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1 Le mardi 15 février 2005
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
5 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, veuillez appeler le numéro de
7 l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président, affaire numéro IT-01-47-T,
9 le Procureur contre Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
11 Je vais demander à l'Accusation de bien vouloir se présenter.
12 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, merci.
13 Bonjour, Madame, Monsieur les Juges, bonjour aux conseils de la Défense et
14 à tout le personnel de la Chambre.
15 Pour l'Accusation, Stefan Waespi, Daryl Mundis, Matthias Neuner et Andres
16 Vatter.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense veut bien se présenter.
18 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
19 Monsieur les Juges.
20 Pour la Défense de M. Hadzihasanovic, Edina Residovic, conseil principal;
21 Stéphane Bourgon, co-conseil; et Alexis Demirdjian, assistant juridique.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, les autres avocats.
23 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pour la
24 Défense de M. Kubura, Rodney Dixon, Fahrudin Ibrisimovic, et Nermin
25 Mulalic, assistant juridique.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre, en ce mardi, 15 février 2005, salue
2 toutes les personnes présentes. Je salue les représentants de l'Accusation,
3 tous les avocats, je salue les deux accusés, ainsi que le témoin qui est
4 présent. Je n'oublie pas d'associer également dans les salutations le
5 personnel de cette salle d'audience, ainsi que ceux qui sont à l'extérieur.
6 Nous devons poursuivre l'audition du témoin dans le cadre du contre-
7 interrogatoire, et je vais donner la parole à M. Waespi.
8 LE TÉMOIN: MLADEN VESELJAK [Reprise]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Contre-interrogatoire par M. Waespi : [Suite]
12 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Veseljak.
13 R. Bonjour, Monsieur le Procureur.
14 Q. J'aimerais que nous poursuivions notre discussion au sujet d'un certain
15 nombre de pièces, et j'aimerais parler tout d'abord d'une pièce que vous
16 trouverez dans le jeu de pièces remis par la Défense. Par conséquent,
17 j'aimerais qu'on remette au témoin ce classeur.
18 M. WAESPI : [interprétation] Le document sur lequel j'aimerais revenir est
19 l'un des jugements, qui fait partie de la quatrième partie, quatrième
20 intercalaire, c'est le deuxième document de l'intercalaire 4, avec le titre
21 "Jugement". J'aimerais plus particulièrement attirer votre attention sur
22 cette pièce. Il s'agit de la pièce DH155/7, avec un jugement du 3 juin
23 1993.
24 Q. Est-ce que vous l'avez trouvé, Monsieur Veseljak ?
25 R. Oui.
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1 Q. Vous n'étiez pas l'un des Juges comme je peux le voir ici, le Juge
2 président était M. Strika. Il s'agit d'abord, une fois de plus, d'un des
3 crimes que vous avez évoqué hier, vous voyez au bas de la page 2, et la
4 page 3, en B/C/S et en l'anglais, que le problème est l'abandon
5 intentionnel de position, le vol de vaches, le vol de vélos d'enfants, et
6 cetera. Il s'agit essentiellement du sujet de ce jugement.
7 Mais ce qui m'intéresse plus précisément, c'est la page 6 et le deuxième
8 paragraphe dans la version en B/C/S, page 6, paragraphe 2.
9 M. WAESPI : [interprétation] En anglais, il s'agit du dernier paragraphe,
10 de la page 5.
11 Q. Je vais vous en donner lecture pour que tout le monde sache de quoi il
12 s'agit. "Pendant la présentation des éléments de preuve au procès, avec le
13 consentement des parties, la Chambre a lu les comptes rendus d'entretien de
14 témoins, avec les témoins, Mirsad Ehic et Avdo Buljubasic, de la procédure
15 préalable. Elle a examiné le rapport du 1er Bataillon de la 303e Brigade de
16 Montagne, un document certifiant que les accusés étaient membres de la
17 303e Brigade de Montagne de Zenica, un certificat pour les biens confisqués
18 provisoirement, et une copie du casier judiciaire de l'accusé."
19 Monsieur Veseljak, ce que j'aimerais savoir de votre part, c'est la chose
20 suivante, le fait qu'on mentionne un document qui certifie que les accusés
21 étaient membres de la 303e Brigade de Montagne de Zenica. Qu'entend-on par
22 là ? De quel certificat s'agit-il ? Qui délivre ces certificats ? Pour
23 autant que vous le puissiez le savoir.
24 R. Ces certificats, ces attestations sont des documents qui étaient
25 généralement délivrés par la brigade, où on voit le nom de la brigade dans
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1 l'intitulé, et on dit que la personne, X, Y, est membre de cette brigade,
2 et l'on pouvait donc de cette manière-là, sur cette base, établir la
3 compétence et les capacités de cette personne, en tant que militaire. De
4 telles attestations pouvaient également être délivrées par un organe civil,
5 responsable de la mobilisation, mais, généralement, il s'agissait de la
6 brigade, ou de la formation concernée, attestant de l'appartenance de telle
7 ou telle personne à l'unité concernée.
8 Q. Les autorités judiciaires, les juges, les tribunaux se fonderaient sur
9 ces informations.
10 R. Étant donné qu'il s'agit de documents qui sont des documents publics,
11 alors, on part de l'hypothèse qu'il s'agit de documents exacts, et
12 certifiés. Mais en cas de question, on pourrait certainement le vérifier.
13 Q. Merci. J'aimerais que nous passions à un autre problème.
14 M. WAESPI : [interprétation] J'aimerais montrer au témoin un document qui
15 ne figure pas dans le classeur, mais qu'on vous a remis hier, il s'agit de
16 la pièce P660. La pièce P660 s'agit d'un document bref, qui se compose
17 d'une page uniquement. Il s'agit apparemment d'un document daté du 1er
18 avril, qui émane de la 306e Brigade de Montagne.
19 Q. Alors, ce qui m'intéresse maintenant, Monsieur Veseljak, et peut-être
20 que vous pourrez nous en dire plus, une fois que vous aurez pris
21 connaissance du contenu de ce document, ce qui m'intéresse, en premier
22 lieu, c'est le point 3 : "Incident inhabituel et relations avec le HVO," au
23 bas de la page, et je vais vous en donner lecture. Je vais vous donner
24 lecture de la version anglaise, je cite : "Dans l'après-midi du 31 mars
25 1993, le corps d'un citoyen étranger, portant un uniforme de l'ABiH a été
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1 retrouvé dans le village de Zabilje, sur la route de Zukica-Most. Le juge
2 d'instruction militaire s'est saisi de l'affaire et l'organe de sécurité
3 enverra les détails," et cetera. Ensuite, on parle de l'impact que cela a
4 eu sur le HVO.
5 On parle ici d'un juge d'instruction militaire, qui s'est saisi de
6 l'affaire, est-ce que vous vous souvenez de cet incident, et est-il
7 possible que vous, vous soyez occupé de cet incident ?
8 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que l'un des
9 conseils de la Défense souhaite intervenir.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
11 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Nous souhaitons intervenir sur le fait que ce document concerne la région
13 de Travnik, et le tribunal militaire de Travnik, ce qui ne concerne pas,
14 par conséquent, la région de Zenica et la municipalité de Zenica ou encore
15 le tribunal militaire de district de Zenica.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation, vous avez demandé au témoin s'il
17 s'était occupé de cette affaire-là. La Défense fait valoir que cette région
18 relève de la compétence de la cour militaire de Travnik, et pas de celle à
19 laquelle appartient le témoin.
20 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, si je ne m'abuse, le
21 témoin nous a parlé hier, de la compétence du tribunal supérieur de Zenica.
22 Il a dit qu'il y avait deux tribunaux militaires à Zenica, et à Travnik,
23 ainsi que cinq ou six autres tribunaux militaires ou tribunaux de première
24 instance, mais il ne nous a pas dit dans quelle zone il exerçait sa
25 responsabilité, en tant que Juge de permanence, en tout cas je ne l'ai pas
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1 entendu nous dire cela, et il pourra certainement nous dire s'il était
2 concerné en l'espèce ou pas.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Demandez-lui s'il était effectivement compétent pour
4 investiguer dans la zone du village de Zabilje.
5 M. WAESPI : [interprétation] Vous avez entendu la question du Président de
6 la Chambre. Étiez-vous compétent pour investiguer un incident, qui se
7 serait produit dans ce village de Zabilje, dans la zone de Zukica-Most, ou
8 à proximité ?
9 R. Non. Comme je l'ai expliqué, mais peut-être que le Procureur m'a mal
10 compris. Sur le territoire dont on parle, il existait deux tribunaux
11 militaires de district, et cinq ou six tribunaux d'instance civile, et non
12 pas militaire. Par conséquent, le tribunal, dans lequel je travaillais,
13 n'était pas compétent pour intervenir sur le territoire dont il est
14 question ici, par conséquent, et d'ailleurs je n'ai pas connaissance de cet
15 incident.
16 Q. Dans votre zone de compétence, est-ce qu'on ne vous a jamais demandé
17 d'intervenir sur des lieux, où on a retrouvé un citoyen étranger, portant
18 un uniforme de l'ABiH, est-ce que cela ne vous ait jamais arrivé ?
19 R. Non, jamais je n'étais dans une telle situation.
20 M. WAESPI : [interprétation] Merci. Je demanderais qu'on me rende le
21 document.
22 Q. J'aimerais maintenant passer à un autre point, qui concerne trois
23 pièces à conviction du jeu de documents, que je vous ai remis. Il s'agit
24 des documents 11, 12 et 13. Il s'agit des pièces P777, intercalaire 11; la
25 pièce P779, intercalaire 12; et la pièce P774, intercalaire 13.
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1 Il s'agirait apparemment d'in incident, si on prend intercalaire 11,
2 incident qui s'est produit au mois de mai, début mai, et si vous prenez
3 l'intercalaire 11, la pièce P777, vous constaterez qu'il s'agit d'un ordre
4 émanant du Groupe opérationnel Lasva du commandant de ce groupe, cet ordre
5 a été délivré au commandant de la 309e Brigade. Manifestement, cet ordre
6 dit que quelque chose est arrivé, un incident regrettable et l'ordre qui
7 est donné au commandant de la 309e Brigade consister à lui demander de se
8 pencher sur la question, d'enquêter et de présenter un rapport écrit. C'est
9 de là le point 1.
10 Quant au point 2, je suis encore à l'intercalaire 11, cet ordre daté du 5
11 mai 1993 et au point 2, il est question des actions concrètes qui doivent
12 être entreprises, à savoir recueillir des déclarations écrites de personnes
13 telles que le chef d'état-major, les commandants de certaines compagnies,
14 et cetera. On donne au commandant quelques jours pour exécuter cet ordre.
15 Est-ce que vous pouvez voir tout cela dans ce document ?
16 R. Oui, oui, oui.
17 Q. Le deuxième document, date de quelques jours plus tard, c'est la pièce
18 P779. Là, manifestement, le commandant de la
19 309e Brigade a exécuté l'ordre qui lui a été donné. On parle d'une
20 embuscade chetnik, en première page et, en page 4, la dernière page de la
21 version anglaise, il énumère les pièces jointes, c'est-à-dire, son rapport
22 et les déclarations de différentes personnes, comme cela lui avait été
23 demandé dans l'ordre.
24 Alors, ce document, voilà la question que j'aimerais vous poser ou plutôt
25 j'aimerais maintenant que vous examiniez le dernier document, c'est-à-dire,
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1 le document figurant à l'intercalaire 13. Il s'agit là d'un rapport
2 criminel du 31 juillet 1993 qui semble émaner du commandement du 3e Corps
3 et, apparemment, c'est M. Dugalic, qui en est l'auteur. Il s'agit de la
4 pièce P774 et c'est adressé au bureau du Procureur militaire de Zenica.
5 Apparemment, ici, on peut voir que le 3e Corps s'est penché sur la question
6 et il demande au bureau du Procureur militaire de prendre des mesures pour
7 identifier les individus qui sont les auteurs de ce crime ainsi
8 qu'éventuellement d'autres crimes et d'engager des poursuites pénales
9 contre cette personne devant le tribunal militaire de Zenica qui est
10 compétent en l'espèce.
11 Au dernier paragraphe de ce document, dans la dernière phrase, on dit qu'il
12 convient également d'interroger les témoins au sujet de toutes les
13 circonstances entourant ce crime et dans l'annexe, on énumère les documents
14 et déclarations concernées.
15 Alors, ma question est la suivante : est-ce que c'est là une façon
16 habituelle de procéder, à savoir que les militaires se penchent sur la
17 question en premier et ensuite ils remettent leurs constatations, les
18 déclarations de témoins au procureur militaire avec certaines orientation
19 et certaines indications. Est-ce que c'est là une façon de procéder
20 habituelle ?
21 R. Alors ce que j'aimerais vous dire tout d'abord c'est que personne ne
22 donnait des instructions, personne ne donnait des ordres au procureur et en
23 l'occurrence ce n'est pas le cas non plus. Donc, vous avez mal compris et
24 mal interprété. Là, on propose au procureur de procéder de la sorte. Une
25 plainte au pénal, en gros, décrit les faits qui se sont produits et
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1 contient des propositions de la personne qui dépose cette plainte à
2 l'intention du procureur pour qu'il engage des poursuites pénales. Là, nous
3 sommes en face de deux aspects très différents des choses. Tout d'abord,
4 dans tous les cas, il était habituel que l'on se demande, en premier lieu,
5 si une plainte pénale était d'une quelconque manière fondée et, d'ailleurs,
6 on peut s'attendre et c'était le cas dans la pratique à ce que, dans chaque
7 plainte au pénal, on doive prouver certaines circonstances et certains
8 éléments de preuve qui montrent qu'il y a des présomptions d'une infraction
9 pénale. Cette plainte est donc déposée sur la base de présomption et
10 ensuite c'est le procureur qui, en tant que dominus legis, prend la suite
11 de la procédure, ce qui arrive à l'établissement au fait de savoir s'il
12 existe des présomptions raisonnables. Donc là, il n'y a rien d'inhabituel.
13 En d'autres termes, immunité militaire, dans le cadre de la ligne de
14 commandement établi, se livre à des vérifications internes. Conformément à
15 la pratique militaire, elle vérifie s'il existe des raisons de penser qu'il
16 y a eu une infraction pénale et au moment où des soupçons ou des doutes
17 existent, alors elle transmet cela au procureur. Le code de procédures
18 pénales obligeait tout citoyen et toute institution à informer le procureur
19 d'une infraction pénale éventuelle et c'est précisément ce dont il est
20 question ici.
21 Q. Oui. Merci pour votre réponse sur cette question.
22 Alors, passons maintenant à un autre point. Vous nous avez dit que vous
23 avez impliqué dans une affaire ou dans un enquête, enfin, je ne me souviens
24 plus exactement, mais au sujet d'un citoyen égyptien qui maintenant, qui
25 maintenant, me semble-t-il, est médecin et exerce en Egypte. Est-ce que
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1 vous vous en souvenez ? Vous nous en avez parlé hier ?
2 R. Oui, je m'en souviens, hier, je parlais de cet événement dans lequel
3 j'ai été impliqué, dans le cadre d'un procès et j'ai cité ce cas comme un
4 exemple des carences auxquelles nous étions confrontées dans notre travail
5 et des difficultés entourant l'identification des personnes. C'était dans
6 le cadre d'une question de la Défense en rapport avez les difficultés que
7 nous devions surmonter.
8 Pour autant que je puisse m'en souvenir, cet événement s'est déroulé bien
9 plus tard que la période concernée en l'espèce.
10 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, si nous pouvions passer
11 brièvement à huis clos partiel, pendant quelques minutes, je vous en serais
12 reconnaissant.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience partielle,
15 Monsieur le Président.
16 [Audience à huis clos partiel]
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3 [Audience publique]
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors pour les questions supplémentaires, je
5 me tourne vers la Défense.
6 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Nouvel interrogatoire par Mme Residovic :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Veseljak.
9 R. Bonjour, consoeur Residovic.
10 Q. Hier, M. le Procureur vous a posé plusieurs questions. Il vous a montré
11 des comptes rendus d'enquête sur les lieux, auxquels vous avez assisté, ou
12 qui ont été menés par un de vos collègues, Juge du tribunal district. Vous
13 vous en souvenez ?
