Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 31 janvier 2005

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro

6 de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Affaire numéro IT-01-47-T,

8 le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

10 Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter.

11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

12 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, très chers collègues et

13 tous les autres avocats dans le prétoire. Le conseil de l'Accusation est

14 représenté par Stefan Waespi, Daryl Mundis et nous sommes assistés par

15 Andres Vatter.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais demander au conseil principal de

17 présenter la Défense du général Hadzihasanovic.

18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

19 Monsieur les Juges. Le conseil de la Défense du général Hadzihasanovic a

20 Edina Residovic, conseil; Stéphane Bourgon, co-conseil; et notre assistant,

21 Muriel Cauvin.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander au conseil secondaire de la Défense

23 du général Kubura de se présenter.

24 M. DIXON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

25 Monsieur les Juges. M. Kubura est représenté par Rodney Dixon, assisté par

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1 Nermin Mulalic. Merci, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. En cette journée du lundi, 31 janvier 2005,

3 nous poursuivons notre 173e audience. S'il n'y a pas de questions à l'ordre

4 du jour, nous allons introduire le témoin qui est prévu.

5 Monsieur l'Huissier.

6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous

8 entendiez bien dans la langue anglaise la traduction de mes propos. Si

9 c'est le cas, dites : Je vous entends, et je vous comprends.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous entends très bien, Monsieur le

11 Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous avez été cité comme témoin par la

13 Défense du général Hadzihasanovic et, en vue de vous faire prêter serment,

14 je me dois de vous identifier. Pour ce faire, je vous demande de me donner

15 votre nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance, et nationalité.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Robert Alexander Stewart, né le 7

17 juillet 1949, de nationalité britannique de Preston, Lancashire,

18 Grande-Bretagne.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Aujourd'hui, avez-vous une fonction, une

20 qualité ? Si oui, laquelle ? Que faites-vous actuellement ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis directeur de la société de sécurité de

22 la société Global Risks. Il s'agit de groupe 4.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992 et 1993, quelle était à l'époque votre

24 fonction et qualité lorsque vous vous êtes rendu en Bosnie-Herzégovine ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été lieutenant colonel et j'ai été le

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1 commandant du 1er Bataillon du Régiment de Cheshire, commandant du Bataillon

2 britannique en Bosnie du Nord, Bosnie Centrale et du Sud. Ce qui était ma

3 zone d'opérations.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant une juridiction

5 internationale sur les faits qui se sont déroulés en Bosnie-Herzégovine ou

6 c'est la première fois que vous témoignez ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président -- pardon, Monsieur le

8 Juge, ce n'est pas pour moi la première fois de témoigner. J'ai déjà pu

9 témoigner devant le Tribunal pénal international, au moins à deux reprises.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous indiquez que vous avez témoigné à deux

11 reprises. Pouvez-vous nous dire dans quelle affaire étiez-vous, à l'époque,

12 témoin cité par l'Accusation ou par la Défense ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné dans l'affaire Blaskic et j'ai

14 été cité par les Juges comme étant le témoin de la Chambre. Je ne me

15 souviens pas très bien dans l'affaire Kordic, Santic, par qui j'ai été

16 cité, là-bas.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de bien vouloir lire le serment que

18 M. l'Huissier va vous présenter.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 LE TÉMOIN: ROBERT ALEXANDER STEWART [Assermenté]

22 [Le témoin répond par l'interprète]

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

24 Avant que je donne la parole aux avocats qui vont vous poser des questions,

25 je vais vous fournir quelques éléments d'explication sur la façon dont va

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1 se dérouler cette audience. Comme vous avez déjà témoigné à deux reprises,

2 les propos ne vous surprendront guère puisque vous connaissez parfaitement

3 la procédure.

4 Vous allez devoir répondre, dans un premier temps à des questions qui vont

5 vous être posées par les avocats de la Défense du général Hadzihasanovic,

6 avocat que vous avez du rencontrer lors de la phase préalable à l'audition

7 de ce jour. Les avocats de la Défense vont vous poser des questions dans ce

8 qu'on appelle l'interrogatoire principal. Comme vous le savez, les

9 questions qui vont vous être posées devront être non directrices, dans la

10 mesure où celui qui procède à l'interrogatoire principal ne doit pas

11 suggérer au témoin des réponses.

12 A l'issue de cette phase qui va durer un certain temps, mais je présume au

13 moins une heure et demie, l'Accusation, qui est à droite, vous posera des

14 questions dans le cadre de la procédure du contre-interrogatoire. Le temps

15 de parole de l'Accusation est identique au temps qu'aura utilisé la

16 Défense.

17 Vous constaterez, mais vous le savez peut-être que les questions qui vous

18 seront alors posées pourront être suggestives, de telle façon que vous

19 soyez amené à répondre par oui ou par non à une question formulée de telle

20 manière que votre réponse soit la plus claire possible.

21 A l'issue de cette phase, la Défense pourra, si elle le souhaite, vous

22 poser des questions supplémentaires qui seront en liaison avec les

23 questions posées lors du contre-interrogatoire.

24 Lorsque ces phases seront terminées, les trois Juges qui sont devant vous

25 pourront, à ce moment-là, vous poser des questions s'ils l'estiment

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1 nécessaire et utile, soit pour éclaircir les réponses que vous avez donné

2 aux uns et aux autres, soit parce que les Juges estiment qu'il convient

3 dans l'intérêt de la justice certains points qui seraient restés dans

4 l'obscurité. Une fois que les Juges auront posé ces questions, les parties

5 pourront reprendre la parole pour, à ce moment-là, en liaison avec les

6 questions posées par les Juges, vous reposer des questions. Autant de

7 préciser que la Défense aura la parole en dernier et saura même, à ce

8 moment-là, vous poser, dans son intérêt, toute question qu'elle souhaite,

9 afin qu'elle n'ait aucun préjudice.

10 Voilà de manière très générale, la façon dont va se dérouler cette

11 audience.

12 Mais à ceci, je dois rajouter également un élément qui est important, qui

13 est le fait que vous avez juré de dire toute la vérité, ce qui exclut tout

14 faux témoignage, mais je rappelle cela uniquement à titre anecdotique, vous

15 concernant. Par ailleurs, il y a également un autre élément, mais là aussi,

16 c'est vraiment très anecdotique, c'est que lorsqu'un témoin doit répondre à

17 une question, s'il estime que la réponse pourrait, un jour, constituer des

18 éléments qui pourraient se retourner à charge contre lui, le témoin peut

19 refuser de répondre. Mais dans cette hypothèse très exceptionnelle que nous

20 n'avons jamais rencontré, la Chambre peut inviter le témoin à répondre en

21 lui garantissant une forme d'immunité.

22 Par ailleurs, comme vous le savez, nous sommes dans une procédure de type

23 accusatoire qui est fondé sur l'oralité, le cas échéant, il y a la

24 présentation de documents qui pourront vous être montrés afin de recueillir

25 votre point de vue sur les documents. D'où l'importance de ce que vous

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1 pouvez dire oralement, c'est la raison pour laquelle votre audition est

2 programmée pour cette journée. Si vous ne comprenez pas le sens d'une

3 question ou si la question vous paraît nébuleuse, demandez à celui qui la

4 pose de la reformuler afin que votre réponse soit parfaitement adaptée à la

5 question posée. En cas de difficulté, n'hésitez pas à nous saisir de tout

6 problème que vous pourriez rencontrer.

7 Ceci étant dit, je vais donner la parole à la Défense qui va commencer

8 l'interrogatoire principal du concerné.

9 M. BOURGON : Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Madame le Juge.

10 Bonjour, Monsieur le Juge.

11 Interrogatoire principal par M. Bourgon :

12 Q. [interprétation] Bonjour, Colonel. Nous nous sommes déjà rencontrés

13 avant cette déposition, devant cette Chambre de première instance, mais

14 pour le compte rendu d'audience, permettez-moi de me présenter, de même que

15 de présenter mes collègues avec moi. Je suis Stéphane Bourgon, avocat du

16 Canada; Mme Edina Residovic est avocat de Sarajevo et nous avons Mme Muriel

17 Cauvin, notre assistante juridique. Ensemble, comme vous le savez, nous

18 représentons la Défense du général Hadzihasanovic, l'accusé. Le but de cet

19 interrogatoire consiste à vous voir répondre à des questions au sujet de ce

20 que vous avez fait en Bosnie Centrale en 1993.

21 R. Excusez-moi, 1992 que j'ai été affecté là-bas.

22 Q. Excusez-moi, il s'agit exactement de 1992. Excusez-moi.

23 Mon colonel, je vais commencer par dire que tous les deux, nous parlons la

24 même langue. Nous devons faire en sorte de parler lentement pour permettre

25 aux interprètes de nous suivre, pour traduire de façon simultanée tout ce

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1 qui aura été dit ici, vers le français et vers la B/C/S. Je suis prêt à

2 parler très rapidement et déjà, dans la cabine, les interprètes ont le trac

3 étant donné que je dois vous interroger. Mais je vais essayer de faire de

4 mon mieux pour faire moi-même ce que vous avez -- ce que je vous ai demandé

5 de faire.

6 Mon Colonel, pendant combien de temps vous êtes dans les forces armées

7 britanniques ?

8 R. Je suis dans les forces armées britanniques pendant 28 ans. Deux ans,

9 j'étais un officier cadet et 26 ans, j'avais un grade d'officier dans les

10 forces armées britanniques.

11 Q. Mon Colonel, je vais présenter quelques informations concernant votre

12 carrière de professionnel. Avec l'accord de mes collègues, permettez-moi de

13 donner quelques coordonnés.

14 Si j'ai bien compris, vous êtes vous-même fils d'un officier des forces

15 militaires britanniques. A 18 ans, vous vous êtes inscrit à l'académie de

16 Sandhurst; à 20 ans, vous êtes promu officier, et vous êtes spécialisé en

17 officier dans l'infanterie.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bourgon, je vais vous interrompre. Vous

19 pouvez poser ces questions, mais les questions sont très directrices. Mais

20 pour gagner du temps, allez-y car, théoriquement, c'est à lui de nous dire

21 tout cela, mais vous pouvez lui dire, mais c'est dans un souci de gagner du

22 temps.

23 L'Accusation.

24 M. WAESPI : [interprétation] Certainement, nous ne voyons pas d'objection.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y, Maître Bourgon.

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1 M. BOURGON : [en français] Merci, Monsieur le Président. C'est seulement

2 pour la partie du curriculum vitae et, ensuite, je vais passer aux

3 questions normales.

4 Q. [interprétation] Donc, mon Colonel, lorsque vous avez été affecté à une

5 première fonction de commandant d'un peloton d'infanterie, c'était en

6 Irlande du Nord ?

7 R. Oui.

8 Q. Lorsque vous êtes à l'âge de 24 ans, le gouvernement décide de vous

9 faire rentrer à l'université pour étudier la politique internationale et la

10 stratégie, et c'est là que vous avez diplômé étant un diplômé de première

11 classe.

12 R. Oui.

13 Q. Vous retournez à l'académie militaire de Sandhurst à titre

14 d'instructeur, après quoi, vous êtes inscrit au collège de l'état-major des

15 forces armées où vous faites vos études d'un an. C'était, en fait, une

16 première année où vous avez pu, d'une manière générale, vous trouver à un

17 collège de si haut niveau.

18 R. Cela est exact, excepté de dire qu'il fallait dire qu'entre-temps,

19 j'étais affecté à plusieurs fonctions différentes en Irlande du Nord.

20 Q. Très bien. Après avoir suivi vos études au collège de l'état-major de

21 l'armée, à l'âge de 32 ans, vous avez été promu au grade de commandant

22 major. Vous êtes donc commandant chef d'une compagnie. Après quoi, vous

23 avez été affecté dans différents postes en Irlande du Nord, n'est-ce pas ?

24 R. Oui. Je me suis trouvé, notamment, à cette fonction de commandant chef

25 d'une compagnie en Irlande du Nord pendant deux ans.

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1 Q. Très bien. Dites-nous quelque chose au sujet de vos expériences que

2 vous avez pu avoir en cette qualité. Y a-t-il eu quelque chose de concret

3 qui s'est passé là-bas ?

4 R. Oui. Le 6 décembre 1982, six de mes troupes ont été tuées, et 35

5 blessées, lors d'une opération que menaient les représentants de l'ARI. Il

6 s'agissait, évidemment, d'une bombe. C'est quelque chose qui a vraiment

7 marqué ces deux années que j'ai passées là-bas.

8 Q. Merci, mon Colonel. Si j'ai bien compris, après quoi, vous avez été

9 transféré ou muté au ministère de la Défense. Vous avez travaillé dans le

10 cadre de deux opérations. Dans le cadre d'une opération qui avait pour but

11 le déploiement de membres des forces armées britanniques dans des pays

12 étrangers. Lors d'une seconde opération, au fait, il faut dire que vous

13 vous trouviez dans la région d'Amérique centrale où vous avez passé six

14 mois.

15 R. Oui, cela est exact. J'ai dû, évidemment, m'occuper de la garde de la

16 Reine à cette période-là.

17 Q. A l'âge de 37 ans, vous êtes promu au grade de lieutenant-colonel. Par

18 conséquent, vous avez dû avancer très rapidement. C'est un grade très élevé

19 à cet âge, n'est-ce pas, pour devenir ensuite commandant adjoint du comité

20 militaire de l'OTAN ? Vous lui avez rédigé ces discours ?

21 R. Oui.

22 Q. En 1991, vous êtes donc lieutenant-colonel. C'était pratiquement le

23 rêve de tout militaire réalisé, être à la tête de votre régiment, le

24 Régiment de Cheshire.

25 R. Absolument.

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1 Q. En août 1992, vous avez été informé que vous allez être affecté en

2 Bosnie centrale pour y aller en septembre 1992.

3 R. Oui. Personnellement, je me suis trouvé affecté en septembre, mon

4 bataillon me regagnant plus tard.

5 Q. Vous retournez ensuite, le 12 mai 1992, de Bosnie. Vous avez été promu

6 au grade de colonel en 1994, et vous êtes assigné à la fonction de chef

7 chargé de questions politiques auprès du quartier général de Belgique.

8 R. Non, ce n'est pas correct. J'étais de retour le 11 ou le 12 mai 1993,

9 pour être chef de l'état-major chargé des questions politiques. Cette fois-

10 ci, il s'agissait de forces alliées en Europe, en janvier 1994.

11 Q. Merci, mon Colonel. Il s'agit de mon erreur à moi, ce n'est pas le

12 compte rendu qui présenterait de choses erronées.

13 Pour donc vous retirez des forces armées en 1996.

14 R. En janvier 1996.

15 Q. Merci, mon Colonel. Passons maintenant au sujet de ce qui s'était passé

16 pendant que vous étiez en mission en Bosnie. Primo, confirmez-moi comme

17 suit : pendant que vous étiez en Bosnie, avez-vous tenu des notes ou avez-

18 vous peut-être tenu une espèce de journal quant à vos activités en Bosnie ?

19 R. Je me suis mis à garder un journal lorsque le général Jeremy MacKenzie,

20 mon ancien chef, m'a dit qu'il vaudrait mieux procéder ainsi parce qu'un

21 jour peut-être devrais-je comparaître devant un tribunal et devrais-je dire

22 quelque chose au sujet de ce que j'ai fait en Bosnie. Une fois que mon

23 collègue plus âgé m'a conseillé ainsi, j'ai tenu ce journal.

24 Q. Mon Colonel, ce journal-là, vous l'avez utilisé lors de vos dépositions

25 dans d'autres affaires, n'est-ce pas ? Vous l'avez aussi sur vous

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1 aujourd'hui ?

2 R. Oui. J'ai pu tirer profit de ce journal, et je l'ai sur moi

3 aujourd'hui.

4 M. BOURGON : [en français] Monsieur le Président, c'est possible que,

5 pendant le témoignage, je vais demander la permission de la Chambre pour

6 que le témoin serai permis de rafraîchir son mémoire en référant au journal

7 personnel qu'il a tenu au cours de son séjour en Bosnie.

8 Q. [interprétation] Mis à part de l'édition de votre journal, c'est-à-

9 dire, d'avoir tenu -- mis à part que vous ayez tenu un journal pendant

10 votre séjour en Bosnie, est-ce que vous avez également publié un livre ?

11 R. Oui, parce que l'armée me l'avait demandé.

12 Q. Si vous comparez le contenu de votre livre avec le contenu de votre

13 journal, est-ce que c'est un contenu qui est le même ou différent ?

14 R. Je me suis inspiré du journal comme d'une source -- de source pour mon

15 livre. Evidemment, le journal et le livre ne peuvent pas être identiques.

16 Mais ce qui était la source de tout, c'était mon journal, parce que je

17 décrivais tous les matins, de 7 heures à

18 7 heures 15, où je décrivais tout ce qui s'était passé la veille.

19 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez décrire à la Chambre quelles sont les

20 mesures que vous avez prises et quelles ont été les difficultés qu'il y

21 avait eu pour mettre sur pied le contingent britannique en Bosnie centrale.

22 R. Oui. C'était une tâche horrible pour un lieutenant-colonel, puisque le

23 ministère de la Défense ne m'avait pas donné une mission pendant les trois

24 premiers mois, et toute personne dans ce Tribunal comprendra qu'un officier

25 militaire sans mission est comme un bateau complètement déboussolé.

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1 Au début, on n'était pas tout à fait sûr dans quels pays on allait se

2 rendre, et on doit faire des projets au mois de septembre, octobre 1992.

3 Pendant une période de 15 jours, nous avons essayé de trouver une façon de

4 nous rendre à Tuzla. Nous avons atterri à Zagreb. Nous avons emprunté des

5 Land Rover, et nous sommes passés par la Serbie. Nous sommes arrivés en

6 Bosnie par le pont à Zvornik. C'était difficile et dangereux. Nous avons

7 été bloqués sans cesse. Je voudrais remercier, du plus profond de mon cœur,

8 l'ONU, parce que

9 j'ai [imperceptible] à rayer de parmi ses membres, la Serbie, au moment où

10 j'étais en Serbie et je portais un béret bleu. Toujours est-il que je suis

11 retenu à Zagreb par Banja Luka. Je n'ai pas pu aller jusqu'à Tuzla en

12 empruntant cette direction. A Banja Luka, j'ai rencontré un officier de

13 l'aviation, et il m'a dit qu'ils avaient décidé que je devais partir pour

14 la Bosnie en passant par le sud, par Split. On m'a donné deux avions pour

15 ce faire. Je lui ai demandé : "Qu'est-ce que vous voulez de moi ?" Il m'a

16 répondu : "Essayez de trouver quelque chose qui ferait un bon plan."

17 Q. Merci, mon Colonel. Combien saviez-vous de la Bosnie centrale et de la

18 région dans laquelle vous avez déployé vos forces après ?

19 R. Pratiquement rien.

20 Q. Qu'est-ce que vous aviez en termes de logistique dans la zone où vous

21 avez déployé vos troupes ?

22 R. Il y avait une mission médicale britannique du coté du Zagreb, mais

23 rien en Bosnie.

24 Q. Est-ce que vous aviez des difficultés pour armer vos soldats ?

25 R. Ceci s'est passé beaucoup plus tard. A ce moment-là, nous avions un

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1 plan qui était déjà beaucoup plus développé. Mais, pour envoyer une

2 première équipe de reconnaissance, c'était très difficile.

3 Q. Les difficultés que vous avez rencontrées pour mettre sur pied le

4 Bataillon britannique et quels ont été vos contacts avec le 3e Corps

5 d'armée en Bosnie ? Est-ce que vous auriez pu le faire sans le 3e Corps

6 d'armée de Bosnie-Herzégovine ?

7 R. Je n'aurais pas pu le faire sans eux parce que je n'avais rien au

8 départ. Je n'avais pas de vraies armes, il n'y avait pas d'organisation,

9 cela aurait été une mission impossible. Peut-être que vous allez me reposer

10 la question mais je pense l'organisation du

11 3e Corps d'armée était très bonne.

12 Q. Au moment où vous êtes arrivé là-bas, est-ce que vous aviez des

13 procédures opérationnelles et quelque chose sur quoi vous pouviez vous

14 baser ?

15 R. Oui, bien sûr. Nous sommes l'armée régulière d'un pays qui a une armée

16 depuis très longtemps. Donc, tout ce type d'organisation logistique était

17 quelque chose qui existait, donc, je n'avais pas à m'en préoccuper.

18 Q. Depuis combien de temps vous avez été le commandant de votre

19 bataillon ?

20 R. A ce moment-là, cela faisait à peu près 18 mois, mais j'ai toujours

21 appartenu au Régiment de Cheshire. Mais cela fait que je connaissais très

22 bien les officiers mais j'avais sous mes ordres également les jeunes

23 soldats qui étaient les enfants des officiers avec lesquels j'avais servi

24 autrefois quand j'avais débuté.

25 Q. Comment était compose le 3e Corps ?

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1 R. Le 3e Corps de l'ABiH était fait de toute pièce. C'était, je crois,

2 très difficile. Les personnes qui avaient la plus haute charge, dans le

3 corps d'armée, étaient peut-être des gens qui venaient de la JNA mais cela

4 n'était suffisant. Il y avait des personnes de la marine yougoslave.

5 Q. Est-ce que vous pouvez voir une différence d'un bataillon britannique

6 comme un bataillon neutre et si vous comparez cela à la situation du 3e

7 Corps d'armée qui se battait pour sa survie ?

8 R. Leur situation était encore bien plus difficile. C'était une situation

9 complètement difficile. Leur mission, d'après moi, était impossible.

