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1 Le vendredi 15 juillet 2005
2 [Les Plaidoiries]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est ouverte. Monsieur le Greffier,
7 appelez le numéro de l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président, affaire numéro
9 IT-01-47-T le Procureur contre Ender Hadzihasanovic et Amir Kubura.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je vais demander à
11 l'Accusation de bien vouloir se présenter.
12 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
13 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, et tout le monde dans ce
14 prétoire et derrière. L'Accusation est représentée par Tecla Henry-
15 Benjamin, Matthias Neuner, Daryl Mundis, et le commis d'audience, Andres
16 Vatter.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander à la Défense de bien vouloir se
18 présenter.
19 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour
20 Madame, Monsieur les Juges. La Défense du général Hadzihasanovic est
21 représentée par Edina Residovic, le conseil; Stéphane Bourgon, co-conseil;
22 Vedrana Residovic, traductrice et commis d'audience.
23 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. La
24 Défense de M. Kubura est représentée par Rodney Dixon, Fahrudin
25 Ibrisimovic, et Nermin Mulalic, assistant juridique.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. En cette 219e journée d'audience,
2 je salue toutes les personnes présentes. Je salue les trois représentants
3 de l'Accusation. Je salue les cinq avocats présents ainsi que leurs
4 assistants, et je salue le général Hadzihasanovic et le général Kubura. Je
5 salue également toutes les autres personnes qui nous assistent et qui nous
6 ont assistés pendant toutes ces journées d'audience : Mme l'Huissière, les
7 Juristes de la Chambre, M. le Greffier, et j'associe également les
8 interprètes ainsi que les personnel de sécurité.
9 Concernant le temps d'après les décomptes qui ont été faits, il reste
10 exactement à la Défense 49 minutes. Dans la mesure où l'Accusation a
11 utilisé cinq heures 33 dans son réquisitoire, mais on lui avait octroyé six
12 heures, comme on lui a octroyé six heures à la Défense, la Défense peut
13 utiliser les six heures, donc il lui reste 49 minutes. Il est 9 heures 07,
14 vous avez jusqu'à 9 heures 56, presque 10 heures, pour terminer votre
15 plaidoirie.
16 Je donne la parole aux avocats.
17 M. BOURGON : Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Madame le Juge.
18 Bonjour, Monsieur le Juge.
19 Monsieur le Président, nous sommes arrivés à quelques minutes de la fin
20 d'un long procès, qui a duré comme vous l'avez mentionné, 219 jours. Il me
21 reste encore bien des choses à vous dire, mais, pour une fois - et c'est
22 une promesse - je m'efforcerai d'être bref et de ne pas utiliser toutes les
23 49 minutes que la Chambre a bien voulu accorder à la Défense du général
24 Hadzihasanovic.
25 Au cours de ces quelques minutes, Monsieur le Président, je traiterai
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1 d'abord très rapidement de trois sujets préliminaires avant d'aborder dans
2 un premier temps les théories erronées qui à notre point de vue ont été
3 mises de l'avant par l'Accusation au cours de ce procès, et dans un second
4 temps, une dernière partie je parlerai brièvement de toutes les mesures qui
5 ont été prises par le général Hadzihasanovic en 1993 dans le but de
6 s'acquitter tant de ses responsabilités en tant que commandant du 3e Corps
7 que de ses obligations légales. Ma collègue prendra, ensuite, la parole
8 pour une brève conclusion sans aller au-delà du temps qui nous a été
9 alloué.
10 Premier sujet préliminaire, Monsieur le Président, ma collègue, hier,
11 a fait état de nos arguments concernant les centres de détention. Il va de
12 soi que pour les événements qui sont d'abord liés au motel Sretna, de même
13 que pour les événements qui sont liés à Orasac, dans les deux cas, notre
14 position est celle qui est exprimée dans notre mémoire en clôture, à savoir
15 que le général Hadzihasanovic n'a jamais eu connaissance de ces événements.
16 Deuxième sujet préliminaire, Monsieur le Président, le témoignage de
17 Hajrudin Hubo. J'ai oublié de vous parler hier. L'Accusation a attaqué la
18 crédibilité de ce témoin dans son mémoire en clôture sur la base d'un
19 document qui avait été utilisé pour lui rafraîchir la mémoire. Plus
20 précisément, le document P950. Sur le plan technique, Monsieur le
21 Président, le document P950, est une pièce dont l'utilisation est limitée
22 au rafraîchissement de la mémoire du témoin. En conséquence, son contenu
23 n'est pas en preuve, ce qui règle la question. Toutefois, Monsieur le
24 Président, vous nous connaissez et nous n'avons pas l'habitude de nous
25 cacher derrière des technicalités et nous abordons toujours ouvertement les
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1 faits tels qu'ils sont présentés, dans ce cas-ci, le témoin a bien expliqué
2 que cette pièce a été rédigée en 1995 sur la base d'information recueillie
3 en 1995 et que son contenu ne reflète en rien la réalité c'est-à-dire, il
4 n'y a eu aucun membre étranger d'El Moudjahid, qui était membre de l'armée
5 de la République de Bosnie-Herzégovine en 1993. Notre explication, Monsieur
6 le Président, est que la personne, ayant fourni ces informations au témoin,
7 Hajrudin Hubo, a fait en sorte que certains membres d'El Moudjahid puissent
8 obtenir leur citoyenneté de la Bosnie-Herzégovine selon le décret loi
9 adopté le 23 avril 1993, et je fais référence ici à la pièce DH994 ainsi
10 qu'au rapport de l'expert constitutionnel Trnka, au paragraphe 54.
11 Ce document, Monsieur le Président, établi par le témoin, Hajrudin Hubo, en
12 1995, sur la base d'information dont il n'a pas vérifié l'exactitude, et
13 dont il questionne l'exactitude, ne reflète pas la situation réelle de
14 1993.
15 Comme elle l'a fait à quelques reprises, Monsieur le Président,
16 l'Accusation, après avoir attaqué la crédibilité de ce témoin, s'est
17 ensuite appuyée sur son témoignage pour soutenir d'autres éléments de sa
18 thèse, ce qui est pour le moins surprenant.
19 Deuxième sujet préliminaire, Monsieur le Président, les documents officiels
20 établis par la conseil économique et social des Nations Unies, comme à
21 titre d'exemple la pièce, P156, dont j'ai oublié de vous parler au début de
22 ma présentation mercredi. Cette pièce, Monsieur le Président, la pièce
23 P156, mentionne que des forces gouvernementales auraient participé aux
24 événements de Miletici. Ce qu'il faut retenir ici Monsieur le Président,
25 c'est que ce document ne pouvait exister sans y ajouter la mention forces
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1 gouvernementales, car en l'absence d'une telle mention, il n'y a pas
2 violation des droits de l'homme au sens des instruments internationaux
3 applicables. Ce qui priverait alors le rapporteur spécial de la commission
4 des droits de l`homme de sa compétence. Il faut donc, Monsieur le
5 Président, aborder ces documents en fonction de leur contenu -- pardon, non
6 pas en fonction de leur contenu, mais bien en fonction des observations qui
7 ont mené à l'élaboration de ces documents et à leur rédaction.
8 En l'espèce. Le témoin, par l'entremise d'une déclaration -- pas
9 l'entremise d'un témoignage qui a été admis par le biais de l'Article 92
10 bis D, c'est-à-dire, un témoignage dans une affaire antérieure, a bien
11 expliqué les faits qui ont été recueillis, qui ont menés à l'élaboration de
12 ce document, la pièce P156.
13 Enfin, s'agissant de l'argument de l'Accusation, qui dit que la
14 reconnaissance d'un événement, comme Miletici, dans un document
15 international, implique la connaissance sur le terrain des personnes
16 impliquées. Il s'agit d'un fait qui était avancé par l'Accusation dès le
17 premier document qu'elle a déposé, l'acte d'accusation, et qui a été repris
18 à plusieurs reprises par la suite.
19 J'ose avancer, Monsieur le Président, que les citoyens de Bosnie-
20 Herzégovine, occupés par le conflit qui faisait rage en Bosnie-Herzégovine,
21 avaient autre chose à faire que de consulter les rapports du Conseil
22 économique et social des Nations Unies. Cette remarque, Monsieur le
23 Président, s'applique à tous les documents des Nations Unies, tant pour les
24 militaires que les civils. Il est certain qu'en tant que juriste, ces
25 documents ont pour nous une très grande importance, et qu'il puisse arriver
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1 que nous en ayons connaissance dès qu'ils sont adoptés. Mais pour les gens
2 qui étaient en Bosnie-Herzégovine en 1993, un rapport du Conseil économique
3 et social, ce n'est pas quelque chose qui va attirer leur attention, et qui
4 va leur permettre d'avoir une connaissance quelconque d'un fait sur le
5 terrain.
6 J'en arrive, Monsieur le Président, aux théories mises à l'avant par
7 l'Accusation, qui, selon nous, sont erronées. Il en a plusieurs, mais je me
8 contenterais de traiter des plus importantes.
9 Première théorie, l'Accusation a dit que le 3e Corps devait régler la
10 situation des Moudjahiddines en fonction de son obligation de protéger les
11 civils. Nous croyons, Monsieur le Président, que cela est faux. La
12 responsabilité du 3e Corps envers la protection des civils doit être une
13 responsabilité reconnue soit par le droit interne qui était en vigueur à
14 l'époque, soit par le droit international humanitaire, pour autant que ce
15 dernier soit applicable. Dans les deux cas, on ne peut pas déduire une
16 telle responsabilité du 3e Corps à l'égard des civils.
17 L'instrument, qui pourrait guider la Chambre à cet égard, serait le
18 premier protocole additionnel aux conventions de Genève, bien qu'il ne
19 trouve pas application à l'espèce dans ce document, Monsieur le Président.
20 On y retrouve quelles sont les obligations d'un commandant à l'égard de la
21 population civile. Soit au moment de lancer des attaques, soit au moment de
22 se protéger de contre des attaques, cela, Monsieur le Président, c'est le
23 droit en vigueur.
24 Deuxième théorie de l'Accusation, les Moudjahiddines ne pouvaient pas
25 exister en tant qu'entité distincte au milieu d'un conflit comme celui qui
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1 faisait rage en Bosnie Centrale. Nous croyons, Monsieur le Président, que
2 cette théorie est fausse. La preuve a démontré non seulement que cela a été
3 possible, mais aussi qu'il y avait plusieurs groupes de ce type qui étaient
4 en opération en Bosnie centrale et qui existaient indépendamment de
5 l'armée.
6 Prochaine théorie, Monsieur le Président, l'Accusation a avancé que
7 le général Hadzihasanovic serait responsable de toutes les forces
8 militaires à l'intérieur de son secteur de responsabilité. Réponse de la
9 Défense, nous croyons encore une fois qu'il s'agit d'une fausse théorie,
10 d'une théorie erronée. La Défense a démontré que la responsabilité du
11 général Hadzihasanovic, ne peut être engagée que si les éléments ou les
12 conditions essentielles de l'Article 7(3) du Statut sont remplis ou
13 respectés.
14 Quatrième théorie, l'existence ou la possibilité d'un contrôle
15 effectif horizontal sur les Moudjahiddines. Nous croyons, Monsieur le
16 Président, que cette théorie est fausse, cela a été démonté par la Défense,
17 de même que par l'expert militaire de la Défense, le général Karavelic, qui
18 a bien expliqué un control effectif horizontal, cela n'existe pas.
19 Cinquième théorie, le contrôle exercé par le 3e Corps sur les
20 autorités et les organes civils en temps de guerre. Encore une fois,
21 Monsieur le Président, fausse théorie. Cela a été démontré hors de tout
22 doute par l'expert constitutionnel tant dans son rapport que dans son
23 témoignage.
24 Sixième théorie, le contrôle exercé sur un déserteur, et l'obligation
25 de rechercher ce dernier. Nous croyons également qu'il s'agit d'une fausse
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1 théorie. Il a été démontré que des mesures pénales peuvent être prises par
2 la cour militaire du District contre les déserteurs. Mais aussi que le
3 général Hadzihasanovic ne peut être tenu responsable pour les actes d'un
4 déserteur sur lequel il n'exerce plus de control effectif.
5 Enfin, dernière théorie, l'Accusation a avancé que le général
6 Hadzihasanovic aurait eu l'obligation d'attaquer les Moudjahiddines afin de
7 régler cette situation. Réponse de la Défense, c'est tout à fait faux. Il a
8 clairement été démontré que la décision d'attaquer les Moudjahiddines
9 n'était pas une obligation légale, mais une obligation, une considération
10 opérationnelle. De surcroît dans les faits, la nécessité de prendre les
11 Moudjahiddines par la force élimine la possibilité que le général
12 Hadzihasanovic ou le 3e Corps aurait pu exercer un control effectif sur ces
13 individus, dont je le rappelle, nous ne connaissons toujours pas l'identité
14 et l'appartenance à de multiples groupes.
15 J'en arrive à la dernière partie de ma plaidoirie, Monsieur le
16 Président, les mesures prises par le général Hadzihasanovic. Première
17 constatation : L'Article 7(3) du Statut n'exige pas du commandant qu'il
18 prenne toutes les mesures nécessaires et responsables, mais bien les
19 mesures nécessaires et raisonnables. La distinction est très importante.
20 Deuxième constatation : Hier, j'ai fait part à la Chambre des observations
21 des témoins internationaux, témoins locaux, militaires, civils, au sujet du
22 général Hadzihasanovic. Nous avons traité de son caractère, de sa
23 motivation, de ses aptitudes et de sa personnalité. Nous vous soumettons,
24 Monsieur le Président, que la personnalité du général Hadzihasanovic,
25 considérée dans son ensemble, est absolument incompatible avec la théorie
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1 de l'Accusation, que cet homme aurait omis de prendre des mesures dans
2 certains cas.
3 L'Accusation n'a pas même essayé de démontrer pourquoi un tel
4 commandant omettrait de prendre des mesures dans certains cas.
5 Troisième constatation : dans son rapport, le général Karavelic a
6 décrit en détails les responsabilités, les obligations, devoirs et tâches
7 du commandant parfait et idéal. Dans notre mémoire en clôture, nous avons
8 dressé un bilan de tout ce que le général Hadzihasanovic a fait, de tout ce
9 qu'il a entrepris et accompli pour s'acquitter de ses responsabilités en
10 tant que commandant du 3e Corps. Nous vous soumettons, Monsieur le
11 Président, que tout ce qui a été accompli par le général Hadzihasanovic
12 dans ce domaine, est incompatible avec la théorie de l'Accusation, que ce
13 commandant aurait omis de prendre des mesures raisonnables et nécessaires
14 s'il en avait eu la possibilité.
15 Encore une fois, l'Accusation n'a pas même cherché à expliquer
16 pourquoi un tel commandant aurait omis de prendre des mesures, s'il en
17 avait eu la possibilité.
18 Quatrième constatation : hier, j'ai mentionné le type de mesures
19 auxquelles on peut s'attendre de la part d'un commandant, lorsqu'il sait ou
20 qu'il a raison de savoir qu'un subalterne était sur le point de commettre
21 une violation, ou qu'il savait que ce subalterne avait commis une
22 violation.
23 Selon la jurisprudence du Tribunal international, mais également
24 selon la jurisprudence suivant les procès pour crimes de guerre qui ont
25 fait suite à la Deuxième guerre mondiale, dans notre mémoire en clôture,
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1 nous avons expliqué toutes les mesures prises par le général Hadzihasanovic
2 au titre de l'Article 7(3) du Statut. Nous avons même ajouté une
3 description de ces mesures en annexe. Il y en a plusieurs, elles sont de
4 plusieurs types. Elles touchent à tous les domaines, au-delà de ce qui peut
5 être attendu d'un général, selon la jurisprudence.
6 Nous vous soumettons, Monsieur le Président, que le général
7 Hadzihasanovic est allé au delà de son devoir et de ses obligations, et que
8 cela est totalement incompatible avec la théorie de l'Accusation, qu'il
9 aurait tout fait, sauf pour certaines violations. L'Accusation n'a pas même
10 cherché à établir pourquoi, ou a formuler une raison pourquoi un commandant
11 qui a pris tant de mesures, aurait manqué à cette obligation en certaines
12 circonstances.
13 Il est clair au regard de la preuve que le général Hadzihasanovic, a
14 dans ce domaine, pour utiliser une formule je dirais moins sérieuse, le
15 général Hadzihasanovic, Monsieur le Président, il a été plus catholique que
16 le Pape. Pour un Musulman, cela n'est pas peu dire.
17 Cinquième constatation, plus sérieusement : nous avons suggéré à la
18 Chambre le standard contre lequel toutes les mesures prises par le général
19 Hadzihasanovic doivent être appréciées. Un standard tiré entre autres de
20 l'affaire Yamashita. Curieusement, l'Accusation n'a pas même suggéré le
21 standard contre lequel la Chambre doit évaluer les mesures prises par le
22 général. En fait, c'est peut-être normal, puisque l'Accusation a tenté
23 d'éviter en tout point de vue la question du contexte.
24 Le standard applicable, selon nous, a deux composantes :
25 premièrement, le commandant s'est-il écarté des pratiques et coutumes
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1 acceptées et reconnues en matière de commandement ? Deuxième composante, je
2 cite en anglais :
3 [interprétation] "Manquement à surveiller qui revient à la négligence
4 criminelle. En plus, il doit y avoir une négligence personnelle, qui
5 s'élève à une ignorance immorale et gratuite par rapport aux actions de ses
6 subordonnés."
7 [en français] -- de ce critère, de par sa conduite exemplaire, et son
8 engagement total à tous points de vue sur le terrain en 1993.
9 Dernière constatation, Monsieur le Président, qui vient appuyer tout
10 ce que je viens de dire concernant les mesures. L'Accusation ne s'est pas
11 acquittée de son fardeau de preuve concernant l'omission de prendre des
12 mesures. Sur cette question, je remercie d'abord mon collègue de
13 l'Accusation, qui a pendant plus de 37 minutes expliqué les mesures prises
14 -- ou des mesures prises par le général Hadzihasanovic, ne serait-ce qu'au
15 mois de janvier 1993. Je remercie également mon collègue, qui au nom de
16 l'Accusation, a tenté de minimiser le nombre de mesures prises par le
17 général Hadzihasanovic, à l'aide de son Bataillon de Police militaire.
18 Dans le premier cas, les arguments avancés par mon collègue donnent
19 un aperçu de tout ce qui a été fait à tous les niveaux de l'armée pour
20 combattre la criminalité.
21 Dans le deuxième cas, je vous soumets respectueusement qu'on ne peut
22 prendre au sérieux l'argument selon lequel seulement 40 % des 800 mesures
23 et plus concernaient des membres de l'armée. La conclusion qui s'impose,
24 c'est que l'Accusation n'a pas prouvé que des mesures n'ont pas été prises.
25 Les 800 mesures auxquelles l'Accusation a fait référence dans ce document
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1 ne sont qu'un aperçu, encore une fois, de tout ce qui a été fait.
2 L'Accusation se devait de contredire la politique du général Hadzihasanovic
3 en matière de criminalité, c'est-à-dire, Monsieur le Président, ce que les
4 témoins sont venus dire devant vous, c'était tolérance zéro.
5 La mission de l'enquêteur Hackshaw de l'été dernier a été un échec
6 sur toute la ligne. A la lumière du témoignage de cet enquêteur, il n'est
7 pas crédible de dire que cette mission a été un succès. Cette mission, bien
8 au contraire, a eu l'effet complètement opposé. Cette mission a permis de
9 prouver hors de tout doute raisonnable qu'il n'est pas possible de dire que
10 des mesures n'ont pas été prises, pour chacune des accusations qui pèsent
11 contre le général Hadzihasanovic. Quand on examine de plus près, on
12 s'aperçoit qu'il y a un très grand nombre d'archives, où il aurait été
13 possible de trouver des documents relatifs aux chefs d'accusation dans
14 l'acte d'accusation. La preuve démontre, Monsieur le Président, que les
15 unités du 3e Corps déposaient aussi des plaintes ou des rapports criminels
16 auprès des tribunaux de district militaire. Ce matériel, nous ne l'avons
17 pas vu, Monsieur le Président. Pensons à Bugojno à titre d'exemple. Nous
18 n'avons aucun document des cours qui étaient en opération dans cette ville.
