Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 18 novembre 2004

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro

6 de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Affaire numéro IT-01-47-T,

8 le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

10 Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter.

11 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à tous

12 dans cette salle. Pour l'Accusation, Mathias Neuner, Daryl Mundis, et

13 Andres Vatter, qui est commis d'affaire.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Je vais demander aux avocats de

15 bien vouloir se présenter.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

17 tous, Madame, Monsieur les Juges. Au nom du général Hadzihasanovic, Edina

18 Residovic, conseil; Stéphane Bourgon, co-conseil; et Muriel Cauvin, qui

19 nous aide comme assistante juridique.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats.

21 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Au nom de

22 M. Kubura` : Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic, et Nermin Mulalic, notre

23 assistant juridique.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre, pour cette journée du 18 novembre, salue

25 toutes les personnes présentes, les représentants de l'Accusation, les

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1 avocats, les accusés, ainsi que tout le personnel de cette salle

2 d'audience.

3 Avant d'introduire le témoin, je voudrais m'adresser à la Défense suite au

4 mémo qu'ils nous ont envoyé sur le programme des témoins pour les semaines

5 à venir, notamment, le 22, le 23, le 24, le 25 et le 26 novembre. J'ai

6 constaté, et les autres Juges l'ont également constaté, dans ce mémo, que

7 nous n'avons pas la liste des pièces éventuelles que vous voulez présenter

8 au témoin. Je rappelle, pour mémoire, que l'Accusation, lorsqu'elle faisait

9 venir ses témoins, elle annexait toujours, à son mémo, les pièces qui soit

10 avaient déjà été versées ou seraient versées. La Défense, vous ne signalez

11 ni les pièces que vous comptez utiliser, qui ont déjà été admises, ni les

12 pièces à venir. Il serait plus utile, dans l'intérêt de la justice, que

13 nous ayons, avant la venue d'un témoin, au moins connaissance desdites

14 pièces car, je le rappelle, vous faites venir des témoins à l'appui de

15 votre cause. Si vous présentez, au dernier moment, tout un dossier, nous

16 avons l'habitude, nous pouvons regarder, mais il serait dans votre intérêt

17 d'informer les Juges avant des moyens que vous comptez utiliser. C'est dans

18 votre intérêt que je vous le dis. Si vous voulez, vous pouvez toujours

19 continuer à procéder de cette manière, mais il apparaît aux Juges qu'il

20 serait quand même plus utile pour tous qu'il y ait, au minimum, la liste au

21 moins des pièces qui ont déjà été versées, que vous comptez utiliser. A

22 moins qu'au moment où vous dressez votre mémo, vous êtes dans l'incapacité

23 de savoir quelles sont les pièces qui seront utilisées, ce qui peut être

24 aussi une explication.

25 Par ailleurs, pour le mois de décembre, il y a un témoin qui va

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1 déposer pendant plusieurs jours. Je vous indique, mais je l'ai déjà dit,

2 mais je le redis, pour précision, que l'audience du lundi 6 décembre n'aura

3 pas lieu parce que les Juges sont réunis en assemblée plénière. Le témoin

4 en question ne pourra déposer dans la première semaine de décembre qu'à

5 compter du mardi 7 décembre car lundi il n'y aura pas d'audience.

6 Je tenais à vous informer. Sur la question des pièces, est-ce que la

7 Défense veut nous dire quelques représentations ?

8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous nous

9 efforçons de s'acquitter des obligations, conformément aux règlements et

10 aux instructions de la Chambre. Nous essayons même de faire davantage que

11 cela que nous sommes censés faire pour tout soit plus facile, pour que tout

12 le monde puisse suivre les débats. Nous savons qu'au cours des deux

13 derniers mois de la présentation des moyens de l'Accusation, l'Accusation

14 nous a fourni une liste de pièces dont elles se serviront lorsqu'ils feront

15 entendre les témoins. Jusqu'à présent, la liste des pièces que nous

16 utiliserons a été fournie à l'Accusation de sorte que l'Accusation peut se

17 préparer. Si nous avons bien compris, Monsieur le Président, vous-mêmes,

18 vous souhaitez aussi recevoir la liste, j'entends par là la Chambre de

19 première instance souhaite la recevoir. Il y a un certain nombre de

20 problèmes à cause desquels nous ne pouvons pas fournir la liste des pièces

21 en même temps que la liste des témoins. La première raison, qui est la

22 principale, est que la section linguistique ne nous fournit avec un certain

23 retard les documents que nous leur avions soumis pour traduction. Vous

24 savez qu'il y a un grand nombre de documents sur notre liste sans

25 traduction. Nous essayons de définir des priorités à l'intention de la

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1 section des langues, mais je dois dire qu'encore aujourd'hui, nous n'avons

2 pas reçu les traductions qui concernent le témoin pour la première semaine,

3 qui est devant nous. Je compte bien les recevoir aujourd'hui, ce qui

4 signifie que c'est uniquement par la suite, demain matin, que nous allons

5 pouvoir communiquer cela à l'Accusation.

6 Avant de rencontrer le témoin, nous ne pouvons pas savoir, non plus, si

7 nous allons utiliser toutes les pièces que nous avions l'intention

8 d'utiliser parce qu'il nous faut nous entretenir avec le témoin pour

9 déterminer ce que nous pouvons ou ne pouvons pas présenter par le

10 truchement de ce témoin. Pour ce qui nous concerne, par conséquent, nous

11 allons nous acquitter de toutes nos obligations dans leur totalité dans les

12 intérêts de notre client tout d'abord, mais aussi, il me semble que ceci

13 est dans l'intérêt d'un déroulement normal et efficace du déroulement. Vous

14 avez pu remarquer que non seulement nous fournissions la liste, mais aussi

15 à l'intention de la Chambre et aussi de nos collègues de l'Accusation, nous

16 fournissons tous les documents que nous pensions utiliser le jour en

17 question pour avoir tout sous les yeux et pour ne pas perdre de temps

18 pendant l'audience elle-même pour retrouver et retirer les documents afin

19 de les présenter.

20 Pour ce qui est du témoin que vous venez de mentionner et que nous allons

21 entendre au mois de décembre, nous nous sommes engagés à communiquer deux

22 semaines par avance les documents en question. Nous nous attendons

23 également à ce que d'ici à demain, la section linguistique nous remette la

24 traduction de tous les documents que nous avons l'intention de présenter à

25 ce témoin. D'ici mardi, nous allons pouvoir communiquer la liste des pièces

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1 que nous avons l'intention d'utiliser et qui figure sur la liste que nous

2 avons dressée. Je parle des pièces qui ont déjà été versées. Nous pensons

3 la communiquer d'ici mardi à la Chambre et à l'Accusation.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie de ces précisions. Est-ce que

5 l'Accusation veut intervenir ?

6 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci de m'avoir

7 donné la parole. Nous notons tout simplement que nous n'avons pas encore eu

8 la liste du document concernant le témoin de demain, ce qui est évidemment

9 plus pressant pour l'avenir immédiat que pour ce qui est de la semaine

10 prochaine. Nous serions reconnaissants si on pouvait nous donner une

11 indication des documents qui seraient susceptibles d'être utilisés demain.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

13 La Défense, pour le témoin de demain.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons voir ce

15 témoin cet après-midi. Pour le moment, nous n'avons pas l'intention

16 d'utiliser un document, en particulier. Nous avons informé de cela

17 l'Accusation. Toutefois, si certains documents devaient être utilisés, nous

18 en informerons nos confrères de l'Accusation d'ici 17 heures aujourd'hui.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Nous allons introduire le témoin.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous

22 entendez bien la traduction de mes propos dans votre langue. Si c'est le

23 cas, dites : "Je vous entends, et je vous comprends."

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends et je vous comprends.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous allez, dans quelques minutes, prêter serment.

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1 Avant la prestation de serment, je me dois de vous identifier. Pour cela,

2 je vous demande de me donner votre nom, prénom, date de naissance et lieu

3 de naissance.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon nom est Hamid Suljic. Je suis né le 25

5 avril 1970 à Zagradje.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Sur le plan professionnel que faites-vous

7 aujourd'hui ? Avez-vous une profession, une qualité, une fonction, que

8 faites-vous aujourd'hui ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour le moment, je n'ai pas d'emploi. Je suis

10 au chômage, mais je suis mécanicien de profession.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992, 1993, aviez-vous une profession, une

12 fonction; si oui, laquelle ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'avais pas d'emploi. Je n'ai pas

14 travaillé avant 1992, ni après 1992.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1993, étiez-vous affecté dans une unité

16 militaire; si oui, laquelle ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1993, oui. J'étais membre de deux unités, à

18 savoir, membre du Détachement de Mehurici. Vers la fin -- un instant, je

19 vous prie. Vous parlez de 1992 ou 1993 ?

20 M. LE JUGE ANTONETTI : 1993.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1993, j'étais membre de la 314e Brigade

22 motorisée.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le 314e Brigade motorisée, aviez-vous un

24 grade ou une fonction ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais le commandant de la

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1 3e Compagnie du 4e Bataillon de la 314e brigade motorisée, mais il y avait

2 des marques, en quelque sorte, jaune et bleu. Il n'y avait pas de grade à

3 l'époque.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant une juridiction

5 internationale ou une juridiction nationale sur les faits qui se sont

6 déroulés en Bosnie-Herzégovine en 1992-93, ou c'est la première fois que

7 vous témoignez sur ces faits ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est la première fois.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de bien vouloir lire la prestation

10 de serment. Je voudrais de bien vouloir dire la prestation de serment.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 LE TÉMOIN: HAMID SULJIC [Assermenté]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

16 Vous allez devoir répondre tout à l'heure à des questions qui vont vous

17 être posées par les avocats des accusés. En règle générale, le temps

18 imparti aux avocats qui vous posent des questions dans le cadre de

19 l'interrogatoire principal peut aller jusqu'à une heure et demie. A l'issue

20 de cette phase, les représentations de l'Accusation qui sont situés à votre

21 droite, vous poseront également des questions et en règle générale, ils

22 prennent le même temps que les autres avocats.

23 A l'issue des questions qui vont vous être posées par l'Accusation, les

24 avocats de la Défense pourront vous poser des questions supplémentaires qui

25 seront liées aux questions posées par l'Accusation.

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1 Les trois juges qui sont devant vous peuvent, comme le règlement

2 l'autorise, vous poser des questions à tout moment. Cependant, les juges

3 préfèrent attendre la fin des questions des parties avant de vous poser des

4 questions. Normalement, si chacun respecte son temps de parole, les juges

5 auront le temps nécessaire à vous poser les questions qu'ils estiment

6 devoir vous poser dans l'intérêt de la justice. Vous vous apercevrez que

7 les questions peuvent être très différentes selon ceux qui vous posent des

8 questions.

9 Si vous ne comprenez pas la question, demandez à celui qui vous la

10 pose de la reformuler parce que nous, les juges, nous n'avons aucun élément

11 écrit sur votre témoignage, donc votre témoignage est très important

12 puisqu'il se fait oralement et vos réponses doivent nous éclairer.

13 Par ailleurs, essayez d'être clair et précis, si vous ne savez pas,

14 dites, je ne sais pas. Si vous savez, en revanche, répondez parfaitement la

15 question.

16 Je me dois également vous fournir deux autres éléments d'information

17 qui sont très importants. Le premier, qui est le plus important de tous,

18 c'est que vous avez prêtez serment de dire la vérité tout à l'heure. Quand

19 on prête serment de dire la vérité, on ne peut pas faire de faux

20 témoignages car un faux témoignage est une infraction qui peut être, devant

21 ce Tribunal, puni par une peine qui peut aller jusqu'à 7 ans de prison.

22 Ceci est un élément important dont vous devez avoir conscience en

23 permanence. La deuxième chose est relative aux réponses que vous allez

24 fournir à des questions. S'il vous apparaît, à un moment donné, que la

25 réponse que vous donnez à une question pourrait constituer des éléments à

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1 charge contre vous, vous pouvez refuser de répondre. C'est prévu dans notre

2 règlement, mais également dans plusieurs codes de procédures pénales de

3 certains pays. Mais, dans cette hypothèse, la Chambre peut vous demander de

4 répondre néanmoins et, à ce moment-là, vous bénéficiez d'une immunité,

5 c'est-à-dire que personne ne pourra vous reprocher, un jour, ce que vous

6 avez dit. Ceci a été fait afin de permettre d'atteindre la mesure possible

7 la manifestation de la vérité. Voilà donc le deuxième élément important

8 dont vous devez avoir connaissance.

9 Si à moment donné vous avez une difficulté quelconque, n'hésitez pas

10 à nous l'indiquer, nous tâcherons de régler la difficulté. Votre audition

11 devrait, sauf événement imprévisible, se dérouler au cours de cette

12 journée.

13 Je vais donner la parole à la Défense qui va rajouter également un

14 autre élément d'information.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

16 Interrogatoire principal par Mme Residovic :

17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Suljic. Comme le Juge, qui est

18 Président de la Chambre, vient de le dire, il y a un autre point sur lequel

19 je voudrais appeler votre attention. Comme nous parlons tous les deux la

20 même langue, il se peut que vous veuillez entendre immédiatement mes

21 questions; toutefois, il est nécessaire qu'il y ait un intervalle entre les

22 questions et vos réponses pour qu'on puisse les interpréter afin que tout

23 le monde dans ce prétoire puisse suivre ce qui se dit. C'est pourquoi je

24 vous serais reconnaissant de bien vouloir faire une brève pause après que

25 j'ai posé ma question et juste après cette pause, vous répondrez à la

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1 question.

2 Où vivez-vous actuellement ? Où habitez-vous ?

3 R. J'habite dans la commune de Mehurici, à Miletici, pour être

4 précis.

5 Q. Monsieur Suljic, pourriez-vous nous dire où vous habitiez au

6 début de la guerre en 1992, ou plutôt en avril 1992 ?

7 R. J'ai toujours vécu depuis ma naissance, c'est-à-dire, depuis 1970, à

8 Miletici.

9 Q. Vous avez dit que vous étiez mécanicien; pourriez-vous nous dire

10 quelque chose concernant votre formation, vos antécédents ?

11 R. J'ai d'abord fait les quatre premières classes à l'école de Zagradje,

12 ce n'est pas une école très grande, disons que les dernières classes je les

13 ai achevées à Mehurici, à savoir, 4, 5, 6, 7 et 8, puis j'ai achevé mes

14 classes d'école secondaire à l'école Daltovic à Travnik.

15 Q. Vous avez également dit aux membres de la Chambre que vous étiez sans

16 emploi juste avant la guerre et que faisiez-vous alors à l'époque ?

17 R. Étant donné que nous sommes dans une région montagneuse, la plupart des

18 gens faisaient de l'agriculture ou s'occupaient de bétail, et cetera, et

19 avant la guerre, bien que j'ai achevé mes études secondaires pour les

20 études de mécanicien, j'ai également eu à m'occuper de bétails et de

21 travaux agricoles. Je travaillais avec mes parents.

22 Q. Je vous remercie, Monsieur Suljic. Est-ce que vous avez servi dans

23 l'armée avant la guerre et, dans l'affirmative, dans quelle armée avez-vous

24 servi ?

25 R. J'ai servi dans la JNA, l'armée populaire yougoslave avant la guerre.

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1 Q. Est-ce que vous avez obtenu un grade dans la JNA ?

2 R. Oui. Dans l'école de réservistes dans l'infanterie, on m'a donné le

3 grade de caporal puis je suis allé servir à Pancevo et, après cela, nous

4 sommes allés servir à Sombor.

5 Q. Maintenant, que la guerre en Bosnie-Herzégovine est terminée, est-ce

6 que vous avez encore un grade ?

7 R. Oui, après la fin de la guerre en 1994, par décision de la présidence,

8 j'ai été promu au grade de capitaine.

9 Q. Monsieur Suljic, est-ce qu'à un moment quelconque, après le début de la

10 guerre, vous avez rejoint les Unités de défense et, dans l'affirmative,

11 quelles Unités de défense ?

12 R. Lorsque les Serbes sont arrivés dans le secteur de Meokrnje, dans la

13 commune locale de Zagradje, nous avons formé une unité du village dont la

14 tâche était de faire des patrouilles du village pour assurer la sécurité du

15 village et s'occuper de protéger certains sites, comme l'eau potable, par

16 exemple. La première fois que j'ai été engagé, c'est l'ABiH, c'était la

17 première fois. Ceci s'est passé en 1992.

18 Q. Les unités auxquelles vous vous êtes référé, est-ce que c'était de la

19 Défense territoriale ou c'était de l'une quelconque des forces armées ?

20 R. Comment voulez-vous que je réponde exactement à cela ? Ces unités

21 étaient des unités constituées par les villageois. Par la suite, elles sont

22 devenues -- elles ont fait partie de la Défense territoriale ou elles

23 faisaient partie du secteur de Mehurici. A l'époque, on appelait cela la

24 Compagnie de Zagradje, qui faisait partie de l'état-major du secteur de

25 Mehurici.

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1 Q. Monsieur Suljic, est-ce que vous aviez des fonctions particulières dans

2 cette compagnie et dans cet état-major du secteur ?

3 R. Au début, j'étais un simple soldat. Naturellement, puisque j'avais

4 également été diplômé de l'école d'officiers de réserve, j'avais également

5 eu la possibilité de devenir commandant de section. Après la formation de

6 cet état-major du secteur, j'ai été désigné comme officier d'opérations,

7 dans l'état-major du secteur de Mehurici.

8 Q. Monsieur Suljic, vous et vos hommes, de quel type d'armes disposiez-

9 vous ?

10 R. Au cours de cette période, je n'avais pas d'arme du tout, mais mon père

11 en avait. Mon père avait un pistolet parce qu'il avait du bétail et il

12 avait un permis -- un port d'arme pour pistolet de 7.62 millimètres. C'est

13 un pistolet que je portais sur moi. Les membres de ces unités --

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, pourriez-vous vous éloigner un peu du

15 micro parce que les interprètes ont des problèmes. Parlez un peu plus loin

16 du micro. Merci.

