Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 11771

1 Le mercredi 17 novembre 2004

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro

6 de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Affaire numéro IT-01-47-T,

8 le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

10 Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter.

11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à tout

12 le monde présent dans ce prétoire. Le bureau du Procureur est représenté

13 par Mme Benjamin, M. Mundis, et notre substitut d'audience, Andres Vatter.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Mundis.

15 Je vais demander à la Défense de se présenter.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

17 Madame, Monsieur les Juges. La Défense du général Hadzihasanovic est

18 représenté par Edina Residovic, Stéphane Bourgon, et Muriel Cauvin.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci beaucoup.

20 Les autres avocats.

21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. La

22 Défense de M. Kubura est représenté par Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic

23 et Nermin Mulalic, notre assistant juridique.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci beaucoup.

25 La Chambre salue tout le monde présent dans le prétoire, les représentants

Page 11772

1 de l'Accusation, les avocats, les accusés, ainsi que tout le personnel de

2 cette salle d'audience. Comme je vous l'ai indiqué hier, nous avons

3 délibéré sur la question de la requête de la Défense pour obtenir un délai

4 pour le dépôt de ses listes finales de témoins et de documents. La requête

5 par écriture en date du 11 novembre demandait à ce que la date de remise de

6 ces documents soit reportée au 3 décembre 2004. La Chambre souscrit à cette

7 demande et autorise la Défense à produire ces listes pour le 3 décembre

8 2004, conformément à ses écritures. Concernant le versement des pièces,

9 est-ce que l'Accusation est en état de nous faire le point de son

10 positionnement, à moins que vous préfériez reporter cela à un autre jour ?

11 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, nous pouvons

12 le faire maintenant ou après la déposition de ce témoin car il n'y a que 13

13 pièces à conviction auxquelles le bureau du Procureur s'oppose, sur la base

14 du manque de pertinence.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'il y a 13 documents. Pouvez-vous nous

16 donner la liste ?

17 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] J'ai des numéros

18 suivants : le numéro 4 sur la liste, le document de la Défense 1197; le

19 numéro 10 sur la liste, le document de la Défense 1220; le document 11 sur

20 la liste, le document de la Défense 1221; le numéro 12 sur la liste, le

21 document de la Défense 1225; le numéro 13 sur la liste, le document de la

22 Défense 1233; le numéro 14 sur la liste, le document de la Défense 1234; le

23 numéro 17 sur la liste, le document de la Défense 1240; le numéro 21 sur la

24 liste, le document de la Défense 1249; le numéro 23 sur la liste, le

25 document de la Défense 1253; le numéro 24 sur la liste, le document 1254 de

Page 11773

1 la Défense; le numéro 25 sur la liste, le document 1256 de la Défense; le

2 numéro 28 sur la liste, le document de la Défense 1271; et le numéro 34 sur

3 la liste, le document de la Défense 1306 .

4 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, le bureau du

5 Procureur s'oppose à l'admission de ces documents, comme nous l'avons déjà

6 noté compte tenu de leur pertinence. Merci.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Si bien compris dans l'ordre des numéros, il y

8 aurait des numéros 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 17, 21, 23, 24, 25, 28 et 34.

9 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Les premiers deux documents sont les

10 numéros 3 et 4, et non pas 9 et 7 sur la liste, 3 et 4. Il s'agit des

11 documents 1196 et 1197.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le document 3, 1196; le document 4, 1197; les

13 documents 10 et 11, et cetera. Vous nous indiquez manque de pertinence;

14 est-ce que la Défense veut répliquer ?

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Excusez-moi.

16 Je vais me pencher sur tous les documents maintenant. Je viens d'examiner

17 les documents 3 et 4. A la différence de mon éminente collègue de

18 l'Accusation, je considère qu'il s'agit là de documents qui sont tout à

19 fait pertinents, à savoir, ces documents-là montrent que l'état-major

20 municipal de la Défense civile avait l'autorisation de faire en sorte que

21 s'agissant des maisons abandonnées par la population soit croate ou autre,

22 que l'état-major pouvait confisquer certains biens de ces foyers pour

23 qu'ils soient utiliser dans le domaine agricole, et cetera, avec

24 autorisation spéciale. Ces documents décrivent les efforts déployés afin de

25 créer des équipes féminines afin de veiller aux biens agricoles et au

Page 11774

1 bétail dans cette région. Je souhaite dire que simplement ces deux

2 documents montrent qui était compétent pour ce qui est des biens et des

3 ressources des foyers abandonnés. Le témoin a reconnu ces documents.

4 Il a dit qu'il s'agissait des documents de la Défense civile. Je vais

5 maintenant certainement me pencher sur les autres documents 111, mais je

6 souhaite dire que l'attitude de l'Accusation se fonde sur un nombre de

7 documents qui n'ont aucun lien avec les chefs d'accusation. Le bureau du

8 Procureur considère qu'il s'agit là des éléments de preuve indirects qui

9 aideront à créer une certaine image qui nous aidera à expliquer les choses.

10 Contrairement à cela, dès le début, nous essayons de montrer l'image réelle

11 des choses à la Chambre, des compétences réelles des structures militaires

12 et des structures civiles tout au long de cette période, et les événements

13 où les mesures qui ont été prises à la fois de la part des autorités

14 militaires et des autorités civiles dans la région. Les deux documents

15 précédents concernent directement l'attitude de la Défense concernant les

16 compétences différentes. La question est de savoir qui avait le droit de

17 disposer de ces ressources et de ces biens. C'est pour cette raison que

18 nous considérons que ces documents sont tout à fait pertinents.

19 Le document suivant que le bureau du Procureur considère comme impertinent

20 porte sur les mêmes arguments que je viens de présenter. Car ceci porte sur

21 les deux, voire les compétences de la Défense civile pour ce qui est de la

22 protection des ressources et des biens dans les foyers abandonnés par la

23 population croate, et le fait de les mettre temporairement à la disposition

24 des autres habitants de la même région.

25 Le document numéro 11 constitue la partie intégrale des documents 20 et 21,

Page 11775

1 et il porte sur les mesures prises par la Défense civile lorsque celle-ci a

2 appris que certains biens qui devaient être mis à la disposition des

3 réfugiés, des personnes qui étaient à l'école primaire, avaient été

4 confisqués. C'est un document qui se trouve ailleurs, mais qui fait partie

5 intégrante des documents portant sur l'enquête menée au sujet de cet acte.

6 Le document numéro 12 est un document tout à fait pertinent car il porte

7 sur la situation sur le terrain dont nombre de témoins nous ont parlé.

8 C'est un document de la Défense civile qui a été reconnu en tant que tel

9 par notre témoin. Mais ce document porte sur un grand nombre d'autres

10 documents qui ont déjà été présentés devant cette Chambre de première

11 instance. Dans ce document numéro 1225, dans le paragraphe 3, alinéa 1,

12 l'on fournie la réponse claire à la question que vous avez posée vous-même,

13 Monsieur le Président, aux témoins concernant le fait que, malgré le

14 couvre-feu et l'interdiction de déplacement pour les civils dans la région,

15 l'on avait observé un grand nombre de civils qui pillaient les maisons

16 abandonnées. Chaque ligne de ce document porte sur les délits et les

17 auteurs qui étaient connus à l'époque. Il s'agit d'un document tout à fait

18 pertinent.

19 Ensuite, le document 13 porte sur les mesures prises par la Défense civile

20 et la Défense civile autorise un de ces membres de protéger les biens, à la

21 fois les siens et les biens aux alentours compte tenu des ressources

22 humaines et autres qu'ils avaient à la disposition de la Défense civile à

23 l'époque. Le témoin a expliqué que cette personne était l'un des membres de

24 la Défense civile qui patrouillait le terrain à l'époque.

25 Le document 14 porte sur les déplacements et l'hébergement des réfugiés

Page 11776

1 dans la région. Ceci montre clairement que l'on faisait des efforts afin de

2 loger les réfugiés d'une manière organisée afin d'empêcher les pillages des

3 foyers abandonnés qui étaient nombreux dans cette région et qu'il était

4 impossible de protéger à 100 % physiquement.

5 Le numéro 17 correspond à notre pièce à conviction 1240 qui porte encore

6 une fois sur la manière dont ces personnes entraient dans ces foyers. Je

7 pense que ceci est tout à fait pertinent pour les chefs concernant le

8 pillage et la destruction des biens. Ce document est très important dans ce

9 sens. Ce document émane également de la Défense civile.

10 Ensuite, le document numéro 21, c'est un document auquel vous avez attiré

11 l'attention du témoin, Monsieur le Président, également. Ce document porte

12 sur les mesures qui sont prises si l'on apprend que quelqu'un a pillé les

13 biens, et ce document porte également sur le traitement des personnes

14 hébergées à l'école primaire. Il est évident qu'il s'agit là des documents

15 tout à fait pertinents, du point de vue de la Défense. Le document numéro

16 23, encore une fois, porte sur les autorisations que la protection civile

17 donne à certaines personnes afin qu'ils puissent garder certains foyers

18 dans le village. Il s'agit là, encore une fois, des mesures qui ont été

19 prises à l'époque afin de protéger les biens des civils qui avaient

20 abandonné la région.

21 Le numéro 24 porte toujours sur la même question, et sur la base de ce

22 document, il ressort clairement que la Défense civile essayait de prendre

23 des mesures afin de nourrir l'ensemble de la population qui est restée dans

24 cette région-là et afin de rendre ainsi impossible les pillages et, pour

25 ainsi dire, le stampède des personnes qui se déplaçaient à travers la

Page 11777

1 région à l'époque. Le témoin a parlé d'environ 100 000 -- ou plutôt 150 000

2 réfugiés qui avaient traversé la région. Ici nous voyons les mesures prises

3 par les autorités civiles afin de labourer la terre, afin de nourrir

4 également ces réfugiés, afin qu'il n'y ait pas besoin, dans cette

5 population affamée, d'avoir recours aux délits tels que le vol et le

6 pillage.

7 Le document 25 est, encore une fois, un document extrêmement important,

8 compte tenu du fait qu'il porte sur toutes les mesures prises et toutes les

9 difficultés rencontrées par ces autorités civiles qui étaient chargées de

10 la protection des biens existants dans la région. Ici, nous pouvons voir

11 dans quelles conditions ces autorités civiles devaient s'acquitter de leurs

12 tâches. En même temps, du point de vue de la Défense, il s'agit là de

13 document extrêmement important puisqu'il montre que les obligations et les

14 responsabilités n'incombaient pas à l'armée ni aux commandants de l'armée

15 dans ce domaine-là.

16 Le document 28 est, encore une fois, un document pertinent car, ici, nous

17 pouvons voir que, dans la zone des combats - et le témoin en a parlé -

18 c'était l'armée qui devait autoriser l'entrée des représentants de la

19 Défense civile dans cette région-là. Il s'agit de quelque chose qui est

20 clair tout à fait, selon le règlement militaire. Il s'agit de mesures

21 prises afin de protéger ceux qui entrent la zone des combats, et afin de

22 permettre et protéger le déploiement des effectifs militaires et la

23 protection des installations dans la zone des combats. Compte tenu de tout

24 cela, l'armée devait donner son autorisation pour que quelqu'un entre dans

25 la zone des combats. Compte tenu du fait qu'un certain nombre de témoins se

Page 11778

1 plaignaient du fait qu'ils ne pouvaient pas entrer dans cette zone-là, ce

2 document est important, car il porte sur les devoirs et les responsabilités

3 de l'armée de contrôler, par le biais des laissez-passer, des

4 autorisations, ceux qui souhaitaient entrer dans cette zone.

5 Pour terminer, le document 34 porte, encore une fois, sur un problème qui a

6 été soulevé par plusieurs témoins, problème rencontré par la ville de

7 Travnik à l'époque, et les mesures prises afin de venir en aide à ce nombre

8 énorme des réfugiés qui vivaient dans des conditions inhumaines, afin de

9 leur rendre possible de vivre correctement. Ce document confirme également

10 les affirmations que nous avons entendues ici et les informations émanant

11 de la Défense civile portant sur le fait que le problème des réfugiés

12 rendait les choses beaucoup plus difficiles et les empêchait de prendre des

13 mesures prévues, de manière tout à fait efficace.

14 Je pense qu'en écoutant le témoin, Monsieur le Président, Madame,

15 Monsieur les Juges, vous avez pu constater, vous-mêmes, à quel point chacun

16 de ces documents était pertinent pour cette affaire et pour comprendre

17 l'ensemble de la situation en juin et juillet 1993. Merci.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. La Chambre va en délibérer

19 et nous rendrons, ultérieurement, notre décision orale sur cette question.

20 Je vais demander à M. l'Huissier d'introduire le témoin.

21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous

23 entendez bien ce que je dis.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été cité comme témoin par l'Accusation.

Page 11779

1 Afin de vous faire prêter serment, je me dois de vous identifier. Je vais

2 vous demander de me donner votre nom, prénom, date de naissance et lieu de

3 naissance.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Salim Tarakcija. Je suis né le 22

5 mai 1964.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans quelle ville ou village ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis né dans le village de Maline, dans la

8 municipalité de Travnik.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Que faites-vous actuellement ? Avez-vous une

10 fonction ou une qualité ? Quelle est votre occupation professionnelle

11 aujourd'hui ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai terminé l'école secondaire et je

13 travaille à EDF [phon] de Travnik, dans le secteur de la comptabilité.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992 et 1993, aviez-vous une fonction ou une

15 affectation militaire ? Si c'était le cas, dans quelle unité ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais membre de l'armée de la République de

17 Bosnie-Herzégovine en 1992 et 1993. Pendant cette période, j'étais

18 l'adjoint du commandant du détachement, et par la suite, du Bataillon

19 chargé de la Morale et des Questions religieuses et de l'information.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans quelle unité ou brigade ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] La 306e Brigade de Montagne.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Avez-vous témoigné devant une juridiction

23 internationale ou une juridiction nationale sur les faits qui se sont

24 déroulés en Bosnie-Herzégovine en 1992 et 1993, ou c'est la première fois

25 que vous témoignez en justice ?

Page 11780

1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je témoigne.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de bien vouloir lire la prestation

3 de serment.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 LE TÉMOIN: SALIM TARAKCIJA [Assermenté]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole aux avocats qui vont vous

11 poser des questions, je vais vous fournir quelques éléments d'information

12 afin que l'audience puisse se dérouler dans les meilleures conditions

13 possibles. Vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être

14 posées par la Défense. Ces questions, normalement, doivent être neutres et

15 ne doivent pas induire la réponse. A l'issue de cette phase de questions

16 des avocats des deux accusés, vous aurez à répondre aux questions de

17 l'Accusation qui se trouve à votre droite. L'Accusation dans le cadre du

18 contre-interrogatoire visera à vérifier que vous êtes un témoin crédible,

19 et deuxièmement à préciser des réponses que vous avez faites lors de

20 l'interrogatoire principal. Mais la forme des questions sera légèrement

21 différente de celles qui vous auront été posées auparavant par la Défense.

22 Une fois que l'Accusation vous aura posé ces questions, la Défense pourra

23 poser des questions supplémentaires pour confirmer ou infirmer certains

24 points que vous avez indiqués en réponse aux questions formées par

25 l'Accusation.

Page 11781

1 Après quoi, les Juges qui sont devant vous, ils sont trois, s'ils en ont le

2 temps, et ils espèrent en avoir le temps, vous poseront des questions. Vous

3 vous rendrez compte que les questions posées par les Juges peuvent être

4 différentes de celles qui auront été posées par les parties. En règle

5 générale, les Juges posent des questions aux fins d'éclaircir vos réponses

6 ou parce qu'ils constatent qu'il y a des lacunes dans vos réponses à des

7 faits qui sont allégués dans l'acte d'accusation. Si les questions vous

8 paraissent trop compliquées, demandez à celui qui vous pose la question de

9 la reformuler. S'il y a une difficulté quelconque, vous nous en faites

10 part.

11 Je me dois également, mais je le fais pour tous les témoins, vous fournir

12 deux autres éléments. Le premier, c'est que vous avez prêté serment de dire

13 toute la vérité, ce qui exclu un faux témoignage. Sachez qu'un faux

14 témoignage peut être réprimé par une peine de prison. Le deuxième élément

15 qui peut être lié à votre situation de militaire à l'époque, c'est qu'un

16 témoin lorsqu'il doit répondre à une question, s'il estime que sa réponse

17 pourrait constituer un jour des éléments contre lui, à ce moment-là, le

18 témoin peut refuser de répondre en disant, je ne tiens pas à répondre à

19 cette question. Mais la Chambre peut inviter le témoin à répondre. Dans

20 cette hypothèse, la Chambre, à ce moment-là, accorde l'immunité au témoin.

21 C'est-à-dire qu'on ne pourra pas utiliser ce que vous dites contre vous.

22 Voilà de manière très générale et très rapide des éléments d'information

23 qui vous sont donnés par la Chambre afin de permettre votre audition dans

24 les meilleures conditions possibles.

25 Je vais maintenant donner la parole à la Défense.

Page 11782

1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Interrogatoire principal par Mme Residovic :

3 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Tarakcija.

4 R. Bonjour.

5 Q. En plus des mises en garde importantes que vient de vous être

6 adressées, je vais vous avertir d'une chose de plus. Nous parlons la même

7 langue, et dès que je vous ai posé une question, vous seriez en mesure d'y

8 répondre; cependant, nos questions et réponses doivent être interprétées

9 pour que la Chambre puisse suivre la teneur de notre conversation et pour

10 que toutes les personnes présentes dans le prétoire puissent nous suivre

11 également. Je vais vous demander de ménager une pause après ma question

12 pour donner le temps à l'interprétation et de nous répondre que par la

13 suite. Avez-vous compris ?

14 R. Oui, j'ai compris.

15 Q. Je vous remercie.

16 Dites-moi : où viviez-vous avant le début de la guerre en avril 1992 ?

17 R. Je vivais à Maline dans la municipalité de Travnik. C'est la localité

18 où je suis né.

19 Q. Pouvez-vous me dire où vous avez fait vos études et à quel moment ?

20 R. J'ai terminé l'école primaire partiellement à Maline où je suis né et,

21 partiellement, à Guca Gora. C'est en 1983 que je suis sorti de l'école

22 secondaire à Travnik.

23 Q. Avant la guerre, avez-vous fait votre service militaire dans une armée,

24 et si oui, dans laquelle ?

25 R. J'ai servi dans l'ex-armée populaire yougoslave à Belgrade.

Page 11783

1 Q. Avez-vous reçu un grade ?

2 R. J'avais le grade de sous-lieutenant.

3 Q. Est-ce que vous avez un grade aujourd'hui ?

4 R. De capitaine de première classe dans les équivalences de l'armée

5 populaire yougoslave.

6 Q. A une question adressée par le président de la Chambre, vous avez dit

7 ce que vous faisiez aujourd'hui. J'aimerais savoir ce que vous faisiez

8 avant la guerre.

9 R. Avant le début de l'agression sur la République de Bosnie-Herzégovine,

10 je travaillais à Sebesic, c'était le nom de l'entreprise où on travaillait

11 le bois. J'étais chef de l'entrepôt central de cette entreprise.

12 Q. Au début de la guerre, avez-vous rejoint des forces de la Défense, et

13 si oui, lesquelles et où ?

14 R. Après le début de l'agression sur la République de Bosnie-Herzégovine,

15 je suis rentré dans la Défense territoriale dans le village où je suis né.

16 Une unité s'est constituée qui faisait partie de l'état-major de Krpeljici,

17 l'état-major sectoriel de la Défense territoriale. Nous, on faisait partie

18 de l'état-major régional de Travnik.