19 Cela est en preuve, Monsieur le Président, mais nous ne savons pas tout ce
20 qu'il y avait dans ces archives.
21 De même, il est trop tard pour offrir une nouvelle interprétation de
22 l'Article 6 du décret sur les mesures disciplinaires, alors qu'un expert
23 aurait pu répondre à cette question si l'Accusation en doutait. Je
24 rappelle, Monsieur le Président, l'Article 6 est l'article qui dit que par
25 des mesures disciplinaires, si le comportement correspond à la fois à une
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1 mesure disciplinaire et à un acte criminel, l'un n'exclut pas l'autre. En
2 temps d'urgence, en temps de guerre, il est tout à fait loisible à des
3 commandants militaires, à tous les niveaux, de traiter de ces questions par
4 mesures disciplinaires, soit s'arrêter là, ou soit ensuite, lorsque le
5 moment sera propice, reporter le tout devant la Cour militaire de district.
6 D'après nous, Monsieur le Président, il est non recevable de soumettre en
7 argument qu'une peine de détention de 60 jours est insuffisante, pour les
8 actes visés dans l'acte d'accusation. Pourquoi ? Parce qu'on ne connaît pas
9 les détails des plaintes, ni l'identité des personnes présumées
10 responsables.
11 J'aimerais à ce titre, Monsieur le Président, vous nommer un exemple,
12 la pièce DH1200. Cette pièce, Monsieur le Président, est une demande pour
13 une enquête. Je crois qu'il est important de citer les faits de cette
14 demande. Je cite en anglais :
15 [interprétation] "Il y avait des motifs raisonnables de croire que le
16 11 juin 1993, en rentrant du village de Bijelo Bucje à Travnik, et dans
17 l'intention de s'approprier des biens de manière illégale, il a saisi de
18 manière illégale deux paires de chaussures d'enfants, des jupes d'enfants,
19 et un manteau en fourrure d'enfant d'une maison abandonnée, dont le
20 propriétaire était un Croate local. Ces articles ont été trouvés et saisis
21 par les membres du MUP de Travnik du poste de sécurité de Travnik, près de
22 l'usine de Borac à Travnik. Il a commis le délit de vol aggravé,
23 conformément à l'Article 148 du code pénal de la République de Bosnie-
24 Herzégovine."
25 [en français] Monsieur le Président, c'est le genre d'armée auquelle
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1 vous avez à faire en rendant une décision dans cette affaire. Le pauvre
2 mec, soldat, qui revient de la zone de combat, qui passe par une maison
3 abandonnée, et qui pour ses enfants qui n'ont rien à manger, qui n'ont rien
4 à se mettre sur le dos, il vole deux paires de souliers, une jupe et un
5 "liner" d'un manteau, et il se voit accuser de façon criminelle devant la
6 Cour militaire de district.
7 Si les gens prenaient la peine de faire des rapports criminels au
8 Procureur militaire du district pour des événements comme celui-ci, que
9 pensez-vous qu'ils faisaient pour le reste ? Nous maintenons notre argument
10 : plus d'un millier de soldats ont été poursuivis, ou des rapports ont été
11 déposés pour empêcher que ces soldats ne commettent de crimes, ou pour
12 qu'il arrêtent d'en commettre.
13 A ce point de vue, nous l'avons mentionné à plusieurs reprises dans
14 notre mémoire, l'Accusation s'est servie de documents pour dire que le
15 général avait connaissance des faits sur le terrain, alors que ces
16 documents prouvent hors de tout doute raisonnable, que dès le moment où le
17 général Hadzihasanovic avait le moindre soupçon qu'il y avait un mauvais
18 comportement dans son armée, immédiatement il émettait les ordres
19 appropriés.
20 Nous vous avons expliqué qu'au niveau où il était, il ne peut prendre
21 sa voiture et aller à Travnik, et arrêter le soldat avec les deux jupes et
22 les deux paires de souliers. Ce n'est pas cela le rôle d'un commandant d'un
23 corps. Le rôle du commandant d'un corps qui a plus de 30 000 personnes sous
24 ses ordres, c'est que dès qu'il entend parler de cela, il prend des
25 mesures. Le général Hadzihasanovic a pris des mesures tout au long de
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1 l'année 1993, et l'Accusation n'a pas été en mesure de prouver que des
2 mesures n'ont pas été prises.
3 Pour revenir à mon exemple, si j'étais commandant et que j'attrapais
4 un de mes soldats qui avait volé deux paires de souliers, dans l'armée
5 canadienne, à tout le moins, je peux vous dire que ce ne serait pas un
6 rapport criminel. Il irait sûrement en détention, mais par des mesures
7 disciplinaires, pas par des mesures criminelles. Donc, quand on parle de
8 l'Article 6 et qu'on dit qu'il est possible que les commandants des unités,
9 puisque cela est en preuve, ont pris des mesures disciplinaires, ils ont
10 mis des gens en détention. Il y a plusieurs types de faits, plusieurs types
11 de crimes, de violations pour lesquelles ces mesures, jusqu'à 60 jours de
12 prison, sont tout à fait raisonnables.
13 Tout cela, Monsieur le Président, nous l'avons expliqué en détails dans
14 notre mémoire en clôture. Pour cette seule raison, le manque de preuves ont
15 fait que des mesures n'ont pas été prises. Le général Hadzihasanovic doit
16 être acquitté de toutes les accusations. Il ne suffit pas, Monsieur le
17 Président, de dire que les parties ont visité les archives. L'Accusation
18 avait le fardeau de produire la preuve nécessaire, et elle ne s'est pas
19 acquittée de son fardeau. Je pourrais nommer toutes les archives qui n'ont
20 même pas été visitées, les postes de police locaux, les centres de service
21 de sécurité, les cours cantonales, les cours municipales. Tous ces endroits
22 auraient pu révéler la preuve nécessaire.
23 Le problème, c'est qu'on n'a pas compris la nature particulière de ce
24 dossier. Ce dossier n'en n'est pas un de commission de crimes en vertu de
25 l'Article 7(1). On accuse une personne de ne pas avoir pris de mesures. Il
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1 faut en faire la preuve et il faut diriger le dossier pour montrer que la
2 preuve -- montrer que les mesures n'ont pas été prises. Monsieur le
3 Président, cela n'a pas été fait, cela n'a pas été démontré. Le contraire a
4 été démontré, a été prouvé par la Défense. Je pourrais continuer longtemps,
5 mais je me contenterai de dire que la preuve hors de tout doute, c'est une
6 preuve hors de tout doute raisonnable.
7 Je l'ai dit hier, le droit pénal est simple mais il nécessite de la
8 rigueur. Cette rigueur, Monsieur le Président, nous n'y avons pas eu droit
9 dans ce procès.
10 Est-il possible, Monsieur le Président, que le général Hadzihasanovic soit
11 acquitté de toutes les accusations dans ce dossier ? Il faut que cela soit
12 possible, Monsieur le Président. C'est la raison pour laquelle nous faisons
13 des procès. Nous maintenons et nous soutenons que le général Hadzihasanovic
14 n'aurait pas dû être accusé. Je vous invite à regarder objectivement les
15 accusations portées contre les Plavsic, Kordic, Brdjanin, Stakic, Krstic et
16 j'en passe. Qu'on ne regarde qu'objectivement le type d'accusation portée,
17 le type d'implication de ces personnes impliquées personnellement.
18 Evidemment, ce sont des allégations jusqu'à ce qu'elles soient prouvées,
19 mais on parle de l'implication personnelle de personnes de haut niveau,
20 avec le nombre de crimes et le nombre de morts et le nombre de vols et le
21 nombre de victimes, qui n'a aucun lien avec la présente affaire.
22 Alors, pourquoi le général Hadzihasanovic a-t-il été accusé ? J'ai fait une
23 suggestion hier parce qu'il y avait les Moudjahiddines, et les
24 Moudjahiddines, Monsieur le Président, ce n'est pas, malheureusement, nous
25 qui allons réussir, dans un procès de 219 jours, à établir tout le régime
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1 al-Qaeda et le fonctionnement du régime al-Qaeda. Si l'Accusation avait été
2 sérieuse, ils auraient fait venir un expert pour parler d'al-Qaeda, mais
3 ils ne l'ont pas fait parce qu'ils savent qu'un expert aurait dit que ce
4 sont les types de personnes qui ne se placent jamais sous le contrôle de
5 qui que ce soit. Ces personnes agissent indépendamment; c'est ce qu'ils ont
6 fait en 1993.
7 Le général Hadzihasanovic, a-t-il été accusé parce que le Procureur veut
8 équilibrer la responsabilité au cours de ce conflit ? Faire en sorte de
9 répondre aux critiques qu'il n'y a pas que les Serbes et les Croates qui
10 ont commis des crimes, mais que les Musulmans aussi ont commis des crimes ?
11 Ces choses-là doivent être dites, Monsieur le Président, puisque mon
12 collègue qui n'est pas présent ici aujourd'hui, mais lorsque ce procès
13 s'est ouvert, la première chose qu'il a dite - il n'a pas dit nous sommes
14 ici pour établir la responsabilité d'un général - il a dit nous sommes ici
15 pour montrer l'autre côté de la médaille, pour montrer que des violations
16 ont été commises de l'autre côté, mais ce n'est pas cela le but de ce
17 procès, Monsieur le Président. Ce n'est pas de montrer qu'il y a des
18 Musulmans qui ont commis des crimes. Tout le monde le sait, tous les
19 observateurs sur le terrain savent que des crimes ont été commis par toutes
20 les parties au cours de ce conflit. Mais tout le monde sait également que
21 les crimes n'ont pas été commis au même niveau, et que les responsables ne
22 sont pas aux mêmes niveaux non plus, et que la criminalité, on doit s'y
23 attaquer là où elle existe, mais non pas de façon arbitraire et
24 artificielle aller chercher un haut commandant pour essayer de faire un
25 symbole et de dire, Voyez les Musulmans sont accusés autant que les Serbes
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1 et les Croates. Ce n'est pas la justice.
2 Nous sommes confiants, Monsieur le Président, que la Chambre ne sera
3 pas influencée par ce type de pression indirect, mais ces choses doivent
4 être dites publiquement, Monsieur le Président. Ce Tribunal a été créé pour
5 établir la paix et la sécurité, pour établir la réconciliation entre les
6 peuples. Une fausse réconciliation, basée sur une criminalité qui ne
7 reflèterait pas la réalité sur le terrain, ne pourrait mener à la
8 réconciliation.
9 Nous avons confiance qu'après revu toutes les preuves, vous n'aurez
10 d'autres conclusions possibles que celle d'acquitter le général
11 Hadzihasanovic pour chacune des accusations qui pèsent contre lui.
12 En terminant, Monsieur le Président, j'ai un document à déposer. Un
13 document qui nous a été remis par le commandant de l'unité de détention des
14 Nations Unies. Il s'agit du document -- c'est un document dont vous
15 connaissiez l'existence puisque par erreur notre demande adressée au
16 Greffier pour obtenir ce rapport sur la conduite du général Hadzihasanovic
17 au cours du temps où il a été en détention a par erreur été envoyé à la
18 Chambre. Nous avons écrit une lettre au Greffier pour qu'un rapport soit
19 demandé au commandant de l'unité de détention et cette lettre a été déposée
20 au dossier et remise à la Chambre. Eu égard au contenu de cette lettre,
21 nous ne voulions pas la présenter puisqu'elle est excellente, mais nous
22 nous entendions à beaucoup plus.
23 J'avais parlé avec le commandant de l'unité de détention, qui m'avait dit
24 qu'il allait écrire un rapport dithyrambique sur la conduite du général
25 Hadzihasanovic. C'est un bon rapport. Il l'a déposé. Nous profitons de
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1 l'occasion, j'ai déjà remis une copie à mon collègue, il s'agit de trois
2 paragraphes. Ces trois paragraphes même s'ils ne correspondent à nos
3 attentes, prouvent tout de même que le général Hadzihasanovic a eu un
4 comportement absolument exceptionnel pendant toute la période où il a été
5 détenu, et que ce comportement va de pair avec tout ce que nous avons dit.
6 Je termine, Monsieur le Président, en vous offrant mes excuses pour la
7 vigueur avec laquelle je me suis parfois engagé dans ce dossier. Le plus
8 difficile pour un avocat, et c'est une déclaration que je fais sérieusement
9 et que je n'ai pas l'habitude de faire, le plus difficile pour un avocat
10 c'est de représenter un innocent. La pression qui pèse sur les épaules d'un
11 avocat qui représente un innocent, Monsieur le Président, c'est quelque
12 chose avec laquelle nous avons vécu depuis maintenant plusieurs mois.
13 Merci, Monsieur le Président.
14 Mme RESIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, en terminant notre
15 plaidoirie aujourd'hui, le 219e jour du procès à l'encontre du commandant
16 de l'ABiH, le général Ender Hadzihasanovic, je souhaite dire que les
17 derniers mots prononcés par mon confrère sont les mots, que nous, les
18 avocats du général Hadzihasanovic portant sur nos épaules depuis le début
19 de ce procès. Nous avons tenté de vous présenter de manière sincère et sans
20 réserve par le biais des éléments de preuve, par le biais des témoins cités
21 à la barre, cette même version des faits pour que vous restiez convaincu de
22 la même vérité, car tout va dans le même sens : vous avez devant vous un
23 commandant respectueux, et honnête qui a travaillé dans des conditions
24 impossibles, qui a fait l'impossible afin de créer une armée qui pouvait
25 fonctionner, afin de faire respecter les Règles par les soldats, et afin de
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1 punir sans réserve tous ceux qui ne respectaient cela.
2 Comme mon confrère l'a déjà dit, et comme nous avons déjà souligné dans
3 notre mémoire préalable au procès, et mémoire de clôture, le Procureur
4 revient sur ces théories du début du procès dans son réquisitoire. Non
5 seulement qu'il fait référence à certains emplacements de manière erronée,
6 l'Accusation essaie de revenir un certain nombre de documents pour dire que
7 le général Hadzihasanovic était responsable pour tout ce qui s'est passé
8 dans sa zone de responsabilité.
9 Encore une fois, il vous montre la pièce P363, le Règlement régissant la
10 loi de la guerre de la République socialiste fédérative de la Yougoslavie.
11 Malgré le fait, que son expert militaire, l'expert militaire de
12 l'Accusation répondant à la question suivante : "Que diriez-vous si je
13 disais que ce Règlement régissant la loi de la guerre en RSFY n'était pas
14 repris en Bosnie-Herzégovine ?" Le général Reinhardt a répondu : "Dans ce
15 cas-là, mon hypothèse est erronée, car je pensais que ce Règlement faisait
16 partie de la loi applicable au sein de l'ABiH."
17 A la question suivante : "Est-ce que vous avez trouvé des lois ou des
18 Règlements qui étaient en vigueur en Bosnie-Herzégovine selon lesquels le
19 commandant était responsable pour tout ce qui se passait dans sa zone de
20 responsabilité ?" Le général Reinhardt a répondu : "Cela c'est la question
21 cruciale. Je n'ai trouvé rien d'autre. Cela est un document clé. Vraiment
22 j'ai commis une erreur. Je dois modifier ma position. Je suis parti d'une
23 hypothèse erronée." Le Procureur ignore totalement cette modification et il
24 retient sa première position.
25 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, nous ne vous demandons
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1 pas de nous croire, mais d'analyser toutes les dépositions, tous les
2 éléments de preuve qui ont été versés, et compte tenu de l'ensemble de ces
3 éléments, nous vous invitons à constater la même chose que ce qu'affirme la
4 Défense, à savoir que vous avez devant vous un commandant honnête et
5 raisonnable qui se comportait à chaque occasion, non pas seulement
6 conformément à la loi, mais qui faisait bien plus que cela, et c'est la
7 raison pour laquelle que par rapport à chacun des chefs d'accusation nous
8 demandons l'acquittement du général Hadzihasanovic.
9 Moi, en tant que son conseil principal, et mon co-conseil,
10 Me Bourgon, nous nous sommes retrouvés dans une situation difficile lorsque
11 nous devions défendre le général Hadzihasanovic devant ce Tribunal, or ce
12 fût une tâche honorable. Merci.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais maintenant donner la parole à l'Accusation
14 qui en accord avec la Défense voulait apporter une précision concernant un
15 lieu. Il ne s'agit pas d'une réplique à proprement parler, mais uniquement
16 d'une précision.
17 Monsieur Mundis.
18 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'est une
19 brève réponse à certains arguments, pas vraiment une réponse juridique,
20 mais une réponse à quelques éléments évoqués par la Défense de
21 Hadzihasanovic et de Kubura et que nous avons parlé précédemment.
22 Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,
23 que dans notre réquisitoire ainsi que dans notre mémoire en clôture, nous
24 avons fait référence à trois documents que je vais mentionner dans un
25 instant et qui avaient trait à Orasac. Ces documents et leurs examens
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1 étaient décrits aux paragraphes 134 et 258 du mémoire final de
2 l'Accusation. Ces documents en l'occurrence ont trait aux pièces à
3 conviction P500, P501, et P611. Ces documents sont précisément visés et
4 rappelés aux notes de bas de page 414, 418, 839 et 879.
5 Apres avoir re-examiné le contexte de ces documents et leur teneur de ces
6 documents et compte tenu des cartes qui ont été présentées à la Chambre de
7 première instance au commencement des plaidoiries dans l'affaire
8 Hadzihasanovic, l'Accusation ne soutient plus qu'Orasac, dont il est
9 question dans ces trois pièces à conviction, tel que décrit au paragraphe
10 aux notes de bas de page que je viens de mentionner, serait le même Orasac
11 ou aurait eu lieu la détention et la décapitation de M. Popovic.
12 Pour être tout à fait clair, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
13 Juges, nous ne soutenons plus que le lieu Orasac mentionné dans ces
14 documents, est le même Orasac que celui qui est décrit dans l'acte
15 d'accusation. Tous les autres aspects en ce qui concerne les événements qui
16 ont eu lieu à Orasac, qui sont décrits à la fois dans notre mémoire finale
17 et dans notre réquisitoire demeurent inchangés.
18 Je vous remercie, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous est donné acte de cette mention que vous
20 venez d'effectuer.
21 Bien, il est 9 heures 55. Normalement, il nous reste encore 35 minutes
22 avant la pause. Est-ce que la Défense du général Kubura veut commencer, ou
23 préfère-t-elle qu'on fasse la pause maintenant ? C'est à votre convenance.
24 M. DIXON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
25 Madame, Monsieur les Juges. Avec votre permission, je pense que nous
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1 souhaiterions commencer maintenant de façon à progresser dès que possible
2 et à avoir notre suspension d'audience à 10 heures 30, après cela nous
3 reprendrons.
4 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, pour la Défense de M.
5 Kubura, nous allons être brefs pour la présentation des derniers arguments
6 et des derniers moyens, car son dossier à notre avis ne nécessite pas
7 beaucoup de réponses, en dépit du fait que ce procès a commencé, il y a
8 quelque quatre ans pour M. Kubura, à savoir, en 2001, ce qui est une longue
9 période dans la vie de quelqu'un.
10 Maintenant, nous avons réexaminé le mémoire de l'Accusation, et plus
11 important encore ayant entendu le réquisitoire au début de la semaine, à
12 notre avis il n'y a pas beaucoup d'arguments qui appellent une réponse de
13 la Défense de M. Kubura. En particulier, en ce qui concerne les meurtres à
14 Miletici et Maline pour lesquels la
15 7e Brigade n'a pratiquement pas été mentionnée du tout dans le réquisitoire
16 de l'Accusation.
17 En l'occurrence, effectivement, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
18 Juges, l'Accusation n'a pas enfin nettement étayé de façon fiable, la
19 responsabilité qu'elle impute pour ces meurtres à
20 M. Kubura. Si l'on examine avec le plus grand soin ce que nous avons tous
21 entendu au cours des dernières journées qui viennent de s'écouler, à notre
22 avis il faut mettre au crédible l'Accusation le fait qu'ils aient terminé
23 la présentation de leur moyen sur cette note, en ne cherchant pas à
24 solliciter trop les preuves, les éléments de preuve. L'Accusation termine
25 en fait à un stade différent de celui qu'elle s'était donnée peut-être pour
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1 but au début, lorsqu'elle a commencé les poursuites à la fin de l'année
2 2003.