17 Mme RESIDOVIC : [interprétation]

18 Q. Vous pouvez poursuivre.

19 R. Les soldats, à l'époque, avaient des fusils de chasse, des carabines.

20 Nous n'avions pas d'autres armes. C'étaient les armes que les habitants du

21 crû possédaient.

22 Q. Monsieur Suljic, en 1992, l'été 1992, y a-t-il eu des changements

23 d'organisation dans cet état-major de secteur ? Dans l'affirmative, pouvez-

24 vous nous dire quelle a été l'unité dont vous avez fait partie à ce moment-

25 là ?

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1 R. Pour commencer, l'état-major de secteur a été formé puis des

2 détachements ont été formés, et mon unité est devenue une partie du

3 Détachement de Mehurici, à l'époque.

4 Q. Où se trouvait le commandement de votre détachement ?

5 R. Le commandement du détachement se trouvait à l'école élémentaire de

6 Mehurici.

7 Q. Quelles étaient vos fonctions dans le Détachement de Mehurici ?

8 R. Dans le Détachement de Mehurici, j'étais l'officier d'opérations.

9 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, Monsieur Suljic, en 1992, en

10 tant que membre de l'état-major du secteur et, plus tard, du Détachement de

11 Mehurici, est-ce que vous avez participé à des opérations de combat ? Dans

12 l'affirmative, où cela ?

13 R. Oui. Les premières opérations de combat auxquelles j'ai participé

14 étaient les opérations de Meokrnje. J'ai participé à cette opération avec

15 mon détachement. J'étais sur le flanc droit de ces forces qui ont lancé une

16 attaque contre cette installation.

17 Q. Pendant que vous étiez officier d'opérations du Détachement de

18 Mehurici, où avez-vous passé la plus grande partie de votre temps et dans

19 quelles activités étiez-vous engagé ?

20 Q. Au cours de cette période et de mon engagement dans le Détachement de

21 Mehurici, j'ai passé mon temps sur la ligne à Mehurici, notamment, le long

22 des lignes de Zenica et Bila. Ma tâche était de me rendre dans toute

23 tranchée et fortification, compte tenu du fait que nous avions reçu pour

24 tâche de fortifier nos positions de défense. Ma tâche spécifique était de

25 contrôler les activités visant à creuser les tranchées, d'indiquer quelles

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1 étaient les directions des tirs, selon certains armements, et de créer des

2 fortifications afin d'y placer les effectifs et les équipements.

3 Q. Monsieur Suljic, pendant que vous n'étiez pas engagé dans le cadre des

4 opérations de combat, est-ce que vous et les autres commandants rentriez

5 dans la caserne ? Si ceci n'était pas le cas, qu'est-ce qui se passait avec

6 ceux qui étaient sur la ligne de défense ?

7 R. Nous sommes en train de parler de 1992. Il n'y avait pas de casernes à

8 ce moment-là, ni d'hébergement prévu pour les troupes. Il n'y avait pas

9 suffisamment de conditions qui le permettraient, donc les membres de mon

10 unité rentraient chez eux depuis les lignes. Ils étaient en repos.

11 Q. Monsieur Suljic, vers la fin de 1992, est-ce qu'un certain nombre de

12 changements organisationnels importants ont eu lieu dans le cadre de

13 l'ABiH ? Si oui, dites-moi, s'il vous plaît : quels étaient les changements

14 qui ont eu lieu ?

15 R. D'après ce que j'ai pu savoir moi-même, je peux dire qu'à la fin de

16 1992, les brigades ont été créées. C'est vers la fin de 1992 que les

17 brigades ont été créées. Mon unité, avec mes unités, pour ainsi dire, mes

18 voisins gauches, nous avons commencé à faire partie de la 314e Brigade

19 motorisée.

20 Q. Où se trouvait le commandement de votre brigade ?

21 R. D'après les informations dont je disposais, même si je ne pouvais pas

22 me rendre au commandement, j'ai reçu des informations que le commandement

23 de la brigade était de Zenica, dans une rue qui s'appelait Travnicka.

24 Q. Monsieur Suljic, quelles étaient vos fonctions, à l'époque, au sein de

25 la 314e Brigade ?

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1 R. Au cours de la période à partir du 1er décembre 1992, si je ne me

2 trompe, j'étais le commandant de la 3e Compagnie du

3 4e Bataillon de la 314e Brigade motorisée; autrement dit, il s'agissait de

4 la Compagnie de Zagradje.

5 Q. Monsieur Suljic, est-ce que vous pouvez nous dire où était le

6 commandement du 4e Bataillon dont votre compagnie faisait partie ?

7 R. Le commandement du 4e Bataillon de la 314e Brigade motorisée, à

8 l'époque, était situé à l'école primaire de Bukovica, à Gluha.

9 Q. Est-ce qu'après que vous avez commencé à faire partie de la 314e

10 Brigade, est-ce que votre bataillon disposait d'une caserne pour y héberger

11 les troupes ?

12 R. Le bataillon n'a pas été exposé de cela; cependant, dans la zone de ma

13 Compagnie à Zagradje et à Gluha Bukovica, il y avait un peloton dans

14 l'école primaire. Lorsque l'on parle du peloton, il faut savoir qu'il

15 s'agissait de l'unité d'une quinzaine de personnes, dix à 15 membres qui

16 avaient pour tâche d'intervenir sur les lignes de défense en cas d'attaque

17 lancée par l'agresseur ou une Unité de l'agresseur serbo-monténégrin.

18 Q. Monsieur Suljic, vous nous avez dit que vous viviez dans le village de

19 Miletici ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire avec qui vous avez vécu à Miletici ?

22 R. J'y vivais avec ma famille, autrement dit, mon père, ma mère, mes trois

23 sœurs et deux frères. Bien sûr, mis à part ma famille, nous avions trois

24 cousins encore et leurs familles qui vivaient dans le village de Miletici,

25 notamment, des oncles. J'y avais trois oncles avec leurs familles. Cela,

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1 c'était à Donja Miletici, mais il y avait également un village qui

2 s'appelait Gornji Miletici.

3 Q. Qui vivait à Gornji Miletici ?

4 R. Exclusivement les Croates vivaient à Gornji Miletici.

5 Q. Quels étaient vos rapports avec vos voisins de Gornji Miletici ?

6 R. Nos rapports étaient tout à fait corrects. Nous nous fréquentions. Nous

7 assistions mutuellement les fêtes religieuses. Ils venaient chez nous à

8 Noël, et nous venions chez eux lors du Bajram. Puis l'on célébrait toutes

9 fêtes ensemble. Par exemple, s'il y avait un enterrement ou une autre

10 raison de célébrer, on se rendait les uns chez les autres. Je peux dire,

11 par exemple, que Mato était le parrain de ma sœur. On était ami aussi,

12 alors qu'il était Croate.

13 Q. Monsieur Suljic, est-ce qu'en 1992, mis à part la population qui y

14 vivait dans la région de votre communauté locale, et dans la région vaste

15 de Mehurici, les réfugiés ont commencé à affluer ? Si oui, est-ce que vous

16 pouvez me dire de quelle région provenaient-ils ?

17 R. Oui. Il s'agissait de la région de l'agglomération de Mehurici,

18 autrement dit, de la vallée de la Bila. Les réfugiés venaient de toutes

19 parts, de partout, mais surtout de Banja Luka et de Kotor Varos.

20 Q. Est-ce qu'à un moment donné, Monsieur Suljic, vous avez remarqué que

21 certains étrangers venaient dans votre région, des personnes qui ne

22 provenaient pas la Bosnie-Herzégovine ou de l'ex-Yougoslavie ?

23 R. Oui. Il y a eu de tels étrangers.

24 Q. Est-ce que vous savez d'où venaient ces personnes et est-ce que vous

25 les reconnaissiez d'une certaine manière ?

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1 R. Il est difficile de dire d'où ils venaient car je n'étais pas le

2 policier. Je ne pouvais pas vérifier leurs pièces d'identité, donc je ne

3 peux pas dire de quel pays ils venaient. Ils étaient parfois de couleur

4 noir et jaune et blanche. Je ne peux pas dire de quels endroits ils

5 venaient.

6 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez vu les étrangers qui portaient

7 des costumes caractéristiques pour les pays arabes ?

8 R. Oui, j'ai eu l'occasion de les voir. Pour être plus précis, je les ai

9 vus à Mehurici, dans la mosquée de Mehurici car, le vendredi chez nous,

10 c'est la fête appelée Dzuma [phon], et les Musulmans se regroupent ce jour-

11 là, et c'était la première fois que j'ai eu l'occasion de voir ces

12 personnes pour la première fois.

13 Q. Après cette première rencontre avec ces personnes dans la mosquée, est-

14 ce que par la suite vous avez remarqué que ces personnes se trouvaient

15 ailleurs également ?

16 R. Ils n'étaient pas seulement dans la mosquée, mais aussi à l'école

17 primaire de Mehurici.

18 Q. Où étaient-ils dans cette école primaire ? Est-ce que vous vous en

19 souvenez ?

20 R. A l'époque, je ne sais plus s'il s'agissait de l'état-major sectoriel

21 ou de la Défense territoriale qui étaient, mais eux, ils étaient à l'étage

22 de l'école primaire.

23 Q. Vous et les autres là-bas, comment les appeliez-vous ces étrangers ?

24 Comment est-ce qu'ils se sont présentés à la population locale ?

25 R. Au début, on les appelait simplement arabes car nous ne savions pas qui

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1 ils étaient. Par la suite, il s'est avéré qu'il y avait également des

2 personnes provenant d'autres pays du monde. Comment ils se présentaient au

3 début ? Au début, ils se présentaient surtout comme personnel engagé sur le

4 plan humanitaire. Ils offraient des cadeaux aux citoyens, car ils ont pu

5 constater qu'on vivait très difficilement à l'époque.

6 Q. Est-ce qu'à un moment donné, leur appellation a changé ? Est-ce que les

7 gens ont commencé à les appeler différemment ?

8 R. Les gens avaient vu certaines choses à la télévision, avant, en

9 Afghanistan. On entendait le mot de Moudjahiddines. Par conséquent, les

10 citoyens, la population de cette région les appelait Moudjahiddines.

11 Q. Je vais vous reposer une question que j'avais déjà posée ? Lorsque vous

12 avez parlé de l'endroit où ils étaient cantonnés à l'école primaire, tout

13 d'abord, est-ce que vous pouvez me dire où se trouvait le commandement de

14 votre détachement, dans quelle partie de l'école primaire ?

15 R. Le commandement du détachement était dans la salle des professeurs.

16 C'est là qu'on avait des réunions d'information et c'est là qu'on se

17 regroupait.

18 Q. Est-ce que la salle des professeurs est au rez-de-chaussée ou ailleurs

19 dans l'école primaire ?

20 R. La salle des professeurs est au rez-de-chaussée. Il s'agit de la

21 première porte à gauche en entrant dans l'école.

22 Q. Lorsque vous avez vu et entendu que ces étrangers étaient arrivés, est-

23 ce que vous pouvez me dire où étaient-ils situés dans l'école primaire ?

24 R. Ils étaient à l'étage. Je ne sais pas à quel étage. Je pense qu'il y

25 avait encore deux étages de cette école, mais je n'ai jamais eu l'occasion

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1 de monter aux étages. Je ne sais pas très exactement où ils étaient situés.

2 Q. Merci beaucoup. Nous avons clarifié cela.

3 Vous avez dit qu'au début, ils se présentaient en tant que personnel

4 humanitaire, ils offraient des cadeaux à la population compte tenu de la

5 situation extrêmement difficile dans laquelle la population vivait. Est-ce

6 que vous savez, Monsieur Suljic, si ces étrangers avaient quitté l'école ?

7 Est-ce que vous savez où ont-ils été cantonnés ensuite ?

8 R. Oui, ils étaient à l'école, et ensuite ils sont partis. Ils sont partis

9 de l'autre côté du pont à Mehurici. Il faut traverser le pont et on passe à

10 côté de la mosquée vers Poljanice, autrement dit, dans les maisons Savic,

11 si je ne me trompe. Je pense que c'était le nom de famille des

12 propriétaires de ces maisons. C'est là qu'ils étaient logés.

13 Q. Après la formation de la brigade et après que vous avez intégré la 314e

14 Brigade, où se trouvait le commandement de votre compagnie ?

15 R. Le commandement de la 3e Compagnie, qui était mon unité, était à

16 l'école primaire de Zagradje, plus particulièrement dans le hameau de Luka.

17 Q. Vous aviez vos nouvelles fonctions et nouvelle position; est-ce qu'à

18 partir de ce moment-là, vous avez appris quelque chose concernant des

19 problèmes éventuels provoqués par ces étrangers ?

20 R. Oui, c'était pendant la fête religieuse, l'Efendi à Mehurici disait

21 qu'on avait des problèmes avec ces Moudjahiddines.

22 Q. De quoi s'agissait-il ?

23 R. Tout d'abord, ils introduisaient leurs propres manières d'effectuer les

24 rites religieux et ils venaient de toutes les parties du monde et ils

25 observaient leurs propres pratiques religieuses, donc nous avons eu des

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1 problèmes avec eux sur ce plan.

2 Q. Monsieur Suljic, à l'époque, est-ce que vous saviez que, mis à part

3 cela, ils provoquaient des problèmes auprès de la population locale, mais

4 que, malgré cela, certaines personnes rejoignaient leurs rangs, ou est-ce

5 que vous ne le saviez pas, à l'époque?

6 R. A l'époque, je ne savais pas qu'il y en avait qui rejoignait leurs

7 rangs. Peut-être par la suite, certaines personnes ont rejoint leurs rangs,

8 mais - comment dire - il s'agissait de la formation de certains jeunes

9 hommes qui n'étaient pas majeurs et qui ne faisaient pas partie de l'ABiH.

10 Q. Dans votre village, le hameau de Luka, est-ce qu'il y a eu des

11 problèmes particuliers, ou est-ce que votre unité n'avait pas de contact

12 avec ces étrangers ?

13 R. Mon unité n'avait pas de contacts avec ces étrangers car nous avions

14 nos propres tâches qui étaient, avant tout, de défendre la ligne de

15 défense, conformément à la tâche que le commandement de notre unité nous

16 avait confié, donc nous n'avons pas eu de problème avec eux. Mais ils

17 créaient surtout des problèmes, d'après les informations dont je disposais,

18 dans la région de la communauté locale de Mehurici et dans l'agglomération

19 du hameau de Kljaci.

20 Q. Pour autant que vous le sachiez, dans les régions que vous venez

21 d'évoquer, comment se comportaient-ils par rapport aux personnes qui ne

22 souhaitaient pas suivre leurs coutumes et manières de faire sur le plan

23 religieux ?

24 R. Parfois, il y a même eu des menaces contre les personnes qui ne

25 souhaitaient pas observer leurs pratiques religieuses. C'était très

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1 difficile. Il était même très difficile d'aller à la mosquée. Par exemple,

2 mon oncle, il avait 80 ans lorsqu'il est mort, et il se plaignait toujours.

3 Il a dit qu'il avait appris certaines choses de la part de son père et il

4 disait que, maintenant, les Moudjahiddines sont venus et, maintenant, ils

5 nous apprennent à prier d'une manière différente. C'était vraiment

6 difficile pour la population qui souhaitait observer les enseignements

7 religieux d'Allah.

8 Q. Monsieur Suljic, nous allons parler d'un événement concret. Est-ce que

9 vous pouvez nous dire où vous étiez le 24 avril 1993, si vous vous en

10 souvenez ?

11 R. Le 24 avril 1993, j'étais sur la ligne de défense ou, autrement dit, le

12 poste de commandement avançait de la 3e Compagnie à Studenjacija.

13 Q. Quelle est la distance entre cette ligne de défense et votre poste de

14 commandement à Luka ? Autrement dit, quelle est sa distance de Miletici,

15 l'endroit où vous viviez ?

16 R. Environ 15 kilomètres.

17 R. Monsieur Suljic, est-ce que, ce jour-là, vous avez quitté vos positions

18 de combat ou, autrement dit, est-ce que vous êtes revenus dans votre poste

19 de commandement?

20 R. Après que la tâche a été accomplie, je me suis rendu au poste de

21 commandement avancé du bataillon, ensuite, je suis allé au poste de

22 commandement du bataillon, qui était à Gluha Bukovica et, de Gluha

23 Bukovica, j'ai commencé à aller chez moi; plus précisément, j'allais dans

24 la direction de Mehurici.

25 Q. Est-ce que vous êtes resté à Mehurici et est-ce que vous avez poursuivi

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1 votre chemin vers le poste de commandement ?

2 R. Je ne m'y attardai pas, mais j'ai demandé à un collègue, plus

3 précisément, qui avait une voiture, et je lui ai demandé de me conduire

4 jusqu'à mon poste de commandement, jusqu'au commandement de la compagnie

5 dans l'école de Luka.

6 Q. Est-ce qu'à un moment donné, sur la route, quelque chose s'est passée,

7 autrement dit, est-ce que vous avez rencontré certaines personnes ? Si oui,

8 dites-nous ce qui est arrivé.

9 R. Oui. Lorsque nous sommes partis de Mehurici à Celamov Gaj, c'est le nom

10 de l'endroit, j'ai rencontré une colonne constituée de mon père, de mon

11 oncle, de l'oncle de mon père et des voisins croates.

12 Q. D'où venaient ces voisins croates ?

13 R. Ils venaient de Miletici.

14 Q. Comment marchaient ces personnes ? Est-ce qu'elles marchaient librement

15 ou est-ce qu'ils étaient escortés ?

16 R. Ils étaient dans une colonne de deux personnes, par deux, ils étaient

17 entourés par des hommes en uniforme de camouflage.

18 Q. Est-ce que vous pouvez me dire comment ils marchaient ? Tout d'abord,

19 est-ce que la colonne est constituée seulement d'hommes ou de femmes

20 aussi ?

