Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 22 avril 2008

  2   [Jugement en appel]

  3   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  4   [Audience publique]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Madame la Greffière d'audience, je vous invite à citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges. Affaire IT-01-47-A, le Procureur contre Enver

 10   Hadzihasanovic et Amir Kubura.

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. 

 12   Puis-je m'adresser à MM. Hadzihasanovic et Kubura. Est-ce que vous

 13   entendez et comprenez l'interprétation ?

 14   L'APPELANT HADZIHASANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le

 15   Président. J'entends et je comprends bien l'interprétation.

 16   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 17   L'APPELANT KUBURA : [interprétation] J'entends et je comprends

 18   l'interprétation.

 19   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. A présent, les

 20   parties peuvent-elles se présenter, s'il vous plaît. Tout d'abord, la

 21   Défense de M. Hadzihasanovic.

 22   Mme RESIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 23   les Juges. Le général Enver Hadzihasanovic est représenté par Edina

 24   Residovic, conseil, Stéphane Bourgon, co-conseil, Muriel Kova [phon], et

 25   Vedvana Residovic [phon], assistante juridique. Je vous remercie.

 26   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 27   Pour M. Kubura, à présent.

 28   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

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  1   les Juges. Je suis Fahrudin Ibrisimovic. Je représente ici M. Kubura. M.

  2   Rodney Dixon m'accompagne, et également notre conseil juridique, M. Mulanic

  3   [phon]. Je vous remercie.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. L'Accusation à présent, s'il

  5   vous plaît.

  6   M. KREMER : [interprétation] Peter Kremer, pour l'Accusation, avec Xavier

  7   Tracol et Mme Barbara Goy; ainsi que Sebastiaan van Hooydonk, notre commis

  8   à l'affaire. Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

 10   Comme nous l'avons entendu de la bouche de la Greffière d'audience, nous

 11   sommes réunis ici dans une audience dans l'affaire le Procureur contre

 12   Enver Hadzihasanovic et Amir Kubura. Conformément à l'ordonnance portant au

 13   calendrier qui a été délivrée le 11 avril 2008, la Chambre d'appel rendra

 14   son jugement. 

 15   La présente affaire concerne certains faits survenus en Bosnie

 16   centrale en 1993, notamment dans les municipalités de Bugojno, Vares et

 17   Zenica. Durant la période couverte par l'acte d'accusation, l'appelant

 18   Hadzihasanovic était à la tête du 3e Corps d'armée de l'ABiH, et l'appelant

 19   Amir Kubura en commandait la 7e Brigade musulmane de Montagne.

 20   Le 15 mars 2006, la Chambre de première instance a déclaré Enver

 21   Hadzihasanovic coupable sur la base des articles 3 et 7(3) du Statut,

 22   d'avoir manqué à l'obligation qui lui incombait en tant que supérieur

 23   hiérarchique d'empêcher ses subordonnées de commettre les crimes suivants

 24   ou de les en punir : le meurtre de Mladen Havranek au magasin de meubles

 25   Slavonija dans la municipalité de Bugojno, le meurtre de Dragan Popovic au

 26   camp d'Orasac, et les traitements cruels infligés à l'école de musique de

 27   Zenica, au camp d'Orasac et dans plusieurs centres de détention à Bugojno.

 28   Elle a acquitté Hadzihasanovic de tous les autres chefs d'accusation

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  1   retenus contre lui. Kubura a été déclaré coupable sur la base des articles

  2   3 et 7(3) du Statut, d'avoir manqué à l'obligation qui incombait en tant

  3   que supérieur hiérarchique d'empêcher ses subordonnées de commettre des

  4   pillages dans la région d'Ovnak et à Vares. Il a été acquitté de tous les

  5   autres chefs d'accusation qui lui étaient reprochés.

  6   Hadzihasanovic a été condamné à une peine de cinq ans

  7   d'emprisonnement, et Kubura à une peine de deux ans et six mois

  8   d'emprisonnement. Hadzihasanovic a fait appel du jugement le 18 avril 2006,

  9   en vue d'obtenir l'annulation des déclarations de culpabilité prononcées à

 10   son encontre. Kubura a interjeté appel du jugement le 13 avril 2006,

 11   contestant à la fois la déclaration de culpabilité prononcée à son encontre

 12   et la peine imposée.

 13   L'Accusation a fait appel de la peine infligée à Hadzihasanovic, mais

 14   n'a pas demandé l'annulation des déclarations d'acquittement prononcées en

 15   sa faveur. Elle a également interjeté appel de l'acquittement Kubura pour

 16   les destructions sans motifs commises dans la ville de Vares en novembre

 17   1993 reprochées au chef 5 et de la peine qui lui a été infligée. La Chambre

 18   d'appel a entendu les exposés des parties lors du procès en appel qui a eu

 19   lieu les 4 et 5 décembre 2007.

 20   Conformément à l'usage du Tribunal international, je ne donnerai pas

 21   lecture du texte de l'arrêt, à l'exception de son dispositif. Je résumerai

 22   les questions soulevées dans le cadre de l'appel ainsi que les conclusions

 23   de la Chambre d'appel. Je tiens à souligner que le résumé qui suit ne fait

 24   pas partie de l'arrêt. Seul fait autorité l'exposé des conclusions et

 25   motifs de la Chambre d'appel que l'on trouve dans le texte écrit de l'arrêt

 26   dont les copies seront mises à la disposition des parties à l'issue de

 27   l'audience.

 28   Je vais maintenant me pencher sur les moyens d'appel des parties. Je

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  1   vais à présent passer en revue les moyens d'appel, et je commencerai par

  2   les arguments avancés par Enver Hadzihasanovic concernant la violation

  3   présumée de son droit à un procès équitable. J'aborderai ensuite ceux

  4   soulevés par les parties concernant la responsabilité pénale de

  5   Hadzihasanovic et de Kubura en tant que supérieurs hiérarchiques. Et pour

  6   finir, je me pencherai sur les moyens d'appel soulevés par les parties

  7   s'agissant des peines imposées aux appelants.

