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1 Le mardi 30 novembre 2004
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro
6 de l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Affaire numéro IT-01-47-T,
8 le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
10 Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter.
11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Monsieur
12 les Juges, conseil de la Défense, toutes les personnes présentes dans le
13 prétoire. Stefan Waespi; Daryl Mundis; notre stagiaire, Lisa Hartog; et
14 notre commis aux affaires, Andres Vatter.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je vais demander à la Défense de se
16 présenter.
17 Monsieur le Greffier, cela couine.
18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
19 Monsieur les Juges. Le général Enver Hadzihasanovic est représenté par
20 Edina Residovic; Stéphane Bourgon, co-conseil; et Muriel Cauvin, notre
21 assistante juridique. Merci.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
23 Les autres avocats.
24 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. M. Kubura
25 est représenté par Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic et Nermin Mulalic,
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1 notre assistant juridique. Merci.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre salue toutes les personnes présentes.
3 Mais on ne peut pas continuer comme cela.
4 [problème technique]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela semble marcher. La Chambre salue toutes les
6 personnes présentes. Je n'ai pas eu le temps de vous saluer puisque nous
7 avions une difficulté technique. Je salue l'Accusation. Je salue les
8 avocats. Je salue les accusés ainsi que tout le personnel de cette salle
9 d'audience sans oublier les interprètes qui sont à l'extérieur.
10 Je vais demander, compte tenu du fait que nous avons un panneau, à M. le
11 Greffier à passer en audience à huis clos.
12 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.
13 [Audience à huis clos partiel]
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16 [Audience à huis clos]
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9 [Audience publique]
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole aux avocats.
11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avant que je ne
12 commence à poser les questions au témoin, je pense qu'il y aurait lieu de
13 donner au témoin une feuille de papier sur laquelle il notera son nom, son
14 nom de famille -- son prénom, son nom de famille, et où il mettra ses
15 initiales. Ce document sera ensuite déposé sous pli scellé, ceci de façon à
16 pouvoir connaître l'identité du témoin.
17 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
18 M. LE JUGE ANTONETTI : La feuille est présentée à la Défense et à
19 l'Accusation. La Chambre l'a vérifié. Il faudrait marquer aussi la date.
20 Marquez. Nous sommes le 30 novembre 2004.
21 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Montrez la date à la Défense et à
23 M. Mundis également.
24 Alors, Monsieur le Greffier, vous allez nous donner un numéro pour ce
25 document.
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1 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Cette pièce est donc versée
2 au dossier sous la cote DH349 sous pli scellé.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous avez la parole.
4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Interrogatoire principal par Mme Residovic :
6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur HB.
7 R. Bonjour.
8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, aller à
9 huis clos partiel, parce que je vais poser certaines questions au témoin
10 qui ont trait à son identité.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Passons à huis clos partiel.
12 M. LE GREFFIER : Nous sommes de retour à huis clos partiel, Monsieur le
13 Président.
14 [Audience à huis clos partiel]
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6 [Audience publique]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, le petit logo a disparu. Nous sommes donc
8 en audience publique.
9 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
10 Q. Monsieur HB, où étiez-vous lorsque la JNA, l'armée serbe, a attaqué en
11 Bosnie-Herzégovine en avril 1992 ?
12 R. J'étais chez moi à Banja Luka.
13 Q. Est-ce que vous n'avez jamais quitté Banja Luka, et dans quelles
14 conditions ?
15 R. Oui, j'ai quitté Banja Luka vers octobre 1992. J'étais à la prison de
16 Banja Luka avant cela. Les autorités, à l'époque, à Banja Luka m'avait
17 emprisonné parce que selon elles, je n'avais pas de permis pour aller et
18 venir librement, donc, j'ai passé un certain temps en prison dans l'ancien
19 poste de police de Banja Luka et à la caserne de Kozara, et, pour finir, je
20 suis allé à Rakovacka Bara qui était un centre de rassemblement. C'est là
21 qu'ils envoyaient les gens à l'armée. Un capitaine, à ce moment-là, m'a
22 remis en liberté et m'a donné 24 heures pour quitter Banja Luka.
23 Q. Monsieur HB, est-ce que vous avez quitté Banja Luka dans les 24 heures
24 suivantes ? Sinon, pourquoi pas ? Ou plutôt, avez-vous quitté Banja Luka du
25 tout ?
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1 R. Non, je n'ai pas du tout quitté Banja Luka dans les 24 heures parce que
2 c'était impossible de le faire. J'avais des problèmes de santé, j'avais été
3 passé à tabac. J'avais des hémorragies. Il était nécessaire d'obtenir toute
4 une série de permis, mais j'ai quitté Banja Luka trois ou quatre jours plus
5 tard.
6 Q. Où vous êtes-vous rendu après cela ?
7 R. J'ai quitté Banja Luka par bus, et je suis allé à Zagreb.
8 Q. Etes-vous resté à Zagreb et où dans l'affirmative ?
9 R. Lorsque je suis arrivé à Zagreb, les autorités, qui recevaient des
10 réfugiés de Croatie, m'ont reçu. Comme ils ont vu que j'avais des problèmes
11 de santé, ils m'ont mis dans un hôpital où des blessés recevaient des
12 soins. Ils étaient des Bosniens de la guerre. C'était dans un bâtiment de
13 la manufacture de tabac de Sarajevo, mais je n'en suis pas absolument sûr.
14 Q. En réponse à une question qui vous a déjà été posée, Monsieur HB, vous
15 avez dit qu'à un moment donné en octobre, vous étiez retourné en Bosnie.
16 Avec qui êtes-vous allé en Bosnie, et où êtes-vous allé en Bosnie ?
17 R. J'ai dit aux gens de l'hôpital que je voulais en Bosnie parce que je me
18 considérais comme un patriote. Il y avait un convoi organisé qui comportait
19 un certain nombre de bus ou de cars qui partait. Donc, j'ai pu monter sur
20 un car pour aller avec des combattants, des combattants du HVO de Doboj du
21 village de Kotorsko. Je suis parti avec eux. Je ne savais pas où on se
22 rendait. J'étais dans le car.
23 Q. Monsieur HB, est-ce que vous êtes arrivé à Zenica et est-ce que vous
24 êtes resté à Zenica ?
25 R. Oui, je suis arrivé à Zenica. Les cars allaient là et nous sommes
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1 restés à Zenica pendant une journée. Les soldats faisaient partie du Corps
2 de Doboj et ils se sont rendus à Tesanj pour trouver où s'héberger, où se
3 loger. Ils m'ont demandé de les accompagner.
4 Q. Est-ce que vous avez accepté leur invitation à se joindre à eux ?
5 Combien de temps avez-vous passé là-bas ?
6 R. Oui, j'ai accepté leur invitation parce que j'étais arrivé en Bosnie,
7 et je n'y connaissais personne. J'ai appris à les connaître au cours de ce
8 voyage. Je suis allé à Tesanj avec eux, et je suis devenu membre de la 203e
9 Brigade.
10 Q. Combien de temps avez-vous été membre de cette brigade ? Est-ce que
11 vous l'avez quittée ? Dans l'affirmative, pourquoi ?
12 R. En tant que membre de la brigade jusqu'à environ la mi-janvier 1993, il
13 y a eu une sorte d'annonce ou déclaration qui a été faite selon laquelle
14 tous ceux qui étaient de la Krajina devaient se rassembler à Travnik et
15 s'organiser pour former une brigade de Krajina ou Banja Luka. J'ai reçu la
16 permission du commandant de partir. J'ai dit que je voulais les rejoindre.
17 Je me suis donc présenté.
18 Q. Est-ce que vous êtes arrivé à Travnik et quand ?
19 R. Comme je l'ai dit, je suis arrivé à Travnik à la mi-janvier, mais quand
20 je suis arrivé là, cette brigade dite de Banja Luka, bien finalement, ce
21 n'en n'était pas une. Il n'y avait pas assez d'effectifs, pas assez
22 d'homme. La Défense territoriale m'a envoyé à Mehurici où cette brigade
23 devait s'organiser puisqu'il y avait une unité, à l'époque, à Mehurici dans
24 le territoire proche de Banja Luka, Siprage, Kotor Varos.
25 Q. Est-ce que vous êtes allé à Mehurici ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que vous avez trouvé cette unité là-bas, cette unité qui était
3 essentiellement composée d'hommes de la Krajina ?
4 R. Oui, je l'ai retrouvée. C'est là que je me suis joint à eux.
5 Q. A quelle brigade appartenait cette Unité de Mehurici ?
6 R. Cette unité faisait partie de la 306e Brigade; c'était le 1er Bataillon
7 de la 306e Brigade.
8 Q. Où se trouvait le quartier général du 1er Bataillon de la 306e Brigade
9 lorsque vous êtes arrivé à Mehurici ?
10 R. A Mehurici, c'est là que se trouvait le QG du 1er Bataillon.
11 Q. Où est-ce qu'étaient cantonnés les soldats et le commandement ? Est-ce
12 que vous savez où ils étaient hébergés ?
13 R. Bien entendu. J'y ai passé beaucoup de temps. C'était l'école primaire
14 de Mehurici. C'est là que se trouvait le commandement et c'est là que se
15 trouvait le commandement et c'est là que se trouvait l'unité, tout au moins
16 les unités qui étaient arrivées de Kotor Varos. La composition de l'unité
17 était assez mélangée.
18 Q. Est-ce qu'à l'époque, on vous a confié des fonctions ? Quels types de
19 fonctions vous a-t-on confié à ce moment-là ?
20 R. Oui. Après un certain temps, je suis devenu commandant de la police
21 militaire de cette unité.
22 Q. Qui était votre supérieur immédiat dans le 1er Bataillon de la 306e
23 Brigade ?
24 R. Mon supérieur immédiat était le chef de la sécurité. Son nom était
25 Hasan Zukanovic.
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1 Q. Monsieur HB, combien d'entre vous étaient là faisant partie de police
2 militaire, au début ?
3 R. Au tout début, il y avait entre huit et dix membres de cette unité.
4 Mais, quelques temps après, à partir du moment où vous avez eu beaucoup de
5 travail, beaucoup de tâches à effectuer, tous les combattants de Siprage et
6 Kotor Varos sont venus nous prêter main forte, nous aider.
7 Q. Lorsque vous dites, vous parlez de combattants plus âgés, est-ce que
8 vous vous référez à leur âge, et dans l'affirmative, quel âge avaient ces
9 hommes, dans certaines situations qui sont venus rejoindre votre unité de
10 police militaire ?
11 R. Oui, je voulais parler de leur âge. Dans l'ensemble, ces hommes avaient
12 une cinquante d'années ou un peu plus de cinquante ans.
13 Q. Quel type de tâches ou d'attributions avait votre unité de police
14 militaire ?
15 R. La tâche principale était de faire des enquêtes concernant des erreurs
16 commises par des combattants. Nous devions garder le commandement, nous
17 devions procéder à des investigations, par exemple, si des hommes avaient
18 quitté le front, la ligne, avaient abandonné leur position, avait vendu des
19 armes, dans certains cas, il nous fallait même, il y avait des cas où même
20 ils avaient volé du bétail qui appartenait aux habitants.
21 Est-ce que ceci va bien ?
22 Q. Monsieur HB, quels types de mesures étaient prises contre les soldats
23 qui se rendaient coupables d'infraction aux règlements ou qui se
24 comportaient de la façon que vous venez de décrire.
25 R. Si on pouvait décrire que quelqu'un avait manqué aux règlements, nous
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1 prenions des mesures disciplinaires. A l'époque, on ne pouvait prendre que
2 des mesures disciplinaires.
3 Q. Si vous appreniez qu'un crime ou un délit, une infraction avait été
4 commise, quelle sorte d'autorité est-ce que la police ou, plus exactement,
5 l'organe de sécurité avait, qu'étiez-vous faire dans de tels cas ?
6 R. Si quelqu'un avait commis une infraction, on envoyait un rapport de
7 l'événement au commandement, au CSB, au commandement de la brigade et,
8 après cela, ils prenaient des mesures qu'ils avaient à prendre par la
9 suite.
10 Q. Contre qui pouviez-vous prendre des mesures ou sur qui avez-vous fait
11 des enquêtes, sur qui est-ce que votre unité de polices militaires avait
12 autorité ?
13 R. La police militaire était responsable, seulement des membres de
14 l'armée, des forces armées. Nous ne pouvions faire d'enquêtes qu'en ce qui
15 concernait les effectifs.
16 Q. Monsieur HB, si certaines infractions ont été commises, à l'époque, par
17 des individus qui n'étaient pas membres de l'armée, dans des cas pareils,
18 qui ferait des enquêtes ou des investigations concernant ces infractions ?
19 R. Ben, c'était la police civile qui, à ce moment-là, procéderait à des
20 investigations dans les cas de ce genre.
21 Q. Savez-vous si, à l'époque, à Mehurici, la police civile était présente
22 et savez-vous à combien d'hommes montaient ses effectifs ?
23 R. Oui, je sais que la police militaire se trouvait près de l'école. Il y
24 avait certains policiers professionnels avec qui, je pense, étaient
25 policiers avant la guerre également. Ils avaient des hommes qui
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1 appartenaient à la force de police de réserve, qui travaillaient avec eux,
2 et nous étions en bons termes, nous coopérions même, de temps en temps.
3 Q. Monsieur HB, lorsque vous êtes arrivé à l'école, à la mi- janvier 1993,
4 comme vous l'avez dit, y avait-il d'autres personnes dans l'école qui
5 n'étaient pas membres de votre bataillon ?
6 R. Non, lorsque je suis arrivé à l'école de Mehurici, il y avait
7 uniquement des membres de la 306e Brigade. C'était des hommes de Kotor
8 Varos, de Siprage, Mrkonjic Grad; il y avait quelques hommes de Jajce, et
9 cetera. C'est là que les hommes étaient installés.
10 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Mehurici, et pendant votre séjour à
11 Mehurici, avez-vous remarqué la présence d'étrangers à Mehurici, notamment
12 des personnes originaires de pays africains ou asiatiques ?
13 R. Oui, je les voyais tous les jours et ils passaient en voiture, ils
14 étaient là.
15 Q. Saviez-vous quelles étaient ces personnes, d'où elles venaient et
16 comment vous les appeliez à l'époque ?
17 R. Je ne sais pas. Ils ressemblaient à des arabes, ils semblaient venir de
18 pays arabes, ils parlaient une autre langue, les gens les appelaient des
19 Moudjahiddines. Je pense que c'était un terme approprié pour les qualifier.
20 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Mehurici, où se trouvaient-ils ?
21 R. Ils étaient sur une colline qui surplombe Mehurici, à deux cents, trois
22 cents mètres de là se trouvait une colline; là, il y avait une espèce de
23 camp mais je ne m'y suis jamais rendu.
24 Q. L'endroit où ils installé leur camp était-il sécurisé ?
25 R. Oui, il y avait une espèce de clôture en fer barbelé, en fil barbelé,
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1 des gardes, ce n'est que plus tard qu'un incident a eu lieu, incident que
2 j'ai remarqué. Il y avait une espèce de haie autour du camp.
3 Q. Monsieur HB, était-il possible d'accéder librement au camp, savez-vous
4 si des membres de votre bataillon, de votre brigade, avaient accès à ce
5 camp ?
6 R. Non. Je ne pense pas que, quelqu'un parmi nous savait ce qui se passait
7 dans ce camp. Personne d'entre nous ne s'est approché du camp.
8 Q. Alors que vous étiez membre du 1e Bataillon de la
9 306e Brigade, savez-vous si les Moudjahiddines ont formé des hommes de
10 votre bataillon ?
11 R. Non.
12 Q. Est-ce qu'ils vous ont fourni un appui logistique, de la nourriture,
13 des armes, autres choses ?
14 R. Non.
15 Q. Dites-moi, avez-vous remarqué que ces étrangers essayaient d'établir
16 des contacts avec la population de Mehurici et des environs, et, savez-vous
17 si des Bosniens ont rejoint ces Moudjahiddines et sont restés au camp avec
18 eux où ils ont agi de concert avec eux ?
19 R. Oui. Il y avait des cas de ce genre des personnes. La situation dans le
20 village était divisée. Il y avait des membres de cette unité qui étaient
21 originaires du village. Mais je souhaiterais expliquer quelque chose. Il y
22 avait une mosquée où les Moudjahiddines organisaient la prière ou quelque
23 chose de ce genre. Je ne sais pas comment ils appelaient cela. Toujours
24 est-il qu'ils organisaient quelque chose à cet endroit. Il y avait des
25 enfants qui allaient à la mosquée, et ils parlaient aux enfants. J'ai
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1 entendu cela et j'ai même assisté à cela à une occasion. J'ai entendu que
2 certains des Moudjahiddines un peu plus âgés se mariaient avec de jeunes
3 filles âgées de 13 ou 14 ans.