21 R. Il y avait à la fois des hommes et des femmes.

22 Q. Est-ce que vous avez remarqué, Monsieur, de quelle manière ils

23 marchaient ? Comment marchaient les hommes et comment marchaient les

24 femmes ?

25 R. Les hommes marchaient en avant et les femmes derrière.

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1 Q. Ces personnes masquées, qu'est-ce qu'elles portaient ?

2 R. J'ai vu qu'ils avaient des armes.

3 Q. Vous avez dit que vous avez vu votre père dans la colonne. Dites-moi,

4 tout d'abord : quel était le nom de votre père, son prénom et

5 deuxièmement ? Est-ce que vous avez remarqué quelque chose sur lui ?

6 R. Mon père s'appelle Akif et j'ai remarqué du sang sur sa partie soit

7 gauche soit droite, je ne suis plus sûr maintenant. C'était sur sa tête.

8 Q. Et vous, à l'époque ?

9 R. A l'époque, je portais des vêtements de civil, j'étais en jean et

10 j'avais une veste que j'avais reçu du commandant de l'unité.

11 Q. Etiez-vous armée ?

12 R. Oui, j'avais un pistolet 7.62 millimètres sous les aisselles.

13 Q. Les hommes masqués, qui escortaient votre père, votre famille et

14 les voisins de Miletici, étaient-ils armés; si oui, quelles armes avaient-

15 ils ?

16 R. J'ai vu que les deux premières personnes, qui étaient en avant,

17 portaient des fusils automatiques.

18 Q. Est-ce que l'une quelconque personne de la colonne avait les mains

19 ligotées ?

20 R. Les mains de tous les hommes de la colonne étaient ligotées, sauf de

21 Rasi Amidza [phon], de mon oncle, Rasi. Pour ce qui est des femmes, je ne

22 sais pas car je me suis concentré surtout sur ce qui se passait en avant de

23 la colonne, car c'est là que se trouvait mon père aussi.

24 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : avez-vous essayé de vous approcher de la

25 colonne ou de poser une colonne ?

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1 R. Oui, j'ai essayé de les approcher, mais les deux premiers hommes

2 masqués, l'un m'a dit : "Jela," et je n'ai pas compris ce qu'il voulait

3 dire, mais, à ce moment-là, il m'a fait un signe de la main que j'ai

4 compris, et je me suis mis de côté.

5 Q. Lorsque vous avez entendu ce mot "jela", est-ce que ceci avait une

6 quelconque signification pour vous ? Est-ce que vous avez pu conclure à qui

7 appartenaient ces personnes ?

8 R. Lorsque j'ai remarqué --

9 M. NEUNER : [interprétation] Excusez-moi, je souhaite soulever une

10 objection. Mon éminente collègue, vous venez de dire que la personne a dit

11 quelque chose comme "jela". Je le lis dans le compte rendu d'audience, or

12 je n'ai pas entendu le témoin dire cela, donc il s'agirait là d'une

13 question directrice.

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je m'excuse. Ceci n'a pas été consigné au

15 compte rendu d'audience, mais je vais reposer la question au témoin.

16 Q. Monsieur Suljic, avez-vous essayé de vous approcher de la colonne, et

17 est-ce que quelqu'un a réagi d'une certaine manière ?

18 R. Le premier soldat a réagi.

19 Q. Qu'est-ce qu'il a dit à ce moment-là ?

20 R. A ce moment-là, j'ai compris qu'il a dit : "Jela," mais je ne savais

21 pas ce que cela voulait dire.

22 Q. Ce mot qu'il a prononcé, cet homme armé, est-ce que ce mot vous a fait

23 conclure à qui appartenait cet homme ?

24 R. A ce moment-là, j'ai pu supposer, compte tenu du fait qu'il ne parlait

25 pas notre langue, qu'il faisait partie de ceux qu'on appelait

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1 Moudjahiddines.

2 Q. Vous avez dit que vous vous êtes écarté momentanément, et la colonne

3 est partie dans quelle direction ?

4 R. La colonne est partie vers Mehurici.

5 Q. Monsieur Suljic, qu'avez-vous fait par la suite ?

6 R. Par la suite, j'ai attendu à Celamov Gaj pendant une quinzaine de

7 minutes. Ensuite, je suis reparti en direction de Mehurici.

8 Q. A Mehurici, vous êtes-vous présenté à qui que ce soit ? Avez-vous

9 remarqué des choses inhabituelles, étranges, à Mehurici ?

10 R. Je ne me suis pas présenté à personne. Je suis entré dans la cour de

11 l'école primaire. En face de l'école primaire, il y a des cafés. De ces

12 cafés ou brasseries, j'ai vu sortir des civils. C'étaient des civils qui

13 étaient installés là-bas. Ils sont sortis, et l'un de mes soldats m'a dit

14 qu'ils avaient emmené mon oncle, ainsi que mon père, et mon oncle, Haso,

15 qu'ils avaient été emmenés par des Moudjahiddines.

16 Q. Savez-vous comment se sont enchaînés les événements à Mehurici, ou plus

17 précisément, savez-vous si quelqu'un a tenté de libérer votre père, vos

18 oncles, et d'autres voisins qui ont été emmenés ce jour-là par les

19 Moudjahiddines ?

20 R. Oui. De beaucoup de manières, on a essayé d'entrer en contact avec ces

21 gens-là, avec ces Moudjahiddines. Chez eux, il était difficile de repérer

22 qui est le principal, l'Emir, comme ils l'appelaient dans une unité. Pour

23 l'essentiel, dans cette zone-là, pendant ce temps-là, l'homme qui

24 commandait ces unités ou plutôt cette armée, à l'école, il n'était pas là.

25 Il était absent. Ils ont demandé que cet homme vienne et qu'il parle aux

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1 représentants, à ces Emirs des Moudjahiddines. Pendant ces négociations,

2 plus tard, il a participé, celui qui s'appelait Ribo Sulejman. C'était un

3 habitant de Luka de Zagradje.

4 Q. Monsieur Suljic, pouvez-vous nous dire combien de temps ont duré ces

5 négociations ? Savez-vous comment elles se sont terminées ?

6 R. Pour moi, cela a duré une éternité car chacune des minutes me semblait

7 durer une année, et une année, un siècle, comme on dirait. Mais ce que je

8 sais, c'est que vers peut-être entre 22 heures et 23 heures, ils se sont

9 mis d'accord sur quelque chose, mais on ne savait pas sur quoi. Par la

10 suite, quant à mon père et mon oncle et mon vieil oncle, je les ai vus dans

11 la cour de l'école.

12 Q. Excusez-moi, Monsieur Suljic, juste pour revenir un instant à l'une des

13 questions précédentes. Lorsque vous en avez parlé, vous avez dit que vous

14 ne saviez pas qui était le commandant de l'unité cantonnée à l'école.

15 Quelle est l'unité à laquelle vous pensiez à ce moment-là ? Qui était

16 cantonné à l'école pendant cette période-là ? Quelle unité y était

17 stationnée ?

18 R. Si je ne me trompe pas, c'est une Unité de la 306e. Je ne sais pas

19 lequel de ses bataillons, mais je sais que c'était l'un des bataillons de

20 la 306e. A un moment donné, on l'a appelé Bataillon de Siprage. Je crois

21 que cela pourrait être le 1er Bataillon, mais, encore une fois, je ne suis

22 pas tout à fait sûr.

23 Q. Merci. Je vous remercie. On poursuit. Donc, vers 22 heures ou 23

24 heures, on a libéré votre père et vos oncles. Monsieur Suljic, dites-moi

25 si, d'après ce que vous savez, les négociations se sont poursuivies, et ce

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1 qui est advenu de vos voisins de Gornji Miletici.

2 R. Oui. En fait, les négociations ne se sont jamais terminées ou

3 interrompues. Après que mon père et mes deux oncles aient été libérés, ceux

4 qui y avaient participé auparavant ont demandé qu'on libère également les

5 habitants de Miletici. D'après ce que j'en pense, d'après mes évaluations,

6 c'est Ribo Sulejman qui a joué le rôle le plus important et, également,

7 bien sûr, le commandant du bataillon stationné à Mehurici; ils ont passé un

8 accord pour que ces gens soient libérés. Evidemment, on a libéré ces gens

9 de là-haut, et ils sont arrivés dans l'enceinte -- plutôt dans la cour

10 d'école primaire de Mehurici.

11 Q. Par la suite, où sont partis ces gens, ou les a-t-on emmenés quelque

12 part ?

13 R. Dans cette cour, il y avait un autocar. Ces citoyens, ces habitants de

14 Miletici, ils ont été emmenés à bord de l'autocar, vers la localité de

15 Luka, plus précisément - comment dire - près de cette école de Zagradje, en

16 passant par la rivière.

17 Q. Monsieur Suljic, où êtes-vous passé ce soir-là ?

18 R. Ce soir-là, compte tenu de la situation telle qu'elle se présentait là-

19 bas, comme il y avait la peur, personne n'a passé la nuit. Bien entendu,

20 j'aurais souhaité aller chez moi, mais personne n'a passé la nuit dans

21 cette localité; cependant, plus tard, je suis revenu dans ce secteur de

22 Luka où on a placé ces gens - comment dire - j'ai essayé de voir ces

23 voisins, et j'ai passé à l'école primaire de Zagradje. Je dis que j'ai

24 dormi, mais, enfin, je n'ai pas fermé l'œil. On ne pouvait pas dormir.

25 C'était un jour fatal pour moi, le lendemain devait être mon anniversaire.

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1 Cela a été l'anniversaire le plus triste, le plus difficile.

2 Q. Monsieur Suljic, le lendemain, qu'est-ce que vous avez appris ? Est-ce

3 que quelqu'un est venu dans ce secteur ?

4 R. Le lendemain, on s'est rendu auprès de ces gens. Dans la mesure du

5 possible, on les a aidés, on leur a donné du thé, du café, on leur a offert

6 à manger. C'était peut-être vers -- je ne sais pas, je ne sais si je ne

7 trompe pas, est-ce que c'était dans la matinée ou dans l'après-midi. Il y a

8 eu des véhicules qui sont arrivés. Je crois que c'était la FORPRONU. La

9 FORPRONU et d'autres, il y avait plusieurs véhicules. Il y avait aussi une

10 sorte de télévision, et je ne sais pas quoi d'autre.

11 Q. En plus de ces étrangers de la FORPRONU, parmi ces gens qui sont

12 arrivés, avez-vous pu repérer des membres de l'armée qui était de chez nous

13 ou de l'armée ou du HVO ?

14 R. Oui. Là où le chemin tourne vers Miletici et aussi vers Luka, ces

15 véhicules se sont arrêtés. C'est peut-être à 100 mètres de l'endroit où ces

16 habitants étaient installés. Nous sommes sortis, et là, c'est pour la

17 première fois que j'ai vu un homme porté des insignes du HVO. J'ai vu un

18 homme moustachu qui portait aussi des insignes de l'ABiH. Lorsque cet homme

19 s'est présenté, si j'ai bien compris, à ce moment-là, il s'appelait Dzemal.

20 Q. Après avoir remarqué ces gens-là, est-ce qu'ils se sont adressés à

21 vous ? Leur avez-vous donné des informations ?

22 R. Oui. Plus tard, cela, c'est lorsque ce Dzemal, qui a dit que cette

23 commission mixte soi-disant s'était rendue sur place pour voir ce qui

24 s'était passé à Miletici. Je lui ai dit que j'étais commandant de cette

25 Compagnie de Zagradje. Il m'a confié une tâche, et ce, verbalement. Il m'a

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1 demandé si j'avais des forces sur place. Je lui ai dit que j'avais une

2 quinzaine de soldats, et qu'ils devaient exclusivement être versés sur la

3 ligne de défense. Il m'a dit : "Non. Il faut que tu charges ces hommes

4 d'assurer la sécurité des civils qui se trouvent à Luka. Il ne faut pas

5 permettre qu'on rentre dans le village, qu'on pille les biens appartenant à

6 ces habitants." Donc, dans la mesure de nos possibilités, c'est ce qu'on a

7 fait. On a fait ce qu'on nous a dit de faire. Aussi, il m'a dit que moi et

8 quelques autres soldats, que nous devions nous rendre dans la localité de

9 Miletici et qu'il fallait qu'on constate sur place ce qui s'était passé.

10 Q. Cette deuxième tâche, l'avez-vous menée à bien, et avec qui sont-ils

11 partis à Miletici vos soldats ?

12 R. Je suis parti à bord d'un véhicule. Il y avait un véhicule blindé. Je

13 ne sais pas, c'était -- il appartenait aux observateurs. Je ne sais pas

14 comment on les appelait. Je suis monté à bord de ce véhicule, et je suis

15 parti là-haut. Il y avait trois ou quatre soldats. On pouvait passer par un

16 chemin de travers, par Luka vers Miletici. On peut sortir à Miletici. Il y

17 avait des soldats qui m'ont attendu à un endroit donné. On s'est rendu à

18 Miletici. Comme j'avais peur, j'avais peur de ce qui aurait pu se passer.

19 Plus tard, on a constaté qu'il y a bien des gens morts.

20 Q. Après le départ de cette commission, pouvez-vous me dire comment vous

21 vous êtes acquitté de votre tâche par la suite, de cette tâche qui a été

22 confiée par Dzemal, ce membre de l'armée ?

23 R. Pour ce qui est des civils, vraiment, c'est de manière très

24 professionnelle que nous avons abordé notre tâche parce que non seulement

25 les habitants de Luka n'ont pas autorisé qu'ils leur arrivent quelque chose

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1 parce que c'étaient nos voisins avec qui on a vécu. Mais, à plusieurs

2 reprises, ces gens qu'on appelait des Moudjahiddines, ils ont essayé de

3 rentrer dans la localité dans l'après-midi. Ils ont essayé d'y pénétrer.

4 Mais nous, on ne leur a permis d'y entrer. Je considère que, dans la mesure

5 du possible, nous avons mené à bien notre tâche. Mais je dois dire quand

6 même que Dzemal nous a dit aussi de dresser un poste - comment dire - un

7 poste de contrôle à l'entrée de Luka, de placer deux hommes et que leur

8 tâche sera de ne pas autoriser l'entrée, le passage des véhicules ou des

9 hommes qui chercheraient à piller, à emporter les biens des Croates.

10 Q. Monsieur Suljic, cette mission-là, est-ce que vous l'avez menée à bien

11 également ?

12 R. Oui.

13 Q. A un moment donné, est-ce qu'on a vu arriver encore une fois une équipe

14 composée de membres internationaux ? Est-ce que les habitants de Gornji

15 Miletici ont quitté Luka ? Comment sont-ils partis, en compagnie de qui ?

16 R. Oui. Une équipe de la FORPRONU est venu pour ramasser les corps. Bien

17 entendu, ces corps ont été emportés, je ne sais pas où. Ensuite, bien

18 entendu, il y a eu des conversations avec la population locale, et certains

19 comme ils avaient peur, comme ils redoutaient ces Moudjahiddines, ils ont

20 dit qu'ils souhaitaient partir, quitter ce secteur, se rendre en un lieu

21 sûr.

22 Q. Savez-vous à quel moment ces gens sont partis et d'où sont-ils partis ?

23 R. Ils sont partis de Luka, plus précisément, de ces maisons où ils

24 avaient été placés, chez Smajo, chez Osman, chez Idriz. C'est de ces

25 maisons que - comment dire - l'armée les a escortés, accompagnés à

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1 Mehurici. A Mehurici, il y avait des véhicules qui attendaient. C'est là

2 qu'on les a fait monter à bord de ces véhicules, et on les a emmenés. Bien

3 sûr, une partie de ces habitants est restée de ces villageois. Je ne sais

4 pas, la famille de Marko, Markinica. Zdravkinica, Srecinica, c'est comme

5 cela qu'on les appelait. Je ne connaissais pas leurs vrais noms, mais on

6 connaissait uniquement leurs surnoms. Par exemple, Pero, et sa femme, on

7 l'appelait Perinica. Je n'ai jamais connu son vrai prénom.

8 Q. Après le départ de vos voisins, de la plupart de vos voisins de Gornji

9 Miletici, qui a entrepris de surveiller le village et la population qui

10 restait ?

11 R. Après le départ des villageois, il y avait quelques familles qui sont

12 restées. C'est le MUP qui s'est chargé de prendre soin d'eux. J'ai qu'il y

13 avait des patrouilles de la police tous les jours, donc ils faisaient le

14 tour du village parce que je me souviens que ces gens se sont rendus chez

15 moi, dans ma maison, pour prendre un café.

16 Q. Les familles qui sont restées à Gornji Miletici, est-ce qu'ils ont

17 continué de communiquer avec votre famille, ainsi que la famille de votre

18 oncle ou de votre autre oncle ? Quelle a été l'attitude de votre famille à

19 leur égard ?

20 R. Ils ont continué d'avoir des contacts car - comment dire - jamais ils

21 ne nous ont dit que nous avions fait des choses, mais que ce sont d'autres

22 qui l'ont fait des choses méchantes. Comment dire ? On était en bons

23 termes. On leur a donné de la nourriture. Je me souviens que mon père

24 donnait des cigarettes, et il ne voulait prendre de l'argent que celui-ci

25 lui proposait en échange. Alors, je ne sais pas si c'était à cause de la

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1 peur là-haut où ils étaient. Beaucoup d'entre eux venaient passer la nuit

2 chez nous, à la maison. Bien sûr, tôt, dans les premières heures de la

3 matinée, il fallait qu'ils reviennent chez eux pour s'assurer de quoi

4 manger, pour préparer la nourriture pour eux.

5 Q. Monsieur Suljic, avez-vous parlé avec votre père de cet événement, à ce

6 moment-là, ou plus tard ?