  8   Dans ses premier, deuxième, troisième et sixième moyens d'appel,

  9   Hadzihasanovic soutient que la Chambre de première instance a commis de

 10   nombreuses erreurs, violant ainsi le droit à un procès équitable qui lui

 11   est garanti par l'article 21 du Statut. Pour les motifs exposés dans

 12   l'arrêt, la Chambre d'appel considère que Hadzihasanovic n'a pas démontré

 13   que la Chambre de première instance avait commis une erreur de droit ou de

 14   fait, ni que son droit à un procès équitable avait été violé.

 15   Je vais à présent me pencher sur la responsabilité pénale

 16   individuelle retenue contre Hadzihasanovic en tant que supérieur. Dans son

 17   troisième moyen d'appel, Hadzihasanovic avance que la Chambre de première

 18   instance avait tort de conclure qu'il n'avait pas pris les mesures

 19   nécessaires pour punir les responsables du meurtre de Mladen Havranek, et

 20   des mauvais traitements infligés aux six détenus du magasin de meubles

 21   Slavonija le 5 août 1993, et pour empêcher que des crimes similaires ne

 22   soient commis dans d'autres centres de détention à Bugojno.

 23   La Chambre d'appel s'accorde avec la Chambre de première instance

 24   pour estimer que les éléments de preuve dont cette dernière disposait

 25   suffisaient à conclure que six auteurs des crimes commis le 5 août 1993 au

 26   magasin de meubles Slavonija avaient bien été tenus responsables de

 27   manquement à la discipline militaire par l'organe disciplinaire militaire

 28   de Bugojno, aucune plainte au pénal n'avait été déposée auprès du bureau du

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  1   procureur militaire de district.

  2   La Chambre d'appel est également d'accord avec la Chambre de première

  3   instance pour dire que, compte tenu de la gravité des crimes commis, à

  4   savoir le meurtre et les traitements cruels, Hadzihasanovic ne pouvait se

  5   contenter, à titre de mesure punitive, une sanction disciplinaire

  6   consistant en une mise en détention n'excédant pas 60 jours.

  7   La Chambre d'appel estime, toutefois, qu'aucun juge du fait n'aurait pu

  8   légitimement conclure au-delà de tout doute raisonnable que le 3e Corps

  9   d'armée n'avait pas ouvert d'enquête ni intenté d'actions au pénal contre

 10   les auteurs des crimes de meurtre et traitements cruels puisqu'il n'avait

 11   pas déposé de plainte auprès du procureur de Bugojno.

 12   Le rapport établi le 20 août 1993 par le chef de la police civile de

 13   Bugojno au sujet de crimes de guerre qui auraient été commis contre des

 14   Croates, qui indique que le procureur municipal a rencontré des

 15   observateurs de la Communauté européenne pour s'entretenir desdits crimes,

 16   dont le meurtre de Mladen Havranek, fait en effet naître un doute

 17   raisonnable quant à la question de savoir si la 307e Brigade subordonnée au

 18   3e Corps d'armée dirigé par Hadzihasanovic a ou non déposé une plainte au

 19   pénal auprès du procureur municipal de Bugojno concernant les crimes commis

 20   le 5 août 1993 au magasin de meubles Slavonija.

 21   La Chambre d'appel rappelle qu'un supérieur n'est pas tenu de punir lui-

 22   même ses subordonnés et peut s'acquitter de son obligation disciplinaire en

 23   signalant leurs crimes aux autorités compétentes. En l'espèce, la Chambre

 24   d'appel estime que le fait d'avoir porté les crimes commis le 5 août 1993

 25   au magasin de meubles Slavonija à l'attention du procureur municipal de

 26   Bugojno et les sanctions imposées par l'organe disciplinaire militaire

 27   constituaient des mesures nécessaires et raisonnables pour punir les

 28   auteurs des faits.

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  1   Pour les motifs exposés dans l'arrêt, la Chambre d'appel annule la

  2   déclaration de culpabilité prononcée contre Hadzihasanovic pour n'avoir pas

  3   pris les mesures nécessaires en vue de punir les responsables du meurtre de

  4   Mladen Havranek et des traitements cruels infligés aux six détenus du

  5   magasin de meubles Slavonija le 5 août 1993.

  6   Dans son troisième moyen d'appel, Hadzihasanovic soutient également que la

  7   Chambre de première instance a eu tort de conclure qu'il avait des raisons

  8   de savoir que des mauvais traitements étaient infligés dans les centres de

  9   détention de Bugojno à partir du 18 août 1993.

 10   Pour parvenir à cette conclusion, la Chambre de première instance s'est

 11   principalement appuyée sur la conclusion selon laquelle Hadzihasanovic

 12   n'avait pas pris les mesures nécessaires pour punir les auteurs des crimes

 13   commis le 5 août 1993. La Chambre d'appel a toutefois estimé que ceci a été

 14   erroné.

 15   Etant donné qu'aucune des autres conclusions de la Chambre de première

 16   instance, qu'elles soient prises ensemble ou individuellement, ne suffit à

 17   étayer celle selon laquelle Hadzihasanovic avait des raisons de savoir que

 18   des traitements cruels étaient infligés dans les centres de détention de

 19   Bugojno à partir du 18 août 1993, la Chambre d'appel estime qu'aucun juge

 20   du fait n'aurait pu raisonnablement conclure, sur la base des preuves

 21   disponibles, que Enver Hadzihasanovic avait la connaissance requise par

 22   l'article 7(3) du Statut pour engager sa responsabilité d'empêcher ou de

 23   punir de tels actes.