4 Q. Monsieur HB, merci. Je souhaiterais que vous nous parliez des
5 événements que vous avez mentionnés en réponse à l'une de mes questions. Où
6 vous trouviez-vous au début du mois de juin 1993 ?
7 R. Je me trouvais à Mehurici.
8 Q. Pourriez-vous me dire, si vous savez, quelle était la situation dans la
9 vallée de la Bila et au sein de votre brigade à ce moment-là. Y avait-il
10 des problèmes dans vos rapports avec le HVO ?
11 R. A l'époque, peut-être vers la fin du mois de mai, les relations entre
12 l'ABiH et le HVO étaient très tendues. Je ne connais pas les dates exactes,
13 mais je me souviens de certains événements. Nos villages et les environs
14 avaient été encerclés. A plusieurs reprises, nous avons reçu des demandes
15 d'assistance de la part des villages qui avaient été attaqués. Je crois me
16 souvenir que l'un des ces villages s'appelait Bukovica. Mais je ne me
17 souviens pas très bien du nom de ces endroits aujourd'hui.
18 Ils ont demandé de l'aide, mais unité n'était pas suffisamment dotée en
19 effectifs. Certains hommes n'avaient pas pu revenir, car les routes étaient
20 bloquées. A ce moment-là, nous ne pouvions fournir aucune aide. Le
21 commandement de la brigade était également dispersé en deux ou trois
22 endroits.
23 La situation était chaotique. Il n'était pas possible de nous
24 organiser comme il convenait.
25 Q. Monsieur HB, à un moment donné, est-ce qu'un conflit a éclaté, et
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1 pourriez-vous me dire où vous vous trouviez le 8 juin 1993 ?
2 R. Je ne sais pas si cela s'est passé le 8 juin, mais un conflit a
3 effectivement éclaté. Nous sommes allés aider les gens de Bukovica, parce
4 que nous pensions qu'il y avait de nombreux soldats du HVO là-bas. Je pense
5 que le commandement ait émis un ordre, ou du moins ait décidé d'effectuer
6 une percée dans la direction de Maline et Guca Gora. Il a été décidé donc
7 d'effectuer cette percée.
8 Q. Monsieur HB, êtes-vous parti pour effectuer cette percée dans la
9 matinée ? Sinon, où vous trouviez-vous ?
10 R. Non, je n'ai pas participé à cette tentative de percée. Le commandement
11 m'a confié une mission en tant que membre de la police militaire. Ils ont
12 dit que, s'ils réussissaient à effectuer cette percée, la police militaire
13 devait protéger les civils et essayer de rétablir l'ordre dans les villages
14 que nous avions pris -- libérés.
15 Q. A un moment donné, avez-vous reçu pour mission de quitter Mehurici, et
16 le cas échéant, où vous a-t-on dit de vous rendre ?
17 R. Oui. On m'a dit de me rendre à Maline, car nous avions déjà appris que
18 nos troupes avaient percé les lignes de défense et qu'elles étaient
19 entrées, et qu'elles devaient se rendre en direction de Guca Gora. Notre
20 mission consistait à aider à l'évacuation, à aider la population civile qui
21 se trouvait là.
22 Q. Monsieur HB, vous souvenez-vous vers quelle date approximative cela
23 s'est produit ?
24 R. Nous sommes arrivés là alors que les combats faisaient encore rage.
25 Mais je sais qu'il était environ 9 heures ou 10 heures du matin lorsque
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1 nous sommes arrivés dans le village.
2 Q. Qui avez-vous trouvé dans le village à votre arrivée ?
3 R. Lorsque nous sommes arrivés dans le village, à mi-chemin environ, nous
4 avons trouvé nos soldats. Il y avait encore des tirs, mais au centre du
5 village, nous avons trouvé un groupe assez important de personnes qui
6 s'étaient rassemblées, ainsi que plusieurs membres du HVO qui s'étaient
7 rendus, et ils attendaient là tout simplement. Les soldats attendaient que
8 la police arrive pour s'occuper d'eux.
9 Q. Combien de policiers militaires sont-ils arrivés dans le village à ce
10 moment-là ?
11 R. Nous étions une dizaine. Beaucoup d'hommes étaient partis. Nous
12 n'avions pas assez d'effectifs, si bien que nous étions seulement une
13 dizaine.
14 Q. Monsieur HB, qu'avez-vous fait lorsque vous avez vu ce groupe de
15 villageois et ces membres du HVO qui s'étaient rendus et qui étaient
16 rassemblés au centre du village ?
17 R. Il y avait de nombreux civils, des femmes, des enfants, des vieillards,
18 ainsi que plusieurs membres du HVO qui s'étaient rendus. Les gens étaient
19 effrayés. Ils ne savaient pas quoi faire. Ils avaient peur de quelque
20 chose. C'était difficile à expliquer, et il nous était difficile de prendre
21 une décision dans une telle situation. Les gens sortaient de leur maison.
22 Il y avait même une femme qui était blessée. D'autres personnes ne
23 pouvaient pas être déplacées.
24 Q. Est-ce que quelqu'un a fait une suggestion eu égard la situation, le
25 cas échéant, qui a fait cette suggestion, et comment les gens se sont-ils
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1 organisés ?
2 R. Il était difficile d'expliquer des choses. Il y avait des tirs. Les
3 femmes pleuraient, elles ne savaient pas quoi faire. Elles n'osaient pas
4 rester chez elle. J'ai suggéré de les emmener tous vers l'école de
5 Mehurici. Je pensais qu'ils y seraient protégés, et la police militaire
6 pourrait s'assurer que leurs biens soient préservés et ne fassent pas
7 l'objet de pillage.
8 Q. Ces personnes qui étaient rassemblées au centre du village, comment
9 ont-elles réagi à votre proposition ?
10 R. Il y a eu toutes sortes de réaction. Certains étaient favorables à ce
11 que nous allions à Mehurici; d'autres étaient contre. Ils ne voulaient pas
12 abandonner leur maison, leurs biens. Il y avait des malades, des invalides,
13 des vieillards qui ne pouvaient pas marcher. Nous avons donc décidé d'aider
14 les vieillards et de les transporter vers Mehurici en camion, y compris une
15 femme blessée qui était enceinte. Elle a été transportée par camion, elle
16 aussi, tandis que les autres devaient se rendre à pied à Mehurici.
17 Q. Quelle est la distance qui sépare Mehurici de Maline ?
18 R. Je ne sais vraiment pas. Je ne peux pas vous donner de réponse précise.
19 Surtout vu le temps qui s'est écoulé depuis les événements. Mais si vous
20 empruntez la route en voiture, je pense qu'il faut compter environ 13 ou 14
21 kilomètres. Mais avec l'itinéraire que nous avons emprunté, cela faisait
22 environ cinq ou six kilomètres. Mais ce n'est qu'une approximation.
23 Q. Est-ce que la route habituelle était trop longue et c'est pour cela que
24 vous avez décidé de prendre un raccourci ?
25 R. Non, pas uniquement. Certes, la route était longue, mais il était
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1 difficile de marcher sur une telle distance. De plus, il y avait des
2 combats qui faisaient encore rage dans la vallée. Nous ne savions pas qui
3 nous allions rencontrer. Nous étions peu nombreux à escorter ce groupe. Les
4 lignes que nos troupes avaient percées et qui étaient sous le contrôle du
5 HVO autour du village étaient minées. Nous pensions que ce raccourci était
6 la manière la plus simple pour nous d'atteindre Mehurici.
7 Q. Vous avez pris ce raccourci. Comment est-ce que le groupe se déplaçait,
8 selon quelle formation ?
9 R. Il s'agissait d'une colonne. Il y avait trois ou quatre personnes sur
10 une rangée. Je ne suis pas tout à fait sûr. Je pense que nous avions trois
11 caisses de grenades à main que nous avions trouvé dans le village. Il y
12 avait les membres du HVO qui s'étaient rendus avec nous, des prisonniers de
13 guerre, ce sont eux qui transportaient ces caisses; sinon, les femmes, les
14 enfants et les personnes âgées se déplaçaient par rangée de trois ou quatre
15 personnes.
16 Q. Combien de policiers militaires ont accompagné ces gens à Mehurici ?
17 R. En plus de moi-même, il y avait cinq autres policiers militaires. J'ai
18 resté le reste du groupe derrière pour s'occuper des maisons et des biens.
19 Q. Monsieur HB, quand avez-vous quitté Maline pour vous rendre vers
20 Mehurici ?
21 R. Je pense qu'il était 14 heures 30 ou 15 heures. Je ne sais pas
22 exactement.
23 Q. Vous nous avez expliqué quelle était la formation, comment les gens se
24 déplaçaient. Est-ce que vous pourriez nous dire combien il y avait de
25 villageois dans le groupe en plus des membres du HVO ?
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1 R. Selon moi, environ 200.
2 Q. Monsieur, êtes-vous arrivé à Mehurici sans problèmes ?
3 R. Non. Alors que nous nous déplacions en colonne le long de cet
4 itinéraire, nous discutions entre nous. L'atmosphère était assez amicale.
5 Nous parlions des raisons pour lesquelles tout cela s'était produit,
6 qu'avant la guerre, c'était un pays agréable, et c'est les hommes
7 politiques qui devaient être rendus responsable de tout cela. Ensuite, un
8 kilomètre à peu près avant d'arriver à Mehurici, deux hommes masqués sont
9 apparus soudainement. Ils ont demandé que je m'arrête, et ils ont dit
10 qu'ils allaient reprendre la direction de la colonne. Je leur ai répondu
11 que cela n'était pas possible, que nous étions membres de l'armée, et que
12 nous escortions la colonne vers l'école de Mehurici où le groupe serait
13 sans doute échangé contre certains de nos hommes détenus par le HVO. J'ai
14 expliqué que tout cela se ferait sans doute sous l'auspice de la Croix
15 Rouge. Mais ils ont insisté pour prendre la relève immédiatement.
16 Q. Monsieur HB, hormis ces deux hommes, et pendant la conversation que
17 vous venez de décrire, est-ce que vous avez remarqué d'autres personnes qui
18 arrivaient ?
19 R. Cinq ou six mètres derrière ces deux hommes se trouvaient trois
20 Moudjahiddines. Mais plus tard, alors que nous nous querellions de façon
21 assez virulente, ils ont sorti leurs armes, et j'ai fait de même. Je ne
22 sais pas si j'ai été courageux ou idiot. Mais je pensais que nous pourrions
23 d'une manière ou d'une autre résoudre le problème.
24 Soudain, un groupe d'hommes est sorti du bois avec leurs armes pointées sur
25 nous. Ils avaient tous des couvre-chefs ou quelque chose qui cachait leur
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1 visage. Ils avaient des cagoules. Ils étaient armés de fusils. Ils ont dit
2 qu'ils allaient nous tuer tous de toute façon.
3 Q. Vous avez dit qu'ils ont armé leurs fusils. Qu'ont-ils fait ?
4 R. Lorsque les autres hommes ont fait irruption, cet homme qui était très
5 grand et qui demandait à ce que je lui remette le groupe, a placé le canon
6 de son fusil automatique dans ma bouche. Lorsque j'ai tourné la tête, j'ai
7 vu que les autres pointaient leurs armes sur tout le monde. Il y en a un
8 qui pointait son arme sur mon frère qui était aussi membre de la police.
9 Q. Vu la réaction des Moudjahiddines et des hommes cagoulés, est-ce que
10 vous aviez la moindre chance de poser une résistance ou de survivre à
11 cela ?
12 R. Non.
13 Q. Que s'est-il passé ensuite ?
14 R. J'ai laissé tombé mon arme. Je ne pouvais pas vraiment voir tout le
15 monde, mais ils ont emmené avec eux les personnes qui transportaient les
16 caisses. Je ne sais pas combien de personnes ils ont emmené avec eux, peut-
17 être 15, peut-être 20. Je ne sais pas. Mais tout cela s'est passé très
18 vite. Ils ont emmené plusieurs hommes avec eux, ils sont partis, et ils
19 nous ont laissé passé. Tout le monde était terrifié. J'étais effrayé et
20 très en colère. J'ai ordonné que l'on se mette tous à courir en direction
21 de Mehurici.
22 Q. Une fois arrivée à Mehurici, où êtes-vous allé avec ces personnes que
23 vous aviez escortées jusque-là ?
24 R. Nous sommes d'abord rentrés dans la cour de l'école. Ensuite, sous
25 forme de colonne en passant par le couloir, tout le monde est allé dans le
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1 gymnase de l'école élémentaire de Mehurici.
2 Q. Essayons de refaire votre parcours. Lorsque vous dites que l'un des
3 hommes avait placé le canon de son arme dans votre bouche, est-ce que cela
4 vous a blessé ?
5 R. Oui, mais pas très gravement. Ma lèvre était coupée. Je saignais un
6 petit peu, mais ce n'était rien de grave.
7 Q. Revenons un peu en arrière, au moment où vous avez quitté Maline. Vous
8 avez déclaré que certains voulaient partir et que d'autres hésitaient à
9 quitter leur maison. Lorsque vous êtes finalement partis, est-ce que tout
10 le monde était d'accord ou être vous avez contraint certaines personnes à
11 vous accompagner ?
12 R. Non. Tous ceux qui sont partis, sont partis de leur plein gré. Pour ce
13 qui est des gens qui ne voulaient pas partir, la raison principale en était
14 qu'ils avaient des membres de leur famille qui étaient vieux ou malades et
15 qu'ils ne voulaient pas abandonner. Mais lorsque nous avons réussi à
16 obtenir un camion pour aller Mehurici, je pense que cinq ou six vieillards
17 ont été évacués par camion, ainsi que cette femme enceinte qui était
18 blessée. Elle aussi a été évacuée à Mehurici. C'est alors que tout le monde
19 a décidé de partir avec nous.
20 Q. Vous nous avez dit que vous étiez arrivé à Maline vers 9 heures ou 10
21 heures, et que vous étiez parti dans l'après-midi, vers 13 ou 14 heures.
22 Que s'est-il passé dans l'intervalle, à Maline ? Avez-vous passé tout ce
23 temps-là à discuter, ou est-ce que la police militaire a procédé à d'autres
24 activités afin de préparer la population à partir ?
25 R. C'est un village assez grand. Nous étions dix policiers militaires. Il
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1 était difficile de prévoir sur qui nous allions tomber. Il y avait des
2 soldats. La population était très mélangée. Il y avait des tirs de part et
3 d'autre. Lorsque nous trouvions un homme blessé, nous craignions pour notre
4 propre vie, mais nous aidions malgré tout s'il y avait des blessés, des
5 malades. Nous essayions d'aider, et nous avons également essayé d'empêcher
6 des pillages ou des mauvais traitements qui auraient pu être infligés à la
7 population civile.
8 Q. Alors que vous étiez à Maline, avez-vous rencontré une femme médecin,
9 ainsi que plusieurs personnes blessées. Ou est-ce que ces personnes avaient
10 déjà quitté Maline ?
11 R. Je ne les ai pas trouvées à Maline. Mais cette femme médecin, je l'ai
12 rencontrée un peu plus tard à l'école de Mehurici.
13 Q. Lorsque ces deux premiers hommes sont apparus devant vous, vous avez
14 dit qu'il y avait trois Moudjahiddines qui se trouvaient derrière eux, est-
15 ce que ces personnes-là, qui vous ont parlé, parlaient en leur nom ou au
16 nom des Moudjahiddines qui étaient avec eux ?
17 R. Ils parlaient au pluriel, et ils ont dit, je cite : "Nous allons
18 maintenant nous occuper de ces personnes." Ils ont utilisé la forme
19 pluriel, "nous". Ces deux hommes, le grand qui a placé le canon de son
20 fusil dans ma bouche, parlait bosniaque ou serbo-croate; enfin, il parlait
21 notre langue.
22 Q. Alors que vous rassembliez les villageois de Maline, est-ce que vous
23 avez constaté que les maisons avaient été détruites ? Est-ce que vous avez
24 vu qui que ce soit incendier ces maisons ?