19 Q. Monsieur, excusez-moi, il semblerait qu'il y a une différence dans la

20 traduction du grade que vous nous avez donnée, traduction entre l'anglais

21 et le français. Pouvez-vous nous dire quel était votre grade lorsque vous

22 avez été mobilisé dans l'ABiH ?

23 R. Lorsque j'ai été démobilisé, j'avais un grade qui était celui de

24 premier grade au-dessus du grade du capitaine. L'équivalence dans l'ex-JNA

25 est celle du capitaine de première classe.

Page 11784

1 Q. Je vous remercie. Je pense que cela a été précisé. Vous avez dit que

2 vous vous êtes organisé dans une Unité de la Défense territoriale de votre

3 village natal, de Maline. A ce moment-là, avez-vous occupé un poste, avez-

4 vous des responsabilités dans cette unité ?

5 R. Très brièvement, j'ai commandé la compagnie de Maline dans ce QG

6 sectoriel de Krpeljici que j'ai mentionné. Une fois que la réorganisation

7 ait eu lieu au sein de la Défense territoriale, je suis entré dans d'autres

8 fonctions.

9 Q. Pouvez-vous nous dire de quelle réorganisation s'agit-il ? Comment a-t-

10 on réorganisé ces QG sectoriels ? Quelles ont été les responsabilités qui

11 ont été les vôtres à partir de cela ?

12 R. En juillet et août, on a regroupé les unités de la Défense

13 territoriale. On a créé des détachements dans ces régions. On a créé les

14 Détachements de Han Bila, Mehurici, Ljuta Greda, Hum. J'étais dans le

15 Détachement de Hum. J'étais commandant adjoint du détachement chargé du

16 moral, des informations, et des questions religieuses.

17 Q. Pouvez-vous nous dire qui commandait votre détachement à ce moment-là ?

18 R. M. Salih Softic commandait le détachement.

19 Q. Monsieur Tarakcija, quel est l'armement que vous aviez à votre

20 disposition lorsque vous avez constitué la compagnie dans votre localité,

21 ou plutôt, lorsque vous avez créé le détachement ?

22 R. Je ne sais pas si vous le savez, avant l'agression contre la République

23 de Bosnie-Herzégovine, pour ce qui est de la Défense territoriale de

24 Travnik ou de bien d'autres localités de Bosnie-Herzégovine; il y avait des

25 armes -- ou plutôt ces armes ont été prises. Le QG -- la Défense

Page 11785

1 territoriale n'a pas pu armer ces hommes pour mener la guerre avec succès.

2 Dans mon unité également, au sein de ce QG sectoriel auquel j'appartenais,

3 je n'avais pas -- tout simplement, nous n'avions que très peu d'armes.

4 C'est simplement ce que les gens avaient déjà dans leurs villages

5 respectifs. C'étaient les armes de chasse que les gens avaient chez eux,

6 des armes personnelles, des pistolets. Nous avons commencé la défense de la

7 République de Bosnie-Herzégovine pratiquement sans armes, avec très peu de

8 choses que chacun avait chez soi, dans les différents villages, enfin, ce

9 que les gens ont pu apporter lorsqu'ils ont rejoint la Défense

10 territoriale.

11 Q. Très bien. Monsieur Tarakcija, vous êtes originaire du village de

12 Maline. Quelle est la composition de la population dans cette région où

13 vous avez rejoint la Défense territoriale et où vous êtes devenu, plus

14 tard, assistant chargé du Moral dans un Détachement de la Défense

15 territoriale ?

16 R. Dans cette région, il y avait le Détachement Hum. J'étais membre de ce

17 détachement. C'est une région qui englobe six villages, pour la plupart,

18 des villages bosniens. Il me semble qu'il y a le même nombre de villages

19 croates. Pour l'essentiel, ces villages sont liés -- la population est

20 mixte. Elle est à la fois bosnienne et croate.

21 Q. Quels sont les rapports entre les habitants bosniens et croates -- ou

22 plutôt, quels étaient ces rapports avant la guerre, pendant que vous alliez

23 à l'école et pendant que vous avez commencé à travailler, comme vous nous

24 l'avez décrit ?

25 R. Ces rapports étaient normaux, comme dans tous les Etats normaux.

Page 11786

1 Q. Pendant ces années qui ont précédé le démantèlement de la Yougoslavie,

2 d'après vos souvenirs, est-ce qu'il y a eu des incidents qui se seraient

3 produits sur des bases ethniques ?

4 R. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu ce genre d'événements dans cette

5 région. Je parle bien de la période avant la guerre.

6 Q. Lorsque vous avez rejoint cette Unité de la Défense territoriale, la

7 population croate, a-t-elle répondu à l'appel de mobilisation dans les

8 Unités de la Défense territoriale, elle aussi ? J'aimerais savoir quelle a

9 été la situation à cet égard dans votre village.

10 R. Dans le premier temps de l'agression contre la Bosnie-Herzégovine, de

11 toute évidence, la population croate n'était pas prête à rejoindre la

12 Défense territoriale. Plutôt, ils ont commencé à créer des Unités du

13 conseil de Defense croate dans cette région. C'est la même chose qui s'est

14 passée là où je vivais, pour ce qui est de la population croate.

15 Q. Avant de vous poser cette question, je voudrais vous poser une autre

16 question. A proximité de votre village, est-ce qu'il y avait un village

17 peuplé de Croates ?

18 R. Le village de Maline est un village peuplé de Croates et de Musulmans,

19 les deux à la fois. C'est un village mixte d'un point de vue ethnique.

20 Q. Vous avez dit que la population croate s'est organisée en créant des

21 Unités du conseil de Défense croate. A ce moment, pendant cette période,

22 avez-vous pu comparer leur équipement et leur armement à celui de vos

23 unités ?

24 R. Je lai déjà dit au départ. Je vous ai dit comment nous étions armés.

25 Mais on pouvait voir que pratiquement tous les membres du HVO avaient

Page 11787

1 l'équipement et l'armement nécessaire. Au départ, c'étaient des armes

2 d'infanterie, mais aussi le reste de l'équipement, donc cela les

3 différenciait bien de nous. La situation était incomparable, entre ce que

4 nous avions, nous, et ce qu'ils avaient, eux.

5 Q. Monsieur Tarakcija, à un moment donné, est-ce qu'il y a eu d'autres

6 modifications de l'organisation de l'ABiH ? Si oui, quel est le rôle que

7 vous avez joué là-dedans ?

8 R. Fin 1992, au mois de décembre, conformément à un ordre qui venait du

9 Grand état-major de l'ABiH et du 3e Corps d'armée, la 306e Brigade de

10 Montagne a été constituée dans la zone où je me trouvais. Elle a englobé

11 les détachements que je vous ai mentionnés, bien entendu, pas dans

12 l'ensemble de ces effectifs. Mais le Détachement de Han Bila a permis la

13 création du 3e Bataillon. La majeure partie du Bataillon de Mehurici a

14 permis la création du 4e Bataillon. Le Détachement de Hum, où j'étais, a

15 permis la création du 2e Bataillon. Le 1er Bataillon et le Bataillon le

16 Siprage ont été créés des personnes chassées de Kotor Varos et Skender

17 Vakuf et, eux aussi, ils ont été intégrés au sein de la 306e. J'ai été

18 nommé au poste de l'assistant du commandant chargé du Moral, de la

19 Information et des Questions religieuses.

20 Q. Où était le commandement du 2e Bataillon ?

21 R. Dans le village de Krpeljici.

22 Q. Monsieur Tarakcija, qui était votre commandant, à ce moment-là ?

23 R. Monsieur Fahir Camdzic.

24 Q. Pour ce qui est des combattants au sein de votre

25 2e Bataillon, où étiez-vous stationnés ? Aviez-vous une caserne, un autre

Page 11788

1 endroit pour héberger les troupes ?

2 R. Les membres du 2e Bataillon de Montagne, s'ils n'étaient pas déployés

3 sur la ligne de front face à l'agresseur serbo-monténégrin, étaient

4 généralement chez eux parce qu'on n'avait pas de caserne, aucune

5 possibilité de les stationner dans des casernes. On n'avait pas de bâtiment

6 où on aurait pu cantonner nos soldats une fois qu'ils étaient de retour de

7 la ligne de front, donc ils étaient tous, pratiquement tous chez eux, à la

8 maison.

9 Q. Monsieur Tarakcija, vous avez dit que vous étiez chargé du Moral, de

10 l'Information et des Questions religieuses, qu'en cette qualité, vous

11 assistiez le commandant. Pouvez-vous nous préciser vos tâches dans ce cadre

12 de ce poste que vous occupiez ?

13 R. Tous les officiers supérieurs, qui étaient chargés du Moral dans les

14 différentes unités - et cela s'applique à moi aussi - devaient, et ce de

15 manière régulière, informer les supérieurs de la situation dans la zone de

16 responsabilité de leur propre unité, de la brigade, du corps d'armée et,

17 bien entendu, de la situation qui prévalait dans la zone de responsabilité

18 de l'ABiH, donc sur l'ensemble du théâtre des opérations en Bosnie-

19 Herzégovine. Bien entendu, nous devions informer les combattants et les

20 supérieurs des efforts déployés par les structures politiques, afin de

21 surmonter --

22 Q. Il me semble qu'il y a une erreur dans la traduction d'un terme que le

23 témoin est en train d'employer. Le témoin emploie les deux termes,

24 "combattants" et "officiers supérieurs", et le seul terme qui est repris

25 dans l'interprétation, c'est "officiers supérieurs".

Page 11789

1 Je vous prie de reprendre maintenant.

2 R. Pour en terminer, on était chargé d'informer de ce qui se passait

3 sur la scène politique pour surmonter la situation de guerre en Bosnie-

4 Herzégovine. Une autre obligation que nous avions en tant qu'officiers

5 chargés du Moral, c'était de suivre la situation du moral des troupes dans

6 l'ensemble des unités pour toutes les opérations de combat. Il fallait bien

7 repérer tout ce qui pouvait avoir un impact sur le moral des troupes, et

8 envisager des mesures qui pourraient être prises afin de résoudre des

9 problèmes éventuels pour que les soldats soient mieux motiver. Nous

10 proposions également des mesures qui pourraient avoir un impact sur la

11 motivation des effectifs pour qu'ils s'acquittent mieux de leurs tâches.

12 Un troisième point, conformément à la situation, il fallait organiser

13 des activités religieuses dans les unités pour les pratiquants. Nous

14 devions aussi coopérer avec les autorités civiles dans la zone où nous

15 étions déployée. L'objectif de cela était de les impliquer dans la

16 recherche des solutions à apporter aux problèmes qu'ont rencontré les

17 familles de nos combattants, des tombés au combat et, plus tard, des

18 invalides de guerre.

19 Q. Dans le cadre de ces tâches que vous venez d'énumérer, quelle a été

20 l'importance de l'information fournie aux soldats sur les lois de la

21 guerre, la manière, les règles de la guerre ? Est-ce que vous aviez des

22 tâches eu égard à cela ?

23 R. Bien entendu, le commandement supérieur et les différents commandants

24 selon l'échelon auquel nous agissions, nous recevions des instructions et

25 des tâches que nous devions diffuser vers les échelons inférieurs, et ceci,

Page 11790

1 sur la manière de se conduire lors de l'exécution des opérations de combat.

2 Il s'agissait des normes du droit international dont nous devions informer

3 tous nos membres pour qu'ils respectent les principes fondamentaux, comme

4 je viens de le dire, dans le cas de toutes les opérations de combat. Avant

5 tout, il fallait que tous les combattants sachent que, dans chaque

6 situation, ils devaient traiter humainement la population civile, les

7 combattants faits prisonniers. Ils devaient tenir compte de la protection

8 des biens de toutes les personnes sur le territoire où ils se trouvaient.

9 Il fallait tout particulièrement qu'ils veillent à la protection du

10 patrimoine culturel historique et des édifices consacrés à la religion.

11 Q. Monsieur Tarakcija, vous nous dites que vous avez fait des études

12 secondaires. Dites-nous ce qui vous a permis à vous-même de connaître ces

13 principes. Comment êtes-vous devenu familier avec ces principes et ces

14 règles, et il s'agit de règles dont vous deviez, plus tard, informer vos

15 soldats ?

16 R. Je suppose que vous savez que dans le cadre de l'ABiH, il n'y avait pas

17 suffisamment de militaires de carrière formés, instruits, pour pouvoir

18 tenir compte à veiller à tout. Mais nous, qui n'avions pas de formation

19 préalable, qui étions nommés à des postes, nous étions tenus de suivre une

20 formation pendant la guerre. C'était une formation assurée au niveau de la

21 brigade conformément aux ordres du corps d'armée. Même au niveau du corps

22 d'armée, il y avait des formations réservées à des officiers supérieurs. On

23 était tenu de se former, de s'instruire, et de se familiariser avec ces

24 choses-là. Bien entendu, on ne pouvait pas s'isoler pendant des jours et

25 des jours avec un manuel pour l'apprendre, mais il s'agissait de principes

Page 11791

1 qu'on devait connaître. On nous les a fait connaître. Bien entendu, s'il y

2 avait des manuels ou des textes ou des publications qui nous tombaient sous

3 la main, on en profitait pour s'instruire.

4 Q. Dites-nous : dans cette section chargée du Moral, vous étiez combien ?

5 Il y avait combien de personnes ?

6 R. Si on parle du bataillon, je tiens à dire qu'en plus de l'assistant du

7 commandant chargé de la Morale, de l'Information et des Questions

8 religieuses, au sein du commandement du bataillon, il y avait aussi un

9 poste réservé aux chargés des questions religieuses. Dans chacune des

10 compagnies faisant partie du bataillon, d'après la structure technique,

11 organique, il y avait un supérieur qui était assistant du commandant d'une

12 Compagnie chargé des Questions du moral.

13 Q. Très bien. Vous nous avez dit que l'une de vos tâches était de coopérer

14 avec les autorités civiles. Dans la zone où était déployé votre bataillon,

15 qui exerçait le pouvoir civil ?

16 R. Conformément aux décisions de la présidence de Guerre de la

17 municipalité de Travnik, on a mis sur place une nouvelle organisation des

18 communautés locales. Dans la municipalité de Travnik, on a appliqué un

19 schéma de guerre, donc, une nouvelle organisation. On a créé la communauté

20 locale de Guca Gora. Les représentants de cette communauté locale, en

21 coordination avec la présidence de Guerre de la municipalité de Travnik,

22 ils ont représenté le pouvoir civil.

23 Q. Monsieur Tarakcija, je voudrais vous demander autre chose maintenant.

24 En tant que membre de ce détachement et, plus tard, en tant que membre du

25 2e Bataillon, à un moment donné, dans la vallée de la Bila, avez-vous

Page 11792

1 remarqué ou appris d'une manière autre la présence qu'il y a des étrangers

2 qui arrivent sur place, des étrangers qui ne sont pas originaires de l'ex-

3 Yougoslavie ?

4 R. Oui. Pendant la deuxième moitié de l'année 1992, j'ai eu

5 personnellement l'occasion de voir que, dans la localité où je vivais ainsi

6 que dans d'autres localités que je vous ai mentionnées, qu'il y avait des

7 individus, qui circulaient et qui n'étaient pas des ressortissants de la

8 République de Bosnie-Herzégovine. C'étaient des individus pour lesquels on

9 estimait que c'étaient des étrangers, en fait, on voyait que c'étaient des

10 étrangers.

11 Q. Monsieur Tarakcija, comment avez-vous pu voir que c'étaient des

12 étrangers, et saviez-vous d'où ils étaient venus ?

13 R. Leur teint, les vêtements traditionnels qu'ils portaient, cela nous

14 permettait de savoir, de penser que c'étaient des étrangers d'origine

15 arabe, et que c'étaient des personnes qui étaient venues des pays arabes.

16 Q. En 1992, est-il arrivé qu'ils restent, qu'ils séjournent dans votre

17 village ?

18 R. Non, dans le village, ils ne s'y sont jamais attardés. Ils se sont

19 contentés de passer par le village parce qu'une route qui va de Mehurici à

20 Travnik passe par Maline. Ils ont simplement emprunté la route pour passer

21 par là.

22 Q. Par la suite, est-ce que vous avez employé un autre terme pour désigner

23 ces Arabes et, si oui, quel a été le terme utilisé par la suite ?

24 R. Vers la fin de l'année 1992, et aussi en 1993, généralement, on disait

25 que c'étaient des Moudjahiddines.

Page 11793

1 Q. Saviez-vous où ces hommes étaient stationnés en 1993 ou plutôt à partir

2 du moment où vous étiez au courant de leur présence et pendant la période

3 qui a suive ?

4 R. J'ai entendu dire qu'au départ, quand ils sont arrivés, ils étaient

5 stationnés à l'école primaire de Mehurici et, vers la fin de l'année 1992,

6 je crois, d'après ce que j'ai entendu, je crois qu'ils ont été installés

7 dans des maisons entre l'agglomération de Mehurici et celle Poljanice.

8 Q. Vous est-il arrivé de vous rendre à cet endroit où ils étaient

9 stationnés ?

10 R. Non. Je n'avais aucune raison de me déplacer par là parce que - comment

11 dire - c'est un endroit qui mène à aucun de nos centres, localités

12 importantes, donc je n'avais pas besoin de passer par là.

13 Q. Vous étiez assistant chargé du Moral et de l'Information, donc

14 j'aimerais savoir si vous avez appris, à un moment donné, qu'il y a un

15 certain nombre de problèmes qui se posent à cause la présence de ces

16 Moudjahiddines dans la vallée de la Bila ?

17 R. Là où je vivais, il faut savoir qu'ils n'ont eu pratiquement aucune,

18 aucun impact, ils n'étaient pas stationnés là. La seule chose que je peux

19 vous dire c'est ce que j'ai entendu dire. Il s'agit d'autres localités, ces

20 des localités autour de Mehurici. J'ai entendu dire qu'il y a un certain

21 nombre de problèmes et des malentendus entre eux et la population civile,

22 voire même entre eux et des membres de notre armée qui étaient stationnés à

23 Mehurici.

24 Q. Est-ce que vous saviez quelle a été la nature de leurs rapports avec la

25 population locale, l'instruction religieuse, les questions familiales ou

Page 11794

1 autres choses ? Est-ce que vous avez d'autres éléments d'information après

2 ce que vous venez de nous dire ?

3 R. J'ai entendu dire que, dans ces zones là, ils avaient organisé

4 l'instruction religieuse réservée aux enfants de la population qui y

5 vivaient. Aussi, on disait qu'ils étaient des humanitaires, qu'ils

6 organisaient la distribution de vêtements, de chaussures, de vivres, qu'ils

7 ont distribué cela à un certain nombre de foyers. J'ai entendu dire qu'ils

8 essayaient par leurs activités dans certain édifices religieux - comment

9 dire - qu'ils ont essayé de pratiquer ou d'apporter, d'introduire d'autres

10 manières de pratiquer le rite, donc, par exemple, qu'ils ont essayé

11 d'imposer d'autres rites par rapport à ce qui étaient pratiqué dans toute

12 la Bosnie-Herzégovine de l'époque, voire donc là où nous étions également.

13 Pour la grosse majorité de la population, ceci a été source de malentendu

14 et de désapprobation parce qu'après plusieurs centaines d'années de

15 pratique religieuse d'un type, quelqu'un vous impose autre chose, donc

16 c'est naturel que les gens aient mal réagi à cela. Il y a eu des cas, si

17 vous m'y autorisé, d'après ce que j'ai entendu, donc dans ma localité où je

18 vis, cela ne s'est pas produit. Mais il y a eu des cas où ils ont épousé

19 des jeunes filles de ces villages, ceci a rendu la situation plus difficile

20 car, vous savez, lorsqu'on crée des liens familiaux et lorsque d'autres les

21 observent, cela a créé des problèmes encore plus importants.

