Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 1er avril 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez citer

6 l'affaire inscrite au rôle.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour Messieurs les Juges. Affaire IT-

8 01-48-T, le Procureur contre Sefer Halilovic.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Bonjour, Mesdames et

10 Messieurs. Aujourd'hui, nous allons consacrer un certain temps à la

11 poursuite de la discussion concernant les déclarations faites par M.

12 Halilovic.

13 Le 24 mars 2005, la Défense a déposé une requête indiquant qu'elle

14 souhaitait s'opposer à l'utilisation et à l'admission de la pièce que

15 l'Accusation demande à verser au dossier par le truchement du Témoin Okic.

16 Ce document est une déclaration de M. Halilovic en date du 8 novembre 1993,

17 et elle a été faite au cours de l'opération Trebevic.

18 Le 30 mars 2005, nous avons commencé à discuter de la question et

19 l'Accusation a déclaré que la Défense c'était contenté de formuler des

20 allégations dont la plupart, d'après le Procureur, constitue de l'ouï-dire.

21 Nous avons décidé de demander aux parties de s'exprimer sur la question et

22 la Chambre a quelques questions à poser aux parties.

23 Je crois que la première question s'adresse à la Défense. Pourquoi la

24 Défense n'a-t-elle pas déposé cette requête plus tôt, étant donné que la

25 déclaration en question fait partie de la liste des pièces à charge depuis

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1 le 7 juin 2002.

2 M. MORRISSEY : [interprétation] Messieurs les Juges, il ne convenait pas

3 d'aborder la question avant que l'affaire ne soit confiée à la présente

4 Chambre de première instance. Nous avons dû attendre jusqu'à ce moment.

5 Honnêtement, je peux vous dire que c'est aussi simplement une question de

6 temps et une question de préparation. Nous sommes arrivés à la comparution

7 de ce témoin dans les circonstances que nous savons. Manifestement nous

8 nous étions préparés dans une certaine mesure au contre-interrogatoire du

9 témoin, mais la raison pour laquelle nous avons déposé tardivement cette

10 requête, c'est simplement que nous sommes arrivés à ce témoin au moment où

11 nous y sommes arrivés, et c'est à ce moment-là que nous avons dû nous

12 saisir de la question. C'était simplement une question de temps, nous

13 étions pressés par le temps à cet égard.

14 Messieurs les Juges, je ne sais pas dans quelle mesure ceci peut vous

15 aider, mais je me suis présenté ici -- j'ai commencé à faire partie de

16 l'équipe de la Défense en septembre 2004 seulement, et il y a tout un

17 historique à la question de la Défense. Je peux vous l'expliquer si ceci

18 peut vous aider, mais, de façon générale, c'est là la raison pour laquelle

19 après avoir soupesé tous les éléments, moi, en tant que conseil principal,

20 j'ai décidé de contester cette requête, ou plutôt cette admission assez

21 tardivement.

22 Je ne le nie pas et en fait je le dis assez clairement, j'ai eu à tout

23 moment l'intention de contester car je pensais que c'était là quelque chose

24 de probable, mais je ne pouvais pas m'en occuper, à ce moment-là, de façon

25 pertinente. J'ai dû aussi m'appuyer, de façon conséquente - je le dis

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1 clairement - sur le travail de Me Mettraux, qui a rédigé ce document et qui

2 s'est occupé de la question. Voilà pour répondre à votre question qui était

3 de savoir pourquoi nous avions seulement maintenant déposé cette requête.

4 Une autre raison que je peux vous présenter, c'est peut-être à tort que je

5 le fais, j'espère que non, c'est que j'ai cru comprendre que, normalement,

6 des objections étaient formulées au moment où on demandait le versement de

7 documents au dossier de l'espèce, et c'est vraiment par excès de prudence

8 que je l'ai fait avant les vacances de Pâques parce que nous nous sommes

9 dits qu'i y avait sans doute des éléments de droit matériel, et mon estimé

10 confrère, Me Mettraux, a manifestement consacré beaucoup de travail à la

11 question. Nous pensions, et c'est là la raison pour laquelle nous avons

12 déposé cette requête avant Pâques, plutôt que de le faire le jour où le

13 témoin allait comparaître, nous nous sommes dits que c'était meilleur de le

14 faire de cette façon-là que d'attendre la déposition du témoin. Oui, c'est

15 la raison pour laquelle cela a été fait, à ce moment-là, Monsieur le

16 Président.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Dans vos écritures, vous formulez

18 plusieurs allégations, si je peux me servir de ce terme, vous dites

19 notamment qu'au cours de l'interrogatoire des techniques ont été utilisées

20 qui constituent des formes de coercition et de pression psychologique.

21 L'interrogatoire a duré jusqu'à 17 heures par jour. M. Halilovic n'a pas eu

22 le droit de consulter des avocats à quelque moment que ce soit de ces

23 interrogatoires. M. Halilovic, dites-vous, n'a pas été informé du droit

24 qu'il avait de garder le silence. M. Halilovic n'aurait pas été informé du

25 droit qu'il avait d'avoir à tout moment de l'interrogatoire un conseil à

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1 ses côtés.

2 M. Halilovic, répétez-vous, n'a pas été averti du fait que la déclaration

3 qu'il faisait, pouvait être utilisée comme élément de preuve. Et vous

4 ajoutez qu'il y avait implicitement une menace de violence qui a été

5 formulée au cours de l'interrogatoire.

6 Pourriez-vous être plus précis sur la question ?

7 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui. Tout dépend de la façon dont vous

8 voulez que je procède, Monsieur le Président. Manifestement, nous avons

9 reçu des instructions de la part de

10 M. Halilovic qui nous a dit ce qui c'est passé, mais je n'ai pas été

11 témoin, moi-même, et je ne sais pas s'il convient que je vous rapporte ici

12 ce qui m'a été dit pour ajouter d'autre chose que ce qui se trouve déjà

13 dans la requête. Je pense qu'une des questions qui va se poser ici, c'est

14 de savoir s'il faut entendre des témoins qui pourraient parler de ces

15 questions très circonscrites, et franchement du système de "common law", il

16 faudrait que de tels témoins viennent en parler. Il ne suffit pas qu'un

17 avocat formule simplement une allégation. Si le Procureur n'est pas

18 d'accord avec les faits qui sont allégués, à ce moment-là la question qui

19 se pose c'est de savoir comment ces faits peuvent être prouvés et s'ils

20 doivent être prouvés de la façon habituelle. Ce sont les faits.

21 Mais je peux en tout cas vous dire qu'elle est la base qui nous a permis de

22 dire qu'il y avait eu implicitement des menaces. Ces menaces implicites

23 sont les suivantes, M. Ugljen est venu dire à

24 M. Halilovic, je le cite : "Nous pouvons nous occuper de toute cette

25 question d'une autre façon," ce qu'il voulait dire c'était que vous, vous

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1 pouvez répondre à ces questions, telles qu'elles vous sont posées ou nous

2 pouvons penser à une autre façon de régler la question.

3 Le contexte expliquant cette autre façon de régler la question, et qui a

4 été dite expressément à M. Halilovic, c'est qu'il avait été arrêté ou

5 appréhendé et prié de répondre à des questions concernant Ramiz Delalic,

6 alias Celo; et Musan Topalovic, alias Caco; et il avait été dit clairement

7 à M. Halilovic que Caco avait été tué dans des circonstances malheureuses,

8 alors qu'il s'était livré. Voilà le contexte dans lequel ce commentaire a

9 été fait. Ce commentaire concernant la mort prématuré de Caco a été formulé

10 à l'encontre de

11 M. Halilovic à plusieurs reprises, et nous, nous disons que c'est là le

12 fondement qui permettait à M. Halilovic d'avoir une assez bonne idée pour

13 comprendre qu'il était préférable de répondre aux questions plutôt que de

14 garder le silence. Voilà sur quoi nous nous appuyons et effectivement

15 j'espère avoir ainsi répondu à cette partie-là de votre question, Monsieur

16 le Président.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Il y a aussi certaines

18 questions que je voudrais poser à l'Accusation. Mais auparavant, j'aimerais

19 lui rappeler les décisions de l'arrêt Celebici, à savoir qu'il faut que

20 l'Accusation apporte la preuve que la déclaration de M. Halilovic a été

21 faite de plein gré et qu'il n'y a pas eu de comportements répressifs pour

22 obtenir la dite déclaration. Il faut aussi si la déclaration s'est faite

23 sans la présence d'un avocat de la Défense savoir si l'accusé l'a faite de

24 plein gré et a accepté expressément de poursuivre sans la présence d'un

25 avocat.

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1 Monsieur Re, je crois que vous avez déjà présenté des arguments la dernière

2 fois, mais nous aimerions obtenir davantage de détails à cet égard. Je me

3 demande si vous allez nous dire si M. Halilovic a pu avoir les bénéfices

4 d'un avocat, ou s'il a été informé du droit qu'il avait de garder le

5 silence avant de faire ses déclarations dans le cadre de l'interrogatoire.

6 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie de me

7 donner l'occasion de vous répondre. Nous sommes, bien entendu, au fait des

8 décisions de l'arrêt Celebici. Nous devons prouver que cela a été une

9 déclaration faite de plein gré par l'accusé. Mais vous le saurez, Messieurs

10 les Juges, il y a maintenant dans ce bâtiment deux personnes qui pourraient

11 éclairer la question posée par la Chambre de première instance. Il y a

12 l'accusé en personne, M. Halilovic et M. Okic. Comme le dit Me Morrissey,

13 il n'est pas lui-même un témoin. Il n'était pas sur place. Il ne sait pas

14 ce qui s'est passé. Les arguments avancés par la Défense sont remplis

15 d'assertions, d'affirmations qui ne sont pas étayées par des preuves et ce

16 qu'a dit Me Morrissey quant au traitement qui aurait été réservé à

17 l'accusé, c'est là aussi une affirmation qui n'est étayée par aucune preuve

18 qui vous aurait été soumise ou tout du moins ne serait-ce qu'une

19 déclaration faite sous serment, faite par le client, à savoir l'accusé qui

20 parlerait des conditions de détention. L'Accusation ne saurait s'appuyer

21 que sur les dires de M. Okic répercutés dans sa déclaration ainsi que dans

22 les notes de récolement que nous avons fournies.

23 Ce que nous disons, c'est que si M. Okic n'était pas là pour déposer, nous

24 ne nous appuierions pas sur ce document. Nous n'essaierions pas de le

25 verser au dossier. C'est uniquement parce que nous avons ici même une des

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1 deux seules personnes à même de nous dire ce qui s'est passé, et que cette

2 personne peut témoigner, c'est pour cela que nous sommes prêts à le faire,

3 mais uniquement après avoir entendu M. Okic qui pourra vous relater la

4 totalité des circonstances entourant le recueil de la déclaration. C'est

5 seulement à ce moment-là que nous demanderions le versement du dossier.

6 Mais la difficulté qui est la nôtre en ce moment, c'est que nous avons

7 quelque chose sur papier. J'ai discuté avec le témoin. Il a confirmé la

8 déclaration qu'il a faite à l'Accusation. S'agissant de ce témoin, nous

9 ajoutons quelque chose en guise d'argument, c'est que M. Okic, lui-même, je

10 vous l'ai dit l'autre jour, il voulait parler à la Défense, pourquoi ?

11 Parce qu'il pensait, qu'ici quand il est venu, être un témoin à décharge.

12 Il pensait avoir passé un accord avec la Défense pour qu'il soit un témoin

13 de la Défense et il avait même signé quelque chose dans ce sens, donc la

14 situation était des plus bizarres lundi. C'est la première fois que j'en

15 entendais parler, nous nous n'en savions rien, mais nous allons parler à la

16 Défense et vous pouvez lui parler à lui aussi ainsi qu'à la Défense pour

17 faire le point de la situation.

18 Mais ceci déjà en soi pose la question de savoir si la Défense voulait

19 l'utiliser comme témoin et montre ce que pense la Défense de M. Okic comme

20 étant un témoin disant la vérité. Pour le moment, nous ne parlons que d'une

21 déclaration. Nous reconnaissons que M. Halilovic a été interrogé pendant

22 plusieurs jours. Nous n'avons pas d'éléments précisant ces conditions-là,

23 les conditions d'arrestation, s'il a été arrêté, les lieux de détention,

24 est-ce qu'il était à la maison ou pas, comment a-t-il été traité tout cela

25 ou les autres fois, non, nous n'avons aucun renseignement. Il n'y a qu'une

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1 personne qui soit au courant, c'est M. Halilovic. Nous, nous avons

2 l'intention de citer des témoins qui nous parlerons de l'interrogatoire du

3 8 novembre et ce témoin vous dira que cette fois-là, il y a eu plusieurs

4 interrogatoires, mais ce jour-là M. Halilovic n'a pas demandé à voir un

5 avocat. Il n'y avait pas présence d'avocat, mais cet interrogatoire s'est

6 poursuivi suivant les mêmes modalités que les précédents. Donc, il y a un

7 continu là. Ici, vous n'avez qu'un segment d'un interrogatoire.

8 Vous avez posé une question précise concernant cet interrogatoire-ci,

9 pour y répondre il faudrait poser la question au témoin. Je suppose qu'il

10 va répondre qu'il n'avait pas demandé la présence d'un avocat, nous n'en

11 avons pas parlé cette fois-là parce que nous l'avions déjà interrogé

12 auparavant à plusieurs reprises. Je pense que la première fois, c'était le

13 31 août. C'était M. Okic qui l'interrogeait. Je crois que cela est précisé

14 dans les notes de récolement au premier paragraphe. En fait là, il

15 s'agissait du deuxième interrogatoire, le 8 novembre, cela se trouve dans

16 le troisième paragraphe. Cette fois-là, je suppose que M. Okic va vous dire

17 que M. Halilovic n'a pas demandé la présence d'un avocat.

18 Bien sûr, Me Mettraux dans ses arguments détaillés cite le pacte

19 international des droits civils et politiques, la convention américaine des

20 droits de l'homme, la convention européenne également, et je pense qu'il

21 cite l'Article 3(G) de ce pacte international qui est le droit à ne pas

22 s'accuser.

23 Rien dans ce pacte ne dit qu'on garantit le droit à un avocat pendant

24 qu'il y a interrogatoire mené. Par l'interrogatoire, on parle bien sûr du

25 droit de ne pas s'incriminer. Bien sûr, c'est consacré dans notre statut

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1 également, mais le fait de renoncer à un avocat ou le fait de ne pas avoir

2 un avocat, ce sont deux concepts différents.

3 M. Okic pourra nous dire si M. Halilovic a renoncé au droit qu'il

4 avait d'avoir un avocat au cours de cet interrogatoire-là. Cela revient à

5 décider, s'il y a eu un élément volontaire dans cet interrogatoire, ou un

6 élément de contrainte.

7 Il est impossible, à notre avis, de se prononcer sur cette question,

8 simplement on entend ce que dit la Défense s'agissant d'affirmations,

9 combien de temps il aurait été interrogé, ce genre de chose. Nous avons

10 fait la synthèse de certaines des affirmations de la Défense, Monsieur le

11 Président, vous en avez lu certaines. Apparemment qu'il n'a jamais eu la

12 possibilité d'avoir accès à un avocat, mais il n'y a pas de preuve de cela,

13 ce n'est qu'une affirmation. Il n'y a pas de notes de bas de page, parce

14 qu'il ne peut pas y avoir de référence. Il pourrait dire que c'est M.

15 Halilovic qui l'a dit. Bien sûr, M. Halilovic pourra déposer sur ce point,

16 mais uniquement pour déterminer la recevabilité du procès verbal de

17 l'interrogatoire, rien de plus.

18 La Défense invoque une pression psychologique, paragraphe 26 : "Un

19 ancien témoin à charge a parlé des méthodes de contrainte utilisées pendant

20 l'interrogatoire de M. Halilovic," -- on fait référence ici, mais je ne

21 sais pas comment bien décrire cette addendum à la déclaration de M.

22 Popovic. Apparemment, c'est quelque chose que M. Popovic a ajouté plus

23 tard, lorsqu'il a parlé aux enquêteurs de la Défense, mais dans des termes

24 les plus ambigus à nos yeux. Lorsqu'il parle et je cite de "pression

25 psychologique."

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1 J'ai pris l'attitude, il me fallait le faire, lorsque j'ai parlé à

2 Okic qu'il était là avec M. Popovic, si c'était exact, cela se trouve dans

3 les notes de récolement. Lui, il dit qu'aucune pression n'a été exercée.

4 Une fois de plus, c'est de l'ouï-dire. Cependant, ce n'est pas une

5 déclaration signée, c'est une affirmation contenue dans un document. Ce

6 n'est pas un affidavit, une déclaration signée sous serment, c'est

7 simplement une lettre de l'avocat qui

8 dit : voilà ce qui nous a été dit. Ce n'est pas une déclaration faite sous

9 serment, ou une déclaration faite et signée. Je ne sais si vous voulez en

10 tenir compte dans vos considérations de libération.

11 J'estime que la Défense aurait dû apporter une déclaration signée par

12 M. Popovic précisant exactement ce qu'on entend par pression psychologique.

13 On dira qu'à la fin, au bout d'un interrogatoire tout le monde est fatigué,

14 tout le monde est fatigué à la fin d'une journée d'audience. Evidemment,

15 tout le monde est surmené, stressé, évidemment quiconque est interrogé va

16 être surmené. Mais nous nous opposons vivement à l'affirmation qui est

17 faite ici dans les écritures de la Défense. On dit : bon c'est une chose de

18 dire ce que M. Halilovic a été signé, il l'a signé sous le coup, des coups

19 qui lui étaient assenés. Ce sont des affirmations, des allégations assez

20 graves.

21 Si vous prononcez de telles allégations, il faut bien le prouver, ne

22 serait-ce que sous la forme d'une déclaration signée de l'accusé s'agissant

23 des conditions et des circonstances de son arrestation. Mais nous, nous ne

24 savons pas.

25 Nous faisons valoir que la seule façon vous permettant de vous

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1 prononcer correctement, c'est d'entendre le témoin, le seul témoin qui

2 était présent. M. Okic lorsqu'il nous a parlé ne s'est pas écarté de son

3 avis professionnel. Il était dans ces services depuis 1979, ce n'était pas

4 un novice, cela faisait 14 ans qu'il travaillait lorsqu'il a recueilli

5 cette déclaration. Il est qualifié pour parler des méthodes généralement

6 utilisées au cours d'interrogatoire, du droit qui s'applique du

7 comportement de M. Halilovic pendant l'interrogatoire, il pourra vous dire

8 s'il était en uniforme, en tenue, s'il était armé. Il vous dira s'il avait

9 son arme, comment il est arrivé. C'est un officier de la police militaire

10 qui l'amenait tous les jours. Il a été escorté apparemment, selon M. Okic,

11 par quelqu'un, il venait du QG du commandement Suprême, donc apparemment il

12 a été traité avec beaucoup de courtoisie. C'est ce que dirait M. Okic.

13 L'Accusation vous exhorte à écouter ce que veut vous dire M. Okic

14 s'agissant des conditions des circonstances du recueil de la déclaration,

15 après quoi, vous pourrez vous prononcer quant à la recevabilité.

