Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 10 février 2005

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5  M. LE JUGE LIU : [interprétatjubicaion] Veuillez appeler la cause, s'il vous

  6   plaît, Monsieur le Greffier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  8   les Juges. C'est l'affaire IT-01-48-T, le Procureur contre Sefer Halilovic.

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Y a-t-il des questions que les parties souhaitent évoquer, Maître

 11   Morrissey ?

 12   M. MORRISSEY : [interprétation] Il y a une question que l'Accusation a bien

 13   voulu traiter avec moi. C'est confrère qui m'a dit que le témoin avait des

 14   problèmes de tension artérielle, et peut-être des problèmes d'anxiété, le

 15   témoin qui va venir. Je voudrais dire que je n'ai pas de difficultés en ce

 16   qui concerne les mesures que l'Accusation souhaiterait prendre pour

 17   minimiser le stress si Madame le Témoin a besoin de suspension de séance.

 18   Il ne sera pas nécessaire de lui demander mon approbation à ce sujet. Nous

 19   sommes d'accord que ceci peut-être géré comme il le conviendra.

 20   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie de votre coopération.

 21   Oui, Madame Chana.

 22   Mme CHANA : [interprétation] Je remercie M. Morrissey de cela. Il y a une

 23   autre question que je dois évoquer au cours de la déposition de ce témoin

 24   en particulier. Certains noms pourraient être prononcés qui risqueraient de

 25   permettre de l'identifier et à ce moment-là, je demanderais qu'on aille à


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  1   huis clos partiel.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il n'y a aucun problème pour cela.

  3   M. MORRISSEY : [interprétation] Pas de difficulté pour cela, non plus,

  4   Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie et il est fait droit à

  6   la demande.

  7   Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire entrer le témoin.

  8   [Le témoin dépose par vidéolink]

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Voulez-vous  s'il vous plaît faire la

 12   déclaration solennelle.

 13   Mme LA GREFFIÈRE [à Sarajevo] : [interprétation] Peut-on le mettre sur le

 14   rétroprojecteur, s'il vous plaît. 

 15   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Avez-vous la déclaration solennelle sur

 16   le rétroprojecteur, Madame le Témoin ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Veuillez la lire, s'il vous plaît.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je

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 21   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 22    LE TÉMOIN: TÉMOIN C [Assermentée]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 25   Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, il y a un problème


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  1   technique parce qu'il n'y a pas de brouillage de l'image. Or, on doit avoir

  2   des mesures de protection, Monsieur le Président.

  3   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] J'ai été informé du fait que l'image du

  5   présent du témoin est vue seulement dans la salle d'audience, mais pas à

  6   l'extérieur.

  7   Mme CHANA : [interprétation] Il se peut qu'il y ait eu un malentendu.

  8   J'avais demandé qu'il y ait déformation des traits du visage, mais nous

  9   avons déjà vu son visage.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Non, non. C'est seulement pour les

 11   personnes qui se trouvent dans la salle d'audience.

 12   Mme CHANA : [interprétation] Seulement celles qui se trouvent dans le

 13   prétoire.

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Pas à l'extérieur.

 15   Mme CHANA : [interprétation] Pas à l'extérieur. Alors, dans ce cas-là, cela

 16   va bien.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous avons déjà vérifié, nous avons déjà

 18   vérifié.

 19   M. WEINER : [interprétation] Il s'agit des personnes qui se trouveraient

 20   dans la galerie du public

 21   Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'était cela le

 22   problème.

 23   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons vérifier.

 24   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 25   Mme CHANA : [interprétation] Je crois maintenant qu'il a été remédié aux


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  1   problèmes.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous pouvons commencer.

  3   Mme CHANA : [interprétation] Oui. Merci.

  4   Interrogatoire principal par Mme Chana : 

  5   Q.  [interprétation] Bonjour, Témoin.

  6   R.  Bonjour.

  7   Q.  Est-ce que vous avez devant vous une feuille de papier sur lequel

  8   figure votre pseudonyme. On l'appelle le feuillet avec le pseudonyme ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Pouvez-vous confirmer que le nom qui figure sur ce feuillet et la date

 11   de naissance sont bien les vôtres ?

 12   R.  Oui. C'est bien cela, c'est exact.

 13   Mme CHANA : [interprétation] Je voudrais demander, s'il vous plaît,

 14   Monsieur le Président, que ces documents soient marqués pour identification

 15   MFI165, Monsieur le Président, et je voudrais maintenant demander qu'il

 16   soit versé au dossier sous scellé.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Y a-t-il des objections, Monsieur Morrissey ?

 19   Non, merci beaucoup.

 20   Ce document est versé au dossier comme élément de preuve.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci sera la pièce de l'Accusation P164,

 22   Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 23   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Mme CHANA : [interprétation]

 25   Q.  Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît, me dire à quelle date vous vous


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  1   êtes rendue à Grabovica ?

  2   R.  En 1991

  3   Q.  Et où vous trouviez avant d'aller à Grabovica.

  4   R.  Je vivais à Capljina. J'y avais un appartement mais je suis née à

  5   Grabovica. Mon mari, y était né aussi. C'est ma ville natale. Après que

  6   nous soyons partis à la retraite, nous sommes retournés vivre à Grabovica.

  7   Q.  Je vous remercie. Quelle était la composition ethnique de la population

  8   de Grabovica en 1990, lorsque vous vous y trouviez ?

  9   R.  C'étaient des purs Croates catholiques. C'est toujours comme cela dans

 10   ce village. Cela a toujours été comme cela. Il n'y avait pas d'autres

 11   groupes ethniques.

 12   Q.  Combien de familles environ vivaient à Grabovica, à l'époque ?

 13   R.  Sur la rive gauche et sur la rive droite, entre nous, il y a la rivière

 14   Neretva, la grande route et la voie ferrée. Il avait environ 160 familles,

 15   de grandes familles ou également des familles plus petites, mais c'étaient

 16   des gens qui avaient toujours vécu là.  Il y avait également quelques

 17   maisons nouvelles qui étaient des maisons de week-end et de villégiature

 18   qui avaient été construites par la suite, et ainsi de suite. Je ne sais pas

 19   exactement.

 20   Q.  Maintenant, est-ce qu'un moment est venu où ceci a changé ?

 21   R.  Que voulez-vous dire ?

 22   Q.  Est-ce qu'il y a eu quelque chose qui s'est passé dans le village qui a

 23   changé ce 100 % d'habitants croates ?

 24   R.  Avant 1993, il y a eu la guerre. Je ne sais pas. Disons que, contre les

 25   Serbes, nous n'avons pas tellement ressenti les effets de cette guerre. Il


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  1   y avait des tensions, voilà comment étaient les choses. Bon, il y a la

  2   route qui passe là, des voitures passaient, mais nous n'avons pas ressenti

  3   grand-chose jusqu'en 1993. Et puis, en 1993, au mois de mai, le 10 mai,

  4   l'ABiH est venue, et à ce moment-là, des changements ont commencé à se

  5   produire.

  6   Q.  Quel a été le premier changement que vous aviez remarqué ?

  7   R.  Le premier changement a eu lieu le 10, lorsque l'armée est entrée dans

  8   notre village.

  9   Q.  C'est bien l'ABiH, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui. Oui.

 11   Q.  Et que s'est-il donc passé ?

 12   R.  Nous avons une usine hydroélectrique. Ils se sont mis à la garder.

 13   C'était fait par l'armée croate, l'HVO et la police. Mais, l'ABiH a tout

 14   pris sous son contrôle, le village, la population, l'usine hydroélectrique.

 15   Et avant cela, lorsque les choses ont commencé à présenter des dangers, un

 16   très grand nombre de jeunes sont partis avec leurs enfants. De nombreux

 17   jeunes sont allés à Mostar, Herzegovine, à des endroits qui étaient moins

 18   dangereux, qui étaient plus sûrs. Mais parce que nous nous trouvions dans

 19   une vallée, il n'y avait personne qui pouvait nous défendre de quoi ce soit

 20   qui se passait là.

 21   Q.  Je vous remercie, Témoin. Combien de personnes, diriez-vous sont

 22   restées au village après que les plus jeunes soient partis ?

 23   R.  Nous étions une centaine, peut-être même davantage de la rive est et de

 24   la rive ouest. Il y avait quelques jeunes. Le matin en question, lorsque

 25   l'armée est entrée, même ces quelques jeunes, qui étaient capables de


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  1   s'enfuir se sont enfuis dans les bois. La plus jeune était une petite fille

  2   de quatre ans et son père. Il n'y avait plus d'enfants du tout parce que

  3   les mères avaient emmené les enfants ainsi que les pères. Pour la plupart

  4   d'entre nous, nous étions des personnes âgées ou d'âge moyen, et c'est nous

  5   qui sommes restés.

  6   Q.  Des hommes et des femmes ?

  7   R.  Oui. Environ 50. Il y avait une personne qui s'appelait Josip qui avait

  8   peut-être 45 ans. Puis, une autre personne, Mladen, du même âge environ. Un

  9   autre homme de 50 ans et ainsi de suite. Puis, je n'arrive plus à me

 10   rappeler davantage. C'était plus ou moins la situation, et il y avait un

 11   grand nombre de personnes qui avaient plus de 50 et même plus 60 ans.

 12   Q.  Je vous remercie, Témoin.

 13   Maintenant, je vais vous montrer une image qui a reçu pour cote MFI165,

 14   Monsieur le Président, et le 02992354. Je souhaiterais que le témoin

 15   regarde cette image, et nous dise à quel endroit vous viviez à Grabovica.

 16   Pourriez-vous, s'il vous plaît, essayer de montrer où se trouvait cette

 17   maison ?

 18   R.  Ce n'est pas une très bonne photographie. Il est difficile de voir

 19   clairement.

 20   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bon, dans ce cas-là, allons en audience à

 21   huis clos partiel, s'il vous plaît.

 22   [Audience à huis clos partiel]

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  8   [Audience publique]

  9   Mme CHANA : [interprétation]

 10   Q.  Maintenant, Témoin, je voudrais vous demander de penser au début du

 11   mois de septembre. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé dans le

 12   village à ce moment-là ?

 13   R.  Oui, je peux. Des renforts sont arrivés en septembre, et je crois

 14   qu'ils avaient un nom comme les Tigres ou les Loups, les Loups. Tous

 15   avaient des noms différents. Il y avait environ 30 soldats qui vivaient

 16   dans ces bâtiments, là où j'ai mis une marque dans ces bureaux qui

 17   appartenaient à la centrale électrique en dessous de cette maison qui

 18   m'appartenait, dans cette direction-là.

 19   Q.  Est-ce que vous connaissiez certains de ces soldats ?

 20   Connaissiez-vous quelqu'un ? Pourriez-vous nous dire leurs noms ?

 21   R.  Non. C'étaient de nouveaux soldats qui venaient de Sarajevo. Mais

 22   avant, ceux qui tenaient l'ensemble de Grabovica sous leur contrôle étaient

 23   des villages voisins d'alentour de Grabovica. C'étaient des personnes que

 24   l'on connaissait, et qui tenaient les points de contrôle. Ils allaient dans

 25   nos maisons quotidiennement. Il y avait un très grand nombre de soldats


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  1   dans les parages.

  2   Q.  Merci, Témoin.

  3   R.  Et les plus récents sont arrivés --

  4   Q.  Je vous remercie. Pourriez-vous nous dire, en ce qui concerne les

  5   soldats qui sont arrivés plus récemment, est-ce que vous avez connu

  6   certains noms de ces soldats arrivés par la suite ?

  7   R.  Vous voulez dire ceux qui sont arrivés en dernier ?

  8   Q.  Oui, le plus récemment, c'est cela, arrivés de Sarajevo.

  9   R.  Non, je ne les connaissais pas. Ils avaient tous des surnoms, Juki,

 10   Muki. Je n'ai jamais su exactement leurs noms. Il y en avait un qui était

 11   appelé par son nom, le nom Beca. Il lui manquait trois doigts. Il se

 12   trouvait dans notre maison, en quelque sorte, mais je ne sais rien des

 13   autres.

 14   Q.  Est-ce que vous savez qui était le chef de ces soldats ?

 15   R.  Ce premier dont j'ai parlé préparait à manger. Ils n'avaient pas

 16   beaucoup à manger. On entendait parler de Zuka. Zuka venait. Une fois,

 17   l'adjoint de Zuka est apparu. Je l'ai vu sur la route parce que, comme vous

 18   pouvez le voir vous-même, ma maison est juste à côté de la route. Cette

 19   personne s'appelait, je ne saurais,  Nijaz ou Nijad et Celo. Lorsque cette

 20   grosse voiture s'arrêtait là devant, il y avait cette personne, il était

 21   appelé Celo. C'était une belle voiture, un beau modèle. Cet homme

 22   s'appelait Celo. Zuka avait l'habitude de venir souvent et nous parler, à

 23   nous, civils. Sefer -- je ne vais pas poursuivre. Très bien.

 24   Q.  Bon, je voudrais vous poser la question suivante : commençons par

 25   parler de vous et de Celo. Comment avez-vous su que c'était Celo quand vous


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  1   l'avez vu ?

  2   R.  On a mentionné ce nom. Ils ont dit : "Voici Celo, il arrive." Ils l'ont

  3   salué. C'était devant ma maison donc -- j'avais peur, et en fait, je

  4   surveillais tout ce que je pouvais voir avec le plus grand soin. Les autres

  5   ont également mentionné ce nom. La route passe par là. Peut-être était-il

  6   en route vers Mostar cette fois-là. Peut-être pas Mostar, peut-être Bijelo

  7   Polje.

  8   Q.  Où est-ce que ces soldats habitaient ?

  9   R.  Comme je l'ai indiqué sur la carte, ces bureaux étaient comme de

 10   petites cabanes où les employés de la centrale électrique de Grabovica

 11   avaient l'habitude de travailler. C'est là qu'ils se tenaient. Je peux vous

 12   le montrer sur la carte.

 13   Q.  Non, je vous remercie, Témoin. Je me référais aux soldats nouvellement

 14   arrivés, ceux qui venaient de Sarajevo. Où dites-vous qu'ils étaient

 15   cantonnés ?

 16   R.  Les nouveaux soldats étaient ici. Ceux qui étaient arrivés le plus

 17   récemment n'étaient nulle part. Ils allaient et venaient et ils se

 18   logeaient dans les différentes maisons. C'étaient ceux-là les plus

 19   insolents qui sont venus.

 20   Q.  Bien. Je viendrai à cette question de leur insolence plus tard.

 21   Pourriez-vous nous dire dans quelles maisons ces soldats ont été hébergés ?

 22   R.  Vous voulez dire les soldats arrivés le plus récemment ou ceux qui

 23   étaient appelés les Loups d'Igman ?

 24   Dans ces bureaux; tandis que, dans les maisons de Maric Marinko; les

 25   autres, Maric Pero. La plupart d'entre eux avaient été logés du côté ouest.


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  1   Mais ils ne sont pas restés là longtemps. Tout ceci a eu lieu à partir du 4

  2   ou du 5 et jusqu'au 9.

  3   Q.  Vous avez entendu parler de ces personnes qui les hébergeaient. Est-ce

  4   que vous avez connu leurs pensées concernant ces soldats tout récemment

  5   arrivés ? Je vais les appeler les soldats les plus récents, les soldats de

  6   Sarajevo. Si vous êtes d'accord --

  7   M. MORRISSEY : [interprétation] Non, la Défense n'est pas d'accord,

  8   Monsieur le Président. Il se peut que la déposition soit faite et que

  9   c'était ce qu'a vu le témoin, mais on pourrait, à ce moment-là, utiliser

 10   cette terminologie. Mais pour le moment, il n'y a pas d'élément précis à ce

 11   sujet.

 12   Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, elle l'a déjà dit, il

 13   s'agissait de ceux qui étaient le plus récemment arrivés de Sarajevo.

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Peut-être que vous pourriez à

 15   nouveau poser la question au témoin.

 16   Mme CHANA : [interprétation]

 17   Q.  Témoin, ces personnes plus récemment arrivées, est-ce qu'elles venaient

 18   de Sarajevo ou d'un autre endroit ? Qu'est-ce que vous avez dit ?

 19   R.  Je ne pourrais pas vous dire exactement, mais quand j'ai mentionné

 20   Sarajevo, pour la plupart du temps, ils venaient de là-bas ou de Hadzici ou

 21   Sarajevo. Je sais qu'ils venaient de la partie du nord. De la façon dont

 22   ils parlaient, ce n'était pas la façon dont la population parlait là où

 23   nous vivions. C'étaient des personnes qui ne nous étaient pas connues. Ils

 24   portaient des masques, des uniformes de camouflage, et des écharpes rouges

 25   ou quelque chose de ce genre. Il y avait toutes sortes de choses qu'ils


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  1   portaient. Très bien.

  2   Q.  Est-ce que vous avez jamais réussi à apprendre qui était leur chef ou

  3   leur meneur. Vous savez, tous ces soldats ont un chef.

  4   R.  Oui. Nous avons tout de suite appris que c'étaient les troupes de

  5   Sefer. Les autres qui étaient venus avant, les gens de Cedo, les Loups

  6   d'Igman, les Tigres, et cetera, eux aussi, ils venaient, ils le

  7   mentionnaient souvent : "Voilà Sefer qui nous arrive maintenant." A une

  8   occasion, je me souviens que je devais préparer de la nourriture, des plats

  9   à l'occasion de l'accueil de ce Sefer. Ce Sefer, je l'ai vu à deux

 10   reprises. Il passait à bord d'une voiture. Et une fois que je l'ai vu, une

 11   dernière fois, c'était le 8 mai, il était sorti d'un véhicule d'ailleurs,

 12   il s'en est allé avec ces soldats.

 13   Q.  Sefer qui se nommait comment ?

 14   R.  Sefer Halilovic.

 15   Q.  Saviez-vous qui il était avant de le voir ?

 16   R.  J'ai entendu parler de lui, mais comme je ne le connaissais pas, à

 17   cette occasion-là, je voulais justement le connaître. Je ne le connaissais

 18   pas. Donc, là, je n'ai pas pu parler avec lui. Mais à voir la façon dont

 19   les troupes l'abordaient et comment ils le nommaient en prononçant son nom,

 20   je savais que c'était lui.

 21   Q.  Comment s'adressaient-ils à lui ?

 22   R.  Avec la main portée à leur chef pour le saluer. Ils avaient un salut

 23   tout particulier. Est-ce que peut-être ils avaient quelque chose de

 24   spécial, -- où on nommait "Allah" ou quelque chose comme cela. "Allahu-U-

 25   Ekber" ou quelque chose comme cela.


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  1   Q.  Dites-moi, dans quelles circonstances et dans quel contexte vous avez

  2   pu apprendre quoi que ce soit de Sefer Halilovic.