7 R. Pendant cette période-là, vraiment, mon père n'a jamais souhaité parler

8 de ces choses-là. Plus tard, il ne souhaitait pas en parler, mais il se

9 contentait de dire : "Fils, on n'a pas pu aider" - c'est comme cela que je

10 l'ai compris - "on a pas pu aider, et le mal s'est produit." C'est tout ce

11 qu'il m'a dit. Vous savez pourquoi -- enfin, c'est ce que j'en pense,

12 pourquoi il l'a dit. Il a été frappé pendant -- quand ceci s'est produit.

13 On lui a donné un coup de crosse de fusil. Peut-être à cause de cela, peut-

14 être qu'il ne voulait pas en parler parce que peut-être, plus tard, il

15 aurait peur que je ne fasse un geste imprudent, que je ne suscite un

16 conflit avec ces forces, avec ces Moudjahiddines, qui étaient très

17 dangereux dans notre zone.

18 Q. Très bien. Merci.

19 Monsieur Suljic, je voudrais maintenant que l'on parle d'un autre

20 événement. Le 7 juin, votre commandant du bataillon, vous a-t-il confié une

21 tâche ? Vous a-t-il dit que vous deviez partir à quelque part avec les

22 combattants de votre compagnie ?

23 R. Le 7, nous avons reçu - comment dirais-je - un courrier est arrivé de

24 Gluha Bukovica. Il est arrivé dans la localité de Zagradje, plus

25 précisément, au commandement de l'unité. Il a dit que nous avions une

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1 tâche, que l'une de nos unités, en passant par Miletici et Jezerci et

2 Cukle, donc par ce secteur-là, devait rejoindre les forces de notre brigade

3 qui allait arriver en provenance de Zenica.

4 Q. Le 8 juin, dans la matinée, est-ce que vous avez commencé à mener à

5 bien cette mission ? Si oui, où êtes-vous partis ?

6 R. Bien entendu, lorsqu'un commandement supérieur nous confiait une

7 mission, à nous, les unités subordonnées, bien entendu, on s'exécutait, de

8 la manière la plus correcte qui soit. De la zone de Luka, tôt dans la

9 matinée, c'était peut-être vers 3 heures, 3 heures et demie, on est parti

10 en passant par Donji Miletici, Jezerci, vers l'installation de Rakin Do.

11 Q. En route, avez-vous remarqué des opérations de combat qui commençaient

12 dans la vallée de la Bila ?

13 R. Non, je n'ai pas pu le remarquer, à ce moment-là. C'était tôt dans la

14 matinée, peut-être 3 heures, 3 heures et demie. Cependant, plus tard, vers

15 4 heures, on a entendu quelques petits coups de feu.

16 Q. Monsieur Suljic, quel est le point que vous avez atteint et que vous

17 est-il arrivé, à vous personnellement ?

18 R. Je suis arrivé à Rakin Do, et j'étais en train de descendre vers -- je

19 pense que cela s'appelait Strazbica. Là, vers 4 heures,

20 4 heures et demie, on tirait déjà, au moment où on entrait, au moment où on

21 descendait d'en haut. Alors, j'ai été blessé. C'était une balle à

22 fragmentation, une sorte -- en fait, un obus est tombé, et je me suis mis à

23 l'abri, derrière un entassement -- un pile, et il y a eu des piles -- des

24 balles qui arrivaient. Une balle a éclaté, m'a touché à l'œil droit, et

25 c'est là que j'ai perdu mon œil droit, à cet endroit.

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1 Q. Vous a-t-on emmené de là ?

2 R. Après cela, deux de mes soldats, comme je ne voyais rien de mon œil

3 gauche, deux soldats m'ont emmené vers Rakin Do et, plus tard, on est

4 descendu dans le village de Jezerci. Là, il y avait une sorte de poste de

5 premier secours, si je peux l'appeler ainsi. On m'a pansé l'œil et on m'a

6 emmené à Mehurici. A Mehurici, j'ai été reçu, si je l'ai bien compris, un

7 médecin qui s'appelait Suvad. Après, comme il n'y avait pas de possibilité

8 de passer par Ovnak vers Zenica et là-bas, j'ai pris une sorte de tracteur,

9 à bord duquel on m'a emmené le long de la rivière Jasenica, par Zagradje,

10 en passant par Javor, à Kostarica [phon]. Du village de Serici, c'est le

11 territoire de Zenica, à bord d'un véhicule, j'ai été emmené à l'hôpital de

12 Crkvica.

13 Q. Monsieur Suljic, deux questions pour terminer. La guerre s'est

14 terminée. Dites-moi si les familles de vos voisins de Gornji Miletici se

15 rendent à présent à Gornji Miletici.

16 R. Oui. Ces voisins, ils viennent à Miletici. Ils ont, sur place, leurs

17 terres, leurs biens. Mon père achète l'herbe -- la paille de ces gens,

18 qu'on utilise pour nourrir notre bétail, les vaches, les moutons. Eux, ils

19 se rendent sur place pour voir leurs biens, puis une autre voisine est

20 venue cueillir ses pommes. Elle les a emportées. Aussi, un garçon, un

21 camarade de classe à moi, Philip, il est venu il y a un mois et il a pris

22 un café chez moi.

23 Q. Lorsque ces gens arrivent dans le village, est-ce qu'ils viennent voir

24 les membres de votre famille, et quels sont vos rapports aujourd'hui ?

25 R. Oui. Quand ils se rendent sur place, bien entendu, s'ils ont un moment

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1 -- s'ils ont du temps, ils viennent nous voir. Alors, quels sont les

2 rapports ? Nous avons les mêmes rapports qu'avant la guerre. Encore

3 aujourd'hui, on se respecte mutuellement. Nous, on respecte leur foi. Ils

4 respectent la nôtre. Je pense que nous avons des rapports corrects dans les

5 deux sens.

6 Q. Je vous remercie, Monsieur Suljic.

7 Mme RESIDOVIC : [interprétation]] Monsieur le Président, je n'ai plus

8 de questions pour ce témoin.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Il est 10 heures 25. Nous allons faire la

10 pause et nous reprendrons aux environs de 11 moins 10.

11 --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

12 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que les autres avocats ont des questions à

14 poser ?

15 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons

16 quelques questions à poser au témoin.

17 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :

18 Q. [interprétation] Monsieur Suljic, au début de votre déposition, vous

19 avez dit que vous étiez né à Zagradje; est-ce exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Dans le village de Zagradje, il n'y a pas d'école élémentaire, n'est-ce

22 pas ?

23 R. L'école élémentaire est à Luka, mais Luka appartient à la commune

24 locale de Zagradje.

25 Q. Votre compagnie était à Zagradje ?

Page 11898

1 R. Oui. Elle était à Zagradje, mais, pour être plus précis, elle était à

2 Luka parce qu'il n'y a pas d'école à Zagradje. Dans la partie supérieure du

3 village, on appelle cela Zagradje, et la partie inférieure près du fleuve,

4 c'est Luka où se trouve l'école. L'ensemble de la zone de Banja Luka et les

5 autres hameaux constituent la commune locale de Zagradje. A Zagradje,

6 proprement dit, il n'y a pas d'école, comme je l'ai déjà dit.

7 Q. En mai ou juin 1993, est-ce qu'il y avait là la

8 309e Brigade de Montagne de Kakanj qui se trouvait à Zagradje ?

9 R. Non. Je n'ai pas eu connaissance de la présence de cette unité à

10 Zagradje. Il y avait seulement la 314e Brigade. En fait, la 3e Compagnie du

11 4e Bataillon, et c'est la seule unité qui soit jamais venu dans le secteur.

12 Q. Au cours de cette période, y avait-il peut-être une unité ou le 3e

13 Bataillon de Kakanj appartenant à la 7e Brigade musulmane ?

14 R. Non. Il n'y avait pas d'unité de ce genre sur place.

15 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais, s'il

16 vous plaît, demander qu'on puisse montrer au témoin la pièce P564, pièce

17 présentée par l'Accusation. J'ai ce document en B/C/S. Peut-être que cela

18 va simplifier les choses si on peut montrer le document en question au

19 témoin.

20 Q. Avez-vous lu le document ?

21 R. Oui.

22 Q. Dans ce document, il est dit que la 309e Brigade de Montagne de Kakanj

23 soit cantonnée à l'école de Zagradje, et aussi une compagnie de la 7e

24 Brigade musulmane de Kakanj.

25 R. Oui. Le village de Zagradje est mentionné. Toutefois, je ne sais pas,

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1 il se pourrait y avoir différents endroits ayant le même nom en Bosnie-

2 Herzégovine. Je sais que cette unité précise, là, n'a jamais existé dans

3 mon territoire. Elle ne s'est jamais trouvée dans ma région.

4 Q. Si vous avez lu le document, vous pouvez voir que l'état-major

5 municipal ou le personnel municipal de la Défense nationale de Kakanj

6 aurait dû être informée ?

7 R. Oui, le personnel municipal de Kakanj. Mais qu'est-ce que nous avions à

8 faire avec Kakanj ? Si nous parlons de Travnik, nous n'avions rien à voir

9 avec Kakanj. Ceci est relatif aux unités qui se trouvaient dans le

10 territoire de Kakanj. Vraiment, je ne le sais pas. Je suppose qu'il y a

11 probablement un endroit qui porte le même nom et qui comporte une école. Ce

12 village-ci, Zagradje, n'avait pas d'école. Il y avait seulement une école à

13 Luka. Cette lettre ne peut pas se référer à nous parce qu'on ne mentionne

14 pas mon unité du tout.

15 Q. Puisque les unités sont mentionnées dans ce document en disant qu'elles

16 se trouvaient dans le territoire de Kakanj et, si je vous dis que, dans la

17 municipalité de Kakanj, il y a un village qui porte le même nom, Zagradje,

18 est-ce que vous seriez d'accord avec moi, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, bien sûr, parce que c'est une possibilité très plausible. J'ai

20 même entendu dire qu'il y avait un endroit qui s'appelait Mehurici dans le

21 territoire de la municipalité de Kakanj. Comme vous le savez, il y a

22 Mehurici dans le territoire de la municipalité de Travnik aussi.

23 Q. Je vous remercie beaucoup. Nous n'avons plus besoin de ce document.

24 Retournons aux incidents de Miletici. Lorsque vous êtes revenu du

25 commandement de bataillon ce jour-là, vous êtes arrivé à Miletici et vous

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1 avez rencontré cette colonne dans laquelle se trouvaient votre père et

2 d'autres membres de votre famille. Veuillez nous dire, s'il vous plaît,

3 lorsque vous avez rencontré cette colonne et ces hommes armés, avez-vous

4 remarqué s'il y avait des membres de la 7e Brigade musulmane parmi les

5 hommes masqués ?

6 R. Non. Dans ce secteur, la 7e Brigade musulmane n'a jamais existé. Elle

7 n'a jamais été là.

8 Q. Je me réfère à cet événement précis lorsque vous avez rencontré

9 colonne. Avez-vous remarqué ou observé un membre quelconque de la 7e

10 Brigade ?

11 R. Non, je n'en ai pas vu. Je n'ai jamais su qu'ils étaient là. Je ne

12 sache pas qu'ils aient été là. Ils auraient eu des insignes. Ces personnes

13 ne portaient aucun insigne qui puisse les rattacher à une armée quelconque.

14 Q. Lorsque vous êtes allé dans le secteur qui se trouvait de l'autre côté

15 de la route par rapport à l'école et lorsque vous attendiez le résultat,

16 enfin, l'issue de toute la situation devant l'école, est-ce que vous avez

17 remarqué devant l'école un membre de la 7e Brigade ou un officier de la 7e

18 Brigade ?

19 R. Non, j'ai seulement vu des membres de la 306e Brigade qui étaient là.

20 Q. Une question encore : le 8 juin, dans la matinée, vous avez été

21 grièvement blessé, vous avez perdu l'œil droit ?

22 R. Oui.

23 Q. Un jour plus tôt, vous avez reçu, du commandement de votre bataillon à

24 Gluha Bukovica, une mission de vous rendre à Miletici, Jezerci et Cukle.

25 C'était la direction vers laquelle vous deviez vous rendre, c'était votre

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1 mission.

2 R. Oui, mais pas vers le village de Cukle, mais, au-dessus, vers une

3 installation qui s'appelait -- en fait, nous sommes allés de Luka à

4 Miletici, puis de Donji Miletici vers le village de Jezerci et puis à Rakin

5 Do. Rakin Do était notre destination finale et c'est là que nous avons fait

6 notre liaison avec nos forces qui étaient en train de se déplacer à partir

7 de Zenica. J'ai été informé de cela au moment où il s'agissait de la 314e

8 Unité qui se déplaçait à Zenica -- de la direction de Zenica.

9 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas d'autre question à

10 poser.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'Accusation ?

12 Contre-interrogatoire par M. Neuner :

13 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Suljic. Mon nom est Mathias Neuner,

14 je représente l'Accusation, et j'ai quelques questions à vous poser. Si

15 vous ne comprenez ma question, demandez-moi de la reformuler ou de la

16 redire et je m'efforcerai de le faire; est-ce que vous comprenez ceci ?

17 R. Oui.

18 Q. Si j'ai bien compris, indépendamment de votre service dans l'armée

19 populaire yougoslave, vous avez passé toute votre vie à Donji Miletici ou à

20 Zagradje où vous étiez à l'école; est-ce exact ?

21 R. Oui, j'étais à Donji Miletici.

22 Q. Le nom de famille Suljic, qui était un nom assez commun à Donji

23 Miletici, il y avait d'autres famille qui portaient le nom de Juljic dans

24 la vallée de Bila ?

25 R. Autant que je sache, il y avait des personnes et des gens qui avaient

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1 ce nom de Suljic à Zagradje, mais je n'ai pas connaissance de d'autres cas.

2 Q. Si votre nom, Hamid Suljic, pour autant que vous le sachiez, y a-t-il

3 une autre personne qui porte le nom de Hamid Suljic et qui vivait dans la

4 vallée de Bila en 1993 ?

5 R. Je ne sais pas, je ne pas être sûr à 100 %, je n'ai jamais vu de

6 recensement de population, je n'ai jamais été à même de voir s'il y avait

7 un autre Hamid Suljic qui vivait dans la vallée de la Bila. J'étais le seul

8 Hamid Suljic qui vivait dans la vallée de Bila Miletici, mais je ne peux

9 pas savoir avec certitude si quelqu'un d'autre ne portait pas le même nom,

10 Hamid Suljic.

11 Q. Je vous remercie. Connaissez-vous Halim Husic ?

12 R. Halib Husic ?

13 Q. Halim Husic, il était en 1993 commandant adjoint de la 306e brigade.

14 R. Est-ce que vous savez où il est né ?

15 Q. Je ne peux pas vous dire où il est né. Il a déposé devant la Chambre de

16 première instance et il a déclaré qu'en 1993, il était à Rudnik et qu'il

17 travaillait, à ce moment-là, au commandement de la 306e brigade. Est-ce que

18 ceci vous éclaire ?

19 R. Si vous parlez de Halim Husic, celui de Dubrovnik, alors je peux dire

20 que c'était un professeur d'instruction religieuse, de théologie, et je le

21 connais.

22 Q. Il s'agit exactement de la personne dont je veux vous parler, s'il a

23 étudié en Arabie Saoudite. Je crois que je ne peux pas absolument certain,

24 mais, dans un pays arabe, donc vous connaissez

25 M. Halim Husic et vous étiez un collègue ou un ami de M. Halim Husic ?

Page 11903

1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais élever

2 une objection à une partie de cette question, qui est posée au témoin par

3 mon confrère, lorsqu'il a expliqué où Halim Husic a étudié, le témoin a dit

4 qu'il était étudiant à Zarayévo et je ne sais où mon confrère a eu le

5 renseignement selon lequel il avait fait des études quelque part en Arabie

6 Saoudite.

7 M. NEUNER : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, ce témoin a

8 comparu il y a quelques semaines et je savais simplement qu'il se rendait

9 dans la région et je voulais en fait aider M. Suljic à se souvenir de M.

10 Halim Husic.

11 Q. Si j'ai bien compris, vous avez dit qu'il était professeur de théologie

12 ou d'instruction religieuse, est-ce que vous vous souvenez s'il a enseigné

13 à Sarayevo ? Si j'ai bien compris, je sais que vous avez dit que vous

14 connaissiez M. Halim Husic, est-ce que vous pourriez essayer de préciser me

15 dire s'il était à Sarayevo ?

16 R. Mais comment pourrais-je savoir où quelqu'un a obtenu un diplôme. Je

17 n'étais pas intéressé par la question, je savais simplement que c'était un

18 professeur de théologie, mais je sais également qu'il a travaillé à

19 Sarayevo. Quant à savoir où il a obtenu son diplôme, vraiment je ne serais

20 pas capable de vous le dire. Je n'en sais rien.

21 Q. Avez-vous rencontré M. Halim Husic en 1993 de temps à autre ?

22 R. Oui. Je l'ai vu à Mehurici dans la mosquée les vendredis au cours des

23 services religieux principaux qui ont d'habitude lieu le vendredi, il y

24 était, il y venait souvent pour participer à ces services religieux.

25 Q. Pour le compte rendu, pourriez-vous donner le nom de cette mosquée,

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1 s'il vous plaît, à Mehurici ?

2 R. Elle n'a pas de nom particulier, notre mosquée était simplement la

3 mosquée de Mehurici et à Zagradje, il y avait la mosquée de Zagradje. Donc

4 nos mosquées portent le nom en fait du village ou du hameau, nos mosquées

5 n'ont pas d'autre nom. Ces mosquées sont relativement nouvelles, elles ont

6 toutes été construites à partir des années 70.

7 Q. Donc il y a une mosquée à Mehurici et une mosquée à Zegradje,

8 proprement dit ?

9 R. Oui.

10 Q. Je voudrais maintenant que nous parlions de la brigade motorisée, la

11 314e Brigade motorisée et sa création vers la fin de 1992. Est-il exact que

12 la Ligue patriotique à Bukovica a rejoint la 314e Brigade motorisée ?