16 C'est ce que je parlais ici du déplacement de la charge de la preuve.

17 Parce que, si la Chambre décide que cette déclaration, elle a été faite de

18 plein gré, de prime à bord, il y a donc un cas où elle est recevable de

19 prima facie. Si vous estimez, si vous décidez de ne pas l'exclure en

20 application de l'Article 95 qui est la base de la contestation, mais

21 qu'elle invoque pour rejeter cette déclaration le 89(D), bien sûr, il faut

22 pour autant remplir les critères du 89(C). Est-ce que c'est utile ?

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Je vais vous donner

24 quelques éléments de réponse immédiats. La Chambre est régie par les

25 Règlements du Tribunal et par les normes posées par le droit international

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1 des droits de l'homme. Nous ne sommes pas tenus par des Règlements

2 nationaux. En règle générale, tout élément de preuve obtenu par des

3 éléments qui ne sont pas à l'avenant des normes internationales doit être

4 exclu, rejeté en vertu de notre Règlement. Il s'agit là de l'Article 95 de

5 notre Règlement.

6 Deuxième question, la question qui se pose n'est pas de savoir si l'accusé

7 a renoncé à son droit d'avoir un conseil. La question qui se pose est celle

8 de savoir si les autorités l'ont informé de ses droits ou lui ont offert

9 d'avoir la présence d'un conseil au cours de l'interrogatoire. Ce sont là

10 deux choses différentes.

11 Troisième aspect, nous relevons que la déclaration de l'accusé est appelée

12 déclaration additionnelle, supplémentaire. C'est donc une partie simplement

13 de l'interrogatoire. Il se peut que le premier jour de l'interrogatoire de

14 M. Okic avait ce type de sonorité, aurait dit quelque chose à propos des

15 droits qu'a l'accusé. Je me demande s'il y a un procès-verbal, un

16 enregistrement sonore qui pourrait nous aider à comprendre ce qu'il en est.

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec ce vous

18 dites. L'Accusation vous a répondu en vingt minutes, mais en fait la

19 réponse à votre première question c'était non. L'Accusation n'a pas de

20 preuve attestant du fait qu'on aurait offert un avocat à M. Halilovic. Je

21 crois que cela règle la question. Si l'Accusation avait cette preuve, à ce

22 moment-là, elle aurait le droit de présenter cet élément de preuve, nous

23 aimerions le voir. Si c'est le cas, si l'Accusation a cet élément, qu'elle

24 le dise maintenant et nous pourrons poursuivre.

25 Mais pour le moment, l'Accusation cite M. Okic, qui n'était pas présent au

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1 moment du premier interrogatoire.

2 Vous le saurez, et si l'Accusation dit qu'il y a deux personnes dans le

3 bâtiment, mais il y a une troisième personne qui aurait dû être citée, M.

4 Popovic. Il était le témoin qu'il fallait citer, mais je pense que

5 l'Accusation a trop peur de le faire. Parce qu'il était présent au moment

6 du premier interrogatoire avec un certain Borisa Delic, un policier. Si ce

7 témoin était cité, il pourrait relater ce qui s'est passé lors du premier

8 interrogatoire. La charge de la preuve revient à l'Accusation. Si

9 l'Accusation voulait montrer que tout s'est fait en bonne et due forme,

10 qu'il n'y a pas du tout de menace, que personne n'a mentionné Caco et ce

11 qui est arrivé. Bien sûr, à ce moment-là, l'Accusation pourrait citer un

12 des policiers qui étaient présents.

13 Mais ce témoin a été rayé de la liste. Où en sommes-nous ? L'Accusation

14 concède qu'elle n'a pas de preuve à vous offrir, montrant qu'on aurait

15 offert un avocat à M. Halilovic. Pour moi, c'était une question que

16 j'aurais posée en contre-interrogatoire si on y arrivait. Question claire.

17 Mais à mon avis, l'Accusation a peut-être une réponse que nous ne

18 connaissons pas. Je devrais peut-être lui laisser le temps de répondre.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Avant que vous vous rasseyez, j'ai une

20 question à vous poser.

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous avons permis à M. Okic de rencontrer

23 les avocats de la Défense, parce que les parties se sont mises d'accord sur

24 cette procédure. Pour moi, c'est un peu, même très bizarre.

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.

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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner

2 quelques explications ?

3 M. MORRISSEY : [interprétation] Volontiers. Je trouve cela bizarre aussi.

4 C'est pour cela que je vous en ai parlé.

5 Je l'ai rencontré et M. Re nous avait envoyé un courriel disant que M. Okic

6 voulait parler à la Défense. Nous avons essayé d'établir un contact, en

7 vain, ce jour-là. Je crois que nous vous l'avons déjà dit, que nous avions

8 essayé de lui parler. En tout cas, au cours d'une des interruptions, nous

9 avons parlé dans une salle adjacente avec lui.

10 Apparemment, on pensait qu'il parlait anglais, je suis là avec notre

11 assistant, M. Cengic, et un stagiaire qui parlent tous deux le bosniaque,

12 mais il se fait que M. Okic a pu parler avec nous en anglais, et nous lui

13 avons demandé ce qu'il avait à nous dire. Nous avons aussi demandé à ce que

14 la personne de la section des victimes reste avec nous dans la pièce, mais

15 elle a dit que la procédure ne le lui autorisait pas. Donc, nous n'avions

16 pas de moyens d'enregistrer cette conversation. Bien sûr, de toute façon,

17 je ne voulais pas voir de témoins seuls, en tête à tête. M. Cengic, notre

18 assistant, et notre stagiaire étaient là aussi.

19 La discussion s'est déroulée, il nous a fait savoir que par le passé il

20 avait passé à deux enquêteurs de la Défense, il y a longtemps de cela. Mme

21 Delalic qui est ici était un de ces enquêteurs et vous avez eu l'occasion

22 de voir M. Dzambasovic, l'autre enquêteur à qui il a parlé.

23 Puisque je peux le contre-interroger, je ne voulais pas lui poser trop de

24 questions, parce que je ne sais pas s'ils allaient être en contre-

25 interrogatoire pour le style ou pas. Je ne voulais pas trop insister, j'ai

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1 demandé à obtenir quelques détails sur ce qu'il avait fait, je voulais

2 savoir quelles étaient ses impressions. Il a signalé qu'il avait déjà parlé

3 à ces personnes, et qu'il s'attendait à entendre, à avoir un contact avec

4 eux, mais que ces personnes ne l'avaient pas recontacté depuis.

5 Je peux vous donner davantage de détails si ceci risque de vous aider.

6 Mais, au fond, c'était des questions portant sur les souvenirs des

7 conditions de l'interrogatoire. J'ai demandé notamment si c'était un

8 interrogatoire de la Sécurité militaire, si c'était mené par des

9 représentants de la Sûreté d'Etat. Il a répondu : je ne sais pas si vous

10 voulez que je vous donne sa réponse, mais j'avoue que toute la procédure

11 est des plus irrégulière. Je suis clair et franc. Dans mon système, on n'a

12 pas de préparation du témoin. Il se peut que dans d'autres systèmes, ici,

13 manifestement, cela se passe aussi. L'Accusation peut le faire. A ce

14 moment-là, bien sûr, le témoin témoigne qu'il n'a jamais dit ceci à Mme

15 Chana, ceci a été tout à fait façonné. On parle de cinq, maintenant c'est

16 dix corps; et cela crée toutes sortes de choses qui ne me plaisaient pas.

17 La conversation a été brève, je le précise. Voulez-vous que je vous relate

18 les questions et les réponses que j'ai reçues de ce témoin ? Je suis prêt à

19 le faire si ceci vous aide, à vous de décider, du moins, d'après mes

20 souvenirs.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mon éminent collègue, Maître Mettraux, me

22 dit qu'il nous a également fourni à un moment donné une déclaration signée,

23 concernant sa participation à cette affaire. D'après ce que d'autres

24 témoins ont dit aussi, le Conseil de la Défense a déjà parlé avec plusieurs

25 témoins, et la plupart des témoins ont dit qu'on leur avait offert 50 000

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1 deutsche marks, et cetera. Effectivement, la Défense avait contacté un

2 grand nombre de ces témoins-là, et nous avons leur déclaration signée. M.

3 Okic faisait parti de ces témoins.

4 M. Popovic est un autre témoin de ce type avec qui nous avons parlé. Nous

5 avons également la déclaration signée par M. Popovic à la Défense, qui est

6 en annexe de la requête. Probablement, c'est la raison pour laquelle le

7 Procureur ne va pas citer à la barre

8 M. Popovic, car ils savent qu'il dira quelle sera la nature des pressions

9 psychologiques infligées de manière délibérée à M. Halilovic. Or, M.

10 Popovic était sur place à l'époque et tout au long de ces mois des

11 interrogatoires, c'est ce que j'ai voulu dire, et j'ai quelques réponses à

12 ce qu'avait dit mon éminent collègue. Mais si j'ai bien compris, vous avez

13 posé une question concrète à l'Accusation concernant la présence de

14 l'avocat. Sa réponse devrait être : "Je n'ai pas d'éléments de preuve

15 corroborant cela". Les choses devraient s'en arrêter là.

16 Je souhaite également vous rappeler le fait que dans les documents qui se

17 trouvent en annexe, vous trouverez également une lettre de l'avocat, et la

18 déclaration de M. Popovic. Il faut indiquer également que mon éminent

19 collègue dit qu'il existe une ambiguïté dans sa réponse. Or, cette réponse

20 n'est pas du tout ambiguë, M. Popovic dit qu'une pression psychologique a

21 été exercée sur M. Halilovic, et M. Okic ne voulait pas que ceci fasse

22 partie de sa déclaration. Mais il faut également indiquer que dans la

23 déclaration prise par la suite par un enquêteur de ce Tribunal, on a essayé

24 de clarifier les choses, et même dans sa déclaration faite auprès du bureau

25 du Procureur, il a indiqué que Sefer Halilovic était soumis à une forte

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1 pression psychologique.

2 Donc, plutôt que de répondre en détails, maintenant, je pense qu'il vaut

3 mieux attendre. J'ai d'autres réponses, mais ceci n'est pas nécessaire car,

4 pour le moment, le Procureur est en train de nous faire comprendre que

5 Halilovic n'avait pas d'avocat et qu'on ne lui avait pas offert

6 l'assistance d'un avocat.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Re, est-ce que vous voulez

8 prendre la parole ?

9 M. RE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le Procureur s'oppose

10 aux attaques répétées contre M. Mikhailov par la Défense. Il n'y a pas de

11 procédures contre M. Mikhailov devant cette Chambre de première instance,

12 et il n'est pas possible de l'attaquer sans cesse ici.

13 La Défense a également attaqué le comportement des juristes du bureau du

14 Procureur, lorsqu'ils ont décidé de ne pas citer à la barre M. Popovic.

15 Voici ma réponse : vous pourrez apprécier vous-même, Monsieur le Président,

16 Messieurs les Juges, que le Procureur a fait certains changements et que le

17 personnel de l'équipe de l'Accusation a changé. Moi-même, j'ai été muté

18 dans le cadre de mon travail pour m'occuper d'un autre entretien, alors que

19 je me préparais pour ce témoin mardi et lundi, et c'est la raison pour

20 laquelle nous n'avons pas cité à la barre M. Popovic. Lorsque vous en aurez

21 examiné la liste de nos témoins à la fin de l'année dernière, conformément

22 aux instructions de la Chambre, et nous avons réduit la liste de témoins de

23 107 à 38. Nous avons remarqué que deux personnes allaient déposer au sujet

24 de cet entretien, et nous avons décidé de citer à la barre seulement une

25 personne, et nous n'accordions pas la même importance que la Défense à

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1 cette première rencontre à laquelle M. Popovic avait assisté.

2 Si nous avions su que la Défense allait contester cette déclaration, et

3 comme vous le savez vous-même, la Défense a annoncé cela seulement jeudi

4 dernier, nous aurions cité à la barre M. Popovic. Vraiment, nous ne savions

5 pas avant le début de la procédure quelle allait être la position de la

6 Défense.

7 C'est notre réponse par rapport à la raison pour laquelle nous devons

8 enlever M. Popovic de la liste. Si la Chambre le souhaite, nous pouvons

9 bien sûr l'ajouter sur la liste. Nous ne craignons pas du tout de faire

10 venir M. Popovic pour qu'il explique le terme de "pression psychologique",

11 et au pire, si les deux témoins donnent deux versions différentes

12 concernant ce qui c'est passé au cours de l'entretien, il reviendra à la

13 Chambre de décider qu'elle est la version la plus crédible.

14 Bien sûr, si la Chambre le souhaite, nous pouvons toujours citer à la

15 barre, et la Chambre de première instance peut citer à la barre M. Popovic.

16 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais je

17 dois le faire. La Défense s'est opposée à ce que l'on retire M. Popovic de

18 la liste des témoins. Vous vous souviendrez que nous avons soumis une

19 requête concernant la liste de témoins de l'Accusation. A cette époque-là,

20 la Défense s'est opposée à ce que l'on retire M. Popovic de la liste. Je

21 pense que mon éminent collègue devrait clarifier ses arguments, les

22 arguments qu'ils avancent, car nous avons demandé qu'il soit cité à la

23 barre. Excusez-moi encore une fois d'interrompre, mais je pense qu'il faut

24 clarifier ce point. Ceci a été fait par nous en janvier.

25 M. RE : [interprétation] Si la Défense avait clairement indiqué qu'il

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1 fallait contester la déclaration, chose qu'ils ont faite jeudi dernier,

2 nous aurions examiné M. Popovic différemment. Je l'ai clarifié déjà.

3 Déjà, il fallait établir qu'il y avait un lien avec cette déclaration, et

4 il aurait fallu annoncer que la Défense allait la contester.

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, en ce qui concerne le droit, ou

6 plutôt la question de savoir si M. Halilovic a été informé du fait qu'il

7 avait le droit au conseil. Le seul élément de preuve existant devant cette

8 Chambre, il s'agit de cela, est une lettre en langue française et bosniaque

9 de l'avocat de famille de

10 M. Halilovic, qui a dit qu'il avait eu accès à l'avocat. Il était assigné à

11 résidence, et l'avocat l'a représenté auprès des autorités bosniaques. Ceci

12 veut dire clairement qu'il avait accès à l'avocat à un moment donné.

13 Pour ce qui est des transcriptions de ces entretiens, l'Accusation n'a pas

14 de cassettes audio, ni vidéos, ni de transcriptions de ces entretiens. M.

15 Okic, au cours de sa déposition, s'il la donne, dira qu'il ne savait pas,

16 lui-même, que cet entretien du 8 novembre avait été enregistré, ou s'il y

17 avait une transcription. Si tel était le cas, il ne le savait pas, bien

18 sûr, il aurait pu ne pas être au courant de cela.

19 Cependant, la Défense a dit dans sa requête qu'il disposait des

20 transcriptions et des cassettes, et que certaines choses étaient

21 différentes par rapport à la déclaration. Bien sûr, il y a toujours une --

22 différence entre la déclaration et la transcription de l'entretien. Une

23 déclaration signée a toujours la forme différente par rapport à la

24 transcription d'un entretien.

25 Si la Défense a ce document, je l'invite à le présenter à la Chambre de

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1 première instance, présenter la cassette où il apparaît clairement que M.

2 Halilovic a été placé sous la contrainte, ou qu'il a été empêché d'avoir

3 son avocat présent. Le Procureur considère qu'en ce qui concerne

4 l'entretien du 8 novembre, il n'a pas demandé d'avoir un avocat, il a

5 renoncé à son droit à avoir un avocat. Alors que M. Halilovic, qui était un

6 général au sein de cette armée-là, était certainement conscient de ses

7 droits et aurait demandé d'avoir la présence de son avocat, s'il le

8 souhaitait. Là, on est en train de parler, de faire référence à la

9 législation bosniaque en 1993.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous avons passé plus de 40 minutes à

11 traiter de cette question, et je pense que compte tenu de cette situation,

12 il faut appliquer la Règle de meilleur élément de preuve. Puisque le témoin

13 est déjà ici, peut-être la Chambre peut proposer que l'on entende ce

14 témoin, seulement pour ce qui est de la manière dont cette déclaration a

15 été obtenue, sans entrer dans le fond et le contenu de cette déclaration.

16 La Défense aura le droit de contre-interroger le témoin concernant toutes

17 questions qu'elle conteste.

18 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui. Est-ce que je peux soulever quelques

19 points de procédure concernant la manière dont ceci devrait se dérouler.

20 M. LE JUGE LIU : [aucune interprétation]

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Je pense que ceci serait tout à fait

22 approprié. L'Accusation a le droit d'essayer d'établir certains faits

23 pertinents à travers ce témoin, et je ne m'oppose absolument pas à cela.

24 Le seul point qui me reste concerne le statut de sa déposition, et la

25 question de savoir si ceci est admissible en général, ou s'il faut se

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1 limiter à cette question. La raison pour laquelle je soulève cela est que

2 mon éminent collègue a dit au début qu'il fallait peut-être appliquer ce

3 que l'on appelle voir dire.

4 C'est une procédure appliquée couramment dans le common law, et nous

5 l'avons vu dans l'affaire Celebici. C'est une procédure qui cache d'un jury

6 certains éléments de preuve controversés. Dans le système de la common law,

7 il est considéré que les membres du jury se trouvent souvent dans une

8 situation délicate, pour ce qui est de l'exclusion de certains éléments de

9 preuve. Ce qui n'est pas le cas des Juges professionnels. Donc, je peux

10 comprendre pourquoi mon éminent collègue a mentionné cette procédure, peut-

11 être à un certain moment ceci pourrait être applicable. Mais la question de

12 savoir si ceci pourrait s'appliquer sur le témoin en question. Mais

13 supposons que quelque chose a changé et que l'Accusation le propose, dans

14 ce cas-là, il faut savoir s'il faut verser au dossier d'autres éléments de

15 preuve, et entendre une autre déposition à ce sujet. A mon avis, dans ce

16 cas-là, la réponse est oui, au moins pour ce qui est de la déposition de M.

17 Popovic. Il reviendra à la Chambre de décider.

18 Dans le système de la "common law", les éléments de preuve versés dans le

19 cadre de la procédure voir dire ne font pas partie du dossier, mais sont

20 faits de manière séparée. Ensuite, ces éléments de preuve sont séparés

21 entièrement et les éléments qui sont contestés sont versés au dossier, dans

22 ce cas-là, la Défense doit décider si elle va contre-interroger le témoin

23 ou pas.

24 Excusez-moi, les interprètes me demandent de ralentir.

25 C'est la manière dont ceci est fait dans le système de la "common law".

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1 Dans cet état de cause, il serait peut-être utile de faire cela avec M.

2 Okic, mais peut-être que ce sera nécessaire avec d'autres témoins dans

3 cette procédure. Dans le système de la "common law", parfois il est

4 possible de verser au dossier les éléments dans le cadre de la procédure

5 voir dire à un stade ultérieur. Autrement dit, si les Juges décident

6 d'exclure ou d'admettre certains éléments de preuve et si les parties se

7 disent qu'il n'est pas nécessaire de se repencher là-dessus, on peut se

8 mettre d'accord pour que ceci soit admis. Cela c'est la manière dont on

9 traite de cela dans le système de la "common law". Il faut prendre une

10 décision en avance. J'invite la Chambre à prendre une telle décision en

11 avance.

