Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 10 novembre 2004

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro

6 de l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur

8 le Juge. Affaire IT-01-47-T, le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et

9 Amir Kubura.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je vais demander à

11 l'Accusation de bien vouloir se présenter.

12 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Monsieur le

13 Président, Monsieur le Juge, Mesdames, Messieurs, Mathias Neuner, Daryl

14 Mundis, et notre commis aux audiences Ana Vrlic pour le bureau du

15 Procureur.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne vers les avocats.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge,

18 le général Enver Hadzihasanovic est représenté par Edina Residovic,

19 Stéphane Bourgon, co-conseil, et Alexis Demirdjian, notre conseiller

20 juridique. Merci.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Les autres avocats.

22 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge,

23 M. Kubura est représenté par Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic, et Nermin

24 Mulalic, notre conseiller juridique.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre salue les représentants de l'Accusation,

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1 les avocats, les accusés ainsi que tout le personnel de cette salle

2 d'audience.

3 Avant de continuer l'audition du témoin, la Chambre tient à faire valoir

4 deux points : le premier concernant la question qui avait été soulevé hier

5 par la Défense sur la possibilité qu'avait l'Accusation pour rafraîchir la

6 mémoire d'un témoin de présenter un document non versé dans la procédure

7 pendant la phase de la présentation des éléments de preuve de l'Accusation.

8 Il avait été indiqué hier que l'Accusation nous répondrait sur cette

9 question. La Chambre, qui n'est pas au complet, devant statuer à trois,

10 demande à l'Accusation, on lui donne un délai. Nous vous donnons 15 jours

11 pour oralement répondre à la position exprimée par la Défense. Suite à la

12 réponse que vous ferez, nous rendrons notre décision qui sera une décision

13 orale puisque c'est oralement que le problème a été soulevé. Cela, c'est le

14 premier point. Vous avez 15 jours pour préparer la réponse.

15 Le deuxième point : hier, au cours de l'audition d'un témoin, l'Accusation,

16 à un moment donné, s'adressant au témoin, a parlé de la situation des

17 personnes qui étaient soient dans la forge, soit à l'école élémentaire de

18 Mehurici comme des prisonniers ou détenus. La Défense a objecté en

19 indiquant qu'il n'était pas reproché aux accusés une détention illégale.

20 Sur cette question, la Chambre qui en a délibéré hier estime que dans la

21 mesure où les termes prisonniers et détenus sont indiqués dans l'acte

22 d'accusation, l'Accusation peut utiliser le terme sans qu'à ce stade, nous

23 en tirions des conclusions. De même, la Défense peut estimer que ces

24 personnes étaient sous la protection des autorités civiles dans la mesure

25 où il est allégué qu'ils étaient protégés. Les uns et les autres, vous

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1 pouvez donner les termes que vous voulez à la situation de ces personnes.

2 C'est la Chambre qui décidera, enfin, de la situation de ces personnes. Je

3 tenais à vous indiquer cela afin qu'on ne perde pas de temps concernant des

4 questions qui, hier, nous ont fait perdre plusieurs minutes.

5 Troisième point que je rajoute aux deux points que je voulais exposer. La

6 Défense nous a saisi par une requête écrite d'une question liée à des

7 points de droit, notamment, sur une demande qui nous est faite d'interdire

8 à l'Accusation d'évoquer les questions de conflits internationaux. Nous

9 sommes saisis d'une requête écrite. Bien entendu, il faut une réponse de

10 l'Accusation écrite. Là aussi, il faut un délai. Disons qu'un délai de 15

11 jours devrait amplement suffire pour répondre à ladite requête. Vous avez

12 un délai de 15 jours pour répondre à la requête écrite. Actuellement, je me

13 résume. Il y a deux requêtes pendantes. Une requête orale fournie hier,

14 plus la requête écrite qui avait été enregistrée au Greffe. Je tenais à

15 vous apporter ces précisions.

16 S'il n'y a plus de points à évoquer, nous allons passer à la suite.

17 Monsieur Mundis.

18 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. En attendant que

19 le témoin n'entre dans le prétoire, je tiens à dire que nous vous

20 remercions de nous avoir donné la possibilité de répondre à la fois à la

21 requête orale et à la requête écrite. Nous allons répondre dans les délais

22 les plus brefs, et certainement en respectant le délai de 15 jours.

23 Monsieur le Président, est-ce qu'il y a peut-être des instructions que vous

24 pourriez nous donner en attendant que ne soit tranchée la question de la

25 requête pendante, donc, la requête orale qui a été soumise hier. Quelle

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1 serait la position de la Chambre de première instance en attendant que ceci

2 ne soit résolu. Est-ce qu'il y a des conseils, des lignes directrices que

3 vous pourriez nous donner en attendant ?

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Ecoutez, si vous posez cette question, c'est que

5 vous avez peut-être l'intention de produire d'autres documents au cours des

6 témoins qui vont venir. A ce stade, nous allons en parler tout à l'heure à

7 la suspension et nous vous dirons comment il convient de pratiquer dans les

8 15 jours à venir parce que nous attendons votre réponse. A moins que vous

9 ayez l'intention de présenter au témoin qui va venir, dans les minutes qui

10 viennent, un document. Monsieur Mundis, est-ce que vous avez l'intention de

11 présenter un document, à nouveau non transmis, à la Défense, pendant la

12 phase de la présentation des éléments de preuve ?

13 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, non, nous ne

14 présenterons pas au témoin suivant des documents de ce genre. Ceci étant

15 dit, nous nous réservons le droit de le faire pour les témoins à venir.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous vous dirons tout à l'heure après la

17 suspension ce qu'il conviendra de faire d'ici que la décision soit prise à

18 la suite de votre positionnement. Donc, vous avez un délai de 15 jours.

19 Vous pouvez introduire le témoin.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Est-ce que vous m'entendez ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, je vous entends, Monsieur le

23 Président.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre audition se poursuit aujourd'hui. Hier,

25 l'Accusation vous a dit qu'il lui fallait encore une vingtaine de minutes,

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1 donc je lui donne la parole.

2 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, ce que j'ai dit hier

3 c'est que la Défense a utilisé une heure 20 minutes pendant

4 l'interrogatoire principal. L'Accusation a calculé le temps et, en fait, ce

5 que nous n'avons pris en compte, c'était le temps qui a été utilisé pour

6 nos débats. En fait, il nous reste une heure, déduction faite de ce temps-

7 là. A notre sens, c'est le temps qu'il nous reste. Est-ce que ce serait une

8 manière appropriée de procéder ? Je vous remercie.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Je vais demander à la Défense qu'est-ce

10 qu'elle en pense. Vous avez mis une heure 20 pour interroger. On a perdu du

11 temps pour la question de l'objection. Donc, l'Accusation nous dit il doit

12 lui rester une heure, grosso modo.

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, à ce sujet, nous

14 n'avons pas d'objection à soulever. Ceci suit votre décision. Mais ce que

15 nous essayons de faire, c'est d'économiser du temps pour pouvoir, soit

16 aujourd'hui, soit demain, en terminer -- à la fin de la journée de demain,

17 en terminer avec la déposition des témoins qui sont déjà à La Haye.

18 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous

19 n'avons pas d'objection.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout le monde est soucieux du temps. On espère que

21 les uns et les autres réduiront le temps de telle manière qu'on ne soit pas

22 dans la possibilité de garder, pendant quelques jours, le dernier témoin.

23 Car, comme vous le savez, vendredi, c'est férié et le lundi, il n'y a pas

24 d'audience, donc, si le dernier témoin n'est pas entendu vendredi, il

25 faudra qu'il reste quasiment quatre jours. Vous avez la parole.

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1 LE TÉMOIN: MUNIR KARIC [Reprise]

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 Contre-interrogatoire par M. Neuner : [Suite]

4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Karic.

5 R. Bonjour.

6 Q. Je voudrais que l'on parle du mois d'avril 1993. Le 24 avril 1993, il

7 s'est produit l'incident de Miletici. A ce moment-là, où étiez-vous

8 stationné ? Etiez-vous à Mehurici où à un autre endroit ?

9 R. A ce moment-là, je n'étais stationné ni à Mehurici, ni à Rudnik Bila.

10 Il me semble que j'avais des obligations sur les lignes de front, sur le

11 plateau de Vlasic, du mont Vlasic.

12 Q. A quel moment êtes-vous arrivé, pour la première fois, à Mehurici,

13 après que l'incident de Miletici se soit produit ?

14 R. Quant à l'incident de Miletici, je n'en sais rien. J'ai certes entendu

15 dire qu'un problème s'est posé là-bas, mais vraiment, je n'en sais rien. Je

16 ne sais pas à quel moment je suis allé à Miletici par la suite. Je ne m'en

17 souviens pas. De toute manière, je ne suis jamais allé à Miletici. Oui, en

18 fait, je suis passé en contrebas de Miletici, dans le cadre de mes devoirs,

19 lorsque je devais assurer l'approvisionnement de l'équipement depuis la

20 base logistique du 3e Corps. Mais quant à la date à laquelle je suis passé

21 par là, vraiment, je ne m'en souviens pas.

22 Q. Avant l'opération de combat du 8 juin 1993, est-ce qu'il y a eu des

23 forces indépendantes de l'ABiH qui sont arrivées dans la zone de

24 responsabilité de la 306e Brigade ?

25 R. Est-ce que vous pourriez me répéter la question, s'il vous plaît ?

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1 Quand vous parlez des forces indépendantes de l'armée, cette partie-là.

2 Q. Je vais reprendre. Ce que je vous demandais c'était ce qui se passait

3 pendant la période qui précédait le 8 juin 1993. Dans votre déposition

4 hier, vous avez dit que la 7e Brigade de Montagne musulmane n'était pas

5 dans la zone, ou qu'il n'y avait pas de formation armée de la 7e Brigade

6 dans cette zone, avant le 8 juin 1993; est-ce exact ?

7 R. Pour ce qui est de l'organisation de la 7e Brigade et de l'une

8 quelconque unité au sein de la 7e Brigade musulmane, il n'y en avait pas

9 là, pour autant que je m'en souvienne. Il se peut qu'il y ait eu des

10 membres à titre individuel de cette brigade, mais parce qu'ils ne pouvaient

11 pas se présenter dans leur unité pour une raison quelconque. Mais pas

12 d'unité en tant que telle. Aussi, pour ce qui est de cette question-là, je

13 suis prêt à vous répondre. Mais ce que je ne comprends pas, c'est comment

14 l'avez-vous formulée déjà ? Comment des unités non formelles dépendantes au

15 sein de l'ABiH. Elles ne peuvent pas être indépendantes et non formellement

16 intégrées au sein de l'armée. On sait très bien quelles étaient les unités

17 qui faisaient partie intégrante officiellement de l'ABiH, donc cela c'est

18 très clair. Des unités qui n'appartenaient pas à la structure de l'armée,

19 tout simplement, elles n'en faisaient pas partie. Elles n'étaient pas dans

20 l'armée, et il y avait des unités comme cela.

21 Q. Très bien. Alors, résumons. Peut-on affirmer que ce que vous avez en

22 train de déclarer est qu'il y avait peut-être des membres de la 7e Brigade

23 de Montagne musulmane, à titre individuel, qui s'y trouvaient, mais qu'il

24 n'y avait pas de formation organisée faisant partie de la 7e Brigade de

25 Montagne musulmane dans la vallée de la Bila avant le mois de juin 1993.

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1 R. Écoutez, pour ce qui est de cette question, je ne peux rien vous

2 affirmer. J'ai dit qu'il se peut qu'il y ait eu un certain nombre de

3 membres de la 7e Brigade musulmane en permissions, à ce moment-là, parce

4 qu'il y avait barrage, blocus, des voies de communication, peut-être que

5 tous ces gens-là tout simplement ne pouvaient pas retourner, rejoindre leur

6 unité. Mais, de toute manière, je n'ai pas beaucoup d'information là-

7 dessus. Ce que je dis c'est que cette possibilité existe.

8 M. NEUNER : [interprétation] Puis-je m'adresser à l'Huissière. Je souhaite

9 présenter au témoin la pièce de l'Accusation P474, s'il vous plaît.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous nous donner la

11 pièce anglaise ? Merci.

12 M. NEUNER : [interprétation]

13 Q. M. Karic, est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, examiner ce

14 document ? Il porte la date du 22 mai 1993.

15 M. NEUNER : [interprétation] Je vois que mon collègue est debout.

16 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Défense

17 de M. Kubura soulève une objection. Nous ne souhaitons pas que ce document

18 soit présenté au témoin, nous avons déjà souligné qu'il s'agit d'un

19 document émanant de la 7e Brigade. Puisque nous allons citer des témoins

20 qui pourront déposer à ce sujet, nous ferons venir ici des officiers de

21 cette brigade, de la 7e Brigade, qui pourront en parler, à qui on pourra

22 présenter ce document. Ce témoin était membre de la 306e Brigade, il n'a de

23 raison de lui présenter le document.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Que dit l'Accusation à l'objection ?

25 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge, puis-

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1 je m'adresser à la Chambre en l'absence du témoin, s'il vous plaît ?

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va encore perdre du temps précieux. Madame

3 l'Huissière, pouvez-vous raccompagner le témoin à la porte.

4 [Le témoin se retire]

5 Alors, je donne la parole à l'Accusation.

6 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin a déclaré

7 hier ainsi qu'aujourd'hui qu'il n'y avait pas de formation armée de la 7e

8 Brigade de Montagne musulmane dans la vallée de la Bila avant l'offensive

9 du mois de juin. Or, ce document et les faits plutôt qui ressortent de ce

10 document montrent qu'il y avait, en effet, 92 membres de la 7e Brigade de

11 Montagne musulmane à Mehurici et c'est une zone que le témoin a visité à en

12 juger d'après sa déposition d'hier. Je voulais simplement lui présenter ce

13 fait. Je voudrais, je ne dis pas que ce témoin a une connaissance directe

14 du document, je voudrais simplement lui présenter le fait consistant à dire

15 que contrairement à sa déposition, à en juger d'après ce document, il y

16 avait 92 membres sur place et vous pouvez le voir, par exemple, sous les

17 effectifs, au dernier paragraphe.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que ce document établit que la 7e Brigade

19 est à Mehurici. Qu'est-ce qui vous permet de le dire dans le document ?

20 M. NEUNER : [interprétation] Le document date du 22 mai 1993. En gros, de

21 quelle semaine avant l'offensive ? Il y a un autre document sur la liste

22 des pièces à conviction de l'Accusation, qui fait suite à celui-ci, qui

23 découle de celui-ci et qui implique la 306e Brigade.

24 M. LE JUGE ANTONETTI :

25 Bien. Vous, la Défense.

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1 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais

2 simplement dire qu'en page 2 de ce document, il est question des effectifs

3 de la brigade. Il n'est pas question du fait que cette brigade ait existé

4 sur le territoire dont l'Accusation parle.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le Juge, qui va délibérer, estime que, pour

6 tester la crédibilité d'un témoin, on peut produire un document susceptible

7 de contredire les dires du témoin, donc vous pouvez présenter ce document.

8 Madame l'Huissière, allez chercher le témoin.

9 Oui, Maître Bourgon, la décision est prise. Il n'y a plus de contestations.

10 Que voulez-vous nous dire ?

11 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président, je prends bonne note, merci.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors pour la crédibilité du témoin, vous

14 pouvez, vous pouvez poser la question.

15 M. NEUNER : [interprétation]

16 Q. M. Karic, j'ai déjà parlé de la date du document, il s'agit du 22 mai

17 1993. Dans ce document, il est question de la présence du 1er Bataillon,

18 d'en tout cas, de membres du 1er Bataillon de la 7e Brigade de Montagne

19 musulmane, en cet endroit, en certains lieux. J'aimerais que vous regardiez

20 le dernier paragraphe où nous lisons les mots : "Effectifs chiffrés du 1er

21 Bataillon de la 7e Brigade de Montagne musulmane." Vous avez vu ce

22 passage ?

23 R. Oui.

24 Q. Veuillez regarder ce qui est écrit en dessous de Mehurici.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous parlez de quel document exactement où il est

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1 marqué Mehurici ?

2 Voilà, c'est le deuxième document, c'est le document page 2. Alors,

3 précisez parce que, sinon, on est perdu. Voilà, quand je vous ai demandé

4 tout à l'heure où se trouvait la mention de la localité, ce n'était pas sur

5 la page 1 mais sur la page 2. Voilà, il vaut mieux préciser, comme cela,

6 cela évite des erreurs.

7 Très bien, poursuivez.

8 M. NEUNER : [interprétation]

9 Q. Veuillez regarder le document, page 2, sous le titre effectif chiffré

10 du 1er Bataillon de la 7e Brigade de Montagne musulmane. Est-ce que vous

11 voyez mention du mot Mehurici à cet endroit ?

12 Pouvez-vous répondre, je vous prie, est-ce que vous avez trouvé mention du

13 mot de Mehurici.

14 R. Oui.

15 Q. Combien de soldats, en date du 22 mai 1993, y avait-il à Mehurici selon

16 ce document ?

17 R. Selon ce document, dans ce document, il est écrit qu'il y avait à

18 Mehurici 92 soldats. C'est ce qui est écrit.

19 Q. Je poursuis. Ces 92 soldats, où auraient-ils se trouver exactement à

20 Mehurici ? Vous avez dit hier qu'il n'y avait pas de casernes, au sens

21 propre du terme à Mehurici. Ces 92 soldats, où auraient-il pu se trouver ?

22 R. Il faudra que vous posiez la question à M. Semir Terzic car je ne sais

23 pas que ces soldats, en tant que structure organisée, se soient trouvés au

24 territoire de Mehurici; véritablement, je ne suis pas au courant.

25 D'ailleurs, ce document n'est pas signé.

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1 M. NEUNER : [interprétation] Je demanderais à Mme l'Huissière de nous

2 distribuer un autre document, pièce à conviction de l'Accusation P481.

3 Q. Je vous demanderais de jeter un coup d'œil à ce document. Nous voyons

4 que la date du document est le 27 mai 1993, autrement dit, cinq jours plus

5 tard que la date du document précédent. Avez-vous déjà vu ce document ?

6 R. Non.

7 Q. Au premier paragraphe de ce document, il est question du redéploiement

8 de 20 soldats de la 1e Compagnie de la 7e Brigade musulmane de Montage

9 provenant du secteur de Mehurici; est-ce exact ?

10 R. C'est ce qui est écrit ici.

11 Q. Au deuxième paragraphe de ce document, il est dit que ces 20 soldats du

12 1er Bataillon de la 7e Brigade musulmane de Montagne doivent être détachés;

13 c'est bien cela ?

14 R. Oui.

15 Q. Détachés auprès de la 306e Brigade. Plus précisément, versés dans

16 l'unité du village de Radojcici; c'est bien cela ?

17 R. C'est ce qui est écrit ici. Puis-je commenter ce paragraphe, je vous

18 prie ? D'abord, je ne sais pas à qui ce document est adressé, je ne saurais

19 le dire. Ce document a-t-il été reçu par la 306e ? Que signifie l'unité du

20 territoire du village de Radojcici ? C'est un concept que je ne comprends

21 pas, l'unité sur le territoire du village de Radojcici. Je ne comprends

22 pas. En tant que membre du commandement de la 306e Brigade de Montagne, je

23 n'ai jamais vu ce document. Je ne sais absolument pas s'il a été reçu par

24 la

25 306e Brigade, et je ne suis pas au courant du fait que la 1e Compagnie se

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1 soit trouvée sur ce territoire.

