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1 Le jeudi 10 février 2005
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
5 M. LE JUGE LIU : [interprétatjubicaion] Veuillez appeler la cause, s'il vous
6 plaît, Monsieur le Greffier.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
8 les Juges. C'est l'affaire IT-01-48-T, le Procureur contre Sefer Halilovic.
9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
10 Y a-t-il des questions que les parties souhaitent évoquer, Maître
11 Morrissey ?
12 M. MORRISSEY : [interprétation] Il y a une question que l'Accusation a bien
13 voulu traiter avec moi. C'est confrère qui m'a dit que le témoin avait des
14 problèmes de tension artérielle, et peut-être des problèmes d'anxiété, le
15 témoin qui va venir. Je voudrais dire que je n'ai pas de difficultés en ce
16 qui concerne les mesures que l'Accusation souhaiterait prendre pour
17 minimiser le stress si Madame le Témoin a besoin de suspension de séance.
18 Il ne sera pas nécessaire de lui demander mon approbation à ce sujet. Nous
19 sommes d'accord que ceci peut-être géré comme il le conviendra.
20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie de votre coopération.
21 Oui, Madame Chana.
22 Mme CHANA : [interprétation] Je remercie M. Morrissey de cela. Il y a une
23 autre question que je dois évoquer au cours de la déposition de ce témoin
24 en particulier. Certains noms pourraient être prononcés qui risqueraient de
25 permettre de l'identifier et à ce moment-là, je demanderais qu'on aille à
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1 huis clos partiel.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il n'y a aucun problème pour cela.
3 M. MORRISSEY : [interprétation] Pas de difficulté pour cela, non plus,
4 Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie et il est fait droit à
6 la demande.
7 Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire entrer le témoin.
8 [Le témoin dépose par vidéolink]
9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Voulez-vous s'il vous plaît faire la
12 déclaration solennelle.
13 Mme LA GREFFIÈRE [à Sarajevo] : [interprétation] Peut-on le mettre sur le
14 rétroprojecteur, s'il vous plaît.
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Avez-vous la déclaration solennelle sur
16 le rétroprojecteur, Madame le Témoin ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Veuillez la lire, s'il vous plaît.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je
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21 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 LE TÉMOIN: TÉMOIN C [Assermentée]
23 [Le témoin répond par l'interprète]
24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
25 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, il y a un problème
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1 technique parce qu'il n'y a pas de brouillage de l'image. Or, on doit avoir
2 des mesures de protection, Monsieur le Président.
3 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] J'ai été informé du fait que l'image du
5 présent du témoin est vue seulement dans la salle d'audience, mais pas à
6 l'extérieur.
7 Mme CHANA : [interprétation] Il se peut qu'il y ait eu un malentendu.
8 J'avais demandé qu'il y ait déformation des traits du visage, mais nous
9 avons déjà vu son visage.
10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Non, non. C'est seulement pour les
11 personnes qui se trouvent dans la salle d'audience.
12 Mme CHANA : [interprétation] Seulement celles qui se trouvent dans le
13 prétoire.
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Pas à l'extérieur.
15 Mme CHANA : [interprétation] Pas à l'extérieur. Alors, dans ce cas-là, cela
16 va bien.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous avons déjà vérifié, nous avons déjà
18 vérifié.
19 M. WEINER : [interprétation] Il s'agit des personnes qui se trouveraient
20 dans la galerie du public
21 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'était cela le
22 problème.
23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons vérifier.
24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
25 Mme CHANA : [interprétation] Je crois maintenant qu'il a été remédié aux
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1 problèmes.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous pouvons commencer.
3 Mme CHANA : [interprétation] Oui. Merci.
4 Interrogatoire principal par Mme Chana :
5 Q. [interprétation] Bonjour, Témoin.
6 R. Bonjour.
7 Q. Est-ce que vous avez devant vous une feuille de papier sur lequel
8 figure votre pseudonyme. On l'appelle le feuillet avec le pseudonyme ?
9 R. Oui.
10 Q. Pouvez-vous confirmer que le nom qui figure sur ce feuillet et la date
11 de naissance sont bien les vôtres ?
12 R. Oui. C'est bien cela, c'est exact.
13 Mme CHANA : [interprétation] Je voudrais demander, s'il vous plaît,
14 Monsieur le Président, que ces documents soient marqués pour identification
15 MFI165, Monsieur le Président, et je voudrais maintenant demander qu'il
16 soit versé au dossier sous scellé.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
18 Y a-t-il des objections, Monsieur Morrissey ?
19 Non, merci beaucoup.
20 Ce document est versé au dossier comme élément de preuve.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci sera la pièce de l'Accusation P164,
22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
24 Mme CHANA : [interprétation]
25 Q. Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît, me dire à quelle date vous vous
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1 êtes rendue à Grabovica ?
2 R. En 1991
3 Q. Et où vous trouviez avant d'aller à Grabovica.
4 R. Je vivais à Capljina. J'y avais un appartement mais je suis née à
5 Grabovica. Mon mari, y était né aussi. C'est ma ville natale. Après que
6 nous soyons partis à la retraite, nous sommes retournés vivre à Grabovica.
7 Q. Je vous remercie. Quelle était la composition ethnique de la population
8 de Grabovica en 1990, lorsque vous vous y trouviez ?
9 R. C'étaient des purs Croates catholiques. C'est toujours comme cela dans
10 ce village. Cela a toujours été comme cela. Il n'y avait pas d'autres
11 groupes ethniques.
12 Q. Combien de familles environ vivaient à Grabovica, à l'époque ?
13 R. Sur la rive gauche et sur la rive droite, entre nous, il y a la rivière
14 Neretva, la grande route et la voie ferrée. Il avait environ 160 familles,
15 de grandes familles ou également des familles plus petites, mais c'étaient
16 des gens qui avaient toujours vécu là. Il y avait également quelques
17 maisons nouvelles qui étaient des maisons de week-end et de villégiature
18 qui avaient été construites par la suite, et ainsi de suite. Je ne sais pas
19 exactement.
20 Q. Maintenant, est-ce qu'un moment est venu où ceci a changé ?
21 R. Que voulez-vous dire ?
22 Q. Est-ce qu'il y a eu quelque chose qui s'est passé dans le village qui a
23 changé ce 100 % d'habitants croates ?
24 R. Avant 1993, il y a eu la guerre. Je ne sais pas. Disons que, contre les
25 Serbes, nous n'avons pas tellement ressenti les effets de cette guerre. Il
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1 y avait des tensions, voilà comment étaient les choses. Bon, il y a la
2 route qui passe là, des voitures passaient, mais nous n'avons pas ressenti
3 grand-chose jusqu'en 1993. Et puis, en 1993, au mois de mai, le 10 mai,
4 l'ABiH est venue, et à ce moment-là, des changements ont commencé à se
5 produire.
6 Q. Quel a été le premier changement que vous aviez remarqué ?
7 R. Le premier changement a eu lieu le 10, lorsque l'armée est entrée dans
8 notre village.
9 Q. C'est bien l'ABiH, n'est-ce pas ?
10 R. Oui. Oui.
11 Q. Et que s'est-il donc passé ?
12 R. Nous avons une usine hydroélectrique. Ils se sont mis à la garder.
13 C'était fait par l'armée croate, l'HVO et la police. Mais, l'ABiH a tout
14 pris sous son contrôle, le village, la population, l'usine hydroélectrique.
15 Et avant cela, lorsque les choses ont commencé à présenter des dangers, un
16 très grand nombre de jeunes sont partis avec leurs enfants. De nombreux
17 jeunes sont allés à Mostar, Herzegovine, à des endroits qui étaient moins
18 dangereux, qui étaient plus sûrs. Mais parce que nous nous trouvions dans
19 une vallée, il n'y avait personne qui pouvait nous défendre de quoi ce soit
20 qui se passait là.
21 Q. Je vous remercie, Témoin. Combien de personnes, diriez-vous sont
22 restées au village après que les plus jeunes soient partis ?
23 R. Nous étions une centaine, peut-être même davantage de la rive est et de
24 la rive ouest. Il y avait quelques jeunes. Le matin en question, lorsque
25 l'armée est entrée, même ces quelques jeunes, qui étaient capables de
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1 s'enfuir se sont enfuis dans les bois. La plus jeune était une petite fille
2 de quatre ans et son père. Il n'y avait plus d'enfants du tout parce que
3 les mères avaient emmené les enfants ainsi que les pères. Pour la plupart
4 d'entre nous, nous étions des personnes âgées ou d'âge moyen, et c'est nous
5 qui sommes restés.
6 Q. Des hommes et des femmes ?
7 R. Oui. Environ 50. Il y avait une personne qui s'appelait Josip qui avait
8 peut-être 45 ans. Puis, une autre personne, Mladen, du même âge environ. Un
9 autre homme de 50 ans et ainsi de suite. Puis, je n'arrive plus à me
10 rappeler davantage. C'était plus ou moins la situation, et il y avait un
11 grand nombre de personnes qui avaient plus de 50 et même plus 60 ans.
12 Q. Je vous remercie, Témoin.
13 Maintenant, je vais vous montrer une image qui a reçu pour cote MFI165,
14 Monsieur le Président, et le 02992354. Je souhaiterais que le témoin
15 regarde cette image, et nous dise à quel endroit vous viviez à Grabovica.
16 Pourriez-vous, s'il vous plaît, essayer de montrer où se trouvait cette
17 maison ?
18 R. Ce n'est pas une très bonne photographie. Il est difficile de voir
19 clairement.
20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bon, dans ce cas-là, allons en audience à
21 huis clos partiel, s'il vous plaît.
22 [Audience à huis clos partiel]
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8 [Audience publique]
9 Mme CHANA : [interprétation]
10 Q. Maintenant, Témoin, je voudrais vous demander de penser au début du
11 mois de septembre. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé dans le
12 village à ce moment-là ?
13 R. Oui, je peux. Des renforts sont arrivés en septembre, et je crois
14 qu'ils avaient un nom comme les Tigres ou les Loups, les Loups. Tous
15 avaient des noms différents. Il y avait environ 30 soldats qui vivaient
16 dans ces bâtiments, là où j'ai mis une marque dans ces bureaux qui
17 appartenaient à la centrale électrique en dessous de cette maison qui
18 m'appartenait, dans cette direction-là.
19 Q. Est-ce que vous connaissiez certains de ces soldats ?
20 Connaissiez-vous quelqu'un ? Pourriez-vous nous dire leurs noms ?
21 R. Non. C'étaient de nouveaux soldats qui venaient de Sarajevo. Mais
22 avant, ceux qui tenaient l'ensemble de Grabovica sous leur contrôle étaient
23 des villages voisins d'alentour de Grabovica. C'étaient des personnes que
24 l'on connaissait, et qui tenaient les points de contrôle. Ils allaient dans
25 nos maisons quotidiennement. Il y avait un très grand nombre de soldats
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1 dans les parages.
2 Q. Merci, Témoin.
3 R. Et les plus récents sont arrivés --
4 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous nous dire, en ce qui concerne les
5 soldats qui sont arrivés plus récemment, est-ce que vous avez connu
6 certains noms de ces soldats arrivés par la suite ?
7 R. Vous voulez dire ceux qui sont arrivés en dernier ?
8 Q. Oui, le plus récemment, c'est cela, arrivés de Sarajevo.
9 R. Non, je ne les connaissais pas. Ils avaient tous des surnoms, Juki,
10 Muki. Je n'ai jamais su exactement leurs noms. Il y en avait un qui était
11 appelé par son nom, le nom Beca. Il lui manquait trois doigts. Il se
12 trouvait dans notre maison, en quelque sorte, mais je ne sais rien des
13 autres.
14 Q. Est-ce que vous savez qui était le chef de ces soldats ?
15 R. Ce premier dont j'ai parlé préparait à manger. Ils n'avaient pas
16 beaucoup à manger. On entendait parler de Zuka. Zuka venait. Une fois,
17 l'adjoint de Zuka est apparu. Je l'ai vu sur la route parce que, comme vous
18 pouvez le voir vous-même, ma maison est juste à côté de la route. Cette
19 personne s'appelait, je ne saurais, Nijaz ou Nijad et Celo. Lorsque cette
20 grosse voiture s'arrêtait là devant, il y avait cette personne, il était
21 appelé Celo. C'était une belle voiture, un beau modèle. Cet homme
22 s'appelait Celo. Zuka avait l'habitude de venir souvent et nous parler, à
23 nous, civils. Sefer -- je ne vais pas poursuivre. Très bien.
24 Q. Bon, je voudrais vous poser la question suivante : commençons par
25 parler de vous et de Celo. Comment avez-vous su que c'était Celo quand vous
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1 l'avez vu ?
2 R. On a mentionné ce nom. Ils ont dit : "Voici Celo, il arrive." Ils l'ont
3 salué. C'était devant ma maison donc -- j'avais peur, et en fait, je
4 surveillais tout ce que je pouvais voir avec le plus grand soin. Les autres
5 ont également mentionné ce nom. La route passe par là. Peut-être était-il
6 en route vers Mostar cette fois-là. Peut-être pas Mostar, peut-être Bijelo
7 Polje.
8 Q. Où est-ce que ces soldats habitaient ?
9 R. Comme je l'ai indiqué sur la carte, ces bureaux étaient comme de
10 petites cabanes où les employés de la centrale électrique de Grabovica
11 avaient l'habitude de travailler. C'est là qu'ils se tenaient. Je peux vous
12 le montrer sur la carte.
13 Q. Non, je vous remercie, Témoin. Je me référais aux soldats nouvellement
14 arrivés, ceux qui venaient de Sarajevo. Où dites-vous qu'ils étaient
15 cantonnés ?
16 R. Les nouveaux soldats étaient ici. Ceux qui étaient arrivés le plus
17 récemment n'étaient nulle part. Ils allaient et venaient et ils se
18 logeaient dans les différentes maisons. C'étaient ceux-là les plus
19 insolents qui sont venus.
20 Q. Bien. Je viendrai à cette question de leur insolence plus tard.
21 Pourriez-vous nous dire dans quelles maisons ces soldats ont été hébergés ?
22 R. Vous voulez dire les soldats arrivés le plus récemment ou ceux qui
23 étaient appelés les Loups d'Igman ?
24 Dans ces bureaux; tandis que, dans les maisons de Maric Marinko; les
25 autres, Maric Pero. La plupart d'entre eux avaient été logés du côté ouest.
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1 Mais ils ne sont pas restés là longtemps. Tout ceci a eu lieu à partir du 4
2 ou du 5 et jusqu'au 9.
3 Q. Vous avez entendu parler de ces personnes qui les hébergeaient. Est-ce
4 que vous avez connu leurs pensées concernant ces soldats tout récemment
5 arrivés ? Je vais les appeler les soldats les plus récents, les soldats de
6 Sarajevo. Si vous êtes d'accord --
7 M. MORRISSEY : [interprétation] Non, la Défense n'est pas d'accord,
8 Monsieur le Président. Il se peut que la déposition soit faite et que
9 c'était ce qu'a vu le témoin, mais on pourrait, à ce moment-là, utiliser
10 cette terminologie. Mais pour le moment, il n'y a pas d'élément précis à ce
11 sujet.
12 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, elle l'a déjà dit, il
13 s'agissait de ceux qui étaient le plus récemment arrivés de Sarajevo.
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Peut-être que vous pourriez à
15 nouveau poser la question au témoin.
16 Mme CHANA : [interprétation]
17 Q. Témoin, ces personnes plus récemment arrivées, est-ce qu'elles venaient
18 de Sarajevo ou d'un autre endroit ? Qu'est-ce que vous avez dit ?
19 R. Je ne pourrais pas vous dire exactement, mais quand j'ai mentionné
20 Sarajevo, pour la plupart du temps, ils venaient de là-bas ou de Hadzici ou
21 Sarajevo. Je sais qu'ils venaient de la partie du nord. De la façon dont
22 ils parlaient, ce n'était pas la façon dont la population parlait là où
23 nous vivions. C'étaient des personnes qui ne nous étaient pas connues. Ils
24 portaient des masques, des uniformes de camouflage, et des écharpes rouges
25 ou quelque chose de ce genre. Il y avait toutes sortes de choses qu'ils
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1 portaient. Très bien.
2 Q. Est-ce que vous avez jamais réussi à apprendre qui était leur chef ou
3 leur meneur. Vous savez, tous ces soldats ont un chef.
4 R. Oui. Nous avons tout de suite appris que c'étaient les troupes de
5 Sefer. Les autres qui étaient venus avant, les gens de Cedo, les Loups
6 d'Igman, les Tigres, et cetera, eux aussi, ils venaient, ils le
7 mentionnaient souvent : "Voilà Sefer qui nous arrive maintenant." A une
8 occasion, je me souviens que je devais préparer de la nourriture, des plats
9 à l'occasion de l'accueil de ce Sefer. Ce Sefer, je l'ai vu à deux
10 reprises. Il passait à bord d'une voiture. Et une fois que je l'ai vu, une
11 dernière fois, c'était le 8 mai, il était sorti d'un véhicule d'ailleurs,
12 il s'en est allé avec ces soldats.
13 Q. Sefer qui se nommait comment ?
14 R. Sefer Halilovic.
15 Q. Saviez-vous qui il était avant de le voir ?
16 R. J'ai entendu parler de lui, mais comme je ne le connaissais pas, à
17 cette occasion-là, je voulais justement le connaître. Je ne le connaissais
18 pas. Donc, là, je n'ai pas pu parler avec lui. Mais à voir la façon dont
19 les troupes l'abordaient et comment ils le nommaient en prononçant son nom,
20 je savais que c'était lui.
21 Q. Comment s'adressaient-ils à lui ?
22 R. Avec la main portée à leur chef pour le saluer. Ils avaient un salut
23 tout particulier. Est-ce que peut-être ils avaient quelque chose de
24 spécial, -- où on nommait "Allah" ou quelque chose comme cela. "Allahu-U-
25 Ekber" ou quelque chose comme cela.
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1 Q. Dites-moi, dans quelles circonstances et dans quel contexte vous avez
2 pu apprendre quoi que ce soit de Sefer Halilovic.