14 R. Oui.
15 Q. A ce sujet, il vous a posé de nombreuses questions, auxquelles vous
16 avez répondu, et qui concernaient le point suivant, à savoir, que le juge
17 lors de cette enquête sur les lieux, identifie l'identité du suspect, qu'il
18 recueille des informations, qu'il prend les noms des témoins, qu'il retire
19 ou qu'il confisque les armes, est-ce que vous vous souvenez de ces
20 questions, posées par le Procureur ?
21 R. Oui, je m'en souviens.
22 Q. Au sujet de ce groupe de questions, qui vous ont été posées, et qui
23 s'accompagnaient de présentation de documents, je voudrais vous demander la
24 chose suivante : est-ce qu'il s'agit de fait pertinent que le Juge cherche
25 à établir, lorsqu'il se rend sur les lieux ?
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1 R. Quand il s'agit d'enquête sur les lieux, il ne s'agit jamais d'établir
2 des faits. Il s'agit de recueillir des éléments, ce que l'on peut trouver
3 sur place, et éventuellement il s'agit de recueillir des informations, des
4 informations que l'on peut se procurer pendant cette enquête sur les lieux.
5 J'ai l'habitude de dire, dans la variante croate de notre langue BHS, que
6 le terme employé pour l'enquête sur les lieux, Ocavid, littéralement
7 signifie ce que l'on voit de ses yeux. Donc quoiqu'il en soit, le Juge, qui
8 mène cette enquête sur les lieux, fera en sorte de recueillir tous les
9 éléments d'information qui peuvent s'avérer utiles par la suite.
10 Q. En répondant aux questions de mon éminent confrère - et je ne voudrais
11 pas citer les différentes lignes du compte rendu d'audience - vous avez
12 dit, à plusieurs reprises, en répondant : "Si cela s'avère possible ou si
13 cela est possible." Vous vous en souvenez ?
14 R. Oui.
15 Q. Dites-moi, s'il vous plaît : le fait de recueillir tous les éléments,
16 tous les faits possibles, qui peuvent s'avérer utiles dans la suite de la
17 procédure, lorsque vous dites cela, lorsque vous parlez de cela, est-ce que
18 ceci se trouve limiter par les différents éléments contraignants sur les
19 lieux, les circonstances, tout ce qui limite les activités du Juge ?
20 R. Mais, bien entendu, toute enquête sur les lieux se trouve limiter par
21 les circonstances, par la situation dans laquelle elle se situe. Je
22 pourrais vous dire quelles sont les dix questions de base, que pose un
23 criminaliste, et auxquelles il faut trouver des réponses, pour qu'une
24 enquête sur les lieux soit valable, mais, évidemment, toute enquête se
25 situe dans un contexte bien déterminé par certaines circonstances, et dans
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1 certains cas de figure, on arrivait à recueillir les éléments les plus
2 minutieux, détaillés, dans d'autres cas, je dirais entre guillemets, je
3 dirais que c'était uniquement en gros, qu'on a pu procéder, grosso modo, et
4 il faut utiliser ce qu'on a. Il y avait le troisième cas de figure, où on
5 ne trouve plus rien sur place, on rédige donc, par conséquent une note
6 officielle, disant qu'on n'a rien pu trouver sur les lieux.
7 Q. Monsieur Veseljak, lorsque le Juge se rend sur les lieux, qui décide si
8 les circonstances permettent de procéder à des mesures ou pas ? Qui le
9 décide ?
10 R. Le Juge.
11 Q. Lorsque le Juge se rend sur les lieux, qui décide ? Quels sont les
12 faits qui seront recueillis, et quelle sera la méthode appliquée ?
13 R. C'est encore une fois le Juge.
14 Q. Lorsque le Juge est sur les lieux, l'organe militaire, la police
15 militaire, la police civile, ou une autre instance, peut-elle en dosser le
16 rôle du Juge et décider, de son propre chef, ce qu'il est possible, ou ce
17 qu'il faut recueillir, comme élément ou comme fait ?
18 R. Le Juge est le seul à prendre la parole pendant une enquête sur les
19 lieux, donc, je suis catégorique, personne ne peut prendre de décision,
20 qu'elle soit intelligente ou pas intelligente, qu'elle soit utile ou pas,
21 positif ou négatif, personne ne peut agir.
22 Q. On vous a présenté des comptes rendus d'enquête sur les lieux, et il
23 s'agissait des enquêtes où vous avez participé, personnellement, on y voit
24 qu'on a procédé, soit à une autopsie, soit qu'on a décrit les blessures
25 infligées à différents individus. Alors, qui décide ce que fera le médecin
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1 légiste, dans un cas de figure précis ?
2 R. C'est le Juge d'instruction qui le décide.
3 Q. Pratiquement, dans tous les documents qui vous ont été présentés, l'on
4 voit apparaître le nom du médecin, d'un pathologiste, connaissez-vous ce
5 nom ?
6 R. Faruk Turkic.
7 Q. Monsieur Veseljak, pendant toute la guerre, vous avez travaillé en tant
8 que juge, vous vous êtes rendu sur les lieux, est-ce que vous faisiez
9 confiance à ce que faisait M. Turkic, à ces descriptions de blessures, ou à
10 ces autopsies ?
11 R. Je lui faisais totalement confiance. Le Dr Turkic, par le concours de
12 circonstances, est le seul pathologiste à l'hôpital cantonal de Zenica, et
13 ce depuis de nombreuses années. C'est un homme qui a une très grande
14 expérience, et qui est extrêmement intègre. J'ai travaillé, collaboré avec
15 le Dr Turkic pendant des années, et il faut savoir que nous avons souvent
16 travaillé ensemble, M. Turkic n'est pas médecin légiste, et souvent il
17 n'avait pas la possibilité d'agir en qualité d'expert, et il nous a fallu
18 en remplacement, engager d'autres experts, Dr Zdenko Cihlas, par exemple,
19 qui est chef de la chaire de médecine légale à l'université, et il ne nous
20 est jamais arrivé que l'on invalide les conclusions du Dr Turkic, pour ce
21 qui est de ce qu'il a examiné lui.
22 Q. La localité de Stranjani, c'est la localité où les membres du bataillon
23 de police militaire, se sont rendus, et où il y a eu un conflit qui les a
24 opposés, un conflit armé qui les a opposés au voleur. Mon collègue - là je
25 vais paraphraser votre réponse - mon collègue vous a demandé, vous avez
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1 répondu, je paraphrase. Vous avez dit qu'il ne s'agit pas de que ce n'est
2 pas la vache qui est centrale dans cette question, puisque c'était un poste
3 de police militaire qui était là. Dites-moi : ils étaient là pour protéger
4 qui ?
5 R. Ils protégeaient les habitants du village de Stranjani, et les arrières
6 de ce village car c'est une zone qui était majoritairement habitée de
7 Croates. Donc, ce poste avait pour finalité de fournir la protection,
8 précisément à cette population-là, et nous tous, j'ajoute, nous qui, d'une
9 manière ou d'une autre, avons pris part à soit de la justice ou autre, à
10 l'époque, nous éprouvions vraiment qu'il était nécessaire de protéger cette
11 population.
12 Un détail que je vais vous citer, quand je me suis rendu sur les lieux pour
13 faire l'enquête sur place, j'ai demandé à un homme, le frère Stipan, prêtre
14 franciscain qui était très respecté, de m'accompagner pour m'aider à ce que
15 la population n'ait pas peur, qu'on dissipe leurs craintes, qu'il voit
16 qu'il y a des autorités légales qui s'intéressent à leur sécurité, donc
17 c'est un événement qui, à mes yeux, n'est pas un événement qui est la
18 conséquence de vol de vache. Il montre cette détermination à protéger les
19 gens dans leurs foyers, là où ils vivent.
20 Q. Merci. Mon éminent collègue vous a montré aujourd'hui quelques
21 documents, des documents qui ont à voir avec une affaire ou un événement
22 qui s'est produit dans la zone du Groupe opérationnel --
23 R. Lasva.
24 Q. Lasva. A ce sujet, je vais vous demander la chose
25 suivante : on a un organe de poursuite, par exemple, la police, police
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1 civile, police militaire. Si cet organe apprend par ses propres moyens
2 qu'un événement s'est produit, un événement qui pourrait être un crime ou
3 délit, vous avez expliqué que, dans ce cas-là, ils se chargent de
4 recueillir un certain nombre d'éléments, eux-mêmes, d'éléments de preuve
5 avant de s'adresser au procureur compétent. Est-ce que c'est cela que vous
6 avez cherché à expliquer lorsque le Procureur vous a posé la question ?
7 R. Oui. Car à l'opposé si l'on présentait au procureur : "Qu'on porte des
8 plaintes contre X, Y, parce qu'il aurait commis un acte," le procureur
9 répondrait raisonnablement : "Qu'il n'y avait pas de fondement pour qu'il
10 estime qu'il s'agit d'un suspect." Certes, tout un chacun, tout citoyen
11 était tenu d'informer le procureur s'il était au courant de la commission
12 d'un acte. On ne peut pas demander à tout un chacun de présenter des
13 documents à l'appui de ces affirmations, mais on peut demander aux organes.
14 Q. Ce sont les pièces P777, P779 et P774; est-ce que vous pouvez les
15 examiner encore une fois ? Ces documents concernaient des soldats d'une
16 unité donnée qui ont été victimes pendant une opération de combat. Est-ce
17 que c'est la substance de cette affaire qui s'est déroulée au sein de
18 l'armée, elle-même ?
19 R. Oui. C'est comme cela que je l'ai compris. Je l'ai lu en vitesse,
20 certes. Mais, oui, c'est ce qui est écrit ici qu'il y avait une opération
21 militaire en cours, qu'il y a eu des victimes et que, dans le cadre de la
22 chaîne de commandement et de contrôle, on a vérifié s'il y a eu
23 infractions, violations du règlement, et lorsqu'ils ont constaté que si on
24 a porté plainte contre quelqu'un pour atteinte aux forces armées. Attendez
25 je vais vérifier si au numéro 13, 774. Je crois que j'ai bien lu que cette
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1 personne on lui a reproché de ne pas avoir sécurisé une unité, une unité
2 militaire et on se fonde ici sur un l'Article 234 du code pénal, donc
3 atteinte aux forces armées.
4 Q. Très bien, Monsieur Veseljak. Lorsque vous lisez ce texte et cette
5 plainte contre un auteur inconnu, est-ce que ceci vous montre de quelle
6 façon l'armée si elle est prise pour enquêter à l'encontre de ses propres
7 soldats -- est-ce que vous pensez que c'était une méthode appropriée ou
8 non, lorsqu'il s'agit de sa propre armée ?
9 R. Tout incident - et il y en a eu beaucoup - impliquait ce genre de
10 procédure car les commandants ou les commandements pouvaient constater
11 qu'il y avait là une infraction disciplinaire, donc une détention de 30
12 jours pouvaient être prononcée par le commandant; enfin, je ne sais pas ou,
13 par exemple, le refus de repos ou permis de sortir en ville, et cetera. Ou
14 on pouvait constater que c'était une infraction et, dans ce cas-là, on
15 allait traduire l'individu devant un tribunal de simple police. Or, ici, on
16 a constaté que c'était un crime et c'est la raison pour laquelle on s'est
17 adressé au procureur militaire compétent. Je ne sais pas comment l'affaire
18 s'est déroulée, quelle a été la fin. Par la suite, le procureur est saisi,
19 puis il s'adresse au Juge d'instruction et, ensuite, il dresse l'acte
20 d'accusation ou il abandonne les poursuites. Il s'agit là d'une procédure
21 tout à fait habituelle.
22 Q. Monsieur Veseljak, nous avons connu la guerre, vous comme moi, et nous
23 savons tous que les gens perdent leur vie dans la guerre. Si le commandant
24 ou si la police militaire, en enquêtant sur une mort, constate tout
25 simplement que quelqu'un a perdu la vie dans le cadre d'un combat habituel,
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1 régulier, et si on constate qu'il n'y a pas de soupçons à l'encontre de qui
2 que ce soit, n'est-il pas naturel de ne pas saisir des organes tiers, ou
3 plutôt est-ce qu'il fallait toujours dans toutes ces affaires saisir un
4 organe extérieur ?
5 R. Non, lorsqu'il s'agit d'une situation de combat normal, c'est la
6 structure militaire qui s'en charge, et elle ne s'adresse pas au procureur,
7 elle ne sort pas de l'armée. Mais il y a les soupçons, il y a le doute,
8 doute fondé, pas fondé, il y a eu pas mal de situations de ce genre, même
9 si un événement se produit au niveau de la ligne de combat, le Juge
10 d'instruction se rendait sur les lieux.
11 Donc, ma réponse est la suivante : si quelqu'un perdait sa vie dans le cas
12 des opérations de combat, on n'en informait pas les tribunaux.
13 Q. Si l'organe militaire, la police ou quelqu'un d'autre estimait qu'il
14 fallait informer immédiatement les tribunaux, enfin, c'est-à-dire, tout
15 d'abord le Juge de permanence, puis le procureur, et si le Juge
16 d'instruction se rendait sur les lieux, par la suite, qui décidait de la
17 suite, de l'enchaînement ?
18 R. Le procureur.
19 Q. Pendant l'enquête sur les lieux ?
20 R. Le Juge, bien sûr.
21 Q. L'organe militaire, qui sait que la justice s'est saisi de l'affaire,
22 est-ce qu'il peut, indépendamment de l'autorisation du Juge ou du
23 Procureur, est-ce qu'il peut se charger de son propre chef d'engager des
24 actions contrairement aux instructions du Juge ou du Procureur ?
25 R. Si je vous ai bien compris, je vais vous dire la chose suivante :
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1 personne ne peut interdire au commandement d'une unité de mener une enquête
2 au sein de l'unité, et ce du point de vue de la discipline, du point de vue
3 des responsabilités hiérarchiques. Mais tout ce qu'il ferait au-delà de
4 cela n'aurait aucune valeur, aucun poids, donc, non, il n'y a pas d'enquête
5 parallèle qui pourrait influer sur la procédure. A partir du moment où le
6 Juge d'instruction s'est rendu sur les lieux, c'est la justice qui se
7 saisit de l'affaire.
8 Q. Une autre question, Monsieur Veseljak. On vous a présenté un compte
9 rendu d'enquête qui correspond à la journée du pilonnage de Zenica le 19
10 avril. Alors, dans une partie, dans ces instructions que vous avez données,
11 il y a une instruction demandant à la protection civile de nettoyer la
12 zone; vous vous en souvenez ?
13 R. Oui.
14 Q. Dites-moi : la protection civile, est-ce qu'elle a des attributions qui
15 sont précisées par la loi ou est-ce qu'à tout moment, elle doit attendre
16 que le Juge d'instruction lui donne des instructions ?
17 R. Non, la protection civile, si je respire profondément, c'est parce que
18 lorsqu'on évoque la journée du 19 avril, j'ai des souvenirs qui me
19 reviennent. La protection civile a sa structure, son commandement, sa
20 chaîne de commandement. Pour ce qui est des liens entre le Tribunal et la
21 protection civile, il n'y en a pas, au fond, mais, concrètement, il faut
22 savoir que les ressources municipales, les ressources de la ville, très
23 modestes, voir même une citerne, par exemple, utilisée pour laver les
24 trottoirs, toutes ressources étaient utilisées, étaient affectées à la
25 protection civile. Nous avons eu 49 blessés graves et 15 mots au centre-
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1 ville même, ce jour-là.
2 C'est le vieux centre où il y a des cafés, c'est un lieu de rassemblement,
3 où les gens sortent, il y avait énormément de personnes là. C'est le seul
4 endroit où on avait encore l'éclairage de nuit, l'éclairage municipal. J'ai
5 considéré qu'il était nécessaire de m'adresser à la protection civile pour
6 qu'elle nettoie ce quartier parce que c'était l'unique endroit où les gens
7 se ressemblaient. Donc, on n'aurait pas pu ne pas le nettoyer. C'est la
8 raison pour laquelle je me adressé à la protection civile; sinon, la
9 protection civile suit ses propres missions, elle a ses propres règles, et
10 cetera.