25 R. Non. Personne n'a fait cela alors que nous étions sur place. Certaines
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1 maisons avaient été touchées dans le cadre des opérations, mais il n'y
2 avait pas d'incendies délibérés qui auraient été déclenchés par les
3 soldats. Il y avait seulement quelques maisons d'où provenait de la fumée,
4 mais c'est tout.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Il est 10 heures et demie. Nous
6 allons faire la pause dite technique. Nous reprendrons aux environs de 10
7 heures 55.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
9 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je redonne la parole à la Défense.
11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Q. Monsieur HB, vous nous avez dit avant la pause que cette population de
13 Maline, que vous les avez placés à l'école primaire. Pouvez-vous me dire, à
14 présent, si vous avez pris les dispositions pour qu'ils puissent
15 s'installer dans cette école ? Est-ce qu'il y avait des moyens, de
16 l'équipement, quelque chose dans ce gymnase ?
17 R. Mais cela, quand on est arrivé à l'école, dans cette école même, dans
18 le gymnase de l'école, il y avait quelques matelas de gymnase qui étaient
19 là. De notre dortoir, là où mes policiers, et moi aussi où nous dormions,
20 on avait des couvertures, et aussi quelques matelas de plus qu'on a sorti
21 et qu'on leur a donné pour les aider.
22 Q. Est-ce que quelqu'un a dressé la liste des noms de ces personnes qui
23 sont venues au gymnase ?
24 R. Oui.
25 Q. Si oui, qu'avez-vous fait de cette liste ?
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1 R. Oui. Personnellement, j'ai pris leurs noms, de toutes les personnes qui
2 étaient là. Cette liste, je l'ai remise au commandement.
3 Q. Dites-moi, Monsieur HB : après leur arrivée, est-ce que quelqu'un
4 d'autre s'est rendu immédiatement sur place pour rendre visite à ces
5 personnes ? Si oui, qui ? Je voudrais savoir si on a pris des mesures pour
6 prendre en charge ces citoyens.
7 R. Oui. C'était tard dans l'après-midi, au crépuscule. Un docteur est
8 arrivé à l'école. Je pense que son nom ou son surnom ou son nom de famille
9 était Ribic. Lui, il a surtout parlé à la médecin, je ne sais qu'elle était
10 son nom à elle. Je ne sais pas exactement. Mais il a offert toute l'aide ou
11 l'assistance qu'il pouvait apporter, lui, pour sa part.
12 Q. Vous avez dit qu'il y a avait là des femmes, des personnes âgées, des
13 enfants. Est-ce qu'on a fait le nécessaire pour leur fournir des vivres ?
14 R. Oui, mais je ne sais pas de quelle manière. Cette nuit-là, donc,
15 c'était à la tombée de la nuit, les villageois, quant à savoir s'ils nous
16 ont vu approcher, passer par le village, quant à savoir si quelqu'un de la
17 protection civile a organisé cela, cela je ne le sais pas. Mais les
18 villageois ont apporté des choses, ce qu'ils avaient chez eux, à la maison,
19 des pitas, du fromage. Tout simplement, ils ont apporté à manger. Ceux qui
20 étaient à l'école, ces Croates, et ils avaient apporté de la nourriture sur
21 eux. Ils avaient chacun un peu de nourriture qu'ils ont emporté.
22 Q. Quand on a emmené ces gens à l'école primaire, avez-vous informé
23 quelqu'un de ce qui vous est arrivé pendant votre trajet jusqu'à Mehurici ?
24 R. La même nuit, cette même nuit, mon supérieur, le chef de la sécurité
25 n'était pas là. Il faut savoir qu'il n'y avait aucun membre de
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1 commandement, non plus. Ils étaient déjà au poste de commandement et
2 restaient avancés puisque les opérations de guerre étaient en cours. Ce
3 n'est que le soir, à leur retour, que j'ai fait rapport. Je pense, au
4 commandant, je pense que son nom était Mrza. Mais il y avait là aussi un
5 certain Fazlic, je ne sais quel est le nom de famille de Mrza, vraiment, je
6 ne le sais pas.
7 Q. Avez-vous dit à ces gens-là que vous avez été intercepté
8 par des Moudjahiddines ? Que ce sont eux qui ont enlevé une partie des
9 personnes de la colonne ?
10 R. Je n'ai pas eu l'occasion de le faire, de leur dire quoique ce soit.
11 J'étais très préoccupé par les opérations de combat et, en fait,
12 j'attendais surtout l'arrivée de mon supérieur, et il est arrivé en effet
13 deux jours plus tard, deux jours après les événements. J'ai pu tout lui
14 relater en détail, je lui ai fait une déclaration, tout comme tous les
15 policiers qui avaient fait partie de ce groupe, on lui a remis un rapport
16 qui comportait tous les détails de l'événement.
17 Q. Votre supérieur, si je me souviens bien, d'après les réponses que vous
18 avez données précédemment, son nom était Zukanovic.
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce qu'il a mené une enquête parmi vous, une enquête approfondie,
21 avez-vous tous couché par écrit vos déclarations.
22 R. Il y a eu une enquête de mener, nous avons fait des déclarations par
23 écrit et nous les avons déposé auprès de lui.
24 Q. Vous étiez responsable d'amener cette personne en toute sécurité.
25 Quelles ont été vos réactions, suite à ce qui est arrivé, ce que vous venez
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1 de nous décrire ?
2 R. Quelles ont été mes réactions ? Qu'est-ce que j'ai éprouvé ? C'était
3 douloureux parce que je n'arrêtais pas de me demander si je n'étais pas, le
4 coupable, si ce n'était pas à cause de moi que c'est arrivé et je me
5 demandais, quel était le sens de la guerre et quel était le sens de tout
6 cela, puisque nous, les Bosniens, n'avions aucun droit dans notre propre
7 pays.
8 Q. Monsieur HB, ce premier jour, saviez-vous ce qui est advenu de ces
9 personnes ? Avez-vous une information, quelle qu'elle soit, mis à part le
10 fait qu'on les a enlevés de la colonne ?
11 R. Non. Je ne savais rien. C'est le lendemain, après donc, une nuit, je
12 suis parti avec un groupe de policiers -- excusez-moi -- je suis allé
13 relever les policiers qui avaient passé la nuit à Maline. A notre retour à
14 Mehurici, j'ai appris qu'un groupe de nos soldats avait amené un blessé, un
15 membre du conseil de la Défense croate et que, lui aussi, avait été placé
16 au gymnase de Mehurici. Quand je suis entré dans cette salle, car je
17 voulais voir comment il a été blesse, pourquoi il a été blessé, je voulais
18 également prendre son nom pour ma liste. Je l'ai reconnu, je pense que son
19 nom était Zeljko. J'ai reconnu, donc, l'un de ce groupe qui avait été
20 enlevé par des Moudjahiddines.
21 Q. Lui avez-vous parlé, Monsieur HB ?
22 R. Oui, je me suis approché de lui, il avait peur.
23 Je ne sais pas si on m'entend.
24 Q. Oui.
25 R. Il avait peur, il y avait là aussi la femme-médecin, elle était
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1 en train de le panser et je lui ai demandé ce qui était arrivé, tout ce qui
2 était arrivé et alors, il m'a raconté qu'il a réussi à s'en sortir vivant
3 après l'exécution. Personnellement, j'avais peur car, à l'époque, il
4 fallait que la Croix Rouge vienne et tout simplement, je ne faisais plus
5 confiance à personne. Ce que je lui ai dit, c'était qu'il valait mieux
6 qu'il se taise pendant qu'il était là, qu'il ne fallait qu'il en parle à
7 personne, qu'il a survécu à cette fusillade mais qu'à partir du moment où
8 il y aura eu un échange, à partir de ce moment-là, qu'il se sente, qu'il
9 pouvait se sentir libre et qu'il pouvait raconter cela à tout le monde.
10 Q. Monsieur HB, compte tenu de cette suggestion que vous avez faite à cet
11 homme, vous avez vu qu'il était blessé, il vous a dit comment il a été
12 blessé, pourquoi avez-vous conseillé cela ? Est-ce que c'était votre
13 rencontre avec les Moudjahiddines, est-ce qu'il y avait une autre raison
14 qui aurait justifié vos craintes que quelque chose arrive, si on découvrait
15 que cet homme était là ?
16 R. Après cette rencontre rapprochée, comme je le dis, avec les
17 Moudjahiddines, il y avait des opérations de combat. A l'école, il y avait
18 toute une unité de notre armée, en fait, s'il y en avait une, je ne lui
19 aurais probablement pas dit mais comme l'unité était déployée au front et
20 nous n'étions qu'une poignée présents à l'école, si jamais, il descendait
21 de la colline, du moins, c'était cela mes pensées, peut-être ai-je mal
22 évalué la situation mais, à ce moment-là, j'ai estimé qu'il valait mieux
23 que cela ne sorte pas du gymnase, qu'il ne fallait qu'ils en parlent à qui
24 que ce soit, avant que l'échange n'ait eu lieu. Encore aujourd'hui, je ne
25 sais si j'ai fait une erreur ou non, mais si les Moudjahiddines l'avaient
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1 appris, probablement, ils auraient tout été tués.
2 Q. Monsieur HB, vous nous avez dit qu'un médecin est arrivé, qu'il a
3 offert de l'aide et qu'il les a aidés dans toute la mesure du possible,
4 compte tenu de ses moyens du moment. Dites-nous, de manière générale,
5 quelles étaient les conditions hygiéniques dans lesquelles se sont trouvées
6 ces personnes depuis le premier jour ?
7 R. Du point de vue de l'hygiène, c'est une école, une école de village. En
8 bas, la où il y a un gymnase, il y avait deux toilettes et il y avait en
9 plus des toilettes avec une douche. Cette nuit-là, pendant qu'ils étaient
10 tous là à l'intérieur, j'ai placé une table dans le couloir, une table qui
11 séparait la cabine de douches des toilettes, séparer cela de l'autre partie
12 du couloir, donc cela leur a été réservé à partir de ce moment-là pour
13 qu'ils n'aient pas à se mélanger avec l'armée. Il y avait là une porte, la
14 porte de la cabine de douche et des toilettes et cette porte, on ne pouvait
15 pas la fermer à clé. On a improvisé un petit peu pour qu'on puisse
16 d'enfermer à l'intérieur.
17 Q. À ce moment-là, étiez-vous à même de faire le nécessaire pour que ces
18 personnes soient mieux installées, à l'école ou à Mehurici, soient mieux
19 installés que la situation.
20 R. Non, il n'y avait rien à Mehurici, si ce n'est que ce bâtiment d'école.
21 C'était une bourgade, il y avait un petit poste de police et, avec autant
22 de gens, on n'aurait pas pu faire mieux que de les installer à l'école de
23 Mehurici.
24 Q. Dites-moi : pendant ce premier jour, qui a assuré la sécurité du
25 village où étaient les civils -- de l'endroit où étaient les civils, et
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1 fermait-on à clé le gymnase ?
2 R. Non. Pour ce qui est de la sécurité, j'ai séparé ce couloir. C'est là
3 qu'il y avait ma police, moi aussi. On ne fermait pas à la clé la porte qui
4 débouchait sur le couloir. Mais on fermait à clé la porte qui menait vers
5 la cour de récréation de l'école. Tout simplement, c'était fermé à clé pour
6 des raisons de sécurité, pour que personne ne puisse accéder au bâtiment
7 dans la nuit. Ils étaient à l'intérieur. Alors, je peux vous citer un
8 exemple. On était comme des amis, parce que tous les matins, ils me
9 remerciaient, et s'ils avaient quelque chose à manger, ils m'invitaient à
10 m'installer avec eux et à partager cela avec eux.
11 Q. Savez-vous qui a entrepris de fournir la nourriture à ces personnes au
12 gymnase, à partir de ce premier jour ?
13 R. Lorsque je suis revenu le lendemain et lorsque j'ai vu cet homme blessé
14 - je pense que son nom était Zeljko - j'ai vu que la protection civile du
15 coin -- du village a déjà commencé à apporter la nourriture et du matériel,
16 des couvertures, ce dont ils avaient besoin. Dans une certaine mesure, la
17 protection civile a pris sur elle de s'occuper des conditions d'hygiène, et
18 cetera.
19 Q. Les membres de votre section de police militaire, pendant combien de
20 temps ont-ils sécurisé ce gymnase ? Est-ce qu'à un moment donné quelqu'un a
21 pris la relève ?
22 R. C'était pendant trois, quatre ou cinq jours que nous assurions la
23 sécurité. Je ne peux pas être très précis. Par la suite, c'est la police
24 civile qui s'en est chargée, ainsi que ceux que j'ai déjà cités, la
25 protection civile. C'est eux qui ont continué à s'en occuper.
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1 Q. Monsieur HB, dites-moi : pendant que vous étiez à Mehurici, avez-vous
2 vu la Croix Rouge s'y rendre. Si oui, qu'ont-ils fait sur place ?
3 R. Oui. Une fois, je les ai croisés. C'était au moment où je me trouvais
4 précisément dans le gymnase. Je pense même que j'étais en train de parler à
5 cet homme blessé lorsqu'on nous a informés de l'arrivée de la Croix Rouge.
6 Ils sont entrés. Il me semble qu'il y avait deux hommes -- deux femmes et
7 un homme. Je suis sorti parce que je n'avais rien à faire là. D'après ce
8 que j'ai vu, ils ont surtout parlé à la femme médecin, parce qu'elle était
9 une sorte de chef de cette équipe chargée des relations avec -- quant à
10 savoir de quoi ils ont parlé, je ne sais pas vraiment.
11 Q. Est-ce que les membres de la Croix Rouge vous ont formulé des
12 remarques à votre intention ?
13 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je suis en train de recevoir
14 l'interprétation en anglais, et je ne sais pas --
15 [problème technique]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, apparemment le sténo n'a pas
17 le retour dans ses oreilles. Bien. C'est bon. Continuez.
18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci.
19 Q. Parmi ces représentants de la Croix Rouge, est-ce qu'il y en a eu qui
20 ont formulé des remarques à votre intention ? Savez-vous si on a fait des
21 remarques auprès de votre commandement ?
22 R. A moi, personnellement, non. Je ne sais pas s'ils ont fait des
23 remarques à l'intention de mon commandement. S'ils l'avaient fait, j'aurais
24 vraisemblablement été mis au courant.
25 Q. Vous avez dit que vous avez parlé à cet homme blessé. Vous vous
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1 rappelez son nom, Zeljko. Vous a-t-il relaté en détails l'événement, ou
2 était-ce, comme vous venez de le dire, simplement un récit où il vous a dit
3 qu'il a réussi à survivre à la fusillade -- à l'exécution ?
4 R. Il m'a dit qu'il a survécu à la fusillade. Il ne m'a rien décrit en
5 détail à moi. Ce qui m'a suffit, c'était de savoir qu'il était en vie,
6 qu'il a survécu. Cela a suffit pour m'inspirer la crainte, la peur.
7 Qu'allait-il se passer par la suite ? Parce qu'il n'y avait pas beaucoup de
8 soldats dans les parages. Je pense encore aujourd'hui que j'ai eu raison.
9 Q. Est-ce que vous aviez peur pour cet homme ? Vous aviez peur de ce qu'il
10 allait advenir de lui si on apprenait qu'il était là ?
11 R. Oui, j'avais peur pour sa vie, de lui et de ces autres, femmes,
12 vieillards, enfants, et nos vies aussi probablement. Parce que, si ceci
13 allait se produire, il y aurait eu, probablement une guerre entre eux et
14 nous.
15 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, ce que Zeljko vous a raconté. L'avez-vous
16 intégré à votre rapport, le rapport que vous avez fait à votre supérieur ?
17 R. Oui, je l'ai fait.
18 Q. Vous avez dit que c'est pendant quatre ou cinq jours que vous avez fait
19 ce travail, cette tâche. Par la suite, est-ce qu'on vous a confié une autre
20 mission, Monsieur HB. Si oui, laquelle ?
21 R. Oui. Ces jours-là, il y avait des combats à Guca Gora. Je pense que les
22 nôtres sont entrés à Guca Gora. Je me suis vu confier la mission de prendre
23 quelques policiers. Parce que nous savions déjà qu'à Guca Gora il y avait
24 aussi une unité de police militaire de Zenica donc qu'il fallait qu'on
25 parte les aider et qu'on essaie de protéger Guca Gora, le monastère et tout
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1 le reste, tout ce qui se trouve là-bas, de protéger contre le pillage,
2 l'incendie.