  3   R.  Il y avait beaucoup de soldats qui venaient dans mes deux maisons.

  4   Comme il n'y avait pas de courant et, à cette époque-là, ils venaient parce

  5   que, nous, on a eu du courant. Il n'y avait pas de courant dans le village.

  6   On pouvait faire du café, on pouvait faire un plat. Puis, ils apportaient

  7   du linge, à ce qu'on leur lave le linge, et on s'en occupait. C'est en

  8   écoutant leurs propos, les propos des ces troupes, que j'ai pu apprendre

  9   pas mal de choses. Lorsque Zuka était venu leur rendre visite, Zuka m'a

 10   adressé la parole pour me demander si je me portais bien, si je me sentais

 11   bien, et en me disant que personne ne devait me toucher. Or, comment nous

 12   avons vécu, j'en sais quelque chose. D'autres le savent également.

 13   Q.  Je vais reprendre la même question, Madame le Témoin : je voulais

 14   savoir dans quel contexte vous avez appris qu'on parlait de Sefer

 15   Halilovic. Comment parlait-on de lui pour que vous puissiez savoir très

 16   exactement qui il était pour pouvoir le rencontrer ?

 17   R.  Quand le rencontrer ? Quand cela ?

 18   Q.  Je crois que vous avez dit que lui était là, que vous avez voulu le

 19   saluer ou quelque chose comme cela. Qu'avez-vous dit très exactement ?

 20   R.  Je n'ai pas dit que je voulais le saluer, mais j'ai parlé de ces

 21   premiers soldats qui étaient venus et qui étaient cantonnés dans les

 22   bureaux en contrebas. Il y avait un soldat qui m'a apporté de la viande

 23   pour me dire, Tu dois faire de la friture avec cela, Sefer Halilovic

 24   arrive. Je ne l'ai pas mis tout de suite, je voulais faire cela vers les 6

 25   heures du soir, et cetera, pour que ce soit en ordre. Le soldat est arrivé


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  1   vers les 6 heures pour dire, Il ne vient pas ce soir. Il ne viendra que

  2   plus tard au cours de la nuit, peut-être plus tôt demain matin. Donc, cette

  3   viande, ce foie que je t'ai donné, tu vas le garder pour préparer quelque

  4   chose d'autre peut-être aussi.

  5   Comme je me tenais dans ma maison, première par ordre, un véhicule s'était

  6   arrêté. Un homme en est sorti, deux autres hommes avec lui. Les autres de

  7   le saluer, on a mentionné son nom "Sefer," et cetera, et ils sont allés

  8   tous en direction des autres soldats. Nous étions donc en date du 5

  9   septembre. Or, on a fait mention de son nom à maintes reprises pendant tous

 10   ces quatre mois. Depuis que l'armée est entrée dans Grabovica, on faisait

 11   mention de son nom.

 12   Q.  Vous dites on faisait mention de son nom, et que disait-on de lui ?

 13   R.  On le mentionnait dans les meilleurs des termes. Comme quoi l'armée a

 14   pris ce village, et lui devait faire l'inspection. On devait lui présenter

 15   des rapports. J'ai entendu dire, une fois, combien de marques ils ont pu

 16   obtenir parce qu'ils se sont rendus dans tels ou tels villages pour les

 17   capturer. Voyez-vous, nous étions déjà au mois d'août lorsque des réfugiés

 18   influaient de Capljina. Alors, les soldats se sont mis à fréquenter ces

 19   jeunes filles qui sont venues de Capljina, et c'est ainsi que j'ai pu

 20   apprendre tout cela. J'ai pu entendre leurs propos, les propos de ceux qui

 21   venaient là pour que je leur prépare des plats, parce que, moi, je faisais

 22   la cuisine et j'ai pu suivre leurs propos. Pour ce qui est de Sefer, ils ne

 23   disaient que du bien. Ils disaient, C'est notre chef supérieur. Zuka

 24   également, c'est un officier supérieur. Zuka, c'est quelqu'un de très bien,

 25   une personne tout à fait courtoise. Lui, il me dit bonjour -- je lui dis


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  1   bonjour, et lui, il me dit Salaam Aleikum. Moi, je ne sais pas répondre

  2   parce que je ne suis pas de cette confession-là. Mais disons que c'est un

  3   homme tout à fait décent. On dirait un homme de bonnes manières. Tout de

  4   même, que voulez-vous que je vous dise ?

  5   Q.  Vous êtes en train de parler des soldats qui étaient cantonnés de

  6   l'autre côté de la rivière. Savez-vous comment tous ces gens se sentaient

  7   du fait que les soldats étaient cantonnés dans leurs maisons ?

  8   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais faire

  9   une remarque. Il n'y a pas de règle en ce qui concerne les éléments de

 10   preuve de second ordre, et je l'admets, mais dire comment les gens se

 11   sentaient là-bas, ceci, évidemment, appelle l'hypothèse. Faudrait-il peut-

 12   être demander, ces gens-là, qu'est-ce qu'ils ont dit ? Qu'est-ce qui leur a

 13   été dit ?

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

 15   Mme CHANA : [interprétation]

 16   Q.  Ces gens-là, dans les maisons desquelles les soldats étaient cantonnés,

 17   que vous ont-ils dit ? Est-ce qu'ils vous parlaient ?

 18   R.  Je vais vous dire. Lorsque les soldats étaient venus, les civils

 19   n'osaient pas trop circuler. Marinko Maric, qui est de l'autre côté de la

 20   rivière, c'est un des mes cousins, il devait avoir dans les 50 ans, c'est

 21   un homme qui a fait des écoles, ingénieur de formation, et il m'a dit,

 22  (expurgée).

 23   Nous ne pouvons pas tenir le coup là-bas. Ces gens-là nous provoquent sans

 24   cesse. Ils tirent sans cesse. Ils chantent. Notre vie est vraiment plus que

 25   piteuse. Maintenant, je ne sais pas comment nous allons tenir le coup.


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  1   Lorsque ces soldats-là, qui étaient venus souvent chez moi pour que je leur

  2   prépare des plats, et cetera, alors je leur ai parlé un petit peu pour leur

  3   demander si on pouvait avoir de l'aide pour protéger contre les autres

  4   soldats qui harcelaient les gens de l'autre côté de la rivière. C'était le

  5   4 septembre, à 8 heures du matin, il était venu. Marinko, qui était venu,

  6   il était tout noir au visage. J'ai dit, Ecoutez, essayons de faire quelque

  7   chose pour ces gens-là.

  8   Il a fallu, m'a-t-on répondu, s'adresser à Beco. Je n'ai rien à voir avec.

  9   Mais lorsque Marinko était rentré chez lui, à 11 heures du soir, il a été

 10   tué, lui, son épouse, sa mère, et son père. On ne sait même plus où se

 11   trouvent leurs restes, c'est-à-dire ils ont été tués dans une prairie

 12   derrière leur maison.

 13   Q.  Madame la Témoin, pour ce qui est de ces gens-là, on en parlera plus

 14   tard pour savoir qui a été tué, dans quelles circonstances, et cetera.

 15   Essayez de nous relater maintenant ce que vous avez vu vous-même --

 16   R.  Très bien.

 17   Q.  -- et entendu.

 18   R.  Vous vous référez toujours à cette date, à la date que j'ai

 19   mentionnée ?

 20   Q.  Oui. Je vais poser la question suivante : est-ce que vous vous rappelez

 21   ce qui s'était produit en date du 7 septembre ?

 22   R.  Ce jour-là, les soldats étaient venus de l'autre côté, mais il y en a

 23   qui passait de notre côté également. Nous sommes au bord de la route, les

 24   gens déambulent, c'est un va-et-vient continuel -- perpétuel. On ne sait

 25   pas qui va où. Mais, dès qu'ils sont arrivés, on a entendu des coups de


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  1   feu. On ne peut pas dire qu'ils tiraient sur les hommes -- sur les gens,

  2   mais on a pu voir et entendre les balles atterrir dans le lac. Il y avait -

  3   - comme si on faisait la bombe tout simplement, les gens qui étaient très

  4   gais, parce qu'on entendait la chanson, et cetera. Ceci s'était passé à

  5   commencer par le 7.

  6   Le 8 au soir, j'étais chez moi un soir. Je venais de me coucher.  Il

  7   y avait quatre familles qui étaient venues parmi les réfugiés. Parmi eux,

  8   il y en avait que je connaissais déjà de Capljina parce que nous

  9   travaillions dans la même société. J'ai pu entendre hurler une femme de

 10   l'autre côté de la rivière, par exemple, les propos qu'on pouvait

 11   reconnaître, Braves gens, que faites-vous de moi ? Que vous ai-je fait ? Je

 12   ne suis coupable de rien, et cetera. (expurgée).

 13   Après, aurais-je pu entendre d'autres voix. Je n'ai pas pu fermer l'œil.

 14   Je me suis rendue compte du fait que quelque chose de très mauvais se

 15   préparait.

 16   Le lendemain, de l'autre partie de ma maison, était venue me voir une

 17   réfugiée musulmane pour me caresser, pour me dire, As-tu entendu quoi que

 18   ce soit hier soir ? J'ai dit, Oui, je n'ai pas pu dormir à cause de cela.

 19   L'autre m'a dit qu'elle avait entendu, notamment, le hurlement d'une femme

 20   et des coups de feu. Oui, j'ai répondu, c'est à peu près ce que j'ai pu

 21   entendre moi aussi.

 22   Déjà, le lendemain, voilà que c'était à l'aube du 9.

 23   Q.  Que s'est-il passé en date du 9, au matin, lorsque vous vous êtes

 24   levée ?

 25   R.  Lorsque je me suis levée, il y avait un soldat -- un garde qui était là


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  1   pour monter la sentinelle auprès du pont. Lui, appelle le nom de mon mari

  2   et un autre que nous connaissions pour nous demander si nous étions en vie,

  3   en répondant, Oui, bien entendu. Pourquoi nous appelles-tu ? Alors l'autre

  4   m'a dit, Cette nuit, Ivan Frano a été emmené pour être tué auprès du pont.

  5   Il s'agit d'un Musulman d'ailleurs. Nous le connaissions bien, et sa maison

  6   était juste en dessous de la nôtre, qui jouxte avec notre jardin. L'homme

  7   qui nous a appelés nous demande de ne pas sortir de chez nous, de rester à

  8   la maison pour tout simplement avoir la vie sauve. Et nous lui sommes

  9   redevables.

 10   Q.  C'est bien Témoin. Est-ce que, ce matin, quelqu'un d'autre était venu

 11   dans votre maison ?

 12   R.  Oui. Vers les 9 heures, un soldat était venu chez nous, dans notre

 13   maison, vers 9 heures, je crois. Le soleil s'était levé. Nous sommes tous

 14   levés d'ailleurs. Il y a avait de ces femmes réfugiées, et cetera. En ce

 15   moment-là, je crois que, moi, qui circulais d'une maison à l'autre, j'ai dû

 16   passer vers ma grande maison.

 17  (expurgée)

 18  (expurgée)

 19  (expurgée)." Mais, comme nous n'avions pas de café, nous avons dû faire une

 20   espèce à base de blé, faire frire le blé, et c'est comme cela que nous

 21   l'avons fait.

 22   J'ai distribué un petit peu de ce café en le partageant d'abord avec

 23   le soldat. Lui, il était resté avec ces jeunes filles, c'était une personne

 24   fort jeune, et auprès d'autres femmes dans la cour de ma maison. Alors,

 25   j'ai dit tout simplement : "Voilà un peu de café, il n'y a pas de sucre."


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  1   Alors lui, en me remerciant, m'a dit : "Si jamais je reçois un peu de

  2   sucre, tu en auras, tante telle et telle," et il a mentionné mon nom.

  3   Après quoi, l'une des réfugiés était venue pour m'appeler, pour aller

  4   derrière notre maison, pour me dire : "De l'autre côté de la rivière, des

  5   Croates ont été tués. Je dois me rendre à Jablanica" - nous étions à 13

  6   kilomètres - "pour appeler --," Ibro et Meho, juste pour sauver toi et ton

  7   mari. Nous étions loin. On ne pouvait pas aller à pied pour alerter la

  8   police, pour faire quelque chose.

  9   Pourtant, elle est partie. Un docteur est venu entre-temps avec un

 10   soldat --

 11   Q.  Excusez-moi de vous interrompre, mais étant donné que vous avez demandé

 12   des mesures de protection, je vous prie de ne pas mentionner -- de ne pas

 13   prononcer votre nom.

 14   R.  Oui, oui. Je vous comprends.

 15   Q.  Ne mentionnez pas non plus d'autres noms qui risquent de dévoiler votre

 16   identité. On en parlera peut-être plus tard.

 17   R.  [aucune interprétation]

 18   Q.  Mais, secondo, je voudrais revenir à ce que vous avez mentionné, comme

 19   quoi il y avait un soldat. Essayez de répondre plus directement, pour y

 20   aller plus vite, à mes questions.

 21   Revenons maintenant à vos propos de tout à l'heure. Vous avez fait

 22   mention d'un soldat qui était venu vous voir.

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   Q.  Est-ce que -- ce soldat, vous a-t-il dit quelque chose d'autre ?

 25   R.  Non, non. Ce n'est pas celui-là qui nous a dit quoi que ce soit.


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  1   Q.  Est-ce qu'il y avait un autre soldat qui vous aurait parlé ?

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  Oui.

  4   R.  Oui. Il y avait un soldat qui était venu vers 11 heures.

  5   Q.  Que s'est-il passé ?

  6   R.  Il est venu dans ma maison et il déambulait dans ma maison comme s'il

  7   avait peur. Il a fait mention de mon nom en me disant : "Ma tante, je dois

  8   te tuer." Moi, j'ai dit : "Pourquoi, mon fils ?" C'est comme cela je lui ai

  9   adressé la parole. L'autre a répondu : "Parce que tu es de cette

 10   nationalité croate." Lui m'a dit : "Va chercher un pantalon bouffant si tu

 11   veux te faire sauver." C'est ce que je suis allée faire. Entre-temps, mon

 12   mari s'était caché dans une armoire. C'est là où il a été caché par l'un ou

 13   l'une de ces réfugiés qui vivaient avec nous.

 14   Q.  Et pourquoi voulait-il que vous enfiliez maintenant un pantalon

 15   bouffant ?

 16   R.  C'est ce que j'ai pigé un petit peu, à ma façon, comme quoi il n'allait

 17   pas me tuer si j'enfilais ce pantalon bouffant. Après quoi, il s'en est

 18   allé juste en faisant un signe de la main, conscient du fait que j'étais

 19   sidérée de peur. Je ne l'ai plus vu apparaître du tout.

 20   Q.  A quel groupe ethnique appartiennent ces femmes qui portaient un

 21   pantalon bouffant ?

 22   R.  Des Musulmanes. Mais il n'y avait que deux femmes plutôt âgées, venant

 23   de Capljina. Parce que, chez nous, en Herzégovine, disons à Capljina, on ne

 24   portait pas de pantalons bouffants, même pas des Musulmanes. C'est en

 25   Bosnie qu'on avait cette pratique vestimentaire. Il n'y avait qu'une


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  1   vieille femme qui peut-être le portait.

  2   Q.  Merci, Témoin.

  3   Dites-moi, qu'est-il advenu de vous après tout cela ?

  4   R.  Vous voulez dire après tout cela ?

  5   Q.  Oui.

  6   R.  Ces deux filles sont allées à Jablanica pour alerter la police.

  7   Q.  En quelle date, s'il vous plaît ? Le même jour ou le lendemain ?

  8   R.  Le 9, en date du 9, pour parler de date.

  9   Q.  Oui. Est-ce que vous êtes restée dans votre maison le 9, cette nuit-

 10   là ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Que s'est-il passé ?

 13   R.  Après, que s'est-il passé ? Eh bien, la police de Jablanica était

 14   venue, vers les heures de soir. Ils ont appelé mon mari par son nom. Un de

 15   ces hommes qui étaient dans ma maison a répondu pour dire que mon mari n'y

 16   était pas. Mais, lorsqu'on a fait mention de son nom - l'homme avait un

 17   brassard blanc - en disant : "Vous n'avez qu'à sortir de chez vous,

 18   quelqu'un viendra vous chercher, et vous partirez pour Jablanica."

 19   Je voulais insister auprès de cet homme-là pour dire qu'il y avait

 20   une femme à qui il manquait une jambe et un autre homme estropié, qu'il y a

 21   avait des enfants, et j'avais insisté à ce que, eux aussi, ils partent avec

 22   nous pour ne pas rester ici. C'est comme cela que nous avons fait.

 23   Il y avait énormément de soldats autour de ma maison. A commencer par ceux

 24   qui étaient venus une vingtaine de jours avant, et puis ensuite, il y avait

 25   d'autres soldats qui sont venus, avec force bétail, capturé un peu partout,


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  1   saisi auprès des gens qu'ils avaient chassés de leurs villages. Il y avait

  2   pas mal de gens âgés. (expurgée). Il

  3   y avait des gens qui étaient malades. (expurgée)

  4  (expurgée). On nous a dit tout simplement : "Allez-vous-en, allez-vous en,

  5   sinon on risque de se faire tuer." Un camion, une FAP est frappée -- ce

  6   camion est arrivé, et on est monté dessus. C'était déjà vers les 9 heures

  7   du soir, la nuit tombante, et voilà, à bord de ce camion, droit vers le

  8   camp de Jablanica.

  9   Une femme âgée de 82 ans qui n'avait pas d'enfants, elle était venue là

 10   pour marier un veuf. Un soldat a dit que comme quoi il l'a appelée pour lui

 11   dire de venir le suivre. Elle ne voulait pas, disant qu'elle n'a jamais mis

 12   au monde de soldats, par conséquent, elle n'était coupable de rien. Elle

 13   était restée. Puis après, j'apprendrai qu'elle allait être tuée également.

 14   Cette femme était dénommée Mara.

15  (expurgée)

16  (expurgée)

17  (expurgée)

18  (expurgée)

19  (expurgée)

20  (expurgée)

21  (expurgée)

 22   R.  Il y avait donc, comme j'ai dit, un camion FAP. Il n'avait pas de

 23   carburant. Nous trois, nous sommes sortis, enfin, nous autres qui étions

 24   moins âgés, disons, nous avons dû pousser un peu. Nous étions au bord de la

 25   route. J'ai pu voir cette femme qui se tenait près de ma maison à une heure


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  1   préalablement, cette fois-ci, elle gisait dans un canal. J'ai pu voir que

  2   sa tête était ensanglantée -- son manteau de fourrure. Si je peux dire

  3   peut-être son nom.

  4   Q.  Dites. Dites de qui il s'agissait.

  5   R.  C'était Ilka Miletic.

  6   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, vers quel emplacement très exactement vous

  7   l'avez vue ? Reportez-vous à cette photographie, si jamais cela est

  8   faisable, et dites-nous où se trouvait ce corps. Il s'agit maintenant d'une

  9   pièce à conviction.