11 Q. Monsieur, est-ce que vous connaissez Mesic Mirsad. Vous êtes vous-même
12 un habitant de Zenica ?
13 R. Oui.
14 Q. Qu'est-ce qu'il a fait pendant la guerre ? Est-ce qu'il avait des
15 fonctions ?
16 R. En profane, je vais vous dire, il était chef de la protection civile.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a une objection de l'Accusation.
18 L'Accusation.
19 M. WAESPI : [interprétation] Oui, je pense que je devine ou je comprends
20 quelle est la finalité de ces questions de la Défense, mais une question
21 factuelle devrait -- pouvait être posée au témoin, à savoir est-ce qu'il a
22 donné l'ordre à la protection civile de procéder au nettoyage, mais, à
23 partir de là, la Défense est allé plus loin pour parler des attributions,
24 et cetera. Donc, on mentionne d'autres personnes, mais je pense que cela
25 sort du cadre des questions supplémentaires.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, posez vos questions en allant petit à petit
2 vers le but recherché et non pas par une question que l'on pourrait
3 qualifier, enfin, de téléguider ou directrice, et qui peut sortir du champ
4 du contre-interrogatoire.
5 Donc, d'après ce que j'ai compris, vous voulez l'interroger sur la
6 protection civile ? C'est bien cela ? C'est la protection civile qui est
7 l'objet de vos préoccupations ?
8 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le Procureur a
9 réagi probablement parce que c'était important pour lui de savoir si c'est
10 l'ordre émanant du tribunal qui a amené la protection civile à nettoyer
11 cette zone de Zenica. Si j'ai reposé cette question, c'est parce que le
12 Procureur en a parlé. Il m'a dit qu'il m'a dit qu'il a donné cette
13 instruction et que la protection civile, quant à elle, se charge de
14 missions qui lui sont propres. Je viens de lui demander s'il connaît M.
15 Mesic, c'est un témoin qui est venu déposé ici et il a dit qu'il le
16 connaissait et il a dit qu'il connaissait ses fonctions.
17 Il ne me reste qu'une seule question à poser à ce témoin.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.
19 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
20 Q. Mesic, sous serment, disait devant ce Tribunal que c'est une obligation
21 de la protection civile de procéder à l'assainissement d'une zone, à
22 savoir, là où il y avait des combats et de ramasser les corps, d'évacuer
23 les corps des animaux ou d'agir de toute autre manière pour nettoyer. Est-
24 ce que vous estimez que ce témoin est habilité à dire quelles sont les
25 attributions de la protection civile ? Est-ce que c'est une obligation
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1 légale ?
2 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense veut savoir, de la part du témoin : est-
3 ce qu'il relève de la protection civile l'obligation de nettoyer une zone
4 de combat s'il y a eu des morts, soit des animaux soit des êtres humains ?
5 C'est une question juridique. Est-ce qu'il incombe à la protection civile
6 nonobstant l'intervention de la Juge de nettoyer le terrain ? Elle dit
7 qu'il y un témoin qui a dit cela. Est-ce que le Juriste, qui est devant
8 nous, peut confirmer que sur le plan juridique, c'est l'obligation de la
9 protection civile. Voilà la question qui est posée.
10 Alors, quelle est l'objection de l'Accusation ?
11 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes là dans la
12 partie questions supplémentaires. J'ai posé une question très précise à
13 Monsieur le Juge au sujet de Zenica et du nettoyage. Maintenant, on lui
14 parle d'un autre témoin qui a déposé ici, qui a donné son point de vue qui
15 peut être justifié ou erroné, mais il me semble inapproprié à ce stade-ci
16 dans le cadre des questions supplémentaires de poser une question de cet
17 ordre. J'ajoute qu'il s'agit là d'une question directrice, à savoir, lui
18 demander de confirmer ou non ce que quelqu'un d'autre a dit. Cela me semble
19 inapproprié à ce stade, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais contourner la difficulté en posant moi-même
21 la question parce que c'est une question de droit qui intéresse les
22 juristes que nous sommes.
23 A votre connaissance, est-ce que la protection civile avait l'obligation
24 légale de nettoyer une zone de combat s'il y a sur cette zone des tués,
25 soit des êtres humains, soit des animaux. Ce indépendamment de
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1 l'intervention d'un Juge.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était leur obligation légale. Par
3 ailleurs, j'ai pu constater, étant donné que j'ai vécu, malheureusement,
4 pendant cette guerre que c'est ce qu'ils faisaient effectivement.
5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, je n'ai pas d'autres questions.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, les autres Défenseurs.
7 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas d'autres questions.
8 Merci, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Pendant les dix minutes avant la pause, je voudrais
10 vous poser quelques questions purement techniques, de technique judiciaire,
11 mais qui auront le mérite d'éclairer les Juges parce que je dois vous dire
12 qu'à l'heure actuelle, concernant les pouvoirs des Juges d'instruction ou
13 du Juge qui fait le constat, il y a une ambiguïté dans mon esprit.
14 Questions de la Cour :
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je voudrais savoir, j'ai cru comprendre au
16 travers des documents et de ce que vous avez dit que dans cette cour
17 militaire, il y a un Juge qui est de permanence. Vous avez dit, on était 8
18 et cela revenait une fois toutes les 8 semaines. Est-ce que vous confirmez
19 qu'il y a bien un Juge qui est de permanence période pendant une période
20 donnée pour traiter de tout problème dont il a été saisi par les services
21 de police, soit police militaire, soit police civile ou autre ?
22 R. Chaque semaine, l'un d'entre nous, en vertu d'une décision du Président
23 du Tribunal, était désigné comme de permanence cette semaine-là. On en
24 informait la police civile et la police militaire.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Cela, tout le monde comprend. Il se passe un
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1 événement, prenons un exemple tout à fait hypothétique.
2 Quelque part à un militaire qui est tué, on ne sait pas dans quelle
3 circonstance, il y a un mort qui présente une trace de balle. Est-ce que la
4 police civile, ou la police militaire va appeler, à ce moment-là, le Juge ?
5 Autant préciser que la personne qu'on trouve sur la voie publique, ce n'est
6 pas sur un champ de bataille, c'est ailleurs qu'est-ce qui se passe, à ce
7 moment-là.
8 R. Oui, à ce moment-là, la police tout d'abord sécurise l'endroit, c'est-
9 à-dire établir un contrôle physique sur les lieux, et informe le Juge
10 d'instruction de permanence. Ce dernier --
11 M. LE JUGE ANTONETTI : La traduction française vient de me dire le Juge
12 d'instruction, soyez très clair. Le Juge, qui est de permanence, est-ce que
13 c'est le Juge ou un Juge d'instruction ? Parce que j'ai vu dans les
14 documents, émanant de vous, signés par vous, il est marqué Juge, mais, par
15 contre, il y a un autre document, où il est marqué, un de vos collègues,
16 qui marque Juge d'instruction. Alors, dans ce que vous dites, c'est le Juge
17 d'instruction ou un Juge ? Parce que j'ai l'impression toute la confusion
18 va venir après, de cette précision dès le départ. Celui qui est de
19 permanence c'est un Juge, ou un Juge d'instruction ?
20 R. Alors, permettez-moi, peut-être que je précise avec quelques phrases
21 supplémentaires. Nous avions un calendrier annuel de travail et en vertu
22 d'une décision du président du tribunal, nous voyons confier un certain
23 nombre de tâches, le collègue Ahmetovic, lui était réparti dans une autre
24 section. Nous étions affectés à différentes sections, mais, au moment où
25 j'interviens, au moment où je suis de permanence, j'agis en qualité de Juge
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1 d'instruction. Je peux donc me prévaloir de toutes les compétences dont est
2 investi un Juge d'instruction, c'est-à-dire, ordonner une exhumation, ou
3 une autopsie ou autre.
4 Alors, pour répondre à votre question, Monsieur le Président, je dirais
5 qu'au moment où je suis de permanence, je suis Juge d'instruction, pour ce
6 qui est de la façon dont les documents sont rédigés, si vous prenez la
7 partie introductive du document, vous voyez toujours qu'on dit que je suis
8 toujours le Juge d'instruction, de permanence du tribunal cantonal, et
9 cetera, mais quand j'ai signé là, j'ai signé uniquement en tant que "Juge".
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Le Juge va se rendre sur les lieux où on a trouvé le
11 cadavre, le lieu a été sécurisé par la police militaire. A ce moment-là,
12 vous faites toute une série d'actes, c'est ce que vous nous avez indiqué
13 que l'on voit, d'après les documents, à savoir, le constat, la description
14 du corps, les éventuelles blessures apparentes, le transport à l'hôpital, à
15 la morgue, l'autopsie, bien, tout cela est précisé. Ensuite, vous faites un
16 rapport.
17 Vous faites un rapport, et ce rapport, d'après ce que j'ai compris, mais
18 vous allez nous l'indiquer, il est destiné au procureur.
19 R. Oui. J'avais l'habitude d'envoyer toujours une copie également aux
20 autorités de police qui sont intervenues pendant le constat, parce qu'ils
21 avaient également un dossier qu'ils devaient compéter avec mes notes.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous faites un rapport, mais à la lecture de toutes
23 les pièces qui figurent, tant par la Défense que par l'Accusation, on voit
24 que c'est un rapport très descriptif, il y a peu d'appréciation personnelle
25 du juge sur l'éventualité qu'il y a eu un crime ou pas, ou dans le cas où
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1 il y en aurait un, le procureur a donc le rapport. J'ai cru comprendre,
2 d'après la procédure, si le procureur, à ce moment-là, veut aller plus loin
3 dans l'enquête, il est obligé de faire une requête officielle au Juge
4 d'instruction, pour qu'il y ait le début d'une enquête, avec la mise en
5 accusation d'un présumé coupable, qui aurait pu être l'auteur du crime.
6 Est-ce que c'est bien comme cela que se passe ?
7 R. Oui, c'est ainsi que cela se passe.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, le Juge d'instruction, qui va être saisi dans
9 la requête, a le pouvoir de procéder à l'audition de témoin, à interroger
10 le suspect où l'accusé, à ordonner des expertises, et à faire toute
11 investigation utile. Est-ce que vous confirmez que cela se passe bien comme
12 cela ?
13 R. Oui, tout ce que vous venez de dire, à part le fait qu'il donne son
14 point de vue. Le Juge d'instruction ne s'exprime jamais, dans notre
15 procédure, il ne donnait pas son point de vue personnel. Il pouvait
16 ordonner une quelconque expertise, entendre quiconque, mais il ne donnait
17 pas son avis.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand le Juge d'instruction, qui a été saisi par la
19 requête, a terminé son travail, il envoie son dossier au procureur, et j'ai
20 cru comprendre en lisant les jugements, qu'à ce moment-là, le procureur
21 fait un acte d'accusation, qui va saisir le tribunal. Est-ce que c'est bien
22 comme cela que cela se passe ?
23 R. S'il estime que l'instruction a été satisfaisante, s'il estime que
24 l'enquête ne doit pas être complétée, ou éventuellement élargie, alors il
25 dresse un acte d'accusation, où il abandonne les poursuites.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans ce schéma, que je viens de rappeler, et qui me
2 semble très utile, est-ce qu'il peut arriver des situations, où le Juge de
3 permanence va sur les lieu, fait son constat, son rapport de constat,
4 l'envoie au procureur, ensuite, le procureur ne fait plus rien, c'est-à-
5 dire qu'il classe purement et simplement le dossier, il ne fait pas une
6 requête au Juge d'instruction, et il classe l'affaire ? Est-ce que cela
7 peut se passer ?
8 R. Oui, c'est l'une des décisions que peut prendre le procureur, par
9 ailleurs, par le fait de dire, qu'il classe l'affaire. Cela ne veut pas
10 dire qu'il ne fait rien, avec cette affaire, il va examiner les éléments,
11 estime qu'il n'y a pas lieu d'engager des poursuites et, ensuite, par le
12 biais d'une note officielle, il dit qu'il convient d'abandonner les
13 poursuites parce qu'il n'y a pas de motif de poursuivre.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Hier, vous avez en répondant à la Défense, dit à
15 plusieurs reprises, c'est toujours le procureur qui est responsable. Dans
16 ce schéma, on voit le rôle cardinal du procureur, c'est lui qui va décider
17 de la suite à donner au premier constat fait par le Juge de permanence. Si
18 le procureur obstine qu'il n'y a pas lieu de continuer l'enquête, en
19 saisissant par une requête du Juge d'instruction, à ce moment-là, il classe
20 l'affaire. C'est donc son pouvoir absolu. Le Juge n'a pas son mot à dire.
21 R. Non, il n'a plus rien à dire, d'ailleurs, le tribunal non plus.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Puisque le tribunal n'étant pas saisi, le tribunal
23 n'a rien à dire.
24 Bien, il est 10 heures 45, nous allons faire la pause. Nous reprendrons à
25 11 heures 10.
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1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 44.
2 --- L'audience est reprise à 11 heures 12.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise.
4 Oui, la Défense.
5 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, aux fins du compte
6 rendu d'audience, page 40, ligne 21, on peut lire : "On if proceedings," en
7 anglais. Je crois que ce "if", ceci en anglais, rend la réponse du témoin
8 incompréhensible. Ligne 22, on voit : "He would file not to continue,"
9 alors que le témoin a dit : "Qu'on ne poursuive pas," et non pas : "Qu'on
10 poursuive." Voilà, j'aurais aimé qu'on corrige cela.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
12 Alors, j'ai encore quelques questions de nature technique à vous poser.
13 Quand le procureur décide de ne pas saisir le Juge d'instruction parce
14 qu'il a estimé qu'il n'avait pas d'éléments suffisants pour accuser
15 quelqu'un dans la commission d'une infraction, est-ce que les victimes
16 peuvent contester la décision de ne pas poursuivre en faisant une requête
17 soit auprès du tribunal, soit auprès du procureur pour qu'il change sa
18 décision, ou ce cassement, personne ne le connaît et en réalité les
19 victimes ne sont pas informées ? Pouvez-vous nous apporter des éléments
20 d'information.
21 R. Oui. Les victimes ne peuvent pas faire appel d'une décision du
22 procureur d'abandonner les poursuites, mais le procureur se doit, au moment
23 où il décide d'abandonner les poursuites pénales, d'en informer les
24 victimes ou les parties civiles. Dans un délai de huit jours à compter de
25 la réception de cette décision, elles peuvent décider d'aller de l'avant,
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1 elles-mêmes. Les victimes, les parties civiles, peuvent prendre la place,
2 le rôle du procureur avec tous les droits de ce dernier. Elles peuvent
3 demander que l'on mène une enquête supplémentaire, si toutes les
4 dispositions sont réunies, et elles ne peuvent pas faire appel de sa
5 décision mais elles peuvent tout de même reprendre le rôle du procureur.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous nous dites deux choses, enfin deux
7 éléments. Premièrement, le procureur a l'obligation d'avertir, dans les
8 huit jours, de son classement les victimes, qu'il a classé le dossier et,
9 dans cette hypothèse, les victimes, à ce moment-là, de par la loi, de par
10 la procédure, peuvent mettre en mouvement l'action publique, en demandant
11 des investigations. A ce moment-là, cela se fait, je suppose par
12 l'intermédiaire d'un avocat, comment cela se passe concrètement ?
13 R. Techniquement, oui, on procède par le biais d'un avocat, mais ce n'est
14 pas indispensable.
15 Mais, peut-être pourrais-je rectifier un point, le procureur ne doit pas en
16 informer les parties civiles dans les huit jours, mais il doit les avertir
17 immédiatement et, ensuite, les victimes, les parties civiles, ont huit
18 jours pour décider s'ils souhaitent aller de l'avant ou pas. Sur le plan
19 technique, les victimes procèdent de la façon suivante, elles envoient une
20 lettre très courte au procureur, en disant : "Conformément à votre
21 notification de tel ou tel jour, nous souhaitons vous informer que nous
22 allons aller de l'avant, avec une plainte pénale, et de par la loi, on
23 appelle ce cas de figure, victime --"
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette procédure a également lieu devant la cour
25 militaire. Elle est applicable également devant la juridiction militaire.