2 Q. Vous venez de parler du village de Radojcici. Savez-vous où se trouve

3 ce village, Monsieur ?

4 R. Oui.

5 Q. Si je vous montrais une carte, sauriez-vous nous dire où se trouve ce

6 village sur la carte ?

7 R. Bien sûr.

8 M. NEUNER : [interprétation] Avec l'autorisation de la Chambre, j'aimerais

9 que l'on montre cette carte au témoin.

10 Q. Je vous demanderais, sur le rétroprojecteur à côté de vous, de placer

11 le pointeur sur la carte au niveau du village de Mehurici.

12 R. Mehurici, c'est bien cela ?

13 Q. Oui, je vous prie.

14 R. Un instant que je le retrouve. [Le témoin s'exécute]

15 Q. Pourriez-vous maintenant placer le pointeur sur l'emplacement du

16 village de Radojcici.

17 R. [Le témoin s'exécute]

18 Q. Combien y a-t-il de kilomètres entre Guca Gora et Radojcici, d'après

19 vous ?

20 R. Combien de kilomètres, c'est bien cela ? Je ne sais pas, deux ou trois

21 kilomètres.

22 Q. Deux ou trois kilomètres.

23 R. C'est mon appréciation personnelle, mais je ne sais pas exactement. Si

24 vous voulez, je peux calculer.

25 Q. Je vous demanderais maintenant de prendre un marqueur et de tracer un

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1 cercle autour du village de Mehurici -- ou plutôt, non. Commençons par

2 Radojcici. Un cercle autour du village de Radojcici d'abord.

3 R. Autour du village ou autour de l'inscription du nom ?

4 Q. Veuillez --

5 R. Autour du village ou de l'endroit où est inscrit le nom ? C'est cela

6 qui m'intéresse. Autour du village de Radojcici ?

7 Q. Oui, très bien. Un cercle au niveau de l'emplacement du village. Très

8 bien.

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. Maintenant, veuillez inscrire un numéro 1 à côté du cercle en question.

11 R. [Le témoin s'exécute]

12 Q. Faites la même chose maintenant pour Mehurici, je vous prie. Un cercle,

13 et à côté du cercle, veuillez inscrire le chiffre 2.

14 R. Le village en tant que tel. C'est bien cela que vous voulez ?

15 Q. Oui, le village lui-même, le cœur du village.

16 R. [Le témoin s'exécute]

17 Q. J'aimerais maintenant que vous retourniez au document que je vous ai

18 montré tout à l'heure. Nous lisons dans ce document au

19 deuxième paragraphe que cette compagnie du 1er Bataillon de la 7e Brigade

20 musulmane de Montagne est rattachée à la 306e. Que veux dire ce terme de

21 "rattachée" d'après vous ?

22 R. Au paragraphe 2, la compagnie rattachée à la 306e. Un rattachement,

23 cela signifie une prise complète du contrôle de l'unité détachée auprès de

24 vous. C'est le sens du mot.

25 Q. Veuillez maintenant lire le troisième paragraphe où nous lisons, je

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1 cite : "L'approvisionnement logistique sera assuré par le biais de la 306e

2 Brigade." En tant qu'assistant du commandant chargé de la logistique de la

3 306e Brigade, à l'époque, - je crois que vous avez déjà répondu à cette

4 question, mais vous-même ou la personne chargée de la logistique à

5 Mehurici, a-t-elle probablement été concernée par l'application de ce qui

6 figure dans ce paragraphe ?

7 R. Comme je l'ai déjà dit, je ne me souviens pas avoir déjà vu ce

8 document. Personnellement, si la chose qui est mentionnée ici, si la

9 situation évoquée ici a existé, je ne le crois pas. Croyez-moi, parce que

10 pas une seule unité de la 7e Brigade musulmane n'a été liée à la logistique

11 de la 306e Brigade. Je peux le dire en toute responsabilité, en tout cas,

12 pour autant que les éléments soient arrivés jusqu'à moi. L'assistant du

13 commandant chargé de la logistique, c'était moi. Je peux affirmer également

14 que cette unité - parce qu'est-ce qui est écrit ici, qu'est-ce que nous

15 lisons ? Que les membres de la 1e Compagnie sont rattachés ou détachés. Il

16 est certain que cela ne s'est pas passé sur le territoire de Mehurici

17 pendant cette période, à ce moment-là exactement. Je dis cela en toute

18 responsabilité. Je n'ai jamais vu les hommes dont il est question ici.

19 Q. Monsieur, vous avez dit hier qu'à un certain moment, au cours du mois

20 de mai 1993, le commandement de la 306e Brigade s'est trouvé à Kerpalici

21 complètement encerclé.

22 Savez-vous où se trouve Krpeljici ?

23 R. Il y a un certain nombre de choses qu'il faut préciser. Ce n'est pas

24 l'intégralité du commandement de la 306e Brigade qui était encerclée à

25 Krpeljici; une partie du commandement, autrement dit, le commandant, le

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1 chef d'état-major, et je crois qu'il y avait l'assistant du commandant

2 chargé du moral des troupes, et peut-être encore quelqu'un d'autre qui

3 était encerclé à Krpeljici. Quant à l'emplacement du village de Kerpalici,

4 je peux vous le montrer.

5 Q. Veuillez, je vous prie, montrer où se trouve le village de Krpeljici

6 sur la carte.

7 R. [Le témoin s'exécute]

8 Q. Merci. Veuillez maintenant tracer un cercle autour du village de

9 Krpeljici, et inscrire le chiffre 3 à côté de ce cercle.

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Quelle distance y a-t-il entre Guca Gora et Krpeljici ? Je vous demande

12 une estimation en kilomètres.

13 R. Maximum un kilomètre. En fait, il n'y a pas de séparation physique

14 entre Guca Gora et Krpeljici. On sort de Guca Gora et on entre dans

15 Krpeljici. Finalement, les habitations sont mélangées.

16 Q. Pour quel motif une partie du commandement de la Brigade de la 306e se

17 trouvait-elle à Krpeljici à cette époque-là ?

18 R. Je ne saurais répondre à cette question, car c'est le commandant qui

19 décidait où il allait et en compagnie de qui, à un moment déterminé, à un

20 endroit déterminé. Je sais pourquoi ils n'ont pas pu sortir de Krpeljici,

21 en revanche. Je ne sais pas pourquoi le commandant est allé à Krpeljici,

22 parce que c'est lui qui décide de l'endroit où il va, en compagnie de qui

23 il y va et à quel moment. Vous me demandez pour quel motif il y est allé,

24 cela je ne peux pas vous le dire. Mais je sais pourquoi il n'a pas pu

25 sortir de Krpeljici.

Page 11502

1 Q. Quand le commandant et une partie de son entourage direct, sont-ils

2 allés à Krpeljici ?

3 R. Je ne me souviens pas de la date exacte aujourd'hui, mais cela figure

4 sans doute dans un document. En tant que membre du commandement, je ne suis

5 pas capable aujourd'hui, de vous dire la date exacte. Mais je sais que cela

6 s'est passé, ce n'est pas un problème. On peut vérifier la date.

7 Q. J'aimerais maintenant que nous parlions de Maline, le

8 8 juin 1993, ou plutôt excusez-moi, j'aimerais que nous parlions de

9 Mehurici, en date du 8 juin 1993. Dans votre déposition, vous avez dit que

10 le 8 juin 1993, vous vous trouviez dans le village, au cœur même du village

11 de Mehurici, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Où exactement vous trouviez-vous dans le village de Mehurici ce jour-

14 là ? Dans l'école ?

15 R. J'étais sur le trajet entre l'école et le centre médical; le

16 dispensaire. Parce que ce que nous avions à faire, c'était de trouver un

17 moyen de transport pour les blessés à ce moment-là.

18 Q. Y avait-il d'autres officiers supérieurs présents, des membres du

19 commandement de la 306e Brigade peut-être ?

20 R. D'après ce que je me rappelle, ce jour-là, il n'y avait que Fazlic qui

21 était présent en tant qu'officier supérieur. En fait, il n'était pas là le

22 jour où je m'y trouvais. Il n'a pas été là en même temps que moi. Je n'ai

23 pas passé toute la journée à Mehurici d'ailleurs. Pendant que je me suis

24 trouvé à Mehurici, il n'y était pas.

25 Q. Pendant que vous y étiez, qui était l'officier supérieur présent

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1 pendant la période où vous vous y trouviez le 8 juin ?

2 R. Je suppose, pour autant que je me souvienne, en tout cas, moi seul.

3 Q. Y avait-il des membres du 3e Corps d'armée à vos côtés, ou étiez-vous

4 pour la 306e Brigade l'officier supérieur le plus important présent sur les

5 lieux ? Y avait-il également des membres du 3e Corps d'armée le 8 juin à

6 Mehurici ? Avez-vous vu quelqu'un ?

7 R. Le 8 juin, dans l'après-midi, il me semble que j'ai vu

8 M. Merdan pour ce qui est des membres du commandement du

9 3e Corps d'armée. Je ne sais pas d'ailleurs s'il était membre du

10 commandement à ce moment-là, en tout cas, l'après-midi, un certain nombre

11 d'officiers supérieurs sont arrivés à Mehurici, et parmi eux, se trouvait

12 M. Merdan.

13 Q. Jusqu'à l'arrivée de M. Merdan, vous étiez l'officier le plus haut

14 gradé présent sur les lieux. C'est seulement ensuite que

15 M. Merdan est arrivé; c'est bien cela ?

16 R. Oui. Mais lorsqu'on dit le plus haut gradé, mes fonctions étaient bien

17 connues. J'étais l'assistant du commandant chargé de la logistique. Cela

18 impliquait des tâches et des missions tout à fait bien définies qui

19 m'incombaient.

20 Q. Savez-vous pourquoi, ou plutôt, avez-vous rencontré

21 M. Merdan quand il est arrivé dans l'après-midi ? L'avez-vous rencontré

22 personnellement ?

23 R. Très brièvement.

24 Q. Avez-vous parlé avec lui ?

25 R. Oui, nous avons parlé ensemble. Je lui ai demandé quelle route il avait

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1 emprunté pour venir. Il m'a dit par quelle route il était arrivé, mais je

2 ne m'en souviens plus. Il a mangé un sandwich, et voilà, cela s'est terminé

3 comme cela.

4 Q. Au moment où vous avez rencontré M. Merdan, les gens de Maline,

5 étaient-ils déjà arrivés dans l'école de Mehurici, ou

6 M. Merdan, est-il passé par là avant l'arrivée des gens de Maline ?

7 R. Je ne m'en souviens pas exactement.

8 Q. Où l'avez-vous rencontré ?

9 R. Je l'ai rencontré dans les locaux de l'entreprise de foresterie, dans

10 le café.

11 Q. Est-ce que vous avez transmis un message à M. Merdan sur tout ce que

12 vous aviez appris pendant votre séjour, puisque vous êtes resté un certain

13 temps sur place, alors que lui, il ne faisait que passer ?

14 R. Je vous en prie, croyez-moi, je ne me souviens pas exactement des

15 détails que j'ai pu lui communiquer. Je ne me souviens pas d'ailleurs de

16 tout ce que j'avais fait jusqu'à ce moment-là. Il est probable que je lui

17 ai communiqué tous les renseignements que j'ai reçus, mais ces informations

18 n'étaient pas encore vérifiées. Tout cela ne reposait encore que sur des

19 rumeurs qui circulaient.

20 Q. Au mieux de votre souvenir, M. Merdan, était-il simplement de passage

21 ou avait-il l'intention de rester quelque temps ? A-t-il dit quelque chose

22 à ce sujet ? Est-ce qu'il avait l'intention de rester à Mehurici ?

23 R. Je ne m'en souviens vraiment pas, vraiment. Très franchement, je ne me

24 souviens pas si M. Merdan avait l'intention de rester quelque temps, et je

25 ne sais pas quelles étaient ses intentions.

Page 11505

1 Q. Ma dernière question au sujet de M. Merdan sera la suivante : savez-

2 vous d'où il venait à ce moment-là ?

3 R. Je n'en suis pas sûr, mais il me semble qu'il venait de Zenica, ou en

4 tout cas de la direction de Zenica, mais je n'en suis pas sûr.

5 Q. Il est arrivé l'après-midi, le matin ? Vous avez une idée; est-ce qu'il

6 faisait jour ou pas ?

7 R. Croyez-moi, je ne me souviens pas de l'heure exacte, je ne me souviens

8 pas.

9 Q. Merci. Hier, vous avez dit que durant la journée du 8 juin à Mehurici,

10 vous avez reçu des informations selon lesquelles des membres du HVO de

11 Maline avaient été enlevés, c'est le mot que vous avez utilisé, par des

12 membres du Détachement des Moudjahiddines. Vous rappelez-vous l'heure à

13 laquelle vous avez reçu ces informations le 8 juin ?

14 R. L'heure à laquelle j'ai reçu ces informations ?

15 Q. Oui.

16 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Peut-être y a-t-il une erreur au compte-

17 rendu en anglais mais page 19, ligne 7, il est écrit que le témoin aurait

18 parlé du Détachement des Moudjahiddines, or si je me souviens bien, le

19 témoin n'a pas employé le mot de "détachement", il n'a parlé que des

20 Moudjahiddines.

21 M. NEUNER : [interprétation] J'ai ici une extrait du compte-rendu d'hier,

22 page 62, du compte-rendu, mais je peux reformuler ma question.

23 Q. A quel moment -- à quelle heure, avez-vous appris

24 qu'éventuellement, des Moudjahiddines auraient kidnappé - c'est le mot que

25 vous avez utilisé - auraient enlevé des membres du HVO de Maline ? A quel

Page 11506

1 moment de la journée, avez-vous reçu ces information ?

2 R. Véritablement, je ne rappelle pas l'heure exacte mais au moment où tous

3 ces gens sont arrivés, escortés par des membres du 1er Bataillon de la 306e

4 Brigade de Montagne, je ne sais pas, mais, c'est à ce moment-là que j'ai

5 reçu ces informations. On sait à peu près quel moment cela s'est passé

6 mais, je ne m'en souviens pas précisément. Je pense que c'était dans la

7 matinée.

8 Q. Je continue à vous citer, toujours la page 62 du compte-rendu

9 d'audience, de l'audience d'hier. Je cite après "les Moudjahiddines" : "et

10 peut-être y avait-il également certains habitants de la région qui les

11 escortaient, c'est une possibilité."

12 Q. Qu'entendez-vous par "habitants de la région" ?

13 R. Je n'entends rien du tout. Je ne fais que répéter ce que ces membres de

14 la 306e Brigade du 1er Bataillon qui escortaient ces personnes ont dit. Ce

15 sont ces hommes qui m'ont dit cela. Ce sont les mots utilisés pas eux, ce

16 sont les informations qu'ils m'ont transmises.

17 Q. Monsieur, vous venez de dire dans votre déposition que vous avez

18 entendu cela de la bouche des membres du 1er Bataillon de la 306e Brigade,

19 alors je vous demande, vous rappelez-vous qui étaient ces membres du 1er

20 Bataillon de la 306e Brigade qui vous ont fourni ces renseignements ?

21 R. Je ne me souviens pas exactement de leurs noms aujourd'hui mais cela ne

22 pose aucun problème de vérifier. Il y a des rapport de chez nous indiquent

23 exactement qui étaient les membres de la 306e Brigade qui ont escorté ces

24 civils jusqu'à Mehurici.

25 Q. Vous avez dit, on peut retrouver qui sont les hommes qui ont escorté

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1 les civils ? Est-ce qu'à l'époque, vous aviez une idée de l'identité de

2 certains de ces hommes ? Donc les hommes qui escortaient ?

3 R. Compte tenu du temps qui s'est écoulé, croyez-moi, je ne peux vous dire

4 rien de précis. Je vous le dirais volontiers, mais je ne peux pas.

5 Q. Lorsque vous avez reçu cette information, est-ce qu'il y a eu des

6 débats parmi les officiers supérieurs à Mehurici ? Donc, portant sur des

7 mesures à prendre ou pour savoir ce qui était advenu des Croates portés

8 disparus de Maline, est-ce qu'il y a eu des suggestions ?

9 R. Bien entendu, si vous m'y autorisez, je vais essayer de vous préciser

10 un certain nombre de points là-dessus. A ce moment-là, pendant que cela

11 était en train de se produire, les conflits étaient en cours, il y avait

12 des combats violents. Au sein du commandement de la brigade, chacun avait

13 des devoirs, et je vous ai dit hier quelles étaient les obligations à moi,

14 sur le terrain en question. Avant tout, il fallait que je prenne en charge

15 les blessés et aussi pour les effectifs qui arrivaient, il fallait que je

16 les déploie, que je les verse le long des axes qui étaient désignés par le

17 commandant, les différents commandants, et cetera.

18 Quand est-ce savoir quelles conversations on a eues, qui les a eues,

19 cela, je ne peux -- je n'en sais rien.

20 Q. Les soldats de l'ABiH, qui ont escorté ces gens jusqu'à l'école de

21 Mehurici, ils se trouvaient probablement dans les parages de l'école et les

22 civils croates qui n'ont pu atteindre l'école, je ne vous voudrais pas dire

23 qu'ils étaient à votre disposition, mais ils étaient aussi dans l'école.

24 Est-ce qu'on n'a pas discuté juste pour entendre les personnes qui ont

25 escorté les civils, les civils qui avaient été détenus à l'école, pour

Page 11508

1 savoir ce qui s'était produit réellement ?

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, la Défense.

3 M. RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que le

4 témoin a répondu au moins par trois fois, en disant tout ce qu'il savait à

5 ce sujet, il me semble que maintenant les questions qui continuent d'être

6 posées pourraient être interprétées comme une forme de pression qui est

7 exercée sur le témoin.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'Accusation, la Défense dit que vous avez

9 posé à plusieurs reprises la question qui a pour objet de savoir s'ils ont

10 discuté entre les officiers de cette situation, lui, il a dit qu'il ne

11 savait pas et la Défense estime qu'en lui reposant à nouveau la question,

12 c'est une forme de harcèlement du témoin. Alors, on peut passer à autre

13 chose.

14 M. NEUNER : [interprétation]

15 Q. A quel moment, êtes-vous parti de Mehurici le jour du 8 juin pour vous

16 rendre à Hum ?

17 R. C'était dans l'après-midi.

18 Q. Sur la carte, qui est devant vous, seriez-vous en mesure de nous

19 montrer, en fait, il me semble que vous avez rencontré le commandant de la

20 306e Brigade ? Est-ce que vous pourriez nous dire -- où pouvez-vous nous

21 montrer sur la carte l'endroit ?

22 R. Où, c'était durant les heures de la soirée, à Kerpalici, avec le

23 commandant mais cela a été une rencontre très brève.

24 Q. Qui a assisté à cette réunion ?

25 R. On ne peut pas assister à des réunions. On s'est rencontré très

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1 brièvement. Cela n'a été rien de plus.

2 Q. Je comprends. Mais est-ce que vous vous rappelez s'il y avait d'autres

3 personnes présentes ? Qui était présent ?

