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1 Le vendredi 26 novembre 2004
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro
6 de l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : Monsieur le Président, merci. Affaire numéro IT-01-47-T,
8 le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
10 Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter.
11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Monsieur
12 les Juges. Bonjour aux conseils, à toutes les personnes présentes dans le
13 prétoire. Nous avons un nouveau membre dans notre équipe en l'espèce, c'est
14 M. Stéfane Waespi, qui est présent ici pour la première fois; ainsi que
15 Daryl Mundis et
16 M. Andres Vatter aussi présent.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie, Monsieur Mundis.
18 Je me tourne vers les avocats pour leur demander de bien vouloir se
19 présenter.
20 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
21 Monsieur les Juges. Enver Hadzihasanovic, représenté par Edina Residovic,
22 conseil; Stéphane Bourgon, co-conseil; et Alexis Demirdjian, notre
23 assistant juridique. Merci.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je demande aux autres avocats de bien vouloir
25 continuer à se présenter.
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1 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur
2 les Juges. Au nom de M. Kubura, représenté par Rodney Dixon, Fahrudin
3 Ibrisimovic et Nermin Mulalic, notre assistant juridique.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre salue toutes les personnes présentes. Je
5 salue, particulièrement, le nouvel arrivant au banc de l'Accusation, en la
6 personne de M. Stéfane Waespi. Je salue les avocats, je salue les accusés
7 ainsi que tout le personnel de cette salle d'audience.
8 Nous avons prévu aujourd'hui un témoin qui doit comparaître dans les
9 minutes qui viennent, mais l'Accusation veut intervenir. Nous allons passer
10 en audience à huis clos.
11 M. LE GREFFIER : Nous sommes en audience à huis clos partiel, Monsieur le
12 Président.
13 [Audience à huis clos partiel]
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12 [Audience publique]
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur l'Huissier, allez chercher
14 notre témoin, s'il vous plaît.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous
17 entendez bien, dans votre langue, la traduction de mes propos. Si c'est le
18 cas, dites : "Je vous entends et je vous comprends."
19 LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends et je comprends.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous avez été cité comme témoin par la
21 Défense. Avant de vous faire prêter serment, je me dois de vous identifier.
22 Pour ce faire, je vous demande de me donner votre nom, prénom, date de
23 naissance et lieu de naissance.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Hazim Barucija, né le 2 janvier 1954.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes né dans quel ville ou village ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] A Lasva.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, aujourd'hui, une occupation
3 professionnelle ? Si oui, laquelle ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. A l'école primaire de Janjici.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous travaillez à l'école primaire. Très bien. En
6 1992, 1993, aviez-vous une occupation professionnelle ? Si oui, laquelle ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai travaillé dans cette même école. A
8 l'époque, j'étais le directeur de l'école.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez directeur en 1992 et en 1993 ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Monsieur, témoigné déjà devant une
12 juridiction internationale ou une juridiction nationale sur les faits qui
13 se sont produits dans votre pays en 1992 et 1993, ou c'est la première fois
14 que vous témoignez ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est la première fois.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de bien vouloir lire la prestation
17 de serment.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
19 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
20 LE TÉMOIN: HAZIM BARUCIJA [Assermenté]
21 [Le témoin répond par l'interprète]
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Vous pouvez vous asseoir.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, je vais vous donner quelques éléments
25 d'information afin que l'audience se déroule dans les meilleures conditions
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1 possibles et que vous puissiez témoigner sereinement. Etant directeur
2 d'école, vous avez certainement quelques notions sur un procès. Le procès
3 et la procédure qui est conduite devant ce Tribunal se déroule de la façon
4 suivante. Vous avez allez devoir répondre d'abord à des questions qui vont
5 vous être posées par les avocats des accusés. Vous les avez certainement
6 rencontrés. Ils sont situés à votre gauche. Normalement, cela va durer
7 entre une heure et une heure et demie. A l'issue de cette phase de
8 questions qui vont vous être posées, dans ce qu'on appelle un
9 interrogatoire principal, l'Accusation, qui est située à votre droite, vous
10 posera, elle, des questions dans la même période de temps, une heure à une
11 heure et demie, dans ce qu'on appelle un contre-interrogatoire. Vous
12 apercevrez que la forme des questions n'est pas exactement la même que
13 celle de l'interrogatoire principal.
14 A l'issue de cette phase, les avocats de la Défense pourront vous
15 poser des questions supplémentaires en liaison aux questions du contre-
16 interrogatoire. Les trois Juges qui sont devant vous peuvent également vous
17 poser, à tout moment, des questions. Mais pour que nos débats puissent se
18 dérouler de manière parfaite, nous préférons attendre la fin de
19 l'interrogatoire principal, du contre-interrogatoire et des questions
20 supplémentaires pour vous poser des questions. Nous aurons certainement
21 l'occasion de vous poser des questions. En règle générale, c'est vers la
22 fin de l'interrogatoire.
23 Si les questions vous paraissent compliquées, demandez à celui qui vous la
24 pose de la reformuler, car les questions vont porter sur les périodes qui
25 remontent à plus de dix ans. Il se peut qu'à ce moment-là, vous ayez oublié
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1 certains points. Répondez si vous êtes sûr de vous. Si vous allez êtes
2 moins sûr, vous dites à celui qui vous interroge concernant votre mémoire
3 si elle est bonne ou moins bonne. Car, c'est très important de savoir,
4 nous, nous n'avons, vous concernant, aucun élément d'ordre écrit. Nous
5 n'avons pas de témoignage écrit, donc ce sont vos réponses orales qui
6 seront pour nous, le cas échéant, utilisées, de l'importance de vos
7 réponses.
8 Je me dois également vous informer de deux autres éléments, c'est ce que je
9 fais pour les témoins quels qu'ils soient. Le premier élément, vous avez
10 prêté serment de dire toute la vérité, ce qui exclut formellement tout faux
11 témoignage car, en tant qu'enseignant vous savez qu'un faux témoignage est
12 une infraction. Cette infraction peut être réprimée devant notre Tribunal.
13 Un deuxième élément qui ne devrait pas s'appliquer à vous, mais je le
14 rappelle pour mémoire, lorsqu'un témoin doit répondre à une question, si le
15 témoin estime que la réponse qu'il va fournir pourrait, le cas échéant,
16 être utilisée comme élément à charge contre lui dans le cadre d'une autre
17 procédure, le témoin peut dire : Je ne veux pas répondre. Cette disposition
18 existe dans notre règlement, mais elle existe également dans des
19 législations de plusieurs états. Dans cette hypothèse qui est
20 exceptionnelle, la Chambre peut dire au témoin : Répondez néanmoins et on
21 vous accorde une immunité. En droit américain, l'immunité est accordée par
22 l'Accusation, mais dans notre procédure, c'est la Chambre qui accorde
23 l'immunité.
24 Je dis cela à titre anecdotique, car c'est une situation que nous n'avons
25 pas rencontrée jusqu'à présent.
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1 Si en cours d'interrogatoire, vous avez une difficulté quelconque,
2 n'hésitez pas à nous en faire part.
3 Je dois également vous indiquer que nous ferons deux pauses dans la matinée
4 pour vous permettre d'une part de prendre du repos parce qu'un
5 interrogatoire peut être aussi épuisant, mais deuxièmement aussi pour des
6 raisons techniques à cause des bandes qui doivent être changées toutes les
7 heures et demies. Comme nous avons commencé à 9 heures, nous ferons notre
8 pause dans une heure, c'est-à-dire, à 10 heures 30. La pause dure une durée
9 de 25 à 30 minutes.
10 Je vous ai donné tous les éléments en ma possession. La Défense va vous en
11 ajouter un. Mais je lui laisse le soin de vous l'indiquer.
12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
13 Interrogatoire principal par Mme Residovic :
14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Barucija.
15 R. Bonjour.
16 Q. Comme le président de la Chambre de première instance vient de vous le
17 faire savoir, je vais, pour ma part, devoir aussi vous ajouter un élément,
18 à savoir, nous parlons la même langue, et vous pourriez répondre très
19 rapidement à mes questions; cependant, comme il faut nous traduire, pour
20 que toutes les personnes présentes puissent suivre la teneur de notre
21 conversation, puisque c'est très important, vous êtes venu ici déposer en
22 tant que témoin devant un Tribunal, à cause de tout cela, je vais vous
23 demander de faire une petite pause après avoir entendu ma question. Il faut
24 du temps pour que l'interprétation se termine, et vous répondez par la
25 suite.
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1 L'avez-vous compris ?
2 R. Oui.
3 Q. Je vous remercie. Vous nous avez dit que vous êtes natif de Lasva. Où
4 résidiez-vous avant la guerre, et où résidez-vous à l'heure actuelle ?
5 R. Jusqu'en 1994, je résidais à Lasva. J'y ai vécu pendant 40 années et,
6 ensuite, j'ai déménagé à Zenica où j'habite à l'heure actuelle.
7 Q. Vous nous avez également dit que vous travaillez dans une école
8 primaire. Quelle est votre profession et où avez-vous obtenu vos diplômes ?
9 R. Je suis enseignant. J'enseigne les quatre premières années
10 élémentaires. J'ai suivi la formation d'enseignant au collège pour
11 enseignants de Travnik qui se trouve à quelque 40 kilomètres de la vallée
12 de Lasva.
13 Q. Monsieur Barucija, pendant combien d'années avez-vous travaillé à
14 l'école primaire de Lasva ?
15 R. J'y ai travaillé depuis 1974, et je n'ai jamais travaillé nulle part
16 ailleurs.
17 Q. Monsieur Barucija, où se trouve Lasva ? Dans quelle municipalité se
18 trouve Lasva ?
19 R. Lasva se trouve entre Zenica, Kakanj et Busovaca. C'est la dernière
20 commune locale au sud de la municipalité de Zenica, et Lasva appartient à
21 la municipalité de Zenica.
22 Q. Lorsque nous disons Lasva, est-ce que nous entendons seulement un
23 village ou est-ce qu'il s'agit également d'une commune locale ?
24 R. Je parle ou je fais référence à l'ensemble de la commune locale.
25 Q. Quels sont les autres villages qui appartiennent à cette commune
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1 locale ?
2 R. Lasva, avec les hameaux qui s'appellent Sajtovici, Rajici. Il y a le
3 village de Dusina avec les hameaux appelés Kegelj, Gornja Visnjica, Donja
4 Visnjica et le village de Dolipolje avec son hameau de Bozici.
5 Q. Monsieur Barucija, qui résidait à Lasva avant la guerre ? Quelle était
6 la composition ethnique de cette commune locale ?
7 R. Il y avait des Bosniens, des Serbes et des Croates. D'après la
8 structure ethnique et en vertu du recensement de l991, si je ne m'abuse, il
9 y avait entre 70 % et 75 % de Bosniens. Il y avait également entre 12 % et
10 15 % de Croates et de Serbes respectivement.
11 Q. Quels étaient les liens entre les villageois ? Quelles étaient les
12 relations entre les villageois, et quelles étaient vos propres relations
13 avec vos voisins croates et serbes ?
14 R. Nous vivions en bonne harmonie avec nos voisins serbes et croates. Nous
15 avions de bonnes relations. Si quelqu'un venait de l'extérieur, il n'aurait
16 jamais pu remarquer une différence pour ce qui est de notre origine
17 ethnique. Personnellement, j'avais d'excellentes relations avec ces deux
18 groupes ethniques. Je pense, par exemple, dans le cadre de ma profession.
19 J'étais d'ailleurs beaucoup plus proche de certains de mes voisins croates
20 que de mes voisins musulmans. J'avais beaucoup d'amis parmi les Croates.
21 Q. Vous nous avez dit que la commune locale de Lasva avait deux
22 communautés avoisinantes, Busovaca et Kakanj. Est-ce que vous pourriez nous
23 dire quels sont les villages et les hameaux qui sont limitrophes de la
24 municipalité de Busovaca ?
25 R. Dusina, donc, le village de Dusina avec Kegelj et le hameau de Brdo.
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1 Q. Etant donné la mixité de la population pour l'ensemble de la commune,
2 est-ce que vous pourriez nous dire quelle était la composition ethnique de
3 Dusina ?
4 R. A Dusina, il n'y avait que des Bosniens. A Kegelj, il y avait des
5 Croates et il y avait deux ou trois familles serbes. A Brdo, il y avait
6 quelques familles bosniennes et quelques familles croates. La distance
7 entre ces deux hameaux s'élève à un kilomètre, un kilomètre et demi.
8 Q. Monsieur Barucija, est la commune locale de Lasva a une importance
9 lorsque l'on pense à l'ensemble de la région de la Bosnie centrale ou à la
10 République de la Bosnie-Herzégovine ?
11 R. Jusqu'en 1972, notre commune était un carrefour ferroviaire important.
12 Il y a une voie de chemin de fer qui allait à Jajce et qui passait par
13 Lasva, donc la Lasva était véritablement le nœud ferroviaire le plus
14 important. Lorsque la route a été construite à deux kilomètres de l'entrée
15 de Lasva, il y a un énorme carrefour qui a été construit là, et ce
16 carrefour était très, très, très important pour l'Etat.
17 Mme RESIDOVIC : [interprétation] J'aimerais que soit montrer au témoin deux
18 cartes que je vais utiliser dans le cadre de la déposition du témoin. Ces
19 deux cartes, que je suis sur le point de montrer au témoin, ont déjà été
20 versées au dossier. L'échelle de la première carte est de 1 : 25 000, et
21 les numéros sont DH1 à 14; et vous avez le deuxième qui est DH90. Il s'agit
22 d'une carte qui représente cette région. L'échelle, en fait, là, est 1 :
23 50 000. Cette carte, donc la dernière carte, correspond à la pièce à
24 conviction de la Défense numéro 90.
25 Il se peut que je me sois exprimée très, très rapidement parce que je vois
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1 qu'il y a des erreurs de chiffres qui se sont glissées dans le compte rendu
2 d'audience car il y a une carte qui est DH104 et DH105. La carte DH104
3 représente la section 42, et la DH105 correspond à la section 44.
4 Q. Monsieur Barucija, est-ce que vous pourriez consulter la carte où il
5 est indiqué Dusina, l'échelle en étant 1 : 50 000, et j'aimerais vous
6 demander de prendre le marqueur que va vous donner l'Huissier et de
7 dessiner sur la carte les limites, en quelque sorte, de votre commune
8 locale.
9 R. [Le témoin s'exécute]
10 Q. Merci. Maintenant, est-ce que vous pourriez apposer un cercle avec le
11 chiffre numéro 1, et c'est ainsi que l'on saura -- peu importe d'ailleurs
12 où vous allez dessiner le cercle, je vous demande de dessiner deux flèches,
13 de part et d'autre du cercle, et je vous demande d'apposer le chiffre
14 numéro 1.
15 R. Vous voulez que je dessine un cercle autour de la limite -- de la
16 frontière ?
17 R. Non, juste un petit cercle, dans lequel vous mettrez le numéro 1, et
18 sur la frontière, à proprement parler, dessinez une flèche afin que nous
19 puissions voir que le chiffre numéro 1 correspond à la frontière de la
20 commune locale de Lasva.
21 R. [Le témoin s'exécute]
22 Q. J'aimerais maintenant que vous me montriez l'endroit où la commune
23 locale de Lasva est limitrophe avec la municipalité de Busovaca. Est-ce que
24 vous pourriez peut-être dessiner une autre ligne afin de nous montrer où se
25 trouvait la limite entre votre commune et la municipalité de Busovaca.
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1 R. Je pense que cela va jusque-là. Ensuite, vers l'est, lorsque l'on va
2 vers l'est, c'est déjà la municipalité de Kakanj.
3 Q. J'aimerais également vous demander d'avoir l'amabilité de dessiner un
4 autre cercle dans lequel vous mettrez le chiffre numéro 2. Aux fins du
5 compte rendu d'audience, il sera indiqué qu'il s'agit de la frontière de
6 votre commune locale avec la municipalité de Busovaca.
7 R. [Le témoin s'exécute]
8 Q. Monsieur, est-ce que vous pourriez - toujours sur la même carte -
9 indiquer où se trouvait le siège de la commune locale de Lasva. Je vous
10 demanderais de mettre le chiffre 3.
11 R. [Le témoin s'exécute]
12 Q. J'aimerais également que vous dessiniez un autre cercle, avec le numéro
13 4, pour indiquer le carrefour de Lasva, cet endroit qui a une importance
14 stratégique.
15 R. [Le témoin s'exécute]
16 Q. Pour le compte rendu d'audience, le numéro 1 représente la frontière de
17 Lasva; le numéro 2 correspond à l'endroit où il y a cette frontière entre
18 Lasva et Busovaca; le numéro 3 représente le siège de la commune locale de
19 Lasva; le numéro 4 représente le carrefour de Lasva.
20 Je vous remercie. Nous allons poursuivre votre déposition.
21 Monsieur Barucija, quelles étaient les villes qui existaient, qui étaient
22 importantes pour votre commune locale ?
23 R. Tous les habitants -- tous les villageois, quelque sorte d'ailleurs
24 leur appartenance ethnique, avaient un lien avec Zenica. C'était le seul
25 lien.
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1 Q. Qu'est-ce que cela signifie ? Où est-ce que ces gens allaient à
2 l'école ? Où travaillaient-ils ? Où faisaient-ils lorsqu'il s'agit
3 d'activités importantes pour la vie de ces personnes ?
4 R. Lorsqu'ils avaient terminé l'école primaire, ceux qui voulaient suivre
5 un enseignement secondaire devaient se rendre à Zenica. Je suis l'une des
6 rares exceptions à m'être rendue à l'école secondaire à Travnik. Tout le
7 monde se rendait à Zenica pour poursuivre leur éducation. Tout le monde
8 travaillait à Zenica dans des sociétés de production ou dans le cadre
9 d'autres activités. C'était rare que les gens fassent autre chose à part à
10 Zenica.
11 Il y a eu quelques personnes qui sont allées à l'école à Sarajevo si
12 c'étaient des écoles qui n'existaient pas à Zenica. Il y avait, par
13 exemple, l'école de la circulation qui n'existait pas à Zenica et qui
14 existait à Sarajevo.
15 Q. Monsieur Barucija, quelles étaient les routes qui reliaient votre
16 commune locale à Zenica ? Est-ce qu'il était facile de s'y rendre à Zenica
17 ?
18 R. Oui, cela était facile. Il y avait la voie de chemin de fer, et il y
19 avait également des routes. Il y avait également un service d'autocars. En
20 fait, il fallait à peu près un quart d'heure pour se rendre à Zenica en
21 voiture ou en autocar.
22 Q. Quels étaient les liens de votre commune locale avec Busovca ? Dans
23 quelle mesure est-ce qu'il était facile et simple de se rendre dans cette
24 municipalité ?