3 R. Il y avait beaucoup de soldats qui venaient dans mes deux maisons.
4 Comme il n'y avait pas de courant et, à cette époque-là, ils venaient parce
5 que, nous, on a eu du courant. Il n'y avait pas de courant dans le village.
6 On pouvait faire du café, on pouvait faire un plat. Puis, ils apportaient
7 du linge, à ce qu'on leur lave le linge, et on s'en occupait. C'est en
8 écoutant leurs propos, les propos des ces troupes, que j'ai pu apprendre
9 pas mal de choses. Lorsque Zuka était venu leur rendre visite, Zuka m'a
10 adressé la parole pour me demander si je me portais bien, si je me sentais
11 bien, et en me disant que personne ne devait me toucher. Or, comment nous
12 avons vécu, j'en sais quelque chose. D'autres le savent également.
13 Q. Je vais reprendre la même question, Madame le Témoin : je voulais
14 savoir dans quel contexte vous avez appris qu'on parlait de Sefer
15 Halilovic. Comment parlait-on de lui pour que vous puissiez savoir très
16 exactement qui il était pour pouvoir le rencontrer ?
17 R. Quand le rencontrer ? Quand cela ?
18 Q. Je crois que vous avez dit que lui était là, que vous avez voulu le
19 saluer ou quelque chose comme cela. Qu'avez-vous dit très exactement ?
20 R. Je n'ai pas dit que je voulais le saluer, mais j'ai parlé de ces
21 premiers soldats qui étaient venus et qui étaient cantonnés dans les
22 bureaux en contrebas. Il y avait un soldat qui m'a apporté de la viande
23 pour me dire, Tu dois faire de la friture avec cela, Sefer Halilovic
24 arrive. Je ne l'ai pas mis tout de suite, je voulais faire cela vers les 6
25 heures du soir, et cetera, pour que ce soit en ordre. Le soldat est arrivé
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1 vers les 6 heures pour dire, Il ne vient pas ce soir. Il ne viendra que
2 plus tard au cours de la nuit, peut-être plus tôt demain matin. Donc, cette
3 viande, ce foie que je t'ai donné, tu vas le garder pour préparer quelque
4 chose d'autre peut-être aussi.
5 Comme je me tenais dans ma maison, première par ordre, un véhicule s'était
6 arrêté. Un homme en est sorti, deux autres hommes avec lui. Les autres de
7 le saluer, on a mentionné son nom "Sefer," et cetera, et ils sont allés
8 tous en direction des autres soldats. Nous étions donc en date du 5
9 septembre. Or, on a fait mention de son nom à maintes reprises pendant tous
10 ces quatre mois. Depuis que l'armée est entrée dans Grabovica, on faisait
11 mention de son nom.
12 Q. Vous dites on faisait mention de son nom, et que disait-on de lui ?
13 R. On le mentionnait dans les meilleurs des termes. Comme quoi l'armée a
14 pris ce village, et lui devait faire l'inspection. On devait lui présenter
15 des rapports. J'ai entendu dire, une fois, combien de marques ils ont pu
16 obtenir parce qu'ils se sont rendus dans tels ou tels villages pour les
17 capturer. Voyez-vous, nous étions déjà au mois d'août lorsque des réfugiés
18 influaient de Capljina. Alors, les soldats se sont mis à fréquenter ces
19 jeunes filles qui sont venues de Capljina, et c'est ainsi que j'ai pu
20 apprendre tout cela. J'ai pu entendre leurs propos, les propos de ceux qui
21 venaient là pour que je leur prépare des plats, parce que, moi, je faisais
22 la cuisine et j'ai pu suivre leurs propos. Pour ce qui est de Sefer, ils ne
23 disaient que du bien. Ils disaient, C'est notre chef supérieur. Zuka
24 également, c'est un officier supérieur. Zuka, c'est quelqu'un de très bien,
25 une personne tout à fait courtoise. Lui, il me dit bonjour -- je lui dis
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1 bonjour, et lui, il me dit Salaam Aleikum. Moi, je ne sais pas répondre
2 parce que je ne suis pas de cette confession-là. Mais disons que c'est un
3 homme tout à fait décent. On dirait un homme de bonnes manières. Tout de
4 même, que voulez-vous que je vous dise ?
5 Q. Vous êtes en train de parler des soldats qui étaient cantonnés de
6 l'autre côté de la rivière. Savez-vous comment tous ces gens se sentaient
7 du fait que les soldats étaient cantonnés dans leurs maisons ?
8 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais faire
9 une remarque. Il n'y a pas de règle en ce qui concerne les éléments de
10 preuve de second ordre, et je l'admets, mais dire comment les gens se
11 sentaient là-bas, ceci, évidemment, appelle l'hypothèse. Faudrait-il peut-
12 être demander, ces gens-là, qu'est-ce qu'ils ont dit ? Qu'est-ce qui leur a
13 été dit ?
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
15 Mme CHANA : [interprétation]
16 Q. Ces gens-là, dans les maisons desquelles les soldats étaient cantonnés,
17 que vous ont-ils dit ? Est-ce qu'ils vous parlaient ?
18 R. Je vais vous dire. Lorsque les soldats étaient venus, les civils
19 n'osaient pas trop circuler. Marinko Maric, qui est de l'autre côté de la
20 rivière, c'est un des mes cousins, il devait avoir dans les 50 ans, c'est
21 un homme qui a fait des écoles, ingénieur de formation, et il m'a dit,
22 (expurgée).
23 Nous ne pouvons pas tenir le coup là-bas. Ces gens-là nous provoquent sans
24 cesse. Ils tirent sans cesse. Ils chantent. Notre vie est vraiment plus que
25 piteuse. Maintenant, je ne sais pas comment nous allons tenir le coup.
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1 Lorsque ces soldats-là, qui étaient venus souvent chez moi pour que je leur
2 prépare des plats, et cetera, alors je leur ai parlé un petit peu pour leur
3 demander si on pouvait avoir de l'aide pour protéger contre les autres
4 soldats qui harcelaient les gens de l'autre côté de la rivière. C'était le
5 4 septembre, à 8 heures du matin, il était venu. Marinko, qui était venu,
6 il était tout noir au visage. J'ai dit, Ecoutez, essayons de faire quelque
7 chose pour ces gens-là.
8 Il a fallu, m'a-t-on répondu, s'adresser à Beco. Je n'ai rien à voir avec.
9 Mais lorsque Marinko était rentré chez lui, à 11 heures du soir, il a été
10 tué, lui, son épouse, sa mère, et son père. On ne sait même plus où se
11 trouvent leurs restes, c'est-à-dire ils ont été tués dans une prairie
12 derrière leur maison.
13 Q. Madame la Témoin, pour ce qui est de ces gens-là, on en parlera plus
14 tard pour savoir qui a été tué, dans quelles circonstances, et cetera.
15 Essayez de nous relater maintenant ce que vous avez vu vous-même --
16 R. Très bien.
17 Q. -- et entendu.
18 R. Vous vous référez toujours à cette date, à la date que j'ai
19 mentionnée ?
20 Q. Oui. Je vais poser la question suivante : est-ce que vous vous rappelez
21 ce qui s'était produit en date du 7 septembre ?
22 R. Ce jour-là, les soldats étaient venus de l'autre côté, mais il y en a
23 qui passait de notre côté également. Nous sommes au bord de la route, les
24 gens déambulent, c'est un va-et-vient continuel -- perpétuel. On ne sait
25 pas qui va où. Mais, dès qu'ils sont arrivés, on a entendu des coups de
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1 feu. On ne peut pas dire qu'ils tiraient sur les hommes -- sur les gens,
2 mais on a pu voir et entendre les balles atterrir dans le lac. Il y avait -
3 - comme si on faisait la bombe tout simplement, les gens qui étaient très
4 gais, parce qu'on entendait la chanson, et cetera. Ceci s'était passé à
5 commencer par le 7.
6 Le 8 au soir, j'étais chez moi un soir. Je venais de me coucher. Il
7 y avait quatre familles qui étaient venues parmi les réfugiés. Parmi eux,
8 il y en avait que je connaissais déjà de Capljina parce que nous
9 travaillions dans la même société. J'ai pu entendre hurler une femme de
10 l'autre côté de la rivière, par exemple, les propos qu'on pouvait
11 reconnaître, Braves gens, que faites-vous de moi ? Que vous ai-je fait ? Je
12 ne suis coupable de rien, et cetera. (expurgée).
13 Après, aurais-je pu entendre d'autres voix. Je n'ai pas pu fermer l'œil.
14 Je me suis rendue compte du fait que quelque chose de très mauvais se
15 préparait.
16 Le lendemain, de l'autre partie de ma maison, était venue me voir une
17 réfugiée musulmane pour me caresser, pour me dire, As-tu entendu quoi que
18 ce soit hier soir ? J'ai dit, Oui, je n'ai pas pu dormir à cause de cela.
19 L'autre m'a dit qu'elle avait entendu, notamment, le hurlement d'une femme
20 et des coups de feu. Oui, j'ai répondu, c'est à peu près ce que j'ai pu
21 entendre moi aussi.
22 Déjà, le lendemain, voilà que c'était à l'aube du 9.
23 Q. Que s'est-il passé en date du 9, au matin, lorsque vous vous êtes
24 levée ?
25 R. Lorsque je me suis levée, il y avait un soldat -- un garde qui était là
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1 pour monter la sentinelle auprès du pont. Lui, appelle le nom de mon mari
2 et un autre que nous connaissions pour nous demander si nous étions en vie,
3 en répondant, Oui, bien entendu. Pourquoi nous appelles-tu ? Alors l'autre
4 m'a dit, Cette nuit, Ivan Frano a été emmené pour être tué auprès du pont.
5 Il s'agit d'un Musulman d'ailleurs. Nous le connaissions bien, et sa maison
6 était juste en dessous de la nôtre, qui jouxte avec notre jardin. L'homme
7 qui nous a appelés nous demande de ne pas sortir de chez nous, de rester à
8 la maison pour tout simplement avoir la vie sauve. Et nous lui sommes
9 redevables.
10 Q. C'est bien Témoin. Est-ce que, ce matin, quelqu'un d'autre était venu
11 dans votre maison ?
12 R. Oui. Vers les 9 heures, un soldat était venu chez nous, dans notre
13 maison, vers 9 heures, je crois. Le soleil s'était levé. Nous sommes tous
14 levés d'ailleurs. Il y a avait de ces femmes réfugiées, et cetera. En ce
15 moment-là, je crois que, moi, qui circulais d'une maison à l'autre, j'ai dû
16 passer vers ma grande maison.
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)." Mais, comme nous n'avions pas de café, nous avons dû faire une
20 espèce à base de blé, faire frire le blé, et c'est comme cela que nous
21 l'avons fait.
22 J'ai distribué un petit peu de ce café en le partageant d'abord avec
23 le soldat. Lui, il était resté avec ces jeunes filles, c'était une personne
24 fort jeune, et auprès d'autres femmes dans la cour de ma maison. Alors,
25 j'ai dit tout simplement : "Voilà un peu de café, il n'y a pas de sucre."
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1 Alors lui, en me remerciant, m'a dit : "Si jamais je reçois un peu de
2 sucre, tu en auras, tante telle et telle," et il a mentionné mon nom.
3 Après quoi, l'une des réfugiés était venue pour m'appeler, pour aller
4 derrière notre maison, pour me dire : "De l'autre côté de la rivière, des
5 Croates ont été tués. Je dois me rendre à Jablanica" - nous étions à 13
6 kilomètres - "pour appeler --," Ibro et Meho, juste pour sauver toi et ton
7 mari. Nous étions loin. On ne pouvait pas aller à pied pour alerter la
8 police, pour faire quelque chose.
9 Pourtant, elle est partie. Un docteur est venu entre-temps avec un
10 soldat --
11 Q. Excusez-moi de vous interrompre, mais étant donné que vous avez demandé
12 des mesures de protection, je vous prie de ne pas mentionner -- de ne pas
13 prononcer votre nom.
14 R. Oui, oui. Je vous comprends.
15 Q. Ne mentionnez pas non plus d'autres noms qui risquent de dévoiler votre
16 identité. On en parlera peut-être plus tard.
17 R. [aucune interprétation]
18 Q. Mais, secondo, je voudrais revenir à ce que vous avez mentionné, comme
19 quoi il y avait un soldat. Essayez de répondre plus directement, pour y
20 aller plus vite, à mes questions.
21 Revenons maintenant à vos propos de tout à l'heure. Vous avez fait
22 mention d'un soldat qui était venu vous voir.
23 R. [aucune interprétation]
24 Q. Est-ce que -- ce soldat, vous a-t-il dit quelque chose d'autre ?
25 R. Non, non. Ce n'est pas celui-là qui nous a dit quoi que ce soit.
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1 Q. Est-ce qu'il y avait un autre soldat qui vous aurait parlé ?
2 R. [aucune interprétation]
3 Q. Oui.
4 R. Oui. Il y avait un soldat qui était venu vers 11 heures.
5 Q. Que s'est-il passé ?
6 R. Il est venu dans ma maison et il déambulait dans ma maison comme s'il
7 avait peur. Il a fait mention de mon nom en me disant : "Ma tante, je dois
8 te tuer." Moi, j'ai dit : "Pourquoi, mon fils ?" C'est comme cela je lui ai
9 adressé la parole. L'autre a répondu : "Parce que tu es de cette
10 nationalité croate." Lui m'a dit : "Va chercher un pantalon bouffant si tu
11 veux te faire sauver." C'est ce que je suis allée faire. Entre-temps, mon
12 mari s'était caché dans une armoire. C'est là où il a été caché par l'un ou
13 l'une de ces réfugiés qui vivaient avec nous.
14 Q. Et pourquoi voulait-il que vous enfiliez maintenant un pantalon
15 bouffant ?
16 R. C'est ce que j'ai pigé un petit peu, à ma façon, comme quoi il n'allait
17 pas me tuer si j'enfilais ce pantalon bouffant. Après quoi, il s'en est
18 allé juste en faisant un signe de la main, conscient du fait que j'étais
19 sidérée de peur. Je ne l'ai plus vu apparaître du tout.
20 Q. A quel groupe ethnique appartiennent ces femmes qui portaient un
21 pantalon bouffant ?
22 R. Des Musulmanes. Mais il n'y avait que deux femmes plutôt âgées, venant
23 de Capljina. Parce que, chez nous, en Herzégovine, disons à Capljina, on ne
24 portait pas de pantalons bouffants, même pas des Musulmanes. C'est en
25 Bosnie qu'on avait cette pratique vestimentaire. Il n'y avait qu'une
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1 vieille femme qui peut-être le portait.
2 Q. Merci, Témoin.
3 Dites-moi, qu'est-il advenu de vous après tout cela ?
4 R. Vous voulez dire après tout cela ?
5 Q. Oui.
6 R. Ces deux filles sont allées à Jablanica pour alerter la police.
7 Q. En quelle date, s'il vous plaît ? Le même jour ou le lendemain ?
8 R. Le 9, en date du 9, pour parler de date.
9 Q. Oui. Est-ce que vous êtes restée dans votre maison le 9, cette nuit-
10 là ?
11 R. Non.
12 Q. Que s'est-il passé ?
13 R. Après, que s'est-il passé ? Eh bien, la police de Jablanica était
14 venue, vers les heures de soir. Ils ont appelé mon mari par son nom. Un de
15 ces hommes qui étaient dans ma maison a répondu pour dire que mon mari n'y
16 était pas. Mais, lorsqu'on a fait mention de son nom - l'homme avait un
17 brassard blanc - en disant : "Vous n'avez qu'à sortir de chez vous,
18 quelqu'un viendra vous chercher, et vous partirez pour Jablanica."
19 Je voulais insister auprès de cet homme-là pour dire qu'il y avait
20 une femme à qui il manquait une jambe et un autre homme estropié, qu'il y a
21 avait des enfants, et j'avais insisté à ce que, eux aussi, ils partent avec
22 nous pour ne pas rester ici. C'est comme cela que nous avons fait.
23 Il y avait énormément de soldats autour de ma maison. A commencer par ceux
24 qui étaient venus une vingtaine de jours avant, et puis ensuite, il y avait
25 d'autres soldats qui sont venus, avec force bétail, capturé un peu partout,
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1 saisi auprès des gens qu'ils avaient chassés de leurs villages. Il y avait
2 pas mal de gens âgés. (expurgée). Il
3 y avait des gens qui étaient malades. (expurgée)
4 (expurgée). On nous a dit tout simplement : "Allez-vous-en, allez-vous en,
5 sinon on risque de se faire tuer." Un camion, une FAP est frappée -- ce
6 camion est arrivé, et on est monté dessus. C'était déjà vers les 9 heures
7 du soir, la nuit tombante, et voilà, à bord de ce camion, droit vers le
8 camp de Jablanica.
9 Une femme âgée de 82 ans qui n'avait pas d'enfants, elle était venue là
10 pour marier un veuf. Un soldat a dit que comme quoi il l'a appelée pour lui
11 dire de venir le suivre. Elle ne voulait pas, disant qu'elle n'a jamais mis
12 au monde de soldats, par conséquent, elle n'était coupable de rien. Elle
13 était restée. Puis après, j'apprendrai qu'elle allait être tuée également.
14 Cette femme était dénommée Mara.
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 R. Il y avait donc, comme j'ai dit, un camion FAP. Il n'avait pas de
23 carburant. Nous trois, nous sommes sortis, enfin, nous autres qui étions
24 moins âgés, disons, nous avons dû pousser un peu. Nous étions au bord de la
25 route. J'ai pu voir cette femme qui se tenait près de ma maison à une heure
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1 préalablement, cette fois-ci, elle gisait dans un canal. J'ai pu voir que
2 sa tête était ensanglantée -- son manteau de fourrure. Si je peux dire
3 peut-être son nom.
4 Q. Dites. Dites de qui il s'agissait.
5 R. C'était Ilka Miletic.
6 Q. Dites-moi, s'il vous plaît, vers quel emplacement très exactement vous
7 l'avez vue ? Reportez-vous à cette photographie, si jamais cela est
8 faisable, et dites-nous où se trouvait ce corps. Il s'agit maintenant d'une
9 pièce à conviction.