13 R. Je ne sais pas. Je sais seulement qu'une Compagnie provenant de Gluha

14 Bukovica, du Détachement de Gluha Bukovica, a été intégré dans la 314e

15 Brigade motorisée. Quant à la Ligue patriotique, je n'en sais rien.

16 Q. Y avait-il aussi une Unité de Skomorje, qui aurait rejoint la 314e

17 Brigade vers la fin de 1992 ?

18 R. Oui. Zagradje et Skomorje étaient des villages qui ont constitué la

19 Compagnie de Zagradje. La Compagnie de Zagradje, ses membres étaient des

20 membres de la 314e Brigade.

21 Q. Ces deux unités, que vous venez de mentionner, ainsi que votre unité de

22 Zagradje, ont formé le 4e Bataillon ?

23 R. Non, non. Ce n'étaient pas deux unités. Zagradje et Skomorje

24 constituaient seulement une unité. Si vous regardez Gluha Bukovica et

25 Zagradje, c'étaient deux compagnies qui étaient créées. Nous les appelons

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1 des compagnies, nous les appelions comme cela à l'époque.

2 Q. Ces deux compagnies dont vous venez de parler, est-ce qu'elles ont

3 constitué le 4e Bataillon ? Vous avez déjà dit que le quartier général de

4 ce bataillon se trouvait à Gluha Bukovica ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous êtes resté à Zagradje ? Vous vous trouviez dans la banlieue de

7 Luka ou dans le hameau de Luka à l'école de Zagradje. De quelle date à

8 quelle date avez-vous été le commandant de cette unité dans l'école de

9 Luka ?

10 R. Du 1er décembre 1992 au 11 mai 1993.

11 Q. A partir du 11 mai 1993, qu'est-ce vous avez fait ?

12 R. Le 11 mai 1993, à la suite d'un ordre du commandant de la 314e Brigade

13 motorisée, j'avais été désigné comme commandant assistant pour les

14 questions de renseignements du 4e Bataillon.

15 Q. A partir de cette date, à partir du 11 mai, vous avez été stationné à

16 Luka ou est-ce que vous êtes allé à Gluha Bukovica où se trouvait le

17 quartier général du 4e Bataillon ?

18 R. Non. L'homme qui avait reçu, enfin, qui a été désigné comme commandant

19 d'une unité avait besoin d'être aidé, et je suis resté pour l'aider dans

20 ses nouvelles fonctions. De temps à autre, je me rendais à la ligne de

21 défense. Je rendais compte au commandant du bataillon, et je retournais au

22 commandement de mon unité, l'unité dont j'étais le commandant avant cela.

23 Q. L'unité dont vous étiez le commandant avant cela, cette unité dont vous

24 avez parlée, Zagradje, l'Unité de l'école de Luka, c'est bien cela, pour

25 éclaircir les choses ?

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1 R. Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter votre question ?

2 Q. Bien sûr. Vous avez dit que vous étiez "retourné commandant de mon

3 unité, l'unité que je commandais avant cela." Là, je lis le compte rendu.

4 Je voulais simplement établir si, après le 11 mai 1993, où vous trouviez-

5 vous ? Où étiez-vous basé ? Est-ce que c'était encore dans l'école de

6 Luka ?

7 R. Oui. J'avais reçu une mission du commandant du bataillon. J'avais ces

8 fonctions que j'ai remplies. Toutefois, je continuais d'aider le nouveau

9 commandant de compagnie. Pourquoi ? Parce que j'avais reçu de l'instruction

10 en matière de tactiques et de stratégies, et puisque nous étions en train

11 de fortifier notre ligne de défense, puisque les hommes me faisaient

12 confiance en tant que commandant, ils m'obéissaient lorsqu'il fallait

13 remplir des missions, je suis resté sur place pour aider à fortifier la

14 ligne de défense. Aussi, de temps à autre, j'envoyais des rapports de

15 renseignements sur les forces ennemies à mon commandant supérieur.

16 Q. Je voudrais maintenant parler de la période du printemps 1993 et parler

17 à nouveau de cette unité de l'école de Luka. Vous avez dit dans votre

18 déposition que c'était une unité d'intervention. Pourriez-vous dire aux

19 membres de la Chambre de première instance, quelles étaient ces tâches

20 d'intervention pour cette unité ? De quoi s'agissait-il ?

21 R. Ce n'était pas une unité, nous l'appelions "unité," mais c'était, en

22 fait, un groupe d'une dizaine d'hommes, de dix à 15 hommes peut-être, de

23 soldats dont la tâche était d'intervenir en cas où on recevrait des

24 renseignements de la ligne de défense qui aurait eu un caractère essentiel.

25 Leur tâche était de se rendre le plus rapidement possible à la ligne de

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1 défense par le chemin le plus court pour protéger cette ligne occupée par

2 les membres de la 314e Brigade pendant cette période. C'était la mission de

3 cette unité par rapport à la rivière Studenjacija.

4 Q. Serait-il juste de dire que cette unité d'intervention, ces 15 hommes

5 dont vous avez parlé, pouvaient avoir à s'engager dans des tâches

6 dangereuses étant l'une des premières unités qui devaient aller au front,

7 sur la ligne de front ou qu'ils soient au front au moment d'une attaque ?

8 R. Non.

9 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, bien que le témoin

10 ait répondu, je continue d'objecter à cette série de questions. Le témoin a

11 déjà dit qu'en cas de nécessité, ce groupe serait envoyé sur la ligne, mais

12 le témoin n'a pas mentionné de situations dangereuses. Toutefois, le témoin

13 a répondu, et je voulais bien préciser les choses pour le compte rendu, et

14 je souhaitais que mon objection soit enregistrée.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre objection est enregistrée. Que nous dit

16 l'Accusation sur l'objection ?

17 M. NEUNER : [interprétation] Je passe à un autre sujet.

18 Q. Pourriez-vous simplement nous dire quelles étaient les armes ou

19 armement dont disposait votre unité ?

20 R. Je crois avoir déjà dit que notre unité avait des fusils de chasse et

21 des carabines. Tel était le type d'armes que les habitants du village

22 avaient, et pour lesquelles ils avaient un permis. C'étaient des permis qui

23 étaient obtenus du MUP, de la municipalité de Travnik.

24 Q. Devant la Chambre de première instance, un témoin a déclaré, Monsieur

25 Ribo, que, vers la fin de 1992, cinq ou six Moudjahiddines étaient arrivés

Page 11908

1 à l'école à Luka ou à Zagradje. Puisque votre unité avait été cantonnée

2 dans cette école, avez-vous vu ces gens-là ? Avez-vous vu ces personnes ?

3 R. De quelle période voulez-vous parler ?

4 Q. Monsieur Ribo a dit, dans sa déposition, qu'à la fin de l992, c'est à

5 la page 11 090 du compte rendu.

6 R. Ils allaient et venaient dans l'ensemble du secteur. Ribo pouvait les

7 voir parce que l'école de Ribo se trouve à quelque 50 mètres de l'école,

8 tandis que ma maison se trouvait à quelques kilomètres de l'école. Donc

9 Ribo aurait pu les voir à l'école, dans la cour de l'école.

10 Q. Vous avez parlé de la maison de Ribo. Juste pour préciser les choses,

11 parce que le compte rendu n'est pas précis sur ce point, vous dites que la

12 maison de Ribo était à 50 mètres de là ?

13 R. Oui, la maison de Ribo se trouve entre 50 et 70 mètres de l'école.

14 Q. A la page 18 du compte rendu, vous vous référez pas nécessairement aux

15 Moudjahiddines de Zagradje, mais je crois que vous parlez des

16 Moudjahiddines de Mehurici, c'est-à-dire, à certains égards, je crois que

17 vous vouliez dire les gens du crû. Certaines personnes du crû avaient

18 rejoint les Moudjahiddines pour suivre un entraînement. Pourriez-vous

19 développer un peu ce que vous avez dit là ?

20 R. Ils avaient de l'argent. Il faut garder cela à l'esprit. Ils avaient

21 aussi des uniformes, toutes sortes d'uniformes qui représentaient

22 différentes armées du monde. Il y avait aussi l'aspect humanitaire, je veux

23 dire les vivres. Les jeunes, qui étaient encore des mineurs et qui

24 n'étaient pas membres d'Unités de l'ABiH, ne pouvaient pas être mobilisés

25 par la municipalité de Travnik. Ces jeunes -- ces jeunes hommes y allaient

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1 -- allaient là-bas pour recevoir de l'instruction religieuse,

2 essentiellement pour de l'instruction religieuse, mais ils participaient à

3 la formation aussi.

4 Q. Vous venez de dire "ces jeunes gens." Ayant vécu dans la vallée de Bila

5 toute votre vie, est-ce que vous connaissez certains noms de certaines

6 personnes de ces jeunes gens dont vous avez parlé ?

7 R. De qui voulez-vous parlez ? De ceux qui ont suivi une formation ?

8 Q. Oui, ceux qui sont allés recevoir une formation.

9 R. Concrètement parlant, je connaissais un jeune homme qui s'appelait

10 Avdija. Il venait de mon village, et je sais qu'il a suivi leur

11 entraînement -- leur formation concernant, à la fois, la question

12 religieuse, et autre.

13 Q. Avdija, est-ce que vous connaissez son nom de famille ?

14 R. Kadric.

15 Q. Quand a-t-il eu cette formation, s'il vous plaît ?

16 R. Je pense que c'est au cours de la période 1993 -- mi-1993, au mois de

17 juin, juillet, août, à peu près.

18 Q. Mis à part la formation en matière religieuse, vous avez dit qu'il a

19 reçu une formation en ce qui concerne d'autres questions également. Que

20 voulez-vous dire par autres questions ?

21 R. Mis à part les études religieuses, ils avaient un entraînement

22 physique. Ils couraient à travers les villages. C'est de cela que je

23 parlais.

24 Q. Ils couraient à travers les villages ? Quels villages ? Là où ils

25 s'entraînaient ? Où a eu lieu la formation de votre voisin ?

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1 R. Tout d'abord, il ne s'agissait pas de notre voisin. S'il l'on parle en

2 matière militaire, ceux qui sont à gauche et à droite sont des voisins, et

3 il n'était jamais mon voisin. Si l'on parle sur un autre plan, nous pouvons

4 dire qu'effectivement, il traversait ces villages tels que Mehurici,

5 notamment, avant la fête religieuse -- le service religieux de Dzuma,

6 lorsque le plus grand nombre de personnes se regroupent.

7 Q. Avant le service religieux, les Moudjahiddines ont parlé avec les gens,

8 ont demandé des choses ? Je ne souhaite pas de mettre les mots dans votre

9 bouche, mais je vous pose simplement des questions. Ils proposaient aux

10 gens de suivre leur entraînement -- leur formation ? Comment est-ce que les

11 choses fonctionnaient ?

12 R. Tout le monde pouvait, bien sûr, exprimer son opinion concernant ces

13 questions, questions de savoir si les gens souhaitaient partir avec eux ou

14 pas. Mais compte tenu de la situation de crise grande, dans la vallée de la

15 Bila, puisque la population ne travaille pas et n'a pas suffisamment de

16 nourriture, ni de vêtements, ils avaient de l'argent et, avec l'argent et

17 avec l'assistance humanitaire, ils ralliaient ces jeunes hommes à leur

18 cause.

19 Q. Est-ce que vous pouvez me dire, pour le compte rendu d'audience, où ils

20 abordaient, le plus souvent, les membres de la population locale ? Est-ce

21 que c'était devant la mosquée ou ailleurs ?

22 R. Je n'ai pas eu l'occasion d'écouter qui que ce soit parmi eux, car je

23 ne les trouvais pas vraiment sympathiques. Je ne peux pas savoir où ils

24 s'adressaient aux gens, mais je suppose que c'était peut-être dans les

25 mosquées. Peut-être c'est là qu'ils avaient l'occasion de s'adresser à ceux

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1 qui étaient déjà à l'intérieur.

2 Q. En ce qui concerne l'entraînement physique, Avdija Kadric l'a eu. Est-

3 ce que vous diriez qu'il s'agissait là d'entraînement militaire, ou

4 simplement des exercices physiques ?

5 R. Je pense que c'étaient surtout des exercices physiques, car ces gens-là

6 portaient des vêtements civils. S'il s'agissait de l'entraînement

7 militaire, ils auraient été en uniforme. A ce moment-là, je n'ai pas vu

8 d'uniforme sur eux car, après la formation -- à la fin de la formation, ils

9 obtenaient les uniformes, en tant que récompense.

10 Q. Pour autant que vous vous en souvenez, est-ce qu'Avdija Kadric est

11 resté avec les Moudjahiddines, ou est-ce qu'il a regagné son poste dans le

12 cadre de l'ABiH ?

13 R. Ecoutez --

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, puisque le témoin -

15 - lorsqu'il a parlé de cette personne, il a dit qu'il s'agissait d'une

16 jeune personne qui n'avait pas encore été mobilisé, donc il avait répondu

17 ainsi. Le Procureur ne peut pas, maintenant, reposer la même question.

18 M. NEUNER : [interprétation] Je peux reformuler la question.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, vous pouvez reformuler.

20 M. NEUNER : [interprétation]

21 Q. Savez-vous quel était l'âge de M. Avdija Kadric en 1993 ?

22 R. Non. Ceci ne m'intéressait pas.

23 Q. Après l'entraînement -- après la formation, est-ce que

24 M. Kadric a rejoint les rangs d'une Unité régulière de l'ABiH ?

25 R. Je ne sais pas. Il faudrait lui poser la question à lui. Je ne sais pas

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1 qui appartenait à quelle unité. Tout le monde avait la possibilité de faire

2 son choix.

3 Q. Vous avez mentionné que les Moudjahiddines sont restés à l'école

4 primaire de Mehurici et qu'à un moment donné, ils sont allés à Poljanice.

5 Est-ce que vous vous souvenez à quel moment ils sont allés à Poljanice, à

6 quel mois ?

7 R. Ils n'étaient jamais à Poljanice. J'ai dit qu'ils sont allés dans les

8 maisons de Savica. Mais quant à la question de savoir quand ils sont partis

9 là-bas, je pense que c'était à la fin de l'année 1992, début 1993. Ils sont

10 partis de l'école primaire, à ce moment-là; cependant, de temps en temps,

11 ce qu'on disait, ils avaient une salle, apparemment, où de temps en temps

12 une personne ou deux venaient dans cette salle.

13 Q. Je vais vous poser maintenant quelques questions concernant certains

14 noms. Nous avons entendu des dépositions concernant ces personnes. Il a été

15 dit qu'il y avait certains liens entre ces personnes et les Moudjahiddines.

16 Puisque vous venez de la région, je souhaite simplement vérifier cela. Est-

17 ce que vous connaissez Osman Tahirovic ?

18 R. Osman Tahirovic, de quel village ? Si vous parlez de mon village, la

19 communauté locale et les personnes dans cette communauté locale, je peux

20 dire qu'il y a trois Tahirovic. Je ne sais pas s'il s'agit d'un autre

21 Tahirovic qui est venu d'un autre endroit, et qui avait des membres de

22 famille dans la région. Dans ce cas-là, il serait beaucoup plus difficile

23 de savoir qui était cette personne.

24 Q. Le témoin a dit qu'il travaillait dans un café à Mehurici, et qu'il

25 cuisinait, qu'il était le cuisinier des Moudjahiddines à l'école de

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1 Mehurici. Peut-être ceci vous est utile ?

2 R. Non. Je n'étais pas en mesure de voir cela. Vous savez, j'ai été élevé

3 dans un esprit religieux, et je vais rarement dans des cafés, ce genre

4 d'endroits. S'il allait dans une pâtisserie, j'aurais pu les remarquer

5 peut-être.

6 Q. Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui s'appelle Osman Tahirovic ?

7 Est-ce exact ?

8 R. Je connais trois Osman Tahirovic. Maintenant, quant à la question de

9 savoir lequel des trois est cette personne ou si c'est une autre personne

10 encore, je ne sais pas. Est-ce que vous avez une photo de cette personne ?

11 Si vous avez une photo, je vais essayer de me rappeler. Si vous n'avez pas

12 de photo, je ne sais pas comment vous aider.

13 Q. Est-ce que l'un de ces trois Osman Tahirovic faisait partie des

14 Muslimanske Snage en 1993 ? Est-ce que vous le savez ?

15 R. Non, je ne sais même pas qu'il y avait des forces musulmanes

16 Muslimanske Snage en 1992. Je ne sais pas qu'en 1992 il y en avait.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a

19 répondu, mais je souhaitais soulever une objection. Tout d'abord, pour dire

20 que le Procureur devrait établir une base, tout d'abord, si le témoin est

21 au courant de l'existence des forces musulmanes pour pouvoir poser la

22 question suivante; cependant, le témoin a répondu lui-même, et je n'ai plus

23 d'objection.

24 M. NEUNER : [interprétation]

25 Q. Connaissez-vous Ramo Durmic ?

Page 11914

1 R. Non. Je connais le nom, mais je n'ai jamais vu cette personne. J'ai

2 entendu parler de ce nom et ce prénom, soi-disant, c'était quelqu'un qui

3 circulait dans la région. Je n'ai jamais eu l'occasion de le voir, et

4 j'espère que je ne le verrai jamais.

5 Q. Vahid Jasarevic ? Une personne répondant au nom de Vahid Jasarevic ?

6 R. Les Jasarevic sont de Jezerci, si je ne me trompe. Il y a des Jasarevic

7 à Jezerci. J'en connais un qui s'appelle Vahid. Si c'est le même, c'est un

8 homme gros.

9 Q. Je souhaite que l'on parle des incidents qui ont eu lieu à Miletici le

10 24 avril. Vous avez dit que vous étiez au poste de commandement avancé le

11 24 avril, et que vous êtes rentré à Mehurici. A quel moment de la journée

12 êtes-vous retourné à Mehurici ?

13 R. C'était dans la soirée. Je ne sais pas à quelle heure exactement. Mais

14 c'était dans la soirée.

15 Q. Vous avez dit qu'une personne vous a conduit vers Luka. Vous étiez

16 assis dans la voiture avant de rencontrer la colonne de personnes capturées

17 de Miletici. Quel était le nom de cette personne ?

