Affaire n° : IT-01-48-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Patrick Robinson
M. le Juge O-Gon Kwon

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
22 janvier 2004

LE PROCUREUR

c/

SEFER HALILOVIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS D’UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION

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Le Bureau du Procureur :

M. Ekkehard Withopf 
M. Vladimir Tochilovsky
Mme Maria Tuma

Les Conseils de l’Accusé :

M. Stefan Kirsch
M. Guénaël Mettraux 

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

Vu la requête aux fins d’une ordonnance de non-divulgation (Prosecution’s Request for Order of Non-Disclosure), déposée par le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») le 11 décembre 2003 (la « Requête »), demandant à la Chambre de première instance de rendre une ordonnance aux fins de non-divulgation et prévoyant les mesures suivantes :

a) sauf dans la stricte mesure où cela se révèle directement et spécifiquement nécessaire à la préparation et la présentation de la défense de l’accusé, la Défense ne divulguera pas les pièces jointes qui lui ont été communiquées en application de l’article 66 A) i) et 66 A) ii) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement ») ni celles qui lui ont été communiquées en application des articles 66 B) et 68 du Règlement ;

b) sauf si cela se révèle directement et spécifiquement nécessaire à la préparation et la présentation de la défense de l’accusé, la Défense ne divulguera pas, dans la mesure où elle les connaît, l’identité et les coordonnées des témoins, ni les éléments de preuve ou déclarations écrites de témoins ou témoins potentiels, ni la teneur, en tout ou en partie, de tout élément de preuve, déclaration ou témoignage préalable confidentiel communiqué à la Défense en application de l’article 66 A) i) et 66 A) ii) du Règlement ;

c) au cas où elle jugerait directement et spécifiquement nécessaire de divulguer de telles informations pour la préparation et la présentation de la défense de l’accusé, la Défense obtiendra de chaque personne à qui elle les révèle un accord de non-divulgation et tiendra un registre de toutes les informations protégées ayant été communiquées, y compris le nom des bénéficiaires, la date de communication et l’objet ;

d) si un membre de l’équipe de la Défense se retire de l’affaire, toutes les pièces en sa possession seront restituées au conseil principal ; et

e) le « public » recouvre précisément la définition donnée dans la Requête1,

VU la réponse à la Requête (Defence Response to Prosecution Motion for Non-Disclosure Order), déposée le 23 décembre 2003 par le conseil de l’accusé Sefer Halilović (la « Réponse »), lequel affirme que l’Accusation n’a pas dit en quoi l’ordonnance sollicitée se justifiait2,

ATTENDU toutefois que, dans la Réponse, la Défense déclare être disposée à s’engager à ne pas divulguer lesdites pièces sauf dans la mesure où cela est nécessaire à la préparation de la défense de l’accusé, et que le conseil a donné pour instruction aux membres de l’équipe de la Défense de maintenir un registre des personnes auxquelles ces pièces seront montrées durant la préparation de la défense de l’accusé3,

ATTENDU que l’Accusation compte présenter, à la demande des témoins, des requêtes séparées aux fins de mesures spécifiques, mais qu’au stade actuel de la procédure, elle demande une ordonnance de non-divulgation générale « étant donné que la plupart des éléments de preuve et des pièces sont sensibles et que nombre de témoins proposés par l’Accusation sont connus »4,

ATTENDU qu’en application de l’article 20 du Statut du Tribunal international (le « Statut »), la Chambre de première instance est tenue de veiller à ce que les droits de l’accusé soient pleinement respectés et à ce que la protection des victimes et des témoins soit dûment assurée durant l’instance,

VU le droit de l’accusé à un procès équitable et public que lui confère le paragraphe 2 de l’article 21 du Statut, sous réserve de l’article 22 du Statut, qui traite de la protection des victimes et des témoins,

ATTENDU qu’en général, la Chambre de première instance ne demande pas à la Défense d’obtenir de tierces parties des accords de non-divulgation ou de maintenir un registre de toutes les informations protégées ayant été communiquées, au motif que cela est généralement inutile ou n’a pas lieu d’être lorsque des ordonnances portant mesures de protection sont en vigueur,

ATTENDU que, sauf mention contraire dans la présente Décision, les mesures de protection sollicitées sont nécessaires et adaptées et ne portent nullement atteinte aux droits de l’accusé,

ATTENDU que les interdictions de divulgation contenues dans la présente Décision s’appliquent à tous les membres de l’équipe de la Défense, le conseil principal étant tenu de s’assurer que tous les membres de son équipe s’y conforment, aussi bien durant leur participation qu’au moment où ils se retirent de l’affaire, de sorte que les mesures demandées par l’Accusation sont inutiles,

EN APPLICATION des articles 20, 21 (paragraphe 2) et 22 du Statut et des articles 53 A), 54 et 75 du Règlement,

FAIT partiellement DROIT à la Requête et ORDONNE ce qui suit :

1) sauf dans la stricte mesure où cela se révèle directement et spécifiquement nécessaire à la préparation et la présentation de la défense de l’accusé, la Défense ne divulguera aucune pièce confidentielle ou non destinée au public que l’Accusation lui aura communiquée en application des articles 66 A) i), 66 A) ii), 66 B) et 68 du Règlement, y compris les noms de tous témoins ou témoins potentiels, les informations permettant de les identifier ou leurs coordonnées, ainsi que les éléments de preuve ou les déclarations écrites de tous témoins ou témoins potentiels, ou leur teneur ; et

2) toute pièce confidentielle ou non destinée au public communiquée à la Défense sera restituée au Greffe ou détruite à l’issue du procès.

Pour les besoins de la présente Décision, on entend par « le public » toutes les personnes, les gouvernements, organisations, entités, clients, associations et groupes autres que les Juges du Tribunal international, les membres du Greffe ou du Bureau du Procureur, l’accusé en l’espèce, ses conseils, ses assistants juridiques et d’autres membres de l’équipe de la Défense, y compris leurs agents et représentants. Le « public » comprend également, sans s’y limiter, la famille, les amis et les associés de l’accusé, les accusés dans d’autres affaires ou actions portées devant le Tribunal international et leurs conseils, les médias et les journalistes.

Par « la Défense », on entend uniquement l’accusé Sefer Halilovic, ses conseils, leurs assistants juridiques et d’autres membres de l’équipe de la Défense, leurs agents ou représentants.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
__________
Richard May

Le 22 janvier 2004
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]
1. Requête, par. 7 à 10.
2. Réponse, par. 3.
3. Ibid, par. 4. Le paragraphe 4 de la Réponse semble avoir reçu le numéro 5 par inadvertance.
4. Voir supra, note 1, par. 3.