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1 R. Oui. Oui, il n'y a aucune différence dans la procédure, entre un
2 tribunal militaire et un tribunal civil, un tribunal ordinaire. Il n'y a
3 aucune différence.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : D'après votre connaissance, est-ce que, dans votre
5 souvenir, vous vous rappelez de cas, ou ce sont les victimes elles mêmes,
6 qui ont demandé les enquêtes, alors que le procureur avait classé
7 l'affaire. Est-ce que s'est arrivé ?
8 R. Oui, c'est arrivé et, pendant que vous étiez en train de poser la
9 question, je viens de me souvenir d'un cas, où il y a eu un meurtre. Le
10 procureur a estimé que le meurtre avait été fait en situation de légitime
11 défense et qu'il n'y avait pas lieu d'engager des poursuites. Le frère de
12 la personne qui avait été tuée, n'était pas d'accord avec cette décision du
13 procureur, a déposé une décision d'engager des poursuites, je me souviens
14 que l'accusé s'appelait Senad Agatovic, il a trouvé la mort par la suite
15 dans un accident de voiture, et cette personne avait même été mise en
16 détention, c'est moi qui, par la suite, aie présidé la chambre, nous avons
17 pris une décision de remise en liberté parce que le tribunal a conclu
18 finalement qu'il y avait eu légitime défense et, ensuite, en appel, le
19 jugement a été confirmé. Voilà un exemple, il y en a eu d'autres, il n'y en
20 a pas eu, il n'y a pas eu de nombreux exemples, ce n'était pas un cas très
21 fréquent, mais il y a même aujourd'hui, des cas de ce type, et
22 actuellement je suis avocat pour une victime engagée dans une procédure de
23 ce type.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci de cette précision technique.
25 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. J'aimerais
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1 vous poser un certain nombre de questions, au sujet d'un point que vous
2 avez évoqué hier avec nous, il s'agit de la question des maisons
3 abandonnées et des vols commis dans des maisons abandonnées. Mais avant
4 d'en arriver à ma question, j'aurais aimé vous poser d'autres questions,
5 sur la période où vous avez exercé vos fonctions en tant que Juge. Vous
6 êtes devenu juge en octobre 1992, c'est ce que vous nous avez dit, hier, me
7 semble t-il, mais vous ne nous avez pas dit, quand vous avez cessé d'être
8 Juge auprès du tribunal militaire. Est-ce que vous pouvez nous informer de
9 la date à laquelle vous avez cessé d'exercer les fonctions de Juge, auprès
10 du tribunal militaire ?
11 R. J'ai pris mes fonctions le 12 octobre 1992, et j'ai été juge du
12 tribunal militaire, tant que les tribunaux militaires ont continué
13 d'exister. C'est-à-dire, plus ou moins, jusqu'en 1996, si mes souvenirs
14 sont bons, je crois que c'était 1996. Après quoi, nous tous qui occupions
15 ces fonctions de Juge d'un tribunal militaire, automatiquement, nous sommes
16 devenus Juges du tribunal supérieur de Zenica, puis suite à la réforme du
17 système judiciaire, nous nous sommes présentés au poste de juge auprès du
18 tribunal cantonal, et c'est d'ailleurs là que j'ai fini ma carrière en
19 2004, carrière en tant que juge.
20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci. Vous nous avez également dit ce
21 matin, que vous avez été juge de permanence, à part le fait d'avoir présidé
22 des chambres, est-ce que vous avez également été juge d'instruction à
23 proprement parler, pendant cette période de quatre ans et, si oui, quand ?
24 R. Oui, j'ai été Juge d'instruction également. Il y avait énormément
25 d'affaires, par conséquent, un seul juge d'instruction ne pouvait pas s'en
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1 charger. Le président du tribunal, ordonnait donc que tel ou tel Juge,
2 intervienne, mais étant donné que j'étais impliqué dans un grand nombre
3 d'affaires, j'y étais affecté dans une moindre mesure, je pense pour
4 environ 200 affaires, 200 dossiers, je suis intervenu en tant que Juge
5 d'instruction sur un total de 750 affaires, pour lesquelles j'ai participé
6 à la phase du procès.
7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que vous souvenez de l'époque, à
8 laquelle vous avez occupé ces fonctions ?
9 R. Pendant toute la période, de façon épisodique, et si l'on prend les cas
10 où j'étais Juge de permanence et, si les poursuites sont allées de l'avant,
11 si le procureur a demandé qu'on engage une enquête, parfois, je poursuivais
12 mon travail, et je continue à travailler sur l'affaire en question, tant
13 que l'enquête n'était pas achevée.
14 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bourgon.
16 M. BOURGON : Merci, Monsieur le Président. Simplement que la question du
17 Juge Swart n'a pas été inscrite au compte rendu d'audience. Pour une
18 question de traduction, je pense que l'on peut soit reprendre la question,
19 ou si peut-être l'erreur sera corrigée par elle-même, lorsqu'on fera les
20 transcripts.
21 Merci, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, c'est à la ligne 14, de la page 45.
23 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Oui, parfois, je vais trop vite, alors
24 je vais répéter ma question.
25 Ma question était la suivante : quand avez-vous été Juge d'instruction ?
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1 Je crois avoir commis la même erreur maintenant. Alors je vais répéter une
2 nouvelle fois ma question, ma question était donc, avez-vous été Juge
3 d'instruction et, si oui, quand ?
4 Poursuivons. Hier, Monsieur le Témoin, vous nous avez parlé de maisons
5 abandonnées, et de vols commis dans les maisons abandonnées. J'ai pris note
6 de ce qui a été dit au compte rendu d'audience hier, page 59, où je puis
7 lire la chose suivante, et je vous cite, concernant les vols dans ces
8 maisons, vous avez dit la chose suivante, je cite : "Je me demandais s'il
9 était possible de reconnaître une intention de commettre un crime de
10 guerre, ou est-ce qu'il s'agissait uniquement de quelqu'un qui avait besoin
11 d'une vache et est-ce que, pour l'auteur de cet acte, ce qu'il y avait de
12 plus facile à faire, c'était de se rendre dans une maison abandonnée et de
13 voler cette vache." Vous avez dit cela en réponse à une question, où on
14 vous a demandé si le vol dans une maison abandonnée, pouvait être
15 équivalent à un crime de guerre.
16 J'ai repris votre déclaration - et veuillez me corriger si je me trompe -
17 mais pour vous, cette distinction s'explique essentiellement par une
18 différence de mobile. Quel est le mobile de l'auteur ? En fonction de ce
19 mobile, on peut qualifier tel acte comme un crime de guerre, ou comme
20 n'étant pas un crime de guerre. Est-ce que j'ai raison d'interpréter de
21 cette manière ce que vous avez dit ?
22 R. Non. Je regrette vous m'avez mal compris. Je n'ai pas parlé de mobile,
23 de motif, mais en tant que juriste, j'ai parlé de rapports de l'auteur par
24 rapport aux conséquences, et notamment de ce qu'on appelle la préméditation
25 ou l'intention, si vous voulez. C'est-à-dire que l'auteur est conscient du
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1 fait qu'en commettant un certain acte, il entraîne une certaine conséquence
2 juridique pour cet acte. Ce que j'ai essayé de faire c'est que nous avons
3 essayé de faire dans de tels cas, ce n'était pas de reconnaître l'intention
4 de l'auteur de commettre un crime, mais l'intention de l'auteur de
5 s'approprier des biens. Il saisissait l'occasion de l'abandonner et cela
6 permettait à l'auteur de s'approprier ses biens. Nous avons laissé de côté
7 d'autres questions théoriques ou juridiques; par exemple, est-ce qu'on peut
8 s'approprier un bien abandonné ? Est-ce que le fait de s'approprier un bien
9 abandonné, qui, dans certains cas, est un cas de reste nolus [phon] ?
10 Alors, étant donné que les autorités civiles ont pris des directives
11 protégeant les biens abandonnés, on voulait que tous les biens abandonnés
12 soient placés sous le contrôle des organes de l'Etat. Nous en avons conclu
13 que ces biens n'étaient pas abandonnés au sens du droit civil. Nous avons
14 fondé nos décisions judiciaires sur cette base. Nous avons estimé que ces
15 crimes consistant à s'approprier les biens d'autrui avaient bien été commis
16 et que ces auteurs devaient être traduits en justice.
17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Peut-être que je n'aurais pas dû
18 utiliser le terme de mobile parce que ce terme de "mobile" a une
19 connotation particulière. Peut-être que j'aurais dû utiliser le terme
20 "d'intention".
21 Mais c'est l'intention qui était le critère pour vous, le critère
22 déterminant, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Permettez-moi que je complète. Le système de qualification ou le système de
25 description d'une infraction pénale qui s'appliquait chez nous, et qui
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1 d'ailleurs vient du droit continental, est fondé sur la prise de conscience
2 des conséquences. On peut dire que certains actes ne peuvent pas être
3 sanctionnés, si cette intention n'existe pas parce que ce critère a été --
4 on ne peut pas commettre un crime de façon accidentelle, c'est un critère
5 important. Mais entre les lignes de votre question, je vois bien ce que
6 vous voulez dire et je suis entièrement d'accord. Tous les actes faits en
7 période de guerre qui portent atteinte à l'intégrité physique, ou encore au
8 biens, ou encore qui manquent, ou d'autres peuvent être considérés comme
9 l'un des modus operandi d'une infraction pénale et d'un crime de guerre
10 contre la population civile. Mais vous savez que, si un événement
11 intervient de façon isolée, et là il s'agit bien d'une série d'actes
12 isolés, alors il ne peut pas être qualifié comme étant un crime de guerre
13 contre la population civile.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Essayez de voir clair de ce que vous venez de dire,
15 notamment, dû au fait qu'hier vous avez dit qu'il appartenait aux
16 juridictions de donner la qualification juridique aux faits.
17 Est-ce qu'on doit en tirer la conclusion que, lorsqu'on porte atteinte à la
18 propriété d'autrui, alors même que l'autorité civile a dit qu'il fallait
19 protéger cette propriété d'autrui, est-ce que, d'après vous, c'est pas
20 l'auteur de l'infraction, c'est plus grave ou moins grave ? Qu'est-ce que
21 vous en tirez comme conséquence ? Est-ce que vous estimez que le fait de
22 voler un bien dans une propriété privée qui est protégée par la puissance
23 publique, c'est plus grave ou moins grave, s'il vient de prendre le même
24 bien, alors même qu'aucune mesure n'en ait été décidée par la puissance
25 publique ? Est-ce que vous voyez la question que je vous pose ?
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1 R. Je dois dire comme suit : un délit de vol dit qualifié, aggravé, qui se
2 lit : "Soustraction, appropriation de biens ou d'affaires de biens
3 abandonnés," d'après la loi et d'une description
4 d'un délit que nous n'avons pas repris dans l'ancien RFSY. Par conséquent,
5 en utilisant l'amendement à la loi du code pénal, il y avait une loi ou un
6 délit prescrit était prescrit prévoyant évidemment une peine
7 d'emprisonnement beaucoup plus grave même par rapport à des formes de délit
8 qualifié existant avant. Une fois les circonstances réunies où un bien ou
9 une propriété a été abandonnée, nous avons constitué qu'il s'agissait des
10 nouvelles conditions d'incrimination. Par conséquent, les auteurs devaient
11 être jugés plus gravement, cette fois-ci, même avec des peines allant même
12 jusqu'à la peine capitale.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Cela résulte du décret de loi qui a été pris
14 dans cette matière. Vous nous expliquez que l'ancienne infraction de l'ex-
15 Yougoslavie a été modifiée et que votre pays a fait une infraction qui est
16 réprimée beaucoup plus durement que de l'ancien système.
17 R. Oui. Dans cette période-là, toutes les peines, toutes les répressions
18 effectuées, étant données, et c'est en cas de guerre, il s'agissait de
19 l'Article 226 du code pénal, et il a été
20 dit : une peine cette fois-ci consistera d'un à dix ans d'emprisonnement
21 s'il s'agit d'un état de danger de guerre imminent, alors le minimum de
22 peine serait de dix ans d'emprisonnement. Automatiquement, les peines
23 étaient plus graves, plus sérieuses et plus rigoureuses, mais lorsque, avec
24 les amendements, nous avons eu de nouveaux délits pénaux, cette fois-ci,
25 considérés comme originaux pour lesquels les peines ont été prévues au-delà
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1 des peines de base, et dites parce que la qualification était nouvelle.
2 Ainsi, avons-nous eu un délit pénal, par exemple, meurtre suivant les
3 principes d'appartenance ethnique, ou viol suivant les principes
4 d'appartenance ethnique ?
5 Par exemple, nous avons eu cette fois-ci l'appropriation de biens à des
6 propriétés abandonnées.
7 Vous savez qu'en temps de guerre, le parlement ne fonctionne pas, ne
8 pouvait pas se réunir en séance. La présidence de l'Etat a été habilitée à
9 donner des décrets ayant force de loi portant modification des lois et
10 voilà ce dont je parle. Avec de tels arrêtés, une fois le parlement ayant
11 pu évidemment siéger, là, tout a changé, c'est-à-dire, toutes les
12 ordonnance et les décrets ont été présentés sous forme de loi. Évidemment,
13 certains décrets ont été mis hors la loi, c'est-à-dire, en dehors de
14 vigueur. Par conséquent, il n'y avait plus force de loi parce qu'il n'y
15 avait plus état de guerre.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bien. Maintenant, si nous lisons
17 l'Article 148, je crois qu'il s'agissait du code pénal de Bosnie, à cette
18 époque-là, où il stipulé qu'un vol aggravé, vol qualifié était puni d'une
19 peine d'emprisonnement allant d'un an et/ou plus, mais, n'excédant la
20 période de dix ans.
21 Alors, pour voir tout cela dans l'ensemble de ce tableau ainsi dressé,
22 ayant lu cela, nous n'avons une vue d'ensemble parce que le même code pénal
23 prévoit dans l'Article 226 qu'en temps de guerre ou en temps de danger de
24 guerre imminent, les peines sont différentes.
25 Est-ce que vous pouvez confirmer ?
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1 R. Je ne peux confirmer que vous ne faites donner lecture de la loi
2 fondamentale. Si la loi dit qu'une peine d'emprisonnement d'au moins un an
3 peut être prononcée, alors cela peut prévoir un maximum de 15, mais pas de
4 dix ans. C'est l'Article 148, son alinéa 3 notamment le dit, parce qu'il y
5 a eu amendement par le décret et où les correcteurs -- corrections ont été
6 apportées.
7 Qui, entre autres, permet de dire qu'il y a des amendements au code pénal
8 qui ont un permis pour toutes les peine en vertu de la l'Article 184,
9 alinéa 3, qui ont été pratiquement élevés par le nombre d'années
10 d'emprisonnement, c'était drastique, quelquefois même il y avait
11 possibilité de prononcer la peine capitale pour certains vols, et cetera.
12 Je crois que c'est en octobre ou novembre 1993 qu'il y avait un décret fort
13 important, volumineux, qui a porté pas mal de corrections, notamment,
14 lorsqu'il s'agit de cette peine servant à réprimer.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Très bien, Monsieur, j'accepte votre
16 explication. Peut-être nous n'avons pas aux yeux devant nous l'ensemble du
17 tableau de la législation de Bosnie-Herzégovine, à cette époque-là, ce qui
18 est fort possible, mais revenons maintenant à la question des distinctions
19 à faire entre les crimes de guerre et simples vols, vols communs. Vous avez
20 qu'il s'agit de crimes isolés plutôt ou sporadiques et, lorsque vous dites,
21 vous : il ne s'agit pas forcément de crimes de guerre.
22 Ma question est la suivante. D'après vous, que constitue un crime de
23 guerre ? Quel est le seuil à outrepasser, dépasser pour qu'on devrait
24 qualifier, par exemple, un délit pénal de crime de guerre ?