10 Q. Quand on regarde la structure des grades dans l'ABiH, qu'est-ce que

11 vous pouvez en dire ?

12 R. C'est une question que je me suis posé, non seulement pour l'ABiH, mais

13 aussi, pour le HVO. J'ai essayé de comprendre ce qui se passait. J'avais

14 l'impression que le HVO avait une structure de grades hiérarchique et à

15 partir de novembre-décembre 1992, j'ai commencé à voir des grades sur les

16 uniformes du HVO. Je n'ai jamais vu cela chez les officiers de l'ABiH

17 donner des titres de manière plus ou moins arbitraires. Je voyais le

18 général Hadzihasanovic mais je n'étais pas forcément sûr qu'à l'époque, il

19 était forcément un général. Une façon de s'en sortir, c'était d'appeler

20 tout le monde, commandant.

21 Q. Si l'on compare le HVO et le 3e Corps de l'ABiH, comment, quelle est la

22 comparaison qu'on pourrait établir ?

23 R. Ils n'étaient pas semblables à l'unité que je dirigeais. Le HVO avait

24 des armes et de l'équipement. L'ABiH avait quelque chose mais pas grand-

25 chose.

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1 Q. Le HVO ?

2 R. Le HVO avait beaucoup plus. Par exemple, en matière d'artillerie et de

3 chars même. Je n'ai ai pas vu beaucoup parmi l'ABiH.

4 Q. Merci, mon Colonel. Vous avez donc mis sur pied le bataillon

5 britannique, mais j'essaie d'éviter des questions directrices, à quel

6 endroit en Bosnie centrale ?

7 R. Nous avons trouvé une école à la périphérie de Vitez. Elle était vide,

8 nous ne voulions qu'on nous accuse d'avoir vider une école, nous avons

9 trouvé donc une école vide et une usine qui était vide du côté de Gornji

10 Vakuf quelques deux heures au sud de là où se trouvait l'école. Donc, on

11 m'avait dit, également, qu'il fallait que je me rende à Tuzla plus au nord

12 où j'ai trouvé un aérodrome vide, abandonné et nous avons commencé là-bas,

13 vers la fin du mois de décembre 1992.

14 Q. Y avait-il une raison particulière pour laquelle vous avez choisi Vitez

15 et d'autres endroits dont vous avez parlé ou, tout simplement, c'était des

16 endroits qui étaient disponibles ?

17 R. C'était un mélange de toutes sortes de choses. Au départ, nous voulions

18 être du côté de Vitez parce que la HCR avait un dépôt là. Nous voulions

19 être proches. Egalement, entre Tuzla et Tomislavgrad, il y avait une zone

20 opérationnelle que nous voulions couvrir, et j'avais un maximum de 900

21 personnes et quelques femmes parmi nous. Donc, nous n'avions pas beaucoup

22 de ressources.

23 Q. Quelles étaient vos relations avec l'ABiH d'un côté et du HVO de

24 l'autre côté. Est-ce que le HVO a bénéficié du fait que le siège du

25 bataillon britannique était à Vitez ?

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1 R. C'est possible et ils nous ont beaucoup aidés. Surtout Blaskic nous a

2 aidés à nous installer là-bas; Siljeg également, qui était à Tomislavgrad.

3 Ils nous ont aidés à nous installer, ils nous ont aidés un peu à passer les

4 montagnes. J'ai essayé également de parler avec les gens de l'ABiH et même

5 avec l'armée serbe.

6 Q. A quel moment êtes-vous devenus opérationnels ? Quelle était la

7 situation, à ce moment-là, entre l'ABiH et le HVO ?

8 R. Au moment où nous nous sommes déployés là-bas, il y a dû des tensions

9 et quelques combats entre le HVO et l'ABiH. Quand je suis passé à travers

10 les montagnes et qu'on ait traversé les 150 kilomètres en direction du sud,

11 nous avions peur d'être bloqués dans la région de Novi Travnik. Mais

12 auparavant, dans la première phase, pendant la période de la reconnaissance

13 même, pendant j'étais là-bas, tout seul, il y a eu des incidents très

14 graves qui avaient perduré pendant deux ou éventuellement trois semaines.

15 Autour de Travnik et entre le HVO et l'ABiH, c'était vers Travnik, Novi

16 Travnik et Vitez.

17 Ce n'était pas un contexte facile dans lequel nous avions déployé.

18 Q. Au moment où vous y êtes arrivés, dans quelle situation vous vous

19 trouviez ? Est-ce que la situation au moment vous vous êtes installé était

20 comme ce que vous venez de décrire tout à l'heure ou différent ?

21 R. Les Britanniques n'avaient aucune idée de ce qui se passait réellement

22 en Bosnie. On s'est basé sur un briefing d'une heure et demie qui s'est

23 terminé avec la mort de Tito. C'était une petite leçon d'histoire. J'ai

24 entendu, cependant, un briefing à Zagreb, y inclus par Mark Cook, qui

25 faisait partie de nos Unités médicales, ainsi que commandant Colm Doyle,

Page 15145

1 qui travaillait pour Lord Carrington. Cela nous a quelque peu aidé parce

2 que cela nous a donné l'idée de ce qui se passait là-bas, mais d'un autre

3 côté, nous n'avions absolument pas des services de Renseignement. Je ne

4 savais pas du tout ce qui se passait en Bosnie du nord ou plus au sud à

5 Tomislavgrad jusqu'au moment où je m'y suis rendu personnellement.

6 Q. Vous saviez que l'ABiH et le HVO combattaient les uns contre les

7 autres ?

8 R. Non. Parce que je ne savais réellement rien du tout. Dans le mesure où

9 vous ne savez rien de ce se passait, cela ne m'avait pas trop surpris.

10 Q. Vous avez eu des contacts avec l'ABiH et avec le HVO. Qui étaient les

11 personnes avec qui vous avez eu des contacts, et quelles étaient les

12 relations avec elles ?

13 R. C'étaient des contacts à une place, Blaskic, Kordic pour le HVO, et

14 Dzemal Merdan pour l'ABiH jusqu'à ce que je rencontre Enver Hadzihasanovic.

15 Q. Que pourriez-vous nous dire sur ces personnes en quelques mots sur

16 Blaskic, Kordic, Merdan et Hadzihasanovic ?

17 R. Blaskic est un officier de carrière. J'ai pensé qu'il allait nous

18 aider. Kordic n'était pas un militaire professionnel. J'avais l'impression

19 qu'il avait les idées moins claires. Merdan est un officier fantastique. On

20 pouvait lui faire entièrement confiance d'après moi. Enver Hadzihasanovic

21 était presque Merdan, pas loin de cela. Je connaissais Merdan plus que

22 Hadzihasanovic.

23 Q. Merci. Passons maintenant au mois de janvier 1993, ma question est

24 simple : sur quoi vous vous étiez concentré vers la mi-janvier 1993 ?

25 R. Le vrai problème pour le mois de janvier 1993 était les combats du côté

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1 de Gornji Vakuf. Le commandant Siljeg du HVO poussait au nord du

2 Tomislavgrad avec des chars et de l'artillerie, et ils essayaient de

3 prendre ou de détruire Gornji Vakuf. J'avais une compagnie à Gornji Vakuf,

4 et j'ai passé deux semaines ou plus -- ou j'allais à Gornji Vakuf tous les

5 jours en essayant de mettre un terme à ces combats. Le 13 janvier, mon

6 chauffeur a été tué pendant qu'il conduisait un véhicule blindé à Gornji

7 Vakuf. Donc, le mois de janvier n'a pas été un beau mois pour moi.

8 Q. De quelle façon avait réagi l'ABiH à l'offensive menée par le HVO ?

9 R. J'ai pensé qu'ils combattaient au vent, qui n'était pas égal. La

10 distance entre les deux armées était beaucoup plus grande que la rangée des

11 fusils. La portée des fusils était plus petite, alors que de l'autre côté,

12 vous aviez une armée qui utilisait des lance-roquettes, des mortiers, et

13 des chars, ce qui leur permettait d'avoir une portée de quelques

14 millimètres ou plus. Il faut savoir que les mortiers de 81 millimètres ont

15 une portée de 5 000 mètres. Ils attaquaient Gornji Vakuf de manière

16 systématique. Ils détruisaient maison par maison. Je ne savais réellement

17 pas quoi faire. J'ai essayé de faire de mon mieux pour mettre un terme au

18 combat puisque les instructions que l'on nous avait données étaient d'être

19 accompagnateur de convois.

20 Q. A ce stade, comment avait réagi l'ABiH ? Est-ce qu'ils avaient riposté

21 ou pas ?

22 R. Je ne pense pas qu'ils pouvaient faire quoi que ce soit parce que la

23 portée de leurs armes était trop courte. J'ai parlé avec tous les

24 commandants sur le terrain, et avec tous les représentants du 3e Corps, et

25 les représentants du HVO, à la tête de laquelle se trouvait Siljeg. Très

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1 franchement, l'ABiH ne voulait tout simplement pas de ce combat. D'après ce

2 que j'ai pu comprendre, d'après les renseignements que j'ai eus, c'était

3 tout simplement parce que dans le plan Vance-Owen, Gornji Vakuf avait été

4 donné aux Croates de Bosnie.

5 Q. Pourriez-vous nous dire quelque chose de plus sur la personne que vous

6 nommez Siljeg. Qui était-il au sein du HVO ?

7 R. Il était le commandant de la région sud de Bosnie pour le HVO. D'après

8 moi, Siljeg - on pourrait l'appeler général de brigade Siljeg - était le

9 commandant de cette région-là. Il était basé à Tomislavgrad, alors que la

10 région centrale était commandée par Blaskic, c'est-à-dire, Kordic.

11 Q. Je voudrais, mon colonel, vous montrer maintenant des documents.

12 M. BOURGON : [en français] Monsieur le Président, j'aimerais demander à

13 l'Huissier de distribuer certains classeurs avec des documents. Nous avons

14 des copies en nombre suffisant pour toutes les parties dans la salle

15 d'audience.

16 Q. [interprétation] Mon colonel, pendant que ces documents sont

17 distribués, je vous demanderais de me répondre à une question. Est-ce que

18 vous avez eu accès en votre qualité du commandant du Bataillon britannique

19 de voir des ordres ou autres types de correspondance qui ont pu être

20 échangés entre donc les deux factions qui étaient en guerre, ou des

21 documents internes ?

22 R. Je ne m'attendais pas à avoir accès à aucun type de documents puisque

23 les instructions que j'avais reçues était de rester neutre. J'ai eu parfois

24 accès aux documents dont pu être à l'origine, par exemple, un accord de

25 cessez-le-feu. Parfois, également, dans mon organisation, nous avions peut-

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1 être reçu des documents relatifs au commandement, mais je ne me souviens

2 pas, comme cela, d'en avoir vu.

3 Q. Permettez-moi de vous montrer maintenant des documents de l'ABiH ou du

4 HVO. Je vous demande : est-ce que vous seriez capable de me dire si ces

5 ordres reflètent la situation que vous aviez connue en 1992, 1993 en Bosnie

6 centrale ?

7 R. Je vais essayer de faire de mon mieux.

8 Q. Regardez maintenant l'intercalaire numéro 3 du dossier que vous avez

9 devant vous. Je vous demanderais de lire ce document et de me dire, est-ce

10 qu'il reflète bien la situation telle que vous l'avez vécue au mois de

11 janvier 1993.

12 R. Puis-je consulter mon journal ?

13 M. BOURGON : [en français] Monsieur le Président, est-ce que le témoin

14 pourrait consulter son journal ? Merci, Monsieur le Président.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ceci est correct. Je crois que

16 cela reflète la situation.

17 M. BOURGON :

18 Q. Merci, mon Colonel.

19 M. BOURGON : [en français] Monsieur le Président, pour le compte rendu,

20 c'est l'onglet numéro 3 et le document DH0561.

21 Q. [interprétation] Mon Colonel, j'attire votre attention à ce document.

22 Est-ce que vous pouvez me dire, est-ce qu'il en résulte que le HVO était en

23 train d'attaquer Donji Vakuf ?

24 R. Oui.

25 Q. Pourriez-vous me dire, d'un point de vue de commandement, quel serait

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1 le but d'un tel document, et j'attire votre attention ici aux deux derniers

2 paragraphes.

3 R. Ce sont les instructions données par un commandant pour essayer

4 d'établir un accord de cessez-le-feu parmi ses unités. Le développement des

5 hostilités ouvertes à Gornji Vakuf pendant cette période était quelque

6 chose qui me préoccupait beaucoup. Je pense que j'avais reçu une demande,

7 peut-être venant de la part du commandant Hadzihasanovic, d'essayer

8 d'aider. Je sais qu'à partir de ce moment-là, je me trouvais sur le terrain

9 pratiquement pendant toute la journée et toute la nuit, et j'étais donc à

10 Gornji Vakuf.

11 Q. Pourriez-vous, maintenant, regarder l'onglet numéro 2. Ce document,

12 pour le transcript, est le document DH0557. Pourriez-vous nous dire, mon

13 Colonel, qu'est-ce qu'essaie de faire le commandant en rédigeant ce

14 document ?

15 R. Il s'agit là des instructions données pour ne pas permettre

16 l'escalation [phon] de la situation. Les soldats de l'ABiH doivent être

17 très prudents et ne doivent rien faire, par exemple, d'ouvrir le feu, sauf

18 si c'est impérativement nécessaire. Si j'étais le commandant à qui ce

19 document s'adressait, je l'interpréterais de la façon suivante : je ne

20 devrais pas ouvrir le feu si ce n'était pour défendre ma vie.

21 Q. Est-ce que vous pensez que cette action du général Hadzihasanovic était

22 bonne dans les circonstances données ?

23 R. L'ABiH à Gornji Vakuf essayait tout simplement de tenir la ligne de

24 front. Il y avait aussi l'armée des Serbe de Bosnie à Bugojno qui était à

25 quelques kilomètres de là-bas. C'était une situation, une fois de plus,

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1 impossible pour un commandant. Il essayait de dire, s'il vous plaît, s'il

2 vous plaît n'ouvrez pas le feu, ne donnez pas une excuse au HVO de nous

3 attaquer.

4 Q. Regardez, mon Colonel, l'onglet numéro 1, numéro DH0554. Mon Colonel,

5 est-ce que vous pourriez nous aider et nous dire qu'est-ce que veut faire

6 le général Hadzihasanovic avec ce document ?

7 R. Ceci n'est pas écrit ici, mais l'hypothèse que j'émets c'est qu'il

8 s'agit d'une demande de la part d'Enver Hadzihasanovic au commandement de

9 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il est déjà en conflit avec l'armée des

10 Serbes de Bosnie, et la ligne de front est à Bugojno. Il leur demande donc

11 s'il doit entrer en conflit avec le HVO puisque, déjà comme cela, ses

12 unités devaient combattre beaucoup, et il fallait qu'il pense au moral de

13 ses unités. Il se demandait comment ses soldats qui étaient sur la ligne de

14 front exposés aux tirs de feu pouvaient ne pas réagir.

15 Q. Est-ce que le général Hadzihasanovic aurait pu donner des ordres sans

16 se tourner d'abord vers ses supérieurs ?

17 R. Je suis sûr qu'il aurait pu le faire, mais Enver Hadzihasanovic n'est

18 certainement pas peu intelligent, et il aurait sans doute essayé de

19 maintenir le statu quo avec le HVO étant donné que la situation était déjà

20 très difficile en soi.

21 Q. Donc, si vous étiez à sa place, vous auriez essayé d'éviter de rentrer

22 en conflit avec le HVO ?

23 R. Pour moi, c'est clair. Ils avaient très peu de moyens, pas de

24 munitions, pas d'armements, pas de renforts. Ils n'ont aucune envie de

25 combattre le HVO, et c'était comme cela pendant toute la période que

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1 j'étais en service là-bas. J'ai souvent été dans la proximité des zones du

2 combat, et je n'ai jamais vu que l'ABiH avait commencé quoi que ce soit. En

3 général, c'étaient eux qui réagissaient.

4 Q. Est-ce que l'ABiH était partie prenante des combats ailleurs en

5 Bosnie ?

6 R. Oui, partout. La ligne de front passait de Bugojno. Elle était inter-

7 coupée, mais, en tout cas, pour passer à travers la Bosnie, nous devions

8 faire des détours tout le temps. Donc, il y a Tomislavgrad, Travnik,

9 Maglaj, Tuzla. C'était une énorme ligne de front qu'il fallait défendre, et

10 ce n'était pas comme pendant la Première guerre mondiale quand il y avait

11 des tranchées. C'étaient des centres de résistance -- des poches de

12 résistance, mais il était très difficile de pouvoir les traverser, et très

13 dangereux.

14 Q. Regardez maintenant l'onglet numéro 4. Il s'agit également d'un ordre

15 émis par le général Hadzihasanovic. Pour le compte rendu d'audience, il

16 porte le numéro DH0562. Pourriez-vous nous dire, mon Colonel, qu'est-ce que

17 le général Hadzihasanovic essaie de faire avec cet ordre ?

18 R. Si vous regardez les différents paragraphes, tenir fermement les lignes

19 contre les Chetniks. En d'autres termes, cela voulait dire contre l'armée

20 des Serbes de Bosnie dans la région de Bugojno.

21 Il faut être prêt pour rejeter l'attaque du HVO, par la suite, accroître la

22 sécurité des unités. Il y a une référence au général Merdan qui, à

23 l'époque, était avec ma compagnie et qui était le coordinateur pour le

24 commandement de la région. Je dois dire qu'en même temps, nous avions,

25 parmi les unités, aussi des officiers du HVO, et qui est très important, on

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1 demande à ce que l'on fasse tout pour que les conflits ne s'élargissent

2 pas.

3 Q. Pourriez-vous commenter ce dernier paragraphe ? Pourquoi est-ce qu'il

4 met ce commentaire à la fin de son ordre ?

5 R. Parce que les soldats vont être réellement énervés et fâchés. Comment

6 pourriez-vous permettre que quelqu'un vous tape sur votre derrière ? Je

7 m'excuse, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, d'utiliser ces

8 termes-là, mais c'est exactement comme cela que ressentaient les soldats.

9 Q. Regardez, maintenant, l'anglais numéro 5. Il s'agit d'un ordre qui

10 vient du commandement de Kiseljak, daté du 17 janvier 1993. Ma première

11 question est la suivante : mon Colonel, quel est le commandement de l'ABiH

12 à Kiseljak ?

13 R. A l'époque, il y avait l'Unité de l'ONU, dirigée par un officier

14 français, Philippe Morillon, qui est actuellement député au parlement

15 européen, et c'est un ami également. Il y avait aussi une partie qui parle

16 du siège de l'ONU à Zagreb et je pense que c'est aussi adressé au siège de

17 l'ABiH à Kiseljak.

18 Q. C'était adressé à qui ?

19 R. Il s'agit ici d'une demande du HVO. Je me souviens très bien de cette

20 demande puisqu'ils étaient très fâchés que je l'avais reçue. On demande à

21 l'ABiH de se rendre d'une manière inconditionnelle à Gornji Vakuf. Très

22 franchement, c'était tout à fait contre les attentes qu'avait l'ONU.

23 Q. Pour quelle raison un tel document s'adresserait-il à, et je vois ici

24 général Halilovic et général Petkovic ? Est-ce que vous savez qui sont ces

25 individus et pourquoi on s'adresserait à eux ?

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1 R. C'était les personnes qui représentaient les états-majors de l'ABiH et

2 du HVO. C'est donc un document qui informe, qui est là, comme une menace,

3 c'est probablement illégal.

4 Q. Alors, mon colonel, est-ce que je peux dore --

5 R. C'est probablement les vrais destinataires plutôt que l'ONU.

6 Q. Si on regarde la dernière phrase du premier paragraphe, où il est dit :

7 "Nous pensons également que les forces bosniaques et le HVO se préparent à

8 envoyer des renforts dans la région pour continuer les hostilités".

9 Pourriez-vous nous dire ce que signifie cette phrase dans le contexte de

10 toute la situation à Gornji Vakuf.

11 R. Si vous avez déjà le feu et que vous y rajoutez du pétrole, l'incendie

12 s'amplifie. D'un point de vue militaire, c'est quelque chose qui se

13 comprend. Mais ceci est une dynamite en termes politiques et cela peut

14 causer une vraie guerre. C'est pour cela que je désirais rester à Gornji

15 Vakuf le plus longtemps possible pour pouvoir trouver un cessez-le-feu ou

16 les termes d'un cessez-le-feu.

17 Q. Est-ce que l'ABiH et le HVO pouvaient amener des renforts d'après votre

18 connaissance de la situation sur le terrain ?

19 R. Le HVO pouvait apporter des renforts qui viendraient du sud, ils

20 traverseraient des montagnes et viendraient dont de Tomislavgrad.

21 L'ABiH aurait beaucoup plus de problèmes puisque d'après ce que je me

22 rappelle, il y avait les routes qui étaient bloquées mais je crois me

23 souvenir qu'ils avaient également essayé de faire venir des renforts.

24 Q. Merci, mon Colonel. Regardes maintenant, l'anglais numéro 7, s'il vous

25 plaît. Il s'agit d'un document, intercalaire 7, document envoyé par le

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1 centre régional de Split, chef du centre régional de Split et qui est

2 adresse à Zagreb ? Savez-vous ce que c'était, le centre régional de Split

3 et de quel QG il s'agit d'ailleurs pour dire que c'était le destinataire ?