12 Je considère qu'il faudrait que l'on procède conformément à la procédure

13 voir dire dans la "common law", à savoir qu'il soit décidé qu'en termes

14 généraux, les éléments de preuve ne sont pas admissibles et, dans ce cas-

15 là, il va falloir procéder de manière limitée et il sera possible seulement

16 de poser des questions très limitées dans le cadre du contre-

17 interrogatoire. Par exemple, en ce qui concerne les éléments pertinents,

18 mais non pas en ce qui concerne la crédibilité du témoin, mais seulement

19 les choses qui nous concernent directement, telles que les droits dont

20 l'accusé a été informé, et cetera. La Défense considère que ce témoin a été

21 cité à la barre, justement, car il ne sait pas grand-chose au sujet de ce

22 qui s'est passé, contrairement à M. Popovic. Monsieur le Président, nous

23 vous proposons de rendre une décision concernant l'utilisation de ces

24 éléments de preuve.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] La réponse.

Page 23

1 M. RE : [interprétation] Encore une fois, nous nous opposons aux

2 allégations que Me Morrissey a répété à de nombreuses reprises concernant

3 notre comportement qui n'aurait pas été approprié, les raisons pour

4 lesquelles nous avons appelé M. Okic et non pas

5 M. Popovic. Je m'y oppose fortement. Je ne vais me répéter.

6 A notre avis, il ne faudrait pas traiter de cela dans le cadre de la

7 procédure voir dire. Mon éminent collègue a expliqué justement comment

8 fonctionnent les choses en matière de l'admissibilité de certaines

9 déclarations ou transcriptions dans le système de la "common law".

10 Cependant, ceci permet également à l'accusé de prendre la parole et de

11 déposer au sujet des circonstances dans lesquelles quelque chose a été

12 enregistré, mais ici nous avons une situation tout à fait différente.

13 La déposition de ce témoin se limite sur l'entretien portant sur la

14 réputation des 9e et 10e Brigades à Sarajevo, c'est tout.

15 Je pense que, peut-être, la Défense souhaitera utiliser certaines parties

16 de sa déposition à la fin du procès, si ceci a trait au traitement de M.

17 Halilovic à Trebevic. A notre avis, il ne serait pas du tout nécessaire de

18 traiter de cela dans le cadre de la procédure voir dire.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous devez être très concis.

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui. Mais la Défense en fonction de ce que

21 ce témoin dira, va peut-être verser au dossier des éléments de preuve et

22 citera à la barre des témoins, peut-être l'avocat ou peut-être Popovic. Si

23 l'Accusation ne le cite pas à la barre, peut-être que nous le ferons. Nous

24 aurons le droit de le faire, car c'est un témoin de l'Accusation que

25 l'Accusation cache de la Chambre de première instance.

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1 M. RE : [interprétation] Objection. Il n'arrête pas de répéter cela.

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] N'entrons pas dans ce genre de dispute,

3 ceci n'est pas du tout utile.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation devrait

5 appeler Popovic, sinon la Défense a le droit de faire cela.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que pendant la présentation de

7 vos éléments de preuve, vous pouvez citer à la barre toute personne que

8 vous souhaitez.

9 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais il faut

10 décider maintenant si ce document est admissible ou pas. Si le Procureur

11 dit qu'il n'est pas prêt à faire cela, je souhaite simplement indiquer que

12 le Procureur a dit qu'il était prêt à le citer à la barre. Dans ce cas-là,

13 je l'invite à ce faire, car je pense que certainement ce témoin pourrait

14 être tout à fait pertinent. De toute façon, nous devrions entendre ce

15 témoin. Je comprends pourquoi le Président souhaite que je parle

16 brièvement, car le témoin attend, mais il n'est pas possible de prendre une

17 décision seulement sur la base étroite proposée par le Procureur sans que

18 le témoin qui sait plus d'éléments au sujet de cette affaire soit cité à la

19 barre. C'est la raison pour laquelle, il faut que la Chambre décide de

20 cela. A mon avis, la Chambre devrait prendre une telle décision. Il s'agit

21 là d'un témoin que nous allons citer à la barre si l'Accusation ne le fait

22 pas. Nous allons peut-être citer à la barre l'avocat aussi et peut-être

23 aussi M. Halilovic. Dans de telles circonstances, en fonction de ce que

24 dira M. Okic, nous aurons peut-être plusieurs options.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que nous devons rendre une

Page 25

1 décision à ce sujet. Comme je l'ai déjà dit à l'Accusation, cette Chambre

2 de première instance est régie par le Règlement de ce Tribunal, et n'est

3 pas tenue de respecter aucun système national, y compris le système de la

4 "common law". Par conséquent, de manière délibérée, nous n'utilisons pas la

5 procédure très spéciale de voir dire qui concerne l'admission de certains

6 éléments de preuve dans des situations où est présent le jury dans certains

7 systèmes juridiques.

8 Comme la Défense l'a dit, les Juges dans cette affaire, sont des Juges

9 professionnels. Par conséquent, nous allons entendre la déposition de ce

10 témoin. Nous nous pencherons sur la transcription de l'entretien tel qu'il

11 a été enregistré, ce qui fait partie des éléments de preuve admis par cette

12 Chambre.

13 Voici, notre décision.

14 Peut-on faire venir le témoin à ce stade.

15 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas eu

16 le compte rendu d'audience pendant l'ensemble de cette discussion, je le

17 regrette, car il s'agit là d'une discussion juridique. Je souhaite dire que

18 mon écran était blanc pendant toute la matinée jusqu'à présent, je me

19 demande si ceci pourrait être réparé, corrigé.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je vais voir à quel moment il serait

21 possible de fixer cela.

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, merci.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je ne souhaite pas vous poser dans une

24 situation désavantageuse. Par conséquent, nous allons faire une pause

25 d'environ dix minutes, et nous allons reprendre à 10 heures 5.

Page 26

1 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci.

2 --- L'audience est suspendue à 9 heures 54.

3 --- L'audience est reprise à 10 heures 08.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, les problèmes

5 techniques sont réglés.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien, très bien. Peut-on faire entrer le

7 témoin, je vous prie.

8 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, pouvons-nous poser une

9 question à ce stade. La Chambre a rendu une décision quant à l'utilisation

10 possible de cet élément de preuve. Hier, Monsieur le Président, vous avez

11 dit que vous parleriez de cet élément de preuve en deux parties. Il n'y a

12 que deux parties à la déposition de ce témoin. Est-ce que vous souhaitez

13 traiter des 9e et 10e Brigades en même temps alors que le témoin est

14 présent, ou segmenter votre argumentation quant à la recevabilité qui sera

15 aborder un peu plus tard.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Quelle est votre réponse ?

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Bien, je ne pensais pas --

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Votre micro, s'il vous plaît.

19 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi. Je vous prie de m'excusez. Je

20 n'ai rien contre que des questions supplémentaires soient posées au témoin

21 au sujet des 9e et 10e Brigades si la chose est nécessaire. Je rappelle

22 simplement à la Chambre la recevabilité de l'interrogatoire et je suppose

23 que l'Accusation continuera à respecter cette disposition. Oui, aucun

24 problème à ce que les questions liées aux 9e et 10e Brigades soient traitées

25 à ce stade si le Procureur ne le souhaite.

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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien. Merci beaucoup de votre

2 coopération.

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons accomplir ces deux choses

5 ensemble. En fait, il n'y a pas de différence capitale entre le voir dire

6 et les dires sur le plan du fond.

7 Monsieur le Témoin, excusez-nous de vous avoir fait attendre si longtemps.

8 Vous m'entendez ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous entends.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pouvez-vous prononcer la déclaration

11 solennelle, je vous prie ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: ZLATAN OKIC [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez vous asseoir.

17 Maître Re, c'est à vous.

18 M. RE : [interprétation] Merci.

19 Interrogatoire principal par M. Re :

20 Q. [interprétation] Bonjour Monsieur Okic. Quelques questions

21 préliminaires pour commencer. Votre prénom est Zlatan. Vous êtes né en

22 octobre 1955, vous êtes retraité, ancien responsable des services de

23 Sécurité d'Etat. Tous ces détails sont-ils exacts ?

24 R. Une correction mineure simplement. Je ne suis pas retraité. Je ne suis

25 pas retraité de profession. Ma profession est la profession d'avocat et je

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1 suis retraité de la profession d'avocat. Tout le reste est exact.

2 Q. Vous avez travaillé dans les services de Sécurité bosniaque, n'est-ce

3 pas, de 1979 jusqu'à la date de votre retraite en mars 1997 ?

4 R. C'est exact.

5 Q. Résidiez-vous à Sarajevo en 1993 ?

6 R. Oui.

7 Q. En 1993, travailliez-vous pour le service de Sécurité bosniaque ?

8 R. Oui.

9 Q. Connaissiez-vous deux unités de l'armée, à savoir les 9e et 10e

10 Brigades ?

11 R. Oui, je les connaissais.

12 Q. Quelle était leur réputation ?

13 R. Elle n'était pas des meilleures.

14 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, Monsieur le

15 Président, encore une fois. Je signale que cette question ne peut pas être

16 posée pour les deux brigades en même temps car la réputation de la 9e

17 Brigade est une chose, celle de la 10e Brigade en est une autre. Si

18 l'Accusation veut obtenir une réponse aux deux questions en même temps, il

19 y a un problème.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Monsieur Re, peut-être pourriez-vous

21 diviser votre question en deux ?

22 M. RE : [interprétation] Pas de problème. Je vais la diviser en deux

23 questions l'une portant sur la 9e et l'autre sur la 10e Brigade.

24 Q. Monsieur le Témoin, que saviez-vous de la 9e Brigade alors que vous

25 viviez à Sarajevo en 1993 ?

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1 R. Est-ce bien la brigade dont le commandant était Musan Topalovic, c'est

2 bien cela ? On disait, pour les hommes de cette brigade, qu'ils

3 kidnappaient des Serbes sans aucune autorisation légale. Ils emmenaient des

4 gens creuser des tranchées, ce genre de choses.

5 Q. Ils enlevaient ces gens à quel endroit ?

6 R. En principe, ils les prenaient dans la rue.

7 Q. Dans quelles rues ?

8 R. Dans le quartier de Sarajevo, qu'on a l'habitude d'appeler Stari Grad.

9 D'ailleurs, c'est là qu'était le siège de la brigade.

10 Q. Les gens que cette brigade emmenait étaient-ils des civils ou des

11 militaires ?

12 R. Des civils.

13 Q. A quelle fréquence la chose se passait-elle ?

14 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas, je n'ai pas compté mais j'ai entendu

15 parler de cas de ce genre. Je ne sais pas exactement combien il y en a eu.

16 Q. Qu'en est-il d'un certain Ramiz Delalic, surnommé Celo ?

17 R. Je vais vous dire, dans cette brigade d'ailleurs, dans la 9e comme dans

18 la 10e Brigade, il y avait 95 % de patriotes, et peut-être seulement 5 % de

19 ce que j'appellerais des responsables du commandement qui avait une

20 mauvaise réputation. Ces commandants s'entouraient de groupes d'hommes qui

21 étaient, comment est-ce que je les appellerais, des criminels ou des semi

22 criminels, mais en tout cas, ils exerçaient leur pouvoir et commettaient

23 des crimes tels que l'enlèvement de personnes, ou le pillage des

24 appartements des Serbes qui avaient quitté Sarajevo, et cetera. J'ai

25 entendu parler de ce genre de choses à l'époque.

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1 Q. A votre avis, quel était l'ampleur de ce genre d'actes à l'époque, et

2 je vous demande de vous fonder pour répondre sur ce que vous avez vu de vos

3 yeux, ce qu'on a pu vous raconter, ou en tout cas sur l'expérience que vous

4 aviez, étant donné que vous résidiez à Sarajevo en 1993 ?

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Me Morrissey.

6 M. MORRISSEY : [interprétation] L'Accusation demande au témoin de spéculer,

7 donc je fais objection à la question.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être pourriez-vous reformuler votre

9 question, Monsieur Re.

10 M. RE : [interprétation]

11 Q. Je vous demanderais simplement d'apporter un éclaircissement

12 complémentaire à votre dernière réponse. Vous avez parlé des commandants

13 des 9e et 10e Brigades qui s'entouraient de criminels, de délinquants, et

14 vous avez dit qu'ils commettaient certains crimes, tels que l'enlèvement de

15 personnes et le pillage d'appartements. De qui parliez-vous exactement ?

16 Est-ce que vous parliez des commandants ou de leur entourage en disant

17 cela ?

18 R. Ramiz Delalic et Musan Topalovic, enfin pour Musan Topalovic, je n'en

19 suis pas sûr, mais Ramiz Delalic avait pour autant que je le sache des

20 problèmes avec la police, et c'étaient les hommes les plus importants de la

21 brigade. Ensuite, ils choisissaient des hommes leur ressemblant, qu'ils

22 plaçaient au sein des états-majors de brigade afin de conserve le pouvoir

23 en leur nom.

24 Q. Vous avez parlé de crimes tels que les enlèvements, le pillage

25 d'appartements ayant appartenu à des Serbes, et cetera. Que vouliez-vous

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1 dire par et cetera ? Qu'avez-vous entendu d'autre, s'agissant des actes des

2 membres des 9e et 10e Brigades ?

3 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, encore une fois, je

4 demande que l'Accusation soit précise et qu'elle pose des questions au

5 témoin précisément, soit au sujet de la 9e, soit au sujet de la 10e Brigade.

6 M. RE : [interprétation] Je me référais à la dernière réponse du témoin,

7 qui parlait des 9e et 10e Brigades.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je crois que c'est bien le cas, le

9 témoin, lui-même, a répondu en parlant des 9e et 10e Brigades ensemble.

10 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui. Mais il y a à mon avis une objection à

11 faire au sujet des modalités de la dernière question de l'Accusation.

12 M. RE : [interprétation]

13 Q. Vous avez dit et cetera. En dehors du pillage et des enlèvements,

14 pillage d'appartements ayant appartenu à des Serbes, à quoi pensiez-vous ?

15 R. C'était surtout à cela que je pensais. Pour l'essentiel, c'étaient les

16 deux catégories principales de crimes qu'ils commettaient. Peut-être y a-t-

17 il eu quelques autres petites choses, tels que des trafics de toutes

18 sortes, mais la 9e Brigade, pour autant que je l'ai entendu, a surtout

19 participé à ces actes, davantage que la 10e Brigade.

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je me permets

21 d'intervenir. Je pense qu'un éclaircissement s'impose. Le témoin a répondu

22 précédemment en parlant en même temps des 9e et 10e Brigades, et ensuite il

23 a demandé si la 9e Brigade était bien celle de Caco, et je pense qu'un

24 éclaircissement serait utile, s'agissant de savoir de quoi il parle

25 lorsqu'il parle de la 9e Brigade. Est-ce qu'il parle de la brigade de Caco

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1 ou de la brigade de Celo, parce que c'est tout de même important dans

2 l'affaire. Monsieur le Président, vous vous rappellerez sa réponse

3 antérieure, à laquelle je n'ai d'ailleurs pas fait objection. Le témoin est

4 en droit de répondre, bien sûr, mais je pense qu'un éclaircissement serait

5 utile.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, tout à fait.

7 M. RE : [interprétation] Pas de problème.

8 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous avez parlé des 9e et 10e Brigades, vous

9 avez parlé de Caco et de Celo, quel est l'homme --

10 R. Pour autant que je m'en souvienne, Caco commandait la 9e Brigade, et

11 Ramiz Delalic, surnommé Celo, commandait la 10e Brigade. Par la suite, Celo

12 est devenu commandant en second, mais il n'était plus commandant. Pour

13 autant que je le sache, il avait toujours des responsabilités, mais je ne

14 me souviens pas à quel moment exactement il a perdu son poste de

15 commandant.

16 Q. L'enlèvement dont vous parliez il y a quelques instants, consiste-t-il

17 à enlever des personnes, des civils, pour les emmener creuser des

18 tranchées, où est-ce une autre forme d'enlèvement à laquelle vous pensiez ?

19 R. A l'époque j'ai simplement entendu dire que des civils étaient emmenés

20 pour creuser les tranchées. Mais après la guerre, j'ai entendu dire, et

21 d'ailleurs j'ai lu des articles au sujet de personnes qui avaient été

22 tuées, et dont les cadavres avaient été jetés dans un ravin à Kazani, non

23 loin de Sarajevo. Mais cela, je l'ai simplement lu dans les journaux par la

24 suite, quand les premiers articles commençaient à apparaître au sujet des

25 crimes de guerre. Pendant la guerre, j'ai simplement entendu dire que des

Page 33

1 civils étaient emmenés creuser des tranchées.

2 Q. Restons-en pour le moment à ce que vous avec entendu, ou à ce qu'on

3 vous a dit pendant la guerre en tant que tel. Est-ce que ce que vous avez

4 décrit, les enlèvements, les pillages, le fait d'emmener des gens creuser

5 des tranchées, est-ce que ce sont les choses dont vous avez entendu parler,

6 pendant que vous exerciez vos fonctions, dans le cadre de vos fonctions, ou

7 est-ce que vous en avez entendu parler en dehors de votre travail ?

8 R. J'en ai été informé dans des circonstances personnelles également.

9 Q. Quelle est votre expérience personnelle, Monsieur Okic ?

10 R. J'ai moi-même été enlevé et j'ai creusé des tranchées pendant 24

11 heures.

12 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre à quel moment cela c'est

13 passé ? Quand était-ce ?

14 R. Cela c'est passé avant -- enfin je ne me souviens pas de la date

15 exacte. Mais c'était avant le démantèlement de cette brigade et le

16 limogeage de ses dirigeants.

17 Q. Etait-ce en 1993 ?

18 R. Oui.

19 Q. Qui commandait la brigade qui vous a kidnappé ?

20 R. Caco.

21 Q. Où vous a-t-on enlevé ?

22 R. Dans la rue.

23 Q. Que faisiez-vous à ce moment-là ?

24 R. J'allais voir un ami chez lui dans son appartement. Il m'avait invité à

25 déjeuner.

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1 Q. Que s'est-il passé ?

2 R. Rien. Ils m'ont simplement enlevé avec d'autres civils et on m'a emmené

3 creuser des tranchées.

4 Q. Mais la rue se trouvait où, la rue en question ? Dans le centre de

5 Sarajevo ?

6 R. Pratiquement dans le centre même. Il y a là un monument aux combattants

7 libérateurs de Sarajevo de la Seconde guerre mondiale, et c'est là qu'ils

8 m'ont enlevé, on appelle cet endroit la place de la flamme éternelle.

9 Q. Combien de personnes vous ont entouré, à ce moment-là ?

10 R. Cinq ou six.

11 Q. Portaient-ils l'uniforme ?

12 R. A ce moment-là, on ne parlait pas d'uniforme au complet. Il suffisait

13 d'avoir la chemise d'un uniforme, ou le pantalon d'un uniforme. A l'époque,

14 notre armée n'était pas vraiment bien équipée.