25 R. On pouvait se rendre de Lasva à Busovaca seulement en empruntant une
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1 route, et en utilisant un véhicule. Il y avait un bus à raison d'une fois
2 par jour qui faisait la liaison Busovaca-Lasva, mais seulement le samedi
3 parce que Busovaca avait un marché, un marché le samedi. Il n'y avait pas
4 de voies ferroviaires, il n'y avait pas d'autres possibilités de se rendre
5 entre Lasva et de faire le trajet Lasva-Busovaca.
6 Q. Monsieur Barucija, est-ce que la population croate de la région avait
7 des liens avec Busovaca ?
8 R. Pour ce qui est de l'enseignement, de l'éducation, du travail, de
9 l'emploi, il n'y avait rien. Les seuls liens qu'ils avaient avec Busovaca
10 étaient des liens religieux car je pense qu'ils appartenaient à la paroisse
11 de Busovaca. C'est là qu'ils se rendaient à l'église.
12 Q. Monsieur Barucija, au début de la guerre, est-ce que la population de
13 Lasva s'est organisée du point de vue militaire ? Est-ce que les gens ont
14 répondu à l'appel de mobilisation générale, et que s'est-il passé ensuite ?
15 R. Après l'appel pour la mobilisation générale, ce sont essentiellement
16 les Bosniens qui ont répondu. Ce sont eux qui voulaient se rallier à la
17 Défense territoriale. Toutefois, il y avait un problème objectif puisqu'il
18 n'y avait pas d'armes disponibles. Les Serbes ne voulaient pas se rallier à
19 ces unités. Les Croates ménageaient les deux camps. Ils ne se décidaient
20 pas. En fait, ils disaient que ce n'était pas la peine qu'ils se rallient à
21 quoi que ce soit. Mais ils n'étaient pas très catégoriques dans leur refus
22 de se rallier aux unités territoriales comme l'étaient les Serbes.
23 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous vous êtes rendu compte que la
24 population croate s'est organisée de façon différente du point de vue
25 militaire, j'entends ? Si tel est le cas, est-ce que vous pouvez nous dire
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1 ce qui s'est passé ? Comment se sont-ils organisés ?
2 R. Au début du mois d'avril, dès le début de la guerre, dès que la guerre
3 a éclaté, je pense que cela s'est passé le premier ou le deuxième jour de
4 Bajram. Il s'agit d'une festivité musulmane. Je n'étais pas à Lasva,
5 j'étais à Janjici à l'école, là-bas.
6 J'ai entendu dire que Dario Kordic est arrivé à Lasva, que les Croates
7 l'ont entouré, et se sont ralliés, en fait, à lui. Ils étaient entre une
8 vingtaine ou une trentaine. Ils se sont armés, ils avaient des armes
9 d'infanterie. Ils avaient l'intention d'établir une Unité du conseil de la
10 Défense croate. Cela s'est passé au début du mois d'avril 1992.
11 Q. Monsieur Barucija, cette Unité du HVO, à quelle brigade a-t-elle
12 appartenu ?
13 R. Autant que je le sache, elle a fait partie de la Brigade du HVO de
14 Busovaca, parce qu'en fait, leur commandant avait des contacts constants
15 avec Busovaca. Il s'y rendait quotidiennement, et je pense que leur
16 commandement se trouvait là, ce qui signifie qu'ils appartenaient à la
17 Brigade de Busovaca.
18 Q. Est-ce que vous savez qui était leur commandant ?
19 R. C'était Zvonko Rajic. C'était lui le commandant de l'Unité du HVO à
20 Lasva.
21 Q. Monsieur Barucija, est-ce qu'à un moment donné, vous vous êtes rallié à
22 des forces armées et, le cas échéant, de quelles forces armées s'agissait-
23 il ?
24 R. En avril, en mai jusqu'au 20 juin, sur le territoire de notre commune
25 locale, il n'y avait pas de formations régulières de l'armée de la Défense
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1 territoriale. Il n'y avait que ces unités du HVO qui, en fait, ne
2 dérangeaient pas la majorité de la population d'après ce que je sais.
3 Personnellement, j'étais satisfait de voir que ces voisins s'étaient armés,
4 et il y avait quand même un certain degré de sécurité qui prévalait parce
5 qu'ils patrouillaient la zone de la commune. Ils le faisaient
6 quotidiennement et cela nous donnait un certain sentiment de sécurité parce
7 qu'aucun des Bosniens n'avaient d'armes. Les Serbes avaient des armes, mais
8 jusqu'à ce moment-là, ils ne les avaient pas utilisées.
9 En juin de la même année, après le départ de l'Unité de la JNA qui a quitté
10 la caserne de Zenica, les armes ont été placées sous le contrôle de la
11 Défense territoriale. Là, la Défense territoriale a donné à notre commune
12 locale, quelque 20 à 25 armes d'infanterie. Il s'agissait, essentiellement,
13 de fusils M-48. Il y avait plusieurs fusils semi-automatiques. Il y avait
14 également quelques fusils automatiques russes extrêmement vieux. C'est à ce
15 moment-là seulement que nous avons formé une section qui était composée de
16 quelque 20 à 25 membres de la Défense territoriale.
17 Q. Est-ce que vous, vous vous êtes rallié à cette section ? Quelle était
18 votre position au sein de cette section ?
19 R. Au début, à ce moment-là, je ne me suis pas rallié à cette section
20 parce qu'avant cela, j'avais été nommé président de la cellule de Crise de
21 Lasva. Le président était Nezir Brkic, et au début, en avril jusqu'à la mi-
22 mai pour des raisons de santé, il voulait être débarrassé de ses fonctions.
23 C'est pour cela que j'ai assumé cette tâche de président de la cellule de
24 Crise, tâche que j'ai assumée jusqu'à la fin du mois d'août.
25 Q. Après le mois d'août 1992, est-ce que vous vous êtes rallié à la
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1 Défense territoriale, et quelle était votre grade ou votre position au sein
2 de la Défense territoriale ?
3 R. Pendant le mois d'août, au niveau de l'état-major municipal de la
4 Défense territoriale de Zenica, il y avait des activités intenses qui
5 étaient déployées dont le but était d'établir les états-majors de secteurs.
6 Il faut savoir que sur la rive gauche de la rivière Bosna, nous avons formé
7 ce que l'on appelé le Détachement de la Bosnie qui est devenu opérationnel
8 en septembre. J'ai été nommé commandant de ce détachement qui est devenu
9 opérationnel en septembre. C'est après que j'ai été engagé au niveau
10 militaire.
11 Q. Quelles étaient les communes locales qui étaient englobées par ce
12 détachement ?
13 R. Ce détachement couvrait les communes locales de Lasva, de Janjici,
14 Drivusa et Raspotocje, ce qui signifie, en fait, toute la rive gauche de la
15 rivière Bosna, à partir de la frontière au sud, donc, il y avait de Lasva
16 jusqu'à Zenica. C'est une zone qui couvre quelques kilomètres sur la rive
17 gauche de la rivière Bosna.
18 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire si, à un moment donné, en 1992, il y
19 a eu quelques malentendus entre ce Détachement de la Défense territoriale
20 et une Unité du HVO ou, en d'autres termes, est-ce que les relations entre
21 la population croate et musulmane se sont détériorées ?
22 R. Il n'y avait pas de tension particulière entre les Croates et les
23 Bosniens jusqu'au moment où la section de la Défense territoriale a été
24 établie en juin. Lorsque cela a été établi et lorsque certains des Bosniens
25 ont pris les armes et lorsque nous avons commencé à contrôler le territoire
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1 de la commune locale et en assurer la sécurité, il y a eu un incident --
2 des incidents qui n'étaient pas véritablement graves mais qui se sont
3 produits.
4 Ce n'était pas grave, mais, à partir de ce moment-là, la situation n'a plus
5 été la même qu'auparavant.
6 Q. Monsieur Barucija, est-ce que le HVO avait accepté le fait que les
7 Bosniens s'étaient également organisés, structurés, dans le cadre d'une
8 structure militaire légitime, ou est-ce qu'ils ont exprimé une réserve par
9 rapport à cet événement ?
10 R. Ils ont accepté le fait que la section de la Défense territoriale avait
11 été créée. A ce moment-là, j'étais président de la cellule de Crise. Cette
12 cellule de Crise avait une composition mixte. Elle était composée de
13 représentants des Serbes, des Croates et des Bosniens et la majorité était
14 bosnienne du fait de la structure ethnique.
15 Nous nous réunissions quotidiennement et ce, pour pouvoir régler les
16 problèmes quotidiens. Nous avions également demandé aux représentants du
17 HVO d'avoir une unité conjointe, qu'importe comment elle aurait été appelée
18 mais nous voulions avoir une unité avec un commandant et un commandant
19 adjoint dont l'un aurait été Croate et l'autre Musulman.
20 C'est ce que nous souhaitions. Nous voulions agir de concert; toutefois,
21 ils n'ont pas accepté notre proposition.
22 Q. Monsieur Barucija, est-ce qu'à un moment donné, vous avez commencé à
23 avoir des problèmes de communication ? Est-ce qu'il y a des obstacles qui
24 ont été placés, des embûches, et si cela s'est passé, qui en a été
25 responsable et où est-ce que cela s'est passé ?
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1 R. Lorsque le détachement des Bosniens a été créé en septembre 1992, la
2 première chose que nous avons faite, on a été d'assurer la sécurité autour
3 du carrefour de Lasva. Nous l'avons, en fait, placé sous notre contrôle.
4 Nous avons entravé les sorties à partie de Zenica et Sarajevo et tout le
5 monde, en fait, devait passer par un poste de contrôle.
6 C'est ainsi que nous assurions le contrôle de la circulation et que nous
7 assurions la sécurité de la zone. Lorsque nous avons établi ce poste de
8 contrôle, le HVO a érigé un poste de contrôle à l'entrée de Lasva sur la
9 voie ferroviaire, et ils nous ont demandé de ne pas contrôler la
10 circulation au niveau du carrefour de Lasva, et nous pensions que cela
11 était absolument inconcevable et que nous ne pouvions pas accepter cela.
12 Q. Quel était votre commandant supérieur à l'époque ?
13 R. C'était là l'état-major de la TO de Zenica.
14 Q. Est-ce qu'à un moment donné, Monsieur Barucija, il y a eu des
15 changements au sein de cet état-major de la municipalité et est-ce que,
16 dans votre village, il y a eu des changements également ?
17 R. Ce détachement était opérationnel en septembre, octobre et novembre.
18 Une fois que le 3e Corps, avec le siège à Zenica, a été créé, ces
19 détachements ont été modifiés et de ces détachements on a créé trois
20 Détachements contre-sabotage.
21 Q. Vous faisiez partie de quel détachement ?
22 R. Du 2e Détachement anti-sabotage.
23 Q. Est-ce qu'à ce moment-là, vous aviez une fonction militaire ?
24 R. Une fois que le 2e Détachement anti-sabotage a été créé, j'étais
25 l'adjoint au commandant de ce détachement.
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1 Q. Monsieur Barucija, pouvez-nous dire quelle est la mission principale de
2 ces unités qu'on appelle des Détachements anti-sabotage, quelle était leur
3 mission principale à l'époque de tous ces détachements, en général, et de
4 votre détachement, en particulier ?
5 R. L'appellation même, "anti-sabotage", "contre-sabotage", veut dire que
6 c'était un détachement qui devait essayer d'empêcher qu'il y ait des
7 sabotages dans la zone de responsabilité de notre détachement. Aussi, nous
8 devions protéger tous les objets, tous les bâtiments que nous estimions
9 nécessaires de protéger.
10 Nous n'étions pas là pour mener des opérations de combat.
11 Q. Qui étaient les personnes qui membres de ce détachement ? Quelles
12 étaient leurs qualifications ?
13 R. C'était un détachement qui était formé avec des ex-membres des
14 détachements de Kubar, Kocevo. A ma connaissance, il n'y avait pas de
15 militaires actifs parmi eux. C'étaient des volontaires, des personnes qui
16 n'avaient suffisamment de connaissances militaires, mais qui, pour des
17 raisons patriotiques, avaient accepté de mener des missions qu'on leur
18 avait confiées.
19 Q. Tout à l'heure, vous m'avez dit, en répondant à ma question, que le
20 HVO, vous avez dit que vous aviez mis en place un poste de contrôle pour
21 protéger le carrefour, que le HVO avait répondu en établissant d'autres
22 points de contrôle. Est-ce que vous pourriez nous dire, à cette époque-là,
23 où étaient les postes de contrôle du HVO ? Si vous souhaitez de montrer sur
24 une carte, je vous demanderais de la faire sur la carte qui est à l'échelle
25 de 1 à
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1 25 000.
2 R. [Le témoin s'exécute]
3 Q. Est-ce que vous pourriez marquer le premier poste de contrôle par la
4 lettre P ?
5 Si je lis bien ce que vous venez d'écrire, donc la HVO, sur le territoire
6 de votre commune locale, avait bien établi cinq points de contrôle.
7 R. Oui. Dans le courant du mois de janvier, nous avons aussi un point de
8 contrôle au carrefour de Lasva. Quant à eux, ils avaient mis un à l'entrée
9 de notre commune locale à la gare même. Je l'ai marqué ici en écrivant P1.
10 C'était comme cela pendant toute la période.
11 Au mois de janvier, la situation commençait à s'aggraver, surtout sur
12 la ligne de front à Busovaca, par exemple. Ils ont fait des points de
13 contrôle, non pas en empêchant la circulation, mais il y avait tout
14 simplement un contrôle de personnes qui passaient. Il y avait deux
15 personnes qui les contrôlaient par ailleurs. P2, c'est à l'entrée du
16 village de Kegelji, où il n'y avait que des Croates qui habitaient; P3,
17 c'est au carrefour entre Gornja et Donja Visnjica; P4, au carrefour qui
18 mène au hameau Brdo, où vivaient quelques familles de Croates et de
19 Bosniens; P5, au village de Dusina à l'endroit où la route mène vers
20 Kegelji.
21 Q. Etant donné que vous étiez adjoint au commandant de ce
22 détachement, est-ce que vous savez si, au mois de janvier, il était
23 possible de passer de Zenica par le carrefour pour se rendre à Busovaca ?
24 En d'autres termes, est-ce que cette route était libre jusqu'à Travnik ?
25 R. On pouvait voyager normalement entre Zenica et le carrefour de
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1 Lasva. Après, du carrefour de Lasva, on pouvait arriver jusqu'à Grabljep25
2 et jusqu'à Gavrine Kuce. A ma connaissance, les Unités de l'ABiH ne
3 pouvaient pas continuer, donc ils ne pouvaient pas passer par Travnik pour
4 aller vers Busovaca.
5 Q. Quelle était donc la seule route qui était praticable, à partir
6 de Zenica, pour se rendre sur les territoires libres, vers Busovaca, la
7 zone où il y avait Sarajevo qui était encerclée ?
8 R. La seule communication entre Zenica et Sarajevo était l'autoroute
9 Sarajevo-Zenica, M17. A l'endroit où la Lasva se jette dans la Bosna, nous
10 assurions la sécurité ferroviaire à côté de la gare.
11 Q. Cette route, en partie, était occupée par les forces serbes, et vous
12 pouvez nous dire que, même la vallée de la Lasva n'était pas praticable,
13 quelle était donc la seule possibilité de se rendre dans la région de
14 Sarajevo et dans la zone libre ?
15 R. En venant de Lasva ou de Zenica, on pouvait se rendre à Sarajevo
16 uniquement en passant par l'autoroute et en traversant le carrefour de
17 Lasva. Si on partait de la municipalité de Busovaca, des villages où la
18 population majoritaire était musulmane, tels que Solakovici, Sudine, et
19 cetera, on pouvait emprunter la route qui passait par Dusina. Par la suite,
20 vous voyez toute cette route qui donne vers Lasva, le carrefour de Lasva,
21 et on continue la route de cette manière-là. Donc, les gens de Busovaca
22 pouvaient passer par [imperceptible] et, par la suite, passer par Dusina,
23 pour aller vers Sarajevo, Zenica, et ainsi de suite, vers les territoires
24 libres.
25 Q. Dans quelle mesure, tout ce que vous venez d'inscrire sur cette carte,
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1 donc cette situation-là, dans quelle manière complique la vie, la
2 communication qui existait entre Busovaca, Zenica, et ainsi de suite ?
3 R. Ces postes de contrôle empêchaient les gens qui vivaient sur le
4 territoire de la municipalité de Zenica, ou de Busovaca, de circuler
5 librement parce que les membres du HVO effectuaient des contrôles là où ils
6 vivaient.
7 Je peux vous donner un exemple qui date de 1992. Il y a quelqu'un qui
8 transportait une lance-roquette - je ne sais plus de quel calibre - et qui
9 était parti de Busovaca. Au point de contrôle P2, on m'a informé qu'une
10 camionnette est passée avec un mortier et qu'il fallait l'arrêter. Donc, il
11 y a une liaison radio.
12 On m'a parlé -- j'ai appris qu'une camionnette a été arrêtée, qui
13 transportait un mortier, et on devait voir ce qu'ils allaient faire et, à
14 certain temps, a discuté de ce qu'ils allaient faire. On a dit : "Voilà, il
15 est parti sur la ligne de front où on combattait notre agresseur commun
16 parce que nous estimions que nous n'avions qu'un seul ennemi." On a essayé,
17 tout simplement, de leur dire : "Si vous ne voulez pas mener la guerre,
18 essayez au moins de ne pas nous empêcher de le faire."
19 Je pense que c'était là le père de Zvonko Rajic qui était là. Il y
20 avait cette camionnette. On a passé à peu près une demi-heure à négocier.
21 Après une demi-heure, une jeep est arrivée de Busovaca. C'étaient des gens
22 qui portaient des chemises noires. C'était la première fois que je les
23 voyais. Ils ont demandé où se trouvait le mortier. On leur a dit : "Le
24 mortier est déjà parti parce que nous avons, entre-temps, déjà fait une
25 manœuvre pour que l'homme puisse passer et transporter le mortier. Je
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1 suppose qu'il devait le transporter sur le territoire libre de la
2 municipalité de Busovaca." A ce moment-là, Igo [phon] Rajic, le père de
3 Zvonko, a même tourné le fusil contre son frère, Marko. Pourquoi agit-il de
4 la sorte, et pourquoi il empêche les membres de l'armée qui voulaient se
5 rendre sur la ligne de front ? Donc, il a même tourné le fusil contre son
6 frère.
7 Q. Monsieur Barucija, est-ce qu'à un moment donné, une partie de
8 votre Détachement contre-sabotage a commencé à opérer dans un autre
9 territoire, et quelles sont les forces qui restent sur le territoire de
10 votre commune locale ?
11 R. Je crois que c'était autour du 10 janvier que notre détachement
12 devait envoyer un peloton sur la ligne de front de Maglaj. C'était pour
13 venir en aides aux unités qui étaient déjà à Maglaj et qui essayaient de
14 défendre Maglaj contre les forces serbes qui n'arrêtaient pas d'effectuer
15 des raids sur Maglaj. Mais différents membres du 2e Détachement contre-
16 sabotage ont été envoyés à Maglaj, et la plupart d'entre eux étaient des
17 habitants de notre commune locale.