4 R. C'est quelque chose que je n'avais pas vu avant. Mais il me semble

5 qu'il s'agit d'un document de cette mission de contrôle européenne et il me

6 semble que c'est justement l'ambassadeur qui envoie ce rapport à son QG de

7 Zagreb.

8 Q. Pouvez-vous vous reporter très rapidement ce document pour en dire,

9 pourquoi, définitivement, et de quoi, enfin, devait rapporter l'ambassadeur

10 à son QG de Zagreb ?

11 R. Oui. Ce monsieur, M. Buisseault [phon], c'est un diplomate français,

12 également un très bon ami, parmi les miens, probablement, à ma demande,

13 devrait intervenir pour demander une rencontre du HVO, des représentants du

14 HVO, de l'ABiH de Gornji Vakuf. En effet, il était extrêmement difficile de

15 faire venir Siljeg. C'est ce que je lui avais demandé personnellement. Je

16 lui ai demandé d'aller le chercher moi-même pour l'emmener à cette réunion.

17 Siljeg m'a dit que peu de ses soldats ont été tués par balles de tireurs

18 embusqués. Peut-être que c'était un prétexte pour tout simplement

19 interrompre cette réunion. En tout cas, voilà l'exemple de quelque chose à

20 quoi je devais faire face dans toutes ces tentatives d'établir la situation

21 paisible et pacifique dans cette région. Il est vrai que deux de mes hommes

22 ont été tués, tans de civils devaient périr et qui mourraient. Tout cela

23 m'a vraiment étonné.

24 Q. Colonel, j'attire votre attention sur le second paragraphe. Que disons-

25 nous après le point 2 ? Qui se lit comme suit : "Ce de quoi il s'agit

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1 maintenant, ici, ce n'est pas un problème d'heure locale. Deux commandants

2 locaux n'ont pas, c'est-à-dire, qu'il s'agit là de deux locaux qui se

3 considéraient comme des ennemis mais il s'agit d'objectifs et d'enjeux

4 politiques qui ne sont pas loin de ce qu'on appelle nettoyage ethnique".

5 S'agit-il là de parler d'une conclusions ?

6 R. Oui, il me semble que c'était quelque chose qui s'était passé et comme

7 une espèce de mouvement préparatoire et que je n'avais compris avant.

8 Pourquoi tout cela devait se présenter là-bas, si jamais il y avait une

9 tentative d'anticiper sur un plan.

10 Q. Merci, mon Colonel. Je vous demande de tourner à l'intercalaire 8.

11 M. WAESPI : [interprétation] Avant de le faire, je voudrais demander à ce

12 que, dans le compte rendu d'audience, on établisse qu'il s'agit du document

13 DH0648, intercalaire 7.

14 M. BOURGON : [interprétation] [interprétation] Je remercie mon collègue

15 d'avoir mentionné cela. Cela lui sera utile lors du contre-interrogatoire.

16 Q. Mon Colonel, revenons à ce document sous 8, il s'agit du document qui

17 porte la date du 25 janvier 1993. Je voudrais que vous preniez quelques

18 minutes d'examiner ce document lorsque je demande la permission de la

19 Chambre d'utiliser ce document parce qu'il est, en fait, un nouveau

20 document.

21 M. BOURGON : [en français] Monsieur le Président, ce document a été

22 communiqué à l'Accusation et nous vous demandons la permission de pouvoir

23 l'utiliser avec le témoin aujourd'hui.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

25 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas

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1 d'objection.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

3 M. BOURGON : [en français] Merci, Monsieur le Président.

4 Q. [interprétation] Mon Colonel, je voudrais attirer votre attention sur

5 ce document. Allez à la page 3, et dites-nous, si vous pouvez le faire, de

6 quoi il s'agit pour traiter de ce document. N'avez-vous été jamais familier

7 avec ce document, c'est-à-dire, n'avez-vous jamais eu connaissance des

8 événements qui font l'objet de ce document ?

9 R. Oui.

10 Q. Allez-y.

11 R. J'ai essayé, pour ainsi dire, de mettre un terme à ces batailles. Si

12 vous vous portez à la page 3, vous allez voir les conditions présentées par

13 Siljeg, le commandant du HVO, c'est-à-dire, il s'agissait de cette

14 reddition sans condition. Là, il a été fait mention du fait que j'avais dit

15 à cet homme-là que tôt ou tard, un jour, il devra répondre pour ces crimes.

16 J'avais notamment mis l'accent sur le fait que la prise délibérée de civils

17 pour cible, n'est autre chose qu'un crime contre l'humanité.

18 Je m'excuse, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges. Peut-être

19 je n'ai pas très bien expliqué mon point de vue, mais ceci est contraire

20 aux conventions de Genève, cela est certain.

21 Q. Colonel, dites-moi : que lisons-nous là ? A qui ce document a-t-il été

22 adressé, et dans quel but ? Je parle toujours de la page 3. Dans ce

23 paragraphe, il a été dit qu'on parle du commandant Siljeg que : "Le

24 commandant du 1er Bataillon du Régiment Cheshire était resté pendant ces

25 derniers jours à Gornji Vakuf."

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1 R. C'était moi qui étais le commandant du 1er Bataillon du Régiment de

2 Cheshire, des forces armées britanniques de Split pour justement être en

3 contact avec le commandant des forces armées de Split, parce que j'ai été

4 frustré du fait de voir que les Nations Unies n'avaient rien entrepris pour

5 qu'en fin de compte, on y aboutisse à une amélioration quelconque. Nous

6 étions là-bas pendant si longtemps, et entre-temps, le seul résultat était

7 de voir la ville presque rasée. J'ai perdu mes soldats, j'avais un blessé

8 parmi les miens, et tout simplement, je devais entrer en contact le

9 commandant des forces armées britanniques pour lui demander ce qu'il nous

10 fallait faire. Lui, il m'a donné son aval, et a été en contact avec Genève

11 et Lord Owen.

12 Q. A regarder ce paragraphe, croyez-vous que ceci était lié à ce que vous

13 venez de dire ? Est-ce que vous avez eu connaissance de cela ?

14 R. Pour être honnête, je ne savais pas ce qui s'était passé étant donné le

15 contact que j'ai pu établir avec le brigadier Cummings, commandant des

16 forces armées britanniques, mais j'ai eu le sentiment que cette situation

17 me dépassait, en quelque sorte, et qu'il aurait pu être mieux de commencer

18 à réfléchir, de tenter, de faire en sorte à ce que du haut de toutes les

19 instances, on puisse mettre un terme à ces combats.

20 Q. A regarder ce document, il s'agit d'un ordre émanant de Petkovic

21 portant sur le cessez-le-feu. Avez-vous utilisé ce document et est-ce qu'il

22 n'y a jamais eu un cessez-le-feu ?

23 R. Je me suis trouvé dans une salle de conférence à Gornji Vakuf. Il

24 s'agissait d'une pièce tout à fait commune qui était réservée à nos

25 réunions. J'ai présidé les travaux de cette réunion. Siljeg était là,

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1 Merdan était là également et d'autres personnes. Après quoi, on m'a appelé,

2 on m'a dit que Petkovic avait reçu les instructions comme quoi il fallait

3 immédiatement mettre un terme à tous les combats avec le HVO. Je n'ai pas

4 vu de papier si important, mais il m'a été dit que c'était un ordre émanant

5 de Genève. De retour à la réunion de conférence, dans la salle de

6 conférence, j'ai dit à Siljeg que j'avais reçu des instructions comme quoi

7 les combats devaient être arrêtés immédiatement. Mais je lui ai dit

8 également que lui n'avait qu'à suivre ce que je lui ai dit, que je n'avais

9 rien par écrit. Il devait compter sur ma parole. En tout cas, il a été

10 surpris, et j'ai été surpris, d'autant plus que lui, il m'a dit qu'il en

11 avait eu écho avant la réunion.

12 Q. Mon Colonel, qu'avez-vous fait ensuite, deux semaines par la suite, à

13 Gornji Vakuf ?

14 R. Rien.

15 Q. Ma question, c'est plutôt de voir si vous avez pris des mesures

16 précises. Peut-être que vous pourriez peut-être vous reporter à votre

17 journal ?

18 R. Très bien. Peut-être, je pourrais consulter mon journal.

19 Q. Regardez donc votre journal, et ce que vous y avez écrit sous la date

20 du 25 janvier 1993.

21 Mon Colonel, saviez-vous pendant que vous étiez à Gornji Vakuf, ce qu'il

22 était advenu des gens de Busovaca au cours de cette même période ?

23 R. J'avais eu des informations de ce qui s'est passé là-bas, mais je ne

24 pouvais pas m'en occuper personnellement, car je considérais que tous mes

25 efforts devaient être concentrées sur Gornji Vakuf, et que le restant des

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1 questions devraient être une affaire de mon adjoint.

2 Q. Voulez-vous, s'il vous plaît, vous reporter au document, au point 9,

3 après le point 8, point 9. Il s'agit d'un milinfosum, résumé de la FORPRONU

4 en date du 25 [comme interprété] 1993. Il s'agit, notamment, de cette

5 période pendant que vous étiez à Gornji Vakuf. Regardez la deuxième partie,

6 page 2, sous "Busovaca." Dites-moi, ce que nous lisons dans ce paragraphe

7 reflète-t-il une information qui vous a été connue, à cette époque-là ?

8 M. BOURGON : [en français] A ce stade-ci, il a été introduit, a été déposé

9 aux fins d'identification.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'étais tout à fait conscient de cela. Il

11 s'est agit d'un point de contrôle de Kacuni.

12 M. BOURGON : [interprétation]

13 Q. Que pouvez-vous nous dire au sujet de ce point de contrôle de Kacuni ?

14 R. Il s'agit d'un point de contrôle qui se trouve sur la principale voie

15 de communication menant de Sarajevo via Kiseljak. Il s'agit d'un site non

16 loin des positions tenues par l'ABiH et HVO. Il s'agit d'un point de

17 contrôle sous contrôle de l'ABiH. Il était difficile d'y passer.

18 Q. Nous y reviendrons un peu plus tard pour parler de ce point de

19 contrôle. Maintenant, je vous prie de vous reporter à ce document. Vers le

20 milieu du document, il a été dit que : "De 2 Alpha, 21 Alpha," c'est-à-dire

21 de 8 heures du soir à 9 heures du matin, "Deux points de contrôle HVO ont

22 été mis au point, chacun sur les deux extrémités approximatives de la

23 ville, et respectivement. En même temps, a-t-il été déployé également des

24 soldats le long de la voie de communication vers le sud de la ville menant

25 vers Busovaca, et nous parlons toujours de ce même espace de temps, de 9

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1 heures du soir à 2 heures du matin. Nous avons ensuite les forces armées

2 hollandaises où il est dit que la situation était explosive dans la ville.

3 Le 21 janvier, le rapport dit qu'il y a eu des dommages causés à des

4 établissements et des explosions ont été entendues."

5 A la fin, il a été dit : "Le 20 et 21 janvier 1993, tout semble qu'il

6 s'agissait d'attaque préparée préalablement, coordonnée contre la

7 population musulmane."

8 Avez-vous eu une connaissance là-dessus, lorsque vous étiez à Gornji

9 Vakuf ?

10 R. Oui, en général, mais dans des détails, comme je vous l'ai déjà dit

11 parce que c'était mon adjoint qui était saisi de la question et de ce

12 secteur. Bien entendu, c'est moi qui étais responsable de ce qui s'était

13 passé d'ailleurs.

14 Q. Mon Colonel, pendant que vous voyagiez de Gornji Vakuf à Busovaca à

15 Kacuni, comment se présentait la situation à votre retour ? Bien entendu,

16 comme je vous l'ai déjà demandé tout à l'heure, probablement l'avez-vous

17 fait déjà, il faudra vous reporter à votre journal pour savoir ce que vous

18 avez fait en date du 25 janvier.

19 R. Pour parler de cette principale voie de communication, la principale

20 route vers Sarajevo, principale voie d'approvisionnement se trouvait

21 bloquée parce qu'il y avait trois points de contrôle nouveaux mis sur

22 place. Bien entendu, il s'agissait juste de dire que c'était le contraire

23 de ce que j'aurais souhaité y voir. Parce que, non seulement j'étais

24 responsable de mon secteur, de la zone de responsabilité qui est la nôtre,

25 mais j'étais responsable aussi du fait de voir les convois arrivés à

Page 15161

1 Sarajevo pour venir au secours à la population de Sarajevo. J'ai dû faire

2 quelque chose pour lever ces sièges de blocus aux points de contrôle. Je

3 crois qu'en ce moment-là, j'ai pu me rendre près de Kordic, et je me suis

4 rendu également à Kacuni.

5 Q. Sur la base de ce que vous avez dans votre journal, je vous ai demandé

6 à ce sujet de vous reporter en bas de page de ce paragraphe, soit à

7 l'information du 25 janvier. Vous rappelez-vous qu'il y ait eu des actions

8 spéciales au sujet des points de contrôle se trouvant sous l'ABiH ? Comment

9 vous sentiez-vous à ces points de contrôle ?

10 R. J'ai été en colère. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges.

11 Il s'agissait d'un camion de gros gabarits qui étaient de travers, et il y

12 avait des troncs d'arbres, tout simplement, il y a eu des crevaisons sur ce

13 camion en panne. Pas moyen de l'enlever, ce camion, et c'est ainsi que j'ai

14 envoyé Major Jennings, un des chefs de compagnie, de s'en occuper pour lui

15 préciser qu'il ne devait pas être de retour avant de lever ce blocus, ce

16 barrage.

17 Q. [aucune interprétation]

18 R. Je me suis rendu également au commandement du 3e Corps d'armée pour

19 trouver Merdan pour lui demander de me suivre.

20 Q. Dans votre journal, il est dit que vous avez reçu des informations du

21 commandement de votre bataillon comme quoi le commandant du corps d'armée

22 avait, lui aussi, dû recevoir des informations que des véhicules de type

23 Warrior devaient venir remplacer ce véhicule qui était là qui barrait la

24 route.

25 R. Je m'en souviens.

Page 15162

1 Q. Vous avez dit que vous êtes allé voir le commandant du

2 3e Corps d'armées ce soir-là pour lui faire part de vos complaintes. Est-ce

3 que vous vous rappelez cette visite rendue au général Hadzihasanovic ?

4 R. Oui. C'était vraiment typique. Nous avions dû nous y rendre pour leur

5 faire part de notre plainte. Probablement, j'étais en colère à cause de ces

6 barrages, ces blocus.

7 Q. Maintenant, regardez vers la fin de la page. Il est dit que, le 25

8 janvier, vous avez tenté d'entrer en contact et de parler -- pour lui

9 parler, avec le général Hadzihasanovic, et pour obtenir un cessez-le-feu.

10 Cordy-Simpson, lui, essayait d'en faire autant avec Blaskic à Kiseljak.

11 Est-ce que vous vous rappelez cela ?

12 R. Oui. Il fallait coordonner nos efforts dans ce domaine-là.

13 Q. Je voudrais, mon Colonel, que vous vous reportez au numéro 10

14 maintenant de ce classeur pour me dire si ce document du 25 janvier,

15 émanant du général Hadzihasanovic, n'était autre chose qu'un ordre portant

16 au cessez-le-feu au sujet de quoi vous vous étiez mis d'accord avec lui ce

17 soir-là.

18 R. Oui, en effet, il s'agit de cette date-là. Il s'agit de parler de 6

19 heures en date du 25.

20 M. BOURGON : [en français] Page 33, ligne 3 où il est fait mention du 25

21 septembre, et on devrait y lire le 25 janvier. Merci, Monsieur le

22 Président.

23 Q. [interprétation] Mon Colonel, c'était donc l'ordre émanant du général

24 Hadzihasanovic en réponse à votre demande de cessez-le-feu, à 6 heures, le

25 25 janvier ?

Page 15163

1 R. Oui.

2 Q. Je vous prie maintenant de vous reportez au document que nous avons

3 après l'onglet numéro 11. En effet, reportez-vous aux documents que nous

4 avons entre les onglets 11, 12 et 13. Sur 11, 12 et 13, dites-nous ce que

5 le général Hadzihasanovic tentait d'obtenir par tous ces mémos adressés au

6 commandant de la zone d'opération centrale du HVO en Bosnie.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

8 M. WAESPI : [interprétation] Je crois que mon honorable collègue a fait en

9 sorte que le témoin, au lieu de parler de ces différents onglets, mon

10 collègue devrait être plus précis parce que plus tard, lorsque nous aurons

11 à contre-interroger ces documents, nous ne saurons pas de quelles pièces il

12 s'est agi.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Ce serait mieux de dire le document 11, 632,

14 par exemple.

15 M. BOURGON : [en français] Merci, Monsieur le Président, je vais le faire.

16 Après ces trois documents, Monsieur le Président, je crois que nous --

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Après ces trois documents, on va faire le "break".

18 M. BOURGON : [en français] Une dernière question sur ce document et,

19 ensuite -- je demanderais, par contre, Monsieur le Président, si on peut

20 laisser le classeur au témoin afin qu'il puisse le consulter pendant la

21 pause, de façon à accélérer après la pause, si mon collègue n'a pas

22 d'objection.

23 Q. [interprétation] Mon Colonel, avant de marquer une pause, une dernière

24 question : M. le général Hadzihasanovic, que voulait-il obtenir par ces

25 documents ?

Page 15164

1 Pour le compte rendu d'audience, il s'agit, évidemment, des onglets 11,

2 numéro 0632; onglet 12, 0633; et le document onglet 13, 0634.

3 D'après vous, mon Colonel, que voulait faire le général Hadzihasanovic en

4 envoyant ces trois documents ?

5 R. Il tentait de dire à l'adresse du commandant HVO que certains rumeurs

6 et propagandes étaient loin d'être vrais, et qu'il n'y a pas eu de

7 nettoyage ethnique dans certaines localités, dans certains secteurs, et

8 qu'immédiatement, un cessez-le-feu devait être établi, et, par là même, il

9 tentait de faire cesser l'opération des lance-roquettes 155 millimètres.

10 S'agit-il de demander ou de donner des ordres, je me demande comment il

11 peut des ordres au HVO, mais peut-être qu'Hadzihasanovic connaissait

12 Blaskic pendant longtemps.

13 Q. Quelles sont les propositions quant à la solution à porter à cette

14 situation ?

15 R. Peut-être que le mieux serait que je m'y reporte à ces documents.

16 Q. Oui, exactement.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Colonel, pendant le "break", vous pouvez

18 consulter ce classeur afin de pouvoir, plus rapidement, répondre à des

19 questions qui vont continuer à vous être posées. Nous reprendrons aux

20 environs 16 heures 10.

21 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

22 --- L'audience est reprise à 16 heures 17.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, vous pourriez peut-être

24 demandez au service technique de baisser le chauffage. J'ai l'impression

25 d'être dans un four. Il fait au moins 35 degrés C.

Page 15165

1 Je vais donner la parole à la Défense.

2 M. BOURGON : [en français] Merci, Monsieur le Président.

3 [Interprétation] Avant de faire une pause, vous avez dit à la Chambre de

4 première instance que vous aviez demandé un cessez-le-feu le 26 janvier à 6

5 heures avec le général Hadzihasanovic alors que Cordy Simpson avait la même

6 chose avec Blaskic dans un effort concerté. Vous avez confirmé que l'ordre

7 qui avait été donné par le général Hadzihasanovic concernant ce cessez-le-

8 feu et nous avons parlé de ces documents qui se trouvent aux intercalaires

9 11, 12 et 13 portant sur les mesures qui ont adoptées par le général

10 Hadzihasanovic avec son homologue du HVO.

11 Encore une fois, pour le besoin des comptes rendus d'audience, il s'agit du

12 document qui porte le numéro DH632; aux fins d'identification, DH633; aux

13 fins d'identification est document DH634ID; et toujours aux fins

14 d'identification que provisoires.

15 Ayant regardé ce document, Colonel, pourriez-vous me dire, si vous regardez

16 l'intercalaire numéro 13, si vous regardez le premier paragraphe ?

17 Pourriez-vous me dire ce que propose de faire le général Hadzihasanovic

18 pour résoudre la situation dans cette région ?

19 R. Il propose qu'il y ait l'envoi de délégations de part et d'autre se

20 réunissent -- se rencontrent pour essayer de trouver une solution à tous

21 les problèmes qui se seraient poser.

22 J'ai moi-même pris part, en tant qu'officier, et j'aurais moi-même proposé

23 un officier, j'aurais pris part moi-même.

24 Q. Vous dites, Colonel, que ceci était une bonne solution, proposée par le

25 général Hadzihasanovic au vu des circonstances ?

Page 15166

1 R. Oui.

2 Q. Maintenant, je souhaite vous reporter à votre journal du 26 janvier, il

3 y a un paragraphe qui précise que le matin en question, vous parlez de

4 votre réaction, et vous parlez de Philip Jennings, qui était un de vos

5 officiers faisant partie d'une de vos compagnies et de quelques difficultés

6 avec le barrage coutier à Kucani et vous avez contacté Dzemal Merdan à

7 Zenica; vous souvenez-vous de cet incident ? Pourriez-vous nous fournir des

8 éléments à ce propos ?

9 R. Oui. J'étais inquiet parce que ce barrage routier était toujours en

10 place, Monsieur le Président. J'ai envoyé un officier, mais le commandant

11 Jennings n'a pas réussi, et j'étais en colère. Par conséquent, j'ai appelé

12 M. Merdan à Zenica et je lui ai dit que l'ABiH devait certainement en être

13 responsable car le barrage était toujours en place, cela m'empêchait de

14 passer. M. Merdan m'a proposé ses services, il m'a proposé de venir

15 m'aider.