15 Q. Comment saviez-vous qu'il s'agissait de la brigade de

16 Caco ?

17 R. À l'endroit où on m'a emmené se trouvait le commandement de la 9e

18 Brigade.

19 Q. On vous a emmené où, Monsieur ?

20 R. Tout près du commandement, après quoi, on nous a emmenés jusqu'à

21 l'endroit où nous devions creuser des tranchées.

22 Q. Vous a-t-on mis en présence de Caco lui-même ?

23 R. Non.

24 Q. Ces hommes, quand ils vous ont encerclé, arrêté, vous ont-ils demandé

25 des papiers d'identité ?

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1 R. Oui, j'ai montré ma carte d'identité, mais sans succès. Ma carte

2 officielle.

3 Q. Quand vous dites carte officielle, est-ce bien votre carte des services

4 du ministère de l'Intérieur ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce bien la carte d'identité que tous les représentants officiels du

7 ministère de l'Intérieur portaient sur eux ?

8 R. Oui.

9 Q. Combien d'autres personnes ont été enlevées en même temps que vous ?

10 R. Une dizaine, une quinzaine de personnes, peut-être.

11 Q. Avez-vous tous été capturés au même endroit, en même temps ?

12 R. A peu près, dans un secteur de 200 à 300 mètres, à peu près au même

13 endroit.

14 Q. Comment vous a-t-on transportés jusqu'à cet endroit qui se trouvait non

15 loin du siège de la brigade, et ensuite jusqu'aux tranchées ?

16 R. Une fourgonnette est arrivée, on nous a donc conduits en fourgonnette,

17 derrière laquelle il y avait une voiture dans laquelle se trouvaient les

18 hommes armés de la 9e Brigade.

19 Q. Ces cinq ou six hommes qui vous ont entouré avant de vous enlever,

20 portaient-ils un uniforme, étaient-ils armés ?

21 R. Oui.

22 Q. Avez-vous eu le choix de les suivre ou de ne pas les suivre ?

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. Je répète ma question, Monsieur, car votre réponse n'apparaît pas au

25 compte rendu d'audience. Je vous ai demandé si vous aviez eu le choix de

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1 suivre ces hommes ou de ne pas les suivre. Je crois vous avoir entendu dire

2 non.

3 R. Je n'ai pas eu le choix.

4 Q. Cette dizaine ou quinzaine de personnes qui ont été enlevées en même

5 temps que vous, aucune de ces personnes n'a eu le choix non plus de les

6 suivre ou de ne pas les suivre ?

7 R. Je ne crois pas. Si elles avaient eu le choix, elles seraient parties.

8 Q. Cette automobile dans laquelle se trouvaient les membres armés de la 9e

9 Brigade, et qui roulait derrière vous, quelle était son utilité ?

10 R. Quatre hommes étaient à l'intérieur de la voiture, et son utilité

11 consistait à nous empêcher de nous enfuir de la fourgonnette.

12 Q. Où vous a-t-on emmenés ?

13 R. D'abord dans la cour d'une maison qui se trouvait tout près du

14 commandement de la brigade, ensuite à l'endroit où se trouvaient les

15 tranchées pour creuser.

16 Q. Pourquoi vous a-t-on emmenés dans la cour de cette maison qui se

17 trouvait non loin du siège de la brigade ?

18 R. Là-bas, un membre de la brigade dont je ne connais pas le nom, nous a

19 expliqué que les combattants ne pouvaient pas creuser les tranchées et

20 qu'en tant que civils, nous avions l'obligation d'assurer la défense de

21 Sarajevo.

22 Q. Ensuite ?

23 R. Ensuite, on m'a emmené à l'endroit où se trouvaient les tranchées, et

24 moi-même, ainsi que deux autres personnes, ont reçu l'ordre de creuser les

25 tranchées.

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1 Q. Où se trouvaient les positions serbes, par rapport à l'endroit où vous

2 étiez vous-même ?

3 R. Je ne les ai pas vues, mais on m'a dit qu'elles se trouvaient à une

4 centaine de mètres à peu près en amont par rapport à nous.

5 Q. Y a-t-il eu des tirs ?

6 R. Non, personne n'a tiré sur nous pendant que je me suis trouvé à cet

7 endroit.

8 Q. Vous avez dit que l'ordre de creuser vous avait été donné à vous ainsi

9 qu'à deux autres hommes. Qu'est-il advenu des deux autres personnes qui

10 avaient été enlevées en même temps que vous ?

11 R. On les a emmenées à d'autres endroits pour creuser d'autres tranchées.

12 Q. Étiez-vous gardés pendant que vous creusiez les tranchées ?

13 R. [aucune interprétation]

14 Q. Y avait-il des membres de la 9e Brigade avec vous pendant que vous

15 creusiez les tranchées ?

16 R. À l'endroit où nous étions, il n'y en avait pas. Il y en avait plus bas

17 en aval. Mais tout ce que nous pouvions faire éventuellement, c'était de

18 courir vers le haut, c'est-à-dire vers les positions serbes, ou vers le

19 bas, c'est-à-dire, vers ces hommes.

20 Q. Je suppose que ces hommes étaient armés ?

21 R. Vous parlez des membres de la 9e Brigade ?

22 Q. Oui.

23 R. Bien entendu.

24 Q. Combien de temps avez-vous passé à cet endroit ?

25 R. 24 heures. J'ai été libéré le lendemain à midi.

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1 Q. Où avez-vous passé la nuit ?

2 R. Non loin des positions de la 9e Brigade. Il y avait une maison

3 abandonnée, dans laquelle nous avons dormi. On nous a donné à dîner et nous

4 y avons dormi.

5 Q. Vous dites que l'on vous a libéré le lendemain à midi. Dans quelles

6 conditions vous a-t-on libéré ?

7 R. Un membre de la 9e Brigade est arrivé. Il m'a appelé et il m'a dit :

8 "Allez, vas-y, rentre chez toi, tu es libre."

9 Q. Comment êtes-vous rentré chez vous ?

10 R. Je ne suis pas rentré chez moi, je suis allé au ministère à pied.

11 Q. Le ministère, il est à quelle distance ?

12 R. Un kilomètre, un kilomètre et demie, peut-être deux, enfin, je ne sais

13 pas exactement.

14 Q. Étiez-vous habillé en civil lorsque vous étiez sur le front en train de

15 creuser des tranchées ?

16 R. Oui.

17 Q. Les autres personnes qui avaient été enlevées dans la rue comme vous,

18 étaient-elles également en vêtements civils ?

19 R. Oui, je portais mes vêtements personnels.

20 Q. Qu'avez-vous fait lorsque vous êtes retourné au ministère ?

21 R. J'ai dit à mes chefs et à mes collègues ce qui m'était arrivé. J'ai dit

22 que tout allait bien me concernant. A l'époque, c'était la seule chose

23 qu'on pouvait faire, on n'avait pas le choix.

24 Q. Qu'ont-ils répondu ?

25 R. Que pouvaient-ils me répondre d'autre que: "Fais attention la prochaine

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1 fois."

2 Q. Quels ont été vos sentiments, qu'avez-vous vécu au moment où vous

3 creusiez les tranchées ?

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, j'ai

5 hésité à interrompre jusqu'à présent, parce que l'on parle de ces tranchées

6 qui ont été creusées. Les Juges sont en droit d'obtenir des éléments à ce

7 sujet et de savoir ce qui s'est passé. Mais le fond de ma question en fait

8 consiste à savoir si M. Halilovic était au courant de la réputation de ces

9 brigades, et par conséquent, alors que le témoin répond sans doute en toute

10 bonne foi, le fait est que l'on s'éloigne de plus en plus d'un élément

11 éventuellement pertinent par rapport à M. Halilovic. On demande au témoin

12 ce qu'il a ressenti alors qu'il était sur le front. Donc je fais objection

13 et motif d'une absence de pertinence par rapport à l'affaire concernant M.

14 Halilovic.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] A l'heure actuelle, il nous est très

16 difficile de déterminer si un élément est pertinent ou non pertinent, plus

17 tard lorsque nous pourrons rassembler tous les éléments de preuve, nous

18 serons davantage en mesure de dire, mais ce sont des éléments liés aux

19 crimes et je crois qu'il y aura plus tard des témoins qui établiront les

20 liens entre ces différents éléments, donc d'autres éléments de preuve

21 viendront s'ajouter plus tard.

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Comme vous voulez, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez poursuive, Monsieur Re.

24 M. RE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. Monsieur Okic, je vous demandais simplement quels étaient vos

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1 sentiments, ce que vous avez ressenti en vous lorsque vous étiez sur le

2 front ?

3 R. Pendant que je creusais, je me sentais mal, j'étais rempli d'amertume

4 au sujet de toute cette situation. Plus tard, quand j'ai eu un peu plus de

5 temps pour réfléchir, l'amertume m'a quitté. En tout cas, cela m'a donné

6 l'occasion de voir à quoi ressemblait le front. J'ai eu la possibilité de

7 voir dans quelles conditions vivaient les soldats et je me suis rendu

8 compte des moments difficiles qu'ils avaient à traverser. Je me suis rendu

9 compte à quel point il était difficile de creuser des tranchées, de tenir

10 des lignes de défense, à quel point tout cela était difficile, donc

11 l'amertume m'a abandonné et j'ai cessé de me sentir amer et furieux. Je ne

12 cessais de me dire ce n'est pas grave, au moins tu auras eu la chance de

13 voir à quoi cela ressemble.

14 Q. Mais sur le plan philosophique, vous venez de dire que vous avez

15 ressenti de l'amertume, est-ce que vous avez ressenti de la crainte, un

16 sentiment de danger ?

17 M. MORRISSEY : [interprétation] Ceci est une question directrice, Monsieur

18 le Président, très franchement. M. Re n'a pas à répondre à la place du

19 témoin parce que sa première tentative a échoué. Je fais objection.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

21 M. RE : [interprétation] Le témoin a répondu au sujet de ses sentiments

22 personnels. Je souhaitais simplement lui demander des détails

23 complémentaires au sujet de ses sentiments personnels.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez lui poser une question

25 directe. Quels ont été les divers sentiments qu'il a vécus ce jour-là ?

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1 M. RE : [interprétation] Merci.

2 Q. Alors que vous creusiez les tranchées sur le front ce jour-là, quels

3 sentiments vous inspiraient le fait que les positions serbes se trouvaient

4 plus haut sur la colline, alors que la 9e Brigade était plus bas ?

5 M. MORRISSEY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. C'est

6 vraiment un coup bas. Le témoin a répondu directement. Il a dit qu'il avait

7 ressenti de l'amertume. On ne peut pas lui demander pourquoi il a ressenti

8 cette amertume, ou quelle était la forme de cette amertume. Sa réponse est

9 la réponse qu'il a faite. C'était une réponse très directe, pertinente par

10 rapport à la question et l'Accusation, toute talentueuse qu'elle soit, n'a

11 pas le droit de lui poser la question qu'elle vient de poser. Je fais

12 objection.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Re, posez une question simple.

14 M. RE : [interprétation] Je vais reformuler.

15 Q. Monsieur Okic, vous avez dit avoir ressenti de l'amertume et vous être

16 senti mal. A quel point vous êtes-vous senti mal, et quelle était la

17 gravité de cette amertume le jour où vous creusiez ces tranchées ?

18 R. Je me sentais mal à cause de tout ce qui s'était passé. Toute la

19 journée a été une très mauvaise journée. Mais à y repenser plus tard, je me

20 résigne à aborder la chose comme vous l'avez dit tout à l'heure sur un plan

21 philosophique, et j'essaie de regarder le bon côté des choses.

22 Q. Est-ce qu'on vous a donné une arme, un moyen de vous défendre quand

23 vous étiez là au milieu des lignes de front ?

24 M. MORRISSEY : [interprétation] Un instant, un instant, un instant. Il n'a

25 pas dit qu'il était en plein milieu des lignes de front. Tout ceci prend

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1 peu à peu l'aspect de la description de la Bataille de la Somme. Monsieur

2 le Président, il n'a pas dit cela du tout. Je fais objection à cette forme

3 de contre-interrogatoire fondée sur des hypothèses transformées en

4 question, alors que la base de la question n'a pas été acceptée par le

5 témoin dans sa réponse précédente. C'est un exemple tout à fait typique des

6 motifs des objections que je soulève.

7 M. RE : [interprétation] Mais l'élément de preuve venant du témoin, c'est

8 que les Serbes étaient plus haut sur la colline et que la 9e Brigade était

9 en dessous. S'il n'était pas entre deux positions, je ne sais pas où il

10 était.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que ce qui est le plus important

12 c'est de savoir si le témoin avait un moyen de se défendre. Restez-en à ce

13 point. Je pense que cela suffira.

14 M. RE : [interprétation]

15 Q. Monsieur le Témoin, aviez-vous des moyens pour vous défendre ?

16 R. Non. Non. Nous n'avions que des pics et des pioches.

17 Q. Que pensiez-vous de votre sécurité personnelle alors que vous creusiez

18 ces tranchées ce jour-là ?

19 R. Au début, j'avais peut-être un peu peur d'être éventuellement touché

20 par un tireur embusqué. Deux ou trois heures plus tard cependant, nous nous

21 sommes rendus compte qu'il n'y aurait pas de combat ce jour-là, et nous

22 avons réussi à nous détendre un petit peu. Nous n'étions pas très inquiets

23 pour notre sécurité personnelle.

24 Q. Vous avez parlé de tireurs embusqués, y a-t-il eu des pilonnages ce

25 jour-là ?

Page 43

1 R. Non, non, non. Pas pendant que j'étais sur place. Pas ce jour-là, pas

2 de tir, pas de pilonnage, rien du tout. Cette journée a été une journée

3 tout à fait paisible et le lendemain matin aussi jusqu'au moment de ma

4 libération, tout a été calme.

5 Q. Y a-t-il quelqu'un d'autre que vous connaissiez à Sarajevo qui aurait

6 été enlevé tout comme vous pour être emmené sur le front creuser des

7 tranchées ?

8 R. Pas des gens que je connais personnellement, mais il y a eu pas mal de

9 gens qui ont été enlevés et que je ne connais pas personnellement.

10 Q. Pourriez-vous nous donner un nombre approximatif ?

11 R. Non, non, je n'en ai pas la moindre idée.

12 Q. Mais à votre avis, il s'agit de moins de dix, de dix, de plus de dix ?

13 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas. Vous savez les gens parlaient beaucoup.

14 Il y a des gens qui aiment beaucoup exagérer. Je ne sais vraiment pas.

15 Certains parlaient de plusieurs dizaines d'hommes, d'autres de plusieurs

16 centaines, mais je n'ai pas la moindre idée. Je sais que des gens ont été

17 emmenés creuser des tranchées, mais combien ils étaient, cela je n'en sais

18 rien du tout. D'ailleurs leur nombre exact ne m'a jamais particulièrement

19 intéressé.

20 Q. Parlons à présent du ministère de l'Intérieur et du travail qui était

21 le vôtre pendant la guerre. Je vous demanderais d'abord de décrire, de

22 façon générale, à l'intention des Juges de la Chambre, la structure du

23 ministère de l'Intérieur et votre place dans cet organigramme. Les services

24 de Sécurité d'Etat bosniaque, je pense que nous avons quelques éléments

25 d'information à ce sujet compte tenu d'un certain nombre de témoins que

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1 vous avez entendus, faisaient bien partie du ministère de l'Intérieur,

2 n'est-ce pas ? Combien y avait-il de départements ou de sections au sein du

3 MUP en 1993 ?

4 R. Je ne saurais dire. Lorsque j'ai pris ma retraite, j'ai signé une

5 déclaration qui m'impose la discrétion, qui m'interdit de divulguer des

6 secrets d'Etat. Par conséquent, j'aurais plus que des réticences à parler

7 de cela.

8 Q. Je ne vous demande ni maintenant, ni à quelque moment de divulguer des

9 secrets d'Etat. Je vous demande simplement qu'elle fût la structure

10 générale, de la façon la plus générale qui soit, du ministère de

11 l'Intérieur. On trouve dépendant du ministère de l'Intérieur la police

12 civile, les responsables de la Sécurité d'Etat. Voilà tout ce que je

13 demande pour le moment.

14 R. Oui, la police civile, les services de Sécurité d'Etat, les policiers

15 chargés des enquêtes criminelles. Toutes ces instances dépendent du

16 ministère de l'Intérieur, mais je ne suis pas sûr de leur structure

17 détaillée. Je ne la connais pas dans les détails.

18 Q. En tout état de cause, les trois instances dont vous avez parlées, la

19 police civile, la Sécurité d'Etat, et les hommes chargés d'enquêter sur les

20 crimes avaient toutes un rapport direct avec le ministère de l'Intérieur ?

21 R. Oui.

22 Q. La section dans laquelle vous travailliez, les services de Sécurité

23 d'Etat faisaient partie intégrante de ces structures et rendaient compte à

24 la police civile, n'est-ce pas ?

25 R. Non, pas vraiment. Tout ceux qui y travaillaient respectaient la plus

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1 grande discrétion dans leur travail. Tous les fonctionnaires d'un ministère

2 savent ce qu'est la Sécurité d'Etat, ce qu'est la police criminelle, et ce

3 qu'est la police civile. Nous connaissions tous notre travail.

4 Q. Je pense que ceci ne fait pas l'objet du débat. Je parlais des pouvoirs

5 de la police civile, s'agissant d'enquêter sur les crimes éventuellement

6 commis, s'agissant de lancer des enquêtes. Je vous interroge au sujet des

7 fonctionnaires de la Sécurité d'Etat qui dépendaient du ministère de

8 l'Intérieur. Y avait-il une différence entre les pouvoirs qui étaient les

9 vôtres en tant que représentant des services de Sécurité d'Etat et les

10 pouvoirs d'un policier de la police civile ? Maître Morrissey, je ne vois

11 pas pourquoi vous feriez objection à cette question.

12 M. MORRISSEY : [interprétation] Une minute, je vous prie, Monsieur le

13 Président, je fais objection parce que le Procureur est à l'origine de la

14 question. Ce n'est pas la faute du témoin, il a dit qu'il ne contestait pas

15 les pouvoirs de la police civile du point de vue de la capacité à enquêter

16 sur des crimes et de lancer des enquêtes sur des crimes.

17 A présent, je ne sais pas pourquoi il y aurait contestation parce que je ne

18 vois pas quelle est la réponse que l'Accusation essaie d'obtenir du témoin

19 par ses questions directrices, il y a un instant, après avoir dit qu'il n'y

20 avait pas contestation. La Défense aimerait que la chose soit claire, nous

21 ne savons plus s'il y a contestation ou pas. En tout état de cause, poser

22 cette question au témoin n'a aucune utilité et l'Accusation devrait

23 interroger le témoin sans aucun préambule à sa question et sans sous-

24 entendre quelque chose que la Défense n'a pas accepté.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, oui. Posez une question simple.

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1 M. RE : [interprétation] D'accord. Je sais que l'objection a été longue.

2 J'essayais simplement d'aller plus vite dans la procédure. Je pense qu'il

3 est incontestable que la police a le pouvoir d'arrêter un suspect et

4 d'enquêter sur un crime présumé, c'est tout ce que je voulais dire.