25 R. Quel seuil demandez-vous ? Je crois que c'est point de vue quantitatif
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1 que le seuil doit être dépassé et que, surtout dans le domaine de
2 l'intention de [imperceptible]. Si vous avez l'ensemble d'un secteur, d'une
3 zone abandonnée et si vous avez, par exemple, du bétail qui déambule parce
4 que vous avez abandonné, et si vous avez la situation clé des villages
5 entier ont été tout à fait démolis sans avoir de toits, par exemple, sur
6 les maisons et que vous avez la situation que dans le village voisin vous
7 avez des maison et des toits y compris, alors il s'est avéré dans la
8 pratique que des gens, dont les maisons ont été démolies, vont aller vers
9 l'autre village, prenaient des tuiles pour évidemment s'occuper de leurs
10 maisons. Ceci a été évidemment jubé, en temps qu'un délit pénal.
11 Mais d'après nous, ceci ne constituait un crime de guerre, ce n'est pas
12 pour dire que celui qui a perpétré ce délit pénal a été criminel de guerre,
13 il ne pouvait en être conscient. Il avait eu des motifs, des mobiles qui,
14 d'après lui, étaient compréhensibles, mais aux yeux du système juridique
15 qui était le nôtre, évidemment, nous n'avons pas considéré cela comme
16 étant, évidemment des éléments de mobile et nous avons considéré comme des
17 circonstances atténuantes pour fixer de tels barèmes.
18 Il y avait une série de circonstances qui nous ont permis de voir qu'il ne
19 s'agit pas de crimes de guerre organisés et qu'il n'existait une
20 corrélation entre auteurs de délit pénaux sporadiques ou, par exemple, une
21 action conjointe devrait être présentée comme étant le tableau d'un crime
22 de guerre perpétré du ressort organisé. Nous avons considéré qu'étant donné
23 les circonstances dans lesquelles nous avons dû vivre, il était tout à fait
24 adéquat de sanctionner un tel comportement dans le cadre d'un criminalité
25 qui s'est vue en recrudescence, je dirais dans un certain segment étant
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1 donné les circonstances de guerre mais la fin des hostilités, voilà que le
2 tout revient peut-être à la moyenne de la criminalité en temps de paix.
3 Or, la façon de perpétrer de tels délits pénaux, à moins de parler
4 évidemment d'une attaque contre tel ou tel établissement, installation, et
5 cetera, parce qu'avant la guerre vous n'aviez pas de biens et de propriétés
6 abandonnées. Du point de vue du degré de responsabilité au pénal, ceci ne
7 différent pas évidemment de ce qui était considéré comme délits pénaux
8 avant la guerre et encore aujourd'hui.
9 Aujourd'hui, par exemple, en Bosnie-Herzégovine, nous avons d'ailleurs en
10 croissance la délinquance sexuelle par rapport à ce que nous avons eu en
11 guerre. Nous avons, par exemple, dans le domaine de la production et trafic
12 de drogues non autorisées, encore une recrudescence et une croissance,
13 alors que nous avons en décroissance bons nombres de délits pénaux en
14 matière de substitution de biens et d'affaires d'autrui.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Pouvez-vous me donner un exemple de vol
16 qui ne serait pas considéré comme un crime de guerre ?
17 R. Pour moi, un type de vol qui ne devrait pas être considéré -- constitué
18 comme crime de guerre. Mais revenons d'abord dès le début.
19 Il est difficile d'envisager un vol qui serait qualifié de crime de guerre
20 si, par exemple, à la dérobée, tu viens pour voler telle ou telle affaire
21 de quelqu'un, ceci ne devrait pas avoir le caractère d'un crime de guerre.
22 J'ai du mal à me représenter une telle qualification, mais, par exemple,
23 peut être considéré crime de guerre comme suit : je peux envisager et voir
24 un groupe de gens qui appartiennent à un groupe ethniques qui s'en vont
25 vers une agglomération ou sont des gens d'appartenance ethnique autre que
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1 la sienne pour s'accaparer de leurs biens et, après, ils le font avec
2 l'utilisation d'armes, en maltraitant des gens, et cetera. Ceci, à mon
3 sens, devrait être qualifié de crime de guerre. Mais pour traiter,
4 évidemment, de la région où j'ai vécu, je n'ai jamais pu être évidemment
5 témoin de tels événements.
6 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Poursuivons un petit peu à partir de
7 votre réponse. Le fait qu'un groupe de personnes, de façon organisée,
8 s'accapare de biens, de propriétés et de maisons abandonnées, par quel
9 biais ce fait-là permet de qualifier ce vol, ce délit pénal, donc, de
10 crimes de guerre ?
11 R. Je dois, par la pensée, essayer de vous joindre et au plan de vos
12 hypothèses. Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire par
13 groupe organisé qui agit de façon organisée, conjointe. S'il s'agit de
14 groupes dont je vous ai parlé tout à l'heure pour réponse à la question qui
15 était la vôtre de tout à l'heure, alors nous n'aurions pas de difficultés
16 de dire qu'il s'agirait là, bel et bien, de crimes de guerre.
17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Soyons concret. Supposons qu'une région
18 abandonnée par ses habitants, et il y a là plusieurs villages et il y a un
19 groupe d'une vingtaine de personnes qui -- conjointement oeuvrent pour
20 aller ramasser l'ameublement et d'autres valeurs évidemment appartenant à
21 ces maisons de cette région en question pour les évacuer. Alors, ces gens-
22 là -- ce groupe-là est en coopération et cela se fait sous une forme
23 organisée. Cela dit, c'est par une preuve d'une action organisée. Ma
24 question est la suivante : est-ce bien un crime de guerre ? Jusque quand et
25 quand cela cesse de l'être ? D'après vous -- que je pense.
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1 R. Je crois qu'il est difficile de délimiter cette matière pour fixer les
2 limites qui les sépare. Nous devons aller de l'avant s'il s'agit d'un
3 groupe organisé en vue de faire exactement ce à quoi vous visez. Si ce
4 groupe le fait de façon systématique, si, par exemple, tout un secteur --
5 un village a été vidé pour ainsi dire, il s'agirait certainement de -- ou
6 vraisemblablement de crime de guerre.
7 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci. Le code pénal, son chapitre 16
8 de l'ancienne Yougoslavie qui traite de crimes de guerre, soit à l'Article
9 142, où il était traité de pillage sur une vaste échelle de biens et de
10 propriétés, je le dis en traduction anglaise. S'agit-il de dire d'autant
11 que la nature, le caractère, c'est-à-dire, sur grande échelle, pourrait
12 être un caractère à prendre en considération par vous ?
13 R. Je crois qu'à la lumière de votre question de tout à l'heure, vous
14 devez en traiter. Vous dites, par exemple, un groupe d'une vingtaine de
15 gens ont observé une région pour s'y rendre, pour en retirer des
16 ameublements et d'objets de valeur. Nous sommes en train de parler de ces
17 critères-là, oui.
18 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'essaie d'explorer un petit peu pour
19 comprendre jusqu'au bout ce que vous dites pour comprendre la pratique qui
20 était en vigueur en 1993. D'après vous, d'après votre appréciation pour
21 parler de ces événements, s'agit-il, important de dire, que les pillages
22 sur une vaste échelle se faisaient aussitôt après l'abandon du village, ou
23 après un laps de temps de dix ou de 20 jours ? Est-ce qu'il s'agit d'une
24 distinction pertinente à faire à vos yeux et que vous prendriez en
25 considération ?
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1 R. Pour une seconde, permettez-moi de reprendre ce dont j'ai parlé tout à
2 l'heure en matière de procédure. Le tribunal, qui est saisi d'une affaire,
3 est limité dans sa façon de réfléchir parce qu'il lui a été soumis par le
4 procureur. Je crois qu'en répondant à l'une des questions, je ne sais pas
5 vraiment de quelque partie que ce soit, je dis le tribunal a été lié par
6 des faits et non pas par le côté d'appréciation de l'acte. Si le tribunal,
7 par exemple, a trouvé qu'évidemment les faits qui ont été visés dans l'acte
8 d'accusation n'ont pas été prouvés, évidemment le tribunal ne devrait faire
9 autre chose que de prononcer un acquittement. Il s'agit de cette
10 formulation in pais qui était appliquée d'une manière ou d'une autre dans
11 notre système juridique. Si votre question est posée de principe, et si je
12 devais avoir sous les yeux les faits auxquels vous vous référez, alors je
13 répondrai, oui, certes, en considération de différentes façons, telle et
14 telle situation. Par exemple, si usant de la force également quelqu'un a pu
15 faire quelque chose dans un village qui a été abandonné, alors, nous devons
16 avoir à l'esprit, évidemment, un fait qui nous permet de qualifier le tout
17 comme étant un crime de guerre commis. Mais étant donné que votre question
18 a été achevée, ne serait-ce que dans l'élaboration faite par vous tout à
19 l'heure, en effet, vous êtes intéressé pratiquement à ce que nous avons
20 fait en 1993 et à ce qui a été la pratique par la suite, je me dois de vous
21 dire que dans le tribunal où j'ai travaillé et dans les tribunaux où j'ai
22 travaillés, à moins qu'il y ait quelques exceptions, n'ont jamais été
23 saisis d'actes d'accusation traitant des crimes de guerre, ni de fait, ni
24 de droit, alors qu'il y en avait.
25 Au temps de guerre, j'ai été président d'une chambre qui a prononcé une
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1 peine capitale pour meurtre et c'était à l'encontre d'un Bosnien, mais il
2 n'y a pas eu d'acte d'accusation, cette fois-ci, parlant de fait qui aurait
3 pu amener un tribunal la capacité de reconnaître dans toutes les actions le
4 délit pénal considéré comme étant qualifié de crimes de guerre.
5 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Par cette toute dernière réponse, vous
6 venez d'anticiper un peu sur l'une de mes questions à venir. En effet,
7 c'est quelque chose au sujet de quoi je voudrais m'entretenir avec vous.
8 Vous avez dit que vous avez été un Juge qui a travaillé en collège, en
9 chambre, et vous avez été également en qualité de Juge d'instruction.
10 Voyons d'abord la situation où se trouve un Juge d'instruction.
11 Revenons à ce que vous avez dit en déposant hier, et où il y a quelques
12 minutes, vous l'avez réitéré, il me semble. En effet, hier vous avez dit le
13 point de départ lorsqu'il s'agit de définir la nature d'un délit pénal se
14 voit dans les faits décrit par la police, c'est-à-dire, par le procureur.
15 Vous dites également qu'on ne peut pas conclure à l'existence d'un crime de
16 guerre uniquement sur la base de telles descriptions. C'est ce que vous
17 venez de dire, quelque chose de presque pareille.
18 Vous avez été en qualité de Juge d'instruction, et je suppose, qu'il vous
19 est arrivé de vous voir saisi par le procureur de dossiers où il vous avait
20 été invité à lancer une requête portant sur des vols, c'est-à-dire pillage
21 de maisons abandonnées. Est-ce que de telles situations vous sont
22 arrivées ? Est-ce que vous avez eu des expériences de ce genre-là ?
23 R. Oui, oui, j'en avais eu, oui.
24 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Bien. Alors dans ces affaires-là où
25 vous êtes saisi par le procureur, vous en tant que juge d'instruction, vous
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1 est-il jamais arrivé de voir devant vous une affaire, un dossier pour
2 lequel vous considéreriez-vous que cette affaire au-delà de simple vol ?
3 R. Cela ne m'est pas arrivé vraiment, mais je me dois de dire que même,
4 supposons que ceci était arrivé, en tant que Juge d'instruction, je suis
5 lié par les faits qui m'ont été soumis par le procureur pour étayer sa
6 demande d'enquête. Je dois faire une instruction au sujet de ce qu'il a
7 présenté en dispositif où il explique évidemment les motifs de telle ou
8 telle enquête lancée. Par exemple, il peut dire qu'un tel a été violé, dans
9 sa proposition il faut, par exemple, faire une proposition de qualification
10 pour ne pas parler de parking évidemment illicite. Donc je voulais dire par
11 là, ce qu'il me lit et ce qui ne me lit pas. C'est la description d'un acte
12 pénal, mais aussi la substance d'un acte pénal. L'enquête sera lancée
13 uniquement au sujet et sur le fait qui ont été communiqué, d'ailleurs au
14 Juge, c'est-à-dire, sous la forme dont il sera saisi pour connaître de ce
15 dossier.
16 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Essayons d'enchaîner un petit peu à ce
17 que vous avez donné à titre d'exemple. Si le procureur vous demande, par
18 exemple, de lancer une enquête au sujet d'un parking illicite, et lors de
19 votre instruction, vous consentez qu'il y a un viol, le fait, est-ce que
20 cela veut dire que vous devez évidemment négliger le viol ?
21 R. Je dois m'arrêter à des faits, en me délimitant, en me faisant
22 délimiter moi-même, sur des faits soumis par le procureur pour lancer
23 enquête. Je dois soumettre au procureur tous les documents que je puis
24 recueillir, lors évidemment de l'enquête, que lui a erronément qualifié de
25 parking illicite, alors je vous prie, c'est à lui d'amender sa demande
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1 d'enquête.
2 Mais je crois que nous ne sommes pas très bien compris. Le procureur, quant
3 à lui, a fait la description du viol, et je vais l'enquêter le viol. Mais
4 c'est lui qui erronément l'a qualifié, évidemment cette fois-ci, de parking
5 illicite. Ce qu'il reçoit, sous forme de dossier, de document, lors de
6 l'enquête menée, ce qui serait source de connaissance nouvelle, tout cela
7 pour, évidemment le procureur pourrait être une base d'élargissement ou
8 d'engagement d'un nouveau procès, mais pour le juge ce n'est pas le cas, il
9 ne peut pas aller au-delà des faits, sur lesquels se basant le procureur à
10 demander de lancer enquête. Même lorsqu'il va prononcer un jugement, le
11 tribunal ne doit pas dépasser cette limite, pour reconnaître si quelqu'un
12 est coupable, pour un délit grave, si par exemple ceci devrait être
13 considéré comme étant aggravé, par la simple description des faits qui ont
14 été présentés tout simplement au début.
15 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je comprends, vous, vous êtes vous-
16 même, vous voyez limiter en qualité de juge lors d'un procès par l'acte
17 d'accusation. Vous ne pouvez pas, par exemple, punir, sanctionner quelqu'un
18 en dépassant les limites de ce qui a été présenté et censé être présenté
19 par l'acte d'accusation. C'est la pratique d'ailleurs dans un grand nombre
20 de pays, ainsi que le stipule le cas d'Europe, pas seulement le cas de la
21 Bosnie. Mais ma question concerne des cas concrets, lorsque nous parlons de
22 Juge d'instruction.
23 Lorsque vous nous avez présenté l'exemple de viol, alors que ceci a été
24 plutôt associé à un parking. Mais je voulais revenir à ce type de vol, où
25 il y a l'appropriation de biens, par des personnes tierces, des affaires et
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1 des biens de maisons abandonnées. Est-ce que d'ordinaire, un crime commun,
2 et crime de guerre, ont comme dénominateur commun, ou caractère commun le
3 fait que quelqu'un se voit accaparer les biens d'une personne tierce, sans
4 que cette personne y consente.
5 Ma question est la suivante : peut-on demander à un Juge d'instruction de
6 lancer une enquête, chose que l'on peut considérer comme cette fois-ci, à
7 l'encontre d'un auteur de vol, ou est-ce que vous, en tant que Juge
8 d'instruction, vous devez faire l'examen de toutes les circonstances
9 pertinentes qui, cette fois-ci, permettront au procureur de décrire, de
10 qualifier le défi qui était le votre, sous forme de crime de guerre ? Voilà
11 la substance de ma question.
12 R. Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, mais c'est là
13 précisément que réside la substance du malentendu que nous connaissons
14 maintenant. Dans notre système juridique, l'enquête est par là le rôle joué
15 par le Juge d'instruction, se résume à la chose suivante : on me dit dans
16 l'acte -- on propose que l'on lance une enquête à l'encontre d'un individu,
17 X, Y, parce qu'il y a d'autre fondé que le jour, je ne sais pas, le 1er
18 septembre 1993, tel ou tel endroit, il s'est approché de la maison
19 abandonnée d'un citoyen, d'un propriétaire inconnu, d'appartenance
20 nationale croate. Il a enlevé une fenêtre de cette maison, qu'il a emportée
21 à tel ou tel endroit, où il l'a revendue à la personne X, Y, AB, en échange
22 de tant de dinars, ou marks ou peu importe la devise. En commentant par là
23 un vol aggravé, qui relève de l'Article 148, alinéa 3, de notre code pénal,
24 en ma qualité de Juge d'instruction, je suis saisi de cette requête, et
25 celle-ci s'accompagne des choses suivantes, plainte au pénal, deux
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1 déclarations à titre d'information de la part du témoin, une attestation
2 montrant qu'il y a eu confiscation des biens appropriés par la police,
3 confirmation que cette fenêtre lui a été confisquée, ou l'argent, et
4 cetera. Donc, qu'est-ce que je fais ? Je prends une décision, et je dis :
5 "En me fondant sur la requête enfin d'enquête, j'estime qu'il y a d'autre
6 fondé que XY a effectivement commis l'acte pour lequel on demande une
7 enquête, et je dis en conclusion, on procédera à l'enquête."