4 R. Je ne me souviens pas exactement. Je sais que -- non, je ne sais pas

5 vraiment. Je ne sais pas qui y était. Je sais que j'ai croisé le commandant

6 de la 306e Brigade, M. Sipic, très brièvement. Il avait ses obligations.

7 J'avais les miennes, c'est tout.

8 Q. Vous avez mentionné hier qu'il y avait aussi là-bas, à ce moment-là,

9 l'organe chargé de la sécurité. Est-ce que vous vous rappelez du nom de

10 cette personne ?

11 R. L'organe chargé de la sécurité ne se trouvait pas à Krpeljici. Il était

12 à Rudnik, du moins, d'après les informations que j'ai, pour autant que je

13 le sache. Est-ce qu'il y avait des membres de l'organe chargé de la

14 Sécurité de la brigade présents, cela, je ne le sais pas, mais il faut

15 savoir que, même dans le bataillon, vous aviez des personnes qui étaient

16 chargées de la Sécurité, du Renseignement, de la Logistique, et cetera. Il

17 me semble que cela, vous ne l'avez pas tout à fait bien vu.

18 Q. Monsieur, vous avez dit hier que, pendant cette rencontre, l'organe

19 chargé de la Sécurité a dit, et je cite : "Il est possible qu'un crime ait

20 été commis là-bas." Je me réfère maintenant au fait que les Croates aient

21 disparu de Maline.

22 R. Je vous en prie. Ce jour-là, le 8 juin, pendant la réunion du

23 commandement de la brigade qui s'est tenue deux, trois ou quatre jours

24 après, je ne sais pas la date exacte. C'est là que j'ai eu l'information

25 officielle. J'ai entendu cette information officielle de la part des

Page 11510

1 représentants de l'organe chargé de la Sécurité sur ce point. C'était pour

2 la première fois qu'en tant que membre du commandement, j'ai appris qu'il

3 était possible qu'il y ait eu des choses commises là-bas, les choses qui

4 ont été commises.

5 Q. Je vous remercie de me l'avoir précisé. Vous avez dit trois ou quatre

6 jours plus tard. Vous vous rappelez l'endroit où a eu lieu cette réunion ?

7 R. Je ne me souviens pas exactement de l'endroit où la réunion s'est

8 tenue, mais tout cela a été consigné dans le document.

9 Q. C'est à la fin de cette réunion que vous avez appris pour la première

10 fois -- ou que le commandement de la 306e a appris pour la première fois

11 qu'il y avait cette possibilité qu'un crime ait été commis. Est-ce qu'on a

12 adopté des conclusions à l'issue de la réunion ? Est-ce qu'on a décidé des

13 mesures à prendre ? Est-ce qu'on a décidé de savoir ce qui s'était

14 réellement passé pour déterminer si cette possibilité qu'un crime ait été

15 commis n'était, en fait, une réalité ?

16 R. Le commandement n'adopte pas de conclusions. Le commandement, c'est une

17 instance qui se compose de plusieurs parties, la sécurité, le service des

18 opérations, la logistique, le moral des troupes. En principe, chacun des

19 organes se voient confier des tâches après qu'on ait fait rapport. Le

20 commandant agit par le biais de ses assistants.

21 Vous n'arrêtez pas de me demander des informations à moi. Vous devez savoir

22 qu'à ce moment-là, je devais assurer l'appui logistique sur une portion de

23 la ligne qui était même plus grande que la ligne où on était opposé à

24 l'agresseur serbo-monténégrin. Comment peut-on ravitailler une ligne de

25 front si importante, alors qu'on n'a rien ? Je suis en train de vous dire

Page 11511

1 quelle était ma situation. Chacun des organes connaissaient d'autres

2 problèmes.

3 Ceux qui étaient chargés des opérations devaient creuser ou faire des

4 croquis. Je devais trouver des hommes qui allaient creuser des tranchées,

5 par exemple, juste pour vous donner une idée de la situation. On a dit

6 qu'on allait tenter d'apprendre, de savoir ce qui s'était réellement

7 produit là-bas. Notre organe a probablement entrepris des mesures qui

8 s'imposaient pour agir dans la mesure de nos compétences, de nos

9 attributions pour savoir ce qui s'était produit à Maline.

10 Q. Savez-vous si on a confié une mission, une tâche à quelqu'un de

11 s'occuper de cela après l'incident à l'issue de cette réunion ?

12 R. Je viens de vous dire à l'instant, il y a des organes au sein de la

13 brigade qui sont tenus de le faire. C'est leur obligation. Je suis

14 convaincu que dans la mesure de leurs possibilités, de leurs attributions,

15 les gens s'en sont occupés. Il n'y a pas lieu d'affecter qui que ce soit.

16 C'est le commandant adjoint, en second. C'est comme cela que cela se passe.

17 Q. Il me reste quelques questions à vous poser. Je voudrais vous demander

18 de vous limiter à une question par un oui ou un non. Etiez-vous à Guca Gora

19 lorsque l'ABiH s'est emparée de Guca Gora, suite ou après la réunion qui

20 s'est tenue dans la nuit du 8 juin à Krpeljici ? Etiez-vous présent ?

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Objection. Le témoin n'a jamais dit qu'une

22 réunion s'était tenue, le 8 juin à Krpeljici. Il a dit qu'il a croisé le

23 commandant très brièvement et qu'après, il est parti vaquer à d'autres

24 tâches.

25 M. NEUNER : [interprétation] C'est précisément pourquoi je demande une

Page 11512

1 précision.

2 Q. Vous avez déposé hier en disant que vous êtes parti pour vous occuper

3 d'autres choses, pour exécuter d'autres tâches. J'aimerais savoir,

4 maintenant, si vous étiez à Guca Gora ou si vous étiez parti ailleurs.

5 J'aimerais savoir si vous étiez à Guca Gora lorsque l'ABiH s'est emparée de

6 la localité, le lendemain.

7 R. Le lendemain, il me semble que je suis passé par Guca Gora, mais je ne

8 m'y suis pas trouvé le jour où l'armée s'est emparée Guca Gora.

9 Q. A quel moment l'armée a-t-elle pris Guca Gora, l'ABiH ?

10 R. D'après les informations que j'ai, je ne sais pas si c'était le 8 ou le

11 9 juin, je ne m'en souviens pas. La population de Guca Gora est sortie avec

12 l'aide de la FORPRONU, me semble-t-il, et ainsi de suite. C'était là, le 8

13 ou le 9. Je ne m'en souviens pas.

14 Q. Donc, le lendemain, vous êtes passé par Guca Gora ? Etait-ce le 9

15 juin ? Juste pour que ce soit clair, s'il vous plaît.

16 R. Je ne sais pas la date exacte. Peut-être était-ce le 9 ou le 10. Je ne

17 sais pas. Mais le lendemain, quand on a pu passer par Guca Gora, je suis

18 passé par là.

19 Q. Quelles sont les Unités de l'ABiH que vous avez vues sur place à Guca

20 Gora lorsque vous êtes passé par là le 9 ou le 10 juin ?

21 R. A Guca Gora, je n'ai vu que des membres de la police militaire qui

22 étaient chargés de la sécurité du monastère de Guca Gora.

23 Q. En 1994, vous êtes retourné au monastère de Guca Gora. Au moment où

24 vous avez restitué le monastère de Guca Gora, tous les livres de la

25 bibliothèque s'y trouvaient-ils encore, au monastère de Guca Gora ?

Page 11513

1 R. Si vous m'y autorisez, Monsieur le Président, je voudrais juste donner

2 quelques détails de plus, en trois ou quatre phrases, pour que ce soit

3 réglé, cette question de la bibliothèque, qui a une très grande valeur, la

4 bibliothèque du monastère. Est-ce que je peux ? Merci.

5 Avec le commandement -- donc, lorsque je suis devenu le commandant de la

6 306e Brigade, je ne me suis pas installé immédiatement dans le monastère de

7 Guca Gora. A notre installation, nous avons constitué une bibliothèque en

8 puisant dans le corpus de livres qui s'était trouvé sur place. Cela a été

9 rangé de manière très ordonnée, très correcte. Au moment de la restitution,

10 la bibliothèque n'a pas été remise au monastère ou aux représentants de

11 l'église. Elle a été emballée correctement dans des sacs et remise aux

12 archives. Les autorités civiles ont rendu la bibliothèque, enfin, ce qui en

13 restait, ont rendu cela au monastère de Guca Gora. Je ne sais pas quelle

14 était l'année précisément, mais cette partie du fond des livres a été

15 rendue à Guca Gora.

16 Q. Vous avez dit que, lorsque vous étiez commandant de la 306e Brigade,

17 vous avez vu ces livres pour la première fois dans la bibliothèque. Quelle

18 est l'impression que vous avez eue, à ce moment-là ? Que la bibliothèque

19 était complète, ou qu'il y avait des livres qui manquaient ?

20 R. Je vais vous dire quelle a été mon impression personnelle. Donc, pour

21 ce qui est de la bibliothèque, je ne sais pas quel a été le fond -- quels

22 étaient les fonds avant que je n'arrive au monastère de Guca Gora. L'état

23 des livres n'était pas vraiment tout à fait correct. Il n'était pas ce

24 qu'on aurait pu souhaiter, mais, pour ce qui est des livres, des documents

25 émanant du Vatican ou de l'église locale, on a rangé tout cela avec

Page 11514

1 précaution et, à notre sortie du monastère, on a emballé cela dans des

2 sacs, et cela a été transféré dans les archives de Bosnie centrale. Donc,

3 du commandement du 306e Brigade stationnée au monastère de Guca Gora, cela

4 a été transféré aux archives de Bosnie centrale, et de là, cela a été

5 restitué au monastère de Guca Gora, donc par rapport au corpus qu'on a

6 trouvé, nous.

7 Q. Pour ce qui est des livres que vous avez trouvés sur place, pouvez-vous

8 nous dire quelle a été votre appréciation de la quantité de livres sur

9 place ?

10 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense.

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas

12 que l'on perde de temps en soulevant ces objections, mais je voudrais

13 demander à mon confrère de nous préciser quelle est la finalité, le sens de

14 ces questions, puisque l'un des chefs d'accusation, c'est la destruction du

15 monastère, donc je ne vois pas vraiment pour quelle raison il pose des

16 questions sur la bibliothèque. Nous avons entendu des preuves avant le

17 conflit, et aussi sur la situation après, ce qui dit le témoin, donc, par

18 rapport au chef d'accusation, je ne vois vraiment pas pourquoi on

19 consacrerait tant de temps à cette question.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. La Défense fait valoir que le chef est la

21 destruction, et elle s'étonne que vous posiez des questions sur la

22 bibliothèque et les livres.

23 Etant précisé que je découvre, par le témoin, il a dit, il a pris des

24 livres de la bibliothèque, qui ont été emballés et qui ont été transmis aux

25 archives de la Bosnie centrale. Puis, ultérieurement, ces livres ont été

Page 11515

1 restitués au monastère. C'est la première fois qu'on entend cela. Qu'est-ce

2 que vous pouvez répondre à l'objection, sur la question des livres, parce

3 qu'apparemment, ils n'ont pas été détruits, ces livres. Je vous écoute.

4 M. NEUNER : [interprétation] Bien entendu, les livres qui ont été

5 retrouvés n'ont pas été détruits. Mais d'après ce que j'ai compris, il

6 manquait des livres, quelle qu'en soit la raison. Donc, comme le témoin l'a

7 dit d'ailleurs lui-même, ces livres provenaient du Vatican, pour certains

8 d'entre eux, et pouvaient constituer une partie du patrimoine culturelle du

9 peuple croate. Mais enfin, je vais avancer. Ce sera ma dernière question,

10 sur les Moudjahiddines --

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Posez la question. Comme cela, cela ira très

12 vite.

13 Vous avez compris. Il semblerait, Monsieur, qu'il y aurait des livres

14 qui auraient disparu. Est-ce que vous voyez une explication à la

15 disparition de ces livres qui font partie du patrimoine culturel ? Est-ce

16 que vous voyez une explication au fait, quand vous avez restitué tous ces

17 livres, il semblerait qu'il en manquerait. Je dis bien "il semblerait".

18 Est-ce que vous pouvez répondre ? C'est en ce sens que l'Accusation voulait

19 vous poser la question, mais autant la clarifier. Que pouvez-vous dire ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé de ce que je savais. S'il y a

21 eu des problèmes, s'il manquait des choses qui faisaient partie de la

22 bibliothèque, cela, c'est pour la simple raison que toutes les personnes

23 qui sont venues sur place ne savaient pas apprécier la valeur de cela. Mais

24 ce que nous avons fait, quand nous nous sommes installés avec le

25 commandement au sein du monastère, je sais que nous les avons rangés avec

Page 11516

1 beaucoup de précaution. C'était mis à la disposition de tout un chacun, non

2 pas pour prendre -- emporter, mais pour consulter. Pendant que nous y

3 étions, le commandement de la 306e a bien emballé tout cela, et de ce poste

4 de commandement, cela a été remis aux archives de Bosnie centrale, et

5 après, cela a été restitué au monastère de Guca Gora. Quant à savoir quelle

6 est la portion de la bibliothèque qui a été détruite, combien de livres,

7 cela, je ne le sais pas. Les personnes, bien entendu, qui apprécient les

8 livres, ne peuvent l'admettre, pas du tout, si ceci a eu lieu.

9 M. NEUNER : [interprétation]

10 Q. Monsieur Karic, ma dernière question porte sur les Moudjahiddines.

11 Pendant la guerre, vous avanciez sur deux voies en même temps. Vous portiez

12 une double casquette. Vous étiez officier de carrière et vous étiez homme

13 politique en Bosnie-Herzégovine au sein du parlement. Pendant les sessions

14 formelles ou informelles du parlement de la République de Bosnie-

15 Herzégovine, n'a-t-on jamais mentionné la présence des Moudjahiddines ?

16 R. Vraiment, je ne m'en souviens pas. Je ne le crois pas, mais je ne sais

17 pas.

18 M. NEUNER : [interprétation] L'Accusation n'a plus de questions.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est quasiment l'heure de faire la pause. Il est

20 10 heures 27. Nous reprendrons aux environs de 11 moins cinq pour les

21 questions supplémentaires.

22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 27.

23 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je donne la parole à la Défense pour les questions,

25 mais, avant de vous donner la parole, je voudrais préciser deux points. On

Page 11517

1 avait dit qu'on rendrait une décision sur la question des documents qui

2 peuvent, le cas échéant, être versés. Sur cette question, la Chambre

3 prenant acte de la demande formée par l'Accusation d'ici à la décision

4 qu'interviendra par la Chambre dans son entier sur la question posée par la

5 Défense concernant les documents, la Chambre fait une distinction entre

6 deux catégories de documents.

7 La première catégorie est constituée par les documents que

8 l'Accusation avait en sa possession et qu'elle n'a pas transmis à la

9 Défense avant le procès et pendant la phase de la présentation de ses

10 preuves. Cela, ce sont les documents dits de la première catégorie. La

11 deuxième catégorie, la Chambre indique que ce sont les documents que

12 l'Accusation a obtenus après la présentation de ses moyens de preuve.

13 La Chambre, à titre provisoire et avant les observations orales de

14 l'Accusation, décide que pourront être produits lors de l'audition d'un

15 témoin uniquement les documents de la deuxième catégorie. C'est-à-dire, les

16 documents qu'elle a obtenu après la présentation de ses moyens de preuve.

17 Dans ce cas, l'Accusation, avant de produire le document, indiquera à la

18 Chambre : (1) la provenance du document; (2) la date à laquelle elle a eu

19 ce document; (3) les circonstances dans lesquelles ces documents ont été en

20 possession de l'Accusation. La Chambre suggère par ailleurs à l'Accusation

21 de nous informer dans ses observations orales qui seront faites dans le

22 délai de 15 jours des circonstances générales quant à la connaissance par

23 l'Accusation des documents qu'elle a eus postérieurement à la présentation

24 de ses moyens de preuve. J'invite l'Accusation à relire la tête reposée

25 cette décision orale que nous avons rendue, et qui s'applique d'ici la

Page 11518

1 décision finale qui interviendra après vous avoir écouté sur votre

2 position. Cela, c'est le premier élément.

3 Le deuxième élément, afin de clarification, je l'ai évoqué en début

4 d'audience, mais je le redis pour que ce soit bien clair dans l'esprit des

5 uns et des autres. La Chambre autorise les parties, Accusation et Défense,

6 à utiliser les termes qu'elles souhaitent concernant le statut des

7 personnes qui se trouvaient gardées ou volontairement rassemblées dans

8 certains lieux. Si l'Accusation veut dire que ce sont des prisonniers ou

9 des témoins, elle peut. Si la Défense veut dire que ce sont des personnes

10 qui étaient libres, elle le peut. Chacun dit et utilise les mots qu'elle

11 estime devoir utiliser. Bien entendu, compte tenu du fait que les parties

12 peuvent utiliser les mots adéquats, elles peuvent poser toutes questions

13 sur la situation des personnes libres ou détenues. Tout le monde peut poser

14 les questions qu'elles veulent. Les questions, je rappelle, sont toujours

15 posées sous le contrôle de la Chambre. Voilà, je disais cela afin que tout

16 soit bien clarifié.

17 Mais je vous invite à relire le transcript, pour éviter toute fausse

18 interprétation. Sans perdre de temps, je vais vous redonner la parole.

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

20 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Karic.

22 R. Bonjour.

23 Q. Puisque l'Accusation n'a toujours pas décidé -- n'a toujours pas dit ce

24 qu'elle avait l'intention de faire avec cette carte qui est sous vos yeux,

25 je vais vous demander d'examiner encore une fois ceci. Sur la carte, vous

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1 avez inscrit le chiffre 2 pour désigner le territoire de Mehurici au sens

2 strict du terme. Je vais vous demander, à présent, d'encercler la zone de

3 Mehurici avec tous les villages et les hameaux qui appartiennent à cette

4 zone.

5 R. Vous faites référence à la communauté locale de Mehurici ou à la zone ?

6 Q. Ce qui pourrait être considéré comme étant la communauté locale

7 englobant les villages et les hameaux correspondant à cette zone-là. Tout

8 ce qui appartenait à cette localité-là. D'après ce que j'ai compris, c'est

9 le centre de Mehurici que vous avez désigné pour le moment.

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Vous pouvez assurer la ligne au-dessus de Podstinje, pour que ce soit

12 clair qu'on n'est pas certain quant au statut de cette localité. Il n'y a

13 pas eu de traduction de la première partie de la réponse du témoin. Le

14 témoin a dit : "Je ne suis pas sûr quant à savoir si Podstinje fait partie

15 de la communauté locale de Mehurici ou de celle de Guca Gora. Peut-être

16 l'un comme l'autre."

17 R. C'est la communauté locale de Maline.

18 Q. Oui, c'est de Maline. C'est la raison pour laquelle c'est en pointillé

19 que le témoin a tracé cette ligne.

20 Je vous prie maintenant de terminer.

21 R. C'est ce que j'en sais -- plutôt, ce que je pense qu'est la communauté

22 locale de Mehurici.

23 Q. Pouvez-vous tracer un chiffre 4 au centre de cette espace que vous avez

24 encerclée comme étant la zone de Mehurici.