5 Q. Monsieur Okic, est-il vrai que la police avait le pouvoir d'arrêter des

6 suspects et d'enquêter sur eux en 1993, d'enquêter sur des crimes

7 présumés ?

8 R. Les mêmes pouvoirs qu'en temps normal.

9 Q. Est-ce que vos pouvoirs, en tant que membre des services de Sécurité

10 d'Etat, différaient de ceux de la police du point de vue de la possibilité

11 d'arrêter des suspects et d'enquêter sur des crimes ?

12 R. Nos pouvoirs étaient les mêmes que ceux de tous les fonctionnaires du

13 ministère de l'Intérieur. Les deux instances avaient les mêmes pouvoirs.

14 Les fonctionnaires avaient les mêmes cartes d'identité, la différence c'est

15 que les services de Sécurité de l'Etat s'occupaient des crimes politiques

16 et que les services de la police criminelle s'occupaient des crimes qui

17 n'étaient pas strictement politique. Du point de vue du pouvoir, nous

18 étions à même enseigne et la seule différence était celle-ci.

19 Q. En 1993, jusqu'où allaient les pouvoirs d'arrestation et d'enquête. Que

20 pouvaient faire les responsables de la police et des services de Sécurité ?

21 R. Si un crime avait été commis dans un contexte politique, en principe,

22 nous pouvions arrêter les auteurs présumés de ce crime et entamer une

23 enquête. Nous pouvions faire ce que fait d'habitude la police civile. Nous

24 pouvions procéder à des perquisitions, nous pouvions interroger des

25 témoins, nous pouvions rassembler des éléments de preuve, nous pouvions

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1 faire tout ce que font les services secrets du monde entier dans les mêmes

2 conditions.

3 Q. Est-ce que vous aviez besoin d'un mandat d'arrêt pour faire tout ce que

4 vous venez de dire ?

5 R. Non. Ces actions étaient approuvées par nos chefs, à savoir le

6 ministre, le chef du service de Sécurité d'Etat.

7 Q. Du point de vue des arrestations, quels étaient vos pouvoirs, est-ce

8 que vous pouviez les exercer en toutes circonstances et si oui, dans

9 quelles circonstances ?

10 R. Il suffisait qu'une preuve suffisante soit apportée que la personne

11 avait commis un crime politique.

12 Q. Qu'est-ce qui constituait une preuve suffisante justifiant une

13 arrestation ?

14 R. Il fallait qu'il y ait plainte au sujet d'un acte criminel, plainte

15 dont les éléments paraissaient vraisemblables, dignes de confiance,

16 crédibles. Il fallait des éléments matériaux et, bien entendu, des

17 éléments, des indices qui étaient recueillis au préalable, des déclarations

18 émanant de témoins, enfin des renseignements, y compris ceux obtenus par

19 des moyens secrets, ce genre de choses.

20 Q. Vous parlez de "mesures secrètes", vous parlez de mises sur écoute, de

21 surveillance et d'autres formes d'interceptions clandestines ?

22 R. Bien sûr. Tous les services secrets faisaient ce genre de choses, nous

23 aussi.

24 Q. Est-ce que vous aviez un pouvoir de détention suite à une arrestation,

25 une interpellation, après avoir réuni ces informations lorsque vous pensiez

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1 que ces renseignements ainsi rassemblés étaient suffisants ?

2 R. Nos pouvoirs étaient précisés dans certaines dispositions du code pénal

3 et du code d'instruction criminelle ainsi que par des Règlements intérieurs

4 que nous avions et qui avaient été repris du système précédent. Le nouveau

5 gouvernement n'avait sans doute pas eu le temps de les modifier ces

6 Règlements intérieurs.

7 Q. Est-ce qu'on précisait la durée permissible d'une détention, d'une

8 interpellation, d'une garde à vue pour interrogatoire ou pour d'autres

9 raisons ?

10 R. Si je me souviens bien, s'agissant de la période antérieure à la

11 guerre, on pouvait les garder jusqu'à trois mois. Bien sûr, dans des

12 circonstances exceptionnelles et uniquement s'il y avait des circonstances

13 exceptionnelles jusqu'à six mois.

14 Q. Qui avait le droit d'autoriser une détention d'une telle durée ?

15 R. Il y avait une distinction qui était faite entre les ressortissants du

16 pays et les étrangers. Pour les ressortissants du pays, le chef de la

17 Sécurité d'Etat et, dans les cas délicats, c'était le ministère de

18 l'Intérieur. Pour des étrangers, cela ne pouvait qu'être autorisé par le

19 ministre des Affaires étrangères en personne.

20 Q. Une personne en détention avait-elle le droit de demander après trois

21 mois de garde à vue, de détention, à ce que son cas soit examiné à nouveau

22 par l'appareil judiciaire ?

23 R. Bien sûr. Tout un chacun avait le droit de déposer une plainte et

24 l'administration transmettait cette plainte au ministère public, au

25 tribunal compétent ou à nous.

Page 49

1 Q. Qu'est-ce qui faisait que des circonstances étaient exceptionnelles ?

2 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur

3 Okic.

4 Messieurs les Juges, franchement, ceci risque de vous aider, je ne m'oppose

5 pas à ce que cette déposition se poursuive, mais soyons clairs. Est-ce

6 qu'ici, on a témoin expert qui nous parle, qui explique les Règles, à ce

7 moment-là, il faudrait aussi que vous, vous disposiez de ces Règlements. Ou

8 est-ce que ceci sert uniquement à expliquer les actes de ce témoin ? A ce

9 moment-là, ce n'est pas nécessaire. Si c'est une analyse générale, comme

10 c'est le cas pour le moment, donc une analyse générale du droit en vigueur,

11 je ne sais pas si ce témoin peut déposer de façon générale. Bien sûr, il

12 peut vous dire ce qu'il a fait lui-même et là je ne m'y oppose pas, et je

13 comprends pourquoi cette déposition peut vous être utile, mais il faut

14 préciser quels sont les fondements ? En effet, parce que maintenant, M.

15 Okic parle de dispositions et celles-ci, si elles viennent de telle ou

16 telle partie du code pénal ou des procédures dont il parle, à ce moment-là

17 peut-être, mais il faudrait les avoir nous-mêmes sous les yeux, ici dans ce

18 prétoire.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je ne pense pas que nous allons examiner

20 par le détail les dispositions du code pénal. Je pense que ce témoin est

21 capable de répondre à certaines questions en la matière. Mais nous allons

22 voir jusqu'où vont les questions.

23 M. MORRISSEY : [interprétation] Je vous remercie.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Re.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de faire une remarque. Il est

Page 50

1 dit que s'agissant des étrangers, uniquement le ministre des Affaires

2 étrangères avait le droit d'ordonner une telle détention. Je me suis

3 corrigé, c'était en fait le ministère ou le ministre de l'Intérieur.

4 M. RE : [interprétation]

5 Q. Vous avez lu le compte rendu s'affichant à l'écran en anglais ?

6 R. Oui.

7 Q. La correction a été apportée. Je vous parlais des circonstances

8 exceptionnelles. Vous disiez que si les circonstances étaient

9 exceptionnelles, la détention pourrait durer jusqu'à six mois. Pourriez-

10 vous expliquer en quoi consistaient des circonstances exceptionnelles ?

11 R. Un exemple, si l'infraction était particulièrement grave, ou s'il

12 s'agissait d'un groupe d'individus, l'enquête devait donc être plus longue

13 et plus complexe que d'habitude. Si je ne m'abuse, cela a été le cas aussi

14 pour l'arrestation de M. Alija Izetbegovic et des 12 personnes qui étaient

15 avec lui.

16 Q. Le compte rendu d'audience parle de M. Alija Izetbegovic. Vous parlez

17 de l'arrestation de M. Izetbegovic dans les années 80 ?

18 R. En 1983, oui effectivement.

19 Q. Est-ce que le système était toujours en vigueur en 1993, disons en

20 octobre et novembre 1993 ?

21 R. Je ne sais pas s'il était toujours en vigueur. En tout cas, c'était le

22 système que nous avons utilisé.

23 Q. Est-ce qu'il y avait des Règles régissant l'arrestation,

24 l'interrogatoire et la détention de suspects en octobre ou en novembre

25 1993 ?

Page 51

1 R. Je vous l'ai déjà dit. Ce sont des lois entérinées par le code pénal et

2 le code d'instruction criminelle, mais il y a aussi des Règlements

3 intérieurs.

4 Q. En 1993 au moment des faits, qui était le chef de la Sécurité de

5 l'Etat ?

6 R. C'était M. Nedzad Ugljen.

7 Q. Est-ce qu'il était votre supérieur absolu, ou est-ce que vous aviez des

8 -- entre lui et vous, d'autres supérieurs. Donc est-ce que vous étiez

9 redevable de vos actes devant lui directement ou devant d'autres ?

10 R. A l'époque, j'avais un supérieur immédiat, qui lui rendait des comptes

11 à M. Ugljen.

12 Q. Monsieur Ugljen, vous a-t-il confié une mission précise vers la fin de

13 l'année 1993, qui soit pertinente en regard de ce procès ?

14 R. Il m'a nommé membre de l'équipe qui était censée interroger M.

15 Halilovic. M. Halilovic faisait l'objet d'une enquête des services de la

16 Sécurité militaire et aussi des services de la Sécurité d'Etat.

17 Q. Est-ce que c'était une enquête menée conjointement ?

18 R. Oui.

19 Q. Pourquoi avez-vous été retenu ou choisi ?

20 R. Je ne sais pas, je n'en ai pas la moindre idée. Il fallait bien choisir

21 quelqu'un.

22 Q. Que vous a-t-on dit à propos de l'enquête, quelle était la raison de

23 l'enquête ?

24 R. Apparemment, il y avait un soulèvement armé au sein des 9e et 10e

25 Brigades. Un lien aurait été établi entre M. Halilovic et ce soulèvement

Page 52

1 armé.

2 Q. Est-ce que -- qui vous en a parlé ?

3 R. On m'avait dit qu'il avait de bons rapports avec les commandants des 9e

4 et 10e Brigades. Lorsqu'il a été remplacé, il leur aurait demandé de faire

5 pression sur ceux qui étaient les dirigeants politiques du pays, pour qu'il

6 soit nommé, renommé commandant de l'ABiH.

7 Q. Vous parlez ici -- ou apparemment -- d'un soulèvement armé. Quand

8 celui-ci se serait-il produit ?

9 R. Je ne me souviens pas de la date exacte. Mais c'était bien sûr avant

10 l'arrestation de M. Halilovic. Il m'est vraiment impossible de me souvenir

11 de la date exacte.

12 Q. Que vous a-t-on dit, ou que saviez-vous à propos de ce présumé

13 soulèvement armé ?

14 R. Je n'en savais pas grand-chose à l'époque parce que ce n'était pas dans

15 le cadre de mes activités habituelles à l'époque. Donc c'est uniquement par

16 ouï-dire que j'avais entendu dire qu'apparemment, les 9e et 10e Brigades

17 s'étaient soulevées contre les autorités militaires et civiles, mais je n'y

18 ai pas prêté vraiment attention. C'est seulement au moment où M. Ugljen m'a

19 nommé membre de l'équipe chargée d'interroger ou d'enquêter sur M.

20 Halilovic que je me suis intéressé.

21 Q. Mais avant cette nomination, est-ce que vous êtes au courant du fait

22 qu'il y aurait eu en juillet dans les rues de Sarajevo, un incident

23 impliquant les 9e et 10e Brigades ?

24 R. Oui, j'en avais entendu parler.

25 Q. Est-ce là le soulèvement armé dont vous étiez censé parler à M.

Page 53

1 Halilovic, ou était-ce autre chose ?

2 R. Je suppose que c'est de cela qu'il s'agit. Je suppose que c'est à cet

3 incident-là, cet événement-là que vous faites référence.

4 Q. Apparemment, M. Halilovic aurait essayé de dire aux 9e et 10e Brigades

5 de faire pression sur les dirigeants politiques du pays. Qu'est-ce qu'on

6 vous a dit à ce propos ?

7 R. On m'a dit de tirer cela au clair. On m'a dit qu'il fallait préciser le

8 rôle qu'il aurait joué, les liens qu'il aurait avec Caco et Celo, à propos

9 du fait qu'il leur aurait demandé de faire pression sur ceux qui étaient au

10 sommet de la vie politique et militaire, pour que ces autorités le nomment

11 une fois de plus à ce poste. Lorsqu'on m'a demandé de commencer ce travail,

12 on n'a pas vraiment donné beaucoup d'informations. Je vous ai tout dit ici.

13 Après j'ai appris certaines choses de M. Halilovic, et M. Ugljen m'avait

14 dit quelques choses, mais peu nombreuses, tout au début de l'enquête.

15 Q. Vous avez dit qu'il voulait être nommé une fois de plus à l'époque.

16 J'ai deux questions supplémentaires. Nommé une fois de plus à quel poste ?

17 Aussi à quel moment ?

18 R. Pour qu'il redevienne le commandant, chef d'état-major de l'ABiH.

19 Q. A quel moment ?

20 R. Je ne comprends pas tout à fait.

21 Q. Vous avez dit -- apparemment, il essayait d'obtenir de Caco et Celo

22 qu'ils fassent pression sur les dirigeants politiques et militaires pour

23 qu'il puisse redevenir commandant en chef des forces armées, à l'époque,

24 avez-vous dit. Page 52, ligne 4 du compte rendu. Est-ce que vous pourriez

25 préciser la période ?

Page 54

1 R. C'était de toute façon avant le soulèvement, ce soulèvement présumé.

2 Q. Ce que vous venez de nous dire, est-ce que ce sont des renseignements

3 que vous a transmis M. Ugljen ?

4 R. Oui, en substance. Je ne me souviens pas de tout, mais apparemment dans

5 des contacts avec Caco et Celo, il leur avait demandé de faire pression

6 davantage sur les autorités politiques, davantage que sur les autorités

7 militaires pour qu'il occupe de nouveau ce poste. C'était censé être le

8 principal objet de l'enquête.

9 Q. Pourriez-vous nous dire quand M. Ugljen vous a donné ces instructions

10 et vous a nommé au sein de l'équipe chargée de parler à M. Halilovic ?

11 R. Si je me souviens bien, c'était au début du mois d'octobre, enfin dans

12 la première quinzaine d'octobre.

13 Q. [aucune interprétation]

14 R. [aucune interprétation]

15 Q. Est-ce que vous avez reçu des renseignements, mis à part ce que vous

16 avait dit M. Ugljen ? Est-ce que vous avez reçu un dossier, des mémos, des

17 documents, est-ce que vous avez eu le droit de consulter des documents

18 venant d'une surveillance ou venant des services de Renseignements ?

19 R. Non, je n'ai pas reçu de papier, de documents. Je n'ai pas reçu de

20 dossiers, ni de rapports, ni quoi que ce soit. M. Ugljen m'a dit certaines

21 choses et j'ai pris des notes.

22 Q. Monsieur le Président, à quel moment allons-nous faire la pause ?

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Si vous pensez que le moment s'y prête,

24 autant la faire maintenant.

25 M. RE : [interprétation] A vous de juger.

Page 55

1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Faisons la pause et nous reprendrons à

2 midi moins 20.

3 --- L'audience est suspendue à 11 heures 09.

4 --- L'audience est reprise à 11 heures 41.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Parlons du calendrier de la journée. Nous

6 allons siéger une heure de plus, nous ferons une pause de 20 minutes et

7 nous poursuivrons jusqu'à 13 heures 45. J'espère que ce témoin pourra

8 rentrer chez lui avant le weekend. Si c'est nécessaire, nous devrons peut-

9 être siéger l'après-midi.

10 Monsieur Re, poursuivez.

11 M. RE : [interprétation]

12 Q. Avant la pause, Monsieur Okic, vous avez dit aux Juges de la Chambre,

13 que vous n'aviez reçu aucun document de la part de M. Ugljen, pas de

14 rapport ni de dossier, qu'il vous a simplement parlé et que vous avez pris

15 des notes. Mis à part M. Ugljen, est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui

16 vous aurait donné des documents dans le cadre de la préparation à votre

17 mission, qui vous aurait donné des documents en rapport avec vos travaux ?

18 R. Il est possible que j'aie entendu certaines choses de la part d'un

19 collègue à propos de M. Halilovic, mais pour ce qui est des éléments les

20 plus essentiels, d'instruction notamment, il n'y a que M. Ugljen qui me les

21 a données.

22 Q. Avant de commencer les interrogatoires avec M. Halilovic, est-ce que

23 vous saviez ou on vous a fait comprendre qu'il avait été placé sous

24 surveillance, mis sous écoute, qu'on l'avait suivi ou qu'on avait utilisé

25 d'autres méthodes contre lui ?

Page 56

1 R. Cela ne m'a pas été dit, mais j'ai supposé que cela avait été le cas.

2 Q. Est-ce que l'on ne vous a jamais donné la possibilité de consulter des

3 documents relatifs à la surveillance des enregistrements sonores, des

4 photographies, des transcriptions qui proviendraient de cette surveillance

5 clandestine ?

6 R. Non, mais vu les instructions que j'avais reçues de M. Ugljen, je me

7 suis dit que de telles actions clandestines avaient été engagées à

8 l'encontre de M. Halilovic.

9 Q. Quels sont les préparatifs que vous avez faits avant de commencer à

10 interroger M. Halilovic ? Qu'est-ce que vous avez fait pour vous préparer à

11 cette mission ?

12 R. J'ai parlé à mon collègue, à M. Popovic de la Sécurité militaire. Il

13 est resté avec moi jusqu'à la fin de cet interrogatoire. D'abord, je lui ai

14 parlé pour essayer de savoir ce qu'il savait parce que je n'avais pas été

15 partie prenante à ces enquêtes depuis le début.

16 Q. A combien de reprises avez-vous rencontré M. Popovic ? Où l'avez-vous

17 rencontré avant de commencer les interrogatoires de Halilovic ?

18 R. Nous nous sommes rencontrés dans les locaux de la Sécurité d'Etat avant

19 de commencer ensemble ces interrogatoires, il y a eu une réunion. A cette

20 réunion, il m'a informé de ce que j'avais réussi à déterminer au cours

21 d'entretiens précédents et nous avons préparé ce qu'on allait aborder comme

22 sujets, vu les instructions que m'avait données M. Ugljen et lui, il avait

23 reçu des instructions de ses supérieurs.

24 Q. Qu'est ce que vous aviez comme plan ? Je reviens en arrière un peu.

25 Est-ce que l'idée c'était que vous et M. Popovic vous l'interrogiez

Page 57

1 ensemble ?

2 R. Tout à fait.

3 Q. M. Popovic, il était de la Sécurité militaire, n'est-ce

4 pas ?

5 R. Oui. C'était un commandant à l'époque.

6 Q. Son expérience était dans la Sécurité militaire. Vous, dans quel

7 domaine étiez-vous expert pour mener ces interrogatoires ?

8 R. J'étais expert en Sûreté de l'Etat pour ainsi dire, pour le volet civil

9 de la Sécurité d'Etat.

10 Q. M. Popovic et vous, avez-vous émis un plan pour déterminer la façon

11 dont vous aviez interrogé M. Halilovic ? Si c'est le cas, quel était ce

12 plan ?