3 Q. Ces missions, elles ont duré combien de temps, pour vous
4 personnellement ? J'aimerais savoir si vous êtes parti ailleurs et, si oui,
5 pourquoi ?
6 R. Je suis resté peut-être deux ou trois jours à Guca Gora. Ensuite, je
7 suis parti à Travnik car il y avait encore une possibilité -- on essayait
8 encore de créer cette nouvelle Brigade de Banja Luka. A Travnik, il y avait
9 la présidence de Guerre de Banja Luka. Je me suis rendu aux entretiens. On
10 a essayé de faire quelque chose pour créer cette brigade.
11 Q. Etiez-vous revenu par la suite dans la 306e Brigade, après avoir
12 commencé cette nouvelle mission ?
13 R. Non.
14 Q. Aujourd'hui, vous êtes citoyen suédois. Lorsque vous rependez à cet
15 événement que vous venez de décrire à cette Chambre de première instance,
16 pouvez-vous nous dire si l'impact, que cet événement a eu sur vous, a été
17 un impact indélébile à cause du fait que vous n'avez pas pu aider ces
18 gens ?
19 R. Oui. Pendant longtemps, j'ai rêvé. Je revoyais tous ces événements.
20 Encore aujourd'hui, je ne connais pas la vraie raison. Je ne sais pas si
21 j'ai pu faire plus. Pendant tout ce temps, ces dernières années, j'ai
22 refoulé tout simplement tout cela. Je l'ai refoulé très profondément en mon
23 for intérieur, mais avec ces souvenirs, cela revient. Je ne le sais
24 toujours pas, mais j'estime que j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir.
25 Q. Monsieur HB, à ce moment-là, pouviez-vous pénétrer dans ce camp des
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1 Moudjahiddines ? Pouviez-vous poursuivre une enquête dans le camp, dans
2 l'enceinte du camp pour savoir qui a fait cela ? Est-ce que l'ABiH avait
3 une possibilité quelconque de le faire ?
4 R. Non, non. Tout simplement, c'était impossible. La seule chose qu'on
5 pouvait faire, c'était de faire un rapport, et on l'a fait. Nous-mêmes, on
6 ne pouvait pas mener d'enquêtes, ce n'était pas possible. Nous sommes la
7 police militaire. Nous menons des enquêtes sur des événements et sur
8 certaines activités des soldats, des militaires. Mais ces gens-là, ils
9 n'étaient pas membres de notre armée. On n'était pas habilité, on n'était
10 pas compétent à mener une enquête. Je pense que le chef de la sécurité,
11 Hasan, a envoyé cela au centre des Services de sécurité de la brigade. Je
12 ne sais pas si on a agi, par la suite. Cela, vraiment, je ne le sais pas.
13 Q. Monsieur HB, deux questions supplémentaires mais brèves. Vous avez dit
14 que ces Moudjahiddines n'avaient aucunement aidé votre bataillon. Dites-moi
15 si votre bataillon, votre brigade a fourni elle-même de l'aide à ces
16 Moudjahiddines dans le camp ?
17 R. Certainement pas. Nous ne leur parlions même pas. On ne faisait que les
18 voir, qui passaient à toute vitesse dans une voiture sur la route près de
19 l'école, et qui poussaient des cris en arabe comme s'ils criaient sur nous
20 parce que, parfois, on prenait un verre. Parfois, on allait se promener
21 avec des femmes, et ils n'aimaient pas cela. Cela les ennuyait.
22 Q. Ma dernière question, est-ce que votre bataillon n'a jamais pris part à
23 des opérations de combat avec les Moudjahiddines ?
24 R. Non. Pour autant que je sache, tout au moins pendant que j'étais là,
25 nous ne l'avons pas fait, et je ne crois pas que ceci n'ait jamais eu lieu.
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1 Q. Je vous remercie beaucoup, Monsieur Herceg-Bosna, pour avoir répondu à
2 mes questions.
3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas
4 d'autres questions à poser à ce témoin.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Les autres avocats ?
6 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous
7 n'avons pas de questions à poser à ce témoin.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.
9 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Contre-interrogatoire par M. Mundis :
11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Mon nom est Daryl
12 Mundis, et je suis avec mes collègues ici pour représenter l'Accusation. Je
13 vais vous poser un certain nombre de questions pendant environ une heure.
14 Je voudrais vous rappeler ce qu'a dit le Juge, président de la Chambre. Ce
15 que vous ont dit mes collèges en ce sens que si vous ne comprenez pas mes
16 questions, demandez-moi simplement de les reformuler. Je les reposerai
17 d'une autre manière de façon à ce que vous puissiez les comprendre. Je n'ai
18 pas l'intention d'aucune manière de vous embarrasser ou de mettre de la
19 confusion dans votre esprit sur les questions que je pose. Est-ce que vous
20 comprenez cela ?
21 R. Oui, je comprends.
22 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander,
23 s'il vous plaît, l'aide de l'Huissier, s'il pouvait peut-être bouger le
24 rétroprojecteur de façon à ce que je puisse mieux voir le témoin parce que
25 c'est entre nous, je vous remercie.
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1 Je voudrais maintenant demander si on pourrait aller en audience à huis
2 clos partiel parce qu'il faut que je pose certaines questions.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : En audience à huis clos.
4 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.
5 [Audience à huis clos partiel]
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4 [Audience publique]
5 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie.
6 Q. Monsieur le Témoin, dans quelques instants, je vais vous montrer une
7 carte et je vais vous poser des questions pour vous demander d'y apporter
8 certains signes, y compris les itinéraires que vous avez suivis pour aller
9 -- repartir de Maline le jour où que vous l'avez décrit, il y avait eu
10 cette rencontre de très près avec les Moudjahiddines. Mais je voudrais tout
11 d'abord, vous avez parlé de la présence de champs de mines dans le secteur;
12 c'est bien cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Quand est-ce que vous avez eu connaissance -- conscience de la présence
15 de ces champs de mines ?
16 R. La veille. Le jour précédent. Le jour où nos soldats sont partis pour
17 la ligne de front à Maline. Il y a une petite localité dont je ne sais pas
18 le nom, mais qui est sur la route qui conduit à Mehurici. Depuis le centre
19 Mehurici, cela représente peut-être un kilomètre de distance, et il y a un
20 petit pont et une grosse maison qui était une sorte d'entrepôt à un moment
21 donné. Je crois que le propriétaire de cette maison était Veso Balta. Il y
22 a eu des escarmouches à cet endroit-là, et la police est arrivée. Nous
23 avons trouvé sur le pont, proprement dit, des explosifs qui avaient été
24 placés avec du fil électrique qui était relié à un générateur, une batterie
25 dans une voiture qui se trouvait à environ 100 mètres du pont. Une des
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1 personnes, qui étaient là, a défait les explosives. Il les a désamorcés. Il
2 a vu qu'il y avait deux mines, une mine anti-char et une mine anti-
3 personnel, qui étaient visibles. Alors, nous n'avons pas osé suivre cet
4 itinéraire parce que nous avions peur pour notre propre sécurité. C'est la
5 raison pour laquelle nous avons supposé que le secteur était miné.
6 Q. A part ce pont dans le secteur immédiat où vous avez observé ces mines,
7 est-ce que vous avez eu connaissance d'autres champs de mines dans la
8 région de Maline, ou Mehurici ?
9 R. Non.
10 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, avec l'aide de
11 l'Huissier, je voudrais demander que l'on montre au témoin une carte sur
12 laquelle se trouve encore un agrandissement de la carte que nous avons
13 utilisée tout au long de la procédure. J'ai suffisamment d'exemplaires pour
14 tout le monde dans cette salle d'audience.
15 Q. Monsieur le Témoin, je vais vous demander de regarder maintenant une
16 carte qui se trouve à votre droite, sur le rétroprojecteur. Si vous pouvez
17 regarder également la copie papier de la carte qui se trouve à votre
18 droite. Je voudrais vous demander si vous reconnaissez ce qui est
19 représenté sur cette carte.
20 R. Oui, je suis en train d'essayer de le faire. Si je ne me trompe pas,
21 ceci serait le pont de Mehurici ici. Je crois que je pourrais m'y retrouver
22 si quelqu'un peut me dire si c'est bien l'endroit où se trouve le pont à
23 Mehurici.
24 Q. Monsieur le Témoin, il ne convient pas que je vous dis ce qui se trouve
25 sur la carte. Il faudrait, en fait, que je vous demande si vous
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1 reconnaissez -- je dois d'abord vous demander si vous reconnaissez ce qui
2 est représenté sur cette carte -- ce qu'elle représente ? La région qui
3 figure sur cette carte.
4 R. Pas très bien. Pas si bien que cela.
5 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que, sur la déposition, il n'est pas utile
6 pour nous d'utiliser cette carte ? Vous ne reconnaissez aucun des éléments
7 qui figurent sur cette carte ?
8 R. Non.
9 Q. Alors, je vais vous poser des questions supplémentaires qui n'ont pas
10 nécessairement trait à cette carte.
11 Vous nous avez dit précédemment que vous aviez quitté l'école à
12 Mehurici entre 9 heures et 10 heures du matin. Est-ce que c'est exact ?
13 C'était le jour où il y avait eu cette rencontre de très près avec les
14 Moudjahiddines.
15 R. Oui. Mais pas l'école. Non, pas l'école. J'ai quitté l'école -- j'ai
16 quitté Mehurici. Je suis parvenu au village de Maline entre 9 et 10.
17 Q. A quelle heure avez-vous quitté Mehurici ?
18 R. C'était peut-être vers 7 heures. Parce que les soldats sont allés en
19 avant de nous. Nous nous trouvions derrière nos lignes de front. Donc, au
20 fur et à mesure que les opérations de combat s'approchaient du village,
21 nous sommes allés derrière les soldats. Nous avons attendu qu'ils nous
22 fassent signe pour entrer dans le village, une fois que les soldats
23 l'avaient pris.
24 Q. Où avez-vous attendu ce signal d'entrer dans le village ?
25 R. Il y a une petite colline sur la route que nous avons empruntée. Nous
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1 allions à pied, en passant près du camp des Moudjahiddines. Il y a un cours
2 d'eau et un sentier qui peut vous conduire à une petite colline sur
3 laquelle il y a deux gros rochers. On a, à ce moment-là, une vue sur
4 l'ensemble de la région de Maline.
5 Q. Est-ce que vous savez, Monsieur le Témoin, s'il y a des hameaux ou des
6 endroits peuplés qu'on peut voir du haut de la colline où vous avez observé
7 Maline ?
8 R. Je ne parviens pas à m'en souvenir maintenant. Vous savez, c'était
9 vraiment il y a très longtemps.
10 Q. Ces jours-là, au moment où vous êtes allé sur cette colline qui
11 surplomb Maline, vous aviez été depuis combien de temps auprès du 1er
12 Bataillon de la 306e Brigade de Montagne ?
13 R. Je ne comprends pas la question. Est-ce que vous voulez dire d'une
14 façon générale ou juste ce jour-là ?
15 Q. Mais je veux dire d'une façon générale. Pendant combien de temps aviez-
16 vous appartenu au 1er Bataillon de la 306e Brigade de Montagne le 8 juin ou
17 du côté du 8 juin lorsque ces événements ont eu lieu ?
18 R. Approximativement cinq ou six mois.
19 Q. Au cours des cinq ou six mois précédant, où vous étiez au 1er Bataillon
20 de la 306e Brigade de Montagne, est-ce que vous étiez familiarisé avec le
21 terrain et le secteur autour de Mehurici ?
22 R. Je peux dire assez bien. Si vous empruntiez la route -- bon, je connais
23 très bien Mehurici parce qu'il y a un hameau avec plusieurs maisons qui
24 sont derrière le poste de police où nous nous rendions pour, par exemple,
25 dans le cours d'eau. Il y a un autre hameau au bout des maisons qui
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1 appartient à Mehurici. Je pense que cela s'appelle Jezerci où il y avait
2 plusieurs soldats membres de la brigade. Lorsque je faisais partie de la
3 police, j'allais les chercher personnellement parce qu'ils ne répondaient
4 pas lorsqu'on leur donnait des missions. Au-dessus de Mehurici, il y a une
5 route qui conduit à Gluha Bukovica. En dessous de Mehurici, en aval, on
6 pouvait prendre la route qui conduit à Travnik. On tourne à droite en
7 passant par Maline, Guca Gora jusqu'à Travnik. Si on continue tout droit,
8 on va vers Zenica. C'étaient les routes que nous empruntions.
9 Q. Vous nous avez parlé un peu plus tôt aujourd'hui du camp des
10 Moudjahiddines. Je souhaiterais savoir si vous pouvez nous dire quelque
11 chose. Quand pour la première fois est-ce que vous avez été conscient du
12 fait que ce camp se trouvait dans le voisinage de Mehurici ?
13 R. Je crois que c'était le moment où je suis arrivé sur place, dès que je
14 suis arrivé à Mehurici parce que je rencontrais ces gens quotidiennement,
15 qui passaient en voiture et qui allaient dans une direction. C'est à ce
16 moment que j'ai appris qu'en haut de la colline, il y avait un camp de
17 Moudjahiddines.
18 Q. Est-ce que vous savez pendant les cinq ou six mois où vous avez été
19 dans la région de Mehurici ou à Mehurici, approximativement combien de
20 Moudjahiddines se trouvaient dans ce camp au total ?
21 R. Nous nous posions la question nous-même. On se demandait combien il
22 pourrait y en avoir. Grosso modo, j'estimerais qu'il y avait à peu près 150
23 personnes. Mais lorsqu'ils mettaient ces écharpes, ces vêtements, ils
24 avaient tous l'air semblable. Alors, il se peut qu'il y en ai eu ou plus ou
25 moins.
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1 Q. Pourriez-vous nous donner une estimation, grosso modo, des dimensions
2 du camp près de Mehurici dans lequel se trouvaient les Moudjahiddines ?
3 R. Je vais essayer parce que ce n'est qu'à deux reprises que j'ai passé
4 près du camp. Une fois en me rendant à Maline, et la deuxième fois, au
5 retour de Maline lorsque cet incident s'est produit. Je crois que le camp
6 en tant que tel faisait à peu près 200 mètres par 200 mètres, donc, disons,
7 un cercle dont le diamètre aurait environ 200 mètres. Je ne suis pas sûr,
8 mais c'est une estimation approximative.
9 Q. Je crois que vous nous avez dit que ce camp se trouvait
10 approximativement à 200 mètres de l'école, n'est-ce pas ?
11 R. Pas de l'école, du pont à Mehurici.
12 Q. Du pont ?
13 R. Environ 200 à 300 mètres du pont. Peut-être 300 ou 400 mètres de
14 l'école. A vrai dire, je ne saurais dire. Beaucoup de temps est passé
15 depuis lors.
16 Q. Bien. Avant le jour où vous avez eu cette rencontre de très près avec
17 des Moudjahiddines, pourriez-vous nous parler de ce que vous saviez des
18 activités auxquelles se livraient ces gens, si vous avez su quoi que ce
19 soit de ce qu'ils faisaient dans ce camp près de Mehurici.
20 R. En vérité, je ne savais rien. Lorsqu'on les voyait, on les voyait
21 passer dans des véhicules. Ils allaient et ils venaient. Ils continuaient
22 de circuler en voiture allant et venant. Ils avaient une Toyota, et
23 également une camionnette ou une fourgonnette. Constamment, ils étaient en
24 train de conduire ces véhicules. Parfois, ils ouvraient le feu. J'avais une
25 amie au village, et parfois, j'allais me promener avec elle. Dès qu'on les
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1 apercevait, si elle n'était pas habillée selon les règles, à ce moment-là,
2 ils ouvraient le feu, et ils demandaient qu'elle se couvre. Quant à ce
3 qu'ils faisaient, vraiment, cela, je ne sais pas quelles étaient leurs
4 activités.
5 Q. Vous nous avez dit précédemment -- Monsieur le Témoin, je vais vous
6 poser quelques questions supplémentaires concernant l'unité. Vous aviez
7 comme fonction d'être le commandant de l'unité de la police militaire au
8 sein du 1er Bataillon de la 306e Brigade de Montagne; c'est bien cela ?
9 R. Oui, en tant que commandant de la police.
10 Q. Vous nous avez dit qu'en gros vous aviez une dizaine de policiers
11 militaires, mais qu'à l'occasion, il y aurait des combattants plus âgés qui
12 venaient vous aider pour certaines tâches particulières lorsqu'elles vous
13 étaient confiées; c'est bien cela ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous nous avez dit qu'une partie de vos fonctions étaient de procéder à
16 des enquêtes ?