10 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
11 Mme LA GREFFIÈRE [à Sarajevo]: [interprétation] P165.
12 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Greffier, de quelle pièce à
13 conviction il s'agit ?
14 Mme LA GREFFIÈRE [à Sarajevo] : [interprétation] P165.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce à conviction de l'Accusation P165.
16 Mme CHANA : [interprétation] P165.
17 Q. Dites-moi, Madame, est-ce bien l'emplacement où vous avez pu voir le
18 corps d'Ilka Miletic ?
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons en huis clos partiel.
20 Mme CHANA : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, allons en huis clos partiel, s'il
22 vous plaît.
23 [Audience à huis clos partiel]
24 (expurgée)
25 (expurgée)
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11 Page 27 expurgée. Audience à huis clos partiel.
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1 (expurgée)
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3 (expurgée)
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5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
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9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 [Audience publique]
13 Mme CHANA : [interprétation]
14 Q. Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui s'appelle Mara Mandic ?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que vous pourriez me dire quand vous avez vu Mara Mandic pour la
17 dernière fois.
18 R. Lorsque je suis allée à Jablanica, dix minutes avant, en fait.
19 Q. Avez-vous jamais revu Mara Mandic ?
20 R. Non, jamais. Lorsque nous sommes partis pour Jablanica, un soldat m'a
21 dit : "Dites à cette femme de partir avec nous. Elle ne veut pas m'obéir."
22 C'est le soldat qui avait regroupé tous ces gens. Moi, je suis accourue
23 vers elle. Je lui ai dit : "Mara, nous allons tous à Jablanica. Viens avec
24 nous." Elle, elle a dit qu'elle ne voulait pas le faire, qu'elle n'avait
25 donné naissance à qui que ce soit, qu'elle n'était pas coupable, et qu'elle
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1 n'allait pas périr." Nous sommes partis. Elle est restée, et j'ai entendu
2 dire qu'elle a été tuée au bout d'une heure et que sa maison a été
3 incendiée. Ceci, c'est un Musulman, qui vivait dans une maison en face de
4 la sienne, qui m'a raconté cela. Sa femme était tellement effrayée qu'elle
5 a fui à un endroit différent. Elle a été effrayée de continuer à dormir là-
6 bas. C'était la femme de cet homme.
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée) Il voulait rester avec nous.
11 Ils lui ont aussi dit à lui aussi : "Vas-t'en. Tu n'as pas le droit de
12 rester." Les soldats ont dit cela. Il n'avait pas de veste, juste une
13 chemise. Il avait froid. Il avait un petit sac avec ses médicaments. Un peu
14 plus loin, peut-être à une distance de 500 mètres d'Ilka, il a été tué.
15 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de la manière dont il a été tué et
16 par qui; est-ce que vous le savez ?
17 R. Il s'agissait toujours des mêmes soldats, et probablement, ils avaient
18 traversé le pont sur la carte du côté ouest, et ensuite, ils ont suivi les
19 civils qui allaient à Jablanica, le long de la route, et d'abord, ils ont
20 rencontré Ilka. Ensuite, ils l'ont vu, lui et ma sœur. Cette sœur est
21 morte, elle marchait devant eux avec son maritime, et il a crié :
22 "Attendez-moi," mais ils ont entendu cela, et puis, une balle a été tirée.
23 Ensuite, ils ont entendu un autre coup de feu, et il est tombé sur la
24 route. Et ma sœur m'a raconté cela lorsque nous sommes arrivées au camp.
25 C'était le même soir, le 9.
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1 Q. Avez-vous --
2 R. Au bout de deux jours nous étions dans le camp. Deux gardes sont venus,
3 le garde qui était de permanence au barrage, nous les connaissions de
4 Jablanica, ils ont exprimé leurs condoléances auprès de moi, ils ont dit :
5 "Il est là-bas, près du barrage, et il est mort. Qu'est-ce que nous allons
6 faire avec lui ?" J'ai demandé à mon maritime, lorsque je suis revenue au
7 camp, ce que nous pouvions faire, et il a dit, il a demandé, "S'il pouvait
8 être enterré quelque part afin que le bétail ne le mange pas." Cependant,
9 il est à moitié calciné, donc il a été enterré secrètement pendant la nuit
10 pour que les soldats ne voient pas cela. Ils l'ont emmené à notre maison,
11 notre jardin.
12 Q. Est-ce que vous pouvez nous clarifier, lorsque vous avez que quelqu'un
13 est tombé après deux coups de feu ? Qui c'était ?
14 R. Ma sœur marchait devant moi. Elle a vu cela. Elle n'a pas été tuée.
15 Elle pensait à l'idée de dire que son fils était dans l'ABiH. Elle s'en est
16 bien sortie, de même que son mari. Au moment du coup de feu, elle a dit que
17 deux soldats étaient en train de marcher, et a entendu un coup de feu,
18 ensuite un autre coup de feu, et ensuite lui est tombé sur son dos, car il
19 marchait le long de la route. C'est là qu'il a été retrouvé.
20 Q. Maintenant, vous parlez d'Ivan Mandic ?
21 R. Oui. Oui. Ensuite, il y a eu ces réfugiés.
22 Est-ce que je peux continuer ?
23 Q. Oui, tout à l'heure, mais tout d'abord, dites-moi, est-ce que vous
24 n'avez jamais revu Ivan Mandic ? Est-ce que vous avez vu son cadavre ?
25 R. Les réfugiés qui étaient dans ma maison pendant la nuit, sans que qui
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1 que ce soit ne le sache, ils l'ont pris et ils l'ont enterré dans notre
2 jardin devant un pommier. Et un voisin musulman est venu au camp et il nous
3 a dit où cet homme avait été enterré. Cependant, nous n'osions rien faire
4 pour protéger des tirs, pour que celui-ci ne soit pas coupable de ce qu'il
5 avait fait.
6 C'est seulement le 9 août 1999 que cet homme a été exhumé, et ceci a été
7 organisé par ses filles. Elles sont venues. Elles l'ont pris. Elles l'ont
8 emmené à Split. Moi aussi, j'ai été invitée. J'ai vu sa chemise, une partie
9 de sa main, de ses dents. J'ai eu un malaise. Je n'ai plus pu regarder
10 cela. Ses filles l'ont reconnu. Et puis elles ont reconnu les médicaments
11 dans le petit sac qu'il portait sur lui. Tout ceci a été trouvé sur lui.
12 Tout ceci a été enterré avec lui. C'est ainsi qu'ils l'ont trouvé. Il a été
13 enterré à Mostar, mais par la suite, il a été transféré à Grabovica afin de
14 trouver sa place à côté de sa femme, qui est morte avant la guerre. Cela
15 est la vérité, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. C'est tout ce
16 que je sais concernant cela.
17 Q. Oui, merci, Madame le Témoin. Je souhaite vous montrer une liste.
18 Mme CHANA : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la liste des
19 victimes de Grabovica, pièce P97 ?
20 Q. Madame le Témoin, je vais vous expliquer ce que je souhaite que vous
21 fassiez. Je souhaite que vous examiniez cette liste, nom par nom, et dire
22 aux Juges, si vous connaissiez cette personne et quelles sont les
23 circonstances dans lesquelles vous connaissiez cette personne, et si vous
24 avez revu ces personnes. Je pense que les choses deviendront plus claires
25 si l'on procède au cas par cas, nom par nom. Etes-vous d'accord ?
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1 Peut-on examiner le premier nom ?
2 R. Oui.
3 Q. Quel est le premier nom ?
4 R. Pero Culjak.
5 Q. Le connaissez-vous ?
6 R. Je le connais.
7 Q. Oui. Est-ce que vous pouvez nous dire concernant Pero, quand l'avez-
8 vous pour la dernière fois et est-ce que vous l'avez revu depuis la
9 dernière fois que vous l'avez vu, et ce sont les deux réponses que je
10 souhaite d'obtenir de vous concernant chacune des victimes sur la liste ?
11 R. Pero Culjak, il vivait du côté occidental dans un autre village. C'est
12 le beau-père d'une personne que nous connaissons de Grabovica. Quatorze
13 jours avant les événements, Pero et sa femme ont été emmenés devant notre
14 maison, dans un véhicule avec son beau-fils. C'est son beau-fils qui les a
15 emmenés chez lui pour éviter qu'ils restent seuls. Ces jeunes sont partis,
16 mais ils ne souhaitaient pas qu'ils restent seuls. Ils vivaient à Grabovica
17 en face de ma maison, sur la rive occidentale, lui avec sa femme et sa
18 soeur et son beau-fils.
19 Q. Est-ce sa femme --
20 R. Je l'ai vu 12 jours avant cela et plus jamais.
21 Q. Est-ce que le nom de sa femme figure sur la liste ? Est-ce Matija ?
22 R. Elle était avec lui, et elle a été emmenée chez sa fille, et ceci s'est
23 terminé pour elle comme ceci s'est terminé pour lui d'ailleurs.
24 Q. C'était quand ? Comment est-ce que les choses se sont terminées ?
25 Qu'est-ce que vous voulez dire par cela ?
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1 R. Je veux dire qu'ils étaient tués tous les cinq là-bas, dans une maison,
2 et il y a des enfants qui les ont vus morts. Puis, ce beau-fils, Josip, il
3 est mort d'une manière très cruelle. Ils étaient cinq dans la maison. Ils
4 ont été tués dans la maison, et ensuite, la maison a été incendiée.
5 Q. Donc, vous n'avez pas vu Pero ou Matija. Vous ne les avez pas revus ?
6 R. Je n'ai vu aucune de ces victimes qui étaient de l'autre côté. J'ai
7 entendu beaucoup de faits les concernant.
8 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
10 Mme CHANA : [interprétation]
11 Q. A quel moment avez-vous appris que ces personnes ont été tuées ?
12 R. Le 9, nous avons entendu qu'ils ont été tués, lorsque ce soldat a dit
13 aux réfugiés musulmans qui sont venus dans ma maison. Mais je ne
14 connaissais pas tous les noms avant que nous nous regroupions tous au camp.
15 Ensuite, cette personne est venue de quelque part. Et puis, Marinko
16 Dreznjak est venu. Et Goran Zadro, qui a vu ces victimes. Goran et Zoran,
17 il s'agissait de deux frères. L'un d'eux est venu, et puis le deuxième, je
18 ne sais pas. Car ses parents ont été tués également.
19 Q. Merci, Madame le Témoin. Est-ce que nous pouvons poursuivre avec la
20 liste. Les numéros 3 et 4, Cvitan Lovric et Jela Lovric, est-ce que vous
21 voyez ces noms-là ?
22 R. Oui. Je vois Cvitan Lovric et Jela, oui.
23 Q. Où vivaient-ils ?
24 R. Eux aussi, ils vivaient là où ce Pero Culjak vivait, et c'est là que
25 leur vie s'est terminée également.
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1 Q. A quel moment les avez-vous vus pour la dernière fois ?
2 R. Je les ai vus 12 jours avant, car l'autre amenait, dans notre village,
3 leur vache, et ils ont rentré chez eux. Mais j'ai entendu, en ce qui les
4 concerne également, que deux soldats sont venus dans leur maison, qu'elle,
5 elle se cachait dans la maison, et lorsque ces soldats sont sortis de la
6 maison, la maison a été mise à feu, et ces personnes n'ont jamais été
7 revues vivantes. J'ai entendu parler de cela seulement lorsque je suis
8 arrivée au camp du côté gauche. C'est tout ce que je peux dire concernant
9 ces deux personnes.
10 Q. Est-ce que vous avez été informée du moment auquel ils ont été tués ?
11 Est-ce que vous le savez ? Juste la date.
12 R. C'était bien plus tard. C'est autour du 15 septembre.
13 Q. Très bien. Peut-on passer au numéro 5. Vous avez déjà parlé du numéro
14 5, 6 et 7.
15 Passons à numéro 8, s'il vous plaît. Peut-on le faire ?
16 R. Oui. Anica Pranjic.
17 Q. Est-ce que vous connaissez cette personne, Anica Pranjic ?
18 R. Oui. Anica Pranjic, elle n'avait pas d'enfants. Elle vivait du côté
19 est, de même que nous. Mais, ce Josip Brekalo qui a fait venir ses beaux-
20 parents, on l'a déjà mentionné, il l'a amenée chez lui aussi. Je l'ai vue
21 10 jours avant, car elle est la tante de Josip. Elle était dans cette même
22 maison avec Josip Brekalo.
23 Q. Qu'est-ce qui est arrivé ?
24 R. [aucune interprétation]
25 Q. Qu'est-ce qui est arrivé à Anica Pranjic ?
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1 R. Je pense que ce qui lui est arrivé, c'est qu'elle a été tuée avec les 5
2 autres, avec Matija Culjak et Pero Culjak --
3 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, si j'ai bien compris
4 --
5 LE TÉMOIN : [interprétation] -- car ils vivaient tous dans une grande
6 maison.
7 M. MORRISSEY : [interprétation] Il n'y a pas d'objection à ce que l'on ait
8 recours à l'ouï-dire dans une telle affaire. Mais si l'on demande au témoin
9 ce qu'elle sait, cela camoufle le niveau de l'ouï-dire, et je pense que
10 ceci est important. Donc, il est nécessaire que le témoin dise si elle sait
11 comment quelqu'un est mort, de manière claire, pour que la Défense sache
12 également sur quoi le témoin fonde cette connaissance. Il s'agit d'une
13 simple question qui peut être posée, et la réponse ne devrait pas être
14 difficile. Mais je pense, qu'avant que le témoin nous dise ce qu'elle sait,
15 il faut clarifier cela.
16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je pense qu'il s'agit là d'une
17 demande tout à fait raisonnable.
18 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mais d'autre part, la Défense aura
20 l'occasion de poser des questions pendant le contre-interrogatoire afin de
21 clarifier tout ce qui n'était pas claire au cours de l'interrogatoire
22 principal.
23 Mais de toute façon, si possible, Mme Chana pourrait s'assurer, pendant
24 l'interrogatoire principal, si le témoin sait quelque chose par ouï-dire ou
25 autrement.
Page 36
1 Mme CHANA : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
3 Mme CHANA : [interprétation]
4 Q. Témoin, nous parlions de --
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que je peux savoir pendant combien
6 de temps encore votre interrogatoire principal durera ?
7 Mme CHANA : [interprétation] Il nous reste encore dix noms.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous voulez dire encore cinq minutes ?
9 Mme CHANA : [interprétation] Je l'espère, cinq à dix minutes, maximum.
10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Poursuivez.
11 Mme CHANA : [interprétation] Merci.
12 Q. Madame le Témoin, est-ce que vous pouvez nous dire si vous savez ce qui
13 est arrivé à Anica Pranjic et qui vous a parlé de cela.
14 R. Ce jeune homme, Goran, il l'a vue dans la maison de Brekalo. Elle était
15 morte. Or, ils vivaient tous ensemble. J'ai entendu des cris provenant de
16 cette maison le 8. Mais je ne les ai pas vus. Après, il s'est avéré que le
17 petit les a vus, de même que Marinko Dreznjak. Lui, il a entendu dire, de
18 la part d'un soldat, qu'ils avaient été tués dans cette maison. Cela, c'est
19 tout. Après, lorsque nous sommes arrivés au camp, quelqu'un disait que tous
20 ceux qui étaient chez les Brekalo ont été tués, y compris Anica Pranjic.
21 C'est tout ce que je peux vous dire à ce sujet.
22 Q. Madame le Témoin, ce que je souhaite que vous disiez à la Chambre,
23 chaque fois que je vous pose une question concernant certains noms, dites-
24 nous, s'il vous plaît, qui vous a raconté ces faits.
25 Donc, en ce qui concerne Anica Pranjic, qui vous a raconté ?
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1 R. C'est Goran qui me l'a dit. C'est lui qui l'a vue, Goran Zadro. Il a
2 dit qu'elle était là-bas avec eux elle aussi. C'est tout ce que je peux
3 dire.
4 Q. Peut-on passer à Franjo Ravlic, le numéro 9 sur la liste.
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que vous pourriez me dire ce que vous savez au sujet de cette
7 personne-là ? Est-ce que vous le connaissiez, lui ?
8 R. Franjo Ravlic, tous ceux-là ce sont des cousins. Il est venu chez moi
9 dans l'après-midi, à 5 heures, pour prendre du thé. Il est rentré chez lui.
10 Q. Quelle était la date ?
11 R. Une femme musulmane qui vivait chez lui -- près de lui, chez un autre
12 homme, elle est venue et elle m'a dit : "Je suis tombée malade. Franjo et
13 Ivan Saric ont été chassés cette nuit. Et eux, ils ont été tués près de ce
14 pont aussi." Franjo a été retrouvé au bout de trois mois dans le lac, dans
15 l'eau, et cet Ivan, il n'a jamais été retrouvé. C'est tout ce que je peux
16 dire à leur sujet.
17 Q. Ivan Saric. Ivan, c'est Ivan Saric, le numéro 10 sur la liste ?
18 R. Oui, c'est celui qui était avec lui. Il n'a jamais été retrouvé, alors
19 que Franjo a été retrouvé dans le lac.
20 Q. Est-ce que vous savez qui vous a dit cela ?
21 R. Mes voisins. C'étaient mes voisins. Leurs enfants me l'ont dit, et moi,
22 j'ai assisté à l'enterrement de ce Franjo.
23 Q. Et --
24 R. Lorsqu'il a été transféré de Mostar à Grabovica, au cimetière.
25 Q. Très bien. Maintenant, je souhaite que vous parliez des numéros 13 et
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1 14, Josip et Luca Brekalo. Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que vous les
2 connaissiez, et si vous savez ce qui leur est arrivé, et de quelle manière
3 vous l'avez appris.
4 R. Il s'agit d'un couple marié. Leur maison était tournée vers la mienne.
5 Le 8, il m'a fait un signe de la main, dans la soirée. Il a dit mon nom, il
6 m'a dit : "Ciao." Ils étaient tous ensemble, tous les cinq, avec Culjak.