 10   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 11   Mme LA GREFFIÈRE [à Sarajevo]: [interprétation] P165.

 12   Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Greffier, de quelle pièce à

 13   conviction il s'agit ?

 14   Mme LA GREFFIÈRE [à Sarajevo] : [interprétation] P165.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce à conviction de l'Accusation P165.

 16   Mme CHANA : [interprétation] P165.

 17   Q.  Dites-moi, Madame, est-ce bien l'emplacement où vous avez pu voir le

 18   corps d'Ilka Miletic ?

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons en huis clos partiel.

 20   Mme CHANA : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, allons en huis clos partiel, s'il

 22   vous plaît.

 23   [Audience à huis clos partiel]

24  (expurgée)

25  (expurgée)


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11  Page 27 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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 1  (expurgée)

 2  (expurgée)

 3  (expurgée)

 4  (expurgée)

 5  (expurgée)

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 9  (expurgée)

10  (expurgée)

11  (expurgée)

 12   [Audience publique]

 13   Mme CHANA : [interprétation]

 14   Q.  Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui s'appelle Mara Mandic ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que vous pourriez me dire quand vous avez vu Mara Mandic pour la

 17   dernière fois.

 18   R.  Lorsque je suis allée à Jablanica, dix minutes avant, en fait.

 19   Q.  Avez-vous jamais revu Mara Mandic ?

 20   R.  Non, jamais. Lorsque nous sommes partis pour Jablanica, un soldat m'a

 21   dit : "Dites à cette femme de partir avec nous. Elle ne veut pas m'obéir."

 22   C'est le soldat qui avait regroupé tous ces gens. Moi, je suis accourue

 23   vers elle. Je lui ai dit : "Mara, nous allons tous à Jablanica. Viens avec

 24   nous." Elle, elle a dit qu'elle ne voulait pas le faire, qu'elle n'avait

 25   donné naissance à qui que ce soit, qu'elle n'était pas coupable, et qu'elle


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  1   n'allait pas périr."  Nous sommes partis. Elle est restée, et j'ai entendu

  2   dire qu'elle a été tuée au bout d'une heure et que sa maison a été

  3   incendiée. Ceci, c'est un Musulman, qui vivait dans une maison en face de

  4   la sienne, qui m'a raconté cela. Sa femme était tellement effrayée qu'elle

  5   a fui à un endroit différent. Elle a été effrayée de continuer à dormir là-

  6   bas. C'était la femme de cet homme.

 7  (expurgée)

 8  (expurgée)

 9  (expurgée)

 10  (expurgée) Il voulait rester avec nous.

 11   Ils lui ont aussi dit à lui aussi :  "Vas-t'en. Tu n'as pas le droit de

 12   rester." Les soldats ont dit cela. Il n'avait pas de veste, juste une

 13   chemise. Il avait froid. Il avait un petit sac avec ses médicaments. Un peu

 14   plus loin, peut-être à une distance de 500 mètres d'Ilka, il a été tué.

 15   Q.  Est-ce que vous avez entendu parler de la manière dont il a été tué et

 16   par qui; est-ce que vous le savez ?

 17   R.  Il s'agissait toujours des mêmes soldats, et probablement, ils avaient

 18   traversé le pont sur la carte du côté ouest, et ensuite, ils ont suivi les

 19   civils qui allaient à Jablanica, le long de la route, et d'abord, ils ont

 20   rencontré Ilka. Ensuite, ils l'ont vu, lui et ma sœur. Cette sœur est

 21   morte, elle marchait devant eux avec son maritime, et il a crié :

 22   "Attendez-moi," mais ils ont entendu cela, et puis, une balle a été tirée.

 23   Ensuite, ils ont entendu un autre coup de feu, et il est tombé sur la

 24   route. Et ma sœur m'a raconté cela lorsque nous sommes arrivées au camp.

 25   C'était le même soir, le 9.


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  1   Q.  Avez-vous --

  2   R.  Au bout de deux jours nous étions dans le camp. Deux gardes sont venus,

  3   le garde qui était de permanence au barrage, nous les connaissions de

  4   Jablanica, ils ont exprimé leurs condoléances auprès de moi, ils ont dit :

  5   "Il est là-bas, près du barrage, et il est mort. Qu'est-ce que nous allons

  6   faire avec lui ?" J'ai demandé à mon maritime, lorsque je suis revenue au

  7   camp, ce que nous pouvions faire, et il a dit, il a demandé, "S'il pouvait

  8   être enterré quelque part afin que le bétail ne le mange pas." Cependant,

  9   il est à moitié calciné, donc il a été enterré secrètement pendant la nuit

 10   pour que les soldats ne voient pas cela. Ils l'ont emmené à notre maison,

 11   notre jardin.

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez nous clarifier, lorsque vous avez que quelqu'un

 13   est tombé après deux coups de feu ? Qui c'était ?

 14   R.  Ma sœur marchait devant moi. Elle a vu cela. Elle n'a pas été tuée.

 15   Elle pensait à l'idée de dire que son fils était dans l'ABiH. Elle s'en est

 16   bien sortie, de même que son mari. Au moment du coup de feu, elle a dit que

 17   deux soldats étaient en train de marcher, et a entendu un coup de feu,

 18   ensuite un autre coup de feu, et ensuite lui est tombé sur son dos, car il

 19   marchait le long de la route. C'est là qu'il a été retrouvé.

 20   Q.  Maintenant, vous parlez d'Ivan Mandic ?

 21   R.  Oui. Oui. Ensuite, il y a eu ces réfugiés.

 22   Est-ce que je peux continuer ?

 23   Q.  Oui, tout à l'heure, mais tout d'abord, dites-moi, est-ce que vous

 24   n'avez jamais revu Ivan Mandic ? Est-ce que vous avez vu son cadavre ? 

 25   R.  Les réfugiés qui étaient dans ma maison pendant la nuit, sans que qui


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  1   que ce soit ne le sache, ils l'ont pris et ils l'ont enterré dans notre

  2   jardin devant un pommier. Et un voisin musulman est venu au camp et il nous

  3   a dit où cet homme avait été enterré. Cependant, nous n'osions rien faire

  4   pour protéger des tirs, pour que celui-ci ne soit pas coupable de ce qu'il

  5   avait fait.

  6   C'est seulement le 9 août 1999 que cet homme a été exhumé, et ceci a été

  7   organisé par ses filles. Elles sont venues. Elles l'ont pris. Elles l'ont

  8   emmené à Split. Moi aussi, j'ai été invitée. J'ai vu sa chemise, une partie

  9   de sa main, de ses dents. J'ai eu un malaise. Je n'ai plus pu regarder

 10   cela. Ses filles l'ont reconnu. Et puis elles ont reconnu les médicaments

 11   dans le petit sac qu'il portait sur lui. Tout ceci a été trouvé sur lui.

 12   Tout ceci a été enterré avec lui. C'est ainsi qu'ils l'ont trouvé. Il a été

 13   enterré à Mostar, mais par la suite, il a été transféré à Grabovica afin de

 14   trouver sa place à côté de sa femme, qui est morte avant la guerre. Cela

 15   est la vérité, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. C'est tout ce

 16   que je sais concernant cela.

 17   Q.  Oui, merci, Madame le Témoin. Je souhaite vous montrer une liste.

 18   Mme CHANA : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la liste des

 19   victimes de Grabovica, pièce P97 ?

 20   Q.  Madame le Témoin, je vais vous expliquer ce que je souhaite que vous

 21   fassiez. Je souhaite que vous examiniez cette liste, nom par nom, et dire

 22   aux Juges, si vous connaissiez cette personne et quelles sont les

 23   circonstances dans lesquelles vous connaissiez cette personne, et si vous

 24   avez revu ces personnes. Je pense que les choses deviendront plus claires

 25   si l'on procède au cas par cas, nom par nom. Etes-vous d'accord ?


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  1   Peut-on examiner le premier nom ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Quel est le premier nom ?

  4   R.  Pero Culjak.

  5   Q.  Le connaissez-vous ?

  6   R.  Je le connais.

  7   Q.  Oui. Est-ce que vous pouvez nous dire concernant Pero, quand l'avez-

  8   vous pour la dernière fois et est-ce que vous l'avez revu depuis la

  9   dernière fois que vous l'avez vu, et ce sont les deux réponses que je

 10   souhaite d'obtenir de vous concernant chacune des victimes sur la liste ?

 11   R.  Pero Culjak, il vivait du côté occidental dans un autre village. C'est

 12   le beau-père d'une personne que nous connaissons de Grabovica. Quatorze

 13   jours avant les événements, Pero et sa femme ont été emmenés devant notre

 14   maison, dans un véhicule avec son beau-fils. C'est son beau-fils qui les a

 15   emmenés chez lui pour éviter qu'ils restent seuls. Ces jeunes sont partis,

 16   mais ils ne souhaitaient pas qu'ils restent seuls. Ils vivaient à Grabovica

 17   en face de ma maison, sur la rive occidentale, lui avec sa femme et sa

 18   soeur et son beau-fils.

 19   Q.  Est-ce sa femme --

 20   R.  Je l'ai vu 12 jours avant cela et plus jamais.

 21   Q.  Est-ce que le nom de sa femme figure sur la liste ? Est-ce Matija ?

 22   R.  Elle était avec lui, et elle a été emmenée chez sa fille, et ceci s'est

 23   terminé pour elle comme ceci s'est terminé pour lui d'ailleurs.

 24   Q.  C'était quand ? Comment est-ce que les choses se sont terminées ?

 25   Qu'est-ce que vous voulez dire par cela ?


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  1   R.  Je veux dire qu'ils étaient tués tous les cinq là-bas, dans une maison,

  2   et il y a des enfants qui les ont vus morts. Puis, ce beau-fils, Josip, il

  3   est mort d'une manière très cruelle. Ils étaient cinq dans la maison. Ils

  4   ont été tués dans la maison, et ensuite, la maison a été incendiée.

  5   Q.  Donc, vous n'avez pas vu Pero ou Matija. Vous ne les avez pas revus ?

  6   R.  Je n'ai vu aucune de ces victimes qui étaient de l'autre côté. J'ai

  7   entendu beaucoup de faits les concernant.

  8   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  9   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 10   Mme CHANA : [interprétation]

 11   Q.  A quel moment avez-vous appris que ces personnes ont été tuées ?

 12   R.  Le 9, nous avons entendu qu'ils ont été tués, lorsque ce soldat a dit

 13   aux réfugiés musulmans qui sont venus dans ma maison. Mais je ne

 14   connaissais pas tous les noms avant que nous nous regroupions tous au camp.

 15   Ensuite, cette personne est venue de quelque part. Et puis, Marinko

 16   Dreznjak est venu. Et Goran Zadro, qui a vu ces victimes. Goran et Zoran,

 17   il s'agissait de deux frères. L'un d'eux est venu, et puis le deuxième, je

 18   ne sais pas. Car ses parents ont été tués également.

 19   Q.  Merci, Madame le Témoin. Est-ce que nous pouvons poursuivre avec la

 20   liste. Les numéros 3 et 4, Cvitan Lovric et Jela Lovric, est-ce que vous

 21   voyez ces noms-là ?

 22   R.  Oui. Je vois Cvitan Lovric et Jela, oui.

 23   Q.  Où vivaient-ils ?

 24   R.  Eux aussi, ils vivaient là où ce Pero Culjak vivait, et c'est là que

 25   leur vie s'est terminée également.


Page 34

  1   Q.  A quel moment les avez-vous vus pour la dernière fois ?

  2   R.  Je les ai vus 12 jours avant, car l'autre amenait, dans notre village,

  3   leur vache, et ils ont rentré chez eux. Mais j'ai entendu, en ce qui les

  4   concerne également, que deux soldats sont venus dans leur maison, qu'elle,

  5   elle se cachait dans la maison, et lorsque ces soldats sont sortis de la

  6   maison, la maison a été mise à feu, et ces personnes n'ont jamais été

  7   revues vivantes. J'ai entendu parler de cela seulement lorsque je suis

  8   arrivée au camp du côté gauche. C'est tout ce que je peux dire concernant

  9   ces deux personnes.

 10   Q.  Est-ce que vous avez été informée du moment auquel ils ont été tués ?

 11   Est-ce que vous le savez ? Juste la date.

 12   R.  C'était bien plus tard. C'est autour du 15 septembre.

 13   Q.  Très bien. Peut-on passer au numéro 5. Vous avez déjà parlé du numéro

 14   5, 6 et 7.

 15   Passons à numéro 8, s'il vous plaît. Peut-on le faire ?

 16   R.  Oui. Anica Pranjic.

 17   Q.  Est-ce que vous connaissez cette personne, Anica Pranjic ?

 18   R.  Oui. Anica Pranjic, elle n'avait pas d'enfants. Elle vivait du côté

 19   est, de même que nous. Mais, ce Josip Brekalo qui a fait venir ses beaux-

 20   parents, on l'a déjà mentionné, il l'a amenée chez lui aussi. Je l'ai vue

 21   10 jours avant, car elle est la tante de Josip. Elle était dans cette même

 22   maison avec Josip Brekalo.

 23   Q.  Qu'est-ce qui est arrivé ?

 24   R.  [aucune interprétation]

 25   Q.  Qu'est-ce qui est arrivé à Anica Pranjic ?


Page 35

  1   R.  Je pense que ce qui lui est arrivé, c'est qu'elle a été tuée avec les 5

  2   autres, avec Matija Culjak et Pero Culjak --

  3   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, si j'ai bien compris

  4   --

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] -- car ils vivaient tous dans une grande

  6   maison.

  7   M. MORRISSEY : [interprétation] Il n'y a pas d'objection à ce que l'on ait

  8   recours à l'ouï-dire dans une telle affaire. Mais si l'on demande au témoin

  9   ce qu'elle sait, cela camoufle le niveau de l'ouï-dire, et je pense que

 10   ceci est important. Donc, il est nécessaire que le témoin dise si elle sait

 11   comment quelqu'un est mort, de manière claire, pour que la Défense sache

 12   également sur quoi le témoin fonde cette connaissance. Il s'agit d'une

 13   simple question qui peut être posée, et la réponse ne devrait pas être

 14   difficile. Mais je pense, qu'avant que le témoin nous dise ce qu'elle sait,

 15   il faut clarifier cela.

 16   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je pense qu'il s'agit là d'une

 17   demande tout à fait raisonnable.

 18   Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mais d'autre part, la Défense aura

 20   l'occasion de poser des questions pendant le contre-interrogatoire afin de

 21   clarifier tout ce qui n'était pas claire au cours de l'interrogatoire

 22   principal.

 23   Mais de toute façon, si possible, Mme Chana pourrait s'assurer, pendant

 24   l'interrogatoire principal, si le témoin sait quelque chose par ouï-dire ou

 25   autrement.


Page 36

  1   Mme CHANA : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

  3   Mme CHANA : [interprétation]

  4   Q.  Témoin, nous parlions de --

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que je peux savoir pendant combien

  6   de temps encore votre interrogatoire principal durera ?

  7   Mme CHANA : [interprétation] Il nous reste encore dix noms.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous voulez dire encore cinq minutes ?

  9   Mme CHANA : [interprétation] Je l'espère, cinq à dix minutes, maximum.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Poursuivez.

 11   Mme CHANA : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Madame le Témoin, est-ce que vous pouvez nous dire si vous savez ce qui

 13   est arrivé à Anica Pranjic et qui vous a parlé de cela.

 14   R.  Ce jeune homme, Goran, il l'a vue dans la maison de Brekalo. Elle était

 15   morte. Or, ils vivaient tous ensemble. J'ai entendu des cris provenant de

 16   cette maison le 8. Mais je ne les ai pas vus. Après, il s'est avéré que le

 17   petit les a vus, de même que Marinko Dreznjak. Lui, il a entendu dire, de

 18   la part d'un soldat, qu'ils avaient été tués dans cette maison. Cela, c'est

 19   tout. Après, lorsque nous sommes arrivés au camp, quelqu'un disait que tous

 20   ceux qui étaient chez les Brekalo ont été tués, y compris Anica Pranjic.

 21   C'est tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

 22   Q.  Madame le Témoin, ce que je souhaite que vous disiez à la Chambre,

 23   chaque fois que je vous pose une question concernant certains noms, dites-

 24   nous, s'il vous plaît, qui vous a raconté ces faits.

 25   Donc, en ce qui concerne Anica Pranjic, qui vous a raconté ?


Page 37

  1   R.  C'est Goran qui me l'a dit. C'est lui qui l'a vue, Goran Zadro. Il a

  2   dit qu'elle était là-bas avec eux elle aussi. C'est tout ce que je peux

  3   dire.

  4   Q.  Peut-on passer à Franjo Ravlic, le numéro 9 sur la liste.

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vous pourriez me dire ce que vous savez au sujet de cette

  7   personne-là ? Est-ce que vous le connaissiez, lui ?

  8   R.  Franjo Ravlic, tous ceux-là ce sont des cousins. Il est venu chez moi

  9   dans l'après-midi, à 5 heures, pour prendre du thé. Il est rentré chez lui.

 10   Q.  Quelle était la date ?

 11   R.  Une femme musulmane qui vivait chez lui -- près de lui, chez un autre

 12   homme, elle est venue et elle m'a dit : "Je suis tombée malade. Franjo et

 13   Ivan Saric ont été chassés cette nuit. Et eux, ils ont été tués près de ce

 14   pont aussi." Franjo a été retrouvé au bout de trois mois dans le lac, dans

 15   l'eau, et cet Ivan, il n'a jamais été retrouvé. C'est tout ce que je peux

 16   dire à leur sujet.

 17   Q.  Ivan Saric. Ivan, c'est Ivan Saric, le numéro 10 sur la liste ?

 18   R.  Oui, c'est celui qui était avec lui. Il n'a jamais été retrouvé, alors

 19   que Franjo a été retrouvé dans le lac.

 20   Q.  Est-ce que vous savez qui vous a dit cela ?

 21   R.  Mes voisins. C'étaient mes voisins. Leurs enfants me l'ont dit, et moi,

 22   j'ai assisté à l'enterrement de ce Franjo.

 23   Q.  Et --

 24   R.  Lorsqu'il a été transféré de Mostar à Grabovica, au cimetière.

 25   Q.  Très bien. Maintenant, je souhaite que vous parliez des numéros 13 et


Page 38

  1   14, Josip et Luca Brekalo. Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que vous les

  2   connaissiez, et si vous savez ce qui leur est arrivé, et de quelle manière

  3   vous l'avez appris.

  4   R.  Il s'agit d'un couple marié. Leur maison était tournée vers la mienne.

  5   Le 8, il m'a fait un signe de la main, dans la soirée. Il a dit mon nom, il

  6   m'a dit : "Ciao." Ils étaient tous ensemble, tous les cinq, avec Culjak.