17 R. Oui.
18 Q. Est-ce qu'à un moment quelconque, avant le jour où vous avez eu cette
19 rencontre de très près avec les Moudjahiddines, est-ce que vous-même ou la
20 police militaire, l'unité de police militaire du 1er Bataillon de la 306e
21 Brigade de Montagne a eu l'occasion de vous occuper d'activités qui avaient
22 été entreprises par les Moudjahiddines ?
23 R. Non.
24 Q. Comment décririez-vous ou comment caractérisiez-vous la façon dont ces
25 Moudjahiddines réagissaient ? Qu'est-ce que cela vous inspirait ? Comment
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1 est-ce que vous vous sentiez lorsque vous voyez ces gens-là ?
2 R. Je les voyais et considérais comme des étrangers. Je me demandais
3 toujours, mais qu'est-ce qui font là. Je ne sais pas, nous n'avions pas de
4 contact avec eux. Nous n'avions pas de langue commune qui nous aurait
5 permis de communiquer avec eux. Je ne les voyais que de façon occasionnelle
6 à la télévision dans des pays arabes ou des pays pauvres. Il était dit
7 qu'ils étaient venus de façon à fournir de l'aide. Mais je ne sais pas qui
8 ils aidaient. Ils ne nous aidaient pas nous.
9 Q. Avant le 8 juin ou environ du 8 juin 1993, est-ce que vous aviez peur
10 de ces Moudjahiddines ?
11 R. Non, je n'avais pas peur. Mais je n'aimais pas les voir, cela ne me
12 plaisait pas de les voir parce qu'ils ne semblaient pas amicaux. Je m'en
13 souviens. Peut-être que j'ai grandi dans un environnement qui n'était pas
14 le bon. Avoir peur, non, ce n'est pas comme cela que je dirais les choses,
15 mais, bien évidemment, je me sentais mal à l'aise quand je les voyais.
16 Q. Combien de fois, si vous l'avez fait, avec-vous parlé de la question
17 des Moudjahiddines avec des membres de la police civile locale avant le 8
18 juin 1993 ?
19 R. Est-ce que j'ai parlé à la police locale des Moudjahiddines ? Peut-être
20 que je l'ai fait mais je ne m'en souviens pas. Mais dans le village, il y
21 avait un café et parfois on prenait le café à cet endroit-là et parfois de
22 l'alcool de prune et il arrivait qu'un policier et moi-même allions à ce
23 café et que nous bavardions. Peut-être qu'on en a parlé une fois parce
24 qu'il est arrivé une fois qu'un Moudjahiddines avait capturé le
25 propriétaire du café et qu'il était allé et qu'un habitant, même un
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1 combattant, mais je ne m'arrive pas très bien à me rappeler de ce qui s'est
2 passé ensuite.
3 Quelque chose s'est passée, mais je ne sais si c'est la police civile qui a
4 traité de la question ou les autorité civiles, vraiment, je ne parviens pas
5 à m'en souvenir. Mais, je sais qu'il y a eu des problèmes qui se sont posés
6 en ce qui concerne le propriétaire de ce café. Peut-être qu'il ne voulait
7 lui permettre de servir de l'alcool parce que le café se trouvait près de
8 la mosquée où ils allaient se réunir.
9 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous vous rappelez des cas précis dans
10 lesquels vous avez relevé et discuté de problèmes de sécurité concernant
11 les Moudjahiddines avec les membres de la police civile à Mehurici.
12 R. Non, je ne m'en souviens pas, je ne me souviens pas de quelque chose
13 comme cela. Mais, la situation dans le village était telle qu'il y avait
14 des individus que les Moudjahiddines essayaient de recruter, qu'ils
15 suivaient et voulaient recruter des habitants du cru, des locaux, et je
16 pense que certains habitants ont même été entraînés dans des camps, ont
17 subi une formation. Certains Moudjahiddines, il y avait des personnes du
18 village qu'ils ont épousées, il y avait des mariages, mais, dans cette
19 partie de Mehurici, la population était divisée dans une certaine mesure
20 par qu'il y avait certains qui avaient des convictions religieuses. Pour ma
21 part, je ne suis par croyant, mais, si un conflit avait éclaté, ceci aurait
22 abouti à diviser la population.
23 Q. Monsieur le Témoin, je n'étais pas en train de poser des question
24 précises concernant le conflit, j'étais simplement en train de vous
25 demander si vous aviez eu des conversations, particulières ou précises avec
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1 la police locale civile dans votre rôle en qualité de commandant de la
2 police militaire, de l'unité de police militaire, concernant la situation
3 de sécurité en ce qui concerne le camp des Moudjahiddines juste à
4 l'extérieur de Mehurici ?
5 R. Non, je n'ai pas eu de telles discussions, je ne sais ce que fait le
6 chef de la sécurité. Ma position ne me permettait pas prendre de telles
7 décisions, j'étais simplement commandant de la police. Cela relevait des
8 compétences du chef de la sécurité, mais je ne sais ce qu'il a fait à ce
9 sujet.
10 Q. Je souhaiterais vous poser quelques questions au sujet de l'école.
11 Alors que vous faisiez partie de l'unité de police militaire du 1er
12 Bataillon de la 306e Brigade de Montagne, où est-ce que les policiers
13 militaires étaient hébergés ?
14 R. Dans la deuxième salle de classe, en partant de la droite, au rez de
15 chaussée. Je pense qu'il y avait trois salles de classe et nous étions dans
16 celle du milieu. Dans la première salle de classe, je pense qu'il y avait
17 des gens de Siprage et les membres de mon unité de police militaire étaient
18 hébergés dans la salle de classe du milieu. Dans la première salle de
19 classe, il y avait également de Kotor Varos.
20 Q. Au cours des cinq ou six mois que vous avez passés au sein du 1er
21 Bataillon de la 306e Brigade de Montagne, n'y avait-il pas des
22 Moudjahiddines installés à l'étage de l'école ?
23 R. Je ne sais pas. Les hommes de Siprage dormaient par terre et il y avait
24 deux toilettes, je m'y rendais pour me laver. Ils ne se trouvaient pas à
25 l'étage, ils n'étaient pas du tout dans l'école.
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1 Q. Pendant que vous étiez membre de la police militaire, c'est-à-dire,
2 entre le mois de janvier jusqu'au mois de juin 1993, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. En réponse à une question posée par mon éminente consoeur, vous avez
5 déclaré que ces éminentes personnes que vous avez appelé des Arabes et des
6 Moudjahiddines, à propos de ces personnes, vous avez déclaré que le terme
7 Moudjahiddines était un terme qui s'appliquait à eux, que c'était le terme
8 approprié.
9 R. Avant la guerre, je n'avais jamais entendu le terme Moudjahiddine.
10 Personnellement, j'appelais ces gens, des Arabes. Quant à savoir ce que
11 signifie le terme Moudjahiddine. Cela représente des hommes armés, c'est un
12 terme terrible et, à en juger par leur apparence, ils avaient des écharpes
13 et de longues tuniques, ils portaient la barbe.
14 Le terme lui-même fait référence à quelque chose de terrible selon moi,
15 pour moi, le terme qu'il convient d'utiliser pour parler d'eux.
16 Q. Très bien. A présent je souhaiterais parler de la période située aux
17 environs du mois de juin 1993, le jour où vous avez rencontré les
18 Moudjahiddines, vous nous avez dit que vous étiez arrivé à une colline qui
19 surplombe Maline vers 9 ou 10 heures ?
20 R. Oui, vers neuf ou dix heures mais en arrivant au village, les gens
21 étaient rassemblés au centre du village, près de l'hôpital. Il y avait des
22 soldats de notre armée sur place et il y avait des tirs incessants et nous
23 nous demandions comment nous allions passé ces maisons pour voir ce qui se
24 passait. Nous ne savions pas s'il y avait qui que ce soit dans le village.
25 Q. Je souhaiterais que l'on revienne un petit peu en arrière, vous nous
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1 avez dit que vous étiez passé à coté du camp des Moudjahiddines à deux
2 reprises au cours de cinq à six mois que vous avez passé au sein de la 306E
3 Brigade de Montagne et en que la première fois, c'était ce matin-là.
4 R. Oui.
5 Q. Savez-vous quelle heure il était lorsque vous êtes passé à coté de ce
6 camp ?
7 R. A 7 heures ou 7 heures et demie ou 8 heures. Nous sommes passé à pied,
8 à côté du cordon et c'est la première fois que j'ai vu qu'il avait ce
9 sentier au dessus du camp et que nous pouvions emprunter ce sentir pour
10 aller Maline.
11 Q. Vous nous avez dit que vous étiez sur une colline surplombant la ville
12 de Maline, que vous attendiez un signe pour pénétrer à l'intérieur de
13 Maline. Combien vous a-t-il fallu pour atteindre qui surplombe Maline ?
14 R. Je ne sais pas, peut-être une heure, une heure et demie, il fallait
15 être prudent. Il y avait des tirs. J'ai rencontré l'un de nos soldats mais
16 on n'était pas sûrs si c'était un de nos soldats, donc nous avons attendu
17 un peu à cet endroit pour voir si tout était sûr. Lorsque nous avons vu les
18 troupes, mais, soudainement, ils nous ont fait un signe, et nous avons su
19 que nous pouvions poursuivre notre chemin.
20 Q. Sur la colline où vous vous trouviez en attendant que l'on vous fasse
21 un signe, y avait-il des maisons ?
22 R. Il y avait des rochers. Je me souviens de ces rochers. Mais je n'ai été
23 à cet endroit qu'à deux reprises il y a 11 ans.
24 Q. A quelle hauteur se trouve cette position au-dessus de Maline où vous
25 vous trouviez en attendant que l'on vous fasse un signe ?
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1 R. Il y a un sentier qui part de Maline qui conduit à ces rochers. Nous
2 avons emprunté ce sentier. Je ne sais pas à quelle hauteur cela se
3 trouvait. Bien, depuis cette position, on peut voir Maline, 50 mètres peut-
4 être au-dessus de Maline. Je ne sais pas. Je ne saurais vous le dire.
5 Q. Savez-vous si l'endroit où vous vous trouviez en attendant un signe de
6 votre unité à Maline est connu sous le nom de Bikosi ?
7 R. Je ne sais pas Bikosi est un village pour autant que je m'en souvienne.
8 C'est un village qui se trouve à proximité de cet endroit. Il n'y avait pas
9 beaucoup de maisons. L'endroit où se trouvent les rochers fait sans doute
10 partie de Maline. C'est une petite colline située à une centaine de mètres
11 de Maline.
12 Q. Combien de policiers militaires se trouvaient avec vous au moment où
13 vous êtes entré dans Maline ?
14 R. Dix environ.
15 Q. Quelle tenue portiez-vous, et quelles armes aviez-vous si vous en
16 aviez ?
17 R. Nous avions des armes automatiques sur nous. J'avais un fusil
18 automatique et un pistolet. Nous portions des insignes de couleur blanche
19 où était écrit police. Nous avions des uniformes de camouflage. Je ne sais
20 pas si tout le monde avait des uniformes. Certains avaient peut-être des
21 jeans ou des vestes. Mais nous portions tous des insignes de police de
22 couleur blanche.
23 Q. A votre entrée dans le village, pourriez-vous nous décrire ce que vous
24 avez vu par rapport aux civils et aux soldats du HVO ?
25 R. Lorsque nous sommes entrés dans le village, j'ai vu un groupe de
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1 femmes, d'enfants et de personnes âgées qui se tenaient devant une maison.
2 Il y avait une cour. Ils se tenaient sur la route. Nos soldats passaient à
3 côté également car on continuait à tirer. Je ne sais pas qui tirait, si
4 c'étaient nos hommes ou le HVO. Il y avait des personnes, des femmes, des
5 enfants et des personnes âgées qui partaient, qui sortaient de leurs
6 maisons, et qui se demandaient ce qu'ils devaient faire. Ils avaient peur.
7 Ils demandaient s'il y avait des Moudjahiddines. La peur régnait parmi eux.
8 Q. Lorsque vous êtes arrivé dans le village, on tirait encore et alors
9 qu'on continuait à tirer, les gens sortaient de leurs maisons et se
10 rassemblaient dans le village de Maline. Est-ce là ce que vous avez
11 observé ?
12 R. Oui. Lorsque je suis arrivé sur place, les membres du HVO qui s'étaient
13 rendus se tenaient là, sans leurs armes. Nos hommes les gardaient, et les
14 avaient déjà désarmés. Des membres de leurs familles s'approchaient d'eux,
15 se tenaient à côté d'eux. Il y avait d'autres personnes qui sortaient de
16 leurs maisons. Certains pleuraient, d'autres étaient inquiets.
17 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était l'intensité des combats et des
18 tirs que vous avez observé en entrant dans le village alors que ces
19 personnes se tenaient devant leurs maisons ?
20 R. Il y avait des tirs sporadiques dans le village. Mais dans les
21 collines, les tirs étaient plus nourris. Nos hommes étaient déjà partis en
22 direction des collines. On pouvait entendre des tirs dans les maisons, et
23 on ne savait pas vraiment si c'étaient des membres du HVO qui tiraient, qui
24 étaient là et qui ne s'étaient pas encore rendus. Nous ne savons pas si
25 c'étaient nos propres hommes. Ce n'était pas un petit village, c'était un
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1 village assez important.
2 Q. Combien de soldats du HVO qui s'étaient rendus se trouvaient dans le
3 groupe que vous avez mentionné plus tôt au moment de votre arrivée ?
4 R. Ils étaient assez nombreux. Il y avait également des personnes âgées.
5 Je ne sais pas si c'étaient des membres du HVO, mais il y avait quatre ou
6 cinq hommes en uniforme qui portaient des tenues de camouflage. Peut-être
7 que je me trompe, peut-être qu'ils étaient six ou sept. Mais c'est là plus
8 ou moins le nombre d'hommes qui portaient des uniformes. Une personne qui
9 je crois s'appelait Zeljko portait un uniforme.
10 Q. Il me semble que vous avez déclaré plutôt que vous étiez resté dans le
11 village environ trois ou quatre heures avant d'entrer sur Mehurici avec ces
12 personnes, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, plus ou moins.
14 Q. Au cours des trois ou quatre heures que vous avez passées à Maline,
15 est-ce que les combats et les tirs ont continué ?
16 R. Oui, les tirs ont continué, mais ils n'étaient pas aussi nourris. On
17 entendait même des obus qui explosaient. Mais au cours de ces trois ou
18 quatre heures, il est arrivé que quelqu'un ouvre le feu depuis une maison.
19 Nous courrions voir ce qui se passait dans cette maison afin de voir si
20 c'était le HVO qui tirait, et si quelqu'un essayait de faire du mal aux
21 civils. Il y avait beaucoup de choses à faire. Nous n'étions que dix
22 policiers. Il y avait deux, trois ou quatre policiers qui se tenaient
23 auprès des civils. Il y a des gens qui pleuraient et on courait partout
24 pour voir ce qui se passait, si quelqu'un avait besoin d'aide. La situation
25 était très difficile.
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1 Q. Tout au long de cette période alors que vous entendiez toujours des
2 tirs et qu'il y avait même des obus qui explosaient, les gens sont restés
3 devant chez eux à Maline ?
4 R. Oui.
5 Q. Ensuite, à un moment donné, au début de l'après-midi, vous avez décidé
6 de les emmener à Mehurici, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous nous avez déjà dit qu'un petit nombre de personnes avait été
9 embarqué à bord de camions quand il s'agissait de personnes âgées ou
10 invalides, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Lorsque vous êtes parti avec cette colonne de personnes, ces civils et
13 ces soldats du HVO qui s'étaient rendus, est-ce que tout le monde était
14 mélangé au sein de la colonne ou non ?
15 R. Nous sommes tous partis ensemble et il y avait sans doute des membres
16 de même famille qui étaient là, donc, les familles restaient ensemble. Je
17 pense qu'il y avait six membres du HVO. Nous avons trouvé trois caisses
18 d'obus dans le village, et nous leur avons donné ces obus pour qu'ils les
19 portent. Donc, il y a trois caisses d'obus. Ces six personnes étaient deux
20 par deux sur trois rangées, et nous avons un peu parlé.
21 Q. Pour autant que vous le sachiez, de quel type d'obus s'agissait-il ?
22 Est-ce qu'il s'agissait d'obus destiné à l'artillerie, de mortiers, de
23 grenades à main ? De quel type de bombe s'agissait-il -- d'obus ?