18 R. Tout d'abord, je ne suis pas allé à Luka. J'allais de Mehurici vers

19 Luka. Dans la partie que l'on appelait Celamov Gaj, j'ai rencontré cette

20 colonne. La personne avec laquelle j'étais parti, c'était Semir ou Samir de

21 Fazlic. Il avait une voiture. Il a poursuivi son chemin vers l'endroit où

22 il était. Moi, j'ai attendu environ 15 minutes. Ensuite, je suis retourné

23 vers l'école de Mehurici. A ce moment-là, je ne suis pas allé à Luka.

24 Q. Lorsque vous étiez sur le chemin avec Samir de Fazlic, est-ce qu'une

25 voiture est passée de l'autre direction, est passé à côté de vous ?

Page 11915

1 R. Non, je ne m'en souviens pas.

2 Q. Lorsque vous avez fini par rencontrer la colonne à Celamov Gaj, quelle

3 était la largeur de la rue que vous aviez empruntée ?

4 R. La largeur de la rue, vous savez, ce n'était pas une rue, c'était une

5 route, large d'environ quatre mètres, je dirais. Car c'était une route en

6 macadam à l'époque, mais entre-temps, elle a été asphaltée, et maintenant

7 la route est large de trois mètres à peu près. Puis, des deux côtés, il

8 existe une partie supplémentaire de 55 centimètres des deux côtés.

9 Q. Vous étiez assis à côté du chauffeur sur sa droite lorsque la colonne

10 s'est approchée de vous ?

11 R. Ecoutez, j'ai vu la colonne à une vingtaine de mètres de nous. A ce

12 moment-là, nous sommes sortis de la voiture. La voiture était garée du côté

13 gauche ou droit si on va de haut en bas en face de la maison Ajanovic.

14 Q. Vous étiez à l'extérieur de la voiture, et il faisait déjà nuit, la

15 voiture était garée ?

16 R. Au moment où la colonne passait, j'étais à une distance de deux à trois

17 mètres de cette colonne. Car la colonne allait du côté gauche ou du côté

18 droit si on va du haut vers le bas. Ils sont passés à côté de nous, à

19 gauche de nous.

20 Q. Vous avez dit que les deux premières personnes qui faisaient partie de

21 l'escorte portaient des masques et des fusils automatiques; est-ce exact ?

22 R. Ils avaient des couleurs su0 le visage. A ce moment-là, j'ai remarqué

23 cela chez ces deux personnes. Ceux qui étaient derrière, ils avaient des

24 masques à travers lesquelles on voyait seulement les yeux et une partie du

25 nez.

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1 Q. Au total, combien de personnes y avait-il qui faisaient partie de

2 l'escorte ?

3 R. Je sais que j'ai vu les deux premiers et, derrière, ils étaient deux ou

4 trois. Mais autour, par après, lorsque j'ai souhaité réagir, lorsque j'ai

5 vu que mon père était couvert de sang, j'ai souhaité m'opposer à eux. A ce

6 moment-là, celui qui m'avait conduit, il m'a pris par l'épaule et il a dit

7 : "Non, Suljic, nous allons nous faire tuer." A ce moment-là, j'étais

8 effrayé. Je ne peux pas vous dire exactement combien ils étaient. Mais,

9 j'avais l'impression qu'ils étaient nombreux.

10 Q. Dernière question : est-ce que vous avez l'impression que ces membres

11 de l'escorte étaient exclusivement des étrangers, ou est-ce qu'il y avait

12 des locaux parmi eux aussi ?

13 R. Compte tenu de la manière dont ils communiquaient, ils parlaient tous

14 dans une langue étrangère que je ne connaissais pas.

15 Q. Vous avez dit que vous êtes revenu à l'école de Mehurici. Est-ce que

16 vous êtes revenu à pied, au bout de ces 15 minutes que vous avez passées en

17 attendant ?

18 R. Je ne suis pas arrivé à l'école. En descendant à pied, je suis arrivé

19 jusqu'à la cour de l'école.

20 Q. Vous avez dit qu'au début il n'y avait pas d'Emir du côté des

21 Moudjahiddines. Est-ce que vous savez qui était cet Emir, quel était son

22 nom ? Est-ce que qui que ce soit a mentionné son nom ?

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas s'il

24 y a eu une erreur d'interprétation car, pour autant que je m'en souvienne,

25 le témoin a dit que, lorsqu'il est venu, il n'y avait pas de commandant de

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1 l'Unité du Bataillon de Siprage. Je ne me souviens pas que le témoin ait

2 parlé d'un Emir des Moudjahiddines. Donc nous pourrions, éventuellement,

3 vérifier cela dans le compte rendu d'audience, mais je pense que le témoin

4 n'a pas du tout parlé de cet Emir.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Il me semble, de mémoire, qu'il a parlé d'un Emir.

6 Comme j'ai une bonne mémoire --

7 M. NEUNER : [interprétation] C'est à la page -- je ne l'ai pas vérifié,

8 mais je dirais que c'est à la page 23, ligne 19 -- plutôt 14, à la page 23.

9 Puis-je poser la question, Monsieur le Président ? Souhaitez-vous que je

10 répète la question ?

11 Q. Je souhaitais connaître le nom de l'Emir, si vous le connaissez, l'Emir

12 des Moudjahiddines.

13 R. La personne avec laquelle on avait négocié ? Vous parlez de lui ?

14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Excusez-moi. Nous venons de vérifier la

15 partie de la réponse du témoin. Le témoin disait qu'il y avait des

16 tentatives. Il a dit qu'il a été difficile de se mettre en contact avec cet

17 Emir. Il a dit qu'il ne savait pas qui était cet Emir. Excusez-moi, si je

18 n'avais pas saisi et retenu la réponse de ce témoin.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, poursuivez.

20 M. NEUNER : [interprétation]

21 Q. Je reviens aux négociations. Est-ce que vous pouvez dire, pour le

22 compte rendu d'audience, mis à part M. Ribo, comment s'appelait le

23 commandant du bataillon à Mehurici qui a participé aux négociations ? Juste

24 le nom, s'il vous plaît.

25 R. A l'époque, je n'ai pas eu l'occasion de connaître les membres du

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1 commandement du bataillon appartenant à une autre unité. A l'époque,

2 j'étais l'adjoint du commandant chargé des Renseignements et de la

3 Reconnaissance, et je n'étais pas intéressé par une autre unité. A

4 l'époque, je ne savais même pas qui étaient les membres du commandement de

5 ma brigade. Je n'étais certainement pas intéressé par le commandement d'une

6 autre unité.

7 Q. Après que les personnes capturées ont été libérées cette nuit-là et

8 après qu'elles ont été transférées en bus à Luka, combien de soldats du HVO

9 sont restés à Mehurici, après que les personnes capturées ont été emmenées

10 ailleurs ? Combien de soldats, approximativement, y avait-il à Mehurici ?

11 R. Il n'y avait pas eu de soldats à Mehurici. Il y avait trois, quatre,

12 cinq personnes, peut-être, qui sécurisaient ce bâtiment où se trouvait le

13 commandement de l'unité. Toutes les troupes étaient, soit sur les lignes de

14 défense, soit engagées dans d'autres missions confiées à eux par leur

15 commandement.

16 Q. Pour autant que vous vous en souveniez, pendant que vous étiez à

17 Mehurici, est-ce que qui que ce soit demandait des renforts, en termes de

18 nouvelles troupes qui devaient être déployées à Mehurici ?

19 R. Je ne sais pas. Je n'étais pas le commandant des unités dans la région

20 de la vallée de Bila pour pouvoir être au courant de tout ce qui se passait

21 dans la région.

22 Q. Est-ce que peut-être il était question d'aller à Gornji Miletici afin

23 de chercher les personnes qui sont restées, après que les personnes

24 capturées du camp des Moudjahiddines ont été libérées ? Est-ce qu'il y a eu

25 des discussions visant à faire cela, aller à Miletici et les chercher ?

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1 Qu'est-ce qui s'est passé avec les autres ?

2 R. Je ne sais pas ce qui a été convenu entre les commandants d'autres

3 unités, mais les locaux m'ont dit qu'ils avaient demandé, auprès de ces

4 personnes qui faisaient partie des commandements, de protéger la population

5 tout d'abord, et de protéger, seulement en deuxième lieu, leurs biens. Nous

6 ne savions pas qu'il y avait des gens qui étaient restés à Miletici. Je

7 n'étais pas au courant de cela. Plus tard, lorsque je suis revenu à Luka,

8 j'ai appris que certaines personnes étaient restées à Miletici.

9 Q. Le jour suivant, lorsque M. Merdan est arrivé, est-ce que vous vous

10 souvenez à quel moment de la journée M. Merdan est arrivé ?

11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, les faits dans

12 cette affaire vont certainement donner lieu à ce genre de questions, qui

13 peuvent être posées par le Procureur, mais il ne faut pas poser cette

14 question au témoin car le témoin dit qu'un officer de l'ABiH est venu et

15 qu'il s'est présenté en tant que Dzemal.

16 M. NEUNER : [interprétation] Je vais reformuler ma question. Q. Monsieur,

17 tout à l'heure vous avez mentionné un certain homme qui s'appelait Dzemal.

18 Est-ce que vous connaissez son nom de famille ?

19 R. A l'époque, je ne le sais pas, il ne m'a pas dit quel était son nom de

20 famille, il a simplement été dit qu'il était Dzemal et s'il y avait un

21 autre homme avec l'insigne du HVO. C'était la première fois que j'ai vu

22 l'insigne du HVO et c'était ce qui a été dit, c'était qu'il faisait partie

23 du commandement conjoint et qu'il devait constater sur scène ce qui était

24 arrivé.

25 Q. À quel moment avez-vous rencontré la personne qui s'appelait Dzemal ce

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1 25 avril.

2 R. Je ne me souviens pas de la date, enfin, du temps exactement mais je

3 pense que c'était vers la mi-journée.

4 Q. À ce moment-là, vous avez commencé puisque cette personne vous a dit de

5 monter la garde à Gornji Miletiti, vous avez commencé à monter la garde.

6 Quand avez-vous commencé, est-ce que vous avez commencé ce même jour, ou

7 est-ce que vous avez commencé à monter la garde le lendemain ?

8 R. Non, vous savez, je n'avais reçu aucune approbation de qui que ce soit

9 pour sécuriser ce village; cependant, c'est une unité qui était sur place,

10 suite à l'ordre que j'ai donné moi-même, cette unité, ce groupe de

11 personnes qui étaient stationnées à l'école fournissaient une assistance à

12 ces personnes qui étaient venues dans la région de Luka.

13 Q. Pourquoi ?

14 R. Parce que nous nous attendions à ce que ces mêmes personnes reviennent

15 de nouveau. Bien sur, les citoyens et cette quinzaine de soldats, ils se

16 sont mis au service afin d'aider cette population qui était venue du camp

17 des Moudjahiddines. Après que Dzemal est arrivé, il m'a confié la tâche

18 d'établir ce point de contrôle pour empêcher toute entrée dans le village

19 et, bien sur, il a confié la tâche de mettre à la disposition suffisamment

20 d'hommes pour essayer de sécuriser ce village dans la mesure du possible.

21 Mais il n'était pas possible de le faire avec 15 personnes car il

22 s'agissait d'un village vraiment grand, donc 15 personnes pouvaient

23 sécuriser 200 mètres, pas plus.

24 Q. Afin de préciser cela, vous avez commencé à monter la garde le 25 avril

25 1993.

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1 R. J'ai commencé avec les gardes au moment où j'ai reçu l'ordre oral de la

2 part de Dzemal. A partir de ce moment-là, j'ai confié des missions, j'ai

3 placé des hommes pour sécuriser la population, le poste de contrôle et la

4 partie du village que l'on a pu couvrir.

5 Q. À peu près jusqu'à quel moment avez-vous surveillé ces tours de garde

6 ou avez-vous exécuté des tours de garde ? Jusqu'à quel moment ?

7 R. On ne peut pas parler de cela à titre approximatif. On a reçu pour

8 mission de le faire pendant cette période là et, bien sur, jusqu'à ce que

9 les transporteurs n'arrivent pour emporter les corps, pour emporter les

10 corps de la localité de Miletici, bien sur, après le départ de ces gens, de

11 ces habitants de Miletici, après leur départ à Mehurici, après leur sortie

12 de ce territoire, nous avons sécurisé le lieu après. Il est resté un

13 certain nombre de personnes, le ministère -- ou plutôt la police civile, le

14 ministère de l'Intérieur, s'est chargé de, et nous, on est revenu à nos

15 occupations et à nos tâches. On s'est concentré sur les positions le long

16 de les rivières Jesenica et Studenjacija, le long des lignes de défense.

17 Q. Pendant que vous-même et vos hommes avez assuré la garde, avez monté la

18 garde dans ce village de Miletici, est-ce qu'il y a eu des enquêtes qui

19 auraient été menées par d'autres personnes, par une unité de l'ABiH à

20 Gornji Miletici ?

21 R. Des enquêtes, je n'étais pas placé à un poste qui m'aurait permis de

22 savoir tout cela, un soldat ne sait que très peu de choses sur le terrain.

23 Les hommes qui ont, qui avaient à leur charge ces secteurs d'activité et

24 ses organes peuvent le savoir.

25 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres membres de l'ABiH haut placés qui

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1 seraient entrés dans le village de Miletici pendant la période où vous

2 montiez la garde avec vos hommes ? Est-ce qu'il y a eu qui que ce soit qui

3 serait entré dans le village, mis à part les habitants.R. Ce que je sais,

4 c'est qu'il n'y en a pas eu. Si ce Djemal, et il est entré ensemble avec

5 nous, si c'est à cela que vous pensez, donc ce soldat, oui. Mais, aussi, il

6 y a eu une partie de la

7 314e Unité, donc là où je me trouvais moi aussi, donc ils sont entrés, pour

8 les autres, je ne sais qu'ils y soient entrés.

9 Q. Excusez-moi, je vais reformuler ma question. Dzemal, qui est venu le 25

10 avril, vous a-t-il demandé à vous ou en votre présence, a-t-il demandé à

11 qui que ce soit d'autre, des choses sur les Moudjahiddines, si les

12 Moudjahiddines avaient quelque chose dans le village, est-ce qu'il a

13 mentionné les Moudjahiddines ?

14 R. A moi, il n'a pas mentionné ces Moudjahiddines, donc, je ne sais pas.

15 Q. Vous a-t-il demandé quoi que ce soit au sujet de ce vous saviez puisque

16 vous vous trouviez sur le terrain, si vous saviez quelque chose au sujet de

17 l'incident, vous-même ?

18 R. Non, il ne me l'a pas demandé, la seule chose qu'il m'a demandé,

19 c'était qu'en tant que commandant de l'unité je me rende sur place avec lui

20 et que ces hommes qui étaient là, la partie de ce groupe, donc ces hommes,

21 qu'on s'y rende ensemble et qu'on constate ce qu'il s'était passé.

22 Q. Monsieur, vous avez déclaré que la 7e Brigade musulmane de Montagne

23 n'était pas déployée, si j'ai bien compris, dans la zone de la vallée de la

24 Bila; est-ce exact ?

25 R. Oui.

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1 Q. Vous avez également dit dans votre déposition, il me semble que c'est

2 page 34, ligne 17 ou 24, que des membres de la 7e Brigade musulmane de

3 Montagne n'ont jamais porté d'insigne qui pourrait vous permettre de les

4 mettre en relation avec l'armée. Pouvez-vous nous expliquer cela ?

5 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois

6 que de la manière dont mon collègue l'a présenté, ce n'était pas ce que le

7 témoin a dit. Le témoin a dit qu'il n'a pas remarqué d'insigne, que qui que

8 ce soit ait porté d'insigne. Il n'a pas dit que des membres de brigades

9 n'ont jamais porté d'insigne.

10 M. NEUNER : [interprétation] Si je peux --

11 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Page 21. Page 34, ligne 21.

12 M. NEUNER : [interprétation] Si je puis en donner lecture pour le compte

13 rendu d'audience. La question a été la suivante : "Je me réfère à cet

14 événement particulier ou spécifique. Lorsque vous avez rencontré cette

15 colonne, est-ce que vous avez remarqué qu'il y ait eu la présence des

16 membres de la 7e Brigade ?" La réponse : "Non. Je ne sais pas qu'ils aient

17 jamais été là. Ils avaient des insignes. Ces personnes ne portaient aucun

18 insigne qui les auraient mis en relation avec l'armée."

19 Q. Maintenant que je l'ai relu, je comprend que vous vous êtes référé

20 plutôt aux personnes qui escortaient la colonne, est-ce exact, pendant que

21 vous disiez cela ? Juste pour qu'on précise cela pour le compte rendu

22 d'audience.

23 R. Lorsqu'on voit son père qui a été frappé, lorsqu'on voit qu'il a du

24 sang, comment pourrai-je distinguer des insignes ? Est-ce qu'ils ont des

25 insignes ou pas d'insignes ? A ce moment-là, je ne voyais rien. Je n'ai vu

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1 aucun insigne.

2 Q. J'ai une dernière question : je passe à autre chose. Vous avez dit que

3 vous étiez membre de la 314e Brigade en 1993, et vous avez dit que le 11

4 mai 1993, vous étiez assistant du commandant chargé du renseignement si je

5 ne me trompe pas. En 1993, n'avez-vous jamais été membre d'une autre unité

6 que la 314e Brigade motorisée ?

7 R. Non.

8 M. NEUNER : [interprétation] Je vous remercie. Le Procureur n'a plus de

9 questions.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense pour les questions supplémentaires

11 éventuelles ?

12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je n'ai pas

13 d'autres questions.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats ?

15 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous

16 n'avons pas de questions supplémentaires.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai quelques questions à vous poser.

18 Questions de la Cour :

19 M. LE JUGE ANTONETTI : On va revenir sur l'épisode concernant votre père

20 dont le prénom est bien Akif. C'est bien cela ?