  7   Luca, c'est la fille de Pero Culjak. Donc, Luca c'est la fille de Pero

  8   Culjak, et Josip c'est le beau-fils, et cette Anica, elle aussi elle était

  9   dans cette même maison.

 10   Q.  Qu'est-ce qui leur est arrivé ?

 11   R.  J'ai déjà dit que j'ai entendu des cris émanant de cette maison. Ils

 12   ont été tués. Ensuite, une femme musulmane réfugiée m'a dit, dans le camp,

 13   que cette maison a été mise à feu. Après, je ne sais rien. C'est ainsi que

 14   ceci s'est passé. C'est tout ce que je peux vous dire au sujet de ces

 15   victimes.

 16   Q.  Est-ce que vous connaissez le nom de cette femme musulmane ?

 17   R.  Oui. Edinka.

 18   Q.  Excusez-moi, Témoin, peut-être que je vous donne l'impression de me

 19   répéter, mais je voudrais simplement qu'on suive la liste pour le bon

 20   ordre. Il n'est pas nécessaire que vous répondiez de façon très détaillée.

 21   Je voudrais vous demander de regarder les lignes 15, 16, et 17. Il s'agit

 22   des Dreznjak. Est-ce que vous pourriez brièvement me dire comment les

 23   choses se sont passées et parler d'eux, lorsqu'ils sont passés, et comment

 24   vous l'avez appris, comment vous savez ce qu'ils leur aient arrivé.

 25   R.  Ils vivaient dans la direction de ma maison. Il n'y avait que la


Page 39

  1   rivière, la Neretva, qui nous séparait. Nous pouvions nous parler. A 1

  2   heure, devant la maison, j'ai vu la fille de cette personne et sa femme. Ce

  3   n'est que plus tard que j'ai appris qu'ils avaient été tués. Voilà comment

  4   cela s'est passé. La fille a été retrouvée, mais les deux personnes âgées

  5   n'ont pas été retrouvées. Elle a été exhumée. Dragica était la fille. Mara

  6   était la mère. Andrija Dreznjak, cela, c'était le mari de Mara. Il n'y a

  7   rien de plus que je puisse dire à ce sujet.

  8   Q.  Qui vous en a parlé ? Pourriez-vous simplement nous dire cela, s'il

  9   vous plaît, en ce qui concerne les Dreznjak ?

 10   R.  Lorsque nous sommes arrivés au camp, nous avons appris cela tout de

 11   suite. Il y avait là des Musulmans qui étaient nos voisins et qui ont

 12   témoigné, et ils étaient horrifiés et navrés de ce qui s'était passé.

 13   Q.  Pourrais-je vous demander maintenant de regarder les numéros 31 et 32

 14   de la liste, à savoir Zivko et Ljuba Dreznjak. Est-ce que vous pourriez

 15   nous parler d'eux de la manière, s'il vous plaît.

 16   R.  Ils ont été tués devant chez eux, devant leur maison. Il y avait du

 17   fumier qui était devant chez eux. Ils ont été partiellement recouverts de

 18   fumier. Lui, était un malade mental. Il avait une barbe qui lui descendait

 19   jusqu'à la taille. Sa femme était là également. Son fils a été emmené, et

 20   il a entendu les coups de feu. On les a retrouvés là et on les a enterrés.

 21   Je ne sais pas combien de temps s'était écoulé depuis lors. Probablement un

 22   an, je crois.

 23   Q.  Qui vous a dit qu'ils avaient été tués ?

 24   R.  Leur fils me l'a dit, et puis ils sont allés aux obsèques. C'étaient

 25   mes voisins les plus proches. Je ne peux pas en dire plus.


Page 40

  1   Q.  J'aurais une toute dernière question à poser en ce qui concerne le

  2   numéro 33. Je crois, en ce qui concerne ce numéro, je crois que vous avez

  3   dit aux juristes, lors du récolement, aux juristes qui se trouvaient avec

  4   vous lors du récolement, qu'en fait, cette personne était décédée au mois

  5   de juillet.

  6   Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai déjà indiqué ceci

  7   à la Défense.

  8   Q.  Est-ce que c'est exact, Témoin ?

  9   R.  Oui. Oui. Cela n'a rien à voir avec les événements du mois en question.

 10   Q.  Ma toute dernière question, Témoin : toutes ces personnes dont nous

 11   avons parlé et qui figurent sur cette liste, est-ce que vous pourriez nous

 12   dire au cours de quelle période elles sont mortes, quelle date ?

 13   R.  Toutes les personnes dont nous venons de parler, à l'exception de Jela

 14   Lovric et Cvitan qui ont été tués un peu plus tard, toutes les autres

 15   personnes, c'était en août et septembre, à l'exception de Jozo Istuk.

 16   C'était au cours de ces deux journées et ces deux nuits que cela, c'est-à-

 17   dire, il y a une nuit, un jour et une autre journée pour tous ces autres.

 18   Je suis sûre de cela. Je les connaissais tous. La moitié d'entre eux

 19   m'étaient apparentés.

 20   Q.  Je vous remercie beaucoup, Témoin. Je ne veux pas vous poser d'autres

 21   questions ?

 22   Mme CHANA : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 23   Monsieur le Président, je pense peut-être que nous pouvons suspendre

 24   l'audience.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Il est tout à fait temps de faire la


Page 41

  1   suspension, et nous reprendrons à 11 heures 10, cela fait environ 30

  2   minutes de suspension.

  3   --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

  4   --- L'audience est reprise à 11 heures 12.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il un contre-interrogatoire ?

  6   Monsieur Morrissey.

  7   M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  8   Excusez-moi, Monsieur le Président. J'attends parce que je voudrais voir

  9   apparaître une image sur mon écran, et c'est à ce moment-là que je

 10   commencerai.

 11   Contre-interrogatoire par M. Morrissey :

 12   Q.  [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait m'excuser un moment

 13   d'ici à ce que nous ayons l'image à l'écran.

 14   M. MORRISSEY : [interprétation] Je présente mes excuses.

 15   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

 16   M. MORRISSEY : [interprétation] En tout cas, je la reçois sur mon écran.

 17   Maintenant, je l'aie.

 18  (expurgée)

 19  (expurgée)

 20   Q.  Je vous remercie. Mon nom est Morrissey, et je suis le conseil qui aide

 21   à la défense de M. Halilovic. J'ai certaines questions à vous poser, tout

 22   d'abord, en ce qui concerne la situation dans le village juste avant que

 23   les soldats ne viennent au village en arrivant du nord, n'est-ce pas ?

 24   Vous avez dit qu'après le moment où l'armée de Bosnie avait pris le

 25   village, il y avait des soldats qui étaient quotidiennement présent. Est-ce


Page 42

  1   que c'est exact ?

  2   R.  Oui. Il n'y en avait pas beaucoup. Il y avait des soldats aux points de

  3   contrôle qui montaient la garde sur le pont, sur le barrage, et il y avait

  4   ceux qui passaient par là.

  5   Q.  Ces soldats, d'après ce que vous avez compris, avaient un commandant,

  6   un homme connu sous le nom de Zuka ; c'est exact ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pour autant que vous ayez pu voir, ce commandant appelé Zuka, avait

  9   déployé des efforts pour qu'il y ait de bonnes relations entre ses soldats

 10   et les habitants du village, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, plus ou moins. Il n'a rien fait de particulier. Zuka partait,

 12   repartait, et ses soldats, comme tous soldats, entraient dans les maisons,

 13   prenaient ce qui leur plaisait, ce qu'ils voulaient; des aliments, les

 14   vêtements. C'est comme cela, la guerre. Ce n'était pas brillant, mais enfin

 15   on pouvait vivre. Nous ne nous déplacions pas beaucoup. On ne quittait pas

 16   la cour de notre maison. Voilà comment les choses se passaient.

 17   Q.  Oui. Vous étiez dans cette position difficile, qui est de trouver une

 18   façon de vivre avec ces jeunes gens qui étaient des soldats dans l'armée de

 19   Zuka; c'est exact ?

 20   R.  Oui. Mais ils ne dormaient pas dans notre maison. Ils étaient cantonnés

 21   dans des bureaux qui appartenaient à la centrale hydroélectrique. C'est là

 22   qu'ils étaient hébergés. C'est là qu'ils vivaient. Jablanica et Grabovica

 23   étaient à 12 kilomètres de distance, et les soldats venaient souvent en

 24   voiture. Ils venaient à tour de rôle, et voilà comment cela se passait. Ils

 25   venaient, ils entraient dans les maisons pour nous demander de faire


Page 43

  1   certaines choses pour eux. Ce n'était pas pour tout le monde dans le

  2   village. J'étais particulièrement exposée parce que ma maison se trouvait

  3   près de la centrale électrique, et c'était la raison pour laquelle nous

  4   avions de l'électricité, de sorte que je pouvais faire la cuisine, ou cuire

  5   au four, et ainsi de suite.

  6   Q.  Je vous remercie. Est-il exact que Zuka avait mis à votre disposition

  7   des services médicaux, et un médecin qui venait une fois par semaine à la

  8   centrale hydroélectrique ?

  9   R.  Oui. Il venait à la centrale. Je savais même quel était son nom. Il

 10   venait chaque semaine dans les bureaux qui se trouvaient là, et nous

 11   pouvions y aller et avoir un bilan médical, nous faire prendre notre

 12   tension. Je voyais Zuka. Nous n'avions pas de moyens de transport à

 13   Jablanica. Il avait dit qu'il arrangerait les choses pour que nous ayons un

 14   service de bus ou de car, mais rien ne s'est produit. Il n'y a pas eu de

 15   car.

 16   Q.  Je vous remercie. Maintenant, une question connexe, rapidement : est-ce

 17   que vous connaissiez les personnes qui vivaient dans le village de Diva

 18   Grabovica ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce que vous vous rappelez des noms de certaines de ces personnes ?

 21   R.  Je me rappelle Sevko Sejic. C'était un habitant de ce village. Un de

 22   ses beaux-frères qui était venu - je ne sais pas quel était son nom - mais

 23   ils vivaient là, ils avaient du bétail. Sevko Sejic était un bûcheron, un

 24   forestier. En fait, il y avait deux familles qui vivaient là. Ce n'était

 25   pas très loin de chez nous. Avant cela, c'était un hameau purement


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  1   musulman. Mais il y avait 30 ou 40 ans qu'ils étaient partis, et ils ne

  2   venaient que de temps à autre. Mais Sevko vivait là, Sejic Sevko. Il venait

  3   de nous rendre visite dans notre village, également. Sevko n'était pas –-

  4   je veux dire, il avait cessé de se comporter comme s'il nous connaissait.

  5   Il a commencé à agir comme s'il ne nous connaissait pas du tout.

  6   Q.  Je vois. Dites-moi, est-ce que vous êtes allée à Diva Grabovica au

  7   cours de ces mois de juillet, août et septembre ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Bien.

 10   R.  Je ne me suis pas éloignée de chez moi entre les mois de mai à

 11   septembre. Je ne suis allée nulle part.

 12   Q.  Bien, je comprends. J'ai des questions à vous poser concernant les

 13   soldats qui sont venus au village au cours des jours et des semaines

 14   précédents les meurtres qui ont eu lieu. Je crois que vous avez dit cela,

 15   mais juste pour être bien au clair :  est-ce qu'un groupe qui s'appelait ou

 16   qui était appelé les Loups de Cedo, sont venus dans le village environ 20

 17   jours avant les incidents dont on a parlé ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Je vois. Vous nous avez déjà dit ceci, à savoir que ces soldats, appelé

 20   les Loups de Cedo, vous ont dit qu'ils connaissaient le nom de Sefer

 21   Halilovic, et je crois que vous avez dit qu'ils l'aimaient bien, ils

 22   l'aimaient beaucoup; est-ce exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et qu'en fait, l'un d'entre eux vous a dit à un moment donné que Sefer

 25   allait venir; est-ce exact ?


Page 45

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Le 5 septembre, est-ce qu'un autre groupe de soldats appelé la Division

  3   Handzar est arrivé dans le secteur ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce qu'ils avaient un chef appelé Dziki ?

  6   R.  Il y avait un très grand nombre de surnoms. Mais comme ceci était sur

  7   la rive du côté ouest, et que j'étais sur la rive est, je ne pourrais pas

  8   vous dire quels étaient leurs noms. Tous avaient des surnoms, Riki, Briki

  9   [phon]. Je ne peux même pas me les rappeler tous.

 10   Q.  Oui.

 11   R.  Personne ne portait son vrai nom.

 12   Q.  Je vous remercie. En tout état de cause, vous avez indiqué ici devant

 13   la Chambre que le 5, des soldats des Loups de Cedo vous ont apporté du foie

 14   à faire cuire, que vous avez indiqué que vous ce que vous aviez fait pour

 15   ce foie. Je voudrais simplement vous poser quelques questions à ce sujet.

 16   Pour commencer, est-ce que vous vous souvenez clairement que c'était

 17   du foie qui vous était apporté ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Vous nous avez donné quelques détails concernant le temps que vous avez

 20   mis, le retard que vous avez pris, avant de faire cuire ce foie. D'après ce

 21   que je comprends, vous avez une mémoire précise du fait que c'était du

 22   foie ; c'est exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Vous avez également dit qu'il y avait eu comme un faux départ en ce

 25   sens que les soldats vous avait dit que Sefer était en train de venir,


Page 46

  1   allait venir. Puis ensuite, ils vous ont dit qu'il ne viendrait pas.

  2   Finalement, quelque chose s'est passé à 6 heures; est-ce exact ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Bien.

  5   R.  Ce qui s'est passé, c'est qu'il n'est pas venu.

  6   Q.  Oui. Vous avez parlé hier au Procureur à Sarajevo ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  C'est un homme du nom de Manoj Sachdeva; est-ce exact ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Bien. Lorsque vous lui avez parlé, vous saviez qu'il était important de

 11   lui dire la vérité ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et --

 14   R.  Il m'a dit cela.

 15   Q.  Oui, bien sûr. Vous avez fait tous les efforts nécessaires pour lui

 16   dire la vérité, et vous lui avez effectivement dit la vérité, n'est-ce pas

 17   ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Voilà. Maintenant, je vais juste vous donner lecture de ce qui nous a

 20   été fourni par le Procureur sur ce point, et je cite ceci, c'était vous qui

 21   parliez de Sefer Halilovic à ce moment-là, et voici la citation : "La

 22   dernière fois que je l'ai vu avant le massacre, c'était le 5 septembre 1993

 23   dans l'après-midi. Je regardais à l'extérieur par la fenêtre de la maison

 24   lorsque j'ai vu des soldats arriver dans une jeep. Sefer Halilovic est

 25   descendu de cette jeep et le véhicule a poursuivi. Il semblait que c'était


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  1   une jeep qui était très vieille."

  2   Alors --

  3   R.  Oui. Elle était sale, je ne peux pas dire si elle était vieille ou non.

  4   Q.  Bien, je comprends. Mais les faits dont je vous ai donné lecture, et ce

  5   que vous avez dit au Procureur, c'est exact, n'est-ce pas ? C'est vrai ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je voudrais passer à un autre sujet, s'il vous plaît, et il s'agit du

  8   7. Je voudrais même qu'on passe au 7 septembre, d'accord ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Le 7 septembre, je voudrais être bien au clair de ceci et être sûr que

 11   mes questions n'ont pas semé la confusion dans votre esprit et que nous

 12   parlons effectivement de la même chose. Ce que vous dites c'est que les

 13   violences et les meurtres ont commencé le 8 et se sont poursuivis la

 14   journée du 9 septembre; c'est bien cela ?

 15   R.  C'est exact.

 16   Q.  Je vous remercie. Maintenant, je vous parle du 7, vous comprenez qu'il

 17   s'agit de la journée précédant les incidents qui ont eu lieu.

 18   Et donc --

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Vous regardiez par la fenêtre de votre maison, ce qui se passait sur la

 21   rive gauche de la Neretva. Est-ce que vous avez remarqué trois cars, avec

 22   devant eux, une Jeep qui allait entrer dans le village, sur la rive droite,

 23   sur l'autre rive par rapport à vous ? 

 24   R.  Je n'ai pas vu de bus ou de cars parce que, pour la grande partie, ces

 25   soldats sont arrivés dans la soirée. Je n'ai osé regarder à l'extérieur


Page 48

  1   mais j'ai vu une Jeep, de ce côté-là et j'ai vu un grand nombre de soldats

  2   qui se trouvaient là. Je n'ai pas vu de bus ou de cars. Quant à savoir

  3   s'ils se sont arrêtés sur le pont, je n'en sais rien.

 4  (expurgée)

 5  (expurgée)

 6  (expurgée)

 7  (expurgée)

 8  (expurgée)

 9  (expurgée)

 10  (expurgée)

 11  (expurgée)

 12  (expurgée). La base de notre objection c'est que s'il induit le

 13   témoin en erreur, dans la mesure où vous lui dites qu'il s'agit d'une

 14   déposition qui a été faite par cette personne, alors ce n'est pas le cas.

 15   C'est une déclaration, dont il s'agit, et ce n'est pas présenté comme

 16   élément de preuve à la Chambre.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je ne pense que le mot "evidence" ou

 18   élément de preuve veuille dire, les éléments de preuve qui ont été déjà

 19   admis et versés au dossier comme éléments de preuve devant cette Chambre.

 20   Ici preuve ou "evidence" à cet égard, c'est simplement des renseignements,

 21   des informations pour autant que je sache.

 22   Peut-être que Monsieur Morrissey pourrait rendre les choses un peu plus

 23   claires.

 24   M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.

 25   Q.  Excusez-moi, Témoin, mais je voulais simplement dire quelque chose au


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  1   Juge, si vous voulez bien m'excusez un instant.

 2  (expurgée)

 3  (expurgée)

 4  (expurgée)

 5  (expurgée)

 6  (expurgée)

  7   Mme CHANA : [interprétation] Pourriez-nous, s'il vous plaît, aller en

  8   audience à huis clos partiel, Monsieur le Président ?

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous allons en audience à huis clos

 10   partiel.

 11    [Audience à huis clos partiel]

12  (expurgée)

13  (expurgée)

14  (expurgée)

15  (expurgée)

16  (expurgée)

17  (expurgée)

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20  (expurgée)

21  (expurgée)

22  (expurgée)

23  (expurgée)

24  (expurgée)

25  (expurgée)


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 1  (expurgée)

 2  (expurgée)

 3  (expurgée)

 4  (expurgée)

 5  (expurgée)

 6  (expurgée)

 7  (expurgée)

  8   [Audience publique]

  9   M. MORRISSEY : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Q.  Veuillez excuser ceci. Je ne vais plus vous troubler avec la

 11   déclaration d'un autre témoin. Ce que vous dites, c'est que vous-même, vous

 12   n'avez pas vu ces cars. Vous ne les avez jamais vus. C'est bien cela ?

