble, le

10 QG était dans un restaurant désaffecté. A un moment donné, ils ont commencé

11 à s'emparer des différents édifices de la ville, un par un. Par exemple,

12 les habitants de Travnik sont venus nous voir dans mon QG et ils m'ont

13 menacé et ils m'ont dit, soit on va libérer l'hôtel Orient ou leur police

14 militaire s'est installée, dont elle s'est emparée. J'ai essayé de calmer

15 le jeu, je disais : "Ce n'est pas de détruire l'hôtel, le démolir sur le

16 champ, mais il faut calmer la situation." C'est un édifice connu dans la

17 ville de Travnik, tout le monde s'y rendait.

18 Soudain, il n'y avait que la police du HVO qui y avait accès.

19 Ensuite, on avait le problème pour envoyer nos unités sur les lignes

20 lorsqu'il fallait qu'elles passent par des villages croates et cela

21 concerne, en particulier, le village de Dzelilovac. Nous avons envoyé des

22 unités à Karagiannakis, au mont Sesic. Ils s'y rendaient et ils désarmaient

23 nos unités, donc il fallait aller sur place, calmer la situation, nous

24 demander de nous restituer les armes. C'était cela la situation type.

25 Ensuite, ils ont dressé des postes de contrôle partout où ils pensaient que

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1 c'était dans leur intérêt. Ils le faisaient sans nous consulter, sans

2 demander au préalable notre avis. J'ai un exemple personnel. Je suis allé

3 une fois vers mon commandement supérieur à Zenica, donc le QG régional, et

4 en route la police de M. Blaskic m'a désarmé au croisement de Vitez, en

5 direction de Vjetrenica. A ce moment-là, il a fallu que je prenne certaines

6 mesures. J'ai menacé d'arrêter M. Blaskic parce que, lui, il se rendait

7 auprès de ses Unités à Travnik. J'ai dit que j'allais l'arrêter et je lui

8 ai dit plein de choses, à ce moment-là. J'ai proféré beaucoup de menaces,

9 je lui ai dit : restituez-moi mes armes, cela ne correspond pas à la

10 dignité d'un commandant de se retrouver sans armes. Je n'ai jamais tenté de

11 faire une chose comparable à leur égard et on sait la police était bien

12 placée sous son commandement. Cela a été un coup dur pour moi.

13 La dernière fois, lorsque j'ai dit qu'il n'y avait pas d'instances

14 pour procéder à la mobilisation, ce que je peux vous dire, c'est que le

15 secrétaire du Secrétariat chargé de la défense de Travnik, ne pouvait pas

16 s'acquitter de ses fonctions régulières, c'était un Croate, à Guca Gora. Il

17 a constitué un poste de contrôle auprès de sa maison, une fois lorsque je

18 suis allé vers -- lorsque j'étais en route pour Zenica, parce qu'on

19 arrivait pas à communiquer par les communications téléphone normales, il

20 m'a arrêté là. Au lieu de mobiliser des gens pour les besoins de la

21 défense, il s'est installé là pour surveiller un poste de contrôle.

22 Q. Je vais vous demander d'examiner le document qui figure ici au numéro

23 1, document 0410, et aussi d'examiner le document numéro 5, 0486, au numéro

24 7, 0489 -- 5, 6, 7 et 8. Résumons, au numéro 1, puis 5, 6, 7 et 8. Je vous

25 prie de les parcourir et, par la suite, je vais vous poser une ou deux

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1 questions au sujet de ces documents.

2 Q. Il s'agit ici de documents du HVO. Monsieur Ribo, lorsque vous

3 regardez ces documents, est-ce que vous diriez que ces documents font

4 référence à des situations bien particulières, et à des éléments bien

5 particuliers à la manière dont le HVO s'est comporté et des événements que

6 vous avez vécus vous-même à Travnik en 1992 ?

7 R. Je n'ai jamais vu de tels documents auparavant. Je n'avais pas accès à

8 de tels documents. Il s'agit de documents du HVO, mais, en regardant ces

9 documents, il m'apparaît tout à fait clairement que ces documents

10 illustrent bien les ordres qui avaient été donnés. Il s'agissait de mettre

11 en place des points de contrôle. Lorsqu'on disait qu'il y avait un

12 problème, ils disaient ne pas avoir l'autorité nécessaire pour négocier,

13 qu'il fallait obtenir le feu vert des autorités supérieures, et cetera. Sur

14 l'autre page, et d'autre part, ils agissaient à l'opposé, et contrairement

15 à ce sur quoi on avait trouvé un accord. Ces documents illustrent bien la

16 situation qui prévalait sur nos routes eu égard au contrôle des

17 communications sur les routes, des mouvements de population. Les gens

18 étaient humiliés. Tout ceci sont des choses que j'ai vécues moi-même.

19 Q. Merci. Monsieur Ribo, pourrions-nous, maintenant, s'il vous plaît,

20 passer à un autre sujet ? En tant que commandant de l'état-major municipal

21 à l'époque, et en tant que citoyen de Travnik. A ce moment-là, si je vous

22 ai bien compris, vous ne viviez pas à Travnik avant ce moment-là, lorsque

23 vous êtes rentré de la JNA. En tant que citoyen de Travnik et en tant que

24 commandant de l'état-major municipal, avez-vous remarqué, au cours de

25 l'année 1992, des étrangers commençaient à arriver à Travnik, des personnes

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1 qui ne venaient pas de l'ex-Yougoslavie ? Il s'agit de personnes qui

2 n'étaient pas membres, non plus, d'une des nationalités de l'ex-

3 Yougoslavie.

4 R. Il y avait beaucoup d'étrangers qui traversaient Travnik. Dans mon

5 état-major, il y avait un commandant qui était, lui-même, un étranger,

6 Mihaljo Petrovic, il était de Belgrade. C'était un Serbe. Il commandait le

7 Détachement de Lasic. Son adjoint était un Slovène et tous les autres

8 combattants de ce détachement étaient des Musulmans. Il y avait les

9 représentants de la FORPRONU avec lesquels je me suis entretenu. J'ai parlé

10 avec le premier commandant du Bataillon britannique, Bob Stewart. C'était

11 son nom. Il y avait des journalistes qui traversaient la ville de Travnik.

12 Il y avait des journalistes du journal, "The Guardian". Il y avait des

13 représentants des organisations humanitaires également. Il y avait bon

14 nombre d'étrangers qui étaient là pour diverses raisons. Il y avait des

15 journalistes de pays étrangers, et cetera.

16 Q. Hormis ces étrangers que vous avez vus, dites-nous d'abord pour quelle

17 raison ces étrangers se trouvaient là, les journalistes, et les

18 représentants des organisations humanitaires se trouvaient là ? Pourquoi

19 étaient-ils à Travnik ?

20 R. D'après moi, ils étaient là parce que beaucoup d'information était

21 diffusée à l'étranger à partir de Travnik. Pas par l'intermédiaire de la

22 télévision bosniaque ou la télévision de Sarajevo, mais tout ceci était

23 envoyé, les reportages étaient envoyés à Split. De façon à ce que tout à

24 chacun puisse être informé de la situation catastrophique à Travnik. Il y

25 avait des milliers de réfugiés à Travnik. On ne savait pas comment héberger

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1 ces gens-là. Il y avait des gens qui allaient nu pied dans la rue, des gens

2 qui avaient faim. Ces gens-là se tournaient vers vous, et vous demandaient

3 d'enterrer leur enfant qui venait de mourir dans des conditions de

4 transport extrêmement difficile.

5 Sans doute à cause des éléments d'information que nous avons diffusés à

6 l'étranger, c'est sans doute à cause de cela. Nous diffusions les éléments

7 suivants : nous disions que les Serbes nous tiraient dessus, et des

8 missiles sol-sol Luna. Il y avait différents projectiles qui sont tombés

9 près de l'église dans une localité qui se trouvait près de la montagne de

10 Vilenica. Nous étions les premiers à filmer de tels événements et à les

11 diffuser au monde entier de façon à décrire la situation militaire qui

12 était tout à fait catastrophique. La ville de Jajce également, où la

13 population de ce village s'est déplacée en direction de Karaula, et toutes

14 ces personnes étaient dans la ligne de tirs des soldats serbes où il y

15 avait des camions qui étaient remplis ou qui transportaient des enfants ou

16 des personnes âgées. Ceci provoquait des accidents. Il y avait de nombreux

17 morts.

18 Q. Merci. Je crois que vous nous avez fourni une réponse assez claire sur

19 la présence des étrangers à Travnik.

20 Dites-moi, maintenant s'il vous plaît : hormis ces organisations militaires

21 et ces journalistes qui venaient d'Occident, avez-vous remarqué qu'il y

22 avait des personnes qui venaient de pays africains ou de pays d'Asie ou de

23 pays arabes ? Avez-vous remarqué la présence de telles personnes et, si

24 oui, à quel moment, s'il vous plaît ?

25 R. J'ai rencontré et je me suis entretenu avec les personnes qui venaient

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1 à mon quartier général. Je ne peux pas parler des autres personnes. Je ne

2 peux parler que de ces gens-là avec lesquels je me suis entretenu.

3 Un jour, 40 journalistes sont venus d'Egypte. Ils sont venus, ils ont

4 évoqué la situation avec moi. Ils souhaitaient que j'établisse une liste

5 d'éléments dont nous avons besoin pour assurer notre défense. Je leur ai

6 remis une telle liste, et ils sont partis. Je n'ai plus jamais revu ces

7 gens-là.

8 Ensuite, un jour, dix journalistes de Turquie sont venus, et il y avait des

9 gens qui les accompagnaient qui avaient quitté la Krajina. C'étaient des

10 Bosniens qui avaient quitté le pays, il y a un siècle, qui venaient, à

11 l'origine, de Krajina. Ce sont des gens qui s'étaient installés en Turquie.

12 Je sais qu'ils ont rencontré, à Gluha Bukovica, les membres de la Ligue

13 patriotique. Je sais qu'à cette occasion-là, ils leur ont remis 40 000

14 marks allemands. Ils souhaitaient que je sois présent, et ils souhaitaient

15 ainsi renforcer la résistance et s'assurer du matériel militaire.

16 Il y avait des organisations humanitaires dont le siège est au Pays-Bas,

17 dont les représentants sont venus à une occasion. Ils sont venus demander

18 quoi nous avions besoin. Ils nous ont remis quelque 12 000 marks. Le nom de

19 l'organisation humanitaire était "Holland Islamic Vakuf."

20 C'est le type de personnes qui sont venues. Il y avait également le

21 journaliste de "Guardian" qui a emmené des réfugiés à Banja Luka. Il s'est

22 présenté à mon état-major et m'a demandé de l'aider. Je lui ai remis de la

23 nourriture et un véhicule pour qu'il puisse rentrer à Split, de façon à ce

24 qu'il puisse rentrer chez lui car les Serbes avaient confisqué son véhicule

25 avant qu'il n'entre dans la zone, la zone que nous contrôlions, avant qu'il

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1 ne passe la ligne, et passe de l'autre côté de cette ligne de la zone dans

2 la partie que nous contrôlions nous-mêmes.

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] On m'a dit qu'à la page 23, ligne

4 24, il y a une erreur. Le témoin a dit que cet argent, ces milliers de

5 marks allemands, je ne connais pas le montant exact, a été remis à la Ligue

6 patriotique, et d'après ce que je voie ici, il semble que cet argent ait

7 été remis au témoin. On peut voir d'après le compte rendu d'audience que le

8 témoin était présent, et c'est pour cela qu'il était au courant de cela.

9 Q. Est-ce exact, Monsieur le Témoin ?

10 R. On m'a demandé de venir, d'être présent. Cet argent n'était pas pour

11 moi, cet argent était pour la Ligue patriotique à Zenica, qui était le bras

12 droit de notre défense. L'homme qui dirigeait la Ligue patriotique m'a

13 demandé d'être présent et m'a demandé de venir et témoigner du fait que cet

14 argent lui a été remis.

15 Q. Merci. En 1992, avez-vous été le témoin de l'arrivée des individus

16 armés à Travnik, qui étaient et seraient venus de pays d'Afrique ou de pays

17 Arabes ? Est-ce que de telles personnes se sont rendues au QG de la Défense

18 territoriale ?

19 R. De tels individus armés ne se sont jamais présentés. Je ne les ai pas

20 remarqués, et je ne les ai jamais vus. Ils ne sont jamais venus se

21 présenter à la Défense territoriale de l'état-major municipal.

22 Q. Pendant que vous commandiez, ou au moment où vous commandiez l'état-

23 major de la Défense territoriale, à quel moment avez-vous prévu une action

24 en présence -- une action militaire en présence de ces étrangers. L'état-

25 major municipal n'a-t-il jamais fourni les soutiens logistiques à ces

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1 étrangers qui étaient présents à Travnik ?

2 R. En premier lieu, je n'ai jamais vu de telles personnes se présenter à

3 l'état-major. Je ne me suis jamais entretenu avec eux. Lorsque j'étais

4 commandant, je n'ai jamais pris part à aucune activité de défense. Au

5 niveau des lignes de défense qui se trouvaient, qui étaient longues de

6 quelques 60 kilomètres sur un terrain assez montagneux, et ces personnes ne

7 faisaient pas partie de l'état-major de la Défense territoriale, ils

8 n'avaient rien à voir avec nous et nous ne pouvions en aucun cas leur

9 fournir un appui logistique. Ce qui était dit, à ce moment-là, lors d'un

10 briefing qui a été organisé par mon état-major, et j'ai affecté des tâches

11 à mes différents commandements, et en ma présence, et lorsque j'étais

12 commandant, à ce moment-là, aucun de ces soldats n'ont pris part à des

13 activités, et un appui logistique ne leur a jamais été fourni du temps où

14 j'étais là.

15 Q. Monsieur Ribo, où se trouvait le commandement du Détachement de

16 Mehurici ?

17 R. Le commandement du Détachement de Mehurici se trouvait dans l'école

18 élémentaire de Mehurici au rez-de-chaussée. Il y avait là également -- nous

19 avons pris la salle des professeurs -- nous avons réquisitionné la salle

20 des professeurs et un certain nombre de salles de classe, y compris la

21 cuisine de l'école.

22 Q. Monsieur le Témoin, qui a réquisitionné ces bâtiments pour les besoins

23 de la Défense territoriale ?

24 R. Ceci devait être fait et a été fait par l'intermédiaire du secrétariat

25 de la Défense nationale, qui se trouvait dans la municipalité de Travnik.

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1 Q. Monsieur Ribo, au début de l'automne 1992, avez-vous rendu visite à

2 votre détachement à Mehurici et, si oui, avez-vous constaté qu'il y avait

3 d'autres individus, hormis les membres de votre détachement ?

4 R. Oui. Je rendais visite à des différents détachements, ainsi que les

5 différents commandements, et les lignes de défense, et je ne sais pas s'il

6 s'agissait là de la fin du mois d'août, ou du début du mois de septembre,

7 mais quoi qu'il en soit, j'avais une réunion à Mehurici avec mon

8 détachement. A ce moment-là, alors que je me trouvais à Mehurici, nous

9 avons également parlé de la question de différentes forces musulmanes et le

10 commandement de notre détachement a précisé qu'il s'agissait là d'un

11 problème. Au cours de cette visite, je n'ai pas constaté la présence

12 d'étrangers à Mehurici.

13 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : alors que vous étiez commandant, quelqu'un

14 vous a-t-il rapporté que quelques étrangers souhaitaient être hébergés dans

15 les installations de type militaire dans la région de Travnik ? Si ces

16 éléments vous avaient été rapportés, pourriez-vous nous en parler s'il vous

17 plaît ?

18 R. Quelques civils sont venus me voir et m'ont dit que, pour les besoins

19 d'organisation humanitaire internationale, je devais mettre à leur

20 disposition la caserne de Slimena qui avait été complètement détruite.

21 Etant donné que j'étais responsable de différents bâtiments de l'ex-JNA, la

22 caserne de Slimena était

23 le bâtiment dont j'étais responsable également. Pour des questions de

24 sécurité, je n'ai pas donné mon accord car c'était une région minée et,

25 après l'explosion, il y a eu quelques 18 personnes qui ont été grièvement

Page 10808

1 blessées. Ils ont perdu des membres, certains sont morts sur des champs

2 minés, mais, autour de ces casernes, donc c'était pour des questions de

3 sécurité que je n'ai pas autorisé cela.

4 Deuxièmement, je n'ai pas pu leur fournir, ou mettre à la disposition des

5 installations militaires à des organisations humanitaires. Je n'en avais

6 pas le droit.

7 Troisièmement, on m'a précisé qu'il y avait une organisation humanitaire

8 arabe et j'ai dit qu'il y en était hors de question car la population était

9 mixte et je ne souhaitais pas provoquer des incidents ou des difficultés.

10 J'essayais de calmer le jeu, ce qui est en principe le rôle d'un

11 commandant, et j'ai expliqué que la population était une population mixte

12 et que, par conséquent, s'il y avait une organisation humanitaire arabe,

13 ceci provoquerait des difficultés. J'ai précisé qu'il ne fallait qu'ils

14 insistent là-dessus, et j'ai rejeté cette idée d'emblée.

15 Q. Monsieur Ribo, vous avez évoqué les forces musulmanes, il y a quelques

16 instants. Pourriez-vous me dire si vous avez jamais pris une quelconque

17 décision sur la création de forces musulmanes à Travnik, ou avez-vous peut-

18 être entendu parler de la création de telles forces armées à Travnik ?

19 R. Pour répondre à votre première question -- la première partie de votre

20 question, non. Je n'ai jamais donné aucun ordre à cet effet. Je n'ai jamais

21 publié aucun document à cet effet, et mon commandant supérieur n'a jamais

22 pris aucune décision à cet égard, non plus, portant sur la création de

23 forces armées musulmanes. Hormis, ceux qui se rapportaient à la Défense

24 territoriale, qui était la force armée légitime de décisions, légitime où

25 aucun ordre n'a été fait officiellement, en tout cas.

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1 Q. En tant que commandant de l'état-major municipal, avez-vous constaté

2 qu'à Travnik vers la fin de l'été, ou au début de l'automne, de telles

3 forces armées étaient créées ?

4 R. Oui. Si j'avais un commandant adjoint, chargé de la Sécurité qui, comme

5 un commandant adjoint, chargé de la Sécurité, ne savait pas ce qui se

6 passait sur le terrain, cela eût été une chose difficile à comprendre.

7 L'adjoint de la sécurité au sein de mon état-major nous a fourni certains

8 éléments qui précisaient que les forces musulmanes se préparaient. J'étais

9 en colère, et les membres du commandant étaient en colère aussi parce qu'il

10 y avait des Serbes et des Croates au sein du commandement. J'ai réagi en

11 essayant de découvrir qui était à l'origine de la création de ces forces

12 musulmanes, et d'essayer de comprendre qui étaient ces gens-là, et de

13 comprendre qui avait nommé leur commandant. Je souhaitais savoir ce qu'ils

14 voulaient. Ceci me posait un problème en tant que commandant, car nous

15 vivions dans des conditions très difficiles. Nous nous battions dans des

16 conditions très difficiles, et on se retrouvait dans une situation où une

17 autre force armée est créée. Ceci provoque des difficultés.

18 Nous avions différentes forces en présence. Il y avait la Krajina, le

19 HOS, le HVO, et il y avait les Handzar, les unités du Handzar. Il y avait

20 des unités qui arrivaient des municipalités voisines de Vitez, de Travnik,

21 ou plutôt de Novi Travnik, de Zenica. Ils venaient prêter main-forte. J'ai

22 informé l'état-major municipal, et je leur ai rapporté les éléments que

23 m'avaient fournis les organes de sécurité qui étaient sous ma

24 responsabilité. Je leur ai expliqué quelle était la situation à Travnik.

25 Q. Savez-vous qui commandait ces forces lorsque ces forces ont été

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1 créées ? A quel moment ces forces ont-elles été créées ?

2 R. Je savais qu'un certain Asim Koricic commandait ces forces et armées.

3 C'était un homme à l'extérieur du territoire de Travnik, et à l'extérieur

4 de la Bosnie centrale. Plus tard, j'ai appris que cet homme-là était

5 originaire de la Krajina. Il est peut-être arrivé en même temps que les

6 réfugiés. Quoiqu'il en soit, cet homme-là était le premier commandant de

7 ces forces armées musulmanes dont j'ai appris l'existence par la suite.

8 Q. Ce n'est pas vous qui avez été à l'origine de la création de ces forces

9 armées ? Les avez-vous démantelées, et savez-vous ce qui est advenu de ces

10 forces armées musulmanes par la suite ? Avant de répondre à ces questions,

11 dites-nous, en premier lieu, s'il vous plaît : qui composait ces unités

12 puisque vous avez mené une enquête ?

13 R. La plupart des unités qui composaient ces forces armées étaient

14 des réfugiés de Jajce, de la Krajina, de Bosnie. Certaines personnes

15 venaient de Travnik même et, en particulier, de jeunes personnes sans

16 expérience. Il ne s'agissait pas du tout de combattants. A ce moment-là, il

17 semblait qu'il était important avant tout de mettre sur pied cette unité,

18 quelle que soit la composition de l'unité elle-même. Comme je n'ai pas eu

19 mon mot à dire sur la création de cette unité, je n'ai pas eu mon mot à

20 dire sur le démantèlement de cette unité, non plus. Je suis resté au sein

21 du

22 3e Corps. Je sais que, par la suite, cette unité a été démantelée, et

23 qu'elle a été rattachée au 3e Bataillon ou à la 7e Brigade mécanisée.

24 Certains d'entre eux sont retournés à leurs unités d'origine. Certains se

25 trouvaient à Travnik, et d'autres personnes ont commencé à se promener dans

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1 la région.

2 Je crois qu'il s'agissait de faux prétextes car ces personnes

3 souhaitaient continuer à vivre dans ces maisons. Ils souhaitaient maintenir

4 leurs droits de culte. Ils souhaitaient recevoir de l'aide humanitaire, de

5 l'argent, de la nourriture, quelque chose que nos hommes ne recevaient pas.

6 Nos hommes avaient simplement un salaire, et quatre deutsche marks. Cela

7 devait leur suffire à survivre et à aider leurs familles.

8 Q. Monsieur Ribo, vous dites avoir travaillé 20 heures par jour.

9 Vous avez décrit la situation en nous expliquant qu'elle était désastreuse.

10 Tous ces efforts que vous avez dû déployer, est-ce que tout ceci a une

11 incidence sur votre santé ? A long terme, est-ce que vous avez dû quitter

12 votre poste pendant un certain temps à cause de cela ?

13 R. Non. Ce n'est pas que je travaillais 20 heures par jour. J'étais sans

14 cesse sur mon lieu de travail. Je ne quittais jamais mon quartier général.

15 On dormait sur des chaises. Nous n'avions pas d'hébergement décent. Je

16 mettais trois chaises, les unes à côté des autres, et je faisais une petite

17 sieste pendant une heure ou deux.

18 Lorsque Karaula est tombée, la situation était devenue très

19 difficile. Elle a été capturée par les agresseurs serbo-monténégrins.

20 Tous ces problèmes étaient des problèmes que je devais traiter moi-même. Il

21 y avait des jeunes hommes qui mourraient, et je devais dire à leurs mères

22 et à leurs familles, bon nombre de familles. On devait prendre charge d'un

23 bon nombre de familles. Il y avait des hommes qui avaient été très

24 grièvement blessés. Certains devaient être envoyés à l'étranger pour être

25 traités correctement et recevoir des soins médicaux appropriés.

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1 A la fin de mon mandat, à Travnik, j'ai dû moi-même être transporté à

2 l'hôpital. J'avais besoin d'être soigné. J'avais besoin d'un goutte-à-

3 goutte. J'ai finalement reçu des ordres de Sefer Halilovic, mon commandant,

4 et je devais être transféré à Zenica pour mettre en place la 301e Brigade

5 mécanisée.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il me reste encore une dizaine de

7 questions à poser à ce témoin. Je crois que l'heure est appropriée pour

8 prendre une pause. Je propose que nous fassions une pause maintenant, et

9 que nous terminions avec ce témoin après. Je crois qu'il me faudrait que

10 dix minutes encore.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous reprendrons aux environs de 11 heures moins

12 cinq.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

14 --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez la parole.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

17 Avant de continuer, avant de terminer l'interrogatoire principal du témoin,

18 je souhaite que l'on constate qu'à la page 29, ligne 25, où il est dit :

19 "Je n'ai pas travaillé 20 heures par jour," que le témoin avait dit qu'il

20 travaillait beaucoup plus. Ensuite, il a dit : "J'étais constamment à mon

21 lieu de travail." La partie où il a dit à quel point il a travaillé n'est

22 pas consignée au compte rendu d'audience. Nous pouvons confirmer cela de

23 nouveau avec le témoin, mais c'est ce que j'ai entendu le témoin dire.

24 A la page 30, lignes 10 à 12, il est dit que le témoin était malade

25 et qu'il a reçu la perfusion, mais le témoin a également dit qu'il avait

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1 des problèmes cardiaques, une crise cardiaque ou quelque chose de

2 semblable. Je n'ai pas très compris, peut-être il pourrait nous clarifier

3 cela, mais cette partie n'a pas été consignée au compte rendu d'audience

4 non plus. Je vais reposer la question au témoin.

5 Q. Quels étaient les problèmes de santé que vous aviez, pour

6 lesquels l'on vous a administré la perfusion à l'hôpital ?

7 R. À l'époque, j'avais des problèmes cardiaques.

8 Q. Très bien, merci. Je souhaite maintenant poser la question suivante :

9 Monsieur Ribo, est-ce qu'à la fin de l'année 1992, il y a eu des

10 changements sur le plan organisationnel au sein de l'ABiH ? Si vous le

11 savez, dites-nous quels étaient ces changements et quelles étaient les

12 fonctions que vous occupiez après cela ?

13 R. Je sais qu'il y a eu des changements sur le plan de l'organisation à la

14 fin de l'année 1992. En fait, les unités sont devenues plus importantes.

15 L'on a créé des brigades et le corps d'armée et en 1992, conformément à

16 l'ordre donné par le Grand quartier général, je suis allé à Zenica, je suis

17 devenu le commandant de la 301e Brigade mécanisée et ma tâche était de

18 créer cette unité, cette brigade.

19 Q. Merci. Je vous demanderais d'examiner, maintenant, le document numéro

20 2, règlement portant sur le service au sein de l'ABiH. Tout d'abord,

21 Monsieur Ribo, connaissez-vous ce document ?

22 R. Oui, bien sûr que je le sais parce que, dès le début, nous avons

23 insisté pour dire qu'il fallait adopter ce genre de règlement dès que

24 possible, ce qui permettrait de donner des instructions aux soldats, de

25 créer des unités et de se comporter conformément aux règlements militaires

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1 et je connais très bien ce règlement.

2 Q. Veuillez examiner, maintenant, la page 291 qui porte sur le

3 cantonnement et l'ordre. Dites-moi, s'il vous plaît : en tant que

4 commandant de l'état-major municipal en 1992 et, par la suite, en tant que

5 commandant de la Brigade en 1993, est-ce que vous disposiez des casernes et

6 des conditions qui étaient prévues par ce règlement ? Est-ce que vous avez

7 pu mettre cela à la disposition de vos effectifs ?

8 R. Non, nous n'avions pas de possibilités d'héberger nos effectifs et ce

9 1er Bataillon de Krajina, qui a été logé à Travnik, dans la caserne de

10 Travnik, constituait une exception et les effectifs de ce bataillon

11 allaient directement des lignes de la défense. Ils se rendaient chez eux

12 lorsqu'ils étaient de repos et, ensuite, ils revenaient à la ligne de

13 front. Pour la plus grande partie, nos unités n'avaient pas en 1992 et même

14 pas en 1993 d'endroits où être stationnées.

15 Q. Où est-ce que l'on stockait les armes ?

16 R. Nous avions nos armes sur les lignes de la défense. Nous n'avions pas

17 une possibilité de stocker nos armes dans des casernes ou dans des

18 entrepôts. Les armes changeaient de main au moment des relèves. Ceux qui

19 étaient sur la ligne de défense remettaient leurs armes aux personnes qui

20 faisaient partie de la nouvelle relève.

21 Q. Malgré cela, est-ce qu'au sein de l'ABiH, vous avez fait des tentatives

22 afin de transformer vos troupes en de réels soldats afin d'établir une

23 certaine discipline et à quel point vos efforts ont-ils eu du succès en

24 1992 et 1993 ?

25 R. Bien sûr, chaque soldat a intérêt à ce que l'ordre, la discipline

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1 règnent dans des unités militaires. Nous avons pris certaines mesures afin

2 de créer une véritable discipline militaire et afin de faire en sorte que

3 les combattants se comportent conformément aux règlements militaires. Ceci

4 a entraîné un certain nombre de problèmes sur le plan du commandement et du

5 contrôle. Ce que je veux dire par là, c'est qu'au début de l'année 1992,

6 presque pendant toute l'année nous avions des volontaires. Cela c'était le

7 plus grand problème car, parfois, vous donniez l'ordre selon lequel ils

8 devaient aller sur la ligne de front et ils refusaient cela. Ensuite, on

9 passait un certain temps à essayer de la persuader d'aller sur la ligne de

10 front ou ils se comportaient de manière arbitraire. Ils quittaient leurs

11 positions; par exemple, un soldat, qui entend dire que quelqu'un dans sa

12 famille était malade, quittait la ligne de front.

13 Une fois sur le mont Sesic, qui était sous le commandement du

14 commandant Mesanovic, nous n'avons pas pu les approvisionner en pain à

15 temps, et l'ensemble de l'unité a menacé de quitter les positions. Puis,

16 dans une autre situation, ils ont demandé 25 kilos de farine pour leurs

17 familles et ils menaçaient de quitter leurs positions à moins que ceci ne

18 soit fait.

19 Il y avait d'autres problèmes, toutes sortes de problèmes; parfois, ils

20 entraient dans des magasins et simplement ils prenaient des vivres dont ils

21 avaient besoin. Il y avait tous ces problèmes, mais, à chaque fois, avec

22 notre commandement, nous avons essayé de faire introduire l'ordre et la

23 discipline. C'était très difficile car nous n'avions pas non plus le niveau

24 des subordonnés, tel que le commandant de bataillons et de détachements, et

25 cetera, structurés de manière convenable.