3 En réalité, l'Accusation n'a pas certaine des thèses de son dossier contre
4 M. Kubura pour Miletici et Maline. Nos conclusions essentielles sont que
5 vous ne pouvez pas en être certains non plus. Il doit être acquitté pour ce
6 qui est de ces meurtres.
7 Vous avez vu qu'il y avait une tête -- une [imperceptible] à laquelle il y
8 avait lieu de répondre lorsque nous avons présenté notre requête fondée sur
9 l'Article 92 bis du Règlement, mais comme vous l'avez indiqué dans votre
10 décision, une fois que l'on va au-delà de la présentation des moyens à
11 charge, le critère, le niveau de la preuve devient à ce moment-là, le fait
12 de pouvoir démontrer au delà d'un doute raisonnable et même s'il pourrait y
13 avoir des arguments auxquels il faut répondre, ceci ne veut pas dire que
14 s'il ait été prouvé au-delà du niveau voulu, au delà d'un doute
15 raisonnable.
16 Vous vous en rendez bien compte, Monsieur le Président, Madame et Monsieur
17 les Juges que ce critère du doute raisonnable veut dire qu'il faut qu'il y
18 ait certitude. Il faut que vous soyez certain, convaincu avant de pouvoir
19 prononcer une déclaration de culpabilité. Là où il y aurait le moindre
20 doute, c'est un acquittement qui doit s'en suivre. C'est la Règle
21 essentielle, fil d'or qui suit dans tout, non seulement le droit pénal
22 international, mais, effectivement, également dans les systèmes juridiques
23 nationaux basés sur le principe essentiel de la présomption d'innocence. On
24 ne peut reconnaître de culpabilité pour une personne que lorsqu'il est
25 prouvé sans aucun doute, qu'on a pu prouver sans aucun doute que la
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1 personne a commis les crimes en question.
2 L'Accusation a soutenu et a maintenu la demande qui vous était présentée,
3 peut-être sous une forme atténuée à notre avis, que vous prononciez une
4 condamnation et reconnaissiez la responsabilité de
5 M. Kubura pour ces meurtres, pour ces crimes. Mais il n'y a rien de solide,
6 il n'y a rien de clair du point de vue lucidité dans les éléments de preuve
7 et l'argumentation présentée par l'Accusation contre M. Kubura. Il n'y a
8 pas de structure fiable, c'est cela que nous soutenons, qui permettrait de
9 se raccrocher.
10 Pour évoquer une image bien connue, les thèses de l'Accusation ressemblent
11 un peu à une gigantesque éponge qui a absorbé une quantité de liquide de
12 toutes les directions, qui maintenant fuit et dégoutte dans tous les coins.
13 L'Accusation a essayé de colmater les brèches, pour justement essayer de
14 juguler ses fuites. Elle a soit minimisé dans une certaine mesure le rôle
15 de M. Kubura, comme je l'ai déjà mentionné, ou l'Accusation a fait
16 abstraction ou mis de côté des preuves qui auraient pu être pertinentes qui
17 font partie du dossier, ou l'Accusation a méconnu des questions qui avaient
18 été soulevées par la Défense ou l'Accusation s'est efforcée de dégager des
19 conclusions à partir de preuves indirectes, conclusions qui ne peuvent --
20 qui ne sont pas tenables et qui d'ailleurs dans certains cas manquent tout
21 à fait d'équité à l'égard de M. Kubura. Nous indiquons qu'à bien des
22 égards, dans cette affaire nous avons en fait assisté à ce que nous
23 appelions la construction d'une pyramide, d'hypothèse et de présomption --
24 avec une conclusion qui est dégagée, qui entraîne une autre présomption,
25 une autre conclusion, qui en entraîne une autre, ce qui fait que nous nous
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1 retrouvons avec un amoncellement de présomption d'innocence, et ce, afin
2 d'obtenir une conclusion juridique de culpabilité coûte que coûte.
3 Il va s'en dire que la poursuite pour crime de guerre est une affaire grave
4 et sérieuse. L'Accusation a reçu le mandat du conseil de sécurité de la
5 communauté internationale, et ce, afin de poursuivre les personnes les plus
6 responsables pour la commission de violations graves du droit
7 international.
8 Par conséquent, des accusations, qui font partie de l'acte d'accusation, ne
9 peuvent pas être prises à la légère. Il s'agit de documents publics
10 destinés à l'ensemble de la communauté internationale. Par conséquent,
11 lorsque l'Accusation allègue dans l'acte d'accusation au paragraphe 27 de
12 cet acte d'accusation qu'en juin 1993, l'ABiH a lancé une attaque
13 importante, massive au cours de laquelle 200 civils ont trouvé la mort,
14 nous devons, en fait, considérer, de façon très, très circonspect, si cette
15 allégation a été inventée. Car il n'y a pas, en fait, d'après nous, de
16 preuves qui ont permis de prouver que M. Kubura a fait partie de cette
17 attaque massive au cours de laquelle 200 civils ont perdu la vie, et ce, en
18 un laps de temps relativement bref. En fait, si ce fait n'avait pas été
19 prouvé - et ici il faut savoir, en fait, que le nombre des victimes a été
20 bien plus faible pendant cette période de temps - n'est-il pas un facteur
21 que la Chambre de première instance devrait considérer comme une
22 circonstance atténuante ?
23 L'Accusation a indiqué qu'il n'y avait pas de circonstances atténuantes
24 dans cette affaire. Toutefois, dans l'arrêt Blaskic, la Chambre d'appel a
25 indiqué de façon très, très claire, que les circonstances du conflit et le
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1 rôle de l'accusé avant, pendant et après le conflit représentait un facteur
2 atténuant. Il ne faut pas oublier, en fait, qu'il y avait également une
3 base discriminatoire très claire pour que des actions et des mesures soient
4 prises.
5 Deuxièmement, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, une
6 affirmation a été avancée dans le mémoire de clôture de l'Accusation. Cela
7 se trouve à la page 4 et il s'agit des étrangers, des Moudjahiddines. En
8 fait, c'est la première fois que cette question est soulevée. Il s'agit du
9 paragraphe 9 qui continue à la page 4, et ils indiquent que le simple fait
10 qu'il y avait présence et l'utilisation lors des combats des Moudjahiddines
11 pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine jette des doutes très sérieux sur
12 la sincérité de l'armée de Bosnie qui avait indiqué que son but qui était
13 déclaré était d'avoir une Bosnie laïque multiethnique où toutes les
14 nationalités pourraient vivre en paix.
15 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je devrais dire, de
16 façon très, très claire, que nous pensons que cela n'a pas grand-chose à
17 voir avec les chefs d'inculpation de l'acte d'accusation que je vais
18 aborder dans un petit moment. Mais il faut savoir qu'en tant que document
19 public il s'agit et l'acte d'accusation est un document public, les
20 allégations qui sont avancées par l'Accusation doivent faire l'objet d'un
21 examen, très, très circonspect.
22 Nous pensons que ce genre de déclaration correspond à une exagération. Car
23 lorsque nous prenons la première affaire qui a été entendue par le TPI,
24 l'affaire Tadic, l'Accusation avait demandé à des experts, tels que le Dr
25 James Gow, de présenter des moyens de preuve et cet expert a insisté sur le
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1 fait que le gouvernement de Bosnie, ainsi que ses forces armées,
2 souhaitaient œuvrer pour avoir une solution multiethnique, et ce, pour
3 assurer l'avenir du pays. Cela a été repris dans l'affaire Kupreskic,
4 l'affaire Blaskic, l'affaire Kordic. Je me souviens des moyens de preuve
5 avancés par un autre expert, le Pr Robert Donia, et, d'ailleurs, il faut
6 savoir que, dans ses affaires, l'Accusation en a tenu compte. Je dirais,
7 d'ailleurs, que l'essence même et l'esprit même de l'accord de Dayton ont
8 été véritablement inspirés par le principe multiethnique.
9 Peut-être qu'une fois de plus, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
10 Juges, ces circonstances contextuelles -- ou ces preuves contextuelles
11 doivent compter comme facteurs atténuants dans cette affaire.
12 Troisièmement - et je pense maintenant aux chefs d'inculpation dressés à
13 l'encontre de M. Kubura - l'Accusation n'a toujours pas présenté
14 d'arguments très clairs à propos de M. Kubura pour expliquer comment il a
15 contrôlé de façon effective les Moudjahiddines qui ont participé aux crimes
16 allégués par l'acte d'accusation. Le mémoire de clôture de l'Accusation
17 comporte une phrase, à savoir : "Les Moudjahiddines étaient incorporés au
18 3e Corps, notamment, la
19 7e Brigade." Vous vous souviendrez certainement que, lorsque nous avons
20 fait notre déclaration liminaire pour M. Kubura, nous avions remarqué qu'il
21 y avait quatre actes d'accusation séparés qui avaient en fait précédé cette
22 affaire. Il faut savoir que l'approche retenue dans ces différents actes
23 d'accusation, eu égard à la relation entre les Moudjahiddines et la 7e
24 Brigade, était à chaque fois différente. Nous avons maintenant une formule
25 qui est différente et qui est dans une certaine mesure nouvelle. Il s'agit
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1 de dire que les Moudjahiddines étaient inclus dans des unités, notamment,
2 la
3 7e Brigade, et cela, en fait, est en quelque sorte le reflet de ce que nous
4 avons, dans l'acte d'accusation, dressé à l'encontre de
5 M. Delic.
6 Mais il y a une question qui n'a toujours pas trouvé de réponse et qui
7 continue à être -- à devoir et à être posée qui exactement était inclus ou
8 faisait partie de la 7e Brigade d'après l'Accusation, et ce qui est encore
9 plus important dans cette affaire : qui étaient les auteurs des délits ?
10 L'Accusation n'a pas été en mesure en dépit des dernières tentatives
11 déployées par l'Accusation, lors de la présentation de leur réquisitoire,
12 l'Accusation, disais-je, n'a pas été en mesure de répondre à cette
13 question.
14 En fait, au lieu de cela, ce que recherche l'Accusation est
15 l'obtention d'une condamnation d'une déclaration de culpabilité sur la base
16 des affirmations suivantes : dans un premier temps, l'Accusation indique
17 qu'elle accepte que M. Kubura n'était pas le commandant de jure. Il n'avait
18 pas ces pouvoirs, mais il était un commandant de facto, et ce, pour
19 l'ensemble de la brigade.
20 Ensuite, l'Accusation indique que certains étrangers - ils ne sont
21 pas en mesure de dire quels étrangers - mais que certains étrangers étaient
22 subordonnés à la 7e Brigade. Il ne s'agit pas d'une association
23 horizontale, ou d'une coopération, mais ils étaient en fait subordonnés au
24 sein de la brigade.
25 Puis, l'Accusation poursuit, en disant que certains étrangers ont
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1 participé à la commission de meurtres à Miletici et Maline. Ils ne sont pas
2 en mesure de dire de qui il s'agit, mais ils indiquent qu'ils venaient du
3 camp de Mehurici.
4 Puis, ils essaient, en fait, de fusionner tout cela, en disant qu'en
5 tant que commandant de facto dans le cas de Miletici, il s'agit de moins de
6 deux semaines, mais ils disent qu'il devait avoir les contrôle des
7 étrangers qui étaient à Mehurici, et qui ont commis ces crimes de guerre.
8 De surcroît, ils indiquent qu'il devait être au courant de toutes ces
9 infractions, de tous ces crimes, lorsqu'ils ont été commis ou après. Il n'y
10 a pas une seule phrase dans le mémoire de clôture à propos de la
11 connaissance, ou existe les moyens de preuves prouvant que Monsieur Kubura
12 était au courant de ces infractions, il ne s'agit que d'un fait qui est
13 avancé.
14 Puis, il faut savoir que l'Accusation reprend tout cela, et
15 l'Accusation, en fait, fait abstraction de tous les moyens de preuve, des
16 documents, des carnets de guerre, qui montrent, qui indiquent que la 7e
17 Brigade n'était pas présente dans ces endroits. Cela n'est tout simplement
18 pas abordé et il n'y a pas d'explications rationnelles, potentielles qui
19 auraient pu être données, et qui auraient pu expliquer ce qui s'est passé
20 pendant ces jours-là. Ils indiquent que vous devez déclarer l'accusé
21 coupable de meurtre.
22 Il y a en quelque sorte sept phases -- sept caps que vous devez
23 franchir afin justement d'aboutir à une culpabilité. Nous disons qu'aucun
24 Juge du fait raisonnable n'a jamais condamné quiconque sur la base de ces
25 affirmations, et sur la base des liens qui sont établis par l'Accusation.
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1 Il n'y a aucun fondement permettant d'aboutir à une condamnation.
2 Je souhaiterais, en fait, faire des observations à propos des mesures
3 qui ont été abordées par M. Mundis à la fin du réquisitoire.
4 Vous vous souviendrez certainement que lorsque le général Reinhardt
5 est venu présenter ces moyens de preuves, il a confirmé que la question de
6 mesures ne se pose, que lorsque vous avez établi que les auteurs des crimes
7 sont effectivement des subordonnés du commandant, et que le commandant
8 savait ou avait des raisons de savoir ce qu'il faisaient. Une fois que cela
9 a été établi, il faut ensuite se poser une question : Qu'a fait le
10 commandant ? Est-ce qu'il a pris des mesures suffisantes et nécessaires au
11 vu des circonstances ?
12 M. Mundis a tout à fait raison de mettre en exergue l'importance des
13 mesures prises dans cette affaire.
14 Car je dirais, eu égard à M. Kubura, que la seule fois pour laquelle
15 cette question pourrait être posée, concerne les crimes allégués à Vares
16 que j'aborderai en temps voulu. Mais pour ce qui est de toutes les autres
17 infractions, soit il n'était pas le commandant, soit il n'était pas -- il
18 n'assurait pas ou il n'avait pas le contrôle effectif des auteurs des
19 infractions parce qu'ils n'étaient pas ses subordonnés, ou il n'y a aucun
20 moyen de preuve permettant d'indiquer qu'il savait ou qu'il avait des
21 raisons d'être au courant de ces infractions. Monsieur le Président,
22 Madame, Monsieur le Juge, vous saurez très bien que la question des mesures
23 prises ne fait pas partie en fait des moyens à décharge de M. Kubura, car
24 vous ne pouvez pas prendre de mesures si les personnes en question ne vous
25 sont pas subordonnées, et si vous ne savez pas que des crimes ont été
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1 commis. A Vares, certes, M. Kubura était présent, vous avez d'ailleurs
2 entendu des éléments de preuve à ce sujet. Nous avançons qu'il a pris des
3 mesures appropriées à propos de ce que faisait ses subordonnés.
4 Alors, en soulignant les mesures ou la répression des crimes, M.
5 Mundis a eu tout à fait raison d'insister sur le calvaire des victimes en
6 Bosnie Centrale. Nous convenons tous que les personnes responsables doivent
7 être punies, et ce au nom de la justice, au nom de la souffrance des
8 familles des victimes qui sont restées. D'ailleurs, ce procès a donné à
9 certains la possibilité de venir relater leur histoire, de rendre publique
10 leur histoire. Je dirais que de façon peut-être modeste - mais peut-être
11 que cela a son importance pour certaine de ces personnes - je dirais que ce
12 simple geste a déjà contribué à la cicatrisation des blessures. Peut-être
13 que de façon plus générale, ce geste a contribué à la réconciliation, en ce
14 sens que -- ou du fait que leur souffrance n'a pas été oubliée, et tout ce
15 que nous demandons, c'est que dans le contexte d'un procès au pénal, les
16 véritables auteurs de ces crimes, pour lesquels des preuves ont été
17 apportées, quelque soit d'ailleurs leur niveau, soient tenus pour
18 responsables. Car nous ne rendons aux victimes aucun service si nous
19 accusons de façon erronée des personnes. Lorsque nous pensons au processus
20 délicat qui consiste à construire une nouvelle unité, nous ne rendons aucun
21 service à ce processus si nous utilisons de façon exagérée des preuves, en
22 utilisant présomption après présomption, et ce dans un effort pour essayer
23 en fait de trouver quelqu'un responsable coûte que coûte.
24 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'aimerais
25 maintenant aborder deux chefs d'inculpation auxquels l'Accusation a accordé
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1 beaucoup d'importance lors de son réquisitoire. Il s'agit en fait de la
2 plupart des affirmations qui -- et des assertions qui ont été présentées à
3 propos de la 7e Brigade. Il s'agit du motel Sretno et de Vares. Il faut
4 savoir qu'en réalité, il s'agit en fait d'événements qui n'ont pas duré
5 plus d'une journée chacun, nous souhaiterions répondre à certaines
6 affirmations qui ont été présentées par l'Accusation à propos de ces
7 événements. Je ne vais pas répéter ce qui se trouve d'ores et déjà dans
8 notre mémoire de clôture, notre but étant d'essayer de répondre directement
9 à chacune ou à chacun de ces chefs d'inculpation. Je ferai référence aux
10 moyens de preuve qui ont été présentés par l'Accusation.
11 Donc, je ferai référence au mémoire de clôture, ce n'est pas la peine
12 que vous ayez d'ailleurs ces documents devant vous, et nous n'allons pas
13 non plus faire appel à la technique informatique. Mais peut-être, Monsieur
14 le Président, avant que je ne commence avec le motel Sretno, nous pourrions
15 peut-être prendre notre première pause, et je reprendrais immédiatement
16 après.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 10 heures 20. Nous allons faire la
18 pause technique et nous reprendrons aux environs de 11 heures moins 10.
19 --- L'audience est suspendue à 10 heures 21.
20 --- L'audience est reprise à 10 heures 50.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
22 Maître Dixon, vous avez la parole.
23 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Monsieur
24 les Juges.
25 Le motel Sretno. L'Accusation fonde des arguments prononcés à l'encontre de
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1 M. Kubura, pour ce qui est du chef d'inculpation relatif au motel Sretno,
2 sur sa présence à Kakanj le 18 mai 1993. Il y a en fait deux pièces à
3 conviction dont ils sont tributaires afin de dégager cette conclusion. Dans
4 un premier temps, nous avons la pièce P562, qui est un document de la 7e
5 Brigade, ce qui indique qu'une certaine personne doit se rendre à Dusina.
6 Ils établissent un lien entre ce document et le document P563 qui est un
7 document signé le 18 mai de la main de l'officier de permanence, l'officier
8 des opérations qui indique que le chef d'état-major et au 3e Bataillon avec
9 les autres. Voilà pour ce qui est des preuves documentaires qui sont
10 présentés.
11 Ils dépendent également d'une déclaration d'une victime qui a indiqué
12 que le nom Kubura avait été mentionné par un commandant du HVO lors d'une
13 réunion qui eut lieu une journée plus tard et qui fût présidée par un
14 officier français de la FORPRONU.
15 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, il s'agit d'un cas
16 typique de preuves indirectes qui sont présentées par l'Accusation qui fait
17 usage de supposition pour essayer d'aboutir à une conclusion particulière.
18 Cela devrait être comparé au type de preuves indirectes qu'ils ont essayées
19 d'utiliser pour Miletici et Maline. Nous pensons que leurs efforts ne
20 peuvent même pas être des efforts prouvant des preuves indirectes car cela
21 ne fait même pas ou n'appartient même pas à la catégorie ou à une tentative
22 typique qui serait faite pour essayer de dégager une conclusion juridique
23 par le truchement de différentes hypothèses.
24 La supposition qui est faite à propos du motel Sretno et que le
25 document P563 représente la vérité de la situation telle que l'a indiquée
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1 l'Accusation. Ils vous demandent de conclure que le chef d'état-major
2 auquel il y est fait référence et M. Kubura d'indiquer que le document
3 était exact en mentionnant le fait qu'il se trouvait au 3e Bataillon et que
4 lorsqu'il y est fait état du 3e Bataillon, et dans "le 3e Bataillon", cela
5 signifie "dans le motel Sretno." Puis, de surcroît, ils vous demandent de
6 tirer la conclusion suivant laquelle la référence qui a été faite à Kubura
7 par le témoin doit justement être une référence à Amir Kubura, et que, par
8 conséquent, il se trouvait dans cette zone, une journée plus tard, que, par
9 conséquent, il savait et que, par conséquent, il avait la capacité d'agir,
10 mais étant donné qu'il ne l'a pas fait, il est responsable et il y a une
11 responsabilité criminelle.