7 Luca, c'est la fille de Pero Culjak. Donc, Luca c'est la fille de Pero
8 Culjak, et Josip c'est le beau-fils, et cette Anica, elle aussi elle était
9 dans cette même maison.
10 Q. Qu'est-ce qui leur est arrivé ?
11 R. J'ai déjà dit que j'ai entendu des cris émanant de cette maison. Ils
12 ont été tués. Ensuite, une femme musulmane réfugiée m'a dit, dans le camp,
13 que cette maison a été mise à feu. Après, je ne sais rien. C'est ainsi que
14 ceci s'est passé. C'est tout ce que je peux vous dire au sujet de ces
15 victimes.
16 Q. Est-ce que vous connaissez le nom de cette femme musulmane ?
17 R. Oui. Edinka.
18 Q. Excusez-moi, Témoin, peut-être que je vous donne l'impression de me
19 répéter, mais je voudrais simplement qu'on suive la liste pour le bon
20 ordre. Il n'est pas nécessaire que vous répondiez de façon très détaillée.
21 Je voudrais vous demander de regarder les lignes 15, 16, et 17. Il s'agit
22 des Dreznjak. Est-ce que vous pourriez brièvement me dire comment les
23 choses se sont passées et parler d'eux, lorsqu'ils sont passés, et comment
24 vous l'avez appris, comment vous savez ce qu'ils leur aient arrivé.
25 R. Ils vivaient dans la direction de ma maison. Il n'y avait que la
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1 rivière, la Neretva, qui nous séparait. Nous pouvions nous parler. A 1
2 heure, devant la maison, j'ai vu la fille de cette personne et sa femme. Ce
3 n'est que plus tard que j'ai appris qu'ils avaient été tués. Voilà comment
4 cela s'est passé. La fille a été retrouvée, mais les deux personnes âgées
5 n'ont pas été retrouvées. Elle a été exhumée. Dragica était la fille. Mara
6 était la mère. Andrija Dreznjak, cela, c'était le mari de Mara. Il n'y a
7 rien de plus que je puisse dire à ce sujet.
8 Q. Qui vous en a parlé ? Pourriez-vous simplement nous dire cela, s'il
9 vous plaît, en ce qui concerne les Dreznjak ?
10 R. Lorsque nous sommes arrivés au camp, nous avons appris cela tout de
11 suite. Il y avait là des Musulmans qui étaient nos voisins et qui ont
12 témoigné, et ils étaient horrifiés et navrés de ce qui s'était passé.
13 Q. Pourrais-je vous demander maintenant de regarder les numéros 31 et 32
14 de la liste, à savoir Zivko et Ljuba Dreznjak. Est-ce que vous pourriez
15 nous parler d'eux de la manière, s'il vous plaît.
16 R. Ils ont été tués devant chez eux, devant leur maison. Il y avait du
17 fumier qui était devant chez eux. Ils ont été partiellement recouverts de
18 fumier. Lui, était un malade mental. Il avait une barbe qui lui descendait
19 jusqu'à la taille. Sa femme était là également. Son fils a été emmené, et
20 il a entendu les coups de feu. On les a retrouvés là et on les a enterrés.
21 Je ne sais pas combien de temps s'était écoulé depuis lors. Probablement un
22 an, je crois.
23 Q. Qui vous a dit qu'ils avaient été tués ?
24 R. Leur fils me l'a dit, et puis ils sont allés aux obsèques. C'étaient
25 mes voisins les plus proches. Je ne peux pas en dire plus.
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1 Q. J'aurais une toute dernière question à poser en ce qui concerne le
2 numéro 33. Je crois, en ce qui concerne ce numéro, je crois que vous avez
3 dit aux juristes, lors du récolement, aux juristes qui se trouvaient avec
4 vous lors du récolement, qu'en fait, cette personne était décédée au mois
5 de juillet.
6 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai déjà indiqué ceci
7 à la Défense.
8 Q. Est-ce que c'est exact, Témoin ?
9 R. Oui. Oui. Cela n'a rien à voir avec les événements du mois en question.
10 Q. Ma toute dernière question, Témoin : toutes ces personnes dont nous
11 avons parlé et qui figurent sur cette liste, est-ce que vous pourriez nous
12 dire au cours de quelle période elles sont mortes, quelle date ?
13 R. Toutes les personnes dont nous venons de parler, à l'exception de Jela
14 Lovric et Cvitan qui ont été tués un peu plus tard, toutes les autres
15 personnes, c'était en août et septembre, à l'exception de Jozo Istuk.
16 C'était au cours de ces deux journées et ces deux nuits que cela, c'est-à-
17 dire, il y a une nuit, un jour et une autre journée pour tous ces autres.
18 Je suis sûre de cela. Je les connaissais tous. La moitié d'entre eux
19 m'étaient apparentés.
20 Q. Je vous remercie beaucoup, Témoin. Je ne veux pas vous poser d'autres
21 questions ?
22 Mme CHANA : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
23 Monsieur le Président, je pense peut-être que nous pouvons suspendre
24 l'audience.
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Il est tout à fait temps de faire la
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1 suspension, et nous reprendrons à 11 heures 10, cela fait environ 30
2 minutes de suspension.
3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.
4 --- L'audience est reprise à 11 heures 12.
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il un contre-interrogatoire ?
6 Monsieur Morrissey.
7 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
8 Excusez-moi, Monsieur le Président. J'attends parce que je voudrais voir
9 apparaître une image sur mon écran, et c'est à ce moment-là que je
10 commencerai.
11 Contre-interrogatoire par M. Morrissey :
12 Q. [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait m'excuser un moment
13 d'ici à ce que nous ayons l'image à l'écran.
14 M. MORRISSEY : [interprétation] Je présente mes excuses.
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
16 M. MORRISSEY : [interprétation] En tout cas, je la reçois sur mon écran.
17 Maintenant, je l'aie.
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 Q. Je vous remercie. Mon nom est Morrissey, et je suis le conseil qui aide
21 à la défense de M. Halilovic. J'ai certaines questions à vous poser, tout
22 d'abord, en ce qui concerne la situation dans le village juste avant que
23 les soldats ne viennent au village en arrivant du nord, n'est-ce pas ?
24 Vous avez dit qu'après le moment où l'armée de Bosnie avait pris le
25 village, il y avait des soldats qui étaient quotidiennement présent. Est-ce
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1 que c'est exact ?
2 R. Oui. Il n'y en avait pas beaucoup. Il y avait des soldats aux points de
3 contrôle qui montaient la garde sur le pont, sur le barrage, et il y avait
4 ceux qui passaient par là.
5 Q. Ces soldats, d'après ce que vous avez compris, avaient un commandant,
6 un homme connu sous le nom de Zuka ; c'est exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Pour autant que vous ayez pu voir, ce commandant appelé Zuka, avait
9 déployé des efforts pour qu'il y ait de bonnes relations entre ses soldats
10 et les habitants du village, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, plus ou moins. Il n'a rien fait de particulier. Zuka partait,
12 repartait, et ses soldats, comme tous soldats, entraient dans les maisons,
13 prenaient ce qui leur plaisait, ce qu'ils voulaient; des aliments, les
14 vêtements. C'est comme cela, la guerre. Ce n'était pas brillant, mais enfin
15 on pouvait vivre. Nous ne nous déplacions pas beaucoup. On ne quittait pas
16 la cour de notre maison. Voilà comment les choses se passaient.
17 Q. Oui. Vous étiez dans cette position difficile, qui est de trouver une
18 façon de vivre avec ces jeunes gens qui étaient des soldats dans l'armée de
19 Zuka; c'est exact ?
20 R. Oui. Mais ils ne dormaient pas dans notre maison. Ils étaient cantonnés
21 dans des bureaux qui appartenaient à la centrale hydroélectrique. C'est là
22 qu'ils étaient hébergés. C'est là qu'ils vivaient. Jablanica et Grabovica
23 étaient à 12 kilomètres de distance, et les soldats venaient souvent en
24 voiture. Ils venaient à tour de rôle, et voilà comment cela se passait. Ils
25 venaient, ils entraient dans les maisons pour nous demander de faire
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1 certaines choses pour eux. Ce n'était pas pour tout le monde dans le
2 village. J'étais particulièrement exposée parce que ma maison se trouvait
3 près de la centrale électrique, et c'était la raison pour laquelle nous
4 avions de l'électricité, de sorte que je pouvais faire la cuisine, ou cuire
5 au four, et ainsi de suite.
6 Q. Je vous remercie. Est-il exact que Zuka avait mis à votre disposition
7 des services médicaux, et un médecin qui venait une fois par semaine à la
8 centrale hydroélectrique ?
9 R. Oui. Il venait à la centrale. Je savais même quel était son nom. Il
10 venait chaque semaine dans les bureaux qui se trouvaient là, et nous
11 pouvions y aller et avoir un bilan médical, nous faire prendre notre
12 tension. Je voyais Zuka. Nous n'avions pas de moyens de transport à
13 Jablanica. Il avait dit qu'il arrangerait les choses pour que nous ayons un
14 service de bus ou de car, mais rien ne s'est produit. Il n'y a pas eu de
15 car.
16 Q. Je vous remercie. Maintenant, une question connexe, rapidement : est-ce
17 que vous connaissiez les personnes qui vivaient dans le village de Diva
18 Grabovica ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce que vous vous rappelez des noms de certaines de ces personnes ?
21 R. Je me rappelle Sevko Sejic. C'était un habitant de ce village. Un de
22 ses beaux-frères qui était venu - je ne sais pas quel était son nom - mais
23 ils vivaient là, ils avaient du bétail. Sevko Sejic était un bûcheron, un
24 forestier. En fait, il y avait deux familles qui vivaient là. Ce n'était
25 pas très loin de chez nous. Avant cela, c'était un hameau purement
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1 musulman. Mais il y avait 30 ou 40 ans qu'ils étaient partis, et ils ne
2 venaient que de temps à autre. Mais Sevko vivait là, Sejic Sevko. Il venait
3 de nous rendre visite dans notre village, également. Sevko n'était pas –-
4 je veux dire, il avait cessé de se comporter comme s'il nous connaissait.
5 Il a commencé à agir comme s'il ne nous connaissait pas du tout.
6 Q. Je vois. Dites-moi, est-ce que vous êtes allée à Diva Grabovica au
7 cours de ces mois de juillet, août et septembre ?
8 R. Non.
9 Q. Bien.
10 R. Je ne me suis pas éloignée de chez moi entre les mois de mai à
11 septembre. Je ne suis allée nulle part.
12 Q. Bien, je comprends. J'ai des questions à vous poser concernant les
13 soldats qui sont venus au village au cours des jours et des semaines
14 précédents les meurtres qui ont eu lieu. Je crois que vous avez dit cela,
15 mais juste pour être bien au clair : est-ce qu'un groupe qui s'appelait ou
16 qui était appelé les Loups de Cedo, sont venus dans le village environ 20
17 jours avant les incidents dont on a parlé ?
18 R. Oui.
19 Q. Je vois. Vous nous avez déjà dit ceci, à savoir que ces soldats, appelé
20 les Loups de Cedo, vous ont dit qu'ils connaissaient le nom de Sefer
21 Halilovic, et je crois que vous avez dit qu'ils l'aimaient bien, ils
22 l'aimaient beaucoup; est-ce exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Et qu'en fait, l'un d'entre eux vous a dit à un moment donné que Sefer
25 allait venir; est-ce exact ?
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1 R. Oui.
2 Q. Le 5 septembre, est-ce qu'un autre groupe de soldats appelé la Division
3 Handzar est arrivé dans le secteur ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce qu'ils avaient un chef appelé Dziki ?
6 R. Il y avait un très grand nombre de surnoms. Mais comme ceci était sur
7 la rive du côté ouest, et que j'étais sur la rive est, je ne pourrais pas
8 vous dire quels étaient leurs noms. Tous avaient des surnoms, Riki, Briki
9 [phon]. Je ne peux même pas me les rappeler tous.
10 Q. Oui.
11 R. Personne ne portait son vrai nom.
12 Q. Je vous remercie. En tout état de cause, vous avez indiqué ici devant
13 la Chambre que le 5, des soldats des Loups de Cedo vous ont apporté du foie
14 à faire cuire, que vous avez indiqué que vous ce que vous aviez fait pour
15 ce foie. Je voudrais simplement vous poser quelques questions à ce sujet.
16 Pour commencer, est-ce que vous vous souvenez clairement que c'était
17 du foie qui vous était apporté ?
18 R. Oui.
19 Q. Vous nous avez donné quelques détails concernant le temps que vous avez
20 mis, le retard que vous avez pris, avant de faire cuire ce foie. D'après ce
21 que je comprends, vous avez une mémoire précise du fait que c'était du
22 foie ; c'est exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Vous avez également dit qu'il y avait eu comme un faux départ en ce
25 sens que les soldats vous avait dit que Sefer était en train de venir,
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1 allait venir. Puis ensuite, ils vous ont dit qu'il ne viendrait pas.
2 Finalement, quelque chose s'est passé à 6 heures; est-ce exact ?
3 R. Oui.
4 Q. Bien.
5 R. Ce qui s'est passé, c'est qu'il n'est pas venu.
6 Q. Oui. Vous avez parlé hier au Procureur à Sarajevo ?
7 R. Oui.
8 Q. C'est un homme du nom de Manoj Sachdeva; est-ce exact ?
9 R. Oui.
10 Q. Bien. Lorsque vous lui avez parlé, vous saviez qu'il était important de
11 lui dire la vérité ?
12 R. Oui.
13 Q. Et --
14 R. Il m'a dit cela.
15 Q. Oui, bien sûr. Vous avez fait tous les efforts nécessaires pour lui
16 dire la vérité, et vous lui avez effectivement dit la vérité, n'est-ce pas
17 ?
18 R. Oui.
19 Q. Voilà. Maintenant, je vais juste vous donner lecture de ce qui nous a
20 été fourni par le Procureur sur ce point, et je cite ceci, c'était vous qui
21 parliez de Sefer Halilovic à ce moment-là, et voici la citation : "La
22 dernière fois que je l'ai vu avant le massacre, c'était le 5 septembre 1993
23 dans l'après-midi. Je regardais à l'extérieur par la fenêtre de la maison
24 lorsque j'ai vu des soldats arriver dans une jeep. Sefer Halilovic est
25 descendu de cette jeep et le véhicule a poursuivi. Il semblait que c'était
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1 une jeep qui était très vieille."
2 Alors --
3 R. Oui. Elle était sale, je ne peux pas dire si elle était vieille ou non.
4 Q. Bien, je comprends. Mais les faits dont je vous ai donné lecture, et ce
5 que vous avez dit au Procureur, c'est exact, n'est-ce pas ? C'est vrai ?
6 R. Oui.
7 Q. Je voudrais passer à un autre sujet, s'il vous plaît, et il s'agit du
8 7. Je voudrais même qu'on passe au 7 septembre, d'accord ?
9 R. Oui.
10 Q. Le 7 septembre, je voudrais être bien au clair de ceci et être sûr que
11 mes questions n'ont pas semé la confusion dans votre esprit et que nous
12 parlons effectivement de la même chose. Ce que vous dites c'est que les
13 violences et les meurtres ont commencé le 8 et se sont poursuivis la
14 journée du 9 septembre; c'est bien cela ?
15 R. C'est exact.
16 Q. Je vous remercie. Maintenant, je vous parle du 7, vous comprenez qu'il
17 s'agit de la journée précédant les incidents qui ont eu lieu.
18 Et donc --
19 R. Oui.
20 Q. Vous regardiez par la fenêtre de votre maison, ce qui se passait sur la
21 rive gauche de la Neretva. Est-ce que vous avez remarqué trois cars, avec
22 devant eux, une Jeep qui allait entrer dans le village, sur la rive droite,
23 sur l'autre rive par rapport à vous ?
24 R. Je n'ai pas vu de bus ou de cars parce que, pour la grande partie, ces
25 soldats sont arrivés dans la soirée. Je n'ai osé regarder à l'extérieur
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1 mais j'ai vu une Jeep, de ce côté-là et j'ai vu un grand nombre de soldats
2 qui se trouvaient là. Je n'ai pas vu de bus ou de cars. Quant à savoir
3 s'ils se sont arrêtés sur le pont, je n'en sais rien.
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée). La base de notre objection c'est que s'il induit le
13 témoin en erreur, dans la mesure où vous lui dites qu'il s'agit d'une
14 déposition qui a été faite par cette personne, alors ce n'est pas le cas.
15 C'est une déclaration, dont il s'agit, et ce n'est pas présenté comme
16 élément de preuve à la Chambre.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je ne pense que le mot "evidence" ou
18 élément de preuve veuille dire, les éléments de preuve qui ont été déjà
19 admis et versés au dossier comme éléments de preuve devant cette Chambre.
20 Ici preuve ou "evidence" à cet égard, c'est simplement des renseignements,
21 des informations pour autant que je sache.
22 Peut-être que Monsieur Morrissey pourrait rendre les choses un peu plus
23 claires.
24 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.
25 Q. Excusez-moi, Témoin, mais je voulais simplement dire quelque chose au
Page 49
1 Juge, si vous voulez bien m'excusez un instant.
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 Mme CHANA : [interprétation] Pourriez-nous, s'il vous plaît, aller en
8 audience à huis clos partiel, Monsieur le Président ?
9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous allons en audience à huis clos
10 partiel.
11 [Audience à huis clos partiel]
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
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24 (expurgée)
25 (expurgée)
Page 50
1 (expurgée)
2 (expurgée)
3 (expurgée)
4 (expurgée)
5 (expurgée)
6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 [Audience publique]
9 M. MORRISSEY : [interprétation] Je vous remercie.
10 Q. Veuillez excuser ceci. Je ne vais plus vous troubler avec la
11 déclaration d'un autre témoin. Ce que vous dites, c'est que vous-même, vous
12 n'avez pas vu ces cars. Vous ne les avez jamais vus. C'est bien cela ?