8 Dans le cadre de celle-ci, afin de confirmer les faits que signale le
9 procureur, je signalerais tel ou tel élément de preuve, alors en tant que
10 juge, j'entendrais les témoins dont les déclarations ont été fournies à
11 l'annexe de la requête, et par là, je confirmerais ces déclarations, et
12 j'en ferais preuve valable pour la suite de la procédure. Ensuite,
13 j'entendrais le citoyen qui en a revendu l'objet volé, et je n'évoluerais
14 que dans ce cadre-là. S'il arrive que pendant l'audition du témoin, qui en
15 a revendu la fenêtre volée, j'apprends que la dixième fenêtre volée, qui
16 vient de lui, être revendue par la même personne, je le soulignerais dans
17 mon compte rendu d'audition, et avec l'ensemble du dossier, je ferais
18 suivre cela au procureur.
19 Le procureur, pour sa part, devra prendre en compte ces éléments
20 supplémentaires, donc il prendra position, en disant, par exemple : il me
21 faut un complément d'enquête. Dans ce complément d'enquête, il faudra
22 réinterroger ce citoyen, au sujet de la raison de ces neuf autres fenêtres,
23 essayer de repérer les témoins qui peuvent confirmer que neuf fenêtres lui
24 ont également été revendue. C'est, par la suite, qui se déterminera, en se
25 fondant là-dessus, alors, il ne peut pas adresser l'acte d'accusation, pour
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1 un acte au sujet duquel il n'a pas mené d'enquête. C'est là que nous
2 arrivons à ce point, contesté. Donc le tribunal ne peut pas juger pour un
3 acte qui n'est pas reproché dans l'acte d'accusation. Telle est la
4 substance de notre procédure.
5 Là, nous n'avons jamais eu de Juge d'instruction à qui on aurait communiqué
6 un contexte général, en lui demandant simplement d'enquêter sur ce qui
7 s'était produit dans le village A. On demande d'enquêter sur la base des
8 faits très précis, spécifiques. Il était illégal en fait, de sortir de ce
9 cadre-là.
10 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Est-ce que je suis en droit d'en
11 conclure, en me fondant sur votre réponse, que non seulement pendant le
12 procès, mais aussi pendant les enquêtes préalables au procès, c'est le
13 procureur qui détermine la portée de l'enquête ? Donc, s'il vous présente
14 un événement comme un événement isolé, comme un vol isolé, vous devez vous
15 limiter à ce cadre qu'il vous présente, qu'il vous détermine; c'est exact ?
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE SWART : [interprétation] C'est ce que je voulais savoir. Quelle
18 était la nature de vos liens, pendant la phase préalable au procès ?
19 Alors, j'ai ici deux questions à vous poser au sujet des chiffres. Hier,
20 vous avez dit que vous avez été saisi de 750 affaires et que vous avez
21 participé à 250 procès". Est-ce qu'il s'est toujours agi dans ces dossiers-
22 là de vol, dans des maisons abandonnées, ou était-ce l'ensemble d'affaires
23 dont vous avez été saisi pendant que vous étiez Juge ?
24 R. C'est l'ensemble des dossiers dont j'ai été saisi pendant que j'étais
25 Juge du Tribunal militaire. Quant à la nature de ces dossiers, Monsieur le
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1 Juge, cela va de vols dans les bois jusqu'aux vols à main armée, viols,
2 crime de guerre. Je vous ai dit que j'ai même signé un jugement portant
3 peine capitale pendant cette période de guerre au tribunal de district,
4 tribunal militaire, puisque nous étions compétents en matière de tous les
5 actes commis par les militaires. Pour ces 750 dossiers, j'ai été soit Juge
6 seul, soit président ou membre des Chambres qui comprenaient des Juges et
7 des Juges assesseurs. En gros, grosso modo, j'ai mené environ 250 enquêtes
8 où j'ai agi, en ma qualité de Juge d'instruction qui prenait la décision de
9 diriger l'enquête sur les lieux et 259 fois, d'après mes notes propres que
10 j'ai conservées, je me suis rendu sur les lieux pour mener une enquête sur
11 le terrain.
12 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Hier, vous nous avez dit que vous avez
13 pris part à des enquêtes au pénal pour ce qui est des vols dans des maisons
14 abandonnées. Nous avons vu des documents faisant état de votre rôle en tant
15 que juge d'instruction dans ce cas de figure. Alors, j'aimerais savoir la
16 chose suivante. Dix ans plus tard, est-il possible pour vous de vous
17 rappeler quel est le nombre de ces crimes ou délits que vous avez
18 rencontrés dans le cadre de l'exercice de vos fonctions ? Je veux dire, ces
19 vols dans les maisons abandonnées par leurs habitants.
20 R. Vraiment, je ne pourrais vous citer des chiffres ou des proportions pour
21 ce qui est de l'ensemble des affaires auxquelles j'ai participé. Peut-être,
22 probablement, un quart de l'ensemble des affaire traitées. Excusez-moi,
23 c'est vraiment une estimation ad hoc parce que je ne m'attendais pas à ce
24 genre de question, mais je dirais un quart, un quart certainement. Pour ce
25 qui est des crimes à l'encontre des biens, ce n'était pas toujours, eu
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1 égard aux biens abandonnés.
2 Mais ce qui était très important pour moi, si vous me permettez, je
3 voudrais ajouter cela. Non seulement d'un point de vue juridique mais aussi
4 d'un point de vue moral, éthique, en tant qu'homme, dans le cas d'une
5 guerre aussi insensée que celle qui a éclaté dans mon pays, et compte tenu
6 des priorités qui s'étaient imposées et qui étaient nombreuses, je ne
7 voudrais pas être pathétique, mais en un mot, je tiens à rappeler que nous
8 n'avions pas suffisamment à manger, que nous étions pilonnés, pas de
9 courant, pas de médicaments et les autorités à la fois militaires et
10 civiles se sont trouvées confrontées à une agression de forces obscures qui
11 voulaient détruire et anéantir tout ce qui était positif et humain. Face à
12 ces priorités-là, vous devez employer vos forces, vos ressources, et vous
13 trouvé moyen de le faire pour sanctionner quelqu'un qui a, qui s'est
14 approprié de chaises qu'il a trouvées dans un maison abandonnée. J'ai
15 trouvé que c'était positif que, dans l'environnement où je vivais, ceci
16 puisse se produire et qu'on trouve la force morale de chercher à résoudre
17 ces problèmes-là aussi et de ne pas tomber au dessous d'un certain niveau,
18 d'un niveau qui ne passera le test historique ou la vérification de
19 l'avenir et c'est ce que je pense encore aujourd'hui, Monsieur le Juge.
20 M. LE JUGE SWART : [interprétation] J'entends pleinement quels ont été vos
21 sentiments lorsque vous avez dû enquêter ou juger dans ces affaires, mais
22 je voudrais avoir une indication quantitative de ce phénomène dans le cadre
23 de vos fonctions. Je suppose que je peux en déduire de votre réponse qu'à
24 peu près un quart de vos affaires étaient des affaires concernant
25 l'atteinte aux biens et qu'il vous est difficile de le préciser davantage,
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1 de donner une pourcentage de crimes qui étaient les vols dans les maisons
2 abandonnées. Vous ai-je bien compris6
3 R. Vous avez raison vraiment, je ne serais pas capable de le dire. Je
4 m'attends à vos questions suivantes et je suis en même temps de réfléchir
5 et il me semble qu'il y avait quand même plus d'affaires où il était
6 question de manière générale de vols qu'il n'y en avait qui concernaient
7 des vols dans les maisons abandonnées, et ce, pour une très simple raison.
8 Dans le secteur où était mon tribunal, il y avait des biens abandonnés,
9 mais, heureusement, voyez-vous, il n'y avait d'expulsions systématiques de
10 populations pour qu'il y ait ce phénomène massif d'abandon de propriétés,
11 comme cela était le cas, malheureusement, ailleurs où vous aviez des
12 dizaines et des dizaines de kilomètres de secteurs complètement vidés, où
13 il ne restais plus personne. Dans la partie du territoire où je résidais,
14 les autorités déployaient des efforts afin d'empêcher le départ des biens
15 et de protéger le départ de personnes, de protéger leurs biens.
16 Malheureusement, ce n'était pas le cas partout. Donc, il n'y avait pas
17 autant de biens ou de propriétés vulnérables de cette manière-là. Donc,
18 pour que ceci prenne des proportions plus importantes au niveau juridique.
19 Excusez-moi, là, c'est une réflexion ad hoc et je ne peux pas souscrire au
20 pourcentage que je vous citerai. Mais il me semble néanmoins d'après mes
21 souvenirs que c'était proportionnellement moindre que la proportion des
22 autres crimes ou délits. A travers les différents éléments présentés à la
23 Chambre, je ne voudrais pas que la Chambre soit induite en erreur. D'après
24 les documents qu'on m'a fournis ici, on pourrait avoir l'impression qu'il
25 n'y avait que ce type d'affaires.
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1 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Je comprends tout à fait qu'il vous
2 soit difficile de répondre à ce genre de question. Dans votre réponse, vous
3 avez mentionné la zone où vous étiez, votre zone. Lorsque vous dites cela,
4 vous entendez par là, le territoire sur lequel avait compétence votre
5 Tribunal militaire de district ou est-ce que c'est une manière un peu plus
6 vague de déterminer le territoire ou la zone, lorsque vous mentionnez votre
7 zone dans votre réponse ?
8 R. Lorsque je parle de ma zone, Monsieur Juge, j'entendais par là toute
9 zone qui, à l'époque, était placée sous le contrôle des autorités légitimes
10 légales de Bosnie-Herzégovine, d'un point de vue militaire, des zones qui
11 étaient sous la compétence de l'ABiH. J'ai eu l'occasion de m'apercevoir le
12 fait que la situation était comparable ailleurs parce que de par mes
13 fonctions, et selon le décret ayant force de loi qui régissait l'activité
14 des tribunaux militaires qui dispose que lorsqu'un tribunal n'est pas en
15 mesure de s'acquitter de ses fonctions, c'est un autre tribunal qui prend
16 ses fonctions. Il m'est arrivé d'agir en tant que juge de remplacement à
17 Sarajevo. J'ai agi sur la totalité du territoire, et en particulier, là, où
18 il y avait mon tribunal militaire de district sur un territoire qui était
19 placé sous l'autorité ou la compétence, je ne sais pas quel terme utilisé,
20 du 3e Corps de l'ABiH.
21 M. LE JUGE SWART : [interprétation] Merci. J'avais une question encore plus
22 difficile pour vous, à savoir, est-ce que vous êtes en mesure de préciser
23 combien de vols dans les maisons abandonnés vous avez rencontrés en 1993
24 dans le cadre de vos fonctions, mais je pense que cette question serait
25 vraiment trop difficile pour vous.
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1 Je vous remercie, je n'en ai plus.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Après les questions des Juges, je redonne la parole
4 à l'Accusation.
5 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Très brièvement,
6 avant d'essayer de revenir à la question des chiffres.
7 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Waespi :
8 Q. [interprétation] Un point : vous avez dit à M. le Juge Swart qu'il
9 était important, à vos yeux, de faire ceci, je veux dire, d'enquêter dans
10 le cadre de ces affaires. Je vous cite, vous avez dit que c'était :
11 "Moralement important de pouvoir s'occuper de ces problèmes." En disant
12 cela, est-ce que vous vouliez dire qu'en dépit de la guerre, on s'occupait
13 de ce genre de crimes ou délits, que c'était cela qui était important à vos
14 yeux ?
15 R. Malgré la guerre, Monsieur le Procureur, c'était très important à mes
16 yeux qu'on ait pu s'occuper de ces dossiers au pénal, et que malgré toute
17 une série d'obligations, ceux qui en avait la compétence aurait eu le temps
18 et la force de se saisir de ces affaires au pénal.
19 J'ai l'impression que vous interprétez ce que je viens de dire en
20 m'imputant d'en parler uniquement en ma qualité de citoyen ou sur un plan
21 émotif. Vous savez, j'ai été apte à combattre, je suis Bosnien, et lorsque
22 la guerre a éclaté, j'avais 39 ans. Si j'avais été appelé à servir, je
23 l'aurais fait. C'est cela que je voulais que vous compreniez. C'était très
24 important pour moi de savoir que je vis, que j'évolue dans un milieu qui ne
25 s'est pas laissé submergé par la haine, et qui ne s'est pas laissé entraîné
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1 dans une immoralité, et qui faisait preuve de responsabilité historique.
2 C'était très important pour moi de vivre entouré de gens qui, et ce, sur un
3 plan très général en tant que peuple, étaient des victimes, voyez-vous.
4 Le poète, Marko Vesevic, qui fait partie de mon peuple, du peuple serbe, a
5 dit à une occasion : "Messieurs, ce qui se passe en Bosnie, ce n'est pas
6 une guerre, c'est l'assassinat des Musulmans." Il m'a été très important
7 que cet environnement dans lequel j'étais né, où il y avait beaucoup moins
8 de Musulmans qu'il n'y en avait eu 1992, parce que des centaines de
9 milliers ont été expulsés et sont arrivés à Zenica, et qu'il y régnait un
10 système où on essayait au maximum de respecter la loi. J'étais convaincu
11 que tous ceux qui ont été identifiés en tant qu'auteurs de crimes ou
12 délits, qui ont fait l'objet de poursuites, et nombre d'entre eux ont été
13 effectivement punis à la fin, je pense que c'était important. Il faut
14 savoir cela. C'est un point important. Au tribunal où j'ai travaillé,
15 personne n'a été condamné sans qu'il y ait eu de preuve valable, personne
16 n'a été mis en accusation simplement à cause du nom qu'il portait ou parce
17 qu'il parlait l'une de ces trois langues que vous appelez ici de manière
18 très sympathique par cette abréviation de trois lettres. C'était cela que
19 je voulais dire.
20 Q. Si personne ne s'était comporté comme vous l'avez fait, comme l'ont
21 fait vos collègues, comme l'ont fait les autorités, si personne n'avait
22 engagé des poursuites, quel message aurait été envoyé à la population ou à
23 tout le monde sur le terrain s'il y avait impunité pour des crimes ?
24 R. Quel message on aurait envoyé ? Le message, cela aurait tout d'abord
25 qu'il fallait qu'ils s'enfuient de là-bas, qu'ils ne rentrent plus jamais.
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1 Puis, tout aurait perdu son sens. On aurait tous été placés sur un pied
2 d'égalité. Vous savez, à Zenica, la situation aurait été la même que,
3 disons, à Prijedor. Or, la situation qu'on avait, c'était que ceux qui ne
4 voulaient pas partir n'étaient pas obligés de le faire. Personne n'a été
5 obligé de le faire. Croyez-moi, ce n'était pas grâce à moi, c'était grâce
6 au général Enver Hadzihasanovic car les gens, qui combattaient à ce moment-
7 là, dans un sens péjoratif comme on le disait, avaient le bâton et la
8 carotte, le couteau et la galette, comme on le dit, entre les mains. La
9 structure de la police militaire, mais aussi les autorités civiles, la
10 police civile devaient s'acquitter davantage de manière très
11 consciencieuse; sinon, le tribunal militaire n'aurait été qu'un paravent.
12 Vous savez, je n'aurais pas à travailler 14 ou 16 heures par jour, je
13 n'aurais rien eu à faire.
14 Q. Vous seriez d'accord avec moi pour dire que les auteurs allégués, s'ils
15 n'avaient pas fait l'objet de poursuites, que ceci aurait fait régner une
16 situation d'impunité, aurait donné le sentiment d'impunité qui aurait
17 encouragé les autres à commettre des crimes ?