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1 Q. Merci. En tant que commandant au sein de l'ABiH, vous étiez supérieur

2 par rapport à qui ? Vos fonctions de commandement et de contrôle

3 s'exerçaient sur qui ?

4 R. Exclusivement, en tant que commandant de la brigade et en tant que

5 commandant de l'état-major municipal, j'étais responsable exclusivement des

6 membres de mes unités, et personne d'autre.

7 Q. Merci. Vous avez dit également que pendant que vous étiez à l'hôpital,

8 vous avez pris les fonctions du commandant de la 301e Brigade mécanisée.

9 Mis à part ces efforts visant à vous organiser, et compte tenu des

10 circonstances dans lesquelles vous avez agi, est-ce que jusqu'à la fin

11 1993, vous avez réussi à exécuter l'ordre, à savoir, à créer la 301e

12 Brigade mécanisée ?

13 R. Ma réponse est formelle, c'est non. Jusqu'à la fin 1993, je n'ai pas

14 réussi à former la brigade. J'ai formé un bataillon de cette brigade, un

15 bataillon blindé et un bataillon mécanisé. Mais, justement, en raison du

16 fait que je n'ai pas pu terminer ce travail ou pour des raisons

17 différentes, car nous n'avions pas suffisamment d'équipement, ni de

18 matériel, et cetera, cette brigade a fini par être démantelée en novembre

19 1993.

20 Q. Dans de telles circonstances, vous n'avez pas pu créer cette brigade.

21 Est-ce que vous savez si des difficultés semblables se ressentaient au sein

22 d'autres unités de l'ABiH, de son 3e Corps d'armée ?

23 R. Oui. Je peux dire que sans aucun doute, il y a des problèmes dans

24 chacune des unités, et aucun commandant de brigade n'a jamais terminé le

25 travail de création de brigade. Par exemple, nous avons reçu l'ordre de

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1 créer la Brigade de Sabotage à Zenica. Le commandant a été nommé, mais très

2 peu de temps après, la brigade a été démantelée. Ceci n'est pas arrivé

3 seulement à ma brigade, mais à presque toutes les brigades. L'on n'a pas pu

4 terminer le travail, compte tenu du manque de moyens, parfois du manque

5 d'effectifs. Tout ceci ne nous permettait pas de former des brigades

6 conformément à la structure réglementaire concernant la taille de nos

7 brigades et bataillons et d'autres formations à l'époque.

8 Q. Vous ne les avez pas créées, mais est-ce que vous avez pris des

9 mesures ? Est-ce que vous avez pu faire plus que ce que vous avez fait

10 jusqu'à la fin 1993 ?

11 R. C'était le maximum que j'ai pu faire en tant que commandant de la

12 brigade.

13 Q. Pour finir, lorsque vous comparez ce bataillon mécanisé que vous avez

14 formé à la fin de l'année 1993 et, lorsque vous le comparez à un bataillon

15 mécanisée au sein de la JNA dont vous étiez le commandant, est-ce que vous

16 pouvez nous dire s'il y a eu certaines différences entre les deux et, si

17 oui, lesquelles ?

18 R. Oui, bien sûr. Bien sûr qu'il y a eu des différences, de grandes

19 différences. Au début de la guerre, les militaires d'active de l'ancienne

20 JNA, nous avions des problèmes avec nos subordonnés justement à cause de

21 cela car ils pensaient que, lorsqu'on décidait de créer une unité qu'en

22 tant que commandant de l'état-major municipal, j'avais un entrepôt, des

23 munitions, et des citernes avec les carburants, et que j'avais des

24 munitions pour des chars, des munitions pour d'autres armes, et cetera. Par

25 exemple, le Détachement de Mehurici m'a demandé de leur envoyer de grosses

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1 tentes pour y héberger leurs hommes, et j'ai dit que je ne pouvais pas

2 faire cela. La différence, c'était que, par exemple, j'avais 27 litres de

3 carburant pour aller en mission, alors que ceci suffisait pour qu'un char

4 puisse fonctionner pendant une heure.

5 Nous avions 25 litres, par exemple, alors que, dans la JNA, vous

6 aviez des citernes, donc les chars ne manquaient jamais de carburant.

7 Q. Merci. Je pense que vous avez répondu à toutes mes questions. Merci

8 beaucoup, Monsieur Ribo.

9 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai terminé

10 l'interrogatoire principal.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Je remercie la Défense pour s'être conformée à

12 l'heure et demie qui avait été prévue. Est-ce que les autres avocats ont

13 des questions à poser ?

14 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons

15 seulement quelques questions afin de clarifier la réponse donnée par le

16 témoin au cours de l'interrogatoire principal.

17 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :

18 Q. [interprétation] Monsieur Ribo, à la question de mon éminente collègue,

19 Me Residovic, vous avez parlé de forces musulmanes. Je pense que ceci

20 figure aux pages 28, 29 du transcript, du compte rendu d'audience. Si je

21 vous ai bien compris, vous avez dit que ces forces musulmanes étaient

22 surtout remplies de jeunes hommes de la Bosanska Krajina, des réfugiés de

23 Bosanska Krupa, de Jajce et d'autres parties; est-ce exact ?

24 R. Oui. Pour la plupart, elles étaient remplies des hommes de cette

25 région-là, mais également de la municipalité de Travnik. C'est ce que

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1 j'avais souligné. Il y en avait qui venait de la municipalité de Travnik

2 aussi.

3 Q. Est-ce qu'il est exact de dire que ces forces musulmanes étaient

4 remplies seulement de jeunes hommes qui étaient bosniens. Il n'y avait pas

5 d'étrangers parmi eux ?

6 R. Pour autant que je le sache, je ne me suis rendu jamais auprès de cette

7 formation pour le voir de mes propres yeux. Mais pour autant que je le

8 sache, elles étaient constituées uniquement des ressortissants de Bosnie-

9 Herzégovine.

10 Q. Au moment où ces forces musulmanes ont cessé d'exister, donc, ceci

11 était la période pendant laquelle il y a eu des changements au sein de

12 l'ABiH sur le plan organisationnel. C'était octobre, novembre 1992. Vous

13 avez dit qu'une partie de ces membres des forces musulmanes s'étaient

14 rendus ou ont commencé à faire partie du bataillon de Travnik et que les

15 autres ont rejoint les rangs de leurs unités mères. Est-ce que les unités

16 mères seraient la

17 306e Brigade de Travnik et la 312e Brigade de Travnik ? Est-ce que vous

18 parliez de ces unités-là ?

19 R. Oui, vous avez absolument raison. Une partie de ces hommes ont rejoint

20 les rangs du 1er Bataillon de la 7e Brigade qui faisait partie du 3e Corps

21 de l'ABiH. Ensuite, certains d'entre eux sont restés au sein de la 306e et

22 de la 312e Brigade, et certains ont commencé à faire partie de la 17e

23 Brigade de Krajina.

24 Bien sûr, ces personnes faisaient leurs propres calculs, car ce bataillon

25 est devenu une partie de la 7e Brigade musulmane avec sa base à Zenica. Ce

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1 qui impliquerait qu'ils devaient quitter la municipalité de Travnik, donc

2 ils préféraient rester sur le territoire de leurs propres municipalités.

3 C'était cela le genre de calculs qu'ils faisaient.

4 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci. Je n'ai plus de questions.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, pour le contre-interrogatoire.

6 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Contre-interrogatoire par M. Mundis :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je m'appelle Daryl

9 Mundis, et je représente le bureau du Procureur dans cette affaire. Je vais

10 vous poser quelques questions qui vont probablement durer une heure ou

11 peut-être plus. Mais, tout d'abord, je souhaite m'assurer que vous

12 comprenez que je n'essaie pas de vous piéger ou de mettre des mots dans

13 votre bouche. Si jamais je pose des questions que vous n'avez pas

14 comprises, que vous ne comprenez pas, veuillez me le dire et je vais les

15 reformuler. Est-ce que vous avez compris cela, Monsieur ?

16 R. Oui, je comprends.

17 Q. Pour commencer, je souhaite que l'on parle un peu des forces

18 musulmanes, Muslimanske Snage, dont vous avez parlé plus tôt ce matin. Vous

19 nous avez dit que lorsque vous avez appris que cette unité a été créée, que

20 ceci vous a vexé, et que vous avez demandé à votre chef, chargé de la

21 Sécurité, d'apprendre qui étaient ces personnes; est-ce exact ?

22 R. Ce n'est pas exact. J'ai appris par le biais de mon chef, chargé de la

23 Sécurité, qui était mon subordonné dans l'état-major, que, lui, il avait

24 reçu des informations selon lesquelles l'on procédait aux préparatifs afin

25 de former les forces armées musulmanes. Là il s'agissait des informations

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1 qui précédaient la création d'une unité.

2 Q. Est-ce que vous vous souvenez approximativement à quel moment votre

3 chef, chargé de Sécurité, vous a informé, ou vous a fourni ces

4 informations-là ? Est-ce que vous vous souvenez approximativement du mois,

5 du jour, ou de l'année ?

6 R. Peut-être c'était au mois de juillet. Je ne peux pas vous répondre avec

7 précision à cette question car j'ai des documents dans lesquels ceci

8 figure. Mais je ne me souviens pas exactement. Je pense que c'était soit en

9 juin, soit en juillet.

10 Q. Encore une fois, pour le compte rendu d'audience, vous pouvez nous

11 préciser, il s'agirait de l'année 1992 ?

12 R. Oui, bien sûr, 1992.

13 Q. Monsieur, vous venez de dire que vous aviez vos propres documents dans

14 lesquels ceci figure peut-être; est-ce que vous les avez sur vous par

15 hasard, est-ce que vous les avez apportés à La Haye ?

16 R. Je ne les ai pas apportés avec moi, malheureusement.

17 Q. Sur la base des informations que vous avez reçus de la part de votre

18 chef, chargé de la Sécurité, quelles mesures avez-vous pris, si vous avez

19 pris des mesures, ou quelles mesures ont été prises par le chef, chargé de

20 la Sécurité, suite à vos ordres pour déterminer qui étaient ces personnes

21 et ce qu'ils faisaient ?

22 R. Je ne souviens très bien que, lors d'une réunion d'information, j'ai

23 donné l'ordre à mon adjoint, chargé de la Sécurité, de vérifier de quelles

24 forces il s'agissait et qui était leur commandant.

25 Q. Puis-je vous demander, à ce stade, comment s'appelait votre adjoint du

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1 commandant chargé de la sécurité, à ce moment-là ?

2 R. Il s'appelait Esad Sipic.

3 Q. Est-ce que vous vous souvenez quelles informations Esad Sipic vous a

4 fournies, après que vous lui avez confié la tâche déterminée qui étaient

5 ces forces, et qui était leur commandant ?

6 R. Esad Sipic m'a fourni une information. Tout d'abord, j'ai demandé

7 d'avoir une information concernant le commandant qui s'appelait le

8 commandant Tara. Je ne savais pas qui il était. Il s'est retrouvé dans

9 cette région tout d'un coup, et j'ai reçu l'information concernant la

10 question de savoir qui était le commandant Tara, et la deuxième

11 information, que j'ai demandée auprès de l'adjoint, chargé de la Sécurité,

12 je l'ai transmise verbalement à l'adjoint, chargé de la Sécurité du

13 district. Je pense que son nom était Agic, si je ne me trompe.

14 Q. Au cours de la période, juin, juillet 1992, mis à part ce que vous

15 venez de nous dire, avez-vous d'autres informations concernant le

16 Muslimanske Snage ?

17 R. Non, je n'ai pas reçu d'autres informations. Je ne me souviens pas.

18 Peut-être il y en a eu, mais je ne me souviens pas en avoir reçu car, pour

19 moi, c'était une unité sans importance. Je n'y prêtais pas attention

20 particulièrement car j'avais tellement de problèmes, moi-même, que je ne

21 prêtais pas particulièrement attention à cette unité-là.

22 Q. La personne dont vous nous avez donné le nom, le commandant, est-ce que

23 vous pouvez nous épeler son nom de famille ?

24 R. Le commandant Tara. L'adjoint, chargé de la Sécurité, a appris que son

25 nom et prénom étaient le nom de famille Redzic, et le prénom Emir, donc

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1 Emir Redzic.

2 Q. Le nom du commandant c'était commandant Dara, avec un "d" ou Tara avec

3 un "t" ?

4 R. Avec un "t", Tara.

5 Q. Passons à une période ultérieure, août 1992 et octobre 1992. Au cours

6 de cette période-là, vous étiez encore commandant de la Défense

7 territoriale municipal de Travnik, est-ce que vous avez reçu d'autres

8 informations concernant les forces musulmanes, Muslimanske Snage ?

9 R. Si vous parlez des forces musulmanes de Travnik, non, et d'autres

10 informations, je n'en ai pas eues car, à vrai dire, ceci ne m'intéressait

11 pas vraiment.

12 Q. Si, j'ai bien compris, ce que vous avez dit tout à l'heure, je pense

13 que ceci figure à la page 28, ligne 19, vous avez mentionné également en ce

14 qui concerne les forces musulmanes, le nom Asim Koricic. Avez-vous dit à la

15 Chambre de première instance, qu'Asim Koricic était le commandant des

16 forces musulmanes à Travnik ?

17 R. Oui. Il était le premier commandant. Il se faisait appeler commandant,

18 mais je ne sais pas quel était son niveau de commandement. Mais de toute

19 façon on l'appelait commandant.

20 Q. Ce commandant Tara, quelles étaient ses fonctions au sein des forces

21 musulmanes à Travnik ?

22 R. Le commandant Tara a hérité des fonctions du commandant Asim Koricic.

23 Q. Est-ce que vous savez approximativement, à quel moment le commandant

24 Tara a pris les fonctions suite à Asim Koricic ?

25 R. Je ne pourrais pas vous fournir cette information, vraiment je ne le

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1 sais pas.

2 Q. Est-ce que vous savez ce qu'a fait Asim Koricic, après la période

3 pendant laquelle il commandait les forces armées musulmanes à Travnik ?

4 R. Cela non plus, je ne le sais pas parce que j'étais déjà parti de

5 Travnik, vraiment je ne le sais pas.

6 Q. A partir de la mi-novembre en 1992, jusqu'à, il me semble que vous avez

7 parlé du mois de novembre 1993, vous avez été commandant de la 301e Brigade

8 mécanisée; est-ce exact ?

9 R. Oui, c'est exact, à partir du 20 novembre 1992, jusqu'au 30 novembre

10 1993, j'ai commandé cette Brigade mécanisée.

11 Q. Pendant la période où vous avez été commandant de la 301e Brigade

12 mécanisée, combien de fois avez-vous eu des entretiens avec les supérieurs

13 ou les officiers commandant le 3e Corps d'armée ?

14 R. Je peux difficilement vous donner une réponse exacte. Je pense que

15 c'était à peu près tous les mois, une fois par mois, qu'on avait un

16 briefing. S'il y avait des événements imprévus, une situation

17 extraordinaire, on se réunissait plus souvent.

18 Q. A en juger d'après votre réponse, Monsieur, serait-il exact de dire que

19 vous avez assisté à plus de 12 réunions de ce genre pendant la période où

20 vous avez été commandant de la 301e Brigade mécanisée ?

21 R. Je ne sais si on pourrait citer le chiffre de 12. Je ne sais pas si

22 c'était un peu plus ou un peu moins, je ne peux pas vous donner de réponse

23 tout à fait précise car je ne l'ai vraiment pas noté.

24 Q. A l'une de ces réunions avec le commandements du 3e Corps d'armée, est-

25 ce qu'il y avait d'autres commandants, d'autres brigades qui étaient

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1 présents ?

2 R. A ces briefings, les seuls commandants présents étaient les commandants

3 des brigades, qui d'un point de vue structurel, appartenaient au 3e Corps

4 d'armée.

5 Q. Les brigades subordonnées au commandement du 3e Corps d'armée, est-ce

6 qu'on pourrait les appeler "commandants structurels" ?

7 R. Je n'ai pas compris votre question. Pouvez-vous la répéter ?

8 Q. Absolument. Je vous ai posé deux questions en amont. S'il y avait

9 d'autres commandants de brigades qui étaient présents à ces réunions

10 d'information avec le 3e Corps. Vous avez dit : "Seuls les commandants des

11 unités, qui structurellement appartenaient au

12 3e Corps, étaient présents."

13 Par la suite, je vous ai demandé : "Lorsque vous parlez de

14 commandants d'unités qui faisaient partie structurellement de

15 l'organigramme," est-ce que par là vous entendez les commandants des

16 brigades qui faisaient partie du 3e Corps d'armée ?

17 R. Je ne pense qu'aux commandants des brigades qui faisaient partie du 3e

18 Corps d'armée. Il y a eu des situations où certains commandants de brigades

19 n'étaient pas présents parce que la situation sur le théâtre d'opération

20 était telle, qu'ils n'ont pas pu se rendre à la réunion. Par exemple, ils

21 restaient au sein de leurs unités et ce, sur aval du commandement du corps

22 d'armée. Il est arrivé que tous les commandants de brigades ne soient pas

23 présents.

24 Q. Savez-vous ou vous souvenez-vous de réunions avec le

25 3e Corps d'armée auxquelles aurait assisté Asim Koricic en tant que

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1 commandant de la 7e Brigade de Montagne musulmane, parmi d'autres

2 commandants ?

3 R. Franchement, je ne m'en souviens pas mais je ne sais même pas à quel

4 moment il est devenu commandant de la brigade; cependant, ce que je sais,

5 c'est que le commandant de la 7e Brigade musulmane assistait à ces réunions

6 d'information -- à ces briefings où des missions, des tâches étaient

7 affectées.

8 Q. Qui était le commandant de la 7e Brigade de Montagne musulmane qui

9 était présent à ces réunions avec le 3e Corps d'armée ?

10 R. Je me souviens d'Asim Koricic, je me souviens de Kubura. Après, il y a

11 eu deux autres commandants après eux, je crois que c'était Brsine, le

12 général, et un autre commandant dont le nom ne me revient pas.

13 Q. Je suis un petit peu confondu, Monsieur, et il faudrait que je tire

14 cela au clair. Vous rappelez-vous la période de temps pendant laquelle Asim

15 Koricic a assisté aux réunions avec le 3e Corps d'armée en tant que

16 commandant de la 7e Brigade de Montagne musulmane ?

17 R. Je peux très difficilement vous répondre parce que, par la suite, j'ai

18 continué d'être membre du commandement du 3e Corps d'armée jusqu'à la fin

19 de la guerre. Il y a eu beaucoup de changements au niveau des commandants

20 des brigades. Je n'ai pas particulièrement prêté attention à la 7e Brigade.

21 Beaucoup d'autres brigades ont connu des relèves ou des changements au

22 commandement. Comment puis-je vous parler précisément d'Asim Koricic

23 puisque par la suite, après avoir été commandant de la brigade, je suis

24 resté jusqu'à la fin de l'année 1996, membre du commandement du 3e Corps

25 d'armée.

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1 Q. Je vais vous poser la question suivante et si vous ne vous souvenez

2 pas, cette réponse est acceptable. Est-ce que vous vous rappelez à quel

3 moment vous avez vu pour la dernière fois Asim Koricic en 1993 ?

4 R. Non, je ne peux vraiment pas me rappeler cela.

5 Q. Fort bien. Passons à un sujet légèrement différent. En répondant à des

6 questions qui vous ont été posées au sujet des étrangers ou des combattants

7 venus de pays arabes ou du Moyen-Orient, vous avez répondu que vous n'avez

8 jamais rencontré de tels individus au QG de la Défense territoriale de

9 Travnik.

10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant la réponse,

11 je voudrais qu'il y ait correction, ligne 44 -- ou plutôt page 44, ligne 2,

12 le témoin a dit que, par la suite, il a été membre du commandement du 3e

13 Corps jusqu'en 1996. C'est jusqu'en 1993 qu'on lit dans le compte rendu

14 d'audience. Merci.

15 M. MUNDIS : [interprétation] Je remercie mon éminente collègue d'être

16 intervenue.

17 Q. Je reviens à ma question. Monsieur, vous rappelez-vous une

18 réponse que vous avez donnée plus tôt aujourd'hui dans la matinée. Il me

19 semble que c'est page 25, ligne 3, que n'avez jamais vu de combattants

20 armés, arabes ou venus du Moyen-Orient dans votre QG de la Défense

21 territoriale de Travnik ?

22 R. C'est exact. Il n'y a jamais eu de tels individus qui seraient venus là

23 et ils ne sont pas non plus venus armés. Ils ne portaient pas d'uniformes

24 ces individus-là. Ils portaient des vêtements traditionnels. Ils ne sont

25 venus nullement chez moi me voir pour des entretiens quels qu'ils soient.

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1 Ils sont venus ni en uniformes ni en portant des armes.

2 Q. Avec-vous eu un contact quel qu'il soit avec ce genre d'individus à un

3 autre endroit ? Vous avez dit qu'ils ne se sont pas rendus au QG de la

4 Défense territoriale, mais avez-vous eu d'autres rapports ou des contacts

5 avec ces gens-là à un autre endroit où que ce soit ?

6 R. Non. Je n'ai pas eu d'entretiens avec eux. Nous étions de grands

7 adversaires et je ne pouvais avoir aucun contact avec eux, ni aucune

8 réunion ou entretien. Là, je me réfère à l'année 1992.

9 Q. Très bien. C'est bien la période de laquelle je parle. La période où

10 vous avez commandé la TO de Travnik. Monsieur, êtes-vous en train de nous

11 dire que vous n'avez eu aucun contact, à quelque moment que ce soit avec

12 les Moudjahiddines, quels qu'ils soient où que ce soit ?

13 R. Non, je n'en ai pas eus.

14 Q. Cependant, vous saviez que des individus auxquels pourrait s'appliquer

15 le terme "Moudjahiddines étrangers" étaient présents à Travnik, ou dans la

16 municipalité de Travnik, pendant cette période-là ?

17 R. Je ne sais pas. Peut-être que le Tribunal, vous-même, vous vous

18 exprimez ainsi. Vous dites "Moudjahiddines étrangers". Cette idée -- cette

19 notion ne m'est pas connue. Généralement, nous, on utilisait des termes

20 injurieux pour en parler. Mudzoci [phon], mais aussi pour des gens du cru

21 qui portaient la barbe, qui étaient au sein des forces armées musulmanes,

22 on les appelait aussi les

23 Mudzos; c'était un autre terme, une autre appellation. Ce terme que vous

24 utilisez, je ne le connais pas.

25 Q. Très bien. Pour que ce soit tout à fait clair, Monsieur, pouvez-vous

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1 nous préciser ce que vous entendez par le terme "Mudzos" lorsque vous

2 utilisez ce terme-là ?

3 R. Je pense à ces membres des forces armées musulmanes car, généralement,

4 d'après leur apparence, ils portaient une barbe, et cetera, donc on les

5 appelait des Mudzos.

6 Quand j'étais commandant, on ne connaissait pas ce terme,

7 "Moudjahiddines". Cela je ne l'ai appris que plus tard, peut-être en 1993

8 ou 1994.

9 Q. Permettez-moi de vous poser, maintenant, la question suivante. Lorsque

10 vous avez défini ces gens-là, vous avez dit que c'étaient des membres des

11 forces armées musulmanes. Vous avez dit qu'ils laissaient pousser leur

12 barbe, que c'était cela leur apparence. J'aimerais savoir, ces personnes

13 que vous avez qualifiés de Mudzos, est-ce que c'étaient des Bosniens du

14 cru, ou étaient-ce des étrangers, ou les uns comme les autres, ou ni les

15 uns, ni les autres ?

16 R. C'était uniquement des Bosniens.

17 Q. Permettez-moi d'attirer votre attention sur des étrangers, des

18 combattants étrangers. Entre juin et novembre 1992, pendant que vous étiez

19 commandant de la TO de Travnik, est-ce que vous étiez au courant de la

20 présence de ressortissants étrangers qui sont venus combattre et qui

21 étaient présents dans la municipalité de Travnik ?

22 R. Oui, j'étais au courant de cela.

23 Q. Comment avez-vous appris qu'il y avait la présence de ce genre

24 d'individus ?

25 R. C'était l'armée croate. Elle est passée à bord de deux chars en

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1 direction de Jajce, deux chars M-47. C'était cela des combattants

2 étrangers. Il y avait des insignes qui étaient très clairement visibles

3 pour tous ceux qui ont puis suivre leur itinéraire de Gornji Vakuf jusqu'à

4 Jajce. Il y avait là l'insigne de l'armée croate.

5 Q. Très bien. Je vais en venir à la question de l'armée croate plus tard

6 au cours de cette matinée. Je voudrais vous interroger au sujet des

7 ressortissants des pays du Moyen-Orient, d'Afrique, et aussi au sujet des

8 individus venus d'Asie. Est-ce que vous saviez qu'il y avait dans la

9 municipalité de Travnik, ce genre d'individus entre juin et novembre 1992 ?

10 Par là, j'entends les personnes qui étaient des combattants en arme ? Je ne

11 pense pas aux humanitaires, je ne pense pas aux membres du BritBat, ni de

12 la FORPRONU, ni de l'armée croate, ni du HOS, et cetera.

13 R. Pour autant que je le sache, il n'y avait pas ce genre d'individus. Je

14 ne suis pas au courant de la présence de ce genre d'individus.

15 Q. Très bien. En octobre 1992, pendant que vous étiez commandant de la TO

16 de Travnik, saviez-vous qu'il y avait des allégations, des rumeurs, comme

17 quoi le leader des Moudjahiddines arabes en Bosnie avait été capturé par le

18 HVO ?

19 R. Non. C'est la première fois que j'entends cette information, vraiment.

20 Q. Au cours du mois d'octobre 1992, et je suppose que vous me direz

21 qu'aucun journal de Londres ne vous a contacté pour vous poser des

22 questions au sujet de la capture du chef des Moudjahiddines arabes, de sa

23 capture par le HVO ?

24 R. Jamais n'ai-je eu de contacts de ce genre avec quelque journaliste que

25 ce soit à ce sujet-là, avec personne. Jamais n'ai-je eu de contact de ce

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1 genre.

2 Q. Très bien. Je voudrais alors vous interroger au sujet d'Abu Abdel Aziz,

3 l'individu qui porte ce nom. Avez-vous jamais entendu ce nom "Abu Abdel

4 Aziz" ?

5 R. Oui, j'ai entendu ce nom. Je l'ai entendu. J'ai entendu ce nom

6 mentionné.

7 Q. Au mieux de vos souvenirs, à quel moment avez-vous entendu prononcer ce

8 nom pour la première fois ?

9 R. Je ne peux pas vous le dire avec exactitude, mais je crois, je ne sais

10 pas c'était peut-être fin 1993, vraiment je n'avais pas de contact avec ces

11 gens-là. J'ai entendu dire de la part de certains de mes concitoyens qu'il

12 y avait un certain Cheikh Abdel Aziz, mais je n'arrive pas à me rappeler

13 exactement le moment.

14 Q. Vous avez mentionné précédemment un journaliste, Monsieur, un

15 journaliste d'un journal britannique, "The Gardian"; était-ce Ed Vulliamy ?

16 R. Non. Tout d'abord, je n'ai absolument pas mentionné le nom du

17 journaliste, et encore aujourd'hui je ne connais pas son nom. Ce que je

18 sais, c'est qu'il était journaliste du "Guardian". Je sais que je l'ai aidé

19 pour qu'il soit transporté à bord de mon véhicule officiel jusqu'à Split,

20 dans son foyer de journaliste, parce que les Serbes lui avaient pris son

21 véhicule sur le mont Vlasic. Excusez-moi, mais il a rédigé un livre sur

22 l'exode des Bosniens de Bosanska Krajina, et entre autres, il y a mon nom

23 là, et c'est ce que je suis en train de vous dire ici.

24 Q. Je voudrais vous poser des questions au sujet d'un autre journaliste. A

25 un moment quelconque en 1992, vous souvenez-vous d'avoir rencontré ou

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1 d'avoir eu une conversation par téléphone ou d'avoir un contact de quelque

2 nature quoi que ce soit avec l'individu dont le nom est Andrew Hogg du

3 journal londonien, "Sunday Times" ?

4 R. Jamais avec ce journaliste, j'avais n'ai-je eu de conversations avec

5 lui, ni par téléphone. Les deux seuls anglais, qui sont venus dans mon

6 commandant pendant que j'exerçais mes fonctions, c'étaient le commandant

7 des forces de la SFOR et ce journaliste du "Guardian". Ce sont les deux

8 seuls. Je n'ai jamais rencontré cet individu. Je ne l'ai jamais vu, je ne

9 lui ai jamais donné de déclarations.

10 Q. A un moment quelconque entre juin et novembre 1992, vous rappelez-vous

11 un journaliste qui se serait adressé à vous pour vous demander de l'aide

12 pour repérer les endroits où étaient stationnés des étrangers qui étaient

13 des combattants qui étaient des ressortissants étrangers, et qui se

14 trouvaient sur le territoire de la municipalité de Travnik ?

15 R. Non, jamais. Que ce soit à ce moment ou par la suite. Jamais je n'ai eu

16 aucune conversation, et cet homme ou ce genre de journaliste jamais n'a

17 cherché à prendre contact avec moi. Je n'ai eu aucun contact.

18 Q. Avant de passer à un autre sujet, il me reste quelques questions pour

19 en terminer avec ce thème. Vous nous avez dit que vous ne saviez pas qu'il

20 y avait ou s'il y avait des combattants étrangers qui se seraient trouvés

21 dans la municipalité de Travnik entre juin et novembre 1992. Je suppose,

22 Monsieur, que vous n'en n'avez jamais vu.

23 R. C'est exact car j'ai passé très peu de temps à l'extérieur de mon QG.

24 J'ai déjà répondu à une question de la Défense, que je passais 24 heures

25 sur 24 dans mon QG. Il y avait là aussi la cantine ou le restaurant où je

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1 mangeais. Une fois par mois, je me rendais auprès de ma famille qui se

2 trouvait à 300 mètres de distance de mon état-major. Je n'ai absolument pas

3 vu ces gens-là.

4 Q. D'après les rapports de vos subordonnés, y compris votre adjoint,

5 chargé de la Sécurité, Esad Sipic, est-ce qu'il y a eu --dans ces rapports,

6 est-ce qu'il y a eu un rapport où on vous aurait parlé de la présence des

7 combattants étrangers dans la municipalité de Travnik entre juin et

8 novembre 1992 ?