18 Q. Le fait qu'un certain nombre de membres du détachement sont
19 envoyés sur la ligne de front, qui est assez loin, est-ce qu'à ce moment-
20 là, on demande aux membres d'autres unités d'aider à défendre le carrefour
21 de Lasva ?
22 R. Quand les membres de notre détachement sont allés à Maglaj, le
23 carrefour de Lasva est resté sans défense. Le commandant en a informé
24 l'état-major de la municipalité, qui a probablement un accord avec l'état-
25 major du 3e Corps, et à ma connaissance du corps à envoyer une compagnie
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1 qui appartenait à la 7e Brigade et désormais, c'étaient eux qui devaient
2 défendre le carrefour de la Lasva pour assurer la sécurité.
3 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous étiez absent du territoire de votre
4 commune locale ?
5 R. Oui, pendant quelques jours. Je crois que c'était entre le 17 et le 22
6 janvier. Le commandement de l'état-major m'a ordonné d'aller sur la ligne
7 de front à Maglaj pour rendre visite aux combattants, ceux-ci avaient
8 quelque peu peur. Il fallait que je les calme et que je les encourage
9 puisque pour eux, c'était la première fois qu'il devait faire face à des
10 vrais combats. Jusqu'à ce moment-là, nos combattants n'avaient pas du tout
11 dû rencontrer de vraies opérations militaires. Je l'ai fait, et j'ai dû
12 rester là-bas quelques quatre à cinq jours.
13 Q. A votre retour, Monsieur Barucija, est-ce que la compagnie qui devait
14 venir en renfort était déjà présente au carrefour de Lasva ?
15 R. A mon retour de Maglaj, oui, la compagnie qui faisait partie de la 7e
16 Brigade musulmane était déjà au carrefour de Lasva. Le commandement de
17 cette compagnie était dans la maison d'un Serbe, Miladin Anto, qui a mis sa
18 maison à la disposition de cette compagnie appartenant à la 7e Brigade. Ce
19 sont eux qui ont commencé à assurer le carrefour de Lasva.
20 Q. Peu après votre retour, est-ce que vous deviez faire face avec les
21 opérations de combat qui avaient lieu dans la proximité de votre commune
22 locale ? Si tel est le cas, pourriez-vous nous dire où est-ce qu'il y a eu
23 des combats entre les membres de l'armée et du HVO ?
24 R. Je crois que c'était le 24 janvier que des opérations de combat avaient
25 commencé sur le territoire de la municipalité de Lasva. Ce jour-là, je suis
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1 venu dans le commandement de la compagnie appartenant à la 7e Brigade
2 musulmane pour voir s'il ne fallait pas donner des instructions, si ces
3 instructions ne pouvaient pas être données par les membres du détachement
4 qui était resté à Lasva, puisque les autres ne connaissaient pas le
5 terrain.
6 Je crois que c'était quelque part le matin entre 8 et 9 heures quand le
7 pilonnage intense a commencé, le pilonnage du village de Merdani qui se
8 trouve sur le territoire de la municipalité de Busovaca. Ce pilonnage a dû
9 durer jusqu'à 3 ou 4 heures de l'après-midi.
10 Q. Monsieur Barucija, sur cette carte, la 50 millième que vous avez déjà
11 utilisée tout à l'heure, est-ce que vous pouvez encercler, marquer un
12 cercle pour montrer quel était le village qui a été pilonné.
13 R. [Le témoin s'exécute]
14 Q. S'il vous plaît, est-ce que vous pouvez y inscrire la lettre M pour que
15 nous puissions savoir qu'il s'agit là du village que vous venez de
16 mentionner, à savoir, le village de Merdani.
17 R. [Le témoin s'exécute]
18 Q. A quelle distance se trouve Merdani par rapport à Lasva ?
19 R. A vol d'oiseau, quelque deux kilomètres. Si l'on prend la route, je
20 crois qu'entre Merdani et le carrefour de Lasva, il doit y avoir quelque
21 trois kilomètres. Entre le carrefour jusqu'à l'entrée du village de Lasva,
22 quelque deux kilomètres encore. En tout, si on prend la route entre Merdani
23 et Lasva, il doit y avoir quelque cinq kilomètres.
24 Q. Est-ce qu'à partir du moment que l'on commence à pilonner de manière
25 intense Merdani, est-ce qu'il y a des personnes qui arrivent à Lasva, ou
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1 vous apprenez ce qui se passe à Merdani par d'autres moyens ?
2 R. Etant donné que nous nous trouvions à l'endroit où la Lasva se jette
3 dans la Bosna, je crois qu'ici, à vol d'oiseau, il n'y a même pas deux
4 kilomètres entre cet endroit-là et Merdani. Nous avons pu entendre très,
5 très bien que ce village était pilonné.
6 L'après-midi, entre 15 et 16 heures, il y avait une colonne de gens qui
7 avaient emprunté la route Travnik-Zenica, de l'autre côté de la rivière
8 Lasva, vers le village de Grablje. Il y avait des gens qui arrivaient et
9 ils nous ont expliqué que le village a été pilonné toute la journée, qu'il
10 y a eu aussi des combats d'infanterie. Ces personnes avaient voulu se
11 rendre à Zenica ou à Lasva ou en Janjici. Cela dépendait essentiellement
12 d'où ils connaissaient des gens, s'ils avaient des amis ou des cousins ou
13 des parents. C'était cela l'exode des villageois de Merdani.
14 Q. Vous deviez faire face à l'exode de ce village. Est-ce que vous en tant
15 qu'adjoint du commandant du Détachement contre-sabotage, avez-vous ressenti
16 le besoin d'en informer quelqu'un ? Avez-vous fait quoi que ce soit ?
17 R. Etant donné que nous ne disposions pas réellement de moyens de
18 communication, j'ai demandé à l'adjoint du commandant de compagnie de notre
19 détachement pour qu'il m'emmène en voiture jusqu'au commandement de notre
20 corps leur demander s'ils savaient ce qui se passait, et leur demander
21 d'entreprendre des mesures qui s'imposaient.
22 Q. Est-ce que vous êtes arrivé jusqu'au commandement du corps, et qu'est-
23 ce que vous leur avez dit ?
24 R. Oui, tout à fait. Je crois que l'officier de permanence était là. On a
25 demandé s'il était au courant de ce qui se passait du côté du carrefour de
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1 Lasva. Il hochait de la tête. Il a dit qu'il avait entendu quelque chose
2 mais qu'il n'avait pas de détail. On l'a informé de la situation, on lui a
3 dit que le village de Merdani a été pilonné pratiquement pendant toute la
4 journée, et que la population était partie.
5 Q. Est-ce que ce jour-là, le 25 janvier, est-ce qu'au village de Dusina il
6 y a eu des incidents ? Est-ce qu'il y a eu des arrestations ou quelque
7 chose de semblable ?
8 R. Je ne me trouvais pas sur le territoire de la commune locale ce jour-
9 là, le 25. Ce que j'ai appris par la suite, c'était que deux membres de
10 l'armée avaient été capturés d'une manière ou d'une autre au moment où ils
11 traversaient le village. Je ne sais pas pour quelle raison ils étaient là-
12 bas. Nous n'avions pas réellement de renseignements militaires en passant
13 parce que ce n'étaient pas des membres de notre détachement. Ceci étant
14 dit, je ne pense pas qu'il y a eu des problèmes particuliers parce que ces
15 personnes ont été relâchées le jour même.
16 Q. Est-ce que quelqu'un vous a dit ou étiez-vous au courant que ce jour-
17 là, le 25 janvier, il y a eu un conflit armé qui avait éclaté au village de
18 Dusina et que les toutes les maisons croates avaient été mises à feu ?
19 R. A ma connaissance, le 25 janvier, il n'y a pas eu de combats, donc, il
20 n'y a pas eu d'incendies non plus.
21 Q. Est-ce que le 25 janvier, vous étiez au courant que des femmes, des
22 vieillards et des enfants croates avaient été massacrés au village de
23 Dusina ?
24 R. S'il n'y a pas eu de combats, il est absurde de massacre qui est une
25 chose autrement plus grave. Il n'y a pas eu de combats, il n'y a pas eu de
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1 conflit le 25 janvier.
2 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.
3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense
4 qu'il serait peut-être bien de procéder à la pause maintenant pour que je
5 puisse après la pause poser des questions concernant le 26 janvier.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 10 heures 25. Nous allons nous allons
7 nous arrêter. On reprendra aux environs de 10 heures 55.
8 --- La pause est prise à 10 heures 25.
9 --- La pause est terminée à 10 heures 57.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez continuer.
11 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
12 Q. Monsieur Barucija, à votre retour du commandement du 3e Corps d'armée
13 cette nuit du 25, lorsque vous êtes revenu là où était situé le
14 commandement de la compagnie assurait la sécurité du carrefour, est-ce
15 qu'il y avait d'autres unités qui sont arrivées et, si oui, saviez-vous
16 quelle était leur mission -- leur tâche ?
17 R. Dans la zone de sécurité de notre détachement est arrivée, ce soir-là,
18 d'après notre information au commandement du 3e Corps d'armée, une
19 compagnie d'un Détachement de la 303e Brigade de Montagne -- est arrivée,
20 envoyée au secteur de Merdani. Ils sont juste passés. Nous leur avons donné
21 des escortes, et ils sont allés vers le village de Merdani.
22 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, reprendre la carte que vous avez déjà
23 utilisée. C'est la carte au 1 : 50 000, et pouvez-vous, s'il vous plaît,
24 tracer une flèche pour montrer vers où est partie la 303e Brigade ?
25 R. [Le témoin s'exécute]
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1 Q. Je vais vous demander de tracer un cercle sur cette flèche et d'y
2 inscrire 303e.
3 R. [Le témoin s'exécute]
4 Q. Dites-nous si vous saviez quelle était la mission de cette unité,
5 l'unité qui se dirigeait vers le village de Merdani ? Quelle a été sa
6 mission ?
7 R. Puisque, pendant toute la journée, on a pilonné Merdani, et
8 l'information que vous avez reçue de la part de la population qui avait
9 quitté le village, il y a eu deux tentatives de pénétrer dans le village
10 par l'infanterie, de s'emparer du village, mais ces tentatives se sont
11 soldées pas un échec. Ce que je sais au sujet de la mission de l'unité,
12 j'ai été mis au courant, par son commandant, de leur mission. Sur la base
13 de nos informations, ils ont été dépêchés sur place pour assurer la
14 sécurité du village de Merdani, car ils ne savaient s'il allait y avoir de
15 nouvelles tentatives de pénétrer nos villages.
16 Nous ne savions pas encore quelles étaient les unités qu'avait la
17 population de Merdani, car ils dépendaient du QG de la Défense territoriale
18 de Kacuni. Donc, ils étaient envoyés là pour assurer la sécurité du village
19 de Merdani. Dans ce cadre-là aussi, en réalité, d'assurer la sécurité de la
20 commune locale de Lasva à l'arrière.
21 Car, si Merdani était sécurisé, si Merdani était toujours libre, la
22 partie du territoire qui jouxte notre commune était, elle aussi, sûre.
23 Q. Vous avez dit que vous avez envoyé quelques-uns de vos membres
24 accompagner cette unité. Pour quelle raison avez-vous envoyé ces soldats de
25 Lasva en compagnie des autres combattants ?
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1 R. Vous voulez dire au village de Merdani ?
2 Q. Oui.
3 R. Juste pour qu'ils leur montrent le chemin et qu'ils les fassent entrer
4 dans le village, qu'ils les mettent en contact avec la population pour que
5 la population sache que des renforts sont en train d'arriver.
6 Q. Monsieur Barucija, avez-vous appris qu'une autre unité ou une partie
7 d'une unité est arrivée, cette nuit-là, dans la zone, au sens large, de ce
8 territoire où était déployé votre Détachement de contre-sabotage ?
9 R. Dans la zone du 2e Détachement de contre-sabotage est arrivée, me
10 semble-t-il, une Batterie de Mortier de la 317e Brigade de Montagne. Elle a
11 été cantonnée à l'école de Janjici.
12 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, tracer -- marquer cet endroit, l'endroit
13 où a été déployé cette batterie de mortier -- plutôt, où elle a été
14 cantonnée. Là où vous dites que vous saviez que c'était bien une batterie
15 de mortier. Pouvez-vous inscrire MB.
16 R. [Le témoin s'exécute]
17 Q. Excusez-moi. Dans le compte rendu d'audience, ligne 23, page 34, le
18 chiffre est faux. Le témoin a dit 17e Brigade de Krajina.
19 R. 317e Brigade de Montagne.
20 Q. Monsieur Barucija, dites-moi, à présent, s'il vous plaît, si vous savez
21 qui commandait cette Compagnie de la 7e Brigade musulmane, qui se trouvait
22 à ce poste de contrôle.
23 R. C'était Elvedin Camdzic, son commandant.
24 Q. A un moment donné, cette nuit-là du 25 au 26 ou le lendemain, le 26,
25 dans la matinée, le 26 janvier, est-ce que vous avez eu l'occasion de
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1 parler à M. Camdzic et, à cette occasion, vous a-t-il évoqué sa mission --
2 sa tâche ?
3 R. Oui, je me suis entretenu avec lui pendant la nuit et il m'a dit pour
4 quelle raison ils étaient là. Il m'a dit qu'il devait se contenter
5 d'assurer la sécurité du carrefour de Lasva et de contrôler le territoire
6 de la commune locale de Lasva.
7 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, vous venez de nous dire qu'il y avait une
8 Batterie de Mortier de la 17e Brigade et une Compagnie de la 303e Brigade.
9 Cette Compagnie de la 17e et cette Compagnie de la 303e, à un moment
10 quelconque, que ce soit le 25 ou le 26 janvier, est-ce que --
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous coupe. Dans le transcript, il avait dit
12 317e. Vous l'avez fait dire 17e, il a dit 317e. Alors, il faut être clair.
13 La Batterie de Mortier, c'est la 317e ou la 17e ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai dit, c'est la 317e, mais si ce
15 n'était pas cela son appellation, peut-être ai-je fait erreur. Je ne peux
16 pas vous le garantir. Je ne peux pas vous garantir, était-ce la 17e ou la
17 317e. Il me semble que c'était la 317e.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Le témoin dit, c'est la 317e. Ne lui faites pas dire
19 la 17e.
20 Allez-y.
21 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Excusez-moi. Je n'ai pas lu le compte
22 rendu d'audience. Peut-être n'ai-je pas bien entendu ce qu'a dit le témoin.
23 Je vous prie de m'en excuser.
24 Q. En plus de cette Batterie de Mortier qui a été cantonnée à Janjici,
25 est-ce qu'il y a eu une autre Batterie de Mortier qui, elle, se serait
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1 trouvée elle aussi à Janjici ou à l'école de Janjici ?
2 R. Non. Il n'y avait que celle que j'ai mentionnée.
3 Q. Monsieur Barucija, cette batterie-là ou les soldats de la 303e qui
4 avançaient vers Merdani, à un moment quelconque, le 25 ou le 26 janvier,
5 sont-ils entrés sur le territoire de la commune locale de Lasva, c'est-à-
6 dire, le territoire du village de Dusina ?
7 R. Non. Les soldats ne sont pas entrés sur le territoire de la commune
8 locale de Lasva puisque ceci ne faisait pas partie de leur mission. Ils
9 n'ont pas, non plus, d'opérations de combat sur le territoire de cette
10 commune locale.
11 Q. Merci. Dites-moi, à présent, il y a un instant, vous avez répondu à une
12 de mes questions en disant que vous avez parlé au commandant de la
13 compagnie de la 7e Brigade musulmane, M. Camdzic. Lui, vous a-t-il parlé
14 d'une mission qui lui aurait été confiée de s'engager dans des opérations
15 de combat sur ce territoire ?
16 R. Non. Comme je viens de le dire à l'instant, il m'a dit que la seule
17 tâche qu'ils avaient, c'était d'assurer la sécurité du carrefour de Lasva
18 et de contrôler le territoire de la commune locale de Lasva.
19 Q. Le commandant Camdzic, vous a-t-il demandé de l'aider ? Savez-vous si
20 sa compagnie, dans la matinée du 26, s'est dirigée quelque part ? Si oui,
21 savez-vous quelle a été son itinéraire ?
22 R. Une fois que le conflit a éclaté sur le territoire de la municipalité
23 de Busovaca, et ce conflit a eu un impact direct sur la situation dans
24 notre commune locale, donc, tout ce qui se passait à Busovaca influait sur
25 ce qui se passait chez nous, on était en droit de s'attendre à ce que, par
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1 exemple, si le village de Merdani venait à tomber ou si les unités du HVO
2 venaient à pénétrer à la frontière vers la municipalité de Busovaca, on
3 était en droit de s'attendre à ce que la situation ne soit plus calme ou
4 claire pour ce qui est de nous. En plus d'assurer la sécurité du carrefour,
5 ce qu'il m'a dit, qu'il allait partir, me semble-t-il, avec une section de
6 soldats. Il allait partir en reconnaissance sur le territoire de la commune
7 locale de Lasva. Il m'a dit qu'il allait partir avec ses hommes pour
8 effectuer une mission de reconnaissance et de contrôle de ce territoire.
9 Q. A l'instant, vous m'avez dit qu'ils étaient arrivés quelques jours
10 auparavant. Ces hommes, connaissaient-ils le territoire de la commune
11 locale de Lasva, les villages alentours ?
12 R. Il me semble qu'avant le 26 janvier, cela faisait déjà une semaine
13 qu'ils étaient sur place. Ils ne connaissaient pas le territoire de la
14 commune locale, et à cette date, aucun membre de la 7e Brigade musulmane
15 n'avait mis le pied dans la commune locale. En fait, ils ne s'écartaient
16 pas, ils ne s'éloignaient pas du carrefour de Lasva.
17 Q. Vous-même, vous étiez commandant adjoint d'un Détachement contre-
18 sabotage. Au vu de cela, le commandant Camdzic s'est-il adressé à vous pour
19 vous demander de l'aide, une certaine forme d'assistance ? Vous-même,
20 l'avez-vous aidé pour qu'il puisse se rendre sur la ligne et pour qu'il
21 puisse mener à bien sa mission ?
22 R. Le commandant de la compagnie, je l'ai informé de la situation telle
23 que se présentait dans la commune locale. Je lui ai dit que les membres du
24 HVO contrôlaient l'axe de circulation sur sa totalité, allant du poste de
25 contrôle à travers toute la commune locale, et que s'ils allaient, eux,
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1 effectuer un contrôle, qu'ils ne fallaient pas qu'ils empruntent le même
2 chemin parce qu'ils risquaient de tomber sur eux. Les gens ne se
3 connaissaient pas, et il y avait un risque de conséquences. C'est la raison
4 pour laquelle on a pris la décision qu'ils allaient emprunter un autre
5 chemin du même poste de commandant, de passer par ces champs, ces prés Crna
6 pour la simple raison d'éviter de tomber sur des Unités du HVO.