18 R. Oui, je suis d'accord avec vous. Mais la question que je pose, est-ce
19 que vous allez me reformulez la même question encore plusieurs fois.
20 Je suis absolument d'accord avec vous pour résumer que tout événement qui
21 peut être qualifié de crime ou délit, que tout ces actes soient enquêtés et
22 qu'on punisse son auteur. Mais il me semble que tout code pénal, digne de
23 ce nom de la planète, a cette fonction de prévention de répréhension. Ceci
24 ne veut pas dire qu'on peut identifier chacun des auteurs, ni dans ces
25 merveilleux pays que sont les Pays-Bas ou votre Suisse, et encore moins
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1 évidemment un pays qui est en guerre, ceci n'est possible. Mais les
2 statistiques, si vous vous y pensez de manière très sérieuse, vous
3 montreront qu'en Bosnie-Herzégovine, et très précisément dans la zone où
4 j'ai vécu, par rapport au nombre de plaintes apportées, vous avez plus
5 d'auteurs identifiés qu'en Allemagne en 2004.
6 Q. Ce principe de prévention générale visé ne s'applique pas uniquement à
7 des temps de paix même. Il s'applique voire même davantage en temps de
8 guerre.
9 R. Bien entendu que cela a une importance. La prévention générale est
10 toujours importante. C'est la raison pour laquelle la loi dispose que dans
11 certaines situations on est obligé de publier dans les médias les
12 jugements. En temps de guerre, Dieu merci, c'est comme cela. La prévention
13 générale aisée n'a pas d'impact uniquement sur la prévention d'auteurs
14 potentiels, futurs de crimes ou de délits, elle a une importance tout
15 autre. Elle envoie le message aux victimes potentielles leur disant
16 qu'elles seront protégées, le cas échéant, et ces victimes potentielles
17 prennent des décisions suite à cela, décident de la manière dont elles
18 organiseront ou mèneront leurs vies. Vous ne m'avez pas posé une question
19 qu'à laquelle je vais vous répondre.
20 Vous savez, en 1992 et en 1993, j'étais Serbe avec tout ce que cela
21 comporte. Lorsque j'ai pris ma décision vous savez ce n'est pas sur la base
22 d'un patriotisme théorique que j'ai agi. J'étais trop mur, trop âgé, trop
23 éduqué. J'avais trop voyagé de par le monde pour prendre des décisions sans
24 me fonder sur des critères raisonnés. C'est sur la base de ces critères que
25 je me suis fondé pour décider que moi et mes enfants devions rester là où
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1 nous étions et, croyez-moi, je ne me suis pas trompé en décidant cela.
2 Q. Je voudrais brièvement revenir à la question des chiffres ou des
3 nombres. Je ne sais pas si vous serez en mesure de me répondre.
4 Est-ce que vous vous rappelez toutes les affaires dont vous avez été saisi
5 -- en fait par rapport à l'ensemble des affaires que vous avez traitées, et
6 là je m'inscris dans le même contexte que les questions posées par le Juge
7 Swart. Il y avait combien d'affaires purement militaires donc lorsqu'il y
8 avait désertion, ou inexécution des ordres, abandons intentionnels des
9 lignes par opposition aux vols de biens dans les maisons abandonnées ? Est-
10 ce que vous pouvez évaluer les proportions ?
11 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous donner le pourcentage. Mais je peux
12 vous dire qu'elle a été la majorité des cas. Alors, je suis arrivé au poste
13 en octobre 1992. A ce moment-là, on avait un nombre assez élevé de dossiers
14 où d'affaires, enfin à l'encontre des individus qui étaient accusés de
15 servir dans les rangs de l'armée ennemie. Après, il y a eu requalification
16 des actes pour intituler cela port illégal ou in autorisé d'armes et
17 d'explosifs. Il me semble que c'était la deuxième moitié de 1992 et début
18 1993 qu'on a vu la majorité de ces affaires qui étaient donc de moindre
19 gravité que les précédentes.
20 Ensuite, au tribunal militaire du district de Sarajevo, il y avait des
21 affaires qui concernaient les événements dans les rangs de l'ABiH. On a
22 estimé que l'unité de Juka Prazina avait commis un acte de rébellion. Ils
23 nous étaient impossible de quitter la ville à ce moment-là.
24 Pendant deux ou trois mois, on s'est penché là-dessus, donc c'était
25 purement militaire. Ensuite, nous avons travaillé sur deux types de crimes
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1 : il y avait tout d'abord la catégorie des actes ou d'évitements de servir
2 dans les rangs; et, ensuite, les affaires où il s'agissait d'abandons
3 intentionnels des rangs. C'était la période qui coïncide avec le moment de
4 la création du 3e Corps d'armée. A ce moment-là, il y a eu beaucoup
5 d'abandons délibérés de rangs, ventes et reventes d'armes, pertes d'armes,
6 dégâts occasionnés sur les moyens de combat, refus d'ordres, il y a eu des
7 cas de mauvais traitements ou d'abus dans le cas du service. Il y a eu des
8 policiers militaires, lorsque je parle de policiers militaires, je me
9 réfère aussi au bataillon qui existait au sein du corps. Donc par la
10 création du corps d'armée et : "Lorsqu'on a cherché à imposer des mesures
11 de discipline au sein de celui-ci," le tribunal s'est vu inonder des
12 affaires de ce genre. Il me semble que nous avons eu même lieu à une ou
13 deux affaires pour trahison, abandons de moyens de combat, enfin là sur le
14 champ c'est ce qui me vient à l'esprit. Pendant cette période-là, c'était
15 cela les affaires majoritaires.
16 Entre temps, je me souviens par exemple ceci sort de l'espèce. Mais au
17 début de l'année 1994, vous aviez une recrudescence de meurtres, une
18 recrudescence soudaine. Il y a fallu combattre cela. Il y a eu tout le
19 temps des atteintes aux biens et, plus tard, là encore cela sort du cadre
20 de cette affaire, c'était le tribunal supérieur mais on avait recel, par
21 exemple, recel de biens. On avait confié un genre de biens ou des
22 logements, par exemple, abandonnés et il y avait recel, donc on cherchait à
23 le sanctionner. Mais il me semble qu'en 1993, on avait surtout ce type de
24 crimes et délits. Nous savions que le corps d'armée était en train d'être
25 mis sur pied. Nous savions que des changements profonds étaient en train de
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1 s'y passer et même pour ce qui est de l'accusé ici, le général
2 Hadzihasanovic, on disait qu'une sorcière venait d'arriver -- une méchante
3 femme venait d'arriver au 3e Corps qu'on allait tous être mis au pas.
4 Mais vous avez les archives, des registres, tout a été conservé. On peut
5 voir clairement quelle était la cadence d'arrivée des affaires, quelle
6 était la ventilation des affaires d'après les objets, et cetera.
7 Q. Ma dernière question concerne une fois de plus les chiffres, et
8 j'espère que vous pourrez me répondre plus brièvement. Combien d'affaires
9 impliquaient les membres des forces armées, ou les parties belligérantes,
10 en d'autres termes, auteurs du HVO par opposition à victimes de l'ABiH, ou
11 dans l'autre sens ? Est-ce que vous avez été saisi d'une quelconque affaire
12 de cet ordre-là ? Dans votre souvenir, combien d'affaires impliquaient des
13 auteurs du HVO ou de l'ABiH par opposition à des victimes qui se seraient
14 trouvées dans les rangs de l'autre partie belligérante, pour autant que
15 vous puissiez vous en souvenir ?
16 R. Je ne me souviens d'aucune affaire de ce type sur laquelle j'aurais pu
17 travailler. Précédemment, vous avez évoqué une affaire, un dossier que vous
18 avez choisi d'évoquer. Deux des membres du HVO ont tué deux civils sur une
19 route publique -- sur la voie publique. Le HVO après le conflit n'a pas
20 accepté notre compétence. Ils ont établi leur propre système judiciaire.
21 Ils ont, d'ailleurs, créé un Etat. Ils avaient leurs procureurs, leurs
22 tribunaux. Donc, je ne me souviens pas d'affaires de cet ordre-là,
23 d'affaires telles que celles vous venez d'évoquer.
24 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas
25 d'autres questions.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 13 heures moins 25. Nous allons faire la
2 pause. Nous reprendrons à 13 heures.
3 --- L'audience est suspendue à 12 heures 36.
4 --- L'audience est reprise à 13 heures.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors je vais donner la parole à la Défense,
6 pour la suite des questions.
7 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Residovic :
9 Q. [interprétation] Monsieur Veseljak, pour reprendre les questions qui
10 concernent les chiffres, comme mon confrère les a qualifiés, vous avez dit
11 que vous-même, personnellement, pendant la guerre, vous avez siégé dans le
12 cadre de 750 affaires, 700 affaires, et que vous avez participé à
13 l'instruction de 200 affaires. Vous avez dit qu'il y avait pendant la
14 guerre, en moyenne huit juges.
15 R. Oui, en moyenne nous étions huit, parfois nous étions plus nombreux,
16 parfois moins nombreux.
17 Q. Si nous souhaitons savoir le nombre total d'affaires instruites, alors
18 peut-on dire qu'il faudrait multiplier le nombre d'affaires, dont vous avez
19 traité, par le nombre de vos collègues, au sein du Tribunal, ou alors est-
20 ce que vos autres collègues, n'étaient pas aussi actifs que vous ?
21 R. J'ai été impliqué dans plus d'affaires qu'eux, donc on ne pourrait pas
22 vraiment multiplié par huit, parce que mon activité était légèrement
23 supérieur, mais c'est une question de capacité, personnelle.
24 Q. En tout état de cause, pendant la guerre, il s'agissait de quelques
25 milliers d'affaires, n'est-ce pas, de quelques milliers de dossiers.
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1 R. Oui.
2 Q. Pouvez-vous me dire, la chose suivante, les personnes contre lesquelles
3 vous avez engagé des poursuites, contre lesquelles il y a eu des
4 procédures, qui étaient-elles, est-ce qu'il s'agissait de civils ou de
5 militaires ?
6 R. Il s'agissait pour leur immense majorité, de militaires. Dans un large
7 mesure, des militaires.
8 Q. Vous avez parlé précédemment du fait, que la police militaire et la
9 police civile, avaient un certain nombre d'obligations, d'autres organes
10 également, qui déposaient des plaintes pénales. Pouvez-vous nous donner un
11 ordre d'idée, et pouvez-vous nous dire concernant ces plaintes pénales,
12 permettant au procureur d'engager une procédure, donc dans quelle mesure le
13 3e Corps a-t-il été impliqué, ainsi que son Bataillon de la Police
14 militaire, le 2e Bataillon de la brigade, et sa police militaire ? Est-ce
15 que c'était les organes qui ont été à l'origine, essentiellement de ces
16 plaintes pénales, contre les personnes pour lesquelles le tribunal était
17 compétent ?
18 R. Les plaintes pénales déposées par d'autres organes, par opposition aux
19 plaintes déposées par le Bataillon de la Police militaire du 3e Corps,
20 étaient négligeables.
21 Q. Vous nous avez dit, que dans leur majorité, ces procédures ont été
22 engagées sur la base de plainte déposée par le 3e Corps, le Bataillon de la
23 Police militaire, et les autres unités militaires, donc est-ce qu'on peut
24 dire que vous êtes en train de nous dire que l'ABiH s'est efforcée
25 d'enquêter sur tout crime ou délit, et d'aller jusqu'au bout ?
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant, s'il vous plaît. Il y a une objection de
2 l'Accusation.
3 Mme RESIDOVIC : [interprétation]
4 Q. Vous n'avez pas besoin de répondre à cette question, je vais
5 reformuler, Monsieur Veseljak.
6 M. WAESPI : [interprétation] Merci. La question précédente demandée, si la
7 plupart de ces affaires ne venaient pas du 3e Corps, et cetera, c'étaient
8 des questions directrices qui soufflent la réponse au témoin. Par ailleurs,
9 cela ne concerne pas directement les questions posées par les Juges. On n'a
10 pas parlé de la police militaire du 3e Corps, me semble-t-il.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense, pouvez-vous reposer des questions ?
12 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Mes questions étaient liées
13 essentiellement aux questions de mon confrère qui a parlé de la police
14 militaire, et aux questions des Juges qui parlaient du nombre d'affaires
15 pénales à la suite.
16 Q. Monsieur Veseljak, vous nous avez dit que tous les organes sur le
17 territoire sous contrôle de l'ABiH et contrôlé par les autorités légales du
18 pouvoir s'efforçaient de créer une atmosphère de sécurité. Est-ce que vous
19 vous en souvenez ?
20 R. Oui.
21 Q. Pouvez-vous me dire comment vous interprétez le fait que de nombreuses
22 plaintes pénales ont été déposées par l'armée ou par ses organes de
23 sécurité ?
24 R. Pour moi, cela veut dire de façon explicite que l'on respecte la
25 légalité, que l'armée et les organes de l'armée respectent la légalité.
Page 16122
1 Q. Mon éminent confrère vous a également posé des questions au sujet
2 d'infractions pénales liées à des questions purement militaires, notamment,
3 en terme de discipline. Ma question est la suivante : dans quelle mesure
4 est-ce que la discipline au sein de l'armée, c'est-à-dire, des poursuites
5 engagées au sein de l'armée pour des actes strictement au lien de
6 subordination au sein de l'armée, au fait d'abandonner les lignes de front
7 et cetera. Donc, ma question est la suivante : dans quelle mesure les
8 efforts pour établir la discipline au sein de l'armée sont-ils liés à la
9 prévention du crime ou à la prévention des délits de la part de cette même
10 armée ?
11 R. Il existe un lien direct, et c'est très important.
12 Je voudrais vous rappeler une chose. Nous nous trouvions dans des
13 circonstances où une décision avait été prise en rapport avec la
14 mobilisation générale. En d'autres termes, nous étions tous membres de
15 l'armée, nous étions tous des soldats. Si vous parvenez à établir une
16 discipline au sein de la structure la plus nombreuse de la population,
17 alors, vous parvenez à établir une discipline publique. Les gens résument
18 de la façon suivante : si l'armée réussit à discipliner ses propres rangs,
19 alors cela veut dire que l'armée se préoccupe de la légalité du respect de
20 la primauté du droit.
21 Q. Vous nous avez dit qu'il a également eu des crimes et délits sur
22 lesquels on n'a pas pu faire la lumière. Ma question est la suivante : est-
23 ce que certains facteurs existaient à l'époque qui avait des répercussions
24 décisives sur la découverte des coupables ?
25 R. Dans la deuxième partie de votre question, vous vous êtes corrigé, vous
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1 avez rectifié. On ne peut pas dire que des actes n'ont pas été découverts,
2 mais plutôt qu'on n'a pas découvert les coupables. Il y avait toute une
3 série de facteurs qui étaient une entrave, qui empêchaient qu'on identifie
4 chaque coupable. J'en ai parlé hier dans une partie de ma déposition, et je
5 vais reprendre ce que j'ai dit, aujourd'hui. Il y avait des personnes sans
6 documents d'identité, il y avait des territoires qui étaient morcelés. Il y
7 avait également le fait que certains arrangements étaient contraires aux
8 dispositions constitutionnelles et autres. Il y a également eu le fait que
9 certains auteurs de crimes ou délits ont, entre autres, trouvé la mort, ou
10 encore des témoins qui ont trouvé la mort, qui avaient été lésés et qui
11 dans l'intervalle étaient décédés, à la fois en tant que civils ou alors
12 dans les rangs de telle ou telle armée. En d'autres termes, les entraves
13 étaient d'ordre logistique, également le fait qu'on ait des moyens à notre
14 disposition ou non, qu'on ait une liberté de circulation, qu'on puisse
15 accéder au lieu du crime, ou encore le fait que des auteurs pour lesquels
16 on avait des soupçons se déplaçaient, et relevait de la compétence d'un
17 autre organe politique, territoriale et cetera. Toute une série de raisons
18 entravaient notre action, et parfois l'empêchaient.