25 R. [Le témoin s'exécute]

Page 11520

1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience, je

2 précise que le témoin a tracé une ligne pour désigner la zone ou la

3 communauté locale de Mehurici. Je vous remercie.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela, c'est aussi ce chemin qui passe par ici.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

6 Je voudrais que l'on revienne à la pièce de l'Accusation, P481.

7 Q. Aux questions posées par mon confrère, vous avez déjà dit que

8 vous n'aviez pas vu ce document, que vous ne le connaissiez pas. Vous avez

9 précisé votre réponse. Mais c'est le point 3 qui m'intéresse. S'il vous

10 plaît, Monsieur Karic, si le ravitaillement logistique d'une unité, quelle

11 qu'elle soit, passait par le biais de la 306e Brigade. Est-ce que c'était

12 vous l'organe qui était chargé de ce ravitaillement logistique, ou était-ce

13 de la compétence d'un autre organe ?

14 R. Pouvez-vous répéter votre question, s'il vous plaît.

15 Q. S'il fallait procéder à l'approvisionnement logistique d'une unité

16 militaire, si ceci devait passer par l'entremise de la 306e Brigade, était-

17 ce vous alors, cet assistant du commandant, qui était chargé de cet

18 approvisionnement ?

19 R. En situation normale, lorsque les brigades et leur commandements

20 fonctionnent normalement, je devais savoir -- je devais être au courant de

21 ces activités. Si, dans une zone donnée, j'étais chargé d'assurer la

22 logistique pour un bataillon, j'étais tenu de le faire, bien entendu, avec

23 l'aval du commandant de la brigade.

24 Q. Très bien, cela suffit. Merci. A un moment quelconque, avez-vous reçu

25 l'ordre vous demandant d'approvisionner une compagnie, quelle qu'elle soit,

Page 11521

1 ou une unité, quelle qu'elle soit, des individus, qui qu'ils soient, de la

2 7e Brigade musulmane ?

3 R. Non. D'ailleurs, c'était impossible. Si on regarde --

4 Q. Très bien.

5 Examinons encore un petit peu ce document qui n'est pas signé.

6 R. Il n'est pas signé.

7 Q. Oui, mais c'est une autre chose qui m'intéresse. Dites-moi, puisque

8 vous étiez militaire de carrière, et dû aux circonstances, vous avez

9 aujourd'hui aussi un grade, est-il possible que le commandant d'un

10 bataillon rattache ses effectifs à une autre brigade à laquelle ils

11 n'appartiennent nullement ? Est-ce que ce cas de figure est possible, qu'un

12 supérieur à un échelon inférieur rattache ses hommes à une autre brigade ?

13 R. Non.

14 Q. Merci. Monsieur Karic, je vous prie d'examiner la première phrase de

15 cet ordre. Vous avez déjà expliqué en disant que vous ne saviez pas si

16 quelqu'un avait été sur place. Mais si cet ordre était correct, exact, est-

17 ce qu'on précise ici dans quelle zone auraient dû être déployés ces 20

18 combattants ?

19 R. Est-ce qu'on précise l'endroit ? Ici, on dit : "De Mehurici au village

20 de Radojcici --"

21 Q. Qu'est-ce qui est écrit ?

22 R. "Du secteur de Mehurici vers le village de Radojicici."

23 Q. Monsieur Karic, le secteur de Mehurici, est-ce bien ce que vous venez

24 de tracer pour moi il y a un instant ?

25 R. Je pense que c'est même plus large. Je pense que ce sont les villages

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1 qu'englobe la communauté locale de Mehurici.

2 Q. Monsieur Karic --

3 R. Même si -- permettez-moi de fournir une explication. Excusez-moi.

4 Certains estiment que le secteur de Mehurici s'étend bien au-delà, et cela

5 pourrait englober Dug, Visnje, Vobuka [phon], Bukovica, même Zabrdze. Donc,

6 d'après certains, le secteur de Mehurici pourrait englober tout cela, mais

7 je me suis contenté de tracer uniquement la ligne qui correspond à la

8 communauté locale.

9 Q. Monsieur Karic, est-ce que c'était bien -- ce que vous avez tracé,

10 c'est bien le secteur de Mehurici, qui va au-delà de ce qui est constitué

11 par Mehurici propre ?

12 R. Oui, la zone de Mehurici, le secteur de Mehurici, oui.

13 Q. Très bien.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant présenter au

15 témoin la pièce P474.

16 Q. Encore une fois, pouvez-vous examiner la page 2 de ce document ?

17 En bas de la page, pouvez-vous me dire ce qui est écrit avant que l'on cite

18 une série de localités ? Qu'est-ce qui est écrit au dessus ?

19 R. Il dit : "Les effectifs chiffrés de la Brigade 1/7 de la Brigade

20 musulmane de Montagne;" c'est à celle-là que vous vous référez ?

21 R. Oui. Alors qu'on voit le moment auquel correspondent ces effectifs de

22 la brigade, ou plutôt c'est le bataillon, se reprend l'orateur, pouvez-vous

23 nous dire seulement si ce document nous dit à quel moment ces hommes sont

24 déployés dans cette zone, sur ce territoire ?

25 R. Non.

Page 11523

1 Q. Il ne me reste qu'une question à vous poser, Monsieur Karic, mon

2 éminent collègue vous a posé une question, il vous a demandé pour quelle

3 raison le commandant s'est trouvé à Krpeljici et à cette question vous avez

4 répondu en disant que c'est le commandant lui-même qui doit connaître les

5 raisons pour lesquelles elle se trouvait là-bas, que c'est à lui d'en

6 décider. Mais, en continuant, vous avez tenté à deux reprises de dire :

7 "Mais je sais pour quelle raison il n'a pas pu partir de là-bas". Pouvez-

8 vous nous dire, maintenant, pourquoi le commandant ainsi que les membres du

9 commandement n'ont pas pu sortir de Krpeljici pour se rendre au poste de

10 commandement ?

11 R. Ce dont je me souviens, dans la mesure où je m'en souviens, le reste du

12 commandement, que ce soit de Rudnik ou de Mehurici, qui ont été isolés,

13 fragmentés, comme je l'ai décrit hier, parce qu'il y avait des barrages du

14 HVO, on a insisté pour que le commandant sorte de Krpeljici avec l'aide de

15 la FORPRONU; cependant, ceci n'a pas été rendu possible de la part des

16 membres du HVO. Notre commandant n'a pas pu sortir; même avec l'aide de la

17 FORPRONU, il n'a pas pu passer par le poste de contrôle, que ce soit de

18 Krpeljici, non seulement le commandant et son commandement, mais toute

19 cette agglomération était complètement encerclée, non pas, à cause des

20 postes de contrôle qui auraient été dressés, mais parce qu'il avait un

21 encerclement total installé par les membres du HVO. Il y avait des

22 tranchées creusées qui étaient occupées par des membres du HVO.

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

24 Je n'ai pas d'autres questions.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, les autres avocats.

Page 11524

1 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous n'avons pas

2 de question pour ce témoin, à ce stade, mais nous tenons à préciser,

3 cependant, que deux documents qui sont sensés d'émaner de la 7e Brigade ont

4 été montrés à ce témoin et même si ce témoin a pu dire qu'il les a vus,

5 qu'ils sont un petit inhabituels, il n'a pas été capable de fournir

6 d'autres éléments d'information au sujet de ces documents particuliers.

7 Nous estimons qu'il serait plus efficace de présenter ces documents aux

8 membres de la 7e Brigade, qui pourraient expliquer ces documents. Par

9 conséquent, nous n'allons pas poser à ce témoin d'autres questions à leurs

10 sujets, mais nous allons revenir à ces documents à un moment ultérieur.

11 Je vous remercie.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'ai quelques questions à vous poser.

13 Questions de la Cour :

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons appris ce que nous ne savions pas que

15 vous étiez élu, puisque vous nous avez dit que vous étiez député, donc

16 parlementaire, et que vous mendiiez aux réunions où se retrouvaient vos

17 autres collègues députés.

18 Étant élu, vous devez avoir connaissance de l'action politique menée à la

19 tête de l'Etat, à l'époque, et je voudrais vous demander si vous aviez, à

20 votre niveau, soit en tant que militaire ou soit en tant qu'élu, eu

21 connaissance d'un décret-loi qui avait été pris par le président sur le

22 service dans l'ABiH. Ce décret-loi a été pris le 1er août 1992. Est-ce que

23 vous avez eu connaissance d'un texte qui concernait l'armée, en général.

24 Soit à titre de parlementaire, soit à titre d'officier ?

25 R. Puisque, pendant cette période-là, la présidence, vu qu'il était

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1 impossible que le parlement de la République de Bosnie fonctionne

2 normalement, s'est trouvée dans une situation où il a dû adopter des

3 décrets; là il y en eu plusieurs. Pourriez-vous me préciser de quel décret-

4 loi il s'agit, sur quoi il porte et je vais vous répondre ? Je ne sais pas

5 concrètement ce qui y figure.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. C'est la pièce P243, Monsieur le Greffier.

7 On va vous montrer le décret-loi mais dans votre langue

8 R. Merci.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il n'y a vraiment pas suffisamment de

10 temps pour je lise ce texte dans sa totalité, mais ce que je peux vous dire

11 --

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a l'Article 31. Regardez l'Article 31.

13 R. D'accord, c'est cela.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est dit à cet Article 31 - et je le lis - qu'une

15 personne qui n'a pas assermentée de la République peut être recrutée dans

16 l'armée. Je vous pose la question : est-ce qu'à votre connaissance, des

17 étrangers, qui n'avaient pas la citoyenneté de votre Etat, avaient pu être

18 recrutés dans l'armée, puisque la disposition le permettait ?

19 R. Pour ce qui est de ces décrets de la présidence, je sais que nous que

20 députés, en tant que parlementaires, nous avons confirmé la plupart de ces

21 décrets adoptés par la présidence pendant la période où on ne pouvait pas

22 convoquer le parlement pour une session ordinaire. Je ne sais pas

23 exactement quel moment cela s'est passé mais on peut retrouver facilement,

24 il n'est pas difficile de vérifier.

25 Pour autant que je sache, sur le territoire où j'étais, j'ignore qu'il y

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1 ait eu des ressortissants étrangers qui auraient été membres de l'ABiH; du

2 moins, il n'y en a pas eu et il n'y en a certainement pas eu dans les rangs

3 de la 306e Brigade.

4 Quant à autre chose, de quoi je peux parler en toute certitude, c'est la

5 situation de la 306e Brigade, et j'affirme en toute responsabilité qu'il

6 n'y avait pas au sein de cette brigade.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je passe à un autre sujet. Vous avez

8 indiqué - c'est à la page 54, ligne 8 - que des membres de l'armée -- que

9 des Moudjahiddines, avaient épousé des jeunes filles dans la région de

10 Mehurici. Est-ce que vous connaissiez le nom de jeunes filles ou de

11 familles qui se sont mariées avec des Moudjahiddines ? Parce que, quand

12 vous avez dit cela, vous faisiez référence à des cas précis ou à des

13 rumeurs ou des allégations que vous avez pu entendre ici et là, ou vous-

14 même, vous avez eu des cas très concrets ?

15 R. Quant à ce problème, j'en ai parlé en termes généraux hier. Je sais

16 que, pour la plupart d'entre nous du coin, les gens du coin, cela a été une

17 situation très frustrante, à savoir, les jeunes filles, très jeunes,

18 allaient être prises pour épouse par ces étrangers. Cela a été ce qu'on

19 pensait généralement parmi la population du coin. Mais il faut savoir aussi

20 que ces filles n'étaient pas toujours originaires de Mehurici. Il y avait

21 un afflux considérable de réfugiés, de personnes déplacées, dans cette

22 zone. Ce n'étaient pas seulement les jeunes filles de Mehurici qui allaient

23 se marier avec ces étrangers. Je pourrais difficilement vous citer un cas

24 précis, mais cela on le sait. Si la Chambre s'y intéresse, on peut

25 facilement vérifier qui sont les jeunes filles du coin qui ont été mariées

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1 ou qui sont devenues des épouses de ces étrangers. Cela ne nous pose aucun

2 problème de vérifier cela.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez pas de cas précis à citer. Je reviens à

4 un autre sujet. A la page 46, ligne 14, et à la page 49, ligne 10, vous

5 avez évoqué à un moment donné la présence de l'armée croate dans la région.

6 Je vous pose la question : qu'est-ce qui vous permet de dire que l'armée

7 croate était présente dans la région ? Je ne parle pas du HVO, je parle de

8 l'armée croate.

9 R. Oui, oui.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : En tant que militaire, qu'est-ce qui vous permet de

11 le dire ? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez personnellement vu,

12 qu'on vous a rapporté, ou c'est une rumeur dans l'enceinte par le moteur ?

13 Est-ce que vous pouvez nous donner des indications ?

14 R. Pour autant que je m'en souvienne, je l'ai dit hier, du moins à un

15 moment, en répondant à l'une des questions, qu'en passant par ces postes de

16 contrôle, en franchissant ces postes de contrôle, c'est ce que j'ai vu.

17 J'ai vu des insignes portés par ces hommes qui étaient installés à ces

18 postes de contrôle. Ils portaient des insignes du HVO, du HOS, et des

19 chemises noires qui étaient encore les plus dangereux pour nous. Ils

20 n'avaient pas d'insignes. On voyait aussi des insignes HV, avec le blason

21 du HV, cela, je l'ai vu au poste de contrôle, HV, HVO, HOS, et ceux qui

22 étaient vêtus de chemises noires qui ne portaient pas d'insignes. C'est

23 ainsi qu'on les distinguait.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vous remercie de cette précision.

25 Dernier sujet, vous étiez au sein de la 306e Brigade chargé de la

Page 11528

1 Logistique. Si je comprends bien ce qu'est la logistique, c'est que vous

2 aviez la responsabilité de l'approvisionnement, la nourriture, le matériel.

3 C'est ce qu'on appelle la logistique. Est-ce bien ce qui rentrait dans

4 votre champ de compétences ?

5 R. Oui, c'est cela.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : A partir de là, l'école de Mehurici était-elle

7 occupée par des civils ou la 306e Brigade ?

8 R. L'école primaire de Mehurici, le bâtiment de cette école primaire a été

9 réquisitionné pour les besoins du 1er Bataillon de la 306e Brigade de

10 Montagne. C'était la situation.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce à dire que, dans la mesure où cette école

12 avait été réquisitionnée par la 306e Brigade, tous ceux qui pouvaient se

13 trouver à l'intérieur devaient, sur le plan de la logistique, être

14 approvisionnés par l'armée ?

15 R. Les soldats, oui.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans l'hypothèse où il y aurait eu à un moment donné

17 des civils dans les locaux réquisitionnés par l'armée, ces civils, comment

18 pouvaient-ils être nourris ? Est-ce qu'il incombait à l'armée de les

19 nourrir, de leur apporter des soins, et tout ce qui fallait ? Dans ce cas-

20 là, est-ce que c'était vous, sur le plan logistique, responsable ?

21 R. S'il s'agissait de prisonniers de guerre, il est probable que des

22 organes supérieurs chargés de la sécurité auraient agi ainsi. Vous pensez

23 sans doute aux civils qui étaient installés dans l'école élémentaire de

24 Mehurici, dans la salle de sports de l'école de Mehurici, des gens qui

25 venaient de Maline. Il était impossible de réaliser cela car, en tant que

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1 responsables de la logistique, nous n'avions pas assez de matériel. Nous

2 étions loin de disposer des produits médicaux, des produits de soins

3 nécessaires pour nous occuper d'eux, et les traiter en tant que

4 prisonniers. Au contraire, pour autant que je l'ai compris à ce moment-là,

5 les habitants de Maline ont été amenés dans le bâtiment de l'école de

6 Mehurici et dans la salle de sports de cette école primaire pour des

7 raisons de sécurité, exclusivement. Selon les informations dont je dispose,

8 des contacts ont été pris immédiatement avec les organes du pouvoir civil,

9 avec la police, avec la sécurité publique civile qui, de toute façon,

10 s'occupait déjà des personnes déplacées et des réfugiés présents dans ce

11 territoire. Pour autant que je m'en souvienne, le commandement du bataillon

12 est allé dans ce sens. Cette population était prise en charge par

13 l'intermédiaire de la sécurité civile du point de vue alimentaire dans la

14 mesure des moyens. Sur le plan des soins médicaux, c'étaient les médecins

15 présents dans le territoire qui s'en occupait, et nous, en tant qu'unité et

16 en tant que 1er Bataillon, nous sommes intervenus également dans la mesure

17 où nous pouvions leur apporter notre aide de façon à qu'ils soient logés

18 dans les meilleures conditions de sécurité possible, qu'il n'y ait pas de

19 problèmes. Parce que, si j'ai bien compris à ce moment-là, nous ne

20 considérions pas que ces personnes fussent des prisonniers de guerre.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, ma question : vous dites que ces personnes

22 concernant la nourriture - c'est à la ligne 41 -- page 43, ligne 41 -

23 étaient prises en charge par la protection civile, par l'autorité civile.

24 C'est l'autorité civile qui devait leur apporter à manger; c'est bien cela

25 ? Vous, vous n'aviez aucune responsabilité en la matière ?

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1 R. En effet, c'est cela.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous enregistrons ce que vous nous dites

3 sur l'approvisionnement en nourriture de ces civils.

4 Y a-t-il des compléments ?

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Quelques petites questions

6 complémentaires.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai oublié de poser la question d'abord à

8 l'Accusation. Est-ce que vous avez, suite aux questions posées, des

9 questions supplémentaires ?

10 M. NEUNER : [interprétation] L'Accusation n'a pas de questions

11 supplémentaires, mais je prierais le témoin de bien vouloir apposer sa

12 signature sur la carte géographique qui lui a été soumise en indiquant,

13 sous sa signature, quelle est la date d'aujourd'hui.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Quelle est la date d'aujourd'hui ?

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Le 10 novembre 2004, mercredi.

16 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

17 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation demande le versement de la carte.

18 Présentez la carte à tout le monde.

19 M. NEUNER : [interprétation] En effet, Monsieur le Président, nous

20 demandons le versement de cette carte. Je vous remercie.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Pas d'objections ? Monsieur le Greffier, donnez-nous

22 un numéro. Je vérifie que c'est bien signé et daté. Très bien.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

24 pièce à conviction de l'Accusation, P936.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je donne la parole à la Défense.

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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette, une

2 nouvelle fois, au témoin, le décret de loi au sujet de l'armée, la pièce

3 P243, Article 31.

4 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

5 Q. [interprétation] Monsieur Karic, en réponse à une question qui vous a

6 été posée par le Président de la Chambre, vous avez déclaré que la

7 présidence prenait des décisions et que, par la suite, lorsque la chose

8 était possible, l'assemblée confirmait ses décisions. Vous souvenez-vous si

9 cette décision-ci compte au nombre de ces décisions confirmées par

10 l'assemblée ?

11 R. Lorsque nous confirmions des décisions, elles étaient numérotées, donc

12 il y avait un numéro de référence et une date, et cetera. Voilà ce dont je

13 me souviens, et je ne suis pas sûr que ce texte-ci ait été confirmé

14 immédiatement, mais peut-être plus tard.