 13   R.  Pourrais-je préciser ceci ?

 14   Q.  En fait, je retire la question que je posais, et je vais vous poser une

 15   autre question à ce sujet, et nous allons voir si nous pouvons poursuivre

 16   ou progresser à partir de là. D'accord ?

 17   Donc, la question suivante c'était : indépendamment de ce qui s'est passé

 18   le 7, le 8, vous vous êtes rendue compte qu'il y avait l'arrivée d'un

 19   nouveau groupe de soldats; c'est bien cela ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  C'est à moment-là que vous avez entendu tirer -- que l'on célébrait

 22   quelque chose et qu'il y avait un comportement répréhensible -- certains

 23   que vous pouviez entendre dans votre maison, même si ceux-ci se passaient

 24   sur l'autre rive ?

 25   R.  Oui.


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  1   Q.  Alors, vous avez dit plus tôt que vous étiez parfois angoissée ou

  2   inquiète à l'idée de regarder à travers la fenêtre, regarder par la fenêtre

  3   de chez vous. Est-ce c'est parce que vous ne vouliez pas donner

  4   l'impression d'être curieuse ou de porter trop d'attention aux soldats ?

  5   R.  Oui. Parce que la maison de ce témoin, de ce côté-là, sur la rive est

  6   et il pouvait voir les cars parce qu'ils passaient devant sa maison. C'est

  7   possible que je n'aie rien vu moi-même, parce que je n'ai pas osé regarder

  8   tout le temps.

  9   Q.  Oui, je comprends, je vous remercie de cette précision. Pour ce qui est

 10   d'entrer dans le village, la rive ouest -- si une personne vient de

 11   Jablanica et entre dans le village, il faut qu'il passe par deux autres

 12   villages et il faut qu'il traverse le pont métallique; c'est exact ?

 13   R.  Non, si c'est une personne qui suit la grande route, cette personne

 14   devra traverser, pour passer de l'autre côté. Mais si c'est une personne

 15   qui prend le train, alors c'est sur la rive ouest. Mais les trains ne

 16   fonctionnaient pas à ce moment-là, de toute manière.

 17   Q.  Bien, je vous remercie. En fait, je parle des personnes qui étaient

 18   dans des voitures, si vous comprenez ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Bien. Une personne qui viendrait de Jablanica et qui voudrait aller sur

 21   la rive droite ou la rive opposée à celle où vous vous trouvez, quitterait

 22   la route avant d'arriver jusqu'à chez vous; c'est exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Bien, de sorte que des soldats qui traverseraient pour aller sur la

 25   rive droite n'aurait pas nécessairement besoin de passer devant votre


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  1   maison; est-ce exact ?

  2   R.  Non. Non.

  3   Q.  Bien, mais néanmoins, si à ce moment-là, vous étiez en train de

  4   regarder, vous pourriez voir une partie de leurs mouvements  de l'autre

  5   côté, sur la rive droite ?

  6   R.  Oui, c'est tout près.

  7   Q.  Bien

  8   R.  Il n'y a que la route qui nous sépare de la rivière.

  9   Q.  Oui, je vous remercie, maintenant, je vais en venir, aux événements qui

 10   se sont produits, dans un instant.

 11   Je voulais simplement vous poser quelques questions concernant les réfugiés

 12   et quels ont été vos rapports avec ces réfugiés avant que l'on en arrive à

 13   ces tristes événements. D'accord ?

 14   Maintenant, la première question est la suivante : est-il exact qu'à la fin

 15   du mois d'août un grand nombre de réfugiés, d'origine musulmane, ont

 16   commencé à apparaître dans les territoires tenus par le HVO, dans le

 17   secteur de Jablanica et de Grabovica ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce qu'un grand nombre de ces réfugiés sont passés sur la route de

 20   Dreznica et Mostar alors qu'ils étaient en route vers Jablanica ?

 21   R.  Ils venaient dans des voitures.

 22   Q.  Oui.

 23   R.  Ils utilisaient des voitures.

 24   Q.  Bien. Est-ce que parfois, ils étaient amenés par des fonctionnaires des

 25   Nations Unies ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Bien. Est-ce que vous savez que c'étaient des réfugiés du secteur

  3   Capljina et également de Stolac ?

  4   R.  Oui. Mais je ne peux pas en parler, parce que particulièrement de ceux

  5   de Capljina. Nous étions des collègues, des amis, et je leur ai offert mon

  6   hospitalité, ils vivaient dans ma maison.

  7   Q.  Si vous voulez être aimable tout simplement ne parlez pas de ces gens-

  8   là, mais peut-être que c'est le moment opportun où je pourrais peut-être

  9   vous poser des questions au sujet de ces gens-là. Est-ce que, peut-être,

 10   vous avez appris au cours de la nuit du 8 au 9, la nuit où il y a eu ces

 11   coups de feu, que dans le village, étaient venus un bon nombre de réfugiés

 12   du camp de Dretelj. Ces gens-là sont venus à Grabovica, et plus

 13   particulièrement, ils sont venus dans la partie du village où vous viviez,

 14   vous ?

 15   R.  Cela, je ne saurais vous le dire.

 16   Q.  Très bien. En êtes-vous venu à entendre parler --

 17   R.  Probablement que oui, mais pas tous, pas tous. Ils étaient peu nombreux

 18   de ces réfugiés à venir là-bas -- ou -- vous intéressez chez nous pour

 19   parler des hommes.

 20   Q.  Bien.

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  Pour ce qui est de ces réfugiés venus de Dretelj, primo, votre maison

 23   était déjà, pour ainsi dire, pleine de gens, n'est-ce pas, occupée, toute

 24   entière, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.


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  1   Q.  Vous vous êtes occupée vous-même d'un bon nombre de familles ?

  2   R.  Oui, oui.

  3   Q.  Oui.

  4   R.  Parce que je les connaissais ces gens-là.

  5   Q.  Dites-moi, peut-on dire que la situation était la

  6   suivante : vous avez entendu dire que des gens du camp de Dretelj étaient

  7   venus, mais qu'au cours de la nuit du 8, vous ne les avez pas vus; est-ce

  8   exact de dire ainsi ?

  9   R.  Je ne les ai pas vus en vérité.

 10   Q.  Probablement, quelqu'un vous en a parlé pour vous dire que ces gens-là

 11   se trouvaient dans le village, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui. Mais il s'agit de parler peut-être de trois ou de quatre personnes

 13   que je connaissais personnellement pour parler d'homes.

 14   Q.  Fort bien. Est-ce que vous vous rappelez peut-être les noms de ces

 15   trois ou quatre personnes que vous connaissiez vous-même ?

 16   R.  Je ne peux vous dire que le nom de l'un d'entre eux. Il s'est fait tué

 17   par un obus au moment où il était de retour. Il s'appelle Dedic Hajder. Je

 18   le connaissais. Il était venu chez moi, et je lui ai donné du linge pour

 19   qu'il change de vêtements. Je ne peux pas me rappeler fort bien de tout

 20   cela. Ceci s'était passé il y a très, très longtemps.

 21   Q.  Je comprends. Dites-moi, si vous êtes inquiète pour ne pas dévoiler

 22   l'identité de ces gens-là, les Juges dans ce prétoire peuvent arranger les

 23   choses pour que tout cela se passe à huis clos partiel. Dans ce cas-là,

 24   pouvez-vous nous dire s'il y a d'autres gens dont vous vous souvenez les

 25   noms, mais pour des raisons de sécurité, vous ne serez pas prête à en


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  1   parler pour ne pas les dévoiler.

  2   R.  Vraiment, croyez-moi, je n'ai peut-être plus souvenance de ces noms-là.

  3   Il y avait de jeunes gens parmi eux, mais en tout cas, je ne m'en souviens

  4   pas très, très bien, par conséquent, j'aime mieux ne pas en parler.

  5   Q.  Fort bien. A quel moment au cours de la nuit --

  6   R.  Pour ce qui est des femmes --

  7   Q.  Excusez-moi. Je vous ai interrompu.

  8   R. Pour ce qui est des femmes, parmi les réfugiés, elles n'étaient pas dans

  9   le camp. Elles étaient venues directement de chez elles, de leur maison

 10   respectivement. Par conséquent, elles ne m'en ont pas parlé, elles ne me

 11   parlaient de rien pratiquement. On vivait ensemble. La vie se faisait un

 12   peu précipitée. Il y avait ces fameuses dates du 8 au 9. On faisait des

 13   plats, on cuisinait à base de ce qu'on avait dans notre jardin potager.

 14   Voilà, j'ai essayé de faire de mon mieux mais peut-être que parmi ces gens-

 15   là, il y en avait à qui je suis redevable d'avoir la vie sauve maintenant.

 16   Q.  Oui, je vois. Vous avez fait mention d'un nom de quelqu'un qui s'est

 17   fait tuer. Il s'agit de M. Dedic. Dites-moi, à quel moment M. Dedic, au

 18   cours de la nuit, était venu lorsque vous lui avez permis de changer de

 19   vêtements ?

 20   R.  Oui. C'était un matin vers 9 heures. Lui se trouvait dans les baraques,

 21   où se trouvaient, dans le temps, hébergé, des ouvriers. C'était maintenant

 22   abandonné. Il a passé la nuit là-bas. Puis après, il était venu chez nous

 23   pour me demander la permission de se changer, et seulement plus tard, il

 24   était venu évidemment, et pour très peu de temps. Cela se passait peut-être

 25   dans un laps de temps de quelques jours.


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  1   Q.  Je comprends fort bien. Est-ce que vous avez reçu la visite de ces

  2   gens-là, pour parler de ces gens-là au moment où vous deviez partir pour

  3   Jablanica ?

  4   R.  Non, je ne dirais pas à ce moment-là, pas dans ce laps de temps parce

  5   que, qui savait où nous devions partir en date du 9 mai. Avant cela, des

  6   femmes venaient nous voir. Il s'agissait de ces connaissances avec qui j'ai

  7   eu l'occasion de travailler. Il y avait des hommes également parmi ces

  8   visiteurs. Il s'agit évidemment des hommes avec qui j'ai travaillé,

  9   toujours, disais-je dans la même société.

 10   Q.  Fort bien. Maintenant, je vais vous poser une question : parmi ces

 11   réfugiés qui passaient par Grabovica, en date du 9, ou peut-être du 8 au 9,

 12   le matin en date du 9, est-ce qu'il y avait des hommes parmi eux ?

 13   R.  Peut-être qu'il y avait le moins d'entre eux qui était venu justement

 14   en ces dates du 8 et 9. Ils étaient venus huit jours avant, vers le premier

 15   du mois à mesure qu'ils affluaient. Ils devaient être hébergés dans ces

 16   baraques qui étaient préalablement réservées à des ouvriers qui ont

 17   travaillé au barrage. Après quoi, évidemment, ils se faisaient héberger

 18   dans des maisons abandonnées, puis il y avait des familles, des foyers qui

 19   les hébergeaient. Ainsi que moi, par exemple, j'ai pu héberger ces femmes

 20   que j'ai pues connaître. Parmi les réfugiés, il y avait également les maris

 21   de ces femmes qui étaient les professeurs de mes enfants, et cetera. C'est

 22   ainsi que je les hébergeais, que je les recevais chez moi au fil des jours.

 23   Q.  Fort bien. Pour ce qui est de ceux qui sont venus au cours de la nuit

 24   du 8 au 9, et en date du 9 au matin, est-ce que vous, personnellement, vous

 25   avez pu savoir où ils se sont arrêtés à Grabovica ?


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  1   R.  Est-ce que vous faites référence aux réfugiés toujours ou aux troupes ?

  2   Q.  Excusez-moi. Je me référais aux réfugiés, particulièrement, je me

  3   réfère à cette date, à savoir à la nuit du 8 au 9.

  4   R.  Il n'y avait aucun réfugié qui était venu cette nuit du 8 au 9. Peut-

  5   être passaient-ils par Jablanica pour aller vers Prenj, vers d'autres

  6   localités, parce qu'il y avait à Grabovica, déjà, je dirais, toutes

  7   occupées, pour parler des maisons.

  8   Q.  Fort bien. Vous voulez dire par là, en d'autres termes qu'il n'aurait

  9   servi à rien de frapper à votre porte puisque votre maison était déjà

 10   remplie. Est-ce que vous savez si ces gens-là, qui au cours de la nuit,

 11   passaient par le village et est-ce que vous savez s'ils ont frappé à

 12   d'autres portes pour trouver refuge et hébergement ?

 13   R.  Je ne sais pas. Je sais que ceux qui sont venus chez moi, on leur a dit

 14   tout simplement, ce sont les réfugiés, les femmes, les premières familles

 15   qui étaient venues se faire héberger par moi et chez moi -- qu'ils leur

 16   répondaient : "Qu'ils devaient aller plus loin parce qu'ils n'avaient rien

 17   à chercher ici." Mais je vous disais, que tous ces gens-là étaient partis

 18   déjà. Je ne sais pas. Il faisait nuit, et puis ceux qui passent par la

 19   route --

 20   Q.  Savez-vous à quel moment vous êtes allée vous coucher ? Je parle de la

 21   nuit du 8 au 9.

 22   R.  Je suis allée me coucher à 10 heures. Mais je n'ai pas pu m'endormir

 23   parce que, cette nuit-là, il y avait trois ou quatre soldats, et puis il y

 24   avait ces gens-là que j'ai hébergés. J'ai dû leur préparer un souper et

 25   j'ai dû travailler pour eux. Cela ne m'a pas plu tellement. J'ai vu trois


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  1   soldats que je n'ai jamais vus de mes yeux. Lorsque je leur ai dit :

  2   "Bonsoir," ils m'ont répondu par "Mehraba." Cela m'a paru étrange. Cela ne

  3   m'a pas vraiment plu.

  4   De l'autre côté de la maison, lorsque je devais passer d'une partie de ma

  5   maison vers l'autre, je m'en suis rendue compte du fait. J'ai pu également

  6   voir, d'après l'expression des visages des réfugiés hébergés chez moi,

  7   qu'eux, et elles surtout, n'étaient pas très satisfaits de voir ces

  8   soldats.

  9   Lorsque je me suis couchée, vers 10 heures, prétendument pour dormir,

 10   je n'ai pas pu faire fermer l'œil bien sûr, c'est en ce moment-là que j'ai

 11   entendu les hurlements de femme, et j'ai entendu cette femme pleurer, qui,

 12   elle, disait : "Pourquoi vous en prenez-vous à moi ? Je ne suis coupable de

 13   rien." Cette nuit-là, je n'ai pas pu dormir. Je me suis assise sur le

 14   plancher, toute résignée.

 15   Q.  Oui, je comprends. Merci. Maintenant, je voudrais passer à un autre

 16   sujet. Passons à la matinée du 9.

 17   R.  Le 9, au matin --

 18   M. MORRISSEY : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît.

 19   [Le conseil de la Défense se concerte]

 20   M. MORRISSEY : [interprétation]

 21   Q.  Excusez-moi, Madame. Je crois que vous avez dit, tout à l'heure en

 22   déposant, que vous avez entendu de mauvaises nouvelles ou plutôt des

 23   rumeurs inquiétantes de la part de l'une de ces Musulmanes hébergées chez

 24   vous. Etes-vous allée, en ce moment-là, pour essayer de voir par la fenêtre

 25   si vous avez pu observer quoi que ce soit de l'autre côté de la rivière,


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  1   sur l'autre rive ?

  2   R.  Il faisait jour déjà, mais je n'ai rien pu observer. Je n'ai rien pu

  3   voir sur l'autre rive.

  4   Q.  Très bien. Est-ce que vous avez pu observer qu'il y ait eu de personnes

  5   âgées ou d'enfants de nationalité croate sur l'autre rive, en regardant par

  6   la fenêtre ?

  7   R.  C'est ce que j'ai pu observer à 1 heure : une femme avec sa fille au

  8   bord de la rivière Neretva, près de leur maison. Puis, j'ai pu voir

  9   d'autres femmes de nationalité croate qui, elles, vivaient du côté est.

 10   C'est ce que j'ai pu voir. Mais, malheureusement, elles ont péri à une 1

 11   heure de l'après-midi.

 12   Q.  Pour ce qui est de ces gens-là que vous avez pu observer, au moment où

 13   vous les avez vus, est-ce que vous avez pu les identifier ? Qui ils

 14   étaient ? Les avez-vous reconnus ?

 15   R.  Il s'agit de Dragica Dreznjak, une jeune fille avec sa mère, Mara ou

 16   Matija. Plutôt Matija -- Mara.

 17   Q.  Oui. Je comprends. Avez-vous reçu la visite d'un quelconque membre de

 18   famille au cours de cette matinée-là ?

 19   R.  A quelle famille vous référez-vous ?

 20   Q.  Je parlais de quelqu'un qui aurait été apparenté à vous, un de vos

 21   cousins.

 22   R.  Non. Plutôt, en date du 8, ce sont les gens qui étaient venus du côté

 23   ouest pour dire que : "De fâcheux événements s'y préparaient. Nous, on va

 24   être persécutés, et surtout chassés." Et si je pouvais envoyer peut-être

 25   quelques-uns parmi mes réfugiés hébergés "pour les protéger." C'est ce que


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  1   j'ai dit à ce soldat, comme je vous en ai déposé déjà, dans cette

  2   tentative, évidement, de lui en parler. Mais, lui, il a détourné la tête,

  3   et c'était tout.

  4   Q.  Oui, d'accord. Mais ma question concerne la matinée du 9. Est-ce qu'il

  5   y a eu un quelconque membre de votre famille qui vous aurait rendu visite

  6   ce matin-là, en date du 9 ?

  7   R.  Oui. Oui, il s'agit d'un soldat.

  8   Q.  Non, non, il ne s'agit pas de soldat maintenant, au sujet de quoi je

  9   vous pose une question --

 10   R.  Mais ce n'est pas quelqu'un de ma parenté.

 11   Q.  S'agit-il de quelqu'un de vos cousins qui vous aurait rendu visite ce

 12   matin ?

 13   R.  Non, non, non. Il s'agit de ce garde qui, lui, montait la garde auprès

 14   du pont. Lui, il a appelé pour apprendre des nouvelles de mon mari, s'il

 15   était en vie. Il a dit que deux des gens, Saric et Ravlic, ont été emmenés,

 16   et qu'ils ont été exécutés près du pont. Il s'agit bien d'un garde, garde

 17   du pont, de nationalité musulmane.

 18   Q.  Fort bien. Entre-temps, l'une des réfugiées musulmanes s'est rendue à

 19   Jablanica pour faire en sorte que vous soyez évacuée si possible, et à la

 20   fin, quelqu'un était venu avec un camion. S'agissait-il de troupes de

 21   militaires ou de policiers ?

 22   R.  C'étaient des gens de la police.

 23   Q.  Est-ce que vous les connaissez personnellement ?

 24   R.  Non, pas personnellement. Je ne connaissais que deux d'entre ces

 25   soldats qui étaient de nationalité serbe, mais ils avaient rejoint l'armée.