16 Q. M. Merdan est-il venu et comment avez-vous pu trouver une solution à

17 tout ceci ?

18 R. Nous nous sommes rendus ensemble à l'endroit du barrage routier. A ce

19 moment-là, j'ai constaté quelle était la nature du problème. L'ABiH ne

20 recevait pas, n'acceptait pas de prendre les instructions données par M.

21 Merdan à propos du barrage routier. Ensuite, après quelques pourparlers, je

22 suis tombé d'accord avec eux et j'ai insisté pour parle au commandement et

23 je les ai réassurés que je laisserais sur place deux combattants de façon à

24 assurer la sécurité à l'endroit où il y avait le barrage routier. C'est

25 ainsi que j'ai présenté la chose.

Page 15167

1 Q. Donc, il y avait un manque de contrôle, tel que vous le décrivez,

2 puisqu'il s'agissait d'un incident isolé. S'agissait-il de quelque chose

3 que vous avez constatée à d'autres occasions ?

4 R. J'ai vu ceci, j'ai constaté ceci à plusieurs reprises car l'ABiH, dans

5 la région, ne comprenait pas toujours comment l'exercice du commandement.

6 Evidemment, il y avait parfois des échanges un petit peu difficiles et un

7 petit peu houleux lorsque des personnes comme M. Merdan tentait de donner

8 des consignes et des instructions pour demander l'ouverture de ce barrage

9 ou en tout cas d'empêcher la mise en place de ce barrage. C'était des

10 échanges assez houleux, je me souviens, mais ceci était dû au fait que les

11 gens du HVO, les gens de la région défendaient leurs maisons, par exemple.

12 Q. Colonel, pour finir, avez-vous réussi à trouver une solution à cet

13 incident ? Est-ce que le barrage routier a été enlevé, en tout cas remplacé

14 ou avez-vous pu remplacer ce barrage avec les deux combattants que vous

15 avez évoqués plus tôt ?

16 R. Oui. Effectivement, cela a pris un certain temps. Il est vrai que ma

17 colère à l'égard du commandant Jennings était sans fondement et parfois je

18 me sens mal à l'idée d'avoir pu ainsi exprimer ma colère à son égard.

19 Q. Je vous ai demandé, Colonel, de vous tourner à l'intercalaire numéro

20 14. C'est un milinfo daté du 26 janvier numéro 87. Je vous demande de vous

21 tourner à la page 2, en haut, à un passage qui s'appelle "Busovaca".

22 M. BOURGON : [en français] Il s'agit d'un nouveau document. Dans le

23 milinfosum, je demanderais à la Chambre de pouvoir évoquer ce document avec

24 le témoin.

25 Q. [interprétation] Ceci, Colonel, parle de ce qui s'est passé au poste de

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1 contrôle de Kacuni.

2 R. Effectivement.

3 Q. Je vais vous demander de vous reporter à l'intercalaire numéro 15. Ce

4 document porte le numéro 1738. Je vais vous demander de me dire ce que le

5 général Hadzihasanovic fait de ce document. Quel est l'ordre qu'il donne au

6 commandant de la 330e [comme interprété] Brigade.

7 R. Il s'agit d'une instruction très claire donnée à la 330e Brigade, à

8 savoir qu'ils doivent enlever le barrage, empêcher toutes sortes de mauvais

9 comportements, comme le pillage, et avoir une attitude décente par rapport

10 aux représentants de Nations Unies.

11 Q. Saviez-vous jamais que cet ordre a été donné sous cette forme-là ?

12 R. Non, je n'ai pas eu connaissance de ce document par écrit, mais je

13 pense que le commandant ou général - je vais l'appeler général -

14 Hadzihasanovic, en réalité, faisait tout ce qu'il pouvait pour essayer de

15 contrôler la situation.

16 Q. Général Stewart, lorsque vous avez -- vous étiez en Bosnie, le général

17 Hadzihasanovic vous a fait part de quelque chose. Aviez-vous des raisons de

18 croire qu'il n'allait pas tenir sa parole ?

19 R. Le seul moment où il n'était pas en mesure de tenir sa parole, c'est

20 lorsque les gens ne lui obéissaient pas. Mais dans ces circonstances-là, ou

21 dans ces cas-là, il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour s'assurer

22 qu'il puisse tenir sa parole. A ce moment-là, il envoyait Merdan dans la

23 région où un autre officier d'état-major.

24 Q. Colonel, dans votre journal qui est daté du 26 janvier, vers le milieu

25 de la page, une référence, c'est à une réunion, afin de négocier un cessez-

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1 le-feu, qui est présidée par Roddy Cordy-Simpson et à laquelle à pris part

2 M. Merdan et Blaskic.

3 R. Uh-huh.

4 Q. Vous souvenez-vous de cette réunion ?

5 R. Oui.

6 Q. Je vais vous demander de vous tourner à l'intercalaire numéro 16, s'il

7 vous plaît, qui est la pièce P133 et, en regardant ce document, je vais

8 vous demander s'il illustre fidèlement ce qui s'est passé, au cours de

9 cette réunion.

10 R. Oui. Il concorde avec mon journal.

11 Q. Ce que Blaskic a dit à propos de gens qui ont été tués - c'est la

12 raison pour laquelle il a stoppé les négociations - est-ce qu'il le croyait

13 quand il a dit -- vous l'avez cru quand il a dit cela ?

14 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que j'ai été

15 très généreux des objections dans ce qu'il y avait à deux reprises, des

16 questions directrices qui ont été posées ou demander au colonel de faire

17 des commentaires sur des documents, et n'a pas été établi avant de voir ce

18 document, mais simplement ici. Pour le besoin de faire la clarté là-dessus

19 avant qu'il ne réponde, je souhaite qu'il soit établi s'il était présent à

20 cette réunion parce que, d'après ce document, cela n'est pas indiqué. Donc,

21 avant que le général ne fasse quelque commentaire que ce soit, à propos de

22 Blaskic ou à propos de ce que Blaskic ait dit ou ce qu'il pense être vrai,

23 je crois que ce serait mieux que ceci soit établi, par avance.

24 Merci, Monsieur le Président.

25 M. BOURGON : [interprétation]

Page 15170

1 Q. Colonel, donc, avez-vous assisté à cette réunion que vous reconnaissez

2 comme étant -- c'est consigné dans votre journal à la date du 26 janvier ?

3 R. Oui, j'ai assisté à cette réunion. Je suis descendu dans un Warrior

4 jusqu'à Kiseljak.

5 Q. Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé à cette réunion, à savoir si

6 cette réunion a abouti, est-ce que vous avez réussi à parvenir à un accord

7 de cessez-le-feu ?

8 R. Je crois que non. Nous n'avons pas réussi à trouver un accord de

9 cessez-le-feu parce que Blaskic a dit que sept personnes avaient été tuées.

10 Q. Lorsque Blaskic a dit que sept personnes avaient été tuées et que

11 c'était la raison pour laquelle il voulait suspendre la réunion, l'avez-

12 vous cru ?

13 R. Bien. Je ne savais pas, à vrai dire, je ne sais pas, vous savez. Je ne

14 sais pas si sept personnes avaient été tuées et quel genre de personnes

15 avait été tué. Mais, en tout cas, c'est la raison qui a été invoqué pour

16 arrêter la réunion.

17 Q. Vous souvenez-vous de ce que Roddy Cordy-Simpson a -- quelle a été sa

18 réaction lorsqu'il s'est agi -- lorsqu'il était question de suspendre la

19 réunion ?

20 R. Il souhaitait poursuivre la réunion et obtenir un cessez-le-feu coûte

21 que coûte.

22 Q. Quelle était la conclusion, à la fin de cette réunion ?

23 R. Je crois que nous avons dit que nous pourrions nous réunir le

24 lendemain.

25 Q. Ce document à l'intercalaire numéro 16, document P133, illustre-t-il

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1 fidèlement ce qui s'est passé au cours de la réunion ?

2 R. Oui, parce que le général Cordy-Simpson insistait pour que les

3 négociations repartent quelles que soient les rapports qui arrivaient sur

4 la mort de six [comme interprété] personnes. Il insistait pour que la

5 réunion puisse se tenir le lendemain.

6 Q. Bien, Colonel. Dans votre journal, il est indiqué que ce jour-là, il

7 était difficile de rentrer, il était difficile pour vous de raccompagner

8 Dzemal Merdan jusqu'à Zenica. La question que je vous pose est celle-ci :

9 au cours de ce voyage à Zenica, vous êtes-vous entretenu avec Dzemal Merdan

10 sur les allégations faites par Blaskic, lors de cette réunion et si c'est

11 le cas; est-ce que Dzemal Merdan a évoqué quoi que ce soit, à cet égard ?

12 R. Cela ne figure pas dans mon journal, Monsieur le Président. Il est fort

13 probable que je l'aurais mentionné, mais, à vrai dire, je ne peux pas dire

14 que je l'ai consigné. C'est tout ce que j'ai pu dire, puisque je me repose

15 sur ma mémoire. En général, il est vrai que je consignais ce genre de

16 choses. Mais je ne me souviens pas avoir consigné cela.

17 Q. Vous souvenez-vous d'autres propos qu'aurait tenu Dzemal Merdan, à

18 cette occasion ?

19 R. Bien, sa réaction normale était de dire qu'il allait mener une enquête

20 et je l'ai cru.

21 Q. Donc, nous allons descendre un peu plus bas au niveau de ce document.

22 Regardez la date du 27 janvier dans votre journal. Mention est faite ici

23 d'une seconde réunion qui a eu lieu le 27 janvier. Vous rappelez-vous cette

24 réunion ?

25 R. Oui.

Page 15172

1 Q. Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé lors de cette réunion ?

2 R. Nous sommes parvenus à un accord de cessez-le-feu et Blaskic semble

3 avoir changé d'idée sur ce point, un petit peu, à savoir que sept personnes

4 avaient été tuées.

5 Q. Vous souvenez-vous de ce qu'a dit, si Merdan a pris la parole, de ce

6 qu'il a dit au cours de cette réunion ?

7 R. Non, je ne me souviens pas. Je dois dire qu'il est très difficile, pour

8 moi, de me souvenir de tous les détails, Monsieur le Président, datant de

9 cette époque. Même en tentant d'arriver à cet endroit, nous avons fait

10 l'objet d'attaques, à plusieurs reprises et plusieurs fois par jour. Je ne

11 sais pas qui était à l'origine de cela.

12 Q. Bien, Colonel. Je souhaite maintenant porter -- que vous teniez votre

13 attention à l'intercalaire numéro 17, qui est le document DH0664. La

14 première question, c'est quelque chose qui m'a peut-être échappé, au début.

15 Pourriez-vous dire à la Chambre de première instance, s'il vous plaît, qui

16 était Roddy Cordy-Simpson ?

17 R. A l'époque, le brigadier Roddy Cordy-Simpson était le chef d'état-major

18 du général Morillon. Le général Morillon était le commandant français des

19 Nations Unies en Bosnie et le général Roddy Cordy-Simpson était l'officier

20 britannique qui était rattaché au commandement du général Morillon.

21 Q. Bien, Colonel. Donc, il s'agit du procès-verbal de la réunion qui s'est

22 tenue le 27 janvier. Avez-vous assisté à cette réunion ? S'agit-il de la

23 réunion qui fait référence, en bas de la page, et qui parle du 27 janvier

24 en bas de votre journal ?

25 R. Oui, effectivement.

Page 15173

1 Q. Pourriez-vous regarder ce document, s'il vous plaît, et voir si ceci

2 peut vous rafraîchir la mémoire, savoir ce qui a été dit par les deux

3 parties, au cours de cette réunion ?

4 R. Je crois qu'au cours de cette réunion, Dzemal Merdan a préparé un

5 rapport et a dit qu'il pensait que sept soldats du HVO avaient été tués et

6 il ne s'agissait pas de négociations de cessez-le-feu en tant que telles,

7 il s'agissait d'un échange de prisonniers plutôt et qu'il s'agissait plutôt

8 d'une escarmouche au cours de laquelle il y avait eu des combats. Il a

9 rédigé, préparé ce rapport et il a dit que sept ont été tués -- sept

10 personnes ont été tuées.

11 Je crois que c'est ainsi que les choses se sont passées. C'est en tout cas

12 ce dont je me souviens, car je n'arrive pas à lire ce qui est en bas de la

13 page ici.

14 Q. Bien, Colonel. Je vais maintenant vous demander de tourner votre

15 attention à la page de ce document, plus particulièrement les paragraphes 8

16 et 9. Au paragraphe 8, il est précisé que toutes les parties ont signé

17 l'accord et en annexe A, après la signature de cet accord, les trois

18 parties, en présence, ont informé la presse de cet aboutissement. Vous

19 souvenez-vous que la réunion s'est terminée ainsi ?

20 R. Oui.

21 Q. Au paragraphe 9, il est indiqué qu'au cours de la pause, les

22 négociations ont été mises en danger par l'allégation présentée par le HVO,

23 précisant que Busovaca -- entre Busovaca et Fojnica, il y avait eu des

24 incendies et du pilonnage. Après vérification rapide de ces rumeurs par les

25 forces des Nations Unies dans ces villages ont clairement indiqué, prouvé

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1 que ceci était tout à fait sans fondement. Le HVO a, donc, accepté de

2 poursuivre les négociations.

3 Vous souvenez-vous que les choses se sont passées ainsi ou comment ceci

4 s'est passé après qu'il y ait eu une pause, au cours de cette réunion ?

5 R. Ceci constituait ma zone opérationnelle, Monsieur le Président, et j'ai

6 donc parlé à la radio et j'ai parlé -- et j'ai pris la parole concernant ma

7 zone de responsabilités, la zone internationale. Je voulais clairement

8 faire un -- rapporter ce qui est passé dans cette région ? La réponse a été

9 : non, les choses ne se sont pas passées comme cela. J'ai immédiatement

10 indiqué aux participants de la réunion que, d'après moi, rien ne s'était

11 passé, et la réunion s'est poursuivie.

12 Q. Bien. Cette allégation présentée par le HVO, était-ce la même que celle

13 qui concernait les sept personnes à Dusina, ou s'agissait-il d'un incident

14 différent ?

15 R. Non, c'est une question différente.

16 Q. Dans votre journal, en bas de la page, en date du 27 septembre --

17 R. Janvier.

18 Q. Janvier, pardonnez-moi. C'est la deuxième fois que je fais cette

19 erreur, si ce n'est plus. On a fait état d'atrocités ou d'exactions

20 alléguées commises par les Musulmans de Bosnie ou de l'ABiH. Vous souvenez-

21 vous avoir fait mention de ceci dans votre journal ?

22 R. Lorsque j'utilise le terme "performance," j'entends histoire, quelque

23 chose qui a ses problèmes, quelque chose comme cela. Pour être tout à fait

24 honnête, je ne sais pas si ce terme de "performance" fait référence aux

25 meurtres des sept soldats du HVO ou s'il s'agit de l'événement concernant

Page 15175

1 l'incendie ou l'attaque de Busovaca, mais cela doit être un des deux.

2 Q. Au paragraphe 11, à la page suivante de ce document, on parle ici de la

3 mise en place d'une commission mixte.

4 R. Oui.

5 Q. Vous souvenez-vous qui était derrière cette idée et qui voulait mettre

6 en place cette commission mixte, et comment ceci a été mis en place ?

7 R. Vous savez, je ne sais pas qui a eu cette idée-là. C'était peut-être

8 mon idée, c'était en tout cas une bonne idée, mais saurait pu tout à fait

9 venir de quelqu'un d'autre. La commission avait pour but de visiter

10 l'endroit pour essayer de comprendre véritablement ce qui s'était passé

11 lors de ces différents incidents, pour essayer d'éviter qu'il y ait des

12 frottements entre le HVO et l'ABiH, et qu'il n'y ait pas de conflits entre

13 les deux.

14 Q. Bien, Colonel. Le paragraphe 11, il est précisé que la commission

15 devrait être mis en place à partir du 28 janvier, qu'ils doivent sillonner

16 la région où on avait allégué qu'il y avait des difficultés et des

17 problèmes, qu'ils devaient faire un rapport lors de la réunion du 30

18 janvier. Vous souvenez-vous de ce qui a été dit à ce moment-là ? Est-ce que

19 c'est, effectivement, ce que l'on vous a dit à propos de la commission

20 mixte ce jour-là ?

21 R. Je me souviens de tous, sauf de la date dans mon esprit. Mais la date,

22 je ne peux pas la confirmer, que nous soyons tombés d'accord le 30 janvier.

23 Mais c'est exactement comme cela qu'ils souhaitaient que les choses se

24 passent. Ceci avait été mis en place rapidement. Nous voulions pouvoir agir

25 avec suffisamment d'autorités depuis le haut de la hiérarchie. Nous

Page 15176

1 voulions, pour être tout à fait honnête, nous ne voulions pas être

2 impliqués dans tout ceci parce que je n'avais plus beaucoup d'officiers

3 sous mes ordres. Je voulais que la MCCE s'en charge. A cette fin-là, j'ai

4 mis à leur disposition un certain nombre de véhicules, mais je ne voulais

5 pas que mes officiers soient envoyés en mission pour ce genre de tâches. Je

6 crois que nous avions déjà suffisamment déployé nos ressources.

7 Q. Vous souvenez-vous du fait qu'il était censé vous faire des rapports

8 sur ce 30 janvier après avoir rendu visite à ces différents endroits où il

9 y avait, semble-t-il, eu des violations ?

10 R. Oui, absolument, vous dites le 30 janvier. Je vois que c'est le 30

11 janvier. Je peux confirmer que c'était le cas. Mais je ne me souviens pas

12 de la date du 30 janvier, mais tout le reste est tout à fait précis dans

13 mon esprit.

14 Q. Bien. Vous parlez de rapports qui ont été faits par M. Merdan eu égard

15 à ces sept personnes qui ont été tuées. Vous avez dit un peu plus tôt qu'il

16 a dit que ces personnes avaient été tuées au cours d'un combat, et non pas,

17 au cours d'un échange de prisonniers. Est-ce que vous avez cru ce que M.

18 Merdan disait à ce moment-là ?

19 R. Oui. Oui, parce que le HVO l'avait allégué, et que M. Merdan l'avait

20 confirmé. Pourquoi ne devrais-je pas croire ceci si les deux côtés, les

21 deux parties étaient d'accord là-dessus ?

22 Q. Je crois qu'il y a là une différence simplement sur le fait que le HVO

23 disait qu'un crime avait été commis, et M. Merdan disait qu'aucun crime

24 n'avait été commis.

25 R. Bien.

Page 15177

1 Q. Alors, quel est votre point de vue là-dessus ?

2 R. Mon point de vue était que j'étais très préoccupé par le fait que des

3 civils étaient en train de mourir. Là, il s'agissait de soldats, et

4 apparemment, il y a eu un échange de tirs entre les deux côtés qui avait

5 l'habitude de se tirer dessus, et cela, c'est quelque chose qui était de

6 notoriété publique. Je n'avais pas le temps, je ne pouvais pas consacrer

7 mon temps à cette affaire-là. Nous avions mené une enquête dans la mesure

8 du possible des deux côtés. Il est vrai que j'avais des questions plus

9 pressantes à gérer à ce moment-là. Je ne pouvais pas explorer ceci plus en

10 détail. Même avec les observateurs de l'Union européenne, après tout,

11 puisque M. Merdan faisait partie de ce groupe-là, et si le général

12 Hadzihasanovic était disposé à autoriser son adjoint pour enquêter sur

13 cette affaire, c'était à une époque où de part et d'autre, tout le monde

14 travaillait beaucoup, manquait de sommeil. C'est vrai qu'on mettait la

15 barre très haute, très honnêtement. Ceci ne satisfait Blaskic, qui a nommé

16 son commandant en second, à un moment où lui-même manquait de sommeil. Il

17 était impossible de penser qu'il pouvait rester éveiller toute la journée.

18 Q. La réunion du 30 janvier, vous souvenez-vous de cette réunion ? Vous

19 vous en souvenez peut-être, la date du 30 janvier ? C'est la réunion que

20 vous avez présidée. Vous souvenez-vous de cette réunion si vous regardez

21 vos notes ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous souvenez-vous comment cette réunion a été organisée ?

24 R. Oui. Je l'ai présidée, Monsieur le Président, et j'ai demandé à M.

25 Jeremy Fleming de la MCCE, qui dirigeait la commission, de préparer un

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1 rapport.

2 Q. Ce rapport, est-ce qu'on lui avait demandé de le préparer en vue de

3 cette réunion du 27 ?

4 R. Oui.

5 Q. Je vais vous demander de vous tourner à l'intercalaire numéro 18,

6 document P922. C'est sans doute -- vous avez vu ce document avant la pause.

7 Je vous demande de regarder le rapport rédigé par M. Fleming, à la page 2

8 et, plus précisément, le fait qu'au troisième paragraphe en bas, il est

9 précisé : "Il a visité la ville de Busovaca."

10 R. Oui, je vois, effectivement.

11 Q. D'après vous, M. Fleming, sa commission a-t-elle rendu à Dusina et le

12 rapport a-t-il été rédigé sur ce qu'ils ont vu à Dusina ?

13 R. Oui. Je crois qu'une des patrouilles a visité Dusina, sans doute, en

14 compagnie de M. Fleming. Je crois que c'était le cas.