15 Q. Très bien, merci. Vous avez parlé de la façon dont la Bosnie-

16 Herzégovine a obtenu son indépendance. Vous avez parlé de la dissolution de

17 la Yougoslavie. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si vous-même, en tant

18 que citoyen de la Bosnie-Herzégovine, à cette époque-là, vous saviez que,

19 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, vivaient des gens qui n'étaient

20 pas nés en Bosnie-Herzégovine ? Saviez-vous qu'en Bosnie-Herzégovine il y

21 avait pas mal d'habitants qui n'étaient pas nés en Bosnie-Herzégovine, mais

22 qui étaient nés dans d'autres régions yougoslaves ?

23 R. Oui, c'était quelque chose de très connu. Il me semble que j'ai dit

24 hier qu'un grand nombre de soldats de Croatie et de Slovénie avaient été

25 transférés en Bosnie-Herzégovine. On les appelait, à l'époque déjà, des

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1 volontaires. Il y en avait pas mal de volontaires également, qui venaient

2 de Serbie et du Monténégro.

3 Q. Les personnes, qui n'étaient pas nés en Bosnie-Herzégovine, qui ne

4 résidaient pas en permanence en Bosnie-Herzégovine, conformément à la loi

5 sur la citoyenneté, ces personnes, étaient-elles considérées comme des

6 citoyens étrangers ?

7 R. Les gens qui n'avaient pas leur citoyenneté ?

8 Q. De Bosnie-Herzégovine. Etaient-ils considérés comme des citoyens

9 étrangers ?

10 R. Oui.

11 Q. Je vous prie, savez-vous où est né celui qui était le chef d'état-

12 major, à l'époque, du commandement suprême, à savoir Sefer Halilovic ?

13 R. Je ne sais pas exactement.

14 Q. Je peux vous suggérer une réponse. En tout cas, je vous demande : est-

15 ce qu'il est né en Bosnie-Herzégovine ? Le savez-vous ?

16 R. Je ne sais même pas cela. Vraiment, je ne sais pas. Sefer Halilovic ?

17 Q. Oui.

18 R. [Signe d'impuissance du témoin]

19 Q. Savez-vous où est le secteur de Sandzak ?

20 R. Oui.

21 Q. Où se trouve-t-il ?

22 R. En Serbie.

23 Q. Quelqu'un serait né au Sandzak, était-il un citoyen qui n'était pas

24 ressortissant de la Bosnie-Herzégovine, mais ressortissant de la République

25 de Serbie ?

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1 R. Oui, de la Serbie. D'ailleurs, il n'y en avait pas qu'un seul. Cela, je

2 le sais.

3 Q. Si une personne correspondante à ces caractéristiques, une personne née

4 en Serbie, résidait de façon permanente en Bosnie-Herzégovine, cette

5 personne, serait-elle, du point de vue de la citoyenneté bosniaque,

6 considérée comme une étrangère ?

7 R. Bien sûr.

8 Q. Puisque vous n'avez pas cette information au sujet de votre commandant,

9 mais en tout cas, je vous demande, dans ces conditions, si un soldat

10 ordinaire, quelqu'un qui n'était pas un commandant, si un combattant

11 simplement correspondant à ces caractéristiques, s'il y en avait un grand

12 nombre au début de la guerre en Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que vous le

13 savez ?

14 R. Oui, cela je le sais, c'est oui.

15 Q. Savez-vous qu'en 1992 et 1993, en grand nombre de citoyens de l'ex-RSFY

16 nés au Sandzak, nés en Slavonie, nés en Croatie, se sont retrouvés dans les

17 rangs de l'ABiH ?

18 R. Cela, c'est une chose connue pour moi.

19 Q. Pouvez-vous, Monsieur Karic, nous dire, compte tenu de cette réalité,

20 qui est concerné dans cet article du décret de loi qui vous a été soumis ?

21 R. Je sais que nous avons eu le problème que vous venez d'évoquer,

22 notamment au sein du 1er Corps de l'ABiH. A Sarajevo, réellement, il y avait

23 pas mal de gens qui étaient venus à Sarajevo depuis leur lieu de naissance,

24 qui n'était pas Sarajevo, et qu'était le Sandzak, Kosovo, et cetera. Il y

25 avait pas mal de gens qui n'étaient pas citoyens de Bosnie-Herzégovine, qui

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1 se sont retrouvés sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et qui sont

2 entrés dans les rangs de l'ABiH.

3 Q. Je vous remercie bien, Monsieur Karic, de ces réponses que vous avez

4 apportées à mes questions.

5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

6 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je n'ai pas

7 de questions.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karic, votre témoignage vient de s'achever.

9 Nous vous remercions d'avoir passé plusieurs jours à La Haye pour répondre

10 aux questions de la Défense, de l'Accusation et des Juges Nous vous

11 souhaitons un bon voyage de retour et nous formulons nos meilleurs vœux de

12 réussite dans l'entreprise que vous dirigez. Je demande à Mme l'Huissière

13 de bien vouloir vous raccompagner à la porte de la salle d'audience.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 [Le témoin se retire]

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, nous avons un témoin qui va venir

17 déposer.

18 J'en profite pour rendre à M. le Greffier des documents.

19 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que le

21 technique marche. Est-ce que vous entendez la traduction de mes propos dans

22 votre langue ? Si c'est le cas, dites je vous entends et je vous comprends.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends et je vous comprends.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous allez devoir prêter serment --

25 L'INTERPRÈTE : Monsieur le Président, vous pouvez demander au témoin de se

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1 rapprocher du micro, s'il vous plaît, pour les interprètes.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourriez-vous rapprocher du micro dans la mesure du

3 possible ?

4 Avant de prêter serment, je me dois de vous identifier. Pouvez-vous nous

5 donner votre nom, prénom, date de naissance et lieu de naissance ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je m'appelle Ferid

7 Jasarevic. Je suis né, le 15 octobre 1950, dans le village Jezerci dans la

8 municipalité de Travnik.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est actuellement votre occupation ? Avez-vous

10 une activité salariée ? Que faites-vous ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, en ce moment, je suis

12 enseignant à l'école primaire.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992, 1993, aviez-vous une activité ? Si oui,

14 laquelle ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992, au mois de mai, je suis entré dans

16 l'ABiH dont j'ai été membre jusqu'au 19 novembre 1993, date à laquelle j'ai

17 repris ma profession, à savoir, instituteur.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous m'indiquer dans quelle unité vous avez

19 exercé jusqu'en 1993, et aviez-vous un grade ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'en novembre 1993, j'appartenais à la

21 306e Brigade, et je n'avais pas de grade.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez simple soldat. Aviez-vous une fonction au

23 sein de la 306e Brigade ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Au sein de la 306e Brigade, je faisais partie

25 du secteur chargé du moral des troupes. Halim Husic était mon supérieur.

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1 C'était l'assistant du commandant chargé du moral des troupes. Quant à moi,

2 dans le secteur du moral des troupes, et des questions religieuses, j'étais

3 l'homme de permanence.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Avez-vous déjà témoigné devant ce Tribunal ou

5 devant une juridiction nationale sur des faits qui se sont déroulés en

6 novembre 1992, 1993 en Bosnie-Herzégovine, ou c'est la première fois que

7 vous témoignez devant une juridiction ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai jamais

9 témoigné. Aujourd'hui, c'est la première fois que je témoigne.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire la prestation de serment

11 dans votre langue.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: FERID JASAREVIC [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

17 Vous avez été cité comme témoin par la Défense. Vous allez devoir

18 participer par votre présence à une audience qui se tient ce jour. Afin que

19 cette audience se déroule dans les meilleures conditions et pour éviter

20 toute perte de temps inutile, je vais fournir quelques éléments

21 d'information sur la façon dont se déroule une audience. Ces éléments, je

22 les donne à tous les témoins.

23 Vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être posées par

24 les avocats des accusés. Les avocats des accusés, que vous avez

25 certainement dû rencontrer, se trouvent à votre gauche. Ils vont vous poser

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1 des questions à l'appui de leur défense dans le cadre de ce qu'on appelle

2 l'interrogatoire direct. Les questions qui vous seront posées doivent être

3 formulées de telle façon qu'elles n'induisent pas la réponse. C'est à vous

4 d'apporter à une question neutre, une réponse.

5 Après cette phase qui va durer un certain temps, l'Accusation, qui est à

6 votre gauche, vous posera également des questions qui dureront le même

7 temps que la Défense dans ce qu'on appelle le cadre du contre-

8 interrogatoire. La différence entre les deux procédures, interrogatoire

9 direct et contre-interrogatoire, c'est que celui qui contre-interroge peut

10 poser des questions directrices, un peu plus directrices que les questions

11 de l'interrogatoire principal.

12 Les questions qui vous seront alors posées par les uns que par les autres,

13 essayez d'y répondre de façon claire et synthétique, car nous n'avons, nous

14 les Juges, et nous devrons apprécier ce que vous nous dites, aucun élément

15 écrit concernant les propos que vous allez tenir. Donc, vu l'importance des

16 réponses que vous donnez. Si vous ne comprenez pas le sens d'une question,

17 demandez à celui qui vous pose la question de la reformuler. Par ailleurs,

18 les Juges qui sont devant vous, d'habitude, ils sont trois, mais il y en a

19 un qui est absent pour des raisons professionnelles, les Juges qui sont

20 devant vous, peuvent à tout moment vous posez également des questions. Les

21 Juges posent des questions en règle générale, après les interventions des

22 uns et des autres. Après que nous ayons nous-même posé des questions, les

23 parties sont autorisées, je le dis bien, autorisées à vous reposer des

24 questions en complément de ce que vous nous avez répondu. Mais si vous

25 répondez à toutes les questions, il n'est pas nécessaire à ce moment-là que

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1 les Juges vous posent des questions.

2 Je dois également vous rappeler deux autres éléments, notamment, compte

3 tenu de votre qualité d'ancien membre de la 306e Brigade, vous avez prêté

4 serment de dire toute la vérité. Ce qui veut dire que maintenant vous

5 n'êtes plus le témoin d'une des parties, mais vous êtes le témoin de la

6 justice. Ce qui veut dire que vous ne pouvez que dire la vérité. Vous le

7 savez, étant enseignant, vous êtes bien placé pour le savoir, c'est qu'un

8 mensonge peut être sanctionné, et notre règlement prévoit qu'en cas de faux

9 témoignage, la sanction, cela peut aller jusqu'à une peine

10 d'emprisonnement. Le deuxième élément que je dois vous indiquer, c'est que

11 répondant à des questions, un témoin peut, le cas échéant, estimer que sa

12 réponse pourrait constituer des éléments qui, un jour, pourraient être mis

13 à charge contre lui. Comme le dit notre règlement, le témoin peut refuser

14 de répondre, mais la Chambre peut l'obliger à lui répondre, à répondre aux

15 questions. Dans cette hypothèse, le témoin bénéficie d'une immunité, c'est-

16 à-dire, que tout ce qu'il dit ne pourra pas être utilisé contre lui. Ceci a

17 été fait afin de permettre au témoin de dire la vérité. Voilà de manière

18 générale, comment va se dérouler cette audience. S'il y a une difficulté

19 quelconque, n'hésitez pas à nous en faire part. Nous essaierons dans la

20 mesure du possible d'y répondre.

21 En principe, l'audience se déroule pendant une heure et demie, et ensuite,

22 pour des raisons techniques, il y a une pause, et ensuite, on reprend. Mais

23 comme l'heure et demie est déjà entamée, il est midi moins cinq, donc, on

24 va aller jusqu'à midi et demi. Ensuite, on sera obligé de faire la pause

25 pour des raisons techniques, et on reprendra aux environs d'une heure moins

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1 cinq.

2 Maintenant, sans perdre de temps, je vais donner la parole à la Défense qui

3 va vous rajouter une précision supplémentaire.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Interrogatoire principal par Mme Residovic :

6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Jasarevic.

7 R. Bonjour.

8 Q. Comme vient de vous le dire le président de cette Chambre de première

9 instance, je vais vous demander une chose supplémentaire. En effet, vous et

10 moi parlons la même langue. Il vous sera tout à fait possible, dès que j'ai

11 terminé de formuler ma question, de répondre. Or, ma question doit être

12 interprétée de façon à ce que les Juges de cette Chambre et tout le monde

13 dans ce prétoire comprennent bien de quoi il est question. Je vous

14 prierais, simplement à la fin de la formulation de mes questions, de

15 ménager une pause brève avant de commencer à répondre. Vous m'avez bien

16 compris ?

17 R. Oui, je vous ai compris.

18 Q. Très bien. Merci beaucoup. Vous avez déjà dit, Monsieur Jasarevic que

19 vous étiez enseignant. Pourriez-vous nous en dire un peu plus de votre

20 formation ? Où avez-vous terminé vos études et quand, notamment ?

21 R. J'ai terminé mes études primaires à Han Bila dans la municipalité de

22 Travnik. J'ai terminé l'école normale au niveau secondaire à Travnik en

23 1970. J'ai étudié l'enseignement, l'éducation, la pédagogie, et depuis lors

24 je travaille en tant qu'instituteur, j'ai des enfants dans quatre classes

25 d'écoles primaires différentes.

Page 11540

1 Q. M. Jasarevic, dites-moi, je vous prie : quels étaient vos domaines

2 professionnels avant la guerre, dans quel domaine enseigniez-vous avant la

3 guerre ?

4 R. Comme je l'ai dit, j'ai commencé à travailler en 1970 et, toute ma

5 carrière, je l'ai passée à l'école primaire de Mehurici. D'ailleurs, j'y

6 travaille encore aujourd'hui. Autrement dit, depuis le début de ma

7 carrière, je travaille dans l'école primaire de Mehurici. Bien entendu, en

8 1972, j'ai interrompu ma carrière professionnelle pour faire mon service

9 militaire dans les rangs de la JNA et je l'ai interrompue également de 1992

10 à 1993 quand j'ai appartenu à l'ABiH.

11 Q. Vous avez déclaré que vous étiez un membre du groupe chargé du Moral

12 des troupes au sein de la 306e Brigade. M. Jasarevic, pourriez-vous me

13 dire, lorsque vous avez rejoint la défense de la Bosnie-Herzégovine, la

14 306e Brigade existait-elle déjà, ou avez-vous été versé dans les rangs

15 d'une autre unité chargée de la Défense ?

16 R. Je suis entré dans les rangs de l'ABiH en mai 1992; à ce moment-là, la

17 306e Brigade n'existait pas. L'organisation de la défense posait des

18 problèmes et un état-major de la Défense territoriale au niveau sectoriel a

19 été créé à Mehurici qui recouvrait Fazlici, Zavidovovici [phon], Zabrdje,

20 Boserce [phon], et cetera, jusqu'à Podstinje. Nous étions en train

21 d'organiser, de mettre en place des compagnies, des unités, des pelotons.

22 Tout dépendait de la taille du village et nous commandant à Mehurici était

23 celui qui nous donnait des ordres.

24 Q. A un certain moment la Défense territoriale, l'état-major de la Défense

25 territoriale, au niveau sectoriel, a-t-il été re-baptisé ? Vous êtes-vous

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1 organisés en détachements, par exemple, ou en d'autres formations ?

2 R. Après quelque temps, la situation devenait de plus en plus complexe,

3 donc il fallait s'organiser de mieux en mieux sur le plan militaire, et

4 c'est pour cela que des détachements - je crois qu'il y en avait trois -

5 ont été créés : le Détachement de Mehurici, le Détachement de Luta Greda et

6 le Détachement de Krpeljici, il me semble que c'était son nom. Je ne suis

7 pas sûr s'il s'appelait Krpeljici ou Han Bila.

8 Q. À quel détachement apparteniez-vous, M. Jasarevic ?

9 R. Excusez-moi.

10 Q. Allez-y, vous faites des prises assez longues, je pense que les

11 interprètes peuvent fonctionner même si vos pauses sont plus courtes.

12 R. J'appartenais au Détachement de Mehurici.

13 Q. M. Jasarevic, qui commandait votre détachement ?

14 R. Le commandant de notre détachement, à l'époque, Fahir Camdzic.

15 Q. M. Jasarevic, de quelles armes disposiez-vous lorsque vous êtes entré

16 dans le 1e État-major sectoriel et un plus tard dans les rangs du

17 Détachement de Mehurici ?

18 R. Je peux vous dire quelles étaient les armes dont nous disposions dans

19 notre village, par exemple. Dans notre village, il n'y avait aucune arme,

20 mon village est un petit village qui compte 400 habitants à peu près, nous

21 avions six fusils de chasse, un fusil automatique qu'un policier nous avait

22 remis et deux pistolets. Voilà ce que nous avions dans mon village, au

23 début.

24 Comme vous pouvez le constater, nous n'avions vraiment pratiquement pas

25 d'armes, c'est tout ce que nous avions.

Page 11542

1 Q. M. Jasarevic, dans les Unités de la Défense territoriale, y a-t-il eu

2 des habitants croates de la région qui y sont entrées ou, plus précisément,

3 savez-vous au sein unité précisément étaient organisés les habitants

4 d'appartenance ethnique ?

5 R. Un nombre limité d'habitants croates, mais je ne connais pas exactement

6 leur nombre est entré dans les rangs de la Bosnie-Herzégovine. Je sais que

7 dans mon village, deux Croates sont entrés dans la Défense territoriale qui

8 plus tard s'est appelé l'ABiH. Quant aux autres, les autres hommes aptes à

9 combattre, ils sont entrés dans les rangs du conseil croate de Défense. Ils

10 n'ont pas fait partie de l'ABiH dans laquelle ils étaient très peu

11 nombreux.

12 La majorité des Croates, aptes à porter les armes et à combattre, est allée

13 au sein du conseil croate de Défense.

14 Q. M. Jasarevic, vous avez déjà expliqué quelles étaient les armes dont

15 vous disposiez. Je vous demande comment était équipé et armé le conseil

16 croate de Défense, présent sur votre territoire ?

17 R. Les Unités du conseil croate de Défense étaient très supérieures sur le

18 plan de l'armement et de la formation. Ces hommes

19 disposaient des armes les plus modernes, ils disposaient de fusils

20 automatiques, ils avaient ce que nous appelons des uniformes de

21 camouflages, ils étaient bien entraînés, ils avaient de bonnes chaussures,

22 ils avaient tout ce dont un soldat a besoin. En comparaison avec les

23 membres de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine, à l'époque, ils

24 étaient bien supérieurs.

25 Q. S'agissant de la création de la 306e Brigade, vous avez dit que vous

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1 faisiez partie d'un groupe chargé du Moral des troupes et que M. Husic

2 était votre supérieur au sein de ce groupe, à savoir qu'il était

3 l'assistant du commandant chargé du Moral des troupes.

4 Pourriez-vous nous dire où, à l'époque, se trouvait le siège du

5 commandement de la brigade et où se trouvait ce que j'appellerais votre

6 poste de travail au sein de l'armée ?

7 R. Le siège du commandement de la Brigade se trouvait à Rudnik, la mine,

8 et d'ailleurs mon bureau se trouvait justement dans les bâtiments de la

9 mine.

10 Q. La 306e Brigade disposait-elle de casernes ou on aurait hébergé ces

11 soldats ? Si tel n'était pas le cas, où se trouvaient-ils quand ils

12 n'étaient pas au poste de combat ?

13 R. La 306e Brigade n'avait pas de caserne ou d'installation militaire, à

14 l'époque. Les soldats, à la fin de leur mission, rentraient chez eux et

15 leur temps libre, ils le passaient chez eux, dans leur maison, donc nous

16 n'étions pas hébergés dans des casernes, il n'y avait pas, par ailleurs,

17 d'installations miliaires où nous pouvions être hébergés.