22 Q. Monsieur Tarakcija, pour en revenir à une autre question, vous avez dit

23 que la population croate s'enrôlait dans les Unités du HVO. Où étaient

24 déployées ces unités par rapport aux Unités de l'ABiH dont vous étiez

25 membre dans votre zone ?

Page 11795

1 R. Au début de 1992, dans le secteur où se trouvait mon unité, au début

2 c'était l'état-major de secteur, ensuite, ceci était un détachement.

3 Q. Je voudrais simplement de répéter l'année.

4 R. 1992, après l'agression contre la Bosnie-Herzégovine.

5 Q. Oui, vous pouvez poursuivre.

6 R. Après l'agression de la Bosnie-Herzégovine lorsque la Défense

7 territoriale a été établie ainsi que le HVO, les Unités du HVO, il était

8 visible que le conseil de Défense avait un comportement différent par

9 rapport à la Défense territoriale. En vérité, à l'époque, ils partageaient

10 le même secteur de responsabilité avec nous sur le mont Vlasic, faisant

11 face à l'agresseur serbo-monténégrin. Toutefois, leurs positions n'étaient

12 jamais sur la ligne de front, elles n'étaient jamais au même niveau. Elles

13 se trouvaient toujours derrière nous, sur notre dos en quelque sorte. Nous

14 étions dans une position, nous étions souvent en mesure de contrôler notre

15 secteur de responsabilité nous-mêmes.

16 Q. Est-ce que vous vous rappelez un incident qui a eu lieu dans la vallée

17 de Lasva qui a eu une incidence sur la situation dans le secteur de

18 responsabilité de la 306e Brigade et votre bataillon ? Est-ce que ces

19 incidents ont eu des incidences sur le comportement du HVO ?

20 R. Au début de 1993, lorsqu'à Busovaca, Vitez et Novi Travnik, il y a eu

21 des éclats entre le HVO et l'ABiH. Ces conflits ont eu une incidence sur la

22 situation dans la municipalité de Travnik et dans le secteur de

23 responsabilité de notre bataillon. Le conseil de Défense croate ne se

24 comportait plus de la manière dont il le faisait au début de 1992 et dans

25 le cours de cette année. Ils ont commencé à contrôler les territoires

Page 11796

1 libres de la municipalité de Travnik et les territoires où le 2e Bataillon

2 de Montagne était déployé. Ils ont commencé à mettre des points de contrôle

3 et à contrôler tous ceux qui allaient et venaient, qui souhaitaient passer

4 par leur point de contrôle, dans des villages vers Travnik et vice versa.

5 Q. C'est un comportement de la part du HVO, les points de contrôle,

6 l'attitude à l'égard des personnes à ces points de contrôle. Est-ce que

7 ceci a eu un impact sur le moral de vos hommes et qu'est-ce que vous avez

8 fait pour réprimer ou empêcher cela, empêcher des conflits éventuels ?

9 R. Évidemment, pour ce qui se passait aux points de contrôle, humiliations

10 que nos membres ont éprouvées à ces points de contrôle, ceci a eu,

11 évidemment, une incidence sur la situation générale de l'unité. Il est

12 évident que notre tâche consistait à parler à nos hommes, quotidiennement

13 nous essayions de leur dire que ces problèmes seraient surmontés, que nous

14 ne devrions pas être ceux qui prendraient des mesures de rétorsion après de

15 tels incidents ou riposteraient, nous ne devrions pas permettre qu'un

16 conflit puisse éclater avec le HVO. En Bosnie-Herzégovine, à l'époque, ce

17 n'était pas -- on n'avait pas lieu de s'attendre à ce qu'un deuxième

18 théâtre d'opérations de guerre ne s'ouvre, puisqu'il y avait déjà un

19 premier contre les Serbes et les Monténégrins. Nous avions déjà

20 suffisamment de problèmes comme cela. Nous ne voulions pas en créer de

21 nouveaux.

22 Q. A votre avis, est-ce que le HVO s'est rendu compte et apprécié ces

23 efforts ? Est-ce qu'ils ont cessé de créer des situations dans lesquelles

24 on risquait d'aboutir à une détérioration de la situation, dans la région,

25 de manière générale ?

Page 11797

1 R. Au niveau du commandement de la brigade, conformément aux ordres du

2 commandant du corps, je sais qu'une commission a été établie. C'est une

3 commission conjointe avec le HVO, qui avait pour tâche de trouver des

4 moyens pour surmonter les problèmes. Cette commission a, effectivement,

5 essayé de parvenir à un accord sur la façon de régler le problème et

6 voulait voir comment ces points de contrôle pouvaient être supprimés et

7 comment le territoire libre pourrait être libre pour tous, avec liberté

8 d'aller et de venir. Tout ceci visait, dans son ensemble, à lutter contre

9 l'agresseur serbe et monténégrin. La commission conjointe était censée

10 aller d'un point de contrôle à un autre et, par la suite, d'une tranchée à

11 une autre, puis d'installation d'un établissement à un autre. La tâche de

12 cette commission était de discuter avec ceux qui avaient creusé ces

13 tranchées, de les remplir, et de discuter avec tous ceux qui y étaient,

14 pour essayer de trouver solution au problème. Toutefois, la situation était

15 vraiment difficile, et tout ce que la commission a pu faire convenir n'a

16 pas été mis en œuvre. Tout accord a duré très peu de temps, n'a duré que

17 quelques heures ou une journée ou deux.

18 Q. Monsieur Tarakcija, est-ce que ce comportement a eu pour conséquence

19 des décès -- des morts ?

20 R. Pendant la période où il y avait encore -- pas encore de conflit ouvert

21 avec le HVO, il n'y a pas eu de victimes aux points de contrôle. Plus tôt,

22 je crois que c'était le 16 avril 1993, l'époque à laquelle nous n'avions

23 pas encore de conflit ouvert avec le HVO dans le secteur de responsabilité

24 de notre bataillon, le 16 avril, un combattant de Maline a été tué lors

25 d'une fusillade qui a eu lieu sur une des lignes. C'était, en fait, une

Page 11798

1 fusillade incontrôlée entre la ligne entre Maline et Guca Gora. C'est à ce

2 moment-là qu'un homme a été tué. Par la suite, ce qui s'est passé à ce

3 point de contrôle, c'est que des gens ont été détenus, passés à tabac, on

4 leur a pris leurs objets personnels, on leur a confisqué leur voiture. Ce

5 sont les choses qui se sont passées avant que le conflit ne s'ouvre avec le

6 HVO de façon -- n'éclate de façon ouverte.

7 Q. Vous nous avez dit, en termes très généraux, ce qui se passait. Est-ce

8 que vous étiez plus au courant en ce qui concerne certains de ces

9 incidents ?

10 R. Au cours du mois de mars, il y a eu un blocus progressif qui est arrivé

11 à son point culminant au mois de mai. La population -- les villages, qui

12 ont été mentionnés, ont été bloqués. Je me souviens qu'à la mi-mai, deux

13 événements se sont produits qui ont concerné ma famille. L'un de mes

14 cousins a été arrêté à Guca Gora. Il a été passé à tabac. Une personne de

15 Guca Gora l'a repris à la police militaire du HVO, l'a transporté très loin

16 à l'autre bout du village de Guca Gora. Cette personne, qui a appelé Salih

17 Softic, et lui a demandé de venir pour le transporter à l'hôpital -- de

18 venir le chercher et de l'emmener à l'hôpital. Cela, c'est un événement qui

19 a lieu. Par la suite, il y a eu d'autres circonstances dans lesquelles

20 certaines personnes revenaient de Travnik. La voiture de mon oncle a été

21 arrêtée à un point de contrôle, et mon père et un de mes cousins, qui se

22 trouvaient dans la voiture -- on a arrêté la voiture tout près du monastère

23 de Guca Gora et, sous la menace des armes, mon père, mon cousin et mon

24 oncle ont été sommés de quitter la voiture. Ils ont pris la voiture et tous

25 les vivres qui étaient à bord et qu'ils avaient achetés à Travnik. On leur

Page 11799

1 a pris tout cela. Mon père -- feu mon père, avait essuyé un coup de feu, et

2 une rafale de coups de feu a été tirée contre lui.

3 Q. Monsieur Tarakcija, vous avez dit qu'au mois de mai la situation est

4 devenue difficile et que les villages étaient complètement bloqués en mai

5 de cette année. Quelle était la situation dans votre bataillon ? Où se

6 trouvaient déployés les hommes de ce bataillon ?

7 R. La situation du bataillon était très difficile. Ce bataillon avait eu

8 de nouveaux effectifs à partir des six établissements, à savoir, Maline,

9 Krpeljici, et autres lieux, Mosor, Bandol, Radojcici et Velika Bukovica.

10 Une fois que ces villages ont été bloqués, il n'était plus possible de

11 reconstituer nos effectifs du bataillon, et nous ne pouvions plus

12 communiquer, voire continuer nos tâches de combat. Nous ne pouvions pas

13 avoir des changements sur les lignes. Le commandant du bataillon n'était

14 pas en place. Le commandant du bataillon se trouvait à Krpeljici, et le

15 reste de l'état-major se trouvait dans leurs hameaux respectifs, là où ils

16 étaient nés où ils résidaient. Le système de contrôle et de commandement ne

17 fonctionnait pas, il n'était pas en place, donc il était inexistant.

18 Q. Votre village, qu'en est-il ? Est-ce que votre village était bloqué ?

19 Est-ce qu'il a pu communiquer avec d'autres parties du bataillon et avec

20 son commandement ?

21 R. Oui. A la mi-mai, mon village a été bloqué. Après les incidents que je

22 viens de mentionner, il y a eu un blocus total de Maline, ainsi que de tous

23 les autres villages sur lesquels on avait pris les effectifs pour

24 reconstituer le 2e Bataillon de Montagne. Nous n'avons pas été en mesure de

25 communiquer avec le reste des troupes de ce bataillon. Nous étions tous

Page 11800

1 membres du 2e Bataillon, pour la plupart, cantonnés à Maline, et nous

2 n'avons pas pu rétablir les communications -- nous n'avions pas de moyens

3 de communication avec les autres. Une partie de nos hommes se trouvait sur

4 la ligne du mont Vlasic, et ils n'avaient pas la possibilité de venir à

5 Maline. Nous n'étions pas en mesure de leur renvoyer des renforts et leur

6 envoyer des vivres.

7 Q. Au début du mois de juin 1993, est-ce que vous avez réussi rejoindre

8 votre poste de commandement ou est-ce que vous étiez encore à Maline, le

9 village encerclé ?

10 R. Au début de juin 1993, je n'étais pas en contact avec le commandement.

11 Aucun de ceux qui faisaient partie du commandement n'ont pu aller au poste

12 de commandement. Nous ne pouvions pas communiquer avec nos supérieurs, avec

13 notre commandement supérieur.

14 Q. Vous étiez à domicile ? Où étaient les positions du HVO et quelles

15 armes disposaient-ils ?

16 R. Les soldats du HVO occupaient la plupart des installations importantes

17 autour de Maline. Ils tenaient la ligne depuis la direction de Guca Gora,

18 de Maline et de Postinje de sorte que nous étions pratiquement complètement

19 encerclés. La seule chose qu'on pouvait, mais ce n'était pas très sûre,

20 nous pouvions aller à Han Bila. C'était le seul hameau qui était

21 accessible; sinon, enfin, on ne pouvait pas le faire en toute sécurité

22 parce que le secteur était également contrôlé par le HVO. On pouvait suivre

23 la rivière Bila, et aller à Han Bila. Mais c'était le seul point auquel

24 nous pouvions accéder. Han Bila a également été encerclé en ce concernait

25 ces autres accès. Nous n'avons pas pu communiquer avec d'autres hameaux, ou

Page 11801

1 lieux de peuplement.

2 Q. Où était le commandant de votre bataillon à ce moment-là ?

3 R. Il était à Krpeljici.

4 Q. Que se passait-il avec les troupes qui se trouvaient à d'autres lieux,

5 à partir desquelles on avait reconstitué votre bataillon, Velika Bukovica,

6 Bandol et Radojcici, et ainsi de suite ?

7 R. La situation était très analogue, très semblable à Maline. Les

8 effectifs se trouvaient dans leurs hameaux, et ils organisaient la défense

9 de leurs hameaux respectifs comme nous l'avions fait à Maline. Par la

10 suite, au conseil de la Défense croate, une attaque a été lancée sur Velika

11 Bukovica, et je suppose que vous êtes au courant de ce qui s'est passé, à

12 ce moment-là. Le premier village qui a été attaqué au début de juin par le

13 conseil de la défense croate, au début de juin, c'était Velika Bukovica.

14 Par la suite, une attaque a été lancée contre le village de Radojcici et,

15 par la suite, il y également eu une attaque contre Maline et Bandol.

16 Q. Comment avez-vous appris la situation qui existait à Velika Bukovica ?

17 R. Je crois que c'était le 6 juin, venant depuis Guca Gora, une femme est

18 arrivée à Maline. Son nom était Suljic, je n'arrive pas à me souvenir de

19 son prénom. Elle est venue à Maline. Sa famille était Suljic. Elle a

20 demandé à être reçue par quelqu'un du commandement à Maline. Evidemment,

21 c'était moi qui pouvais l'entendre cette femme. Au cours de l'entretien

22 avec cette femme, il y avait un autre homme de Maline qui se trouvait

23 présent. J'ai pu voir sur son visage que quelque chose d'épouvantable avait

24 eu lieu à Velika Bukovica, c'est pour cela que je ne voulais pas que

25 d'autres personnes soient présentes au cours de cet entretien. C'est pour

Page 11802

1 cela que j'ai eu cette conversation avec une seule autre personne présente.

2 Je crois que c'était son cousin. Après cette conversation, j'ai appris

3 d'elle qu'elle avait été à Guca Gora avec son voisin de Velika Bukovica qui

4 l'avait envoyé à Guca Gora, à Maline, en lui donnant pour tâche d'informer,

5 et d'essayer de se mettre en contact avec les soldats de Velika Bukovica

6 qui avaient réussi à s'enfuir de Velika Bukovica à la veille de l'attaque

7 du HVO. L'objectif était d'échange éventuel. Ce qu'elle nous a dit, c'est

8 qu'un crime avait été commis à Velika Bukovica, que Velika Bukovica avait

9 été complètement incendié et détruit. Elle a dit qu'il y avait de sept à

10 neuf personnes avaient été tuées. Elle ne pouvait pas nous donner un

11 chiffre précis, des données précises. Elle nous a également dit que la

12 population civile avait été réunie en un même lieu par le HVO, et qu'un

13 enfant était arrivé d'un endroit qui s'appelait Konjska, et que cet enfant

14 avait été envoyé là par les soldats de Velika Bukovica qui avaient réussi à

15 s'enfuir, à s'échapper. Alors qu'ils marchaient le long de cet axe, ils ont

16 capturé certains des habitants croates, et cet enfant, qui se trouvait au

17 milieu de ces gens, ils l'ont envoyé à Velika Bukovica, pour avertir les

18 soldats du HVO de ne commettre aucun crime à l'égard de la population

19 civile. Cet enfant croate a informé les soldats du HVO qu'il y avait des

20 Croates qui étaient prisonniers, et que les gens avaient été emmenés vers

21 Mehurici.

22 Q. Je vous remercie beaucoup. Est-ce que vous étiez à même de vérifier ces

23 renseignements ? Deuxièmement, avez-vous été en mesure d'aider Velika

24 Bukovica d'une manière quelconque ?

25 R. C'est le premier événement de ce genre qui a eu lieu dans le secteur,

Page 11803

1 le fait qu'il y a eu ce crime tellement affreux. J'ai trouvé très dur de

2 comprendre ce qui s'était passé. Cette femme, elle était également

3 terrifiée, elle avait peur. Personne ne pouvait comprendre ou se rendre

4 compte de ce qui s'était passé. Nous n'étions pas à même de faire des

5 vérifications de ces renseignements. Nous ne pouvions pas apporter une aide

6 quelconque à ceux qui, à Velika Bukovica, se trouvaient en difficulté.

7 Nous-mêmes, nous étions encerclés à Maline. Ils ne nous étaient pas

8 possible d'envoyer des soldats là-bas. Nous avions l'obligation de défendre

9 Maline. Je voulais simplement dire qu'à l'époque, j'ai insisté pour que la

10 personne qui nous avait informé de ces événements, ainsi que l'autre

11 personne qui était présente au cours de l'entretien ne répandent pas ces

12 nouvelles de façon à empêcher une possibilité de panique dans la population

13 de Maline. Nous avions notre ligne par rapport à la population croate qui

14 se trouvait là.

15 Q. Vous avez également mentionné une attaque contre votre village qui a eu

16 lieu par la suite. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire ce qui s'est

17 passé et qui a lancé cette attaque ?

18 R. Le jour suivant, le jour après lequel nous avons entendu ce qui s'était

19 passé à Velika Bukovica, le 7 juin, Maline a été attaquée par les positions

20 du HVO. C'était une attaque de l'infanterie à partir des positions qu'elle

21 tenait. Au cours de cette attaque, nous avons subi un certain nombre de

22 conséquences. Un certain homme a été légèrement blessé. Trois étables ont

23 été incendiés, entièrement brûlés, et trois maisons ont été endommagées.

24 Q. Que s'est-il passé le 8 juin 1993 ?

25 R. Le 8 juin 1993, dans les premières heures de la matinée, j'étais à

Page 11804

1 Maline avec les soldats et la population civile et au cours des premières

2 heures de la matinée, il y a eu des tirs d'armes à feu tout au long de la

3 ligne qui faisait face au HVO. A l'époque, nous ne savions pas de quoi il

4 s'agissait, les tirs provenaient de tous côtés. Après une demi-heure

5 environ, peut être une heure de cette fusillade, nous avons vu que, sur le

6 côté en dehors de la ligne en direction de Mehurici, les tirs avaient cessé

7 et que, dans ce secteur, le HVO avait cessé d'opposer une résistance.

8 Il y a une roche qui s'appelle Vranjaca, un gros rocher, et nous

9 pouvions voir les troupes de l'ABiH descendant de ces rochers et

10 progressant vers le village. Nous avons eu, à ce moment là, ordre d'envoyer

11 les hommes depuis Maline vers Guca Gora vers les côtés ouest et est de la

12 ligne. Cette tâche a été donnée au commandant du bataillon parce que, dans

13 l'intervalle, le blocus avait cessé depuis Krpeljici. C'était donc notre

14 mission. Nous avions reçu cet ordre via Bandol. Bandol continuait d'opposer

15 une résistance au HVO, ils continuaient de combattre. Nous n'avions pas de

16 communications directes avec la commandant du bataillon; il a réussi à

17 envoyer un message via le centre de communication de Bandol qui a été le

18 théâtre de combats très violents. Nous avons reçu l'ordre de diriger nos

19 forces vers Guca Gora et de faire notre liaison avec les troupes de

20 Krpeljici et les troupes du 3e Bataillon de Montagne.

21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je me demande si

22 ceci ne serait pas un bon moment pour suspendre la séance.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Il faudra combien de temps encore ?

24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je pense que j'aurai besoin d'environ 20

25 minutes, pas plus.

Page 11805

1 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience reprendra à 11 heures

2 moins 5.

3 ---L'audience est suspendue à 10 heures 29.