9 R. Pour autant que je m'en souvienne, non.

10 Q. Je voudrais vous poser une question différente. Connaissez-vous Jozo

11 Pokrajcic ?

12 R. Non.

13 Q. J'ai probablement mal prononcé le nom. Le nom de famille est P-o-k-r-a-

14 j-c-i-c et son prénom est Jozo ?

15 R. Non. Je ne le connais absolument pas.

16 Q. Connaissez-vous quelqu'un qui aurait été commandant du HVO de Travnik

17 en 1992, 1993, et qui aurait eu un nom semblable ?

18 R. Non. Avec ce nom-là ou un nom de ce genre, non. Ce nom-là ou un nom

19 comparable, non. Je n'en connais pas.

20 Q. Passons à un sujet que vous avez mentionné, il n'y a que quelques

21 instants, à savoir, l'armée croate. Que pouvez-vous nous dire au sujet de

22 la présence de l'armée croate, comme vous l'avez appelée, pendant les

23 années 1992 et 1993 en Bosnie centrale ?

24 R. Pour autant que je l'ai su, moi, en tant que commandant du QG de la

25 Défense territoriale - parce qu'après, j'avais mon siège à Zenica quand

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1 j'étais commandant de la brigade - mais, pendant cette période-là, ce que

2 je sais très bien, c'est qu'au début, les défenseurs croates -- ou plutôt

3 les combattants ou les soldats d'appartenance croate portaient des insignes

4 "HV". L'exemple que je viens de citer correspond à cela. Deux chars M47

5 sont passés et ces chars arboraient les insignes de l'armée croate. Ils

6 sont partis vers Jajce, en passant par le territoire de la municipalité de

7 Travnik. Ils n'étaient pas à bord des chars, ils sont passés à pied. Je ne

8 sais pas à qui appartenait le HOS, à qui étaient ces unités-là, mais il y

9 avait aussi la présence du HOS dans cette région.

10 Q. Monsieur, savez-vous si la HV, à savoir, l'armée de la République de

11 Croatie, fournissait des effectifs au HVO ?

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, objection. La

13 question précédente, ainsi que les questions qui sont en train d'être

14 posées, n'ont rien à voir avec l'interrogatoire principal; de là, mon

15 objection. Ceci n'a non plus rien à voir avec les chefs d'accusation, et je

16 ne vois pas pourquoi on continuerait à poser ce genre de questions.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, voulez-vous répondre à cette

18 objection fondée sur le fait que l'interrogatoire principal n'a pas porté

19 sur l'armée croate et le HV ? Deuxièmement, la question de la présence de

20 l'armée croate n'est pas dans l'acte d'accusation. La Défense vous demande

21 pourquoi vous poser ces questions, et quel est le lien avec le témoin.

22 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, vous vous rappellerez -

23 - en fait, il vaudrait mieux que je poursuive en l'absence du témoin, s'il

24 vous plaît, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : On va encore perdre quelques minutes.

Page 10835

1 [Le témoin se retire]

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

3 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Chambre de

4 première instance sait certainement qu'en réponse à une question posée sur

5 la présence de combattants étrangers, ce témoin a répondu en disant qu'il

6 savait qu'il y avait combattants étrangers, et qu'ils venaient de Croatie.

7 L'Accusation aimerait élaborer sur ce sujet avec ce témoin. Le témoin a

8 précédemment fourni une déclaration au bureau du Procureur dans le cas

9 d'une affaire différente et d'une enquête différente. Dans sa déclaration,

10 il fourni un certain nombre d'éléments concernant la présence de forces

11 ainsi que de matériel militaire venant de la République de Croatie et qui

12 se trouve sur le territoire au moment qui nous concerne, qui porte sur la

13 période de l'acte d'accusation, et ce, pendant le conflit entre les Croates

14 de Bosnie et les forces musulmanes de Bosnie et l'ABiH.

15 De plus, Monsieur le Président, la Chambre de première instance sait

16 certainement que le Procureur, tout au long de la défense de sa thèse,

17 s'est toujours opposé à la position de la Défense par rapport aux éléments

18 contextuels fournis par la Défense. La Chambre de première instance a

19 clairement établi que la Défense est tout à fait autorisée à fournir des

20 éléments contextuels portant sur la situation politique, militaire et

21 historique dans laquelle ces crimes, ou ces crimes présumés sont cités dans

22 l'acte d'accusation.

23 L'Accusation, avec tout le respect que nous devons aux Juges de la Chambre,

24 ne pense pas que cette approche contextuelle au sens large s'applique dans

25 ce cas. Nous avons entièrement respecté la décision de la Chambre à cet

Page 10836

1 égard. Néanmoins, il nous semble, si nous parlons d'un contexte au sens

2 large dans lequel les crimes semblent avoir été commis, que nous pourrions

3 inclure, pour que ceci soit tout à fait exhaustif, tout élément de preuve

4 portant sur la République de Croatie qui aurait pu être impliquée, même de

5 façon limitée dans ce conflit. C'est notre position que de dire, lorsque

6 des témoins comme ceux-ci sont cités à la barre, nous estimons que les

7 témoins à ces événements, et plus particulièrement la présence de ces

8 forces, du matériel militaire ou des effectifs de la République de Croatie,

9 que nous devrions être autorisés à poser des questions là-dessus devant la

10 Chambre de première instance. Encore une fois, Messieurs les Juges, il

11 s'agit d'une compréhension au sens large du terme contextuel et des crimes

12 présumés qui sont cités dans l'acte d'accusation.

13 Ceci n'a pas été l'attitude que nous avons adoptée à l'origine.

14 Néanmoins, étant donné la décision prise par la Chambre de première

15 instance, pendant la première phase des présentations des moyens à charge

16 et étant donné que ce témoin semble avoir une certaine connaissance des

17 événements, nous proposons, avec tout le respect que nous devons à cette

18 Chambre de première instance, de pouvoir présenter ces arguments-là. Cela

19 ne sera pas très long. Nous aimerions être autorisés à pouvoir le faire de

20 façon à ce que, Messieurs et Madame les Juges, vous ayez une image plus

21 complète des éléments contextuels dans lequel ces crimes présumés ont été

22 commis.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Je vais redonner la parole à la Défense, mais

24 je vais résumer deux pages de transcript. L'Accusation nous dit que, sur

25 une question, c'est le témoin lui-même qui a dit qu'il y avait des

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1 étrangers, il a dit, oui, il y avait l'armée croate. C'est le témoin qui a

2 mentionné l'armée croate. Il a décrit deux chars avec les insignes de

3 l'armée croate.

4 A partir de là, l'Accusation nous dit qu'elle est en possession d'une

5 déclaration écrite du témoin, que la Chambre n'a pas, mais que certainement

6 la Défense doit avoir, puisque c'est une déclaration écrite dans une autre

7 affaire, mais qui a dû être communiquée à la Défense, où ce dit témoin

8 serait à même d'apporter des informations sur l'armée croate et sur la

9 présence de l'armée croate sur le territoire de la République de la Bosnie-

10 Herzégovine pendant la période 1992-1993, période qui est dans l'acte

11 d'accusation. L'Accusation argumente sa position à l'effet même que c'est

12 la Défense qui, elle-même, avait voulu introduire, au cours des débats, la

13 notion de contexte politique, militaire, géographique, et autre. Qu'à

14 l'origine, l'Accusation s'était opposée à cette démarche, mais que la

15 Chambre avait donné son autorisation. Dans la mesure où la Chambre a bien

16 voulu qu'on aborde la question de contexte, l'Accusation ne voit pas

17 pourquoi on l'empêcherait d'aborder la question de contexte.

18 Voilà, j'ai résumé rapidement deux pages de transcript. La Défense

19 ayant entendu ce résumé, que peut-elle nous dire ?

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense pense

21 qu'il ne s'agit pas là d'une façon appropriée pour démontrer les droits et

22 les obligations des parties dans cette affaire, comme cela est indiqué dans

23 le Règlement de procédure et de preuve.

24 Dans l'acte d'accusation, le Procureur a adopté une certaine approche eu

25 égard au conflit armé. Dans l'acte d'accusation d'origine, c'était

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1 différent, cet acte d'accusation a été modifié. Le bureau du Procureur

2 adopte une vue très étroite des événements qui s'oppose diamétralement à la

3 position de la Défense. Par conséquent, les questions qui sont posées par

4 le Procureur n'ont pas de lien direct avec leur propre thèse, elles ne

5 peuvent pas être avancées en vertu de l'application de l'Article 90(H)(ii),

6 car on peut se reposer sur le contre-interrogatoire, ou sur

7 l'interrogatoire principal ou, subsidiairement, on peut se reposer sur les

8 faits qui peuvent être pertinents à l'une des deux parties menant

9 l'interrogatoire. Mais ces deux cas ne se posent pas dans ce cas-ci, car

10 ces questions ne reposent aucunement sur les arguments présentés jusqu'à

11 présent par le bureau du Procureur, ou par le Procureur et les faits

12 présentés par l'Accusation dans la présentation de ses moyens.

13 Etant donné que la Défense travaille à partir de l'acte d'accusation, dans

14 le contexte que vient de décrire le Procureur, on parle des forces armées

15 qui auraient mené une attaque frontale contre les villages croates, la

16 Défense a, par conséquent, exercé ses droits conformément à l'Article

17 92(H)(i), et conformément à ce contexte, en vertu de ce contexte, on

18 applique la position ici de la Défense qui est diamétralement opposée à la

19 position de l'Accusation. L'Accusation, en proposant de tels arguments, se

20 met à la place de la Défense. Nous avons ici un déplacement de la situation

21 au plan juridique.

22 Par conséquent, la question du contexte qui vient d'être soulevée par

23 l'Accusation est quelque chose qui serait plutôt conforme à la thèse de la

24 Défense, et non pas de l'Accusation. Je pense, par conséquent, qu'il n'y a

25 pas de fondement juridique pour poursuivre ces arguments. Si on pose

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1 d'autres questions de ce type au témoin, cela ne peut que discréditer le

2 témoin.

3 Pardonnez-moi. Je crois que ceci n'a pas été interprété de façon correcte.

4 Si le témoin ne dit pas la vérité, alors pour le discréditer ou pour

5 prouver le contraire de ce qu'il dit, l'Accusation pourra, à ce moment-là,

6 lui montrer ses déclarations écrites.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que les autres Défenseurs veulent intervenir

8 dans ce débat ?

9 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons aucun

10 commentaire à faire.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. L'Accusation répondra, mais je

12 ferai un résumé des débats. Nous allons discuter la question. Nous allons

13 se retirer pour discuter les issues soulevées. Maintenant, je vous donnerai

14 un résumé.

15 La Défense a constaté que, dans un sens, l'Accusation a pris les

16 arguments de la Défense, à l'égard des issues contextuelles. Le conseil de

17 la Défense soumet que le contexte est une partie de leur stratégie, et non

18 pas une partie de celle de l'Accusation. Vous avez ajouté que ces

19 déclarations pourraient ajouter à mettre en doute là-dedans. C'est cela que

20 vous avez dit.

21 Monsieur Mundis, qu'est-ce que vous diriez ?

22 MR. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, simplement quelques

23 points très brefs, si je puis. Tout d'abord, nous ne nous reposons pas ici

24 sur l'Article 90(H)(ii), comme nous l'avions précisé plus tôt, mais comme

25 Monsieur le Président l'a précisé lorsqu'il a résumé notre position, c'est

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1 le témoin qui, pour la première fois, a évoqué le terme d'armée croate.

2 Notre position est la suivante : si le témoin, en réponse à une question,

3 voire même pendant le contre-interrogatoire, évoque ce sujet, nous devrions

4 être autorisés à explorer plus avant ce sujet, sinon, le contre-

5 interrogatoire pourrait n'avoir aucun sens.

6 Deuxièmement, j'aimerais évoquer la question de la stratégie de

7 l'Accusation par rapport à la stratégie de la Défense. La stratégie de

8 l'Accusation est, tout simplement, d'aider la Chambre de la première

9 instance à trouver la vérité. Etant donné les décisions prises précédemment

10 par la Chambre de première instance, à savoir le contexte est important,

11 nous estimons que ces éléments d'information sont importants pour les Juges

12 de la Chambre. Les arguments, que j'allais présenter au témoin, auraient

13 été terminés, il y a quelques minutes, si j'avais pu poursuivre, Monsieur

14 le Président. Il ne s'agit pas d'une question de stratégie ici. La Chambre

15 de première instance, dans ses décisions précédentes, a précisé que le

16 contexte est un élément important et pourrait être utile. Nous estimons que

17 ces éléments sont utiles et peuvent assister ou être utiles à la Chambre de

18 première instance.

19 Je ne veux pas aborder le troisième point ici. Je n'ai pas beaucoup

20 d'autres questions à poser dans le cadre du contre-interrogatoire, une ou

21 deux sur ce sujet, mais je devrais pouvoir en terminer avec ce témoin assez

22 rapidement.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Bourgon, vous vous levez parce que nous

24 allons nous retirer ou parce que vous voulez rajouter quelque chose.

25 M. BOURGON : J'aimerais ajouter quelque chose, Monsieur le Président. Je

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1 crois qu'il est important d'ajouter quelque chose au dossier avant que la

2 Chambre ne se retire, avec votre permission, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui allez-y.

4 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président.

5 La question dont nous sommes en train de débattre, on a beau parler,

6 on a beau échanger des arguments, le point n'est pas là. Le point, Monsieur

7 le Président, le vrai point, c'est que la Chambre a rendu une décision

8 concernant la certification, et dans la certification, la Chambre a dit :

9 la Chambre ne peut se prononcer sur la nature exacte du conflit, qu'il soit

10 interne ou international. La Chambre a ensuite rajouté, dans l'hypothèse où

11 la Chambre conclurait que le conflit serait de nature interne, la question

12 de compétence posée par la Défense prendrait toute son importance. De là,

13 Monsieur le Président, nous avons l'Accusation qui là, depuis hier, tente

14 de prouver le conflit armé international. Ce que ma collègue vous a dit,

15 Monsieur le Président, c'est que dans l'acte d'accusation initial, il y

16 avait une notion de conflit armé international. Cette notion a été retirée

17 volontairement par l'Accusation. Depuis deux ans, cette question de conflit

18 armé international et interne, par une politique erronée de la part de

19 l'Accusation, nous fait perdre un temps incroyable. Là, on veut revenir en

20 demandant à un témoin qui n'a rien à voir avec cette question de prouver

21 que l'armée croate était sur les lieux. Si l'Accusation veut changer sa

22 thèse une nouvelle fois comme elle l'a fait à plusieurs reprises au cours

23 de ce procès, elle peut toujours le faire lors de ce qu'on appelle

24 "rebuttal". Quand la Défense aura fini sa preuve, si l'Accusation croit

25 qu'il est utile de revenir sur la question et de dire nous voulons

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1 maintenant prouver le conflit armé international, ils pourront le faire, à

2 ce moment-là. Monsieur le Président, il ne faudrait pas se laisser leurrer

3 en disant, tout ce que nous voulons c'est aider la Chambre à trouver la

4 vérité. Monsieur le Président, nous vous demandons, afin de préserver les

5 droits de l'Accusé, afin de préserver l'intégrité du procès, afin de

6 préserver la crédibilité de ce Tribunal, de ne pas laisser l'Accusation

7 s'embarquer dans une nouvelle ligne de questions, dans un nouveau sujet qui

8 va nous faire, encore une fois, perdre beaucoup de temps, tout cela

9 contraire aux droits de l'Accusé et au préjudice de l'Accusé.

10 Monsieur le Président, nous vous demandons d'accepter notre objection de ne

11 pas permettre cette ligne de question. Merci, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : On a déjà perdu 15 minutes puisque, depuis midi, on

13 est en train de parler de ce problème.

14 Maître Bourgon, vous avez mis l'accent sur la question de droit

15 fondamental, que les questions tentent à établir : conflit international ou

16 conflit interne. Vous l'avez dit, dans la décision qui a été rendue,

17 certifiant votre appel, c'est la Chambre d'appel qui aura à statuer sur

18 quelques points visant l'acte d'Accusation des infractions par rapport à

19 cette notion de conflit international ou interne. Vous venez de nous dire

20 que l'Accusation pourra toujours, au moment venu, après les moyens de

21 preuves présentées par la Défense, lorsque sa phase reviendra, reposer ce

22 problème.

23 Monsieur Mundis, comme on aborde un problème de droit qui n'apparaissait

24 pas pour les non-initiés, pouvez-vous nous dire, en quelques minutes, parce

25 qu'après, nous allons nous retirer. Nous reviendrons après la pause pour

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1 vous dire si nous ne vous autorisons pas à poser les questions. Alors,

2 répondez, puisque là, c'est un point de droit important qui a été soulevé

3 par Me Bourgon. Quelle est votre position et nous allons nous retirer

4 après.

5 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Comme la Chambre

6 de première instance le sait certainement, ce point a été soulevé à

7 plusieurs reprises déjà, en général, sous la forme d'écriture, par le

8 passé. Notre position était claire. Le bureau du Procureur ne définit pas

9 le conflit armé. Nous ne prenons pas de position là-dessus, à savoir si

10 c'est un conflit international ou interne avant la fin du procès. Ce n'est

11 qu'à ce moment-là que -- et fondé sur la loi, nous ne prenons pas position

12 sur un point de droit comme cela, sur la base des éléments présentés et que

13 la Chambre de première instance a entendus.

14 C'est notre position de dire que nous ne caractérisons jamais la

15 situation de la sorte et c'est sur la base des écritures qui ont été

16 déposées que cette affaire a commencé. L'Accusation pense, par conséquent,

17 que le moment est approprié pour pouvoir rendre une décision, ce sera, à la

18 fin du procès, sur la base des éléments qui auront été entendus.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est midi 15. Nous allons faire la pause qui

20 devait intervenir dans les minutes qui suivent. Nous reprendrons aux

21 environs d'une heure moins quart et nous irons jusqu'à 14 heures, comme il

22 avait été prévu. Nous vous dirons ce que nous avons décidé.

23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.

24 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre va rendre sa décision orale sur la

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1 question de savoir si l'Accusation peut continuer à poser des questions sur

2 la présence de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine.

3 La Chambre constate que le témoin a spontanément, à la page 17, ligne 12,

4 indiqué la présence de l'armée croate. Ainsi, la Chambre, sans préjudice

5 pour les parties sur la question de la nature du conflit, permet à

6 l'Accusation de poser des questions sur la présence de l'armée croate en

7 Bosnie centrale.

8 La Chambre, à ce stade, n'a pas l'intention de se prononcer à l'improviste

9 par une décision orale sur le point de savoir si l'Accusation a le droit de

10 poser une question qui touche à la nature du conflit pendant la phase de la

11 présentation des moyens de preuve par la Défense. Si la Défense est d'avis

12 que ce type de questions est exclu dans la phase de la présentation de ses

13 moyens de preuve, elle pourra soumettre à la Chambre une requête écrite à

14 laquelle l'Accusation pourra répondre par écrit afin qu'une décision écrite

15 soit prise.

16 Dans ces conditions, Monsieur Mundis, je vous redonne la parole pour que

17 vous puissiez, si vous le souhaitez, poser les questions audit témoin.

18 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Q. Avant la pause, je vous ai posé des questions sur le HV, autrement dit,

20 l'armée de la République croate. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît -

21 - en vous fondant sur votre expérience en Bosnie centrale en 1992 et 1993,

22 pourriez-vous nous dire quelle était l'ampleur des activités du HVO dans

23 cette région à ce moment-là, s'il vous plaît ?

24 R. Tout ce que je puis dire, c'est répéter ce que j'ai déjà dit au début

25 de ma déposition. Au début, nous avons remarqué la présence des Unités

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1 croates, et on pouvait lire l'insigne du "HV" sur un certain nombre de

2 véhicules et de chars. Certains chars se dirigeaient vers Jajce. Je peux

3 dire que le 1er Bataillon de Krajina, lorsque nous l'avons abordé, lorsque

4 ce bataillon est arrivé à Travnik, M. Filip Filipovic a immédiatement

5 demandé à ce que soit abordée la question de ce commandement. On dit qu'il

6 a été envoyé depuis la Croatie, et qu'il s'agissait de soldats croates qui

7 avaient été envoyés en renfort au HVO. Après avoir dit cela, cette même

8 unité a été mise en rangs devant la caserne de Travnik. J'ai dit au colonel

9 Filip Filipovic qu'il avait tort; que le rôle du HVO était tout à fait

10 différent de ce qui avait été dit précédemment. J'ai dit que la Défense

11 territoriale souhaitait libérer le territoire occupé par l'armée serbo-

12 monténégrine. Ensuite, ils ont accepté de ne pas être rattachés au HVO; ils

13 ont accepté d'être rattachés à la Défense territoriale. Ceci s'appliquait à

14 quelque 520 hommes du bataillon.

15 Un autre exemple, ce sont les Unités du HMP, les unités musulmanes et

16 croates qui étaient envoyées de Croatie et qui se dirigeaient vers Travnik.

17 Cette unité-là était également équipée et armée par la Croatie. C'est de là

18 que provenaient les armes. Ces armes ont été emmenées à Travnik. Ces armes

19 ont été distribuées. La moitié a été distribuée à la Défense territoriale,

20 et l'autre moitié, à l'unité musulmane croate, ce qui est démontré

21 clairement que ces unités venaient de Croatie.

22 Pour autant que je sache, étant donné que je me suis entretenu avec

23 la femme de mon frère qui est mort à Ahmici, j'ai également découvert, de

24 cette manière, qu'il ne s'agissait pas de gens de la région, mais des gens

25 qui étaient venus de l'extérieur.

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1 Q. Savez-vous si, oui ou non, la République de Croatie a fourni un appui

2 logistique à ces unités en Bosnie centrale ? Si oui, pourriez-vous nous

3 dire de quel appui logistique il s'agissait ?

4 R. Avec certitude, ce que je sais, c'est qu'il y a eu de l'aide de la part

5 de la Croatie pour ce qui est de l'armement car, si nous, au sein de la

6 Défense territoriale, on n'avait pas d'armement, on n'avait pas de sources

7 de ravitaillement, toutes ces armes étant détruites à Slimena. Eux, ils

8 étaient bien armés, et comment; pour ce qui est de l'armement de

9 l'infanterie, c'est de là qu'ils ont reçu cet armement. Un autre point :

10 pour ce qui est du reste de l'équipement et du matériel, sans aucun

11 problème, ce matériel arrivait depuis la Croatie, ce qui n'était pas le cas

12 pour nous. C'était encore moins le cas quand on a bloqué les routes, coupé

13 les routes, et quand on a pris du matériel ou confisqué.

14 Pour ce qui est de moi, j'envoyais de la nourriture, des vivres, des

15 camions qui passaient par la Croatie à Zagreb pour que, sur le plan

16 humanitaire, je puisse approvisionner mes troupes. Mais ce que je sais,

17 c'est qu'ils étaient bien armés, et comment. Chacun de leur soldat avait

18 les meilleures armes qu'on pouvait avoir, à ce moment-là, donc les

19 combattants croates.

20 Q. Cet armement qui était techniquement le plus avancé arrivait de

21 Croatie ?

22 R. Oui, certainement.

23 Q. Qu'en est-il du soutien pour ce qui est des hélicoptères ou des

24 transports par voie aérienne ?

25 R. Oui, exactement. Il y avait cet appui, en particulier dans le secteur

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1 de Vitez -- ou plutôt dans le secteur de Mosunj ou, comme on appelait cela,

2 Pejcara [phon]. Il y avait sans cesse des hélicoptères qui atterrissaient

3 avec l'aide et en Bosnie centrale, il y avait aussi des activités de combat

4 de la part des hélicoptères. Je l'ai personnellement.

5 Nous avons reçu la tâche de la part du commandement du corps d'armée

6 d'engager toutes nos armes pour abattre ces hélicoptères qui arrivaient en

7 Bosnie centrale avec le ravitaillement. Mais en dépit de notre action à

8 l'encontre de ces hélicoptères, on n'a pas réussi à en abattre.

9 Personnellement, j'étais là dans le secteur lorsque ces hélicoptères

10 arrivaient, qui apportaient l'aide au HVO. Je peux vous montrer la

11 localité, l'endroit où cela s'est passé.

12 Q. Quelques questions de renseignements, s'il vous plaît. Ces

13 hélicoptères, ils appartenaient à l'armée croate ou à l'armée de l'air

14 croate ?

15 R. A l'armée de l'air croate.

16 Q. L'on parle des années 1992 et 1993 ?

17 R. Oui.

18 Q. En 1992 et 1993, est-ce qu'il y avait, pour autant que vous le sachiez,

19 des commandants croates de l'armée croates, des officiers supérieurs de

20 l'armée croate sur place ?

21 R. En 1992, j'ai eu un entretien avec le général Tole,

22 T-o-l-e. Il s'appelait Tole -- c'est comme cela qu'on l'appelait -- et avec

23 le général Praljak également. J'ai eu un entretien avec eux,

24 personnellement, au QG de Travnik. Le général Tole est venu me convaincre

25 et le commandant de Novi Travnik, M. Lendo, pour qu'on se rallie à un

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1 nouvel organigramme, une nouvelle structure d'organisation, donc soi-disant

2 commandement de Bosnie centrale. Nous, on n'était pas prêt à faire cela. On

3 avait notre commandement supérieur. Est-ce qu'on allait maintenant choisir

4 au sein de quel commandement on allait rentrer ? Mais j'ai eu cette réunion

5 avec les généraux Tole et Praljak.

6 Q. A l'intention de la Chambre de première instance, pouvez-vous nous

7 préciser quels sont les exercices -- ou quelles sont les fonctions

8 qu'exerçaient, à l'époque, les deux généraux, Praljak et Tole, si vous le

9 savez en 1992 ?

10 R. Je ne sais pas pour Tole, il était général. Il se présentait comme un

11 général. Je ne sais pas quel était son poste. On lui a confié pour mission

12 de créer un commandement pour la Bosnie centrale. Je ne sais pas quelle

13 était sa fonction, à ce moment-là, il ne nous l'a pas explicité, pas plus

14 que le général Praljak. Vraiment, je ne peux pas vous dire. Je ne sais pas

15 quelles étaient leurs fonctions.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui ?

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Nous acceptons sans aucune contestation,

19 bien entendu, la décision que vous avez prise. Mais, compte tenu du fait

20 que ces questions ne concernent pas notre affaire, et qu'elles vont très

21 loin, j'aimerais bien que mon collègue nous précise s'il est en train de

22 mener un interrogatoire qui concerne une autre chose ou si cela concerne

23 notre affaire.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

25 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, les questions se

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1 limitent à la période des années 1992 et 1993. Je pense que le témoin

2 comprend très bien que l'on parle de Bosnie centrale. Je n'ai pas entendu

3 de la bouche du témoin de remarques disant qu'il se trouvait confondu par

4 l'une quelconque des questions. Encore une fois, cela concerne très

5 clairement les questions dont nous avons parlé avant la dernière pause. Je

6 pense que ces questions se conforment à la décision qui vient d'être rendue

7 oralement par la Chambre de première instance, il y a dix ou 12 minutes.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Est-ce que vous avez encore beaucoup de

9 questions sur ce problème ?

10 M. MUNDIS : [interprétation] Il ne me reste qu'une question à poser, bien

11 entendu, sous réserve de la réponse du témoin.

12 Q. Monsieur, vous nous avez dit que vous ne saviez pas quelles étaient les

13 fonctions des généraux Praljak et Tole. Mais, encore une fois, pour que ce

14 soit tout à fait clair, en 1992, lorsque vous les avez rencontrés, quelles

15 sont les forces armées au sein desquelles ils servaient ?

16 R. Cela, non plus, je ne saurais vous répondre à cette question.

17 Q. Permettez-moi de passer à quelques questions qui me restent.

18 Monsieur, prenez la période qui va de juin à novembre 1992, vous étiez

19 commandant de la Défense territoriale de Travnik. Qui était votre chef

20 d'état-major ?

21 R. Pendant cette période-là, c'est Zijad Cabar, qui était mon chef d'état-

22 major.

23 Q. Je vous remercie.

24 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

25 d'autres questions pour ce qui est de l'Accusation.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Défense, compte tenu des questions qui ont

2 été posées sur l'armée croate, veut-elle poser des questions

3 supplémentaires puisque vous avez, bien entendu, le droit de poser des

4 questions.

5 Allez-y.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mon éminent

7 collègue pendant son contre-interrogatoire a mentionné un fait au sujet

8 duquel je souhaite poser une question au témoin.

9 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

10 Q. [interprétation] Monsieur Ribo, à un moment quelconque dans le passé

11 pour les besoins du bureau du Procureur, avez-vous fait une déclaration ?

12 R. Je ne sais pas dans quelle affaire, mais j'ai, effectivement, fait une

13 déclaration.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, tout d'abord, pour

15 le compte rendu d'audience, je tiens à constater que le bureau du Procureur

16 sur demande de la Défense, pendant la pause, nous a remis le texte de la

17 déclaration faite par ce témoin. Comme nous avons pris connaissance de ce

18 texte, je fais observer que, conformément à l'Article 68, le Procureur

19 aurait dû nous communiquer auparavant parce que cela relève de ses

20 obligations. A présent, est-ce que vous me permettrez de vérifier s'il

21 s'agit bien de la déclaration que le témoin a donnée et signée ? Cette

22 déclaration est en langue anglaise. Il porte des signatures. Nous avons

23 également reçu une traduction partielle en B/C/S. Je ne présenterai que le

24 texte de la déclaration pour que le témoin puisse vérifier si c'est bien sa

25 signature qui y figure.

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1 Q. Monsieur Ribo, est-ce bien votre signature ?

2 R. Il me semble que oui.

3 Q. Je vous remercie.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, conformément à

5 l'Article 89(F), compte tenu du fait que le témoin a reconnu sa signature

6 sur la déclaration qu'il a faite, dans l'intérêt de la justice et pour

7 confirmer la crédibilité de ce témoin, je propose le versement au dossier

8 de sa déclaration.

9 Excusez-moi, avant de proposer ce versement, il me restait une question à

10 poser au témoin.

11 Q. Monsieur Ribo, lorsque vous avez fait cette déclaration au Procureur,

12 est-ce qu'à ce moment-là, tout comme aujourd'hui, vous avez dit la vérité

13 au sujet des événements que vous connaissiez ?