18 Q. Vous, Monsieur Jasavevic, en tant que membre d'une organe du

19 commandement de la brigade, où étiez-vous quand vous n'étiez pas en

20 missions, dans le cadre de l'armée ?

21 R. Quand je n'étais pas en mission au niveau de l'armée, je suis entré

22 dans mon village et c'est là que je faisais des travaux agricoles, nous

23 faisions des semailles, des pommes de terre, carottes, et cetera. Alors la

24 situation était difficile, il fallait nous nourrir et nous devions faire de

25 travaux agricoles pour survivre.

Page 11544

1 Q. Vous êtes resté jusqu'à quel moment à ce poste du Département chargé du

2 Moral, est-ce que vous a-t-on assigné d'autres missions et, le cas échéant,

3 lesquelles ?

4 R. Je suis allé jusqu'au 19 novembre 1993, donc, dans un Détachement

5 chargé du Moral des troupes. A peu près au mois d'août 1993, dans ce

6 secteur du moral, j'ai été chargé des Services sociaux. J'ai été chef des

7 questions sociales. C'est un service séparé qui faisait partie de ce

8 Détachement chargé du Moral des troupes et des questions religieuses. Je

9 m'occupais de questions sociales, aussi bien des soldats que de leurs

10 familles. Aussi, pendant une période assez brève, je pense, qui allait à

11 partir du 19 juin jusqu'à peu près la mi-août, en suivant l'ordre donné par

12 le commandement, j'ai été affecté au poste de commandement avancé de Luta

13 Greda au nord-ouest de Mehurici. Là, j'étais sur la ligne en face de

14 l'agresseur serbo-monténégrin. Comme vous pouvez le voir, pendant toute

15 cette période-là, j'ai impliqué dans ce service chargé du moral des

16 troupes, avec quelques exceptions quand l'ordre m'a été donné par mes

17 supérieur hiérarchiques.

18 Q. Où étiez-vous au mois de novembre 1993 ?

19 R. Au mois de novembre 1993, les conditions étaient réunies pour ouvrir

20 les écoles et donc j'ai regagné mon poste d'origine et j'ai continué à

21 faire ce que j'ai toujours fait toute ma vie et ce que je fais encore au

22 jour d'aujourd'hui, à savoir, j'ai été instituteur dans l'école primaire

23 pour les enfants allant de la première à la quatrième classe de l'école

24 primaire, avec mes autres collègues. Je dois dire aussi que j'ai été obligé

25 de travailler dans le village Velika Bukovica, qui se trouve à peu près à

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1 neuf kilomètres au nord de Mehurici. Cela faisait partie de mon obligation

2 de travail.

3 Q. Pourriez-vous nous décrire, de façon sommaire, quelle étaient vos

4 missions, dans le cadre de cet organe chargé du moral, qui étaient les

5 vôtres avant de commencer à vous occuper de questions sociales où il

6 s'agissait de protéger, du point de social, les soldats ?

7 R. Les missions qui étaient les miennes, en tant que chargé du moral et

8 des questions religieuses, étaient comme suit : il s'agissait de s'occuper

9 du moral des combattants et des unités. Il s'agissait aussi de faire

10 connaître aux soldats toutes les conventions et les règles internationales,

11 ou il s'agissait de leur apprendre à traiter les blessés, les prisonniers,

12 et cetera. Je dois dire aussi qu'à cause de la situation dans laquelle nous

13 nous trouvions, il s'agissait aussi toujours de traiter de questions

14 sociales, puisque c'est une question extrêmement importante dans le cadre

15 du moral des troupes. Parce qu'il fallait savoir de quelle façon un soldat

16 pouvait regagner sa famille, là où se trouve sa famille, et cetera. Nous

17 voulions toujours nous occuper des membres de la famille des soldats qui

18 étaient sur le front, pour qu'ils n'aient pas faim, pour que l'on s'occupe

19 d'eux.

20 Je dois dire aussi que je ne m'occupais pas tout particulièrement des

21 questions religieuses, puisque l'assistant du commandant chargé du moral

22 des troupes, Husic Halim, était diplômé de l'école religieuse de Sarajevo

23 et c'était lui qui était plus à même donc de s'occuper de ces questions-là,

24 les questions religieuses.

25 Q. Monsieur Jasarevic, pourriez-vous me dire dans quelle mesure, vu les

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1 conditions qui prévalaient, l'exécution de votre mission était liée à la

2 nécessité d'établir une ligne de commandement des soldats ? Dans quelle

3 mesure c'était lié au recrutement de la population au sein de l'armée ?

4 Est-ce que vous avez eu des problèmes dans ce sens-là ?

5 R. Oui, bien sûr. Nous avons en eu, au début, surtout en ce qui concerne

6 l'organisation. Tout d'abord, la Défense territoriale, qui fonctionnait

7 jusqu'alors, était défaite. Les Unités de la Défense territoriale

8 accueillaient tout d'abord les Bosniens et les Musulmans. Nous manquions

9 d'hommes, et il fallait trouver une solution. Nous travaillions par

10 plusieurs équipes et nous n'avions pas suffisamment d'hommes, mais nous

11 avons tout de même réussi à nous défendre pendant cette première période.

12 En ce qui concerne le problème du commandement, les soldats n'étaient pas

13 très bien au début. Il était très difficile de se décider d'aller sur la

14 ligne de front parce que, vous savez, le risque était énorme. Les gens ne

15 voulaient pas trop y aller, mais ils ont compris que c'était de leur devoir

16 et ils se conformaient à ces obligations. Ensuite, quand la brigade a été

17 créée, le problème était bien moindre. Nous n'avions plus de tels problèmes

18 à partir du moment où nous avons eu la brigade.

19 Q. Monsieur Jasarevic, pourriez-vous nous dire quels étaient les liens que

20 vous aviez avec les organes civils qui agissaient sur ce même territoire6

21 R. Sur le territoire où j'ai travaillé, ou la zone de responsabilité de ma

22 brigade ou, plus précisément, la zone du secteur chargé du Moral, il y

23 avait des autorités civiles sur ce territoire. C'étaient les communautés

24 locales et la protection civile. C'est de cette façon-là d'ailleurs que

25 nous nous sommes occupés de nos soldats. Nous sommes coordonnés avec les

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1 autorités civiles, qui s'occupaient des familles des soldats dans la mesure

2 du possible, en leur donnant de la nourriture, pour que ces familles

3 n'aient pas faim. Nous pouvions aussi communiquer par les autorités civiles

4 par le biais des communautés locales où vous aviez les présidents de

5 communautés locales. Ensuite, vous aviez la protection civile qui

6 s'occupait de la protection civile et, par le biais justement de ce service

7 chargé du Moral, nous nous occupions des familles des soldats.

8 Q. A un moment donné, est-ce que vous vous trouviez dans une position

9 supérieure par rapport à ces autorités civiles et leurs organes ? Donc,

10 est-ce que la 306e Brigade, à un moment donné dans les faits, a pris le

11 pouvoir sur les autorités civiles qui lui étaient devenues, de fait,

12 subordonnées ?

13 R. Non. A aucun moment, ces organes des autorités civiles ne nous ont été

14 subordonnés. Il n'y avait pas besoin pour cela. Nous ne faisions que

15 coordonner nos travaux. En tant que chargé de moral, je me suis coordonné

16 avec les autorités civiles, pour certaines questions, bien entendu.

17 Q. Monsieur Jasarevic, pourriez-vous nous dire si, à un moment donné, si

18 vous avez pu remarquer l'arrivée des étrangers originaires des pays

19 d'Afrique ou d'Asie sur le territoire de la vallée de Bila ?

20 R. Pendant que le QG du secteur fonctionnait, avant que la brigade ne soit

21 formée, je suis venu à Mehurici. Un jour, on m'a dit qu'il y avait des gens

22 qui sont venus à l'école, qu'ils étaient des Noirs, des Arabes, et qu'on

23 les a hébergés à l'étage de l'école. Mais, à l'époque, je ne savais pas

24 pourquoi ils étaient là. Ce jour-là, je ne me souviens pas de la date

25 exacte, j'ai appris qu'il y avait des gens qui étaient arrivés et qu'on

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1 avait hébergé à l'étage. C'est-à-dire que les QG du secteur étaient au rez-

2 de-chaussée du bâtiment, et ces gens-là, on les aurait hébergé à l'étage.

3 Q. Saviez-vous d'où venaient ces gens-là ? L'avez-vous appris par la

4 suite ? Est-ce que vous avez appris par la suite pourquoi ils étaient là,

5 quel était leur rôle ?

6 R. En tant que membre de l'ABiH, un homme ordinaire, je n'ai reçu aucune

7 information officielle les concernant. Les seules informations que j'ai pu

8 obtenir, c'était sur la base des conversations que j'ai pu avoir avec des

9 voisins. J'ai appris, grosso modo, qu'ils venaient de pays arabes, de

10 l'Irak, de la Jordanie, et que c'étaient des Arabes qui étaient chargés des

11 questions humanitaires pour aider la population. Ils ont apportés des

12 paquets, des choses. On disait que c'étaient les Arabes qui travaillaient

13 dans l'humanitaire. Plus tard, j'ai appris qu'on les appelait

14 Moudjahiddines.

15 Q. Monsieur Jasarevic, vous êtes un enseignant, quelles étaient vos

16 connaissances jusqu'alors au sujet de ces Moudjahiddines ?

17 R. Oui, c'est vrai que je suis un enseignant. J'essaie toujours de suivre

18 ce qui se passe dans le monde. Je lisais continuellement les journaux, et

19 d'ailleurs, j'ai quelques connaissances en religion. C'est vrai que je n'ai

20 jamais entendu parler des Moudjahiddines jusqu'alors. Je ne savais pas qui

21 ils étaient, ce qu'ils faisaient.

22 Q. Est-ce qu'à un moment donné, il est arrivé que ces étrangers ou ces

23 Moudjahiddines, si vous le voulez, ont changé de lieu d'hébergement, et le

24 cas échéant, savez-vous où ont-ils été hébergés par la suite ?

25 R. Pour autant que je le sache, ils ont été à l'école jusqu'au moment où

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1 l'on a placé le 1er Bataillon de la 306e Brigade à l'école. Ils vivaient une

2 vie plus libre. Ils fumaient, ils buvaient de l'alcool. Ils chantaient, et

3 ils avaient du mal à cohabiter. Je pense qu'ils sont partis de façon

4 volontaire. Ils ont fait un camp dans le village de Poljanice. Il y avait

5 des maisons serbes vides. C'est là qu'ils se sont installés, et à l'école

6 est venu le 1er Bataillon de la 306e Brigade.

7 Je dois dire que leurs activités au début étaient exclusivement

8 humanitaires. Mais au fur et à mesure, ils ont essayé de rentrer en contact

9 avec la population en leur donnant des cours, des cours religieux dans les

10 mosquées. Ils entraient dans les mosquées pour expliquer aux gens qu'ils

11 fallaient qu'ils prient différemment, qu'ils changent leurs habitudes. La

12 population n'était pas vraiment d'accord avec cela. Je pense que le plus

13 grand nombre de la population du cru n'était pas vraiment d'accord avec ces

14 nouvelles pratiques.

15 Q. En plus de cette population locale, une large part de la vallée de la

16 Bila, en 1993, est-ce qu'il y avait des gens qui venaient d'autres parties

17 de Bosnie-Herzégovine ? Donc, à part de la population du cru ?

18 R. Oui. Il y en avait beaucoup. Tout d'abord, je dois mentionner les

19 habitants des municipalités qui se trouvaient au nord-ouest, Siprage et

20 Kotor Varos. Ces gens-là sont venus vivre là-bas. Ils ont rejoint les rangs

21 de l'ABiH. En plus, à Han Bila, il y avait un point de transit des gens.

22 Puisqu'à Travnik, il y avait tellement de réfugiés, donc, il y avait des

23 gens qui venaient à Han Bila. Il y a en avait qui restait à Han Bila, et

24 d'autres étaient transférés, envoyés vers Zenica. La plupart de ces gens

25 venaient de Krajina, mais aussi de la municipalité voisine de Kotor Varos.

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1 Là, je vous parle des villages qui ont été occupés par l'agresseur

2 serbo-monténégrin et qui a chassé ces gens de chez eux.

3 Q. Monsieur Jasarevic, à part la 306e Brigade qui a été créée sur le

4 territoire de la vallée de Bila, et qui avait son commandement dans la

5 mine, est-ce qu'on a mobilisé les combattants parmi la population locale et

6 la population fraîchement arrivée pour les placer dans d'autres brigades et

7 unités de l'ABiH ?

8 R. Pendant cette période-là, vu l'afflux extraordinaire de la population

9 venant de la Krajina et de la municipalité avoisinante, d'autres brigades

10 ont été créées. Mais je dois dire qu'une partie de la population locale ne

11 voulait pas rejoindre le rang de la 306e Brigade. C'étaient les gens, les

12 habitants de Gluha Bukovica et Zagradje. Ils ont rejoint les rangs de la

13 314e Brigade. En plus, il y avait aussi un bataillon de la 306e Brigade qui

14 comptait dans ses rangs les habitants de la municipalité de Siprage avant

15 la guerre.

16 Q. Merci. J'ai tout simplement voulu savoir que cette population ne se

17 trouvait pas exclusivement dans les rangs de la 306e Brigade.

18 Mais dites-moi maintenant, Monsieur Jasarevic, puisque vous avez commencé à

19 me parler de ces étrangers qui se sont faits un camp à Poljanice, et vous

20 avez commencé à me raconter quels étaient les rapports qu'ils avaient avec

21 la population locale, est-ce que vous avez pu remarqué qu'ils étaient en

22 train de changer leurs habitudes ? Qu'en plus de ces activités

23 humanitaires, qu'ils commençaient à avoir des activités, pour ainsi dire,

24 militaires ? Est-ce que vous avez reçu de telles informations ? Est-ce que

25 vous avez pu apercevoir cela ?

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1 R. Après ces activités humanitaires et religieuses où il s'agissait

2 d'enseigner la religion, ils ont commencé aussi à avoir des activités

3 militaires. Ils portaient les habits traditionnels de leur région. Mais

4 plus tard, ils commençaient à porter des uniformes militaires, même des

5 uniformes de camouflage tout en gardant leurs habits traditionnels qu'ils

6 mettaient par-dessus. Ils ont essayé de recruter des jeunes, des jeunes

7 gens pour les entraîner, leur donner un entraînement militaire. En retour,

8 ces gens recevaient un fusil. Une partie des jeunes a rejoint leurs unités

9 uniquement pour recevoir un fusil à la fin. Donc, qu'est-ce qu'ils

10 faisaient, c'est qu'ils suivaient l'entraînement chez eux pour recevoir des

11 fusils, et ensuite, ils regagnaient leur unité d'origine. Voici quelles

12 étaient leurs activités militaires au début. Tout au moins, c'est ce que

13 j'en savais, moi.

14 Q. D'après ce que vous saviez, ces étrangers, ne faisaient-ils jamais

15 partie de la 306e Brigade ? Ou, d'après ce que vous savez, est-ce qu'à

16 aucun moment, ils ont été subordonnés à la 306e Brigade ?

17 R. D'après ce que je sais, en tant qu'un membre ou un fonctionnaire du

18 moral de la 306e Brigade, ces étrangers, ces Moudjahiddines, n'ont jamais

19 été membres ou n'ont jamais été subordonnés à la 306e Brigade. Ils ne le

20 voulaient pas d'ailleurs. Au contraire.

21 Si vous le voulez, je peux vous dire que, nous, en tant que

22 commandements, au début, nous n'étions pas vraiment en bons termes avec eux

23 parce qu'ils ne voulaient pas coopérer avec nous. Nous étions un quelque

24 peu déçus puisqu'ils avaient beaucoup de nourriture à l'étage, et cetera,

25 et nous, les soldats au rez-de-chaussée, nous ne mangions que des lentilles

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1 et des haricots. Donc, ils ne coopéraient pas vraiment. D'après ce que je

2 sais, nous n'avons jamais réussi à établir un véritable contact avec eux et

3 il n'y a jamais eu de véritable coopération. Ils n'ont jamais fait partie

4 de la 306e Brigade.

5 Q. Monsieur Jasarevic, ces unités du HVO dont faisait partie la population

6 croate, pourriez-vous nous dire où étaient déployées ces unités ?

7 R. Au début de la guerre, les unités de la Défense territoriale tenaient

8 les lignes en face de l'agresseur chetnik et serbe à Vlasic. Les unités du

9 HVO n'étaient pas avec nous. Elles étaient sans doute déployées dans leurs

10 villages. Ensuite, ils ont commencé à établir des points de contrôle. En

11 général, ils se trouvaient sur ces points de contrôle sur les routes. Par

12 la suite, ils se sont aussi placés sur les côtes importantes au-dessus des

13 villages bosniens. Mais ce que je sais, c'est que le commandement de la

14 brigade se trouvait à Guca Gora. Je ne me souviens pas du nom de la

15 brigade, mais en général, ils étaient dans leurs villages et sur les côtes

16 au-dessus des villages musulmans, bosniens, et sur les points de contrôle.

17 Q. Ces positions sur les hauteurs qui ont été prises par le HVO, ont-elles

18 créé des problèmes, notamment à vous, chargé du moral des troupes,

19 problèmes que vous auriez pu avoir à expliquer aux soldats pour quelles

20 raisons ils se regroupaient dans ces lieux et n'allaient pas combattre les

21 forces serbes.

22 R. Bien sûr, le problème était de taille. Le problème consistait à

23 expliquer aux soldats ce qui était en train de se passer. Parce que

24 c'étaient nos alliés d'hier qui, tout d'un coup, nous laissaient tomber et

25 se mettaient à mener leur propre politique militaire, ou je ne sais pas

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1 quoi. Au début, tout allait bien, et ils ne nous empêchaient pas d'aller

2 sur nos lignes. Mais plus tard, ils nous ont, y compris, empêché d'y aller.

3 Donc, un soldat qui avait une tâche militaire à accomplir et qui devait

4 garder la ligne face à l'agresseur serbo-monténégrin ne pouvait plus le

5 faire, parce qu'il était empêché de franchir les postes de contrôle tenus

6 par eux. Nous avons eu donc de gros problèmes sur le plan du moral des

7 troupes. Car il fallait expliquer aux soldats qu'il ne fallait pas qu'ils

8 entrent dans un affrontement ouvert avec le conseil croate de Défense, que

9 nous devions essayer de régler nos divergences de façon pacifique, parce

10 que nous avions construit un Etat conjoint avec eux et que nous devions

11 arriver à libérer la Bosnie-Herzégovine en continuant à unir nos forces aux

12 leurs. C'était très difficile à expliquer aux soldats ordinaires, mais nous

13 nous en sommes tenus à ces consignes et nous n'avons jamais suscité

14 d'affrontements ouverts, même si eux nous étaient supérieurs en équipement

15 et en hommes.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être c'est le

17 bon temps pour faire une pause.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est midi 30. Nous allons faire la pause et nous

19 reprendrons vers 12 heures 55.

20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

21 --- L'audience est reprise à 12 heures 56.