4 ---L'audience est reprise à 10 heures 58.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Je redonne la parole à la

6 Défense.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur Tarakcija, avant la pause, vous avez dit que le commandant de

9 votre bataillon vous a donné l'ordre de vous avancer vers Guca Gora afin

10 d'essayer de renouer avec les forces des autres parties du bataillon.

11 Dites-moi, s'il vous plaît : au cours des jours qui ont suivi, où êtes-vous

12 parti avec vos soldats, et jusqu'à quelle position êtes-vous venus, et

13 quand ?

14 R. Après que le 8 juin, nous avons renoué nos lignes, c'était tard dans

15 l'après-midi. Nous avons renoué avec les soldats de Krpeljici et du 3e

16 Bataillon, dans la direction de Han Bila. Nous sommes restés sur ces

17 positions -- sur ces lignes, au-dessus de Guca Gora. Le lendemain,

18 seulement après que la population de Guca Gora et les soldats qui

19 défendaient Guca Gora sont partis. Le 10 juin, nous avons reçu pour tâches

20 de déplacer nos forces vers le village de Radojcici et Mosor, afin de

21 libérer le village de Bandol et de contrôler le village de Radojcici,

22 puisque la population bosnienne de Radojcici avait quitté le village

23 également et était partie vers Mehurici.

24 Q. Monsieur Tarakcija, est-ce qu'avec vos soldats, vous avez traversé Guca

25 Gora, ou avez-vous pris un autre chemin ?

Page 11806

1 R. A Maline, nous avons reçu la tâche de partir avec les soldats de

2 Maline, en partie, vers Mosor, et en partie, vers Radojcici. Moi-même, je

3 suis parti avec les soldats, vers Mosor, dans le but d'établir une ligne de

4 défense en face du HVO, à Gostunj, autrement dit, près du village de Mosor.

5 Donc, je n'ai fait que traverser Guca Gora le 10. Je pense que c'était que

6 le 10, ou peut-être le 11 juin. Nous l'avons traversé en véhicule, dans la

7 direction de Mosor.

8 Q. Monsieur Tarakcija, dites-moi : est-ce que vous avez remarqué, à ce

9 moment-là, des dégâts ? Mais tout d'abord, je vais vous poser la question

10 suivante : est-ce que, le 8 et le 9, vous avez remarqué que l'on avait

11 incendié des maisons ou que l'on avait détruit des maisons dans la partie

12 du village de Maline peuplée par la population croate ?

13 R. Le 8 juin, au cours du combat, plusieurs bâtiments de Gornje Maline,

14 dans lesquels vivaient les Croates, avaient été incendiés et étaient en

15 flammes. J'ai pu remarquer cela, mais il était difficile de prêter

16 attention aux détails car, comme je l'ai déjà dit, on tirait de tous les

17 côtés, mais je sais que, dans ces activités de combat, un nombre de

18 bâtiments résidentiels et autres, dans la partie habitée par les Croates,

19 avaient été endommagés et brûlés.

20 Q. Quand êtes-vous entré à Gornje Maline la première fois, après ces

21 opérations de combat ?

22 R. Je pense qu'au bout de 20 à 25 jours, j'ai pu revenir des lignes face

23 aux Croates, à mon village. A ce moment-là, j'ai pu rendre visite à Gornje

24 Maline.

25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je propose une correction à la page 33,

Page 11807

1 ligne 23. Le témoin a dit "dans la direction de Mosor" et dans le compte

2 rendu d'audience, il est écrit dans la direction de Mostar. Merci.

3 Q. Lorsque vous avez traversé Guca Gora en véhicule, Monsieur Tarakcija,

4 dites-moi, s'il vous plaît : avez-vous remarqué, à ce moment-là, que les

5 bâtiments de Guca Gora avaient été incendiés, endommagés ou détruits d'une

6 autre manière ? Est-ce que ceci a attiré votre attention lors de votre

7 passage ?

8 R. Une correction, avec votre permission. J'ai traversé le village dans un

9 véhicule de marque TAM, avec des soldats. J'étais à côté du chauffeur. Nous

10 avons traversé Guca Gora dans la direction de Mosor, et à ce moment-là, je

11 n'ai pas eu l'occasion de regarder beaucoup autour de moi. Nous n'avons

12 fait que traverser Guca Gora, et à ce moment-là, je n'ai pas vu de

13 bâtiments endommagés. Je n'ai pas été en mesure de remarquer cela.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je proposerais que l'on montre au témoin

15 maintenant la pièce à conviction de la Défense 1214. Il s'agit du document

16 numéro 9 sur la liste.

17 Q. En attendant ce document, dites-moi, s'il vous plaît : est-ce que le

18 village de Postinje fait partie de Donje Maline, ou est-ce qu'il s'agit

19 d'un autre village ?

20 R. Il s'agit d'un autre village qui fait partie de la communauté locale de

21 Maline. C'était le cas avant la guerre, et maintenant, après la guerre,

22 c'est le cas de nouveau.

23 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : combien de maisons, pour autant que vous

24 le sachiez, se trouvaient à Gornje Maline à ce moment-là, au milieu de

25 1993 ?

Page 11808

1 R. Je ne peux pas vous le dire avec exactitude, mais je dirais qu'il

2 s'agissait, au maximum, de 100 maisons, à peu près.

3 Q. Merci. Veuillez vous pencher maintenant sur le document que l'on vient

4 de vous présenter. Au paragraphe 1, il est question d'une personne de Donje

5 Maline - nous voyons un nom. Tout d'abord, dites-moi : est-ce que ces noms,

6 qui sont énoncés ici vous rappellent certains habitants de Donje Maline ou

7 de Gornje Maline ?

8 R. Il est vrai qu'il s'agit des noms des citoyens de Gornje et Donje

9 Maline ici, et je vois que l'on mentionne, notamment, ici, les habitants du

10 village de Postinje.

11 Q. Veuillez examiner les premiers cinq noms et dites-moi, s'il vous plaît

12 : quelle est l'appartenance ethnique de ces personnes ?

13 R. Ces personnes sont d'appartenance ethnique bosnienne.

14 Q. A côté du nom, il est écrit que l'événement s'est déroulé le 7 juin

15 1993. C'est ce qui est écrit à côté de chacun de ces noms. Dites-moi, s'il

16 vous plaît : qu'est-ce que cela représente pour vous ?

17 R. J'ai déjà dit que Maline avait été attaquée par le HVO le 7 juin. Ce

18 qui est écrit ici a eu lieu au cours de cette attaque contre le village et

19 contre nos positions à Maline.

20 Q. En examinant les noms, vous avez dit que le village de Postinje est

21 mentionné ici aussi. Dites-moi, s'il vous plaît : en examinant cette liste,

22 quelles personnes énoncées dont les noms sont énoncés dans cette liste sont

23 originaires de cet autre village, et quels bâtiments de cet autre village

24 sont mentionnés ?

25 R. Il s'agit des noms Balta Mato, Balto Vesko et Balta Ivo. Ils sont tous

Page 11809

1 du village de Postinje.

2 Q. Veuillez examiner rapidement les autres noms. Il en reste 15. Dites-

3 nous, s'il vous plaît, s'il s'agit là des personnes originaires de Gornje

4 Maline dans la mesure dans laquelle vous pouvez reconnaître leurs noms ?

5 R. D'après les noms de famille, je conclus que toutes ces personnes

6 étaient de Gornje Maline car je connais ces noms de famille, et ils étaient

7 à Gornje Maline.

8 Q. Je vais vous demander maintenant d'examiner un de ces points, par

9 exemple, le numéro 14. Miro Juric, s'agit-il d'un nom de famille

10 caractéristique pour Gornje Maline ?

11 R. Oui.

12 Q. Au paragraphe 2, point 14, il est question du fait que la police est

13 arrivée sur les lieux immédiatement, et ils ont cherché l'auteur du délit,

14 mais ils ne l'ont pas trouvé. Voici ma question, Monsieur Tarakcija : est-

15 ce que vous savez si un bâtiment avait été incendié, et quelles étaient les

16 mesures qui étaient prises dans ce cas de figure ?

17 R. Lors de tous ces événements tragiques, le contrôle du territoire

18 abandonné par la population croate était exercé en premier lieu par la

19 police civile. C'est la police civile qui devait sécuriser les bâtiments

20 dans ces agglomérations. Leurs tâches étaient d'établir l'identité

21 éventuelle des auteurs de ces délits et de ces crimes, ceux qui avaient

22 incendié et détruit des bâtiments. Ils devaient prendre des mesures contre

23 eux conformément à la loi.

24 Q. Je vais vous demander maintenant d'examiner la dernière page de ce

25 document. En bas, nous trouvons une date, le 21 août 1993. Je ne sais pas

Page 11810

1 si vous avez pu lire la description à côté de chacun des noms. Mais dites-

2 moi, s'il vous plaît : pour autant que vous vous souveniez de cette

3 période, est-ce que vous pouvez de me dire si ce rapport reflète bien la

4 situation telle qu'elle existait à Gornje Maline à la fin du mois d'août

5 1993 ?

6 R. Compte tenu du fait que j'ai pu parcourir ce document seulement

7 rapidement, je souhaite l'examiner un peu plus en détail, mais je pense que

8 ce document décrit de manière tout à fait véridique l'état dans lequel le

9 bâtiment était, à l'époque.

10 Q. Puisque vous étiez sur le terrain en 1993, y compris après la fin du

11 conflit avec le HVO et jusqu'à nos jours, est-ce que vous pouvez nous dire

12 est-ce que même après 1993, pour des raisons différentes, des bâtiments ont

13 été détruits ou endommagés dans ce village qui n'était habité ?

14 R. Bien sûr que même après 1993, certains bâtiments ont été endommagés ou

15 détruits, même dans les zones où il n'y avait pas d'opérations de combat.

16 Parfois, certaines personnes dont la police civile établissait les noms,

17 les identifiait, étaient auteurs de ce genre de crimes et délits. Mais je

18 ne sais pas combien d'auteurs de crimes ont été identifiés.

19 Q. Compte tenu du fait que vous êtes habitant de Maline et vous connaissez

20 les maisons qui ont été pillées, dont certaines parties ont été pillées,

21 est-ce que vous pouvez nous dire si ce genre de choses se produisaient

22 après la fin de la guerre, c'est-à-dire, après 1995 ?

23 R. Honnêtement, je ne peux pas dire qu'il y a eu ce genre de situations,

24 ni qu'il n'y en a pas eues. Je ne peux faire que des suppositions

25 concernant ce qui s'est passé au cours de cette période. Mais ceci ne

Page 11811

1 serait pas pertinent pour cette Chambre de première instance.

2 Q. Merci.

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je souhaite que l'on montre maintenant le

4 document P87.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, c'est un document confidentiel.

6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense qu'il

7 n'y a pas d'inscription sur le document qui risquerait de dévoiler

8 l'identité du témoin qui a présenté cela devant la Chambre.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant, je vais le vérifier.

10 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

11 M. LE JUGE ANTONETTI : On va cacher les mentions manuscrites.

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, qu'il

13 faudrait cacher les noms des personnes. Merci.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est ce qu'on a fait.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

16 Q. Monsieur Tarakcija, je vais vous demander simplement d'examiner

17 toutes ces images et me dire si vous reconnaissez cet endroit même si c'est

18 écrit en haut, mais est-ce que vous reconnaissez cela en tant qu'un endroit

19 que vous connaissez personnellement ?

20 R. C'est Maline, mon village.

21 Q. Merci. Vous voyez de nombreuses flèches sur cette photographie; dites-

22 moi, s'il vous plaît, si ces flèches indiquaient les bâtiments endommagés

23 en 1993 à Gornje Maline. Est-ce que ce nombre de bâtiments correspondrait à

24 la vérité ?

25 R. Je pense que ceci ne correspond pas à la vérité car ceci va à

Page 11812

1 l'encontre du document dont nous avons parlé tout à l'heure. C'est un

2 document qui contient le rapport de la Défense civile portant sur les

3 bâtiments endommagés. Je pense que, simplement, dans les opérations de

4 combat qui se sont déroulées au cours de cette période, tous ces bâtiments

5 n'ont pas été endommagés, à ce moment-là. Je suppose qu'après cette

6 période, les dégâts ont été occasionnés peut-être même après la guerre.

7 Q. Merci beaucoup, Monsieur Tarakcija. Est-ce que vous pourriez donner le

8 document à l'Huissier ?

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce qu'avec les photos, le témoin pourrait-il

10 nous indiquer où était sa maison à lui ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Un instant. Monsieur le Président, sur cette

12 photographie, je ne vois pas l'ensemble de Donje Maline, donc je n'arrive

13 pas situer l'endroit où se trouvait ma maison. Là, je parle de la

14 photographie Maline numéro 1. Sur cette photographie, nous pouvons voir une

15 partie du hameau bosnien. C'est seulement un hameau qui fait partie de

16 Maline. Ici, nous ne voyons pas la partie de Maline dans laquelle se trouve

17 la maison dans laquelle je vis.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : A la photo Maline 2, est-ce qu'il y a sa maison ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ici il s'agit de bâtiments habités par

20 les Croates, il s'agit là de la partie croate de Maline.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : A Maline 3 ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, encore une fois, il s'agit surtout de la

23 partie peuplée par les Croates et nous voyons une petite partie habitée par

24 les Bosniens. Là où nous voyons le numéro 44, cette partie-là, nous y

25 voyons l'école et un certain nombre des bâtiments habités par les Bosniens,

Page 11813

1 à proximité des bâtiments habités par les Croates.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : A Maline 4 ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit là des bâtiments habités par les

4 Croates, il s'agit d'une partie vers Guca Gora et je vois aussi le

5 cimetière catholique. La partie de Maline dans laquelle je vis est un peu à

6 l'écart. C'est la partie qui est plus proche de la rivière de Bila et qui

7 n'est pas à proximité de la partie qui était habitée par les Croates.

8 Maline est un grand village.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites que, dans la partie que vous

10 habitiez, elle ne figure pas sur les quatre photos.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur Tarakcija, dites-moi, s'il vous plaît : est-ce qu'après

15 la guerre, vos voisins de Gornje Maline sont rentrés chez eux et est-ce

16 qu'ils ont recommencé à vivre dans leur foyer ?

17 R. Oui, mais pas dans la mesure dans laquelle nous nous y attendions. Je

18 pense qu'à Gornje Maline, environ 20 familles sont rentrées et au maximum

19 dix familles dans la hameau de Postinje qui fait partie de cette communauté

20 locale.

21 Q. Dites-moi s'il vous plaît à quoi ressemblent vos rapports avec ces

22 familles qui sont rentrées.

23 R. Compte tenu de tous les événements tragiques qui se sont déroulés dans,

24 au cours de la période dont on est en train de parler, je pense que je peux

25 dire sans exagération que la situation est revenue à la normale et ceux qui

Page 11814

1 sont rentrés à Gornje Maline ont des rapports tout à fait normaux avec les

2 Bosniens à Maline et ils ont des rapports de coopération.

3 Q. Est-ce que vous avez entendu parler d'un quelconque incident dans

4 lequel un membre de la population bosnienne aurait infligé des malheurs à

5 ces familles qui sont rentrées dans la région jusqu'à nos jours ?

6 R. Non, je n'ai parlé d'aucun incident depuis le moment de leur retour

7 jusqu'à ce jour.

8 Q. Vous avez dit que vous travailliez ensemble, est-ce que vous avez

9 toujours des projets en commun, est-ce que les habitants de Gornje Maline

10 et de Donje Maline établissent de nouveau des liens d'amitié et autres,

11 comme c'était le cas avant ?

12 R. Après le retour de certains habitants à Gornje Maline et après le

13 retour de ces familles, les organes de la communauté locale de Gornje

14 Maline et de Donje Maline décident de manière conjointe des questions liées

15 à l'infrastructure de cet endroit et aux autres questions, notamment, nous

16 prenons les décisions ensemble en ce qui concerne le réseau de l'eau à

17 Maline et, ensuite, en ce qui concerne la constructions des routes et tout

18 le reste qui dans l'intérêt commun.

19 Q. Merci beaucoup, Monsieur.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

21 questions pour ce témoin.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

23 Les autres avocats.

24 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci Monsieur le Président, nous aurons

25 juste quelques questions afin de clarifier certains points soulevés lors de

Page 11815

1 la déposition de M. Tarakcija aujourd'hui.

2 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :

3 Q. [interprétation] Monsieur Tarakcija, au début de votre

4 déposition, vous avez dit que votre devoir était celui de l'adjoint du

5 commandant chargé des Questions du moral, de l'Information et des Questions

6 religieuses.

7 R. Oui.

8 Q. Quant à votre poste d'établissement, est-ce que vous avez traité

9 également sur les questions religieuses ?

10 R. Notre tâche était d'organiser la vie religieuse au sein de l'unité.

11 Q. Vous avez dit que, dans le bataillon, il y avait un officier chargé des

12 affaires religieuses ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire son nom ?

15 R. Il s'agissait d'Efendi Grabus Nurija.

16 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, le 2e Bataillon de la 306e Brigade et le

17 commandement de la brigade, est-ce qu'ils avaient un poste qui était prévu

18 pour un officier chargé des affaires religieuses ?

19 R. Ils avaient une personne chargée des affaires religieuses au niveau du

20 commandement de la brigade. Mais il n'existait pas de poste en tant que

21 tel. Il s'agissait des tâches exercées par l'adjoint chargé du Moral.

22 Q. Quelles étaient les tâches de l'officier chargé des affaires

23 religieuses ?

24 R. Ses tâches, conformément aux ordres donnés par le commandant et

25 conformément aux instructions fournies à l'adjoint du commandant du moral,

Page 11816

1 étaient d'organiser la vie religieuse, conformément aux circonstances de

2 l'époque. Donc, l'on régulait tout ce qui avait trait à la religion.

3 Q. Vous nous avez parlé de la composition ethnique de votre bataillon. Ils

4 étaient tous des Musulmans, n'est-ce pas, dans ce bataillon ?

5 R. Oui, ils étaient tous des Bosniaques.

6 Q. Monsieur Tarakcija, revenons maintenant à la date du 8 juin. En

7 répondant aux questions de Mme Residovic, vous avez parlé plusieurs fois de

8 vos forces et des forces du 3e Bataillon. Je suppose que vous avez parlé

9 des membres de la 306e Brigade.

10 R. Oui, je parlais toujours des membres de la 306e Brigade. Car, dans la

11 région dont nous avons parlé, c'étaient les effectifs de la 306e Brigade

12 qui étaient actifs - surtout le 2e Bataillon - et puis, nous avons essayé

13 de renouer avec les forces du 3e Bataillon dont le siège était à Han Bila.

14 Q. Lorsque vous avez parlé de la région dans laquelle se déroulaient les

15 opérations, si j'ai bien compris, il n'y avait pas d'autres unités de

16 l'ABiH dans ces zones.

17 R. Non.

18 Q. Merci beaucoup.

19 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin,

20 Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

22 Contre-interrogatoire par Mme Henry-Benjamin :

23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je m'appelle Tecla Henry-Benjamin.

24 Je suis l'une des personnes qui représentent ici le Procureur. Comme le

25 Président de la Chambre de première instance vous l'a déjà indiqué, je vais

Page 11817

1 vous poser quelques questions aujourd'hui. Si, à un moment quelconque, vous

2 n'avez pas compris la question ou si vous souhaitez que je répète une

3 question, je vous en prie, dites-le. Merci.

4 Alors, je voudrais commencer par les dernières questions auxquelles vous

5 avez répondu pendant l'interrogatoire principal. Vous nous avez dit que

6 vous étiez né à Maline, que vous avez vécu toute votre vie à Maline; est-ce

7 exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Si j'ai bien compris, vous êtes de Donje Maline ?