12 Puis, il y a également une note en bas de page. Ils vous demandent de
13 tirer une conclusion puisqu'ils indiquent qu'une Unité de Guérilla et de la
14 7e Brigade a participé aux événements parce que certains témoins ont
15 remarqué qu'il y avait des personnes qui les ont arrêtés et qui portaient
16 des bandeaux sur la tête et, par conséquent, ils vous demandent de tirer la
17 conclusion suivant laquelle il devait s'agir d'une Unité de la Guérilla de
18 la 7e Brigade.
19 Nous avançons qu'il s'agit encore une fois d'un cas
20 typique de ce que j'ai appelé cette pyramide de suppositions avec
21 amoncellement d'une hypothèse sur une autre. Nous disons cela, Monsieur le
22 Président, parce que, si vous prenez le document P563, vous verrez que
23 l'Accusation n'a pas de moyen de preuve permettant de prouver que la teneur
24 de ce document est exact. Nous avons vérifié le compte rendu d'audience. Ce
25 document n'a jamais été présenté à un seul témoin, la validité de la teneur
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1 de ce document n'a jamais été véritablement testée. Ce document n'a jamais
2 été présenté à personne.
3 Ce que vous avez par contre, c'est la déposition orale de
4 M. Alajbegovic, qui a dit, et je cite la page, 18 697, on lui a
5 demandé : "Est-ce que vous savez si, ce jour-là ou un jour plus tard, M.
6 Kubura était à Kakanj ?" Le jour en question étant le 18 mai. Il a répondu
7 : "Amir Kubura n'est pas resté à Kakanj, ce jour-là, et n'est pas resté le
8 lendemain. Il n'est pas venu à la caserne où nous nous trouvions."
9 Ensuite, une question a été posée : "Vous dites qu'il n'est pas venu
10 à la caserne ce jour-là. Lorsque quelqu'un du commandement ou de la brigade
11 de commandement venait à la caserne à Zenica, est-ce que vous auriez été au
12 courant ou est-ce que d'autres procédures auraient suivi ?" Il a répondu :
13 "En règle générale, le commandant du bataillon était au courant du fait que
14 quelqu'un du commandement de la brigade venait. Il n'aurait pas été
15 possible que quelqu'un vienne en catimini sans que sa visite soit
16 annoncée."
17 Vous avez cette déposition, ce témoignage orale qui est
18 une contradiction directe de ce qui est écrit dans ce document P563.
19 J'aimerais également vous demander de faire référence au témoignage de M.
20 Kulovic, il s'agit de la page 18 812 qui a d'ailleurs confirmé la même
21 chose.
22 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, nous pensons qu'il
23 existe un doute raisonnable à propos de la véracité de ce document.
24 D'ailleurs, l'Accusation n'a jamais suggéré que l'un ou l'autre de ces
25 témoins mentaient. Je pense que jusqu'au jour d'aujourd'hui, ils n'ont
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1 jamais dit que ces témoins ne relataient pas la vérité. D'ailleurs, vous
2 pourriez penser que s'ils s'avaient inventé de toute pièce cette histoire,
3 ils auraient également peut-être donné des indications du lieu ou aurait pu
4 se trouver M. Amir Kubura. Au lieu de cela, ils ont répondu de façon tout à
5 fait directe. Ils ont dit qu'ils ne l'avaient pas ce jour-là et qu'il
6 serait vraiment très peu commun ou très inhabituel que quelqu'un de la
7 brigade et du commandement de la brigade se trouvent là sans qu'ils ne le
8 sachent. Je pense que ce moyen de preuve doit véritablement jeter un doute
9 sur cette affaire.
10 L'Accusation a essayé de présenter les arguments selon lesquels les
11 documents militaires tels que la pièce P563 sont fiables de manière
12 inhérente. Ils considèrent que la Chambre devrait considérer ces éléments
13 de preuve comme une vérité absolue sans entendre quoi que ce soit de la
14 part de l'auteur du document, et sans aucune corroboration.
15 A notre avis, les documents militaires ne se distinguent pas des autres
16 documents. Tous les documents pris en compte doivent être examinés selon
17 leur propre valeur qu'il s'agisse des documents militaires ou des documents
18 personnels ou émanant d'un gouvernement. Il n'a pas de raison pour dire
19 qu'un document militaire est plus précis par rapport aux autres documents.
20 En fait, c'est le contraire de cela.
21 Au paragraphe 12 du mémoire de l'Accusation, il est dit que compte tenu du
22 fait que les documents militaires concernent les questions très sérieuses
23 et graves, et comme les questions litées à la vie et la mort, la précision
24 est, par conséquent, importante. Mais vous pouvez penser la même chose,
25 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, que lorsque les
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1 documents portent sur la vie et la mort, la question est de savoir qui en
2 est coupable et responsable, et que les auteurs ont toutes les raisons de
3 déformer la vérité, de ne pas être suffisamment précis, compte tenu de la
4 pression de la guerre. Il ne s'agissait pas d'une époque normale. Peut-être
5 un comptable peut commette une erreur lorsqu'il rédige dans son bureau un
6 document sous la pression et peut-être dans ce cas-là, on peut lui
7 reprocher une telle erreur si le comptable a passé longtemps à élaborer ce
8 document. Mais nous ne pouvons pas avoir la même approche vis-à-vis de ceux
9 qui travaillent pendant que les combats se déroulent. Donc, ils existent un
10 grand nombre de raisons pour lesquelles les documents militaires ne sont
11 pas forcément crédibles de manière inhérente et doivent être analysés tous
12 très attentivement et comparer aux autres documents qui corroborent les
13 mêmes dires.
14 En ce qui concerne ce point, je souhaite vous référez à une décision prise
15 récemment dans l'affaire Milosevic et la décision date du 8 juillet 2005.
16 La Chambre de première instance y a dit, je cite : "La pratique de la
17 Chambre de première instance a été de rejeter l'admission d'un document
18 présenté au témoin si le témoin n'a pas adopté ou immédiatement rejeté
19 celui-ci, ou s'il n'était pas en mesure de dire quoi que ce soit de
20 substantiel au sujet du document, ou au sujet d'une affirmation qui y est
21 contenue, sur la base du fait qu'un tel document n'a pas suffisamment de
22 valeur probante."
23 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je sais que tous ces
24 documents ont été admis à la différence de ce qui a été fait par la Chambre
25 de première instance dans l'affaire Milosevic, mais nous sommes tous
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1 d'accord pour dire que la question clé est de savoir qu'elle est la valeur
2 de ce document et la Défense estime qu'il ne faut pas leur accorder une
3 quelconque valeur.
4 Je considère que cette constatation de la Chambre de première
5 instance dans Milosevic est pertinente dans notre affaire car la Chambre a
6 reconnu que si le témoin n'a pas pu dire quoi que ce soit de substantiel au
7 sujet d'un document, la valeur qui peut être accordée à ce document est
8 fortement limitée. C'est, effectivement, l'approche que cette Chambre de
9 première instance en l'espèce a prise au sujet d'un témoin qui a été cité à
10 la barre dans cette affaire, le Témoin ZP afin de lui faire montrer un
11 certain nombre de documents et afin de tester la précision du contenu de
12 ces documents ou d'obtenir des clarifications supplémentaires au sujet du
13 contenu de ces documents. Dans certains cas, il a dit qu'il s'agissait
14 effectivement des documents précis, mais à d'autres moments il a marqué des
15 points d'interrogation et il a ajouté des clarifications qui étaient
16 importantes pour comprendre la signification du document.
17 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, la Défense estime
18 que cet argument s'applique dans une grande mesure également au document
19 P563. Puis nous allons parler d'autres éléments de preuve ayant la
20 référence Kubura. Nous nous retrouvons ici dans une autre situation puisque
21 la Chambre se retrouve face à un élément de preuve qui implique un doute.
22 Quelle est la personne à laquelle on fait référence ? L'Accusation vous
23 demande de conclure qu'il s'agit de
24 M. Amir Kubura. Mais qu'est-ce qu'ils ont d'autre pour corroborer cette
25 position ? Ils diront qu'il s'agira du document P563, il y a des -- là il
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1 se pose la question des témoins comme je l'ai dit.
2 Mais mis à part cela, ils n'ont pas présenté d'autres éléments de
3 preuve afin d'expliquer qui avait assisté à la réunion. Ici vous avez une
4 réunion de la FORPRONU avec les commandants du HVO. Ne revenait-il pas à
5 l'Accusation de trouver les témoins qui avaient assisté à cette réunion
6 pour qu'ils puissent confirmer d'une manière ou d'une autre qui avait
7 assisté à cette réunion.
8 Le témoin auquel nous faisons référence à la page 2 126. A la
9 question posée dans le contre-interrogatoire, il a dit qu'il ne connaissait
10 personne qui était présent à cette réunion. Il a dit qu'il ne pouvait pas
11 dire à qui se référait le nom Kubura, s'il s'agissait d'un simple soldat ou
12 d'un officier. Il a conclu en
13 disant : "Je crains qu'il me soit très difficile de dire qui a été
14 présent." La Chambre se retrouve dans une situation où il n'y a pas eu
15 d'identification positive.
16 De l'avis de la Défense, si un doute existe, c'est l'accusé qui doit
17 bénéficier de cette incertitude. Il revient à l'Accusation de construire
18 une thèse cohérente et détaillée en employant toutes les ressources dont
19 ils disposent.
20 Comme la Chambre de première instance a effectivement noté, il
21 revient à l'Accusation de clarifier devant la Chambre de première instance
22 qu'elle a été la structure de l'armée à l'époque, qui étaient les
23 commandants différents, des niveaux différents au sein des brigades et au
24 sein des bataillons. Qui faisait partie de ces brigades ? En terminant avec
25 le niveau du commandement du corps d'armée, l'Accusation -- c'est sur
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1 l'Accusation que repose la charge d'établir les liens entre ces personnes
2 différentes, et de montrer de quelle manière les documents et les rapports
3 étaient échangés. Puis, s'agissant des allégations en ce qui concerne la
4 question de savoir qui a été présent, à quel moment et en quelle capacité à
5 des réunions différentes, là encore il revient à l'Accusation de le
6 prouver. Ceci est certainement conforme à l'Article 7(3). L'Accusation est
7 la locomotive de cette affaire. Il revient à l'Accusation de trouver à
8 notre avis les éléments de preuve directs potentiels concernant un grand
9 nombre de ces points pour aider la Chambre à déterminer la vérité.
10 A la place de cela, l'Accusation a présenté devant cette Chambre des
11 morceaux d'éléments de preuve, des zones grises qui sont empestés de doute.
12 Nous considérons que la Chambre n'a pas reçu suffisamment de certitude pour
13 rendre une décision de condamnation sur la base de cela.
14 Je vais, maintenant, arrêter, à présent, et profiter de l'occasion
15 pour avancer certains arguments concernant la nature des éléments de preuve
16 indirects, pertinents, non pas seulement au sujet du motel Sretno, mais
17 également en ce qui concerne d'autres événements.
18 Dans chaque dictionnaire juridique, nous pouvons lire que les
19 éléments de preuve indirects ou circonstanciels, sont définis en tant que
20 tout fait sur la base duquel un Juge peut conclure que les faits contestés
21 existent réellement; cependant, il faut prendre deux précautions;
22 l'Accusation a souligné elle-même que leur affaire se fondait surtout sur
23 des éléments de preuve indirects. Voici les deux précautions en question :
24 tout d'abord, il existe un certain nombre de stades entre le premier fait
25 et les faits permettant à la Chambre d'arriver à sa conclusion, et au fur
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1 et à mesure que ces faits se multiplient, la validité du premier fait
2 s'affaiblit, du premier fait qui doit servir de base pour prouver le fait
3 ultime. Donc, il y a un grand nombre de stades à passer.
4 Deuxièmement, tous les Juges partagent une même crainte, puisqu'ils
5 sont conscients de l'existence potentielle des éléments de preuve non
6 véridiques et non précis. Ceci s'applique encore plus fortement aux
7 éléments de preuve indirects qu'aux éléments de preuve directs. Les
8 éléments de preuve indirects doivent toujours être pris en considération de
9 manière étroite, compte tenu du fait que les possibilités de commettre des
10 erreurs, et de présenter des éléments de preuve faux et imprécis sont bien
11 plus prononcés. Le test de base et le critère de base dans une affaire qui
12 repose sur les éléments de preuve indirects, est qu'avant de prononcer un
13 verdict de condamnation, la Chambre doit conclure que les circonstances
14 sont telles, que tous les faits ont été prouvés de manière individuelle.
15 Donc, si l'Accusation souhaite s'appuyer sur la pièce P563, il est
16 nécessaire de prouver en tant que fait la vérité de ce qui est contenu dans
17 ce document, pour que la conclusion de la Chambre, de culpabilité, puisse
18 aboutir à une autre conclusion raisonnable.
19 Là où il est nécessaire de faire attention, c'est ce que j'ai déjà
20 appelé en tant qu'une pyramide des suppositions, qui s'ajoutent les unes
21 aux autres. La raison en est le souhait de protéger le public à l'encontre
22 des jugements qui se fondent sur les conjonctures et les spéculations.
23 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je souhaite vous
24 référer à un exemple particulier d'une conclusion utilisée par
25 l'Accusation, afin d'illustrer ce que je viens de dire, et ceci peut
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1 s'appliquer sur tous les chefs d'accusation contenus dans l'acte
2 d'accusation. Ceci a trait à la présence de la 7e Brigade à Guca Gora, le 8
3 juin 1993. À notre avis, il n'était pas du tout nécessaire d'essayer
4 d'arriver à une telle conclusion, compte tenu du fait que M. Kubura n'a pas
5 été accusé de quoi que ce soit, au sujet de Guca Gora, or ceci peut être
6 important pour ce qui est de la manière dont l'Accusation construit sa
7 thèse au sujet de Miletici et Maline.
8 L'Accusation nous propose de partir pour un long voyage. Ceci
9 commence avec le document P474 en date du 22 mai signé par M. Terzic, et il
10 nous mène aussi loin que jusqu'à la date du 8 juin, en avançant
11 l'allégation selon laquelle la 7e Brigade aurait été impliquée à cela.
12 Le premier document émanant de M. Terzic est le document que nous
13 lui avons présenté. Comme la Chambre se souvient peut-être, le document
14 contenait deux pages, dont la première avait été signée par M. Terzic. Elle
15 comportait son cachet, il a dit : "Oui, je reconnais ce document." Quant à
16 la deuxième page, qui contenait des informations au sujet d'un détachement
17 à Mehurici constitué de 92 personnes, ces pages ont été versées au dossier
18 en tant que document en annexe du premier document; cependant, ce document-
19 là n'a pas été signé, et lorsqu'on a posé la question au sujet de ce
20 document à M. Terzic, il a dit que : "Il ne reconnaissait pas ce document-
21 là et que ce n'était pas un document qu'il avait préparé, rédigé lui-même."
22 Il avait rédigé le premier document, celui qui comportait sa signature.
23 Ensuite, l'Accusation a fait référence à un document ultérieur,
24 marqué P481, en date du 27 mai 1993. Vous vous souviendrez peut-être,
25 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, qu'il s'agit là d'un
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1 document non signé qu'aucun témoin n'a pu -- au sujet duquel aucun témoin
2 n'a pu faire de commentaires, et au sujet duquel aucun témoin n'a pu
3 confirmer qu'ils étaient les auteurs de ce document. Donc, ce document a
4 été montré à M. Kadic, qui était l'adjoint chargé de la logistique au sein
5 de la 306e Brigade. Ce document porte sur le redéploiement de 50 [comme
6 interprété] personnes du secteur de Mehurici au village de Radojcici, et
7 les personnes, de la
8 1ère Compagnie de la 7e Brigade, qui devaient être resubordonnées à la 306e
9 Brigade. Il y est dit que : "Les équipements logistiques seraient sécurisés
10 par le biais de la 306e Brigade. Ce document était délivré au nom du
11 bataillon -- du commandant du bataillon, c'est tout ce qu'il y est dit; il
12 n'y a pas de nom, il n'y a pas de signature. M. Kadic a dit - je pense que
13 ceci peut être important pour la Chambre - qu'il leur était impossible de
14 donner un ordre de cette nature, car si l'on veut qu'un commandant de
15 bataillon subordonne certaines personnes à une autre brigade, un tel ordre
16 pourrait seulement émaner d'une instance plus élevée, logiquement parlant.
17 Puis il a dit également qu'il était l'adjoint du commandant chargé de la
18 logistique, et que les fournitures mentionnées dans ce document n'étaient
19 pas et ne pouvaient pas être sécurisées par le biais de la 306e Brigade.
20 Donc, il a pu dire que pour autant qu'il savait, cet ordre n'a pas été
21 exécuté, si cet ordre existait réellement.
22 A notre avis, il a jeté des doutes sérieux sur la validité de ce
23 document, ce que l'Accusation -- c'est ce que l'Accusation n'a pas pu
24 rejeter ou nier d'une quelconque manière, cependant l'Accusation continue à
25 dire : "Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, acceptez la
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1 véracité de ce document et acceptez les affirmations selon lesquelles la 7e
2 Brigade -- de certaines parties de cette Brigade étaient Radojcici au cours
3 de cette période, approximativement." Ensuite, ils disent : "Compte tenu du
4 fait que ce village est relativement près de Guca Gora, à une distance de
5 deux à trois kilomètres, et il y a une cassette vidéo qui apparemment a été
6 filmée depuis la direction de ce village, vous pouvez conclure par
7 conséquent que les membres de la 7e Brigade était certainement dans la
8 région à ce moment-là. Ils ont participé aux activités de reconnaissance,
9 ils ont filmé cette vidéo; en fait ce que vous voyez sur cette vidéo, ce
10 sont les activités de reconnaissance qu'ils auraient effectuées avant le 8
11 juin. Par conséquent, ils étaient certainement sur place le 8 juin, compte
12 tenu du fait qu'il avaient participé aux activités de reconnaissance, ils
13 étaient certainement sur place à ce moment-là -- ultérieurement donc.
14 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, à notre avis, nous
15 avons ici l'exemple de la manière dont l'Accusation part d'un élément de
16 preuve qui n'a pas été prouvé, pour y ajouter d'autres éléments de preuve
17 allant toujours plus loin, afin de vous inviter à aboutir à une conclusion
18 qui ne se fonde pas sur les éléments de preuve et sur les faits prouvés.
19 A notre avis, il ne s'agit pas ici des maillons d'une chaîne, et il
20 ne s'agit certainement pas d'une corde ici, pour reprendre l'image qui a
21 souvent été utilisée pour parler des éléments de preuve indirects. De toute
22 façon, si on se trouve au bord d'un précipice, on ne va certainement pas
23 s'accrocher à cette corde-là.
24 Monsieur le Président, je vais, maintenant, traiter des chefs
25 d'accusation au sujet de Vares, novembre 1993. Au début du procès,
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1 l'Accusation a indiqué qu'il y avait un contexte de vengeance, qu'un
2 massacre avait eu lieu préalablement à Stupni Do, et ils ont dit que les
3 passions étaient exacerbées. Mais ayant avancé cela, quels éléments de
4 preuve ont-ils présentés portant sur la vengeance ? Il n'y a pas eu
5 d'allégation de meurtre ou de détention, de traitement inhumain par rapport
6 à quoi que ce soit de ce qui s'est passé à Vares. Les allégations portent
7 sur le pillage et la destruction.
8 A notre avis, ici l'Accusation doit prouver quatre éléments au sujet
9 de Vares. Ils doivent prouver devant la Chambre de première instance ce qui
10 a été volé exactement. Ensuite, qui a été l'auteur de ces vols, à quel
11 moment ceci s'est produit - le temps est très important - et où tout ceci a
12 été amené. Puis, la destruction est une question à part dont je traiterai à
13 la fin. Pour le moment, je vais me concentrer sur les quatre questions qui
14 concernent le pillage.