7 Q. Précisément, ce que vous venez de nous dire, pouvez-vous le tracer sur
8 l'autre carte, la carte à 1 : 25 millième ? Pouvez-vous nous dire quelle
9 devait être l'itinéraire qu'allait emprunter cette section de la Compagnie
10 de la 7e Brigade musulmane ?
11 R. Comme je viens de le dire, ces gens-là ne connaissaient pas le terrain.
12 Je crois que deux de nos hommes, de notre détachement, il faut savoir qu'il
13 y avait plusieurs hommes qui se sont trouvés là juste pour les aider, pour
14 leur montrer des choses sur le terrain. On leur a donné deux de nos hommes
15 pour qu'ils les emmènent par un autre chemin.
16 Q. Excusez-moi, pouvez-vous prendre la carte qui a 1 : 25 000, en
17 utilisant ce feutre ? Pouvez-vous nous tracer le chemin qui devait être le
18 leur ? Est-ce bien cette carte-là ?
19 R. Oui, 1 : 25 000.
20 Q. Pouvez-vous maintenant nous montrer le chemin avec le feutre, le chemin
21 que vous leur avez conseillé de prendre à ces combattants.
22 R. Ce serait à peu près cela.
23 Q. Pouvez-vous inscrire une flèche pour montrer la direction, vers où
24 vont-ils.
25 R. [Le témoin s'exécute]
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1 Q. Vous-même, où étiez-vous dans la matinée du 26 janvier. Vous estes
2 resté où ?
3 R. J'étais au carrefour de Lasva dans la maison dont le bâtiment était
4 situé le commandement de la Compagnie de la 7e Brigade musulmane.
5 Q. Pouvez-vous inscrire un cercle sur cette flèche que vous venez de
6 tracer ? Pouvez-vous écrire "CS, la 7e Brigade" seulement.
7 Q. Que s'est-il passé pendant cette journée là ? A un moment donné, vous
8 a-t-on envoyé des informations du terrain ?
9 R. Ce matin-là, donc nous savons ce qui s'est produit, quels sont les
10 événements qui se sont produits, quelles en ont été les conséquences et le
11 commandant de la brigade a dit qu'il allait partir avec cette section, avec
12 cette unité de la taille d'un détachement, donc il allait procéder au
13 contrôle du territoire de la commune locale afin d'essayer d'établir un
14 contact par l'entremise de nos membres, un contact avec les membres du HVO,
15 et pour placer cet axe de circulation sous un contrôle conjoint. Compte
16 tenu de ce qui s'était passé, nous pensions que ce qui se passait sur le
17 territoire de l'autre municipalité que ceci pouvait avoir un impact, que
18 Busovaca pouvait avoir un impact chez nous dans notre commune locale. Par
19 ailleurs, il y avait un risque, il y avait des blessés dans la population
20 et que la seule issue serait par cette route en passant par Dusina. Or,
21 ceci ne serait pas possible si nous n'établissions pas le contrôle sur
22 cette route.
23 Donc, l'objectif, c'était de contrôler le territoire de la commune et
24 d'agir par l'intermédiaire de nos membres avec les membres du HVO pour
25 placer ces troupes sous notre contrôle parce que nous, indépendamment de ce
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1 qui se passait à Busovaca, Vitez, ce que nous pensions c'était que ceci ne
2 devait pas avoir d'impacts sur nous, chez nous. Il ne fallait pas qu'à
3 cause de cela, nos relations se détériorent au point qu'on pointe nos
4 fusils les uns sur les autres.
5 Q. À un moment donné, au cours de cette journée, avez-vous appris si cette
6 unité s'était rendue aux lignes, dans le secteur dont elle devait assurer
7 la sécurité ou autre chose s'est-il produit ?
8 R. Pendant toute cette période, j'étais au commandement, au carrefour.
9 Quelques heures plus tard, un groupe est revenu, un groupe de combattants
10 de la 7e Brigade musulmane, et il me semble qu'ils avaient avec eux cinq ou
11 six membres du HVO, qui étaient fait prisonniers. J'ai demandé ce qui
12 s'était passé quand j'ai vu des hommes, des prisonniers. J'ai su que
13 quelque chose s'était produit et ils m'en ont informé, ils m'ont dit qu'à
14 l'arrivée dans le hameau de Brdo, que, dans ce hameau, il y avait quatre ou
15 cinq maisons où la population était bosnienne, mais que les autres maisons
16 étaient abandonnées parce que la population était partie à Zenica et qu'il
17 y avait aussi trois ou quatre familles de Croates.
18 Quand ils sont arrivés à Brdo, ils sont passés derrière une maison. Je ne
19 sais pas à qui appartenait cette maison. Quelqu'un a ouvert le feu et je
20 pense qu'Elvedin Camdzic a été touché directement à la tête.
21 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, tracer un cercle à l'endroit où on vous a
22 dit qu'on avait ouvert le feu sur le commandant de la compagnie. Je vous
23 prie d'inscrire un B simplement à cet endroit parce vous nous avez dit que
24 c'était la localité de Brdo, si je vous ai bien compris.
25 R. Oui, vous m'avez bien compris, Brdo.
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1 Q. Vous a-t-on dit ce qui s'était passé par la suite ?
2 R. Par la suite, le commandant qui s'appelait Softic, je pense, est
3 accouru lorsqu'il a vu tomber le commandant de la compagnie, il s'est
4 approché pour l'aider et, pendant qu'il descendait vers lui, vous savez, je
5 n'étais pas sur place, c'était peut-être une mètre ou deux mètres. Donc,
6 pendant qu'il s'approchait, à ce moment-là, lui aussi a été touché par une
7 balle et il est tué sur place.
8 Q. Que s'est-il passé par la suite, d'après les informations qu'on vous a
9 données ?
10 R. D'après les informations que j'ai reçues de leur part, lorsque le
11 commandant de la compagnie a été tué, lorsque Softic a été tué, un combat
12 s'est engagé. Les soldats ont eu peur, évidemment, et un conflit armé a
13 éclaté. Comment s'est déroulé ce conflit, où il a eu lieu ? Cela je n'ai
14 pas d'informations exactes là-dessus, et il s'est passé ce qu'il s'est
15 passé.
16 Q. Monsieur Barucija, au départ, pour mener à bien cette mission de
17 combat, à un moment quelconque, ces membres de la 7e Brigade musulmane vous
18 ont-ils dit qu'ils partaient à l'attaque ? Ont-ils évoqué une attaque ?
19 R. Non, il n'a absolument pas été question d'attaque. Il était simplement
20 question de contrôle du territoire de la commune locale et d'une tentative
21 de contrôler, de placer sous contrôle, la route qui passe par Dusina. Il
22 n'a absolument pas été question d'attaques.
23 Q. Monsieur Barucija, dites-moi : saviez-vous, ce jour-là, que la 17e
24 Brigade de Krajina et la 303e Brigade avaient lancé une attaque sur le
25 village de Dusina ?
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1 R. Non, je viens de vous dire à l'instant que ces deux brigades n'avaient
2 eu aucune opération de combat sur le territoire de la commune locale.
3 Q. Monsieur Barucija, dites-moi à présent : pendant la journée, avez-vous
4 été témoin d'autres événements dans la communauté locale de Lasva ? Si oui,
5 que pouvez-vous nous en dire ? Que s'est-il produit par la suite ?
6 R. Je ne sais pas comment s'est déroulé le conflit armé. Je n'étais pas
7 témoin, je n'étais pas sur place, je ne sais pas. Pendant la journée, ce
8 que je sais c'est que, dans l'après-midi, la population civile a commencé à
9 influer ainsi que des membres du conseil de la Défense croate. Ils ont
10 commencé à arriver dans les bureaux de la commune local ou plutôt dans le
11 bâtiment de l'école.
12 Q. Qui assurait la sécurité du bâtiment, de l'école et de la population
13 qui s'y rendait ?
14 R. Ils sont arrivés dans l'après-midi, je pense qu'ils ont commencé à
15 arriver après 15 heures. Il y avait la population qui comprenait, à la
16 fois, des femmes, des enfants, des personnes âgées. Il y avait aussi des
17 membres du HVO. Je pense que tous sont venus, certains portaient des
18 uniformes, d'autres d'étaient déjà changés en vêtement civils. Après, j'ai
19 appris que les combats avaient duré jusqu'à un certain moment de l'après-
20 midi sur la colline de Vranica. Probablement, lorsque les membres du HVO se
21 sont rendus compte que cela ne servait à rien de continuer, ils se sont
22 repliés à Donja Visnjica, dans ce village-là, et sont partis aussi dans le
23 hameau de Rijici, là où ils vivaient. Lorsqu'ils ont vu que la population
24 civile quittait leurs maisons, ils sont partis avec eux, en leur compagnie.
25 Certains avaient des armes, les armes qu'ils abonnaient en route; d'autres
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1 ont apporté leurs armes jusqu'au bureau de la commune locale. C'est là
2 qu'ils les ont déposées et ils se sont rendus à l'école, c'est là qu'on les
3 a installés.
4 Aucun membre du HVO n'avait d'arme sur lui. De leur propre chef, ils ont
5 circulé, ils sont arrivés de Brdo, ils sont descendus à
6 Donja Visnjica, Kegelj, et Rajici. Ils sont tous descendus à l'école, je ne
7 sais pas comment ils se sont organisés, et ils avaient des armes. Il n'y
8 avait plus de tirs, ils ont déposé les armes là, ils se sont tous installés
9 à l'école
10 Q. Vous venez dire qu'il y avait des gens, des habitants de Donja Visnjici
11 et d'autres villages; est-ce que vous les avez vus arriver, ces gens ? Ils
12 ont été faits prisonnier, on les a emmenés là ou ils sont venus librement à
13 l'école ?
14 R. Puisqu'on n'entendait plus de tirs, au carrefour de la Donja Visnjica,
15 où j'étais durant l'après-midi. Moi aussi, je suis parti du carrefour vers
16 le village. Je suis arrivé à l'école parce que c'est moi qui avais les clés
17 de l'école. Lorsqu'on m'a informé de l'arrivée de ces gens, je suis arrivé
18 ouvrir l'école pour qu'ils puissent s'installer là. Je n'ai pas vu un seul
19 membre de la
20 7e Brigade musulmane ni aucun autre combattant. Je ne les ai pas vus
21 escorter ces gens-là en tant que prisonniers. Je n'ai pas vu de mauvais
22 traitement. Ils sont arrivés de leur propre chef -- librement. C'est là
23 qu'ils ont été installés.
24 Q. Vous avez dit que quelques heures après -- plus tard, dans la matinée,
25 cinq ou six membres du HVO ont été amenés. Savez-vous où on les a placés ?
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1 R. Ils ont été amenés au commandement de la compagnie de la
2 7e Brigade musulmane, au carrefour de la Lasva.
3 Q. Avez-vous appris, au cours de la journée, qu'il y a eu des conséquences
4 de ces combats -- plutôt, vous a-t-on dit qu'il y a eu des blessés et des
5 morts pendant ce conflit ?
6 R. Lorsqu'une partie des membres de la 7e Brigade musulmane sont arrivés
7 au carrefour de Lasva, avec ces membres du HVO qui étaient faits
8 prisonniers, ils m'ont dit que nous avons eu deux combattants de tués,
9 Camdzic et Softic, et que, par la suite, il y a eu des combats, même si
10 ceci n'était pas prévu, et qu'il y avait d'autres soldats qui avaient été
11 tués. Mais je ne savais pas quel était leur nombre.
12 Q. Monsieur Barucija, dites-nous, à ce moment-là, étiez-vous en contact
13 avec le commandement du QG territorial de Zenica ou le commandement du 3e
14 Corps ?
15 R. Non, on n'avait aucun contact. Lorsque nous établissions un contact
16 c'était par téléphone, et lorsque les téléphones fonctionnaient, parce que,
17 le plus souvent, dans la commune locale, il n'y avait pas de courant, et
18 lorsqu'il n'y a pas d'électricité, on ne peut pas téléphoner à l'extérieur
19 de la commune, on peut téléphoner uniquement à l'intérieur, donc, tout
20 contact ne pouvait avoir lieu que par téléphone ou directement. Le QG
21 municipal ne pouvait obtenir aucune information de notre part. Quant à la
22 7e Brigade musulmane, cela, je ne sais pas. En fait, je sais qu'ils avaient
23 des moyens de communication à la maison. C'était une unité qui était
24 rattachée au QG municipal de Défense territoriale. Il ne m'appartenait pas
25 de m'immiscer dans leurs affaires donc je ne sais pas comment eux
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1 établissaient le contact.
2 Q. Mon confrère me dit que l'interprétation n'est pas assez claire donc je
3 vais répéter la question. Etiez-vous en communication avec le QG
4 municipal ? Est-ce que vous leur avez envoyé des informations ce jour-là ?
5 R. Nous n'étions pas en communication avec le QG municipal et nous ne leur
6 avons pas envoyé de rapport.
7 Q. Est-ce que vous savez si une Compagnie de la 7e Brigade musulmane avait
8 des communications avec eux ? Savez-vous si eux leur ont envoyé des
9 renseignements ?
10 R. Je sais qu'ils communiquaient. Maintenant, à savoir à qui ils
11 envoyaient des rapports, s'ils envoyaient des rapports, je n'en sais rien.
12 Q. Aviez-vous une autorité sur cette compagnie de la
13 7e Brigade musulmane -- ou plutôt, savez-vous à qui elle était
14 subordonnée ?
15 R. Nous n'avions pas d'autorité sur eux parce qu'ils étaient, en fait,
16 subordonnés au QG municipal de la Défense territoriale.
17 Q. Monsieur Barucija, ce jour-là, outre les soldats qui avaient été
18 détenus et outre les civils qui arrivaient et qui avaient été emmenés à
19 l'école, est-ce que vous avez vu s'il y avait des blessés et savez-vous
20 quel a été leur sort ?
21 R. Il y avait des blessés. Il y avait des blessés dans les deux camps. Je
22 pense qu'il y avait deux ou trois membres de l'armée qui avaient été
23 blessés, et il y avait autant de membres du HVO. Je ne sais pas si
24 quelqu'un avait informé l'Unité médicale du corps ou je ne sais pas si le
25 corps, sachant qu'il y avait eu des combats, avait supposé qu'il y aurait
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1 des blessés, et qu'ils avaient ainsi envoyé une Unité médicale, qui s'est
2 occupée de tous les blessés, à savoir ceux qui appartenaient à l'armée et
3 ceux du HVO.
4 Q. Il y a un petit moment de cela, Monsieur Barucija, vous nous avez dit
5 que vous aviez entendu qu'il y avait des victimes dans les deux camps. Ce
6 jour-là, ou le lendemain peut-être, savez-vous ce qu'il est advenu aux
7 corps des personnes tuées ?
8 R. J'ai entendu que le lendemain, c'était donc le 27 janvier, j'ai
9 entendu, disais-je, que les corps des personnes mortes, à savoir des
10 personnes de l'armée et du HVO, avaient été emmenés par la protection
11 civile -- ils avaient, en fait, été emmenés à la morgue de l'hôpital de
12 Zenica.
13 Q. Outre l'information suivant laquelle il y avait eu des morts dans les
14 deux camps, ce jour-là ou le lendemain, avez-vous entendu, de la part de
15 qui que ce soit d'ailleurs, de la part de membres de l'armée, de la 7e
16 Brigade musulmane, de Croates, avez-vous entendu dire que la mort de ces
17 personnes avait été provoquée par d'autres raisons ?
18 R. Non. Tous les renseignements dont je disposais, et qui provenaient de
19 différentes sources, étaient que ces personnes avaient été tuées lors de
20 confrontations directes, après donc la mort de Camdzic et Softic.
21 Q. Monsieur Barucija, dans votre Unité de contre-sabotage, est-ce qu'il
22 existait une Unité de police ou un organe chargé de mener l'enquête, qui
23 aurait pu vérifier ces rapports ?
24 R. Non. Notre Détachement anti-sabotage ne menait à bien aucune enquête.
25 Q. Monsieur Barucija, après ces événements, dans le secteur de votre
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1 commune locale et, plus particulièrement, dans le secteur de Dusina,
2 pouvez-vous me dire s'il y a une commission qui est venue et, le cas
3 échéant, pouvez-vous nous dire pourquoi elle est venue ?
4 R. Etant donné que le territoire de la commune locale a été attaché ou
5 rattaché à la 7e Brigade musulmane après ces événements, à partir du QG de
6 la compagnie qui se trouvait au carrefour de Lasva, je me suis rendu au
7 commandement du 2e Détachement anti-sabotage dont le siège -- dont le QG se
8 trouvait à Zenica, et un ou deux jours après, je me suis rendu à Lasva à
9 nouveau, j'ai rendu visite à ma famille. Nous sommes allés à Dusina pour
10 voir si tout s'était calmé. Il faut savoir que les blessés avaient été --
11 que l'on avait porté soins aux blessés, que les morts avaient été
12 transportés à la morgue. Nous avons ainsi obtenu de plus amples
13 informations dans le village. Lorsque nous nous sommes rendus au village de
14 Kegelj, je pense que c'était le commandant adjoint du corps, Dzemal Merdan,
15 qui est arrivé. Il y avait le commandant du HVO dont je ne connais pas le
16 nom. Il y avait un représentant de la FORPRONU, ainsi qu'un interprète avec
17 eux. Il y avait également la fille de Jozo Kekelj, qui était un habitant du
18 hameau de Kegelji. Les présentations ont été faites, et ils ont vu que
19 j'étais, moi aussi, un commandant militaire et il nous dit qu'ils avaient
20 des informations suivants, lesquelles il y avait eu des confrontations, des
21 affrontements, qu'il y avait eu un massacre, et que le village avait été
22 incendié, et cetera, et cetera. Ils ont pu voir cela par eux-mêmes. Nous
23 leur avons dit que l'incendie avait commencé de telle et telle façon, que
24 tant de personnes avaient été tuées, mais que le village n'avait pas été
25 incendié. Je pense qu'il y a deux maisons dont les toits avaient brûlés.
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1 Après, après ces affrontements, les membres du HVO de Busovaca avaient
2 bombardés la commune locale, et deux obus étaient tombés sur ces maisons,
3 et c'est ainsi que les toits de ces maisons avaient été détruits. Ce sont
4 des obus qui avaient été tirés de façon aléatoire sur tout le territoire de
5 la commune locale. D'ailleurs, cela a même atteint l'autre rive de la
6 rivière Bosna. Le commandant adjoint ne détenait aucune information à
7 propos de ce que disait le représentant du HVO, à savoir, à propos du
8 massacre. Il a juste dit qu'il y avait eu tant de morts. A la suite des
9 affrontements, ils ont pu voir par eux-mêmes que le village n'avait pas été
10 entièrement incendié.
11 Q. Monsieur Barucija, pouvez-vous me dire quand vous avez entendu pour la
12 première fois des rapports divergents qui auraient été présentés par le HVO
13 ou par la télévision d'Herceg-Bosna, et qui auraient décrits la situation
14 de façon tout à fait différente à celle que vous venez de nous relater.