10 R. Oui.

11 Q. A l'intention de la Chambre de première instance, pouvez-vous dire,

12 s'il vous plaît, quelle a été la population de Donje Maline ?

13 R. A Donje Maline, il y avait, pour la plupart, des Bosniens

14 -- ou plutôt, c'est la population y vit encore aujourd'hui,

15 majoritairement.

16 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner une évaluation dans les chiffres ?

17 R. Cela fait à peu près 1 000 habitants.

18 Q. Il me semble qu'au sujet de Gornje Maline, vous avez Maline le haut.

19 Vous avez dit que c'était la partie qui était peuplée de Croates.

20 R. Oui.

21 Q. Pouvez-vous nous dire quel était le nombre approximatif d'habitants de

22 Gornje Maline ?

23 R. D'après le recensement de 1991, je pense 600, au maximum. Un instant,

24 s'il vous plaît, pour ce qui est de ce chiffre, il faudrait savoir que ce

25 chiffre englobe la population de Postinje. Même s'il s'agit d'un village

Page 11818

1 séparé, qui était habité, pour la plupart, de Croates, on englobait ces

2 habitants dans le chiffre reprenant la population de Gornje Maline, donc,

3 en tout, cela ferait 600.

4 Q. Merci. Aurais-je raison de dire que les deux villages, Maline le haut

5 et le bas, Gornje et Donje, se jouxtent, se touchent ? Aurais-je raison de

6 dire cela ?

7 R. Nous considérons qu'il s'agit d'un seul et même village, justement

8 parce qu'ils se touchent. Mais pour faciliter la compréhension, certains

9 distinguent le Gornje et le Donje Maline par rapport à la population, les

10 Bosniens ou les Croates. Mais si on examine cela sur une carte, on verra

11 bien qu'il s'agit d'un seul et même village, et il y a même quelques

12 maisons qui se trouvent de l'autre côté de cette frontière qui sépare les

13 deux.

14 Q. Aurais-je raison de dire que, lorsqu'il se passe quelque chose à Gornje

15 Maline, la population de Donje Maline ne peut pas ne pas le savoir ?

16 R. Ils ne sont pas nécessairement au courant de tout ce qui se passe,

17 mais, lorsqu'il s'agit d'événements plus importants qui se produisent, il

18 est possible qu'effectivement, ils soient au courant, sans parler -- non,

19 mais on ne veut pas parler de détails. On ne peut pas savoir ce qui se

20 passe dans chacune des maisons, dans chacun des foyers.

21 Q. Vous avez tout à fait raison lorsque vous avez parlé de détails les

22 plus importants, puisque c'est précisément de cela que j'ai parlé.

23 Alors, Maline, venons-en à la date du 8 juin 1993. Vous avez dit que

24 Maline - et je suppose que vous entendiez par là Donje et Gornje Maline -

25 se trouvait encerclé par le HVO; est-ce exact ?

Page 11819

1 R. Vous n'avez pas raison. Les forces du HVO ont encerclé Donje Maline.

2 Autrement dit, une partie de Maline. Les forces du HVO ont encerclé une

3 partie de Maline, et nous sommes en train de préciser ici qu'il s'agit de

4 Donje Maline. C'est la partie de Maline où vivent les Bosniens.

5 Q. Monsieur, page 20, ligne 10 du compte rendu d'audience, vous avez dit,

6 en répondant à une question de ma consoeur, que le HVO a pris possession

7 des installations ou des bâtiments les plus importants autour de Maline;

8 est-ce que vous vous référiez à cela ? Vous vous référiez à Donje Maline en

9 disant cela ?

10 R. Je parlais de Maline, les plus importantes dans les alentours de

11 Maline. C'est le HVO qui s'en est emparé, effectivement, que ce soit autour

12 de Donje ou de Gornje Maline, mais aussi des maisons de Donje Maline. Eux,

13 ils étaient placés sur l'axe menant à Mehurici et ils pouvaient contrôler

14 toutes les maisons de Donje Maline, mais ils avaient aussi leur ligne de

15 défense entre les maisons croates et bosniennes, au sein du village lui-

16 même, là où se touchent les deux parties du village.

17 Q. Nous avons entendu, ici, devant cette même Chambre de première instance

18 des témoins qui ont dit dans leurs dépositions que le village de Maline

19 était placé sous le contrôle de l'ABiH; est-ce que vous seriez d'accord

20 avec cela ?

21 R. Je ne sais pas dans quel contexte ces témoins l'ont déclaré, mais la

22 partie de Maline que nous sommes en train d'identifier, ici, aujourd'hui,

23 comme Donje Maline, donc, la partie peuplée de Bosniens, était placé sous

24 le contrôle de l'ABiH, plus précisément, des parties du 2e Bataillon qui se

25 trouvait être là dans le village de Maline.

Page 11820

1 Q. Très bien. Il me semble que nous sommes en train de parler de la

2 période qui est celle du mois de juin 1993 et, par conséquent, c'est

3 précisément de cette période-là aussi que parlaient d'autres témoins.

4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, s'il vous plaît, ma

5 consoeur, si elle souhaite se référer à des propos émanant de quelqu'un

6 d'autre, je pense qu'elle devrait aussi, pour être tout à fait correct,

7 citer qui ou quand pour ne pas confondre le témoin.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin.

9 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, ma consoeur

10 sait parfaitement et pertinemment que ceci n'est pas possible, que je ne

11 peux pas le faire. Je pense que ma consoeur, elle-même, dans ce même

12 prétoire, a fait valoir devant des témoins qu'il y a eu d'autres témoins

13 qui sont venus et qui ont allégué un certain nombre de choses. C'est sur

14 cette base-là que je présente ces éléments au témoin. Je suis désolée, je

15 ne citerai pas de noms de témoins particulièrement parce qu'il s'agit de

16 témoins qui sont des témoins protégés. Donc, j'avance.

17 Q. Monsieur, pourriez-vous nous dire quels étaient les effectifs de votre

18 Bataillon à Maline, à ce moment-là ?

19 R. La partie du bataillon qui se trouvait à Maline, à ce moment-là,

20 comptait 120 combattants tout au plus.

21 Q. Pourriez-vous nous dire pour ce qui est de l'armée du HVO si celle-ci

22 était plus importante ou moins importante du point de vue de ces effectifs

23 que la vôtre, à ce moment-là ?

24 R. Je ne peux pas parler des effectifs du HVO, donc des forces déployées

25 dans cet encerclement où nous nous sommes trouvés. Mais ce que je peux

Page 11821

1 dire, c'est qu'ils avaient opéré une jonction entre leurs différentes

2 troupes. Ils recrutaient dans la zone. Ils avaient leur Brigade Frankopan.

3 Ils étaient liés du côté de Guca Gora. Je ne peux pas parler en chiffre,

4 mais, compte tenu de ce qu'ils avaient par rapport à nous, je dois dire

5 qu'ils avaient un avantage considérable, et aussi au vu de ce dont ils se

6 sont emparés, aux dispositions qu'ils ont prises autour de chacune des

7 localités. Je dis qu'ils avaient un avantage considérable par rapport à

8 nous qui nous sommes trouvés dans un encerclement.

9 Q. Si on vous invitait à comparer la taille de ces deux armées, à votre

10 sens, laquelle serait plus grande ?

11 R. Du fait même qu'on parle d'une brigade, de la Brigade de Frankopan du

12 côté du HVO déployée, du côté de Guca Gora, et de notre côté, on parle en

13 terme de bataillon. Si vous comprenez la différence entre brigade et

14 bataillon, vous verrez tout de suite qui a l'avantage. Il suffit de savoir

15 qu'un bataillon se trouve face à une brigade et, en plus, un bataillon qui

16 se trouve fragmenté et déployé dans différentes localités.

17 Q. Très bien. Abordons maintenant la journée du 8 juin 1993. Vous étiez

18 déployé à Maline, comme vous nous l'avez dit. Pourriez-vous préciser à

19 l'intention de la Chambre de première instance, et à mon intention

20 également, s'il s'est produit quoi que ce soit de significatif pour autant

21 que vous le sachiez eu égard aux civils croates de Maline en juin 1993 ?

22 R. Vous parlez uniquement de la journée du 8 ? Pouvez-vous me préciser

23 cela, s'il vous plaît, ou parlez-vous du mois de juin 1993 dans sa

24 totalité ? Je vous demande de me préciser cela.

25 Q. Excusez-moi, il me semble avoir mentionné en particulier la journée du

Page 11822

1 8. Pour autant que vous le sachiez, est-ce qu'il s'est produit un incident

2 concernant les civils croates ou qui aurait impliqué des Croates civils ?

3 R. Tard dans l'après-midi, lorsque j'ai opéré une jonction avec Krpeljici

4 et le 3e Bataillon, j'ai reçu une information que la population civile

5 d'appartenance croate était partie ou a été emmenée en direction de

6 Mehurici. Un petit nombre était resté à Maline, peut-être deux à trois

7 familles. Ce jour-là, tard dans l'après-midi, c'est ce que j'ai appris, que

8 la plupart de la population avait été emmenée en direction de Mehurici.

9 Q. Je vous remercie. Je vais être plus précise pour qu'on puisse avancer.

10 Pendant que vous étiez stationné à Maline et, en particulier, le 8 juin,

11 pour autant que vous le sachiez, est-ce qu'il y a eu un massacre à

12 l'encontre des civils croates ?

13 L'INTERPRÈTE : L'interprète complète la réponse précédente : le témoin

14 qu'il était en compagnie d'autres officiers.

15 R. Pour ce qui est de la partie de Maline qu'on appelle Bikose, en

16 surplomb de Maline, il s'agit de quelques maisons qui sont situées là,

17 peut-être est-ce quatre ou cinq jours plus tard que j'ai entendu en parler

18 sur la ligne de défense que nous avions à ce moment-là, face au HVO, donc

19 je n'ai appris qu'il s'est passé des choses que quatre ou cinq jours plus

20 tard. Ce jour-là, je n'en ai rien su.

21 Q. En tant que commandant ou assistant du commandant chargé du Moral,

22 n'auriez-vous pas dû enquêter là-dessus ? N'aurait-il pas été avisé que

23 vous enquêtiez là-dessus ?

24 R. Je ne devais rien considérer ou penser. Je savais qu'après cet

25 événement qui s'est produit, l'enquête a été amorcée par les forces

Page 11823

1 chargées de la Sécurité du commandement de la brigade, mais je ne sais pas

2 quels ont été les résultats de cette enquête. En tant qu'être humain, j'ai

3 considéré, bien entendu, que l'enquête doit avoir lieu, qu'on doit

4 identifier l'auteur, et qu'il doit être sanctionné de la manière

5 appropriée. J'en parle en tant qu'homme et en tant qu'officier compte tenu

6 de mes fonctions qui ont été celles de l'époque, mais c'était quelque chose

7 qui relevait des attributions de l'organe chargé de la sécurité.

8 Q. Ma collègue vous a montré le document de la Défense, la référence est

9 1214.

10 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Avec l'autorisation de la Chambre, je

11 souhaiterais que l'on remette encore une fois ce document au témoin pour

12 que l'on précise certaines choses.

13 Q. C'est la page 2 que je vous invite à examiner. Vous avez dit, à juste

14 titre, que la majorité des noms qui figurent dans ce document

15 correspondraient aux noms que portent des civils croates; est-ce exact ?

16 R. Des noms d'appartenance ethnique croate, des civils ou des militaires,

17 je n'en sais rien. Ce sont des -- ce que je peux dire c'est que ce sont des

18 noms croates.

19 Q. Oui, très bien, des noms croates. Si vous vous reportez aux

20 conclusions, généralement, on trouve la conclusion dans la dernière phrase.

21 Il est question ici des causes de l'incendie ou du pillage. Pourriez-vous

22 nous dire quelle est l'appréciation générale qui était lancée ici ?

23 R. Pouvez-vous m'expliquer votre question ? Vous voulez que, je tire une

24 conclusion en me fondant sur ce document, ou voulez-vous un commentaire

25 venant de ma part, au sujet de la conclusion qui figure à la fin du

Page 11824

1 document ?

2 Q. Non, je ne vous invite pas à tirer des conclusions vous-même. Je vous

3 ai simplement demandé de nous dire quelle est la conclusion qui figure

4 ici ? Quelle est la conclusion à laquelle on est arrivé, et généralement,

5 on trouve la conclusion dans la dernière ligne de chacun des paragraphes.

6 Si vous le souhaitez, je vais vous aider. Un certain moment, il est dit que

7 l'on ne sait pas quelle est l'origine du feu. On ne sait pas qui a mis le

8 feu. En fait, on ne voit jamais, dans la conclusion, la cause du feu; ai-je

9 raison ?

10 R. Au vu du fait que ce qui est écrit à la fin de ce document, qui se

11 fonde d'une certaine conclusion faite par les auteurs de ceux qui ont

12 rédigé ce document, pour ce qui est des opérations de combat qui ont lieu

13 sur ce site le 8 juin, il ne serait pas réaliste de s'attendre à ce que

14 quelqu'un qui participe à ce genre d'opération puisse identifier la cause

15 du feu parce qu'on tire de toute part, des positions du HVO et de l'armée.

16 Ceci peut nous inciter à penser que ces bâtiments auraient pu prendre feu,

17 soit à cause -- pour des causes qui viennent du côté du HVO ou de l'ABiH;

18 du moins, c'est que j'en pense.

19 Q. Merci, Monsieur. Je voudrais maintenant que vous examiniez la première

20 page. Ce sont les paragraphes 1 à 3 qui m'intéressent. Pourriez-vous les

21 examiner. Il est dit ici que ces individus étaient de Donje Maline ou que

22 ces maisons étaient à Donje Maline. Est-ce que je suis en droit d'avancer

23 que ces individus étaient des Bosniens ?

24 R. Oui.

25 Q. Si vous examinez la conclusion qui figure là, à cet endroit, dans

Page 11825

1 chacun des cas, il est dit que le feu provient des positions du HVO, en

2 haut du rocher, pour chacun des cas. Si nous avançons, on voit que la cause

3 de l'incendie -- du feu vient des positions du HVO; ai-je raison ?

4 R. Oui.

5 Q. Très bien. A la lumière de cela, seriez-vous d'accord avec moi pour

6 affirmer qu'il est bizarre que des maisons de Gornje Maline, Maline le

7 haut, qui ont été détruites, que pour celles-là, personne n'a pu déterminer

8 la raison pour laquelle ces maison -- la cause de la destruction de ces

9 maisons. Mais, tandis qu'il s'agit des maisons de Donje Maline, Maline le

10 bas, on trouve la raison bien identifiée. Seriez-vous d'accord avec moi

11 pour confirmer que cela semble un peu étrange, compte tenu du fait que vous

12 avez dit, effectivement, que le feu venait de toute part -- qu'on ouvrait

13 le feu de toute part ? Donc, en réalité, personne ne peut savoir quelle est

14 la partie qui a causé quoi.

15 R. Je vais vous préciser cela. Le 7 juin, les forces du HVO ont attaqué le

16 village de Maline depuis leurs positions. Comme ceci est écrit ici, ils ont

17 tiré sur des bâtiments, et cela doit suffire, cet argument, pour pouvoir

18 déterminer que ce ne sont pas des forces de l'ABiH qui auraient tiré sur

19 des édifices qu'elles gardaient. Vous, vous tirez des conclusions des

20 écritures de quelqu'un d'autre. Vous devriez savoir que, le 8 juin, on n'a

21 pas tiré sur les positions du HVO uniquement de Donje Maline, mais que les

22 unités de la 306e Brigade ont aussi ouvert le feu de Mehurici, sur des

23 positions du HVO, en surplomb de Maline. Ce n'est pas la même chose que le

24 7, lorsque le HVO a attaqué nos positions, le village de Maline, les

25 édifices dont nous assurerions la sécurité -- que nous gardions. Bien

Page 11826

1 entendu, si vous aviez eu la possibilité de vous rendre sur place, vous

2 comprendriez plus facilement comment étaient déployées les forces de part

3 et d'autre. Donc, vous comprendriez mieux ce que je suis en train de faire.

4 Le 8 juin, la situation était tout autre. Nous ne contentions pas de nous

5 défendre à Donje Maline, mais nos forces ont essayé d'opérer une percée

6 vers Velika Bukovica pour aider -- secourir la population là-bas. Nous

7 avons rencontré une résistance de la part du HVO, et il y a eu un conflit.

8 Là, on a tiré de toute part.

9 Q. Avec tous mes respects, Monsieur, et ce, pour gagner du temps, on a

10 parlé, sur la première page, et de la date du 7 juin et de celle du 8 juin.

11 Nous voyons aussi la date du 6 juin en dernière page. Avec tous mes

12 respects, je n'ai pas l'impression que votre conclusion est correcte. Mais

13 je vais juste examiner le document que nous avons sous les yeux. Je vais me

14 fonder là-dessus. La question que je vais vous poser maintenant est la

15 suivante : nous avons entendu des dépositions des témoins en l'espèce, qui

16 ont dit que des soldats de l'ABiH contrôlaient le village de Maline, et que

17 leur village et leur maison ont été incendiés, à ce moment-là, et je vous

18 pose cette question à la lumière du document 1214.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Residovic.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai soulevé une

21 objection, il y a un instant, au sujet de la manière dont ma consoeur a

22 posé sa question. Il n'était pas utile que je réponde puisqu'elle a changé

23 sa question.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Elle a répondu à votre objection. Vous lui avez

25 dit que, si l'Accusation fait référence à des faits et à des témoins,

Page 11827

1 encore faut-il que l'Accusation dise quel témoin il était. Mais

2 l'Accusation a répondu, en disant que le témoin était de témoin protégé,

3 donc elle ne peut pas poser au témoin la question, et faisait une référence

4 explicite à un témoin protégé. C'est pour cela qu'elle reprend sa question

5 en disant qu'il y a des témoins qui ont dit, mais sans rentrer dans le

6 détail. C'est cela que vous voulez faire préciser ?

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui. Monsieur le Président, ce que je

8 pense c'est la chose suivante : si l'une des parties souhaite contrer, pour

9 ainsi dire, donc souhaiter des arguments contraires à cela qui est dit par

10 le témoin, pour des faits qui sont cités non pas pour des noms, il est

11 important de présenter ces faits au témoin. Si le problème qui se pose est

12 celui de la protection des témoins, dans cette situation là, la partie en

13 question peut demander qu'on l'on passe à huis clos partiel ou par exemple,

14 quand on ne cite que des initiales du témoin, tels que le pseudonyme ou les

15 initiales ont été admis devant la Chambre, donc on ne peut pas utiliser

16 cela lorsqu'on ne contre pas les arguments du témoin, et c'est la raison

17 pour laquelle je continue d'estimer que pendant le contre-interrogatoire on

18 ne peut pas poser des questions de cette manière-là.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Benjamin.

20 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble

21 que mon éminente collègue a oublié qu'il s'agit d'un contre-interrogatoire,

22 cela en est un et, aussi, si elle souhaite que je reformule ma question, je

23 peux le faire, je peux dire au témoin qu'il existe une preuve devant cette

24 Chambre et nous allons continuer en nous fondant la dessus. Mais s'il n'y a

25 rien, rien de mauvais lorsqu'on dit au témoin qu'il y a eu des éléments de

Page 11828

1 preuve qui ont été reçus et qui disent des choses contraires. Il n'y a rien

2 de mauvais là dedans, et je vais poursuivre.