 24   Pour les motifs exposés dans l'arrêt, la Chambre d'appel annule la

 25   déclaration de culpabilité prononcée contre Hadzihasanovic pour n'avoir pas

 26   pris les mesures nécessaires pour empêcher ou punir les mauvais traitements

 27   infligés dans les centres de détention de Bugojno à partir du 18 août 1993.

 28   Dans son quatrième moyen d'appel concernant les traitements cruels infligés

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  1   à l'école de musique de Zenica entre mai et septembre 1993, Hadzihasanovic

  2   avance que la Chambre de première instance s'est trompée lorsqu'elle a

  3   conclu qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour

  4   empêcher ces crimes et en punir les auteurs.

  5   Premièrement, Hadzihasanovic soutient que la Chambre de première instance

  6   n'a pas dûment tenu compte des témoignages de Dzemal Merdan, son adjoint,

  7   et du Témoin HF, un officier de haut rang du commandement du 3e Corps

  8   d'armée, qui ont déclaré que le 3e Corps d'armée avait pris des mesures

  9   pour enquêter sur les allégations de traitements cruels infligés à l'école

 10   de musique de Zenica. La Chambre d'appel fait observer que la Chambre de

 11   première instance a bel et bien tenu compte, mais a décidé, après avoir

 12   examiné les éléments de preuve dans leur ensemble, d'accorder davantage de

 13   poids à d'autres témoignages.

 14   La Chambre de première instance a en effet conclu, sur la base de

 15   nombreux témoignages d'anciens détenus de l'école de musique de Zenica, que

 16   dix à 30 personnes étaient régulièrement emprisonnées dans le sous-sol du

 17   bâtiment entre le 18 avril 1993 et le 20 août 1993. En outre, la Chambre de

 18   première instance a estimé que Hadzihasanovic avait reçu des informations

 19   alarmantes provenant d'autres sources qui indiquaient qu'il y avait lieu

 20   d'enquêter plus avant sur les allégations de mauvais traitements. Pourtant,

 21   la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle

 22   Hadzihasanovic aurait pu savoir qui était responsable des violences

 23   commises s'il avait ouvert une enquête sur ces allégations ne repose pas

 24   uniquement sur la véracité des propos tenus par les témoins Dzemal Merdan

 25   et HF.

 26   Deuxièmement, Enver Hadzihasanovic avance que la Chambre de première

 27   instance n'a pas dûment tenu compte des éléments de preuve selon lesquels

 28   certains membres de la 7e Brigade lui ont caché que des personnes ont été

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  1   arrêtées puis placées en détention à l'école de musique où elles auraient

  2   subi de mauvais traitements. La Chambre d'appel fait observer que la

  3   Chambre de première instance a souligné que les soldats présents à l'école

  4   avaient effectivement l'intention de dissimuler les mauvais traitements

  5   infligés, mais a jugé que cela n'avait aucun effet sur la responsabilité

  6   pénale de Hadzihasanovic. Elle a en effet conclu que ce dernier, ayant été

  7   informé des agissements de ses subordonnés par des sources extérieures, les

  8   tentatives de dissimulation de la part des membres de la 7e Brigade

  9   n'avaient guère d'importance.

 10   Troisièmement, Hadzihasanovic soutient que s'agissant de l'école de musique

 11   de Zenica, il a pris les mesures nécessaires et raisonnables. La Chambre de

 12   première instance a apprécié ses arguments selon lesquels il avait pris des

 13   mesures préventives pour veiller à ce que la population civile et les

 14   prisonniers de guerre soient traités conformément aux normes du droit

 15   international humanitaire et fait le nécessaire pour vérifier les

 16   allégations de mauvais traitements. Elle a néanmoins conclu qu'il ne

 17   s'était pas véritablement efforcé d'ouvrir une enquête appropriée à ce

 18   sujet alors que cela lui aurait permis de découvrir les identités des

 19   responsables des violences.

 20   Pour les raisons exposées dans l'arrêt, la Chambre d'appel estime que

 21   Hadzihasanovic n'a pas démontré qu'aucun juge du fait n'a pu

 22   raisonnablement conclure, au vu des éléments de preuve, qu'il n'avait pas

 23   pris les mesures nécessaires et raisonnables pour punir les auteurs des

 24   traitements cruels infligés à l'école de musique de Zenica et empêcher que

 25   de tels actes ne se reproduisent.

 26   Je vais à présent aborder les arguments avancés par Hadzihasanovic à

 27   l'appui de son cinquième moyen d'appel, s'agissant du meurtre et des

 28   traitements cruels à Orasac en octobre 1993.

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  1   Hadzihasanovic avance que la Chambre de première instance a eu tort

  2   de conclure qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires et raisonnables

  3   pour empêcher les membres du Détachement El Moudjahidine présents au camp

  4   d'Orasac de tuer Dragan Popovic et d'infliger des traitements cruels à cinq

  5   civils enlevés le 19 octobre 1993.

  6   Il soutient que la Chambre de première instance a commis une erreur

  7   en concluant qu'il avait autorité de jure en exerçant un contrôle effectif

  8   sur ce détachement. L'autorité de jure n'étant qu'un élément parmi d'autres

  9   permettant d'établir le contrôle effectif, et la question pouvant être

 10   tranchée sur la seule base de ce dernier, la Chambre d'appel refuse

 11   d'examiner si Hadzihasanovic avait autorité de jure sur le Détachement El

 12   Moudjahidine.

 13   La Chambre de première instance a conclu sur la base des éléments de

 14   preuve qui lui ont été présentés que Hadzihasanovic exerçait un contrôle

 15   effectif sur ce détachement, en effet, ces éléments démontraient selon elle

 16   qu'il avait été satisfait aux trois indices permettant de déterminer

 17   l'existence d'un contrôle effectif; à savoir le pouvoir de donner des

 18   ordres au détachement et de les faire exécuter, la conduite d'opérations de

 19   combat impliquant le détachement et l'absence de tout autre autorité sur

 20   celui-ci.