24 R. Je ne sais pas. Je pense que c'étaient des grenades à main, mais je ne
25 suis pas tout à fait sûr.
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1 Q. Hormis ces trois caisses qui, selon vous, contenaient des grenades à
2 main, est-ce que les soldats du HVO qui s'étaient rendus avaient des armes
3 sur eux ?
4 R. Non, pas à ce moment-là. Ils avaient déjà rendu leurs armes avant mon
5 arrivée, si bien qu'ils n'étaient pas armés. Mais alors que nous formions
6 la colonne, j'ai d'abord dit à tout le monde qu'il n'était pas sage pour
7 qui que ce soit de porter une arme, et que si quelqu'un en avait une, il
8 devait la remettre, et que si nous trouvions une arme, nous prendrions les
9 mesures nécessaires. Donc, nous avons fouillé tout le monde afin de nous
10 assurer qu'ils n'avaient pas d'armes sur eux. Ensuite, nous sommes partis
11 sous forme de colonne, car nous n'étions que six policiers.
12 Q. Au vu de votre réponse, je suppose que vous avez laissé les cinq autres
13 policiers derrière vous à Maline, n'est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous nous avez dit, un peu plus tôt, que vous estimiez au nombre de 200
16 personnes les gens qui se trouvaient dans cette colonne, y compris les
17 civils et les six soldats du HVO qui s'étaient rendus.
18 R. Oui.
19 Q. Donc, vous êtes partis en début d'après-midi en direction de Mehurici.
20 R. Oui.
21 Q. Après avoir quitté Mehurici, est-ce que d'autres personnes se sont
22 jointes à la colonne des civils, ou d'autres soldats du HVO qui s'étaient
23 rendus ?
24 R. Je ne comprends pas votre question. Après avoir quitté Mehurici ?
25 Q. Non, excusez-moi. Après avoir quitté Maline, en compagnie de ces 200
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1 personnes à peu près, y compris des civils et des six soldats du HVO qui
2 s'étaient rendus. Alors que vous avez quitté Maline, et avant d'arriver au
3 camp des Moudjahiddines, est-ce que d'autres civils ou d'autres soldats du
4 HVO qui se seraient rendus, ont rejoint la colonne que vous escortiez ?
5 R. Non.
6 Q. Combien de temps environ a-t-il fallu à la colonne pour parcourir le
7 trajet entre Maline et le camp des Moudjahiddines ?
8 R. Selon moi, deux heures à deux heures et demie.
9 Q. Je souhaiterais que nous parlions du moment où vous êtes arrivé à côté
10 du camp des Moudjahiddines. D'après vos souvenirs, quelle heure était-il
11 environ ?
12 R. Environ 4 heures, 4 heures et demie; quelque chose comme cela.
13 Q. Lorsque vous êtes arrivé à côté de ce camp, où vous trouviez-vous par
14 rapport à la colonne ?
15 R. Je me trouvais en tête de la colonne. Je parlais à quelqu'un en tête de
16 la colonne. Car les hommes qui transportaient les caisses, où se trouvaient
17 les grenades ou les obus, se trouvaient en tête de colonne. Moi aussi,
18 j'étais en tête. Il y avait un policier à côté de moi; un autre, qui se
19 trouvait un peu plus loin vers le milieu; et un autre de l'autre côté; et
20 un autre en avant de colonne.
21 Q. Alors que vous vous reprochiez du camp, à quel moment a-t-il été
22 possible de voir le camp ? Alors que vous avanciez sur ce sentier, à partir
23 de quel moment avez-vous pu voir le camp ? Est-ce que la configuration du
24 terrain vous permettait de voir le camp avant d'arriver juste à côté du
25 camp ?
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1 R. On ne pouvait pas voir le camp car c'était une région boisée. Il y
2 avait un cours d'eau et ce sentier, mais on ne pouvait pas voir le camp,
3 car il y avait trop de végétation. A mi-chemin, ces deux hommes ont fait
4 leur apparition, et ils nous ont demandé qu'on leur remette des hommes. Sur
5 la colline -- sur le pont situé au-dessus du sentier, se trouvaient ces
6 trois Moudjahiddines.
7 Q. S'agissant des deux hommes que vous avez d'abord rencontrés, comment
8 étaient-ils habillés ?
9 R. Ils portaient des cagoules noires. On pouvait simplement voir leurs
10 yeux. Ils étaient vêtus d'uniformes de camouflages et ils étaient armés
11 d'armes automatiques. Je ne me souviens pas d'autres détails.
12 Q. Donc, ces deux hommes qui portaient des cagoules noires et des
13 uniformes de camouflages, est-ce qu'ils étaient chacun armés d'une arme
14 automatique ?
15 R. Oui.
16 Q. Je suppose qu'il s'agissait d'un fusil automatique ou d'une arme
17 automatique à canon long.
18 R. Oui.
19 Q. Lorsque vous avez vu ces deux hommes pour la première fois, à quelle
20 distance environ se trouvaient-ils par rapport à vous ?
21 R. Environ un ou deux mètres. J'ai vu, à un moment donné, qu'il y avait
22 des soldats qui arrivaient, et lorsque nous nous sommes rapprochés, ils se
23 sont arrêtés et ont dit qu'ils voulaient emmener ces hommes. Je ne
24 m'attendais pas du tout à cela.
25 Q. Donc, vous pensiez, à l'origine, qu'il s'agissait de certains de vos
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1 hommes, n'est-ce pas ? Pensiez-vous, au départ, qu'il s'agissait de soldats
2 de l'ABiH ?
3 R. Je voyais deux hommes qui s'approchaient. Je ne savais pas qui ils
4 étaient. J'étais armé. J'étais -- je pensais qu'il s'agissait de nos
5 hommes. Mais comme il fait un peu sombre à cause de la végétation, et alors
6 que nous marchions le long du cours d'eau, ce n'est que lorsqu'ils se sont
7 rapprochés et m'ont dit de m'arrêter, que je les ai vus. C'est là qu'ils
8 m'ont demandé que je leur remette ces hommes. D'abord, je pensais qu'ils
9 étaient seulement deux. Donc, je pensais que je pourrais m'occuper d'eux
10 tout seul. Ensuite, ces trois autres hommes sont apparus derrière moi, à
11 cinq ou six mètres de distance. Ils se tenaient là et ils observaient la
12 situation.
13 Q. Si je vous comprends bien, vous avez vu ces deux hommes qui marchaient
14 vers vous.
15 R. Oui.
16 Q. D'abord, vous avez pensé qu'il s'agissait de soldats de l'ABiH. Vous
17 avez vu qu'ils portaient des cagoules.
18 R. Oui.
19 Q. Vous dites ensuite : Lorsque je me suis approché d'eux, ils ont enlevé
20 leur cagoule et m'ont dit de m'arrêter; n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Lorsqu'ils vous ont parlé, ils avaient enlevé leur
23 cagoule ?
24 R. Non.
25 Q. Est-ce qu'ils ont enlevé leur cagoule, à quelque moment que ce soit,
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1 alors que vous parliez avec eux ?
2 R. Non.
3 Q. Je suppose qu'ils s'adressaient à vous en langue bosniaque.
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce qu'ils avaient un accent qui vous aurait permis de savoir de
6 quelle région de Bosnie ils venaient ? Ou s'agissait-il d'un accent assez -
7 - d'une manière de parler assez fréquente -- habituelle ?
8 R. Ils portaient ces cagoules sur la tête. Je ne me souviens pas s'ils
9 avaient un accent ou non. Mais je ne pense pas qu'il s'agissait de
10 Bosniaques purs.
11 Q. Que pouviez-vous voir de leur visage, étant donné qu'ils portaient des
12 cagoules ?
13 R. Leurs yeux.
14 Q. Pouviez-vous voir d'autres parties de leur corps, compte tenu des
15 vêtements qu'ils portaient ?
16 R. Non. Ils portaient des mitaines.
17 Q. Alors que vous vous entretenez avec ces deux hommes, à quelle distance
18 vous trouviez-vous par rapport à eux ?
19 R. Deux mètres.
20 Q. A un moment donné, vous êtes-vous rapproché d'eux ?
21 R. Oui. J'avais mon arme pointée sur eux.
22 Q. Pourriez-vous nous expliquer comment, si vous vous teniez à deux mètres
23 de cet homme cagoulé et que vous pointiez son arme sur lui, il a pu placer
24 le canon de son arme automatique dans votre bouche ?
25 R. Je ne sais pas si je peux vous expliquer totalement la situation. Il y
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1 avait ces hommes qui se tenaient à deux mètres de l'endroit où je me
2 trouvais, et à cinq mètres d'eux, il y avait trois autres Moudjahiddines
3 qui avaient leurs armes pointées sur nous, mais qui ne disaient rien. Ce
4 sont juste ces deux hommes qui me parlaient. Moi-même, je pointais mon arme
5 sur eux, d'une main. Ils me disaient qu'ils voulaient reprendre la
6 direction de la colonne. Je leur ai répondu qu'ils ne pouvaient pas, et que
7 je devais conduire la colonne à l'école. Ensuite, ils ont commencé à
8 arriver des côtés. D'autres hommes sont arrivés, donc, je me suis tourné
9 pour regarder. Ils se sont approchés de moi avec des armes. J'avais mon
10 arme automatique, et ils se sont approchés de moi avec leurs armes. Tous
11 ces hommes se sont approchés de moi, avec leurs cagoules et leurs armes.
12 J'aurais pu réagir. J'aurais pu ouvrir le feu. Je ne sais pas ce que
13 j'aurais pu réussir à faire avec cela. Les choses auraient pu se passer
14 différemment. Ils se sont approchés de moi et ont placé le canon d'un fusil
15 dans ma bouche, comme je vous l'ai déjà dit.
16 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je remarque l'heure. Il
17 me reste 15 à 20 minutes de questions pour ce témoin. Mais je pense que
18 nous pouvons faire une pause à présent.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons reprendre à 12 heures 55.
20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.
21 --- L'audience est reprise à 12 heures 58.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, vous pouvez poursuivre.
23 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Monsieur, juste avant la pause, nous étions en train de parler de cette
25 rencontre que vous avez eue juste à côté du camp des Moudjahiddines à
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1 proximité de Mehurici. Je veux vous demander la chose suivante : lorsque
2 cet individu a placé le canon de son fusil automatique dans votre bouche, à
3 ce moment-là, où se trouvaient vos collègues, les policiers militaires ?
4 Comment ont-il réagi ?
5 R. L'un d'entre eux était près de moi. Les autres, il y en avait un qui
6 était à la fin de la colonne, et mon frère était à une dizaine de mètres.
7 Il y avait un autre policier à peu près à la même distance de l'autre côté.
8 C'était à peu près cela.
9 Q. Saviez-vous comment ils ont réagi ? L'avez-vous vu ? Comment ont-il
10 réagi lorsque cet individu a placé son fusil dans votre bouche ?
11 R. Je ne l'ai pas vu. Mais lorsque nous sommes revenus à Mehurici, j'ai
12 entendu quelles ont été leurs réactions. A ce moment-là, lorsque j'étais en
13 train de me quereller avec eux en disant que je n'allais pas lâcher ces
14 hommes, avant que l'on ne me place le canon du fusil dans la bouche, leurs
15 armes étaient prêtes à tirer. Cependant, tout ceci s'est produit si
16 soudainement, les autres ont émergé rapidement des bois, à côté. Ils m'ont
17 dit qu'ils ont baissé, ils m'ont dit que lorsqu'ils se sont approchés,
18 qu'ils ont baissé leurs armes.
19 Q. Dans un instant, je vais en venir à la question des personnes qui sont
20 sorties des bois. Mais maintenant, je vais vous poser des questions au
21 sujet des trois personnes qui se tenaient derrière les deux hommes masqués.
22 Vous nous avez dit qu'il y avait trois hommes derrière leurs dos; c'est
23 exact ?
24 R. Oui.
25 Q. Ces trois hommes, comment étaient-ils vêtus ? Quel genre d'habits
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1 portaient-ils ?
2 R. Un uniforme de camouflage, et sur l'uniforme de camouflage, ils avaient
3 comme une espèce de cap ou long châle, et ils avaient des uniformes de
4 camouflage, des armes prêtes. C'étaient des étrangers.
5 Q. Comment savez-vous que c'étaient des étrangers ?
6 R. Ils avaient des barbes. Ils n'avaient pas la même peau, le même teint.
7 Leur teint était basané, plus foncé.
8 Q. Ces trois hommes ne portaient pas de masques du tout ?
9 R. Non.
10 Q. Votre colonne avançait vers le camp de Moudjahiddines, et vous nous
11 avez dit que ces deux hommes qui étaient masqués venaient à votre
12 rencontre. Où étaient les trois autres à ce moment-là ? Comment est-ce qu'à
13 un moment donné, ils se sont trouvés derrière les deux hommes masqués ?
14 R. Lorsqu'on descend par ce cours d'eau, il tourne à un moment, et lorsque
15 cela tourne, là, j'ai vu tout d'abord ces deux hommes qui venaient vers
16 moi. Ils étaient à une dizaine de mètres. Moi, instinctivement, je tenais
17 mon arme à la main, et en m'approchant d'eux, je vois ces trois hommes de
18 côté. Ils se tenaient là où cela tourne, dans cette courbe. En approchant,
19 je les voyais normalement puisqu'on était suffisamment prêt pour se voir.
20 Q. Ces trois hommes que vous avez vus, est-ce qu'ils avançaient également
21 vers vous derrière les deux hommes masqués qui s'approchaient ?
22 R. Ils marchaient tout simplement comme s'ils s'attendaient à ce que nous
23 on arrive jusqu'à eux. Ils avançaient lentement comme s'ils attendaient que
24 nous, on arrive les premiers. Ces trois, ils se tenaient. Ils n'avançaient
25 pas.
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1 Q. Vous étiez à quelle distance de ces deux hommes masqués lorsque vous
2 les avez vus pour la première fois ?
3 R. Cinq, six, je ne sais pas, une dizaine de mètres peut-être.
4 Q. Monsieur, je vais maintenant vous poser des questions au sujet de ce
5 groupe d'hommes. Vous avez dit de ces hommes qui, d'après vous, sont sortis
6 rapidement des bois. Alors, il y avait à peu près combien de personnes qui
7 sont sorties des bois lorsque la colonne s'est arrêtée ?
8 R. Lorsque la colonne s'est arrêtée, personne ne sortait des bois. C'est
9 seulement après la dispute avec eux. Est-ce qu'ils allaient prendre ces
10 gens ou non ? Quand la conversation est devenue un peu houleuse, lorsqu'on
11 a saisi les armes, c'est là qu'ils ont émergé. Je pense que de ce côté-là,
12 j'ai vu au moins cinq hommes qui se sont approchés. Après, je n'ai plus pu
13 voir parce que j'avais déjà le canon du fusil dans la bouche, après je n'ai
14 pas pu voir s'il en avait davantage. Cela, je ne peux pas vous le
15 confirmer.
16 Q. Ces personnes qui sont sorties des bois, comment étaient-elles vêtues ?
17 R. Je crois avoir vu cinq personnes qui portaient également des masques
18 sur le visage et des uniformes de camouflage.
19 Q. Ces cinq hommes qui portaient des masques et des uniformes de
20 camouflage, étaient-ils armés eux aussi ?
21 R. Mais ils étaient tous armés.
22 Q. Alors, pouvez-vous nous expliquer une chose. Les gens qu'ils ont
23 emmené, comment les ont-ils fait sortir de la colonne ? Comment est-ce que
24 cela s'est produit ?
25 R. Cela a été très pénible. Lorsque cela s'est passé, lorsque ceux-là sont
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1 sortis des bois, l'homme qui était grand, m'a placé le canon de son fusil
2 dans la bouche, il m'a forcé à me retourner pour voir derrière la colonne.
3 Ce que je sais c'est que ces trois caisses d'obus étaient posées par terre,
4 donc, ils ont pris. Dans la colonne, ceux qui étaient en uniforme, et
5 quelques hommes âgés ont pris ces obus, même un policier a aidé à porter
6 ces obus. Lorsqu'ils nous ont lâchés, nous sommes partis en courant.
7 Q. Monsieur, vous nous avez dit qu'il vous a forcé à vous retourner pour
8 voir derrière la colonne. Je suppose qu'à ce moment-là, il a dû sortir le
9 canon du fusil de votre bouche, pour vous permettre de vous retourner ?