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  1   Ils étaient probablement de Banja Luka. Etaient-ils en prison, et puis

  2   après ils ont rejoint l'armée pour faire des travaux physiques. Et pour

  3   parler de ces gens-là qui nous ont emmenés à Jablanica, il s'agit de ces

  4   gens-là qui étaient plutôt invalides, pour ainsi dire, dans des couvertures

  5   à bord du camion. Et pour ce qui est, évidemment, de --

  6   Q.  Puis-je vous demander --

  7   R.  [aucune interprétation]

  8   Q.  Excusez-moi de vous interrompre. Mais ma question a trait à quelque

  9   chose que vous venez de dire tout à l'heure. Vous avez fait mention de deux

 10   soldats serbes. Portaient-ils un uniforme ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Etaient-ils de l'unité commandée par Zuka ?

 13   R.  Probablement, ils devaient être de l'unité de Cibo, parce que Cibo

 14   était le commandant de Jablanica. Je ne pourrai vous en dire plus parce

 15   qu'ils étaient tous ensemble.

 16   Q.  Je comprends cela, mais y a-t-il eu quoi que ce soit d'intéressant

 17   concernant l'uniforme de ces soldats serbes qui vous aurait fait croire

 18   qu'ils étaient membres de la police, ou de l'armée, ou d'un autre

 19   organisme, d'une autre unité ?

 20   R.  Il n'y avait rien qui aurait pu me faire croire de la sorte. Il y avait

 21   l'un d'entre eux qui s'appelait Milan, chose déjà douteuse pour moi, parce

 22   que cela ne devait pas être un Musulman. Et c'est dans ce contexte-là qu'il

 23   m'a dit qu'il était originaire de Banja Luka. C'est lui qui m'a dit, Mais,

 24   Madame, pourquoi est-ce que vous n'avez pas fui les lieux ? Parce que, lui,

 25   il était toujours de permanence au point de contrôle, mais il était


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  1   toujours dans les escortes de soldats musulmans. Je m'en suis rendue compte

  2   de cet homme-là. Lui, il déambulait là, au bord de la route, il empruntait

  3   la route. D'ailleurs, nous n'étions jamais sans soldats.

  4   Q.  Je comprends. Mais j'ai maintenant une question au sujet de l'heure de

  5   votre départ. Ce que je vous dis devrait être interprété comme suit : même

  6   si vous avez déposé avec le plus de sincérité possible, vous avez reconnu

  7   avoir quitté votre foyer à bord d'un camion approximativement vers 3

  8   heures, 3 heures 30 d'après-midi. Etes-vous d'accord maintenant que ceci

  9   serait possible si je vous le dis ainsi ?

 10   R.  Oui. Bien sûr, ceci pourrait être possible. Je ne saurais vous préciser

 11   l'heure. C'était l'automne. Les jours s'écourtent. Il y avait un silence

 12   qui pesait sur nous, et je dirais une tristesse qui nous accablait. Vous me

 13   comprenez. Je ne pouvais pas vraiment distinguer l'heure. Mais peut-être

 14   que ceci pourrait être vers ces heures-là. Souvent, ce camion passait, le

 15   seul d'ailleurs à passer, ce véhicule bâché, parce que c'est à bord de ce

 16   camion que venaient d'ailleurs les gens, les soldats et les autres. Il y

 17   avait donc la police, ces deux soldats qui étaient dans leurs couvertures,

 18   et nous étions sept à partir en premier. Pour ce qui est des civils, alors

 19   là, eux, ils sont tous partis à pied.

 20   Q.  Bien. De ce que vous venez de dire, découlent deux questions que je

 21   veux vous poser. Première question : il s'agit de ce camion. Vous dites

 22   avoir déjà vu que ce camion servait de transport de soldats, eux qui

 23   venaient à leur poste, et cetera, et lorsqu'ils étaient de retour

 24   également; est-ce exact ?

 25   R.  Oui.


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  1   Q.  Les soldats qui utilisaient ce camion étaient les troupes de l'unité de

  2   Zuka, n'est-ce pas ?

  3   R.  Probablement de l'unité de Zuka, parce que, écoutez, ce camion, il

  4   avait au volant tout un chacun, pour ainsi dire, parce que c'était toujours

  5   pour le compte de l'ABiH. Etaient-ils cinq ou six, et cetera. J'ai pu

  6   observer cela parce que ma maison est à peine à une distance de 4 ou 5

  7   mètres de la route principale. C'est comme cela que j'ai pu le voir, cette

  8   espèce de camion de marque FAP. Il y avait une espèce de poster tel un chat

  9   ou tigre, qu'en sais-je. Je ne suis pas très, très familière avec tout

 10   cela, mais en tout cas, j'ai pu le voir, ce camion, tous les jours.

 11   Q.  [aucune interprétation]

 12   R.  Régulièrement.

 13   Q.  Merci. Vous nous avez très utile en cela.

 14   Maintenant, je voudrais vous poser une autre question. En déposant, vous

 15   dites, lors d'une enquête menée par Gamini Wijeyesinghe, il s'agit

 16   évidemment d'une déclaration faite par vous en 1996, laquelle déclaration

 17   nous avons sous les yeux.

 18   J'aimerais vous donner lecture d'un passage de votre déclaration. Dites-

 19   moi, vous avez dit la vérité à l'enquêteur en ce moment-là ?

 20   R.  Oui, bien entendu.

 21   Q.  Oui, bien entendu. Maintenant, je vais essayer de vous donner lecture

 22   de votre déclaration, page 3 de votre déclaration : "Une Musulmane hébergée

 23   dans ma maison a informé la police de Jablanica pour, sous forme délation,

 24   dire que j'étais dans ma maison. C'est ainsi qu'ils sont venus avec un

 25   camion, dans ma maison, et mon mari et moi avons été emmenés au camp de


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  1   Jablanica. Ceci s'était passé le 9 septembre à 3 heures 30."

  2   Q.  Est-ce vrai ? C'est la vérité ?

  3   R.  Oui, cela est possible.

  4   Q.  Au temps où vous avez fait cette déclaration à l'enquêteur -- non, je

  5   retire cette question.

  6   Je voudrais vous donner lecture d'un autre fragment de votre déposition --

  7   votre déclaration. J'ai une suite de questions à poser. Cette fois-ci, cela

  8   concerne ces moments tristes où vous avez pu voir les corps.

  9   Au moment où vous partiez, une personne âgée plutôt était venue vous voir,

 10   vous l'avez connue au nom de Mara Mandic, pour vous parler ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Cela est arrivé juste avant votre départ en camion ?

 13   R.  Oui. Puis-je expliquer ?

 14   Q.  Bien, peut-être que j'aurai des questions concrètes à ce sujet. Mais,

 15   pour le moment, ce qui m'intéresse c'est le temps, et ensuite, nous allons

 16   parler du fond.

 17   R.  Lorsque nous sommes partis pour Jablanica, le soldat qui portait ceux

 18   qui ne pouvaient pas monter à bord du camion, il m'a dit : "Voilà, Mara.

 19   Dis-lui de venir avec nous." Moi, je me suis approchée d'elle en courant.

 20   Elle ne voulait pas nous écouter. Je lui ai dit : "Mara, nous partons tous.

 21   Viens avec nous. Ne reste pas." Elle avait plus de 80 ans. Elle a perdu son

 22   mari. Elle n'avait pas eu d'enfants. Elle ne voulait pas partir. Elle a dit

 23   : "Je n'ai jamais fait de mal à qui que ce soit." Elle a refusé de partir

 24   et d'obéir, et ce soir-là, elle a été tuée.

 25   Q.  Je souhaite vous poser quelques questions concernant les informations


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  1   que vous avez concernant Mara Mandic. Tout d'abord, où étiez-vous lorsque

  2   l'on vous a dit de sa mort ?

  3   R.  Dans le camp.

  4   Q.  Combien de temps avez-vous passé dans le camp ?

  5   R.  Trois jours, lorsque j'ai entendu parler de sa mort.

  6   Q.  On vous a informé de sa mort de la part de deux autres personnes ou une

  7   personne ?

  8   R.  Tout d'abord, une personne me l'a dit, et après, j'ai entendu cela de

  9   la part de quelqu'un d'autre. En face de cette femme, il y avait la

 10   réfugiée Ema Jaca [phon]. Elles sont restées dans la maison lorsque les

 11   civils sont partis avec elles, et au niveau du crime contre Mara, elles

 12   l'ont vu. Cette femme, elle a fui vers d'autres réfugiés dans ma maison. A

 13   ce moment-là, elle est tombée malade, et cette femme, Ema, elle est morte.

 14   Elle n'est pas morte immédiatement, mais au bout d'un an. Cette femme, elle

 15   est venue me voir. Elle m'a raconté immédiatement que Mara avait été tuée.

 16   Puis d'ailleurs, elle m'a apporté des vivres, car je n'en avais pas, et

 17   s'en été terminé de Mara.

 18   Q.  Je vais vous poser quelques questions concrètes à ce sujet. Lorsque

 19   l'on vous a dit, pour la première fois, ce qui était arrivé à Mara, est-ce

 20   que ceci s'est passé de manière suivante -- ou peut-être je devrais mieux

 21   formuler ma question. Est-ce qu'Edinka Unjic vous a dit cela elle-même, ou

 22   bien, est-ce que les personnes qui vous ont rendu visite vous ont transmis

 23   ce qu'elle avait dit ?

 24   R.  C'est Edinka Unjic qui me l'a dit, et elle m'a apporté quelques

 25   vêtements pour que je puisse les porter.


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  1   Q.  Bien.

  2   R.  Elle a dit qu'elle regrettait.

  3   Q.  Oui.

  4   R.  Elle, elle avait entendu parler de cela de la part des soldats et de la

  5   part de la femme qui avait fui la cour de Mara et qui s'est réfugiée dans

  6   ma maison pour continuer à y vivre avec les autres.

  7   Q.  Oui. C'était justement ma question suivante : quelle était la source

  8   d'information d'Edinka ?

  9   Vous avez dit qu'elle a entendu parler de cela de la part des soldats, en

 10   partie. Est-ce que je peux vous poser la question suivante : est-ce qu'elle

 11   vous a dit qu'elle avait entendu certains soldats qui se vantaient, au

 12   fond, du fait qu'ils avaient commis ce crime ? Est-ce bien cela qu'elle

 13   vous a dit ?

 14   R.  Oui, malheureusement. Elle a été absolument horrifiée à entendre cela.

 15   Q.  Oui. Vous avez dit qu'il y avait une autre source d'information

 16   qu'Edinka a mentionné, et c'était une information que quelqu'un d'autre lui

 17   a relatée. Est-ce que vous savez le nom, quel est le nom de cette autre

 18   personne à laquelle Edinka avait fait référence ?

 19   R.  Je ne sais pas quelle était l'autre personne, mais avec votre

 20   permission, je dirais qu'un homme a entendu beaucoup parler de ce crime,

 21   car il réparait la voiture de ce soldat. Il était sous la voiture, c'est

 22   Dragan Zadro. Il a entendu ces soldats se vanter. Ils disaient que le cœur

 23   de cette femme avait bon goût. Il a entendu cela, et il a conclu de qui il

 24   s'agissait. C'était un mécanicien qui réparait ce véhicule avec un autre

 25   mécanicien à Jablanica. Ils ont réparé le véhicule de ces soldats. Ce


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  1   Dragan, il est venu me voir dans le camp. Il m'a dit, voilà ce qui s'est

  2   passé. Je lui ai dit : "Dragan, comment est-ce que tu le sais ?" Il a dit :

  3   "Qu'il avait entendu parler de cela directement de la part de ces soldats."

  4   Vous savez, ces hommes-là, ils ne sont certainement pas normaux. Ils sont

  5   malades. Ils étaient certainement drogués ou quelque chose.

  6   Q.  Oui. J'apprécie le fait que vous traitez de ces moments douloureux.

  7   R.  Elle a été brûlée dans la maison.

  8   Q.  Je souhaite poursuivre. Tout d'abord, Edinka Unjic, c'était une source

  9   d'information, et ensuite, Dragan, que vous avez mentionné, et ce que vous

 10   avez entendu de son part au sujet de la conversation qu'il a entendue entre

 11   les soldats à Jablanica; est-ce exact ?

 12   R.  C'est exact.

 13   Q.  Merci beaucoup. Pour autant que vous le sachiez, Mara Mandic, son corps

 14   n'a jamais été retrouvé par qui que ce soit; est-ce exact ?

 15   R.  Oui, c'est exact, car cette maison a été incendiée cette même nuit.

 16   Elle a brûlé, (expurgée). Rien ne restait

 17   de la maison.

 18   Q.  Je souhaite vous poser une autre question. Est-ce que vous avez entendu

 19   parler des rumeurs qui ont circulé par la suite, selon lesquelles elle

 20   s'était échappée en compagnie d'un autre homme appelé Saric ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Très bien.

 23   R.  Non, je n'ai jamais entendu parler de cela.

 24   Q.  Très bien. Excusez-moi un instant.

 25   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il me


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  1   reste encore dix minutes de contre-interrogatoire. Je ne sais pas si la

  2   Chambre souhaitait procéder à une pause. Sinon, je peux très bien passer à

  3   un autre sujet.

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame le Témoin, êtes-vous prête à

  5   continuer la déposition pendant encore dix minutes avant la pause ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] On va essayer.

  7   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous allons poursuivre jusqu'à la

  8   fin de votre contre-interrogatoire, et à ce moment-là, nous aurons une

  9   pause.

 10   M. MORRISSEY : [interprétation] Très bien. Merci.

 11   Q.  Ma question suivante concerne ce que vous avez vu lors de votre voyage

 12   à Jablanica. A un moment donné, le camion est tombé en panne à l'endroit

 13   dont vous avez parlé, que vous avez mentionné à mon éminente collègue, Mme

 14   Chana. (expurgé)

 15   (expurgé)

 16   (expurgé)

 17   (expurgé)

 18   R.  Ses cheveux naturels étaient châtains. Mais elle avait aussi quelques

 19   cheveux gris, car elle était d'un certain âge.

 20   Q.  Elle était où au moment où vous l'avez vue ?

 21   R.  C'était à environ 500 mètres de ma maison en montant. Ce camion tombait

 22   en panne souvent, donc, nous, assez souvent, on sortait du camion pour le

 23   pousser. Elle était juste à côté de la route goudronnée, dans un canal.

 24   Elle était allongée sur son dos. Sa tête était couverte de sang, d'un côté.

 25   Elle portait un manteau marron. Elle avait passé par ma maison une heure


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  1   avant. Elle voulait rester avec moi, mais ils ne lui ont pas permis. Ils

  2   lui ont dit de partir, et c'est ainsi qu'elle a été tuée. Je ne sais pas si

  3   on avait tiré sur elle ailleurs aussi, car je n'ai pas vraiment inspecté le

  4   cadavre.

  5   Q.  Non, cela va comme cela. Je ne vais pas vous poser d'autres questions

  6   concernant l'état dans lequel était cette personne, Ilka.

  7   Mais j'ai quelques questions concernant le moment où vous l'avez vue. Vous

  8   avez dit que c'était approximativement au bout d'une heure, mais peut-être

  9   c'était plus long que cela, n'est-ce pas ? Car je suppose que vous ne

 10   teniez pas compte du temps avec précision.

 11   R.  Oui, probablement.

 12   Q.  Oui. Je sais que vous n'essayez pas d'induire la Chambre en erreur,

 13   mais vous avez dit quelle était votre estimation, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui. Peut-être c'était plus longtemps que cela, car vraiment, je ne

 15   peux pas vous dire exactement quelle heure il était. Je n'avais pas de

 16   montre. S'il y avait eu du soleil, le soir qui tombait, j'aurais pu

 17   conclure sur la base de cela. Mais vous savez, c'était il y a longtemps, je

 18   ne peux pas vous dire le temps avec précision.

 19   Q.  Oui, bien sûr. Au bout de 12 ans, nous ne nous attendons pas à ce que

 20   vous nous disiez des précisions au sujet du temps, rassurez-vous.

 21   Sur le chemin de Jablanica, est-ce que le camion FAP dans lequel vous

 22   étiez était capable de rouler à une grande vitesse ou bien est-ce qu'il

 23   roulait à environ 30 à 40 kilomètres par heure ?

 24   R.  Lentement et péniblement, il roulait. Mais de toute façon, nous avons

 25   été content du fait qu'il nous a amené au camp.


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  1   Q.  Excusez-moi un instant, s'il vous plaît.

  2   [Le conseil de la Défense se concerte]

  3   M. MORRISSEY : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce que vous connaissez une certaine personne prénommée Katica ? Je

  5   ne vous demande pas quels sont vos liens de parenté, s'ils existent, mais

  6   dites-moi simplement si cette personne existe.

  7   R.  Oui, je connais. Elle existe dans notre village.

  8   Q.  Très bien. Nous ne souhaitons pas identifier quel est le lien qui

  9   existe entre elle et vous en raison des mesures de protection, mais a-t-

 10   elle déposé déjà ? Etait-ce le témoin précédent ?

 11   R.  Oui, oui.

 12   Q.  Pendant que vous étiez dans ce camion, est-ce que vous êtes passée à

 13   côté d'elle sur la route de Jablanica ?

 14   R.  Non. Elle voulait rester à la maison avec moi, et elle aussi n'a pas

 15   été autorisée de faire cela. Puis, elle est partie. En partie, elle allait

 16   à pied, en partie, elle a dû prendre un camion. Je ne sais pas. Mais de

 17   toute façon, elle est arrivée avant moi. Nous sommes arrivées pendant la

 18   nuit. Je ne sais pas quelle était l'heure. Nous étions les derniers de

 19   Grabovica.

 20   Q.  Est-ce que d'autres personnes de Grabovica étaient déjà là-bas, les

 21   personnes qui avaient été amenées à bord d'autres véhicules ?

 22   R.  Oui. Il y avait quelques hommes qui avaient été dans le camp, dans les

 23   caves. Ce n'étaient pas des soldats, c'étaient des civils. Ils ont vite été

 24   capturés lorsqu'ils avaient fui dans les collines et ils étaient déjà dans

 25   le camp. Mais, nous n'avions pas la permission de les voir.


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  1   Q.  Très bien, je vais limiter ma question à cela. Est-ce que d'autres

  2   personnes de Gradovica y étaient lorsque vous êtes arrivées à Jablanica,

  3   les personnes qui sont parties ce même jour ? Autrement dit, d'autres

  4   personnes qui ont été évacuées le même jour ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire leurs noms ?

  7   R.  Suis-je autorisée ?

  8   Q.  Oui.

  9   R.  Ruza Pranjic, Stojan Pranjic. Puis, attendez, j'ai oublié tellement de

 10   choses -- Mira Pranjic, son mari était dans le camp. Matija Miletic, et

 11   cette Matija, elle est morte aussi depuis. Puis, il y en avait d'autres. Il

 12   va falloir que je m'en rappelle, je vais me rappeler.