13 R. Pourrais-je préciser ceci ?
14 Q. En fait, je retire la question que je posais, et je vais vous poser une
15 autre question à ce sujet, et nous allons voir si nous pouvons poursuivre
16 ou progresser à partir de là. D'accord ?
17 Donc, la question suivante c'était : indépendamment de ce qui s'est passé
18 le 7, le 8, vous vous êtes rendue compte qu'il y avait l'arrivée d'un
19 nouveau groupe de soldats; c'est bien cela ?
20 R. Oui.
21 Q. C'est à moment-là que vous avez entendu tirer -- que l'on célébrait
22 quelque chose et qu'il y avait un comportement répréhensible -- certains
23 que vous pouviez entendre dans votre maison, même si ceux-ci se passaient
24 sur l'autre rive ?
25 R. Oui.
Page 51
1 Q. Alors, vous avez dit plus tôt que vous étiez parfois angoissée ou
2 inquiète à l'idée de regarder à travers la fenêtre, regarder par la fenêtre
3 de chez vous. Est-ce c'est parce que vous ne vouliez pas donner
4 l'impression d'être curieuse ou de porter trop d'attention aux soldats ?
5 R. Oui. Parce que la maison de ce témoin, de ce côté-là, sur la rive est
6 et il pouvait voir les cars parce qu'ils passaient devant sa maison. C'est
7 possible que je n'aie rien vu moi-même, parce que je n'ai pas osé regarder
8 tout le temps.
9 Q. Oui, je comprends, je vous remercie de cette précision. Pour ce qui est
10 d'entrer dans le village, la rive ouest -- si une personne vient de
11 Jablanica et entre dans le village, il faut qu'il passe par deux autres
12 villages et il faut qu'il traverse le pont métallique; c'est exact ?
13 R. Non, si c'est une personne qui suit la grande route, cette personne
14 devra traverser, pour passer de l'autre côté. Mais si c'est une personne
15 qui prend le train, alors c'est sur la rive ouest. Mais les trains ne
16 fonctionnaient pas à ce moment-là, de toute manière.
17 Q. Bien, je vous remercie. En fait, je parle des personnes qui étaient
18 dans des voitures, si vous comprenez ?
19 R. Oui.
20 Q. Bien. Une personne qui viendrait de Jablanica et qui voudrait aller sur
21 la rive droite ou la rive opposée à celle où vous vous trouvez, quitterait
22 la route avant d'arriver jusqu'à chez vous; c'est exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Bien, de sorte que des soldats qui traverseraient pour aller sur la
25 rive droite n'aurait pas nécessairement besoin de passer devant votre
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1 maison; est-ce exact ?
2 R. Non. Non.
3 Q. Bien, mais néanmoins, si à ce moment-là, vous étiez en train de
4 regarder, vous pourriez voir une partie de leurs mouvements de l'autre
5 côté, sur la rive droite ?
6 R. Oui, c'est tout près.
7 Q. Bien
8 R. Il n'y a que la route qui nous sépare de la rivière.
9 Q. Oui, je vous remercie, maintenant, je vais en venir, aux événements qui
10 se sont produits, dans un instant.
11 Je voulais simplement vous poser quelques questions concernant les réfugiés
12 et quels ont été vos rapports avec ces réfugiés avant que l'on en arrive à
13 ces tristes événements. D'accord ?
14 Maintenant, la première question est la suivante : est-il exact qu'à la fin
15 du mois d'août un grand nombre de réfugiés, d'origine musulmane, ont
16 commencé à apparaître dans les territoires tenus par le HVO, dans le
17 secteur de Jablanica et de Grabovica ?
18 R. Oui.
19 Q. Est-ce qu'un grand nombre de ces réfugiés sont passés sur la route de
20 Dreznica et Mostar alors qu'ils étaient en route vers Jablanica ?
21 R. Ils venaient dans des voitures.
22 Q. Oui.
23 R. Ils utilisaient des voitures.
24 Q. Bien. Est-ce que parfois, ils étaient amenés par des fonctionnaires des
25 Nations Unies ?
Page 53
1 R. Oui.
2 Q. Bien. Est-ce que vous savez que c'étaient des réfugiés du secteur
3 Capljina et également de Stolac ?
4 R. Oui. Mais je ne peux pas en parler, parce que particulièrement de ceux
5 de Capljina. Nous étions des collègues, des amis, et je leur ai offert mon
6 hospitalité, ils vivaient dans ma maison.
7 Q. Si vous voulez être aimable tout simplement ne parlez pas de ces gens-
8 là, mais peut-être que c'est le moment opportun où je pourrais peut-être
9 vous poser des questions au sujet de ces gens-là. Est-ce que, peut-être,
10 vous avez appris au cours de la nuit du 8 au 9, la nuit où il y a eu ces
11 coups de feu, que dans le village, étaient venus un bon nombre de réfugiés
12 du camp de Dretelj. Ces gens-là sont venus à Grabovica, et plus
13 particulièrement, ils sont venus dans la partie du village où vous viviez,
14 vous ?
15 R. Cela, je ne saurais vous le dire.
16 Q. Très bien. En êtes-vous venu à entendre parler --
17 R. Probablement que oui, mais pas tous, pas tous. Ils étaient peu nombreux
18 de ces réfugiés à venir là-bas -- ou -- vous intéressez chez nous pour
19 parler des hommes.
20 Q. Bien.
21 R. [aucune interprétation]
22 Q. Pour ce qui est de ces réfugiés venus de Dretelj, primo, votre maison
23 était déjà, pour ainsi dire, pleine de gens, n'est-ce pas, occupée, toute
24 entière, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
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1 Q. Vous vous êtes occupée vous-même d'un bon nombre de familles ?
2 R. Oui, oui.
3 Q. Oui.
4 R. Parce que je les connaissais ces gens-là.
5 Q. Dites-moi, peut-on dire que la situation était la
6 suivante : vous avez entendu dire que des gens du camp de Dretelj étaient
7 venus, mais qu'au cours de la nuit du 8, vous ne les avez pas vus; est-ce
8 exact de dire ainsi ?
9 R. Je ne les ai pas vus en vérité.
10 Q. Probablement, quelqu'un vous en a parlé pour vous dire que ces gens-là
11 se trouvaient dans le village, n'est-ce pas ?
12 R. Oui. Mais il s'agit de parler peut-être de trois ou de quatre personnes
13 que je connaissais personnellement pour parler d'homes.
14 Q. Fort bien. Est-ce que vous vous rappelez peut-être les noms de ces
15 trois ou quatre personnes que vous connaissiez vous-même ?
16 R. Je ne peux vous dire que le nom de l'un d'entre eux. Il s'est fait tué
17 par un obus au moment où il était de retour. Il s'appelle Dedic Hajder. Je
18 le connaissais. Il était venu chez moi, et je lui ai donné du linge pour
19 qu'il change de vêtements. Je ne peux pas me rappeler fort bien de tout
20 cela. Ceci s'était passé il y a très, très longtemps.
21 Q. Je comprends. Dites-moi, si vous êtes inquiète pour ne pas dévoiler
22 l'identité de ces gens-là, les Juges dans ce prétoire peuvent arranger les
23 choses pour que tout cela se passe à huis clos partiel. Dans ce cas-là,
24 pouvez-vous nous dire s'il y a d'autres gens dont vous vous souvenez les
25 noms, mais pour des raisons de sécurité, vous ne serez pas prête à en
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1 parler pour ne pas les dévoiler.
2 R. Vraiment, croyez-moi, je n'ai peut-être plus souvenance de ces noms-là.
3 Il y avait de jeunes gens parmi eux, mais en tout cas, je ne m'en souviens
4 pas très, très bien, par conséquent, j'aime mieux ne pas en parler.
5 Q. Fort bien. A quel moment au cours de la nuit --
6 R. Pour ce qui est des femmes --
7 Q. Excusez-moi. Je vous ai interrompu.
8 R. Pour ce qui est des femmes, parmi les réfugiés, elles n'étaient pas dans
9 le camp. Elles étaient venues directement de chez elles, de leur maison
10 respectivement. Par conséquent, elles ne m'en ont pas parlé, elles ne me
11 parlaient de rien pratiquement. On vivait ensemble. La vie se faisait un
12 peu précipitée. Il y avait ces fameuses dates du 8 au 9. On faisait des
13 plats, on cuisinait à base de ce qu'on avait dans notre jardin potager.
14 Voilà, j'ai essayé de faire de mon mieux mais peut-être que parmi ces gens-
15 là, il y en avait à qui je suis redevable d'avoir la vie sauve maintenant.
16 Q. Oui, je vois. Vous avez fait mention d'un nom de quelqu'un qui s'est
17 fait tuer. Il s'agit de M. Dedic. Dites-moi, à quel moment M. Dedic, au
18 cours de la nuit, était venu lorsque vous lui avez permis de changer de
19 vêtements ?
20 R. Oui. C'était un matin vers 9 heures. Lui se trouvait dans les baraques,
21 où se trouvaient, dans le temps, hébergé, des ouvriers. C'était maintenant
22 abandonné. Il a passé la nuit là-bas. Puis après, il était venu chez nous
23 pour me demander la permission de se changer, et seulement plus tard, il
24 était venu évidemment, et pour très peu de temps. Cela se passait peut-être
25 dans un laps de temps de quelques jours.
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1 Q. Je comprends fort bien. Est-ce que vous avez reçu la visite de ces
2 gens-là, pour parler de ces gens-là au moment où vous deviez partir pour
3 Jablanica ?
4 R. Non, je ne dirais pas à ce moment-là, pas dans ce laps de temps parce
5 que, qui savait où nous devions partir en date du 9 mai. Avant cela, des
6 femmes venaient nous voir. Il s'agissait de ces connaissances avec qui j'ai
7 eu l'occasion de travailler. Il y avait des hommes également parmi ces
8 visiteurs. Il s'agit évidemment des hommes avec qui j'ai travaillé,
9 toujours, disais-je dans la même société.
10 Q. Fort bien. Maintenant, je vais vous poser une question : parmi ces
11 réfugiés qui passaient par Grabovica, en date du 9, ou peut-être du 8 au 9,
12 le matin en date du 9, est-ce qu'il y avait des hommes parmi eux ?
13 R. Peut-être qu'il y avait le moins d'entre eux qui était venu justement
14 en ces dates du 8 et 9. Ils étaient venus huit jours avant, vers le premier
15 du mois à mesure qu'ils affluaient. Ils devaient être hébergés dans ces
16 baraques qui étaient préalablement réservées à des ouvriers qui ont
17 travaillé au barrage. Après quoi, évidemment, ils se faisaient héberger
18 dans des maisons abandonnées, puis il y avait des familles, des foyers qui
19 les hébergeaient. Ainsi que moi, par exemple, j'ai pu héberger ces femmes
20 que j'ai pues connaître. Parmi les réfugiés, il y avait également les maris
21 de ces femmes qui étaient les professeurs de mes enfants, et cetera. C'est
22 ainsi que je les hébergeais, que je les recevais chez moi au fil des jours.
23 Q. Fort bien. Pour ce qui est de ceux qui sont venus au cours de la nuit
24 du 8 au 9, et en date du 9 au matin, est-ce que vous, personnellement, vous
25 avez pu savoir où ils se sont arrêtés à Grabovica ?
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1 R. Est-ce que vous faites référence aux réfugiés toujours ou aux troupes ?
2 Q. Excusez-moi. Je me référais aux réfugiés, particulièrement, je me
3 réfère à cette date, à savoir à la nuit du 8 au 9.
4 R. Il n'y avait aucun réfugié qui était venu cette nuit du 8 au 9. Peut-
5 être passaient-ils par Jablanica pour aller vers Prenj, vers d'autres
6 localités, parce qu'il y avait à Grabovica, déjà, je dirais, toutes
7 occupées, pour parler des maisons.
8 Q. Fort bien. Vous voulez dire par là, en d'autres termes qu'il n'aurait
9 servi à rien de frapper à votre porte puisque votre maison était déjà
10 remplie. Est-ce que vous savez si ces gens-là, qui au cours de la nuit,
11 passaient par le village et est-ce que vous savez s'ils ont frappé à
12 d'autres portes pour trouver refuge et hébergement ?
13 R. Je ne sais pas. Je sais que ceux qui sont venus chez moi, on leur a dit
14 tout simplement, ce sont les réfugiés, les femmes, les premières familles
15 qui étaient venues se faire héberger par moi et chez moi -- qu'ils leur
16 répondaient : "Qu'ils devaient aller plus loin parce qu'ils n'avaient rien
17 à chercher ici." Mais je vous disais, que tous ces gens-là étaient partis
18 déjà. Je ne sais pas. Il faisait nuit, et puis ceux qui passent par la
19 route --
20 Q. Savez-vous à quel moment vous êtes allée vous coucher ? Je parle de la
21 nuit du 8 au 9.
22 R. Je suis allée me coucher à 10 heures. Mais je n'ai pas pu m'endormir
23 parce que, cette nuit-là, il y avait trois ou quatre soldats, et puis il y
24 avait ces gens-là que j'ai hébergés. J'ai dû leur préparer un souper et
25 j'ai dû travailler pour eux. Cela ne m'a pas plu tellement. J'ai vu trois
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1 soldats que je n'ai jamais vus de mes yeux. Lorsque je leur ai dit :
2 "Bonsoir," ils m'ont répondu par "Mehraba." Cela m'a paru étrange. Cela ne
3 m'a pas vraiment plu.
4 De l'autre côté de la maison, lorsque je devais passer d'une partie de ma
5 maison vers l'autre, je m'en suis rendue compte du fait. J'ai pu également
6 voir, d'après l'expression des visages des réfugiés hébergés chez moi,
7 qu'eux, et elles surtout, n'étaient pas très satisfaits de voir ces
8 soldats.
9 Lorsque je me suis couchée, vers 10 heures, prétendument pour dormir,
10 je n'ai pas pu faire fermer l'œil bien sûr, c'est en ce moment-là que j'ai
11 entendu les hurlements de femme, et j'ai entendu cette femme pleurer, qui,
12 elle, disait : "Pourquoi vous en prenez-vous à moi ? Je ne suis coupable de
13 rien." Cette nuit-là, je n'ai pas pu dormir. Je me suis assise sur le
14 plancher, toute résignée.
15 Q. Oui, je comprends. Merci. Maintenant, je voudrais passer à un autre
16 sujet. Passons à la matinée du 9.
17 R. Le 9, au matin --
18 M. MORRISSEY : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît.
19 [Le conseil de la Défense se concerte]
20 M. MORRISSEY : [interprétation]
21 Q. Excusez-moi, Madame. Je crois que vous avez dit, tout à l'heure en
22 déposant, que vous avez entendu de mauvaises nouvelles ou plutôt des
23 rumeurs inquiétantes de la part de l'une de ces Musulmanes hébergées chez
24 vous. Etes-vous allée, en ce moment-là, pour essayer de voir par la fenêtre
25 si vous avez pu observer quoi que ce soit de l'autre côté de la rivière,
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1 sur l'autre rive ?
2 R. Il faisait jour déjà, mais je n'ai rien pu observer. Je n'ai rien pu
3 voir sur l'autre rive.
4 Q. Très bien. Est-ce que vous avez pu observer qu'il y ait eu de personnes
5 âgées ou d'enfants de nationalité croate sur l'autre rive, en regardant par
6 la fenêtre ?
7 R. C'est ce que j'ai pu observer à 1 heure : une femme avec sa fille au
8 bord de la rivière Neretva, près de leur maison. Puis, j'ai pu voir
9 d'autres femmes de nationalité croate qui, elles, vivaient du côté est.
10 C'est ce que j'ai pu voir. Mais, malheureusement, elles ont péri à une 1
11 heure de l'après-midi.
12 Q. Pour ce qui est de ces gens-là que vous avez pu observer, au moment où
13 vous les avez vus, est-ce que vous avez pu les identifier ? Qui ils
14 étaient ? Les avez-vous reconnus ?
15 R. Il s'agit de Dragica Dreznjak, une jeune fille avec sa mère, Mara ou
16 Matija. Plutôt Matija -- Mara.
17 Q. Oui. Je comprends. Avez-vous reçu la visite d'un quelconque membre de
18 famille au cours de cette matinée-là ?
19 R. A quelle famille vous référez-vous ?
20 Q. Je parlais de quelqu'un qui aurait été apparenté à vous, un de vos
21 cousins.
22 R. Non. Plutôt, en date du 8, ce sont les gens qui étaient venus du côté
23 ouest pour dire que : "De fâcheux événements s'y préparaient. Nous, on va
24 être persécutés, et surtout chassés." Et si je pouvais envoyer peut-être
25 quelques-uns parmi mes réfugiés hébergés "pour les protéger." C'est ce que
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1 j'ai dit à ce soldat, comme je vous en ai déposé déjà, dans cette
2 tentative, évidement, de lui en parler. Mais, lui, il a détourné la tête,
3 et c'était tout.
4 Q. Oui, d'accord. Mais ma question concerne la matinée du 9. Est-ce qu'il
5 y a eu un quelconque membre de votre famille qui vous aurait rendu visite
6 ce matin-là, en date du 9 ?
7 R. Oui. Oui, il s'agit d'un soldat.
8 Q. Non, non, il ne s'agit pas de soldat maintenant, au sujet de quoi je
9 vous pose une question --
10 R. Mais ce n'est pas quelqu'un de ma parenté.
11 Q. S'agit-il de quelqu'un de vos cousins qui vous aurait rendu visite ce
12 matin ?
13 R. Non, non, non. Il s'agit de ce garde qui, lui, montait la garde auprès
14 du pont. Lui, il a appelé pour apprendre des nouvelles de mon mari, s'il
15 était en vie. Il a dit que deux des gens, Saric et Ravlic, ont été emmenés,
16 et qu'ils ont été exécutés près du pont. Il s'agit bien d'un garde, garde
17 du pont, de nationalité musulmane.
18 Q. Fort bien. Entre-temps, l'une des réfugiées musulmanes s'est rendue à
19 Jablanica pour faire en sorte que vous soyez évacuée si possible, et à la
20 fin, quelqu'un était venu avec un camion. S'agissait-il de troupes de
21 militaires ou de policiers ?