21 R. Oui, c'est cela.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Qui est Dedo Suljic ?

23 R. Dedo Suljic, c'est mon oncle. C'est le frère de mon père.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dans la colonne, vous avez dit qu'il y avait

25 votre père. Est-ce qu'il y avait également son frère, Dedo ?

Page 11925

1 R. Oui.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était aux environs de quelle heure ? Vous avez dit

3 fin d'après-midi. Est-ce que vous pouvez préciser l'heure à laquelle vous

4 avez croisé la colonne ? Dans votre souvenir.

5 R. Je ne sais pas exactement à quelle heure, mais ce que je sais, c'est

6 que, comment dirais-je, chez nous en Bosnie, c'était avant Aksham [phon].

7 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est avant quelle heure ?

8 R. Il faudrait voir à quelle heure était Aksham, la prière du soir. On

9 pourrait savoir à peu près à quelle c'était.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que voyant votre père dans la colonne, est-ce

11 qu'il avait les mains attachées ? Est-ce que vous vous êtes rendu compte de

12 ce détail ou pas ?

13 R. Oui, ces mains étaient ligotées ainsi que les mains de mon oncle Dedo.

14 Seul Haso était libre parce qu'il avait un objet dans sa main. Il avait un

15 bâton parce qu'il marchait à l'aide d'un bâton.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre père avec qui vous avez dû parler de cet

17 épisode, est-ce qu'il vous a expliqué pourquoi finalement il avait été

18 amené avec les autres dans cette colonne ?

19 R. Ce que j'ai essayé, j'ai essayé d'entrer en contact avec mon père. J'ai

20 essayé d'obtenir, comment dire, quelque chose, une information au sujet de

21 ce qui s'est passé, mais mon père n'a pas voulu en parler. Il m'a dit

22 simplement : "Mon cher enfant, un mal a été fait." C'est tout ce qu'il

23 s'est contenté de dire.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que votre oncle Dedo connaissait un

25 Moudjahiddine ?

Page 11926

1 R. Cela, je ne le sais pas. Il faudra que vous lui demandiez à lui. Moi,

2 j'ai passé très peu de temps à Miletici pendant cette période-là.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Que pensez-vous du témoignage de quelqu'un qui était

4 présent, et qui a relaté ce qui s'était passé en indiquant qu'on leur avait

5 dit que des Moudjahiddines allaient arriver et que cela se passerait bien ?

6 Puis, que par la suite, on leur a demandé, et que d'après un témoin, votre

7 père et Dedo auraient dit que ces Moudjahiddines allaient voir leurs

8 petites amies. Puis, il semblerait qu'il s'est passé un événement, car à ce

9 moment-là, il y a eu des tirs, et on a demandé à tous les villageois de se

10 rassembler sur la place du village. Est-ce que votre père vous a raconté

11 cet épisode ou pas ?

12 R. Je vous ai déjà dit ce que mon père m'a dit. Ecoutez, il n'a jamais

13 voulu parler de ces choses-là. Mon opinion et la raison en est qu'il a été

14 frappé par l'un de ces membres, de ces hommes masqués, à la tempe. Il porte

15 encore des séquelles de cela. Certainement qu'il pensait que s'il me disait

16 qu'ils l'avaient frappé, si c'était l'un des ces Moudjahiddines, que

17 j'allais causer des problèmes. C'est ce que je pense, c'est la raison pour

18 laquelle il n'a jamais voulu en parler de ces choses-là.

19 Ensuite, au sujet des déclarations données par les uns et les autres, vous

20 pouvez me dire, vous pouvez me garantir que je serai en sécurité ici, et

21 que je pourrai retourner chez moi en toute sécurité. Mais un événement, un

22 accident peut se produire pendant le voyage, et on ne peut jamais savoir.

23 On ne peut jamais prévoir ce qui se passera ou ne se passera, on ne sait

24 pas.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse, elle a deux volets. Le premier volet,

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1 vous nous dites que votre père n'a plus jamais évoqué avec vous ce qui

2 s'était déroulé ce jour-là ?

3 R. Mon père n'en a pas parlé. Il n'en a pas parlé, c'est ce que je vous

4 dis. Mais ce qu'il m'a dit, je vous l'ai raconté. Il m'a dit qu'un mal

5 s'est produit : "Mon cher enfant, un mal a été fait, s'est produit."

6 Excusez-moi, comme nous étions à côté, on dira que ce sont des voisins qui

7 l'ont fait. Donc, dans ce sens-là, c'est ce qu'on va dire. C'est comme cela

8 que je me le suis interprété.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la seconde partie de votre réponse, vous avez

10 dit qu'un accident peut arriver. Est-ce qu'on doit comprendre que vous avez

11 peur de témoigner ?

12 R. Non, non. Pourquoi aurais-je peur ? Je suis venu ici pour dire ce que

13 j'ai vu et pour dire la vérité. Ce que quelqu'un d'autre à raconté, cela,

14 je ne peux pas le confirmer parce que je n'étais pas sur place, là où se

15 trouvait quelqu'un d'autre. Ce que je sais, cela je peux le dire.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais passer à un autre sujet. L'école de

17 Zagradje, si j'ai bien compris, votre unité était placée dans cette école-

18 là.

19 R. Le commandement était placé là et une partie de l'unité était là. Donc,

20 un peloton d'intervention. Le reste était déployé sur la ligne de défense

21 face aux Serbes.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation vous a posé une question tout à l'heure

23 sur M. Ribo qui, à la page 11090, avait fait état de la présence des

24 Moudjahiddines à l'école de Zagradje. Vous avez dit que vous n'en aviez

25 jamais vu. Il y a également aussi un autre témoignage, au transcript 2068,

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1 qui semblerait indiquer également qu'il y avait des Moudjahiddines. Je vous

2 pose la question : est-ce que, dans cette école de Zagradje, il y a eu, à

3 un moment donné, des Moudjahiddines qui sont venus, qui y ont peut-être

4 habité, qui ont eu des bureaux, ou vous affirmez que, vous, vous n'en avez

5 jamais vu ?

6 R. »Pour ce qui est de la période où, j'ai été commandant d'une unité, et

7 plus précisément commandant de la compagnie, certes il est arrivé qu'ils

8 arrivent, dans cette enceinte de l'école, avec Toyota blanche. Cela, je

9 l'ai vu. Mais après que j'ai été blessé, le 8 juin 1993, et ce jusqu'à la

10 fin de 1993, je n'ai pas eu de contact, ni avec l'unité, ni avec le

11 commandant du bataillon, parce que j'étais à l'hôpital de Zenica pendant

12 cette période-là, pendant qu'il y en a eu qui que soient venus ou qui

13 étaient là. Cela, je ne le sais pas parce que je ne les ai pas vus. Peut-

14 être que vous avez eu des témoins qui les ont vus donc, ils vous ont dit

15 qu'ils les ont vus.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'un jour, ils sont arrivés avec une

17 Toyota blanche dans la cour de l'école. Qu'est-ce qu'ils sont venus faire

18 dans l'école ?

19 R. Je ne le sais pas. Ils ont tourné la Toyota blanche, ils ont fait une

20 tour autour de l'école -- enfin, ils ont fait demi-tour derrière l'école et

21 ils ont rebroussé chemin. Devant l'école, il y a - comment dirais-je -

22 c'est cimenté, une partie, et c'est là qu'on s'asseyait sur un muret,

23 certains fumaient, d'autres parlaient, on se parlait, et c'est là qu'ils

24 ont tourné le véhicule, et j'ai vu la voiture.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand ils étaient dans la Toyota blanche, ils

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1 étaient armés ou pas, ces Moudjahiddines ?

2 R. Non, je n'ai pas eu l'occasion de voir s'ils étaient armés ou pas. Ce

3 que j'ai vu c'est qu'il y en avait un qui était au volet de la Toyota. J'ai

4 vu un homme.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Il était seul ou il y en avait d'autres ? Vous en

6 avez vu un, mais --

7 R. Je n'en ai vu qu'un, un seul.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Un autre sujet : l'Accusation - et vous l'avez dit

9 spontanément - vous avait indiqué qu'un dénommé Kadric Avdija, dont vous ne

10 précisez pas l'âge, est allé s'entraîner avec les Moudjahiddines. Ce Kadric

11 Avdija, vous l'avez revu dans les années après 1993 ou il a disparu

12 totalement, ou il est encore dans la région ?

13 R. Kadric Avdija, c'était quelqu'un - comment dirais-je - qui était

14 audacieux, qui était très courageux, un bon combattant. Il était difficile

15 de le contrôler. Comment dirais-je ? Il avait une sorte de -- une autre

16 approche, une autre attitude à l'égard du combat que les autres membres des

17 unités. Là, pour le moment, il n'est pas là dans cette région car, en 1994,

18 cela fait longtemps, il est tombé à Meokrnje, il est mort, avec d'autres

19 combattants qui sont allés mener cette mission.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites qu'il a été tué lors d'un combat en

21 1994 ?

22 R. Je ne sais pas quelle est l'année précise, mais c'était l'opération

23 Meokrnje.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans une unité régulière, combattante, quand il a

25 été tué ?

Page 11930

1 R. Oui.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Laquelle ?

3 R. Je crois que c'était la 306e de l'époque.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites qu'en 1993 -- 1994, excusez-moi, il

5 a été tué dans un combat alors même qu'il appartenait à la 306e.

6 R. Je ne sais pas si c'est bien cette année-là, mais je sais qu'il était,

7 à l'époque, membre de cette unité et qu'il est tombé -- qu'il a été tué

8 pendant qu'il menait à bien une mission de combat.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous avez dit que vous aviez fait l'école des

10 officiers de réserve dans l'ex-JNA et que vous avez terminé avec le grade

11 de capitaine. Vous avez un certain niveau militaire. A votre connaissance,

12 est-ce que, dans les années 1992, 1993, les hommes âgés de 18 ans et plus,

13 en raison de la proclamation de l'état de guerre, devaient-ils être

14 incorporés dans l'ABiH ?

15 R. Tout d'abord, je ne suis pas sorti de l'armée populaire yougoslave avec

16 un grade de capitaine. Pour être capitaine, il fallait aller à l'école

17 pendant quatre à six ans. Deuxième point, je suis parti faire mon service

18 militaire en tant que soldat. Je suis sorti de l'école des officiers de

19 réserves de l'infanterie. Quand on sort de cette école, on ne peut être que

20 caporal brigadier, ou avoir, sous son commandement, une dizaine d'hommes,

21 un peloton. A la sortie de Bileca, vers Pancevo et Sombor, j'ai eu le grade

22 de caporal brigadier.

23 Pour ce qui est du grade de capitaine, je l'ai eu pendant la guerre,

24 la guerre de 1992 à 1996. Plus précisément, je l'ai eu en 1994 parce qu'il

25 y a eu promotion du reste des officiers commandants de l'ABiH et, pendant

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1 ces promotions, moi aussi, j'ai eu le grade de capitaine de l'ABiH. Pour ce

2 qui est des jeunes, ce n'était pas une obligation. On ne pouvait forcer

3 personne. Il y a des personnes qui n'étaient pas majeures, on ne pouvait

4 pas les forcer dans les rangs de l'ABiH. On ne pouvait pas non plus forcer

5 les gens qui n'étaient pas aptes au combat, qui étaient âgés, et ainsi de

6 suite. Donc, on savait, très précisément, concrètement - comment dirais-je

7 - de la part de la présidence. Il y avait une décision qui précisait quelle

8 était la tranche d'âge dans laquelle on pouvait mobiliser les citoyens dans

9 les rangs d'armée.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Si on comprends bien, d'après ce que vous nous

11 dites, les jeunes de 18 ans et plus n'avaient pas l'obligation d'être

12 incorporés dans l'armée.

13 R. Non, ils n'étaient pas obligés, ceux qui étaient qui étaient plus

14 jeunes que l'âge de 18 ans.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais 18 ans et plus, là, ils étaient obligés d'être

16 dans l'armée.

17 R. Oui. Eux, oui, car c'était la décision de la présidence. On a proclamé

18 l'état de guerre, et l'obligation de chacun des citoyens de cet Etat était

19 de se mettre au service de la défense de son peuple et de son pays.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Une dernière question avant la pause. Vous avez

21 répondu, tout à l'heure, à une question de l'Accusation sur le fait que

22 vous aviez gardé le village de Miletici et vous étiez présent à Miletici.

23 L'Accusation vous a demandé, mais y avait-il d'autres personnes

24 responsables ? Ce que je voudrais savoir : quand vous assuriez la garde de

25 Miletici, est-ce qu'il y avait, au-dessus de vous, sur place, des gens qui

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1 avaient un grade plus élevé ? Ou étiez-vous le seul militaire d'autorité

2 assurant la sécurité de Miletici ?

3 R. Pendant cette période-là, il n'y avait pas de grade dans l'armée de la

4 République de Bosnie-Herzégovine. Il y avait des insignes. Comment dirais-

5 je ? Il y avait des insignes bleus et jaunes. Jaune signifiait que c'était

6 une personne qui commande. Le bleu, c'était pour - comment dirais-je - les

7 individus qui n'avaient pas le droit de donner des ordres.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aviez quelle couleur, vous ?

9 R. J'avais la couleur jaune.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Est-ce qu'à Miletici, il y en avait plusieurs

11 qui avaient la couleur jaune ? Ou, vous, vous étiez le seul à avoir la

12 couleur jaune ?

13 R. Il y avait les commandants des pelotons sur les lignes, et aussi, il y

14 en avait un qui était à l'école, à Luka. Le commandant du peloton, il avait

15 aussi du jaune, mais une ligne plus fine.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Le commandant du peloton qui était à l'école, est-ce

17 qu'il y avait un peloton de police militaire ou pas ?

18 R. Où ? A l'école à Zagradje ou --

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

20 R. A Zagradje, à l'école, je ne me souviens pas qu'il y ait jamais eu la

21 police.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous étiez à Miletici, s'il s'était passé un

23 événement, un crime ou un délit, qui aurait fait l'enquête ?

24 R. Je ne sais pas qui aurait été compétent pour cela. Le ministère des

25 Affaires intérieures, je suppose, et les autres, les gens qui sont

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1 compétents pour cela.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Imaginons la situation où les soldats qui dépendent

3 de vous se mettent à se battre et à s'occasionner des blessures mutuelles.

4 Il faut faire une enquête. Qui déciderait, dans cette hypothèse, la

5 conduite de cette enquête ? Qui ?

6 R. Compte tenu du fait que cela ne s'est jamais présenté, jamais mes

7 combattants ne se sont battus entre eux, je ne donc même pas imaginer que

8 ceci ait pu se produire. Bien sûr, s'il s'agit d'un soldat, l'enquête est

9 certainement menée par un organe militaire qui est compétent pour cela. Je

10 ne sais pas, organe chargé de la Sécurité, mais, s'il s'agit de civils,

11 l'enquête serait certainement entre les mains de la police civile.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vous remercie. Il est midi 30. Nous

13 allons faire la pause et nous reprendrons à 1 heure moins 5.

14 --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.

15 --- L'audience est reprise à 13 heures 02.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Les Juges ont encore

17 quelques questions à poser.

18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. J'ai

19 quelques brèves questions à vous poser sur les événements qui ont eu lieu à

20 Miletici en avril 1993.

21 D'après ce que j'ai compris, vous êtes né, vous avez vécu votre enfance à

22 Miletici proprement dit.

23 R. Je suis né à Zagradje le 25 avril 1970, à Zagradje. En 1972, ma famille

24 a acheté du terrain, et est allée à Donji Miletici. J'étais très jeune

25 lorsque nous sommes arrivés à Miletici. Toutefois, je suis né à Zagradje.

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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Ceci était à Donji Miletici. Vous avez

2 dit, oui. C'était la partie musulmane du village, et vous êtes allé à

3 Gornji Miletici qui était donc la partie croate; c'est bien cela ?

4 R. Oui, à Donji Miletici, avant qu'on achète ce terrain dont j'ai parlé,

5 il y avait des Croates qui y vivaient. Nous avons acheté leur terrain, et

6 une fois qu'ils l'ont eu vendu, ils sont allés à Nova Bila ou Stara Bila

7 dans ce secteur-là.

8 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si vous allez de Mehurici à Miletici ou

9 si vous allez de Luka à Miletici en venant de Zagradje, vous passez d'abord

10 par Gornji Miletici, et puis vous arrivez -- enfin, vous passez d'abord par

11 Donji Miletici, et ensuite vous arrivez à Gornji Miletici; ou est-ce que

12 c'est le contraire ?

13 R. Si vous allez de Miletici à Mehurici, il y a environ deux ou trois

14 kilomètres. On suit la route qui suit la rivière Jesenica. Lorsqu'on

15 atteint Luka, il y a une route pour Miletici. A droite, il y a la route qui

16 conduit à Miletici, et à gauche, il y a la route qui conduit à Luka ou plus

17 exactement au pont, et ensuite à Zagradje. A droite, vous avez la route qui

18 conduit à Miletici. Vous parvenez à Donji Miletici comme vous l'avez dit.

19 C'est là que nous nous trouvions. C'est là que nous vivions. Ensuite, il y

20 a un virage, et la route conduit à Gornji Miletici.

21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si vous voulez aller à Miletici depuis

22 Mehurici, il faut que vous passiez par Luka, pratiquement, il faut passer

23 près de Luka; est-ce exact ?

24 R. Si vous êtes en voiture, il faut que vous passiez par Luka. Si vous

25 allez à pied, il y a plusieurs itinéraires possibles, par exemple, de

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1 Mehurici qui peuvent être empruntés, du carrefour pour Fazlici et Jezerci,

2 et il y a ce carrefour là où il y a un sentier de village que les gens du

3 cru utilisent pour descendre de Gornji et Donji Miletici pour revenir à

4 Mehurici. On peut également quitter Donji Miletici et descendre jusqu'à la

5 route, jusqu'à Jesenica. Il y a un certain nombre de sentiers ou de chemins

6 de village. Si vous prenez une voiture, alors la seule façon possible pour

7 y parvenir, c'est via Luka et Donji Miletici lorsque vous attendez Gornji

8 Miletici.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Si je comprends ce que vous avez dit,

10 il faut qu'on ait pris la route principale. C'est bien cela ? Parce qu'on

11 rejoint la route principale ?