13 R. Avant tout interrogatoire, nous avions coutume de préparer une liste de

14 sujets, du ou des sujets que nous voulions aborder ce jour-là. On se

15 mettait d'accord avant de commencer. S'il n'y avait qu'un seul sujet,

16 parfois il y en avait plusieurs, à ce moment-là, on se disait, voilà on

17 fera le plus qu'on peut.

18 Q. Mais de façon générale, quels étaient ces sujets ?

19 R. Nous avons commencé à parler de la carrière qu'il avait faite dans la

20 JNA. Nous avons parlé de la collaboration avec les anciens services de la

21 Sécurité militaire de la JNA, de l'ex-JNA, pour passer à d'autres sujets,

22 comme le soulèvement armé, le crime de guerre de Grabovica, la chute de

23 Cerska et Konjic Polje. Enfin, je ne me souviens pas, mais on a parlé de

24 beaucoup de choses. On a abordé beaucoup de sujets.

25 Q. Qui a choisi ces sujets ?

Page 58

1 R. C'est surtout à partir des instructions que j'avais reçues de M. Ugljen

2 et des instructions que recevait M. Popovic de ses supérieurs à lui.

3 Q. Vous avez interrogé, vous et M. Popovic, M. Halilovic à combien de

4 reprises exactement ?

5 R. Si je me souviens bien, l'enquête, donc ces interrogatoires ont pris un

6 mois à peu près --

7 Q. Vous avez recueilli combien de déclarations ?

8 R. -- quotidiennement.

9 Q. Combien de déclarations complètes avez-vous recueillies ?

10 R. Cinq ou six, je pense.

11 Q. Il y a un instant, vous disiez "quotidiennement", et je vous ai peut-

12 être interrompu par ma question. Quand vous disiez chaque jour, que

13 vouliez-vous dire ? Est-ce que vous l'avez interrogé tous les jours ?

14 R. Oui. Nous l'avons interrogé chaque jour, si je me souviens bien. Il se

15 peut qu'il y ait eu un ou deux jours de pause, d'interruption, mais je ne

16 me souviens pas tout à fait. Ce qui est certain, c'est que la pause n'a pas

17 duré plus de deux jours. Au fond, on l'a interrogé chaque jour.

18 Q. Quelle expérience avez-vous pour ce qui est d'interrogatoire de

19 suspects à partir de 1993 ?

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Objection. C'est dénué d'intérêt. Il faut

21 poser des questions à propos de ce qu'il a fait à propos de M. Halilovic.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que l'Accusation jette les bases

23 déjà pour poser cette question. Il veut savoir si cet homme a acquis une

24 certaine expérience dans l'interrogatoire de personnes.

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, vous avez raison, je retire mon

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1 objection.

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Re.

3 M. RE : [interprétation] Je vous remercie.

4 Q. Ma question cherche à obtenir ce renseignement que précisait ou que

5 suggérait le Président de la Chambre. Quelle expérience avez-vous pour ce

6 qui est de l'interrogatoire d'un suspect ?

7 R. De 1979 à 1993, en l'espace de quatorze ans, j'ai participé à beaucoup

8 d'enquêtes. Dans certains cas, j'ai été moi-même chef d'enquête. Dans

9 d'autres, je participais à l'équipe simplement. Ce fut le cas notamment

10 pour M. Halilovic.

11 Q. Est-ce que vous vous souvenez du plus long interrogatoire que vous ayez

12 mené avant M. Halilovic ?

13 R. C'est quand M. Alija Izetbegovic a été arrêté. Un des membres du groupe

14 qui entourait M. Izetbegovic a été interrogé par moi et je pense que cela a

15 duré à peu près un mois, ou presque.

16 Q. Quelles étaient les techniques, les procédures habituelles que vous

17 aviez utilisées jusqu'au moment d'interroger M. Halilovic ? De quelle façon

18 avez-vous mené ces interrogatoires ?

19 M. MORRISSEY : [interprétation] Il faudrait préciser la question, faire une

20 distinction entre les deux situations décrites par le témoin lorsqu'il

21 était chef d'enquête ou lorsqu'il était simplement membre d'enquête ?

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, effectivement. Là, vous auriez pu

23 être plus précis, Monsieur Re.

24 M. RE : [interprétation] Oui, je vais reposer la question. Q. Donnez-nous

25 les deux cas, là où vous étiez chef d'enquête et membre de l'équipe ? Quand

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1 je dis "vous", je prends cela pluriel. Donc, lorsque vous faisiez parti

2 d'une équipe.

3 R. Lorsque j'étais seul, lorsque j'étais le chef de l'enquête ou si

4 j'étais responsable du dossier, j'étais l'enquêteur en chef. Tous les

5 renseignements me parvenaient et c'est moi qui déterminais ce qu'il fallait

6 faire. Mais, si j'étais simplement membre de l'équipe, on me donnait une

7 tâche, une mission et je me contentais de l'exécuter.

8 Q. Ce qui m'intéresse pour le moment, c'est la technique utilisée, les

9 procédures suivies; qu'est-ce que vous avez fait précisément au cours de

10 l'interrogatoire ? De quelle façon avez-vous mené ces interrogatoires ?

11 R. Lorsque j'ai commencé à travailler pour la Sécurité de l'Etat, une des

12 premières choses qu'on m'a dites, c'est ceci : un bon comportement, de

13 bonnes manières, c'est ce qui paie le plus, et c'est ce que j'ai essayé de

14 faire tout le long de ma carrière. J'ai essayé d'aborder les gens de cette

15 façon-là, que ce soit des suspects ou de simples citoyens susceptibles de

16 nous donner des renseignements utiles. Vu mon expérience, je me suis rendu

17 compte que c'était vrai, parce que si on commence à taper sur la table, à

18 crier sur quelqu'un, c'est la meilleure façon de n'arriver à rien.

19 Q. Est-ce que vous avez utilisé cette même méthode pour M. Halilovic ?

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Je ne fais pas objection parce que là on

21 arrive au cœur du sujet mais je pense que M. Re doit cesser des questions

22 qui guident le témoin. Parce que la Défense n'affirme pas ce genre de

23 question, s'agissant de ce témoin. Je pense qu'il faut cesser de poser des

24 questions qui guident le témoin.

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, mais, en ce qui concerne votre

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1 question, la question que vous venez de poser, Monsieur Re, vous pouvez la

2 poser.

3 M. RE : [interprétation]

4 Q. Monsieur Okic, veuillez répondre.

5 R. C'est la méthode que j'ai toujours utilisée. Je vous l'ai déjà dit.

6 Jamais, pas une seule fois dans toute ma carrière, je n'ai élevé la voix,

7 je n'ai tapé du poing sur la table, je n'ai émis des menaces parce que je

8 me suis rendu compte qu'il était de loin préférable d'être courtois et poli

9 envers la personne que vous interrogez, que plutôt jouer le dur.

10 Q. Je parle uniquement des techniques, des méthodes que vous avez

11 utilisées avec M. Halilovic. Quand vous dites "dans tous les cas," est-ce

12 que vous incluez les interrogatoires de M. Halilovic aussi ou pas ?

13 R. Oui. Je pense que j'ai été tout à fait courtois et convenable dans

14 l'interrogatoire que j'ai mené de M. Halilovic, et il pourra peut-être le

15 confirmer.

16 Q. Lorsque vous l'avez interrogé, le considériez-vous comme suspect, comme

17 personne soupçonnée d'avoir commis des infractions à une loi militaire, ou

18 à des questions civiles, ou un peu des deux ?

19 R. Il était soupçonné à cause de ce soulèvement armé présumé. Donc c'est

20 sans doute pour infraction aux droits militaires. Mais pour moi cela

21 n'avait aucune importance. J'avais simplement devant moi un homme qui était

22 censé m'aider à éclaircir tel ou tel point, élucider telle ou telle

23 question. C'est ce qu'on m'avait demandé de faire, peu m'importait de

24 savoir ce qu'il avait enfreint supposément. J'avais une mission et je

25 devais l'exécuter.

Page 62

1 Q. J'essaie de mieux comprendre votre réponse précédente. Quand vous dites

2 que vos premières instructions concernaient un soulèvement, mais présumé.

3 D'après vous, c'était une infraction aux droits militaires ou aux droits

4 civils ?

5 R. Je ne sais pas. On ne m'avait pas chargé d'examiner tous les points de

6 droit, je devais simplement établir les faits et voir ce que M. Halilovic

7 avait à dire. M. Popovic et moi, nous ne sommes pas intéressés à tous les

8 tenants et aboutissants sur le plan juridique. Ce que nous voulions savoir,

9 c'était les faits tels que les connaissait M. Halilovic.

10 Q. Parlons maintenant des interrogatoires. Où est-ce que vous avez

11 interrogé M. Halilovic ?

12 R. Dans les bureaux de la Sécurité de l'Etat.

13 Q. Où se trouvent-ils ?

14 R. Au ministère de l'Intérieur, dans le bâtiment du ministère de

15 l'Intérieur à Sarajevo, à l'époque du moins.

16 Q. Quelle est la distance séparant ce bâtiment du QG du commandement

17 Suprême, ou quelle était la distance en 1993 ?

18 R. Vous voulez parlez de l'endroit où était détenu M. Halilovic ?

19 Q. Non, de l'endroit où il travaillait.

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Ne corrigez pas ce que dit le témoin. Le

21 témoin l'a dit de façon très claire, et maintenant M. Re ne peut pas

22 essayer ici de dissimuler tout ceci. Il n'a pas le droit de corriger ce

23 qu'a dit le témoin dans sa réponse.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, posez la question au témoin.

25 M. RE : [interprétation]

Page 63

1 Q. Vous dites là où M. Halilovic était détenu. Qu'est-ce que vous vouliez

2 dire en donnant cette réponse ?

3 R. Je ne comprends pas malheureusement. Est-ce que vous pourriez être plus

4 clair ?

5 Q. Je vous ai demandé --

6 R. Où M. Halilovic était détenu ?

7 Q. Non. Je ne vous parlais pas de détention. Je vais y arriver dans un

8 instant. Je vais en parler, Monsieur le Président, pour le moment, je vous

9 demande où se trouvaient ces bureaux ?

10 R. Je n'en n'ai pas la moindre idée. Je sais qu'au début de la guerre, ou

11 peut-être qu'en 1993, l'état-major général pour la plupart de ses membres

12 s'étaient déplacés, étaient sortis de Sarajevo, et que seul quelques

13 bureaux étaient situés à Sarajevo. Je ne sais pas où il travaillait, où se

14 trouvait son bureau. Je suppose que c'était dans un bâtiment qui était à

15 environ 200 mètres à vol d'oiseau, par rapport à nos locaux à nous, près de

16 la prison centrale de Sarajevo, et l'état-major principal utilisait ce

17 bâtiment. Je suppose que

18 M. Halilovic était là, mais je ne peux pas le dire avec certitude.

19 Je pense que c'est là qu'il avait travaillé avant tous ces événements et

20 que c'est là qu'il était en détention.

21 Q. Pour clarifier votre dernière réponse, est-ce que vous voulez dire dans

22 cette réponse que vous pensez qu'il a été détenu dans ce bâtiment, ou que

23 vous le savez ?

24 R. Je suppose que c'était là, car je sais que c'est là que l'état-major

25 principal avait certains services. Je sais qu'à chaque fois il venait très

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1 rapidement lorsque l'on appelait, lorsque l'on demandait qu'on le ramène,

2 il venait très vite. Donc je suppose qu'il venait de ce bâtiment-là. Il

3 venait au bout de quelques minutes, donc je pense qu'il était installé

4 vraiment dans ce bâtiment, près de la prison centrale de Sarajevo.

5 Q. Excusez-moi, je suis quelque peu perplexe. Je souhaite clarifier

6 quelque chose avec vous. Vous pensiez qu'il était détenu, qu'il était

7 ramené de son lieu de détention, ou du bâtiment du quartier général ?

8 M. RE : [interprétation] Je suis complètement perplexe, je ne comprends

9 pas.

10 M. MORRISSEY : [interprétation] Peu importe si ceci rend M. Re confus, mais

11 la déposition de ce témoin est tout à fait claire. A mon avis, il n'y a

12 rien à clarifier. Le témoin a dit clairement deux ou trois fois, comment

13 cela s'est passé.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous croyons, nous aussi, qu'il faut que

15 les choses soient tout à fait claires du point de vue de l'Accusation.

16 Oui, Monsieur Re.

17 M. RE : [interprétation]

18 Q. Ai-je bien compris, j'essaie de comprendre pour que la Chambre puisse

19 comprendre. Est-ce que vous pensiez qu'il était détenu, ou qu'il venait du

20 bâtiment du quartier général ?

21 R. Je pensais qu'il était dans une espèce -- enfin, qu'il était assigné à

22 résidence, d'une certaine manière, car il était toujours accompagné d'un

23 policier militaire. Cela dit, il était accompagné par le commandant Popovic

24 à plusieurs reprises, qui travaillait lui, avec moi. J'étais convaincu

25 qu'il était d'une certaine manière assigné à résidence au sein de ce

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1 bâtiment du quartier général. Je ne sais pas s'il y était avant les

2 événements-ci, mais c'est là qu'il était détenu.

3 Q. Lorsque vous dites "assigné à résidence" ? Qu'est-ce que cela veut dire

4 à vos yeux ?

5 R. Cela veut dire qu'on limite les déplacements d'une certaine personne,

6 qu'il ne peut se limiter, par exemple -- se déplacer que par exemple, dans

7 ce bâtiment, qu'il ne pouvait pas sortir sans approbation, qu'il ne pouvait

8 pas se déplacer librement comme tous les autres. C'est l'impression que

9 j'ai eue. J'avais l'impression que M. Halilovic était assigné à résidence,

10 si on peut appeler cela ainsi.

11 Q. Aviez-vous des informations au sujet de la question de savoir où il

12 passait les nuits, où il dormait ?

13 R. J'ai supposé que c'était justement dans ce bâtiment, c'était ma

14 présomption.

15 Q. Nous allons revenir à l'endroit où les entretiens ont eu lieu, vous

16 avez dit que c'était dans le bâtiment de la Sûreté d'Etat ?

17 R. Non, c'était dans le bâtiment du ministère des Affaires intérieures et

18 une partie de ce bâtiment était occupée par la Sûreté de l'Etat.

19 Q. Excusez-moi, où est-ce que vous avez eu ces entretiens avec lui ?

20 R. Dans un bureau, dans un des bureaux.

21 Q. Est-ce que vous pouvez nous le décrire en ce qui concerne les

22 dimensions, par exemple ?

23 R. Les dimensions étaient d'environ quatre mètres sur trois ou quatre sur

24 quatre, approximativement. Je dirais quatre sur quatre.

25 Q. Quels meubles y avait-il dans ce bureau ?

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1 R. Il y avait deux bureaux de cette hauteur là pour moi et M. Popovic.

2 Ensuite, il y avait une petite table avec deux fauteuils, et c'est là que

3 M. Halilovic était assis. Ensuite, il y avait deux coffres-forts en métal

4 pour les documents, une petite table pour les téléphones, un tapis. Voilà,

5 rien de particulier.

6 Q. Était-ce le bureau de quelqu'un ?

7 R. Je pense qu'un collègue y était avant qui avait dû déménager.

8 Q. Quelle était la distance entre M. Halilovic et vous et M. Popovic ? En

9 mètres, si vous pouvez nous le dire approximativement.

10 R. A peu près la même distance entre moi et votre collègue ici.

11 Q. Vous diriez entre deux mètres, deux mètres et demi.

12 R. Oui, approximativement.

13 Q. Est-ce que quelqu'un d'autre était présent dans cette pièce lors des

14 entretiens ?

15 R. Pas pendant l'entretien, seulement lorsque l'on prenait la déclaration.

16 Q. Est-ce que les gens venaient dans la pièce ?

17 R. Peut-être une ou deux fois et, dès qu'ils voyaient qu'ils s'étaient

18 trompés, ils partaient.

19 Q. Comment M. Halilovic venait-il dans ce bureau dans lequel les

20 interrogatoires se déroulaient.

21 R. Tout d'abord, Himzo Popovic et moi-même, nous nous rencontrions et nous

22 élaborions le plan des activités de la journée. Ensuite, on appelait ce

23 bâtiment du quartier général, ensuite M. Halilovic venait, il était escorté

24 par un policier militaire si mes souvenirs sont bons. Ensuite, le garde à

25 l'accueil nous informait du fait qu'il était arrivé. Ensuite, soit moi,

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1 soit M. Popovic descendait et on le faisait venir dans ce bureau dans

2 lequel l'on procédait à des interrogatoires et le policier militaire

3 partait.

4 Q. Que portait M. Halilovic ?

5 R. L'uniforme.

6 Q. Portait-il quelque chose ?

7 R. Un attaché-case militaire.

8 Q. Quelle sorte d'attaché-case ?

9 R. L'attaché-case militaire pour les documents.

10 Q. Est-ce que M. Halilovic avait une arme sur lui ?

11 R. Oui, il avait un pistolet, de sorte que moi ou Himzo on sortait ce

12 pistolet à chaque fois, on le mettait sur le coffre-fort derrière, puis on

13 lui rendait son attaché-case. A la fin de l'entretien, on lui rendait le

14 pistolet avec l'attaché-case.

15 Q. Quel était le type de cette arme ?

16 R. Si mes souvenirs sont bons, il s'agissait d'un pistolet Crvena Zastava

17 drapeau rouge de 9 millimètres.

18 Q. 99 millimètres ou 9 millimètres ?

19 R. Drapeau rouge, 9 millimètres.

20 Q. Neuf ou 99 ?

21 R. Neuf, c'est le modèle de 99.

22 Q. Est-ce que vous vous souvenez si le pistolet était chargé ?

23 R. Il était assez lourd, je ne vérifiais pas, mais comme il était assez

24 lourd, je dirais que oui.

25 Q. Vous dites puisqu'il était assez lourd, quoi ?

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1 R. Je suppose qu'il était chargé.

2 Q. Est-ce que c'est un de ces pistolets avec des charges que l'on insère

3 en bloc.

4 R. Oui, tout à fait. Je fais une différence entre le pistolet et le

5 revolver.

6 Q. Est-ce qu'au cours des 14 années d'expérience auparavant, vous avez

7 déjà interrogé un suspect avec une arme chargée ?

8 M. MORRISSEY : [interprétation] Il n'a pas dit que l'arme était chargée.

9 M. RE : [interprétation] Je n'ai pas dit qu'il l'avait fait.

10 M. MORRISSEY : [interprétation] Très bien. Nous pouvons jouer ce genre de

11 jeu. Le témoin n'a pas dit qu'il avait vérifié si l'arme était chargée ou

12 pas. Si l'on pose cette question, à mon avis, on induit en erreur.

13 M. RE : [interprétation] Très bien. Je retire le mot chargé.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Pour moi, il n'y a pas de différence, si

15 l'arme était chargée ou pas.

16 M. RE : [interprétation]

17 Q. Monsieur Okic, au cours de vos 14 années de carrière jusqu'à ce moment-

18 là, est-ce que vous avez déjà interrogé un suspect qui avait une arme sur

19 lui alors qu'il était en détention ?