14 R. Oui, bien entendu.

15 Q. Je vous remercie.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Suite à cela, conformément à l'Article

17 89(F), je propose le versement au dossier de cette déclaration, en tant que

18 pièce à conviction de la Défense.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'Accusation sur le versement de cette pièce,

20 et à titre personnel, j'indique ceci : on découvre une déclaration

21 concernant un témoin et cette déclaration est utilisée par l'Accusation

22 d'une certaine manière au moment où elle pose des questions. La Défense

23 nous dit que, nous, on n'a pas eu connaissance de cette déclaration.

24 L'Accusation aurait dû nous la communiquer. Là se pose la question

25 fondamentale est de savoir si l'Accusation doit communiquer toutes les

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1 pièces en sa possession, lorsqu'elle a la liste des témoins. En théorie,

2 quand la Défense communique sa liste des témoins, l'Accusation devrait

3 scanner dans ses archives le nom du témoin, voire s'il y a eu des

4 déclarations et, à ce moment-là, il serait peut-être judicieux de

5 communiquer à la Défense, tout ce qui a trait au témoin pour lequel champ

6 elle pourrait utiliser. Mais, apparemment, ce n'est pas comme cela qu'on

7 procède au niveau de l'Accusation.

8 Monsieur Mundis, pouvez-vous nous éclairer un peu sur la question de pièces

9 que vous avez sous le coude, et qui apparaissent comme cela, selon le

10 moment ?

11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le Règlement de

12 procédure et de preuve, pour ce qui est de la disposition relative à la

13 communication, avec tous nos respects, n'exige pas de notre part de

14 communiquer des éléments que nous retrouvons dans nos recherches, et qui

15 concernent les témoins de la Défense, à moins, bien entendu, que ces

16 documents ne relèvent pas de l'Article 68 et, dans ce cas-là, normalement,

17 les recherches électroniques auraient dû nous permettre de les repérer

18 avant le procès.

19 Très franchement, je vois mal comment cette déclaration préalable pourrait

20 relever de l'Article 68, mais laissons cela de côté. Peut-être mes éminents

21 collègues pourraient-ils me référer à quelque chose que contient l'Article

22 68, et qui aurait pu rentrer dans le cadre de nos recherches, compte tenu

23 du fait que nous recherchions des millions de pages, que nous avons en

24 notre possession pour retrouver les éléments qui relèvent du 68 ? Monsieur

25 le Président, comme je vous l'ai déjà dit, comme très souvent ils nous

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1 arrivent de mener ces recherches la veille de la déposition du témoin.

2 Souvent, nous avons des documents qui sont contenus dans un classeur

3 ou dans plusieurs classeurs, et ce que nous faisons, nous faisons une

4 recherche par le nom des témoins, et compte tenu du fait que la liste des

5 témoins nous est fournie par la Défense

6 Très peu avant la présentation des moyens, il ne nous est pas possible de

7 faire de ces recherches, eu égard à tous les témoins. Nous ne les faisons

8 que pour les témoins qui sont censés comparaître la semaine d'après, donc

9 la semaine suivante, et nous avons cela comme priorité dans nos recherches.

10 Mais notre coopération du règlement et de la jurisprudence du

11 Tribunal ne nous permet pas de voir qu'il y ait une obligation pour nous de

12 communiquer les résultats de ces recherches, du tout, à la Défense, à moins

13 que cela ne relève de l'Article 68. Comme je l'ai déjà dit, ce document

14 aurait été repéré, lors de notre recherche.

15 Comme vous le savez, comme la Défense le sait, compte tenu du fait

16 que nous avons recherché dans les affaires Blaskic, Kordic, Furundzija, et

17 cetera, il y a beaucoup d'affaires voisines, il y a une vaste quantité de

18 documents qui concernent le conflit de Bosnie centrale, et nous ne pouvons

19 pas communiquer tout cela dans sa totalité à la Défense.

20 Nos obligations ne relèvent que des dispositions de l'Article 68;

21 bien entendu, si la Défense peut nous préciser quelque chose qui relève de

22 nos obligations, comme visées à l'Article 68, dans ce cas-là, je peux,

23 effectivement, me pencher sur cela et essayer de régler le problème,

24 prendre les mesures qui s'imposent. Mais, généralement, nos recherches ont

25 lieu peu avant l'arrivée des témoins et je ne pense pas qu'on est obligé ou

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1 qu'on doive communiquer cela à la Défense. Si, néanmoins, la Chambre n'est

2 pas de cet avis-là, nous prendrons les mesures nécessaires, mais cela

3 signifie procéder à des recherches dans une montagne d'information avant de

4 communiquer cela à la Défense. Merci.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous donner la parole -- sur le document, y

6 a-t-il des objections au versement de la déclaration écrite ? Que la

7 Défense demande de verser.

8 M. MUNDIS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Non, nous

9 n'avons pas d'objection.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelques secondes, si vous voulez aborder ce

11 problème.

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, tout simplement.

13 Est-ce que je peux poser une question au témoin et, par la suite, je

14 répondrai à mon éminent collègue ?

15 Q. Monsieur Ribo, au sujet de ce que vous avez dit dans votre déposition

16 devant ce Tribunal et au sujet de ce que vous avez dit dans votre

17 déclaration, je vous demande : le HVO, en 1992 et en 1993, avait-il à sa

18 disposition des forces qui étaient largement plus grandes et plus

19 puissantes que les forces de l'ABiH dans leur ensemble ? Je vous en prie.

20 R. Compte tenu de leur matériel, de leur équipement et des moyens qu'ils

21 avaient à leur disposition, ils étaient d'un point de vue technique bien

22 mieux équipés que nous, et ils étaient supérieurs, certainement à l'armée,

23 qui avait vraiment des moyens, une puissance de feu très modeste.

24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

25 et je m'apprête à répondre à mon collègue.

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1 La déclaration que nous souhaitons verser au dossier parle précisément de

2 ce que vient de dire le témoin puisque, pendant tout le temps, la Défense a

3 cherché à préciser quels étaient les rapports de force, et quel a été le

4 contexte en Bosnie centrale. Depuis longtemps, le bureau du Procureur

5 savait qu'il avait en sa possession les déclarations des généraux de

6 l'ABiH, qui allaient dans ce sens-là, donc l'Article 68 ne concerne pas la

7 présentation des moyens de la Défense. C'est une obligation pour le

8 Procureur, pour ce qui est des preuves qu'il a en sa possession et, en

9 particulier, il a des déclarations des officiers de l'ABiH, de les

10 communiquer avant le début du procès pour que la Défense, pendant ses

11 enquêtes, puisse vérifier ces faits, pour qu'elle puisse repérer ces

12 témoins et pour qu'elle puisse les citer à la barre. Heureusement, nous

13 avons pu identifier ce témoin pendant nos propres enquêtes, et il est venu

14 déposer devant la présente Chambre.

15 Par conséquent, nous estimons que l'Article 68 ne peut, en aucun cas, être

16 mis en relation avec la liste de témoins que nous communiquons, mais doit

17 être mis en relation, en fait, et qu'il constitue une obligation pour le

18 Procureur depuis le moment où l'Acte d'accusation est dressé.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On ne va pas rentrer dans un débat juridique

20 sur cette question de l'Article 68, mais, Monsieur Mundis, si, en quelques

21 secondes, vous voulez répliquer, vous le pouvez, mais je regarde avec

22 inquiétude la pendule d'autant que je sais qu'il y a une autre témoin.

23 Oui, Monsieur Mundis, je ne voulais pas vous couper.

24 M. MUNDIS : [interprétation] Je me rends bien compte de l'heure

25 également et je vais faire de mon mieux.

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1 Je voudrais simplement dire une chose par rapport à ce que vient de

2 dire la Défense au sujet de sa position et de l'applicabilité de l'Article

3 68. Avec le respect que je dois à chacun ici, Monsieur le Président,

4 pratiquement tous les membres de l'ABiH diront exactement la même chose que

5 ce que vient de dire ce témoin, au sujet du fait que la HVO disposait

6 d'armements de qualité supérieure et d'une logistique supérieure.

7 La question que la Défense vient de poser au témoin et les

8 informations sous-jacentes dans la déclaration de ce témoin ne sont pas

9 propres à ce témoin, en particulier. Vous trouverez n'importe lequel soldat

10 qui a servi dans les rangs de l'ABiH en Bosnie centrale, et chacun de ces

11 soldats vous dira exactement la même chose, à savoir que le HVO disposait

12 de ressources bien supérieures en terme d'équipement et d'armements. Il n'y

13 a rien dans la déclaration de ce témoin qui soit particulier par rapport à

14 l'application de l'Article 68 dans la présente affaire et, comme la Défense

15 le sait bien, nous procédons à une recherche au titre de l'Article 68 de

16 façon électronique et l'idée qui vient d'être proposée au témoin n'est pas

17 très facile à -- ne donne pas lieu facilement à des recherches

18 électroniques pour déterminer la supériorité d'une armée sur l'autre.

19 Merci, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres Défenseurs, est-ce que vous avez

21 des questions à poser par rapport aux questions supplémentaires du

22 Procureur ? Je vous donne la parole.

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas de question,

24 Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Juges vont vous poser les questions.

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1 Questions de la Cour :

2 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Monsieur le Témoin, j'aimerais

3 vous poser une ou deux questions très simples au sujet d'un document,

4 question qui se rapporte à ce que vous avez dit ce matin au sujet des

5 forces musulmanes présentes à Travnik.

6 Vous nous avez dit que les forces musulmanes ont été créées en août

7 1992 et que vous avez été surpris de l'apprendre et qu'en outre, cette

8 réalité vous a contrarié car cela rendait votre tâche difficile. J'ai un

9 document qui porte sur la création de ces forces à Travnik en août 1992 et

10 j'aimerais vous poser quelques questions à ce sujet.

11 Je demanderais à M. le Greffier de bien vouloir de remettre la pièce

12 de l'Accusation P695 au témoin, la version originale de ce document.

13 J'aimerais que vous examiniez ce document, Monsieur, et vous

14 remarquerez sans doute qu'en première page du document original, on voir la

15 date du 15 septembre 1992 et qu'à la fin du document, on voir la signature

16 d'Emir Redzic, dont vous avez prononcé le nom ce matin.

17 Quant à ce document, il est une liste des soldats, membres des forces

18 musulmanes à Travnik. Je vous demanderais de jeter un coup d'œil à ce

19 document avant de répondre à quelques questions de détails que j'ai à vous

20 poser. Vous avez eu le temps d'examiner ce document.

21 R. Oui.

22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Le Emir Redzic, dont on voit le nom

23 ici, est-il le même que celui dont vous avez parlé un peu plus tôt ce

24 matin ?

25 R. C'est cela, oui.

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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si je lis la première page de ce

2 document, je ne parviens pas très à comprendre qui envoie ce document à

3 qui. Je suppose que c'est M. Ridzic qui envoie la liste des soldats des

4 forces musulmanes de Travnik à l'état-major des forces armées de Travnik,

5 mais, comme je ne parle pas votre langue, j'aimerais vérifier que c'est

6 bien le cas. Est-ce bien l'objet de ce courrier d'envoyer cette liste à

7 l'état-major des forces armées musulmanes de Travnik ?

8 R. Oui.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Très bien, merci. L'état-major des

10 forces armées de Travnik, est-il différent de la Défense territoriale

11 municipale dont vous avez parlé ce matin ou est-ce une organisation

12 différente ? Pourriez-vous nous dire si c'est bien l'organisation que vous

13 dirigiez, dont vous étiez le chef, en 1992 ?

14 R. C'est la même organisation, c'était bien celle dont j'étais le chef.

15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Avec-vous reçu ce document à un moment

16 quelconque ?

17 R. Peut-être que oui, mais je ne sais pas parce qu'il y avait pas mal

18 d'organismes au sein du commandement. Les organes du commandement étaient

19 autonomes, donc, dès lors que la question relevait de la logistique, ils

20 pouvaient de leur propre chef rédiger des ordres, des communiqués

21 d'information, et cetera. Donc l'officier de liaison pouvait, par exemple,

22 rédiger un texte de son propre chef, il pouvait, y compris, l'envoyer avec

23 un sceau et le rédiger après recherche de certaines informations. Il est

24 même possible que je n'aie pas eu ce document sous les yeux.

25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Voici. Si vous relisez la première page

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1 du document original, vous y trouverez quelque chose qui nous surprend un

2 petit peu, compte tenu de ce que vous avez dit ce matin au sujet de la

3 création de cette unité.

4 Si je ne me trompe - mais dites-moi si je me trompe, bien entendu - la

5 personne qui envoie cette lettre ou cette liste à l'état-major des forces

6 armées de Travnik, M. Ridzic, utilise la dénomination l'ABiH.

7 R. Je vais vous dire. Il n'y avait aucun règlement qui régissait la

8 rédaction des entêtes. Le règlement ne prévoyait rien de précis à ce sujet.

9 Il a écrit, ici, "ABiH", alors qu'à l'époque, elle n'existait pas. Enfin,

10 je ne sais pas si elle existait par la loi. Je crois que, légalement, ce

11 qui existait encore, à l'époque, c'était la Défense territoriale. Mais,

12 ici, aucune loi ne régit la rédaction de l'entête. On peut écrire ABiH,

13 force musulmane ou autre chose. Chaque unité décidait elle-même de ce

14 qu'elle utilisait comme entête.

15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais, en utilisant la dénomination

16 ABiH, que l'on voit inscrite en haut à gauche du document, après quoi, en

17 deuxième ligne, on lit : "Etat-major des forces armées" et, ensuite,

18 "Demandes de Travnik." Il donne impression -- il permet de penser qu'il

19 appartient à l'ABiH, ou est-ce que je me trompe ?

20 R. Mais je vais vous dire. Il ne dépendait pas de moi. Je n'ai pas donné

21 l'ordre de créer cette structure. Le commandement sous mes ordres n'a pas

22 donné l'ordre de créer cette structure, donc ils pouvaient écrire ce qu'ils

23 voulaient. C'est pourquoi vous verrez le sceau, que l'on voit au bas de ce

24 document, et figurait aussi sur leurs uniformes. Ils pouvaient, par

25 conséquent, faire ce qu'ils voulaient. C'était leur problème. Mais aucun

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1 acte de ma part, aucun acte de la part du commandement qui était sous mes

2 ordres n'a créé l'armée ou un quelconque état-major autre que celui de la

3 Défense territoriale.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] D'après vous, ce n'est pas un moyen

5 justifié de rédiger une lettre. Ils n'avaient aucun droit d'utiliser la

6 dénomination ABiH.

7 R. Oui, c'est exact. C'est tout à fait cela. Je confirme ce que vous venez

8 de dire.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai juste une dernière question à vous poser. Vous

11 avez évoqué ce matin les premiers conflits qui ont débuté à Turbe. Vous

12 avez dit quelles étaient les forces qui ont été sur les lieux, je vous

13 cite, vous avez dit qu'il y avait le MUP, les Bérets verts, la Ligue

14 patriotique et des volontaires de villages. Pouvez-vous m'éclairer sur les

15 Bérets verts ? C'est qui les Bérets verts ?

16 R. Tout simplement, je ne saurais, non plus, vous expliquer de quoi il

17 s'agit. C'étaient des hommes qui portaient des couvre-chefs de couleur

18 verte, et qui étaient plutôt des volontaires. Je ne sais rien d'autre à

19 leur sujet, très franchement. La ligne de défense a été attaquée par

20 l'agresseur serbo-monténégrin, et ils se sont joints à ceux qui la

21 défendaient. Il y avait des ressortissants du peuple croate qui la

22 défendaient aux côtés de ces hommes. Je ne sais vraiment pas. Je ne me

23 trouvais pas en Bosnie au moment où les forces patriotiques -- ou plutôt la

24 Ligue patriotique a été créée, ni au moment où les Bérets verts ont été

25 créés. Moi-même et les membres de l'état-major, nous n'étions pas toujours

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1 sur la même longueur d'ondes de ce que faisait la Ligue patriotique et les

2 Bérets verts. Ils nous affirmaient qu'ils organisaient la résistance, mais

3 je ne saurais vous dire exactement qui ils étaient.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Suite aux deux questions posées par les Juges, est-

5 ce qu'il y a une question aux fins de clarification ?

6 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur Ribo, puisque M. le Juge Swart vous a soumis ce document, et

9 vous avez dit que le signataire de ce document était bien Emir Redzic, pour

10 lequel vous aviez entendu dire qu'il était leur commandant, je vous demande

11 si vous savez qui sont les hommes dont les noms figurent sur cette liste,

12 et si l'état-major municipal aura, à quelque moment quoi que ce soit, donné

13 des ordres.

14 R. Je ne sais absolument pas qui sont les hommes dont les noms figurent

15 sur cette liste. Je n'ai jamais émis quelque ordre que ce soit à

16 l'intention de ces hommes.

17 Q. Merci beaucoup.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres défenseurs ?

19 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas de questions, Monsieur

20 le Président.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation ?

22 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'autres questions, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, votre audition vient de se terminer. Nous

24 vous remercions d'être venu témoigner et d'avoir répondu à l'ensemble des

25 questions qui vous ont été posées par les parties et les Juges. Nous vous

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1 souhaitons un bon voyage de retour, et une bonne continuation dans les

2 activités que vous exercez actuellement.

3 Je vais demander à M. l'Huissier de vous raccompagner.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

5 [Le témoin se retire]

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Pendant que l'Huissier vous raccompagne, je vais

7 donner la parole à la Défense pour qu'elle nous demande le versement des

8 documents, des huit documents.

9 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous

10 proposons le versement en tant que pièces de la Défense de tous les

11 documents, à savoir, les numéros 0410, 0440, 0446, 0457, 0486, 0487, 0489,

12 et 0490.

13 Nous soulignons que le document numéro 0440, qui figure sur la ligne 2,

14 correspond à la pièce de l'Accusation P120. Cette pièce de l'Accusation

15 reprend l'intégralité du journal officiel, mais il n'a pas été traduit, et

16 c'est la raison pour laquelle la Défense estime qu'il importe également de

17 verser ce document en tant que pièce de la Défense sous le numéro 0440.

18 Merci.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

20 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'objection.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, vous allez me donner les huit

22 numéros plus le document.

23 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président.

24 Le premier document est versé au dossier sous la référence DH410, la

25 version anglaise étant le DH410/E; deuxième document, DH440, référence

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1 anglaise, DH440/E; le troisième document, le DH446, dont la référence

2 anglaise sera le DH446/E; le DH457, versé sous la référence anglaise

3 DH457/E; le DH486, dont la version anglaise est le DH486/E; DH487,

4 référence anglaise DH487/E; septième document est le DH489, dont la

5 référence anglaise sera le DH489/E; enfin, le DH490, dont la référence

6 anglaise est le DH489/E. Enfin, la déclaration du témoin est versée au

7 dossier sous la référence DH343, référence unique. Merci.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Est-ce que vous m'entendez dans

11 votre langue qui est traduite ? Si c'est le --

12 M. DIXON : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre. Je n'avais pas

13 réalisé que le témoin allait entrer aussi rapidement. Je sais que nous

14 n'avons pas tellement de temps, mais je me demande si l'on pouvait avoir

15 cinq minutes de pause avant le début de la déposition de ce témoin, car

16 nous devons consulter brièvement nos collègues de la Défense, et les

17 collègues de l'Accusation.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voulez une pause de cinq minutes ?

19 M. DIXON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est ce que je

20 souhaite vous demander.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant la déposition du témoin, nous sortons pendant

22 cinq minutes et on revient tout de suite. C'est que vous voulez, Maître

23 Dixon.

24 M. DIXON : [interprétation] Oui, je vous serais reconnaissant.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, nous revenons dans quelques minutes.

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1 --- La pause est prise à 13 heures 41.

2 --- La pause est terminée à 13 heures 46.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, est-ce que vous m'entendez. Si

4 c'est le cas, dites : "Je vous entends et je vous comprends."

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends et je vous comprends.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité comme témoin de la Défense. Avant

7 de vous faire prêter serment, je me dois de vous identifier. C'est la

8 raison pour laquelle, je vais vous demander de me donner votre nom, prénom,

9 date de naissance et lieu de naissance ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Halim Husic, né le 25 septembre 1958,

11 à Dubok, près de Travnik.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre qualité ou fonction actuelle ? Que

13 faites-vous actuellement ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Actuellement, je suis professeur d'histoire

15 dans une école religieuse de Sarajevo.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992 et 1993, aviez-vous une activité, et si

17 c'était une activité militaire, indiquez-moi l'unité à laquelle vous

18 apparteniez et le grade que vous aviez ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992 et 1993, j'ai rejoint les rangs de

20 l'ABiH, en tant que soldat, et, par la suite, j'ai été nommé au poste de

21 l'adjoint du commandant, chargé du Moral et des Activités d'information et

22 de Propagande, de même que des questions religieuses au sein de la 306e

23 Brigade.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal

25 international ou un tribunal national, sur les faits qui se sont déroulés

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1 en 1992, 1993, en Bosnie centrale ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, jamais.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Enfin, c'est une question nouvelle que je pose au

4 témoin, maintenant. Avez-vous été entendu par des enquêteurs du bureau du

5 Procureur ? Avez-vous signé une déclaration écrite ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas fait de déclarations écrites,

7 mais, il y a environ un an, approximativement, je ne me souviens pas de la

8 date exacte, un monsieur, dont je ne me souviens pas du nom non plus, il a

9 voulu me parler et nous avons eu cet entretien à Sarajevo et cela s'est

10 terminé là.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était un monsieur qui appartenait au service

12 d'enquêteurs du Procureur ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens de son nom maintenant. Il

14 s'appelait Michael Koehler. Je pense qu'effectivement, il l'était, mais je

15 ne connais pas exactement ses fonctions.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

19 LE TÉMOIN: HALIM HUSIC [Assermenté]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir. Il nous reste dix

22 minutes avant la pause que nous allons être obligés de faire, afin que le

23 personnel puisse se reposer parce que nous siégeons depuis 9 heures du

24 matin, et nous reprendrons à 15 heures. Je vais utiliser ces dix minutes

25 d'abord pour vous fournir quelques éléments d'information sur la façon dont

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1 va se dérouler l'audience.

2 Vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être posées

3 par les avocats de la Défense. Les avocats de la Défense sont à votre

4 gauche. A la suite de cette phase, vous répondrez aux questions qui vont

5 être posées par le Procureur qui est à votre droite. Une fois que le

6 Procureur vous aura posé des questions, la Défense pourra reprendre la

7 parole pour poser ce qu'on appelle les questions supplémentaires. Le cas

8 échéant, le Procureur pourra vous repiquer.

9 Les trois Juges, qui sont devant vous, peuvent vous poser des

10 questions à tout moment. En règle générale, ils préfèrent attendre que les

11 parties aient posé leurs questions avant qu'eux-mêmes posent une question.

12 Mais il se peut que, dans le courant d'une question, s'il apparaît qu'il

13 faut une clarification immédiate ou combler une lacune, à ce moment-là, les

14 Juges puissent intervenir pour vous demander de répondre à une question des

15 Juges.

16 Par ailleurs, les questions peuvent être compliquées. Elles peuvent faire

17 appel à votre souvenir, car les faits remontent à plus de dix années. Si

18 vous ne comprenez pas la question ou si vous ne vous en rappelez pas, à ce

19 moment-là, vous l'indiquez, et vous demandez à celui qui vous pose la

20 question, de reformuler la question.

21 S'il y a une difficulté quelconque, à ce moment-là, vous nous en

22 faites part, et nous tâcherons de la régler.

23 Je voudrais également vous indiquer deux autres éléments qui sont

24 importants lors du témoignage qui est effectué devant ce Tribunal. Vous

25 avez prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, ce qui

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1 exclut tout faux témoignage. Car s'il apparaissait que vous avez menti sur

2 tel ou tel point, à ce moment-là, il pourrait vous être reproché

3 l'infraction de faux témoignage. Ce Tribunal est habilité à prononcer des

4 sanctions en cas de faux témoignage, et les peines prévues peuvent aller

5 jusqu'à sept ans d'emprisonnement.

6 Le deuxième élément, qui est important et qui concerne un ancien

7 militaire qui était en activité en 1992, 1993, vous allez devoir répondre à

8 des questions. Il se peut que dans la réponse, il puisse y avoir, le cas

9 échéant, des éléments à charge susceptibles de caractériser une infraction.

10 Sachez, à ce moment-là, que vos propos ne pourront pas être utilisés contre

11 vous, car vous bénéficiez, de par le règlement, d'une forme d'immunité.

12 Ceci, évidemment, afin de vous encourager à dire la vérité.

13 Voilà, de manière très générale, l'architecture générale de l'audition qui

14 va intervenir, mais il vaut mieux qu'elle commence après la pause afin

15 qu'on ne coupe pas le rythme.

16 Comme je l'ai indiqué, il est quasiment 2 heures de l'après-midi. Nous

17 allons faire une pause d'une heure pour des raisons techniques, et afin que

18 les uns et les autres puissent reprendre des forces pour l'après-midi qui

19 s'annonce, nous nous retrouverons exactement à 3 heures.

20 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 13 heures 55.

21 --- L'audience est reprise à 15 heures 03.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole à la Défense, je voudrais

23 indiquer aux parties que les interprètes m'ont fait savoir qu'elles ne

24 peuvent rester qu'au plus tard, jusqu'à 18 heures. On a, en théorie, trois

25 heures utiles. Il y aura une petite pause de 20 minutes. Je demande aux uns

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1 et aux autres de faire en sorte, d'aller à l'essentiel afin de permettre à

2 l'intéressé de ne pas rester demain ou tout le weekend, compte tenu de son

3 statut de religieux. Voilà, je compte sur la compréhension des uns et des

4 autres pour que les questions portent sur l'essentiel.

5 Je vous donne la parole.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. La

7 Défense s'efforcera de respecter pleinement votre proposition.

8 Interrogatoire principal par Mme Residovic :

9 Q. [interprétation] Monsieur Husic, bonjour.

10 R. Bonjour.

11 Q. Je vais vous prier, conformément à la proposition qui vient d'être

12 faite par le président de la Chambre, de répondre le plus brièvement

13 possible à mes questions.

14 S'il y a quelque chose que vous ne comprenez pas, n'hésitez pas à me poser

15 une question à ce sujet. Dites-moi, je vous prie -- à la réponse du

16 président de la Chambre, vous avez dit où vous étiez né et à quelle date,

17 mais dites-moi, je vous prie : quel a été votre cursus scolaire ? Où vous

18 avez acquis votre formation professionnelle, et ce que vous faisiez avant

19 la guerre ?

20 R. Après avoir terminé l'école primaire à Dub, à l'endroit où je suis né,

21 j'ai suivi le lycée de Sarajevo dans une école religieuse islamique.

22 Ensuite, j'ai obtenu un emploi en tant que professeur d'histoire dans une

23 école religieuse, où j'ai continué à travailler jusqu'au début de la guerre

24 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

25 Q. Personne ne m'en voudra de vous poser une question directrice. Vous

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1 êtes, par profession, théologien, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Où vous trouviez-vous au début du mois d'avril 1992 ? Ou plutôt, où

4 habitiez-vous avant la guerre, et où vous trouviez-vous lorsque la guerre a

5 éclaté au début du mois d'avril 1992 ?

6 R. Avant la guerre, j'habitais à Sarajevo et j'y travaillais aussi. Au

7 moment où l'agression sur la Bosnie-Herzégovine a eu lieu, j'étais en

8 voyage d'affaires à Umag dans une petite bourgade de Croatie qui n'est pas

9 très loin de Trieste. J'y ai passé 40 jours, et c'est à ce moment-là que la

10 guerre en Bosnie-Herzégovine a éclaté. D'ailleurs, cela a rendu beaucoup

11 plus difficile mon voyage de retour qui a duré plus d'un mois.

12 Q. Monsieur Husic, dites-moi si, après ces 40 jours, vous êtes revenu à

13 Sarajevo.

14 R. Je n'ai pas pu rentrer à Sarajevo car Sarajevo était totalement

15 encerclé. Je suis arrivé jusqu'à Kiseljak, qui n'est pas loin de Sarajevo,

16 où j'ai passé une dizaine de jours car il était impossible de quitter

17 Kiseljak pour se rendre à Travnik, et encore moins à Sarajevo.

18 Après ces dix jours, je suis parvenu avec l'aide de certaines personnes qui

19 ont trouvé un homme croate qui m'a montré des chemins détournés, qui m'ont

20 permis d'arriver jusqu'à Han Bila, près de Travnik, jusqu'à la maison de

21 mes parents.

22 Q. Monsieur Husic, êtes-vous entré dans les forces armées à un moment

23 déterminé et, si oui, dites dans quelles forces armées vous êtes entré et

24 comment cela s'est passé ?

25 R. A mon retour, c'était le 16 mai 1992, ce jour-là, je suis entré dans

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1 les forces armées. Car, au moment où je suis arrivé dans la maison de mes

2 parents, où vivaient également mes frères et d'autres membres de ma famille

3 que je n'avais pas vu pendant des mois, avant ce moment-là, mon frère était

4 de garde devant une école de Han Bila, et il devait partir pour les lignes

5 de défense face à l'agresseur serbo-monténégrin.

6 J'ai pris parti de ce moment avant son départ pour le saluer. A cette

7 occasion, j'ai rencontré des amis. Après avoir raccompagné mon frère, je

8 suis resté avec mes amis. Nous avons discuté de la situation de Han Bila,

9 et je me suis présenté là où il fallait se présenter pour entrer dans les

10 forces armées musulmane de Bosnie-Herzégovine pour défendre le front.

11 Q. Monsieur Husic, quelles armes aviez-vous et quelles armes avaient les

12 autres membres de la Défense territoriale, et d'où venaient ces armes ?

13 R. Au début, il y avait très peu d'armes. Au début, ces armes étaient

14 acquises par des moyens de contrebande. C'étaient des armes qui venaient de

15 la population serbe qui avaient été armée par la JNA. Les autres armes dans

16 notre secteur ont été acquises dans des entrepôts de la JNA qui avaient été

17 incendiés par la JNA au moment où la JNA a quitté les lieux. Alors que les

18 entrepôts brûlaient encore, des gens sont allés y cherches ces armes.

19 Certaines personnes ont même perdu leurs bras et leurs jambes à cette

20 occasion. Certaines de ces armes ont été prises dans ces entrepôts en feu

21 et, d'ailleurs, des mitrailleuses ont même explosées devant nous parce

22 qu'elles avaient été brûlées trop gravement. Il y avait aussi des armes de

23 fortune. Par exemple, des grenades qui avaient été fabriquées à partir de

24 boîtes de conserves de Coca-Cola ou de bière.