19 Q. Mon éminent confrère vous a également posé une question au sujet des
20 différents types de crimes et délits. Alors, j'aimerais vous poser la
21 question suivante : est-ce que vous avez également instruit des affaires
22 liées au commerce illégal ? Si oui, est-ce qu'ils avaient un rapport
23 quelconque avec la prévention du vol ?
24 R. Oui, bien sûr. Parce que la situation était la suivante : enfin, c'est
25 peut-être difficile de bien donner tous les détails, de bien tout expliqué
Page 16124
1 à ceux qui n'ont pas vécu les choses sur place. Il existait certains
2 endroits sur le lieu d'anciens marchés, par exemple, ou des marchés
3 improvisés se tenaient où on vendait un peu de tout, à la fois des choses
4 vendues légalement et des choses qui avaient été volées. Les patrouilles de
5 la police faisaient le tour de ces endroits, et m'étaient en détention les
6 personnes qui vendaient ces biens volés. Ils les mettaient en accusation
7 pour commerce illégal. Parfois, si quelqu'un est en train de revendre un
8 téléphone volé, il va vous dire pour se défendre, comment il en est arrivé
9 à avoir ce téléphone entre les mains, et ainsi cela nous permettait de
10 remonter au vol qui avait donné lieu à ce commerce illégal. Il y avait
11 énormément de telles affaires liées au commerce illégal.
12 Q. En réponse à une question du Président, vous avez parlé de la position
13 de la victime après que le procureur décide de ne pas engager des
14 poursuites pénales. Pouvez-vous me dire la chose suivante : dans un cas où
15 le procureur dispose de pièces, et d'éléments qui n'indiquent pas tel ou
16 tel auteur connu ou inconnu, ou plutôt lorsque le procureur dispose
17 uniquement de votre constat, suite à votre enquête sur les lieux, disons
18 qu'il n'y a aucun soupçon, aucun doute quant à la perpétration d'un crime,
19 est-ce qu'il peut rejeter ces éléments ou est-ce qu'il classe l'affaire ?
20 Est-ce que, dans ce cas-là, le procureur se trouve dans une situation
21 légèrement différente par rapport à ce que vous avez expliqué à la
22 Chambre ?
23 R. Peut-être que je ne me suis pas bien fait comprendre. Dans ce cas de
24 figure, si compte tenu des éléments rassemblés, le procureur en conclu que
25 certains actes qui lui auraient été présentés ne représentent pas un délit
Page 16125
1 pénal, et s'il estime qu'il abandonne les poursuites, dans ce cas, il
2 informe les victimes et leur dit qu'eux-mêmes peuvent, dans un délai de dix
3 jours, décider d'aller de l'avant. Mais si le procureur ne trouve aucun
4 élément, ne trouve absolument rien qui indique qu'un événement ait pu avoir
5 lieu, alors, la logique voudrait, et d'ailleurs, si aucune victime n'est
6 connue, n'est indiquée, alors, il n'a personne qu'il doit informer
7 logiquement.
8 Q. Oui. Je souhaitais avoir cette réponse précisément. Est-ce qu'il y a
9 une différence entre des cas où le procureur prend une telle décision, et
10 les cas où il doit informer ou non une personne ? Vous venez de répondre.
11 Compte tenu des conditions qui régnaient, à ce moment-là, dans lesquelles
12 devait travailler le procureur et les autres organes, c'est-à-dire, une
13 situation de guerre, pouvons-vous me dire dans quelle mesure cette
14 situation influençait le fait que, très souvent, on ignorait qui était la
15 partie lésée, on ignorait où se trouvait la victime, ou est-ce que la
16 victime était toujours accessible ? Est-ce que les organes judiciaires
17 savaient toujours où trouver la victime ou la partie lésée ?
18 R. Je crois pouvoir vous dire que, très souvent, la victime n'était ni
19 accessible, ni connue. Nous avons la police qui, parfois, trouvait un homme
20 qui porte un objet, elle établit qu'il a volé cet objet quelque part, mais
21 il était impossible d'établir d'où venait cet objet, à qui il appartenait,
22 dans quelles circonstances il l'avait dérobé. D'ailleurs, vous-même, vous
23 avez cité des affaires où il y a vol de biens, d'un propriétaire inconnu,
24 si le propriétaire est inconnu, on ne peut pas l'informer qu'il y a une
25 procédure, mais on peut décider d'engager une procédure si les éléments de
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1 preuve sont suffisants ou alors on peut abandonner les poursuites, classez
2 l'affaire, en tant que procureur, s'il n'y a pas ces éléments de preuve.
3 Q. Le Juge Swart vous a posé un certain nombre de questions au sujet des
4 maisons abandonnées. Vous avez à cette occasion explicité la procédure et
5 vous avez donné des exemples de l'action du Juge d'instruction au moment où
6 il reçoit une requête du Procureur et vous avez notamment évoqué le cas
7 d'un acte de viol qui aurait été qualifié de stationnement interdit. Est-ce
8 que vous, en tant que Juge d'instruction, avez été associé à cette
9 qualification juridique donnée par le Procureur, donc déjà dans la phase
10 d'instruction ?
11 R. Non, le Juge d'instruction n'était pas lié, mais à l'exception
12 suivante. Il y avait un cas de figure où le Juge d'instruction se livrait à
13 une certaine appréciation et estimait que le nombre d'éléments fournis ne
14 montre absolument pas, en termes de description et de qualifications
15 juridiques, qu'il y a eu un délit. Alors, le Juge d'instruction s'oppose à
16 ce qu'on mène l'instruction, et nous appelions cela des cas de désaccord.
17 Si le Juge d'instruction, par le biais d'un document officiel, indique
18 qu'il est en désaccord, alors la question est de savoir si l'instruction et
19 l'enquête seront menées ou pas et, à ce moment-là, une Chambre composée de
20 trois Juges professionnels se prononçaient et c'était définitif. Mais,
21 c'était uniquement dans des cas où le Juge d'instruction estime que, sur la
22 base des documents qui lui ont été fournis, il ne dispose d'aucun élément
23 pertinent.
24 Q. Monsieur Veseljak, à part ce cas de figure-là, la décision de mener
25 l'enquête, de mener l'instruction, vous, en tant que Juge d'instruction, si
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1 vous constatez dans la description de ce viol, que telle ou telle personne
2 a violé cette femme, tel et tel jour, qu'est-ce que vous en concluriez,
3 qu'est-ce que vous écririez indépendamment de la conclusion du Procureur ?
4 R. Ce qui ressort de cette communication et nous avions coutume de la
5 recopier mot à mot, ne va pas mener une enquête ou une instruction sur ce
6 qui n'est pas requis, sur ce qui n'est pas nécessaire. Nous étions toujours
7 tenus et liés par cette description, cette qualification.
8 Q. Pour essayer d'expliquer au Juge comment il a fallu qualifier, c'est-à-
9 dire, en cas où le Juge se serait oublié dans une affaire et étant donné
10 l'enquête, vous avez parlé de nouveaux caractères évidemment le vol, vous
11 avez parlé de sanctions nouvelles. Vous avez dit qu'il s'agissait de
12 décrets ayant force de loi qui ont été à la base de ces changements.
13 Etant donné que j'ai ici un lot de tous les journaux officiels de 1992,
14 est-ce que, Monsieur Veseljak, vous avez pensé en degré et en force de loi
15 portant amendement dans le domaine de la mise en application du code pénal
16 de Bosnie-Herzégovine et de la loi pénale de RFSY reprise par la république
17 en temps de danger de guerre imminent ou en temps de guerre publiée par le
18 journal officiel numéro 21 du 23 novembre 1992, pages 570, 571 et 572 ?
19 R. Oui, mais il y a autre chose.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.
21 M. WAESPI : [interprétation] Je ne pense pas vraiment que ceci a été
22 contesté, mais, de toute évidence, il s'agit évidemment d'une question tout
23 à fait suggestive. C'est mon honorable collègue, là, qui est en train de
24 déposer.
25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je pensais justement le contraire. Vous
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1 pouvez évidemment me refuser le droit de poser cette question. C'est par
2 hasard que le témoin a parlé de 1993. Il s'agit évidemment de ce décret loi
3 qui prévoit un accroissement drastique du nombre d'années d'emprisonnement
4 prévues par la peine. Je ne sais pas pourquoi je ne poserais pas cette
5 question.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Residovic.
7 MAÎTRE RESIDOVIC : Merci.
8 Q. Monsieur Veseljak, en réponse à une question et aux questions de
9 l'honorable Monsieur le Juge, vous avez dit que les peines d'emprisonnement
10 à cette époque-là étaient au minimum trois ans d'emprisonnement ou la peine
11 capitale pour des délits tels vols et pillages dans des biens et propriétés
12 abandonnées.
13 R. Oui.
14 Q. Dites-moi : est-ce qu'il a eu d'autres actes, d'autres délits qui ont
15 été beaucoup plus drastiquement sanctionnés y compris par la peine capitale
16 si, par exemple, tous ces actes auraient été perpétrés par une personnes
17 militaire et toujours nous parlons, évidemment de ces propriétés
18 abandonnées où la personne militaire se serait trouvée ?
19 R. Le même acte perpétré par un civil a été moins sanctionné que la
20 personne militaire qui aurait perpétré le même acte parce que ce sont les
21 circonstances de qualification lorsqu'il s'agit de parler de la capacité de
22 la personne qui est auteur de l'acte qui prévalait.
23 Q. Je vous remercie pour ne pas entrer dans le détail, pour en discuter.
24 Je vous pose la question à vous qui étiez en qualité de Juge. S'agit-il de
25 parler de ce décret et en force de loi dont vous parliez et que le Juge
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1 était tenu de mettre en application ?
2 R. Oui. Cela s'avère d'après et sur la base des pièce à conviction qui se
3 trouvaient sur mon bureau tout à l'heure qui ont été offertes par vous ou
4 par l'éminent M. le Procureur, lorsque nous faisons référence toujours à la
5 loi fondamentale, à savoir, l'Article 10 de ce décret loi où il a été
6 stipulé, notamment, la nécessité de prononcer des peines rigoureuses, plus
7 rigoureuse, en tout cas, c'était un décret loi par lequel la loi s'était
8 fait amender et ce que nous avons mis en application.
9 Q. Lorsque vous avez parlé du nombre de délits pénaux, de leurs
10 qualifications, en réponse à l'une des questions posées par les honorables
11 juges, vous avez apporté des éclaircissements pour dire quels étaient les
12 descriptions de ces actes, tels que vous les avez reçus ? Par exemple,
13 dites-nous, s'il vous plaît, regardez maintenant cette période-là. Peut-on
14 dire que tous les événements qui d'ailleurs ont été identifiés d'après vous
15 et qui ont été objets de procès, indépendamment du fait de voir si l'acte a
16 été qualifié de telle ou telle manière était bien le cas ?
17 R. Je crois que je peux répondre positivement à cette question, c'est-à-
18 dire, ces événements ont été objets de procès et cela sur la base de la
19 description qui a été celle du procureur et sur la base de la proposition
20 et la qualification formulée par le procureur en matière de droit, bien
21 sûr.
22 Q. Etant donné que tout au long de la guerre vous avez été juge, pouvez-
23 vous me dire si de tels événements, à savoir, vols, vols notamment dans des
24 propriétés abandonnées, s'étaient déroulés pendant un laps de temps court,
25 ou est-ce que vous avez les rentrés de tels événements de vol pendant toute
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1 la durée de la guerre ?
2 R. Pendant toute la durée de la guerre. Toute la durée de la guerre, je
3 dis bien, et il me semble, pour autant que je me souvienne, on ne saurait
4 même distinguer une période toute particulière. Peut-on dire que la majeure
5 des vols ont été perpétrés, notamment au cours de cette terrible famine,
6 qui sévissait en 1994, terrifiante famine que moi, voyez-vous, qui aie été
7 quelqu'un qui avait un salaire, étais censé manger un jour sur trois
8 seulement. C'est peut-être dans cette période-là, que les vols se faisaient
9 beaucoup plus intensifs, et fréquents.
10 Q. Étant donné que vous parlez de la fin qui régnait, pour parler des
11 civils, généralement parlant, ont-ils eu faim eux aussi ? Ont-ils perpétré
12 des vols également ?
13 R. Oui, des civils eux aussi ils avaient faim. Ils le faisaient également.
14 Q. D'après vous, combien de civils ont été jugés devant les tribunaux
15 ordinaires ?
16 R. Je ne sais pas, mais je sais qu'au tribunal ordinaire de base, et au
17 tribunal supérieur, tous mes collègues ont vraiment travaillé à un rythme
18 fort accéléré, pour ainsi dire.
19 Q. Étant donné que vous avez déjà répondu à certaines questions posées par
20 Monsieur le Juge, et à quelques questions posées par mon éminent collègue
21 de l'Accusation, je n'ai plus qu'à vous remercier, d'avoir bien voulu
22 répondre à mes questions.
23 R. C'est moi qui vous remercie.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : L'autre équipe de la Défense.
25 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin,
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1 Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur, votre audition vient de se terminer.
3 Vous avez pendant deux jours, répondu à l'ensemble des questions posées,
4 tant par la Défense que l'Accusation, ainsi que par les Juges. Je vous
5 remercie. Je formule au nom de la Chambre mes meilleurs vœux pour votre
6 retour dans votre nouvelle profession, qui celle d'avocat. Je formule
7 également le meilleur vœu de réussite dans cette activité.
8 Je vais demander à M. l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je proférer une seule phrase, avant de
10 vous remercier pour ma part ?
11 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, c'était pour moi un
12 grand honneur de déposer devant ce Tribunal. Je n'ai pas eu la possibilité
13 judiciairement parlant, pour m'enchaîner à votre toute première phrase,
14 Monsieur le Président, lorsque vous avez dit, dès le début que ce Tribunal
15 ne se tient du côté de qui que ce soit. Personnellement, j'avais ce
16 sentiment, et j'ai voulu vous le dire. J'ai été emmené pour citer à
17 témoigner par le conseil de la Défense, je ne range du côté de qui que ce
18 soit, et encore une fois je répète, comme je l'ai dit devant de ce
19 Tribunal, ce qui m'intéresse c'est la vérité, et rien que la vérité.
20 Merci, de vos aimables rôles et je vous souhaite tout succès dans vos
21 travaux.
22 [Le témoin se retire]
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
24 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, page 79 ligne 12,
25 il n'a pas été consigné la réponse du témoin. J'ai voulu demander si des
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1 civils eux aussi, ont perpétré le vol, la réponse du témoin a été
2 affirmative, que de tels civils ont été jugés. Donc ligne 12 à cette page-
3 là, donc 79. Ceci n'a pas été consigné comme étant la réponse du témoin.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous reste un quart d'heure. On ne va pas avoir
5 le temps d'introduire le témoin, alors il y a la question des documents.
6 J'ai constaté que sur la feuille de présentation des documents, vous avez
7 indiqué également que ces documents s'en iraient pour un autre témoin. Dans
8 ce cas-là vous attendez l'autre témoin pour demander le versement des
9 documents. Vous êtes bien d'accord ?
10 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, étant donné
11 que demain l'audience se poursuivra et on entendra la déposition de ce
12 témoin, je crois que le mieux est de l'entendre ce témoin, pour demander au
13 versement au dossier, toutes ces pièces à conviction. Après avoir entendu
14 le second témoin.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
16 Concernant l'Accusation il y avait deux documents, au 2 et au 14.
17 M. WAESPI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le document au 14,
18 je ne l'ai pas présenté pour être versé au dossier, pour ce qui est du
19 document 2, il s'agit en fait de ce même document que nous retrouvons dans
20 le lot de documents, qui était présenté au conseil de la Défense, alors il
21 s'agit de rapport d'enquêtes sur les lieux, il s'agit de l'intercalaire
22 numéro 2, de ce lot de documents. Je suppose que le conseil de la Défense
23 offrira pour versement au dossier, ces pièces à conviction, il s'agit de
24 documents de Zenica en avril 93, je ne demande pas le versement au dossier,
25 maintenant.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous allons passer à huis clos partiel.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
3 le Président.
4 [Audience à huis clos partiel]
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11 Pages 16134-16139 expurgée. Audience à huis clos partiel.
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1 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le mercredi 16 février
2 2005, à 9 heures 00.
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