 21   En premier lieu, la Chambre d'appel reconnaît que le pouvoir de

 22   donner des ordres et de les faire exécuter constitue un tel indice. En

 23   l'espèce, la Chambre de première instance a estimé que certains ordres de

 24   resubordination supposaient, à divers degrés, l'existence d'un contrôle

 25   effectif. Cependant, pour les motifs exposés dans l'arrêt, la Chambre

 26   d'appel conclut que ces ordres individuellement ou collectivement ne

 27   suffisent pas à prouver l'existence d'un tel contrôle.

 28   En deuxième lieu, la Chambre d'appel estime que même si les

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  1   conclusions sur lesquelles la Chambre de première instance s'est fondée

  2   confirment que le Détachement El Moudjahidine a pris part à plusieurs

  3   opérations de combat menées en septembre et octobre 1993, dans le cadre

  4   établi par le groupement opérationnel Bosanska Krajina et le 3e Corps

  5   d'armée, ces conclusions ne suffisent pas nécessairement à étayer la

  6   conclusion que Hadzihasanovic exerçait un contrôle effectif sur les membres

  7   du Détachement El Moudjahidine au sens qu'il avait la capacité matérielle

  8   de les empêcher de commettre des crimes ou de les punir, le cas échéant.

  9   Il est à noter que plusieurs conclusions de la Chambre de première

 10   instance démontrent que le Détachement El Moudjahidine maintenait sur

 11   diverses questions un degré d'indépendance considérable à l'égard des

 12   unités aux côtés desquelles ils combattaient, ce qui contredit la

 13   conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle le Détachement

 14   El Moudjahidine était placé sous le contrôle effectif du 3e Corps d'armée.

 15   La Chambre de première instance a conclu, par exemple, que les membres du

 16   détachement tenaient à préserver leur indépendance et qu'ils s'arrogeaient

 17   le droit de décider s'ils participaient ou non à une opération de combat.

 18   En conséquence, bien que ces conclusions de la Chambre de première instance

 19   indiquent que le 3e Corps d'armée et le Détachement El Moudjahidine

 20   collaboraient, elles ne suffisent pas à établir qu'il exerçait un contrôle

 21   effectif sur l'autre.

 22   En troisième lieu, en ce qui concerne la question de l'absence de

 23   tout autre autorité sur le Détachement El Moudjahidine, la Chambre d'appel

 24   considère que certaines des conclusions de la Chambre de première instance

 25   donnent à penser que le détachement subissait davantage l'influence exercée

 26   par le cercle des religieux musulmans que celle du 3e Corps d'armée.

 27   Cependant, la Chambre d'appel doute de la pertinence du critère dégagé par

 28   la Chambre de première instance pour déterminer l'existence d'un contrôle

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  1   effectif. On ne peut en procédant par élimination déterminer que

  2   Hadzihasanovic exerçait un contrôle effectif sur le détachement. L'absence

  3   de tout autre autorité sur ce dernier ne permet nullement de parvenir à une

  4   telle conclusion.

  5   Enfin, je vais maintenant aborder l'argument avancé par

  6   Hadzihasanovic selon lequel il ne pouvait avoir exercé un contrôle effectif

  7   sur le Détachement El Moudjahidine puisque seul l'usage de la force a

  8   permis au 3e Corps d'armée d'obtenir la libération des civils enlevés le 19

  9   octobre 1993.

 10   La Chambre d'appel estime que l'opération militaire que le 3e Corps

 11   d'armée devait mener, selon la Chambre de première instance, pour délivrer

 12   ces otages, était comparable à celle que nécessiterait la délivrance

 13   d'otages retenus par une force ennemie plutôt que par une force placée sous

 14   un contrôle effectif. Qu'il ait été ou non matériellement possible, voir

 15   souhaitable, d'utiliser la force pour sauver la vie des otages, il ressort

 16   des faits de l'espèce qu'il n'y avait pas de liens de subordination entre

 17   le Détachement El Moudjahidine et le 3e Corps d'armée. Le lien qui existait

 18   entre ces deux entités était plutôt empreint d'une hostilité à peine

 19   dissimulée, la seule façon pour le 3e Corps d'armée de contrôler le

 20   Détachement El Moudjahidine étant de l'attaquer comme s'il s'était agi

 21   d'une force ennemie. Or, un tel scénario va à l'encontre de la prémisse de

 22   la Chambre de première instance selon laquelle le Détachement El

 23   Moudjahidine était subordonné au 3e Corps d'armée. Cette conclusion permet

 24   de confirmer une fois de plus que Enver Hadzihasanovic n'exerçait pas un

 25   contrôle effectif sur ce détachement.

 26   Pour les motifs exposés dans l'arrêt, la Chambre d'appel considère

 27   qu'aucun juge du fait n'aurait pu légitimement conclure qu'il a été établi

 28   hors de tout doute raisonnable que Hadzihasanovic exerçait un contrôle

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  1   effectif sur le Détachement El Moudjahidine durant la période allant du 13

  2   août au 1er novembre 1993. Elle annule donc la déclaration de culpabilité

  3   prononcée à l'encontre de Hadzihasanovic pour avoir omis d'empêcher les

  4   traitements cruels infligés entre le 19 et le 31 octobre 1993, et le

  5   meurtre de Dragan Popovic.

  6   Je vais à présent aborder la question de la responsabilité pénale

  7   individuelle de Kubura en tant que supérieur hiérarchique.