22 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur Jasarevic, avant la pause, nous avons parlé des problèmes avec

24 le HVO. Dites-moi, est-ce que vous, personnellement, vous avez été victime

25 d'un incident ou d'une attaque menée par le HVO ?

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1 R. Vu les circonstances, évidemment, que je n'étais pas épargné de ces

2 humiliations. Ce n'était pas vraiment beau, tout cela. Je vais vous parler

3 d'un incident. C'est tout à fait caractéristique. C'était au début du mois

4 de mai, fin avril, près de la route d'Okoka [phon]. Nous étions dans un bus

5 en direction de Travnik, et au point de contrôle, le HVO a tout simplement

6 arrêté le bus en forçant tous les Musulmans de sortir du bus et de

7 continuer à pied. On était vraiment humilié, c'était terrifiant.

8 Ensuite, une deuxième fois, moi et mes co-combattants de la 306e Brigade,

9 nous avons été humiliés pour une deuxième fois. Nous revenions de notre

10 obligation de travail de la mine vers Mehurici. Nous avons été arrêté par

11 des soldats vêtus d'uniformes de camouflage du HVO. Ils nous ont fait

12 sortir du camion, et ils nous ont forcé de nous coucher à plat ventre, et

13 brouter de l'herbe. Ensuite, ils ont désarmés tous les soldats. Ils ont

14 pris des fusils, les pistolets, même les chaussures de sport ont été

15 enlevées à un des soldats. Ensuite, j'ai entendu un coup de fusil, et je me

16 suis dit, peut-être qu'ils vont nous tuer parce que j'ai trouvé que c'était

17 encore plus facile de mourir que de rentrer comme cela dans cet état ou

18 d'aller dans un camp à Busovaca ou quoi que ce soit de la sorte, mais ils

19 nous ont fouillé tout simplement. Ils ont pris ce qu'ils voulaient et,

20 ensuite, ils nous ont laissé rentrer. Ce sont les deux incidents dont je me

21 souviendrai toute ma vie.

22 Q. Cette façon d'agir des Unités du HVO envers les soldats de l'ABiH, est-

23 ce qu'ils ont fait, à un moment donné, que la brigade n'arrivait plus à se

24 rassembler, du tout ? Est-ce que vous pouvez nous dire où se trouvait le

25 commandement de la 306e Brigade vers la fin du mois de mai et début du mois

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1 de juin ?

2 R. Après ce malheureux incident, non seulement moi, mais de nombreux de

3 mes co-combattants ne voulaient plus aller à la mine. Nous nous présentions

4 au QG du 1er Bataillon. Là, je vais vous donner quelques noms, Karic Munir,

5 Kasim Music, et moi-même, et il y en avait d'autres qui faisaient partie de

6 l'Unité de la Logistique, mais je ne me souviens pas de leurs noms.

7 Toujours est-il que nous sommes restés là-bas, et nous avons tenté de

8 garder les liens de la communication dans la mesure du possible et de

9 vaquer à nos occupations, et exécuter les missions que nous avions, à

10 l'époque.

11 La deuxième partie du commandement se trouvait à Krpeljici. Je sais que

12 c'était Semic Asim [phon], qui était le commandant; Husic Halim était

13 l'assistant chargé du moral; Camdzic Fahir était un autre commandant, un

14 commandant de bataillon; puis il y en avait d'autres, mais je ne me

15 souviens pas de leurs noms.

16 A la mine, sont restés Arif Husic et Asim Delalic. Ils y sont restés. Voici

17 comment nous fonctionnions, à l'époque, avec les moyens de bord tant bien

18 que mal à trois endroits différents.

19 Q. Hormis le fait qu'à cause d'un tel comportement de la part du HVO,

20 votre commandement se trouvait démantelé. Pourriez-vous nous dire dans

21 quelle situation se sont trouvés les membres de la 306e Brigade, et est-ce

22 qu'il était possible d'établir la communication entre différents villages

23 de la vallée de Bila où ils habitaient ? Avez-vous compris ?

24 R. Oui, je vous ai compris. Voilà, je vais répondre. Il n'était pas

25 possible d'établir la communication puisqu'à tous les endroits importants,

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1 le HVO avait mis ces points de contrôle. Il y en avait à Lager [phon],

2 c'est le premier point de contrôle près de Mehurici. Ensuite, à Guca Gora

3 en direction de Travnik, en direction de Putic. Ils arrêtaient tout le

4 monde là-bas. Ils ne laissaient pas les gens passés du tout. Ensuite, il y

5 en avait un à Stara Bila, et un autre à Okoka, là, où on m'a arrêté. Zenica

6 se trouve à peu près à la même distance que Travnik, et c'est là que se

7 trouvait aussi un point de contrôle du HVO à Ovnak. C'est pour cela que les

8 combattants ne pouvaient même pas se présenter dans leurs unités. Ils

9 restaient dans leurs villages en réussissant tant bien que mal à

10 s'acquitter de leurs missions, de leurs devoirs militaires.

11 Q. Monsieur Jasarevic, dans cette situation où vous avez dit que vous êtes

12 resté à Mehurici, est-ce qu'à Mehurici vous receviez des nouvelles

13 concernant d'éventuelles attaques menées par le HVO ? Est-ce qu'à ce

14 moment-là, vous en saviez quoi que ce soit ?

15 R. Je peux vous dire ce dont je me souviens. Par exemple, les réfugiés

16 sont venus de Vitez et des villages environnants de Vitez, là, où le HVO a

17 déjà commencé à nettoyer et à chasser la population bosnienne de Gacice,

18 Veceriska, Grbavica, et la ville même de Vitez. Ensuite, les réfugiés

19 arrivent de Radojcici, de Bandol et Ricica. Ensuite, nous apprenons une

20 terrible nouvelle. Un crime a été commis à Bukovica et les membres du HVO

21 avaient encerclé le village en commettant un massacre sur la population

22 civile en incendiant des garages, en tuant des gens. Je ne sais plus

23 combien. Mais c'est la nouvelle qui nous est parvenue au sein du

24 commandement. Nous avons appris qu'il y avait beaucoup de blessés et même

25 beaucoup de tués, neuf ou dix personnes ont été tuées. Je ne suis plus sûr

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1 du nombre.

2 Q. Puisque vous étiez au sein du commandement du 1er Bataillon, pourriez-

3 vous me dire si vous savez ce qui s'est passé le 8 juin 1993 ?

4 R. Après avoir appris le crime qui s'est produit à Bukovica, nous avons

5 essayé d'aider les membres de l'ABiH qui était dans ce secteur. Le

6 commandant, Camdzic Fahir, avec son unité, ne pouvait pas percer à cause

7 d'un blocus important tenu par les membres du HVO. Ils ont essayé de percer

8 en direction du flanc de Vlasic, vers Bukovica, mais ce n'était pas

9 possible. Ils ne pouvaient pas le faire puisque les forces du HVO étaient

10 extrêmement fortes sur ce territoire. Je pense que ce territoire s'appelait

11 Kosoric. Je ne suis pas sûr, à présent, mais il n'était pas possible de

12 faire quoi que ce soit, à l'époque, et il n'était pas possible d'aider les

13 gens qui étaient à Bucovica, à l'époque.

14 Q. Savez-vous, même si vous ne faisiez pas partie de l'organisation de la

15 planification militaire ? Est-ce que vous saviez tout de même que des

16 parties de la 306e Brigade sont parties aider les membres de la 306e Brigade

17 à Gornja Bucovica et, si vous le savez, est-ce que vous savez quelle est la

18 direction qu'ont prise les Unités de l'ABiH ?

19 R. Non, je ne dispose pas de suffisamment d'information à ce sujet, mais,

20 pour autant que je m'en souvienne, il y a eu une tentative parce que ce

21 n'était pas possible de passer par Vlasic et par Krpeljici, donc il y a eu

22 une tentative de passer en direction de Radojcici et Maline, donc percer

23 ces lignes tenues par le conseil des croates de Défense.

24 Ce sont les nouvelles qui me sont parvenues, je ne sais pas ce qui s'est

25 passé par la suite, c'est vrai qu'on a entendu des tirs mais comme on ne

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1 disposait pas suffisamment de communication, à l'époque, je n'ai pas reçu

2 d'autres informations concernant ces opérations en question.

3 Q. En tant que membre de l'armée et membre du service chargé du moral,

4 est-ce que vous avez dû faire face à cette situation où l'on savait que

5 l'on amenait des gens à Mehurici, et est-ce que vous avez, à ce moment-là,

6 ce jour-là ou les jours suivants, reçu un ordre d'un de vos supérieurs ?

7 R. Le 8 juin, c'est une journée qui s'est gravée dans ma mémoire. Tout

8 d'abord, il y a eu beaucoup de réfugiés, des réfugiés bosniens qui sont

9 arrivés et à un moment donné, je ne sais pas quelle exactement, il y a eu

10 aussi des réfugiés croates, des civils qui ont été transférés de Maline et

11 Mehurici. Ils ont été transférés par les soldats du 1er Bataillon. Ils ont

12 dit qu'ils sont venus voir l'ABiH en leur demandant de les protéger; ils

13 l'ont fait d'ailleurs, ils ont tenté de protéger ces gens-là. Donc, il y

14 avait des civils croates, des femmes, des enfants qui sont venus les voir à

15 Mehurici pour qu'on les aide et on les a placés dans la salle de

16 gymnastique.

17 Excusez-moi, je n'ai pas répondu à votre question. Ce jour-là, la situation

18 était exceptionnelle et, vous savez, on ne se sentait pas vraiment bien à

19 cause de tout cela, mais je n'ai pas reçu d'ordre de mes supérieurs. Ce

20 n'est que le lendemain que mon supérieur, l'assistant du commandant chargé

21 du Moral, qui m'a donné l'ordre, vu que j'étais déjà en contact avec les

22 organes des autorités civiles, il m'a donné l'ordre d'essayer de mettre

23 d'accord, de coordonner mon travail avec le travail de la protection civile

24 pour essayer dans la mesure du possible, que ces gens-là -- pour voir ce

25 qu'on peut faire pour que ces gens se sentent le mieux possible dans cette

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1 salle de gymnastique puisqu'on savait qu'ils n'étaient pas bien la dedans.

2 Le lendemain, je suis entré en contact avec Selava Kasim, représentant de

3 la protection civile. Il a été d'accord pour coopérer et donc nous avons

4 essayé de leur trouver le plus de couvertures possibles et d'autres

5 marchandises pour les aider, pour qu'ils n'aient pas froid puisqu'il y

6 avait beaucoup d'enfants et beaucoup de vieux là-bas. Nous avons essayé

7 aussi de leur donner autant de nourriture que nous avons fournie aux

8 réfugiés, aux autres réfugiés.

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée) Je pense que nous avons réussi d'ailleurs dans cette tâche; nous

19 avons sauvé leurs vies, à l'époque, et c'est ce qui était le plus important

20 d'ailleurs.

21 Q. Merci. A partir du moment où vous êtes entré en contact avec la

22 protection civile et les autres organes des autorités civiles qui a fait en

23 sorte, pour que ces civils aient tout ce dont ils ont besoin, à savoir la

24 nourriture et les biens nécessaires pour mener une vie, pour avoir des

25 conditions de vie plus ou moins correctes, vu les circonstances évidemment.

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1 R. C'est la protection civile qui s'en est occupée, moi, en tant que

2 membres de l'ABiH et qui me suis trouvé sur place et qui était expérimenté,

3 donc j'étais capable de les aider, de coordonner nos efforts. La protection

4 civile de la communauté locale de Mehurici les a aidés le plus possible. Ce

5 sont les policiers du

6 ministère de l'Intérieur, qui assuraient la protection de ce bâtiment. Les

7 membres du ministère des Affaires intérieures, ils étaient vraiment en

8 sécurité, leurs vies n'étaient pas en danger. Ils disposaient de la

9 nourriture, il n'y en avait pas beaucoup évidemment, mais suffisamment pour

10 rester en vie, tout comme les autres réfugiés, les réfugiés de nationalité

11 bosnienne. Donc c'est la protection civile qui s'est occupée de cela.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une minute, je demande à

13 M. le Greffier de me préparer une ordonnance pour exclure de la page 71,

14 ligne 5, le nom --

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Justement

16 j'ai voulu attirer votre attention là-dessus; je vous en remercie.

17 Monsieur le Président, il serait peut-être bien d'expurger les lignes

18 allant de 3 à 8, afin de les protéger de quelque sorte puisqu'à partir du

19 contexte on pourrait identifier cette personne alors qu'il s'agissait d'un

20 témoin absolument protégé.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, on fera partir, selon

22 l'ordonnance, la ligne 3 jusqu'à la ligne 8.

23 Bien, je voudrais indiquer également que, sur une question que vous avez

24 posée, il a donné le nom de la personne de la protection civile avec qui il

25 avait été contact. Je l'ai entendu dans sa langue, mais dans la

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1 transcription anglaise, le nom n'apparaît pas.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Mme Residovic, pourriez-vous, s'il vous

3 plaît, répéter le nom de la personne qui était votre contact au niveau de

4 la protection civile de Mehurici.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] La personne avec laquelle j'ai été en contact

6 s'appelle Kasim Selava, c'est une habitant de Mehurici. C'est une personne

7 qui au jour d'aujourd'hui encore habite à Mehurici.

8 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

9 Q. M. Jesarevic, pourriez-vous me dire si vous avez essayé immédiatement

10 de rentrer en contact avec la Croix-Rouge pour qu'ils viennent visiter ces

11 civils et est-ce que cette visite, après ce que vous savez bien sûr, a eu

12 lieu ?

13 R. Oui, Moi et mon supérieur hiérarchique, nous étions obligés d'informer

14 la Croix-Rouge -- d'informer les institutions internationales et, avant

15 tout, la Croix-Rouge pour qu'il viennent

16 inspecter les conditions de vie de ces gens-là, de les enregistrer,

17 d'inscrire leurs noms quelque part, et pour voir de quelle façon on

18 pouvait, éventuellement, aider ces gens qui étaient placés dans cette salle

19 de gymnastique. Je pense que huit ou dix jours plus tard, nous avons réussi

20 à faire ceci, et les représentants de la Croix rouge sont venus à Mehurici.

21 Ils ont visité les lieux où ils étaient hébergés -- installés. Ils ont

22 inspecté cette population, des femmes et des enfants, et ils ont écrit

23 leurs noms. Ils n'avaient aucune remarque à formuler quant aux conditions

24 de leur hébergement. Ils ont pris des notes. Je pense qu'ils étaient même

25 assez contents de ce qu'ils ont vu, d'après ce que j'ai appris en tout cas.

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1 Donc ils sont venus huit ou dix jours plus tard. C'était une des missions

2 prioritaires qui nous appartenait, et nous l'avons menée à bien.

3 Q. Monsieur Jasarevic, au sein de votre détachement chargé du moral, y

4 avait-il d'autres personnes qui, éventuellement, aidaient les organes

5 civils à mener à bien leurs tâches de la meilleure façon possible ?

6 R. Oui. J'ai collaboré aussi avec un représentant du moral de la 306e

7 Brigade, un autre fonctionnaire, Kasim Music. Je vois qu'il y a beaucoup

8 d'erreur au niveau du transcript, donc Kasim Music. Quand je n'étais pas

9 là, il faisait la même chose que moi. On avait exactement les mêmes rôles,

10 les mêmes fonctions.

11 Q. Merci. Monsieur Jasarevic, êtes-vous resté à Mehurici jusqu'à ce que

12 ces civils quittent la salle de gymnastique ? Ou est-ce qu'entre-temps,

13 vous avez reçu une autre mission ?

14 R. Non. Je n'étais pas présent au moment où les civils sont partis,

15 puisque mon commandement m'a donné une autre mission. Mon collègue, Kasim

16 Music, était là au moment où ils sont partis. Je n'étais pas la. J'ai été

17 affecté à une autre mission. J'ai été affecté au poste de commandement

18 avancé, Parica Greda. C'est à Vlasic, face aux lignes tenues par

19 l'agresseur serbo-monténégrin. J'y suis resté deux ou trois mois, jusqu'à

20 peu près la mi-août. J'avais d'autres missions qui n'avaient rien à voir

21 avec ce que je faisais jusque-là. Donc, puisque ma mission était de tout

22 autre nature, je n'ai rien su du développement de la situation à Mehurici,

23 puisque je n'étais pas présent pendant deux mois.

24 Q. Quand vous êtes revenu au bout de deux mois, des lignes de front,

25 pouvez-vous nous dire quelle était votre mission, à ce moment-là, qu'est-ce

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1 que vous faisiez ?

2 R. Quand j'ai terminé ma mission là-haut, j'ai reçu un autre ordre. J'ai

3 été nommé au poste de chef -- enfin, d'inspecteur des services sociaux de

4 la 306e Brigade, et toujours dans ce Service chargé du Moral. Mon

5 commandant était M. Husic.

6 Q. Monsieur Jasarevic, est-ce que vous avez, à nouveau, dû faire face aux

7 problèmes concernant l'hébergement des troupes et à d'autres problèmes

8 concernant l'aide aux familles des combattants, de réfugiés, et cetera ?

9 Dans la région, évidemment.

10 R. En ce qui concerne les réfugiés, nous n'étions pas vraiment pas

11 responsables de cela. Nous n'étions responsables que des membres des

12 familles des combattants de l'ABiH. Mais vous savez, c'était une époque où

13 il y avait un blocus absolu. Cette année va être gravée dans la mémoire de

14 tous les habitants de Bosnie-Herzégovine. Il n'y avait pas de nourriture.

15 On se battait pour la vie et rien d'autre. Le combattant devait partir sur

16 la ligne de front, mais il ne pouvait pas laisser sa famille derrière

17 puisqu'il n'y avait pas de nourriture. Nous nous efforcions de trouver une

18 solution pour que ces gens puissent avoir un semblant de vie normale,

19 enfin, d'avoir des denrées des plus élémentaires. Par exemple, il suffisait

20 d'avoir de la farine. Rien qu'avec de la farine on pouvait survivre, et le

21 combattant était content puisqu'il savait que ses enfants n'allaient pas

22 mourir de faim. En ce qui concerne les problèmes d'hébergement, ces

23 problèmes étaient vraiment très graves. Vous savez, même nous-mêmes, nous

24 n'avions pas de locaux où nous pouvions héberger nos propres soldats. Non.

25 Nos soldats rentraient chez eux, dans leur maison, dans leur village où,

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1 pendant leur temps libre, ils labouraient les champs et ils s'occupaient de

2 leur maison et du bétail, et cetera.

3 Q. Monsieur Jasarevic, puisque votre brigade -- enfin, les hommes qui

4 faisaient partie de votre brigade venaient de cette région de Bila. Vous

5 avez dit d'ailleurs que les combats ont lieu à Bandol, Velika Bukovica et

6 dans d'autres régions. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui est resté

7 de ces villages après ces activités de combat ? Dans quel état étaient ces

8 villages, Bandol, Velika Bukovica, après les combats ? Que s'est-il passé

9 avec les soldats ? Où se trouvaient les soldats originaires de ces

10 villages ?

11 R. Bandol et Bukovica ont été brûlés, rasés. Ce sont les informations que

12 j'ai reçues de soldats qui y sont allés. Ils sont revenus après en nous

13 disant cela. Ils nous ont dit que les villages étaient complètement

14 détruits, brûlés. La mosquée avait été brûlée et toutes les maisons de

15 Bukovica avaient été brûlées dans cette attaque du HVO quand ils ont tué un

16 grand nombre de personnes.