20 R. Non.

21 Q. Lorsque M. Halilovic venait assister à ces entretiens, est-ce que vous

22 pouvez me dire quel était son état physique ?

23 R. Compte tenu de la guerre, vous savez nous nous ressemblions tous, pour

24 ce qui est de l'état physique. J'avais l'impression que cela allait.

25 Q. Est-ce que vous aviez l'impression qu'il était malade ou qu'il se

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1 portait bien ?

2 R. S'il avait été malade, je suppose que l'on aurait arrêté nos entretiens

3 car, d'après notre pratique, nous n'avons pas d'entretien avec un homme

4 malade, cela n'aboutit à rien, cela. S'il disait qu'il était fatigué, s'il

5 demandait d'avoir une pause, on faisait une pause.

6 Q. Est-ce qu'à un moment quelconque au cours de ces interrogatoires, vous

7 avez l'impression qu'il était sous l'influence de drogues ou d'alcool ?

8 R. Non, je ne dirais pas.

9 Q. Est-ce que vous aviez l'impression qu'il souffrait d'une maladie

10 mentale ou physique ?

11 R. Je n'avais pas cette impression-là.

12 Q. À quel moment avez-vous commencé les interrogatoires ?

13 R. Cela dépendait des jours. Parfois à 10 heures, parfois à 11 heures,

14 parfois à midi. Voilà.

15 Q. À quelle heure terminiez-vous ?

16 R. Encore une fois, ce n'était pas déterminé. Lorsqu'on concluait qu'on

17 avait fini le travail de la journée, on terminait. Parfois, c'était à 6

18 heures ou 7 heures, 8 heures, parfois c'était à minuit, 1 heure du matin. A

19 l'époque, on ne tenait pas compte de l'heure, mais on essayait de terminer

20 le travail de la journée, si possible.

21 Q. Vous avez dit tout à l'heure que : "A chaque fois qu'il disait qu'il

22 était fatigué, que vous aviez une pause." De quelle pause, s'agissait-il ?

23 R. De pauses brèves, de dix à 15 minutes. Voilà.

24 Q. Qu'en est-il des repas ?

25 R. Au début, on s'était mis d'accord qu'on allait interrompre l'entretien.

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1 A un moment donné, lorsqu'on concluait tous ensemble qu'il fallait prendre

2 un déjeuner, donc conformément à l'accord avec M. Halilovic, c'est ce qu'on

3 faisait.

4 Q. Est-ce que M. Halilovic recevait un déjeuner ?

5 R. Oui. Oui. On mangeait ensemble.

6 Q. Qui ?

7 R. M. Popovic, moi-même et M. Halilovic.

8 Q. Où avez-vous mangé ?

9 R. Au ministère de l'Intérieur il y avait une cafétéria, c'est de là que

10 l'on nous apportait la nourriture.

11 Q. Vous disiez que vous alliez à la cafétéria ou on vous faisait

12 venir quelque chose ?

13 R. Non, non, non. On appelait, puis quelqu'un venait avec les repas. Peut-

14 être qu'une ou deux fois, moi-même je suis allé jusqu'à la cafétéria, mais

15 pour la plupart des cas, on venait avec les repas.

16 Q. A quoi ressemblait ces repas-là ?

17 R. Bien compte tenu des circonstances à l'époque, ce n'était rien de

18 particulier, mais on mangeait toute la même chose. Je ne sais pas, des

19 pommes de terre, des haricots. Je ne dirais pas que c'était des repas

20 dignes d'un hôtel, mais on était heureux de les avoir quand même.

21 Q. Combien de temps ont duré vos pauses déjeuner en général ?

22 R. Je ne peux pas vous dire l'heure exacte, mais je dirais une demi-heure,

23 45 minutes.

24 Q. Les dîners ? Est-ce que vous lui donniez à manger le soir aussi ?

25 R. Puisqu'on déjeunait tard, je pense qu'on ne dînait pas, car si on

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1 commençait à dix heures, 11 heures, midi, d'habitude on déjeunait vers 3

2 heures, 4 ou 5 heures. M. Halilovic ne le demandait, puis nous non plus ne

3 ressentions pas le besoin d'avoir deux repas. S'il l'avait demandé, on lui

4 aurait arrangé cela.

5 Q. Est-ce que M. Halilovic pouvait aller aux toilettes ?

6 R. Bien sûr.

7 Q. Comment allait-il aux toilettes ?

8 R. Les toilettes étaient près du bureau. S'il y allait, soit moi, soit M.

9 Popovic se tenait à la porte et lorsqu'il terminait, il revenait.

10 Q. Est-ce qu'il pouvait utiliser le téléphone ?

11 R. Je pense qu'une ou deux fois il a demandé de téléphoner. Je ne me

12 souviens pas maintenant avec exactitude qui il a appelé. Je ne sais pas qui

13 il a appelé, si c'était son fils ou quelqu'un d'autre. Je pense qu'il a

14 appelé une ou deux fois de notre bureau, ou il a appelé peut-être au

15 quartier général. Il a appelé quelqu'un.

16 Q. Comment savez-vous qui il a appelé ?

17 R. Il disait : "Il faut que j'appelle un tel," et on lui passait le

18 téléphone. Cela s'est passé une fois, deux fois, au maximum, tout au plus.

19 Q. Est-ce qu'il a utilisé le téléphone dans le bureau dans lequel se sont

20 déroulées les interrogatoires ?

21 R. Oui, oui.

22 Q. Avez-vous écouté les conversations téléphoniques à ce moment-là ?

23 R. Bien sûr.

24 Q. Comment posiez-vous vos questions, vous et M. Popovic ?

25 R. Tout d'abord, on annonçait le sujet de la discussion de la journée,

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1 ensuite on posait des questions concrètes conformément aux instructions que

2 nous avions reçues de la part de nos supérieurs.

3 Q. Lorsque vous dites "nous." Comment vous y preniez-vous pour ce qui est

4 de vos questions ?

5 R. En principe, M. Popovic et moi, on avait décidé que lui, il allait

6 poser plutôt les questions militaires, car il était plus expert en la

7 matière que moi, et j'allais poser plus de questions au sujet des affaires

8 civiles. Cependant, cette répartition n'était pas rigide et, par la suite,

9 elle n'existait même plus. On alternait dans nos questions afin d'essayer

10 de jeter la lumière sur les détails les plus importants.

11 Q. Comment avez-vous enregistré ce qu'il vous disait ?

12 R. On prenait des notes. J'avais un grand cahier, Himzo aussi, et on

13 prenait des notes de ce qu'il nous a dit.

14 Q. Qu'avez-vous fait avec ces notes ?

15 R. Elles ont été détruites, il y a longtemps.

16 Q. Les notes, comment les avez-vous utilisées ?

17 R. Dans deux sens. Tout d'abord, pour informer mon chef, M. Ugljen et,

18 lorsque l'on faisait la déclaration, la déclaration a été faite justement

19 sur la base de ces notes.

20 Q. Qu'avez-vous écrit dans vos notes ? Questions, réponses, les deux ?

21 R. Non, pas comme ce qui apparaît ici sur l'écran, mais l'essentiel de ce

22 que disait M. Halilovic. Nous nous intéressions seulement à l'essentiel, et

23 non pas à l'aspect formel des discussions.

24 Q. Comment est-ce que vous avez traduit ces notes en déclaration ?

25 R. Lorsqu'un sujet était terminé, on faisait venir une secrétaire

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1 dactylographe qui venait avec sa machine à écrire. Ensuite, on commençait à

2 dicter. Tout d'abord, on dictait une phrase, ensuite on demandait à M.

3 Halilovic s'il était d'accord pour que cette phrase soit dactylographiée

4 sous cette forme-là, il disait oui ou non. S'il disait non, il faisait sa

5 proposition qu'il dictait et c'est ainsi que c'était écrit. Ensuite, on

6 passait à la phrase suivante et à la phrase d'après, et cetera.

7 D'habitude la rédaction de la déclaration durait plus longtemps que les

8 interrogatoires.

9 Si mes souvenirs sont bons, justement, au cours des journées pendant

10 lesquelles on passait le plus de temps dans le bureau, c'était les journées

11 pendant lesquelles on prenait les déclarations.

12 Q. Est-ce que M. Halilovic était avec vous pendant l'ensemble de ce temps

13 pendant lequel vous écriviez la déclaration ? Autrement dit, est-ce que

14 vous écriviez la déclaration en sa présence d'un bout à l'autre ?

15 R. Bien sûr.

16 Q. A combien de reprises faisait-il des corrections lors de votre

17 lecture ?

18 R. Je ne peux pas dire que c'était souvent le cas, mais de temps en temps

19 il apportait des corrections s'il n'aimait pas une formulation proposée par

20 nous. Il disait : "Je ne me suis pas exprimé ainsi. Voici ce que j'ai dit."

21 Nous acceptions cela et nous corrigions la déclaration.

22 Q. Je pense que vous avez dit : "Lorsqu'on avait terminé les discussions

23 sur un sujet, on faisait venir le dactylographe." Est-ce que les

24 déclarations comportaient plus d'un sujet.

25 R. Certaines déclarations comportaient un seul sujet, d'autres

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1 comportaient plusieurs sujets.

2 Q. Lorsque vous terminiez, pour ce qui était d'un sujet, et lorsque vous

3 terminiez la rédaction de la déclaration concernant le sujet, que faisiez-

4 vous dans ce processus d'interrogatoire ?

5 R. Après la prise de déclaration, après qu'elle était dactylographiée, M.

6 Halilovic prenait la déclaration et la lisait. S'il était satisfait du

7 texte, s'il était d'accord, il parafait chaque page et, à la fin, il

8 signait.

9 Q. Ce que j'essaie de savoir est si vous avez jamais arrêté la prise de la

10 déclaration avant d'avoir épuisé un sujet pour poser d'autres questions ?

11 R. Bien sûr. On essayait de compléter un sujet, d'épuiser un sujet, de

12 répondre à toutes les questions liées à ce sujet avant de passer à un autre

13 sujet.

14 Q. A quoi ressemblait le processus à la fin de la prise de la

15 déclaration ? Que se passait-il ensuite ?

16 R. M. Sefer parafait chaque page de la déclaration, ensuite, il la

17 signait. Ensuite, moi et M. Popovic, nous la signions de même que la

18 secrétaire dactylographe, elle mettait ses initiales aussi. Je pense qu'on

19 avait cinq exemplaires, donc il devait parafer et signer chaque page de ces

20 cinq exemplaires. Ensuite, M. Popovic et moi-même, on faisait la même chose

21 et la secrétaire, elle mettait ses propres initiales, c'est ainsi que ce

22 travail se terminait.

23 Q. Est-ce que M. Halilovic a jamais apporté des corrections aux

24 déclarations avant la fin de ce processus ?

25 R. Oui. Parfois il y avait des fautes de frappes, parfois il n'y avait pas

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1 d'électricité, donc, on travaillait, je pense que c'était le cas une ou

2 deux fois, avec les bougies. On parlait, on ne dactylographiait pas mais on

3 parlait, mais parfois il y avait des fautes de frappes et peut-être que la

4 secrétaire n'avait pas bien entendu quelque chose.

5 De toute façon, M. Halilovic corrigeait cela, chaque fois qu'il pensait

6 qu'il y avait une erreur.

7 Q. Est-ce que vous, Monsieur Popovic ou quelqu'un d'autre avez menacé M.

8 Halilovic ?

9 R. Pas moi. J'ai reçu des instructions strictes de M. Ugljen selon

10 lesquelles il fallait que je sois correct et courtois au maximum vis-à-vis

11 de M. Halilovic.

12 Q. Est-ce que vous, M. Popovic ou quelqu'un d'autre, est-ce que vous

13 l'avez poussé dans un sens ?

14 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi de cette interruption, mais il

15 faut que cela soit clair si l'on demande au témoin si, lui, il a essayé

16 d'obtenir, d'exhorter des choses de la part du témoin ou si c'était M.

17 Popovic qui l'a fait ou quelqu'un d'autre devant M. Okic ? Il n'est pas

18 possible de faire cela à moins de prouver qu'il a assisté à cela.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien. Peut-être que quelqu'un lui a dit

20 cela ?

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, mais, il faudrait clarifier cela.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je suis sûr qu'il sera heureux de le

23 faire.

24 M. RE : [interprétation]

25 Q. Est-ce que qui que ce soit a essayé d'extorquer quelque chose de lui, à

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1 ce moment-là, tout d'abord ? Deuxièmement, est-ce que vous avez entendu

2 parler de cela ?

3 R. En ma présence, personne ne le faisait, personne ne lui faisait des

4 propositions non plus. Ni moi, ni M. Popovic ne pouvions lui faire de

5 promesses en échange d'une certaine déclaration. J'avais pour tâche

6 simplement d'écrire et de clarifier ce que disait

7 M. Halilovic, c'était cela.

8 Q. Est-ce que qui que ce soit lui a fait des promesses en votre présence ?

9 Ou est-ce que vous avez entendu parler de cela ?

10 R. En ma présence, personne ne l'a fait. Je n'ai pas entendu parler de

11 cela non plus.

12 Q. Est-ce qu'il a été soumis à des pressions psychologiques?

13 R. Vous savez, si j'avais subi des interrogatoires pendant un mois comme

14 M. Halilovic l'a fait, dans les circonstances dans lesquelles il l'a fait,

15 j'aurais sans doute considérer que j'avais été soumis à des pressions

16 psychologiques. Je peux tout à fait comprendre qu'il considère tout cela

17 comme, d'une certaine façon, ayant constitué des pressions psychologiques.

18 Mais, quant à moi, j'ai fait tout ce que je pouvais pour être correct et

19 humain au cours de ces interrogatoires. Je pense qu'aucune pression n'a été

20 exercée à son encontre. En tout cas pas intentionnellement. Mais, quand on

21 passe dix à 12 heures à recueillir de quelqu'un, cela peut sembler être une

22 pression psychologique, j'admets tout à fait la chose.

23 Q. Savez-vous si les entretiens, les interrogatoires que vous avez menés

24 avec M. Halilovic, ont été enregistrés sur casettes vidéo ou cassettes

25 audio ?

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1 R. Je ne sais pas, mais je suppose que cela a été le cas. Cela dit, il

2 s'agit uniquement d'une supposition, je ne peux pas le garantir car je n'ai

3 jamais vu le moindre enregistrement d'une quelconque conversation, je n'ai

4 jamais rien eu sous les yeux qui soit le fruit d'un enregistrement

5 quelconque.

6 Q. Existait-il dans cette pièce des moyens d'enregistrer en vidéo ou en

7 audio sans que vous en ayez été conscient ?

8 R. Bien sûr, oui.

9 Q. M. Halilovic a-t-il demandé à quelque moment que ce soit, la présence

10 d'un avocat ?

11 R. Si je me souviens bien, il ne l'a pas demandé.

12 Q. Le droit bosnien de l'époque l'autorisait-il à être assisté par un

13 avocat ?

14 R. Bien sûr. Il avait le droit de le demander et s'il l'avait demandé, je

15 serais allé voir mon chef et j'aurais dit : "M. Halilovic ne va dire telle

16 ou telle chose en l'absence d'un avocat, j'attends des instructions". Si je

17 me souviens bien, il ne l'a pas demandé. D'ailleurs, il s'efforçait, tout

18 comme nous, d'être le plus correct possible au cours de ces

19 interrogatoires. Je dirais que tous ces interrogatoires et l'aspect

20 épuisant des circonstances dans lesquelles elles se sont déroulées, tout

21 cela s'est fait avec un comportement aussi décent que possible des deux

22 côtés.

23 Q. Pour qui ces interrogatoires étaient-ils épuisants ?

24 R. Pour nous tous.

25 Q. Que diriez-vous, de façon générale, du comportement de

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1 M. Halilovic au cours des interrogatoires que vous avez menés avec lui ?

2 R. Il était tout à fait correct. Il a pleinement collaboré. Je n'ai aucune

3 remarque à faire de ce point de vue.

4 Q. Est-ce qu'il ne s'est jamais plaint auprès de vous du traitement qu'il

5 aurait subi de votre part ou de la part de vos collègues au cours de ces

6 interrogatoires ?

7 R. De quels collègues parlez-vous ?

8 Q. De ceux qui ont participé -- peut-être ai-je mal utilisé le mot

9 "collègues." Je pensais à vous, à M. Popovic, également et à quelle

10 qu'autre personne qui serait entrée dans la pièce, aurait apporté son aide

11 au recueil des dépositions. Est-ce qu'il s'est plaint de M. Popovic auprès

12 de vous ?

13 R. Les sténodactylos n'avaient, en aucun cas, la moindre possibilité de

14 l'insulter. Ils ne faisaient que faire leur travail. Il ne s'est pas plaint

15 de la façon dont nous l'avons traité. J'ai eu le sentiment que son amertume

16 générale était due à la situation dans laquelle il se trouvait, mais pas à

17 notre attitude particulière, pas à une quelconque attitude d'une quelconque

18 personne à son encontre.

19 Q. Vous avez dit que vous avez eu le sentiment. Est-ce qu'il a

20 effectivement dit quelque chose, à vous ou à quelqu'un d'autre, qui

21 constituait une protestation -- j'aimerais pouvoir finir ma question --

22 est-ce qu'il s'est effectivement plaint, auprès de vous, du traitement

23 qu'il aurait reçu de la part de qui que ce soit ?

24 R. Peut-être --

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi. Un instant, je vous prie. Je

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1 crois comprendre que vous avez dit plus tôt, Monsieur le Président, que

2 nous n'allions pas entrer sur le fond des interrogatoires à l'heure

3 actuelle. Or, ici, on demande ce que, M. Halilovic a dit à l'époque et

4 à mon avis, ceci a un rapport direct avec les réponses apportées aux

5 questions posées au cours de ces interrogatoires.

6 M. RE : [interprétation] Non, non, non.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Non. Non. Je pense que nous en sommes

8 encore à des questions de procédure. Est-ce qu'il s'est plaint,

9 effectivement, auprès de vous du traitement qu'il aurait reçu, cela

10 signifie l'ensemble du processus des interrogatoires et pas la teneur des

11 déclarations faites ou des dépositions faites.

12 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, excusez-moi. Si cela concerne le

13 processus de l'interrogatoire, je n'ai pas d'objection.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Re.

15 M. RE : [interprétation]

16 Q. Pour être tout à fait clair, je n'interroge le témoin qu'au sujet du

17 processus de l'interrogatoire et du traitement qu'il a reçu, à l'époque.

18 R. Il ne s'est pas plaint à nous de la façon dont nous le traitions, mais

19 il est possible qu'il ait prononcé, ici ou là, une phrase ou deux

20 signifiant qu'il n'était pas content de la situation dans laquelle il se

21 trouvait. Mais cela n'avait rien à voir avec une protestation due à un

22 quelconque manque d'équité de notre part ou quoi que ce soit de ce genre.

23 Simplement, je tiens à dire, une nouvelle fois, qu'à mon avis, nous avons

24 été tout à fait justes et équitables.

25 Q. Est-ce que vous ne lui avez jamais rappelé son droit au silence ? Est-

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1 ce qu'il a refusé de répondre à une quelconque question ? Est-ce que vous

2 lui avez dit qu'il était en droit de ne rien dire qui risquait de le mettre

3 en cause au cours d'un procès ?