  8   Dans son premier moyen d'appel, Kubura soutient que la Chambre de

  9   première instance a eu tort de conclure qu'il avait omis de prendre les

 10   mesures nécessaires et raisonnables pour sanctionner les actes de pillages

 11   commis en juin 1993 dans la région d'Ovnak. Il avance également que la

 12   Chambre de première instance a commis une erreur en concluant que les

 13   membres de la 7e Brigade y avaient pris part et/ou qu'il savait que

 14   certains de ses subordonnés étaient impliqués.

 15   En premier lieu, la Chambre d'appel note que la Chambre de première

 16   instance s'est penchée sur la thèse de Kubura selon laquelle des membres de

 17   la 7e Brigade n'avaient pu commettre les actes de pillage en cause car le 8

 18   juin 1993 ils avaient déjà quitté la région d'Ovnak, mais qu'après avoir

 19   examiné les éléments de preuve, elle est parvenue à une conclusion

 20   différente. A l'instar de Kubura, la Chambre de première instance a

 21   effectivement constaté que les membres de la 7e Brigade n'étaient pas

 22   entrés dans les villages où les pillages ont été commis et qu'ils avaient

 23   quitté le secteur le 9 juin 1993, mais elle a aussi constaté que, suite aux

 24   opérations de combat, des membres des unités de police militaire de la 7e

 25   Brigade étaient arrivés dans la région d'Ovnak et qu'ils l'avaient

 26   systématiquement pillée dès le 9 juin 1993 avant leur départ.

 27   La Chambre d'appel considère que Kubura n'a pas établi qu'au vu des

 28   éléments de preuve, aucun juge du fait n'aurait pu raisonnablement conclure

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  1   que des membres de la 7e Brigade avaient commis des actes de pillage en

  2   juin 1993 dans la région d'Ovnak.

  3   En deuxième lieu, s'agissant de l'argument avancé par Kubura selon lequel

  4   la Chambre de première instance s'est fondée sur la déposition d'un seul

  5   témoin pour conclure qu'il avait connaissance des pillages commis dans la

  6   région d'Ovnak le 9 juin 1993, la Chambre d'appel juge qu'il a négligé de

  7   tenir compte des éléments de preuve supplémentaires sur laquelle la Chambre

  8   de première instance s'est appuyée pour tirer ses conclusions. En outre, la

  9   Chambre de première instance a noté que Kubura avait reçu des ordres

 10   l'alertant des pillages commis dans la région d'Ovnak en général, et qu'il

 11   y avait donné suite.

 12   De plus, la Chambre de première instance a conclu que Kubura avait

 13   remis au commandement du 3e Corps d'armée le 20 juin 1993 un rapport

 14   confirmant que les membres de la 7e Brigade avait suivi une procédure

 15   réglementée concernant le butin de guerre. La Chambre d'appel estime que

 16   Kubura n'a pas démontré, qu'au vu des éléments de preuve, aucun juge du

 17   fait n'aurait pu raisonnablement conclure qu'il savait que ses subordonnés

 18   commettaient des actes de pillage en juin 1993 dans la région d'Ovnak.

 19   Compte tenu de ce qui précède, la Chambre d'appel confirme les déclarations

 20   de culpabilité prononcées à l'encontre de Kubura pour avoir omis de prendre

 21   les mesures nécessaires et raisonnables pour punir ceux de ses subordonnés

 22   qui ont commis des actes de pillage en juin 1993 dans la région d'Ovnak.

 23   Dans son deuxième moyen d'appel, Kubura soutient que la Chambre de première

 24   instance a eu tort de le déclarer coupable d'avoir omis de prendre les

 25   mesures nécessaires et raisonnables pour prévenir les actes de pillage

 26   commis en novembre 1993 à Vares, ou pour en punir les auteurs. Il avance

 27   que la Chambre de première instance a commis une erreur en concluant que

 28   des membres de la 7e Brigade avaient pris part à ces actes en novembre 1993

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  1   et/ou qu'il savait ou avait des raisons de savoir que ces actes étaient

  2   commis.

  3   En premier lieu, en ce qui concerne la participation de membres de la 7e

  4   Brigade à ces actes, la Chambre d'appel estime que les documents sur

  5   lesquels la Chambre de première instance s'est fondée pour conclure que des

  6   subordonnés d'Amir Kubura avaient commis des actes de pillage à Vares

  7   renvoient expressément à cette participation. La Chambre d'appel conclut

  8   que Kubura n'a pas démontré qu'au vu des éléments de preuve, aucun juge du

  9   fait n'aurait pu raisonnablement conclure que des membres de la 7e Brigade

 10   avaient commis des actes de pillage à Vares en novembre 1993.

 11   En deuxième lieu, en ce qui concerne la question de savoir s'il incombait à

 12   Kubura d'empêcher que des actes de pillage soient commis à Vares, parce

 13   qu'ils savaient que ses subordonnés s'étaient déjà livrés à de tels actes,

 14   la Chambre d'appel note que le raisonnement de la Chambre de première

 15   instance portait principalement sur l'omission de ce dernier de sanctionner

 16   les actes de pillage commis environ cinq mois auparavant par ses

 17   subordonnés dans la région d'Ovnak. Bien qu'il ressort de certains passages

 18   du jugement que la Chambre de première instance a pris en considération des

 19   éléments autres que l'omission antérieure de Kubura de sanctionner des

 20   actes de pillage pour déterminer s'il avait des raisons de savoir que

 21   certains de ses subordonnés commettraient de tels actes le 4 novembre 1993

 22   à Vares, le jugement manque pour le moins de clarté pour ce qui est de

 23   savoir si la Chambre de première instance a tenu compte des circonstances

 24   de l'espèce, et dans l'affirmative, dans quelle mesure elle l'a fait avant

 25   de déterminer que Kubura disposait de suffisamment d'informations pour

 26   avoir des raisons de savoir que certains de ses subordonnés commettraient

 27   des pillages à Vares, et que pourtant, il lui incombait l'obligation de

 28   prévenir de tels actes.