15 Q. Lorsque ce rapport a été remis, aviez-vous des doutes sur le fait que

16 ces sept personnes aient véritablement été tuées, et qu'il s'agissait d'un

17 crime, ou plutôt qu'elles aient été tuées au cours d'un combat ?

18 R. Je crois -- bon, il pourrait s'agir d'un acte criminel. En Bosnie

19 centrale, à vrai dire, c'était certainement un crime que ces personnes

20 aient été tuées, à savoir, si c'est un crime sur lequel nous pouvions agir,

21 c'est une autre question. Puisque les corps, apparemment, avaient été

22 emmenés par un sergent, je crois, de mon propre groupe de combat. Cela ne

23 fait aucun doute que ces personnes ont été tuées.

24 Q. Mais ces personnes sont -- qui est ce sergent Kujawinski ?

25 R. Oui.

Page 15179

1 Q. Pourriez-vous nous dire qui est cet homme ?

2 R. C'était un des sergents de mon peloton, de mon groupe de combat. Je

3 crois qu'il s'y est rendu lui-même.

4 Q. Puis-je maintenant vous demander de porter votre attention sur votre

5 journal, Colonel, daté en date du 30 janvier. Je vous demande de parcourir

6 rapidement cette partie-là qui concerne la réunion.

7 R. Je l'ai lu.

8 Q. Il s'agit bien de l'incident qui implique le sergent ou cet incident à

9 Dusina que vous avez évoqué un peu plus tôt ?

10 R. Pardonnez-moi, c'est confus. Je ne suis pas très sûr. Je crois que le

11 sergent a peut-être participé à Miletici plus tard. Pardonnez-moi, Monsieur

12 le Président. Il y a eu tellement d'incidents. Je ne suis qu'un officier

13 d'infanterie.

14 Q. Alors, pour ce qui est de cet incident à Dusina, ces sept personnes --

15 Colonel, simplement, pouvez-vous confirmer -- nous dire qu'est-ce que vous

16 croyiez, à ce moment-là, lorsque cette réunion s'est terminée le 30 ? Est-

17 ce que vous étiez satisfait de l'enquête qui avait été menée, avec les

18 résultats de cette enquête ?

19 R. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi sept personnes avaient été tuées.

20 Je pense que c'était sans doute l'œuvre d'un Moudjahiddine. Il n'y avait

21 aucune raison pour que -- je n'aie pas eu le temps de mener une enquête,

22 mais j'ai certainement pensé que l'ABiH -- bon, sept personnes tuées, vous

23 savez, c'est presque une attaque délibérée. Savez-vous, une ou deux

24 personnes ont été tuées au cours d'un échange de feu. Sept personnes, cela

25 ressemble plutôt à un massacre.

Page 15180

1 Q. Si je puis vous faire revenir en arrière, Colonel, simplement sur le

2 récit de M. Merdan, parce que vous avez dit que vous étiez satisfait du

3 récit de M. Merdan. Je vous demande simplement de vous assurer que vous

4 n'êtes pas en train de mélanger différents incidents.

5 R. Je suis tout à fait certain de ne pas mélanger différents incidents,

6 car il y a beaucoup d'incidents. Pardonnez-moi, Monsieur le Président, je

7 crois que vous avez peut-être pensé que le rapport de M. Merdan a été

8 quelque chose que j'ai accepté, et peut-être que je fais référence ici à un

9 autre incident qui a eu lieu quelques jours plus tard.

10 M. WAESPI : [interprétation] Oui. Simplement, le seul point qui peut-être a

11 semé le trouble dans notre esprit en tout premier lieu, c'est lorsqu'il

12 parle de son journal. Peut-être qu'il pourrait lire les extraits de son

13 journal. Je sais que mon éminent confrère souhaite gagner du temps, donc

14 simplement pour lui permettre de rafraîchir -- du témoin de rafraîchir la

15 mémoire parce que nous avons ce journal à disposition, et je n'ai pas

16 d'objection à cet égard, si vous le présenter comme élément de preuve.

17 Je crois qu'il a déjà témoigné sur ce que Merdan lui a dit, à savoir s'il a

18 également donné son point de vue sur ce que Merdan lui a dit. Simplement,

19 on reparle de la même chose donc je ne pense pas que ce soit très utile.

20 M. BOURGON : [en français] Merci, Monsieur le Président.

21 Q. [interprétation] Donc, nous allons poursuivre et passer à la réunion du

22 30 et cet accord auquel vous êtes parvenu. Vous souvenez-vous de cette

23 réunion qui a eu lieu le 1er février ?

24 R. En présence du général Morillon ?

25 Q. Oui. Si vous voulez bien regarder votre journal, peut-être que nous

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1 pourrions lire le paragraphe dans votre journal, qui porte sur cette

2 réunion en question. Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agissait ?

3 R. J'ai le plus grand respect pour le général Morillon, et dans ce

4 paragraphe que j'ai écrit, je n'ai pas été très poli à son égard. Je peux

5 le répéter, mais je ne vois aucune raison de le faire. Il s'agissait là

6 d'une très courte réunion pour essayer d'établir un accord de cessez-le-

7 feu.

8 Q. Quel était le but de cette réunion du 1er février, et d'après vous, qui

9 y a été ?

10 R. Blaskic, Hadzihasanovic, le général Morillon, et moi-même, et mon

11 successeur y était, Alistair Duncan.

12 Q. Mon Colonel, je vous demanderais maintenant de regarder l'onglet 21. Il

13 s'agissait de la pièce à conviction P137. Pourriez-vous me dire si, d'après

14 ce document, vous pouvez voir qui étaient les personnes présentes à la

15 réunion.

16 R. Il s'agit là de la même réunion. Dans mon journal, je n'avais pas la

17 liste complète. Excusez-moi.

18 Il s'agit d'une réunion pour confirmer qu'il y ait un accord de cessez-le-

19 feu entre l'ABiH et du HVO, et que ce cessez-le-feu soit maintenu. Il

20 devait être colonel en route là, et on avait continué pour essayer

21 également de résoudre les problèmes en cas -- si de tels problèmes

22 apparaissaient.

23 Q. Vous avez mentionné M. Merdan. Comment a-t-il réagi ? Quelle était sa

24 façon de réagir en général ?

25 R. Parfois, il connaissait les allégations déjà. Mais, en général, la

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1 façon dont il réagissait, c'était de dire qu'il avait enquêté, et je lui ai

2 toujours cru. J'ai conseillé, à chaque fois, qu'il devait enquêter, et si

3 possible, traîner les responsables devant la justice.

4 Q. Est-ce que c'était une assurance que vous avait donnée le général

5 Hadzihasanovic ?

6 R. Je ne peux pas me souvenir d'une date précise, mais je me souviens de

7 cela lors de mes réunions avec le général Hadzihasanovic.

8 Q. Regardez maintenant l'onglet 24, pièce à conviction P138. Vous avez

9 peut-être regardé cet ordre pendant la pause. Pourriez-vous le regarder une

10 fois de plus et nous dire de quoi parle cet ordre émis par le général

11 Hadzihasanovic à toutes les brigades, daté du 3 février.

12 R. Il s'agit là d'une notice où l'on demande à tous les commandants de

13 respecter la loi. C'est adressé à toutes les unités du 3e Corps d'armée, et

14 on parle de l'emprisonnement de civils, des pillages ou des incendies,

15 disant que ce sont des choses inacceptables, qu'elles ne devaient pas avoir

16 lieu, et que les commandants qui les admettaient seront tenus responsables.

17 Q. Est-ce que c'était là une réaction normale et habituelle dont vous vous

18 attendriez des commandants en Bosnie-Herzégovine ?

19 R. C'était normal venant du général Hadzihasanovic. Quant à ses officiers,

20 ils avaient peut-être entendu parler de Genève uniquement comme d'une ville

21 en Suisse, étant donné qu'ils n'étaient des militaires. Mais je suppose que

22 cet ordre a été suivi.

23 Q. Si je vous donne lecture du troisième paragraphe : "Demander à ce que

24 tous ces événements soient enregistrés et notés, et qu'on se tienne à une

25 action devant la justice en bonne et due forme."

Page 15183

1 R. Je pense que oui.

2 Q. Est-ce que c'était normal pour le général Hadzihasanovic ?

3 R. Oui, est cela montre que c'est un homme de qualité.

4 Q. Dans un autre ordre : "Il faut que les commandants des brigades, unités

5 indépendantes, et les états-majors de Défense au niveau municipal, soient

6 responsables." Qu'est-ce que cela veut dire qu'il faut : "Qu'ils soient

7 tenus pour responsables" ?

8 R. Il faut que l'état de droit et les règles de la guerre, donc en cas où

9 il y a eu violation de telles règles, il fallait que les commandants soient

10 tenus pour responsables. Il fallait que les commandants soient responsables

11 pour les actions des personnes qui lui sont subordonnées. Cela ne voulait

12 pas dire qu'ils -- mais qu'ils doivent être tenus responsables.

13 Q. Est-ce que c'est quelque chose qui vous surprend, ou c'est quelque

14 chose qui est tout à fait -- qui cadre tout à fait avec ce que vous saviez

15 sur le 3e Corps d'armée ?

16 R. Cela cadre tout à fait avec ce qui se passait avec le 3e Corps d'armée.

17 Je ne suis pas surpris, mais je suis vraiment ravi de le voir par écrit.

18 Q. Si. Quand on parle de plus de 1 000 soldats du 3e Corps d'armée qui ont

19 fait partie des enquêtes pénales dans ce 3e Corps d'armée, est-ce que vous

20 sauriez surpris qu'il y en avait eu 1 000 ?

21 R. Oui, je serais surpris.

22 M. WAESPI : [interprétation] Tout à fait il est impossible pour ce témoin

23 de répondre à la question. Il devrait connaître quels étaient les crimes et

24 délits imputés à ces personnes donc il ne peut pas répondre à la question.

25 M. BOURGON : [interprétation]

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1 Q. Je peux être plus précis dans ma question, et dès que j'en aurai la

2 possibilité, je vous montrerai un document. Dans ce document, on parle de

3 plus de 1 000 soldats qui ont fait l'objet de différentes enquêtes pénales

4 pour des crimes ou délits qui allaient de pillages, meurtres, incendies, et

5 cetera. Vous m'avez dit que vous seriez surpris si que telle avait été la

6 situation. Pourquoi ?

7 R. Parce qu'il y avait tellement de choses qui se passaient à l'époque et

8 ce qui m'étonne c'est le nombre de soldats que vous évoquez. Cela serait à

9 peu près un quart du corps d'armée, qui dénombrait peut-être 100 000 [comme

10 interprété] soldats, mais, en tout cas, ce que cela démontre, c'est qu'il y

11 avait un certain type de contrôle sur les agissements des soldats et qu'on

12 attendait quelque chose des commandants.

13 Q. Qu'est-ce que cela vous dit de l'attitude du général Hadzihasanovic,

14 quant aux façons dont les rapports doivent être compilés ?

15 R. Le général Hadzihasanovic est quelqu'un qui est très méthodique.

16 C'était un commandant qui était réellement sous pression. S'il avait pu, il

17 aurait tout mis par écrit pour que les gens n'aient pas d'illusions quant à

18 ce qu'on attendait d'eux. S'il avait pu le faire, mais je pense qu'il n'a

19 sans doute pas eu beaucoup de temps.

20 Q. Passons maintenant aux événements du mois d'avril 1993. C'est des

21 événements que vous avez consignés dans votre journal. Je vous demande,

22 plus précisément, de regarder la date du 15 avril, il s'agit-là du

23 kidnapping de Totic, commandant du HVO. Vous souvenez-nous de cet incident

24 et que pourriez-vous nous en dire ?

25 R. Je me trouvais à Travnik, j'étais à pied, c'était l'après-midi et

Page 15185

1 j'étais donc dans la ville, je me promenais et j'ai entendu ce message,

2 j'ai reçu ce message par radio qui disait qu'un commandant des brigades du

3 HVO avait été capturé ou pris en tant qu'otage ou quelque chose dans ce

4 sens-là, à Zenica. Je suis rentré tout de suite dans mon quartier général,

5 à cinq ou six miles plus à l'est, à Vitez, et j'ai reçu un message de

6 l'ambassadeur Thébault du MCCE, et il m'a demandé de venir immédiatement à

7 Zenica pour assister à une réunion qu'il était en train de tenir parce

8 qu'ils avaient besoin de ma présence.

9 Q. Vous souvenez-vous qui était présent à la réunion ?

10 R. L'ambassadeur Thébault, c'est sûr, aussi général Merdan et le chef de

11 police. Je pense qu'il y avait également le maire de Zenica. Mais, je suis

12 arrivé en retard parce que la réunion avait déjà commencé. Je pense qu'elle

13 avait eu lieu à l'hôtel Internacional.

14 Q. Vous souvenez-vous de quelque de particulier qui s'était passée pendant

15 la réunion ou de votre intervention ?

16 R. Oui, j'ai demandé à Dzemal Merdan de résoudre la question tout de

17 suite. J'ai fait probablement une hypothèse incorrecte en assumant que

18 c'était l'ABiH qui avait quelque chose à voir dans la matière ou qui avait

19 le contrôle de la situation.

20 Il y a déjà deux, trois personnes mortes à la suite de cette prise d'otage.

21 J'ai dit à Merdan qu'il ne suffisait pas de mener une enquête policière,

22 qu'il fallait que nous y mettions tous pour résoudre cette situation tout

23 de suite parce que, d'après les renseignements, d'après mes cellules de

24 renseignements, la Bosnie centrale allait s'enflammer et il aurait pu avoir

25 une éruption de violence comme c'était en Zelka [phon].

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1 Q. Le général Merdan, qu'est-ce qu'il vous a dit quand vous avez lui

2 demandé de contrôler la situation ?

3 R. Je pense qu'il m'avait dit que cela serait très difficile et

4 implicitement, il m'avait dit qu'il n'avait pas de contacts avec ces gens-

5 là. Je lui ai dit, mais vous devez avoir un contact avec ces gens-là.

6 Q. Vous a-t-il répondu ?

7 R. Je ne sais pas.

8 Q. Vous souvenez-vous de ce qu'il s'est passé le lendemain, le 16 avril ?

9 R. Bien sûr que je me souviens de ce qu'il s'est passé le 16 avril.

10 C'était une journée de désastres. Un grand nombre de personnes ont été

11 tuées ce jour-là, dans la vallée de la Lasva. Dans le courant d'une attaque

12 qui s'est passée surtout dans le village d'Ahmici, mais aussi plus loin,

13 vers, dans la direction de Busovaca et vers Vitez. C'était un vrai

14 désastre.

15 Q. Vous souvenez-vous de ce que vous avez fait, personnellement, ce jour-

16 là ? Si vous le souhaitez, vous pouvez consulter votre journal. Ce qui nous

17 intéresse, quelle action avez-vous entreprise ce jour-là ?

18 R. Je n'ai pas besoin de mon journal. Je me trouvais au mauvais endroit,

19 j'étais à Zenica A 5 heures du matin, j'ai été réveillé par un message de

20 mon commandant en second qui me disait que toute la Bosnie centrale

21 semblait s'embrasée, et je lui ai dit, tout de suite, que j'allais revenir,

22 mais j'étais pris au piège de l'autre côté de ligne de front. En tout cas,

23 il m'a suggéré d'attendre, que le jour se lève, et au point de contrôle de

24 l'ABiH à Zenica, ils ne voulaient pas réellement me laisser passer. J'ai

25 insisté et ils m'ont, avec beaucoup de réticence, laissé passer. J'ai passé

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1 trois points de contrôle. Deux d'entre eux étaient minés. J'ai fait déplacé

2 les mines.

3 Toujours est-il qu'au bout de trois quarts d'heure, j'ai rejoint mon

4 bataillon, là où il y avait le point de contrôle du HVO, au pied d'une

5 route de montagne, au début de la vallée de la Vasla, à l'entrée de la

6 vallée de Vasla. J'ai pris mon Land Rover et je suis allé à Vitez pour

7 essayer de trouver Blaskic. Après, je suis retourné à Zenica pour essayer

8 de voir ce qui s'était passé avec l'histoire de Totic et j'ai passé presque

9 toute la journée en faisant des allers retours.

10 Q. Dans quel but vous êtes-vous rendu à Vitez ?

11 R. Je voulais parler avec le commandant du HVO pour savoir ce qui s'était

12 réellement passé. J'ai vu beaucoup de corps sur les collines. J'étais tout

13 seul. Je voulais empêcher que les combats continuent du point de vue du HVO

14 et peut-être que la raison de ces combats, c'était la capture de Totic et

15 Merdan savait cela, il était au courant de ce qui s'était passé.

16 La capture de Totic était peut-être soit un catalyseur ou peut-être la

17 vraie raison ou peut-être un prétexte pour l'incident, je ne sais pas, mais

18 ce qui est sûr, c'est que le HVO était prêt à attaquer le soir du 15 avril.

19 Q. Vous avez déjà fait beaucoup de commentaires dans les procès concernant

20 Ahmici, mais, vous avez dit qu'il s'agissait, à l'époque vous avez dit

21 qu'il s'agissait d'une attaque planifiée et bien coordonnée.

22 R. Je peux le confirmer.

23 Q. Regardons maintenant, à nouveau, le 16 avril, au moment où vous étiez

24 de retour à Zenica. Est-ce que vous vous souvenez d'une réunion ?

25 R. Avec l'ambassadeur Thebault, je suis allé à une réunion pour essayer de

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1 voir où pouvait se trouver Totic.

2 Q. Vous souvenez-vous si le général Merdan était présent à la réunion ?

3 R. Je ne me souviens pas comme cela. Je ne le vois pas écrit dans mon

4 journal mais sans aucun doute, il aurait dû y être.

5 Q. Vous souvenez-vous d'une conversation que vous avez pu avoir avec lui

6 où vous évoquiez les personnes qui auraient pu capturer Totic ?

7 R. Sans doute j'en ai parlé avec l'ambassadeur Thébault avec le maire de

8 Zenica, le chef de police et avec Merdan. Je suis sûr qu'on en avait parlé

9 et que j'avais demandé qu'il était impératif de faire en sorte que Totic

10 revienne.

11 Q. De quoi en parlait Merdan en relatif aux personnes qui, semblait-il,

12 avaient kidnappé Totic ?

13 R. Il ne m'a pas donné de réponse satisfaisante. Il semblait ne pas être

14 en mesure de me donner une réponse.

15 Q. Quelle a été votre réaction ?

16 R. J'étais furieux, à vrai dire. J'étais furieux parce que les gens

17 mourraient partout et je pensais que c'était absurde. Je pensais qu'il

18 était absurde et je me suis posé la question : mais pourquoi quelqu'un le

19 ferait ? Bien sûr, à l'époque, je ne comprenais pas complètement, il semble

20 que cela aurait pu être les Moudjahiddines.

21 Q. Avant de parler des Moudjahiddines, est-ce que vous avez réussi à

22 obtenir un cessez-le-feu, le 16 avril ? Est-ce que vous avez tenu réunion

23 dans le but d'assurer un cessez-le-feu, le 16 avril ?

24 R. Je ne me souviens pas. Je me souviens que j'avais placé mon

25 [imperceptible] pour essayer de séparer les deux parties. Je les ai mis

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1 dans la route, en plein milieu de la nuit, ce qui était très dangereux

2 parce qu'ils préfèrent attaquer par les deux côtés. Mais, pour le 16 avril,

3 je ne me souviens pas, je regarde dans mon journal. Nous avons tenu une

4 réunion à Zenica. Le lendemain, je crois que je suis allé avec la MCCE et

5 le HCR, à nouveau, à Vitez.

6 Q. Avez-vous réussi à faire -- à obtenir un cessez-le-feu ?

7 R. Très probablement, mais c'était probablement mon commandant en second.

8 Q. Pourriez-vous maintenant regarder à ce document ? Pourriez-vous nous

9 dire quelle est la teneur de ce document ? Le document émis par le

10 commandant de la zone opérationnel de Bosnie Centrale et portant sur le

11 cessez-le-feu.

12 R. Il s'agit là d'un représentant de l'ONU qui était probablement dû à mon

13 commandant en second, mais je pense qu'il s'agissait là du 16 avril. Je ne

14 pense pas que j'ai été présent à la réunion. On mentionne également, ici,

15 Cerkez qui devait être présent à la réunion, donc, cela veut dire que la

16 réunion aura eu lieu à Vitez et j'ai passé la journée à sur la route de

17 Zenica.

18 Q. Pourriez-vous maintenant regarder la troisième partie du document et

19 nous dire quelle en est la teneur ?

20 R. C'est un ordre qui date de l'après-midi du [imperceptible] qui -- il y

21 a Blaskic qui demande un cessez-le-feu, donc cela date de 16 heures. Mais à

22 15 heures, une heure auparavant donc, Blaskic dit : "Ne procédez pas au

23 cessez-le-feu." Donc, il y quelque chose qui se contredit ici.

24 Q. De quoi est-ce qu'il y a dans ses instructions ?

25 R. Il y a quelque chose ici, en anglais, que je ne comprends pas. Il dit :

Page 15190

1 "Tenez cela près de la main."

2 Q. Comment est-ce que vous réagissez en voyant un tel document émis par le

3 commandant de la zone opérationnel de Bosnie Centrale ?

4 R. Il s'agit de quelque chose de faux, une tricherie. Le problème, ici,

5 c'est que sur les deux ordres, il y a deux heures qui sont différentes : 15

6 heures et 16 heures. Il faudrait que ce soit l'inverse.