15 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, le cadre juridique
16 au sein duquel il faut prendre en considération le pillage en tant que
17 crime, en vertu du doit international humanitaire, est le cadre juridique
18 qui interdit le pillage des biens, à l'exception - fait important -
19 exception reconnue depuis toujours du fait selon laquelle, il est reconnu
20 que la partie adverse peut saisir les équipements militaires qui
21 appartiennent à l'autre partie. Ici, je fais référence à une étude
22 détaillée qui a récemment été effectuée par le comité international de la
23 Croix Rouge, qui est considéré comme le gardien du droit international
24 humanitaire.
25 Dans cette étude, ils se sont penchés sur les pratiques établies dans
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1 des pays différents du monde. Ils se sont penchés sur des situations
2 nationales et internationales, afin d'essayer d'établir quel est le droit
3 coutumier au sujet d'un certain nombre de questions. En ce qui concerne le
4 butin de guerre, ils ont noté que la définition de cela n'est pas du tout
5 claire, puisqu'en réalité elle peut contenir des éléments qui, à première
6 vue, n'auraient pas du être incorporés à cela.
7 Ici je vais vous citer ce qu'ils disent au sujet des équipements
8 militaires et équipements de nature semblable. Au chapitre 4 du rapport, à
9 la page 1730176[comme interprété] 6 : 57, il y est dit que ceci inclut les
10 armes et les munitions, les dépôts d'articles, les machines, les arguments
11 [comme interprété] et même les espèces appartenant à la partie adverse,
12 mais sont inclus également les biens privés qui sont utilisés à des buts
13 hostiles. Il existe un certain nombre d'exemples : les armes et les
14 munitions. Il y a également les moyens de transports, les fournitures, les
15 vivres, l'argent liquide, les fonds, et tous les biens qui appartiennent à
16 l'Etat, et qui pourraient être utilisés à des fins ou à des opérations
17 militaires.
18 Le rapport poursuit et on examine la situation du point de vue de
19 différents pays, pour montrer la portée ou la différence de forme de
20 propriétés qui sont comprises, les biens. On vous a donné la position.
21 Tout d'abord, il y a le manuel militaire français qui indique que :
22 "Les objets militaires de l'ennemi, qui deviennent de facto du butin de
23 guerre, y compris des armes, des moyens de transport de combat et des
24 véhicules. La seule exception, c'est qu'il faut qu'une quantité suffisante
25 de vivres soit conservée pour les personnes qui ont été faites
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1 prisonnières."
2 Pour Madagascar, le manuel militaire indique que : "Les objets ou
3 biens militaires qui ont été capturés peuvent devenir du butin de guerre,
4 et peuvent utilisés sans restriction, mais il appartient à la puissance qui
5 a effectué cette capture et pas aux individus."
6 Le manuel militaire des Pays-Bas dispose que : "Le matériel
7 militaire, et pour commencer les armes et les munitions, mais également
8 d'autres biens qui sont destinés à un usage militaire, y compris des biens
9 ou des vivres entreposés, peuvent être pris également et porte que,
10 notamment, les médicaments, les vivres nécessaires pour nourrir les
11 prisonniers ne devraient pas être considérés comme des prises, mais il n'y
12 a pas de contestation en l'espèce, il n'y a pas eu de prisonnier de fait à
13 Vares. Il n'était pas donc nécessaire de conserver des vivres ou des
14 aliments pour des prisonniers du HVO, ni pour des civils qui s'y trouvaient
15 là."
16 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'évoque ce cadre
17 juridique, pour faire remarquer que c'est à l'Accusation qu'il est fait de
18 prouver quels ont été les liens qui, en réalité, auraient été volés,
19 s'agit-il en l'occurrence de biens qui rentrent dans la catégorie de butin
20 de guerre ou non, que leur est-il arrivé, que sont-ils devenus ? S'il y
21 avait eu des biens qui auraient pu être pris et qu'ils avaient été
22 conservés par les militaires, bien d'après le droit coutumier, la position,
23 il n'y a pas de délit, il n'y a pas d'infraction. Il faudrait qu'ils aient
24 démontré qu'il s'agissait de bien d'objets ou de possession qui avaient un
25 caractère privé et sont dénués de tout lien avec les activités militaires
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1 et que ces objets ont été pris par des personnes -- des individus qui les
2 ont conservés. Il ne s'agit pas simplement de dire, bien certaines choses
3 ont été prises.
4 Il semble que l'une des brigades se trouvait là, la 7e Brigade, par
5 conséquent, on doit en déduire qu'il est évident qu'ils ont pris des biens,
6 par conséquent, on peut en déduire que
7 M. Kubura l'a certainement su; il ne les a pas punis, par conséquent, il
8 est coupable, il fallait faire quelque chose de précis. Enfin, le pillage,
9 bien entendu, est une infraction grave, mais si elle est alléguée contre un
10 accusé dans un document public, à ce moment-là, il faut que le droit soit
11 appliqué comme il convient. Il faut pouvoir prouver qu'ils ont été pris par
12 des personnes qui les ont emmenés chez eux, qui ne les ont jamais rendus.
13 Est-ce que ceci a été prouvé ? Dans ces derniers arguments, dans son
14 réquisitoire l'Accusation s'est fondée sur le document P676 qui a dit :
15 "Tout faisait l'objet de pillage."
16 Comme élément de preuve pour essayer de vous prouver qu'il y avait
17 bien pillage en cours, il y a deux problèmes qui se posent à ce sujet,
18 premièrement c'est un document qui émane du commandement du Groupe
19 opérationnel et qui est adressé au commandement du 6e Corps et au
20 commandement du 3e Corps. Ce n'est pas un document qui est adressé à la 7e
21 Brigade, on peut y lire la 7e Brigade. Vous vous souviendrez que c'est un
22 document au sujet duquel j'ai posé des questions au général Reinhardt et
23 ceci était au cours d'un contre-interrogatoire. Il a dit : "M. Kubura
24 aurait dû avoir été au courant de ces exemples de pillage." Il y a ce
25 document qui dit que tout est en train d'être pillé, je lui ai dit, bien ce
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1 document n'a jamais été adressé à
2 M. Kubura : est-ce que vous acceptez que si ce document ne lui est pas
3 parvenu, il n'aurait pas pu avoir connaissance de sa teneur ? Il a confirmé
4 ce point.
5 Deuxièmement, ces documents disent que tous les objets sont en train
6 de faire l'objet d'un pillage, peut-être qu'à l'époque, il n'était pas
7 possible de faire des listes, objet par objet, article par article, mais,
8 en même temps, l'Accusation ne peut pas se fonder sur ce document pour
9 prouver que des biens qui faisaient l'objet d'un pillage n'entraient pas
10 dans la catégorie du butin de guerre.
11 Qu'est-ce que cela veut dire qu'on est en train de tout piller ? Là
12 encore, ce document est un document qui n'a pas été présenté à un témoin, à
13 personne du 6e Corps, à personne du 7e Corps, à personne du Groupe tactique.
14 On ne l'a pas demandé à aucun d'entre eux d'expliquer ce qui s'était passé
15 à Vares. Ce n'était pas comme si ces personnes n'étaient plus disponibles,
16 n'étaient plus là, il y avait la possibilité pour que l'on pose des
17 questions à toutes ces personnes et afin que l'Accusation puisse prouver
18 ces allégations.
19 Un dernier point concernant ce document, avant que je passe à autre
20 chose, c'est qu'il y est dit également que le reste des soldats ont
21 participé au pillage et aux incendies, donc, il y a là une allégation selon
22 laquelle la 7e Brigade est entrée à Vares, que tout a été pillé ensuite on
23 dit que le reste des soldats, ils ont rejoint et ont participé à cela.
24 Alors, il y a là, ce n'est pas une affirmation que nous, en tant que
25 membres de la Défense, pouvons accepter parce que nous avons contesté la
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1 véracité de ceci et nous avons demandé en l'occurrence à l'Accusation de
2 prouver la véracité de ce document.
3 Mais, d'après ce document de l'Accusation, ils reconnaissent qu'il y
4 avait d'autres soldats, pas seulement des soldats de la
5 7e Brigade qui ont participé, ce qui a toujours été l'un de nos arguments,
6 basé sur des éléments de preuve, qu'il y avait de nombreuses unités qui
7 participaient à cette opération. De par sa nature même, puisqu'il s'agit
8 d'un Groupe tactique, qui combine différents corps d'armée, de brigades, il
9 est évident que non seulement la 7e Brigade se trouvait là, qu'elle n'était
10 pas seule, et nous disons à l'Accusation que de prouver -- qu'il s'agit de
11 prouver qui a volé les articles en question. Il ne suffit pas simplement
12 d'affirmer que la 7e Brigade était l'une des brigades qui se trouvait sur
13 place.
14 L'Accusation doit démontrer que les membres de la 7e Brigade ont
15 participé à ces actions au moment où ils se trouvaient là et qu'ils ont,
16 effectivement, pris ces biens de façon illicite, mais quelle preuve a-t-on
17 de cela ? Nous avons la déposition de qui dit, aux pages 5 384 et 5 385,
18 qu'il a vu des soldats prendre du chocolat, du pain. Il mentionne des
19 stylos, il parle même de chaussures féminines. Il dit également que, bien
20 que l'entreposage des vivres de l'ONU n'avait pas été -- était resté intact
21 - ceci on le trouve à la page 5 415 - il n'y a pas d'autres éléments de
22 preuve en ce qui concerne les biens ou articles volés. Selon nous, si c'est
23 tout ce que l'Accusation peut présenter, nous ne nous trouvons pas dans une
24 situation dans laquelle ces actes entreraient dans la compétence du
25 Tribunal qui est de connaître des infractions les plus graves.
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1 Dans l'une des notes de bas de page du mémoire de l'Accusation, on
2 citait, tout d'abord, un premier appel qui doit être considéré, pris en
3 considération par le Tribunal dans l'affaire Tadic, l'appel interlocutoire
4 où il y avait la question de la compétence, pour savoir si -- l'objet de
5 l'acte d'accusation en vertu de l'Article 3 était énoncé.
6 Le troisième élément, la troisième condition celle qui figure au
7 paragraphe 94, est que l'infraction devait être grave, c'est-à-dire, je
8 cite maintenant : "Il faut qu'il s'agisse d'une violation d'une Règle qui
9 protège des valeurs importantes. Il faut que l'infraction ait de graves
10 conséquences pour la victime. Ainsi, par exemple, le fait qu'un combattant
11 s'approprie tout simplement une miche de pain, dans un village occupé ne
12 peut pas équivaloir à une infraction grave du droit international
13 humanitaire. Peut-être que ceci peut rentrer dans les dispositions
14 particulières des Règlements de La Haye, mais, strictement parler, ceci ne
15 peut pas être l'équivalent d'une infraction grave, d'une violation grave du
16 droit international humanitaire. Selon nous, les éléments de preuve
17 présentes par l'Accusation en ce qui concerne les pillages et les liens qui
18 pourraient y avoir entre ces pillages et la 7e Brigade, il y a ce qui est
19 dit par les différentes polices militaires. On a même noté qu'il y avait
20 des problèmes de dizaines de famine dans le secteur et que les soldats
21 avaient faim. Vous pourriez, et je pense comprendre que ceci expliquerait
22 pourquoi M. Birger a vu des personnes qui prenaient des vivres du chocolat,
23 du pain.
24 Maintenant, quand il s'agit de M. Kubura en ce qui concerne Vares,
25 l'Accusation a fondé ses thèses et son argumentation sur deux points
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1 essentiels. Le premier est qu'apparemment, il a modifié l'ordre et a décidé
2 d'envoyer ses propres soldats à Vares et, de cette façon, il vous demande,
3 à ce moment-là, d'en déduire une intention de permettre à ses soldats d'y
4 aller en sachant qu'en allant là-bas certaines actions ou certains actes
5 pourraient se produire dans un contexte de vengeance.
6 Mais ce n'était pas M. Kubura qui a décidé d'envoyer ces soldats à Vares.
7 C'est le commandant du corps à l'époque qui a donné cet ordre de façon très
8 claire. C'est le document P674 qui a donné l'ordre d'aller à Vares. C'est
9 au point 4 de l'ordre en question où on peut lire que : "Si les conditions
10 sont convenables et que la ville a été abandonnée, organiser une attaque,
11 libérer Vares, les commandants du Groupe opérationnel Est ordonneront à
12 toutes les forces de se rendre à Vares." Or, ceci indique clairement que
13 c'est maintenant une question pour le Groupe opérationnel Est et il doit y
14 avoir, vous devez organiser une attaque pour libérer Vares.
15 Alors, il ne peut pas être critiqué pour avoir suivi les ordres de son
16 commandant. La remarque suivante, faite par l'Accusation que
17 M. Kubura - et cela c'est peut-être l'essentiel de l'argument -
18 M. Kubura n'a pas envoyé de police militaire de la 7e Brigade à Vares dans
19 la matinée; et après cela, lorsqu'il est allégué par l'Accusation que ce
20 pillage a eu lieu, selon nous, il n'avait pas à le faire. Il n'avait pas
21 besoin de le faire parce qu'il l'a fait davantage. Il leur a ordonné de se
22 retirer le jour même.
23 Comme je l'ai déjà dit il n'a pas obtenu de documents. Il n'a pas reçu un
24 quelconque des documents du Groupe tactique concernant les pillages
25 allégués qui auraient eu lieu. Il est allé à Majdan Vares, suivant la route
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1 sur environ un kilomètre à l'extérieur de Vares dans la matinée. Vous avez
2 entendu des éléments de preuve à cet égard et une fois qu'il a été vérifié
3 que la ville avait bien été abandonnée automatiquement ces soldats ont eu
4 l'ordre de partir. L'Accusation ne conteste pas le fait que la 7e Brigade
5 est restée sur place. Alors, tout ce que l'on dit c'est que, ce jour-là, il
6 aurait dû envoyer une unité de police militaire. Mais pour quelle raison ?
7 Il n'y avait pas de pillage. La ville était abandonnée et l'ordre a été
8 donné qu'ils reviennent, et il y avait un point de contrôle qui a été
9 constitué.
10 L'Accusation a tiré certains arguments sur le point de savoir si c'était un
11 point de contrôle tenu par la police militaire de la police civile. Quoi
12 qu'il en soit, il y avait un point de contrôle où il y avait des éléments
13 de la police civile et militaire vérifiant qu'elles étaient les soldats qui
14 partaient et M. Kubura se trouvait là à ce point de contrôle, s'y trouvait
15 également le personnel de l'ONU.
16 Vous pourriez penser que, dans de telles circonstances, il était pleinement
17 justifié, à ce stade, de croire que la situation était pleinement sous son
18 contrôle et qu'il pouvait retourner à son poste de commandement, et que ses
19 propres effectifs seraient revenus ce soir-là, auraient été transportés,
20 ont été ramenés. Donc, sur ce point de savoir si nous aurions dû nous-mêmes
21 poser des questions aux témoins internationaux concernant ce point de
22 contrôle et que le fait qu'on ne l'a pas fait jette, par conséquent, un
23 doute sur la véracité de ce qu'a dit le témoin pour M. Kubura, le témoin à
24 décharge.
25 A notre avis, le fait qu'aucune question n'ait été posée lors du contre-
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1 interrogatoire au cours de la présentation des moyens à charge, ne peut, en
2 aucun cas, diminuer ou minimiser ce que les témoins de la Défense sont
3 venus dire. Ils n'y sont plus maintenant. Il n'est plus possible maintenant
4 à l'Accusation de contester ce qu'ils ont dit.
5 L'Accusation n'a jamais au grand jamais suggéré qu'auprès de l'un des
6 témoins présentés par la Défense, qu'il n'y avait pas de points de
7 contrôle. Ils n'ont jamais contesté cela. Lorsque nous avons -- on n'a
8 jamais dit qu'on avait inventé une telle allégation. A notre avis, même si
9 nous n'avons pas approuvé ceci au-delà d'un doute raisonnable, nous avons
10 établi la base probante pour que l'on puisse accepter et reconnaître qu'il
11 y avait bien un point de contrôle à l'extérieur de Vares.
12 De plus, le bureau du Procureur ne conteste pas que, ce jour-là, des Unités
13 de la 7e Brigade, qui avaient été à Vares, étaient en train de se retirer,
14 ce qui veut dire qu'elles seraient passées par le point de contrôle et
15 auraient été observées par des personnels de l'ONU.
16 Si je peux faire une digression, à ce stade, puisque nous examinons la
17 question de la véracité des dépositions des témoins, pour faire une
18 remarque d'ordre plus général qui est qu'à notre avis, chaque témoin doive
19 -- chaque témoin devait peut-être être considéré individuellement par
20 rapport à ce qu'il a dit lorsqu'il est venu ici. Peu importe de savoir si
21 c'est un témoin à charge ou à décharge, et de quel côté, dans quelle armée
22 il se trouvait, c'est à vous, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
23 Juges, d'apprécier la véracité de leur déposition, compte tenu des
24 questions qui leur ont été posées par les deux parties.
25 L'Accusation a suggéré, dans son mémoire, qu'il fallait traiter ces
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1 témoins, les témoins en particulier appartenant à l'armée de la Bosnie,
2 avec de la plus grande prudence. Selon nous, il y a exactement les mêmes
3 raisons pour lesquelles des témoins pourraient essayer de cacher des
4 renseignements ou ne pas être précis dans les dépositions qu'ils ont
5 faites. Mais ceci s'applique également au HVO ou à tout autre militaire, à
6 toute personne qui s'est trouvée dans une guerre et qui compte tenu de leur
7 expérience particulière ont la même capacité à être véridique ou non,
8 exacte ou inexacte. Chaque témoin doit être jugé compte tenu de sa
9 déposition individuelle.
10 Comme vous le savez, avant que chaque témoin ne dépose, vous avez indiqué
11 que, s'il y avait quoi que ce soit dont il n'était pas certain, s'il y
12 avait quelque chose qu'il pourrait dire qui risquerait de les incriminer ou
13 d'être utilisé contre eux, ils avaient le droit de le faire savoir aux
14 membres de la Chambre et qu'il y avait une procédure qui existait pour
15 traiter ce genre de problèmes par lesquels il pourrait, à ce moment-là,
16 faire une déposition ouvertement sans crainte qu'elle soit utilisée contre
17 eux à un moment quelconque. Vous avez expliqué cette procédure en détails à
18 chacun des témoins.
19 Je passe maintenant à la question des destructions à Vares et aux éléments
20 de preuve qui, selon nous, prouvent de façon catégorique qu'il n'y a pas eu
21 de destruction, si ce n'est quelques maisons qui étaient déjà détruites, ou
22 qui étaient incendiées et brûlaient encore, lorsque les forces de l'armée
23 de Bosnie sont arrivées à Vares. Vous avez entendu dire cela par Hakan
24 Birger. Vous l'avez entendu également de Sir Martin Garrod. Vous avez
25 entendu cela de M. Henricsson également. Chacun d'entre eux ont dit dans
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1 des termes très clairs dans leurs dépositions, qu'ils n'avaient pas vu de
2 leurs yeux effectuer des destructions. Les seuls éléments de preuve dont
3 dispose potentiellement l'Accusation, cela était lorsqu'il y a eu des tirs
4 croisés, lorsque d'aucuns de la 7e Brigade se sont trouvés pris entre deux
5 feux, la 7e Brigade est arrivée juste à l'extérieur de la ville ou en
6 ville. Il semble à ce moment-là que les choses ne soient pas claires, bien
7 qu'à notre avis ceci ne fait guère de différence dans un sens comme dans
8 l'autre.
9 L'Accusation suggère que tout le monde savait que la ville avait été
10 abandonnée, et que par conséquent, d'entrer par cette direction, le fait
11 qu'il y ait eu des tirs vers les fenêtres était une forme de destruction
12 illicite.
13 Selon nous, ceci n'est pas exact. Même si on peut supposer qu'une ville est
14 abandonnée, il est impossible de savoir, lorsqu'on arrive dans une ville
15 comme Vares, quelques semaines seulement après les opérations militaires
16 sur une grande échelle dans le secteur, si la ville a été définitivement
17 abandonnée. Il est certain qu'en tant que militaire, on doit prendre des
18 précautions nécessaires au moment où l'on arrive. On ne peut pas faire
19 confiance à tout ce qu'on peut avoir entendu ou des indications qu'on a pu
20 avoir, avant d'être soit même sur place pour s'en rendre compte.