3 Q. Monsieur, devant cette Chambre, des éléments de preuve ont été reçus

4 disant qu'à Maline, le 8 juin 1993, des soldats de l'ABiH exerçaient le

5 contrôle et j'attire votre attention sur la pièce à conviction de la

6 défense 1214, puisqu'il me semble que ce document correspond aux éléments

7 de preuve qui ont été entendus par la Chambre. En page 2, nous voyons une

8 liste exhaustive qui a été dressée des maisons qui ont été détruites

9 pendant cette période. En page 2 du document, pour une raison quelconque,

10 on ne peut pas savoir, on ne peut pas nous dire quelle est la cause de la

11 destruction; cependant, sur la page 1, en page 1, nous voyons quelle est la

12 cause de la destruction. La question que je vous ai posée était la suivante

13 : ne pensez-vous pas que les éléments de preuve qui ont été entendus par la

14 Chambre sont peut-être corrects dans le sens où l'ABiH était de fait

15 l'armée qui contrôlait Maline pendant cette période-là.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais repréciser au témoin parce que la question

17 est très longue et le témoin a pu se perdre.

18 La question qui est vous est posée est la suivante : l'Accusation estime en

19 fonction d'éléments de preuve divers, l'armée de la BiH contrôlait Maline.

20 L'Accusation vous demande : qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous

21 pensez que c'est faux, c'est vrai, c'est partiellement vrai ? Quelle est

22 votre position puisque nous savons que, vous, vous étiez à Maline, vous y

23 étiez à plusieurs titres, vous y étiez en tant que natif et, en plus, en

24 tant que militaire. Est-ce que vous pensez sur le fait que l'Accusation

25 veut vous dire : voilà, on a des éléments qui semblent dire que Maline

Page 11829

1 était sous le contrôle de l'ABiH. Alors l'Accusation demande à un militaire

2 comme vous, qu'est-ce que vous en pensez ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 8 juin, Maline n'était pas sous le contrôle

4 de l'ABiH pendant toute la journée, depuis les premières du matin jusqu'à

5 environ midi, il y a eu des combats dans le secteur, si j'ai bien compris

6 votre question, il y a eu des affrontements, mais ce n'est que dans les

7 heures de l'après-midi qu'on pourrait dire que Gornje et Donje Maline se

8 sont trouvées sous le contrôle de l'ABiH. Nos forces ont été déplacées vers

9 les positions en direction de Guca Gora, c'est quelque chose qui j'ai dit

10 et voilà comment je comprends la situation. Le 8 juin, Gornje Marine, qui

11 fait partie de Maline, n'était pas sous le contrôle de l'ABiH pendant

12 l'ensemble de la journée. Si nous rapportons cela au document que nous

13 avons devant nous, je me réfère à l'opération de combat du 8 juin dans les

14 premières heures de la matinée. Ces opérations ont eu lieu dans la partie

15 étroite de Maline pendant quelques heures et le centre de l'opération s'est

16 déplacé vers les lignes du HVO en direction de Guca Gora.

17 Mme HENRY_BENJAMIN : [interprétation]

18 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

19 En ce qui concerne votre rôle de commandant adjoint chargé des Questions du

20 moral, vous avez indiqué à ma consoeur que votre supérieur le commandant et

21 la question que je voudrais maintenant vous poser est de savoir, qui était

22 ce commandant, qui était ce supérieur et à qui rendait-il compte ?

23 R. Au commandant de la Brigade.

24 Q. Qui était la 306e Brigade, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 11830

1 Q. Pourriez-vous nous aider et nous dire quel était le supérieur, enfin le

2 commandant, qui commandait la 306e Brigade ?

3 R. Selon le système de commandant, c'était le commandant du corps d'armée.

4 Q. Pouvez-vous nous dire qui était le commandant du corps, à ce moment-

5 là ?

6 R. Autant que je puisse me rappeler, c'était M. Hadzihasanovic qui était

7 commandant du corps.

8 Q. Dans ce que vous dites dans votre déposition, que

9 M. Hadzihasanovic était le commandant de l'ensemble du 3e Corps et qu'il

10 était en définitive responsable du 3e Corps; est-ce bien exact, je ne

11 trompe pas ?

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que la question était sur la responsabilité

13 militaire, disciplinaire, pénale, on ne sait pas trop. Pouvez-vous, avant

14 que la Défense fasse une objection, repréciser votre question parce qu'il y

15 a une ambiguïté ?

16 Quand vous posez la question, si le commandant du 3e Corps était

17 responsable, dans votre esprit, c'est responsable de quoi au juste ? J'ai

18 vu la Défense se lever et certainement, essayons d'être clairs. Reformulez

19 votre question précise au témoin.

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pour

21 commencer, je voudrais demander au témoin si le commandant du

22 3e Corps était responsable du point de vue militaire.

23 Q. Est-ce qu'il avait la responsabilité militaire, au sens

24 militaire, des membres de ce corps ? Etait-ce bien le cas ?

25 R. D'après le système de commandement et contrôle de l'ABiH, le commandant

Page 11831

1 du corps était le commandant des brigades, à moins qu'il y ait eu une sorte

2 de groupe d'opération qui aurait été formé mais naturellement ceci aurait

3 été fait conformément à des ordres qui auraient été émis par le

4 commandement supérieur.

5 Q. Je vous remercie. Plus tôt, dans votre déposition, vous aviez indiqué,

6 à mon éminente consoeur, que l'armée à laquelle vous apparteniez, l'armée

7 bosnienne, et, en particulier, la 306e Brigade musulmane, vous n'aviez que

8 très peu d'armes ou pas d'armes avec lesquelles vous pouviez défendre la

9 Bosnie-Herzégovine. En tant que commandant assistant chargé des Questions

10 de moral, pourriez-vous nous dire quel était le plan à l'époque, le plan de

11 l'ABiH, pour défendre la Bosnie-Herzégovine compte tenu du fait que vous

12 avez dit que vous n'aviez pas d'armes ou peu d'armes ?

13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être qu'il y a

14 eu une erreur à la page 35, ligne 19. Il est dit : "La 306e Brigade

15 musulmane," je ne sais pas si c'est cela que ma consoeur a dit, mais peut-

16 être qu'elle voulait parler de Brigade de Montagne.

17 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que c'est

18 cela que j'ai dit. Excusez-moi. La 306e Brigade de Montagne.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. J'ai remarqué que c'est cela que

20 vous avez dit lorsque j'ai écouté l'interprétation, mais ma réponse est la

21 suivante : la 306e Brigade de Montagne, nos troupes de montagne, et toutes

22 les autres Unités de l'ABiH avaient naturellement organisé la défense sur

23 la base des possibilités qu'elles avaient. Elles se servaient du matériel

24 et de l'équipement technique qu'elle avait à sa disposition pour organiser

25 la défense. Quant à savoir avec quel succès elles ont pu le faire, bien

Page 11832

1 évidemment, il n'est pas nécessaire que je traite de la question.

2 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation]

3 Q. Vous avez également indiqué qu'il est tout à fait évident que les

4 membres du HVO et des Unités du HVO avaient les armes dont ils avaient

5 besoin. Je voudrais vous demander sur quelle base vous dites cela, en vous

6 fondant sur quoi ?

7 R. J'ai dit cela sur la base de mes observations, de ce que j'ai pu

8 observer. J'ai pu observer leurs unités, les unités qui étaient équipées et

9 qui se trouvaient à la ligne de défense au début de 1992. Il y avait des

10 positions à Vlasic. J'ai soutenu ceci sur la base de ce que j'avais observé

11 et sur la base de renseignements que j'avais obtenu d'autres sources.

12 Q. Vous étiez responsable également de la formation et l'entraînement. La

13 question que je vous pose maintenant serait de savoir s'il y avait d'autres

14 formateurs ou d'autres personnes qui entraînaient les membres de l'ABiH ?

15 Est-ce que vous savez s'il y avait d'autres personnes qui s'occupaient de

16 cette formation de l'ABiH ?

17 R. D'après l'ordre émanent du commandant supérieur, dans toutes les

18 brigades, d'après le système établi, il y avait un organe chargé des

19 opérations et de la formation dont la tâche était d'établir des plans de

20 formation, d'entraînement, et également avec d'autres officiers pour des

21 unités subordonnées. Ils devaient entraîner et former les hommes pour

22 qu'ils soient prêts au combat à tous points de vue. Il y avait des plans,

23 il y avait des personnes qui étaient responsables pour l'exécution de ces

24 plans, leurs mises en œuvre. Ce qui veut dire que pour les opérations et la

25 formation, l'organe dans cet ensemble pouvait procéder à cette formation

Page 11833

1 dans les unités subordonnées.

2 Q. Est-ce que vous sauriez, si vous le savez, pourriez-vous s'il vous

3 plaît aider les membres de la Chambre, est-ce que vous sauriez si des

4 étrangers, et comme vous les avez appelés par la suite des Moudjahiddines,

5 sauriez-vous si, en fait, ils ont procédé à des séances de formation des

6 membres de l'ABiH ?

7 R. Non, je n'ai pas connaissance de cas de ce genre. L'unité dans laquelle

8 je me trouvais dans ce secteur, ils ne procédaient pas à des séances de

9 formation de quelque type quoi que ce soit.

10 Q. Peut-être que là aussi vous pouvez nous aider. Est-ce que vous savez

11 s'il y avait un camp d'entraînement à Mehurici par ces Moudjahiddines, ces

12 étrangers ?

13 R. J'ai entendu parler de l'existence d'un camp. J'ai mentionné l'endroit

14 où pourrait être ce camp. J'ai entendu dire qu'une formation était en cours

15 avec certaines personnes qui les avaient rejoints. J'ai entendu de

16 certaines personnes qui les avaient rejoints, et ils faisaient l'objet

17 d'une formation là-bas. Mais je n'ai rien observé personnellement.

18 Q. Faisant partie de vos attributions qu'étaient de vous occuper du moral,

19 de suivre quel était le moral des unités, pourriez-vous tout d'abord me

20 dire si vous avez connaissance du fait que des étrangers, des Musulmans

21 aient été intégrés à votre unité ?

22 R. Non. Il n'y a jamais eu d'étrangers musulmans engagés dans notre unité.

23 Il n'y avait pas d'étrangers d'autres états, non plus.

24 Q. Comment vous occupiez-vous du moral de vos soldats dans votre unité ?

25 Comment est-ce que vous procédiez ?

Page 11834

1 R. La question est très générale. Je vais donc vous faire une réponse

2 générale. Ma tâche, cette tâche qu'avaient tous les officiers chargés de

3 cela, était de surveiller constamment ce qui pouvait avoir un effet sur le

4 moral, pour la préparation au combat de notre unité. Nous devions tenir

5 compte d'éléments qui avaient un impact positif ou négatif sur le moral.

6 Par d'autres organes de la brigade, nous devions nous efforcer d'ôter les

7 éléments qui avaient un effet négatif sur le moral et nous devions mettre

8 en exergue ce qui avait un effet positif sur le moral des hommes lorsqu'ils

9 effectuaient les tâches de combat. Voilà le type de réponse que je peux

10 vous faire par rapport à une question très générale que vous m'avez posée.

11 Q. Compte tenu du fait que vous participiez de façon aussi profonde, assez

12 intense à la formation et à ces aspects du point de vue du moral, par votre

13 domaine de responsabilité, est-ce que vous avez trouvé ou est-ce que --

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je lève une

15 objection à cette partie de la question dans laquelle ma consoeur dit qu'il

16 était profondément impliqué dans les questions de formation. Dans sa

17 déposition, jusqu'à maintenant, il n'a jamais dit qu'il participait à la

18 formation. Il a décrit sa tâche et les plans de formation, d'entraînement

19 qui avaient été préparés au niveau de la brigade et qui étaient exécutés

20 par les personnes qui étaient visées dans le plan d'entraînement.

21 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Je présente mes excuses.

22 Q. On va revenir à l'aspect du moral des troupes. Pourriez-vous me dire, à

23 votre avis, si vous avez rencontré des soldats dont le moral était très

24 bas, où est-ce que vous avez eu des incidents dans lesquels les soldats

25 devaient recevoir des soins parce qu'ils avaient le moral très bas, en

Page 11835

1 particulier, des soldats qui, peut-être, auraient commis des infractions à

2 l'extérieur ? Est-ce que vous avez rencontré des exemples de ce genre ?

3 R. Je crois qu'il faut faire une distinction entre le moral pour le combat

4 et le moral dont vous parlez. Je parlais du moral concernant le combat pour

5 les membres de l'ABiH, ou plutôt, les hommes de mon unité. Je parlais de la

6 façon dont ils étaient motivés, à quel point ils étaient motivés pour

7 effectuer des tâches de combat. Je ne parlais pas de leurs qualités

8 morales, en tant que personne qui serait prête à commettre des actes

9 contraires à la morale. Mais, naturellement, lorsqu'on tâche de s'assurer

10 que le moral des troupes est au niveau voulu pour le combat, nous avons

11 essayé d'expliquer à nos soldats qu'ils devaient se comporter d'une façon

12 morale lorsqu'ils étaient pris dans les tâches et les opérations de combat,

13 et lorsqu'ils participaient à les opérations de divers types.

14 Q. Je vous remercie. Vous avez répondu très directement à la question

15 parce que je pense qu'il y avait une distinction opérée entre ces deux

16 aspects. Vous l'avez très bien fait. Maintenant, ma question a trait aux

17 étrangers qui sont venus par Maline. Pourriez-vous nous expliquer, ainsi

18 que pour les membres de la Chambre, pour nous éclairer sur quelle était la

19 réponse ou la réaction à Maline par rapport aux étrangers qui ont traversé

20 Maline -- qui sont passés par Maline ?

21 R. A un moment, vous avez mentionné les étrangers qui étaient venus à

22 Maline, et j'ai dit que moi-même et d'autres personnes, qui vivaient à

23 Maline, nous n'avons eu l'occasion de les voir, de façon tout à fait

24 occasionnelle, du fait que les étrangers passaient par Maline et prenaient

25 la direction de Travnik -- se dirigeaient vers Travnik. Ils n'ont pas eu

Page 11836

1 d'activités dans le secteur dans lequel je vivais, et on ne peut pas

2 vraiment parler de réaction de la population à leur égard, d'une manière

3 particulière. Dans le secteur dans lequel je vivais, dans le secteur où on

4 recrutait des hommes pour cette unité. Ils sont passés par le hameau dans

5 lequel je vivais à l'époque et dans le secteur dans lequel j'étais membre

6 de l'unité dont j'ai parlé.

7 Q. Je vous pose la question parce que, voyez-vous, un peu plus tôt, vous

8 avez dit que le HVO était l'armée qui contrôlait Maline en juin 1993. Je

9 vous pose cette question parce qu'il y a des éléments de preuve qui tendent

10 à démontrer que des étrangers avaient emmené des civils de Maline, les

11 avaient emmenés à un endroit précis. Donc, la question que je vous pose

12 serait que, si, en fait, vous avez raison, si le HVO était bien l'armée qui

13 contrôlait les lieux, est-ce que --

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que ma

15 consoeur pourrait être plus précise. Parce qu'elle s'est référée à des

16 éléments de preuve selon lesquels les étrangers auraient fait sortir des

17 civils de Maline, les auraient emmenés de Maline. Je ne pense pas qu'il

18 soit nécessaire que je suggère quoi que ce soit au témoin ou que je risque

19 de faire de la confusion. Mais nous savons de quel type d'éléments de

20 preuve que nous disposions, en ce qui concerne des civils qui ont quitté

21 Maline, en ce qui concerne les personnes qui les ont emmenés ou escortés

22 hors de Maline. Nous avons entendu beaucoup parler. Je serais

23 reconnaissante à ma consoeur si elle voulait bien reformuler la question,

24 compte tenu des éléments de preuve qui ont été présentés devant votre

25 Chambre de première instance.

Page 11837

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître, pouvez-vous reformuler votre question ? Pour

2 arriver au même résultat. Mais reformulez votre question.

3 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Je vais faire de mon mieux, Monsieur

4 le Président.

5 Q. Monsieur le Témoin, seriez-vous d'accord avec moi si je vous dis que

6 l'armée HVO, était-ce l'armée qui exerçait le contrôle que vous avez

7 allégué, le 8 juin 1993, à Maline ? Si, comme vous l'avez dit, l'armée HVO

8 était là, serait-il possible, alors que des étrangers aient attaqué des

9 Croates à Maline ou à Gornje Maline, ou qu'ils aient enlevé des Croates à

10 Gornje Maline à l'époque ? Ou est-ce que vous pensez, à votre avis, que, si

11 le HVO était l'armée qui contrôlait la situation, ceci aurait pu avoir lieu

12 -- elle aurait pu permettre cela ?

13 R. Excusez-moi, mais je crois qu'on ne m'a pas bien compris. Lorsque je me

14 réfère au 8 juin, je parle d'une période de la journée au cours de laquelle

15 l'armée HVO avait le contrôle de Gorjne Maline, et l'armée a eu le contrôle

16 de Donje Maline dans la deuxième partie de la journée, la deuxième partie

17 de la journée, après le combat des premières heures de la matinée, qui a

18 duré quelques heures. De sorte que, dans la deuxième partie de la journée,

19 l'ABiH et ses unités ont été un contrôle sur le secteur, ont levé

20 l'encerclement de Donje Maline, et sont parties avec leurs forces dans la

21 direction de Guca Gora, de façon à aider Krpeljici -- apporter assistance à

22 Krpeljici et Velika Bukovica, qui étaient également encerclés et qui

23 demandaient de l'aide. Dans la deuxième partie de la journée du 8 juin, le

24 HVO n'exerçait pas un contrôle de la région à laquelle nous nous sommes

25 référés comme étant Gornje Maline, en l'espèce.

Page 11838

1 Q. Je vous remercie. Est-ce que Donje Maline n'a pas eu à souffrir --

2 plutôt, est-ce que Donje Maline a subi beaucoup de dommages du fait de ces

3 combats ? Est-ce que vous diriez que Gornje Maline a souffert davantage ?

4 R. Est-ce que nous parlons du 7 ou du 8 juin ? Je ne suis pas sûr de la

5 date à laquelle vous vous référez.

6 Q. Nous parlions de --

7 R. Excusez-moi. Il y a eu des combats le 7 juin, lorsque le HVO a attaqué

8 les positions de l'armée dans le village de Maline. Le jour suivant, le 8

9 juin, des opérations de combat ont été menées dans le secteur, de sorte

10 qu'au cours des deux journées, les dommages ont été subis par les bâtiments

11 de Donje Maline et de Gornje Maline. Ceci peut être vu dans les deux

12 documents que vous avez produits. Bien entendu, il y a eu divers types

13 d'observations à ce sujet.

14 Q. C'est précisément la question que je voulais vous poser. Je voulais

15 vous demander si, à la fin du combat, quel était le village des deux

16 villages qui avait le plus grand nombre de maisons détruites. Est-ce que

17 c'était Donje Maline ou Gornje Maline ?

18 R. Je pense que le plus grand nombre de maisons ont été détruites à Gornje

19 Maline, au cours des combats pendant cette période de deux jours.

20 Q. Seriez-vous d'accord avec moi - je pense que oui, sûrement - si je dis

21 que les civils croates ont davantage souffert à la fin de ce combat ?

22 R. Naturellement, je ne crois -- naturellement, après tout ce qui s'est

23 passé ce jour-là, il faut être franc et dire que cela n'était pas facile. A

24 ce moment-là, leur situation était pire que celle de la situation des

25 Bosniens -- dans laquelle se trouvaient les Bosniens. A partir de ce

Page 11839

1 moment-là -- jusqu'à ce moment-là, les Bosniens se sont trouvés dans une

2 position pire que celle des Croates.

3 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que,

4 si vous pouviez m'accorder un instant, s'il vous plaît, ceci me permet de

5 conclure mon contre-interrogatoire.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Il est midi 25. Nous allons faire la pause.