25 Q. Merci, Monsieur. En 1992, est-ce qu'à partir de Han Bila ou des

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1 positions défensives, où vous vous trouviez, vous êtes allé à Travnik; est-

2 ce que vous avez appris la création d'autres forces qui ne dépendaient pas

3 de la Défense territoriale ?

4 R. A mon retour dans la région où je suis né, après avoir passé quelque

5 temps sur le mont Vlasic, je suis revenu à la maison. Je voulais obtenir un

6 uniforme parce que mes vêtements ne convenaient pas et, à l'époque, il y

7 avait très peu d'uniformes disponibles. Je suis allé acheter un uniforme.

8 J'ai rencontré des amis, des connaissances que je connaissais depuis

9 longtemps, et nous avons parlé de la création d'autres forces armées,

10 notamment, de la création d'un groupe qui s'appelait "MOS", forces musulmanes

11 de libération. J'ai remarqué que les gens qui faisaient partie de ces

12 groupes étaient des hommes très jeunes. Il y en avait même qui avaient

13 été mes élèves et qui venaient à peine de terminer leurs études secondaires.

14 Ils n'avaient subi aucune formation militaire, aucun entraînement.

15 A l'occasion, avec qui j'en ai discuté, j'ai dit que ce n'était pas une

16 bonne chose, qu'il ne fallait pas se servir de leur mauvaise préparation au

17 combat pour les pousser à la mort, et qu'il fallait tout faire dans le

18 cadre de l'organisation qui existait déjà au sein de la municipalité de

19 Travnik, de façon à ce que ces jeunes hommes s’engagent dans des combats en

20 rejoignant ces unités.

21

22 Q. Monsieur Husic, ces gens que vous connaissiez, que vous ont-ils dit

23 quant aux raisons pour lesquelles ils souhaitaient créer ce qu'il est

24 convenu d'appeler les forces armées musulmanes ?

25 R. Avant ce moment-là, il y avait des unités qui s'appelaient HOS, et qui

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1 agissaient dans la région. En Bosnie, tout fonctionne sur la base de la

2 proportionnalité. Les forces croates ont constaté la création de ces forces

3 musulmanes, et il y avait des insignes, des uniformes, des emblèmes, et

4 cela existait également chez les autres, dans les rangs des autres unités

5 qui se sont mises à faire la même chose, et à appliquer le même genre de

6 comportements.

7 Q. Vous a-t-il été proposé à quelque moment que ce soit, de rejoindre ces

8 fondateurs de ces forces ? Comment cela s'est-il passé ?

9 R. Oui. Il y a des gens qui m'ont invité à les rejoindre. C'est la raison,

10 d'ailleurs, pour laquelle nous avons discuté de cette initiative. Mais,

11 nous n'avions pas les mêmes conceptions car je pensais ce que j'ai dit tout

12 à l'heure, à savoir que ces jeunes gens étaient trop jeunes, et que, si on

13 les envoyait d'emblée dans ces unités, ils allaient mourir très rapidement.

14 Puisque certains d'entre eux avaient été mes élèves, notamment, je ne

15 pouvais pas accepter une telle perspective. J'en suis resté à ce qui

16 existait, à savoir, la Défense territoriale.

17 Cette décision de ma part a gêné d'ailleurs, y compris mes parents, car

18 l'expérience que les gens avaient en Bosnie centrale, déjà à l'époque où

19 les forces musulmanes avaient commencé à se battre au cours de la Seconde

20 guerre mondiale, avait été une expérience très peu positive. On

21 s'attendait, en fait, à ce que la Défense territoriale se transforme plus

22 tard en armée de Bosnie-Herzégovine pour que cela se passe un peu comme ce

23 qu'avaient fait les partisans durant la Seconde guerre mondiale.

24 Q. Merci de cette réponse très détaillée, Monsieur Husic. Pouvez-vous, à

25 présent, me dire si, à un certain moment, vous avez rencontré ou vu en 1992

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1 des étrangers qui sont arrivés en Bosnie-Herzégovine ? Comment

2 s'appelaient-ils si vous les avez rencontrés ou si vous les avez vus et,

3 plus précisément, pouvez-vous nous dire si vous avez eu des rencontres avec

4 des étrangers venant de pays arabes ou nord-africains ?

5 R. A ce moment-là, sur le territoire de Travnik affluait de toutes parts,

6 un nombre très important de réfugiés. Parmi les étrangers, il y avait, bien

7 sûr, les forces internationales, la FORPRONU, les observateurs européens,

8 de très nombreux journalistes de toutes nationalités. Ils étaient présents

9 dans la région tous les jours. Mais j'ai passé, à cette époque-là, un

10 certain temps sur le mont Vlasic. Il y avait aussi un petit groupe de

11 ressortissants de pays arabes, ce que l'on pouvait constater au vu de leurs

12 vêtements, notamment. Plus tard, ils se sont installés à Mehurici. Nous,

13 nous les appelions à l'époque, des Arabes, pour faire simple. Plus tard,

14 ils ont été mieux connus sous la dénomination de Moudjahiddines.

15 Q. Monsieur Husic, vous venez de dire que vous avez passé le plus clair de

16 votre temps sur la ligne de défense sur le mont Vlasic. Ce qui m'intéresse

17 maintenant, c'est quand et où vous avez rencontré, pour la première fois,

18 ces personnes, ces personnes que vous avez appelées des Arabes ? Si vous

19 les avez vues, à quel endroit, vous les avez vues ?

20 R. Je les ai rencontrées pour la première fois dans le village de Mehurici

21 où le directeur de l'école primaire était un parent à moi, M. Ratif Husic.

22 Puisque le commandement du détachement était déjà installé, à ce moment-là,

23 il m'a appelé puisque je parlais bien l'arabe pour me demander de parler

24 avec eux. Mais, lorsque je suis arrivé, nous avons eu quelques problèmes de

25 communication. Une dizaine d'entre eux étaient installés dans l'école de

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1 Mehurici et, à partir de ce moment-là, j'ai dû, très fréquemment, aller

2 dans cette école pour les rencontrer, et j'ai vu dans cette école un

3 certain nombre d'entre eux qui séjournaient dans l'école, qui habitaient,

4 qui allaient et venaient à partir de cette école.

5 Q. Monsieur Husic, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quel était

6 l'aspect de ces hommes, et ce qui permettait de les distinguer des autres

7 étrangers qui circulaient dans ce secteur ? Pouvez-vous me dire, en tant

8 qu'iman, en tant que théologien, en tant que religieux, ce que vous saviez

9 dans cette année 1992, de ce qu'il est convenu d'appeler les

10 Moudjahiddines ?

11 R. Ma formation -- toute mon éducation m'avait, à plusieurs reprises,

12 amené à entrer en contact avec le monde arabe. Je connaissais les

13 populations arabes. Je savais comment étaient habillés les Arabes, quelle

14 langue ils parlaient, et quel était leur aspect. J'en savais beaucoup plus

15 que les villageois de Mehurici ou de quelque autre localité dans la région

16 à leur sujet.

17 S'agissant de leur arrivée et de leurs installations à Mehurici, ce qui

18 était certain, c'est qu'ils ont apporté une aide assez importante,

19 notamment, sur le plan alimentaire. Parce que déjà, à l'époque, il y avait

20 des gens qui étaient au bord de la famine parce qu'ils manquaient de

21 vivres.

22 La deuxième chose intéressante, c'est que, dans tous les villages

23 environnants Mehurici, ils se sont livrés à des activités d'enseignement.

24 Ils ont ouvert des écoles et, moi-même, ainsi que mon épouse, qui a la même

25 formation que moi, avons eu l'occasion de nous rendre dans ces écoles, mais

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1 ce que nous voulions, c'est que cet enseignement soit délivré par des

2 Bosniens. Ils ne l'ont pas accepté, donc nous n'avons pas accepté de

3 travailler pour eux.

4 Il y avait un troisième groupe parmi eux qui s'occupait d'approvisionnement

5 et d'organisation, de distribution d'armes, de munitions, et cetera. Un peu

6 plus tard, ils se sont même lancés dans l'entraînement car la population de

7 cette région a bénéficié de l'aide qui lui était proposée, ce que,

8 d'ailleurs, a donné à ces Arabes un certain degré de confiance parmi la

9 population. Ceci reposait sur l'aide alimentaire qu'ils apportaient, mais

10 également sur l'entraînement militaire qu'ils dispensaient de temps en

11 temps.

12 Q. Vous avez dit, Monsieur Husic, que ces hommes vous ont proposé de les

13 rejoindre. Mais que vous ont-ils proposé concrètement ?

14 R. A moi et à ma femme, ils nous ont proposé, à ce moment-là, de

15 travailler comme enseignant dans ces écoles qu'ils étaient en train

16 d'ouvrir. Nous avons refusé, mais, plus tard, en tant que membre de la 306e

17 Brigade de Montagne, au cours de certaines conversations que j'ai eues avec

18 eux, je me suis vu offert, même si, à l'époque, au sein de l'ABiH, notre

19 paye était de quelques centaines de marks allemands, comme on disait, à

20 l'époque, des marks convertibles, c'est comme cela que nous appelons la

21 monnaie en question et, eux, ils m'ont offert 2 000 marks allemands pour

22 les rejoindre.

23 Encore une fois, j'ai refusé cette offre. D'ailleurs, cela a été l'une de

24 mes dernières conversations avec eux car je n'appréciais pas beaucoup leurs

25 comportements. Je n'étais pas d'accord avec la façon dont ils agissaient

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1 dans la vallée de la Bila. C'est ce que je leur ai dit. A cause de cela,

2 nos contacts se sont interrompus.

3 Q. J'aimerais revenir sur une partie de la réponse que vous venez de faire

4 à ma question. Vous avez dit qu'ils apportaient de l'aide et que,

5 finalement, ils ont même distribué des armes. A qui apportait-il cette aide

6 financière et, plus précisément, qui convoquait-il pour participer à ces

7 entraînements dans leur camp ?

8 R. Les autres organisations humanitaires, comme d'ailleurs, toutes les

9 organisations arabes distribuaient leur aide à des personnes déterminées.

10 Ils ne distinguaient pas entre les différents ressortissants de la

11 population de Bosnie-Herzégovine. Ils distribuaient leur aide alimentaire,

12 notamment, à toute la population. Mais s'agissant de l'aide militaire,étant

13 donné que ces armes et ces équipements provenaient de la contrebande,

14 d'un peu partout, on pouvait se fournir un peu partout, mais à condition

15 de payer des sommes importantes, y compris, pour les armes et le matériel.

16 Ils se fournissaient par des sources qui étaient les leurs. L'entraînement,

17 ils le dispensaient à des volontaires qui se faisaient connaître et qui

18 acceptaient de séjourner dans leur camp.

19 Q. Monsieur Husic, y a-t-il eu un moment où vous avez exercé des fonctions

20 déterminées dans l'une quelconque des unités de l'ABiH ? Si oui, dites dans

21 quelle unité et quelles étaient exactement ses fonctions.

22 R. Oui. Après avoir passé quelques mois dans le Détachement de Han Bila et

23 de Ljuta Bila, où nous nous occupions de la création de la 306e Brigade de

24 Montagne, finalement, j'ai accepté d'être chargé du Moral de la religion et

25 des Affaires religieuses, de cette 306e Brigade de Montagne. A partir de ce

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1 moment-là, à partir du mois de novembre 1992, et notamment au début de

2 1993, j'ai exercé ces fonctions jusqu'à la fin du mois de novembre 1993.

3 Q. Monsieur Husic, dites-moi, je vous prie : dans quelle région se

4 recrutaient les hommes ou les membres des unités qui dépendaient de la 306e

5 Brigade de Montagne ? R. Ils sont recrutés presque exclusivement dans

6 la vallée de la Bila, comme nous appelions cette région, cette partie de la

7 municipalité de Travnik. Au début, le 3e Corps d'armée avait ordonné que la

8 306e Brigade de Montagne, à partir de sa création, recrute pratiquement

9 et exclusivement dans la vallée de la Bila, parmi les forces qui existaient

10 déjà. Cela concernait le 1er détachement qui était installé dans l'école

11 de Mehurici, c’est-à-dire le détachement de Siprage ainsi que le Détachement

12 Ljuta Greda, Han Bila et un autre détachement qui est à l’origine du 2ème

13 bataillon dans la zone Krpeljic. Le détachement en question s'appelait

14 LG et c'est à partir de ce détachement qu'a été créé plus tard,

15 le 2e Bataillon.Mais au moment où cet ordre était censé être exécuté, des

16 problèmes ont surgi. En effet, certaines personnes, pour des raisons tout à

17 fait personnelles, ne souhaitaient pas que ces unités se créent selon ces

18 modalités. Il y avait aussi certaines unités qui agissaient dans la vallée,

19 et qui sont parvenus à ce qu'une partie de la population, notamment la

20 population de Viso Grad, Bukovica, et de sa région rejoignent la 314e

21 Brigade, qui était cantonnée à Zenica.

22 Cela a suscité des réactions chez ceux qui avaient accepté les

23 conditions de la création de la 306e Brigade de Montagne. Je dois dire

24 qu'en dépit de l'ordre qui avait été émis, nous n'avons exécuté cet ordre

25 que sur le papier, mais, dans la réalité, il n'a pas été exécuté en raison

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1 des difficultés de création de ces unités. Merci.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Pouvez-vous, maintenant, examiner un

3 classeur de documents qui va vous être remis ? J'en demande d'ailleurs la

4 remise au témoin. J'utiliserai ces documents dans le reste de mon

5 interrogatoire.

6 Q. Monsieur Husic, je vous demanderais, maintenant, d'examiner le document

7 qui vient en premier dans cette série de documents que l'on vient de vous

8 soumettre. En décembre 1992, Monsieur Husic, connaissiez-vous ce qu'exige

9 ce document, et ce document, illustre-t-il ce dont vous venez de parler ?

10 R. Je connaissais ce qui figure dans ce document car je viens d'évoquer un

11 certain nombre de problèmes, et à cause de ces problèmes, je me suis rendu

12 dans pratiquement tous les villages à ce moment-là. Je parlais aux membres

13 des détachements, et ce qu'on lit dans ce document, c'est la réaction qui a

14 eu lieu, suite aux désaccords dont j'ai parlé tout à l'heure.

15 Q. Merci beaucoup. Il y a quelques instants, vous nous avez dit qu'au

16 moment où le recrutement se faisait pour la 306e Brigade, dans la vallée de

17 la Bila, une partie de la population a rejoint la 314e Brigade ainsi que

18 d'autres brigades. Dites-nous, je vous prie, si d'autres brigades ont

19 recruté, des brigades dont le commandement ne se trouvait pas dans cette

20 région, mais en d'autres lieux. Est-ce que ce fait a créé pour la 306e

21 Brigade un certain nombre de problèmes ? Est-ce qu'une certaine confusion

22 en a découlé, notamment, en matière d'identification ?

23 R. Oui. Le fait qu'une partie de la population de la vallée de la Bila a

24 rejoint les rangs d'autres unités, des unités dont le commandement n'était

25 pas tout près, donc n'était pas accessible, de ce fait un certain nombre de

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1 ces combattants, au moment où se faisait la restructuration de leurs unités

2 certains de ces combattants ont échappé au recrutement, et sous prétexte

3 d’appartenir à telle ou telle unité, pendant des mois, ils n'avaient aucun

4 engagement et leur comportement suscitait une certaine révolte parmi le reste

5 de la population. Par ailleurs,les déplacements de ces groupes dans la région

6 ont créé un certain nombre de problèmes parmi la population musulmane. Il y

7 avait aussi ces postes de contrôle qui avaient été créés par les Croates

8 et, chaque fois que ces hommes voulaient rentrer dans la vallée de la Bila en

9 provenance de lieux extérieurs à la vallée, le passage de ces postes de

10 contrôle, il y avait des problèmes. Par ailleurs, il faut parler aussi de

11 ce grand nombre de réfugiés qui étaient dans la région et qui, avant --

12 Q. Monsieur, je vous en prie, parlez un tout petit peu moins vite de façon

13 à être mieux suivi par les interprètes. Il est très bienvenu que vous

14 parliez librement, mais un tout petit peu moins vite, s'il vous plaît.

15 R. Certains des combattants qui s'étaient précédemment trouvés dans les

16 unités, après leur expulsion, sont arrivés avec leurs familles dans la

17 vallée de la Bila, et c'est ainsi qu'il y avait une vaste population armée

18 qui se déplaçait vers cette zone, et qui n'était contrôlée par personne, en

19 particulier, au moment où le HVO menait -- mettait en place des blocus

20 parce que, dès le début de l'année 1993, il y avait les trois sorties

21 potentielles de la vallée qui étaient tenues par le HVO. Chaque fois qu'il

22 y avait un passage, il fallait que ce soit annoncé à l'avance avec le

23 nombre de personnes armées, et cetera. Nous, qui tenions la ligne de front

24 contre les Serbes et les Monténégrins, nous avions connaissance de leur

25 coopération, et le fait que nos hommes feraient l'objet d'un décompte, que

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1 l'on compterait leurs armes, cela représentait un problème pour nous.

2 Q. Revenons au problème de ces gens qui faisaient leur apparition parfois

3 dans votre zone, mais qui n'étaient pas membres de votre brigade. La 306e

4 Brigade et ses unités, étaient-elles en mesure de déterminer qui étaient

5 ces personnes qui se déplaçaient dans la région ? Avez-vous pu -- avez-vous

6 rencontré des difficultés dans le cadre de ce processus d'identification,

7 dans le cadre de ces enquêtes, et est-ce qu'il est arrivé qu'il y ait des

8 erreurs d'identification ?

9 R. Il s'agissait de problèmes que rencontraient très couramment la 306e

10 Brigade parce qu'il arrivait souvent que nous établissions à tord

11 l'identité de certaines personnes, on informait le commandant du corps en

12 conséquence et, une fois enquête réalisée, on apprenait, par exemple, que

13 ceux dont on -- nous avions pensé que c'étaient des membres de la 7e

14 Brigade musulmane, mais n'étaient, en fait, pas membres de cette brigade.

15 Cela a été aussi le cas de nombreuses autres personnes parce que la 7e

16 Brigade musulmane avait reçu des renforts qui venaient d'une zone très

17 vaste. Leur QG n'était pas à proximité des nôtres, si bien qu'il était

18 difficile et c'était impossible de procéder à des vérifications. Ces gens

19 qui se présentaient comme venant de cette unité n'en étaient, en fait, des

20 membres. Il y avait beaucoup d'autres personnes qui n'étaient membres

21 d'aucune unité.

22 Q. Vu cette problématique, est-ce qu'on a pris des mesures à un moment

23 donné en 1993 afin de pouvoir identifier, comme il se devait, les

24 combattants, pour déterminer s'ils étaient effectivement de l'Armija ?

25 R. Depuis le début des négociations avec le HVO, nous avions essayé de les

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1 convaincre qu'avec l'aide du Corps, nous étions en mesure en contrôler les

2 déplacements des nôtres, des unités qui étaient les nôtre, mais aussi les

3 déplacements d'autres personnes armées, individuelles. Nous insistions que

4 les canons se trouvent au front, ce qui parfois n'était pas accepté.

5 D'autre part, il y avait des problèmes au niveau d'identification des

6 insignes et des uniformes. Les insignes ne suffisaient pas à identifier les

7 individus. C'est à partir des insignes et des armes que nous procédions à

8 cette identification, mais tout ceci faisait l'objet de manipulation parce

9 que beaucoup de civils portaient cet uniforme, l'uniforme de notre unité.

10 Il y avait des gens qui n'étaient pas membres de cette unité qui portaient

11 des uniformes. C'est pourquoi ceci a donné lieu a beaucoup de plaintes et

12 rendait les identifications très difficiles. Nous avons continué à insister

13 sur ce point et nous voulions qu'on introduise un véritable livret

14 militaire. Mais, à cause des problèmes de communication, tout ceci prenait

15 beaucoup de temps et nous étions très limités dans nos activités.

16 Q. Je ne vais pas entrer dans les détails des autres difficultés

17 rencontrées par la Brigade, à ce moment-là, mais je voudrais savoir

18 simplement quelles étaient -- comment se présentaient les communications

19 dans votre brigade entre le commandement supérieur et les militaires

20 subordonnés.

21 R. En raison de la configuration du terrain de la Bosnie centrale, il faut

22 savoir que le mont Vlasic se trouve à 1 900 mètres d'altitude. Notre ligne

23 de défense au mont Vlasic se trouvait à une altitude moyenne de 1 500

24 mètres. Le mont Vlasic est bien connu, son climat est redouté. Souvent, il

25 y fait très mauvais même en été, alors, ne parlons même pas de l'hiver. Mes

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1 unités ont reçu des renforts qui venaient de 30 localités et les

2 communications étaient interceptées par les Unités du HVO qui étaient en

3 mesure de contrôler les systèmes de communication et de déplacement, à tout

4 moment.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Page 94, ligne 10, le témoin dit que le

6 problème d'identification était également lié à la prise de photographies

7 et pas uniquement à la communication. J'aimerais que cela soit corrigé au

8 compte rendu d'audience.

9 Q. Je crois que vous avez répondu à cette partie de la question. Vous avez

10 dit que, vu la configuration, la nature du terrain, les communications

11 étaient rendues d'autant plus difficiles.

12 R. Les lignes de transmission de communication étaient souvent

13 interrompues, mais, du point de vue militaire, ce qui constituait le

14 problème le plus grave, c'est qu'il avait été possible, à tout moment,

15 d'écouter nos conversations, et nous le savions.

16 Q. Merci. La Chambre sait que Sarajevo était encerclée, assiégée. Suite

17 aux propos que vous avez tenus jusqu'à présent, j'aimerais savoir si vous

18 avez eu des contacts directs avec la présidence de la Bosnie-Herzégovine ou

19 l'état-major du commandement Suprême ?

20 R. Bien sûr que non. Très souvent, nous n'avions même pas la possibilité

21 d'avoir des communications avec Travnik et Zenica, alors, pensez, Sarajevo.

22 Q. Merci beaucoup. Revenons à la question des étrangers que vous avez

23 rencontrés en 1992 dans l'école dont vous nous avez parlé. En tant que

24 membre du commandement de la 306e Brigade, savez-vous où se trouvent

25 actuellement ces étrangers ? Savez-vous où ils se trouvent au jour

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1 d'aujourd'hui ? Pouvez-vous nous dire s'ils créent des difficultés pour vos

2 brigades ?

3 R. Je ne comprends pas votre question. Est-ce que vous parlez du présent ?

4 Q. Non, non, non. En fait, je parle de 1993 parce que vous avez dit qu'en

5 1992, votre cousin vous avait appelé et que c'est, à ce moment-là, qu'ils

6 étaient allés au premier étage de cette école. Après l'établissement de la

7 brigade, savez-vous où étaient ces étrangers ? Les Moudjahiddines, les

8 Arabes, quel que soit le nom qu'on utilise pour les désigner, est-ce que

9 leur présence a été source de problèmes pour votre brigade ?

10 R. J'ai été un petit peu induit en erreur par votre utilisation du mot

11 maintenant. Après l'établissement de la 306e, un des bataillons, le 1er

12 Bataillon, se trouvait logé dans l'école élémentaire de Mehurici. Ils

13 étaient extrêmement arrogants. Ils avaient un comportement très arrogant,

14 il s'agissait d'hommes jeunes qui avaient été expulsés, chassés de leurs

15 villages. Ils ne savaient pas ce qui était arrivé à leur famille, ils

16 avaient vu des atrocités être commises à l'encontre de leur famille. Il y

17 avait beaucoup d'alcool qui circulait dans la zone et souvent ils créaient

18 des problèmes. C'est pourquoi les Arabes sont sortis -- sont partis de

19 l'école. Ils se sont installés -- ont installé leur QG dans des maisons

20 abandonnées de Poljanice, un village, ainsi qu'aux alentours immédiats de

21 ce village.

22 Q. Il y a quelques instants, vous nous avez expliqué qu'ils entraient en

23 contact, qu'ils ont pris contact avec la population locale pour essayer se

24 gagner leur sympathie. Souhaitez-vous ajouter autre chose que vous estimez

25 important pour vous, en tant que commandant, souhaitez-vous ajouter autre

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1 chose au sujet de l'influence exercée par ces personnes, par ces hommes,

2 sur la population locale dans la zone de votre Brigade ?

3 R. A l'époque, la situation en Bosnie était très problématique. La

4 population était très désemparée et tout aide -- toute assistance étaient

5 la bienvenue. On attendu longtemps que la communauté internationale

6 reconnaisse la réalité de la situation en Bosnie-Herzégovine et mettre un

7 terme à une situation qui était une situation de génocide. Mais, étant

8 donné que cela ne s'est pas passé, on a adopté une attitude de plus en plus

9 positive à ceux qui offraient une aide. C'est ainsi que la population s'est

10 attachée à ces hommes, des gens qui leur amenaient à manger, qui assuraient

11 l'enseignement, l'enseignement aux enfants, c'est ainsi qu'ils ont pu

12 établir un lien avec la population locale et, pour nous, les membres de la

13 306e Brigade, nous n'étions pas en mesure de fournir la population civile,

14 ni d'ailleurs même aux membres de la 306e Brigade. De ce fait, nous étions

15 dans une situation très délicate. C'est par cela que s'expliquent les

16 problèmes que nous avons rencontrés.

17 Q. Leur mode de vie, leur éducation religieuse, et le fait qu'ils étaient

18 en train de prendre contrôle, de phagocyter les jeunes qui devaient

19 normalement rejoindre la Défense territoriale, est-ce que c'est quelque

20 chose qui a entraîné des conflits, des troubles au sein de la population

21 locale, au sein des gens qui habitaient sur place ?

22 R. Si on parle des effectifs de la 306e Brigade, il est vrai que l'on

23 avait beaucoup de difficultés. Même si on avait eu trois fois plus

24 d'hommes, il nous aurait été très difficile de remplir nos fonctions. En

25 partie à cause de l'âge des membres de la 306e Brigade, il aurait été très

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1 difficile de résister à cette situation. C'est pourquoi, il nous était très

2 difficile de trouver des renforts pour les unités. C'est ce qui explique

3 les difficultés que nous avons rencontrées.

4 Q. Vous avez entendu les interprètes B/C/S vous demander de bien vouloir

5 ralentir le débit, je vais vous demander d'agir en conséquence et de parler

6 moins vite, s'il vous plaît.

7 Vous êtes un imam, Monsieur le Témoin, un théologien, pour ce qui est de la

8 communauté religieuse dans cette zone; est-ce que se sont posés des

9 problèmes du fait de la façon dont la religion était pratiquée, des

10 problèmes qui ont fini par affecter également votre brigade ?

11 R. L'islam est présent depuis le XVe siècle en Bosnie. Il y a très

12 longtemps que notre population est habituée à la manière dont est pratiquée

13 cette religion en Bosnie. Vous voyiez apparaître quelque chose de

14 complètement nouveau avec ces étrangers, cela a entraîné une grande

15 confusion, beaucoup de difficultés. Les organes de la communauté islamique

16 ont souvent réagi parce que cette nouveauté, ces nouveaux contacts

17 troublaient une situation qui existait depuis longtemps, venaient perturber

18 la façon dont on avait pratiqué la religion depuis très longtemps.

19 Q. Merci, Monsieur Husic. J'en ai terminé de ce sujet.

20 Je voudrais savoir s'il y avait d'autres formations militaires qui

21 étaient déployées dans la zone ? Y en avait-il et, si oui, lesquelles ?

22 R. J'aurais du mal à énumérer toutes les formations qui se

23 trouvaient là, ou qui ont été en contact avec notre zone. Dès le début de

24 la résistance armée en Bosnie-Herzégovine, la plupart des unités c'était

25 des unités qui s'étaient armées de manière autonome dans leur propre zone.

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1 Ces unités portaient divers noms et c'est à partir de ces groupes, de ces

2 unités armées qu'allaient ensuite se construire les bases dans lesquelles

3 allait puiser l'état-major de la Défense territoriale pour renforcer les

4 unités établies, qui avaient été mises en place.

5 De plus, il y avait des gens qui, auparavant, s'occupaient de

6 contrebande d'armes et qui, maintenant, procédaient à des activités de

7 contrebande de vivres. Ces gens, ils avaient de l'argent bien entendu et,

8 de temps en temps, ils arrivaient à se procurer des armes, ils équipaient

9 un groupe ou un autre, ils créaient des unités.

10 Q. Nous en avons déjà parlé, mais je voudrais savoir s'il y avait d'autres

11 organisations militaires dans la zone ?

12 R. En plus des HOS, à partir du début 1993, dans toutes les zones habitées

13 par les Croates, et en vertu d'un ordre qui avait été donné à l'époque, les

14 unités villageoises ont été mises en place dans les villages. En avril, ils

15 se sont tous joints à la Brigade Frankopan qui était à Guca Gora. C'est

16 ainsi que, dans la vallée la Bila, on avait deux brigades du HVO, celle de

17 Zenica et celle de Frankopan qui se trouvait à Guca Gora, dont son QG se

18 trouvait à Guca Gora. Ce qui contribuait encore à compliquer la situation

19 que j'ai dépeinte, il y a quelques instants.

20 Q. Monsieur Husic, comment était-il possible de sortir de la vallée de la

21 Bila, par quel moyen ? Est-ce qu'à un moment donné, il s'est posé un

22 problème relatif à la communication de la population et de l'armée avec les

23 autres parties de l'Etat ?

24 R. La vallée de la Bila est un cul-de-sac dans le territoire de Bosnie

25 centrale. Les trois routes qui mènent à Travnik et Zenica, à partir de la

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1 vallée de la rivière Bila, à partir de janvier 1993, elles ont,

2 constamment, été bloquées et contrôlées par le HVO. Il arrivait qu'il soit

3 possible de passer en ayant notifié la chose à l'avance, en ayant obtenu

4 une autorisation. Mais cela impliquait souvent des humiliations, des

5 mauvais traitements, des manœuvres de harcèlement. C'est pourquoi les gens

6 étaient réticents, ils hésitaient beaucoup avant de chercher à passer. Il

7 est même arrivé que des femmes accouchent au niveau de ces passages parce

8 qu'on ne les autorisait pas à passer.

9 Pour ce qui est des forces militaires, il fallait annoncer tout passage

10 bien à l'avance, en décrivant exactement la nature des équipements, des

11 armements et des effectifs qui allaient traverser.