21 M. Birger, qui a vu ceci, a dit en termes très clairs dans sa
22 déposition que l'opération a été effectuée de façon professionnelle, et
23 qu'elle n'a duré que le temps nécessaire. Une fois qu'il a dit au
24 commandant que la ville avait été abandonnée et qu'il n'y avait pas de tirs
25 à ce moment-là, tout ceci a cessé. Il n'y avait plus lieu de continuer, que
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1 les soldats entre dans les bâtiments, défoncent les portes ou mettent le
2 feu. Il n'y a aucune preuve de cela.
3 Selon son évaluation, d'après ce que l'on lit à la page
4 5 384 à 5 385, M. Birger a dit que l'opération avait été effectuée d'une
5 façon professionnelle du point de vue militaire, comme on s'y entendrait de
6 la part de toute unité qui entre dans une ville pour laquelle il y a
7 certaines incertitudes. On ne sait pas avec certitude qui s'y trouvent.
8 L'Accusation a admis qu'il y avait eu -- qu'il fallait qu'il y ait des
9 destructions sur une grande échelle pour que ceci puisse constituer un
10 crime de guerre. D'après les éléments de preuve que nous avons, à notre
11 avis, il n'y a aucune base pour conclure qu'il y ait eu là des destructions
12 sur une grande échelle, ou qu'il y ait eu des destructions à caractère
13 important, substantiel.
14 A Vares, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, nous
15 avons là encore un bateau qui fait eau; il est plein de trous. A notre
16 avis, nous ne pouvons pas être certain -- vous ne pouvez pas être certain
17 au-delà d'un doute raisonnable qu'il y ait eu ces infractions à Vares, et
18 qu'elles puissent être imputées à M. Kubura.
19 Je voudrais maintenant passer à la question du commandement de facto.
20 Je voudrais dire à ce stade que nous pourrions peut-être suspendre à un
21 moment la séance, dès que j'aurai parlé de cette question, et après cela,
22 je reviendrai au chef d'accusation concernant Maline et Miletici. Comme je
23 l'ai déjà dit, il ne s'agit pas de chefs d'accusation dans lesquels
24 l'Accusation serait rentrée dans les détails, lors de la présentation de
25 ces moyens, en ce qui concerne M. Kubura, mais je souhaiterais saisir cette
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1 occasion pour exposer quelle est notre défense, en ce qui concerne les
2 meurtres qui ont été allégués.
3 Le commandement de facto. Lorsque ce procès a commencé, l'Accusation
4 a commencé par donner la date du 1er janvier 1993, comme étant la date à
5 partir de laquelle M. Kubura devait être tenu pour responsable des crimes
6 commis. Après la décision rendue par la Chambre d'appel, sur le point de
7 savoir s'il était nécessaire ou non d'être commandant dans une position de
8 commandement, au moment où les infractions ont été commises, l'Accusation à
9 ce moment-là a changé sa date, qui est devenue le 1er avril 1993, comme
10 étant la date à laquelle M. Kubura a pris le commandement ou devrait être
11 tenu pour responsable.
12 Lorsque l'on lit enfin le mémoire présenté en dernier par l'Accusation,
13 nous avons encore un changement. Nous sommes passés du 1er avril - ceci on
14 peut le lire au paragraphe 56 - au 12 avril, au moins au 12 avril. Comme je
15 l'ai déjà dit, c'est moins de deux semaines avant les événements qui ont eu
16 lieu à Miletici.
17 Sur quelle base est-ce que l'Accusation allègue maintenant qu'à ce
18 moment-là, plus ou moins à ce moment-là, M. Kubura s'est trouvé brusquement
19 élevé au rang de commandant de facto.
20 Dans la note de bas de page 134 de leur mémoire, les membres du bureau du
21 Procureur font allusion à quatre documents. Ils citent quatre documents, le
22 P916, le P816, le P410 et le P727.
23 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, nous avons examiné très
24 méticuleusement ces documents, et aucun de ces documents n'indiquent qu'à
25 ce moment-là M. Kubura peut être -- ou il peut être dit que M. Kubura soit
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1 devenu commandant de facto de la 7e Brigade. Certes, dans l'un des
2 documents, il est indiqué que M. Korisic n'était pas disponible, mais il
3 n'est pas indiqué dans le document que M. Kubura avait soit été nommé ou
4 qu'il était la personne qui dirigeait. Il n'y a rien dans ces documents qui
5 vous permettraient De tirer la conclusion suivant laquelle M. Kubura était
6 le commandant. De facto, il avait le contrôle effectif de l'ensemble de la
7 brigade.
8 L'Accusation a concédé le fait qu'il n'y avait pas de contrôle de jure sur
9 la 7e Brigade. Il n'y a pas eu de nomination officielle avant le 6 août. Ce
10 que nous disons, c'est que le 6 août est de toutes les dates la date exacte
11 et précise à laquelle il est devenu commandant, et à laquelle il a assumé
12 ses fonctions de commandant. Ce qui s'est passé avant cette date du 6 août
13 1993 ne relevait pas de -- n'était pas une préoccupation pour lui et ne
14 relevait pas de sa compétence.
15 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, nous acceptons tout à
16 fait qu'un contrôle de jure n'est pas la seule méthode qui permettrait de
17 tenir quelqu'un comme responsable, conformément à l'Article 7(3). Bien
18 entendu, le contrôle de facto est la base qui permet de tenir quelqu'un
19 comme responsable, en fait, en tant que commandant, la personne se place --
20 est à la place du commandant de jure. Dans l'appel Blaskic, il a été
21 indiqué de façon très claire que montrer qu'il existe un contrôle de jure
22 n'est pas suffisant, parce qu'en fait quelqu'un d'autre peut se charger des
23 opérations. Vous devez avoir les deux.
24 Ce que nous réfutons fondamentalement en quelque sorte, et ce que
25 nous considérons comme une forme de responsabilité stricte qui a été
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1 avancée par l'Accusation. Car au paragraphe 57, ils indiquent qu'il existe
2 un principe militaire suivant lequel, l'officier supérieur d'une unité a
3 toujours le commandement en l'absence du commandant de jure. Donc,
4 l'officier supérieur assure toujours le commandement.
5 Mais cela ne peut pas être exact, Monsieur le Président. Car cela
6 dépend des circonstances factuelles de la personne en question. Il se peut
7 même que l'officier supérieur n'est pas la personne qui va assumer le
8 commandement dans la réalité des choses, ou il se peut qu'il soit une
9 personne parmi toutes les personnes qui assureront ce commandement. Donc,
10 tout simplement parce que vous êtes l'officier supérieur, on ne peut pas
11 indiquer que vous êtes considéré comme la personne qui détient le véritable
12 -- les pouvoirs nécessaires pour prévenir ou punir ou sanctionner.
13 Qui plus est, le général Karavelic a dit lors de sa déposition, et
14 peut-être que vous pourriez réfléchir à cette déposition, vous souvenir de
15 cette déposition, car il y a eu une discussion spontanée à propos des
16 éléments en question. Il a pu véritablement vous être extrêmement utile,
17 comme étant une personne qui avait l'expérience militaire nécessaire, qui
18 sait ce qui se passe lorsqu'un commandant n'est plus là. D'ailleurs, il a
19 été catégorique; il a indiqué de façon catégorique que la position de M.
20 Kubura est une position incertaine, qu'il aurait voulu avoir une certaine
21 certitude s'il s'était trouvé à sa place. Il n'a pas pu nous dire avec
22 certitude, parce qu'il ne connaissait pas les détails exacts, mais il a
23 toutefois pu nous dire, et c'était en fait une théorie générale qu'il
24 présentait, qu'un commandant reste un commandant jusqu'au moment où
25 quelqu'un est nommé à sa place. Il se peut qu'il y ait eu de multiples
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1 raisons - ce qui est souvent le cas - qui explique pourquoi l'officier
2 supérieur n'a pas été nommé, pourquoi est-ce que pendant un moment donné il
3 y a eu un vide. Mais il a dit également : l'armée doit continuer à
4 fonctionner. Une brigade ou la brigade est un organisme vivant. Les gens
5 continuent à opérer, à fonctionner et à faire ce qu'ils peuvent faire dans
6 la mesure de leurs moyens. Mais nous avançons qu'à partir de cela, on ne
7 peut pas tirer la conclusion suivant laquelle, par conséquent M. Kubura
8 contrôlait tout le monde, y compris les personnes qui étaient dans les
9 centres de détention, parce que c'est ce dont il est question avant la date
10 du 6 août 1993.
11 Le général Karavelic a également mentionné que l'Article 14 du
12 Règlement régissant le service auquel a fait référence l'Accusation,
13 n'était pas applicable dans ces circonstances. Qu'il était applicable en
14 cas d'urgence, par exemple en cas de mort d'un commandant ou en cas de
15 capture d'un commandant, c'est à ce moment-là que l'adjoint le remplace.
16 Mais il nous a dit que dans des situations telles que celle-ci, lorsque le
17 commandant n'est pas, lorsqu'il s'est rendu à l'étranger, dans de telles
18 circonstances, il faut que la situation soit régulée en bonne et due forme.
19 Étant donné qu'elle ne l'a pas été, nous avançons qu'on ne peut pas en
20 déduire qu'automatiquement
21 M. Kubura, qui était l'officier supérieur, est devenu le commandant, car
22 comme l'a indiqué M. Terzic, il y avait beaucoup d'autres commandants
23 adjoints. Ils ont continué à s'acquitter de leur devoir également. Il a dit
24 que le chef d'état-major, avec les commandants adjoints, ont continué à
25 diriger la brigade, et à faire en sorte qu'elle fonctionne dans la mesure
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1 du possible.
2 L'Accusation aurait dû - et nous avançons qu'elle ne l'a pas fait -
3 mais aurait dû présenter des éléments de preuve, afin de prouver que M.
4 Kubura avait pu et avait émis des ordres, notamment pour ce qui est des
5 centres de détention, pour ce qui est de la police militaire, pour ce qui
6 est de toute question relative à la sécurité de la 7e Brigade, et je dois
7 dire qu'il y a encore un autre vide là, car ces éléments font défaut. Cela
8 est valable pour le motel Sretno. Ils vous ont demandé de déduire sa
9 présence au motel Sretno, mais ils vous ont également demandé de déduire
10 qu'il aurait pu faire quelque chose. Cela est valable également pour
11 l'école de musique sur laquelle je vais revenir dans un petit moment.
12 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, dans le paragraphe
13 57, l'Accusation fait référence à une citation d'un membre de la 7e
14 Brigade, qui est venu déposer, M. Junuzovic, par exemple, il s'agit de la
15 note en bas de page 133. Nous vous demandons instamment de lire
16 l'intégralité de ce qui a été dit par le témoin de la 7e Brigade.
17 Car l'Accusation a choisi de retenir une citation, qui apparemment va
18 à l'encontre de ce que je dis. Mais si vous prenez la totalité de ce qui a
19 été dit par ce témoin, vous verrez que la situation est tout à fait
20 différente.
21 Cela s'est passé également à propos d'un témoin international, et je
22 reviendrai là-dessus. Si vous prenez un paragraphe de leur propos, certes
23 on peut penser que cela va tout à fait à l'encontre de ce que la Défense
24 avance. Mais si vous prenez toute la déposition avec le contre-
25 interrogatoire, si vous voyez comment l'on a demandé au témoin d'expliquer
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1 certaines choses de façon un peu plus approfondie, c'est là en fait que
2 vous obtenez l'élément de preuve dont vous pouvez véritablement dépendre.
3 Il a dit de façon très claire, et cela se retrouve à la page
4 18 501 et aux pages suivantes, il a dit que M. Kubura n'a pas signé de
5 document en tant que commandant, il l'a fait en tant que chef d'état-major,
6 comme il l'aurait fait de toute façon même en présence du commandant. Aucun
7 de ces documents ne portait sur des questions de sécurité, ne portaient sur
8 les questions relatives au centre de détention.
9 Il a également indiqué qu'il ne s'agissait pas comme un commandant.
10 Les gens ne l'appelaient pas "le commandant," ce qui se passe très souvent,
11 lorsque des gens exercent un certain pouvoir. Il ne s'est pas installé dans
12 le bureau du commandant. Il était toujours dans le bureau du chef d'état-
13 major.
14 D'après les éléments de preuve, aucune preuve n'a été avancée pour nous
15 permettre de comprendre qu'il s'apprêtait en fait à assumer cette
16 responsabilité, qu'il se préparait à jouer le rôle d'un commandant. Au
17 contraire, M. Kubura continuait à faire ce qu'il avait toujours fait en
18 tant que chef d'état-major. Les autres commandants adjoints ont fait
19 exactement la même chose. La brigade a pu ainsi continuer à fonctionner. Je
20 le répète, il s'agit d'un organisme vivant. Ils ont fait de leur mieux au
21 vu des circonstances, et nous souhaitons avancer qu'il n'y a pas de base de
22 responsabilité pénale. Compte tenu des moyens de preuve qui vous ont été
23 présentés vous devez en déduire que M. Kubura avait le véritable contrôle
24 effectif des auteurs des infractions, qu'il avait lui ce contrôle. Nous
25 disons que cela s'est passé à partir du 6 août lorsque sa situation a été
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1 précisée, mais jusqu'à ce moment-là, ce n'était pas en fait la personne qui
2 tenait les rennes des opérations.
3 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je vais maintenant
4 aborder Miletici et Maline. Je pense qu'il serait peut-être prudent
5 d'envisager de prendre une courte pause pour le moment et ensuite je
6 parlerai de ce chef d'inculpation ainsi que de l'école de musique avant
7 d'en arriver à ma conclusion.
8 Je vous remercie.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est midi et quart. On va faire une pause de
10 20 minutes. Nous reprendrons à une heure moins 20.
11 --- L'audience est suspendue à 12 heures 14.
12 --- L'audience est reprise à 12 heures 41.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
14 Je redonne la parole à Me Dixon.
15 M. DIXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai l'intention
16 de terminer la plaidoirie au nom de M. Kubura à 13 heures 45. Il se peut,
17 je ne le sais pas pour le moment, mais il se peut que je dépasse un peu cet
18 horaire. Mais j'ai été informé du fait que ce prétoire est mis à notre
19 disposition pour toute la journée et que cela ne poserait pas de gros
20 problème. J'ai l'intention de terminer la plaidoirie à l'heure habituelle
21 pour la fin de l'audience.
22 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, nous allons maintenant
23 aborder Miletici et Maline. M. Mundis a dit lors de son réquisitoire, et je
24 vais citer ses propos exacts : "La seule conclusion raisonnable qui peut
25 être tirée de cet élément de preuve dont vous disposez est que ces
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1 combattants étrangers étaient placés sous le commandement et contrôle
2 effectif de M. Hadzihasanovic, et en ce qui concerne les étrangers de la 7e
3 Brigade sous le contrôle effectif de M. Kubura."
4 Il a précisé cela puisqu'il indique : "Pour ce qui est des étrangers
5 de la 7e Brigade." Il apporte cette précision.
6 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, quels sont les éléments
7 de preuve auxquels faisaient référence M. Mundis ? Premièrement, il vous a
8 présenté un certain nombre ou toute une série d'opérations de combat
9 conjointes, alléguées, pour l'année 1992 et l'année 1993. Nous avançons que
10 ces incidents ne sont absolument pas pertinents à l'affaire contre M.
11 Kubura. D'ailleurs, il n'est absolument pas inculpé d'incident à Karaula,
12 par exemple. Il n'est pas non plus inculpé des incidents qui ont eu lieu à
13 Bjelo Buce ou à Kacuni en juin 1993. Il en va de même pour Grabovica, ou
14 pour Novi Travnik, ou pour Dubravica, ou Guca Gora. M. Kubura n'avait
15 absolument pas l'obligation de préparer quelque défense que ce fût à propos
16 de ces incidents allégués. Il n'est absolument pas inculpé des crimes qui
17 ont été commis dans ces endroits par des personnes qui, d'après
18 l'Accusation, étaient ses subordonnées. D'ailleurs, ces différents
19 incidents n'ont même pas été mentionnés dans l'acte d'accusation comme
20 ayant un lien avec ce qui s'est passé à Miletici et à Maline.
21 Nous vous invitons à vous concentrer sur ces deux villages et sur les
22 événements qui se sont déroulés pendant ces deux journées pour déterminer
23 si l'Accusation a su véritablement avancer des moyens à charge.
24 Quoi qu'il en soit, de nombreuses brigades différentes ainsi que des
25 unités sont mentionnées à propos de ces incidents, mais l'Accusation vous a
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1 montré cette carte qui comportait ces différents points et de nombreuses
2 unités ont participé à ces opérations, d'après l'Accusation. Il n'y a
3 aucune preuve qu'il y ait eu incorporation dans une brigade. En fait, de
4 par l'appellation qui est utilisée par l'Accusation puisque l'Accusation a
5 parlé "d'opérations conjointes," les membres de l'Accusation indiquent
6 qu'il y a plutôt un lien horizontal que vertical plutôt que de parler de
7 subordination au sein des rangs.
8 L'Accusation n'a pas essayé de montrer comment l'on peut établir un
9 lien entre ces événements et Miletici et Maline. Cela est expliqué par le
10 fait qu'ils ne peuvent pas prouver, ne serait-ce que la présence de la 7e
11 Brigade, ils peuvent encore moins prouver qu'ils aient participé à des
12 opérations conjointes, des opérations de combat avec des troupes ou des
13 soldats étrangers ou toutes autres troupes régulières.
14 Il y a un autre moyen de preuve auquel a fait référence M. Mundis. Il
15 s'agit des témoins internationaux, et l'Accusation a indiqué qu'il
16 s'agissait de témoins crédibles du fait de leur indépendance, ils ne
17 prêchent absolument pas pour leur paroisse. Ils étaient en quelque sorte
18 les yeux et les oreilles de la communauté internationale sur le terrain. Ce
19 qui est fort bien, Monsieur le Président, mais tout dépend de ce qu'ils ont
20 véritablement vu et de ce qu'ils savaient, de ce qu'ils savent. Tout dépend
21 de ce qu'ils ont appris à propos des factions belligérantes.
22 Ils ont tous convenus du fait qu'ils avaient très peu de
23 renseignements. Ce n'était pas leur guerre. Ils ne compilaient pas de
24 renseignements secrets et ils n'avaient pas véritablement de preuves à
25 propos de la subordination des étrangers. Certes, il y avait des bruits qui
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1 courraient, des affirmations ici et là. Il a été question de possibilité,
2 de probabilité, et cela est inclus dans certains de leurs rapports. Encore
3 une fois, ne rien de tout cela, qui pourrait, en fait, vous permettre de
4 dégager une conclusion au-delà de tout doute raisonnable.
5 Tous les témoins internationaux ont d'ailleurs été franchement
6 honnêtes avec la Chambre de première instance en indiquant qu'ils ne
7 savaient pas véritablement à quelles catégories appartenaient les
8 Moudjahiddines. Il y a des théories qui existaient, mais il n'y a pas
9 véritablement de preuve, de renseignements véritables permettant de savoir
10 qui contrôlait les Moudjahiddines.
11 Quoi qu'il en soit, aucun ne se trouvait à Miletici ou à Maline à
12 cette période. Ils n'ont jamais été témoins de ce qui s'y est passé et ils
13 n'ont jamais été en mesure de nous dire qui dirigeait cela.
14 M. Mundis cite un paragraphe du témoignage de M. Williams. Il y a
15 quelque chose qui n'a pas été cité, ce qu'il a dit lors du
16 contre-interrogatoire lorsqu'on lui a posé une question, on lui a demandé
17 ce qu'il en était des Moudjahiddines en Bosnie centrale et la question
18 était comme suit : "Général Williams, vous avez dit en réponse à une
19 question posée par l'un des Juges que la situation relative au commandement
20 et au contrôle était beaucoup plus facile à évaluer pour ce qui est des
21 unités officielles en Bosnie centrale, mais était beaucoup plus difficile à
22 évaluer pour ce qui est des Moudjahiddines." Sa réponse se trouve à la page
23 5 998. Il a dit : "C'est exact." La question se poursuit, et la raison en
24 est comme suit : "Comme vous l'avez dit à un certain nombre de reprises,
25 vous n'aviez pas véritablement de véritables renseignements à propos de la
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1 structure de subordination vis-à-vis des Moudjahiddines." Il a répondu :
2 "Que cela était vrai."