15 R. Nous recevions différents rapports en provenance de différentes
16 sources. Nous savons que certains renseignements étaient véridiques, mais
17 il y avait également parfois un manque total d'information ou des
18 informations erronées. J'ai rencontré de nombreuses personnes, des soldats,
19 des habitants, et même des Croates. Nous vivions en bonne harmonie par le
20 passé, et personne ne pouvait comprendre pourquoi cela s'était passé,
21 comment cela s'était passé, mais personne n'a fait état d'un crime. Ils ont
22 juste dit : Ce qui s'est passé, s'est passé. Mais personne n'a souligné de
23 crimes. D'ailleurs, je n'ai pas obtenu ce genre d'information moi-même. La
24 première fois que j'ai entendu ce genre de rapports, c'est lorsque la
25 propagande croate parlait de crimes de guerre sur une grande échelle en
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1 octobre, en octobre 1993.
2 La fille de mon frère vivait à Busovaca, et elle n'a pas pu quitté cet
3 endroit jusqu'en octobre 1993. Lorsqu'elle est venue à Zenica, elle m'a dit
4 qu'à la télévision, et maintenant je ne sais plus si c'était la télévision
5 de Kiseljak ou la télévision croate émise à partir de la République de
6 Croatie, en fait, toujours est-il qu'elle m'a dit qu'elle avait vu ou
7 entendu à la télévision des rapports portant sur des événements et la
8 population croate de Lasva aurait été massacré, qu'il y avait des dizaines
9 de civils tués, des femmes, des enfants, avec des maisons incendiées, avec
10 un exode croate. Zeljko Cvijanovic avait donné mon nom, m'avait nommé
11 moi-même personnellement en disant, en montrant une baïonnette qu'il disait
12 qu'il utiliserait pour me punir personnellement.
13 Q. Dites-moi, Monsieur Barucija : quels furent l'attitude et le
14 comportement des autorités civiles et militaires pour ce qui est d'assurer
15 la protection de la propriété et des biens après ces événements ?
16 R. Après ces événements, il était normal de s'attendre à des attaques
17 locales menées contre la commune locale. Je pense que le commandant de la
18 7e Brigade musulmane est resté là pendant quelques jours. A la suite de
19 quoi, ils se sont retirés, et la zone de responsabilité a été attribuée une
20 fois de plus au 2e Détachement anti-sabotage. Derrière le village de
21 Dusina, nous avons formé une ligne en cas d'attaque pour protéger la
22 commune locale de ce genre d'attaque qui ne s'est jamais produite.
23 Q. Est-ce que les autorités civiles fonctionnaient, étaient
24 opérationnelles à l'époque ? Est-ce qu'elles ont pris des mesures pour
25 protéger la population croate ainsi que les biens des personnes qui avaient
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1 quitté la commune locale ? Le savez-vous ?
2 R. Je sais que les éléments de la commune locale, autrement, par
3 l'entremise des forces de la protection civile ont déblayé un peu le
4 terrain, se sont occupés de la population, leur ont apporté un soutien
5 moral en leur disant que ce qui s'était produit, s'était produit du fait
6 des circonstances, mais que cela n'était pas provoqué par les intentions de
7 quiconque. La protection civile s'est occupée de la population, s'est
8 occupée du bétail parce que certains Croates avaient commencé à quitter le
9 territoire. Certains s'étaient rendus à Zenica, d'autres à Busovaca. Il
10 faut savoir que certains sont restés également. Je pense qu'en mars, avril,
11 il y en avait encore qui était là. Mais pour ceux qui étaient partis, on
12 s'était occupé de leur bétail ainsi que de leurs propriétés abandonnées
13 parce qu'on aurait pu s'attendre à des activités de pillage.
14 Je sais que la protection civile a organisé la collecte des biens qui se
15 trouvaient dans les maisons abandonnées. Je sais que ces biens ont été
16 placés dans l'école qui n'était plus opérationnelle du fait de la guerre.
17 S'ils ne revenaient pas, et ils ne sont pas revenus, ces biens ont été
18 distribués avec des récépissés, ils ont été distribués à des réfugiés qui
19 sont arrivés plus tard de Busovaca et d'autres endroits. Les autorités
20 civiles se sont occupées des villageois, de leur bétail, ainsi que de leurs
21 biens.
22 Q. Merci, Monsieur Barucija. Je vous demanderais de bien vouloir consulter
23 les deux cartes que vous avez, les deux cartes sur lesquelles vous avez
24 inscrit certaines choses. A ma demande, je vous demanderais de bien vouloir
25 signer ces deux cartes, et je vous demanderais également d'y apposer une
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1 date.
2 R. [Le témoin s'exécute]
3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de
4 questions à poser à ce témoin. J'aimerais verser au dossier ces deux cartes
5 comme pièces à conviction de la Défense.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur le versement des cartes, Monsieur Mundis.
7 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Nous n'avons
8 aucune objection.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, il y a deux cartes, deux
10 numéros.
11 M. LE GREFFIER : Ces deux cartes seront versées au dossier sous les
12 références définitives. Pour la première carte annotée par le témoin,
13 DH347. Cette carte indique quatre points. La deuxième carte qui a été
14 indiquée par le témoin sera versée sous la référence DH348. Elle indique,
15 elle, entre autres, cinq positionnements de "checkpoints". Merci, Monsieur
16 le Président.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
18 Les autres avocats pour les questions.
19 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, la période de
20 temps pour l'acte d'accusation de M. Kubura commence le 1er avril. Donc,
21 nous n'avons pas de questions à poser à ce témoin.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.
23 M. WAESPI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai quelques
24 questions et j'aimerais que l'on puisse m'accorder quelques secondes pour
25 que je puisse installer mon pupitre.
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1 Monsieur le Président, je vais, avec votre permission utiliser deux
2 pièces à conviction pour le témoin. Il s'agit des pièces P530 et P531, et
3 j'ai un certain nombre d'exemplaires qui vous est destiné.
4 Contre-interrogatoire par M. Waespi :
5 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Barucija.
6 R. Bonjour.
7 Q. J'aimerais aborder, au cours de la prochaine demi-heure, quelques
8 thèmes avec vous, et j'espère vous pourrez nous permettre de préciser
9 quelques éléments. Dans un premier temps, j'aimerais vous poser une
10 question. Vous nous avez dit que vous étiez le directeur de l'école
11 élémentaire de Janjici; est-ce exact ?
12 R. Oui, c'est exact.
13 Q. Janjici, est-ce qu'il s'agit du même village ou de la même petite ville
14 qui se trouve près de la rivière Bosna. Je pense, en fait, que vous l'avez
15 indiqué comme étant l'endroit où se trouvait l'Unité des mortiers. C'est
16 bien cela ? Il s'agit du même village ou de la même petite bourgade ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous n'étiez pas en fait le directeur de l'école primaire ou
19 élémentaire à Lasva ? C'est bien exact ?
20 R. Non. J'étais directeur de cette école également. Car l'école centrale
21 se trouve à Janjici, et dans notre système éducatif, il y a des classes
22 régionales, et l'école de Lasva appartenait à l'école de Janjici, donc il
23 s'agissait d'une seule et même entité, une seule et même école.
24 Q. Vous vous occupiez également de l'école de Lasva ? Vous en étiez
25 également responsable.
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1 R. Oui.
2 Q. Vous en aviez les clés l'après-midi du 26 janvier ?
3 R. Oui.
4 Q. Parce que j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vous disiez ce
5 matin. Voilà comment j'ai compris les choses. Vous n'avez pas été
6 véritablement témoin oculaire des événements. Vous n'avez pas été témoin
7 oculaire des événements du 26 janvier. Je pense, par exemple, à ce qui
8 s'est passé le matin autour de la colline du village de Brdo. Vous n'étiez
9 pas présent, n'est-ce pas ?
10 R. Oui, c'est exact. Je n'étais pas présent.
11 Q. Tout ce qui vous a été indiqué étaient des événements qui ont été
12 observés par d'autres personnes ?
13 R. Oui.
14 Q. Les gens qui vous ont donné ces indications étaient des personnes qui
15 venaient de l'Unité de la 7e Brigade musulmane qui se trouvait cantonnée à
16 l'intersection de Lasva et de la rivière Bosna.
17 R. Il s'agissait de membres de la 7e Brigade musulmane et de deux membres
18 de notre détachement, qui leur avaient été affectés pour les aider. C'est
19 de ces deux sources que j'ai obtenu les informations.
20 Q. Vous nous dites donc qu'il y avait également des membres du 2e
21 Détachement qui se trouvait au village de Brdo et qui se trouvaient avec
22 des personnes de la 7e Brigade musulmane ?
23 R. Non. A cette époque-là, les membres de notre détachement ne se
24 trouvaient pas sur le territoire de la commune locale. Mais, en fait, il y
25 avait deux ou trois de nos membres, qui leur prêtaient main forte, qui les
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1 aidaient. Il ne s'agissait pas d'une unité militaire. Ils faisaient office
2 de guide en fait.
3 Q. D'après les informations que vous avez reçues le matin du 26 janvier,
4 informations qui portaient sur les événements de Brdo, en fait, ce sont des
5 renseignements que vous avez reçus exclusivement de la part des membres de
6 la 7e Brigade musulmane.
7 R. Des membres de la 7e Brigade musulmane et des deux membres de notre
8 propre détachement qui leur faisaient office de guides.
9 Q. Ah, je vois. Maintenant, je comprends.
10 R. L'information que j'ai reçue était d'ailleurs identique.
11 Q. Deux membres. Est-ce que vous pouvez nous donner le nom des deux
12 membres qui se sont rendus -- qui étaient avec la 7e Brigade musulmane de
13 Montagne ?
14 R. Je pense que l'un s'appelait Bulut Mujo, et je ne me souviens pas du
15 nom de l'autre membre.
16 Q. Qui vous a donné ces renseignements à propos de l'assassinat du
17 commandant de la compagnie ? Je pense qu'il s'agissait de M. Camdzic. Est-
18 ce que ce sont les deux membres de votre unité ou est-ce que c'étaient des
19 membres de la 7e Brigade musulmane ? Je sais que cela fait très longtemps,
20 mais est-ce que vous vous en souvenez ?
21 R. Pour ce qui est de l'information relative à l'assassinat et pour ce qui
22 est des renseignements relatifs aux événements qui ont suivi l'assassinat,
23 ce sont des informations qui m'ont été données par les membres de la 7e
24 Brigade musulmane et par nos deux membres. J'ai reçu cette information des
25 deux sources. Maintenant, quant à savoir qui étaient les membres de la 7e
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1 Brigade musulmane, je n'en sais rien. Je n'en connaissais aucun en fait.
2 Q. Qui avait d'autres informations ? Est-ce qu'il y avait des informations
3 qui vous ont été données par d'autres soldats, et quels étaient ces
4 renseignements ?
5 R. Non, c'est la même chose. En fait, on m'a dit la même chose, ni plus ni
6 moins. Qu'ils sont arrivés au village, que lorsqu'ils sont arrivés, il y a
7 eu un coup de feu qui a atteint Camdzic et qui l'a tué. Après cela, Softic
8 a été tué, et que c'est là que les tirs ont commencé. C'est ce qu'ils ont
9 tous dit.
10 Q. Est-ce qu'ils vous ont également parlé du meurtre de
11 M. Zvonko Rajic ?
12 R. Non.
13 Q. Ils ne vous ont pas parlé des circonstances de sa mort.
14 R. Non. J'en ai entendu parler. J'ai entendu parler du meurtre de Zvonko
15 Rajic plus tard, l'après-midi.
16 Q. Qui vous l'a relaté ?
17 R. Je ne sais pas. L'une des personnes du crû, lorsque je suis arrivé
18 l'après-midi pour ouvrir l'école, c'est l'un des villageois, mais je ne
19 sais plus en fait de qui il s'agissait.
20 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'un villageois musulman ou croate ?
21 R. D'un Musulman.
22 Q. Que vous a-t-il dit ?
23 R. Il m'a dit que Zvonko Rajic avait également été tué.
24 Q. [aucune interprétation]
25 R. Ils m'ont demandé si je savais que Zvonko Rajic avait été tué. Je leur
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1 ai dit que je ne le savais pas. Ils m'ont dit, mais il semblerait qu'il a
2 également été tué.
3 Q. Est-ce qu'ils vous ont parlé des circonstances de sa mort ?
4 R. Non, ils ne l'ont pas fait, et je pense qu'ils ne pouvaient pas, en
5 fait, m'en parler. Parce qu'il s'agissait de personnes de Lasva -- qui
6 étaient à Lasva, alors que ces événements se sont passés à Dusina. Je pense
7 qu'ils en ont entendu parler à la suite d'un appel téléphonique. Je ne sais
8 pas véritablement comment. Ils ne se sont pas entrés dans les détails, et
9 de toute façon, ils n'avaient aucune information sur ces détails. S'ils le
10 savaient, ils ne l'auraient entendu que de la part d'autres, comme je l'ai
11 fait, parce que nous n'étions pas témoins.
12 Q. Vous venez de dire qu'ils l'avaient probablement entendu à la suite
13 d'un appel téléphonique. Donc, les téléphones fonctionnaient ce jour-là, à
14 ce moment-là ?
15 R. Elles fonctionnaient toujours au sein de la commune locale, qu'il y ait
16 de l'électricité ou non. Localement, oui, elles fonctionnaient. Mais s'il
17 n'y a pas d'électricité, vous ne pouviez pas communiquer hors de Lasva, et
18 on ne pouvait pas non plus téléphoner à Lasva. Mais à l'intérieur de Lasva,
19 les téléphones ont toujours fonctionné.
20 Q. J'aimerais vous poser une question à propos d'un certain nombre de
21 personnes que vous connaîtrez peut-être ou non. Dites-moi-le juste tout
22 simplement. Est-ce que vous connaissez une personne qui répond au nom de
23 Serif Paskovic ?
24 R. Non, je ne le connais pas personnellement, mais j'en ai entendu parler.
25 Q. [aucune interprétation]
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1 R. J'ai entendu qu'il était commandant. Je pense, qu'à l'époque, il était
2 commandant de bataillon et, plus tard, il est devenu commandant de la 7e
3 Brigade musulmane.
4 Q. Lorsque vous dites "commandant de bataillon", cela signifie commandant
5 de bataillon au sein de la 7e Brigade musulmane ?
6 R. Oui.
7 Q. Quel était son grade en janvier 1993 ?
8 R. Oui, je pense que c'est cela. Je ne suis pas si sûr, mais je le pense.
9 Q. Le 26 janvier, vous vous trouviez à la confluence de ces deux rivières,
10 en tout cas pour ce qui est de la matinée, et vous avez parlé aux membres
11 de la 7e Brigade musulmane. Est-ce que vous avez Serif Patkovic, ce jour-
12 là ?
13 R. Je l'ai vu l'après-midi. Il est venu à Lasva en face de l'école où
14 l'essentiel de la population croate se trouvait. Je l'ai vu vers 16 heures
15 environ devant l'école, et je ne l'avais pas vu auparavant sur le terrain.
16 Q. Est-ce que vous lui avez parlé lorsque vous l'avez vu cet après-midi-là
17 devant l'école ?
18 R. Oui. Nous nous sommes présentés l'un à l'autre. Je lui ai dit que
19 j'étais le directeur de l'école. Je lui ai également dit quel était mon
20 grade dans le 2e Détachement anti-sabotage, et que j'étais venu pour ouvrir
21 les portes de l'école pour que la population puisse y entrer. C'est la
22 première fois que nous nous sommes rencontrés, et je ne l'ai plus jamais vu
23 après. Je ne l'avais jamais avant, et je ne l'ai jamais vu après.
24 Q. Est-ce qu'il vous a demandé d'ouvrir l'école ? Pourquoi avez-vous
25 ouvert les portes de l'école ?
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1 R. Non. Je lui ai dit que j'étais venu pour ouvrir les portes de l'école
2 parce que la population civile arrivait et que nous devions l'héberger dans
3 l'école. Il ne m'a rien demandé.
4 Q. Est-ce qu'il vous a dit quelque chose ?
5 R. Je pense qu'il a dit : C'est bien. C'est bien ce que vous faites.
6 Enfin, quelque chose de ce goût-là.
7 Q. L'avez-vous vu entrer dans l'école ?
8 R. Non, il n'est pas entré dans l'école.
9 Q. Pendant combien de temps étiez-vous dans l'école. Je pense que vous
10 êtes arrivé vers 16 heures, mais vous pourriez peut-être nous le préciser.
11 R. Oui, vers 16 heures. Je pense que c'était l'heure à peu près. Il y
12 avait des personnes qui commençaient à arriver. Il y avait parmi ces
13 personnes cinq soldats du HVO. Il y avait des personnes qui portaient
14 l'uniforme, d'autres qui étaient en habits civils. Ces personnes ont été
15 hébergées dans l'école. Je pense que je suis resté là-bas jusqu'à 18
16 heures. En fait, essentiellement, je voulais m'assurer que toutes les
17 personnes pouvaient être hébergées et qu'elles n'avaient pas de problèmes.
18 Il n'y a pas eu de représailles, j'étais encore leur voisin. Ils venaient
19 souvent dans l'école. En tant que parents, ils venaient à des réunions de
20 parents d'élèves. Ils venaient chez moi. Nous avions de bonnes relations.
21 Je voulais m'assurer que tout allait bien pour eux. Ensuite, j'ai pu
22 partir.
23 Patkovic n'est pas entré dans l'école. L'école était protégée par des
24 soldats du 1er Détachement anti-sabotage. Les soldats de la 7e Brigade
25 musulmane n'étaient pas, à ce moment-là, dans l'école. D'ailleurs, ils
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1 n'ont pas pénétré à l'intérieur du complexe scolaire.
2 Q. Est-ce qu'il y avait une différence dans les uniformes portés par la 7e
3 Brigade de Montagne musulmane et les uniformes portés par les Détachements
4 anti-sabotage ? Est-ce que vous pourriez nous dire s'il y avait des
5 différences ?
6 R. Je pense que la couleur était différente. Il s'agissait d'uniformes de
7 camouflage avec les insignes de l'ABiH. Il faisait déjà nuit, mais j'avais
8 quand même passé du temps avec eux pendant la journée au niveau du
9 commandant. Je n'ai rien vu de spécial à leur sujet. Je ne sais pas s'ils
10 étaient mieux équipés que notre détachement. Je pense qu'ils avaient des
11 bottes militaires de meilleure qualité, qu'ils avaient des uniformes de
12 meilleure qualité, et des gants. C'est la seule différence que j'ai pu
13 remarquer.
14 Q. Pour revenir à ces choses que vous venez de nous dire, vous nous avez
15 dit que c'étaient des soldats du 1er Détachement anti-sabotage qui gardaient
16 les soldats du HVO. Quelle était la taille de cette section.