7 Q. Mon Colonel, passons maintenant au 24 avril 1993. Si vous pouviez

8 regarder dans votre journal, qu'est-ce que vous avez écrit, à cette date-

9 là ? Dites-nous si vous aviez eu des réunions, ce jour-là, ou qu'avez-vous

10 fait, le 24 avril ?

11 R. J'ai commencé par aller à Santic et à Pero Skopljak, qui étaient des

12 officiers du HVO, qui se trouvaient dans le bâtiment du PTT de Vitez. Je

13 les ai informés, en effet, que, d'après moi, ce qui s'était passé à Ahmici,

14 c'était une honte. Voilà ce dont se trouvaient maculés de honte les Croates

15 de Bosnie et que ceci n'est autre chose qu'une catastrophe pour la

16 politique des Croates de Bosnie, que cet événement devait être objet d'une

17 investigation le plus tôt possible, de concert et conjointement avec les

18 Bosniens, sous forme de commission.

19 Après quoi, je me suis rendu auprès de Blaskic, à l'Hôtel Vitez, pour lui

20 faire comprendre que ceci a eu bien lieu dans la zone d'opérations, ce qui

21 s'était placé sous son contrôle, ce dont il était d'accord et je lui avais

22 dit, notamment, que quelque chose de très positif devrait être fait, après

23 coup. Je lui avais dit que je m'étais mis en contact avec le conseil de

24 Sécurité de l'ONU et je leur avais demandé, évidemment, de se rendre sur

25 place, pour faire une enquête.

Page 15191

1 Q. Est-ce que vous vous rappelez que quelqu'un du conseil de Sécurité

2 s'était rendu en Bosnie Centrale, en date du 24 avril ?

3 R. Je ne sais pas s'ils se sont rendus en Bosnie Centrale. Je sais

4 seulement que j'avais envoyé un message au représentant permanent du

5 conseil de Sécurité et, pour ma part, je crois qu'ils devaient se rendre en

6 visite de Sarajevo. Je leur ai demandé de se rendre également à mon

7 commandement.

8 Q. Est-ce qu'ils l'ont fait ?

9 R. Oui.

10 Q. Dans quelles circonstances ? Comment cela a eu lieu ?

11 R. Je crois que ceci a dû avoir lieu dans les journées qui ont suivi, mais

12 je ne suis pas tout à fait sûr, pas précis.

13 Q. Est-ce que vous vous rappelez avoir fait la visite de quelques

14 localités et ce, de consort avec ces représentants du conseil de Sécurité ?

15 R. Oui. J'en ai présenté, également -- j'en avais à présenter, également,

16 une information là-dessus, à mon QG. Il y avait, donc, le représentant du

17 conseil de Sécurité, ensuite, l'ambassadeur. J'ai pu informer ces gens-là,

18 de ce qui se passait, dans mon bureau, d'ailleurs. Je les ai rendus -- je

19 leur ai permis de se rendre à Ahmici, c'est-à-dire, le lieu de massacre. Je

20 leur ai parlé, également, que d'autres massacres étaient perpétrés en

21 Bosnie Centrale, que ce n'était pas le seul événement, incident, que

22 c'était affreux et qu'il devait y avoir -- être fait quelque chose pour

23 qu'il y ait mise sur place d'un Tribunal pénal international pour traiter

24 des crimes de guerre.

25 M. BOURGON : [en français] Monsieur le Président, je crois que j'avais

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1 déjà profité du droit de parole.

2 Q. [interprétation] Est-ce que, mon Colonel, vous avez su, vous qui vous

3 êtes rendu à ces lieux-là, qu'il y avait un autre incident à Miletici,

4 toujours en date du 24 avril ?

5 R. Oui, j'ai appris par la suite.

6 Q. Qu'avez-vous appris de cela, si jamais, vous avez une connaissance

7 quelconque ?

8 R. Peut-être, c'est la réponse lorsque je parle de cet incident en le

9 mélangeant avec l'autre; probablement, il s'agit de cet incident au sujet

10 duquel nos estimations portaient à croire que ce sont les Moudjahiddines

11 qui y étaient mouillés -- enfin, ces gens-là -- Moudjahiddines qui se

12 trouvaient en Bosnie Centrale.

13 Q. Je voudrais, mon Colonel, que vous vous reportiez au document sous 28.

14 Il s'agit de la pièce à conviction P149, il s'agit de milinfosum numéro

15 177, en date du 25 avril. Reportez-vous, s'il vous plaît, à la page 4 de ce

16 rapport, lequel rapport traite de l'incident survenu à Miletici. Plus

17 précisément, je voudrais que vous reportiez vers le milieu du premier

18 paragraphe du texte où il est dit que : "La population locale pense qu'il

19 s'est agi d'extrémistes et non pas de troupes régulières de l'ABiH."

20 A cette occasion-là, ainsi que dans les journées qui ont suivi, est-ce que

21 vous avez vraiment eu une raison quelconque pour croire que cette

22 allégation était faite que ceci était dû au fait qu'il y a eu présence de

23 Moudjahiddines à Miletici ?

24 R. Mais c'est ce que nous avons pensé, d'ailleurs. Nous avons cru que les

25 Moudjahiddines en ont été responsables.

Page 15193

1 Q. D'après vous, à cette époque-là, en Bosnie centrale, d'après les

2 informations dont vous disposiez, auriez-vous été prêt à dire que les

3 Moudjahiddines auraient pu être partie intégrante des effectifs de l'ABiH ?

4 R. Certainement pas, définitivement pas. Ces gens-là sont venus sans que

5 qui ce soit leur demande de venir. Les chefs officiers de l'ABiH ne leur

6 ont pas demandé. Ces gens-là étaient nuisibles, et ces gens-là ne se

7 trouvaient pas sous le contrôle, non plus que sous le commandement pour

8 autant que je puis en savoir de l'ABiH. Je me suis entretenu avec pas mal

9 de gens, et parmi lesquels il y a une personne en laquelle j'ai une

10 confiance absolue, et cette personne m'en a parlé.

11 Q. Pouvez-vous nous faire part de tout cela ?

12 R. Oui. Les informations que j'ai pu recueillir portent à croire que,

13 d'ailleurs, cette personne, qui a été source de mes informations, me permet

14 de le dire que la personne en question a pu les rencontrer ces gens-là à

15 deux reprises. Ils étaient en groupe de 15 à 20 personnes. D'après cette

16 source-là, les rencontres ont eu lieu une fois dans le secteur nord de

17 Vitez, et une autre fois à l'est de Zenica. La personne, source de mes

18 informations, prétend que l'une de ces personnes parle le français, a été

19 extrêmement bien formée, entraînée et, surtout, très bien habillée, pour

20 citer l'homme source : "Tel un étudiant de Paris. C'était un homme de type

21 urbain, d'une froideur terrifiante." Près du site où l'homme source a pu

22 les rencontrer, il n'y avait aucun soldat, aucune troupe de l'ABiH. Par

23 conséquent, il s'agit de dire que ces gens-là sont fort actifs, et que,

24 dans les deux cas, lors de ces deux rencontres, ils se trouvaient dans des

25 maisons de civils et portaient, enfin, les vêtements de civils.

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1 Q. Pouvez-vous nous dire qui est cet homme source ?

2 R. Non.

3 Q. Est-ce que vous avez confiance en cet homme-là ?

4 R. Absolue, une confiance absolue.

5 Q. Quand avez-vous eu ces entretiens ?

6 R. A peu près vers la même date. Je ne saurais plus précisément, mais en

7 tout cas, c'est à ce moment-là que j'ai pu rencontré la personne qui était

8 source d'information.

9 Q. Maintenant, s'il vous faudra tenter de tracer une image situé dans le

10 temps quand ces entretiens ont eu lieu par rapport aux incidents d'Ahmici,

11 avant ou après, quand à peu près ?

12 R. Peut-être cela devrait cadrer à l'une ou à l'autre occasion par rapport

13 au massacre d'Ahmici, peut-être une rencontre avant, une autre après. Mais

14 en tout cas, rien n'a été couché dans mon journal.

15 Q. Revenons maintenant à la question de l'enlèvement de Totic. D'après

16 vous, le 3e Corps d'armée aurait-il pu avoir un avantage quelconque par et

17 dans cet enlèvement ?

18 R. C'est juste le contraire. Pour le 3e Corps d'armée, cet événement

19 n'aurait pu être qu'une catastrophe. Il n'y avait aucune logique dans le

20 fait d'enlever Totic. Car tous savaient fort bien que les tensions en

21 Bosnie centrale étaient à leur apogée. Ceux qui l'ont fait ont voulu

22 obtenir l'éclatement de combats d'hostilité, et voilà ce qui devait être,

23 enfin, le résultat de tout cela.

24 Q. Quand à vous-même, personnellement, avez-vous pris part aux événements

25 qui ont suivi les échanges ?

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1 R. Je ne saisi pas très bien votre question.

2 Q. Je ne pensais pas aux échanges, mais je pensais à l'enlèvement. Par

3 conséquent, tout de suite après l'enlèvement, que s'est-il passé ?

4 R. Oui, je vois. En effet, je suis parti de Bosnie sans savoir vraiment ce

5 qui s'était produit. Pour ma part, je supposais que Totic était mort. Je ne

6 sais pas pourquoi je le pensais, mais, en tout cas, j'étais persuadé que ce

7 son enlèvement fut l'œuvre de Moudjahiddine, et je ne pouvais pas vraiment

8 concevoir une seule raison pour laquelle ces derniers l'auraient laissé

9 échapper vivant. Par la suite, j'ai pu comprendre que, Dieu soit loué, il a

10 pu être objet d'un échange.

11 Q. J'ai encore deux questions pour vous. Nous avons d'abord un document

12 que nous appelons un milinfosum, un résumé, information de résumé militaire

13 émanant du Bataillon britannique. Je voudrais que vous disiez à la Chambre

14 de première instance, quelle est la valeur de ce résumé d'information,

15 résumé ?

16 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je n'ai jamais

17 rédigé, pour autant que je m'en souvienne, je ne les ai jamais vus, ni lus

18 ces résumés. Toutefois, à Vitez, lors de ces rencontres ou réunions à 5

19 heures, il n'y avait pas de réunions qui auraient dû durer plus d'une demi-

20 heure dans laquelle réunion j'ai pu suivre le travail de renseignement, les

21 officiers de renseignement qui m'ont été subordonnés, et c'est là où j'ai

22 dû prendre quelques décisions.

23 Ce résumé, information militaire, est un système compendieux, sous forme

24 d'information et de rapports. En ce qui me concerne, j'étais plutôt axé sur

25 ce qui devait seulement se produire, mais pas sur ce qui s'était produit et

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1 ce dont il a fallu informer quelqu'un. Peut-être, j'étais un mauvais

2 officier chef dans ce sens-là, mais je me suis considérer comme responsable

3 de ce qui se passait autour de moi, et que ma responsabilité devait être

4 liée d'abord à ce qui se passait sur le terrain, et non pas à un niveau de

5 commandement quelconque.

6 Par conséquent, ces informations sous forme de résumé n'étaient qu'un

7 moyen de faire suivre les informations.

8 Maintenant, lorsqu'on les voit, on peut peut-être prévoir qu'il y a

9 eu de mauvaises allégations.

10 Q. Maintenant, je vais vous poser une autre question, mon Colonel. Vous

11 avez dit que vous étiez en contact régulier avec M. le général

12 Hadzihasanovic en Bosnie centrale.

13 R. Oui, et cela très fréquemment.

14 Q. Pouvez-vous nous noter quelque chose sur le fait du général

15 Hadzihasanovic en tant qu'homme et commandant ?

16 R. En tant qu'homme, c'était une personne tout à fait paisible, décente,

17 homme respectable, un gentleman. C'est très volontiers que je le

18 rencontrais, on se comprenait bien l'un et l'autre. Mais pour parler de lui

19 comme officier chef, il était exposé à des pressions, lui disposait de peu

20 de ressources fiables. Il n'a jamais été impartial à mon égard, et jamais

21 discourtois, bien entendu. Toutes les fois où j'ai pu le rencontrer, il

22 avait l'air de quelqu'un de parfaitement exténuer, si fatigué, épuisé qu'il

23 était, il faisait preuve de décence à tout point de vue. Jamais, il n'a

24 jeté un regard sur sa montre, chose que j'aurais dû faire à sa place.

25 Toutes les fois, il me donnait des promesses comme quoi il allait faire ce

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1 qui était dans son possible. En tout cas, je le respecte et je l'apprécie

2 beaucoup.

3 Q. Une dernière question, mon Colonel. Maintenant, à regarder le temps qui

4 s'est écoulé, et votre vie d'ailleurs, comment seriez-vous prêt à décrire

5 la période de vie que vous avez passée avec lui en Bosnie centrale ?

6 Seriez-vous prêt à dire que c'était une période où d'importants événements

7 de votre vie se sont produits également ?

8 R. Je ne sais pas comment répondre à cette question. Pour moi, la Bosnie

9 centrale, pour ainsi dire, peut être le comble, je dirais le projet, enfin,

10 le point central d'une carrière militaire. Je n'aurais jamais pu penser

11 pouvoir prendre part à de tels événements, surtout que je ne saurais plus

12 le faire maintenant. En tout cas, j'ai été fort préoccupé de ce qui s'était

13 passé en Bosnie, et voilà pourquoi je voulais vraiment dire que je tenais

14 beaucoup à ce peuple.

15 Q. Je vous remercie, mon colonel.

16 M. BOURGON : [en français] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus de

17 questions pour ce témoin.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me tourne à M. Dixon maintenant.

19 M. DIXON : [interprétation] Peut-être, Monsieur le Président, je pourrais

20 le faire également après la pause, mais, en tout cas, je vous remercie.

21 Contre-interrogatoire par M. Dixon :

22 Q. [interprétation] Mon Colonel, vous savez, lors de votre déposition

23 mentionnée aujourd'hui, un certain nombre d'officiers chefs commandants de

24 l'ABiH et du HVO au niveau du corps, il s'agit de personnes avec lesquelles

25 vous avez coopéré pendant votre présence là-bas. Vous avez, entre autres,

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1 fait mention de certaines brigades. En effet, mention a été faite de la

2 333e Brigade de Montagne. Pour que nous puissions avoir une idée aussi

3 complète que possible de tout cela, je vous prie de nous dire, par exemple,

4 que vous saviez qu'un certain nombre de brigades se trouvaient au sein du

5 3e Corps d'armée. Il y avait la 7e Brigade musulmane de Montagne, mais il y

6 avait également -- de dire que vous saviez si peu de choses sur cette

7 brigade qu'il n'y avait pas vraiment de raisons spéciales pour lesquelles

8 vous avez dû prêté une attention spéciale à cette brigade, n'est-ce pas ?

9 R. Cela est exact. En effet, nous avons procédé à une investigation sur

10 une brigade qui se trouvait dans le nord. Il s'agissait d'une brigade de

11 Croates de Bosnie. Même lorsqu'il s'agit de la 333e Brigade de Montagne, je

12 le mentionnais parce que, tout simplement, cette brigade se trouvait parmi

13 d'autres qui s'y trouvaient. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

14 Juges, je savais citer des choses là-dessus que je devais me fier plutôt à

15 des personnes que j'ai pu rencontrer. Je ne devais donc pas trop me fier à

16 des formations militaires.

17 Q. Si vous vous en souvenez, on n'a jamais parlé de la 7e Brigade

18 musulmane, pendant que vous étiez là-bas.

19 R. Non. Pour ce qui est de la 7e Brigade, il n'y en avait pas.

20 Q. Merci, mon Colonel, je n'ai plus de questions pour vous.

21 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Monsieur

22 les Juges.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire la pause. Mais avant la pause,

24 l'Accusation, peut-elle me dire, après la pause, on aura une heure. Grosso

25 modo, est-ce que l'Accusation va dépasser l'heure ? Puisque la Défense a

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1 pris deux heures et quart quasiment, donc si l'Accusation dépasse, il

2 faudra revenir -- il faudra que le témoin revienne demain.

3 M. WAESPI : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Je crois

4 que nous avons besoin d'autant de temps que la Défense. Peut-être que notre

5 contre-interrogatoire sera-t-il un peu plus bref, mais en tout cas, nous

6 voulons tirer profit du temps qui nous est imparti aujourd'hui.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il est 17 heures 30. Nous allons faire la

8 pause, la deuxième pause obligatoire, et nous reprendrons aux environs de

9 17 heures 55.

10 --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.

11 --- L'audience est reprise à 17 heures 59.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience étant reprise, je donne la parole à

13 l'Accusation qui va commencer son contre-interrogatoire et qu'il le

14 poursuivra certainement demain.

15 M. WAESPI : [interprétation] [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Contre-interrogatoire par M. Waespi:

17 Q. [interprétation] Bonsoir, Colonel.

18 R. Bonsoir, Monsieur.

19 Q. Je souhaite simplement, dans l'heure qui nous reste, aborder quelques

20 uns des domaines qui ont été abordés au cours de l'interrogatoire

21 principal. Je souhaite tout d'abord clarifier ce point. Je crois que vous

22 nous avez dit que vous avez témoigné à deux reprises, une fois dans

23 l'affaire Blaskic, le 17 juin 1999, et dans l'affaire Kordic et Cerkez?

24 R. Je crois que je l'ai appelé Santic, pardonnez-moi.

25 Q. Kordic et Cerkez, le 17 janvier de l'an 2000.

Page 15200

1 R. Uh-huh.

2 Q. C'était donc il y a cinq ans. Je suppose que votre mémoire des

3 événements était sans doute meilleure qu'aujourd'hui, quoique je suis

4 certain que vous pourrez vous souvenir des éléments essentiels.

5 R. Ma mémoire, il y est vrai, diminue chaque jour puisque je vieillis.

6 Q. Je crois que c'est le cas de tout un chacun. Mon deuxième point est

7 votre déclaration. Je crois que vous avez fait une déclaration en 1995

8 déjà. Un monsieur, appelé John Gerns, du bureau du Procureur. Vous vous en

9 souvenez-vous ?

10 R. Non.

11 M. WAESPI : [interprétation] Peut-être, Madame, Monsieur les Juges, que

12 nous pourrions montrer au témoin la déclaration de témoin et j'ai même

13 préparé quelques exemplaires moi-même. Je ne suis pas tout à fait sûr que

14 cela soit utile, mais,

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document est montré pour rafraîchir la mémoire du

16 témoin.

17 M. WAESPI : [interprétation] Pour que les choses soient clairement

18 consignées au compte rendu d'audience, j'ai photocopié suffisamment

19 d'exemplaires pour tout le monde. Ceux-ci n'ont pas été agrafés,

20 malheureusement.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour rafraîchir la mémoire ?

22 M. WAESPI : [interprétation] Oui, cela commence sur le fait qu'il a fait

23 cette déclaration, je vais l'utiliser à deux reprises plus tard, s'il ne

24 s'en souvient pas.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bourgon.

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1 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Nous avons reçu cette

2 déclaration de la part du témoin, nous ne voyons aucun inconvénient à ce

3 que mon collègue puisse l'utiliser pour rafraîchir la mémoire du témoin, le

4 cas échéant. Toutefois, Monsieur le Président, nous ne voyons pas pourquoi

5 cette déclaration serait distribuée à tout le monde, comme si cela était

6 une pièce au dossier. Le cas échéant, si mon confrère veut la déposer, à ce

7 moment-là, nous pourrions la déposer, c'est une question de principe.

8 Monsieur le Président, la déclaration comme telle n'est qu'un ramassis de

9 citations qui proviennent du journal du témoin. Donc, ce n'est pas le

10 contenu, c'est le principe. Si mon confrère veut l'utiliser avec le témoin,

11 aucun problème, mais nous ne voyons pas l'utilité de la distribuer à tout

12 le monde, la façon dont c'est fait présentement.

13 Merci, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, allez, poursuivez.

15 La pièce ne sera certainement pas versée.

16 Monsieur Dixon.

17 M. DIXON : [interprétation] Simplement, brièvement, pour ajouter à ce que

18 Me Bourgon a dit, je pense que M. Waespi va faire cela. Je crois qu'il

19 faut, en premier lieu, poser les questions au témoin avant d'aborder la

20 déclaration du témoin avec lui.

21 M. BOURGON : Cela n'est que dans le cas où il ne se souvient pas et où il

22 pense pouvoir se souvenir en regardant la déclaration qu'à ce moment-là, on

23 doit lui présenter sa déclaration et s'il s'en souvient et s'il peut donner

24 un témoignage de première main, cela serait préférable. Merci, Madame,

25 Messieurs les Juges.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'Accusation a écouté avec attention ce que

2 vient de dire la Défense. J'ai noté, dès le départ, le témoin ne se

3 souvient même pas à avoir fait un témoignage, alors, voilà un élément

4 important.

5 Bien. Alors, il vaut mieux procéder par question et si, à ce moment-là, il

6 ne sait pas, rappelez que tel jour, il a dit le contraire ou je ne sais.

7 M. WAESPI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je suis tout à

8 fait d'accord avec ce que vous venez de dire et avec ce que Me Dixon et Me

9 Bourgon ont dit. A ce stade, je n'ai pas l'intention de lui rafraîchir la

10 mémoire.

11 Q. Il s'agit simplement d'un point, à savoir, si vous vous souvenez oui ou

12 non avoir fait cette déclaration en tant que témoin au mois de juin 1995.