Page 212

  1   La Chambre d'appel considère qu'il est très significatif que la

  2   Chambre de première instance a conclu, sans tenir compte des mesures prises

  3   par Amir Kubura pour mettre un terme aux pillages de Vares une fois qu'il

  4   en avait été alerté, que sa responsabilité pénale était engagée du fait

  5   qu'il avait omis de prévenir les actes de pillage en cause sur la seule

  6   base de son omission antérieure de sanctionner de tels actes commis par ses

  7   subordonnés dans la région d'Ovnak. Une telle conclusion implique que,

  8   selon la Chambre de première instance, le fait qu'Amir Kubura savait que

  9   ses subordonnés s'étaient déjà livrés à des actes de pillage dans la région

 10   d'Ovnak et qu'il n'avait pas sanctionné ces actes, signifiait

 11   automatiquement qu'il avait des raisons de savoir qu'ils pilleraient Vares.

 12   Selon la Chambre d'appel, il s'agit là d'une erreur de droit.

 13   Appréciant les éléments de preuve du dossier à la lumière du critère

 14   juridique qui convient, la Chambre d'appel reconnaît que le fait qu'Amir

 15   Kubura savait que ses subordonnés s'étaient déjà livrés à des actes de

 16   pillage et qu'il n'avait pas sanctionné ces actes pouvait être interprété

 17   par ces derniers comme un acquiescement, voire un encouragement, qui

 18   accroissait le risque qu'ils commettent de nouveau de tels actes, comme

 19   cela s'est produit à Vares. La Chambre d'appel note cependant que quelque

 20   cinq mois et 40 kilomètres séparaient les actes de pillage commis par les

 21   subordonnés de Kubura le 9 juin 1993 dans la région d'Ovnak et ceux

 22   auxquels ils se sont livrés le 4 novembre 1993 à Vares.

 23   Certes, le pillage avait été répandu à chacune de ces occasions, mais

 24   rien n'a permis de conclure que les subordonnés de Kubura s'étaient souvent

 25   livrés à des actes de pillage alors qu'ils étaient placés sous le

 26   commandement de ce dernier. La Chambre d'appel rappelle que la Chambre de

 27   première instance n'a pas conclu que Kubura disposait, avant le pillage de

 28   Vares par ses subordonnés, d'informations autres que celles qu'elle a

Page 213

  1   déduit qu'il avait en raison de son omission antérieure de sanctionner les

  2   actes de pillage précédemment commis par ses subordonnés.

  3   Cependant, s'agissant de la connaissance qu'avait Kubura des actes de

  4   pillage commis par ses subordonnés à l'époque des faits, la Chambre d'appel

  5   rappelle que ce dernier a reçu des ordres le 4 novembre 1993 l'alertant que

  6   des actes de pillage étaient en train d'être commis à Vares et le chargeant

  7   d'y mettre fin. En effet, la Chambre de première instance a constaté que

  8   Kubura s'était vu ordonner par le commandant du 3e Corps d'armée de

  9   déployer la police militaire afin d'empêcher que des biens ne soient pillés

 10   à Vares, et qu'il avait également reçu des consignes du groupement

 11   opérationnel Istok est, lui enjoignant de mettre fin à tous les actes

 12   illicites, d'empêcher que l'on emporte quoi que ce soit, et de retirer ses

 13   hommes de la ville.

 14   Bien que la connaissance qu'avait Kubura des actes de pillage commis

 15   précédemment par ses subordonnés à Ovnak et le fait qu'il ne les a pas

 16   punis ne signifient pas en soit qu'il avait une connaissance effective des

 17   pillages commis à Vares, la Chambre d'appel rejoint la Chambre de première

 18   instance pour dire que les ordres qu'il a reçus le 4 novembre 1993

 19   constituaient, pour le moins, des informations suffisamment alarmantes pour

 20   appeler des enquêtes complémentaires.

 21   En conséquence, la Chambre d'appel estime que Kubura disposait

 22   d'informations suffisantes pour l'obliger à empêcher ses subordonnés de se

 23   livrer à de nouveaux pillages à Vares à partir du moment où il a reçu des

 24   ordres l'alertant des pillages en cours.

 25   Pour les motifs exposés dans l'arrêt, la Chambre d'appel estime elle aussi

 26   que la connaissance qu'avait Kubura des pillages commis par ses subordonnés

 27   à Vares était par ailleurs suffisante pour l'obliger à les punir.

 28   En ce qui concerne les mesures prises par Kubura pour empêcher ses

Page 214

  1   subordonnés de commettre de nouveaux pillages à Vares, la Chambre d'appel

  2   rappelle que, suite à l'ordre donné le 4 novembre 1993 par le commandement

  3   du groupement opérationnel Istok, Kubura a retiré ses hommes de Vares le

  4   jour même, et interdit aux membres de la 7e Brigade de pénétrer dans la

  5   ville ou d'y séjourner le 5 novembre 1993.

  6   Pour les motifs exposés dans l'arrêt, la Chambre d'appel estime que Kubura

  7   a pris les mesures nécessaires et raisonnables, vu les circonstances, pour

  8   empêcher les actes de pillage en mettant fin aux pillages en cours, de

  9   sorte à éviter que d'autres pillages ne soient commis. La Chambre d'appel

 10   confirme en revanche la conclusion de la Chambre de première instance selon

 11   laquelle Kubura n'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour

 12   punir ceux de ses subordonnés qui se sont livrés à des actes de pillage à

 13   Vares le 5 novembre 1993. La déclaration de culpabilité prononcée à

 14   l'encontre de Kubura sur la base de l'article 7(3) du Statut est donc

 15   confirmée en ce qu'elle a trait aux actes de pillage commis à Vares.