10 R. Non, non. J'avais le canon dans la bouche, et c'est comme cela que je
11 me suis retourné pour voir qu'ils pointaient leurs armes sur mon frère et
12 tous les autres. Ils sont simplement entrés dans la colonne. Quant à savoir
13 comment ils ont pris les gens pour les sortir, je ne sais pas. Tout
14 simplement, ils s'emparaient de quelqu'un et ils le plaçaient de côté.
15 L'INTERPRÈTE : Le témoin a montré comment il s'est retourné.
16 M. MUNDIS : [interprétation]
17 Q. Je crois vous avoir entendu déclaré, Monsieur, précédemment, qu'ils ont
18 pris 15 ou peut-être même 20 personnes de la colonne; est-ce exact ?
19 R. Oui, pour autant que j'ai pu le voir car je pensais qu'il y en avait
20 six en uniformes. Est-ce qu'il y en avait d'autres qui portaient un
21 pantalon de camouflage ou quelque chose de ce genre, puis des civils ?
22 J'évalue à 15, voire peut-être 20.
23 Q. Monsieur, où étiez-vous lorsque vous avez évalué à 15 ou 20 le nombre
24 de personnes qui ont été enlevées de la colonne ?
25 R. J'étais tourné de moitié, avec ce canon de fusil dans ma bouche, donc
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1 pour voir la colonne. Je ne savais pas si l'arme allait tirer -- si un coup
2 de feu allait partir. Je ne savais pas quoi faire. J'avais peur que le
3 fusil ne tire.
4 Q. Monsieur, vous rappelez-vous avoir entendu des instructions qui
5 auraient été données aux personnes de la colonne, suite auxquelles 15 à 20
6 personnes ont été prises de la colonne ?
7 R. Je ne sais pas. Je pense qu'ils sont simplement entrés dans la colonne
8 et qu'ils en ont sorti des personnes. Je ne sais pas. Car ceux qui étaient
9 dans les buissons, ils sont rentrés dans la colonne. Ils sont passés par la
10 colonne tout simplement. Quant à savoir comment ils les ont sortis, je ne
11 sais pas.
12 Q. Au mieux de vos souvenirs, vous ne vous souvenez pas avoir entendu
13 quelqu'un dire quelque chose ou crier quelque chose à l'intention des
14 personnes dans la colonne ?
15 R. Je ne l'ai pas entendu.
16 Q. Vous nous dites qu'après avoir sorti ces personnes de la colonne, vous
17 -- lorsque ces personnes ont été sorties de la colonne, vous et les quatre
18 autres policiers militaires, vous êtes partis en courant, avec la colonne,
19 jusqu'à Mehurici.
20 R. Oui. Ils m'ont tourné de nouveau vers eux. Ils ont sorti le canon du
21 fusil de ma bouche. Ils se sont mis de côté -- ils se sont écartés, et ils
22 nous ont dit qu'on pouvait poursuivre le chemin, et ils nous ont laissés
23 partir.
24 Q. Etes-vous, et vos camarades, vos policiers militaires, et le reste de
25 la colonne, vous avez couru vers Mehurici ?
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1 R. C'est cela.
2 Q. Pouvez-vous nous dire à quelle distance du camp des Moudjahiddines
3 s'est passé cette rencontre ?
4 R. A 100 mètres. Parce que cette haie -- ou plutôt ce bois, c'était la
5 frontière entre nous et le camp. C'était peut-être jusqu'à 100 mètres
6 jusqu'à l'entrée du camp.
7 Q. Monsieur, à peu près à quelle heure êtes-vous arrivé à l'école de
8 Mehurici ?
9 R. Je ne sais pas exactement. Vers les 5 heures, 6 heures, 5 heures, par
10 là.
11 Q. A votre arrivée à Mehurici, avez-vous essayé de faire un rapport à la
12 police civile, aux autorités de Mehurici ?
13 R. Non, je ne les ai pas vus non plus. Parce qu'il y avait beaucoup de
14 gens, et il fallait faire le nécessaire pour les installer. Je saignais de
15 la lèvre. Il fallait que je me panse. Il fallait installer ces gens-là. Il
16 y en avait plein. Lorsque tout le monde est entré dans le gymnase, on a
17 essayé de les placer. J'étais stressé. Je ne savais pas quoi faire. Il n'y
18 avait aucun membre du commandement. Je ne voyais pas à qui je pouvais
19 m'adresser pour me plaindre de ce qui s'était passé. Je ne voyais pas à qui
20 je pouvais m'adresser.
21 Q. Monsieur, lorsque vous êtes revenu à l'école de Mehurici, d'après votre
22 déclaration, il n'y avait aucun membre de la 306e Brigade de Montagne dans
23 l'école ?
24 R. Pour ce qui est du commandement, non. Il n'y avait que quelques
25 policiers qui étaient de garde, de personnes âgées qui n'étaient pas
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1 envoyées à l'action. Parce qu'on n'avait pas suffisamment d'hommes pour
2 mener l'action qui était déjà en cours.
3 Q. Monsieur, savez-vous si, parmi les autres policiers militaires qui ont
4 escorté le groupe avec vous, qu'un de ces policiers a fait un rapport, sur-
5 le-champ, à la police civile de Mehurici ?
6 R. Je ne le sais pas. Je ne le crois pas d'ailleurs parce qu'il aurait,
7 vraisemblablement, parlé à moi avant de le faire.
8 Q. A un moment donné, Monsieur, après cet événement, le 8 juin ou dans ces
9 parages, vous-même ou l'un quelconque des policiers militaires, avez-vous
10 déposé une plainte auprès de la police civile à cause de ce qui s'était
11 produit ce jour-là ?
12 R. Oui. Lorsque mon supérieur, le commandant, le chef de la sécurité, est
13 arrivé, nous avons tous rédigé des rapports écrits. Il en a pris note,
14 donc, les policiers aussi qui étaient sur place. Je pense qu'il a envoyé ce
15 rapport au commandement de la brigade du bataillon -- au commandement de la
16 brigade de la 306e, au service de la Sécurité.
17 Q. Monsieur, savez-vous à peu près quel jour, à quelle heure vous en avez
18 parlé pour la première fois à votre supérieur, le chef de la sécurité de la
19 brigade, de cet événement ?
20 R. Je pense que c'était deux jours plus tard, car il était à Zenica. A
21 cause de ces activités, il n'a pas pu retourner à Mehurici parce que les
22 routes étaient coupées.
23 Q. Le 8 juin ou à peu près cette date-là, savez-vous où était le
24 commandant de votre brigade ?
25 R. Je pense qu'il était à un poste avance, lui aussi. Je ne le sais pas
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1 car j'étais policier militaire. Il prenait part aux actions -- aux
2 opérations de libération, enfin des opérations qui étaient en cours.
3 Q. Monsieur, avez-vous participé à une enquête ou avez-vous eu
4 connaissance d'enquête diligentée par la 306e Brigade de Montagne au sujet
5 de ce qui était advenu de ces personnes qui ont été sorties de la colonne,
6 les personnes qui vous escortiez ?
7 R. Je ne le sais pas.
8 Q. Monsieur, savez-vous ce qui est advenu des personnes qui ont été
9 sorties de la colonne que vous escortiez ?
10 R. A ce moment-là, je ne le savais pas. Mais c'est le lendemain, lorsque
11 je suis parti pour Maline, pour relever les policiers qui devaient
12 sécuriser les maisons de Maline.
13 A mon retour, l'officier de permanence m'a dit qu'un certain nombre de nos
14 soldats qui étaient en train de revenir du terrain, qu'ils avaient trouvé
15 un blessé et qu'ils l'avaient amené à l'école. Je suis parti à l'école pour
16 prendre son nom, son prénom car je tenais le registre du nombre de
17 personnes qu'il y avait à l'école. Là, j'ai reconnu cet homme, je pense
18 qu'il s'appelle Zeljko. Je ne sais pas d'où me vient ce prénom, mais c'est
19 le prénom qui est resté dans ma mémoire, Zeljko. Je l'ai reconnu
20 immédiatement parce que c'est surtout avec lui que j'ai parlé, on était en
21 tête de colonne. Il portait cette caisse dont j'ai mentionnée. Il m'a dit
22 qu'il a survécu à une exécution par fusillade. La femme médecin était là
23 avec lui, elle le pansait. Je lui ai dit, à ce moment-là, que je pensais
24 que la meilleure chose était de n'en parler à personne mais une fois que
25 tout aura été réglé, qu'il aura été échangé, que là il sera libre d'en
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1 parler à qui il voudrait.
2 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin, je n'ai plus de questions,
3 Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense d'abord.
5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Juste quelques questions, Monsieur le
6 Président.
7 Nouvel interrogatoire par Madame Residovic :
8 Q. [interprétation] Monsieur, s'il vous plaît, pourriez-vous me dire,
9 puisque le Procureur vous a montré cette carte, cette carte au sujet de
10 laquelle vous n'avez rien pu dire, avant l'année 1993, vous est-il jamais
11 arrivé de vous rendre dans cette région de Travnik ou de la vallée de la
12 Bila ?
13 R. Non, jamais.
14 Q. Quelle est la distance entre Banja Luka et cette région là ?
15 R. Je ne sais pas exactement mais ce n'est pas loin. Une centaine de
16 kilomètres, je ne sais pas exactement.
17 Q. Même si aux questions supplémentaires qui vous ont été posées par mon
18 confrère, vous avez pu répondre, me semble-t-il, par la suite, je vais vous
19 demander de nous dire, si, à moment quelconque à partir du moment où vous
20 avez vu ces deux hommes qui sont sortis les premiers devant vous, est-ce
21 qu'à un moment quelconque, l'un d'entre eux a enlevé ses bas ou ses
22 cagoules, comme vous l'avez appelé ?
23 R. Non, jamais.
24 Q. Je vous ai posé cette question parce qu'à un moment, dans notre compte
25 rendu d'audience, on avait l'impression que vous aviez dit qu'ils avaient
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1 enlevé ces masques ou ces cagoules. Je ne sais plus exactement quelle ligne
2 c'était, c'est page 60, lignes 7 et 17. Il me semble que nous l'avons
3 précisé maintenant, donc, l'interprétation de l'une de vos questions
4 précédentes. Dites-moi, s'il vous plaît, au moment où la colonne a été
5 arrêtée de fait, vous avez dit qu'auparavant, il y avait eu deux cents
6 personnes. Ces gens faisaient toujours partie d'une colonne étendue ou est-
7 ce que la colonne s'est concentrée sur une distance plus restreinte, plus
8 petite ?
9 R. Cela, je ne saurais pas vous le dire. Je ne peux pas vous le dire
10 maintenant, je ne peux rien affirmer. Est-ce que c'est un peu condensé,
11 est-ce qu'elle est restée la même, la colonne, je ne sais pas, vraiment.
12 Q. Une autre précision, s'il vous plaît. Lorsque mon collègue vous a
13 demandé où était le commandant de la brigade, vous avez répondu en disant
14 qu'il était quelque part aux opérations de combat. Saviez-vous où était le
15 commandant de votre bataillon, ou était le commandant de la brigade à ce
16 moment-là, le saviez-vous ?
17 R. Le commandant du bataillon était probablement à un poste avancé avec
18 les soldats et le commandant de la brigade, je pense qu'il était à Rudnik,
19 là où se trouvait le commandement de la brigade. Mais je n'étais pas en
20 contact avec la brigade ni avec le commandement parce que ceci ne relevait
21 pas de mes responsabilités.
22 Q. Vous avez dit que vous avez fait un rapport détaillé à votre supérieur,
23 vous avez fait une déclaration écrite, deux jours après les événements, une
24 déclaration qu'il a fait suivre. Dites-moi : était-ce la première occasion
25 où vous avez pu informer en détail, votre supérieur, de ce qui vous était
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1 arrivé ?
2 R. C'est cela. Car il n'était pas accessible avant.
3 Q. Je vous remercie.
4 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de
5 questions.
6 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions, Monsieur le
7 Président. Merci.
8 Questions de la Cour :
9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je
10 souhaite vous poser quelques questions additionnelles, suite à ce que vous
11 nous avez dit aujourd'hui. Des questions vous ont été posées au sujet de la
12 nature de cette colonne. Était-ce une longue colonne, allongée ou une
13 colonne plus condensée, plus ramassée ? Il m'est arrivé à moi de poser ce
14 genre de questions déjà, de part le passé parce que certains témoins nous
15 ont dit que, lorsqu'ils sont partis vers Mehurici, sur le chemin, ils ont
16 croisé d'autres personnes qui revenaient de Mehurici vers Maline. Donc,
17 ceci laissait entendre que la colonne était plutôt longue et que, lorsque
18 les premières personnes - donc, vous, par exemple - ont croisé les
19 Moudjahiddines, dans sa totalité, le groupe n'était pas encore arrivé à cet
20 endroit. Est-ce que c'est une possibilité, d'après vous, et si vous ne le
21 savez pas, s'il vous plaît, dites-le-moi.
22 R. Je n'en suis pas sûr. Je ne suis pas sûr que le groupe, dans sa
23 totalité, ait pu tout voir, parce que c'est l'endroit où le chemin tourne.
24 Est-ce que tout le monde a pu voir ? Je ne sais pas. Je suis en train de
25 dire ce dont j'ai été témoin, moi-même.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] : Vous n'aviez pas, vous ne voyiez pas
2 bien ce qui se passait derrière vous ?
3 R. Peut-être jusqu'à la moitié.
4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Une deuxième question que je voudrais
5 vous poser concerne la personne que vous avez croisée à l'école de musique.
6 Vous nous avez dit que vous avez parlé à une personne, dont le prénom était
7 Zeljko, pour autant que vous vous en souveniez. Vous ne vous rappelez pas
8 le nom de famille ?
9 R. Non, je ne suis même pas sûr que cas échéant ce fût Zeljko, mais c'est
10 le nom qui s'est gravé dans ma mémoire. Comme si le nom de cet homme était
11 Zeljko.
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Il a été témoin des événements de
13 Bikosi et, le lendemain, il a été repéré dans les champs, sur le terrain,
14 par vos soldats ou par quelqu'un d'autre.
15 R. C'est probablement cela. Car ce que j'ai entendu dire, c'est que nos
16 soldats l'ont trouvé et l'ont ramené à l'école.
17 (expurgé)
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23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Un autre aspect de la déclaration de ce
24 témoin était que la déclaration qu'il avait faite devant la Chambre, il a
25 dit qu'il avait été transporté de Maline à Mehurici dans une automobile, et
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1 qu'il ne faisait pas partie de ceux qui marchaient avec la colonne vers
2 Mehurici. Est-ce que vous avez une explication pour cela ou est-ce que vous
3 vouliez faire une observation à ce sujet ?
4 R. Non. Un certain nombre de personnes qui avaient déjà été blessées, qui
5 avaient été blessées précédemment, avant que je ne retrouve les civils, il
6 y avait un groupe qui a été transporté dans un véhicule de Maline. Par la
7 suite, j'ai appris que le médecin était là aussi. Je n'étais pas présent,
8 de sorte que les soldats ou les commandants qui sont entrés dans le village
9 ont dû faire cela avant que je n'arrive.
10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Passons à une autre question et à un
11 autre témoin qui a déposé devant cette Chambre. Il s'agit d'une déclaration
12 que nous avons reçue comme élément de preuve au mois de juillet. C'était
13 déposé sous pli scellé également. Ce témoin décrit l'événement suivant : il
14 se trouve dans la colonne qui a été arrêté, et il est d'une personne qui a
15 été emmenée à Bikosi entre autres personnes. Il dit ceci en ce qui concerne
16 les Moudjahiddines. Je le cite : "À peu près la moitié d'entre eux étaient
17 des Moudjahiddines, et l'autre moitié était des Musulmans locaux."
18 Est-ce que c'est votre impression également ou pourriez-vous nous dire ce
19 que vous en pensez ?
20 R. Je ne saurais dire quoi que ce soit parce que les personnes étaient
21 masquées. Je ne pouvais pas dire s'ils étaient des gens du cru. Ceux qui
22 ont été -- peut-être la raison pour laquelle ils avaient des masques ou
23 non. Je ne sais pas.
24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Incidemment, ce témoin est également
25 parmi les témoins qui a dit qu'il s'était trouvé -- je le cite : "Pendant
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1 que nous étions escortés, nous avons vu un autre groupe qui venait d'une
2 autre direction, escorté par ces gens."