13 Vous en souvenez-vous maintenant, après avoir vu la déclaration ?

14 R. Oui, effectivement, en Belgique. C'était Gerns qui a semé le doute, si

15 vous m'aviez dit Dana, à ce moment-là, j'aurais compris Mais vous avez dit

16 Gern.

17 Q. Oui, c'était un enquêteur, John Gerns.

18 Votre journal, simplement pour en dire quelques mots. Votre journal, vous

19 l'avez tenu entre le 28 août 1992 et le 10 mai 1993; est-ce exact ?

20 R. Oui, à peu près, je n'ai pas commencé mon journal le 28 août, je l'ai

21 rédigé, rétroactivement, car le général m'a demandé de rédiger ce journal.

22 Q. Simplement, pour que les choses soient claires, vous dites être parti

23 le 12 mai 1993.

24 R. C'était soit le 11, soit le 12.

25 Q. Votre successeur, qui était-ce ?

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1 R. Alistair Duncan.

2 Q. Je crois que vous nous avez dit que vous l'avez rencontré lors d'une

3 réunion au mois de février déjà ?

4 R. Oui. Tout à fait. Car il a été envoyé à deux missions de

5 reconnaissance, déjà. Deux fois avant de prendre ses fonctions.

6 Q. Merci, Colonel. Je souhaite maintenant parler des éléments de fond et

7 parler un petit peu de ces résumés de renseignements militaires,

8 milinfosum. Pourriez-vous nous dire à qui ceci était adressé ?

9 R. En général, ils étaient envoyés au quartier général du commandement de

10 Bosnie-Herzégovine, qui étaient envoyés tous les soirs.

11 Q. Quel était le but de ces milinfosum ?

12 R. Le but était de tenir informé le haut commandement dans ma zone de

13 commandement.

14 Q. En tant que -- je suppose qu'il était important que les renseignements

15 que ceci contenait étaient aussi précis que possible.

16 R. Oui. Mais j'ai déjà reconnu que, dans certains cas, cela n'était pas

17 aussi précis que cela aurait dû être.

18 Q. Mais vous pouvez confirmer que les personnes qui ont rédigé ceci -

19 peut-être quelque chose que vous pourriez nous dire plus tard - ont, à ce

20 moment-là, pour être aussi précis que possible.

21 R. Oui, mais c'étaient des officiers qui n'étaient pas de haut rang.

22 Q. Quel rang avaient-ils ?

23 R. C'était peut-être un lieutenant ou un sergent, ou souvent, un

24 capitaine, dans la plupart des cas.

25 Q. Vous avez dit que ceci était ensuite envoyé au haut commandement.

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1 Autrement dit, ces rapports étaient envoyés à qui ?

2 R. Dans la chaîne de responsabilité, il était important d'envoyer ces

3 rapports à l'échelon supérieur.

4 Q. Autrement dit donc, le ministère de la Défense à Londres n'aurait pas

5 reçu ceci ?

6 R. Non.

7 Q. Donc, M. Watters a indiqué cela -- suggéré cela. Ce qu'il a dit n'était

8 pas exact ?

9 R. En général, non. Bryan Watters était mon commandant en second. En

10 général, ces rapports étaient envoyés au quartier général. En général,

11 c'était envoyé au quartier général, qui ensuite renvoyait ceci plus haut.

12 Bryan était responsable des éléments opérationnels lorsque j'étais absent,

13 et peut-être qu'il avait reçu des instructions aux fins d'envoyer ceci à la

14 chaîne de commandement national.

15 Q. J'ai parcouru un certain nombre d'entre eux. Je pense que vous aussi,

16 puisqu'il y a certains commentaires qui ont été faits à ce propos. J'ai vu

17 certaines références du style : "En général, une source fiable." Ensuite,

18 dans un autre cas, on peut lire : "Ceci n'a pas été confirmé donc cela

19 n'est pas précis ou concis," ce qui m'amène à dire que -- et jusqu'au

20 capitaine, a tenté, autant que faire se peut, de rendre ces rapports le

21 plus transparents possible.

22 R. Oui. Chose que je reconnais tout à fait. Ils étaient censés être

23 rédigés sous mon commandement, et tout ce qui se passait sous mon

24 commandement faisait l'objet de ma responsabilité. Donc, s'ils sont

25 imprécis, c'était imprécis à cause de moi. Ce n'est pas eux qui sont

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1 responsables.

2 Q. Vous nous avez dit que vous aviez tenu des réunions tous les soirs au

3 cours desquelles vous receviez des éléments d'information et vous en

4 parliez avec votre état-major et vos subordonnés immédiats. Que parliez-

5 vous lors de ces réunions ? Et la teneur de ces conversations, était-elle

6 consignée dans ces milinfosum ?

7 R. Non, pas forcément. Le but de ces réunions que nous tenions chaque soir

8 était d'avoir une image plus précise sur ce qui se passait, et de décider

9 ce que nous allons faire dans les prochaines 24 heures. Je n'avais pas

10 beaucoup de temps pour les milinfosum, pour m'y consacrer, les résumés de

11 renseignements militaires, à cette époque-là. Je n'avais qu'une demi-heure.

12 Q. Reparlons de votre état-major. Vous nous avez dit que le commandement

13 Watters, je crois que vous avez dit qu'il est chef d'état-major et votre

14 adjoint.

15 R. C'est exact. A partir de la fin du mois de février --

16 Q. -- et son prédécesseur --

17 R. Son successeur était Tim Park.

18 Q. Est-ce que vous pouvez comparer ces deux hommes ? Je sais qu'il est

19 difficile pour vous d'évaluer vos subordonnés, mais pourriez-vous nous dire

20 comment étaient-ils, sur un plan professionnel ? Est-ce que -- comment

21 étaient-ils ?

22 R. Tim était davantage un opérationnel, et Bryan se consacrait davantage

23 aux détails.

24 Q. Vous --

25 R. Les deux étaient de bons officiers.

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1 Q. Vous pouviez vous reposer sur eux ?

2 R. Je n'avais pas le choix. Je devais me reposer sur eux, bien évidemment,

3 c'étaient mes officiers.

4 Q. Je crois que vous nous avez également dit, qu'au début, vous vous

5 préoccupiez davantage du sud de cette région, Vakuf, Gornji, Donji Vakuf,

6 et que votre commandant adjoint regardait plutôt en direction du nord, la

7 région de Busovaca. Vous nous avez dit que : "Votre commandant en second

8 savait ce qui se passait." Est-ce qu'il s'agissait là de l'affectation des

9 responsabilités ?

10 R. C'était de facto le problème le plus urgent que je devais traiter dans

11 ma zone opérationnelle. Cela se situait à Gornji Vakuf. Par conséquent,

12 cela me demandait toute mon attention. Mais cela ne signifie pas pour

13 autant qu'il fallait ignorer le reste de la région. Donc, lorsque j'étais

14 absent, l'officier chargé des opérations et chargé de rassembler tous les

15 éléments opérationnels, et Bryan Watters ou Tim Park devait gérer ce genre

16 de problème. Mais s'il y avait quelque chose d'urgent qu'ils devaient

17 porter à mon attention, ils le faisaient.

18 Q. Qui d'autre faisait partie de votre état-major, hormis votre commandant

19 adjoint chef d'état-major ?

20 R. Mon adjudant, qui devait gérer les questions de discipline de routine

21 et d'administration générale; deux officiers opérationnels; deux capitaines

22 qui étaient de permanence dans la salle des opérations; et différents

23 chauffeurs, ceux qui étaient en charge des signaux.

24 Q. Vous avez évoqué cette personne, l'adjudant qui gérait les questions de

25 discipline. Est-ce que vous avez eu des problèmes de discipline dans votre

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1 unité ?

2 R. Non, aucun problème. La discipline, c'était lorsque quelqu'un avait

3 commis une infraction. Il s'agissait de quelqu'un qui perdait sa carte

4 d'identité par exemple. Je ne pense pas que mes hommes étaient incontrôlés.

5 Mais c'est une bonne question, Monsieur.

6 Q. Ce que j'entendais par incontrôlés. Bien, quel rôle jouait-il dans

7 votre bataillon ?

8 R. L'adjudant est sans doute parmi -- est sans doute pour un commandant,

9 c'est sans doute quelqu'un de précieux parce qu'il est en mesure de

10 comprendre la situation par son intermédiaire. Donc, si l'officier d'état-

11 major et l'officier commandant sont proches, c'est sans doute la personne

12 vers laquelle il peut se retourner pour lui demander des conseils.

13 Q. Donc, c'est également quelqu'un qui gérait ces questions de

14 discipline ?

15 R. Oui.

16 Q. Parce que vous pensez que c'est très important d'occuper cette

17 fonction.

18 R. Ce n'est pas une question simplement de principe qu'il doit gérer. En

19 fait, c'est la gestion même de l'unité, lorsque les personnes partent,

20 lorsque les personnes arrivent. C'est le genre de gestion détaillée qui est

21 importante au niveau d'un bataillon.

22 Q. Donc, je vais vous poser une question très courte. Il s'agit en fait de

23 quelque chose qui est presque accessoire. Vous nous avez dit avoir

24 rencontré, à deux reprises, M. Kordic et le général Merdan, que vous avez

25 loués. Vous souvenez-vous que quelquefois en 1992, je crois que c'est au

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1 mois d'octobre, lorsque vous étiez à Novi Travnik, M. Kordic a appelé

2 Merdan en utilisant son téléphone portable. Vous souvenez-vous de cela ?

3 R. Oui. J'étais surpris parce que l'armée britannique m'a dit qu'il ne

4 nous donnait pas de téléphone portable parce qu'ils ne marchaient pas.

5 Encore une fois, c'est l'armée britannique ici qui est triomphante.

6 Q. Après cet échange de fax -- de télécopieur entre M. Merdan et M.

7 Kordic.

8 R. Oui. Il est vrai que j'ai participé -- j'ai participé à la rédaction de

9 cette télécopie, je crois.

10 Q. Passons maintenant aux forces qui étaient sur le terrain. Vous avez dit

11 avoir reçu une séance d'information introductive. Vous dites avoir

12 rencontré M. Colm Doyle, qui dirigeait la mission des observateurs

13 européens, et auprès de la Bosnie-Herzégovine.

14 Je vous cite, dans votre journal, et sur ce qu'il vous a dit : "La plupart

15 des personnes en Bosnie-Herzégovine sont tout à fait -- arrivent très bien

16 à déformer la vérité. Et tous sont disposés à attaquer leur propre peuple

17 et à faire porter le blâme par quelqu'un d'autre." Vous souvenez-vous de

18 cela ?

19 R. Oui, c'est exactement ce qu'il a dit. Je m'en souviens bien parce que

20 j'ai écrit -- consigné cela dans mon journal, et ceci a été dit à Zagreb.

21 Je crois que Colm Doyle était l'assistant politique de Lord Owen ou quelque

22 chose de la sorte. Il voyait, à l'époque -- Madame, Messieurs les Juges, il

23 essayait d'obtenir autant d'information qu'il le pouvait, et c'étaient des

24 éléments d'information dont il ne disposait pas, donc, je l'ai consigné.

25 C'est exactement ce qu'il a dit.

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1 Q. Ceci vous a-t-il été utile par la suite lors de vos échanges ?

2 R. J'avais une idée de ce qui se passait. J'ai écouté, je l'ai consigné.

3 Je ne savais pas quoi faire d'autre. Il s'agissait simplement d'un élément

4 d'information, d'une source. Le ministère de la Défense à Londres n'avait

5 pas beaucoup d'éléments d'information.

6 Q. Je crois qu'il était Irlandais, M. Doyle ?

7 R. Oui, effectivement.

8 Q. Je vais vous poser la question maintenant, combien de fois dans vos

9 différents échanges avec ces factions en guerre -- il y avait des

10 commandants, il y avait des hommes politiques et cetera. Combien de fois

11 avez-vous entendu dire qu'il y avait des éléments incontrôlés qui étaient,

12 semble-t-il, à l'origine de ces actes qui étaient commis ?

13 R. En réalité, non, cela ne s'est pas produit très souvent. J'essaie de me

14 souvenir. J'avais l'habitude de dire que c'étaient des éléments

15 incontrôlés. Par exemple, lorsque mon chauffeur, mon chauffeur qui

16 m'escortait a été tué, il a été tué d'une balle dans la tête, le 13

17 janvier. Je pensais que ceci avait été fait par un soldat de l'ABiH. C'est

18 vrai qu'ils ont bien tiré, si je puis dire ceci. Mais je crois que ce

19 n'était pas un soldat de l'ABiH qui a fait cela. Il y a également eu des

20 incidents avec le HVO. Je ne pense pas qu'ils avaient reçu des instructions

21 depuis la chaîne de commandement pour engager des combats avec les Nations

22 Unies. En réalité, je suis presque sûr que ce n'était pas le cas, et ceci

23 comprend le HVO. Je crois que ceci était dû au manque de contrôle, au

24 manque de contrôle des soldats tel que cela s'est passé le 13 janvier.

25 Je ne pense pas que les commandants seraient prêts à admettre ceci, que

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1 leurs forces étaient incontrôlées. Mais il se peut que cela ait été le cas.

2 Q. Je crois que vous avez évoqué M. Kordic par rapport à Ahmici. Vous en

3 souvenez-vous ? Peut-être que vous en avez parlé. Après Ahmici, vous êtes

4 allé le voir et vous lui avez demandé ce qui s'était passé à Ahmici.

5 D'après vous, vous souvenez-vous qu'il vous ait dit que cela était peut-

6 être provoqué par les Serbes ?

7 R. Oui, c'est ce qu'il a dit. Il a dit que c'était une patrouille à longue

8 portée de l'armée des Serbes de Bosnie qui était peut-être à l'origine de

9 ceci. J'ai simplement ri. J'ai dit que c'est une patrouille à très longue

10 portée qui, simplement, a dépassé le poste de contrôle.

11 Q. Vous ne l'avez pas cru ?

12 R. Non, bien sûr.

13 Q. Est-ce que c'était quelque chose comme ce que M. Doyle vous a dit au

14 début de votre mission ?

15 R. Les éléments fournis par Doyle étaient erronés. C'était un homme

16 politique qui essayait de recueillir des éléments d'information. Mais Doyle

17 faisait de son mieux, et il nous faisait un briefing alors qu'il n'était

18 plus dans cette position-là ou n'occupait plus ces fonctions. Très souvent,

19 ces informations sont erronées pour dire qu'il y avait énormément de

20 Moudjahiddines. Je n'ai pas eu des preuves pour corroborer cela. C'est

21 quelque chose que j'ai appris très rapidement en Bosnie-Herzégovine. Si on

22 ne le voit pas de visu, il ne faut pas y faire confiance. C'est un des

23 principes que j'ai essayé d'appliquer.

24 Q. Est-ce que M. Kordic avait tort ou est-ce que vous l'avez cru ou pas ?

25 R. De quoi parlez-vous ?

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1 Q. Quant à Ahmici, que l'armée de Serbes était responsable pour Ahmici ?

2 R. Non. Il avait complètement tort, tout à fait tort. Je suis tout à fait

3 convaincu que c'étaient les unités du HVO, et non pas les Serbes de Bosnie.

4 Q. Quelle a été la position de M. Kordic ?

5 R. C'était quelque chose que tout le monde ici voudrait savoir. Je ne sais

6 pas exactement quel a été son rôle. Est-ce qu'il était le supérieur de

7 Blaskic ou non ? Le TPI a probablement statué dessus, mais je n'ai pas été

8 suffisamment diligent pour tout lire.

9 Il semble que Kordic était le commandant politique, alors que Blaskic était

10 le commandant militaire. Pour nous, ce n'était pas si important. Quant aux

11 points des points de contrôle à Busovaca, il y avait Kordic qui se trouvait

12 au commandement dans le bâtiment PTT.

13 Q. Mais Kordic était bien l'une des personnalités, un plus haut placé dans

14 cette zone ?

15 R. Oui.

16 Q. Il vous a menti quant aux événements d'Ahmici ?

17 R. Oui, je le pense, puisque nous savons tous que le massacre d'Ahmici n'a

18 pas été causé par l'armée des Serbes de Bosnie.

19 Q. Et Hadzihasanovic, est-ce que de temps à autre, il ne vous semblait pas

20 tout à fait dire la vérité ?

21 R. Je suis en train de réfléchir. Je ne pense pas qu'il y ait de tel

22 moment. J'ai pu recevoir des plaintes, j'ai pu les exposées au général

23 Hadzihasanovic, et il me disait : "Je ferai de mon mieux pour résoudre ces

24 problèmes."

25 Q. Est-ce qu'il y a eu des incidents avec ces subordonnés dans les

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1 milinfosum qui pourraient inviter à croire qu'Hadzihasanovic n'a pas

2 toujours été correct ?

3 R. C'est possible.

4 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous avez dit de Hadzihasanovic

5 dans l'affaire Kordic ?

6 R. Probablement, si vous pensez à cela, qu'il était plus rusé que Merdan.

7 Q. Si vous me permettez, je vais vous le rappeler exactement.

8 R. Bien.

9 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

10 Juges, comme je l'ai déjà pu le mentionner, il s'agit d'une citation de la

11 déposition de ce témoin dans le cadre de l'affaire Kordic du 18 janvier

12 2000, page 15 521 et 22.

13 Q. Je cite ici : "Sur le dernier point, Hadzihasanovic était parmi ceux

14 qui, je pense, voulait coopérer. C'est un homme -- est-ce que vous pouvez

15 tout simplement nous dire ? Est-ce que c'est quelqu'un qui est honorable ou

16 non honorable, respectueux, pas respectueux ?" Vous répondez : "Je ne sais

17 pas. La personne en qui j'avais confiance était Merdan de la même façon

18 dans laquelle j'avais confiance à Blaskic." Question : "Vous ne pouvez pas

19 faire des commentaires sur Hadzihasanovic." Votre réponse : "Je ne sais

20 pas. Je l'ai beaucoup vu, il me semblait être bien, mais je ne me sentais

21 pas particulièrement -- je ne ressentais pas une impartie particulière avec

22 lui."

23 C'est bien ce que vous avez dit ?

24 R. Oui, tout à fait.

25 Q. Il vous a menti concernant qui a commis Ahmici ?

Page 15213

1 R. Mais depuis, j'ai beaucoup réfléchi au sujet de Hadzihasanovic, bien

2 sûr, à cause de cette affaire également et de ce procès. Oui, je l'ai

3 effectivement dit, et j'ai beaucoup réfléchi là-dessus également depuis.

4 Maintenant, ma position est légèrement différente. J'ai essayé de voir est-

5 ce que j'ai réellement pu voir des espèces de ruses de la part de

6 Hadzihasanovic. J'ai regardé mes journaux, c'était très important pour moi.

7 Je vous ai donné ma réponse aujourd'hui.

8 Q. Qu'est-ce qui a incité votre opinion concernant M. Hadzihasanovic ?

9 R. Quand j'ai découvert qu'il y avait un procès contre lui, je trouvais

10 que c'était malheureux.

11 Q. Pourquoi vous pensiez que c'était malheureux ?

12 R. Si on accuse d'avoir eu le contrôle sur les Unités de Moudjahiddines,

13 bien, il ne le -- donc, il est erroné de mener un procès contre lui.

14 Q. Quand il s'agissait du contrôle des routes. Je pense que ma collègue,

15 Mme Residovic, avait demandé une fois à quelqu'un, elle avait dit que qui

16 contrôlait les routes en Bosnie, contrôlait la Bosnie. Seriez-vous d'accord

17 avec cette opinion ?

18 R. Oui, dans un certain sens, oui. Mais nous ne contrôlions pas des

19 routes, nous contrôlions des zones.

20 M. BOURGON : Je n'ai aucune objection à ce que mon collègue cite ce que des

21 témoins auraient pu dire, mais le fait que ma collègue ou moi-même

22 puissions avoir une opinion, cela ne doit pas, je crois, être soumis au

23 témoin à titre de question. Merci, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'était pas l'opinion de l'avocat, c'était

25 l'opinion du témoin qui avait dit que celui qui contrôlait les routes

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1 contrôlait la Bosnie-Herzégovine. Je me rappelle très bien de ce que le

2 témoin avait dit. Mais en réponse à une question en quelque sorte. Mais il

3 faudrait peut-être citer la page de la réponse de ce témoin et de voir si

4 c'était une réponse à une question suggestive de la Défense.

5 M. WAESPI : [interprétation] Je suis tout à fait sûr, Monsieur le

6 Président, qu'il s'agissait là d'une question directrice faite par Mme

7 Residovic. Je vais essayer de la retrouver dans son contexte et je voudrais

8 vous en parler plutôt demain. Je ne souhaite pas rentrer dans ces détails

9 ce soir.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Fort bien. Poursuivez.

11 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

12 Q. Parlons maintenant de ce sujet tout à fait sensible du contrôle des

13 Moudjahiddines. Pourrions-nous commencer avec votre journal, et pourrions-

14 nous regarder ce que vous avez consigné le 25 septembre ? Je crois qu'il

15 s'agit du jour où vous avez, effectivement, eu cette conversation avec M.

16 Doyle. C'était peut-être à la suite des événements de Zagreb.

17 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit là d'un

18 nouveau document, même si la Défense a supposé -- a laissé au témoin

19 s'appuyer là-dessus. Il s'agit là du journal. Il faut voir s'il y a une

20 mention spécifique qui y figure quant aux forces qui étaient

21 opérationnelles.