17 R. C'était une petite unité composée de sept à dix hommes. Leur tâche
18 consistait à protéger l'école afin d'empêcher tout incident pendant que ces
19 personnes se trouvaient là.
20 C'était la guerre. Il y avait des opérations de guerre qui étaient
21 effectuées. Ils n'auraient pas été conseillés plutôt de garder cette
22 centaine d'hommes, de femmes, et d'enfants sans aucune sécurité.
23 Q. Il y avait environ une centaine d'hommes, de femmes à l'école ?
24 R. Il y avait des femmes, des enfants. Il y avait, en réalité, tous les
25 villageois quelle que soit leur âge.
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1 Q. Il s'agissait uniquement de Croates.
2 R. Oui, uniquement des Croates.
3 Q. Je pense que vous avez dit qu'il y avait cinq ou six soldats du HVO. Il
4 n'y avait pas que des civils.
5 R. Il y avait des civils, mais pour la plupart, il devait y avoir une
6 trentaine de membres du HVO. Il y avait des gens qui étaient venus en
7 uniforme. Un certain nombre de ceux qui étaient membres du HVO, parce que
8 je connaissais les gens, avaient déjà enlevé leurs uniformes. Ils se sont
9 habillés en civil, et ils sont arrivés à l'école. Ils étaient là. La
10 plupart d'entre eux portaient des uniformes, mais ils n'avaient pas peur de
11 venir jusque-là.
12 Q. Pourquoi y avait-il besoin de les protéger par cette section qui
13 appartenait à l'Unité anti-sabotage ?
14 R. C'étaient des mesures de précaution, purement des mesures de prévention
15 parce que la nuit commençait déjà à tomber. Vous savez on fait toujours
16 comme cela dans l'armée. Dès qu'il y a un groupe plus important, les
17 militaires assurent. On ne sait pas, quelqu'un peut rentrer en portant une
18 grenade. Il n'y a pas de garanti absolu. Il y a des gens qui sont ivres, ou
19 d'autres qui ne sont pas tout à fait sain d'esprit. On prenait des mesures
20 de précaution pour que quelque chose d'imprévu n'arrive.
21 Q. Revenons maintenant à cette section ou ce groupe qui appartenait, donc,
22 ils faisaient partie du 1er Détachement, alors que vous, vous étiez
23 commandant adjoint du 2e Détachement.
24 Qui était le commandant du 1er Détachement anti-sabotage ?
25 R. Le commandant de ce détachement s'appelait Zajko Kozlic.
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1 Q. Etait-il présent ce soir-là ?
2 R. Oui.
3 Q. Combien de groupes compose un Détachement anti-sabotage ?
4 R. Un détachement comprend trois compagnies, chaque compagnie a trois
5 pelotons. Une compagnie contient 80 à 100 hommes. Chaque compagnie a un
6 peloton, trois groupes font partie d'un peloton et chacun des pelotons
7 contient entre huit et dix hommes. Le commandant du détachement était
8 Kozlic et je suppose que le QG avait transmis des ordres et chaque groupe
9 contenait huit à dix personnes et les gens, qui étaient là-bas, avaient
10 pour tâche d'assurer la sécurité des personnes.
11 Q. Si, par exemple, l'un des soldats du HVO voulait partir parce qu'il
12 connaissait quelqu'un dans la région, voulait se rendre dans sa maison,
13 est-ce que cela aurait été possible ?
14 R. vous voulez dire un membre du HVO ou n'importe lequel citoyen,
15 n'importe lequel Croate ?
16 Q. Je pense à quiconque qui était là-bas, si quelqu'un avait eu envie de
17 partir, parce qu'il ne voulait pas rester dans une classe où il y avait
18 beaucoup de monde. Est-ce que cette personne aurait pu partir ?
19 R. Tout le monde était arrivé de leur plein gré, je ne sais pas de quelle
20 façon ils s'étaient organisés ou qui en a eu l'idée mais tous ceux qui
21 étaient venus, que ce soit les civils ou les membres du HVO étaient venus
22 de leur plein gré et chacun voulait, ceux qui voulaient parce que jusqu'à
23 la veille, c'était des gens avec lesquels nous prenions un verre, on se
24 rendait des visites, les uns aux autres.
25 Je sais que les gens sont allés à l'école, qu'on les a gardés quelques
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1 trois ou quatre heures là-bas, l'école ne fonctionnait parce que c'était
2 l'hiver et l'école n'était pas chauffée. Ils n'étaient pas des prisonniers,
3 ils étaient arrivés là-bas de leur plein gré parce qu'ils se sentaient plus
4 en sécurité, plus en sécurité que de rester au village, alors que la nuit
5 tombait.
6 Après, les gens étaient partis, certains étaient rentrés chez eux et
7 d'autres s'étaient rendus chez leurs voisins musulmans passer la nuit. Il y
8 avait une famille croate, c'étaient des gens que je fréquentais tout le
9 temps qui étaient venus dans mon appartement et non pas à l'école.
10 Q. Qui vous a dit que ces personnes étaient arrivées de leur plein gré ?
11 R. Je ne sais pas, je suppose qu'ils étaient venus de leur propre
12 initiative ou c'étaient eux-mêmes qui s'étaient organisés. Toujours est-il
13 qu'ils arrivés là-bas. Je sais que Faruk Barucija et Ivica Kristo c'étaient
14 deux "pots", mais très, très proches et, d'après ce que j'ai pu entendre,
15 ils allaient d'une maison à l'autre et invitaient les gens de se rendre à
16 l'école. Personne n'a subi aucun préjudice. Ceci étant dit, l'un était
17 Croate et l'autre Musulman, ces deux pots dont j'ai parlé.
18 Je pense vous dire que si les membres du HVO s'étaient rendus à l'école,
19 c'était qu'ils se sentaient réellement en sécurité.
20 Q. Je vous ai déjà posé la question, si des personnes auraient été
21 autorisées à partir. Maintenant, je vous pose la question d'une manière
22 plus spécifique concernant les membres du HVO. D'après vous, est-ce ils
23 auraient pu partir ?
24 R. Si on m'avait posé la question à moi, j'aurais dit que oui, parce que
25 tout le monde était arrivé de leur plein gré, personne ne les avait amenées
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1 de force. Ils étaient venus parce qu'ils le voulaient et, si quelqu'un leur
2 avait pose la question, est-ce que la personne pouvait quitter l'école et
3 se rendre chez lui ? J'aurais dit que, oui, sans problème, mais qu'ils
4 étaient plus en sécurité à l'école parce que la nuit commençait à tomber et
5 on ne savait pas ce qui pouvait arriver.
6 Mais en ce qui nous concernait, nous, c'était possible.
7 Q. Est-ce que tout le monde était ensemble, je veux dire, les civils et
8 les membres du HVO ? Ou est-ce qu'ils étaient séparés, à savoir, est-ce
9 qu'ils étaient dans des classes différentes ?
10 R. Quand ils sont arrivés, ils ne pouvaient pas rentrer tous dans la même
11 salle de classe parce que les salles de classe ne sont pas très grandes, il
12 y en a une qui doit faire 37 ou 38 mètres carrés, alors que l'autre est
13 plus grande. En rentrant, les civils sont rentrés pour la plupart dans une
14 salle de classe, alors que, dans l'autre salle de classe, étaient rentrés
15 les membres du HVO. C'était eux-mêmes qui avaient décidé de faire comme
16 cela au moment où ils entraient dans le bâtiment.
17 Q. De manière tout à fait magique, les civils disciplinés sont allés à
18 gauche et les autres à droit de manière la plus disciplinée qui soit,
19 personne n'a donné des ordres, personne n'a dit, tel groupe dans telle
20 salle de classe, tel autre groupe dans l'autre salle de classe. Est-ce bien
21 comme cela que cela s'est passé ?
22 R. Oui, c'est comme cela qu'ils sont entrés et se sont organisés d'eux-
23 mêmes. Je ne sais pas, est-ce que parmi ceux qui assuraient la sécurité de
24 l'école, la protection de l'école. Est-ce quelqu'un qui était la porte leur
25 avait donné des indications, des consignes ? Je n'en sais rien, mais, quand
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1 je les ai vus, ils étaient comme cela, séparés dans ces deux groupes.
2 Vous savez, même s'ils avaient été dans une même salle de classe, on aurait
3 très bien pu voir qui était civil et qui était membre du HVO puisque la
4 plupart d'entre eux portaient des uniformes.
5 Q. Pendant que vous étiez là, pendant ces heures que vous étiez là, si je
6 ne m'abuse, de 16 à 18 heures, avez-vous pu observer des personnes qui
7 auraient été mal traitées, que ce soit des soldats du HVO ou des civils ?
8 R. Non. Non, cela ne s'est absolument pas produit.
9 Q. Est-ce que quelqu'un vous a parlé de mauvais traitements que quiconque
10 aurait pu subir, que ce soit à l'intérieur d'une salle de classe ou à
11 l'extérieur ?
12 R. Non, je n'ai jamais entendu parler de quelque chose de telle sorte. Ce
13 que je puis affirmer, c'est que pendant ces quelques heures que j'y ai
14 passées, cela ne s'est pas produit.
15 Q. Peut-être que vous pourriez nous aider avec des mots. Est-ce que vous
16 pourriez nous énumérer qui étaient les soldats qui étaient à l'école, ce
17 soir-là, donc le 26 janvier, qui avez-vous reconnu ?
18 R. Ils étaient tous là, tous, sans exception, ils étaient tous là, ce sont
19 des gens que je connais très bien, comme s'ils habitaient la même maison,
20 que ce soit la famille Rajic, la famille Kristo, il en va de même pour la
21 famille Radose, toutes ces familles qui étaient de la commune locale, elles
22 étaient là.
23 Je peux vous donner les prénoms et les noms, mais si je vous dis, ils
24 étaient tous là, donc je peux ne pas les énumérer.
25 Q. Merci bien. Est-ce que vous avez pu parler à l'un ou à l'autre ?
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1 R. Vous savez, j'étais dans un grand embarras dans cette situation là.
2 Vous vous imaginez tout ce qui a pu se passer, nous étions des voisins, il
3 y avait des morts, d'un côté, et il n'y avait pas de Musulman qui était
4 mort. Les Musulmans de Lasva, je veux dire, les Croates arrivent ici dans
5 cette école, ils se sentent inférieurs, ils ont comme une peur. Donc, pour
6 moi, c'était très embarrassant de les rencontrer et encore plus de leur
7 parler, étant donné tous nos rapports dans le passé, vous savez.
8 J'ai échangé une phrase en disant, vous voyez ce qui nous est arrivé.
9 On a dit tout le temps, il faut ceci ou cela. Voilà, cela n'a pas marché,
10 et vous voyez ce qui nous est arrivé. J'ai quitté la salle de classe. Dans
11 de telles circonstances, j'ai eu beaucoup de peine à leur parler.
12 Non pas parce que j'aurais pu ressentir quelque chose d'immicale
13 envers eux, mais tout simplement parce que nous nous trouvions dans une
14 situation qui n'était pas vraiment nécessaire.
15 Q. Je pense que vous avez mentionné Zeljko Cvijanovic. C'était l'une des
16 personnes qui étaient là-bas. Est-ce que vous vous souvenez de cette
17 personne ?
18 R. Oui.
19 Q. Etait-il parmi les personnes que vous avez pu voir -- que vous avez
20 vues à l'école ?
21 R. Je pense que oui. Je ne peux pas vous le garantir, mais je pense qu'il
22 était là.
23 Q. Comment étiez-vous habillé ce jour-là ?
24 R. Je portais un uniforme de camouflage et un manteau militaire. Je ne
25 possédais pas d'arme.
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1 Q. D'autres membres de ce groupe qui protégeait -- qui montait la garde
2 autour de l'école, étaient-ils armés ?
3 R. Oui. Oui, oui, bien sûr qu'ils étaient armés. Comment des militaires
4 pourraient-ils assurer la garde s'ils n'avaient pas d'armes ?
5 Q. Est-ce que cela vous surprendrait si je vous disais que des personnes
6 qui se trouvaient dans la salle de classe avaient subi de mauvais
7 traitement dans le courant de l'année ?
8 R. Oui, je serais surpris. Parce que, d'après ce que je sais, personne n'a
9 subi de mauvais traitement. Je ne l'ai jamais entendu dire par personne.
10 Q. Je voudrais maintenant évoquer avec vous un autre nom, Velid Subotic.
11 Est-ce que vous le connaissez ?
12 R. Non. J'entends parler de lui pour la première fois.
13 Q. Son surnom est Geler.
14 R. J'ai entendu parler de Geler. J'ai entendu des gens mentionner Geler.
15 Ceci étant dit, Geler, c'est tout simplement un fragment d'une bombe ou
16 d'un obus. J'ai entendu mentionner Geler comme quelqu'un qui avait
17 participé aux combats. Mais vraiment, je ne sais pas qui il est.
18 Q. Il y avait une caractéristique très particulière de cet homme. Il avait
19 Un œil en verre.
20 R. Non, cela, je ne sais pas.
21 Q. L'avez-vous vu ce jour-là, ou avez-vous entendu qu'il était dans les
22 parages ?
23 R. Vous savez, si vous ne connaissez pas quelqu'un, on peut difficilement
24 affirmer l'avoir vu. Peut-être que je l'ai vu, mais je ne savais pas que
25 c'était lui.
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1 Vous avez dit qu'il s'appelait Velimir Subotic. J'ai entendu déjà
2 mentionner le nom de Geler. Mais je n'ai jamais entendu parler de Velimir
3 Subotic. C'est quelqu'un que je ne connais pas.
4 Q. Vous souvenez-vous dans quel contexte les gens évoquaient Geler ? Je
5 veux dire dans le contexte du 26 janvier.
6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une
7 objection parce que le témoin n'a jamais mentionné que Geler avait fait
8 quoi que ce soit le 26 janvier. Cette question ne devrait pas être posée.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation ne lui demande pas ce qu'a fait Geler.
10 L'Accusation lui demande s'il a entendu parler d'un dénommé Geler. Il a
11 dit, oui, j'ai entendu parler de Geler. Mais on n'est pas au stade de
12 savoir ce qu'il a fait ou ce qu'il n'a pas fait.
13 Continuez.
14 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Q. Permettez-moi de répéter ma question, Monsieur le Témoin. Vous nous
16 avez dit que vous avez entendu des gens parler de lui. Je vous demande,
17 tout simplement, si les gens avaient dit qu'il avait participé, d'une
18 manière ou d'une autre, dans les événements du 26 janvier 1993. Vous nous
19 avez parlé de beaucoup d'ouïe-dire aujourd'hui. Vous avez peut-être entendu
20 dire quelque chose relatif a Geler.
21 R. J'ai dit, à votre première question si je connaissais Velid Subotic,
22 que c'était quelqu'un que je ne connaissais pas. Après que vous m'avez dit
23 qu'il avait aussi un surnom, et que c'était Geler, je vous ai dit que j'en
24 ai entendu parler, mais je ne savais pas ce qu'il avait fait. Donc, j'ai
25 entendu parler de Geler. Je ne sais pas s'il s'agit de Velimir Subotic ou
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1 de quelqu'un d'autre. Mais je ne sais pas ce qu'il a fait. Je sais tout
2 simplement qu'il existait.
3 M. WAESPI : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président,
4 je souhaite montrer au témoin un rapport de combat rédigé par l'un de ces
5 Détachements anti-sabotage. Il s'agit de la pièce à conviction P530.
6 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder ces deux pages. Pouvez-vous
7 regarder qui a apposé sa signature. Je pense qu'il s'agit de quelqu'un dont
8 vous avez déjà mentionné le nom. Pouviez-vous dire, à la Chambre de
9 première instance, qui est cette personne qui a signé ce document.
10 R. La personne qui a signé, c'était Zajko Kozlic, le commandant du 1er
11 Détachement contre-sabotage. Je ne sais pas si c'est sa signature
12 authentique ou non.
13 Q. Il s'agit là d'un rapport de combat qui porte sur les événements dont
14 nous parlons, du moins, ce rapport semble parler des événements qui nous
15 intéressent ici. Je vois que votre nom y figure à deux endroits. Pouvez-
16 vous nous dire peut-être quel a été votre rôle ce jour-là.
17 Aussi, le deuxième paragraphe, qui commence par "Le 28 janvier 1993 vers 13
18 heures." Dans ce paragraphe, on parle de la participation du 2e Groupe
19 contre-sabotage -- 2e Détachement anti-sabotage. On voit que le commandant,
20 Serif Patkovic, a coordonné toute l'opération. Par la suite, on continue --
21 et je souhaite vous en donner lecture.
22 Il est dit que : "Le deuxième, un officier, Hazim Barucija, qui appartenait
23 au 2e Détachement, a participé à organiser l'arrestation de membres du HVO
24 à l'aide de notre peloton. On s'est mis d'accord que toutes les armes
25 seraient mis sur un tas à l'extérieur de la maison de Zvonko Rajic et que,
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1 par la suite, ce groupe se dirigeait les mains en l'air vers l'école de
2 Lasva."
3 Dans le paragraphe suivant, il y est dit qu'on a procédé à la séparation
4 entre les civils et les militaires. On a dit qu'ils ont mis dans les
5 différentes salles de classe, que l'opération a duré jusqu'à 4 heures.
6 C'était au moment où vous êtes arrivé à l'école, et que cela s'est terminé
7 vers 19 heures. Il y est dit ainsi qu'un groupe était arrivé.
8 Après, on parle de vous également. Je cite : "A partir de 19 heures jusqu'à
9 20 heures 30, nous les avons détenus dans les salles de classe, et quand
10 nous avons reçu l'approbation de l'officier des opérations du 2e Groupe
11 anti-sabotage," -- c'est la même référence, c'est comme cela qu'on vous a
12 appelé dans le paragraphe précédent, que : "C'est à ce moment-là que Salih
13 Heco a commencé à s'occuper d'eux."
14 Vous étiez là ce jour-là, et vous pourriez peut-être nous dire que pensez-
15 vous de ce rapport, de ces commentaires, ces commentaires dans ce rapport
16 rédigé par le commandant du 1er Détachement anti-sabotage ? J'attire votre
17 attention sur le fait que l'on parle du 28 janvier 1993. Peut-être que vous
18 avez un commentaire à nous faire là-dessus, et ce rapport a été rédigé le
19 22 février 1993, presque un mois après les événements.
20 Quels sont vos commentaires ?
21 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, par ailleurs, je vois
22 l'heure. Je me remets à votre décision. Peut-être que le témoin
23 souhaiterait relire ce passage pendant la pause.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, le mieux, c'est que vous preniez votre
25 temps pour lire pendant la pause. Il est midi 30. Nous reprendrons à 12
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1 heures 55. Je rappelle à tout le monde que nous terminons à 13 heures 45.
2 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.