12 R. Oui, ils ont utilisé la route principale, c'est vrai. Je les ai vus,

13 c'est sur la route principale à Mehurici - comment devrais-je dire - de

14 Mehurici à Zagradje et en dessous du virage, l'endroit où je les ai

15 rencontrés. Il y a la route qui conduit à Fazlici et à Jezerci, c'est la

16 route principale qui conduit à Mehurici, c'est ce secteur.

17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] S'ils avaient pris la route principale,

18 Miletici, ils seraient passé devant la maison de votre oncle et de votre

19 père avant d'arriver aux maison des Croates, n'est-ce pas ?

20 R. Mais vous parlez de qui, des Moudjahiddines ?

21 Q. Le groupe que vous avez rencontré, qui était en route vers Mehurici.

22 S'ils étaient allés à Miletici pour emmener ces gens, ils seraient passés

23 devant la maison de votre oncle, de votre père avant d'arriver à la partie

24 croate, je suppose, n'est-ce le cas ?

25 R. Je ne sais pas, l'itinéraire que suivaient les Moudjahiddines par

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1 lequel ils entraient dans le village, mais la colonne se déplaçait en

2 direction de Gornji Miletici, ils passaient par Donji Miletici et ils passé

3 par ce virage qui conduit à Fazlici et à ce virage, il y a une route, une

4 sorte de sentier vers Fazlici et ensuite il y a Celamov Gaj et ils ont

5 emprunté cette route vers Celamov Gaj pour parvenir à la route principale

6 en dessous du tunnel. J'ai pu les voir là sur cette route principale, ils

7 n'ont pas fait de détour via Luka. Ce n'est pas l'itinéraire qu'ils ont

8 emprunté pour escorter ces gens de Miletici.

9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie. Puisque vous viviez à

10 Donji Miletici pendant longtemps, je voudrais vous demander, est-ce que

11 vous connaissez une famille du nom de Kasimov à Donji Miletici.

12 R. Kasimovic, je ne connais pas ce nom, ce nom de famille; il n'y avait

13 personne derrière ce nom de famille à Miletici. A Donji Miletici, après que

14 les Croates soient partis, lorsque nous avons acheté le terrain dans les

15 années 70, seulement quatre frères qui vivaient là, leur nom était Suljic.

16 Donc, il n'y avait personne du nom de Kasumovic, je crois que vous avez

17 dit.

18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous posais simplement la question

19 parce que j'ai rencontré, sinon, dans un document, et vous dites qu'il n'y

20 a eu aucun, aucune famille portant un tel nom, pas de Dedo Kasimov non

21 plus ?

22 R. Non, pas dans ce village.

23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie. Peut-être savez-vous,

24 je n'en suis pas sûr, je ne sais pas ce que vous savez et ce que vous ne

25 savez pas mais ce qui m'intéresserait de savoir, c'est pourquoi les

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1 Moudjahiddines sont allés à Miletici pour commencer ? Quel était leur

2 objectif en allant à Miletici ? Est-ce que vous auriez une explication pour

3 le fait qu'ils soient allés à ce village ?

4 R. Non, je n'ai jamais entendu d'explication de cela et donc, je ne peux

5 rien dire à ce sujet parce que je ne sais pas. Je peux seulement vous

6 parler de ce que j'ai vu, quand est-ce que j'ai entendu ce que d'autres

7 personnes ont pu dire, je ne peux pas considérer que des renseignements de

8 ce genre soient crédibles, tout ce que je peux vous dire, c'est ce que j'ai

9 personnellement.

10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Évidemment, vous ne savez pas ce que

11 vous ne savez pas, vous ne pouvez pas le savoir.

12 Ma dernière question a trait à votre rencontre de la colonne de ces

13 Moudjahiddines armés, et de ses prisonniers parmi lesquels il y avait votre

14 père, est-ce qu'il faisait encore jour lorsque vous les avez rencontrés, ou

15 est-ce que le soir commençait à tomber, est-ce que la nuit commençait à

16 tomber, est-ce que vous avez un souvenir de cela ?

17 R. Dans l'ensemble, on voyait clair. J'ai reconnu mon père, j'ai

18 reconnu des voisins, ces voisins dans la colonne.

19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez dit que les

20 Moudjahiddines qui se trouvaient en tête du groupe avaient des couleurs sur

21 le visage et par la suite, à la fin du groupe, vous avez dit qu'il y avait

22 des Moudjahiddines qui portant des masques. Entre les deux, il y avait donc

23 les prisonniers, pour ainsi dire.

24 Est-ce que vous avez également observé comment ils étaient vêtus,

25 est-ce que vous vous rappelez quels vêtements ils portaient ?

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1 R. Est-ce que vous voulez parler des civils ou des hommes qui étaient

2 masqués ?

3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je ne veux pas parler des

4 prisonniers, je veux parler de ceux qui les escortaient.

5 R. Voyez-vous, ils portaient des uniformes de camouflage.

6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez dit que vous n'aviez

7 pas pu distinguer des insignes sur leurs uniformes, donc, vous ne pourriez

8 pas dire de quel type de soldats il s'agissait à cet égard. Est-ce que vous

9 les avez vus les porter, est-ce que vous avez vu certains porter un bandeau

10 sur le bras ou non ?

11 R. Non, je ne les ai pas vue porter de bandeau, il n'y avait pas de

12 bandeau au bras, la seule chose que j'ai remarquée c'est une sorte de ruban

13 vert qu'ils portaient sur leur coiffure et je ne sais pas si cela avait un

14 sens particulier.

15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Quand vous parlez des coiffures,

16 est-ce que cela veut dire les masques ou est-ce quelque chose d'autre ?

17 R. Oui, je veux parler de ces espèces de passe-montagnes qu'ils

18 portaient et qui avaient donc une ouverture pour les yeux et la bouche et

19 c'est là qu'il y avait une sorte de ruban sur ces masques.

20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] L'un des témoins a dit,

21 maintenant que vous parlez de passe-montagnes, qu'ils portaient des masques

22 de nylon, est-ce que vous avez vu cela aussi ?

23 R. Non.

24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je crois que vous avez dit ce

25 matin qu'il y avait quatre ou cinq Moudjahiddines ou quatre ou cinq

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1 personnes d'escorte, guère plus; est-ce que c'est exact ?

2 R. J'en ai vu deux à l'avant et deux ou trois à l'arrière. Je n'ai

3 pas pu voir combien il y en avait d'autres, combien d'autres hommes il y

4 avait, mais des deux côtés, il y avait des hommes qui assuraient l'escorte

5 ou sur la sécurité qui escortaient les gens jusqu'à l'endroit où ils

6 voulaient les emmener.

7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous dites que votre père ne

8 voulait pas parler de ces événements avec vous parce qu'apparemment, c'est

9 trop douloureux pour lui. Est-ce que vous en avez parlé avec oncle Dedo

10 avec d'autres membres de votre famille, dont j'ai oublié le prénom, mais

11 l'oncle, votre oncle ? Est-ce que vous avez raconté ? Est-ce que vous avez

12 parlé des événements avec d'autres membres de votre famille qui étaient

13 présents ?

14 R. Je ne saurais dire. C'est un sujet dont on a parlé, mais je n'étais pas

15 particulièrement intéressé, donc je n'ai pas éprouvé le besoin d'écouter ce

16 que cet homme avait à dire.

17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie beaucoup de vos

18 réponses.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

20 M. NEUNER : [interprétation] J'ai une seule question à poser.

21 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Neuner :

22 Q. [interprétation] Vous avez répondu, à M. le Juge Swart, que, si on

23 allait en voiture de Miletici à Mehurici, on devrait emprunter la route

24 suivant la rivière Jasenica. Vous vous trouviez sur cette route lorsque

25 vous avez rencontré la colonne. Des témoins ont dit, dans leur déposition

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1 devant cette Chambre, qu'une femme croate de Miletici avait été blessée au

2 cours de l'incident du 24 avril 1993 à Gornji Miletici, et donc elle ne

3 pouvait pas marcher. Par conséquent, il a fallu l'amener en voiture à

4 Miletici. Vous avez dit, avant cela -- avant que vous ne rencontriez la

5 colonne ou que vous avez vu les prisonniers en marche de Gornji Miletici,

6 vous n'avez pas vu de voitures. Mais une fois que vous êtes resté là et que

7 vous êtes reparti vers Mehurici, est-ce qu'une voiture serait partie par

8 là ?

9 R. Je ne me souviens pas de voiture. Mais j'ai entendu dire que cette

10 femme qui a été blessée, qu'elle a été transportée à Mehurici. Quant à

11 savoir comment elle a été transportée, en quoi, vraiment, je ne l'ai pas

12 vu.

13 Q. Sur la route que vous avez empruntée pour aller à Donji Miletici,

14 c'était dans la soirée, il faisait déjà nuit, il n'y a pas eu de voiture

15 qui est venue de la direction opposée, ni avant votre rencontre avec la

16 colonne, ni après ?

17 R. Je n'ai pas vu de véhicule. Je ne me souviens pas de cela. Peut-être

18 qu'il y en a eu, mais je ne me souviens pas avoir vu une quelconque

19 véhicule dans cette partie où j'étais, entre Celamov Gaj et Mehurici ou

20 Mehurici et Celamov Gaj. Par la suite, lorsque je me suis descendu à

21 Mehurici, il y a eu une véhicule, bien sûr. Mais quant à la question de

22 savoir de quel type de voiture il s'agissait et qui la conduisait, cela ne

23 m'intéressait pas. Ce qui m'intéressait était de savoir où on avait emmené

24 mon père.

25 Q. La seule autre route qui existait, mise à part celle que vous avez

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1 empruntée, était un chemin pour les piétons qui était de l'autre côté de la

2 rivière, et peut-être une voiture a pu l'emprunter ?

3 R. Il n'y a pas d'autres routes de l'autre côté de la rivière. Il n'y a

4 qu'une seule route qui est du même côté de la rivière. Il s'agit de la

5 route qui mène de Mehurici et qui se trouve à droite de la rivière, le long

6 de la rivière en allant de Mehurici, donc cela, c'est la route qui

7 permettait d'arriver jusqu'à Miletici. Quant aux chemins que les citoyens -

8 - que les habitants utilisaient pour descendre à Miletici, là, il

9 s'agissait des chemins utilisés seulement par des personnes qui allaient à

10 pied, ou éventuellement, à cheval. Parce qu'à l'époque, on transport la

11 farine, l'huile, le sucre, en cheval.

12 Q. Merci.

13 M. NEUNER : [interprétation] Le Procureur n'a plus de questions pour ce

14 témoin.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense.

16 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :

18 Q. [interprétation] Monsieur Suljic, quelle a été la distance entre

19 l'endroit auquel vous avez rencontré la colonne et Mehurici ?

20 R. Depuis Mehurici, si on part du pont, et quand on va jusqu'à cet

21 endroit, il s'agissait peut-être de 400 à 500 mètres, à mon avis.

22 Q. Combien de temps -- de combien de temps avez-vous besoin pour y arriver

23 en voiture de Mehurici ?

24 R. Jusqu'à cet endroit ? Deux minutes.

25 Q. Suite aux questions des Juges, le Procureur vous a demandé si vous avez

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1 vu une voiture. Dites-moi : est-ce que vous n'avez pas vu de voiture, donc

2 à partir du moment où vous êtes parti de Mehurici, jusqu'au moment de votre

3 retour à Mehurici ? Il s'agit de combien de temps à peu près ?

4 R. En partant du pont et si on compte tout, il s'agissait d'une vingtaine

5 de minutes.

6 Q. Vous ne savez pas si, avant ou après, une voiture ait passé par cette

7 route ?

8 R. Non, je ne me souviens pas d'un tel passage. Pour revenir, je n'ai pas

9 pris la même route que celle qu'empruntaient les voitures. Il y a un petit

10 chemin. Il faut aller droite et traverser un petit pont. C'est un

11 raccourci. C'est ainsi que je suis allé vers l'école. Donc peut-être,

12 pendant que j'étais sur ce chemin-là, peut-être que quelqu'un est passé par

13 la route. Je n'ai pas vu qui que ce soit au cours de cette période. Pendant

14 que je traversais les 200 mètres de la route en rentrant, je n'ai vu

15 personne.

16 Q. Merci. Je pense que c'est clair maintenant.

17 Vous avez dit que vous étiez commandant de la compagnie de ce 4e Bataillon

18 de la 314e Brigade. Quand avez-vous été nommé à ce poste exactement ?

19 R. Le 1er décembre 1992. A ce moment-là, l'acte a été délivré -- plutôt

20 l'ordre du commandement.

21 Q. A partir du 1er 1992.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, l'Accusation.

23 M. NEUNER : [interprétation] La dernière question qui vient d'être posée ne

24 découle pas des questions des Juges.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Quelle est la raison --

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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez demandé

2 au témoin quand -- si, quand il était à l'école primaire de Zagradje, il y

3 a vu des Moudjahiddines. Je souhaite apporter des précisions quant à la

4 question de savoir à quel moment il a été à l'école.

5 Q. Monsieur Suljic, à partir du 1er décembre jusqu'au 8 juin, date à

6 laquelle vous avez été blessé, comme vous l'avez expliqué au Président de

7 la Chambre de première instance, est-ce qu'il s'agit là de la période

8 pendant laquelle votre siège était à l'école à Zagradje ?

9 R. Oui, le commandement de l'unité de la compagnie y était. Cependant, je

10 n'étais pas à cet endroit sans cesse. J'étais plus souvent sur les lignes

11 de défense que dans le commandement car le commandant a sa place aux côtés

12 de ses soldats.

13 Q. Très bien. Merci. Il s'agit là de la période pendant laquelle vous

14 étiez aussi, de temps en temps, à l'école primaire ?

15 R. Oui.

16 Q. Merci. Une autre question qui vous a été posée par le Président de la

17 Chambre de première instance concerne la mobilisation. Dites-moi, s'il vous

18 plaît, après que l'état de guerre a été proclamé, les hommes aptes à

19 combattre qui pouvaient être mobilisés étaient qui ? S'agissait-il de tous

20 les citoyens de la Bosnie-Herzégovine appartenant à une certaine tranche

21 d'âge, ou s'agissait-il des catégories différentes ?

22 R. L'état de guerre a été proclamé, de même que la mobilisation

23 généralisée, et tout le monde était obligé de se présenter auprès des

24 unités les plus proches. Je ne me souviens pas très exactement de la

25 tranche d'âge, mais je sais qu'il n'était pas possible de mobiliser quoi

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1 que ce soit qui avait moins de 18 ans.

2 Q. Compte tenu de cette mobilisation généralisée, Monsieur Suljic, dites-

3 moi, s'il vous plaît, est-ce que la population croate et serbe qui vivait

4 dans votre région a été mobilisée au sein de l'ABiH ?

5 R. Non. Pour autant que je le sache, non. Mes voisins avec lesquels

6 j'avais vécu n'étaient pas membres de l'ABiH. Par la suite, je ne sais pas

7 s'ils étaient membres d'autres formations armées sur le territoire de la

8 Bosnie-Herzégovine.

9 Q. Merci. Vous avez répondu à mes questions au sujet des capacités de

10 l'ABiH. Est-ce que votre brigade ou plutôt les unités auxquelles vous

11 apparteniez pouvaient organiser une mobilisation totale et équiper les

12 soldats d'armes et ce genre de choses ?

13 R. Non, nous utilisions pour ainsi dire les moyens de bord, les fusils de

14 chasse, les carabines, et les vêtements civils, ceux qui étaient toujours

15 portés par les locaux.

16 Q. Monsieur Suljic, vous avez dit à plusieurs reprises la "compagnie" ou

17 ensuite, vous avez dit ladite compagnie, est-ce qu'il était possible à

18 n'importe moment de procéder à la mobilisation complète, et de compléter

19 les Unités de l'ABiH en 1992 ?

20 R. Non, il n'était pas possible de réaliser cela. Nous parlions des

21 compagnies de bataillons et de brigade. Mais une compagnie, si on la crée

22 avec 50 hommes, il ne s'agit pas vraiment d'une compagnie.

23 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci beaucoup. Je n'ai plus de questions

24 pour ce témoin, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats.

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1 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions pour ce témoin.

2 Merci, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, votre audition vient de se terminer. Plus

4 personne n'a de questions à vous poser. Je vous remercie au nom de la

5 Chambre d'être venu témoigner à La Haye. Vous avez répondu à l'ensemble des

6 questions. Nous formulons nos meilleurs vœux pour que votre retour dans

7 votre pays s'effectue dans les meilleures conditions possibles, et je vais

8 inviter Mme l'Huissière à bien vouloir vous raccompagner à la porte de la

9 salle d'audience.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

11 [Le témoin se retire]

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais rendre à M. le Greffier la P564, version

13 anglaise. Pour demain, parce que je donne la parole à la Défense pour le

14 témoin de demain.

15 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons le

16 témoin qui était prévu pour demain, et dont le nom figure sur la liste qui

17 a été remise à la Chambre de première instance. Nous allons rencontrer le

18 témoin aujourd'hui. Pour le moment, il ne demande pas de mesures de

19 protection, mais nous saurons la réponse définitive à cette question

20 demain. Je pense que nous pourrons terminer la déposition de ce témoin

21 demain.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Est-ce que les parties voudraient intervenir

23 sur un autre sujet. On a quelques minutes encore. Non ?

24 Bien. L'audience de ce jour vient de se terminer. Je vous invite à revenir

25 pour l'audience qui débutera demain à 9 heures.

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1 --- L'audience est levée à 13 heures 31 et reprendra le vendredi 19

2 novembre 2004, à 9 heures 00.

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