7 Nous reprendrons vers 1 heure moins 10 pour les questions supplémentaires

8 de la Défense.

9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 27.

10 --- L'audience est reprise à 12 heures 57.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense pour les questions supplémentaires.

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

13 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

14 Q. [interprétation] Monsieur Tarakcija, à la question de mon éminente

15 collègue, vous avez dit que vous faisiez partie d'un bataillon, et que vous

16 aviez une brigade devant vous, et que cela voulait dire qu'ils étaient plus

17 forts que vous. Lorsque vous avez parlé de cela, est-ce que vous parliez de

18 la zone de votre bataillon ou de l'ensemble de la vallée de la Bila ?

19 R. Je vais essayer de clarifier ma réponse. Pour ce qui est de la zone

20 dans laquelle était situé le 2e Bataillon de la 306e Brigade de Montagne, a

21 été créée la Brigade du HVO de Frankopan avec le siège à Guca Gora. Je ne

22 peux pas dire quels étaient les effectifs déployés par la brigade dans le

23 cadre des opérations de combat de l'époque autour des villages dont j'ai

24 parlé qui étaient complètement bloqués par leurs troupes, ni quel était le

25 déploiement de l'ensemble de l'unité de cette Brigade du HVO; cependant, ce

Page 11840

1 que je sais, c'est que tous les villages dont on recrutait les hommes pour

2 le 2e Bataillon étaient pratiquement totalement encerclés. Quant à la

3 question de savoir quel était le nombre de troupes de cette brigade-là qui

4 encerclait ces villages mentionnés, cela, je ne peux pas le dire avec

5 exactitude.

6 Q. Mis à part les faits que vous connaissiez directement et qui

7 concernaient votre bataillon, est-ce que vous saviez qui, en avril et en

8 mai, avait des positions dominantes dans l'ensemble de la vallée de la

9 Bila ?

10 R. Oui, je le savais. C'étaient les forces du HVO. Je pouvais le voir.

11 Q. Est-ce qu'à partir de ces endroits-là, il était possible de contrôler

12 l'ensemble de la vallée de la Bila ou seulement certaines parties ?

13 R. Je pense qu'il s'agissait d'un contrôle d'environ deux tiers de la

14 région de la Bila.

15 Q. Est-ce qu'au cours de cette période, en avril, mai, est-ce que vous

16 savez si, mis à part les forces de la brigade de Frankopan, des forces

17 appartenant aux autres unités du HVO sont venues également dans la région

18 de la vallée de la Bila ?

19 R. Je ne l'ai pas vu, bien sûr. Mais j'ai reçu certaines informations de

20 la part d'autres personnes indiquant que mis à part les membres de la

21 brigade de Frankopan dans la région de la vallée de la Bila, et notamment à

22 Guca Gora, il y avait également des personnes qui ne venaient pas de cette

23 région-là. Certaines personnes avaient l'occasion de les voir et ils ont

24 parlé. Ils ont dit que ces personnes portaient des insignes de l'armée

25 croate. Bien sûr, je n'ai pas vu cela, mais j'en ai entendu parler.

Page 11841

1 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que vous savez, personnellement, si

2 au cours de cette période-ci, en avril, mai 1993, est-ce que le HVO

3 disposait de meilleurs armements et de moyens plus puissants de combat ?

4 R. Compte tenu de ceux dont ils disposaient dès le début de l'agression

5 contre la Bosnie-Herzégovine par rapport à nous, et compte tenu ce que nous

6 avons pu obtenir, et puis également, compte tenu de la possibilité que le

7 HVO avait d'obtenir de l'aide de l'état limitrophe, nous savions et nous

8 étions en mesure de voir qu'en ce qui concerne les armements, et les

9 équipements, ils avançaient beaucoup plus vite que nous. Ils étaient

10 capables également de compléter leur unité avec suffisamment de ressources

11 pour pouvoir effectuer ce qu'ils avaient planifié.

12 Q. Si l'on parle de votre devoir, celui de l'adjoint du commandant chargé

13 du Moral, mon éminente collègue vous a posé plusieurs questions. Voici ma

14 question maintenant : est-ce que cette conscience de tous les combattants

15 qu'ils avaient face à eux un ennemi mieux armés et détenant des positions

16 plus importantes, est-ce que cela a été un facteur important pour le moral

17 des troupes et pour vos efforts visant à expliquer la situation aux

18 combattants ?

19 R. Oui, bien sûr. Nos combattants savaient que le HVO était beaucoup mieux

20 équipé et armé; cependant, malgré le fait que nous étions dans une

21 situation moins avantageuse, nous n'avions pas d'autres issues, et nous

22 étions obligés de créer la motivation nécessaire afin de nous défendre, de

23 défendre nos villages, nos familles et nos enfants.

24 Q. Merci. Monsieur Tarakcija. Devant ce Tribunal, dans le cadre de ce

25 procès, un expert militaire a été entendu. Dans son rapport d'expertise et

Page 11842

1 dans sa déposition devant cette Chambre de première instance, il a dit que

2 plusieurs facteurs influençaient le moral des troupes, plusieurs facteurs

3 importants. Est-ce que vous, compte tenu du fait que vous exerciez ces

4 fonctions-là, est-ce que vous pourriez être d'accord avec une telle

5 opinion ?

6 R. Oui, bien sûr. Il existe un grand nombre de facteurs qui peuvent avoir

7 soit une influence positive, soit négative sur l'ensemble des troupes et

8 sur chacun des combattants séparément.

9 Q. Je songe, je viens de vous poser cette question concernant la question

10 de savoir si les meilleures positions et le meilleur armement du HVO

11 avaient un certain impact. Est-ce que vous pouvez me confirmer s'il

12 s'agissait là des facteurs qui pouvaient influer le moral ?

13 R. Absolument.

14 Q. Vous avez dit également que les événements qui se sont déroulés dans la

15 vallée de la Lasva avaient un impact sur l'ensemble de la région. Est-ce

16 que ce, qui a également influencé vos soldats, était le fait qu'ils ont

17 appris que l'ennemi commettait des crimes ?

18 R. Certainement.

19 Q. Des crimes contre les soldats et les civils ?

20 R. Absolument. Ceci a eu un impact sur l'ensemble de la situation dans les

21 unités et auprès de chacun des combattants qui avaient entendu parler de ce

22 qui se passait dans la région aux alentours. C'est ce qui a influencé le

23 moral des troupes et leur volonté de participer aux tâches de combat.

24 Q. En effet, tous ces éléments que vous venez de mentionner, dans quelle

25 mesure influençaient-ils la discipline et dans quelle mesure fallait-il

Page 11843

1 faire des efforts supplémentaires afin d'expliquer tout cela à vos hommes,

2 et afin qu'ils puissent continuer à maintenir la discipline au sein de vos

3 unités ?

4 R. Compte tenu de ce qui se passait dans les municipalités aux alentours

5 et dans notre région, compte tenu des points de contrôle que nous avons

6 mentionnés, et compte tenu de ce qui se passait à ces points de contrôle

7 qui avaient été établis par le HVO et, où les membres de nos unités et les

8 membres de leurs familles étaient humiliés par le HVO, bien sûr, tout cela

9 provoquait des problèmes. Dans la tentative de calmer les tensions qui

10 existaient à l'époque, il a fallu que nous ayons des discussions au jour le

11 jour et avec des individus et avec des groupes afin qu'ils ne ripostent pas

12 de la même manière afin qu'ils n'aggravent pas les choses, de manière

13 supplémentaire. Bien sûr, nous insistions sur le fait que nous faisions

14 tout afin d'améliorer la situation et afin d'éviter la création d'un autre

15 front dans la situation qui prévalait, à l'époque, où nous avions la ligne

16 de front contre l'agresseur serbo-monténégrin.

17 Q. À la fin, je souhaite vous poser la question suivante. Compte tenu de

18 tous ces facteurs que vous avez mentionnés qui influençaient le moral des

19 troupes, et compte tenu de toutes les mesures que vous avez prises afin

20 d'aider vos soldats à se comporter conformément aux règlements régissant la

21 guerre, lorsque vous repensez à tout cela, du point de vue de la situation

22 dans laquelle vous êtes aujourd'hui, est-ce qu'en pensant à l'année 1993,

23 vous pouvez dire, compte tenu des circonstances, à l'époque, vous avez dit

24 tout ce que pouviez afin de maintenir la discipline de vos soldats et afin

25 d'empêcher l'ABiH, ses membres, de commettre des crimes ?

Page 11844

1 R. Il s'agissait d'une situation pendant laquelle une guerre de libération

2 était en cours et compte tenu de toutes les circonstances, je pense que,

3 sur le plan individuel, j'ai fait vraiment tout ce que je pouvais, compte

4 tenu des circonstances et aussi compte tenu de mes capacités physiques et

5 mentales, intellectuelles plutôt, afin de faire en sorte que les membres de

6 notre unité, là où j'agissais, ne fassent quoi que ce soit qui aille à

7 l'encontre du règlement mentionné. Bien sûr, si j'ai eu du succès, cela

8 devra être jugé par mes supérieurs et par ceux qui étaient au courant de

9 mon engagement personnel, mais non pas moi, en tant qu'individu, mais je

10 peux dire que mes supérieurs et les autres commandants avec lesquels

11 j'étais en contact, ils faisaient tout afin d'éviter ce qui être évité,

12 afin de ne pas ce qui était illégal et inadmissible.

13 Q. Justement, c'est la question suivante que je souhaite vous poser. Mon

14 éminente collègue vous a demandé si votre brigade faisait partie du 3e

15 Corps d'armée. De votre point de vue, compte tenu de la situation dans

16 laquelle vous étiez en 1993, est-ce que vous pouvez nous dire si cette

17 attitude que vous venez de présenter était conforme aux exigences et aux

18 ordres donnés par le commandement à l'ensemble des membres du 3e Corps

19 d'armée dont vous faisiez partie vous-même.

20 R. Il existait un grand nombre d'ordres donnés à la fois oralement et par

21 écrit dans la chaîne de commandement, à commencer par l'état-major

22 principal en passant le commandement du corps d'armée de la brigade et des

23 bataillons et des autres unités, selon lesquels chaque membre de l'ABiH

24 devait se comporter, de la manière dont nous venons de décrire, et qu'il

25 fallait absolument que l'on ne se comporte pas, de manière équivalente à

Page 11845

1 ceux qui avaient effectué l'agression contre la Bosnie-Herzégovine.

2 Q. Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.

3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

4 questions pour ce témoin.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats ?

6 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

7 de questions pour ce témoin.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'ai des questions à vous poser, mais, pour

9 les poser, je vais demander à M. le Greffier de ressortir la carte qui a

10 été admise en élément de preuve hier et je voudrais qu'on nous présente la

11 carte. C'est la P137. Mettez la carte sur le rétroprojecteur.

12 Questions de la Cour :

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous voyez une carte de la région autour de

14 Maline. Avec le marqueur, l'indicateur, pouvez-vous indiquer où vous étiez,

15 vous, le 8 juin ?

16 R. Pourriez-vous pousser la carte quelque peu car l'on ne voit pas bien

17 Maline.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà, on voit sur le haut à droite, Maline, alors

19 indiquez où vous étiez, ou où étiez-vous le matin du 8 juin ?

20 R. Sur cette carte, nous pouvons voir que Gornje Maline se trouve..

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais vous, vous ?

22 R. J'étais dans cette région là.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais, plus précisément, étiez-vous à quel endroit de

24 Maline, le bas là ? N'écrivez pas mais indiquez simplement.

25 R. Le poste de commandement, je ne sais pas si le bâtiment existe sur

Page 11846

1 cette carte, mais le poste de commandement était ici.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : J'apprends qu'il y avait un poste de commandement,

3 ce qu'on n'avait entendu jusqu'à présent. Alors, montrez où était le poste

4 de commandement.

5 R. Je pense que c'était ici, dans cette partie-là de Donje Maline.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, vous nous

7 avez expliqué que Maline était encerclé par le HVO. Pouvez-vous, sur cette

8 carte, nous montrer comment Maline était encerclé par le HVO ? Où se

9 trouvait le HVO d'après vous, le 8 juin au matin ?

10 R. Les forces du HVO se trouvaient dans cette région-là, au-dessus de

11 Gornje Maline. C'était leur ligne de front vers Mehurici; ensuite, la ligne

12 redescendait vers Postinje; ensuite, ils avaient des forces qui étaient

13 déployées dans cette partie-là où se rencontrent Gornje et Donje Maline;

14 donc c'était cette ligne-là et ils avaient leur ligne également dans la

15 direction de Guca Gora, et c'était leur ligne vers Guca Gora qui se

16 trouvait ici. Si je parle de leur déploiement, conformément aux

17 informations dont je disposais à l'époque, bien sur, de la direction de

18 Guca Gora, les forces du HVO se trouvaient ici devant le village, vers Guca

19 Gora.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Le 8 juin, vous vous êtes réveillé à quelle heure ?

21 Vous avez dormi ? Vous vous êtes réveillé à quelle heure le 8 juin au

22 matin ?

23 R. Vers 4 heures du matin.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous vous êtes réveillé à 4 heures du matin ?

25 R. Parce que j'ai entendu des coups de feu très forts, émanant de toutes

Page 11847

1 les parties dans la région.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Des coups de feu, c'était des mortiers ou des tirs à

3 l'arme individuelle ?

4 R. J'ai entendu des coups de feu surtout des armes d'infanterie et parfois

5 il y a eu des obus de mortier qui ont été tirés également.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous vous imaginez que si je vous pose la question,

7 c'est que la question des mortiers peut être intéressante. Les mortiers,

8 ils venaient d'où ? D'où venaient les tirs de mortier ? et qui tiraient

9 avec des mortiers ?

10 R. A ce moment-là, je ne savais pas qui ouvrait le feu mais de toute façon

11 il y avait des tirs des deux parties à la fois, des positions du HVO et des

12 positions dans lesquelles les combats se déroulaient au dessus du village

13 de Maline.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai cru comprendre que vous aviez avec vous 120

15 soldats, membres de votre bataillon; est-ce que vous-même et vos soldats,

16 vous avez, vous, ouvert le feu ?

17 R. Dans une situation dans laquelle il y a eu des coups de feu tirés des

18 directions que nous n'occupions pas, à savoir en provenance de la partie

19 au-dessus de Gornje Maline, vers Mehurici, Vranjaca, de la direction de

20 Guca Gora aussi, compte tenu du fait que l'on tirait également sur Donje

21 Maline, nous avons ouvert le feu nous aussi. Nous avons donné l'ordre

22 d'ouvrir le feu à partir de nos positions vers les positions du HVO.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : On voit la situation telle que vous la relatez. Il

24 est 4 heures du matin. Il y a des tirs des mortiers. Cela tire de partout.

25 Vous ouvrez le feu. Est-ce que vous aviez un moyen de communication avec

Page 11848

1 votre lieu de commandement dans la localité de Krpeljici ? Est-ce que vous

2 les avez prévenus que cela tirait de partout ? Qu'est-ce que vous avez

3 fait ? Est-ce que vous avez rendu compte de ce qui était en train de se

4 passer ?

5 R. Notre seul contact était par Motorola, qui ne fonctionnait pas bien

6 dans la relation Maline-Krpeljici. Lorsque ceci était possible, l'on

7 transmettait certaines informations concernant les événements à Maline --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand avez-vous le fait le premier fois, à quelle

9 heure ?

10 R. Tôt dans la matinée, nous ne pouvions pas transmettre les informations

11 concernant ce qui se passait à Maline au commandement de notre bataillon.

12 C'était seulement peut-être au bout d'une heure ou deux heures que nous

13 avons réussi à nous mettre en contact.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : A quelle heure en avez-vous eu un contact avec les

15 autres militaires appartenant à votre unité ? A quelle heure ?

16 R. C'était vers 6 heures ou 7 heures du matin. Nous avons réussi à nous

17 mettre en contact, mais -- excusez-moi, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que c'était vous-même qui aviez, par le

19 Motorola, été en contact ? C'est vous ?

20 R. Notre personne chargée des Transmissions, qui était au poste de

21 commandement, a utilisé les moyens de communication dans le village de

22 Bandol car nous ne pouvions pas établir le contact par Motorola, avec le

23 commandement à Krpeljici. Donc, la personne chargée des Transmissions a

24 relaté ce qui était important, de notre point de vue, à la personne chargée

25 des Transmissions à Bandol, et c'est eux qui se sont mis en contact avec le

Page 11849

1 commandement à Krpeljici. Nous n'arrivions pas à nous mettre en contact

2 directement avec le commandement. A ce moment-là --

3 M. LE JUGE ANTONETTI : A 6 heures, vous avez un contact. Est-ce que vous

4 avez reçu des ordres en retour ?

5 R. A ce moment-là, on n'avait aucun autre ordre pour ce qui est du

6 déploiement de nos troupes. C'était seulement l'ordre de nous défendre,

7 dans la situation telle qu'elle se présentait, et de préserver le village -

8 - la localité contre une éventuelle percée des forces du HVO. Ce que je

9 tenais à dire, c'est qu'à ce moment-là, Bandol subissait des attaques très

10 importantes de la part du HVO. C'est ce que nous avons appris lorsque nous

11 avons établi le contact avec la personne qui était chargée de cela dans le

12 village de Bandol. A ce moment-là, nous n'avions pas d'autres ordres, si ce

13 n'est pas, bien entendu, l'ordre de retour était de garder le village -- de

14 protéger le village contre une entrée du HVO. Mais, à ce moment-là, je ne

15 suis pas sûr que le commandement de Krpeljici ait su ce qui était en train

16 de se passer et quelles étaient les activités en cours, et quelle est la

17 réalité de la situation.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous me le permettez, je fais le point avec vous.

19 Il est 6 heures du matin, vous avez un contact radio, d'après ce que vous

20 nous dites, le HVO vous encercle. Comment va se dérouler, au cours de la

21 matinée, au renversement de la situation ? Comment va se faire -- comment

22 allez-vous reprendre le contrôle du terrain ? Qu'est-ce qui va se passer,

23 selon vous ? Qu'est-ce qui va obliger le HVO, qui vous encercle, à s'en

24 aller, et vous, vous allez reprendre le contrôle ? Qu'est-ce qui s'est

25 passé ? Expliquez-nous cela.

Page 11850

1 R. Monsieur le Président, j'ai dit que, pour ce qui est du contact, nous

2 l'avons établi entre 6 et 7 heures. Je ne peux pas vous dire exactement à

3 quel moment. A ce moment-là, les forces du HVO, qui étaient déployées aux

4 côtes dominantes entre Donje et Gornje Maline, c'étaient leurs positions,

5 les positions qu'ils occupaient, essentiellement, vers Mehurici, ainsi que

6 les forces dans le village même, et les forces en direction de Guca Gora,

7 elles ont ouvert le feu. Mais nous ne savions pas que les forces de l'ABiH

8 en provenance de Mehurici sont en mouvement dans une tentative de débloquer

9 ce qui avait été pris, le village le Velika Bukovica et Krpeljici. C'est à

10 Vranjaca que nous avons pu entendre les premiers coups de feu. C'était là

11 qu'il y avait les combats entre l'armée et le HVO. Nous ne savions pas

12 réellement tout ce qui était en train de se produire. Nous savions qu'on

13 tirait sur Maline, le long sur nos lignes.