3 --- L'audience est reprise à 12 heures 57.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de continuer, concernant le temps. La Défense
5 a utilisé une heure 40, alors que sur le document à l'origine, il était
6 prévu une heure. En théorie, l'Accusation a une heure 40, ce qui fait que
7 cela va nous amener à lundi. Donc, si l'Accusation veut utiliser le même
8 temps, elle peut. La Chambre aura aussi des questions à poser. Il y aura
9 des questions supplémentaires. Donc, il y a des chances, Monsieur, que vous
10 allez rester jusqu'à lundi.
11 Je vous donne la parole.
12 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, mais je n'aurai
13 pas besoin de tout le temps dont je pouvais disposer. Je pense qu'il serait
14 préférable que M. Barucija puisse rentrer chez lui ce weekend. Je pourrais
15 raccourcir mon contre-interrogatoire, et cela restera peut-être
16 suffisamment de temps à tout le monde.
17 Q. Monsieur Barucija, j'espère que vous avez pu profiter de la pause, mais
18 en même temps, j'espère aussi que vous avez pu vous familiariser avec ce
19 document.
20 R. C'est un ordre de combat que j'ai lu pendant cette pause, et la chose
21 que je pouvais vous en dire est la suivante. Il y a une erreur de fait dans
22 la date. Ce n'est pas le 28 janvier, c'est le 26. Cet ordre de combat a été
23 rédigé un mois après -- un mois plus tard. Généralement, ils sont rédigés
24 immédiatement après les événements. C'est un petit peu étonnant qu'autant
25 de temps se soit passé. Mais en fin de compte, peut-être que cela n'a
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1 aucune importance.
2 Le commandant du 1er Détachement contre-sabotage dit ici qu'il a refusé --
3 qu'il a reçu l'ordre de la Défense territoriale. Je n'en sais rien. Mais je
4 sais que je l'ai vu vers 16 heures, et qu'il m'a dit qu'une mission lui a
5 été confiée. En même temps, sur la base des informations que nous avions
6 déjà, et que la population était déjà informée, qu'elle était en train
7 d'arriver à l'école et qu'il n'y avait pas lieu de procéder à l'exécution
8 de ces tâches. Je vais les énumérer : de prendre position au niveau du
9 village de Lasva; et pour ce qui est de Rajici et de Donja Visnjica, de les
10 garder dans l'encerclement. Il n'y avait plus lieu de faire cela puisque la
11 population et les membres du HVO avaient commencé déjà à arriver à l'école.
12 Les forces du MOS et d'autres unités avaient participé à l'encerclement.
13 Mais ce n'étaient pas les forces du MOS. C'était une compagnie de la 7e
14 Brigade musulmane. Une partie de cette unité est restée sur le terrain, et
15 ils ont commencé à arriver à un moment après 16 heures.
16 Là, où on parle de moi -- on mentionne mon nom, je ne sais pas si vous
17 pouvez l'interpréter. Je n'arrive pas à voir où il veut en venir. "Chargé
18 d'opérations du 2e Détachement contre-sabotage a refusé cette remise et a
19 procédé à organiser, avec notre peloton" --
20 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi la fin.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] -- je ne sais pas vraiment pas ce que cela
22 signifie. Probablement, le commandant du détachement a reçu cette mission,
23 mais il n'y avait pas lieu d'exécuter cela puisqu'on avait toute la
24 population qui était arrivée. Donc, mis à part le fait de monter la garde
25 de l'école, il n'y avait pas lieu de faire autre chose.
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1 Pourriez-vous m'expliquer ce que cela signifie ? Qu'est-ce que j'aurais dû
2 organiser dans la réalisation des forces du HVO ?
3 Q. Au deuxième paragraphe, au milieu, il est dit : "Des civils se sont
4 rendus". Ce terme "se sont rendus", cela ne semble pas signifié, comme vous
5 l'avez réitéré à plusieurs reprises, qu'ils sont arrivés de leur propre
6 chef. Je suppose que le commandant qui a rédigé ce rapport avait plus
7 d'information au sujet de cela que vous. Comme vous l'avez dit, vous n'avez
8 pas eu l'occasion de parler à ces gens-là.
9 R. D'après ce que j'en sais, ils ne sont pas arrivés de forces. Ils sont
10 arrivés de plein gré.
11 Q. Très bien. Page 2 de ce document, s'il vous plaît, l'avant-dernière
12 phrase. Il est dit : "Le peloton est retourné à la base de Bistricak, le 31
13 janvier 1993." Pouvez-vous nous dire où cela se situe ? Où était cette du
14 Détachement contre-sabotage ?
15 R. Il recouvrait la commune locale de Nimila. C'est une zone plus large.
16 Cela englobe, me semble-t-il, plus d'une dizaine de villages. Bistricak
17 n'est que l'une des villages dans la commune locale de Nemila, qui se situe
18 au nord. Vous pouvez vérifier cela sur la carte. C'est au nord.
19 Vous voyez, en aval, vous trouverez Nemila. C'est la zone de responsabilité
20 du 1er Détachement contre-sabotage, et leur base était à Bistricak. Quant à
21 savoir ce qu'ils ont fait jusqu'au 31 janvier et où ils étaient, je ne sais
22 pas. C'est uniquement cette nuit-là qu'ils ont passée à Lasva, et c'est de
23 là qu'ils sont repartis.
24 Q. J'aimerais savoir quelle est la distance entre Lasva et Bistricak ?
25 R. De Lasva à Zenica, il y a 16 kilomètres. De Zenica à Nemela, 40
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1 kilomètres, je pense. De Nemila à Bistricak, une dizaine également, donc,
2 en tout, 50 à 60 kilomètres.
3 Q. Dans quelle direction ? C'est au nord de Lasva ?
4 R. Oui, au nord, en aval.
5 Q. Je vous remercie. Juste quelques points qu'il me reste à clarifier.
6 Vous nous avez dit que, lorsque vous étiez au QG de la compagnie de la 7e
7 Brigade musulmane de Montagne, dans la matinée et pendant les journées qui
8 ont précédé le 26 janvier, que ces cinq soldats du HVO ont été capturés et
9 amenés. Qui étaient ces gens-là ? Connaissez-vous leur nom ?
10 R. C'était le 26 janvier, donc une fois que le conflit a commencé. Il me
11 semble que c'était Viktor Rajic.
12 Q. Les autres ?
13 R. Vraiment, il ne connaît pas le nom des autres. Je ne peux dire avec
14 certitude qu'il y avait parmi eux Viktor Rajic. Il y en avait cinq ou six.
15 Vous savez, 12 années se sont écoulées. Il y a des détails qu'on oublie.
16 Q. Outre la 7e Brigade musulmane de Montagne, vous avez mentionné
17 également la 303e Brigade, me semble-t-il. Comment savez-vous, tout
18 d'abord, que cette unité qui était là appartenait à la 7e Brigade musulmane
19 de Montagne ? Quelqu'un vous l'a dit ? Ils portaient des insignes ? Vous
20 les connaissiez ?
21 R. Quand je suis revenu de Maglaj, j'ai vu en passant par là par le train,
22 parce que là où la Lasva se jette dans la Bosna, il y un pont ferroviaire,
23 et juste en bas, en contrebas, il y a la maison où était positionné notre
24 garde, et où était par la suite le commandement de cette compagnie de la 7e
25 Brigade musulmane. J'ai vu qu'il y avait des gens que je ne connaissais
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1 pas. Quand je suis descendu du train à Lasva, j'ai parlé aux gens, et on
2 m'a dit que les nôtres étaient partis au front, et qu'ils se sont vus
3 remplacés par une compagnie de la 7e Brigade musulmane, et qu'elle s'était
4 chargée de la sécurité du carrefour par la suite, et de tout ce dont on a
5 déjà parlé.
6 Q. Ce sont des amis qui vous l'ont dit, et non pas les soldats membres de
7 cette brigade ?
8 R. Des amis parce qu'à mon retour de Maglaj, je suis allé chez moi, à la
9 maison et après au commandement du détachement. Là, j'ai pris connaissance
10 de la situation. Je l'ai appris à la fois au commandement du détachement et
11 aussi lorsque je suis rentré chez moi. On m'a dit que c'étaient des membres
12 de la 7e Brigade musulmane de Montagne qui était une Unité régulière au
13 sein de l'ABiH.
14 Q. Je vais vous reposer la même question au sujet de la
15 303e Brigade. Comment savez-vous que ces soldats étaient membres de la 303e
16 Brigade, cette unité qui devait prêter assistance à Merdani ?
17 R. Quand cette unité est arrivé, je suppose qu'au commandement du corps
18 d'armée, on leur a dit de se présenter chez nous au confluent, là où on
19 était, qu'ils auraient deux ou trois hommes pour les aider à aller à
20 Merdani, pour servir de guides. Quand ils sont arrivés, on leur a demandé
21 qui ils étaient, et ils ont dit qu'ils étaient membres du Bataillon
22 ferroviaire qui faisait partie de la 303e Brigade de Montagne.
23 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige, c'était le bataillon qui portait le
24 nom "Homme de Jeze Zara [phon], et Jeze Zara était le nom de l'entreprise.
25 Q. Je vais vous montrer un autre document à présent, un deuxième document,
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1 le P131.
2 Vous nous avez dit ce matin qu'il y avait cette unité, et je pense que vous
3 l'avez montrée dans l'un des documents, une des pièces à conviction, qui
4 est arrivée de l'endroit où vous étiez et qui s'est engagée vers le village
5 de Brdo. Je pense que c'est l'unité qui est revenue avec des soldats du
6 HVO.
7 Maintenant, si on examine ce document, il semblerait qu'il s'agit d'un
8 rapport de la 7e Brigade musulmane. Il est question de cette opération.
9 Dans la première phrase, et la deuxième, il est dit que : "Dans la matinée
10 de ce jour-là, tôt dans la matinée, nous avons capturé la côte 852 en
11 surplomb du village de Lasva," et par la suite, il est dit de quelle unité
12 il s'agit. C'est la 2e Compagnie du 2e Bataillon. Plus tard et au milieu du
13 paragraphe, il est dit que le commandant Elvedin Camdzic a été tué. C'est
14 ce que vous nous avez dit également.
15 Il me semble, de ce document, qu'ils ne sont pas contentés de passer par là
16 et de se rendre au village de Brdo, comme vous nous l'avez dit, mais qu'ils
17 ont "pris" la côte. C'est ce qui est dit. Est-ce que vous le saviez ?
18 R. Pour autant que je le sache, ils ne sont pas rendus à cette côte, et
19 ils n'avaient même pas reçu cette mission. A en juger d'après toutes les
20 autres informations que j'avais, ils sont partis du commandement pour aller
21 au village de Brdo. Ils ne sont emparés d'aucune côte. Je ne sais pas
22 pourquoi on a rédigé ceci de cette manière-là. Mais d'après mes
23 informations, ils sont allés au village de Brdo après l'assassinat que je
24 vous ai relaté, il s'est passé ce qui s'est passé.
25 Quant à la côte 852, il n'en a pas été question. Moi, non plus, je n'ai
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1 aucune connaissance que cet événement ait eu lieu.
2 Q. M. Asim Koricic a signé ce document au nom du commandant. Est-ce que
3 vous estimez qu'il a rédigé un rapport officiel qui nous induit en erreur,
4 un rapport officiel envoyé à l'officier de permanence du 3e Corps d'armée ?
5 Est-ce que c'est une erreur lorsqu'il parle de la côte dans la vallée de la
6 Lasva ? Vous pensez qu'il a induit en erreur ce commandant ?
7 R. Je ne peux parler de ces intentions. D'après ce que j'en sais, je n'ai
8 pas ce genre d'information que cela se soit passé comme cela. Quant à lui,
9 je ne peux pas parler de ces intentions à lui.
10 Q. Encore une fois, pouvez-vous nous dire quelle était la source de vos
11 informations ?
12 R. J'ai été informé de la part des membres de la 7e Brigade musulmane qui
13 sont venus après le conflit au commandement de la compagnie, de la part de
14 nos combattants qui les ont accompagné, et après mon arrivée cet après-
15 midi-là dans le village de Lasva.
16 Je n'ai jamais entendu absolument rien au sujet de la capture de cette
17 côte. Car, il n'y avait pas lieu de s'emparer de cette côte, la côte 852,
18 je pense que c'est la Crna parce qu'il y avait là déjà au village de
19 Merdani, une compagnie de ce Bataillon Muslimanska Snage. Pourquoi a-t-on
20 rédigé cela de cette manière-là, je ne le sais vraiment pas. Je ne sais pas
21 qu'on ait cherché à capturer cette côte.
22 Q. Je ne voudrais pas entrer dans un débat militaire, mais pensez-vous
23 qu'il était justifié pour des raisons militaires de capturer le point le
24 plus élevé qui avait l'altitude la plus importante ? Vous étiez commandant
25 adjoint du 2e Détachement de contre-sabotage; est-ce que vous pensez qu'il
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1 y avait un sens à faire cela ?
2 R. Une raison militaire, certainement, il se peut qu'il y en ait, mais à
3 ce moment-là, ce n'était pas utile. Il n'y avait pas besoin de faire cela.
4 D'ailleurs, d'après mes informations, je ne pense pas que cela ait lieu.
5 Bien entendu, si on s'empare d'une côte donnée, cela nous permet de dominer
6 certaines zones, et à ce moment-là, il n'y avait pas besoin de faire cela.
7 Je n'ai pas d'information me permettant de dire que ceci a eu lieu.
8 Q. Je voudrais simplement vous demander en passant si vous avez fait votre
9 service militaire au sein de la JNA ?
10 R. Oui, j'ai fait mon service militaire, mais je n'étais pas un militaire
11 d'active.
12 Q. Etes-vous sorti de la JNA avec un grade ?
13 R. Non. J'ai fait mon service militaire dans l'ex-JNA en tant que tout
14 ressortissant de notre état. J'étais un militaire. Je suis sorti de l'école
15 d'officiers de réserve, et j'étais capitaine de réserve de par mon grade.
16 Je n'étais pas un militaire d'active.
17 Q. Brièvement, je voudrais parler de cette commission qui est arrivée. Il
18 me semble que vous avez dit que quelques jours après les événements, ils
19 sont venus dans votre zone. Je pense qu'il y avait un membre de la
20 FORPRONU. Il a parlé d'un massacre, si je vous ai bien compris. Pouvez-vous
21 nous dire qui était ce membre de la FORPRONU avec qui vous êtes entré en
22 contact ?
23 R. Non, cela je ne le sais pas. Qui était ce membre de la FORPRONU ? Je ne
24 sais pas. Qui était le commandant du HVO ou de Zenica ? Cela, je ne le sais
25 pas non plus. Je sais qu'il y avait un commandant adjoint du 3e Corps
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1 d'armée, Dzemal Merdan.
2 Quant aux autres individus, je ne les avais jamais vus de ma vie et je ne
3 sais vraiment pas comment ils s'appelaient.
4 Q. Pouvez-vous nous dire quel était son grade ? Le grade de la personne de
5 la FORPRONU ou peut-être le pays d'où il venait, la nationalité de la
6 personne ?
7 R. Non. Je ne sais pas.
8 Q. Avez-vous jamais été interrogé par la police ou la sécurité ou par du
9 personnel militaire au sujet des événements qui se sont produits le 26
10 janvier 1993 ?
11 R. Non.
12 Q. Savez-vous si, parmi les membres de votre unité, dont vous avez été
13 commandant adjoint, il y a eu des personnes qui ont dû répondre aux
14 questions posées dans le cadre d'un enquête de ce genre ? Est-ce que vous
15 êtes au courant de quelque chose de comparable ?
16 R. Pour autant que je le sache, de notre détachement, personne parce que
17 notre détachement n'avait pas de mission dans cette zone là, à ce moment-
18 là.
19 Je ne suis pas au courant du fait qu'il y a eu des interrogatoires, quels
20 qu'ils soient, avec des membres de notre détachement, qu'il y ait eu une
21 enquête à ce sujet ?
22 Q. Mais vous nous avez dit, ce matin, que votre zone de responsabilité de
23 l'un de vos détachements était cette zone là, Lasva et ces villages là
24 alentour.
25 R. Oui, c'est exact, c'était la zone de responsabilités de notre
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1 détachement, mais, à l'époque où les membres de notre détachement se sont
2 rendus sur le terrain d'opération de Maglaj, la compagnie rattachée de la
3 7e Brigade musulmane était rattachée directement au QG municipal de la TO,
4 donc c'était de leur compétence ce qui allait se passer par la suite. Donc,
5 toutes les opérations, nous on ne pouvait pas commander la Compagnie de la
6 7e Brigade musulmane par qu'ils étaient directement rattachés au QG
7 municipal de la Défense territoriale qui était notre commandement aussi.
8 Q. Ma dernière question concerne Serif Patkovic, vous l'avez mentionné.
9 Savez-vous ce qu'il fait ? Quel est le rôle qu'il joue ? A-t-il des
10 fonctions, quel est son travail ?
11 R. J'ai entendu parler d'une ferme, qu'il avait une exploitation agricole,
12 qu'il était dans ces eaux-là. Il y une ou deux années, il était ministre
13 chargé des Anciens combattants dans le canton de Zenica, mais qu'il n'a pas
14 de fonctions officielles maintenant, qu'il a une ferme. Je ne l'ai vu
15 qu'une seule fois cet homme de ma vie, je n'en sais pas plus. C'est ce
16 jour-là, à ce moment-là, et jamais nous n'avons eu aucun contact, aucune
17 activité ensemble, aucune autre activité.
18 Q. La question qui sera réellement la dernière, je m'excuse, vous nous
19 avez dit que, pour autant que vous le sachiez, il n'y a pas eu de mauvais
20 traitements, que personne ne vous a parlé de mauvais traitements, eu égard
21 aux personnes qui étaient installées à l'école.
22 Une fois que vous êtes parti à 20 heures, vous est-il arrivé d'en parler
23 avec des Croates du cru, les gens qui avaient été gardés à cette école ?
24 Cela ne vous est jamais arrivé de leur en reparler ?
25 R. Je vous ai dit que j'étais parti vers parti vers 18 heures, non pas 20
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1 heures et d'après ce que j'en sais, la population est restée à l'école à
2 peu près jusqu'à 21 heures et par la suite, ils ont été libérés, tous les
3 civils ont été libérés, ils ont pu repartir chez eux ou où ils voulaient.
4 Bien entendu, j'ai revu mes voisins, Rajic Miroslav qui était mon ami. Il
5 était aussi membre de l'armée, il était avec nous à l'unité, dans l'unité,
6 et il ne m'a jamais dit qu'il y avait eu de mauvais traitements ce jour là,
7 ce soir là, à l'école. Pour autant que je sache, ils sont restés jusqu'à 21
8 heures et après, on les a laissé repartir.
9 Les membres du HVO, pour autant que je le sache, ils ont été emmenés au KP
10 Dom à Zenica.
11 Q. Quand avez-vous parlé à Miroslav Rajic pour la première fois, après cet
12 événement ?
13 R. Quelques jours plus tard peut-être parce que je me suis rendu au
14 commandement du détachement. On avait d'autres tâches, quelques jours plus
15 tard, peut-être un autre Rajic aussi qui travaillait avec moi à la commune
16 locale, Marco Rajic, et jamais personne d'entre eux, personne ne m'a parlé
17 de mauvais traitement à l'école.