22 R. C'étaient des gens de la police.
23 Q. Est-ce que vous les connaissez personnellement ?
24 R. Non, pas personnellement. Je ne connaissais que deux d'entre ces
25 soldats qui étaient de nationalité serbe, mais ils avaient rejoint l'armée.
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1 Ils étaient probablement de Banja Luka. Etaient-ils en prison, et puis
2 après ils ont rejoint l'armée pour faire des travaux physiques. Et pour
3 parler de ces gens-là qui nous ont emmenés à Jablanica, il s'agit de ces
4 gens-là qui étaient plutôt invalides, pour ainsi dire, dans des couvertures
5 à bord du camion. Et pour ce qui est, évidemment, de --
6 Q. Puis-je vous demander --
7 R. [aucune interprétation]
8 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Mais ma question a trait à quelque
9 chose que vous venez de dire tout à l'heure. Vous avez fait mention de deux
10 soldats serbes. Portaient-ils un uniforme ?
11 R. Oui.
12 Q. Etaient-ils de l'unité commandée par Zuka ?
13 R. Probablement, ils devaient être de l'unité de Cibo, parce que Cibo
14 était le commandant de Jablanica. Je ne pourrai vous en dire plus parce
15 qu'ils étaient tous ensemble.
16 Q. Je comprends cela, mais y a-t-il eu quoi que ce soit d'intéressant
17 concernant l'uniforme de ces soldats serbes qui vous aurait fait croire
18 qu'ils étaient membres de la police, ou de l'armée, ou d'un autre
19 organisme, d'une autre unité ?
20 R. Il n'y avait rien qui aurait pu me faire croire de la sorte. Il y avait
21 l'un d'entre eux qui s'appelait Milan, chose déjà douteuse pour moi, parce
22 que cela ne devait pas être un Musulman. Et c'est dans ce contexte-là qu'il
23 m'a dit qu'il était originaire de Banja Luka. C'est lui qui m'a dit, Mais,
24 Madame, pourquoi est-ce que vous n'avez pas fui les lieux ? Parce que, lui,
25 il était toujours de permanence au point de contrôle, mais il était
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1 toujours dans les escortes de soldats musulmans. Je m'en suis rendue compte
2 de cet homme-là. Lui, il déambulait là, au bord de la route, il empruntait
3 la route. D'ailleurs, nous n'étions jamais sans soldats.
4 Q. Je comprends. Mais j'ai maintenant une question au sujet de l'heure de
5 votre départ. Ce que je vous dis devrait être interprété comme suit : même
6 si vous avez déposé avec le plus de sincérité possible, vous avez reconnu
7 avoir quitté votre foyer à bord d'un camion approximativement vers 3
8 heures, 3 heures 30 d'après-midi. Etes-vous d'accord maintenant que ceci
9 serait possible si je vous le dis ainsi ?
10 R. Oui. Bien sûr, ceci pourrait être possible. Je ne saurais vous préciser
11 l'heure. C'était l'automne. Les jours s'écourtent. Il y avait un silence
12 qui pesait sur nous, et je dirais une tristesse qui nous accablait. Vous me
13 comprenez. Je ne pouvais pas vraiment distinguer l'heure. Mais peut-être
14 que ceci pourrait être vers ces heures-là. Souvent, ce camion passait, le
15 seul d'ailleurs à passer, ce véhicule bâché, parce que c'est à bord de ce
16 camion que venaient d'ailleurs les gens, les soldats et les autres. Il y
17 avait donc la police, ces deux soldats qui étaient dans leurs couvertures,
18 et nous étions sept à partir en premier. Pour ce qui est des civils, alors
19 là, eux, ils sont tous partis à pied.
20 Q. Bien. De ce que vous venez de dire, découlent deux questions que je
21 veux vous poser. Première question : il s'agit de ce camion. Vous dites
22 avoir déjà vu que ce camion servait de transport de soldats, eux qui
23 venaient à leur poste, et cetera, et lorsqu'ils étaient de retour
24 également; est-ce exact ?
25 R. Oui.
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1 Q. Les soldats qui utilisaient ce camion étaient les troupes de l'unité de
2 Zuka, n'est-ce pas ?
3 R. Probablement de l'unité de Zuka, parce que, écoutez, ce camion, il
4 avait au volant tout un chacun, pour ainsi dire, parce que c'était toujours
5 pour le compte de l'ABiH. Etaient-ils cinq ou six, et cetera. J'ai pu
6 observer cela parce que ma maison est à peine à une distance de 4 ou 5
7 mètres de la route principale. C'est comme cela que j'ai pu le voir, cette
8 espèce de camion de marque FAP. Il y avait une espèce de poster tel un chat
9 ou tigre, qu'en sais-je. Je ne suis pas très, très familière avec tout
10 cela, mais en tout cas, j'ai pu le voir, ce camion, tous les jours.
11 Q. [aucune interprétation]
12 R. Régulièrement.
13 Q. Merci. Vous nous avez très utile en cela.
14 Maintenant, je voudrais vous poser une autre question. En déposant, vous
15 dites, lors d'une enquête menée par Gamini Wijeyesinghe, il s'agit
16 évidemment d'une déclaration faite par vous en 1996, laquelle déclaration
17 nous avons sous les yeux.
18 J'aimerais vous donner lecture d'un passage de votre déclaration. Dites-
19 moi, vous avez dit la vérité à l'enquêteur en ce moment-là ?
20 R. Oui, bien entendu.
21 Q. Oui, bien entendu. Maintenant, je vais essayer de vous donner lecture
22 de votre déclaration, page 3 de votre déclaration : "Une Musulmane hébergée
23 dans ma maison a informé la police de Jablanica pour, sous forme délation,
24 dire que j'étais dans ma maison. C'est ainsi qu'ils sont venus avec un
25 camion, dans ma maison, et mon mari et moi avons été emmenés au camp de
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1 Jablanica. Ceci s'était passé le 9 septembre à 3 heures 30."
2 Q. Est-ce vrai ? C'est la vérité ?
3 R. Oui, cela est possible.
4 Q. Au temps où vous avez fait cette déclaration à l'enquêteur -- non, je
5 retire cette question.
6 Je voudrais vous donner lecture d'un autre fragment de votre déposition --
7 votre déclaration. J'ai une suite de questions à poser. Cette fois-ci, cela
8 concerne ces moments tristes où vous avez pu voir les corps.
9 Au moment où vous partiez, une personne âgée plutôt était venue vous voir,
10 vous l'avez connue au nom de Mara Mandic, pour vous parler ?
11 R. Oui.
12 Q. Cela est arrivé juste avant votre départ en camion ?
13 R. Oui. Puis-je expliquer ?
14 Q. Bien, peut-être que j'aurai des questions concrètes à ce sujet. Mais,
15 pour le moment, ce qui m'intéresse c'est le temps, et ensuite, nous allons
16 parler du fond.
17 R. Lorsque nous sommes partis pour Jablanica, le soldat qui portait ceux
18 qui ne pouvaient pas monter à bord du camion, il m'a dit : "Voilà, Mara.
19 Dis-lui de venir avec nous." Moi, je me suis approchée d'elle en courant.
20 Elle ne voulait pas nous écouter. Je lui ai dit : "Mara, nous partons tous.
21 Viens avec nous. Ne reste pas." Elle avait plus de 80 ans. Elle a perdu son
22 mari. Elle n'avait pas eu d'enfants. Elle ne voulait pas partir. Elle a dit
23 : "Je n'ai jamais fait de mal à qui que ce soit." Elle a refusé de partir
24 et d'obéir, et ce soir-là, elle a été tuée.
25 Q. Je souhaite vous poser quelques questions concernant les informations
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1 que vous avez concernant Mara Mandic. Tout d'abord, où étiez-vous lorsque
2 l'on vous a dit de sa mort ?
3 R. Dans le camp.
4 Q. Combien de temps avez-vous passé dans le camp ?
5 R. Trois jours, lorsque j'ai entendu parler de sa mort.
6 Q. On vous a informé de sa mort de la part de deux autres personnes ou une
7 personne ?
8 R. Tout d'abord, une personne me l'a dit, et après, j'ai entendu cela de
9 la part de quelqu'un d'autre. En face de cette femme, il y avait la
10 réfugiée Ema Jaca [phon]. Elles sont restées dans la maison lorsque les
11 civils sont partis avec elles, et au niveau du crime contre Mara, elles
12 l'ont vu. Cette femme, elle a fui vers d'autres réfugiés dans ma maison. A
13 ce moment-là, elle est tombée malade, et cette femme, Ema, elle est morte.
14 Elle n'est pas morte immédiatement, mais au bout d'un an. Cette femme, elle
15 est venue me voir. Elle m'a raconté immédiatement que Mara avait été tuée.
16 Puis d'ailleurs, elle m'a apporté des vivres, car je n'en avais pas, et
17 s'en été terminé de Mara.
18 Q. Je vais vous poser quelques questions concrètes à ce sujet. Lorsque
19 l'on vous a dit, pour la première fois, ce qui était arrivé à Mara, est-ce
20 que ceci s'est passé de manière suivante -- ou peut-être je devrais mieux
21 formuler ma question. Est-ce qu'Edinka Unjic vous a dit cela elle-même, ou
22 bien, est-ce que les personnes qui vous ont rendu visite vous ont transmis
23 ce qu'elle avait dit ?
24 R. C'est Edinka Unjic qui me l'a dit, et elle m'a apporté quelques
25 vêtements pour que je puisse les porter.
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1 Q. Bien.
2 R. Elle a dit qu'elle regrettait.
3 Q. Oui.
4 R. Elle, elle avait entendu parler de cela de la part des soldats et de la
5 part de la femme qui avait fui la cour de Mara et qui s'est réfugiée dans
6 ma maison pour continuer à y vivre avec les autres.
7 Q. Oui. C'était justement ma question suivante : quelle était la source
8 d'information d'Edinka ?
9 Vous avez dit qu'elle a entendu parler de cela de la part des soldats, en
10 partie. Est-ce que je peux vous poser la question suivante : est-ce qu'elle
11 vous a dit qu'elle avait entendu certains soldats qui se vantaient, au
12 fond, du fait qu'ils avaient commis ce crime ? Est-ce bien cela qu'elle
13 vous a dit ?
14 R. Oui, malheureusement. Elle a été absolument horrifiée à entendre cela.
15 Q. Oui. Vous avez dit qu'il y avait une autre source d'information
16 qu'Edinka a mentionné, et c'était une information que quelqu'un d'autre lui
17 a relatée. Est-ce que vous savez le nom, quel est le nom de cette autre
18 personne à laquelle Edinka avait fait référence ?
19 R. Je ne sais pas quelle était l'autre personne, mais avec votre
20 permission, je dirais qu'un homme a entendu beaucoup parler de ce crime,
21 car il réparait la voiture de ce soldat. Il était sous la voiture, c'est
22 Dragan Zadro. Il a entendu ces soldats se vanter. Ils disaient que le cœur
23 de cette femme avait bon goût. Il a entendu cela, et il a conclu de qui il
24 s'agissait. C'était un mécanicien qui réparait ce véhicule avec un autre
25 mécanicien à Jablanica. Ils ont réparé le véhicule de ces soldats. Ce
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1 Dragan, il est venu me voir dans le camp. Il m'a dit, voilà ce qui s'est
2 passé. Je lui ai dit : "Dragan, comment est-ce que tu le sais ?" Il a dit :
3 "Qu'il avait entendu parler de cela directement de la part de ces soldats."
4 Vous savez, ces hommes-là, ils ne sont certainement pas normaux. Ils sont
5 malades. Ils étaient certainement drogués ou quelque chose.
6 Q. Oui. J'apprécie le fait que vous traitez de ces moments douloureux.
7 R. Elle a été brûlée dans la maison.
8 Q. Je souhaite poursuivre. Tout d'abord, Edinka Unjic, c'était une source
9 d'information, et ensuite, Dragan, que vous avez mentionné, et ce que vous
10 avez entendu de son part au sujet de la conversation qu'il a entendue entre
11 les soldats à Jablanica; est-ce exact ?
12 R. C'est exact.
13 Q. Merci beaucoup. Pour autant que vous le sachiez, Mara Mandic, son corps
14 n'a jamais été retrouvé par qui que ce soit; est-ce exact ?
15 R. Oui, c'est exact, car cette maison a été incendiée cette même nuit.
16 Elle a brûlé, (expurgée). Rien ne restait
17 de la maison.
18 Q. Je souhaite vous poser une autre question. Est-ce que vous avez entendu
19 parler des rumeurs qui ont circulé par la suite, selon lesquelles elle
20 s'était échappée en compagnie d'un autre homme appelé Saric ?
21 R. Non.
22 Q. Très bien.
23 R. Non, je n'ai jamais entendu parler de cela.
24 Q. Très bien. Excusez-moi un instant.
25 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il me
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1 reste encore dix minutes de contre-interrogatoire. Je ne sais pas si la
2 Chambre souhaitait procéder à une pause. Sinon, je peux très bien passer à
3 un autre sujet.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame le Témoin, êtes-vous prête à
5 continuer la déposition pendant encore dix minutes avant la pause ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] On va essayer.
7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous allons poursuivre jusqu'à la
8 fin de votre contre-interrogatoire, et à ce moment-là, nous aurons une
9 pause.
10 M. MORRISSEY : [interprétation] Très bien. Merci.
11 Q. Ma question suivante concerne ce que vous avez vu lors de votre voyage
12 à Jablanica. A un moment donné, le camion est tombé en panne à l'endroit
13 dont vous avez parlé, que vous avez mentionné à mon éminente collègue, Mme
14 Chana. (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 R. Ses cheveux naturels étaient châtains. Mais elle avait aussi quelques
19 cheveux gris, car elle était d'un certain âge.
20 Q. Elle était où au moment où vous l'avez vue ?
21 R. C'était à environ 500 mètres de ma maison en montant. Ce camion tombait
22 en panne souvent, donc, nous, assez souvent, on sortait du camion pour le
23 pousser. Elle était juste à côté de la route goudronnée, dans un canal.
24 Elle était allongée sur son dos. Sa tête était couverte de sang, d'un côté.
25 Elle portait un manteau marron. Elle avait passé par ma maison une heure
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1 avant. Elle voulait rester avec moi, mais ils ne lui ont pas permis. Ils
2 lui ont dit de partir, et c'est ainsi qu'elle a été tuée. Je ne sais pas si
3 on avait tiré sur elle ailleurs aussi, car je n'ai pas vraiment inspecté le
4 cadavre.
5 Q. Non, cela va comme cela. Je ne vais pas vous poser d'autres questions
6 concernant l'état dans lequel était cette personne, Ilka.
7 Mais j'ai quelques questions concernant le moment où vous l'avez vue. Vous
8 avez dit que c'était approximativement au bout d'une heure, mais peut-être
9 c'était plus long que cela, n'est-ce pas ? Car je suppose que vous ne
10 teniez pas compte du temps avec précision.
11 R. Oui, probablement.
12 Q. Oui. Je sais que vous n'essayez pas d'induire la Chambre en erreur,
13 mais vous avez dit quelle était votre estimation, n'est-ce pas ?
14 R. Oui. Peut-être c'était plus longtemps que cela, car vraiment, je ne
15 peux pas vous dire exactement quelle heure il était. Je n'avais pas de
16 montre. S'il y avait eu du soleil, le soir qui tombait, j'aurais pu
17 conclure sur la base de cela. Mais vous savez, c'était il y a longtemps, je
18 ne peux pas vous dire le temps avec précision.
19 Q. Oui, bien sûr. Au bout de 12 ans, nous ne nous attendons pas à ce que
20 vous nous disiez des précisions au sujet du temps, rassurez-vous.
21 Sur le chemin de Jablanica, est-ce que le camion FAP dans lequel vous
22 étiez était capable de rouler à une grande vitesse ou bien est-ce qu'il
23 roulait à environ 30 à 40 kilomètres par heure ?
24 R. Lentement et péniblement, il roulait. Mais de toute façon, nous avons
25 été content du fait qu'il nous a amené au camp.
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1 Q. Excusez-moi un instant, s'il vous plaît.
2 [Le conseil de la Défense se concerte]
3 M. MORRISSEY : [interprétation]
4 Q. Est-ce que vous connaissez une certaine personne prénommée Katica ? Je
5 ne vous demande pas quels sont vos liens de parenté, s'ils existent, mais
6 dites-moi simplement si cette personne existe.
7 R. Oui, je connais. Elle existe dans notre village.
8 Q. Très bien. Nous ne souhaitons pas identifier quel est le lien qui
9 existe entre elle et vous en raison des mesures de protection, mais a-t-
10 elle déposé déjà ? Etait-ce le témoin précédent ?
11 R. Oui, oui.
12 Q. Pendant que vous étiez dans ce camion, est-ce que vous êtes passée à
13 côté d'elle sur la route de Jablanica ?
14 R. Non. Elle voulait rester à la maison avec moi, et elle aussi n'a pas
15 été autorisée de faire cela. Puis, elle est partie. En partie, elle allait
16 à pied, en partie, elle a dû prendre un camion. Je ne sais pas. Mais de
17 toute façon, elle est arrivée avant moi. Nous sommes arrivées pendant la
18 nuit. Je ne sais pas quelle était l'heure. Nous étions les derniers de
19 Grabovica.
20 Q. Est-ce que d'autres personnes de Grabovica étaient déjà là-bas, les
21 personnes qui avaient été amenées à bord d'autres véhicules ?
22 R. Oui. Il y avait quelques hommes qui avaient été dans le camp, dans les
23 caves. Ce n'étaient pas des soldats, c'étaient des civils. Ils ont vite été
24 capturés lorsqu'ils avaient fui dans les collines et ils étaient déjà dans
25 le camp. Mais, nous n'avions pas la permission de les voir.
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1 Q. Très bien, je vais limiter ma question à cela. Est-ce que d'autres
2 personnes de Gradovica y étaient lorsque vous êtes arrivées à Jablanica,
3 les personnes qui sont parties ce même jour ? Autrement dit, d'autres
4 personnes qui ont été évacuées le même jour ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire leurs noms ?