 13   Q.  [hors micro]

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Votre micro.

 15   M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.

 16   Q.  Si vous ne vous souvenez de leurs noms, est-ce que vous pouvez nous

 17   dire quel était le nombre approximatif des habitants de Grabovica que vous

 18   avez rencontrés à Jablanica.

 19   R.  Nous étions environ 16. Mais, par la suite, d'autres sont venus, ceux

 20   qui étaient partis à pied. Mais ils ne sont allés dans le camp, mais chez

 21   des personnes qu'ils connaissaient. Au bout de deux jours, ils ont été

 22   hébergés dans le camp. Au total, nous étions 21 habitants de Grabovica dans

 23   le camp. Mais après, il y en a qui sont venus d'un autre village, de

 24   Sjencine, au bout de 12 jours. Car au total, y compris les gens venant

 25   d'autres villages autour de Jablanica, nous étions 340 dans le camp.


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  1   Q.  Très bien, je souhaite vous indiquer, Madame le Témoin, que mon contre-

  2   interrogatoire est terminé. Merci d'avoir répondu à mes questions.

  3   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien.

  4   Nous allons prendre une pause et nous allons continuer avec les questions

  5   supplémentaires.

  6   Nous allons reprendre nos travaux à 12 heures 50.

  7   --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 50.

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il des questions supplémentaires,

 10   Madame Chana ?

 11   Mme CHANA : [interprétation] Oui, brièvement, Monsieur le Président.

 12   Nouvel interrogatoire par Mme Chana :

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, encore une fois, Madame le Témoin.

 14   M'entendez-vous ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Je vais vous poser encore quelques questions, et j'apprécierais si vous

 17   pouvez me répondre brièvement, ce qui vous permettra de pouvoir partir plus

 18   vite également. Vous me comprenez ? C'est acceptable ?

 19   R.  Oui, tout à fait. Je serai contente de partir vite d'ailleurs.

 20   Q.  Très bien. Le 5 septembre, veuillez vous rappeler cette date en

 21   particulier, s'il vous plaît. Vous avez dit que, ce jour-là, il y a

 22   beaucoup de soldats; est-ce exact ?

 23   R.  Oui, beaucoup.

 24   Q.  Est-ce que vous avez pu voir tout cela depuis l'endroit où se trouvait

 25   votre maison près de la rivière ?


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  1   R.  C'était le 5 ? Répétez, s'il vous plaît.

  2   Q.  Oui. Je souhaite que l'on reparle de la date du 5 septembre, lorsqu'il

  3   y a eu beaucoup de soldats dans le village. Vous avez dit que vous avez vu

  4   de nombreux soldats depuis l'endroit où vous étiez, dans votre maison.

  5   R.  Oui. Mais ils n'étaient pas aussi nombreux le 5 que le 8, et le 9, ou

  6   bien le 7. Ils se déplaçaient en voiture autour des maisons, et cetera,

  7   mais ils n'étaient pas aussi nombreux que le 7, le 8, et le 9, du côté

  8   occidental.

  9   Q.  [aucune interprétation]

 10   R.  Ils étaient plus nombreux que de notre côté.

 11   Q.  Cependant, il y avait quand même un nombre assez important de soldats,

 12   n'est-ce pas ? Comment décririez-vous les soldats ?

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

 14   M. MORRISSEY : [interprétation] Je ne soulève pas d'objection à la deuxième

 15   partie de la question, mais la première partie était très clairement une

 16   question directrice, et je soulève une objection à cette partie-là.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Veuillez reformuler.

 18   Mme CHANA : [interprétation] Oui.

 19   Q.  Madame le Témoin, dites-moi -- donnez-moi une idée de leur nombre.

 20   R.  Je dirais 100 à 150.

 21   Q.  Merci, Madame le Témoin.

 22   R.  Je ne suis pas sûre pour ce qui est des chiffres non plus. Peut-être il

 23   y en avait moins que cela.

 24   Q.  Mais vous avez pu les voir depuis l'endroit où vous vous trouviez. Ils

 25   étaient en train de se déplacer.


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  1   R.  Oui, oui.

  2   Q.  Quel était le comportement de ces soldats, de manière générale ?

  3   M. MORRISSEY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Il faut

  4   clarifier de quelle date nous sommes en train de parler. J'ai l'impression,

  5   qu'actuellement, les questions ne se focalisent pas clairement sur le 5. Il

  6   faut clarifier cela. Donc, je pense qu'il faut clarifier quelle est la date

  7   dont on est en train de parler.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

  9   Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   Q.  Madame le Témoin, je parle encore du 5 septembre. Est-ce que vous

 11   pouvez me raconter de quelle manière se comportaient ces 100 soldats ou

 12   plus, ce 5 ?

 13   R.  Et bien, rien de particulièrement méchant. Ils se déplaçaient. Parfois,

 14   ils ne nous voyaient pas. Mais, vous savez, ils ne nous provoquaient pas.

 15   Ils ne nous maltraitaient pas. Effectivement, parfois ils demandaient

 16   quelque chose, mais de manière normale, le 5.

 17   Q.  Où vivaient cette centaine de soldats ?

 18   R.  Ils étaient logés dans ces cabanes où se trouvaient lesdits bureaux du

 19   côté est. Puis après, dans une maison, ils étaient une dizaine, en

 20   contrebas de nos maisons. Ils sont allés également dans la partie

 21   occidentale. Ils étaient dans des maisons différentes, puis, le bâtiment de

 22   la gare aussi. Mais, vous savez, il était difficile de savoir quel était

 23   leur nombre. Car, parfois, il y avait un camion avec une vingtaine d'eux,

 24   et puis le camion revenait vide. Donc, je ne peux pas savoir combien ils

 25   étaient. Mais, néanmoins, ils étaient nombreux du côté est aussi, car ils


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  1   avaient deux points autour de nos maisons, points de contrôle. Donc, si

  2   vous comptez dix hommes à chacun de ces points, c'est déjà 20 hommes. Puis

  3   après, il y en avait qui patrouillaient. Mais, je ne peux pas vous donner

  4   une réponse définitive.

  5   Q.  Je ne vous demande pas maintenant une question concernant leur nombre,

  6   mais leur hébergement. Le 5, où étaient-ils ?

  7   R.  Je vous l'ai déjà dit. Ils étaient dans des maisons du côté ouest et

  8   puis dans des cabanes, dans des baraques d'ouvriers. Ils étaient aussi dans

  9   d'autres baraques près de la centrale électrique. Mais je ne peux pas

 10   savoir combien de soldats se trouvaient à quel endroit. Il y avait aussi de

 11   grosses baraques d'ouvriers, ceux qui avaient construit les barrages, donc

 12   il y avait des soldats et d'autres gens là-bas aussi. Vous pouvez voir cela

 13   sur la carte.

 14   Q.  Est-ce qu'il n'y avait pas suffisamment de place à Grabovica pour loger

 15   toutes ces personnes, ou bien est-ce qu'il y avait suffisamment de place

 16   pour tous ?

 17   R.  Il n'y avait plus de place, vous savez, dans les maisons civiles. Car

 18   il y avait déjà beaucoup de réfugiés dans ces maisons-là, ceux qui étaient

 19   venus, comme je l'ai dit, de Capljina, de Stolac, ils étaient déjà dans ces

 20   maisons.

 21   Q.  Dans ce cas-là, comment est-ce que vous décririez leur hébergement ou

 22   les capacités d'héberger ?

 23   R.  Vous savez, il ne s'agissait pas d'un hébergement permanent. Ceux qui

 24   sont venus le 7 ou le 8, ils sont venus pendant la nuit, je ne sais pas

 25   comment d'ailleurs. Tantôt, ils étaient ici, tantôt ils étaient ailleurs


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  1   donc je ne peux pas savoir. Vous savez, ils venaient et ils partaient.

  2   Encore une fois, je vous dis, il y avait des camions qui venaient. Parfois,

  3   le camion arrivait plein. Il rentrait vide. Eux, ils étaient dans des

  4   maisons, dans des baraques, et cetera. Moi, je n'avais pas un aperçu total

  5   des endroits où ils étaient. Il y en a qui étaient dans des maisons. Puis,

  6   on entendait des cris, des bruits ou des tirs. Mais je ne peux pas vous

  7   dire ni quel était leur nombre ni où ils étaient hébergés pendant ces

  8   quelques jours.

  9   Q.  Serait-il exact alors de dire que les soldats n'étaient pas isolés dans

 10   des baraques à Grabovica ?

 11   R.  Il n'y avait pas de casernes à Grabovica. Après, des soldats étaient à

 12   un endroit qui s'appelait, plus tard, la caserne. C'était en 1994, 1995, et

 13   cetera. C'était peut-être jusqu'en 1998 ou 2000. Mais je ne sais plus les

 14   détails

 15   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana.

 16   Mme CHANA : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Ces questions sortent du champ du contre-

 18   interrogatoire. Les questions supplémentaires ne servent pas à vous donner

 19   l'occasion de poursuivre l'interrogatoire principal, mais doivent se

 20   limiter au champ des questions posées par la Défense au cours du contre-

 21   interrogatoire.

 22   Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais

 23   poursuivre.

 24   Q.  Madame le Témoin, je souhaite vous parler des réfugiés. Le conseil de

 25   la Défense, lorsqu'il vous a posé des questions, vous a demandé des


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  1   questions concernant les réfugiés de Grabovica. Dites-moi, est-ce qu'à un

  2   moment donné qui que ce soit a dit que les réfugiés auraient commis ces

  3   crimes ?

  4   M. MORRISSEY : [interprétation] Je fais objection à cette question. Si

  5   quelqu'un a dit quelque chose au témoin, c'est une autre chose. Mais je

  6   fais objection à ce que l'on se fonde sur le ouï-dire ou spéculation.

  7   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que c'est une question générale

  8   qui peut être reformulée.

  9   Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, c'est simplement que,

 10   jusqu'à maintenant, elle a donné, dans sa déposition, des réponses par

 11   rapport à l'interrogatoire principal, et elle a identifié les choses par

 12   les rumeurs. Donc, fondamentalement, c'est seulement sur l'aspect de ces

 13   rumeurs qu'il y aurait une suggestion. Je ne pense pas véritablement que

 14   l'on sorte de ce champ. Mais, bien entendu, je suivrai votre décision et je

 15   poserai la question d'une façon différente.

 16   Q.  Témoin, lorsque vous avez dit que vous aviez entendu parler des

 17   différents meurtres, qu'on vous avait dit qui avait été tué, c'est bien

 18   cela, les gens vous le disaient ?

 19   R.  Je ne comprends pas cela. Qui avait tué qui ? Je ne sais pas.

 20   Q.  Vous savez, la liste que je vous ai montrée précédemment de toutes ces

 21   personnes qui avaient été tuées, et vous avez entendu parler de ces

 22   personnes par d'autres, un certain nombre d'autres personnes ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Qui, selon ce que vous avez entendu, seraient les personnes qui

 25   auraient commis ces meurtres ?


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  1   R.  On a parlé du fait que c'était l'armée de Sefer et ces soldats de

  2   Handzar. Puis, il y a eu les Tigres. Puis, nous avons eu la Division

  3   Handzar. C'étaient essentiellement les gens de Sefer. Donc, je ne sais rien

  4   de plus que cela. C'est un peu différente cette question donc je ne sais

  5   pas très bien comment y répondre.

  6   Q.  Selon vous, quel était le comportement des réfugiés ? Comment étaient-

  7   ils

  8   M. MORRISSEY : [interprétation] Là encore, Monsieur le Président, ceci ne

  9   découle pas de ce qui précède.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

 11   M. MORRISSEY : [interprétation] Je n'ai pas posé de questions concernant le

 12   comportement des réfugiés. Ceci semble être une tentative de rouvrir

 13   quelque chose qui aurait été évoqué lors de l'interrogatoire principal,

 14   mais cela n'a pas été le cas.

 15   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana, je pense que le témoin a

 16   répondu à cette question lors de sa réponse précédente, de l'autre manière.

 17   Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais donc

 18   poursuivre.

 19   Q.  Alors, vous avez dit, Témoin, que le 9 septembre dans la matinée, il y

 20   avait eu un camion qui était arrivé. Pourriez-vous clarifier les choses

 21   pour nous, parce qu'on vous a posé des questions, là encore, c'était le

 22   conseil de la Défense qui vous avait posé des questions, sur le point de

 23   savoir si c'était un camion de l'armée ou de la police. Pourriez-vous nous

 24   dire, avec précision, de quel type de camion il s'agit ? C'est-à-dire, si

 25   vous le savez, bien entendu.


Page 79

  1   R.  Pourquoi était utilisé ce camion ?

  2   Q.  Je vous parle du camion qui vous a emmenée à Jablanica, celui qui est

  3   arrivé le 9.

  4   R.  Ce camion, il est venu dans la soirée. C'était un camion FAP. C'était

  5   un camion ouvert. Il était vraiment très démantibulé. Mais il nous a bien

  6   été utile. Je le voyais fréquemment, et il traversait notre village, il

  7   amenait des gens, notamment, lorsqu'il y avait des changements de tours de

  8   garde aux points de contrôle, et ainsi de suite.

  9   Q.  Quel type de personnes est-ce que ce camion amenait ?

 10   R.  Les soldats, par exemple, qui venaient prendre leurs tours de garde à

 11   Jablanica. A ce moment, ils y passaient dix jours, deux jours, et deux

 12   nuits. Puis, d'autres arrivaient, d'autres étaient amenés. Ceci s'est

 13   déroulé pendant tout l'été. C'est à ce moment-là que je les voyais.

 14   Q.  Est-ce que vous pourriez maintenant – je voudrais vous poser une

 15   question concernant Mara Mandic. Ne l'avez-vous jamais revue ?

 16   R.  Non, jamais.

 17   Q.  Est-ce que c'était une bonne amie, une amie chère ?

 18   R.  Oui. C'était une dame âgée de 82 ou 83 ans.

 19   Q.  Ma dernière question que je vais poser, Témoin, c'est si --vous savez

 20   si la liste que je vous ai montrée avec toutes les personnes dont nous

 21   avons parlé ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Est-ce que vous n'avez jamais revu l'une quelconque de ces personnes ?

 24   R.  Non, jamais.

 25   Q.  Je vous remercie beaucoup, Témoin.


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  1   Mme CHANA : [interprétation] C'étaient mes questions supplémentaires,

  2   Monsieur le Président. J'en ai terminé.

  3   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Y a-t-il des questions des Juges ? Le Juge El Mahdi.

  5   Questions de la Cour : 

  6   M. LE JUGE EL MAHDI : Je voudrais quelques clarifications si vous voulez

  7   bien. Vous avez répondu à une question posée par la Défense. Vous avez

  8   identifié l'arrivée, le 5 septembre, d'une division qu'on appelle le

  9   "Handzar Division." Comment êtes-vous en mesure d'identifier cette

 10   division ?

 11   R.  Parce que ces gens-là sont venus chez moi. Il m'est arrivé souvent de

 12   leur faire du pain, plusieurs pains que j'ai fait cuire. Ils m'apportaient

 13   de la farine. Je devais préparer tout cela et leur faire du pain. Ils

 14   mangeaient sporadiquement là où ils pouvaient le faire, le cas échéant.

 15   C'est comme cela qu'ils s'appelaient entre eux, comme étant les Loups de

 16   Cedo, puis les Loups, d'un autre, les Tigres, et cetera. Voilà comment ils

 17   venaient souvent chez moi. Ils se lavaient leurs cheveux chez moi, faire de

 18   la toilette, et cetera, tout ce dont ils avaient besoin.

 19   M. LE JUGE EL MAHDI : Je passe à une autre question, s'il vous plaît. Vous

 20   avez dit que le 9 septembre, vous avez reçu la visite d'un certain soldat

 21   qui vous a dit qu'il a reçu les ordres de vous tuer.

 22   R.  [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE EL MAHDI : Comment était habillé ce soldat et de quelle

 24   division, si vous pouvez identifier la division ?

 25   R.  Pour ce qui est de ces Tigres qui étaient venus en premier, celui-là


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  1   qui appartenait aux Tigres, je le connaissais préalablement. Je lui ai dit

  2   : "Pourquoi, mon fiston ?" Il me répond tout simplement : "Parce que tu es

  3   Oustachi, tu es Croate, toi."

  4   M. LE JUGE EL MAHDI : Pour bien vous comprendre, vous voulez dire qu'il

  5   appartenait à la division appelée "Handzar" ?

  6   R.  Il appartenait à ce groupe de soldats de Tigres, de la Division

  7   Handzar. Mais moi, pour vous dire de la division de Handzar, et les Loups

  8   et les Tigres, ils coopéraient entre eux. Ils étaient tous ensemble. Tous

  9   sont confondus. Ils s'appelaient par leurs prénoms. Tout cela était venu du

 10   côté nord par rapport à Sarajevo.

 11   M. LE JUGE EL MAHDI : Est-ce qu'il vous a dit de qui il a reçu les ordres ?

 12   R.  Non, non, rien de la sorte. Car, il y avait trois Musulmanes chez moi,

 13   une Musulmane qui lui dit : "Mon fiston, pourquoi est-ce que tu

 14   batifoles ?" Heureusement, j'avais des amis musulmans qui étaient hébergés

 15   dans ma maison. Voilà comment j'ai la vie sauve, mon maritime, et cetera.

 16   Ils ne me torturaient plus.

 17   M. LE JUGE EL MAHDI : Ma dernière question, Madame : est-ce que vous vous

 18   rappelez du nombre des habitants du village qui étaient là le 8 ou le 9

 19   septembre ? Vous étiez combien d'habitants ?

 20   R.  Je crois que nous étions environ 70 ou 80 familles, mais il y en avait

 21   qui ont déjà fui les lieux, à commencer par les jeunes. Puis, non seulement

 22   ils ont quitté les lieux, mais ils ont fermé leurs maisons à clé, et ils

 23   s'en sont allés tout simplement.

 24   M. LE JUGE EL MAHDI : Le 9, est-ce que vous pouvez me donner un chiffre

 25   approximatif du nombre ?


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  1   R.  Nous étions environ 80 personnes, peut-être un peu moins ou un peu plus

  2   de 80. Aurais-je dû tout simplement faire le compte, mais enfin, chose que

  3   je n'ai pas faite.

  4   M. LE JUGE EL MAHDI : Je m'excuse de vous poser ces questions-là, pénibles.

  5   Merci beaucoup.

  6   Merci, Monsieur le Président.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il d'autres questions sur les

  9   questions des Juges ?