12 Q. Dans la série de documents, j'aimerais que nous examinions le document

13 6, ainsi que le document numéro 7 qui sont extraits de cette première

14 liasse. Dans la deuxième série de documents, j'aurai à poser des questions,

15 au sujet des documents 1, 2 et 3.

16 Le document 6, c'est la pièce 1010, et le document 7 est le document de la

17 Défense 1043.

18 R. Oui, j'ai trouvé

19 Q. Examinons le document du 14 mai, un document qui vient du 3e Corps et

20 qui évoque un événement, un incident qui concerne le commandement de la

21 306e Brigade; est-ce que vous connaissez cet événement ?

22 R. Oui. J'ai été un des membres du commandement qui a été fait prisonnier

23 lors de cet incident. Il me semble que j'ai indiqué, il y a quelques

24 instants encore, qu'en plus des points de contrôle réguliers du blocus qui

25 touchait la rivière de la Bila, il y avait également des points de contrôle

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1 officieux, irréguliers parce que des groupes armés entraient dans la

2 rivière, dans la vallée de la Bila, ils montaient des embuscades, ils se

3 livraient à des activités de pillage, de harcèlement, de mauvais

4 traitements, et ceci non seulement à l'encontre des soldats, mais aussi à

5 l'encontre des civils.

6 Ce document a trait à un incident au cours duquel, un grand nombre de

7 membres du commandement de la 306e Brigade a été fait prisonniers. Ils ont

8 été faits, en fait, nous avons été pris dans une embuscade, faits

9 prisonniers sur la route et nous avons été soumis à de mauvais traitements.

10 On a confisqué notre camion, ainsi que notre fourgonnette. Ils ont tout

11 pris, tous les équipements que nous avions, tout ce qui avait une valeur

12 quelconque, même si on n'avait pas d'uniforme. Il y en a certains même qui

13 ont pris les vêtements civils de certains d'entre nous. Ceci s'est déroulé

14 à seulement un kilomètre et demi de la maison où j'habitais à l'époque avec

15 ma famille, mes enfants, mes parents.

16 Q. J'aimerais maintenant qu'on regarde le document numéro 7, Monsieur

17 Husic. Veuillez rapidement parcourir ce document des yeux pour nous dire si

18 vous avez été témoin de l'événement qui fait l'objet de ce document. Est-ce

19 que vous saviez en 1993 que ces événements s'étaient déroulés de la manière

20 dont ils sont décrits ici ?

21 R. Il s'agit d'un rapport de la 306e Brigade de Montagne au sujet

22 d'événements qui avaient eu lieu dans notre zone de responsabilité. Vous

23 avez ici toute une série d'incidents dont j'ai parlé.

24 A partir du début de l'année 1993, il ne s'est pas écoulé une journée sans

25 que ne se déroule un incident ou un autre. La situation est devenue encore

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1 plus tendue à partir du 10 avril, elle a empirée à partir de cette date qui

2 marquait l'indépendance de l'Etat de Croatie. C'est à partir de cette date

3 qu'a commencé la dernière confrontation, la confrontation ultime entre le

4 HVO et l'ABiH. Comme je l'ai dit, il ne s'écoulait pas une journée sans

5 incident, sans que quelqu'un ne soit blessé ou quelqu'un ne soit tué.

6 Q. Il me semble que le document se passe de commentaires. Je vous remercie

7 simplement d'avoir confirmé le fait que vous êtes en mesure d'attester la

8 véracité de ces événements.

9 Je dois m'excuser, mais la Chambre nous a demandé d'utiliser au mieux le

10 temps qui nous a été imparti. C'est pourquoi, je vais vous demander de

11 maintenant passer aux documents qui figurent dans la deuxième partie, les

12 documents 1, 2 et 3.

13 Je voudrais savoir si vous reconnaissez ces documents qui sont au nombre de

14 trois. Est-ce que vous reconnaissez les événements qui sont décrits dans ce

15 document, les événements qui ont eu lieu en 1993, des événements dont vous

16 avez eu connaissance en 1993 ? Il s'agit des documents qui sont répertoriés

17 après le titre : "Pièces à conviction."

18 R. Oui. Ces documents ont trait au regroupement des forces et le document,

19 qui porte le numéro 3, évoque le même incident avec le commandement. On a

20 ici une liste des éléments qui ont été confisqués.

21 Q. Merci. Monsieur Husic, j'aimerais que nous parlions des événements qui

22 se sont déroulés à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin. A ce

23 sujet, pouvez-vous nous dire où vous vous trouviez le 1er juin 1993 ?

24 R. Les événements qui se sont déroulés entre le 1er et le 8 ne peuvent pas

25 être séparés ainsi parce qu'il y avait des combats très intenses qui se

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1 déroulaient depuis un certain temps; cependant, le 1er juin, après l'échec

2 des négociations de Guca Gora, le conflit s'est intensifié. Une partie du

3 commandement de la 306e Brigade, le commandant, son adjoint chargé du

4 moral, l'assistant au commandant chargé des finances, avec plus tard le

5 chef d'état-major que la FORPRONU a fait venir de Travnik, nous nous sommes

6 tous trouvés complètement bloqués et coupés du reste du monde dans le

7 village de Guca Gora.

8 Q. Dans quelle partie de Guca Gora ?

9 R. En fait, la maison où nous étions était dans le village de

10 Krpeljici. On était en train de négocier, mais c'est à Krpeljici, dans le

11 village de Krpeljici qu'il y avait le blocus, à côté de Guca Gora.

12 Q. Qui était avec vous ?

13 R. M. Siljak, le chef d'état-major, M. Sipic du commandement, M. Mujo

14 Husanovic, et moi-même. C'est également dans ce village que se trouvait le

15 QG du 2e Bataillon. Il y avait également le commandant du 2e Bataillon qui

16 s'y trouvait pendant que la zone a été bloquée, ainsi qu'une douzaine

17 d'autres villages dans la zone.

18 Q. Quelles sont les premières informations que vous avez reçues au sujet

19 des événements qui avaient lieu dans votre zone ?

20 R. Etant donné que Radojcici, Ricice, Velika Bukovica, et cetera, que

21 certains de ces villages étaient encerclés depuis pas mal de temps, lorsque

22 cette nouvelle vague de violence a déferlée, tout ces dix villages de la

23 vallée de la Bila, où il y avait une population à la fois bosniaque et

24 croate, ont été encerclés et complètement bloqués. Il était totalement

25 impossible pour les villageois et pour les villages d'avoir des

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1 communications quelles qu'elles soient. Le blocus des villages, que j'ai

2 mentionnés depuis un certain temps, avait lieu depuis plus d'un mois. Il

3 était impossible aux paysans de vaquer à leurs occupations. Les gens ne

4 pouvaient pas quitter leurs maisons, ne pouvaient pas se déplacer. Pendant

5 les dix jours précédents, certains des villages avaient également subi des

6 pilonnages. Le conflit ne cessait de s'intensifier chaque jour, et

7 Krpeljici a également subi des pilonnages très violents à partir d'une zone

8 --

9 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom de la zone.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] -- était pilonnée, cette zone était pilonnée

11 par des lance-roquettes.

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

13 Q. Est-ce que vous avez été informé à un moment quelconque de

14 l'attaque menée par le HVO ? Dans quelle zone se déroulait-elle, et avec

15 quel impact ?

16 R. Le blocus d'une partie du commandement à Krpeljici a marqué le début

17 d'une nouvelle période de combat extrêmement violent, c'est-à-dire qu'en

18 plus des pilonnages et des tirs individuels, on assistait à des tirs de

19 mitrailleuses sur tout ces villages, y compris à Krpeljici, là où nous nous

20 trouvions; cependant, c'est à Velika Bukovica qu'ont eu lieu les combats

21 les plus intenses. La population locale se défendait contre une force du

22 HVO qui lui était supérieure de beaucoup. Il y avait dix fois plus d'hommes

23 du HVO que d'habitants dans le village. Dans ce village, on a enregistré un

24 grand nombre de victimes, un grand nombre de décès. La population ne

25 cessait de nous demander de l'aider, mais nous n'avons pas été en mesure de

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1 les aider de quelque manière que ce soit. Ils étaient bientôt à court de

2 munitions, et leur destin semblait bien incertain.

3 La population d'un autre village est partie vers Han Bila. Radojcici

4 demandait des vivres.

5 Q. Pouvez-vous nous dire ce que vous savez personnellement de ce qui s'est

6 déroulé le 8 juin ?

7 R. Le 8 juin, nous pouvons dire que toute la vallée de la Bila s'est

8 retrouvée en feu, c'est-à-dire qu'il y avait des fusillades un peu partout

9 qui duraient d'ailleurs depuis plusieurs jours avec une intensité plus ou

10 moins grande. Ce jour-là, cette fusillade a acquis une intensité beaucoup

11 plus importante. Au début, nous ne savions pas ce qui se passait, et comme

12 les jours précédents, nous avons sans cesse envoyé des appels à l'aide au

13 3e Corps d'armée, mais sans jamais recevoir la moindre réponse. La seule

14 chose que nous pouvions encore faire c'était, dans chaque village,

15 organiser des activités de défense avec les habitants qui restaient dans

16 ces villages. Un peu plus tard, l'information est arrivée selon laquelle

17 nos forces, que nous gardions en réserve parce que la coopération importante

18 entre l'agresseur serbo-monténégrin et le HVO qui avait commencé ces jours-là

19 qu’une attaque risquait d’être lancée du mont Vlasic. Nous ne pouvions pas

20 nous opposer et résister à cette attaque parce que nous n’avions pas

21 de munitions.Par conséquent, ces forces dans la région de Mehurici

22 en passant par Konska [phon], qui -- c'est-à-dire, en passant par mont

23 Vlasic, ces forces ont commencé à attaquer et ont rejoint les forces du 2e

24 Bataillon, ce qui signifie, en fait, que Velika Bukovica a été débloqué.

25 Q. Monsieur Husic, dans quelle direction ? En fait, je reformule ma

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1 question. Avez-vous participé au combat et, si oui, dans quelle direction

2 avez-vous agi, si je puis me permettre de m'exprimer ainsi ?

3 R. Dans les derniers jours, nous avons rejoint -- nous avons fait notre

4 jonction avec les forces du 2e Bataillon. Devant nous se trouvait Guca

5 Gora, une localité habitée qui avait subi des tirs très intenses depuis

6 déjà pas mal de temps, comme d'ailleurs Krpeljici et d'autres localités.

7 Guca Gora était le siège de la Brigade Frankopan. Le pilonnage avait duré

8 quatre jours. Notre cible -- notre destination suivante était Guca Gora,

9 mais il s'est avéré que la population avait fui Guca Gora la nuit

10 précédente. Nos forces ont pu pénétrer dans Guca Gora sans aucun problème.

11 Ce qui est, ensuite, passé en raison des combats qui avaient eu lieu de

12 l'autre côté, c'est que nous sommes restés sans munition, et nous nous

13 sommes rendus compte assez rapidement de la situation dramatique, à savoir

14 que trois quarts du village avaient été vaincus, qu'il y avait de très

15 nombreux blessés, de très nombreux morts et qu'il y avait très peu

16 d'équipements disponibles, et que nous pouvions nous attendre, à tout

17 moment, à la chute complète du village.

18 Par conséquent, puisque nous avions établi une ligne en dessous de Guca

19 Gora, au niveau du village de Radojcici, qui se trouve immédiatement en

20 dessous de Guca Gora, des combats très intenses -- des combats

21 véritablement féroces ont eu lieu pour s'emparer de ce village. Lorsque le

22 village de Radojcici a réussi à sortir de l'encerclement dans lequel il se

23 trouvait, nous avons essayé d'y créer une ligne de défense; cependant, il

24 s'est avéré que les munitions dont nous disposions ne se composaient que de

25 dix balles par combattants. Nous avons déployé des efforts absolument

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1 gigantesque pour surmonter cette situation difficile. Nous avons,

2 finalement, réussi à établir cette ligne de défense.

3 Q. Dites-moi, Monsieur Husic : à quel moment avez-vous, en tant que membre

4 du commandement, rencontré les autres membres du commandement

5 après ces combats ?

6 R. Pendant plusieurs jours, les opérations ont duré 24 heures sur 24.

7 Notre commandement avait été totalement brisé, disséminé un peu partout

8 dans différents villages. Nous ne pouvions pas nous rencontrer. Nous

9 n'avions pratiquement aucune communication les uns avec les autres. Le

10 poste de commandement de Rudnik, dans cette période, c'est-à-dire,

11 précisément le 2 mai, a été pilonné, et le seul véhicule que nous avions à

12 notre disposition avait été détruit. Le peu de communication que nous

13 pouvions encore avoir a été rendu impossible par ce fait. Nous ne nous

14 sommes réunis, seule la moitié du commandement, que le 12 juin

15 1993. C'est à ce moment-là, que nous avons reçu des renseignements

16 officieux sur les conséquences possibles des combats et des

17 évènements qui avaient eu lieu à Maline, Bikosi et la région…

18 Q. Je vais, maintenant, vous poser d'autres questions au sujet de Maline.

19 Dites-moi, je vous prie : êtes-vous au courant du fait -- êtes-vous au

20 courant de ce qui s'est passé dans le village de Miletici vers la fin du

21 mois d'avril 1993 ?

22 R. Oui. A ce moment-là, au niveau du commandement de la Brigade, nous

23 avions des problèmes de circulation dans la zone ou sur notre

24 responsabilité car cela s'est passé peu après qu'une partie du commandement

25 ait été faite prisonnière. Nous avons appris à ce moment-là, à Mehurici.

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1 Q. Miletici ?

2 R.Non. Nous avons appris que le groupe d’Arabes, qui étaient à Mehurici, après

3 la blessure d’un arabe, avait pris la direction de Miletici,et qu'ils y avaient

4 arrêté certains habitants. Ce sont les renseignements que nous avons reçus.

5 Parmi les personnes faites prisonnières se trouvaient, entre autres, le père et

6 l'oncle d'un membre du commandement, un homme qui faisait partie du

7 commandement, à ce moment-là. Il est parti là-bas et, un peu plus tard,

8 nous avons appris, par conséquent, les événements qui s'y sont déroulés

9 enfin dans la mesure de ce que l’opinion publique en sait aujourd’hui. Nous

10 ne savions pas tout ce qu'on sait aujourd'hui.

11 Q. Je vous demanderais, maintenant, d'examiner les documents 4 et 5.

12 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent vraiment au témoin de ralentir son

13 débit.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

15 Q. Monsieur Husic, ce document numéro 0915 est un document qui vient du

16 groupe opérationnel de la Krajina bosniaque. Au paragraphe 2, je vous

17 demande si ce qui figure dans ce paragraphe correspond à ce que vous saviez

18 à l'époque des événements qui se sont déroulés à Miletici ?

19 R. Oui. Enfin, ce document est très bref. Ce qui s'est passé à Miletici

20 c'est que les Musulmans et les Croates, qui se trouvaient là, à l'époque,

21 ont été faits prisonniers et, après notre intervention, toutefois, ils ont

22 été logés dans des maisons musulmanes.

23 Q. Je vous prie, maintenant, d'examiner le document numéro 5, un document

24 du HVO.

25 R. Oui.

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1 Q. Ce document traite-t-il du même événement ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce qu'on voit y compris dans ce document du HVO que sont identifiés

4 les gens qui ont pénétré dans le village de Miletici, et cette identité

5 vous la connaissiez, n'est-ce pas, au moment où vous avez appris les

6 renseignements que vous avez appris au sujet des événements de Miletici ?

7 R. Dans ce document, nous lisons dans la dernière phrase : "Que l'on sait

8 que les forces de l'ABiH sont en train de sécuriser le village, que les

9 Moudjahiddines sont censés avoir pris. Je reprends. On sait que les forces

10 de l'ABiH sont en train de sécuriser le village, et des Moudjahiddines et

11 des extrémistes musulmans sont censés avoir eu l'intention de brûler toutes

12 les maisons et tous les biens de ce village." En fait, ceci ne reflète pas

13 la réalité car personne n'a eu l'intention de brûler quoi que ce soit. Très

14 rapidement, la population musulmane est intervenue pour défendre les

15 villageois et assurer la sécurité dans le village.

16 Q. Finalement, je vous demande qui a commis cet événement du village de

17 Maline ? Quels ont été les résultats de votre enquête ? Est-ce que ce sont

18 des membres de la 306e Brigade de l'ABiH ou des membres de l'ABiH que l'on

19 a retrouvés parmi les auteurs ?

20 R. Ce document traite de Miletici. Vous m'interrogez au sujet de Maline.

21 Q. Oui. Oui. Je vous prie de m'excuser. En fait, je pensais à Miletici.

22 R. Les auteurs de cet incident étaient exclusivement des étrangers.

23 Q. Maintenant, Monsieur Husic, je vous demanderais de nous dire ce que

24 vous savez de ce qui s'est passé dans le village de Maline, plus

25 précisément, quand vous avez été informé de cet incident, et ce que vous

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1 avez su de cet incident ?

2 R. La première fois que j'ai appris quelque chose au sujet de l'incident

3 survenu à Bikose ou à Maline, comme vous dites, c'est au moment du 12 juin,

4 où une partie du commandement a réussi à se regrouper. Les informations que

5 j'ai reçues, à ce moment-là, c'est qu'un nombre important de combattants

6 croates avait été tué dans la région. À l'époque, on recevait des

7 informations assez fantaisistes. Les chiffres pouvaient considérablement

8 variés d'une information à l'autre. Mais, ce que j'ai appris, à ce moment-

9 là, c'est que dix ou 20 ou même 30 personnes avaient été tuées. Il

10 s'agissait de renseignements non confirmés. Nous avons, d'ailleurs, vérifié

11 ces informations dans le cadre de notre enquête dont en étaient chargés les

12 organes de sécurité, par la suite, au moment où le cessez-le-feu a pu se

13 produire, à savoir, le 14 juin.

14 Q. Mais qu'avez-vous appris à ce moment-là ? Quel a été le résultat de

15 votre enquête ? Qui étaient les auteurs de ces actes ?

16 R. Malheureusement, nous ne recevions nos renseignements que de la

17 population qui quittait notre zone de responsabilité pour essayer de se

18 protéger. Par expérience, nous savions qu'il était toujours très difficile

19 d'assurer la sécurité de la population civile. Par conséquent, les membres

20 de nos unités dans le cadre de leurs enquêtes ont fait tout ce qu'ils ont

21 pu pour installer ces populations à Mehurici parce que là se trouvaient des

22 représentants du bataillon, et c'est là qu'ils pouvaient être dans la plus

23 grande sécurité.

24 Mais les policiers militaires, chargés de cette tâche, étaient très peu

25 nombreux, et ils ont été interceptés par un groupe qui s'est servi des

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1 armes, c'est-à-dire qu'ils leur ont mis les canons de leurs armes dans la

2 bouche en les menaçant de mort, et ce petit groupe a emmené une partie de

3 la population croate dans une direction inconnue. Mais on suppose qu'on les

4 emmenés du village de Poljanica vers le village de Maline. On suppose qu'à

5 un certain moment, pendant le trajet, un incident a eu lieu, que la panique

6 s'est répandue, et qu'en raison de cette panique, des coups de feu ont été

7 tirés et que des personnes ont été tuées par des auteurs non-identifiés.

8 Q. C'est ce que vous avez appris.

9 R. Excusez-moi de poursuivre. Ce que je voulais dire, c'est que ces jeunes

10 gens n'ont pas réussi à identifier les auteurs de ces actes parce qu'ils ne

11 les ont pas reconnus, ils ne les connaissaient pas. Ils n'ont pas pu les

12 identifier.

13 Q. Mais à l'issue de l'enquête menée par vous, avez-vous pu déterminer

14 s'il s'agissait d'étrangers ou de quelqu'un d'autre ?

15 R. Tous les rapports indiquaient qu'il s'agissait d'étrangers. Cependant,

16 les rapports ne disaient pas tous la même chose. Certains, au début,

17 parlaient d'hommes qui avaient le visage masqué. Chaque fois que quelqu'un

18 porte un masque, on pense qu'il s'agit de quelqu'un qui souhaite se cacher.

19 Mais, nous n'avons pas pu établir, en tout cas, qu'un quelconque membre de

20 notre unité aurait fait partie de ce groupe ou de cette unité, même si

21 certains rapports parlaient de la présence d'un interprète. Plus tard,

22 suite à l'enquête menée par la FORPRONU, il a été établi qu'il y avait un

23 Bosnien, enfin, un Musulman parmi ces hommes et qu'il servait d'interprète.

24 Q. Page 109, ligne 16, il est dit qu'ils ont emmené ces gens vers Maline,

25 alors que je crois avoir entendu le témoin dire en provenance de Poljanica

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1 vers Bikose. Est-ce que j'ai bien entendu ?

2 R. Ce que j'ai dit, c'est qu'on les avait emmenés de Poljanica vers

3 Maline, et que l'incident est survenu en route. Effectivement, l'incident a

4 eu lieu à Bikose qui est une localité située entre Poljanica et Maline.

5 Q. Merci. Encore quelques petites questions. Vous avez dit que quelques

6 représentants de la police militaire, afin d'assurer la sécurité de la

7 population de Maline -- ou plutôt, avait fait partir ces gens de Maline

8 pour les emmener jusqu'à Mehurici. Pouvez-vous, je vous prie, me dire où

9 ces personnes ont été logées à Mehurici ? Comment ces personnes ont été

10 traitées ? Qui s'est occupé de ces personnes ? Si vous avez d'une façon ou

11 d'une autre suivi le sort réservé à ces personnes ?

12 R. Bien sûr. Au moment où cela s'est passé, j'étais occupé toute la

13 journée dans les combats qui avaient lieu sur la ligne de défense. Mais, en

14 dépit de cela, j'ai appris durant la soirée, qu'un grand nombre de

15 personnes avaient été installées dans les locaux de l'école primaire de

16 Mehurici. Deux membres, qui faisaient partie de l'instance chargé du moral

17 des troupes au sein de la brigade, dont j'étais leur supérieur direct,

18 c'étaient des personnes qui s'occupaient de la situation sociale des

19 combattants, et ces personnes m'ont informé de ce qui s'était passé. Ils

20 ont reçu l'ordre de continuer à coordonner toutes les activités entre la

21 Protection Civile et les membres de la 306e Brigade de

22 Montagne qui devaient être entreprises pour protéger la population.

23 A partir de ce moment-là,

24 pendant tout leur séjour dans l'école, ils étaient

25 responsables et, tous les jours, ils se sont occupés de satisfaire aux

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1 besoins de ces personnes en matière alimentaire, et autres. A ce moment-là,

2 puisque les combats ont duré avec une très grande intensité jusqu'au 14,

3 mais j'ai suivi ce qui se passait, et dans la vallée de la Bila, y compris

4 après le 14, des civils de la vallée ont été faits prisonniers, notamment,

5 dans le village de Bukovica, on les a emmenés vers une destination

6 inconnue. Des pressions ont été exercées pour que ces personnes puissent

7 rentrer chez elle. Je me suis occupé de satisfaire aux besoins de ces

8 civils et d'assurer leur sécurité.

9 Q. Dites-moi, je vous prie, vous disposiez d'informations selon lesquelles

10 l'ABiH avaient emmené ces personnes vers Mehurici pour assurer leur

11 sécurité. Mais savez-vous en dehors de cela quel était l'avis qu'avait

12 cette population, la population concernée ? Est-ce qu'elle voulait rester

13 ou partir de ce village ?

14 R. Certaines de ces personnes ne voulaient pas rester dans le village

15 parce qu'elles avaient peur. La guerre faisait rage en Bosnie-Herzégovine,

16 et ces personnes savaient qu'après les combats, il y avait des individus

17 isolés ou des groupes d'hommes incontrôlés. Il faut se rappeler que la

18 population était affamée. C'était un fait connu de tous qu'il y avait

19 beaucoup de vivres dans les villages croates, et ces groupes se livraient à

20 des actes de pillage. Si les civils restaient dans ces villages, qu'ils

21 gênaient ces groupes, ils savaient qu'ils couraient un danger. C'est la

22 raison pour laquelle ils demandaient à ce qu'on assure leur protection.

23 Q. Merci beaucoup. Enfin, j'aimerais vous demander si vous avez reçu des

24 renseignements de vos subordonnés au sujet de mauvais traitements infligés

25 à ces civils, de vos subordonnés ou de représentants d'organisations

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1 internationales ?

2 R. Non, bien au contraire. En quittant Mehurici, parce que je connaissais

3 certaines des personnes qui étaient dans l'école, c'étaient des collègues à

4 moi auparavant. Ils m'ont remercié pour les soins qu'ils avaient obtenus,

5 pour l'affabilité dont on avait fait preuve à leur égard, pour le bon

6 traitement qu'il leur avait été réservé, en disant qu'ils avaient reçu

7 beaucoup plus à manger que même les membres de l'ABiH.

8 Q. Est-ce que ces personnes ont pu retourner dans leurs villages ? Est-ce

9 qu'elles ont pu bénéficier de l'aide d'organisations internationales pour

10 rentrer chez elles ?

11 R. A ce moment-là, il n'y avait pas de choix. Un peu plus tard, on leur a

12 donné le choix soit de rentrer chez elles pour, notamment, y prendre les

13 objets de valeur qui pouvaient s'y trouver. Nous, nous n'étions pas en

14 mesure d'assurer leur sécurité pour leur permettre de faire tout cela. Ces

15 personnes demandaient cela. Nous avons respecté toutes leurs autres

16 demandes. Finalement, ces personnes ont pu, avec l'aide de la FORPRONU,

17 quitter la région, et sous escorte de la FORPRONU se rendre à Nova Bila.

18 Q. Merci beaucoup.

19 M. RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président. Je n'ai plus de

20 questions à poser à ce témoin.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats ?

22 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] En ce moment même, Monsieur le Président,

23 nous n'avons pas de questions pour ce témoin.

24 L'INTERPRÈTE : Micro, Monsieur le Président, je vous prie.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je disais que nous allons faire la pause. Il est 16

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1 heures 20. On va faire une pause de 20 minutes au maximum, 20, 25 minutes,

2 et nous reprendrons dans 25 minutes, c'est-à-dire, à 16 heures 45, et nous

3 y irons jusqu'à

4 18 heures.

5 --- L'audience est suspendue à 16 heures 23.

6 --- L'audience est reprise à 16 heures 55.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. J'avais dit cinq heures

8 moins quart. Apparemment, il y a une erreur sur le transcript.

9 Je me retourne vers l'Accusation. Les Juges, nous aurions entre dix

10 et 15 minutes. Est-ce que vous pouvez boucler vos questions en une demi-

11 heure, trois quarts d'heure ?

12 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

13 vais essayer d'en terminer en 45 minutes. Je pense que c'est possible.

14 Contre-interrogatoire par M. Neuner :

15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Husic, je m'appelle Mathias Neuner,

16 et je comparais ici en tant que représentant de l'Accusation. Comme vous

17 venez de l'entendre, le temps nous est compté. Je vais m'efforcer de

18 formuler mes questions le plus précisément possible, et je vous demanderais

19 d'avoir l'amabilité de répondre assez brièvement également, en vous

20 concentrant sur l'objet de la question. Vous m'avez compris ?

21 R. Oui.

22 Q. Monsieur Husic, au mois de mai 1992, vous faisiez partie du MOS,

23 d'après ce que vous avez dit dans votre déposition.

24 L'INTERPRÈTE : Le témoin fait un mouvement de la tête.

25 M. NEUNER : [interprétation]

Page 10903

1 Q. Pouvez-vous expliquer aux Juges de cette Chambre ce que signifie le

2 sigle "MOS" ? Est-ce qu'il signifie forces musulmanes ?

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin n'a

4 jamais dit qu'il faisait partie du MOS.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, l'Accusation.

6 M. NEUNER : [interprétation] En page 85 du compte rendu de l'audience

7 d'aujourd'hui, je lis certaines autres forces, et je vois "MOS" au compte

8 rendu d'audience. C'est la raison pour laquelle je pose la question au

9 témoin.

10 Q. Pouvez-vous, Monsieur, je vous prie, éclaircir ce point dans l'intérêt

11 de chacun, dans ce prétoire. En mai 1992, de quelle force faisiez-vous

12 partie ?

13 R. Je n'ai jamais fait partie ni du HOS, ni du MOS. Je n'ai fait partie

14 que des forces qui étaient les forces légales défendant la Bosnie-

15 Herzégovine, l'armée légale de la Bosnie-Herzégovine, à savoir, la Défense

16 territoriale.

17 Q. Si je vous ai bien compris, vous faisiez partie de la Défense

18 territoriale en mai 1992 ?

19 R. Oui.

20 Q. Passons, maintenant, en novembre 1992. Vous avez dit que vous étiez

21 adjoint au commandant chargé du moral des troupes, de l'information, de la

22 propagande et des questions religieuses au sein de la 306e Brigade, n'est-

23 ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Pourriez-vous rapidement décrire les fonctions principales qui

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1 incombent à cet adjoint du commandant ? Que fait-il exactement ?

2 R. Les fonctions principales incombant à l'adjoint du commandant chargé du

3 moral des troupes, de la propagande, de l'information et des questions

4 religieuses, consistent au sein de l'unité, à permettre le fonctionnement

5 de cette unité en maintenant le moral à un niveau suffisant. Par ailleurs,

6 il doit également informer le commandant et les combattants des questions

7 politiques qui surviennent, et organiser la vie religieuse. Cet adjoint du

8 commandant agit ainsi par le biais des instances à sa disposition au sein

9 de la brigade et le long de la chaîne hiérarchique jusqu'au niveau de

10 l'escadron. C'est exactement ce que j'ai fait. Bien entendu, dans le cadre

11 de mes tâches d'information et de formation, je devais informer l'unité sur

12 les questions de droit international et sur tous les principes qui doivent

13 être respectés dans le cadre du fonctionnement d'une unité.

14 Q. Vous avez dit que vous avez mené à bien ces activités à tous les

15 niveaux de la brigade. Pourriez-vous nous dire exactement ce que

16 constituent ces différents niveaux ?