7 R. Suis-je autorisée ?
8 Q. Oui.
9 R. Ruza Pranjic, Stojan Pranjic. Puis, attendez, j'ai oublié tellement de
10 choses -- Mira Pranjic, son mari était dans le camp. Matija Miletic, et
11 cette Matija, elle est morte aussi depuis. Puis, il y en avait d'autres. Il
12 va falloir que je m'en rappelle, je vais me rappeler.
13 Q. [hors micro]
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Votre micro.
15 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.
16 Q. Si vous ne vous souvenez de leurs noms, est-ce que vous pouvez nous
17 dire quel était le nombre approximatif des habitants de Grabovica que vous
18 avez rencontrés à Jablanica.
19 R. Nous étions environ 16. Mais, par la suite, d'autres sont venus, ceux
20 qui étaient partis à pied. Mais ils ne sont allés dans le camp, mais chez
21 des personnes qu'ils connaissaient. Au bout de deux jours, ils ont été
22 hébergés dans le camp. Au total, nous étions 21 habitants de Grabovica dans
23 le camp. Mais après, il y en a qui sont venus d'un autre village, de
24 Sjencine, au bout de 12 jours. Car au total, y compris les gens venant
25 d'autres villages autour de Jablanica, nous étions 340 dans le camp.
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1 Q. Très bien, je souhaite vous indiquer, Madame le Témoin, que mon contre-
2 interrogatoire est terminé. Merci d'avoir répondu à mes questions.
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien.
4 Nous allons prendre une pause et nous allons continuer avec les questions
5 supplémentaires.
6 Nous allons reprendre nos travaux à 12 heures 50.
7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.
8 --- L'audience est reprise à 12 heures 50.
9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il des questions supplémentaires,
10 Madame Chana ?
11 Mme CHANA : [interprétation] Oui, brièvement, Monsieur le Président.
12 Nouvel interrogatoire par Mme Chana :
13 Q. [interprétation] Bonjour, encore une fois, Madame le Témoin.
14 M'entendez-vous ?
15 R. Oui.
16 Q. Je vais vous poser encore quelques questions, et j'apprécierais si vous
17 pouvez me répondre brièvement, ce qui vous permettra de pouvoir partir plus
18 vite également. Vous me comprenez ? C'est acceptable ?
19 R. Oui, tout à fait. Je serai contente de partir vite d'ailleurs.
20 Q. Très bien. Le 5 septembre, veuillez vous rappeler cette date en
21 particulier, s'il vous plaît. Vous avez dit que, ce jour-là, il y a
22 beaucoup de soldats; est-ce exact ?
23 R. Oui, beaucoup.
24 Q. Est-ce que vous avez pu voir tout cela depuis l'endroit où se trouvait
25 votre maison près de la rivière ?
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1 R. C'était le 5 ? Répétez, s'il vous plaît.
2 Q. Oui. Je souhaite que l'on reparle de la date du 5 septembre, lorsqu'il
3 y a eu beaucoup de soldats dans le village. Vous avez dit que vous avez vu
4 de nombreux soldats depuis l'endroit où vous étiez, dans votre maison.
5 R. Oui. Mais ils n'étaient pas aussi nombreux le 5 que le 8, et le 9, ou
6 bien le 7. Ils se déplaçaient en voiture autour des maisons, et cetera,
7 mais ils n'étaient pas aussi nombreux que le 7, le 8, et le 9, du côté
8 occidental.
9 Q. [aucune interprétation]
10 R. Ils étaient plus nombreux que de notre côté.
11 Q. Cependant, il y avait quand même un nombre assez important de soldats,
12 n'est-ce pas ? Comment décririez-vous les soldats ?
13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
14 M. MORRISSEY : [interprétation] Je ne soulève pas d'objection à la deuxième
15 partie de la question, mais la première partie était très clairement une
16 question directrice, et je soulève une objection à cette partie-là.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Veuillez reformuler.
18 Mme CHANA : [interprétation] Oui.
19 Q. Madame le Témoin, dites-moi -- donnez-moi une idée de leur nombre.
20 R. Je dirais 100 à 150.
21 Q. Merci, Madame le Témoin.
22 R. Je ne suis pas sûre pour ce qui est des chiffres non plus. Peut-être il
23 y en avait moins que cela.
24 Q. Mais vous avez pu les voir depuis l'endroit où vous vous trouviez. Ils
25 étaient en train de se déplacer.
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1 R. Oui, oui.
2 Q. Quel était le comportement de ces soldats, de manière générale ?
3 M. MORRISSEY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Il faut
4 clarifier de quelle date nous sommes en train de parler. J'ai l'impression,
5 qu'actuellement, les questions ne se focalisent pas clairement sur le 5. Il
6 faut clarifier cela. Donc, je pense qu'il faut clarifier quelle est la date
7 dont on est en train de parler.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
9 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
10 Q. Madame le Témoin, je parle encore du 5 septembre. Est-ce que vous
11 pouvez me raconter de quelle manière se comportaient ces 100 soldats ou
12 plus, ce 5 ?
13 R. Et bien, rien de particulièrement méchant. Ils se déplaçaient. Parfois,
14 ils ne nous voyaient pas. Mais, vous savez, ils ne nous provoquaient pas.
15 Ils ne nous maltraitaient pas. Effectivement, parfois ils demandaient
16 quelque chose, mais de manière normale, le 5.
17 Q. Où vivaient cette centaine de soldats ?
18 R. Ils étaient logés dans ces cabanes où se trouvaient lesdits bureaux du
19 côté est. Puis après, dans une maison, ils étaient une dizaine, en
20 contrebas de nos maisons. Ils sont allés également dans la partie
21 occidentale. Ils étaient dans des maisons différentes, puis, le bâtiment de
22 la gare aussi. Mais, vous savez, il était difficile de savoir quel était
23 leur nombre. Car, parfois, il y avait un camion avec une vingtaine d'eux,
24 et puis le camion revenait vide. Donc, je ne peux pas savoir combien ils
25 étaient. Mais, néanmoins, ils étaient nombreux du côté est aussi, car ils
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1 avaient deux points autour de nos maisons, points de contrôle. Donc, si
2 vous comptez dix hommes à chacun de ces points, c'est déjà 20 hommes. Puis
3 après, il y en avait qui patrouillaient. Mais, je ne peux pas vous donner
4 une réponse définitive.
5 Q. Je ne vous demande pas maintenant une question concernant leur nombre,
6 mais leur hébergement. Le 5, où étaient-ils ?
7 R. Je vous l'ai déjà dit. Ils étaient dans des maisons du côté ouest et
8 puis dans des cabanes, dans des baraques d'ouvriers. Ils étaient aussi dans
9 d'autres baraques près de la centrale électrique. Mais je ne peux pas
10 savoir combien de soldats se trouvaient à quel endroit. Il y avait aussi de
11 grosses baraques d'ouvriers, ceux qui avaient construit les barrages, donc
12 il y avait des soldats et d'autres gens là-bas aussi. Vous pouvez voir cela
13 sur la carte.
14 Q. Est-ce qu'il n'y avait pas suffisamment de place à Grabovica pour loger
15 toutes ces personnes, ou bien est-ce qu'il y avait suffisamment de place
16 pour tous ?
17 R. Il n'y avait plus de place, vous savez, dans les maisons civiles. Car
18 il y avait déjà beaucoup de réfugiés dans ces maisons-là, ceux qui étaient
19 venus, comme je l'ai dit, de Capljina, de Stolac, ils étaient déjà dans ces
20 maisons.
21 Q. Dans ce cas-là, comment est-ce que vous décririez leur hébergement ou
22 les capacités d'héberger ?
23 R. Vous savez, il ne s'agissait pas d'un hébergement permanent. Ceux qui
24 sont venus le 7 ou le 8, ils sont venus pendant la nuit, je ne sais pas
25 comment d'ailleurs. Tantôt, ils étaient ici, tantôt ils étaient ailleurs
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1 donc je ne peux pas savoir. Vous savez, ils venaient et ils partaient.
2 Encore une fois, je vous dis, il y avait des camions qui venaient. Parfois,
3 le camion arrivait plein. Il rentrait vide. Eux, ils étaient dans des
4 maisons, dans des baraques, et cetera. Moi, je n'avais pas un aperçu total
5 des endroits où ils étaient. Il y en a qui étaient dans des maisons. Puis,
6 on entendait des cris, des bruits ou des tirs. Mais je ne peux pas vous
7 dire ni quel était leur nombre ni où ils étaient hébergés pendant ces
8 quelques jours.
9 Q. Serait-il exact alors de dire que les soldats n'étaient pas isolés dans
10 des baraques à Grabovica ?
11 R. Il n'y avait pas de casernes à Grabovica. Après, des soldats étaient à
12 un endroit qui s'appelait, plus tard, la caserne. C'était en 1994, 1995, et
13 cetera. C'était peut-être jusqu'en 1998 ou 2000. Mais je ne sais plus les
14 détails
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana.
16 Mme CHANA : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Ces questions sortent du champ du contre-
18 interrogatoire. Les questions supplémentaires ne servent pas à vous donner
19 l'occasion de poursuivre l'interrogatoire principal, mais doivent se
20 limiter au champ des questions posées par la Défense au cours du contre-
21 interrogatoire.
22 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais
23 poursuivre.
24 Q. Madame le Témoin, je souhaite vous parler des réfugiés. Le conseil de
25 la Défense, lorsqu'il vous a posé des questions, vous a demandé des
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1 questions concernant les réfugiés de Grabovica. Dites-moi, est-ce qu'à un
2 moment donné qui que ce soit a dit que les réfugiés auraient commis ces
3 crimes ?
4 M. MORRISSEY : [interprétation] Je fais objection à cette question. Si
5 quelqu'un a dit quelque chose au témoin, c'est une autre chose. Mais je
6 fais objection à ce que l'on se fonde sur le ouï-dire ou spéculation.
7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que c'est une question générale
8 qui peut être reformulée.
9 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, c'est simplement que,
10 jusqu'à maintenant, elle a donné, dans sa déposition, des réponses par
11 rapport à l'interrogatoire principal, et elle a identifié les choses par
12 les rumeurs. Donc, fondamentalement, c'est seulement sur l'aspect de ces
13 rumeurs qu'il y aurait une suggestion. Je ne pense pas véritablement que
14 l'on sorte de ce champ. Mais, bien entendu, je suivrai votre décision et je
15 poserai la question d'une façon différente.
16 Q. Témoin, lorsque vous avez dit que vous aviez entendu parler des
17 différents meurtres, qu'on vous avait dit qui avait été tué, c'est bien
18 cela, les gens vous le disaient ?
19 R. Je ne comprends pas cela. Qui avait tué qui ? Je ne sais pas.
20 Q. Vous savez, la liste que je vous ai montrée précédemment de toutes ces
21 personnes qui avaient été tuées, et vous avez entendu parler de ces
22 personnes par d'autres, un certain nombre d'autres personnes ?
23 R. Oui.
24 Q. Qui, selon ce que vous avez entendu, seraient les personnes qui
25 auraient commis ces meurtres ?
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1 R. On a parlé du fait que c'était l'armée de Sefer et ces soldats de
2 Handzar. Puis, il y a eu les Tigres. Puis, nous avons eu la Division
3 Handzar. C'étaient essentiellement les gens de Sefer. Donc, je ne sais rien
4 de plus que cela. C'est un peu différente cette question donc je ne sais
5 pas très bien comment y répondre.
6 Q. Selon vous, quel était le comportement des réfugiés ? Comment étaient-
7 ils
8 M. MORRISSEY : [interprétation] Là encore, Monsieur le Président, ceci ne
9 découle pas de ce qui précède.
10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
11 M. MORRISSEY : [interprétation] Je n'ai pas posé de questions concernant le
12 comportement des réfugiés. Ceci semble être une tentative de rouvrir
13 quelque chose qui aurait été évoqué lors de l'interrogatoire principal,
14 mais cela n'a pas été le cas.
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana, je pense que le témoin a
16 répondu à cette question lors de sa réponse précédente, de l'autre manière.
17 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais donc
18 poursuivre.
19 Q. Alors, vous avez dit, Témoin, que le 9 septembre dans la matinée, il y
20 avait eu un camion qui était arrivé. Pourriez-vous clarifier les choses
21 pour nous, parce qu'on vous a posé des questions, là encore, c'était le
22 conseil de la Défense qui vous avait posé des questions, sur le point de
23 savoir si c'était un camion de l'armée ou de la police. Pourriez-vous nous
24 dire, avec précision, de quel type de camion il s'agit ? C'est-à-dire, si
25 vous le savez, bien entendu.
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1 R. Pourquoi était utilisé ce camion ?
2 Q. Je vous parle du camion qui vous a emmenée à Jablanica, celui qui est
3 arrivé le 9.
4 R. Ce camion, il est venu dans la soirée. C'était un camion FAP. C'était
5 un camion ouvert. Il était vraiment très démantibulé. Mais il nous a bien
6 été utile. Je le voyais fréquemment, et il traversait notre village, il
7 amenait des gens, notamment, lorsqu'il y avait des changements de tours de
8 garde aux points de contrôle, et ainsi de suite.
9 Q. Quel type de personnes est-ce que ce camion amenait ?
10 R. Les soldats, par exemple, qui venaient prendre leurs tours de garde à
11 Jablanica. A ce moment, ils y passaient dix jours, deux jours, et deux
12 nuits. Puis, d'autres arrivaient, d'autres étaient amenés. Ceci s'est
13 déroulé pendant tout l'été. C'est à ce moment-là que je les voyais.
14 Q. Est-ce que vous pourriez maintenant – je voudrais vous poser une
15 question concernant Mara Mandic. Ne l'avez-vous jamais revue ?
16 R. Non, jamais.
17 Q. Est-ce que c'était une bonne amie, une amie chère ?
18 R. Oui. C'était une dame âgée de 82 ou 83 ans.
19 Q. Ma dernière question que je vais poser, Témoin, c'est si --vous savez
20 si la liste que je vous ai montrée avec toutes les personnes dont nous
21 avons parlé ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que vous n'avez jamais revu l'une quelconque de ces personnes ?
24 R. Non, jamais.
25 Q. Je vous remercie beaucoup, Témoin.
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1 Mme CHANA : [interprétation] C'étaient mes questions supplémentaires,
2 Monsieur le Président. J'en ai terminé.
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
4 Y a-t-il des questions des Juges ? Le Juge El Mahdi.
5 Questions de la Cour :
6 M. LE JUGE EL MAHDI : Je voudrais quelques clarifications si vous voulez
7 bien. Vous avez répondu à une question posée par la Défense. Vous avez
8 identifié l'arrivée, le 5 septembre, d'une division qu'on appelle le
9 "Handzar Division." Comment êtes-vous en mesure d'identifier cette
10 division ?
11 R. Parce que ces gens-là sont venus chez moi. Il m'est arrivé souvent de
12 leur faire du pain, plusieurs pains que j'ai fait cuire. Ils m'apportaient
13 de la farine. Je devais préparer tout cela et leur faire du pain. Ils
14 mangeaient sporadiquement là où ils pouvaient le faire, le cas échéant.
15 C'est comme cela qu'ils s'appelaient entre eux, comme étant les Loups de
16 Cedo, puis les Loups, d'un autre, les Tigres, et cetera. Voilà comment ils
17 venaient souvent chez moi. Ils se lavaient leurs cheveux chez moi, faire de
18 la toilette, et cetera, tout ce dont ils avaient besoin.
19 M. LE JUGE EL MAHDI : Je passe à une autre question, s'il vous plaît. Vous
20 avez dit que le 9 septembre, vous avez reçu la visite d'un certain soldat
21 qui vous a dit qu'il a reçu les ordres de vous tuer.
22 R. [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE EL MAHDI : Comment était habillé ce soldat et de quelle
24 division, si vous pouvez identifier la division ?
25 R. Pour ce qui est de ces Tigres qui étaient venus en premier, celui-là
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1 qui appartenait aux Tigres, je le connaissais préalablement. Je lui ai dit
2 : "Pourquoi, mon fiston ?" Il me répond tout simplement : "Parce que tu es
3 Oustachi, tu es Croate, toi."
4 M. LE JUGE EL MAHDI : Pour bien vous comprendre, vous voulez dire qu'il
5 appartenait à la division appelée "Handzar" ?
6 R. Il appartenait à ce groupe de soldats de Tigres, de la Division
7 Handzar. Mais moi, pour vous dire de la division de Handzar, et les Loups
8 et les Tigres, ils coopéraient entre eux. Ils étaient tous ensemble. Tous
9 sont confondus. Ils s'appelaient par leurs prénoms. Tout cela était venu du
10 côté nord par rapport à Sarajevo.
11 M. LE JUGE EL MAHDI : Est-ce qu'il vous a dit de qui il a reçu les ordres ?
12 R. Non, non, rien de la sorte. Car, il y avait trois Musulmanes chez moi,
13 une Musulmane qui lui dit : "Mon fiston, pourquoi est-ce que tu
14 batifoles ?" Heureusement, j'avais des amis musulmans qui étaient hébergés
15 dans ma maison. Voilà comment j'ai la vie sauve, mon maritime, et cetera.
16 Ils ne me torturaient plus.
17 M. LE JUGE EL MAHDI : Ma dernière question, Madame : est-ce que vous vous
18 rappelez du nombre des habitants du village qui étaient là le 8 ou le 9
19 septembre ? Vous étiez combien d'habitants ?
20 R. Je crois que nous étions environ 70 ou 80 familles, mais il y en avait
21 qui ont déjà fui les lieux, à commencer par les jeunes. Puis, non seulement
22 ils ont quitté les lieux, mais ils ont fermé leurs maisons à clé, et ils
23 s'en sont allés tout simplement.
24 M. LE JUGE EL MAHDI : Le 9, est-ce que vous pouvez me donner un chiffre
25 approximatif du nombre ?
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1 R. Nous étions environ 80 personnes, peut-être un peu moins ou un peu plus
2 de 80. Aurais-je dû tout simplement faire le compte, mais enfin, chose que
3 je n'ai pas faite.