17 Q. Pendant cette période-là, quand vous vous occupiez des questions

18 sociales où il s'agissait d'héberger les gens, est-ce que vous étiez en

19 mesure de voir un seul village croate qui était détruit et brûlé au point

20 où l'étaient Bandol et Velika Bukovica ?

21 R. Au début de cette période-là, pendant que j'y étais, pendant ces deux

22 mois -- en tout cas, jusqu'au mois de novembre, toutes les maisons étaient

23 debout. De temps en temps, il y avait peut-être une étable qui était

24 brûlée. Rien de plus, à Guca Gora ou Bandol. Mais les maisons étaient

25 toutes debout et entières.

Page 11565

1 Q. Merci, Monsieur Jasarevic.

2 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas

3 d'autres questions pour ce témoin.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats.

5 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous

6 n'avons pas de questions supplémentaires pour ce témoin.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

8 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Contre-interrogatoire par M. Mundis :

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

11 R. Bonjour.

12 Q. Je m'appelle Daryl Mundis, et avec mes collègues dans ce prétoire à mes

13 côtés, nous représentons l'Accusation dans la présente affaire. J'ai

14 uniquement quelques petites questions à vous poser, Monsieur. J'aimerais

15 vous interroger au sujet d'un certain nombre de choses qui ont fait l'objet

16 de votre déposition ici ce matin. Vous avez parlé des événements survenus à

17 Bandol et à Velika Bukovica. Vous avez parlé des humiliations que vous-même

18 et d'autres soldats de la 306e Brigade avaient subies aux postes de

19 contrôle tenus par le HVO. Ces événements, ont-il été largement rendus

20 publics au sein de la 306e Brigade de montagne ? Les soldats de votre

21 brigade, ont-ils eu connaissance des événements que vous nous avez

22 relatés ?

23 R. Les soldats de la 306e Brigade ont eu connaissance des événements dont

24 j'ai parlé aujourd'hui. En tout cas, la majorité d'entre eux en a eu

25 connaissance.

Page 11566

1 Q. Puisque, Monsieur, vous êtes quelqu'un qui s'est occupé entre autre

2 chose du moral des troupes au sein de la 306e Brigade de montagne, pouvez-

3 vous nous dire quel a été l'effet de ces événements sur le moral des

4 troupes au sein de la 306e Brigade de Montagne ?

5 R. Je dois dire que le secteur chargé du Moral des troupes, au sein de la

6 306e Brigade de Montagne, travaillait beaucoup aux côtés des soldats de

7 cette brigade pour améliorer l'état du moral des troupes et de faire en

8 sorte que les soldats se conduisent comme il était prévu qu'ils se

9 conduisent en tant que soldats de l'ABiH. Lors des réunions nous disions

10 souvent aux soldats ce qu'il convenait qu'ils fassent, nous leur donnions

11 des consignes au sujet du droit -- des lois de la guerre et nous leur

12 parlions des conventions qu'il convenait de respecter.

13 Je pense qu'ils étaient au courant de tout cela et que dans leur esprit,

14 ils n'étaient pas question de vengeance par rapport à ce qui s'est passé à

15 Velika Bukovica et ceci est confirmé par le fait que j'ai déjà évoqué, que

16 lorsque j'étais toujours au sein de l'armée, pas une maison n'a été

17 détruite ou incendiée, et cetera.

18 Q. Monsieur, vous nous avez dit à l'instant, comme vous l'aviez dit

19 précédemment, que vous faisiez connaître aux soldats les lois de la guerre.

20 Vous leur parliez de conventions qu'ils convenaient qu'ils respectent. Vous

21 dites : "Nous leur avons parlé des lois de la guerre," mais ce nous

22 signifie quoi exactement ?

23 R. J'ai dit exactement ce qu'il en était. Nous, membres du secteur chargé

24 du moral des troupes, à savoir, mon supérieur, Husic Halim; moi-même,

25 Jasarevic Ferid; et je sais qu'il y en avait un autre, Kasim Music, et un

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1 quatrième, Salim Tarakdzija. Voilà quels étaient les hommes qui composaient

2 le secteur chargé du Moral des troupes. Lorsque je dis nous, je pense à

3 tous ces membres du secteur, chargés du moral des troupes au sein de la

4 306e Brigade.

5 Q. Monsieur, pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quelle formation

6 particulière vous avez eue en matière de lois de la guerre ou de

7 conventions à respecter au cours d'une guerre ou d'un conflit armé ?

8 R. Concrètement, je n'ai pas été formé à cela, en particulier, mais

9 j'étais bien informé. Je suis un homme instruit et, avec l'aide de mon

10 supérieur, bien entendu, qui était encore plus éduqué que moi, nous étions

11 tout à fait en mesure d'expliquer à nos hommes ce que nous savions, à ce

12 moment-là. Donc en nous fondant sur des connaissances générales ainsi que

13 sur le savoir que j'ai acquis au sein de l'ex-armée populaire yougoslave et

14 en tant que réserviste. Puisqu'à partir du moment où vous avez fait votre

15 service militaire dans l'ex-Yougoslavie, tout homme apte à combattre, a

16 chaque année des exercices de réserve à accomplir. Au sein de ces

17 entraînements destinés aux réservistes, j'ai acquis ce genre de

18 connaissances.

19 Q. Ceci m'amène au sujet suivant que je souhaitais vous soumettre en vous

20 posant quelques questions. Vous nous avez dit un peu plus tôt ce matin,

21 page 58, la ligne 4 du compte rendu d'audience, que de nombreux soldats de

22 votre brigade n'avaient pas été entraînés en bonne et due forme. Vous vous

23 souvenez avoir dit cela, Monsieur ?

24 R. Oui, je l'ai dit. Oui, je l'ai dit.

25 Q. Pouvez-vous, si vous le savez, dire aux Juges de la Chambre, quel est

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1 le pourcentage approximatif des hommes de votre brigade qui, à un certain

2 moment, se sont trouvés dans les rangs de la JNA, au moment où la

3 République fédérale socialiste de Yougoslavie existait encore ?

4 R. Je peux dire qu'il y en avait environ 60 à 70 % de ces hommes qui

5 avaient fait leur service en ex-Yougoslavie et qui avaient une certaine

6 formation militaire. Je dis cela à peu près. C'est une supposition, mais

7 enfin c'est ce que je pense en tant que membre de cette brigade.

8 Q. J'aimerais à présent vous interroger au sujet des tâches qui ont été

9 les vôtres au moment où vous faisiez partie des services sociaux. Vous nous

10 avez dit, qu'entre autres tâches, vous étiez chargé de fournir des vivres

11 aux familles des soldats; est-ce exact ?

12 R. Non. Ceci n'est pas exact. Nous avons essayé en passant par le

13 truchement de la Protection civile de faire en sorte que les familles de

14 ces soldats, donc, en coopération avec les pouvoirs civils, que les

15 familles de ces soldats, pendant que les soldats étaient avec nous,

16 puissent satisfaire à leurs besoins vitaux et fondamentaux. Mais il y a de

17 l'autre côté la logistique. Ce sont deux concepts différents. Le soldat

18 quand il va sur les positions est nourri par l'armée, par la logistique.

19 Mais quand il rentre chez lui, il est membre de sa famille. Sa famille

20 existe aussi et nous nous occupions de ces familles en collaboration avec

21 les pouvoirs civils de l'endroit où ces familles habitaient.

22 Q. Je vais essayer de mieux comprendre ce que vous venez de dire. Vous

23 venez de dire, nous avons essayé par le truchement des pouvoirs civils de

24 faire en sorte que les familles de ces soldats reçoivent la nourriture dont

25 ils avaient besoin pendant que leurs fils étaient sur le front.

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1 Je vous demande qui fournissaient ces vivres ? L'armée, la protection

2 civile ou l'armée donnait-elle à la protection civile des denrées

3 alimentaires destinées à ces familles ? Comment est-ce que tout cela

4 fonctionnait ?

5 R. Selon ce que je sais, les choses fonctionnaient de la façon suivante :

6 l'armée ne donnait rien à la protection civile, mais il existait des

7 organisations humanitaires à Zenica, à Travnik et, par le biais de ces

8 organisations humanitaires, donc c'étaient les organisations humanitaires

9 qui approvisionnaient la protection civile et la protection civile

10 disposait de certaines quantités de vivres qu'elle distribuait, ensuite,

11 aux familles civiles dans les différents secteurs. Bien entendu, parmi ces

12 familles se trouvaient les familles des soldats qui étaient sur le front.

13 Ce n'est pas l'armée qui donnait quoi que ce soit à la protection civile.

14 La protection civile recevait ce qu'elle avait des organisations

15 humanitaires qui agissaient dans ces régions de Zenica et de Travnik, en

16 particulier.

17 Q. Monsieur, vous nous avez également dit un peu plus tôt, aujourd'hui,

18 qu'un nombre des Arabes présents à Mehurici étaient au début des

19 travailleurs humanitaires, et que c'est seulement par la suite qu'ils sont

20 devenus, effectivement, des combattants. A l'époque où, vous-même, vous

21 occupiez de travail social, combien d'Arabes ou de Moudjahiddines de

22 Mehurici travaillaient, eux-mêmes, encore à des tâches humanitaires ?

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, mais j'émets

24 une objection par rapport à cette question car le témoin a dit clairement

25 qu'en août 1993, il avait commencé à travailler dans le domaine social et

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1 il a dit également que les Arabes avaient eu des activités humanitaires en

2 1992, et d'ailleurs également à d'autres périodes. Il en a parlé.

3 M. MUNDIS : [interprétation] Je vais reformuler ma question, Monsieur le

4 Président.

5 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit qu'en 1992, les Arabes ont

6 participé à du travail humanitaire. Combien cela a-t-il duré ? Combien de

7 temps si vous le savez ?

8 R. Si je ne m'abuse, j'ai dit qu'ils se présentaient comme des

9 travailleurs humanitaires, et comme des Arabes. Ils avaient un arsenal

10 Amerovic [phon], je ne sais pas exactement, et à partir de là, ils

11 distribuaient effectivement de l'aide. Mais je ne saurais vous dire

12 exactement dans quelles conditions et où exactement. En tout cas, pas mal.

13 Il y avait beaucoup d'habitants très pauvres. Je ne sais pas combien de

14 temps cela a duré. Je ne pourrais vraiment pas vous le dire.

15 Q. Monsieur, donc à partir de 1992 et jusqu'à la fin de 1993 lorsque vous

16 êtes redevenu instituteur, avez-vous eu des contacts personnels avec l'un

17 quelconque de ces Arabes à Mehurici ?

18 R. J'ai eu des contacts personnels avec un Arabe. Voilà ce qui s'est passé

19 : en principe, nous n'avions pas de contact, en tout cas très rarement, et

20 personnellement, c'est moi, en fait, qui ai approché ces gens-là parce que

21 je ne les connaissais pas suffisamment. Tout cela s'était au début. Je

22 voulais entrer en contact avec eux. Je suis entré avec un Arabe qui

23 s'appelait Ramadan dans la période en question en 1992. Mais je ne me

24 souviens pas exactement du mois ni du jour. C'est ce qui s'est passé c'est

25 la chose suivante : j'étais là-bas dans la salle de réunion de notre école,

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1 j'écoutais des gens qui parlaient de différentes choses, et j'ai entendu

2 que quelque chose était en train de tomber du premier étage dans le couloir

3 du rez-de-chaussée, sur le sol. Je me suis levé. J'ai regardé ce qui se

4 passait, et j'ai vu des livres, des manuels scolaires qui étaient en train

5 de tomber. Ils étaient en train de jeter par la fenêtre une grande partie

6 de ces livres qui étaient des lectures obligatoires pour les élèves. Alors

7 là, vraiment, j'ai perdu les mers parce que j'ai passé toute ma vie en

8 contact avec les livres. Je considère encore aujourd'hui que le livre est

9 quelque chose de tout à fait indispensable. J'ai bondi. Je suis sorti de la

10 salle de réunion de l'école. Je suis allé les voir, et j'ai vu cet homme,

11 et je lui ai dit : "Mais est-ce que tu sais ce que tu es en train de

12 faire ? Comment est-ce que tu te sentirais si j'allais maintenant dans ton

13 pays pour arracher des livres de là où ils sont et les déchirer et les

14 jeter. Des livres de grande valeur qui existent depuis de très nombreuses

15 années." Il m'a répondu : "Mais cela, ce sont des livres de la culture

16 communiste. Vous n'avez pas besoin de cela. Ils ne valent rien." Je lui ai

17 répondu : "Cela, ce n'est pas de ton problème. C'est à nous qu'il

18 appartient de décider à la fin de guerre quels sont les livres qui auront

19 de la valeur et quels sont les livres qui en n'auront pas. Alors n'agit

20 plus ainsi." Effectivement, il m'a obéi. Il a cessé de faire ce qu'il

21 faisait. Nous avons ensuite emporté ces livres sous le toit de l'école,

22 dans le grenier. Après la guerre, ils sont retournés à leur place

23 habituelle. Nous utilisons toujours ces livres pour enseigner aux enfants

24 aujourd'hui. C'est le seul contact que j'aie eu avec eux, et véritablement,

25 je n'ai pas eu d'autre contact direct avec eux parce que j'évitais tout

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1 simplement les contacts d'une certaine façon. J'avais un peu peur d'eux.

2 Q. Monsieur, j'aimerais vous poser quelques petites questions au sujet de

3 cet incident impliquant cette personne dont le prénom est Ramadan. D'abord,

4 comment est-ce que vous connaissez son prénom ?

5 R. Je le connaissais parce qu'il passait par là tous les jours. Il

6 entrait. Il montait à l'étage. En général, on disait : "Bien, voilà, c'est

7 Ramadan." C'était l'un d'entre eux qui était le plus souvent présent. Les

8 gens le connaissaient. J'ai entendu dire qu'il s'appelait Ramadan. Quand je

9 l'ai vu, je l'ai appelé. Il s'est approché de moi, et j'ai fait ce que je

10 viens de le relater. Je savais son prénom parce que je l'avais entendu de

11 la bouche de d'autres personnes puisque c'était celui qui circulait le plus

12 dans l'école.

13 Q. En dehors de ce prénom de Ramadan, connaissez-vous le nom de famille de

14 cet individu ?

15 R. Non. Je ne sais rien d'autre à son sujet. Je sais qu'il venait -- il me

16 semble, en tout cas, de Syrie. C'est tout ce que je sais.

17 Q. Cette personne Ramadan parlait-il ou comprenait-il la langue

18 bosnienne ?

19 R. Quand j'ai ce contact avec lui au sujet de l'incident des livres, il a

20 parlé, mais enfin, il faisait des erreurs de déclinaison, des erreurs de

21 temps des verbes. Mais enfin, on le comprenait. Il ne parlait pas de façon

22 très juste sur le plan pragmatique, mais il le comprenait.

23 Q. Monsieur, en tant qu'enseignant dans la région de Mehurici, pouvez-vous

24 nous dire quel était le nombre approximatif des Bosniens qui dans la région

25 parlaient arabe ?

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1 R. Non. Cela, je ne saurais pas vous le dire avec précision. Je peux

2 simplement vous dire que les gens qui avaient terminé leurs études

3 universitaires dans des pays islamiques ou qui étudiaient à Sarajevo à la

4 faculté islamique parlaient l'arabe. Mais je ne sais pas combien ils

5 étaient. Je sais simplement que mon supérieur, par exemple, Halim Husic

6 parlait arabe, mais les autres, je ne sais pas.

7 Q. La langue arabe était-elle enseigné dans l'école primaire de Mehurici à

8 quelque moment que ce soit pendant les 30 ans et plus où vous avez eu des

9 rapports directs avec cette école ?

10 R. Non. L'arabe n'a jamais été enseigné dans notre école, jamais dans

11 notre école du temps du socialiste, la langue russe était enseignée, après

12 quoi, nous sommes passés à la langue anglaise. Encore aujourd'hui, dans mon

13 école, c'est l'anglais qui est enseigné. Nous avons un cadre très bien

14 formé qui enseigne l'anglais aux enfants de notre école. Pour nous, c'est

15 une priorité entre autre, bien sûr. Je répète que la langue arabe n'a

16 jamais été enseignée dans notre école ni pendant la guerre ni pendant avant

17 la guerre, et période davantage après la guerre.

18 Q. Monsieur, vous avez travaillé pendant de nombreuses années à l'école de

19 Mehurici, et je vous me demandais si peut-être vous saviez, ou en tout cas,

20 si vous pourriez nous en dire un peu davantage quand aux raisons pour

21 lesquelles l'école en est arrivée à être utilisée par les Arabes et,

22 ensuite, par des Unités de la Défense territoriale, et plus tard, par la

23 306e Brigade.

24 R. Au début de ma déposition, j'ai dit que le QG du secteur de la Défense

25 territoriale dont du secteur de Mehurici a utilisé une partie du bâtiment.

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1 C'était le poste de commandant de toutes nos unités villageoises. Le QG de

2 secteur de la Défense territoriale qui plus tard au moins de décembre a

3 changé de nom sur ordre, bien sûr, pour devenir la 306e Brigade.

4 Maintenant, comment se faisait-il que ces Arabes se trouvaient dans cette

5 école, je ne sais pas. Simplement, un jour, je suis arrivé de chez moi, et

6 on m'a dit, qu'il y avait à l'étage de l'école un certain nombre de

7 personnes d'origine arabe qui étaient arrivées d'Irak, et d'Iran. C'est

8 tout ce que je sais. Plus tard, je les ai vus. Ils portaient leur vêtement

9 traditionnel. C'est tout ce que je sais. Je ne sais pas dans quelles

10 conditions ils sont arrivés, qui les a amenés. Je ne sais pas. Tout ce que

11 je savais c'est qu'ils étaient là, et je n'ai aucune information autre que

12 celle-là.

13 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que j'ai

14 encore quelques petites questions. Je ne sais pas si vous souhaitez que je

15 poursuive ou si vous préférez que nous suspendions pour aujourd'hui.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous avez quelques questions qui prennent

17 quelques minutes, et si la Défense n'a quasiment rien et que les Juges

18 n'ont aucune question. On pourrait peut-être faire l'effort de continuer

19 encore quelques minutes pour éviter que le témoin reste, mais à moins que

20 vous ayez besoin de -- vous avez besoin du temps ?

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Il ne me faut pas beaucoup de temps, mais

22 enfin, il me faudrait cinq à dix minutes.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est préférable, à ce moment-là, de continuer

24 demain. On va interrompre.

25 Monsieur, malheureusement, il s'agissait qu'une question de garder notre

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1 rythme, mais on ne peut pas faire autrement parce qu'on est soumis à des

2 contraintes d'ordre technique. On est obligé d'arrêter. Je vous invite à

3 reprendre l'audience qui débutera demain à 9 heures. Par ailleurs, j'espère

4 que la suite ne durera pas très longtemps. Comme cela, nous pourrons

5 procéder à l'interrogatoire du témoin qui est prévu pour demain.

6 Je vous demande de revenir pour l'audience qui débutera demain à 9 heures.

7 [Le témoin se retire]

8 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 11 novembre

9 2004, à 9 heures 00.

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