3 Lorsqu'on lui a posé des questions à propos de la pièce à conviction
4 P378, il y a une phrase dans ce rapport indiquant que les Moudjahiddines
5 s'étaient fondus dans la 7e Brigade. Il a
6 dit : "Je pense que cette déclaration du paragraphe 15 de ladite pièce à
7 conviction pourrait être un peu trop concrète étant donné les éléments de
8 preuve qui étaient probablement disponibles à cette époque."
9 La question se poursuit : "Le reste du paragraphe fait référence à
10 une mise en garde en quelque sorte, il est indiqué qu'il y a certaines
11 unités indépendantes de Moudjahiddines." Il dit : "Oui, c'est ce qui est
12 indiqué là."
13 Il a admis que ce genre de déclarations était un peu trop
14 concret au vu des véritables preuves dont ils disposaient.
15 M. Mundis a également cité M. Bower, ce sur quoi votre attention n'a pas
16 été attirée, se trouve à la page 5 126, on lui a posé une question afin de
17 savoir s'il avait une connaissance détaillée de la structure de la 7e
18 Brigade, de sa subordination et de la composition de la brigade. Il a
19 répondu en disant : "Avec les autres unités, non. Je n'étais pas l'officier
20 de liaison militaire." L'un des officiers de liaison militaire, M. Kijal
21 [phon] a également répondu aux questions, il a dit exactement la même chose
22 en disant : "Nous n'avions pas ce type d'information."
23 Puis avec M. Barrow, une autre question lui a été posée : "Donc, vous
24 ne saviez absolument pas qui contrôlait les Moudjahiddines ?" Il a répondu
25 : "Moi, personnellement ? Non, je ne le savais pas."
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1 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, pour ce qui est de cet
2 élément de preuve, vous verrez que de plus en plus cela se retrouve lors du
3 contre-interrogatoire des témoins internationaux, cet élément de preuve,
4 disais-je, est véritablement pertinent à propos de ce que j'avance, parce
5 qu'il s'agissait d'observateurs indépendants, et ils ont indiqué qu'ils
6 n'en étaient pas sûrs. Au vu de leurs dépositions, je pense que la Chambre
7 de première instance ne peut pas, non plus, avoir de certitude.
8 Puis, vous vous souviendrez peut-être de la déposition de M. Chambers. On
9 lui a posé une question à propos d'un document qu'il avait préparé, il
10 s'agissait en fait de la préparation de rapport. Il a dit dans ce document,
11 et il a confirmé que cela avait certainement été utilisé pour donner des
12 instructions, vous pouvez toujours écrire tout ce que vous voulez dans ces
13 rapports. Personne ne les vérifie. D'ailleurs, personne ne s'en préoccupe.
14 Alors cela ne signifie pas pour autant que tous ces rapports étaient
15 inexacts et absolument inutiles, mais c'est une remarque assez
16 symptomatique qui vise l'importance que l'on peut accorder à ce genre de
17 rapports, notamment, lorsque les observateurs internationaux ont eux-mêmes
18 concédé le fait qu'ils n'avaient pas la réponse.
19 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, il est également
20 révélateur que lorsque l'Accusation fait référence à plusieurs incidents,
21 en parlant de ces opérations conjointes, comme ils l'ont appelé, ils ont
22 véritablement examiné par le menu les documents et notamment les journaux
23 de guerre des brigades qui opéraient dans ces zones. Pourtant, à propos de
24 Miletici et de Maline, ces preuves relatives aux documents qui existaient
25 sur le terrain, aux journaux de guerre, aux carnets de guerre qui ont été
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1 montrés au témoin et qui ont été corroborés, ont tout à fait été méconnus.
2 Vous saurez certainement que la Défense de M. Kubura a avancé que la
3 7e Brigade n'était pas présente dans ces endroits, comme cela d'ailleurs a
4 été indiqué par le truchement du témoignage du témoin de brigade qui était
5 présent. Il y a également des documents contemporains qui ont été
6 présentés, ainsi que les carnets de guerre qui ont été montrés au témoin
7 qui se trouvait à cette époque-là dans la région. Je pense notamment à des
8 témoins de la 306e Brigade. L'Accusation n'a pas voulu en fait traiter cet
9 élément de preuve.
10 Nous pensons que les éléments de preuve, à partir desquels l'on peut
11 déduire l'innocence, ont été utilisés par l'Accusation afin d'exclure
12 toutes autres déductions, et ce, afin de vous convaincre de la culpabilité
13 de l'accusé. Nous pensons qu'ils n'ont pas fait cela à propos de Maline et
14 Miletici parce qu'il y a des déductions qui peuvent être tirées et qui
15 peuvent aller dans un sens tout à fait contraire. Il appartient à
16 l'Accusation de tirer les conclusions qui peuvent être dégagées. C'est la
17 charge qui leur revient. Ils doivent non seulement vous montrer que la
18 déduction à laquelle ils parviennent est la seule déduction raisonnable,
19 mais il faut également qu'ils annulent en quelque sorte toutes les autres
20 déductions possibles qui pourraient être considérées comme raisonnables et
21 qui pourraient indiquer la culpabilité.
22 Par exemple, ils n'ont pas pour ce qui est du général Reinhardt, qui
23 était leur témoin et qui a indiqué catégoriquement qu'il n'avait absolument
24 pas trouvé de preuve de la présence de la 7e Brigade à Miletici ou Maline.
25 Pour ce qui est des moyens de preuve relatifs à M. Ramo Durmis, si
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1 vous prenez par exemple les documents écrits, le seul élément de preuve
2 dont ils dépendent pour M. Kubura pour Miletici vient du fait qu'il faisait
3 toujours partie de la 7e Brigade à ce moment-là. Il, étant M. Durmis.
4 Pourtant, dans la pièce à conviction de l'Accusation P941, il s'agit d'une
5 déclaration de M. Durmis en tant que suspect, sa déclaration confirme ses
6 propos, à savoir, il a quitté la brigade avant que tous ces incidents
7 allégués. Il le dit lui-même d'ailleurs. Vous vous souviendrez, Monsieur le
8 Président, Madame, Monsieur les Juges, les questions que l'on a posées au
9 Juge Ahmetovic au sujet de cette déclaration, non pas le contenu mais la
10 forme. Ceci se trouve à la page 16 193, et par la suite. Les questions
11 étaient de savoir si la déclaration était prise conformément à la loi, s'il
12 avait pris des précautions nécessaires et si la personne avait fourni la
13 déclaration de manière volontaire. Il a dit oui, la déclaration était
14 parfaitement conforme à la loi.
15 L'Accusation a également omis de se pencher sur DK29, un document en
16 date du mois de février 1993, qui montre clairement que le commandant de la
17 1ère Compagnie n'est pas M. Durmis en février 1993.
18 Il a dit la même chose dans son entretien avec le témoin ZP. Il n'a
19 pas dit où il est parti, mais il a dit que celui-ci était parti. Ceci
20 correspond à la déposition et aux éléments de preuve contenus dans la pièce
21 P914 et DK29.
22 Puis, vous avez également entendu la déposition des témoins, qui
23 faisaient partie de la 7e Brigade, M. Terzic, M. Adilovic,
24 M. Abramovic, M. Jusufovic, qui avaient tous été au côté de
25 M. Durmis, à l'époque, ou qui le connaissaient. Il s'agit là des
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1 dépositions de première main indiquant que celui-ci est parti de la brigade
2 après les opérations du mois de décembre 1992. Ces éléments de preuve n'ont
3 pas été contestés par l'Accusation.
4 Il n'y a pas de raison, à notre avis, de douter de la déposition de
5 ces témoins, qui sont totalement conformes à ce que M. Durmis avait dit
6 lui-même et au contenu des documents.
7 Bien sûr, nous avons la citation du 14 avril 1993. Il s'agit de la pièce
8 P727. Cependant, les témoins ont clarifié, en indiquant que ceci se
9 référait aux opérations de 1992, à la fin de l'année 1992, et que ceci a
10 été rédigé le 14 avril compte tenu du fait qu'il s'agissait là du 1er
11 anniversaire et ceci d'ailleurs est contenu dans le document portant sur la
12 formation de l'ABiH. Il est clair si vous lisez encore une fois ce texte
13 portant sur la récompense qui a été délivrée, que M. Durmis n'en a pas fait
14 l'objet de manière isolée, mais cette décoration a été accordée, délivrée à
15 la 1ère Compagnie. Une partie du document porte sur les personnes qui ont
16 été récompensées sur le plan individuel. Puis il y a une partie différente
17 dans laquelle on mentionne la 1ère Compagnie dans son ensemble.
18 Mais de toute façon il ne fait plus partie de la brigade à ce moment-
19 là. Si l'on le mentionne parfois par la suite, ceci n'est pas pour
20 confirmer qu'il fait encore partie de la brigade. Tout ceci montre au
21 contraire qu'il est à l'extérieur de la brigade et qu'il n'est plus sous le
22 contrôle effectif de cette brigade, ou d'une quelconque autre brigade.
23 Il est à notre avis l'une des personnes qui ont tourné le dos à leur
24 brigade d'origine. M. Sipic en a parlé. Il a fait référence à de nombreux
25 documents dans lesquels il se plaint des problèmes avec les personnes qui
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1 ne font plus partie de la brigade et dont le statut doit être résolu.
2 Puis dans notre mémoire nous avons parlé en détails de ces documents
3 compte tenu du fait que M. Sipic avait déposé devant ce Tribunal lui aussi.
4 Il était dans la région. Il était sur le terrain et il a pu déposer au
5 sujet des événements qui se sont déroulés dans cette région-là. Il n'a
6 jamais dit que la 7e Brigade avait participé aux meurtres prétendus. Puis
7 il a également confirmé en examinant les documents qu'il n'y a pas dans ces
8 documents de référence à la 7e Brigade par rapport à ces prétendus
9 meurtres.
10 M. Sipic a exprimé plusieurs reproches et a déposé plainte à
11 plusieurs reprises, ce qui est visible sur la base des documents. A chaque
12 fois il envoyait quelque chose. Il envoyait un document au commandement du
13 corps d'armée. Mais dans tous ces documents, il n'a jamais dit que la 7e
14 Brigade avait participé à la commission des crimes, ou que quelque chose
15 aurait dû être fait à ce sujet. La Chambre de première instance peut bien
16 comprendre ces raisons car s'il y avait une autre brigade qui avait commis
17 des
18 crimes dans sa zone de responsabilité il avait toutes les raisons de se
19 couvrir lui-même et de soumettre un rapport au sujet de cela. Il n'était
20 pas dans son intérêt de protéger une quelconque autre brigade. Cependant,
21 il n'y a pas de documents indiquant que la 7e Brigade aurait été impliquée
22 à ce genre d'événements et indiquant que des enquêtes devraient être
23 lancées. Il se plaint au sujet des Moudjahiddines et il parle également des
24 personnes qui avaient quitté les brigades.
25 Puis lorsque M. Waespi a fourni un résumé de ces rapports au sujet des
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1 incidents en question, nous pouvons constater que dans aucun de ces
2 rapports on ne mentionne nulle part que la 7e Brigade aurait été
3 responsable de ces incidents. L'Accusation a peut-être avancé des
4 accusations erronées sur une forme d'opération de camouflage ou de
5 dissimulation, mais ils n'ont pas parlé d'opération de dissimulation au
6 sujet de la 7e Brigade. Simplement car il n'y a pas eu de telle opération.
7 Les rapports ne mentionnent pas du tout la brigade et ils mentionnent
8 certainement d'autres brigades et ils mentionnent la 306e Brigade, mais non
9 pas la 7e Brigade.
10 Lorsque M. Mazowiecki souhaitait recevoir un rapport, et lorsqu'on a
11 commencé à recueillir les informations et les rapports, la 7e Brigade n'a
12 jamais abordé au sujet des incidents qui se sont déroulés à Miletici et à
13 Maline. Jamais avant ils n'ont pas été abordés à ce sujet. Il n'y a pas
14 d'information de quelque sorte que ce soit indiquant que l'un quelconque
15 des commandants de la 7e Brigade aurait fait l'objet d'un rapport au sujet
16 d'un quelconque problème.
17 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je souhaite attirer
18 votre attention sur trois pièces à conviction P111, P171 et P174, qui
19 corroborent l'argument que je viens d'avancer.
20 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, M. Mundis et ses
21 prédécesseurs, notamment M. Withopf, ils ont fait référence tous les deux à
22 cette notion de puzzle pour prouver leur thèse.
23 M. Mundis a dit il y a un certain temps -- c'était à la page
24 4 824 que visiblement l'on présente à la Chambre des petites parties de la
25 mosaïque du puzzle et que l'image deviendrait claire seulement à la fin de
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1 l'affaire. De manière semblable à cela en avril 2004, M. Withopf a dit, je
2 cite : "Je souhaite vraiment souligner qu'il s'agit ici d'une affaire
3 circonstancielle. A la fin il y aura un grand nombre de morceaux,
4 d'éléments de preuve qui lorsqu'ils seront rassemblés permettront à la
5 Chambre d'obtenir l'image d'ensemble, l'image d'ensemble portant sur la
6 vérité."
7 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, si vous examinez le
8 paragraphe 104 de notre mémoire de clôture, vous verrez ce que nous pensons
9 du véritable réassemblage du puzzle au sujet de ce qui s'était passé. A
10 notre avis l'Accusation n'a pas réussi à présenter les éléments de preuve
11 convaincants. Si l'on se penche pour commencer sur la déposition d'Enver
12 Adilovic, au sujet de sa compagnie qui est allée après les événements
13 d'Ahmici dans une région près de Vitez et qui est arrivé là-bas, le 20
14 avril, et qui est resté jusqu'en juillet. Il s'agit de la dite 4e Compagnie
15 de Vitez et d'une partie de la 7e Brigade, ce qui n'a pas du tout été
16 contesté par l'Accusation.
17 Ensuite, nous avons le document DK20, en date du 5 juin 1993, et de
18 nombreux témoins l'ont confirmé, il s'agit d'un rapport émanant du Groupe
19 opérationnel de Bosanska Krajina envoyé au 3e Corps d'armée, où il est dit
20 que le 4 juin 1993, le HVO avait intensifié ses attaques et qu'une attaque
21 d'artillerie du HVO était lancée. Dans ce rapport, M. Sipic n'est décrit
22 également en tant que personne qui essaie d'accéder Maline. Ce qui est plus
23 important, il dit, dans ce rapport envoyé au 3e Corps d'armée, qu'Ovnak
24 allait être attaquée, ce qui s'est passée d'ailleurs le 8 juin. Le 2e
25 Bataillon et le
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1 3e Bataillon ont participé à cette opération de l'autre côté.
2 Mais afin de compléter l'image par rapport aux connaissances de la Chambre
3 de première instance, au sujet de l'emplacement du
4 1er Bataillon, ce jour-là, nous avons d'autres documents, à savoir, P279, du
5 5 juin, un ordre émanant de la 306e Brigade -- ou plutôt adressé à la 306e
6 Brigade, de même qu'au commandement du 3e Corps d'armée, ordre disant qu'il
7 faut continuer les opérations dans la vallée de la Bila. L'on n'y mentionne
8 pas du tout la présence de la 7e Brigade dans la vallée de la Bila, à ce
9 moment-là.
10 Puis, nous avons le document, DK19, du même jour, le Groupe opérationnel
11 soumet un rapport au commandement du 3e Corps d'armée, indiquant que le 1er
12 Bataillon n'est pas à Nova Bila [comme interprété], mais est engagé vers
13 Hajdarove Njive, là où les forces du HVO détiennent des positions de tirs.
14 Ceci est confirmé dans le journal de guerre du Groupe opérationnel, le
15 document DK18. Il s'agit non seulement d'un rapport qui a été envoyé, mais
16 ceci a été confirmé en tant qu'événement qui s'est déroulé ce jour-là.
17 D'ailleurs, la Chambre de première instance s'est rendue sur place et sait
18 que cet emplacement se trouve à proximité à 12 kilomètres de Maline.
19 Puis, le 6 juin, nous avons le document DK34. C'est un rapport émanant du
20 1er Bataillon de la 7e Brigade, indiquant que la brigade a dû se retirer.
21 Ceci a été confirmé par les témoins qui faisaient partie de la 7e Brigade
22 et qui avaient participé effectivement à l'opération.
23 Ensuite, nous avons DK21. Là, nous traitons de la date du 7 juin, donc le
24 lendemain. Ici, nous voyons un journal opérationnel de la 306e Brigade où
25 il est dit que le HVO pilonne et attaque la vallée de la Bila et qu'une
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1 réunion de la 306e Brigade était en train de se dérouler à Mehurici. Nous
2 ne trouvons nulle part dans ce journal de mention selon lequel la 7e
3 Brigade allait participer d'une quelconque manière.
4 A la place de cela, vous avez le document du 8 juin, un document qui a été
5 montré à de nombreuses reprises, il s'agit d'un rapport de combat du Groupe
6 opérationnel signé par Alagic où il est dit que le 1er Bataillon de la 7e
7 Brigade est active dans la région près de Bukovica -- dans la direction de
8 Bukovica. Encore une fois, ceci était confirmé par de nombreux témoins qui
9 avaient participé à cette opération.
10 Ici, nous avons des documents qui sont conformes aux dépositions de témoins
11 sur ce même sujet.
12 Puis, en ce qui concerne le document P465, vous avez entendu la déposition
13 du général Cuskic, le commandant de la 17e Brigade de Krajina, qui était
14 dans la région à l'époque et qui coopérait de manière étroite avec le
15 général Alagic et il a confirmé la signature d'Alagic au sujet de la pièce
16 P465, et il a confirmé la fiabilité de ce document, car il était sur le
17 terrain à ce moment-là, il a dit : "Oui, telle a été la situation sur le
18 front le 8 juin," et il a dit que le général Alagic avait rédigé ce rapport
19 sur la base de ces informations-là.
20 Ensuite, nous avons le 9 juin 1993, un jour après les événements de Maline.
21 Nous avons la pièce DK22, qui émane de la
22 306e Brigade, c'est un télégramme envoyé au commandement du 3e Corps d'armée
23 indiquant que la brigade est arrivée aux abords de Maline le 8 juin. Nous
24 avons plusieurs témoins de la 306e Brigade qui sont venus déposer ici et
25 qui ont confirmé ce fait, le fait qu'ils avaient participé à cette
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1 opération-là. On ne parle pas du tout de la participation de la 7e Brigade
2 à cette opération.
3 Puis, le 9 juin, afin de compléter le puzzle, nous avons le document DK42,
4 un rapport de combat du Groupe d'opération indiquant que le 1er Bataillon de
5 la 7e Brigade va lancer une attaque vers Srbica. Des témoins ont confirmé
6 cela et ils ont confirmé qu'ils ont mené une deuxième opération là-bas, le
7 8 juin, et le 9 juin à proximité, à un autre emplacement, et il s'agit d'un
8 autre emplacement qui a fait l'objet de la visite des Juges, pas du tout
9 dans la région de Maline.
10 A notre avis, il est tout à fait évident que les activités de la 7e Brigade
11 et de tous ces bataillons sont décrites en détail au cours de cette
12 période. Il est possible de conclure de manière tout à fait raisonnable que
13 la 7e Brigade ne participait pas du tout dans les opérations, et ce qui est
14 le plus important, ils n'ont certainement pas pris aux crimes qui ont
15 éventuellement été commis au cours de cette période.
16 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, l'Accusation s'est
17 fondée en ce qui concerne Maline sur les dépositions de trois témoins
18 qu'elle a fait entendre pendant la présentation des moyens à charge et qui
19 avait suggéré avoir identifié certains membres de la
20 7e Brigade dans le secteur de Maline à l'époque.
21 Toutefois, quel que soit la raison dont vous examiniez ces éléments
22 de preuve aucun de ces témoins n'ont pu placer l'un quelconque des membres
23 de la 7e Brigade qui -- qu'ils ont dit avoir pu y voir sur les lieux même
24 où les personnes auraient été tuées. Aucun d'entre eux n'était témoin de
25 l'événement pour identifier des membres de la 7e Brigade.