4 M. LE JUGE EL MAHDI : Je m'excuse de vous poser ces questions-là, pénibles.
5 Merci beaucoup.
6 Merci, Monsieur le Président.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il d'autres questions sur les
9 questions des Juges ?
10 M. MORRISSEY : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
11 Mme CHANA : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
13 Témoin, je vous remercie beaucoup de votre déposition, elle est terminée.
14 Le Juriste ou le Greffier pourra vous raccompagner, et nous vous souhaitons
15 un bon voyage de retour.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Je voudrais vous
17 présenter tous mes vœux de succès dans votre tâche à l'avenir pour ce qui
18 est de rendre la justice.
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
21 [Fin de la déposition du témoin par vidéolink]
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] A ce stade, certaines questions
23 d'intendance se posent. Je voudrais pouvoir en discuter avec les parties.
24 La première, c'est la question de la communication des déclarations des
25 cinq témoins.
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1 Au cours de la Conférence préalable au procès du 27 janvier, l'Accusation
2 avait demandé l'autorisation de communiquer cinq déclarations de témoin. La
3 Chambre de première instance avait donné l'ordre à l'Accusation de
4 communiquer ces déclarations à la Défense ainsi qu'à la Chambre de première
5 instance de façon à leur permettre de voir et d'apprécier s'il risquerait
6 d'y avoir préjudice quelconque à la Défense en ce qui concerne une
7 communication tardive de ces déclarations.
8 Ces déclarations ont été communiquées le 31 janvier 2005. Prenant en
9 considération les demandes des parties au cours de la Conférence préalable
10 au procès, et compte tenu du fait que dans sa réponse au rapport présenté
11 par l'Accusation, concernant une requête visant à faire ajouter un témoin,
12 et d'ajouter ou de retirer certaines pièces à conviction, qui avaient été
13 déposées le 8 février 2005, la Défense ne fait pas d'objection à la
14 communication des cinq déclarations, et la Chambre de première instance
15 fait droit à la requête présentée par l'Accusation.
16 La deuxième question concernait la communication de 14 documents au
17 titre de l'Article 68 du règlement. L'Accusation a déposé une requête
18 demandant l'autorisation de communiquer 14 documents au titre de l'Article
19 68 du Règlement de procédure et de preuve, le 1er février 2005. Comme ces
20 documents ont été communiqués à la Défense en B/C/S, la Chambre de première
21 instance a demandé à l'Accusation, au cours de l'audience du 1er février, de
22 fournir à la Défense ces documents dans leur traduction en anglais, et la
23 Chambre de première instance voudrait savoir si la Défense les a bien
24 reçus, et quelle est la position de la Défense, en ce qui concerne la
25 communication desdits documents.
Page 84
1 Oui, Monsieur Mettraux.
2 M. METTRAUX : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
3 les Juges. Si je peux répondre à cette question.
4 Nous avons reçu juste avant la déposition de ce dernier témoin, ou plutôt
5 au cours de la suspension d'audience, les cinq déclarations dont vous avez
6 parlé, nous avons reçu les textes en anglais.
7 En ce qui concerne les documents au titre de l'Article 68, malheureusement,
8 il s'agit de 40 [comme interprété] documents que nous n'avons pas reçu en
9 traduction, ni en interprétation.
10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vois.
11 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana.
13 Mme CHANA : [interprétation] Nous avons attendu ces traductions, et nous
14 les attendons encore. Dès que nous les aurons - -nous avons demandé pour le
15 moment -- dès que nous les aurons, nous les communiquerons à la Défense.
16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Quand pensez-vous que vous les aurez ?
17 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
18 Mme CHANA : [interprétation] Notre commis à l'affaire m'informe qu'elle va
19 poser la question encore aujourd'hui, qu'on essaiera de les avoir dès que
20 possible.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
22 Oui, Maître Mettraux.
23 M. METTRAUX : [interprétation] Si vous me permettez, Monsieur le Président.
24 L'Accusation a obtenu l'autorisation d'ajouter un certain nombre de
25 témoins, en l'occurrence sept témoins, à sa liste de témoins cités à la
Page 85
1 barre. Il est possible, voire probable, que le fait qu'ils soient ajoutés à
2 cette liste fasse créer d'autres documents au titre de l'Article 68, qui
3 auraient trait à ces personnes en particulier. Nous serions reconnaissant à
4 l'Accusation de bien vouloir accélérer les recherches pour toute
5 documentation visée par l'Article 68 du règlement qui aurait trait à ces
6 témoins, et de bien vouloir les communiquer à la Défense aussi
7 immédiatement que possible.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien entendu. Je pense qu'en vertu de
9 l'Article 68, l'Accusation a la responsabilité constante de communiquer
10 tout document qui, selon elle, entre dans ce cadre.
11 Et à ce stade, je voudrais rappeler à la Défense qu'elle doit déposer
12 sa requête en vue de l'admission de certains documents qui ont été utilisés
13 au cours de la déposition de M. Gusic, et de faire savoir également si elle
14 formule des objections à ce que certaines pièces à conviction, présentées
15 par l'Accusation, soient présentées pour versement au dossier, compte tenu
16 la déposition de ce témoin.
17 M. METTRAUX : [interprétation] Comme vous l'avez ordonné il y a deux
18 jours, ce sera fait aujourd'hui avant 16 heures, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
20 La question suivante est la requête présentée par l'Accusation pour
21 pouvoir modifier la liste des pièces qu'elle présente. La Chambre de
22 première instance a reçu un rapport de l'Accusation adressé la Chambre,
23 concernant une demande visant à obtenir l'autorisation d'ajouter des pièces
24 à conviction, et d'autres questions, requête déposée le 31 janvier 2005, et
25 la réponse de la Défense à ce rapport de l'Accusation, par réponse déposée
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1 de 8 février 2005.
2 La Chambre de première instance note que dans son rapport,
3 l'Accusation n'a pas encore présenté des motifs suffisants pour expliquer
4 pourquoi une requête a été présentée tardivement, en vue de modifier la
5 liste des pièces à conviction qui n'avait pas été déposée avant le 14
6 janvier 2005, alors que cette nécessité avait déjà été annoncé le 19
7 novembre 2004. Est-ce que l'Accusation pourrait maintenant donner des
8 raisons pour cela ?
9 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander
10 des éclaircissements à la Chambre.
11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, bien sûr.
12 Mme CHANA : [interprétation] Ce qui avait été annoncé le 19 novembre,
13 Monsieur le Président ?
14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que vous aviez annoncé le fait
15 que vous donneriez des raisons, et je crois qu'il faut que vous nous disiez
16 pourquoi il y a eu un retard à ce stade de la procédure.
17 Mme CHANA : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons fourni la
18 liste des pièces, et je pense que nous avions fourni certaines raisons dans
19 notre rapport à la Chambre. En ce qui concerne un grand nombre de pièces,
20 c'était à cause de l'addition tardive de certains témoins, et le fait que
21 le Tribunal allait recevoir assez tard cette collection de documents. Donc,
22 il s'agissait de voir tous ces documents, et à l'évidence, si je me
23 rappelle exactement, nous avions déjà ici mais, nous avons fait les choix
24 par la suite.
25 Je crois que ce sont les seules explications que nous ayons. Elles ont été
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1 données dans notre rapport que nous avons présenté à la Chambre, en ce qui
2 concerne ces pièces à conviction.
3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que vous avez quelque chose à dire
4 à ce sujet, Maître Mettraux ?
5 M. METTRAUX : [interprétation] Non, rien de particulier, Monsieur le
6 Président. Je pense que la date à laquelle il a été fait référence, en ce
7 qui concerne la Conférence au titre de l'Article 65 ter du règlement,
8 l'Accusation avait indiqué la possibilité qu'une requête demande
9 l'autorisation d'ajouter un certain nombre de pièces à conviction.
10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vois. Je vous remercie de ces
11 éclaircissements. A ce stade, je voudrais savoir si la Défense a reçu les
12 traductions en anglais des pièces à conviction qui sont proposées.
13 M. METTRAUX : [interprétation] La Défense a reçu, disons, ce qui serait la
14 majorité des traductions en anglais de ces documents, mais en ce qui
15 concerne la modification des listes, la Défense s'en tient à ce qu'elle a
16 dit dans ses conclusions écrites, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.
18 Oui, Madame Chana.
19 Mme CHANA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense qu'il y
20 en a cinq pour le moment, y compris certains livres ou certains extraits ou
21 citations des livres.
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bon. En ce qui concerne les livres, je ne
23 pense pas qu'il soit nécessaire de faire traduire l'ensemble des ouvrages.
24 A ce stade, en tout cas, je pense qu'au cours des débats, seulement
25 certaines parties ou chapitres de tel ou tel livre peuvent être utilisés
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1 comme référence.
2 Oui, Madame Chana.
3 Mme CHANA : [interprétation] C'est exactement l'intention de l'Accusation,
4 de ne faire traduire que les parties que l'Accusation a l'intention
5 d'utiliser pendant les dépositions des témoins, et certainement pas
6 l'ouvrage intégral. Ce serait un gaspillage de nos ressources, bien
7 entendu, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vois. Mais si vous citez une personne
9 comme témoin, alors, est-ce que nous devons également admettre son livre
10 parmi les éléments de preuve ?
11 Mme CHANA : [interprétation] Je ne pense pas, Monsieur le Président. La
12 position serait d'admettre l'extrait sur lequel nous appellerons son
13 attention, et ceci à ce moment-là deviendrait une pièce à conviction avec
14 le numéro de page de ce livre.
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il des commentaires de la Défense à
16 cet égard ?
17 M. MORRISSEY : [interprétation] Sur cette question, Monsieur le Président,
18 le principe, c'est que le témoin pourra faire sa déposition. Si pour une
19 raison quelconque le témoin a besoin qu'on lui parle de tels passages du
20 livre qui puissent aider l'une ou l'autre partie, il y a différentes façons
21 dont ceci peut se passer. Et le problème peut être traité au moment où il
22 se posera. A première vue, prima facie, ce que vous dites à mon avis est
23 tout à fait juste, à savoir que ce que dit le témoin lorsqu'il dépose
24 constitue sa déposition comme élément de preuve. Et bien que nous ne soyons
25 pas absolument sûr de ce que serait la base utilisée par l'Accusation, pour
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1 ce qui est de présenter des livres ou certaines reconstructions, il se peut
2 qu'il trouve une base légitime à l'avenir, mais à ce stade, la position de
3 la Défense serait d'une façon générale que la déposition doit être faite
4 oralement, et qu'on ne doit recourir au livre que d'une façon limitée soit
5 pour contester ou résister à une suggestion. Ceci pourrait être pertinent
6 de différentes manières. Bien entendu, les témoins peuvent se rafraîchir la
7 mémoire à partir de diverses sources de temps à autre, en particulier,
8 s'ils sont eux-mêmes les auteurs. Evidemment, il ne faut pas que cela
9 dépende d'eux de pouvoir adapter leur déposition.
10 Notre position est que, de tels livres ne devraient pas être considérés
11 comme une source première. Sinon, nous sommes tout à fait d'accord que la
12 traduction de livres ne devrait pas être quelque chose qui risque de
13 retarder le procès ou qui puisse constituer une pièce maîtresse du procès.
14 Bien entendu, lorsqu'il y a un livre dont une partie doit être citée par
15 l'Accusation qui veut se fonder là-dessus en ce qui concerne l'accusé, je
16 pense que nous parlons peut-être d'autres livres. Ce sont les commentaires
17 que je voulais faire.
18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Mais, d'une façon générale, avez-
19 vous des objections à la liste des pièces proposées ?
20 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas compris votre
21 question ici. Excusez-moi. Vous voulez dire la liste des pièces à
22 conviction que le Procureur --
23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
24 M. MORRISSEY : [interprétation] -- apparemment est en train de présenter ?
25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
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1 M. MORRISSEY : [interprétation] Nous ne savons pas pour ce qui n'a pas été
2 traduit. Nous ne savons pas. Il faut que nous nous attendions. Il se
3 pourrait évidemment que ceci constitue un préjudice ou que ce ne soit pas
4 le cas. Nous ne voulons pas affirmer que tel est le cas tant nous ne savons
5 pas de quoi il s'agit. Nous voudrions simplement réserver notre position
6 pour voir si, oui ou non, nous subissons un préjudice. On verra à ce
7 moment-là. Lorsque nous aurons obtenu ces documents, nous le dirons.
8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] A ce stade, nous ne sommes pas préoccupés
9 de la question de l'admission de ces documents comme éléments de preuve.
10 Nous parlons d'une liste que l'Accusation voudrait utiliser, soit utilisée
11 pendant la présentation de ses moyens, de ses conclusions et de ses
12 réquisitions. Si vous avez des objections contre l'utilisation de l'une
13 quelconque de ces pièces, vous savez, ces pièces à conviction ?
14 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, j'avais
15 mal compris. Vous voulez parler de la liste d'une façon générale, la liste
16 des pièces à conviction présentée par l'Accusation ?
17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, d'une façon générale.
18 M. MORRISSEY : [interprétation] Non. Non. Nous avons de nombreuses
19 objections à ce sujet, et nous ne sommes pas pour le moment à même de dire
20 d'une façon générale ou globale que nous n'objectons pas à tous. Il y a de
21 nombreux documents pour lesquels nous allons soulever des objections. Si la
22 liste elle-même contient des documents que l'Accusation peut ou non
23 utilisée, sur lesquels elle peut faire fond, ceci dépendra de la façon dont
24 la déposition se présente. Je peux dire dès maintenant, non, nous avons de
25 nombreuses objections à poser à un grand de ces pièces.
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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Non. Je ne parle pas des questions
2 d'admission de versement au dossier. Est-ce que vous comprenez cela. Nous
3 en sommes en train de parler du fait que l'Accusation va probablement
4 utiliser des documents pour la présentation de ces arguments.
5 M. MORRISSEY : [interprétation] Je comprends. Excusez-moi. Ecoutez, à titre
6 préliminaire, ce sur ce que nous nous fondons est correct et nous l'avons
7 indiqué. Nous disons que l'Accusation n'a pas donné de motifs suffisants
8 pour que cette liste soit utilisée. C'est tout ce que je peux répondre pour
9 le moment.
10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense qu'à ce stade, la Chambre de
11 première instance va examiner les vues présentées par les deux parties et
12 prendra une décision dès que possible.
13 La dernière question était de savoir si la Chambre de première instance
14 avait reçu une liste de témoins que l'Accusation à l'intention de citer de
15 la semaine du 14 février. La Chambre a noté que l'un des témoins qui
16 figurait sur cette liste est un témoin qui a été ajouté à la liste de
17 l'Accusation après que la Chambre de première instance ait fait droit à sa
18 requête de modifier la liste de témoins.
19 A ce stade, je voudrais savoir s'il y a d'autres problèmes qui se posent où
20 des difficultés du côté de la Défense.
21 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président --
22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] -- en ce qui concerne le contre-
23 interrogatoire de ce témoin.
24 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que nous
25 pouvons accepter la proposition de l'Accusation, ceci en ce qui concerne ce
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1 témoin. On nous a fourni une quantité importante de documents et je pense
2 que nous sommes prêts à les traiter. Nous sommes reconnaissants pour
3 l'indication qui nous a été donnée, à savoir qu'on pourrait éventuellement
4 le décaler, l'entendre à un stade ultérieur. Mais nous pensons qu'il serait
5 approprié que tous ces témoins soient appelés en même temps parce que ces
6 dépositions, évidemment, présentent des points communs. C'est la raison
7 pour laquelle nous ne soulevons pas d'objections.
8 Je pense qu'une requête a été présentée à la Chambre. Je n'en suis pas sûr.
9 [Le conseil de la Défense se concerte]
10 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, en ce
11 qui concerne ce décalage.
12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il s'agit ici de pièces déposées à titre
13 confidentiel. Nous n'allons pas en discuter.
14 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Si vous avez des objections ou des
16 commentaires à faire, nous les entendrons en audience à huis clos partiel.
17 M. MORRISSEY : [interprétation] J'ai fini de dire ce que je voulais dire à
18 ce sujet.
19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.
20 M. MORRISSEY : [interprétation] C'est ce que nous ferons. Merci beaucoup
21 Monsieur le Président.
22 En bref, c'est parce qu'il y a eu l'adjonction récente d'un témoin et je
23 voulais conserver la possibilité que ce témoin soit disponible pour qu'on
24 puisse le faire entendre à nouveau s'il y avait quelque chose d'inattendu
25 qui se passait, de la même façon que nous avions présenté une demande en ce
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1 qui concerne les trois témoins précédents. Nous ne prévoyons pas que cela
2 soit probable et nous ne le ferons pas à moins qu'il y ait quelque chose
3 qui le nécessite. En bref, nous sommes d'accord.
4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie de votre coopération. Je
5 pense que la Chambre fera droit à la liste de témoins présentés
6 conformément à l'ordonnance, par rapport à ce qui a été présenté par
7 l'Accusation.
8 En même temps, la Chambre voudrait rappeler à l'Accusation la décision
9 prise par la Chambre en ce qui concerne la requête de l'Accusation pour ce
10 qui était de modifier sa liste de témoins au titre de l'Article 65 ter. La
11 Chambre avait ordonné à l'Accusation de faire déposer ce témoin ajouté à la
12 liste à un stade ultérieur de façon à permettre à la Défense de se préparer
13 pour son contre-interrogatoire. Je voudrais simplement rappeler à
14 l'Accusation ce point, et qu'elle puisse se suive les instructions de la
15 Chambre à ce sujet.
16 Voulez-vous que nous allions en audience à huis clos partiel ? Oui, je
17 pense qu'il faut aller en audience à huis clos partiel.
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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] La Chambre va prendre une décision sur la
2 requête aussitôt que possible.
3 Y a-t-il d'autres sujets que les parties voudraient apporter à ce stade ?
4 M. MORRISSEY : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
6 M. WEINER : [interprétation] Rien, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.
8 L'audience est levée et nous reprendrons lundi prochain.
9 --- L'audience est levée à 13 heures 38 et reprendra le lundi 14 février
10 2005, à 9 heures 00.
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