3 Ce qui est important pour moi, c'est voilà, il a dit ceci, je le cite : "Je
4 peux me rappeler que tous" -- il voulait dire les Moudjahiddines et les
5 Musulmans locaux -- "je peux me rappeler que tous avaient des insignes avec
6 du vert et du noir dessus."
7 Est-ce que cela correspond à vos souvenirs ou est-ce que vous avez peut-
8 être vu quelque chose de ce genre ?
9 R. Non, je ne me rappelle pas.
10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Il a également dit ceci : "Trois ou
11 quatre des soldats musulmans avaient des masques sur leurs visages, la
12 plupart du temps vert ou noir. Ceux qui portaient des masques étaient des
13 soldats bosniens. J'étais capable de le dire lorsque je les ai entendus
14 parler."
15 Ma question à vous est la suivante : "Trois ou quatre des soldats musulmans
16 portaient un masque sur le visage, pour la plupart vert et noir." Est-ce
17 que vous vous rappelez ces couleurs, des masques verts ou noirs ?
18 R. Des masques noirs. Les hommes qui se trouvaient devant moi et qui
19 portaient des masques noirs, on pouvait seulement voir leurs yeux.
20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] D'autres personnes ont également parlé
21 de rubans à leurs couvre-chefs. Est-ce que vous vous rappelez cela ?
22 R. Oui. Il y avait une sorte de bandeau ou de ruban avec une inscription
23 sur ces rubans.
24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez pu lire ce qu'il
25 était écrit sur ces rubans ou bandeaux ? Quel était le texte ?
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1 R. Il y avait quelque chose d'écrit sur ces rubans. Ils les portaient,
2 c'étaient comme des bandeaux au-dessus du front, autour du front.
3 M. LE JUGE SWART : [interprétation] S'il y avait quelque chose d'écrit sur
4 ces rubans ou bandeaux, est-ce que vous étiez en mesure de le lire ?
5 R. C'était quelque chose qui ressemblait à de l'arabe. Ce n'était pas
6 notre langue.
7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Ma dernière question est la suivante,
8 elle a trait à ce qu'a dit un autre témoin dans sa déposition devant la
9 Chambre. Il fait une description de la situation à Maline dans sa
10 déclaration, au tout début de la journée du 8 juin. Il dit ceci : "Je suis
11 allé avec un soldat de l'ABiH à une autre maison, et il m'a demandé s'il y
12 avait des armes dans cette maison. Je lui ai montré un fusil de chasse. Il
13 a mis l'arme à la bretelle. Il m'a donné l'ordre de fermer la maison à clé.
14 Ma femme se trouvait dans la maison à ce moment-là. Elle a demandé où ils
15 allaient nous emmener, et le soldat a dit qu'il nous emmènerait à Mehurici
16 de façon pour que les Moudjahiddines ne nous tuent pas."
17 Pourriez-vous m'expliquer ce récit, le fait que les Moudjahiddines se
18 trouvaient quelque part dans le voisinage de Mehurici ? Est-ce que c'était
19 un fait que des Croates ont inventé pour créer de la peur ou est-ce que
20 c'est quelque chose que vous avez pu constaté, vous-même, pour aller à
21 Maline ?
22 R. Non, je n'ai pas connaissance de cela. Je n'ai pas connaissance de cet
23 événement. Je n'ai pas parlé de cela. Je ne me rappelle pas d'un événement
24 de ce genre. Mais il y avait des craintes d'événements de ce genre. Les
25 gens avaient peur que ces forces puissent commettre certains actes.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vais vous poser une question
2 connexe. Avant d'aller à Maline, avant que l'évacuation ait lieu, y avait-
3 il déjà l'idée, dans votre force de police ou dans l'armée elle-même,
4 l'idée d'évacuer les personnes qui se trouvaient à Maline ?
5 R. A ce moment-là, non. Parce que j'avance que le commandement ne voulait
6 pas aller plus loin que Maline. Il y avait des combats en cours -- comme il
7 y avait des combats en cours, j'ai fait cela de ma propre initiative parce
8 que le commandement voulait que je protège les civils. Or, pendant qu'il y
9 avait des combats, je ne pouvais pas protéger ces gens, de sorte que je ne
10 pouvais pas protéger ces gens dans le village. Alors, j'ai décidé de les
11 protéger à Mehurici. Cela, je l'ai fait de mon propre mouvement -- de ma
12 propre initiative.
13 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Mais vous avez également mentionné ce
14 matin le fait que l'un de vos motifs était qu'ils pouvaient faire l'objet
15 d'échanges avec d'autres prisonniers pris par le HVO, n'est-ce pas ?
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Alors, comment est-ce que ceci
18 s'accorde avec le reste ?
19 R. J'avais déjà entendu parler de ces échanges -- de ce système
20 d'échanges. Lorsqu'ils étaient déjà arrivés à l'école, j'avais entendu
21 parler de ce système d'échanges. Je l'avais entendu dire par des personnes
22 qui se trouvaient dans l'école. C'est la première fois que j'ai appris que
23 la population civile ferait l'objet d'échanges contre des membres du HVO et
24 des membres de l'ABiH.
25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Ceci est différent de ce que vous nous
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1 avez dit ce matin je crois. Mais je ne suis pas certain d'avoir un souvenir
2 exact de ce que vous auriez dit, à savoir que l'échange de prisonniers
3 était l'un de vos motifs pour les avoir emmenés de Maline. Je ne suis pas
4 en mesure de le vérifier maintenant.
5 Voici ma dernière question : d'autres ont déjà fait des allusions à
6 cela ce matin, et je vais vous poser la question de façon plus directe.
7 Est-ce que vous êtes au courant du fait qu'en avril de la même année,
8 disons deux mois avant cet événement, des gens ont été tués par les
9 Moudjahiddines dans le voisinage de Mehurici, ou est-ce que vous n'avez pas
10 connaissance de cela ?
11 R. J'en avais entendu parler.
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous avez entendu tout
13 le compte rendu de ce qui s'était passé ou est-ce qu'il y avait simplement
14 des remarques incidentes à ce sujet ?
15 R. Non. Je crois que c'était en avril que j'en ai entendu parler.
16 Nous gardions certaines positions lorsque nous sommes revenus. Je pense que
17 c'était quand les Moudjahiddines ont fait prisonnier et mis en prison le
18 propriétaire du café. Dans cette circonstance, il y avait eu une rumeur
19 selon laquelle ils avaient tué quelqu'un dans un village croate, je crois.
20 Mais, en fait, je ne sais pas qui ils ont tué.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que c'est tout ce que vous
22 savez des incidents précédents avec les Moudjahiddines, le propriétaire du
23 café ?
24 R. Oui, c'est le seul incident dont j'ai été témoin. C'est seulement
25 lorsque nous sommes revenus à Mehurici que j'ai entendu dire qu'ils ont
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1 emmené cette personne à Alija, et d'autres personnes aussi, parce qu'ils
2 avaient servi des boissons alcoolisées. Mais par la suite, ces personnes
3 ont été relâchées. Je ne sais rien d'autre concernant d'autres incidents.
4 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Donc, vous n'avez pas entendu dire
5 qu'au mois d'avril quelque cinq ou six personnes avaient été tuées à
6 Miletici à cause de certaines activités à Poljanice ? C'est bien cela ?
7 C'est une question dont vous n'avez pas entendu parler ?
8 R. Non, je n'en ai jamais entendu parler.
9 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je vous remercie.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai deux questions très brèves.
11 Quant vous allez de Mehurici à Maline, le matin pour aller à Maline, est-ce
12 que vous aviez eu un ordre d'aller là-bas, et qui vous a donné l'ordre de
13 vous rendre, avec vos collègues militaires, à Maline ?
14 R. Le commandant de la brigade m'a dit que, si l'action était couronnée de
15 succès, si nos soldats étaient capables de parvenir à Maline, je devais
16 protéger les civiles et leurs biens, avec mes hommes.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous êtes à Maline, est-ce que le fait
18 d'amener le convoi de 200 personnes à Mehurici, c'est une initiative
19 personnelle ou c'est l'exécution d'un ordre précis ?
20 R. C'était mon initiative personnelle. Mes ordres étaient de protéger les
21 civils, et j'ai pensé que je ne pouvais le faire avec dix hommes parce que
22 c'est un grand village.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais les protéger de qui et de quoi ?
24 R. J'avais peur parce qu'il y avait des tirs d'armes à feu, il y avait des
25 combats. J'avais peur que les hommes du camp, les Moudjahiddines,
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1 pourraient atteindre ceux qui se trouvaient dans le village. C'est de cela
2 que j'avais peur. Je crois que le commandement avait cela également à
3 l'esprit, et c'est pourquoi ils avaient envoyée une Unité de police à cet
4 endroit-là.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que, dans votre esprit, quand il y a eu
6 l'attaque sur la ligne, les Moudjahiddines participaient à l'attaque
7 aussi ?
8 R. Non, ils ne l'ont pas fait.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi voulez-vous que les Moudjahiddines aillent
10 à Maline ?
11 R. Savez-vous pourquoi ? A mon avis, c'étaient des vautours, d'une
12 certaine manière. Ils voulaient faire du pillage, se rendre dans ces
13 villages -- aller à ces villages après le combat. J'avais peur qu'ils ne
14 viennent et j'avais peur que ce camp près de Mehurici pourrait constituer
15 une menace. Peut-être que je me trompais, mais mes ordres étaient de
16 protéger les civils. A mon avis, j'ai agi comme je le devais.
17 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Mundis :
18 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Juste quelques
19 questions qui découlent des questions qui vous ont été posées par les
20 membres de la Chambre de première instance.
21 Q. Si vous aviez peur du fait que les Moudjahiddines ne parviennent
22 jusqu'à ceux qui se trouvaient à Maline, pourquoi est-ce que vous avez
23 emmené cette colonne quelque 200 civils à une centaine de mètres de leur
24 camp à la périphérie de Mehurici ?
25 R. Parce que j'avais pensé qu'ils ne pouvaient pas s'emparer des hommes
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1 qui étaient avec nous. C'était l'armée de la Bosnie, de la police. Parce
2 que nous passions le long de cette route qui allait à Maline. Nous sommes
3 passés près du camp, et il ne se passait rien. Nous n'avons rien vu. Nous
4 avons eu l'impression que nous pourrions passer. Toutefois, les choses se
5 sont déroulées différemment.
6 Q. Si vous êtes allé à Maline pour protéger les civils des Moudjahiddines,
7 je vous suggère que ce n'était pas une mesure raisonnable que d'emmener ces
8 gens-là comme vous étiez envoyé pour les protéger, les faire passer à côté
9 du camp des Moudjahiddines.
10 R. Cet itinéraire était emprunté par des civils, par nos soldats. Nous
11 n'avons jamais eu de conflit avec eux dans la mesure où il y aurait eu des
12 échanges armés. Il n'y avait pas eu d'affrontements. J'avais pensé que si
13 la police les escortait, personne d'entre eux ne ferait quoi que ce soit.
14 C'était le seul itinéraire le plus bref, le plus court pour nous permettre
15 de parvenir à Mehurici. Je ne m'attendais pas à ce qu'ils nous prennent ces
16 hommes parce que rien de ce genre ne s'était passé jusqu'à ce moment-là.
17 Ils auraient pu venir à la nuit avec dix hommes, je n'aurais pas pu
18 surveiller l'ensemble du village. Ils auraient pu venir sous le couvert de
19 l'obscurité. J'ai pensé que la meilleure idée, saurait été de les emmener
20 tous ensemble et de les garder de façon à sauver leurs vies. Toutefois, ce
21 qui s'est passé, s'est passé.
22 Q. Merci, Monsieur le Témoin.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense.
24 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :
25 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, lorsque vous avez décrit le fait
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1 qu'on vous avait donné pour mission d'aller au village après les opérations
2 de combat avec comme tâche de protéger la population civile.
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce que vous avez compris la tâche qui vous était confiée ou plutôt
5 comment l'avez-vous comprise ? Est-ce qu'il s'agissait de protection contre
6 tous les dangers qui vont de pair avec des opérations de combat, y compris
7 l'apparition éventuelle de Moudjahiddines ?
8 R. Oui.
9 Q. Avec un groupe de dix hommes dans un grand village, était-il possible
10 de protéger ces gens de tous les risques que cela impliquait alors que la
11 ligne de front était proche ?
12 R. Je continue de penser que je ne pouvais pas les protéger tous.
13 Q. En répondant à certaines questions qui vous ont été posées concernant
14 cette protection, vous avez dit que lorsque vous avez vu les villageois,
15 ils avaient un état d'esprit différent. Certains d'entre eux avaient peur,
16 d'autres pleuraient, et certains vous demandaient s'il y avait des
17 Moudjahiddines dans le voisinage. Cette réaction de la population civile,
18 est-ce qu'elle vous a fait réfléchir sur la question de laisser ces
19 villageois dans le village s'ils avaient tellement peur ?
20 R. Oui.
21 Q. Le Juge vous a posé une question concernant les échanges. Je voudrais
22 vous rappeler qu'à la page 26, aux lignes 21 à 25, ainsi qu'à la page 27,
23 aux lignes 1 à 3, vous avez décrit votre conversation avec les
24 Moudjahiddines qui vous ont intercepté. Comme on le voit dans ce compte
25 rendu, dans cette ligne, vous dites : "Je leur ai dit qu'il n'était pas
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1 possible qu'ils prennent ces hommes," que vous étiez des membres de
2 l'armée, qu'il fallait que vous emmeniez l'ensemble de la colonne jusqu'à
3 l'école à Mehurici.
4 R. Oui.
5 Q. Vous avez ensuite dit qu'il y avait une possibilité d'échange. Cet
6 échange dont vous avez parlé en réponse à l'une des questions et dont vous
7 avez parlé pour ce qui était de votre entretien avec les Moudjahiddines,
8 est-ce que c'était, en fait, une tentative pour essayer de convaincre les
9 Moudjahiddines de vous laisser passer, de vous laisser aller ?
10 R. Bien sûr.
11 Q. Ma dernière question a trait à la connaissance que vous avez de
12 l'événement qui s'est passé à Miletici, c'était en avril, à la fin d'avril
13 1993. Vous avez dit que vous vous trouviez sur des lignes de front.
14 Pourriez-vous nous dire où était stationné le 1er Bataillon, sur quelles
15 lignes, à quelle distance se trouvait-il de Mehurici ?
16 R. Je ne sais pas exactement quel était le nom de ces villages. C'était il
17 y a longtemps. Mais je sais que c'était à une distance importante de Bila.
18 Il y avait une mine, et on traversait un bois, près d'un cours d'eau. Mais
19 je ne me rappelle pas du nom.
20 Q. Est-ce que ceci était lié -- bien, à quelque chose d'important. Je ne
21 peux pas parler d'important parce qu'il s'agit de criminels. Mais est-ce
22 que c'étaient des actions défensives liées à un événement terrible qui
23 s'est produit dans la vallée de la Lasva ?
24 R. C'est possible. Je pense que nous avons été là pendant quatre ou cinq
25 jours à garder nos positions. Nous étions dans des tranchées. Il n'y avait
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1 pas de combat. Nous tenions simplement nos positions.
2 Q. Je vous remercie.
3 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions supplémentaires à
4 poser à ce témoin, Monsieur le Président.
5 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Juste une
6 question au témoin.
7 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Ibrisimovic :
8 Q. [interprétation] En réponse à une question qui a été posée par le
9 président de la Chambre, vous avez dit que vous aviez reçu comme mission le
10 fait d'envoyer des troupes à Maline, que vous deviez vous rendre à Maline,
11 et que vous avez employé l'expression "nos troupes ou nos soldats,"
12 plusieurs fois. Lorsque vous utilisez cette expression, est-ce que vous
13 vous référez à des membres de la 306e Brigade; c'est bien cela ?
14 R. Oui.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, votre audition vient de se terminer. Je
16 vous remercie d'être venue à La Haye et d'avoir contribué à la
17 manifestation de la vérité par les réponses que vous avez fournies à
18 l'ensemble des questions posées. Je vous souhaite un bon retour, et nous
19 vous formulons nos meilleurs vœux dans votre vie actuelle.
20 Je vais lever l'audience immédiatement puisque nous avons dépassé de dix
21 minutes le temps. Je remercie tous les participants, et je vous invite à
22 revenir pour l'audience qui débutera demain à 9 heures.
23 --- L'audience est levée à 13 heures 55 et reprendra le mercredi 1er
24 décembre 2004, à 9 heures 00.
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