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1 En plus de cela, aucun des éléments de preuve, à notre avis, ne peut
2 confirmer qu'en fait ce qu'ils ont vu sur place étaient bien des membres de
3 la 7e Brigade, à l'époque.
4 Lorsque leurs dépositions sont examinées dans leur ensemble et nous avons
5 cité très complètement notre réponse aux thèses de l'Accusation au titre de
6 l'Article 98 bis. Il est clair qu'ils n'étaient soit pas en mesure de
7 reconnaître les insignes ou badges qu'ils ont vues ou qu'ils connaissaient
8 pas ces insignes ou badges de l'armée, ou ont reconnu qu'il y avait trop
9 d'insignes ou de badges que l'on voyait utiliser ou porter par des
10 différentes personnes, à l'époque. Ils n'étaient pas sûrs de qui était
11 exactement présent sur les lieux.
12 Leur déposition ne doit être considérée comme non véridique. Ce n'est
13 pas ce que nous voulons suggérer. C'est une déposition qui ne permet pas
14 d'établir avec certitude la présence d'un membre quelconque de la 7e
15 Brigade et dois donc être comparée et pondérée à la grande quantité
16 d'éléments de preuve que je viens de décrire et qui figurent dans les
17 documents et qui sont confirmés par les dépositions verbales faites par de
18 très nombreux témoins.
19 Ce sont là des éléments de preuve dont l'Accusation n'a pas su -- n'a
20 pas pu traiter. On ne peut pas -- nous disons que nous ne pouvons pas être
21 certains en se fondant simplement sur trois témoins de l'Accusation, ceux à
22 qu'elle se réfère, pour qu'on puisse en tout état de cause voir clairement
23 ceci du point de vue de la défense de M. Kubura -- par rapport à ceux qui
24 ont été évoqués par la Défense pour la défense de M. Kubura.
25 L'Accusation n'a pas construit un puzzle pour essayer de remplir et
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1 de mettre les différentes pièces comme ils avaient dit qu'ils le feraient.
2 Nous avons démontré quel était véritablement le tableau en ce qui concerne
3 à la fois Miletici et Maline.
4 A notre avis, la thèse est que M. Kubura doit être acquitté pour ce
5 qui est de ces chefs d'accusation et que les éléments qui vont en ce sens
6 sont considérables.
7 Dans le temps qui reste, je souhaiterais faire quelques commentaires
8 concernant l'école de musique et les charges et accusations concernant les
9 destructions et les pillages à Ovnak pour lesquels l'Accusation n'a pas eu
10 le temps de faire des commentaires concernant leur thèse.
11 En ce qui concerne l'école de musique, Monsieur le Président, Madame,
12 Monsieur les Juges, le point-clé a toujours été de savoir quels étaient les
13 éléments de preuve véritablement disponibles pour M. Kubura de ce qui se
14 passait dans l'école de musique. Il n'est pas nécessaire que ce soit des
15 preuves de passages à tabac réels. Il peut s'agir d'éléments de preuve qui
16 simplement auraient fait qu'il savait qu'il y avait lieu d'enquêter sur ces
17 questions par la suite. Mais rien avant cela ne montre qu'on lui ait dit
18 quoi que ce soit en ce qui concerne l'école de musique. Aucuns rapports,
19 aucunes réunions, aucunes visites, aucunes plaintes ne lui ont été
20 adressées. Il est comme une figure invisible dès que l'on parle de l'école
21 de musique.
22 De nombreuses autres personnes ont été mentionnées en ce qui concerne
23 ce qui s'est passé dans cette école. L'une de ces personnes fait
24 actuellement l'objet de poursuites pour ce qui s'y est passé.
25 Ce qui reste à l'Accusation pour fonder ses thèses, c'est l'idée
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1 qu'il y avait une rumeur très étendue, très développée, concernant cette
2 école de musique. Nous disons que cela ne suffit pas pour en déduire que M.
3 Kubura en avait connaissance. Premièrement, il y a des preuves qui
4 contredisent cela. Tous les témoins qui ont été appelés à déposer sur
5 l'école de musique n'ont pas tous indiqué que ces rumeurs étaient entendues
6 partout.
7 Le chef du comité municipal de Zenica, par exemple, a dit dans sa
8 déposition qu'on peut lire à la page 14 129 et suivantes, que s'il y avait
9 des passages à tabac qui se déroulaient dans l'école de musique ou des
10 incidents graves dans l'école de musique de façon quotidienne, étant donné
11 le fait qu'elle se trouve juste au centre de Zenica, près du tribunal, les
12 gens l'auraient su. On aurait fait quelque chose à ce sujet. Son point de
13 vue, c'est que tel n'était pas le cas. Ce n'était pas quelque chose que
14 tout le monde savait.
15 Même M. Adamovic, dont vous avez entendu la déposition très
16 développée en ce qui concerne l'école de musique, a reconnu qu'il ne savait
17 pas si l'une quelconque des rumeurs était vraie. Il a dit qu'il y avait des
18 rumeurs, qu'on racontait des histoires, et il a
19 dit : "Quelle est la vérité sur tout cela, je ne suis pas en mesure de vous
20 le dire." Nous disons que sur la base de ce type de dépositions et
21 d'éléments de preuve ou compte tenu de la nature des infractions alléguées,
22 ce serait vraiment allé un pont trop loin que de dire et de conclure que M.
23 Kubura était au courant de ce qui se passait.
24 Une chose serait de savoir si les événements qui ont eu lieu avaient duré
25 pendant toute une période assez longue et si l'on parlait du fait qu'une
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1 centaine ou même des milliers de personnes étaient détenues dans des camps
2 de concentration, comme des installations de ce genre. C'est dans ces
3 circonstances que des cas tels que Yamashita et Toyota, après la Deuxième
4 guerre mondiale, on a dit qu'il s'agissait d'infractions si graves, si
5 connues, que même s'il n'y avait pas de rapports adressés, on devait le
6 savoir.
7 Ici, nous parlons d'un seul petit bâtiment. Vous êtes allés dans ce
8 bâtiment. Ceci ne cherche nullement à diminuer les événements qui ont eu
9 lieu sur place et ce que des personnes ont pu y endurer. Chaque personne
10 est en droit d'être protégée, d'avoir son corps protégé, de ne pas être
11 battue de la manière dont nous avons entendu dire dans les dépositions que
12 cela avait été le cas.
13 Mais nous parlons d'un nombre limité de personnes au cours d'une
14 période limitée, même si l'acte d'accusation dit et jusqu'en janvier 1994,
15 essentiellement, jusqu'en juillet, il n'y a pas de nouvelles allégations
16 concernant des passages à tabac.
17 Dans les circonstances présentes, on parle d'un seul lieu dans le contexte
18 de l'ensemble de la Bosnie centrale et dans la région où opérait la 7e
19 Brigade, et donc déduire qu'on connaissait ce qui se passait sur la base du
20 fait que certains témoins ont dit qu'il y avait des rumeurs, et d'autres
21 témoins ont dit que non, cela n'était pas de notoriété publique. A notre
22 avis, ceci serait porté vraiment à l'extrême le principe d'une connaissance
23 imputée. A notre avis, il faudrait au moins qu'on ait quelques éléments de
24 preuve concernant des informations qui auraient été transmises au sein de
25 la 7e Brigade, au commandement de la 7e Brigade et qui soient parvenues à M.
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1 Kubura sur ce qui s'était passé.
2 Personne de la communauté internationale ne lui a parlé de ces
3 questions. Il n'était pas considéré comme la personne à qui il fallait
4 s'adresser. Personne ne lui a posé de questions, ne lui a demandé de
5 permission pour aller dans l'école de musique. Il n'était pas investi de
6 l'autorité nécessaire en ce qui concerne l'école de musique, ce n'était pas
7 sous sa responsabilité. Il n'y est jamais allé avec qui que ce soit. En
8 fait, la plupart des témoins internationaux ont dit qu'il ne savait même
9 pas qui était M. Kubura.
10 Selon nous, l'Accusation essaie de faire flèche de tout bois, essaie
11 d'agripper des fétus pour essayer de faire en sorte que cette charge puisse
12 vraiment correspondre à M. Kubura.
13 Mais outre cela, il faudrait que je me réfère à des remarques que j'ai
14 faites plus tôt en ce qui concerne les possibilités réelles qui étaient les
15 siennes, même si l'on pouvait déduire qu'il avait connaissance de la
16 situation, quelles étaient véritablement les possibilités pour lui de faire
17 quoi que ce soit en ce qui concerne l'école de musique en tant que chef
18 d'état-major. Est-ce que c'était sa responsabilité du tout ou qu'aurait-il
19 pu faire ? Il faut voir également que vous avez en plus, à part ces
20 éléments de preuve qui ont été présentés, la question de la chaîne de
21 commandement parallèle en ce qui concerne les éléments concernant la
22 sécurité, non pas qu'il y ait une chaîne de commandement qui voudrait dire
23 qu'il y aurait un système de sécurité indépendant du commandant. Nous
24 n'alléguons pas cela. Mais ce que nous disons, c'est qu'il y avait une
25 chaîne de commandement distincte pour les questions de sécurité; une chaîne
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1 de commandement dont tout le monde aurait eu connaissance et qui aurait eu
2 à traiter de ce genre de questions. Dans les circonstances, lorsque l'on
3 n'est pas le commandant de jure, mais lorsqu'on a un assistant ou un
4 adjoint pour les questions de sécurité, vous pourriez penser que M. Kubura,
5 même s'il savait quoi que ce soit, aurait eu tout à fait raison de supposer
6 que les questions dont il s'agit étaient traitées par le commandant adjoint
7 et par la hiérarchie qui était au-dessus de lui, et qu'il n'avait pas lui-
8 même le pouvoir, sans avoir été officiellement nommé à cela, de se mêler de
9 ces questions, tout particulièrement, lorsque vous avez un des éléments de
10 preuve, qu'il y a des personnes qui utilisent l'école de musique comme une
11 façon d'obtenir de l'argent, comme une façon de se venger. Il y avait là
12 des gens très puissants qui s'occupaient de leurs propres affaires.
13 Donc, nous vous demandons de prendre en considération tous ces
14 différents niveaux. Premièrement, le manque de preuve et le fait qu'il n'y
15 avait connaissance de la situation; deuxièmement, le manque de preuve qu'il
16 ait pu exercer un contrôle en ce qui concerne les personnes qui seraient
17 dans l'école de musique et de tenir compte aussi, le fait qu'il existait
18 une chaîne de commandement pour la sécurité qui fonctionnait à l'époque et
19 qui était opérationnelle; quatrièmement, outre cela, vous avez des éléments
20 de preuve selon lesquels certaines personnes faisaient leurs affaires pour
21 leur propre lutte personnelle. Vous pouvez penser qu'il y avait de quoi les
22 inciter à cacher ce qui s'y passait. Nous disons, il faut qu'il y ait au
23 moins un doute concernant le point de savoir si l'Accusation a ou non
24 prouvé sa thèse. Est-ce que tous ces niveaux ne s'additionnent pas pour
25 écrire un certain degré de doute, jusqu'au point que vous n'ayez pas la
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1 possibilité, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, d'être
2 absolument certains qu'il y ai eu ces événements en ce qui concerne l'école
3 de musique.
4 Enfin, il y a également le procès en cours contre M. Isic. On a
5 jusqu'à maintenant exercé de poursuite contre personne pour ce qui est de
6 ce groupe de personnes que j'ai mentionnées et qui étaient intimement liées
7 à l'école de musique. Il est la personne qui a été désignée, et vous pouvez
8 penser peut-être que le fait qu'il ait puni après l'événement, ceci est
9 important, et que cette personne qui est la personne la plus responsable de
10 ce qui s'est passé est, en fait, traduite en justice. Ceci devrait tout au
11 moins servir, tout au moins à constituer des éléments contraignants pour ce
12 qui serait de prendre en considération des circonstances atténuantes en ce
13 qui concerne ce chef d'accusation, en particulier.
14 Pour finir, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'en
15 viens maintenant à Ovnak. Vous avez entendu les dépositions faites par des
16 témoins de la 7e Brigade sur ce qui s'est passé à Ovnak. Il n'y a pas de
17 preuve devant vous qui permet de dire que les membres de la 7e Brigade
18 aient participé à des opérations en dehors du col montagneux dans le
19 secteur d'Ovnak. Ceci jusqu'à l'élévation, la hauteur de Strmac.
20 Vous avez entendu des dépositions directement sur la manière dont les
21 personnes qui se trouvaient au niveau le moins élevé jusqu'au niveau le
22 plus élevé du commandement du bataillon. Vous avez entendu d'une façon
23 détaillée comment ils se sont mis en route, comment ils ont participé à
24 cette opération particulière, et le fait qu'ils ne sont allés dans aucune
25 autre ville que j'ai mentionnée; Grahovici, Barakovici, et Susanj. Il n'y a
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1 aucune preuve que l'un quelconque d'entre eux y soit allé. Vous savez
2 également comment ils se sont retirés immédiatement, une fois que
3 l'opération avait été achevée, réalisée. Vous avez entendu qu'ils ont été
4 immédiatement envoyés pour remplir une autre opération dans la région de
5 Kakanj. Ces documents-là encore confirment cela. Ce ne sont pas seulement
6 les témoins, mais les ordres donnés, les rapports et les journaux de
7 guerre.
8 Là encore, nous disons que les éléments du puzzle s'adaptent bien en
9 ce qui concerne les thèses qu'a présentées la Défense.
10 Il n'y a aucun élément de preuve qui permet de dire avec certitude
11 qui était individuellement des auteurs, qu'ils aient individuellement
12 appartenu à la 7e Brigade, compte tenu du fait que ceci était une opération
13 impliquant plusieurs brigades. Rien n'indique qu'ils aient participé soit à
14 des pillages, soit à des destructions.
15 Quant à ce qui s'est passé à Vares, il y a bien des éléments selon
16 lesquels il y a eu pillage pendant une période plus longue. A Ovnak, la
17 situation était la même et nous avons vu des images de maisons détruites,
18 mais rien n'a prouvé, nous le disons, que ceci se soit passé le 8 juin,
19 parce que cela aurait été le cadre temporel pour lequel l'Accusation aurait
20 dû le démontrer, parce qu'après cela la 7e Brigade était partie. Donc,
21 l'Accusation n'a pas contesté cet élément. Il aurait fallu que ce soit au
22 cours de cette période de temps limité que de telle destruction ou pillage
23 ait eu lieu. Après cela, ces personnes ne pouvaient plus être des
24 subordonnés de
25 M. Kubura.
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1 Là encore, en ce qui concerne Ovnak, ceci se ramène à un problème qui
2 a toujours troublé l'Accusation en l'espèce : Qui sont les auteurs de ces
3 actes ? Nous n'avons pas besoin de noms, mais il faut qu'ils nous
4 démontrent qu'ils étaient les subordonnés de
5 M. Kubura, qu'ils étaient sous ses ordres.
6 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je souhaiterais
7 maintenant aborder nos conclusions. J'ai un peu plus tôt fait état de
8 l'étude du comité international de la Croix Rouge sur le droit
9 international coutumier. Ils ont, en fait, établi toute une série de Règles
10 qu'ils considèrent comme faisant partie du droit coutumier compte tenu de
11 la pratique des états et de la communauté internationale. La Règle 153 est
12 la Règle qui régit la relation entre le commandant et le subordonné. Il
13 s'agit de la Règle en matière de responsabilité et de commandement qui
14 correspond d'ailleurs à la disposition du Statut du TPI et de la CPI.
15 La relation entre le commandant et les subordonnés est traitée dans
16 cette Règle, et le comité international de la Croix Rouge stipule ce qui
17 suit : "La relation entre le commandant et le subordonné ne doit pas
18 forcément être une relation directe, une relation de jure. Les tribunaux
19 internationaux ont identifié le véritable contrôle effectif des actions des
20 subordonnés en lui donnant le sens de la capacité matérielle à prévenir et
21 à punir la commission des crimes. Ils considèrent qu'il s'agit là des
22 critères essentiels."
23 Donc, il s'agit du contrôle véritable et effectif des actions des
24 subordonnés. Je pense qu'il s'agit, en fait, de la pierre angulaire de ce
25 procès.
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1 J'irais même un peu plus loin. Je dirais qu'il s'agit du véritable
2 contrôle sur les auteurs identifiés des infractions lorsque vous prenez
3 cela dans le contexte d'un procès en pénal.
4 La Défense accepte qu'il soit difficile de prouver qu'il y a eu
5 véritables contrôles effectifs et la Défense accepte également que des
6 éléments de preuve indirects devront être invoqués dans cette affaire et
7 dans d'autres affaires portées devant le Tribunal international. Toutefois,
8 nous pensons que l'Article 7(3) ne doit pas être un article qui nous permet
9 de diminuer le critère de la preuve. Même si l'accusé n'a pas lui-même
10 directement commis le crime, comme cela est allégué, le crime de meurtre,
11 il n'en reste pas moins que le chef d'inculpation est un chef de meurtre, à
12 savoir, une infraction extrêmement grave. Ce que nous indiquons est comme
13 suit : à partir des éléments de preuve dont vous disposez, il faut que ce
14 soit des éléments de preuve très clairs, ce qui vous permettra de dégager
15 des conclusions très, très claires. En un sens, nous pouvons véritablement
16 être fiers des critères extrêmement élevés du droit pénal international qui
17 ont été fondés dans le procès de Nuremberg où il y a justement eu des
18 acquittements qui ont été prononcés sur la base de ce même principe, et
19 également ici au TPI.
20 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, nous voulons tout
21 simplement dire de façon très simple qu'il n'y a pas véritablement
22 d'éléments de preuve qui ont été avancés contre
23 M. Kubura. Cette affaire n'existe pas. Les éléments de preuve n'ont pas été
24 présentés. Ils n'ont pas été prouvés au-delà de tout doute raisonnable.
25 Toutefois, l'Accusation a essayé de faire en sorte d'utiliser de façon
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1 aussi élastique que possible les éléments de preuve, mais lorsque vous
2 regardez cela de façon détaillée, vous vous rendez compte ce qui se trouve
3 derrière les allégations, à savoir, rien. C'est pour cela que nous vous
4 demandons de faire en sorte que M. Kubura puisse sortir d'ici en tant
5 qu'homme libre.
6 Je vous remercie, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Avant de passer à la conclusion au terme de
8 l'Article 87 du Règlement, je vais demander à M. le Greffier de passer à
9 huis clos partiel, s'il vous plaît.
10 M. LE GREFFIER : Nous sommes en audience à huis clos partiel,
11 Monsieur le Président.
12 [Audience à huis clos partiel]
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18 [Audience publique]
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En audience publique, la Chambre constate que
20 la procédure prévue à l'Article 87 vient de s'achever. L'Accusation a fait
21 son réquisitoire et les Défenseurs ont fait également leurs plaidoiries, de
22 ce fait, conformément à l'Article 87, je vais dans quelques instants
23 déclarer les débats clos et indiquer que la Chambre se retirera pour
24 délibérer.
25 Avant cela, je tiens à remercier toutes les personnes présentes qui nous
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1 ont assistés pendant ce procès. Je remercie particulièrement Monsieur le
2 Greffier, qui a œuvré beaucoup afin que nous ayons les pièces revêtues de
3 numéros pour l'admissibilité, donc des pièces, et également pour tout le
4 concours qu'il nous a apporté notamment lors des incidents techniques qui
5 ont été assez nombreux.
6 Je remercie également, Madame l'Huissière, et tous ses collègues qui ont
7 aidé l'introduction des témoins et qui nous ont également assistés.
8 Je ne serais oublié également tous les assistants des avocats des
9 parties, qui, par leur concours technique ont également facilité la tâche
10 tant de l'Accusation que des Défenseurs lors de la présentation des
11 documents.
12 Je ne serais également oublié les interprètes qui ont effectué au
13 mieux leur travail dans la traduction en trois langues de tout ce qui a été
14 dit lors de cette audience.
15 Dans ces conditions, conformément aux Règlements, je déclare les
16 débats clos. La Chambre se retirera pour délibérer. Vous serez avisé de la
17 date à laquelle sera rendu le jugement, et nous nous retrouvons lors de
18 l'audience qui sera consacrée au jugement. Je vous remercie.
19 --- L'audience est levée à 13 heures 51, sine die.
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