18 Q. Où se trouve Miroslav Rajic aujourd'hui ?
19 R. Je pense qu'il est aux Etats-Unis d'Amérique avec sa famille. Rajic
20 Marco se trouve à Lasva, il est revenu à Lasva et c'est là encore
21 aujourd'hui. D'abord tout ce que j'en sais, il n'y a eu absolument aucun
22 mauvais traitement à l'école, aucune torture, encore moins et donc il y a
23 Marco Rajic qui est revenu il y a quelques années, qui vit chez lui, il
24 peut en parler
25 Q. Je vous remercie de m'avoir répondu.
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1 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je n'ai pas
2 de questions supplémentaires à poser.
3 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président,
4 je vous remercie.
5 Questions de la Cour :
6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bonjour. J'aimerais vous poser quelques
7 questions qui vont porter sur la dernière partie de votre témoignage. Il
8 s'agit de votre réunion avec la commission qui eut lieu peu de temps après,
9 donc les combats du 26 janvier 1993.
10 Vous nous avez dit que lorsque vous vous êtes rendu dans les environs de
11 Dusina, vous avez dit, disais-je, que vous avez vu le commandant adjoint du
12 3e Corps, M. Merdan ainsi qu'une personne de la FORPRONU, un commandant du
13 HVO et un interprète.
14 Vous avez mentionné le nom de l'interprète mais j'ai vu que cela n'a pas
15 été repris dans le compte rendu d'audience. Mais je crois avoir compris le
16 nom de l'interprète, est-ce que vous pourriez nous dire quel était le nom
17 de l'interprète ?
18 R. Milica Kegelj, la fille de Jozo Kegelj, qui habitait dans le hameau de
19 Kegelj.
20 Q. J'avais également compris le nom de Kegelj. En fait, il est venu ici
21 l'année dernière, je pense en décembre de l'année dernière et, le 11
22 février, elle est revenue là-bas avec une commission de la FORPRONU et cela
23 s'est passé le 11 février, c'est exact que cela pourrait être la date
24 puisque vous avez parlé de quelques jours après les événements.
25 R. C'est possible. Oui, effectivement cela aurait pu se passer au début du
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1 mois de février, j'ai dit, quelques jours, cela aurait pu être cinq, six,
2 sept jours, cela ne s'est pas passé longtemps après les événements.
3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci. La commission que vous avez vue
4 était composée de ces quatre personnes. Est-ce qu'il y avait d'autres
5 membres présents pour cette commission ? Est-ce qu'il y avait juste ces
6 trois personnes plus l'interprète ?
7 R. Autant que je puisse m'en souvenir, ils étaient quatre : un
8 représentant de l'armée, un représentant du HVO, un représentant de la
9 FORPRONU, et un interprète. Ce n'était pas véritablement une réunion
10 officielle. Nous étions sur le terrain. Nous vaquions à nos activités, et
11 ils se sont trouvaient là.
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Donc, vous inspectiez peut-être le
13 secteur. Vous étiez à pied, dans une voiture peut-être et, tout d'un coup,
14 vous les avez rencontrés dans les environs de Dusina ? Comment est-ce que
15 cela s'est passé ? Dans quelles circonstances est-ce que cela s'est passé ?
16 R. En fait, il s'agissait d'une manœuvre de reconnaissance du terrain.
17 Parce que nous ne savions pas comment les choses allaient évoluer à
18 Busovaca. Nous pensions qu'il y allait avoir des activités de combat vers
19 la commune de la Lasva. C'est pour cela que nous avons formé une ligne de
20 défense derrière Dusina et vers Busovaca. Pendant que nous étions dans ce
21 secteur, c'est là que nous les avons rencontrés. Ils ne savaient rien de
22 nous, nous ne savions rien d'eux non plus d'ailleurs.
23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Lorsque vous dites "nous", vous parlez
24 des membres du 2e Détachement de contre-sabotage, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Combien étiez-vous ?
2 R. Il y avait le commandant de la compagnie ainsi que son adjoint.
3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous étiez trois, en d'autres termes ?
4 R. Oui.
5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez engagé un dialogue avec eux
6 ou ils vous ont invité à parler, vous ont posé des questions ? Est-ce que
7 vous vous êtes rendus quelque part ou est-ce que cela s'est passé là où
8 vous vous trouviez ? Est-ce que vous pourriez peut-être nous fournir de
9 plus amples détails à propos de cette conversation ?
10 R. Nous n'avons pas beaucoup parlé parce que nous ne savions pas qu'ils
11 allaient venir. Ils ne savaient pas non plus qu'il y avait des gens là-
12 haut. Je ne sais pas quel a été leur objectif. Je sais que Milica Kegelj
13 était en train de montrer sa maison, qui avait d'ailleurs déjà été
14 incendiée par des obus qui venaient de Busovaca. Ils ont vu que j'avais
15 certains insignes donc ils savaient que j'étais militaire. Ensuite, je
16 savais qui était le commandant adjoint du corps. Je me suis présenté, et
17 j'ai dit : commandant adjoint, voilà, je m'appelle Untel. Nous avons formé
18 des lignes de défense vers Busovaca, voilà, nous étions témoins de
19 l'arrivée de cette commission.
20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que Milica Kegelj y a été
21 présent également, à l'école, le 16 janvier. Vous souvenez-vous l'avoir
22 vu ?
23 R. Non, je ne pense pas qu'il a été là.
24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Il s'agissait de la commission et de
25 vous trois. Il n'y avait pas d'autres personnes présentes hors mis les
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1 membres de la commission, l'interprète, et vous trois, donc les trois
2 personnes de votre unité ?
3 R. Autant que je m'en souvienne, ils étaient quatre. J'étais là avec mes
4 associés. Nous étions en train d'inspecter les lignes, et voilà comment
5 cela s'est fait.
6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Vous avez dit que vous ne vous
7 souveniez plus du nom du commandant du HVO. Après, un moment plus tard
8 pendant votre déposition, vous avez parlé d'un représentant du HVO. Mais je
9 suppose qu'il s'agit de la même personne. Il n'y avait pas d'autres
10 représentants du HVO présents; est-ce bien exact ?
11 R. Vous voulez parler de la commission qui était arrivée ?
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Oui. Vous avez parlé d'un commandant du
13 HVO. Plus tard, vous avez fait état d'un représentant du HVO. Donc, pour
14 exclure toute autre possibilité, j'aimerais savoir s'il s'agissait de la
15 même personne.
16 R. Oui, oui, tout à fait. C'était la même personne. Je ne sais pas s'il
17 était commandant du HVO à Zenica ou s'il était l'adjoint. En tout cas,
18 c'était la même personne, et il venait du HVO de Zenica.
19 M. LE JUGE SWART : [interprétation] C'est le commandant du HVO qui a
20 indiqué qu'il y avait un massacre. C'est l'un des membres de la commission,
21 le commandant du HVO, qui vous dit qu'il y a eu un massacre. C'est ce que
22 vous nous avez dit ?
23 R. J'ai entendu ce représentant du HVO ou ce commandant, enfin, je ne sais
24 pas quel a été son grade. Je l'ai entendu mentionner un massacre. Il a
25 utilisé le mot "massacre". Mais personne d'autre ne l'a fait. Je ne sais
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1 pas quel était le contexte.
2 Plus tard, lorsque j'ai entendu la propagande, ils ont commencé à parler de
3 ce massacre immédiatement après cette journée. Toutefois, nous n'avions
4 aucun renseignement sur ce massacre. Il s'agissait d'une opération tout à
5 fait régulière de combat. J'ai déjà dit, d'ailleurs, que ma nièce, qui a
6 quitté Busovaca, nous a relaté ce qu'elle avait vu à la télé. Un jour
7 après, il était question d'un massacre terrible qui avait eu lieu, avec des
8 victimes, des femmes, des enfants, incendie complet du village. Je suppose
9 que c'était dans ce contexte qu'il parlait d'un massacre.
10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pour ce qui est de cette commission --
11 Vous avez dit que le commandant du HVO avait indiqué qu'il y avait eu un
12 massacre. J'ai écrit - corrigez-moi si je m'abuse - le commandant adjoint,
13 à savoir, M. Merdan, a dit qu'il n'avait aucune information à propos de ce
14 qui était dit par le commandant du HVO. Ce sont bien les propos que vous
15 avez tenus. Est-ce que c'est ainsi que vous vous souvenez de cet
16 événement ?
17 R. Oui, oui.
18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Donc, en d'autres termes, il y avait
19 deux points de vue. Le commandant du HVO, qui indiquait qu'il y avait eu un
20 massacre, et M. Merdan qui disait : "Je n'ai aucune information concernant
21 un massacre." Est-ce que c'est ainsi qu'il faut que je comprenne la
22 situation ? Est-ce que cela est bien exact ?
23 R. Oui, oui, vous pouvez la comprendre ainsi. D'après les renseignements
24 dont nous disposions, les morts se sont produites comme je l'ai décrite. Je
25 n'étais pas témoin oculaire, mais, toutefois, tous les morts sont morts
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1 pendant les opérations de combat.
2 Il faut savoir également que le camp croate, dès le 27, a commencé à parler
3 d'un massacre effroyable avec les douzaines de personnes civiles qui
4 auraient été victimes du massacre.
5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que le représentant de la
6 FORPRONU vous a interrogé, ou est-ce que M. Merdan et le commandant du HVO
7 vous ont posé des questions pour que vous puissiez leur relater votre
8 version des événements ? Comment est-ce que cela s'est passé ? Qui a posé
9 les questions ?
10 R. Nous n'avons pas passé beaucoup de temps en leur compagnie. Ils sont
11 venus sans nous. Ils ne savaient pas que nous étions là. Nous, nous ne
12 savions pas qu'ils allaient arriver. On est tombé sur eux en quelque sorte.
13 Je me suis présenté. J'ai dit au commandant adjoint pourquoi nous étions
14 là, que nous inspections des positions de combat. Ensuite, le représentant
15 du HVO a commencé à parler de massacre. Personne ne nous a posé de
16 questions, et nous n'avons pas véritablement participé à ce dialogue. Ce
17 n'était pas une longue réunion de toute façon.
18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais combien de temps a duré cette
19 rencontre, en quelque sorte ? Quelques minutes, un peu plus longtemps ?
20 R. Nous avons passé peut-être cinq à six minutes en leur compagnie.
21 Ensuite, nous avons poursuivi notre chemin, et ils sont restés tous seuls.
22 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'ai noté que vous avez dit, pendant
23 votre témoignage -- votre déposition : "Nous leur avons dit que le combat
24 avait commencé de telle et telle façon et que de nombreuses personnes
25 avaient été tuées, mais que le village n'avait pas été entièrement
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1 incendié." Est-ce que la teneur de vos propos ? Est-ce que vous aviez à
2 ajouter plus d'éléments ?
3 R. Oui, c'était essentiellement cela. Je n'étais pas en mesure de parler
4 des faits objectivement parce que je n'étais pas le témoin oculaire de ces
5 incidents. Lorsqu'on me posait des questions, je me contentais de relater
6 les choses que j'avais entendues de la part d'autres.
7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Il en va de même pour les autres
8 membres de votre détachement ? Ils n'étaient pas non plus présents lors de
9 ces événements, c'est exact ? Vous étiez tous au carrefour de Lasva le 26
10 janvier, c'est exact ?
11 R. De quels événements parlez-vous ?
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je parle de ce que vous avez entendu
13 après le 26, lorsque d'aucun de vous n'a dit qu'il y avait eu des personnes
14 qui avaient été tuées. Je vous pose cette question parce qu'il y a deux
15 versions. Il y a la version croate qui indique qu'il y a eu un massacre,
16 que des personnes ont été tuées après un combat. Il y a une autre version
17 des événements, et l'autre version indiquant que toutes les personnes ont
18 été tuées pendant les opérations de combat. Puisque vous n'étiez pas vous-
19 même présent, vous ne pouvez pas nous en parler vous-même, mais je voudrais
20 juste m'assurer d'une chose. Je voudrais bien savoir ce que vous avez dit à
21 la commission. Est-ce que vous vous êtes livré à des spéculations à propos
22 des circonstances ? Est-ce que vous avez dit : "Toutes ces personnes sont
23 mortes pendant une activité de combat," ou est-ce que vous leur avez dit :
24 "Je n'en sais rien. Je ne sais rien des circonstances," est-ce que vous
25 pourriez nous dire peut-être ce qui avait été dit ?
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1 R. J'ai reçu des informations qui provenaient des différentes sources, et
2 d'après toutes ces informations, les morts sont morts comme je l'ai
3 indiqué. Lorsqu'on m'a posé des questions à propos de ces incidents, je
4 disais que nos hommes et les membres du HVO ont été tués lors d'un combat
5 ou d'un combat armé qui a suivi la mort de Softic et Camdzic.
6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Entre le 26 janvier et 11 février, si
7 c'était bien ces dates, d'après les réponses que vous avez apportées au
8 Procureur, je crois comprendre que vous n'avez pas parlé aux membres de la
9 famille de Kegelj, par exemple, ou à des Croates de Dusina ?
10 R. Non. Je ne les ai pas vus parce que je pense qu'ils ont quitté le
11 village immédiatement. Il n'y avait personne qui est resté là-haut.
12 Quelques jours plus tard, le village était entièrement vide. Il n'y avait
13 plus de Kegelj dans le village. Il y avait certains Croates qui étaient à
14 Rajici ou d'autres qui étaient à Donja Visnjica, mais le village de Kegelj
15 était complètement vide.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pour revenir à ce que vous avez dit à
17 propos du 26. Il y a deux possibilités, soit vous avez dit aux membres de
18 la commission qu'un certain nombre de personnes ont été tuées ce jour-là,
19 ou vous avez dit la même chose, et vous avez dit : "Je pense qu'ils sont
20 morts pendant le combat." Qu'est-ce que vous avez dit exactement pour bien
21 nous assurer de ce qui a été dit, si vous vous en souvenez, bien entendu ?
22 R. Je ne sais pas si nous avons eu ce genre de questions et de réponses.
23 Je ne sais quelles questions ont m'a posées, mais si on m'a posé cette
24 question, je peux dire que j'ai dit qu'il y a des personnes qui sont mortes
25 dans les deux camps. Je n'ai jamais entendu quiconque me transmettre des
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1 informations à propos de ces morts, ou je n'ai jamais moi-même transmis ce
2 genre de renseignements parce que personne ne m'a parlé de meurtres parce
3 qu'un meurtre, ce n'est pas la même chose qu'une mort d'homme.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons encore cinq minutes. La Défense ?
5 L'Accusation ? Non ? La Défense ?
6 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :
7 Q. [interprétation] Monsieur Barucija, lorsque vous avez rencontré les
8 membres de la commission dans ce secteur, et lorsque vous avez participé
9 pendant un laps de temps très bref à cette conversation, quelles furent vos
10 conclusions ? Pourquoi la commission était venue ?
11 R. Nous en avons déduit qu'ils étaient venus pour inspecter le village
12 parce qu'il y avait des bruits qui couraient suivants lesquels le village
13 avait été incendié. Pour ce qui est de ce mot "massacre", la première fois
14 que j'en ai entendu parler, c'est dans la bouche du représentant du HVO.
15 Les autres n'ont pas mentionné ce genre de choses. Lorsqu'ils nous ont posé
16 des questions brèves, nous leur avons répondu et, ensuite, nous nous sommes
17 dispersés.
18 Q. Monsieur Barucija, lors des réponses que vous avez apportées
19 précédemment, vous avez dit que vous vous êtes rendu sur le terrain trois
20 ou quatre jours après la fin des opérations de combat afin d'établir des
21 lignes de défense, et c'est à ce moment-là, que vous avez rencontré cette
22 commission. Monsieur le Juge vous a montré une déclaration d'un témoin qui
23 parlait d'un incident qui s'est produit le 11 février. Etant donné que les
24 lignes de défense avaient été établies à ce moment-là, vous souvenez-vous
25 si cela s'est passé plutôt après le 26 janvier ou plutôt vers la mi-
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1 février ?
2 R. Je pense que cela s'est plutôt passé aux environs du 11 février. Si
3 quelqu'un qui a des liens avec Milica Kegelj qui était membre de la
4 commission a dit quelque chose, je suis sûr qu'ils se souviendront de ces
5 choses beaucoup mieux que moi. Mais je pense que cela s'est quand même
6 plutôt passé vers la mi-février plutôt que vers la mi-janvier. Il a fallu
7 plusieurs jours pour établir les lignes de défense, et nous avons inspecté
8 le terrain à plusieurs reprises.
9 Q. Si je vous demandais si vous avez vu plus d'une commission sur le
10 terrain, et que Milica Kegelj était membre d'une de ces commissions, est-ce
11 que vous pourriez nous dire si vous avez rencontré cette commission une
12 fois ou à plusieurs reprises ?
13 R. Je ne sais pas s'il y avait plus d'une commission. J'ai vu Mlle Kegelj
14 une fois seulement. C'est ce que je viens de relater.
15 Q. J'aimerais vous poser ma dernière question : s'il y a un rapport émis
16 par une organisation internationale portant sur une visite qui eu lieu à la
17 fin du mois de janvier, seriez-vous en mesure de vous rappeler de la date ?
18 Savez-vous quand est-ce que vous avez rencontré cette commission ?
19 R. Je n'en suis pas sûr. Cela s'est peut-être passé quelques jours après,
20 cinq ou six jours après. Peut-être que cela s'est passé même 15 jours après
21 parce que cela est indiqué dans votre autre source, mais je n'en suis pas
22 sûr.
23 Q. Je vous remercie.
24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions à poser.
25 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions, Monsieur le
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1 Président.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie d'être venu à La Haye pour
3 témoigner. Vous avez répondu aux questions qui ont été posées. Au nom des
4 membres de la Chambre, je vous souhaite un bon voyage de retour et une
5 bonne continuation dans vos activités professionnelles.
6 Je vais demander à M. l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner à la
7 porte de la salle d'audience.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
9 [Le témoin se retire]
10 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai cru comprendre que la Défense voulait
11 intervenir. Mais s'il n'y a pas urgence, on pourrait peut-être -- alors, il
12 y a urgence. Monsieur le Greffier, on passe à huis clos.
13 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.
14 [Audience à huis clos partiel]
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20 [Audience publique]
21 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense a demandé une autorisation de pouvoir
22 répliquer à une réponse faite par l'Accusation. La Chambre, qui a pris
23 connaissance des arguments des uns et des autres, estime qu'il n'y a lieu
24 de donner une autorisation à répliquer dans la mesure où la Chambre est
25 parfaitement informée du problème. Il n'y a pas d'autorisation de réplique.
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1 Il est deux moins dix. L'audience de ce jour est terminée. Nous reprendrons
2 l'audience, lundi, à 14 heures 15. Je vous remercie.
3 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le lundi 29 novembre
4 2004, à 14 heures 15.
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