22 M. BOURGON : -- son journal qu'il a rédigé lui-même, pour répondre aux

23 questions. Si l'Accusation souhaite déposer le journal, à ce moment-là,

24 peut-être il y aurait une position différente, mais pour ce qui est de

25 l'utilisation, nous l'avons fait, et nous ne voyons aucune objection à ce

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1 qu'il le fasse à nouveau. Merci, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, l'Accusation peut utiliser, à son

3 convenance, ce journal, en lui citant l'intégralité d'un paragraphe qu'il a

4 écrit ou en lui demandant de le lire lui-même, comme vous voulez. Mais

5 trouvez une solution la plus efficace et celle qui nous permet de gagner du

6 temps, le temps étant très précieux.

7 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Q. En tant que natif de langue anglaise, peut-être que vous pourriez nous

9 indiquer sur quelle page vous parlez de cette réunion qui avait eu lieu le

10 25. Je pense que cet officier, du nom de Reilly ou Reely, parle des forces

11 qui étaient opérationnelles dans la zone. Peut-être que vous pourriez nous

12 dire ce qu'il avait dit, juste ce qui est écrit après la mention de son

13 nom.

14 R. Bien sûr. "Le commandant Jonathan Reilly, des Royal Fusiliers, qui

15 appartenaient au MCCE, a déclaré : il semble-t-il que les Serbes de Bosnie

16 ont quelque 17 000 soldats déployés en Bosnie-Herzégovine. Le lien entre

17 leurs forces entre -- en Serbie même et en Bosnie-Herzégovine, est d'une

18 importance stratégique primordiale. Le HVO entends clore ce corridor

19 stratégique qui existe. Les forces des Musulmans -- des Slavs musulmans

20 sont maintenant en train d'être renforcées par les forces étrangères

21 appelées des Moudjahiddines."

22 Q. Donc, c'est bien ce qu'on vous avait dit à l'époque.

23 R. Oui, c'est ce qu'on m'avait dit à l'époque.

24 Q. Est-ce que vous doutiez de ces informations ?

25 R. Pas du tout parce que je ne connaissais pas la situation, et c'est bien

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1 pour cela que je l'avais écrit.

2 Q. Passons maintenant à la période -- au moment où vous étiez devenu

3 opérationnel en Bosnie. Dans vos contacts avec les différentes unités et

4 leurs commandants, peut-être avec des Moudjahiddines. Avez-vous jamais eu

5 des contacts personnellement avec des Moudjahiddines ?

6 R. Je les ai vus. Je me suis approché d'eux. Je suis passé par les points

7 de contrôle sur la route qu'ils contrôlaient. Est-ce que j'ai eu des

8 contacts avec eux ? Non, mis à part leur dit de "dégager".

9 Q. Quant aux barricades sur la route, où avez-vous pu les rencontrer ?

10 R. De Dubravica à Zenica, il y a une route de montagne.

11 Q. Donc, entre Dubravica et Zenica.

12 R. Oui.

13 Q. Au milieu ?

14 R. En haut.

15 Q. Peut-être que je vous montrerai également une carte. Est-ce que vous

16 pourriez nous dire ce qui s'est passé à cet -- sur ces barricades au point

17 de contrôle ?

18 R. En réalité, c'était un groupe d'entre eux. Ils s'étaient opposés. Je

19 voulais passer, et ils étaient là. Je leur ai dit de "dégager", et ils sont

20 partis.

21 Q. Comment étaient-ils ? Comment étaient-ils habillés ?

22 R. La plupart d'entre eux étaient habillés en civil, mais ils portaient

23 des armes. Ils n'avaient pas l'air d'être bosniaques. Je -- c'est peut-être

24 mon contact le plus important avec les Moudjahiddines.

25 Q. Vous leur avez parlé ?

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1 R. Non. J'ai pu. J'étais tout seul.

2 Q. Quant aux instructeurs qui entraînaient les forces bosniaques sous le

3 contrôle de M. Hadzihasanovic ?

4 R. Je ne sais pas qui ils étaient. Mais d'après ce que j'ai pu savoir, ils

5 étaient peut-être iraniens, certains d'entre eux.

6 M. WAESPI : [interprétation] Je souhaiterais maintenant mentionner, pour la

7 Chambre, les documents que je souhaite présenter à ce témoin. Je

8 demanderais à ce que ce témoin reçoive juste une partie des classeurs, un

9 onglet. Pour être précis, l'onglet numéro 5, pièce à conviction P533.

10 Le témoin a déjà une partie donc je parle de la pièce à conviction qui a

11 déjà été versée au dossier.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Dixon.

13 M. DIXON : [interprétation] Je voudrais tout simplement dire que ce

14 document est bien une pièce à conviction, mais il s'agit aussi d'un

15 document émanant de la 7e Brigade. Il s'agit donc d'un document interne de

16 la 7e Brigade. Bien sûr, il faut que le témoin regarde ce document, mais

17 d'après sa déposition préalable, il est fort improbable qu'il puisse en

18 parler, parce qu'il a dit qu'il n'a jamais vu de tels types de documents.

19 Pendant ce contre-interrogatoire, mon éminent collègue va certainement

20 essayer de montrer toute une série donnée de documents à ce témoin, que le

21 témoin n'avait jamais vu auparavant. Je crois que cela n'a pas beaucoup de

22 sens parce que ce témoin ne pourra pas faire des commentaires là-dessus. Il

23 s'agit de documents qui ont déjà présentés à d'autres témoins dont certains

24 ont pu donne leur opinion là-dessus. Quand nous allons appeler les témoins

25 pour la Défense de Kubura qui parleront de la 7e Brigade, ils pourront en

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1 témoigner.

2 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis intervenir.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

4 M. WAESPI : [interprétation] Avec tout le respect que je dois à M. Dixon,

5 il s'agit là d'un témoin qui a déjà fait des commentaires sur toute une

6 série de documents concernant M. Hadzihasanovic. Il s'agit bien des

7 documents qu'il n'avait pas vus auparavant. On lui demandait simplement de

8 dire de quoi cela paraît. Maintenant, je voulais qu'il parle des

9 instructeurs iraniens qu'il avait mentionnées lui-même, et je voudrais

10 avoir plus d'information sur sa source d'information lui avait dit.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant. Je vais donner la parole à Me Bourgon,

12 mais j'ai entendu dans la traduction française : "Les instructeurs iraniens

13 qu'il avait mentionnés lui-même." Je n'ai jamais entendu de la part du

14 témoin évoquer spontanément les instructeurs iraniens. C'est vous qui lui

15 avez dit qu'il y avait des instructeurs iraniens. Peut-être que le témoin

16 peut éclaircir avant que Me Bourgon intervienne.

17 Mon Colonel, il y a un petit problème. Il a été fait état d'instructeurs

18 iraniens. Est-ce que c'est vous qui, spontanément, avez parlé des

19 instructeurs iraniens ou vous aviez répondu à une question suggestive

20 concernant la possibilité que le 3e Corps ayant produit des instructeurs

21 iraniens ? Pouvez-vous nous éclaircir ce point ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce que j'ai dit,

23 c'était que ma source m'avait dit qu'elle pensait qu'il y avait parmi les

24 Moudjahiddines des Iraniens. C'étaient les personnes qu'avait rencontré

25 cette source. Je n'ai pas du tout parlé des instructeurs.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que votre source a dit que parmi les

2 Moudjahiddines, il pouvait y avoir des Iraniens, mais il n'avait jamais été

3 question d'instructeurs. C'est bien ce que j'avais cru comprendre.

4 L'Accusation.

5 M. WAESPI : [interprétation] Si vous pouvez montrer le document au témoin,

6 peut-être que cela pourra rafraîchir sa mémoire, quand est-ce qu'il avait

7 pu entendre --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bourgon, est-ce que c'était le point sur

9 lequel vous vouliez intervenir ?

10 M. BOURGON : Tout à fait, Monsieur le Président. La question est la

11 suivante, c'est-à-dire qu'effectivement, lors de l'interrogatoire principal

12 du témoin, j'ai utilisé les documents qui étaient les documents qui

13 sortaient du 3e Corps. Toutefois, j'ai pris le soin avant de montrer les

14 documents au témoin de lui demander si je lui montrais de tels documents

15 qui venaient du 3e Corps, et non pas de l'une des brigades ou l'une des

16 sous unités, et qui traitaient d'un événement auquel il avait impliqué, si

17 le témoin se sentait habilité à pouvoir faire des commentaires sur un

18 document. C'est tout à fait différent que de prendre un document, suite à

19 une réponse du témoin comme quoi il ne sait rien sur un sujet, il a déjà

20 dit qu'il ne savait rien sur la 7e Brigade. Là, on veut lui montrer un

21 document pour soi-disant lui rafraîchir la mémoire. Je crois, Monsieur le

22 Président, qu'il y a une différence entre les deux procédures, et qu'on ne

23 devrait pas permettre au témoin de voir ces documents. Merci, Monsieur le

24 Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. L'Accusation, que réplique-vous ? Le débat, il

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1 est ultra simple. La Défense nous dit, elle a été amenée à présenter des

2 documents uniquement du 3e Corps, pas des documents d'unités placées sous

3 le commandement du 3e Corps et que, par le biais de la question que vous

4 posez, en quelque sorte, vous voulez introduire en lui présentant un

5 document, vous voulez qu'il confirme qu'il y avait des instructeurs

6 iraniens alors même que lui n'a jamais mentionné l'existence d'instructeurs

7 iraniens. C'est bien comme cela que vous voulez procéder ?

8 M. WAESPI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais ce témoin, il

9 faut tenir compte, avait dit qu'il y avait des Moudjahiddines, et que ces

10 Moudjahiddines n'étaient pas sous le contrôle de l'ABiH ou du 3e Corps.

11 Alors que ce document parle qu'il y avait des Moudjahiddines qui avaient

12 entraîné les unités du 3e Corps, et je voudrais tout simplement savoir si

13 ce témoin a quelque chose à nous dire là-dessus. Est-ce qu'il y a un lien

14 avec les Moudjahiddines, et avec le 3e Corps, et quelle peut être ses

15 connaissances. Je voudrais tout simplement savoir ce qu'il en sait.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de donner la parole à Me Dixon, c'est le

17 document que vous pouvez m'indiquer la cote. Quel est le numéro du

18 document ?

19 M. WAESPI : [interprétation] Il s'agit du document P533. La partie dont je

20 voulais débattre se trouve à la page 3 du document qui est à l'onglet

21 numéro 5, P533. Il s'agit d'un rapport du commandant de bataillon du 3e

22 Bataillon de Montagne qui faisait partie de la 3e [comme interprété]

23 Brigade musulmane du 3e Corps, et qui est rédigé en 1993 au moment où ce

24 témoin s'est trouvé dans la même région où ces unités étaient

25 opérationnelles.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Maître Dixon, qui s'était levé.

2 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous avez dit que

3 ce témoin n'a rien dit des instructeurs iraniens lui-même. Donc, je ne vois

4 pas comment, si on veut montrer ce document cela pourrait rafraîchir sa

5 mémoire. Mis à part cela, je ne vois pas, non plus, comment ce document -

6 il s'agit d'un document interne d'une brigade - je ne vois donc pas comment

7 un tel document pourrait rafraîchir la mémoire du témoin quant aux

8 événements qu'il avait participé à l'époque.

9 C'est tout à fait différent de montrer le journal au témoin pour rafraîchir

10 sa mémoire puisqu'il s'agit d'un journal qu'il avait rédigé lui-même. Mais

11 lui montrer le document émanant de la brigade, dont il ne connaît rien, je

12 ne pense pas que cela puisse servir sa mémoire.

13 En revanche, ce serait autre chose si mon confrère voulait essayer de

14 discréditer ce témoin, et lui montrer que la vérité était autre que ce que

15 le témoin avait pu dire auparavant. Mais il faut poser une autre base à ce

16 moment-là, mais nous pensons qu'également, ce serait erroné dans le cas de

17 ce témoin. Mais il semble qu'il n'ait pas eu de connexion avec le sujet qui

18 est évoqué ici.

19 M. WAESPI : [interprétation] Puis-je répondre, Monsieur le Président ? Il

20 s'agit là du contre-interrogatoire. Le témoin nous a dit comment il

21 évaluait la connexion entre les Moudjahiddines et le 3e Corps, et il nous a

22 parlé de sa source qu'il ne veut pas dévoiler. Je pense que dans le cadre

23 du contre-interrogatoire, je peux lui montrer un document pour qu'il nous

24 dise s'il change d'avis ou non. Il peut toujours me dire qu'il ne change

25 d'avis. Mais il s'agit là du contre-interrogatoire, donc, je peux le faire.

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1 La Défense n'a pas seulement montré son journal et ses déclarations, mais

2 même des documents qu'il n'avait jamais vus auparavant des différentes

3 unités. Ils lui ont demandé de faire une analyse comme s'il était un

4 analyste. Il s'agissait là de l'interrogatoire principal, alors que nous

5 sommes ici dans le cadre du contre-interrogatoire.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons nous retirer quelques minutes. Ne

7 bougez pas, nous revenons dans quelques minutes.

8 --- La pause est prise à 18 heures 47.

9 --- La pause est terminée à 18 heures 49.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors la Chambre, après avoir délibéré sur le

11 point de savoir si l'Accusation peut montrer le pièce P533 au témoin, la

12 Chambre considère que dans le cadre du contre-interrogatoire, l'Accusation

13 peut demander à vérifier auprès du témoin, la portée d'une déclaration

14 antérieure, étant rappelé que le témoin avait dit à l'époque qu'enfin à

15 l'époque, il y a quelque temps de cela aujourd'hui que les Moudjahiddines

16 n'étaient pas sous le contrôle du 3e Corps.

17 A partir d'un document, l'Accusation voulant, soit rafraîchir la mémoire du

18 témoin, soit tester la crédibilité du témoin, souhaite, en présentant ce

19 document, connaître le point de vue du témoin, soit sur le maintien de son

20 affirmation, soit, également, sur une modification de sa déclaration

21 antérieure. Dans ces conditions, la Chambre estime que l'Accusation est

22 fondée à présenter ce document et à recueillir toute opinion utile du

23 paragraphe pertinent concernant la question posée par l'Accusation qui, en

24 tout état de cause, a trait de manière très précise à une allégation

25 contenue dans son acte d'accusation et donc, dans ces conditions, vous,

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1 vous pouvez donc présenter les documents et demander au témoin toute

2 observation sur un ou plusieurs paragraphes du document.

3 Donc, faites donc.

4 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Q. Vous avez ce document sous vos yeux, monsieur ?

6 R. Oui.

7 Q. Je vais vous demander d'abord de vous rapporter à la première page du

8 document. Il apparaît que c'est là bien le rapport sur le 3e Bataillon

9 motorisé de montagnes. Il s'agit d'un rapport qui a été signé par le

10 commandant du 3e Bataillon de montagnes.

11 Est-ce que vous le voyez, en bas de page ?

12 R. C'est à moi que vous posez la question ?

13 Q. Oui.

14 R. Excusez-moi, je crois que c'est bien tapé à la machine, nous voyons

15 bien le commandant du 3e Bataillon de montagnes. Oui.

16 Q. En haut, à gauche, nous lisons donc République de Bosnie-Herzégovine,

17 3e Corps d'armée, 7e Brigade.

18 R. Oui.

19 Q. Passons maintenant à la page 3 de ce document. En haut de page, nous

20 voyons que ce commandant s'adresse à son unité et l'un des aspects concerne

21 la situation qui prévaut dans l'unité en matière de formation et

22 d'entraînement. Il est dit : "Pour ce qui est de l'instruction et

23 d'entraînement, les membres de l'unité en 1993, au mois de mars, se sont

24 vus dotés d'un entraînement qui leur a été dispensé par des instructeurs

25 iraniens." Il s'agit d'instructions dans le domaine du génie,

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1 d'observations, reconnaissances et assainissement du terrain, et cetera,

2 dans les milieux habités, embuscades, et cetera.

3 Bien, maintenant, la question est de savoir, est-ce que vous étiez au

4 courant de tout cela ?

5 R. Non.

6 Q. Votre source ne vous a informé, Monsieur, que des instructeurs iraniens

7 se seraient occupés de l'entraînement et de la formation des membres de la

8 7e Brigade musulmane ?

9 R. Non.

10 Q. Très bien, merci. Maintenant je crois que nous pouvons retirer cette

11 pièce à conviction.

12 R. Vous savez, je voulais dire que, lorsqu'on parle des Moudjahiddines, il

13 y avait des instructeurs iraniens, ce n'était pas nécessairement des

14 Moudjahiddines. Il y avait beaucoup de gens en Bosnie centrale qui

15 travaillaient de façon autonome. Il y avait par exemple des Danois, des

16 Allemands, puis je parle des Européens. Mais il y avait des Sud-africains,

17 et cetera. Par conséquent, tout est vraisemblable, en tout cas, on ne parle

18 pas de Moudjahiddines dans ce sens-là.

19 Q. Fort bien.

20 R. Je voulais dire tout simplement que cette mention faite ne traite pas

21 nécessairement des Moudjahiddines.

22 Q. Fort bien. Mais je crois que nous allons nous reporter à un autre

23 document, c'était le tout premier document et peut-être qu'on se mettra à

24 la recherche d'informations davantage succinctes, mais détaillées

25 également.

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1 M. WAESPI : [interprétation] Poursuit. Monsieur le Président, pour terminer

2 aujourd'hui, le début d'aujourd'hui, je crois qu'il est de la pratique de

3 la Chambre de première instance que le témoin communique tout de même,

4 divulgue ses sources, c'est peut-être là, on devrait pouvoir le faire en

5 huis clos partiel, ou peut-être en huis clos. Peut-être que je ne suis pas

6 bien versé dans cette procédure, peut-être Monsieur Mundis devrait prendre

7 la parole pour faire état de notre attitude à cet égard-là. Mais, je crois,

8 Monsieur le Président, qu'il est fort important de faire une estimation et

9 évaluation de la source; sinon, on ne devrait pas pouvoir savoir, et on ne

10 saurait jamais comment ces informations devraient être, prises en

11 considération ou pas.

12 Maintenant, on a une possibilité de voir le témoin, pour une raison ou pour

13 une autre, refuser de dire quoi que ce soit.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, à ce stade, l'Accusation nous dit, voilà le

15 Témoin qui fait état d'une source dont il ne dit pas le nom ni l'origine,

16 ni la fonction, le cas échéant. L'Accusation estime que le témoin, qui est

17 aujourd'hui devant nous, doit répondre et éclaircir ce qu'il dit, par

18 lequel champ la divulgation de la source. Ce que M. Waespi nous dit, c'est

19 à la ligne 25 de la page 92. D'ailleurs, M. Mundis pourrait expliciter la

20 position.

21 Alors, Monsieur Mundis, vous voulez intervenir sur la question des sources

22 ou pas ?

23 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je me

24 souviens tout simplement du fait qu'on était arrivé à entendre mentionner

25 le témoin avant de marquer une pause. J'ai essayé tout simplement de

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1 trouver dans notre base de données une décision rendue par la Chambre de

2 première instance en réponse à une requête du conseil de la Défense pour

3 dire qu'un témoignage de seconde main recevable, mais, en ce cas-là, les

4 sources d'information de seconde main devraient être dévoilées pour que la

5 Chambre de première instance puisse en faire une analyse de ces

6 informations et accordée pour de telles poids quelconque et,

7 malheureusement, je n'ai pas pu aboutir à -- dans ma banque de données, à

8 cette décision-là. Mais de mémoire, devrais-je pouvoir dire que c'est au

9 début même de la présentation des éléments de preuve du conseil de la

10 Défense que la Chambre de première instance devrait être saisie de ces

11 témoignages de seconde main. Une ordonnance a été donnée, comme quoi --

12 rendue comme quoi, on devrait pouvoir se servir de témoignages de seconde

13 main, mais pour autant que l'on connaisse, la source, étant donné que le

14 témoin a refusé de nous présenter l'identité de la source, on devrait

15 pouvoir demander au témoin à huis clos partiel de dire de quelle source il

16 s'agit. Sinon, tout ce que le témoin aurait à dire, à ce sujet, ce qu'il y

17 aurait à mentionner au sujet d'informations, à partir de cette source-là,

18 devrait paraître, considérer comme étant irrecevable. Bien entendu, si la

19 situation était différente ou tout à fait renversée, c'est-à-dire, si je

20 devais citer à la barre un témoin qui lui dirait qu'il détenait une source

21 sur laquelle les Moudjahiddines auraient été sous contrôle du

22 3e Corps d'armée; de toute évidence, ces informations n'auraient pas pu

23 être recevables, ici. Voilà, par conséquent, il ne s'agit pas, d'ailleurs,

24 du poids qu'il convient de conférer à ces informations.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai demandé à M. le Greffier de passer à huis clos

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1 partiel.

2 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

3 [Audience à huis clos partiel]

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20 [Audience publique]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En audience publique.

22 Il est 19 heures 8 minutes. Nous avons dépassé de presque dix minutes la

23 durée de l'audience. Cette audience de ce jour donc s'achève. Elle

24 reprendra demain à 9 heures précise.

25 Mon Colonel, d'ici demain, vous n'avez aucun contact avec personne puisque

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1 ayant prêté serment, vous êtes maintenant le témoin de la justice. Prenez

2 vos dispositions pour être présent dès demain

3 9 heures.

4 J'invite donc tout le monde à revenir pour l'audience de demain, 9 heures,

5 où la Chambre rendra une décision.

6 --- L'audience est levée à 19 heures 08 et reprendra le mardi 1er février

7 2005, à 9 heures 00.

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