14 Mais après, comment la situation a évolué, leurs lignes aux côtes

15 dominantes en surplombant Maline, ce que je vous ai montré, les lignes du

16 HVO, elles ont été prises, et les forces de l'armée, qui avançaient en

17 provenance de Mehurici - c'était, avant tout, le 1er Bataillon et le 4e

18 Bataillon - elles étaient en mouvement vers Krpeljici, Velika Bukovica et

19 Guca Gora. Je ne sais pas à quel moment, mais on a reçu, pour mission, de

20 la part du commandant du bataillon. Probablement, entre-temps, il a appris

21 que les forces du 1er et du 4e Bataillons avançaient pour lever le blocus.

22 Il a demandé de nous, à Maline, que nos forces soient déployées vers les

23 positions dans la direction de Guca Gora, à une stade ultérieure, qu'on

24 opère une jonction entre nos forces et nos combattants de Krpeljici, comme

25 je l'ai dit un moment, et les combattants du 3e Bataillon de Montagne en

Page 11851

1 provenance de Han Bila.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Les forces de l'ABiH, qui viennent de Mehurici, pour

3 vous, il n'y avait que le 1er et 4e Bataillons de la 306e, ou y avait-il

4 d'autres unités ?

5 R. Pour ce que j'en sais, c'est que les combattants du 1er et du 4e

6 Bataillons de Montagne, de la 306e Brigade de Montagne, avaient pour tâche

7 -- dans le cadre de cette tâche -- mission, devait lever le blocus des

8 localités que nous avons mentionnées. Je ne sais pas si, pendant ces

9 opérations de combat, il y a eu d'autres forces qui ont été versées. Je ne

10 peux pas en parler parce que je n'étais pas là, le long de cet axe-là. La

11 seule chose que je peux dire, enfin, c'est sur les événements dans la

12 suite, dans l'enchaînement, quand on a pris ces lignes. Je ne sais pas pour

13 ce qui est d'autres choses.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous recevez l'ordre de faire, vous, mouvement

15 vers Guca Gora. Vous quittez votre poste de commande vers quelle heure ? A

16 quelle heure faites-vous mouvement vers Guca Gora, vers quelle heure ?

17 R. Je ne peux pas, là, sur-le-champ, vous le dire avec toute la précision

18 voulue, le moment. Mais tout au plus, entre 9 et 10 heures.

19 Personnellement, j'étais déjà sur la ligne de front que nous avions

20 auparavant, en direction de Guca Gora. J'ai demandé à ceux qui ont été

21 versés avec moi que d'autres combattants de Maline soient dirigés vers

22 cette ligne parce que les combats se déplaçaient vers Guca Gora.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends, vers 9 heures ou 10 heures, vous,

24 vous faites mouvement vers Guca Gora, ce qui veut dire -- est-ce que vous

25 avez eu des contacts avec ceux qui arrivaient de Mehurici, le 1er et 4e

Page 11852

1 Bataillons ? Est-ce que vous les avez vus, ou vous ne les avez pas vus,

2 parce que vous êtes parti en voiture - c'est ce que vous nous aviez dit -

3 vers Guca Gora ? Est-ce que vous les avez vus, vos camarades qui arrivaient

4 par le haut ? Vous les avez vus ou pas ?

5 R. Monsieur le Président, nous parlons toujours du 8 juin, si je ne me

6 trompe pas, et, dans ma déposition précédente, je n'ai pas dit que je suis

7 parti en véhicule, le 8 juin, vers Guca Gora. C'était à pied que je suis

8 parti. C'est à deux kilomètres de Maline, donc je suis parti à pied,

9 ensemble avec d'autres soldats. Je me déplaçais, je faisais mouvement vers

10 l'autre ligne de la défense que nous avions sur cet axe-là. A ce moment-là,

11 je n'avais pas la possibilité de voir les Unités du 1er et du 4e Bataillons

12 parce que ces unités-là n'avaient pas pour tâche d'agir là où nous

13 organisions la défense. Mais --

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne les avez pas vus ? Dans Maline, y avait-il

15 des soldats du HVO et, notamment, dans Maline où il y avait des Croates ?

16 Est-ce qu'il y avait des soldats du HVO ?

17 R. Vous voulez dire, de manière générale, est-ce qu'il y avait des

18 soldats ? Les hommes appelés à combattre de Gornje Maline ont été versés

19 dans les rangs du HVO.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous, vous avez quitté Maline, est-ce que vous

21 avez vu des soldats du HVO se rendre -- ?

22 R. Je n'ai pas vu de soldats du HVO dans cette situation-là où nous

23 faisions mouvement avec nos forces, enfin, de notre unité. Nos combattants

24 de Maline, lorsqu'ils se déplaçaient vers Guca Gora, je n'ai vu aucun

25 soldat du HVO, à ce moment-là.

Page 11853

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je résume ce que vous nous dites. Vous nous

2 dites que, le 8 juin, à 4 heures du matin, vous vous êtes réveillé, vous

3 entendez des bruits, des tirs. A ce moment-là, vous constatez que cela tire

4 de partout. Vous entrez en contact aux environs de 6 heures du matin avec

5 l'officier de transmission. Vous apprenez qu'il y a des troupes qui font

6 mouvement vers Maline en provenance de Mehurici. Vous avez, vous, l'ordre

7 d'aller vers Guca Gora. Vous partez à pied aux environs de 9 heures. Vous

8 n'avez jamais vu arriver les renforts par le haut. Vous n'avez pas assisté

9 à la reddition des soldats du HVO qui étaient dans Maline. C'est bien ce

10 que vous nous dites ?

11 R. Je n'ai pas pu le voir parce que le long de l'axe où ils s'étaient

12 déployés, je n'ai pas bougé, moi. Je n'étais pas là.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Après ces événements, est-ce que vous avez été amené

14 à faire des rapports écrits sur le déroulement de cette journée et des

15 journées suivantes ? Est-ce qu'on vous demandait de faire des rapports sur

16 le moral, notamment, comme il y avait eu une attaque, est-ce qu'on vous a

17 demandé de faire des rapports, des comptes rendus ?

18 R. Non, personne n'a demandé ce genre de rapport. Je n'en ai pas rédigé

19 non plus parce que c'était une situation où il y avait beaucoup de combats,

20 des combats intenses. Dans ce genre de situation, je ne pense pas qu'on

21 aurait pu le faire même si on nous l'avait demandé parce qu'on a besoin de

22 moyens et du temps pour rédiger ce genre d'information et pour le

23 transmettre au commandement supérieur. L'appréciation de la situation dans

24 les unités se fondait sur des évaluations orales qui étaient transmises au

25 commandant, et au commandement. Là, je parle pour l'essentiel, la journée

Page 11854

1 du 8 juin et de ces journées-là allant jusqu'au 15 à peu près. On n'était

2 pas en mesure de rédiger et coucher par écrit quoi que ce soit, quelque

3 information que ce soit pour les transmettre au commandement supérieur.

4 Parce que le système de commandement et de contrôle, d'après

5 l'organigramme, n'a pu être établi qu'à partir du 15 juin.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant le 8 juin, vous n'avez eu aucun ordre émanant

7 de votre commandement sur une possibilité d'offensive soit du HVO, soit de

8 l'ABiH ? Vous n'avez vu aucun ordre écrit ?

9 R. Compte tenu de l'encerclement, du blocus dont on a parlé, compte tenu

10 de la situation, je n'ai pas été en mesure de voir des ordres qui auraient

11 signifié des préparatifs, enfin, ce genre de choses qui sont concernées par

12 des opérations de combat. Le commandement était bloqué. Le commandement de

13 la brigade était situé à trois endroits, sur trois sites. Comme je l'ai

14 déjà dit, on n'avait autre moyen de communication, de contact, si ce n'est

15 par le Motorola que j'ai mentionné.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste deux petites questions pour terminer.

17 Quand vous êtes à Maline, vous aviez 120 soldats avec vous. Les forces du

18 HVO à Maline, en nombre, ils étaient combien eux ? Combien étaient-ils ?

19 R. Je ne peux pas en parler. On n'a pas fait d'évaluation quant à leurs

20 effectifs. On n'avait pas cette possibilité-là, non plus, de savoir quelles

21 étaient les forces du HVO le long de leurs lignes de défense, de la manière

22 dont je vous l'ai présenté sur la carte.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : On a la carte de Maline sous les yeux. On voit que

24 cette localité est constituée d'une série de maisons. Il y a Maline le bas

25 et Maline le haut. On vient de parler du 8 juin. Le 7 juin et le 6 juin,

Page 11855

1 est-ce que vous-même, vous pouviez aller à pied vous promener dans le

2 Maline du haut où se trouvaient les soldats du HVO ? Est-ce qu'on pouvait

3 se déplacer tranquillement à Maline avant le 8 juin ? Est-ce que, vous-

4 même, vous pouviez vous promener et aller dans Maline le haut ?

5 R. Non, non. La situation était bloquée. On avait déjà établi les lignes à

6 cette date-là. Entre les maisons, là où elles se rencontrent les maisons

7 bosniennes et croates, donc des deux parties de l'agglomération, on ne

8 pouvait pas circuler librement, que ce soit dans un sens ou dans l'autre.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Eux ne pouvaient pas venir vous voir, et vous, vous

10 ne pouvez pas aller les voir parce qu'il y avait une ligne de séparation.

11 Cette ligne, il y avait des soldats qui veillaient 24 heures sur 24 ?

12 R. Bien entendu, 24 heures sur 24, il y avait des soldats sur la ligne de

13 défense pour ce qui est de nos forces. Je suppose que de leur côté, c'était

14 la même chose. On pouvait le voir aussi, d'ailleurs, depuis nos positions.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une dernière question : si j'ai bien compris

16 ce que vous nous dites, le 4 juin, ce sont eux qui attaquent. Est-ce que

17 vous avez eu, vous, parmi vos hommes des soldats blessés ? Parce que

18 l'attaque semblait être d'envergure par le HVO, est-ce que vous avez eu des

19 blessés vous-même, dans votre bataillon, ce matin-là, entre 4 heures et 6

20 heures ?

21 R. Monsieur le Président, est-ce qu'on parle du 8 juin, du 7 juin ou du 4

22 juin ?

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Du 8 juin.

24 R. Le 8 juin, nous avons eu deux soldats légèrement blessés pendant ces

25 opérations de combat du 8 juin, pendant les premières heures de la matinée,

Page 11856

1 comme je l'ai déjà dit.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

3 L'Accusation, veut-elle -- j'ai limité strictement mes questions à la

4 journée du 8 juin.

5 Pas de questions, Madame Benjamin ?

6 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] Juste deux questions à adresser au

7 témoin, Monsieur le Président.

8 Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Henry-Benjamin :

9 Q. [interprétation] En répondant aux questions de la Chambre, vous avez

10 dit qu'il y avait des tirs à Gornje Maline. Avez-vous remarqué qu'il y a eu

11 des pillages ou des incendies dans ce secteur ?

12 R. Bien entendu, après les coups de feu, il n'y a pas lieu qu'on rappelle

13 de nouveau ces localités. Mais, bien entendu, que pendant ces combats, il y

14 a eu des bâtiments qui ont pris feu. Je pense que c'étaient essentiellement

15 des bâtiments de Gornje Maline.

16 Q. Mais je parle de maisons. Avez-vous remarqué qu'il y ait eu des maisons

17 incendiées, en feu, et qu'il y a eu des pillages de ces maisons ?

18 R. Vous parlez du 10 juin, ou de quoi parlons-nous ?

19 Q. Le 8 juin, et peut-être aussi plus tard, le lendemain matin, le 9.

20 R. Le 8 juin, pendant ces opérations de combat, il y a eu des cas où des

21 maisons ont brûlé -- ont été en flammes. Je ne sais pas de combien de

22 maisons il s'agit. Vous avez, dans votre document, ce qui a été répertorié

23 par la protection civile. Bien entendu, comme c'est une population rurale,

24 il y avait des étables, des granges avec du foin. Cela brûle facilement --

25 cela prend feu facilement. Bien entendu, aussi, pendant les journées qui

Page 11857

1 ont suivi, il y a eu des pillages dans les parties des agglomérations --

2 des localités d'où la population était partie -- d'où la population croate

3 était partie.

4 Q. Une question de plus, Monsieur. Vous avez répondu à la Chambre que le

5 HVO avait dressé des barrages. Mais je ne sais pas si vous en avez parlé

6 plus tôt dans votre déposition, peut-être que l'ABiH a, elle aussi, dressé

7 des barrages.

8 R. Dans ma déposition, ce que j'ai dit précédemment, c'est que nous, dans

9 l'armée, on faisait en sorte -- on essayait de faire en sorte que nos

10 membres soient avertis, tous les jours, de ne pas riposter de la même façon

11 -- de ne pas réagir de la même façon, de ne pas dresser de barrages. Les

12 soldats du HVO, comme je l'ai déjà dit, avaient dressé des postes de

13 contrôle à un certain nombre d'endroits, et après, ils ont totalement

14 bloqué les localités le long de leurs lignes, ce qui nous a imposé la

15 nécessité d'établir une ligne de défense face à eux afin de défendre ce

16 qu'on pouvait -- de défendre notre localité et la population qui y

17 résidait.

18 Q. Par conséquent, ai-je droit d'estimer, d'après votre réponse, que

19 l'ABiH a dressé des postes de contrôle ?

20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que les

21 deux questions qu'on vient d'entendre n'ont rien à voir avec les questions

22 que vous aviez posées.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Si la question est directement liée à ce que j'ai

24 posé, il nous a répondu que le village était séparé en deux parties,

25 puisqu'il y avait le haut et le bas. Le HVO était dans le haut, et eux,

Page 11858

1 étant dans le bas, et qu'il y avait une ligne entre les deux. Donc

2 l'Accusation demande, est-ce que cette ligne était matérialisée par des

3 "checkpoints" ? Voilà. Il peut répondre à cela.

4 Vous avez entendu la question.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'étaient pas des

6 postes de contrôle, maintenant. C'étaient des lignes de défense établies

7 entièrement d'un côté et de l'autre. Ce n'étaient pas des postes de

8 contrôle par où on passait et où on était vérifié et contrôlé. La ligne de

9 défense signifie qu'on se défend s'il y a une attaque.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce ne sont pas des postes de contrôles, ce sont des

11 lignes de défense. Voilà. Au moins la question a eu mérite de clarifier.

12 Madame Benjamin, d'autres questions ?

13 Mme HENRY-BENJAMIN : [interprétation] C'était tout, Monsieur le Président.

14 Merci.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour ma part, afin

17 de tirer au clair certaines choses, je vais poser quelques questions au

18 témoin.

19 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :

20 Q. [interprétation] S'il vous plaît, le 7 juin, lorsqu'on a attaqué Donje

21 Maline, qui se trouvait à Donje Maline ? C'étaient des membres de quelle

22 armée ?

23 R. A Donje Maline, il y avait des membres du 2e Bataillon de Montagne de

24 la 306e Brigade de Montagne. A Donje Maline, il y avait aussi des membres

25 de la 312e Brigade de Montagne, qui se sont trouvés à la maison, au repos,

Page 11859

1 en permission parce que leurs familles avaient été chassées -- expulsées,

2 pour l'essentiel, du mont Vlasic, du Karaula et d'autres endroits dans la

3 municipalité de Travnik. Donc, les membres de la 312e qui se sont trouvés

4 en permission chez les membres de leur famille, pendant la période qui vous

5 intéresse, ils étaient là, ensemble, avec les membres du 2e Bataillon de la

6 306e.

7 Q. Donc, en tout il y avait environ 120 hommes. Quelles sont les armes que

8 vous aviez en votre possession ?

9 R. Uniquement des armes d'infanterie, et on ne peut même pas dire que tous

10 les combattants avaient une arme. Mais c'était par relève qu'on se servait

11 des armes qu'on avait. Donc, des armes d'infanterie et ce que j'ai déjà

12 mentionné, ce qu'avait la population auparavant, à savoir des fusils de

13 chasse.

14 Q. Monsieur Tarakcija, ce même jour, qui contrôlait Gornje Maline, le 7

15 juillet -- juin ?

16 R. Le 7 juillet ou le 7 juin ?

17 Q. Le 7 juin.

18 R. C'est le HVO. Ce sont les forces du HVO qui contrôlaient cet endroit.

19 Q. Vous avez déjà répondu à une question de la Chambre. Entre ces deux

20 parties du village, dès le 7 juin -- à la date du 7 juin, il y avait déjà

21 une ligne de combat établie.

22 R. Oui.

23 Q. Le Président de la Chambre vous a demandé, au sujet de vos

24 déplacements, dans l'après-midi du 8 juin, vers Guca Gora. J'aimerais

25 savoir à quel moment vous êtes parti à bord d'un véhicule, comme vous

Page 11860

1 l'avez expliqué, à quel moment êtes-vous passé par Guca Gora pour la

2 première fois après ces opérations de combat du 8 juin.

3 R. Je pense que c'était le 10 juin.

4 Q. Monsieur Tarakcija, le 8, le 9 et le 10, donc pendant que vous vous

5 trouviez dans cette zone-là, à un moment quelconque, avez-vous pénétré à

6 Gornje Maline ?

7 R. Non.

8 Q. Je vous ai posé une question à laquelle vous avez répondu, et je vais

9 vous demander de répéter votre réponse. Vous avez répondu que c'était 20 ou

10 25 jours plus tard que vous êtes rentré à Gornje Maline; est-ce exact ?

11 R. Oui, je pense.

12 Q. Vous m'avez répondu que, certainement, par la suite, il y a eu des

13 pillages de biens. Votre arrivée, après 20 à 25 jours, donc après la date

14 du 8 juin, est-ce que c'est la première fois que vous avez appris qu'il y a

15 eu des pillages de biens des maisons abandonnées ?

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais dire à la Défense que je n'ai pas posé

17 de questions sur le pillage. Limitez-vous au 8 juin, je n'ai pas posé de

18 questions sur le pillage.

19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais c'est la

20 question qui a été posée par mon éminente collègue, donc je pensais qu'il

21 serait bien que le témoin l'explique.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : S'il vous plaît, répondez rapidement à la question.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Evidemment, ces jours-là, lorsque j'ai eu

24 l'occasion de me trouver à Gornje Maline, j'ai remarqué qu'il y avait eu

25 des pillages dans des maisons, maisons appartenant à la population croate.

Page 11861

1 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

2 Q. Ma dernière question : saviez-vous qui s'était livré à ces pillages et

3 qui contrôlait les bâtiments pendant cette période-là, qui a assurait la

4 sécurité de ces bâtiments ?

5 R. Je ne savais pas qui étaient les auteurs de ces actes, mais je savais

6 que la police civile, le ministère de l'Intérieur, était chargée d'assurer

7 le contrôle de la zone abandonnée par la population croate.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie.

9 La Défense.

10 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Une seule question. Merci, Monsieur le

11 Président.

12 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Ibrisimovic :

13 Q. Monsieur Tarakcija, M. le Président vous a posé une question et vous

14 avez dit que le 1er et le 4e Bataillons de la 306e Brigade devaient faire

15 mouvement pour lever le blocus, en venant de Mehurici vers Maline.

16 R. Oui.

17 Q. Le 1er et le 4e Bataillons de la 306e Brigade, ont-ils mené leur tâche à

18 bien; est-ce exact ?

19 R. Oui.

20 Q. Je vous remercie.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie d'être venu pour témoigner. Nous

22 vous souhaitons un bon voyage de retour. Je vais demander à M. l'Huissier

23 de bien vouloir vous raccompagner.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie pour ma part. J'espère avoir

25 été utile.

Page 11862

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les quelques secondes qui nous restent, demain,

2 nous reprenons l'audience à 9 heures, par l'audition d'un témoin. Je vous

3 remercie et je vous invite à revenir pour demain à 9 heures.

4 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 18 novembre

5 2004, à 9 heures 00.

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25