 10   M. MORRISSEY : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 11   Mme CHANA : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

 13   Témoin, je vous remercie beaucoup de votre déposition, elle est terminée.

 14   Le Juriste ou le Greffier pourra vous raccompagner, et nous vous souhaitons

 15   un bon voyage de retour.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Je voudrais vous

 17   présenter tous mes vœux de succès dans votre tâche à l'avenir pour ce qui

 18   est de rendre la justice.

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 21   [Fin de la déposition du témoin par vidéolink]

 22   M. LE JUGE LIU : [interprétation] A ce stade, certaines questions

 23   d'intendance se posent. Je voudrais pouvoir en discuter avec les parties.

 24   La première, c'est la question de la communication des déclarations des

 25   cinq témoins.


Page 83

  1   Au cours de la Conférence préalable au procès du 27 janvier, l'Accusation

  2   avait demandé l'autorisation de communiquer cinq déclarations de témoin. La

  3   Chambre de première instance avait donné l'ordre à l'Accusation de

  4   communiquer ces déclarations à la Défense ainsi qu'à la Chambre de première

  5   instance de façon à leur permettre de voir et d'apprécier s'il risquerait

  6   d'y avoir préjudice quelconque à la Défense en ce qui concerne une

  7   communication tardive de ces déclarations.

  8   Ces déclarations ont été communiquées le 31 janvier 2005. Prenant en

  9   considération les demandes des parties au cours de la Conférence préalable

 10   au procès, et compte tenu du fait que dans sa réponse au rapport présenté

 11   par l'Accusation, concernant une requête visant à faire ajouter un témoin,

 12   et d'ajouter ou de retirer certaines pièces à conviction, qui avaient été

 13   déposées le 8 février 2005, la Défense ne fait pas d'objection à la

 14   communication des cinq déclarations, et la Chambre de première instance

 15   fait droit à la requête présentée par l'Accusation.

 16   La deuxième question concernait la communication de 14 documents au

 17   titre de l'Article 68 du règlement. L'Accusation a déposé une requête

 18   demandant l'autorisation de communiquer 14 documents au titre de l'Article

 19   68 du Règlement de procédure et de preuve, le 1er février 2005. Comme ces

 20   documents ont été communiqués à la Défense en B/C/S, la Chambre de première

 21  instance a demandé à l'Accusation, au cours de l'audience du 1er février, de

 22   fournir à la Défense ces documents dans leur traduction en anglais, et la

 23   Chambre de première instance voudrait savoir si la Défense les a bien

 24   reçus, et quelle est la position de la Défense, en ce qui concerne la

 25   communication desdits documents.


Page 84

  1   Oui, Monsieur Mettraux.

  2   M. METTRAUX : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  3   les Juges. Si je peux répondre à cette question.

  4   Nous avons reçu juste avant la déposition de ce dernier témoin, ou plutôt

  5   au cours de la suspension d'audience, les cinq déclarations dont vous avez

  6   parlé, nous avons reçu les textes en anglais.

  7   En ce qui concerne les documents au titre de l'Article 68, malheureusement,

  8   il s'agit de 40 [comme interprété] documents que nous n'avons pas reçu en

  9   traduction, ni en interprétation.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vois.

 11   Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana.

 13   Mme CHANA : [interprétation] Nous avons attendu ces traductions, et nous

 14   les attendons encore. Dès que nous les aurons - -nous avons demandé pour le

 15   moment -- dès que nous les aurons, nous les communiquerons à la Défense.

 16   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Quand pensez-vous que vous les aurez ?

 17   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 18   Mme CHANA : [interprétation] Notre commis à l'affaire m'informe qu'elle va

 19   poser la question encore aujourd'hui, qu'on essaiera de les avoir dès que

 20   possible.

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Oui, Maître Mettraux.

 23   M. METTRAUX : [interprétation] Si vous me permettez, Monsieur le Président.

 24   L'Accusation a obtenu l'autorisation d'ajouter un certain nombre de

 25   témoins, en l'occurrence sept témoins, à sa liste de témoins cités à la


Page 85

  1   barre. Il est possible, voire probable, que le fait qu'ils soient ajoutés à

  2   cette liste fasse créer d'autres documents au titre de l'Article 68, qui

  3   auraient trait à ces personnes en particulier. Nous serions reconnaissant à

  4   l'Accusation de bien vouloir accélérer les recherches pour toute

  5   documentation visée par l'Article 68 du règlement qui aurait trait à ces

  6   témoins, et de bien vouloir les communiquer à la Défense aussi

  7   immédiatement que possible.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien entendu. Je pense qu'en vertu de

  9   l'Article 68, l'Accusation a la responsabilité constante de communiquer

 10   tout document qui, selon elle, entre dans ce cadre.

 11   Et à ce stade, je voudrais rappeler à la Défense qu'elle doit déposer

 12   sa requête en vue de l'admission de certains documents qui ont été utilisés

 13   au cours de la déposition de M. Gusic, et de faire savoir également si elle

 14   formule des objections à ce que certaines pièces à conviction, présentées

 15   par l'Accusation, soient présentées pour versement au dossier, compte tenu

 16   la déposition de ce témoin.

 17   M. METTRAUX : [interprétation] Comme vous l'avez ordonné il y a deux

 18   jours, ce sera fait aujourd'hui avant 16 heures, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 20   La question suivante est la requête présentée par l'Accusation pour

 21   pouvoir modifier la liste des pièces qu'elle présente. La Chambre de

 22   première instance a reçu un rapport de l'Accusation adressé la Chambre,

 23   concernant une demande visant à obtenir l'autorisation d'ajouter des pièces

 24   à conviction, et d'autres questions, requête déposée le 31 janvier 2005, et

 25   la réponse de la Défense à ce rapport de l'Accusation, par réponse déposée


Page 86

  1   de 8 février 2005.

  2   La Chambre de première instance note que dans son rapport,

  3   l'Accusation n'a pas encore présenté des motifs suffisants pour expliquer

  4   pourquoi une requête a été présentée tardivement, en vue de modifier la

  5   liste des pièces à conviction qui n'avait pas été déposée avant le 14

  6   janvier 2005, alors que cette nécessité avait déjà été annoncé le 19

  7   novembre 2004. Est-ce que l'Accusation pourrait maintenant donner des

  8   raisons pour cela ?

  9   Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander

 10   des éclaircissements à la Chambre.

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, bien sûr.

 12   Mme CHANA : [interprétation] Ce qui avait été annoncé le 19 novembre,

 13   Monsieur le Président ?

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que vous aviez annoncé le fait

 15   que vous donneriez des raisons, et je crois qu'il faut que vous nous disiez

 16   pourquoi il y a eu un retard à ce stade de la procédure.

 17   Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons fourni la

 18   liste des pièces, et je pense que nous avions fourni certaines raisons dans

 19   notre rapport à la Chambre. En ce qui concerne un grand nombre de pièces,

 20   c'était à cause de l'addition tardive de certains témoins, et le fait que

 21   le Tribunal allait recevoir assez tard cette collection de documents. Donc,

 22   il s'agissait de voir tous ces documents, et à l'évidence, si je me

 23   rappelle exactement, nous avions déjà ici mais, nous avons fait les choix

 24   par la suite.

 25   Je crois que ce sont les seules explications que nous ayons. Elles ont été


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  1   données dans notre rapport que nous avons présenté à la Chambre, en ce qui

  2   concerne ces pièces à conviction.

  3   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que vous avez quelque chose à dire

  4   à ce sujet, Maître Mettraux ?

  5   M. METTRAUX : [interprétation] Non, rien de particulier, Monsieur le

  6   Président. Je pense que la date à laquelle il a été fait référence, en ce

  7   qui concerne la Conférence au titre de l'Article 65 ter du règlement,

  8   l'Accusation avait indiqué la possibilité qu'une requête demande

  9   l'autorisation d'ajouter un certain nombre de pièces à conviction.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vois. Je vous remercie de ces

 11   éclaircissements. A ce stade, je voudrais savoir si la Défense a reçu les

 12   traductions en anglais des pièces à conviction qui sont proposées.

 13   M. METTRAUX : [interprétation] La Défense a reçu, disons, ce qui serait la

 14   majorité des traductions en anglais de ces documents, mais en ce qui

 15   concerne la modification des listes, la Défense s'en tient à ce qu'elle a

 16   dit dans ses conclusions écrites, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Oui, Madame Chana.

 19   Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense qu'il y

 20   en a cinq pour le moment, y compris certains livres ou certains extraits ou

 21   citations des livres.

 22   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bon. En ce qui concerne les livres, je ne

 23   pense pas qu'il soit nécessaire de faire traduire l'ensemble des ouvrages.

 24   A ce stade, en tout cas, je pense qu'au cours des débats, seulement

 25   certaines parties ou chapitres de tel ou tel livre peuvent être utilisés


Page 88

  1   comme référence.

  2   Oui, Madame Chana.

  3   Mme CHANA : [interprétation] C'est exactement l'intention de l'Accusation,

  4   de ne faire traduire que les parties que l'Accusation a l'intention

  5   d'utiliser pendant les dépositions des témoins, et certainement pas

  6   l'ouvrage intégral. Ce serait un gaspillage de nos ressources, bien

  7   entendu, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vois. Mais si vous citez une personne

  9   comme témoin, alors, est-ce que nous devons également admettre son livre

 10   parmi les éléments de preuve ?

 11   Mme CHANA : [interprétation] Je ne pense pas, Monsieur le Président. La

 12   position serait d'admettre l'extrait sur lequel nous appellerons son

 13   attention, et ceci à ce moment-là deviendrait une pièce à conviction avec

 14   le numéro de page de ce livre.

 15   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il des commentaires de la Défense à

 16   cet égard ?

 17   M. MORRISSEY : [interprétation] Sur cette question, Monsieur le Président,

 18   le principe, c'est que le témoin pourra faire sa déposition. Si pour une

 19   raison quelconque le témoin a besoin qu'on lui parle de tels passages du

 20   livre qui puissent aider l'une ou l'autre partie, il y a différentes façons

 21   dont ceci peut se passer. Et le problème peut être traité au moment où il

 22   se posera. A première vue, prima facie, ce que vous dites à mon avis est

 23   tout à fait juste, à savoir que ce que dit le témoin lorsqu'il dépose

 24   constitue sa déposition comme élément de preuve. Et bien que nous ne soyons

 25   pas absolument sûr de ce que serait la base utilisée par l'Accusation, pour


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  1   ce qui est de présenter des livres ou certaines reconstructions, il se peut

  2   qu'il trouve une base légitime à l'avenir, mais à ce stade, la position de

  3   la Défense serait d'une façon générale que la déposition doit être faite

  4   oralement, et qu'on ne doit recourir au livre que d'une façon limitée soit

  5   pour contester ou résister à une suggestion. Ceci pourrait être pertinent

  6   de différentes manières. Bien entendu, les témoins peuvent se rafraîchir la

  7   mémoire à partir de diverses sources de temps à autre, en particulier,

  8   s'ils sont eux-mêmes les auteurs. Evidemment, il ne faut pas que cela

  9   dépende d'eux de pouvoir adapter leur déposition.

 10   Notre position est que, de tels livres ne devraient pas être considérés

 11   comme une source première. Sinon, nous sommes tout à fait d'accord que la

 12   traduction de livres ne devrait pas être quelque chose qui risque de

 13   retarder le procès ou qui puisse constituer une pièce maîtresse du procès.

 14   Bien entendu, lorsqu'il y a un livre dont une partie doit être citée par

 15   l'Accusation qui veut se fonder là-dessus en ce qui concerne l'accusé, je

 16   pense que nous parlons peut-être d'autres livres. Ce sont les commentaires

 17   que je voulais faire.

 18   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Mais, d'une façon générale, avez-

 19   vous des objections à la liste des pièces proposées ?

 20   M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas compris votre

 21   question ici. Excusez-moi. Vous voulez dire la liste des pièces à

 22   conviction que le Procureur --

 23   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

 24   M. MORRISSEY : [interprétation] -- apparemment est en train de présenter ?

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.


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  1   M. MORRISSEY : [interprétation] Nous ne savons pas pour ce qui n'a pas été

  2   traduit. Nous ne savons pas. Il faut que nous nous attendions. Il se

  3   pourrait évidemment que ceci constitue un préjudice ou que ce ne soit pas

  4   le cas. Nous ne voulons pas affirmer que tel est le cas tant nous ne savons

  5   pas de quoi il s'agit. Nous voudrions simplement réserver notre position

  6   pour voir si, oui ou non, nous subissons un préjudice. On verra à ce

  7   moment-là. Lorsque nous aurons obtenu ces documents, nous le dirons.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] A ce stade, nous ne sommes pas préoccupés

  9   de la question de l'admission de ces documents comme éléments de preuve.

 10   Nous parlons d'une liste que l'Accusation voudrait utiliser, soit utilisée

 11   pendant la présentation de ses moyens, de ses conclusions et de ses

 12   réquisitions. Si vous avez des objections contre l'utilisation de l'une

 13   quelconque de ces pièces, vous savez, ces pièces à conviction ?

 14   M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, j'avais

 15   mal compris. Vous voulez parler de la liste d'une façon générale, la liste

 16   des pièces à conviction présentée par l'Accusation ?

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, d'une façon générale.

 18   M. MORRISSEY : [interprétation] Non. Non. Nous avons de nombreuses

 19   objections à ce sujet, et nous ne sommes pas pour le moment à même de dire

 20   d'une façon générale ou globale que nous n'objectons pas à tous. Il y a de

 21   nombreux documents pour lesquels nous allons soulever des objections. Si la

 22   liste elle-même contient des documents que l'Accusation peut ou non

 23   utilisée, sur lesquels elle peut faire fond, ceci dépendra de la façon dont

 24   la déposition se présente. Je peux dire dès maintenant, non, nous avons de

 25   nombreuses objections à poser à un grand de ces pièces.


Page 91

  1   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Non. Je ne parle pas des questions

  2   d'admission de versement au dossier. Est-ce que vous comprenez cela. Nous

  3   en sommes en train de parler du fait que l'Accusation va probablement

  4   utiliser des documents pour la présentation de ces arguments.

  5   M. MORRISSEY : [interprétation] Je comprends. Excusez-moi. Ecoutez, à titre

  6   préliminaire, ce sur ce que nous nous fondons est correct et nous l'avons

  7   indiqué. Nous disons que l'Accusation n'a pas donné de motifs suffisants

  8   pour que cette liste soit utilisée. C'est tout ce que je peux répondre pour

  9   le moment.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense qu'à ce stade, la Chambre de

 11   première instance va examiner les vues présentées par les deux parties et

 12   prendra une décision dès que possible.

 13   La dernière question était de savoir si la Chambre de première instance

 14   avait reçu une liste de témoins que l'Accusation à l'intention de citer de

 15   la semaine du 14 février. La Chambre a noté que l'un des témoins qui

 16   figurait sur cette liste est un témoin qui a été ajouté à la liste de

 17   l'Accusation après que la Chambre de première instance ait fait droit à sa

 18   requête de modifier la liste de témoins.

 19   A ce stade, je voudrais savoir s'il y a d'autres problèmes qui se posent où

 20   des difficultés du côté de la Défense.

 21   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président --

 22   M. LE JUGE LIU : [interprétation] -- en ce qui concerne le contre-

 23   interrogatoire de ce témoin.

 24   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que nous

 25   pouvons accepter la proposition de l'Accusation, ceci en ce qui concerne ce


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  1   témoin. On nous a fourni une quantité importante de documents et je pense

  2   que nous sommes prêts à les traiter. Nous sommes reconnaissants pour

  3   l'indication qui nous a été donnée, à savoir qu'on pourrait éventuellement

  4   le décaler, l'entendre à un stade ultérieur. Mais nous pensons qu'il serait

  5   approprié que tous ces témoins soient appelés en même temps parce que ces

  6   dépositions, évidemment, présentent des points communs. C'est la raison

  7   pour laquelle nous ne soulevons pas d'objections.

  8   Je pense qu'une requête a été présentée à la Chambre. Je n'en suis pas sûr.

  9   [Le conseil de la Défense se concerte]

 10   M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, en ce

 11   qui concerne ce décalage.

 12   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il s'agit ici de pièces déposées à titre

 13   confidentiel. Nous n'allons pas en discuter.

 14   M. MORRISSEY : [interprétation] Oui. 

 15   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Si vous avez des objections ou des

 16   commentaires à faire, nous les entendrons en audience à huis clos partiel.

 17   M. MORRISSEY : [interprétation] J'ai fini de dire ce que je voulais dire à

 18   ce sujet.

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

 20   M. MORRISSEY : [interprétation] C'est ce que nous ferons. Merci beaucoup

 21   Monsieur le Président.

 22   En bref, c'est parce qu'il y a eu l'adjonction récente d'un témoin et je

 23   voulais conserver la possibilité que ce témoin soit disponible pour qu'on

 24   puisse le faire entendre à nouveau s'il y avait quelque chose d'inattendu

 25   qui se passait, de la même façon que nous avions présenté une demande en ce


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  1   qui concerne les trois témoins précédents. Nous ne prévoyons pas que cela

  2   soit probable et nous ne le ferons pas à moins qu'il y ait quelque chose

  3   qui le nécessite. En bref, nous sommes d'accord.

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie de votre coopération. Je

  5   pense que la Chambre fera droit à la liste de témoins présentés

  6   conformément à l'ordonnance, par rapport à ce qui a été  présenté par

  7   l'Accusation.

  8   En même temps, la Chambre voudrait rappeler à l'Accusation la décision

  9   prise par la Chambre en ce qui concerne la requête de l'Accusation pour ce

 10   qui était de modifier sa liste de témoins au titre de l'Article 65 ter. La

 11   Chambre avait ordonné à l'Accusation de faire déposer ce témoin ajouté à la

 12   liste à un stade ultérieur de façon à permettre à la Défense de se préparer

 13   pour son contre-interrogatoire. Je voudrais simplement rappeler à

 14   l'Accusation ce point, et qu'elle puisse se suive les instructions de la

 15   Chambre à ce sujet.

 16   Voulez-vous que nous allions en audience à huis clos partiel ? Oui, je

 17   pense qu'il faut aller en audience à huis clos partiel.

 18   [Audience à huis clos partiel]

19  (expurgée)

20  (expurgée)

21  (expurgée)

22  (expurgée)

23  (expurgée)

24  (expurgée)

25  (expurgée)


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10 

11  Page 94 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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11  Page 95 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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 1  (expurgée)

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 25   [Audience publique]


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  1   M. LE JUGE LIU : [interprétation] La Chambre va prendre une décision sur la

  2   requête aussitôt que possible.

  3   Y a-t-il d'autres sujets que les parties voudraient apporter à ce stade ?

  4   M. MORRISSEY : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

  6   M. WEINER : [interprétation] Rien, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

  8   L'audience est levée et nous reprendrons lundi prochain.

  9   --- L'audience est levée à 13 heures 38 et reprendra le lundi 14 février

 10   2005, à 9 heures 00.

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