17 R. L'adjoint du commandant chargé du moral des troupes au sein du

18 commandement de la brigade, travaillait avec l'équipe de personnes qui

19 étaient chargées des affaires sociales, de toutes les difficultés qui

20 pouvaient se poser, des soins à apporter aux blessés, aux familles des

21 personnes tuées, toutes les informations qui étaient fournies aux

22 combattants. C'étaient des gens qui, en équipe, avec le commandant Osgoode

23 [phon], était chargé du moral des troupes. Au niveau du bataillon, le

24 commandant avait également des assistants qui étaient chargés du moral des

25 troupes au niveau des brigades et ils étaient les assistant des commandants

Page 10905

1 des brigades. Tous ces gens travaillaient au sein d'une équipe et les

2 commandants de compagnies avaient également des personnes qui étaient

3 chargées du moral des troupes et qui devaient faire passer jusqu'aux

4 combattants toutes les informations relatives à la formation au sein de ces

5 unités.

6 Q. Est-ce que vous-même vous êtes allé au combat ?

7 R. Oui.

8 Q. Vos fonctions consistaient en partie à rester auprès des hommes qui

9 participaient aux combats, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que vous étiez également chargé de vous adresser aux hommes,

12 avant qu'ils ne partent aux combats ? Est-ce que vous étiez chargé, à ce

13 moment-là, de leur donner des conseils ?

14 R. Chaque combat supposait des préparatifs lorsque c'était possible et

15 notamment, la préparation du moral des troupes. Malheureusement, le plus

16 souvent, on était dans une situation défensive et on n'était pas en mesure

17 de se préparer. Chaque fois que c'était possible, nous essayions de le

18 faire quand il y avait des accalmies dans les combats ou pendant les

19 préparatifs, je passais de tranchée en tranchée et je passais le plus clair

20 de mon temps avec mes hommes.

21 Q. Vous dites que vous passiez le plus clair de votre temps avec vos

22 hommes. Est-ce que ce temps que vous passiez avec eux, vous le passiez à

23 vous entretenir avec eux, à vous renseigner sur le moral des troupes ? Est-

24 ce qu'au cœur même de votre fonction, se trouve cette idée, cette fonction

25 qui consiste à parler avec les membres de la brigade des bataillons ?

Page 10906

1 R. Oui.

2 Q. A partir des informations que vous avez recueillies en vous entretenant

3 avec les hommes, est-ce que vous étiez tenu de rédiger des rapports ?

4 R. Oui.

5 Q. Ces rapports, est-ce que c'étaient des rapports qui étaient adressés au

6 commandement de votre brigade ou est-ce que c'était des rapports qui

7 parvenaient jusqu'aux différentes instances du

8 3e Corps, les organes, notamment, chassés [phon] de l'information de la

9 propagande et du moral et des affaires religieuses ?

10 R. Dans les deux directions. Nous devions présenter des rapports à nos

11 commandants supérieurs pour les informer de la situation dans les unités.

12 Quant à l'autre direction, si je puis dire, c'est-à-dire les combattants,

13 les gens sur le terrain, les personnes qui étaient subordonnées, il fallait

14 les informer dans la mesure où c'était nécessaire. C'était un processus qui

15 allait dans les deux directions, vers le haut et vers le bas.

16 Q. J'ai une question. Est-ce que dans la majorité des cas, vous rendiez

17 compte aussi bien au commandant de la brigade qu'à l'organe du 3e Corps que

18 vous avez mentionné ?

19 R. Je déposais un rapport auprès du commandant de la brigade, en tant

20 qu'adjoint du commandant, au sujet de la situation dans les unités. Il y

21 avait pour l'unité un rapport qui était destiné à l'organe chargé du moral

22 des troupes au sein du corps, au niveau du commandement Suprême.

23 Q. Vous nous avez dit qu'en novembre 1993, vous avez été déployé avec le

24 3e Corps et avec l'organe chargé de la propagande de la formation des

25 affaires religieuses et du moral des troupes; est-ce bien exact ?

Page 10907

1 R. Le 30 novembre 1993, j'ai quitté la 306e Brigade de Montagne et,

2 ensuite, pendant environ 3 mois, je me trouvais aux postes avancés du

3 commandement Suprême des forces armées de Bosnie-Herzégovine à Kakanj.

4 Ensuite, j'ai rejoint les unités du 3e Corps et j'ai été incorporé dans

5 l'organe qui était chargé du moral des troupes, au sein du 3e Corps et du

6 commandement du 3e Corps. C'est là que je suis resté jusqu'à la fin de la

7 guerre.

8 Q. Combien de temps êtes-vous resté à Kakanj, au poste de commandement

9 avant celui du commandement Suprême ? Vous dites que c'est le 30 novembre

10 que vous y êtes allé, mais pendant combien de temps êtes-vous resté à ce

11 poste ?

12 R. Une fois que je me suis présenté à cet endroit, on m'a envoyé m'occuper

13 de la situation au niveau du 3e Corps. Concrètement en personne, j'y suis

14 resté moins longtemps que cela ne figure dans le rapport parce que, tout en

15 vaquant à certaines occupations pour le commandement du 3e Corps, tout en

16 travaillant pour le commandement du 3e Corps, j'étais officiellement

17 enregistré comme faisant partie de l'état-major Suprême de Kakanj. Disons

18 qu'au total, j'y suis resté 3 mois.

19 Q. Ensuite, vous avez été versé au sein du 3e Corps dans l'organe chargé

20 de l'information, des questions religieuses, de la propagande, et cetera.

21 Est-ce qu'à ce moment-là, ce poste, vous deviez rendre compte à votre

22 commandant au sein du 3e Corps et au sein de ce commandement Suprême à

23 l'instance chargée des affaires religieuses, du moral des troupes et de la

24 propagande ?

25 R. Oui. D'abord, je devais rendre compte au commandement du 3e Corps. En

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1 tant que commandant adjoint, je participais à toutes les activités qui

2 concernaient le corps d'armée. Le commandant du corps, lui, relevait du

3 commandant de l'état-major, commandement Suprême. L'organe chargé du moral

4 des troupes était dirigé au niveau de l'état-major du commandement Suprême.

5 C'est de cette instance qu'il relevait.

6 Q. Revenons aux comptes rendus que vous étiez tenu de rédiger

7 régulièrement, aux rapports que vous rédigiez, une fois que vous aviez reçu

8 des informations, après avoir rendu visite aux hommes sur le terrain. Je

9 parle ici de vos fonctions en tant que commandant adjoint au sein de la

10 306e Brigade, chargé de la Propagande, de l'Information et des Questions

11 religieuses. A ce moment-là, vous étiez chargé de rédiger des rapports sur

12 ce que vous aviez entendu ou appris en vous entretenant avec les soldats ?

13 R. Parfois, il s'agissait d'informations qui nous étaient transmises par

14 les combattants, parfois il s'agissait simplement d'informations qui

15 avaient trait aux événements qui se déroulaient dans la zone élargie de la

16 vallée de la Bila, des informations qui nous étaient communiquées par les

17 civils. On transmettait ce type d'information au commandant.

18 Dans l'autre sens, on informait les combattants de la situation

19 générale en Bosnie-Herzégovine, de ce qui se passait au sein de la

20 communauté internationale et de l'attitude notamment de la communauté

21 internationale, s'agissant du conflit en Bosnie-Herzégovine.

22 Q. Combien y avait-il d'assistants du commandant, de commandants adjoints

23 au sein de la 306e Brigade pendant que vous y avez été affecté ?

24 R. Je ne comprends pas votre question. Le commandant avait un adjoint

25 chargé de la propagande, de l'information, de la propagande des affaires

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1 religieuses. Il y en avait qui étaient chargés des affaires financières, un

2 autre qui était chargé de la logistique. En fait, il avait 6 adjoints en

3 tout, autant que je m'en souvienne.

4 Q. L'un de ces six adjoints, c'était celui qui était chargé…

5 des affaires de sécurité, le commandant adjoint chargé des affaires de

6 sécurité ?

7 R. Oui.

8 Q. L'essentiel de ses fonctions consistait à enquêter sur d'éventuels

9 crimes, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, oui. Pas seulement lorsque des crimes étaient commis. Il était

11 chargé de la situation de la sécurité au sein de la brigade de manière

12 générale.

13 Q. Les informations qui avaient trait à la sécurité, aux crimes commis,

14 éventuellement aux enquêtes, tout ceci, toutes ces informations, elles

15 venaient de ce commandant ou de ce commandant adjoint, plutôt ?

16 R. Pas forcément, parce que le rapport envoyé quotidiennement par la

17 brigade était constitué de différents rapports qui avaient tous trait à la

18 situation de combat.

19 Q. S'il y avait quelqu'un qui était chargé de mener une enquête, c'était

20 justement cet adjoint ou commandant, chargé de la Sécurité au sein de la

21 brigade ?

22 R. Oui.

23 Q. Il y avait des collaborateurs spécialisés chargés de mener à bien ce

24 genre d'activités, qui faisaient rapport de leurs activités au commandant

25 adjoint, chargé de la Sécurité ?

Page 10910

1 R. [inaudible]

2 Q. J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de l'école de

3 Mehurici. Vous nous avez dit que des Moudjahiddines y étaient logés.

4 Pendant quelle période, à quel moment ?

5 R. Ils y ont été hébergés au cours de l'automne 1992, pendant une certaine

6 période de temps, mais, avec l'arrivée du 1er Bataillon de la 306e Brigade

7 dans cette école, ils sont partis; cependant, il y avait un certain nombre

8 de pièces et de vivres qui ont été laissées à leur disposition même pendant

9 cette période de temps parce que le bâtiment avait été réquisitionné pour y

10 héberger les soldats, le bataillon. En fait, au début, ce n'était pas un

11 bataillon, c'était un détachement. Ensuite, le bataillon est arrivé. Je ne

12 peux pas vous donner les dates exactes. Je ne sais pas exactement combien

13 de temps cela a duré.

14 Q. Vous nous dites que les Moudjahiddines ont quitté l'école pour aller

15 s'installer à Poljanice, si j'ai bien compris, c'est-à-dire, aux environs

16 de Mehurici, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. A quelle distance de l'école se trouve ce camp, ce site où se sont

19 installés les Moudjahiddines ? Est-ce que c'est un endroit qui se trouve à

20 un kilomètre ou plus loin ?

21 R. Le terme de "Moudjahiddines," on a commencé à l'utiliser pour désigner

22 ces personnes beaucoup plus tard. Comme je l'ai déjà dit, au départ, quand

23 on parlait d'eux, on les désignait sous le terme "d'Arabes." La plupart

24 d'entre eux étaient des personnes qui travaillaient dans le domaine

25 humanitaire. Ils sont allés à Poljanice, qui se trouve à seulement deux ou

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1 trois kilomètres de l'école de Mehurici.

2 Q. Vous nous avez dit qu'à un certain moment en 1993, Mehurici, ou du

3 moins la partie de cette localité qui était tenue par l'ABiH, était très

4 difficile d'accès. Vous nous avez expliqué qu'il y a trois des entrées, des

5 côtés qui n'étaient pas accessibles. On ne pouvait sortir que d'un seul

6 côté, n'est-ce pas ? Est-ce que vous pouvez nous le confirmer ?

7 R. Malheureusement, je crois qu'on ne s'est pas bien compris. Mehurici ne

8 pouvait pas être contrôlée par eux, c'était contrôlé par les civils.

9 L'école de Mehurici avait été réquisitionnée pour l'ABiH. On contrôlait

10 l'école. Le pilonnage de Mehurici par le HVO, ainsi que le pilonnage

11 d'autres villages, d'une douzaine de villages, n'a rien à voir avec l'ABiH.

12 Nous, nous avons été pilonnés par les membres du HVO.

13 Q. Je ne vous pose pas de questions au sujet du pilonnage. Je vous pose

14 une question --

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, une petite

16 correction que je souhaite apporter à la page 121 du compte rendu

17 d'audience, ligne 12. Parce que, si on lit le compte rendu d'audience, on

18 peut voir la phrase suivante : "They wanted the control," et cetera. Ils

19 voulaient le contrôle. Mais ce n'est pas ce qu'a dit le témoin. Il a dit

20 que c'étaient les civils qui contrôlaient le village.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Veuillez poursuivre.

22 M. NEUNER : [interprétation]

23 Q. Page 92, vous nous avez dit que les sorties étaient bloquées, trois

24 sorties étaient bloquées, trois aires de sorties. Il n'y avait qu'une voie

25 par laquelle on pouvait sortir de la vallée, pas de Mehurici, mais de la

Page 10912

1 vallée, et que la population musulmane, la majorité musulmane ne pouvait

2 sortir qu'en empruntant une seule voie de sortie; c'est bien exact ?

3 R. Non. J'ai parlé de trois sorties, trois voies de sortie de la vallée de

4 la Bila, c'est-à-dire, toute la zone où vivaient à la fois des populations

5 bosniennes et croates. Une zone géographique qui est isolée.

6 Cette zone, elle comptait trois voies de sortie. Celle qui passait

7 par Guca Gora et qui allait à Travnik; la route qui passait par Zabilje et

8 qui allait à Vitez, et la route qui passait par Ovnak et qui allait à

9 Zenica. Or, ces trois routes, ces trois voies de sortie, elles étaient

10 bloquées. De par le fait, la totalité de la vallée était bloquée pour la

11 population musulmane libre. Pendant qu'on était déployé contre les

12 Chetniks, la population de culture croate avait construit des routes qu'ils

13 pouvaient utiliser librement pendant toute cette période.

14 Q. C'est exactement ce que je veux dire. C'est là que je veux en venir.

15 Cette population à grande majorité bosnienne était coincée par cette

16 vallée. Elle ne pouvait en sortir qu'en empruntant un seul axe de sortie,

17 une seule voie de sortie; est-ce exact ?

18 R. Non, la population ne pouvait utiliser aucun de ces axes, aucune de ces

19 voies pour sortir de la vallée.

20 Q. J'imagine que s'il est si difficile de sortir de la vallée, et là, on

21 parle de l'année 1993, j'imagine que dans ces conditions, on finit par

22 connaître tout le monde. Tout le monde connaît tout le monde. Les problèmes

23 qui se posaient dans cette vallée, tout le monde les connaissait, tout le

24 monde les partageait ?

25 R. Une fois encore, il faut que je me répète. La population croate, dans

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1 les villages où habitait la population croate, la population croate a

2 construit de nouvelles routes qui ne pouvaient pas être contrôlées par la

3 population bosnienne. Quant à la population bosnienne, et je parle aussi

4 bien des civils que des militaires, qui se trouvait dans cette vallée, elle

5 était complètement coupée du reste du monde. Les gens ne pouvaient pas

6 emprunter les voies qui passaient par des points de contrôle du HVO. Vous

7 n'avez pas la permission de le faire, donc il n'était pas possible pour sa

8 population d'entrer et de sortir de cette zone.

9 Q. J'avais bien compris. Ce que je voulais dire, c'est que, quand on a une

10 situation telle que celle que vous nous décrivez, est-ce que cela ne

11 signifie pas que les problèmes rencontrés par un groupe ou par certaines

12 personnes deviennent les problèmes de tous ? Parce que ces problèmes sont

13 partagés si l'on peut dire, tout le monde connaît tout le monde puisque

14 ceux sur lesquels on doit compter, ceux dont on dépend ce sont les autres,

15 ceux qui habitent aussi dans la vallée.

16 R. Bien sûr. Mais au cours de toutes les négociations de tous les

17 pourparlers, la population civile, parce qu'il faut que je vous dise que

18 ces pourparlers faisaient souvent intervenir aussi bien des militaires que

19 des civils. On peut dire que là, leur attitude était complètement

20 différente de l'attitude du HVO.

21 A de très nombreuses reprises -- à des dizaines de reprises, ils se

22 prononçaient contre ces blocus qui nous étaient imposés parce qu'ils

23 savaient pertinemment que cela allait créer de graves souffrances au sein

24 de la population. Si bien que la population croate, très souvent, la

25 population civile était opposée aux activités du HVO parce qu'elle tenait à

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1 maintenir la cohabitation avec l'autre communauté qui habitait là.

2 Q. Les unités qui se trouvaient dans cette vallée se connaissaient ? Parce

3 que ces unités qu'elles soient de l'ABiH, des Moudjahiddines, et cetera,

4 tous les gens qui appartenaient à ces unités se connaissaient, parce qu'ils

5 étaient dans la même vallée. Vous venez de nous dire que cette vallée, on

6 ne pouvait y accéder ou en sortir que par un seul itinéraire.

7 R. Une fois encore, je pense devoir vous corriger. Sans l'autorisation du

8 HVO, personne ne pouvait soit entrer, soit sortir de la vallée de la Bila.

9 Nul n'avait l'autorisation de passer.

10 Pour ce qui est des unités qui se trouvaient dans la vallée de la

11 Bila, ou pour ce qui est des groupes, ou pour ce qui est des membres des

12 autres unités, parce qu'après tout je vivais à Sarajevo depuis 1973, il y a

13 beaucoup de gens dans ces unités que je ne connaissais pas, il y en avait

14 beaucoup qui ne me connaissaient pas, si bien que nous devions nous

15 présenter, nous identifier par le biais de nos uniformes et de nos

16 insignes, d'une part.

17 D'autre part, les membres du HVO, en particulier, après la mise en

18 place de la Brigade Frankopan et, si on veut être précis, après le 15

19 avril, sur leur territoire, ils comptaient un bon nombre de personnes,

20 d'individus qui venaient d'ailleurs, dont ils refusaient toujours de

21 parler, ils refusaient de dire d'où venaient ces gens, qui ils étaient,

22 mais ils parlaient de leurs membres. S'agissant des véritables membres de

23 la Brigade de Frankopan, ils étaient connus de la majorité des membres de

24 la 306e Brigade. On pouvait également déterminer qui ils étaient à partir

25 de leur accent, à partir de leur façon de parler. Nous savions également

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1 qui étaient les autres.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

3 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il y a une petite

4 erreur qui pourra être -- cependant, avoir des séquences. On ne la voit

5 plus à l'écran parce que le témoin a parlé longtemps. Page 123, ligne 22,

6 au compte rendu d'audience, on parle des Unités des Moudjahiddines, or le

7 témoin n'a pas, pendant sa déposition, mentionné d'Unités de

8 Moudjahiddines.

9 M. NEUNER : [interprétation] J'aimerais que l'Huissier présente au témoin

10 le document portant la cote P664.

11 Q. A la page 2, au milieu du premier paragraphe.

12 R. Oui.

13 Q. D'abord, j'aimerais que vous vous reportiez à la toute dernière page;

14 est-ce que vous avez signé ce document ?

15 R. Oui.

16 Q. Maintenant, j'aimerais que l'on regarde ensemble la page 2, au milieu

17 du deuxième paragraphe.

18 R. Oui.

19 Q. Veuillez lire le passage qui a trait à Miletici au milieu du deuxième

20 paragraphe.

21 R. Je cite : "En plus de tout cela, il y a eu un incident malheureux du

22 village de Miletici où après qu'un Arabe a été blessé par une mitraillette

23 de calibre de 84 millimètres, où il a été blessé à trois reprises. Un

24 groupe de Moudjahiddines avec quelques personnes de Mehurici a soudain pris

25 l'initiative de tuer cinq Croates, cinq habitants croates de l'endroit, et

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1 de faire prisonnier un certain nombre d'habitants aussi bien croates que

2 musulmans."

3 Q. Merci beaucoup. D'après ceux qui ont rédigé ce document, qui était les

4 auteurs de ces actes. Pouvez-vous nous le répéter, s'il vous plaît, pour

5 que cela soit consigné au compte rendu d'audience ?

6 R. Les auteurs de ce crime étaient les étrangers qui se trouvaient dans ce

7 village. Ce document je l'ai dirigé en tant que responsable du moral des

8 troupes. Je l'ai rédigé sur la base d'information que j'ai reçue de manière

9 officieuse. Ce document, c'est une chose, mais il faut savoir qu'après

10 enquête, il y a eu un rapport qui a été soumis plus tard, que l'on pourra

11 trouver au sein des dossiers de la 306e Brigade. Dans ce deuxième rapport,

12 on décrit plus précisément cet événement.

13 Q. Vous avez parlé de source officieuse d'information; est-ce que vous

14 pouvez nous en dire un peu plus à ce sujet ?

15 R. Notre façon d'informer aussi bien le commandement Suprême que les

16 unités qui nous étaient subordonnées, c'était de le faire à partir

17 d'information reçue par les membres individuels des unités. Je n'étais pas

18 en charge de l'enquête concernant cet événement en particulier, mais ce que

19 j'ai dit sur cet événement, cela repose sur les informations que j'ai

20 reçues des unités d'échelons inférieurs, tels que les commandements des

21 bataillons.

22 Il faut savoir que le niveau d'éducation des membres de ces

23 formations était tel que très peu d'entre eux avaient fait le lycée.

24 C'était le cas de la majorité de la population, d'ailleurs, dans la vallée

25 de la Bila.

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1 Q. Pour que tout soit clair, vous dites que vous receviez des

2 renseignements des niveaux inférieurs des unités, tel le commandement des

3 bataillons; est-ce que vous parlez de la 306e Brigade ? Ou est-ce que vous

4 voulez dire -- enfin, il y a quelque chose que je ne comprends pas. Le

5 niveau inférieur de commandement, est-ce qu'il représente des canaux

6 officieux ?

7 R. Non. Mais le second du commandant, au sein du bataillon, recevait des

8 renseignements fondés sur ce qu'on racontait dans les villages. Il n'allait

9 pas dans les villages, moi non plus d'ailleurs. Il ne menait pas d'enquête,

10 moi non plus d'ailleurs. Mais notre tâche consistait à informer nos

11 supérieurs au sein du commandement, au sujet de cet événement, car cet

12 événement risquait d'avoir des répercussions négatives sur la situation au

13 sein de l'unité ou sur les rapports entre les différentes unités présentes

14 dans la région.

15 Q. Quel était le nom du commandant second dont vous venez de parler, je

16 vous prie ?

17 R. Je crois qu'il s'agit de Gamal Husic, mais je n'en suis pas sûr. Je ne

18 suis pas sûr que cas échéant fût bien lui, à ce moment-là. Il y avait de

19 très nombreux changements parmi les officiers responsables des niveaux

20 inférieurs de commandement, donc je ne suis pas sûr pour cette période-là.

21 Q. Vous venez de dire que c'est lui qui a transmis des renseignements dont

22 on parlait dans les villages. Lorsque vous dites des villages, parlez-vous

23 du village de Mehurici ou de Miletici ? De quel village parlez-vous

24 exactement ?

25 R. Les villages de Mehurici et de Miletici sont pratiquement un seul et

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1 même village. Ils sont totalement reliés. Il n'y a pas d'espace entre les

2 deux. Cette unité, le bataillon dont je parle, était stationné à Mehurici.

3 J'ai dit également que plus tard, nous avons complété les renseignements

4 que nous avions reçus par d'autres renseignements que nous avons reçus d'un

5 membre du commandement de la brigade, dont le père et l'oncle faisaient

6 partie de ces personnes qui ont été faites prisonnières tout à fait au

7 début. Cet homme, c'était le commandant en second chargé du renseignement

8 au sein de la brigade.

9 Q. Pourriez-vous donner son nom pour le compte rendu d'audience, je vous

10 prie ?

11 R. Dervis Suljic.

12 Q. Le 6 mai, date à laquelle est rédigé ce document, vous avez transmis

13 cette information au commandement du 3e Corps d'armée, n'est-ce pas, le 6

14 mai 1993 ?

15 R. Oui.

16 M. NEUNER : [interprétation] J'aimerais prier, Monsieur l'Huissier, de

17 soumettre au témoin un autre document, un nouveau document.

18 M. DIXON : [interprétation] Monsieur le Président, avant que l'on distribue

19 ce document, je crois savoir de quel document il s'agit car l'Accusation a

20 eu la gentillesse de nous le communiquer à l'avance.

21 J'aimerais vérifier la teneur de ce document pour en être absolument

22 certain, car nous avions une objection à ce que ce document soit soumis au

23 témoin. L'Accusation cherche à verser ce document au dossier par le biais

24 de ce témoin.

25 J'essaierai le plus rapidement possible, Monsieur le Président, de vérifier

Page 10919

1 si c'est bien le document auquel je pense car mon objection est importante.

2 Monsieur le Président, il s'agit bien du document qui nous a déjà été

3 montré un peu plus tôt. J'aimerais d'ailleurs que les Juges de la Chambre

4 dispose d'un exemplaire de ce document de façon à ce qu'ils puissent

5 comprendre mon propos.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Maître Dixon, poursuivez.

7 L'objection, elle tient pour quelle raison ?

8 M. DIXON : [interprétation] Monsieur le Président, vous vous rendrez compte

9 immédiatement que c'est un document qui est d'un type nouveau. Nous n'avons

10 jamais vu encore ce type de document. C'est un document qui vient des

11 services de Sécurité du commandement Suprême.

12 M. NEUNER : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, Monsieur le

13 Président, mais j'aimerais demander que l'on fasse sortir le témoin dans le

14 sens qu'il n'entende pas.

15 M. DIXON : [interprétation] Nous n'avons pas d'objections à ce que le

16 témoin demeure dans le prétoire.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation souhaiterait qu'il sorte.

18 La Défense et la Chambre constatent que c'est la première fois qu'on

19 voit ce type de document. C'est une découverte pour la Chambre. Pouvez-vous

20 nous indiquer l'origine, la provenance ?

21 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

22 Juges, ce document vient de la collection de l'ABiH. Il a été communiqué à

23 la Défense le 27 septembre 2004. La source de ce document, c'est le

24 commandement Suprême des forces de l'ABiH. La raison pour laquelle

25 l'Accusation s'efforce de traiter de ce document, réside en ce que le

Page 10920

1 témoin a dit dans sa déposition qu'à un moment déterminé, il a fait partie

2 du poste de commandement avancé du commandement Suprême. Le témoin a

3 personnellement envoyé un rapport à ses supérieurs, le 6 mai, au 3e Corps

4 d'armée. Ce document du commandement Suprême, date du 8 mai 1993, c'est-à-

5 dire, deux jours après l'envoi par le témoin de son rapport au 3e Corps

6 d'armée. La raison par laquelle nous souhaitons soumettre ce document au

7 témoin, c'est qu'il y ait également question de Miletici. On y trouve des

8 renseignements qui sont en partie identiques à ce que l'on trouve dans le

9 document rédigé par le témoin, et l'autre partiellement.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Dixon, vous avez entendu ce que nous dit

11 l'Accusation. Ce document pourrait être tout à fait officiel puisqu'il

12 émane du commandement Suprême. C'est un bulletin,

13 semble-t-il, un bulletin de situation, où l'on voit des chapitres consacrés

14 à des dates et à des événements. Notamment, il est indiqué une relation de

15 ce qui s'est passé à Miletici.

16 Quelle est l'objection de la Défense ?

17 M. DIXON : [interprétation] Monsieur le Président, ce que vous venez de

18 dire est absolument exact. C'est un document officiel. A notre avis, le

19 témoin qui est ici n'est pas la personne la plus appropriée que par son

20 truchement se fasse le versement de ce document au dossier. Il est exact

21 qu'il a envoyé un rapport au

22 3e Corps d'armée, mais il n'y a aucun rapport entre ce fait et un rapport

23 envoyé au service de Sécurité. Ce qui est encore plus important, c'est

24 qu'il ne faisait pas partie du commandement Suprême, à l'époque. Il est

25 exact qu'en novembre, plus tard, puisque ce document date du mois de mai,

Page 10921

1 il devient partie du commandement Suprême. A l'époque dont nous parlons, il

2 n'avait absolument rien à avoir avec la préparation de ce rapport. Il est

3 peut-être préférable qu'un autre témoin commente les allégations

4 particulièrement cruciales que l'on trouve dans ce rapport. A notre avis,

5 ce serait une erreur de demander à ce témoin-ci de commenter le contenu de

6 ce rapport.

7 Par ailleurs, Monsieur le Président, je tiens à signaler que ce rapport a

8 été communiqué à la Défense en application de l'Article 68 au mois de

9 septembre de cette année, autrement dit, à une date ultérieure à la fin des

10 présentations des éléments de preuve de l'Accusation. Il a été communiqué

11 en même temps qu'un grand nombre de documents émanant des services de

12 Sécurité, qui font encore l'objet de recherches de notre part. Ces

13 documents n'ont pas été versés au dossier pendant la présentation des

14 éléments de preuve de l'Accusation. Nous ne nous attendions pas à ce que

15 ces documents communiqués en vertu de l'Article 68 soient utilisés au cours

16 du contre-interrogatoire.

17 Cependant, nous sommes en train de procéder à des recherches en ce moment

18 même, car certains de ces documents semblent contenir un certain nombre

19 d'inexactitudes. Il est fort probable que nous souhaitions entendre des

20 témoins au sujet de ces documents.

21 Outre le fait que ce témoin n'est pas la personne la plus adaptée à notre

22 avis, car il est prématuré de demander le versement au dossier de ce

23 document à l'heure actuelle, notamment, compte tenu que ces documents ont

24 été communiqués très tard à la Défense, en application de l'Article 68 et

25 que, par ailleurs, ce document est venu dans une liasse de documents. Il y

Page 10922

1 avait 427 documents au total, Monsieur le Président, soit plus de 1 600

2 pages présentées sous format électronique. Nous n'avons eu qu'un mois pour

3 examiner ces documents. A notre avis, ce document ne devrait pas être à

4 l'heure actuelle sous nos yeux. Il est peut-être préférable qu'il soit

5 versé par le biais d'un autre témoin plus tard. C'est le contenu de notre

6 objection, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : On se pose la question fondamentale, est-ce que ce

8 témoin peut reconnaître ce document dans la mesure où ce témoin

9 n'appartient pas au commandement Suprême ? Par ailleurs, c'est moi qui

10 l'indique, dans le chapitre consacré à ces événements, il n'est nullement

11 fait mention de la 306e Brigade. Il l'avait noté. La Défense dit que ce

12 document pouvait être introduit, mais peut-être pas avec ce témoin. Alors,

13 qu'est-ce que vous dites ? Puisque ce témoin ne peut pas reconnaître ce

14 document dans la mesure où il n'est même pas de son niveau d'autorité et

15 que, par ailleurs, c'est moi qui l'indique, en complément de ce qui vient

16 d'être dit, il n'est pas mentionné une référence à la brigade à laquelle

17 appartenait ou était censé appartenir l'intéressé. Je vous redonne la

18 parole à l'Accusation.