 16   J'en viens maintenant au deuxième moyen d'appel soulevé par l'Accusation,

 17   qui soutient que Kubura aurait dû être déclaré coupable sur la base de

 18   l'article 7(3) du Statut des destructions sans motif causées par ses

 19   subordonnés à Vares le 4 novembre 1993.

 20   La Chambre de première instance a jugé que les subordonnés de Kubura

 21   avaient bel et bien causé des destructions sans motif à Vares le 4 novembre

 22   1993, mais qu'il n'avait pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable

 23   que ce dernier savait ou avait des raisons de savoir que ces actes avaient

 24   été commis.

 25   Premièrement, s'agissant de la question de savoir si Kubura a reçu des

 26   informations portant sur les destructions de biens occasionnées à Vares,

 27   l'Accusation observe à juste titre que la Chambre de première instance a

 28   constaté que le rapport de combat adressé par le groupement opérationnel

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  1   Istok au commandement du 3e Corps d'armée le 4 novembre 1993 faisait état

  2   de la situation chaotique qui régnait à Vares. Dans ce même rapport, le

  3   groupement opérationnel Istok priait le commandement du 3e Corps d'armée de

  4   dépêcher sur place des unités de la police militaire. Le commandement du 3e

  5   Corps d'armée a indiqué en réponse dans un rapport de combat qu'il avait

  6   ordonné que les brigades envoient des forces de police militaire pour

  7   prévenir le chaos et les destructions de biens à Vares.

  8   La Chambre de première instance a estimé que la 7e Brigade n'avait jamais

  9   reçu le rapport de combat adressé par le Groupe opérationnel Istok au

 10   commandement du 3e Corps d'armée le 4 novembre 1993, ni le rapport de

 11   combat établi en réponse par ce dernier. Pourtant, en s'appuyant sur la

 12   teneur du rapport de combat du commandement du 3e Corps d'armée, elle a

 13   conclu que la 7e Brigade, étant subordonnée au 3e Corps d'armée et présente

 14   à Vares, avait dû recevoir l'ordre d'envoyer des forces de police militaire

 15   pour prévenir le chaos et les destructions de biens. Le rapport de combat

 16   du commandement du 3e Corps d'armée ne précise pas toutefois l'identité des

 17   auteurs des destructions sans motifs causées à Vares. La Chambre d'appel

 18   note que d'autres brigades étaient également déployées sur les lieux le 4

 19   novembre 1993.

 20   La Chambre de première instance a par ailleurs constaté que le Groupe

 21   opérationnel Istok avait émis un ordre distinct le 4 novembre 1993 adressé

 22   directement au commandant de la 7e Brigade dans lequel il était

 23   expressément fait mention des pillages et de la nécessité de les empêcher.

 24   Rien n'y était dit en revanche au sujet des destructions. La Chambre

 25   d'appel est d'accord avec la Chambre de première instance pour dire que,

 26   même si l'on peut conclure au vu de l'ensemble des éléments de preuve que

 27   la 7e Brigade avait dû recevoir des ordres du commandement du 3e Corps

 28   d'armée le 4 novembre 1993, cela ne prouve pas en soi que Kubura avait

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  1   connaissance des destructions sans motifs causées par ses subordonnés.

  2   Deuxièmement, la Chambre d'appel considère que le fait que Kubura

  3   savait que des pillages avaient été commis à Vares le 4 novembre 1993 ne

  4   permet pas de conclure de plein droit qu'il avait connaissance des

  5   destructions sans motifs occasionnées. En effet, pour aboutir à la

  6   conclusion que Kubura avait connaissance des pillages commis à Vares le 4

  7   novembre 1993, la Chambre de première instance s'est appuyée sur une

  8   quantité bien plus importante d'éléments de preuve. Qui plus est, elle

  9   s'est appuyée sur le fait que Kubura avait connaissance des pillages commis

 10   précédemment par ses subordonnés et qu'il n'a rien fait pour les punir. La

 11   Chambre de première instance n'a pas tiré de conclusions analogues

 12   concernant d'éventuelles destructions sans motifs commises précédemment par

 13   ses subordonnés. Par contre, même si les éléments de preuve dont elle

 14   disposait suffisaient pour conclure que Kubura avait connaissance des

 15   pillages commis à Vares, la Chambre de première instance s'est montrée

 16   raisonnable en jugeant que la connaissance qu'il avait des destructions

 17   sans motifs n'avait pas été établie au-delà de tout doute raisonnable.

 18   Compte tenu de ce qui précède, la Chambre d'appel estime que

 19   l'Accusation n'a pas démontré qu'aucun juge du fait n'aurait pu

 20   raisonnablement conclure, au vu de l'ensemble des éléments de preuve versés

 21   au dossier, que la connaissance que Kubura avait des destructions sans

 22   motifs occasionnées à Vares le 4 novembre 1993 n'avait pas été établie au-

 23   delà de tout doute raisonnable.

 24   L'acquittement de Kubura sur ce point est donc confirmé.

 25   Enfin, j'en viens aux appels interjetés contre les peines infligées

 26   en première instance.

 27   Hadzihasanovic n'a pas véritablement interjeté appel de la peine,

 28   mais il affirme que la Chambre de première instance a commis une erreur en

Page 217

  1   ce sens que le dispositif du jugement ne rend pas compte, comme il se doit,

  2   de certaines conclusions tirées par la Chambre de première instance dans le

  3   corps du jugement. Kubura, lui, a interjeté appel de la peine prononcée à

  4   son encontre au motif qu'il la juge manifestement excessive. L'Accusation

  5   pour sa part a interjeté appel des peines infligées à Hadzihasanovic et

  6   Kubura au motif qu'elle les juge manifestement inadéquates.

  7   La Chambre d'appel accueille les arguments avancés par Hadzihasanovic

  8   et corrige le dispositif du jugement concernant la durée de la période au

  9   cours de laquelle des traitements cruels ont été infligés à l'école de

 10   musique de Zenica, de manière à faire coïncider celle-ci avec les

 11   conclusions de la Chambre de première instance. S'agissant de l'incidence

 12   de la réduction de la durée de la période pendant laquelle Hadzihasanovic

 13   est tenu responsable sur la peine qui lui a été infligée, la Chambre

 14   d'appel rappelle tout d'abord que la Chambre de première instance, en

 15   fixant la peine, a conclu à bon droit que les traitements cruels infligés à

 16   l'école de musique de Zenica l'avaient été sur une période d'environ sept

 17   mois et non pas neuf, comme il est indiqué de façon erronée dans le

 18   dispositif du jugement.