19 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

20 Juges, l'Accusation a obtenu elle-même ce document très, très tard. A

21 partir du moment où les documents arrivent dans ce bâtiment, il faut savoir

22 qu'ils doivent être scannés d'abord. Nous avons préparé une liasse destinée

23 à la communication à la Défense pratiquement au moment même où nous avons

24 eu connaissance de l'existence de ce document.

25 Je viens d'être informé, pendant que je parlais, qu'il y a d'autres

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1 documents de cette même collection qui sont arrivés. L'Accusation n'a,

2 d'ailleurs, pas encore eu le temps de les examiner. En effet, je ne dirais

3 pas que ces documents arrivent chaque jour, mais enfin, ils arrivent en

4 grande quantité en tout cas.

5 Je regarde l'heure. L'Accusation estime que nous avons établi le fondement

6 permettant de soumettre ce document au témoin. Nous avons demandé au témoin

7 quelle était la chaîne hiérarchique. Le témoin a témoigné à plusieurs

8 reprises dans cette partie de notre contre-interrogatoire, qu'il avait lui-

9 même envoyé un certain nombre de rapports et reçu un certain nombre de

10 rapports des niveaux supérieurs de l'hiérarchie. Il y a, par exemple, un

11 document, le document P318 de l'Accusation dont l'Accusation estime qu'il

12 est également un moyen de transmettre les ordres du SVK au 3e Corps

13 d'armée. Manifestement, il y avait des relations dans les deux sens entre

14 ces deux organes, le service de Renseignement et le 3e Corps d'armée.

15 En raison des contraintes de temps, je dois simplement dire que

16 l'Accusation a préparé deux documents. 90 % des fautes indiquées dans ces

17 deux documents sont identiques. Enfin, c'est ce que je pense a priori. Il

18 semble même qu'il y a un point particulièrement important où il y a une

19 différence entre les deux. C'est la raison pour laquelle l'Accusation

20 souhaite faire la lumière sur ce point.

21 --- La pause est prise à 17 heures 46.

22 --- La pause est terminée à 17 heures 47.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre a délibéré sur l'objection présentée par

24 la Défense. La Chambre estime qu'elle ne peut autoriser l'Accusation qu'à

25 poser uniquement la question à partir de ce document sur la présence

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1 éventuelle de la 7e Brigade de Miletici. Vous ne pouvez poser la question

2 que sur la présence de la 7e Brigade.

3 Introduisez le témoin.

4 M. NEUNER : [interprétation] Si l'Accusation a bien compris, le document

5 peut être utilisé, mais la question qui vient d'être évoquée ne peut pas

6 être posée; c'est bien cela ?

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez poser la question sur la présence de la

8 brigade qui est mentionnée dans ce document.

9 Je vais résoudre la difficulté. La Chambre va prendre à son compte la

10 question.

11 Monsieur le Témoin, avez-vous connaissance, à votre niveau uniquement, que

12 le commandement Suprême de l'armée éditait des bulletins de situation ?

13 Est-ce que vous, vous le saviez ou pas ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas de quel bulletin vous

15 parlez. Nous recevions du commandement Suprême un certain nombre de

16 renseignements au sujet des événements qui se déroulaient dans toute la

17 Bosnie-Herzégovine. Nous les traitions et les envoyions au niveau inférieur

18 de l'hiérarchie, si c'est à cela que vous pensez.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous présenter juste la première page d'un

20 bulletin, et vous allez nous dire; est-ce que c'est ce type de bulletins

21 que vous aviez ? Vous regardez uniquement la première page.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez jamais vu ce bulletin. Vous ne

24 connaissez pas l'existence d'un document de ce type ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je le vois, à

Page 10925

1 l'instant même où vous venez de me le soumettre.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Si dans un document de cette nature, il est

3 mentionné la présence de certains membres de la

4 7e Brigade musulmane dans la zone du village de Miletici ou de Gornji

5 Miletici, c'est l'appellation exacte du village, habité par une population

6 croate, où cinq villageois auraient été tués. Qu'est-ce que vous dites ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que cela n'est pas possible, pour une

8 raison très simple.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Indiquez-là.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que les membres de la

11 7e Brigade musulmane ne pouvait pas se trouver là, à ce moment-là, sauf

12 peut-être quelques individus en faisant partie qui était peut-être chez

13 eux, en permission.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Les explications rationnelles que vous donnez, si le

15 fait était vrai, cela ne pourrait être que le fait de quelques individus de

16 la 7e Brigade.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, un nombre très limité d'ailleurs parce

18 qu'il y avait très peu d'hommes qui venaient de cette région.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Il a répondu à la question. Je redonne la parole à

20 l'Accusation. Je pense qu'il vous faut encore du temps. Malheureusement, on

21 n'aura pas terminé à 18 heures. Si les interprètes ne peuvent pas faire une

22 prolongation d'une demi-heure, on sera obligé de reprendre demain après-

23 midi. L'Huissier va aller voir les interprètes pour savoir si elles

24 peuvent, éventuellement, prolonger d'une demi-heure et, en fonction de la

25 réponse, on verra s'il convient de poursuivre demain.

Page 10926

1 En attendant, je redonne la parole à l'Accusation pour la poursuite de ses

2 questions.

3 M. NEUNER : [interprétation]

4 Q. Pour rebondir sur votre dernière réponse à la question du Président,

5 vous avez dit qu'il était possible qu'il y ait eu quelques membres de la 7e

6 Brigade en permission. Mais de façon générale, est-ce que la 7e Brigade

7 musulmane de Montagne, où une unité quelconque de cette Brigade était

8 stationnée à Mehurici en 1993, plus précisément en avril 1993 ?

9 R. En 1993, aucune unité de cette Brigade ne pouvait y être stationnée,

10 hormis un bataillon de la 306e Brigade de Montagne, aucune autre unité en

11 tant qu'unité. Il y avait des groupes armés pour lesquels il est, en fait,

12 difficile de déterminer de qui ils dépendaient puisque, dans la majorité

13 des cas, il s'agissait d'individus isolés qui, au moment de la

14 transformation de l'armée, de la restructuration des unités, sont restés en

15 marge, ils ne se sont intégrés à aucune unité.

16 Q. Pour que tout soit clair, je me demande où vous étiez stationné en

17 avril 1993 ? A Mehurici, ou dans un autre lieu ?

18 R. Le siège du commandement se trouvait dans la localité de Rudnik, dans

19 le village de Baja, mais ma famille, mon épouse et mes enfants étaient dans

20 le village de Dub. Je faisais souvent le voyage, Mehurici se trouvait sur

21 ma route lorsque je rendais visite à ma famille. Sur ma route, il y avait

22 aussi les unités qui étaient stationnées sur le mont Vlasic.

23 Q. A quelle fréquence vous rendiez-vous à Mehurici depuis Baja ou depuis

24 Dub ? A quelle fréquence alliez-vous à Mehurici ?

25 R. Certainement au moins une fois par semaine, mais il m'arrivait

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1 fréquemment d'y aller plusieurs fois par semaine.

2 Q. Combien y a-t-il de kilomètres entre ces deux localités et Mehurici ?

3 Lorsque je dis ces deux localités, je pense à Baja et à Dub.

4 R. Dub est à quelques kilomètres de Mehurici, lorsqu'on va la direction du

5 mont Vlasic. Le village de Baja, je ne saurais vous dire quelle est la

6 distance en kilomètres exactement, mais je pense qu'il doit y avoir 3 ou 4

7 kilomètres entre Baja et Mehurici. Peut-être un tout petit peu plus.

8 Q. Vous avez dit qu'il y avait des membres de la 7e Brigade musulmane de

9 Montagne qui faisaient partie de certains groupes. Est-ce que vous pouvez

10 proposer des noms précis ?

11 R. La 7e Brigade musulmane n'est pas une brigade de montagne, cela, c'est

12 la première chose. Deuxièmement, lorsque je parle d'individus, je ne parle

13 pas de groupes qui font partie de la

14 7e Brigade. Ce que je dis, c'est qu'il y avait quelques membres de la 7e

15 Brigade musulmane qui était nés dans la vallée de la Bila, et qui étaient

16 membres de la 7e Brigade musulmane. Lorsqu'ils allaient en permission, ils

17 rentraient à leur domicile, mais ils n'étaient pas en groupes. C'était des

18 individus isolés qui, tout simplement, allaient chez eux à la maison passer

19 trois ou quatre jours de permission avant de retourner dans la brigade dont

20 ils faisaient partie pour continuer à accomplir les tâches qui étaient les

21 leurs.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Residovic vous avez la parole.

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que

24 le témoin vient de faire la clarté dans sa dernière réponse sur cette

25 question de groupes qui était assez peu claire dans la question de

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1 l'Accusation. Nous venons d'entendre les bonnes explications du témoin.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Les interprètes m'ont dit que, dans un effort, elles

3 peuvent encore tenir une demi-heure car, rappelez-vous, elles sont là

4 depuis 9 heures ce matin, et l'interprétariat est une fonction épuisante.

5 L'Accusation, il vous faut encore combien de temps ?

6 M. NEUNER : [interprétation] Je ne crois pas avoir besoin de plus de cinq

7 minutes, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, allez-y.

9 M. NEUNER : [interprétation]

10 Q. Monsieur Husic, vous nous avez parlé de personnes qui étaient en

11 permission dans la zone de Mehurici. Est-ce que vous pouvez nous donner des

12 noms ? Est-ce qu'il y a certains de ces individus que vous connaissiez ?

13 R. Oui, il y en avait que je connaissais de vue, mais, à ce moment-là,

14 c'était impossible pour moi de savoir qui était membre de telle ou telle

15 unité, depuis combien de temps. Hamid Suljic qui est un très bon ami à moi,

16 était membre de la 7e pendant un certain temps. Pour les autres, très

17 franchement, je ne sais pas parce que, de 1973 à 1992, je n'habitais pas

18 dans cette région. J'habitais à Sarajevo, c'est-à-dire à 100 kilomètres de

19 là, à 100 kilomètres de cette zone.

20 Q. En dehors de votre ami Hamid Suljic, comment saviez-vous que ces

21 individus étaient membres de la 7e ?

22 R. [inaudible]

23 L'INTERPRÈTE : Nous n'avons pas entendu le témoin.

24 M. NEUNER : [interprétation]

25 Q. Pourriez-vous répéter votre réponse ? Elle était inaudible.

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1 R. Vous me demandez comment il se faisait que je savais que ces individus

2 appartenaient à la 7e. Les individus, qui étaient membres ou pas de la 7e

3 ou d'une autre unité, je ne les connaissais pas. Je ne les connais pas.

4 Ee manière générale, je sais qu'un certain nombre de conscrits de la zone

5 de Bila appartenaient à la 7e. Vous dire qui, ils étaient, où ils

6 trouvaient exactement, pendant combien de temps, depuis combien de temps

7 ils étaient membres, je ne le sais pas. Je ne peux pas le savoir.

8 Quand il y avait des incidents, parfois nous recevions des

9 protestations, des plaintes, que nous transmettions au corps qui donnait

10 l'ordre de diligenter des enquêtes qui étaient réalisées par la 7e. C'est

11 un mois après que l'on a réalisé que des gens qui s'étaient présentés comme

12 faisant partie de la 7e, ils n'en faisaient, en fait, pas du tout partie.

13 S'agissant de la zone d'Alihodze, Zolote et Kljaci, nous savions

14 qu'il y avait là un certain nombre de membres de la 7e mais je ne peux pas

15 vous donner leurs noms parce que je ne les connais.

16 Q. J'en viens au dernier sujet que je souhaite aborder avec vous. Vous

17 avez parlé de formation qui était dispensée par les Moudjahiddines ou des

18 étrangers. Vous parlez de ce qu'on pourrait traduire par, soit formation,

19 soit entraînement. Qu'est-ce que vous voulez dire exactement par là ?

20 R. Jamais je n'ai assisté à ces séances; cependant, j'ai entendu dire

21 qu'un certain nombre de jeunes hommes, qui n'étaient pas majeurs, qui

22 n'avaient pas été mobilisés ou qui n'avaient pas été recrutés, se sont

23 présentés à ces hommes pour recevoir une formation, un entraînement. Leur

24 motivation première, c'était d'avoir un uniforme et parfois une arme en

25 devenant membres d'une unité particulière.

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1 Au moment où on a dispensé cette instruction, ces jeunes, bien entendu, on

2 leur donnait à manger, parfois même on leur donnait un petit peu d'argent.

3 Comme je l'ai déjà dit, le pain, c'était quelque chose d'essentiel pendant

4 toute cette période, dans cette zone.

5 Q. Vous nous dites que des Bosniens qui habitaient dans cette région

6 suivaient un entraînement. C'est ce que vous dite ?

7 R. Oui, un petit nombre. Ce n'était pas un entraînement de très haut

8 niveau, de spécialistes parce que les personnes en question étaient des

9 enfants, des gens qui n'avaient tenu d'armes, si bien que ce qui se passait

10 dans ce camp, cela consistait à apprendre à manier une arme. On ne peut pas

11 dire que c'était un entraînement professionnel, très professionnel ou

12 spécialisé.

13 Q. Vous avez parlé d'un camp où avait lieu cet entraînement, à quel camp

14 faites-vous référence ?

15 R. C'était une simple prairie à côté de Mehurici, non loin des maisons où

16 s'étaient installés ceux qui étaient partis de l'école de Mehurici et ils

17 étaient dans ce hameau de Poljanice.

18 Q. Cet entraînement, il était dispensé par des Bosniens du cru ou par des

19 étrangers ?

20 R. Un peu des deux, je crois. Je ne dispose pas d'informations détaillées

21 sur les personnes précises qui ont dispensé cet entraînement. Nous, dans

22 nos unités, on avait tout ce système d'instruction aussi parce que bon

23 nombre de nos hommes n'avaient pas fait leur service militaire au sein de

24 l'ex JNA. Si bien que chaque unité, on rencontrait au quotidien des

25 problèmes du genre, des blessures que s'infligeaient eux-mêmes les soldats

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1 parce qu'ils ne savaient pas correctement manier les armes, parce qu'ils ne

2 se rendaient pas compte de la portée des armes, et cetera. On rencontrait

3 toutes sortes de difficultés parce qu'on n'avait pas assez de munitions, et

4 cetera. Si bien, qu'il était nécessaire pour nous de dispenser un

5 entraînement à nos hommes. Nous, qui avions été des civils quelque temps

6 auparavant, nous avions besoin de ce genre de formation. Je ne sais pas ce

7 qu'ils faisaient exactement. Je ne sais où cela se passait et quand cela se

8 passait.

9 Q. Vous dites que cet entraînement était dispensé aussi bien par des

10 personnes qui vivaient sur place que par des étrangers. Comment est-ce

11 qu'ils pouvaient, ces étrangers, s'adresser aux habitants de l'endroit ?

12 Est-ce qu'ils le faisaient par le truchement d'interprètes ?

13 R. Tout dépendait des gens et de ceux dont vous parlez. Si vous parlez de

14 ceux qui étaient arrivés entre-temps dans la région, eux, ils ne parlaient

15 pas la langue locale mais certains se sont vite mis à la langue et ont vite

16 réussi à la parler, mais ils avaient parfois besoin qu'on les aide, besoin

17 d'une traduction de temps à autre. Il y en avait d'autres qui étaient nés

18 dans des pays arabes mais ils étaient arrivés en Bosnie-Herzégovine avant

19 la guerre. Ils étaient venus pour étudier, donc eux, ils parlaient la

20 langue. Ils connaissaient la région.

21 Sans oublier qu'un bon nombre de Bosniens étudiaient l'arabe à

22 l'école et ils arrivaient à se faire comprendre plus ou moins. Ils étaient

23 rares, ceux qui pouvaient faire office d'interprètes professionnels à

24 l'époque, surtout dans la zone de Travnik.

25 Q. Vous dites que certains des traducteurs étaient arrivés à un moment

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1 donné avant la guerre en Bosnie-Herzégovine. Vous dites qu'ils faisaient

2 office d'interprètes pendant ces entraînements. Est-ce que vous pouvez nous

3 donner le nom de personnes qui ont fait office de traducteurs,

4 d'interprètes ?

5 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que vous dites ne correspond pas à ce

6 que j'ai dit. D'abord, je n'ai jamais dit qu'il y en avait qui étaient

7 arrivés en tant qu'interprètes avant la guerre. J'ai simplement dit qu'il y

8 avait des gens d'origine arabe qui avaient, qui étudiaient en Bosnie-

9 Herzégovine, qui vivaient en Bosnie-Herzégovine, qui avaient fondé une

10 famille en Bosnie-Herzégovine avant le début de la guerre. C'est cela que

11 j'ai dit.

12 Deuxièmement. J'ai oublié, j'ai oublié le deuxième volet de votre question

13 maintenant.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Regardez la montre.

15 M. NEUNER : [interprétation] Nous n'avons plus de questions, Monsieur le

16 Président.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense a-t-elle, à la suite des questions, des

18 éclaircissements ?

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Deux questions seulement, Monsieur le

20 Président.

21 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

22 Q. [interprétation] M. Husic, savez-vous quelles forces armées, quelles

23 unités étaient en permission le 24 avril à d'autres endroits ?

24 R. Cela, je ne peux pas le savoir, même pour ce qui est des membres de la

25 306e Brigade.

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1 Q. Ma deuxième question est la suivante : ces étrangers dont on a parlé,

2 est-ce qu'ils ont entraîné, est-ce qu'ils ont formé des membres de la 306e

3 Brigade et est-ce que vous vous êtes rendu dans le camp où était dispensé

4 cet entraînement ?

5 R. Non, je ne suis jamais allé dans ce camp. Je n'ai jamais participé à

6 cet entraînement. Il était impossible qu'ils soient impliqués dans

7 l'entraînement des membres de l'ABiH. J'ai déjà indiqué à plusieurs

8 reprises que les jeunes hommes en question avaient entre 16 et 18 ans,

9 c'est-à-dire que c'étaient des jeunes qui, vu la législation, ne pouvaient

10 pas être incorporés dans l'armée.

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

12 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

13 Président.

14 Questions de la Cour :

15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] A la fin de cette journée bien longue

16 pour vous, Monsieur le Témoin, j'ai encore quelques questions à vous poser.

17 Vous nous dites que vous n'avez pas participé à la rédaction du rapport sur

18 les événements de Miletici. Vous n'avez pas participé non plus à l'enquête.

19 Est-ce qu'il en va de même pour le rapport qui a été établi et pour

20 l'enquête qui a été menée pour une autre localité dont l'interprète n'a pas

21 saisi le nom. Est-ce que vous avez participé à cette enquête ?

22 R. Le rapport en question, il a été écrit par moi sur la base des

23 informations que j'ai reçues de la part de personnes qui n'avaient pas

24 participé à ces événements. Il n'était pas obligatoire que les rapports

25 contiennent tous les éléments indiquant et prouvant que les événements

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1 avaient eu lieu de telle ou telle manière. Pour ce qui est de Maline, il y

2 avait des combats, des combats qui avaient duré déjà une vingtaine de jours

3 à ce moment-là. Comme je l'ai déjà dit, les premières informations que j'ai

4 reçues au sujet de Maline, je les ai reçues le 12 juin. Au cours de cette

5 journée du 12 juin, j'ai reçu plusieurs types de renseignements au sujet de

6 divers groupes, de diverses localités. Ce n'est que plus tard que l'enquête

7 réalisée par les services de Sécurité militaire a permis de préciser les

8 tenants et les aboutissants, de fournir plus de détails; cependant, je n'ai

9 pas suivi l'enquête parce qu'on m'en a empêché. J'en ai été empêché par les

10 activités de combat qui étaient en cours.

11 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais il y a eu une enquêteurs menée par

12 le service de Sécurité, notamment par le commandant adjoint chargé des

13 questions de sécurité. C'était

14 M. Delalic à l'époque ?

15 R. Au sein de la 306e Brigade, dès le début, M. Delalic était adjoint au

16 commandant chargé de la sécurité.

17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Nous avons également eu un témoin M.

18 Siljak qui était membre de la 306e Brigade. Il a déclaré que l'enquête sur

19 les événements de Maline avait été réalisée par M. Delalic; est-ce exact ?

20 R. C'était l'adjoint du commandant chargé de la sécurité. Il était tenu de

21 faire cette enquête. Il a fait un rapport au commandant au sujet des

22 événements qui concernaient la sécurité de manière générale, et tout ce qui

23 pouvait perturber cette situation. Vous dire qui a réalisé cette enquête,

24 avec qui et sur quoi exactement, je ne peux pas vous le dire parce que je

25 n'étais pas là.

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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Une fois que ces rapports étaient

2 rédigés, est-ce que vous avez eu en 1993, à l'époque, la possibilité de les

3 lire ?

4 R. Si j'avais essayé de le faire, j'aurais pu. Je pense pouvoir les lire,

5 mais je ne l'ai pas fait parce que, plus tard, quand j'ai parlé avec M.

6 Delalic, il m'a fourni des informations oralement. Il m'a dit que des

7 choses regrettables s'étaient produites, mais que parfois, quand on est

8 dans une situation de combat, il y a des choses qu'on ne peut pas éviter.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je ne sais pas si c'est ce qui s'est

10 passé, mais je voudrais savoir si vous avez eu la possibilité de lire ces

11 rapports avant de venir déposer ici dans le cadre de votre préparation ?

12 R. De quel document parlez-vous exactement ?

13 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Des deux rapports; le rapport de

14 Melitici où vous avez nommé l'auteur de ce rapport, puis je parle aussi du

15 rapport sur Maline. La question à ce sujet, est de savoir si dans le cadre

16 de votre préparation à votre déposition, aujourd'hui, vous avez relu ces

17 rapports, ou vous avez lu ces rapports ?

18 R. Je n'ai jamais lu de rapports préparés par la sécurité militaire.

19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'imagine que vous ne pouvez pas

20 confirmer l'existence de ces rapports, si ces rapports existent toujours;

21 ce que je trouverais assez intéressant quant à moi. Est-ce que vous pouvez

22 nous confirmer -- nous dire si, oui ou non, ces rapports existent encore ?

23 R. Non, je ne sais pas. Je ne peux pas vous le dire. Je ne suis pas en

24 mesure de vous le dire.

25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Revenons très rapidement à Miletici.

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1 J'aimerais idéalement citer un document. Comme nous avons très peu de

2 temps, je ne vais pas vous le présenter; je vais simplement résumer ce dont

3 il s'agit. C'est un document qui date du 27 avril 1993, document P576, un

4 document du HVO dans lequel il est dit, page 3 de ma traduction : "Le

5 massacre de Miletici a été perpétré par les Moudjahiddines et les Musulmans

6 de l'endroit." On nous donne, ensuite, un certain nombre de détails. Puis,

7 on peut lire la chose suivante : "Osman Tahirovic a emmené les

8 Moudjahiddines au village en tracteur. C'est après que s'est produit le

9 massacre." Ma question à ce sujet est la suivante : est-ce que vous

10 sauriez, par hasard, qui est cette personne ?

11 R. Je ne connais pas cet homme.

12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] A votre connaissance, il n'est pas

13 membre de la 306e Brigade ?

14 R. Je suis désolé, mais je ne suis pas capable de vous donner tous les

15 noms des membres de la 306e Brigade. A l'époque déjà, je ne le savais pas.

16 Aujourd'hui, dix ans se sont écoulés depuis tout cela. Etant donné que je

17 ne connais pas cet homme, je ne peux rien dire à son sujet. Ce n'est pas

18 logique cette histoire de tracteur. Combien de gens peut-on transporter

19 dans un tracteur ? Je ne sais pas.

20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] On mentionne des noms. Un certain Vahid

21 Jasarevic; est-ce que cela vous dit quelque chose ou pas ?

22 R. Non, je ne connais pas de Vahid Jasarevic. Je connais pas mal de gens

23 dont le nom de famille est Jasarevic, mais je ne connais personne dont le

24 prénom soit Vahid, et le nom de famille Jasarevic.

25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Le dernier nom que j'ai trouvé, c'est

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1 Vahid Jasarevic. Non, je l'ai déjà dit. Donc Lutvo Malanovic,

2 L'INTERPRÈTE : Sans garantie de l'exactitude du nom.

3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que cela vous dit quelque

4 chose ?

5 R. Malanovic, c'est un nom de famille qui existe à Mehurici. Je connais un

6 homme par ce nom. Mais, aujourd'hui, il n'a plus de ---

7 70 ans. Je ne pense pas que ce soit le même. S'il y a un autre Lutvo

8 Malanovic, en plus de cet homme, de cet homme dont je vous parle et qui est

9 très âgé, or, je ne peux pas vous dire si un autre homme, qui porte

10 exactement le même nom et le même prénom.

11 Q. Passons à Maline maintenant. Quelques questions à ce sujet. Au sujet de

12 ce que vous avez dit sur Maline. Savez-vous qu'après l'enquête dont vous

13 nous avez parlé et qui a eu lieu en juin, il y une autre enquête en octobre

14 de la même année ? Est-ce que vous avez ces informations quelles qu'elles

15 soient au sujet de cela, de cette enquête qui a eu lieu et qui portait sur

16 exactement les mêmes événements ?

17 R. Non. Je ne sais pas.

18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous ne savez pas ? Est-ce que vous

19 n'avez pas entendu dire qu'en octobre, suite à une demande des Nations

20 Unies, cette affaire a fait l'objet d'une nouvelle enquête, et M. Merdan,

21 adjoint au commandant du 3e Corps, a répondu aux Nations Unies en faisant,

22 dans une lettre, le résumé de l'enquête qui avait été menée au sujet de ces

23 mêmes événements ?

24 R. J'ignorais qu'il y avait eu une enquête à partir du moment où les

25 combats ont eu lieu au sujet de cet incident. Cet incident, ainsi que

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1 beaucoup d'autres choses, a eu un impact durable sur le moral des troupes.

2 Nous avons fait de notre mieux pour remplir nos fonctions, qui étaient de

3 continuer à dispenser un entraînement aux hommes et à leur expliquer

4 l'objectif de notre combat, et la nécessité de l'existence de l'ABiH, les

5 structures civiles, la nécessité de l'état de droit; le contrôle qui devait

6 être assuré par des unités bien précises pour empêcher certains soldats de

7 passer d'une unité à l'autre, de se déplacer dans les zones de

8 responsabilité d'autres unités.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous cite un extrait du document

10 P174, 3e alinéa, 3e paragraphe. Je cite : "Les soldats de la 306e Brigade

11 et des citoyens armés qui n'appartenaient pas à l'ABiH ni à ses unités, et

12 qui s'étaient procurés de manière personnelle ou privée des armes, ont

13 participé aux opérations de combat dans la région du village de Maline."

14 Il me semble que cet après-midi, vous nous avez déclaré que les

15 Moudjahiddines n'avaient pas participé au combat. La question que je vous

16 pose, c'est de savoir si d'autres personnes qui n'étaient pas membres de

17 l'armée ont participé ou pas. Vous, vous nous dites qu'en dehors des

18 soldats, personne n'a participé au combat; est-ce que c'est ce que vous

19 nous dites ?

20 R. Je ne peux pas vous le confirmer. Je vous parlais des membres de la

21 306e Brigade qui étaient sous notre commandement. Vous dire ce qui s'est

22 passé ensuite, je ne le sais pas. Vous dire ce qui s'est passé pendant le

23 conflit, je ne sais pas. Tout a été perpétré par des Moudjahiddines et des

24 individus armés qui ne relevaient pas des unités parce que c'étaient des

25 gens qui étaient des réfugiés ou des habitants de l'endroit. Il y avait

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1 beaucoup de gens qui suivaient l'armée et qui essayaient de se procurer de

2 la nourriture, beaucoup étaient armés. Le problème que nous avions, c'est

3 qu'il fallait mener un nouveau combat.

4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je n'ai pas le temps de vous poser

5 beaucoup d'autres questions puisque le moment est venu de permettre aux

6 interprètes de rentrer chez eux après une très longue journée. Je veux

7 simplement dire que j'ai été très frappé par votre déposition par rapport à

8 ce qui figure dans le document P174 qui est signé par l'adjoint au

9 commandant Merdan. Si j'ai bien compris, il nous dit que des gens ont été

10 tués au cours de cette action. Ce qui est complètement différent de ce que

11 vous vous nous avez dit.

12 R. Ce n'est nullement une version différente de celle que je vous ai

13 donnée. Dans la zone de Maline, et cetera, c'était la

14 306e Brigade qui fonctionnait, qui opérait, les membres du 1er et 4e

15 Bataillon de cette 306e Brigade, et dans un certain nombre de villages dont

16 Mehurici, il y a des gens qui ont commencé à mener leur propre bataille,

17 leur propre combat, des combats qui ont duré plus de dix jours.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne maintenant vers la Défense. Quelques

19 secondes, minutes. Oui.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Deux questions seulement, Monsieur le

21 Président.

22 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

23 Q. [interprétation] Monsieur Husic, dites-moi : en 1993, avez-vous pu voir

24 ou lire ou recevoir un document éventuellement envoyé par le conseil croate

25 de la Défense à son état-major ?

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1 R. Il n'y avait aucun moyen pour qu'un quelconque document du conseil

2 croate de défense parvienne jusqu'entre mes mains.

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Je vous

4 remercie.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres Défenseurs ?

6 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous

7 n'avons pas de questions. Sur la base de la dernière réponse du témoin à

8 une question du Juge Swart, nous pensons qu'elle n'était pas complète. Le

9 témoin a parlé de certains villages le long de la ligne, n'est-ce pas ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais en parallèle avec cette ligne, le

11 reste du village est Maline à partir de l'est ou peut-être pas de l'est

12 mais en tout cas de l'axe Suhi Dol-Poljanice, là il y avait un certain

13 nombre d'individus armés qui circulaient. Ce n'étaient pas des civils.

14 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Cela suffit, merci.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie d'avoir témoigné. Chacun a fait des

16 efforts afin de terminer normalement cette audience. Je vous remercie et je

17 vous souhaite un bon voyage de retour.

18 Je vais demander à M. l'Huissier, de bien vouloir vous raccompagner à la

19 porte de la salle d'audience.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

21 [Le témoin se retire]

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons à régler la question des pièces, mais

23 cela peut attendre certainement lundi. S'il n'y a aucune autre question, je

24 vous demande de bien vouloir revenir pour l'audience qui débutera lundi à

25 14 heures 15 par l'audition du témoin dit historique. Je vous remercie.

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1 --- L'audience est levée à 18 heures 31 et reprendra le lundi 1er novembre

2 2004, à 14 heures 15.

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