 19   La Chambre d'appel note en outre que la conclusion de la Chambre de

 20   première instance concernant le grand nombre de victimes dans les centres

 21   de détention de Zenica, retenue comme une circonstance aggravante, reste le

 22   même pour le reste de la période considérée. Ainsi, la correction

 23   susmentionnée n'a-t-elle aucune incidence sur les circonstances aggravantes

 24   retenues en l'espèce, et donc sur la peine.

 25   Pour les motifs exposés dans l'arrêt, la Chambre d'appel rejette les

 26   arguments avancés par l'Accusation et par Amir Kubura. Elle est d'avis que

 27   la Chambre de première instance a pris en considération comme il convient

 28   la gravité des crimes, les circonstances aggravantes et atténuantes

Page 218

  1   pertinentes, ainsi que la grille des peines appliquée par les tribunaux de

  2   l'ex-Yougoslavie.

  3   Je vais à présent donner lecture du dispositif de l'arrêt rendu par

  4   la Chambre d'appel.

  5   Monsieur Hadzihasanovic et Monsieur Kubura, veuillez vous lever.

  6   Par ces motifs, la Chambre d'appel, en application de l'article 25 du

  7   Statut et des articles 117 et 118 du Règlement, vu les écritures

  8   respectives des parties et leurs exposés aux procès en appel tenus les 4 et

  9   5 décembre 2007;

 10   Siégeant en audience publique, à l'unanimité;

 11   Accueille, en partie, l'appel de Enver Hadzihasanovic s'agissant du

 12   chef 3;

 13   Annule la déclaration de culpabilité prononcée à son encontre pour ne

 14   pas avoir pris les mesures nécessaires et raisonnables pour punir les

 15   responsables du meurtre de Mladen Havranek, chef 3, et des traitements

 16   cruels infligés à six prisonniers au magasin de meubles Slavonija le 5 août

 17   1993, chef 4;

 18   Ainsi que la déclaration de culpabilité prononcée à son encontre pour

 19   ne pas avoir pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou

 20   punir les traitements cruels infligés au lycée Gimnazija, au magasin de

 21   meubles Slavonija, au stade FC Iskra et à l'école élémentaire Vojin

 22   Paleksic à Bugojno à partir du 18 août 1993, chef 4;

 23   Accueille, en partie, l'appel de Enver Hadzihasanovic s'agissant du

 24   chef 4, en ce qui a trait à certaines erreurs relevées dans le dispositif

 25   du jugement concernant la déclaration de culpabilité prononcée à son

 26   encontre au titre du chef 4 pour ne pas avoir empêché ou puni les

 27   traitements cruels à l'école de musique de Zenica;

 28   Annule la partie du dispositif du jugement y afférant et la remplace

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  1   comme suit : Chef 4, coupable de ne pas avoir empêché ou puni les

  2   traitements cruels à l'école de musique de Zenica dans la période du 8 mai

  3   1993 au 20 août 1993, ou au 20 septembre 1993, et de ne pas avoir puni les

  4   traitements cruels à l'école de musique de Zenica dans la période du 26

  5   janvier 1993 au 8 mai 1993;

  6   Accueille, en partie, l'appel de Enver Hadzihasanovic s'agissant du

  7   chef 5; annule la déclaration de culpabilité prononcée à son encontre pour

  8   ne pas avoir pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher le

  9   meurtre de Dragan Popovic le 21 octobre 1993, chef 3, ainsi que la

 10   déclaration de culpabilité prononcée à son encontre pour ne pas avoir pris

 11   les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher les traitements

 12   cruels au camp d'Orasac dans la période du 15 octobre 1993 au 31 octobre

 13   1993, chef 4;

 14   Réduit la peine de 5 ans d'emprisonnement imposée à Enver

 15   Hadzihasanovic par la Chambre de première instance pour la ramener à une

 16   peine de 3 ans et 6 mois d'emprisonnement, le temps qu'il a passé en

 17   détention préventive étant à déduire de la durée totale de la peine comme

 18   le prévoit l'article 101(C) du Règlement;

 19   Et rejette l'appel de Enver Hadzihasanovic pour le surplus;

 20   Accueille, en partie, l'appel d'Amir Kubura s'agissant du chef 2;

 21   annule la déclaration de culpabilité prononcée à son encontre pour ne pas

 22   avoir pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher, et non

 23   punir, les pillages au village de Vares le 4 novembre 1993. Chef 6;

 24   Réduit la peine de 30 mois d'emprisonnement imposée à Amir Kubura par

 25   la Chambre de première instance pour la ramener à une peine de 2 ans

 26   d'emprisonnement;

 27   Et rejette l'appel d'Amir Kubura pour le surplus;

 28   Rejette l'appel de l'Accusation dans son intégralité;

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  1   Dit que le présent arrêt est exécutoire immédiatement en application

  2   de l'article 118 du Règlement.

  3   Monsieur Hadzihasanovic et Monsieur Kubura, vous pouvez vous rasseoir.

  4   Je demande maintenant à la Greffière d'audience de mettre à la disposition

  5   des parties des exemplaires du jugement.

  6   Je vous remercie.

  7   L'audience est levée.

  8   --- L'audience est levée à 15 heures 06.

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