4 R. Non.

5 Q. Est-ce que ce genre d'avertissement faisait partie, normalement, de la

6 procédure d'enquête bosniaque, à l'époque ? Je veux dire le fait d'avertir

7 le suspect.

8 R. Pour autant que je m'en souvienne, ce n'était pas une pratique courante

9 dans le système ancien.

10 Q. J'aimerais vous soumettre un document. Il porte la date du 8 novembre

11 1993, la pièce 134 de l'Accusation versée au dossier au titre de l'Article

12 65 ter, numéro ERN 00997363. Je demande qu'on soumette cette pièce au

13 témoin.

14 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, je dois m'enquérir

15 des fondements de cette mesure, à ce stade.

16 M. RE : [interprétation] Identification du document, c'est tout.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Si tel est le cas, je pense qu'il n'y a

18 pas de problème.

19 M. RE : [interprétation] Je n'en demanderais pas le versement.

20 M. MORRISSEY : [interprétation] Je pense qu'il y aura un problème, Monsieur

21 le Président, mais j'attendrai pour en voir davantage.

22 L'ACCUSATION : [interprétation] Je demande simplement au témoin

23 d'identifier un document qui est censé rendre compte d'une déposition reçue

24 par lui de la bouche de M. Halilovic. Voilà le fondement de cette mesure de

25 ma part. Ce document ne comporte aucune signature.

Page 81

1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Les limites étant ainsi définies,

2 vous pouvez procéder.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document MFI 297.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a une signature à la dernière page.

5 M. RE : [interprétation]

6 Q. Pour que tout soit clair, nous allons examiner une déclaration datant

7 du 8 novembre 1993, intitulé, "Compte rendu. Déposition complémentaire,

8 sous le sceau du secret, strictement confidentiel," document en langue

9 bosniaque qui comporte 12 pages.

10 R. Puis-je voir la dernière page ? Je ne retrouve pas cela sur mon

11 document. Nous avons recueilli plusieurs dépositions de

12 M. Halilovic et certaines ont été recueillies avant que je n'intervienne.

13 Je souhaite voir la signature; si c'est la mienne, manifestement, c'est moi

14 qui ai dû recueillir cette déposition.

15 Q. Oui, examinons la première page et identifions si c'est bien le

16 document dont nous parlons; ensuite, le greffier pourra nous conduire à la

17 dernière page qui est la page 12.

18 R. Oui.

19 Q. Au dessus du nom de Sefer Halilovic, quelle est la signature que l'on

20 voit ?

21 R. Je suppose que c'est celle de M. Halilovic.

22 Q. Il y a une signature au milieu, au-dessus d'un nom --

23 R. Mais ce sont simplement des initiales. Ce n'est pas une signature

24 complète. C'est celle de notre sténodactylo.

25 Q. A droite, on lit, "déposition complémentaire recueillie de" et deux

Page 82

1 signatures. Est-ce que l'une de ces deux signatures est la vôtre ?

2 R. Oui, la première est la mienne et la deuxième, si je ne m'abuse, est

3 celle de M. Popovic.

4 M. RE : [interprétation] Ce serait plus rapide si on pouvait soumettre au

5 témoin la version papier et lui demander si la signature de M. Halilovic

6 figure en bas de chaque page, autrement, il va falloir que nous

7 feuilletions chaque page et cela prendra sans doute quelques minutes.

8 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Y a-t-il des objections ?

9 M. MORRISSEY : [interprétation] Non. Je remarque ce qu'a dit le témoin, il

10 a dit qu'il supposait que c'était la signature de

11 M. Halilovic. Je ne sais pas ce qu'il s'apprête à dire à présent quant à ce

12 qu'il verra au bas de chaque page, mais je n'ai rien contre le fait qu'on

13 lui montre les signatures, quelle que soit la forme que le Procureur

14 souhaite adopter pour lui soumettre ce document.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Oui, bien sûr.

16 M. RE : [interprétation] Merci.

17 Q. Je vais vous montrer une copie papier de ce document.

18 R. C'est une photocopie de l'une des dépositions que j'ai recueillie avec

19 M. Popovic, au cours de l'enquête.

20 Q. Une déposition de M. Halilovic ?

21 R. Oui.

22 Q. Signée ?

23 M. MORRISSEY : [interprétation] Juste une minute, je vous prie. Non, je

24 n'ai pas d'objection à ce que le témoin réponde à cette question.

25 LE TÉMOIN : [interprétation]. Oui. Elle est signée, oui.

Page 83

1 M. RE : [interprétation]

2 Q. Est-ce la signature de M. Halilovic qu'on voit à chaque page ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous avez dit, dans votre déposition, avoir recueilli toutes les

5 déclarations. Est-ce que cette déclaration, cette déposition particulière a

6 été recueillie dans des conditions différentes de celles que vous

7 respectiez d'habitude lorsque vous recueilliez les dépositions de M.

8 Halilovic ?

9 R. Je ne pense pas.

10 Q. D'accord. Ce document est enregistré à des fins d'identification. Il y

11 a encore un point à évoquer seulement --

12 M. MORRISSEY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je ne

13 suis pas d'accord pour qu'on enregistre ce document à des fins

14 d'identification à l'heure actuelle car on peut se poser la question de

15 savoir si ce document sera versé au dossier à quelque moment que ce soit.

16 Il appartient aux Juges de décider ce qu'il adviendra de ce document par la

17 suite et quel est son statut actuel.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Enregistrement à des fins

19 d'identification. Cela ne va pas très loin. C'est simplement une procédure

20 utile pour les personnes qui aident la Chambre afin que les Juges puissent

21 retrouver ce document par la suite.

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Cela n'a aucune signification juridique,

24 le fait de donner un numéro à ce document.

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Si tel est le cas, je n'ai pas d'objection,

Page 84

1 Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Re.

3 M. RE : [interprétation] Merci. Encore un point pour finir. Il y a deux

4 jours, Monsieur le Président, la Chambre a rendu une décision contre

5 l'Accusation sur la deuxième déposition du

6 12 novembre. L'Accusation envisage d'interjeter appel au sujet de cette

7 décision et nous le ferons, si l'autre déposition est rejetée également.

8 Aux fins d'identification et en préalable au procès-verbal, je souhaite

9 simplement soumettre cette déposition, la deuxième au témoin pour qu'il

10 l'identifie comme étant le document dont nous avons parlé l'autre jour,

11 sans aller plus loin. Si je puis faire cela pour le compte rendu préalable

12 à l'appel, ce document ne sera plus utilisé au cours de la procédure et en

13 cas d'appel, les choses seront clairement consignées par écrit, à savoir le

14 fait que ce témoin a identifié ce document. C'est tout.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Morrissey.

16 M. MORRISSEY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Le

17 fondement nécessaire n'a pas été établi. Ce document n'a pas été admis au

18 dossier de la présente affaire et cela ne sert à rien d'essayer de le faire

19 entrer par la petite porte au cours de la présente audience. Si, à

20 l'avenir, il n'est plus besoin de revenir sur la chose qui est proposée

21 actuellement, je dirais que celle-ci est totalement irrégulière et que cela

22 n'a rien à voir avec la présente affaire, dans des circonstances où

23 l'Accusation a toute liberté de remédier à la situation, comme elle le

24 souhaite, grâce à d'autres agréments. Il n'y a pas de fondement pour que ce

25 document reçoive un numéro au cours de la présente audience. Monsieur le

Page 85

1 Président, vous avez déjà rendu une décision négative à cet égard,

2 précédemment. Je pense qu'on ne peut aller plus loin.

3 M. RE : [interprétation] Nous n'essayons pas de contourner la décision de

4 la Chambre. C'est simplement aux fins du procès-verbal que ce document

5 devrait être identifié. Nous pourrions en demander le versement dans deux

6 ou trois jours aux fins de la présente affaire en demandant que ce document

7 soit considéré comme recevable. Mais simplement pour le moment, il n'est

8 même pas identifié au procès-verbal et il y a des choses qui peuvent se

9 perdre. Si un appel a lieu dans les années à venir, certains documents se

10 perdent facilement, voyez-vous. Nous souhaitons simplement qu'il soit

11 enregistré à des fins d'identification. Cela n'a aucun rôle dans la

12 présente procédure. La Chambre ne pourra pas l'utiliser. Simplement, ce

13 document sera là, conservé aux fins d'un appel éventuel et nous avons

14 demandé à la Chambre de première instance de l'admettre, mais la décision

15 rendue par les Juges a été contraire à cette admission. Nous ne pouvons

16 aller plus loin.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Du point de vue des Juges de cette

18 Chambre, nous estimons que les deux documents ont un statut différent. Le

19 premier que nous n'avons pas accepté d'utiliser n'a pas été utilisé à

20 quelque moment que ce soit au cours du procès. Pour ce document, nous avons

21 un témoin en face de nous et il est possible que ce document soit

22 recevable. Je n'en suis pas sûr encore, en ce moment. Je n'ai pas encore

23 rendu de décision sur ce point. Les deux documents sont dans une situation

24 différente, voyez-vous.

25 Nous estimons qu'en l'absence d'un numéro, ce document n'empêchera pas

Page 86

1 l'Accusation de demander un agrément. Comme nous l'avons dit dans nos

2 décisions, nous renvoyons ces deux documents, c'est-à-dire, celui du 8

3 novembre et celui du 12, à examen ultérieur. En ce moment, la Chambre n'est

4 pas très favorable à ce que ce document reçoive un numéro.

5 M. RE : [interprétation] Comme vous voudrez, Monsieur le Président. Mais

6 j'en terminerai sur la note suivante : je n'ai pas l'intention d'utiliser

7 d'autres documents, les autres procès-verbaux d'interrogatoire, mais le

8 témoin a déclaré qu'il avait participé à un certain nombre

9 d'interrogatoires qui ont donné lieu à la rédaction de documents signés. Je

10 souhaite simplement que les dates de ces interrogatoires soient fournies

11 par le témoin. Cela prendra longtemps si on doit soumettre au témoin chacun

12 des documents pour lui demander chaque fois s'il a bien recueilli la

13 déposition en question tel et tel jour. C'est tout ce que je voulais dire.

14 J'aimerais simplement que les dates figurent au compte rendu d'audience,

15 rien de plus. Je ne fais rien pour essayer d'obtenir des preuves

16 supplémentaires par la bande, compte tenu de tout ce qui a été dit sur les

17 conditions dans lesquelles ces dépositions ont été recueillies. Je voudrais

18 simplement que le témoin nous donne les dates de ces dépositions, cela peut

19 aller vite.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que c'est déjà très directif.

21 M. RE : [interprétation] Peut-être.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] D'abord, vous pouvez demander au témoin

23 de dire quel jour il a recueilli des dépositions, quel jour il ne l'a pas

24 fait.

25 M. RE : [interprétation]

Page 87

1 Q. Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous des jours où vous avez recueilli

2 des dépositions de M. Halilovic ou des jours où ces documents ont été

3 signés ?

4 R. Je ne me souviens pas. C'était il y a 12 ans. Je ne m'en souviens pas.

5 Je pourrais peut-être examiner ces dépositions.

6 M. RE : [interprétation] Si cela est autorisé, j'aimerais que ces documents

7 soient soumis au témoin. Ils ne figurent pas dans le système électronique,

8 mais on pourrait montrer les textes au témoin et lui demander : "Est-ce

9 bien une déposition recueillie par vous ?" C'est tout.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mais cela servirait à quoi ?

11 M. RE : [interprétation] Cela irait dans le sens de la recevabilité de ces

12 interrogatoires car une contestation a été élevée compte tenu du fait que

13 le processus d'interrogatoire a été long et que selon la Défense, il y a eu

14 des versions différentes de la façon dont les choses se sont passées. Ceci

15 est pertinent, à notre avis, pour la Chambre de première instance qui

16 pourrait s'intéresser à savoir combien de dépositions ont été signées et

17 combien il y en a eu. Le témoin ne peut pas nous le dire sans examiner les

18 documents. Ceci a un rapport direct avec l'état d'esprit de M. Halilovic,

19 l'aspect intentionnel de ses actes, combien de dépositions il a signé,

20 combien de dépositions il a fait. J'aimerais simplement savoir combien de

21 dépositions ont été signées par lui.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Morrissey.

23 M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, objection. Il existe

24 une liste au titre de l'Article 65 ter du Règlement et tout cela, vraiment,

25 ne fait pas suite à l'interrogatoire principal. A mon avis, rien de probant

Page 88

1 ne figure dans tous ces éléments, contrairement à ce qu'affirme

2 l'Accusation s'agissant de déterminer l'aspect volontaire ou pas de ces

3 dépositions. La liste existe et elle a été fournie il y a déjà pas mal de

4 temps et à mon avis, ce témoin peut répondre quant à la question de savoir

5 combien de jours d'interrogatoire ont eu lieu et il n'est pas besoin d'un

6 long discours pour recevoir cette réponse.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je crains, Monsieur Re, que vous ne

8 puissiez pas obtenir ce que vous souhaitez, à ce stade.

9 M. RE : [interprétation]

10 Q. Pourrais-je simplement récapituler. Vous avez recueilli un certain

11 nombre de déclarations signées, n'est-ce pas, mais étant donné que 12 ans

12 se sont écoulés depuis, vous ne vous souvenez pas des dates où ces

13 déclarations ont été faites. Pendant la période de recueil des dépositions,

14 celles-ci étaient-elles signées ou pas ? Quels jours, quels mois ?

15 R. Toute l'instruction, en tout cas, la partie de l'instruction à laquelle

16 j'ai participé a duré, environ, un mois; c'est dans cette période que j'ai

17 participé au recueil des dépositions.

18 M. RE : [interprétation] C'est ce qui a été dit au cours de

19 l'interrogatoire principal.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Je propose une pause.

21 --- L'audience est suspendue à 12 heures 53.

22 --- L'audience est reprise à 13 heures 11.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Morrissey, nous

24 vous écoutons.

25 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Monsieur le

Page 89

1 Président, je dirais qu'il serait bon à ce stade de refuser d'accepter ce

2 document. J'admets que l'Accusation a fait tout ce qu'elle a pu en entrant

3 dans les détails avec le témoin au sujet de la façon dont les dépositions

4 ont été recueillies mais, j'ai fait objection à plusieurs reprises et

5 franchement l'Accusation a vraiment bien fait son travail. Elle a essayé

6 d'obtenir autant de détails que possible du témoin. Vous savez que

7 l'argument avancé, c'est qu'aucune proposition d'assistance par un avocat

8 n'a été faite à l'accusé. Il est tout à fait clair que telle a été la

9 situation. On ne l'a pas averti que certains éléments de preuve pourraient

10 être utilisés contre lui, et qu'il pouvait garder le silence, rien ne lui a

11 été dit au sujet des différentes catégories dans lesquelles entraient les

12 éléments de preuve qui lui étaient présentés. Il a été question d'un nombre

13 important de journées épuisantes passées à recueillir ces dépositions,

14 épuisantes journées non seulement pour M. Halilovic mais également pour le

15 témoin.

16 Je pense qu'en toute équité, Monsieur le Président, on peut dire sans aller

17 trop loin, que l'Accusation a fait tout ce qu'elle a pu et tout ce qu'elle

18 a dû mais que, par rapport à ce document, je pense qu'il faut refuser le

19 versement au dossier, qu'une décision doit être rendue pas la Chambre à

20 l'encontre de la recevabilité de ce document. J'ai encore à peine quelques

21 minutes pour traiter d'autres petites questions relatives à la 9e Brigade.

22 Je pense qu'en fait, que cinq minutes de questions pourraient être prévues,

23 si on devait rentrer dans les détails à ce sujet mais très franchement,

24 Monsieur le Président, je pense qu'à ce stade, une décision doit être

25 rendue, une décision négative.

Page 90

1 Bien entendu, la décision vous appartient, si vous pensez que l'Accusation

2 a mené l'interrogatoire en ne franchissant aucun seuil interdit, c'est à

3 vous que la décision appartient, mais je pense que j'ai présenté mes

4 objections. Je suis plein d'admiration pour la façon dont l'Accusation a

5 essayé de franchir le Rubicon dans les conditions les plus convenables qui

6 soient. Compte tenu de tout ce qui a été dit, désormais, la décision

7 appartient aux Juges et il est clair que les dispositions de l'Article 42

8 s'appliquent ainsi que celles du droit bosniaque. Ce document serait très

9 difficile à admettre.

10 On m'avertit comme d'habitude que je devrais ralentir.

11 Je voudrais encore, Monsieur le Président, vous dire que je vous

12 demanderais de rendre cette décision négative pour nous économiser aussi

13 pas mal de temps de contre-interrogatoire. Le contre-interrogatoire qui,

14 très franchement, abordera des questions que l'Accusation n'a pas essayé de

15 prouver et qui sont très certainement sensibles car nous savons que ce que

16 le témoin va dire, c'est ce que je viens de préciser moi-même.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Monsieur Re.

18 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président, la décision appartient

19 entièrement à la Chambre. Si vous souhaitez entendre le contre-

20 interrogatoire de Me Morrissey, c'est à vous d'en décider. Je ne saurais

21 dire quoi que ce soit qui s'applique. Si la Chambre souhaite que je

22 m'exprime plus avant, je peux certainement le faire sur la base de la

23 déposition recueillie par l'Accusation quant à la recevabilité de ce

24 document, mais quant au contre-interrogatoire de Me Morrissey, je ne pense

25 pas que je puisse en parler.

Page 91

1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Parlez-nous de ce deuxième point.

2 M. RE : [interprétation] Un instant, je cherche la bonne cote.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] MFI 297.

4 M. RE : [interprétation] Cette pièce en tant que telle, par sa nature, par

5 son contenu, doit voir s'appliquer les critères élémentaires de l'admission

6 au 89(C), à savoir que la Chambre peut admettre des éléments qui ont une

7 valeur probante. Il faut que la déclaration en question signée par l'accusé

8 soit pertinente et ait une valeur probante dans ce procès.

9 La Défense ne va pas contester la pertinence ni la valeur probante de

10 ce document s'il était versé au dossier. A moins que vous me le demandiez,

11 je pourrais vous dire pourquoi à nos yeux ce document est pertinent et a

12 une valeur probante.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Poursuivez.

14 M. RE : [interprétation] Vous pouvez me donner l'autorisation de

15 m'expliquer sur cette valeur probante. Je peux le faire si vous êtes

16 convaincu que ces conditions sont remplies, je peux parler de l'exclusion.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous n'avez pas à parler de la valeur

18 probante ni de la pertinence de ce document. Nous comprenons parfaitement

19 que c'est ici un document pertinent qui présente un certain degré de valeur

20 probante. Nous n'en sommes pas encore à ce stade, limitons notre champ

21 d'investigation à la première question.

22 M. RE : [interprétation] Les deux Règles présidant à l'exclusion, il y a

23 le 89(D) qui habilite la Chambre à exclure des éléments pertinents, bien

24 sûr c'est au (C) que c'est dit, mais sa valeur probante est lorsqu'il y a

25 la nécessité d'assurer un procès équitable qui prime de façon

Page 92

1 substantielle, substantielle dis-je. Si c'était exclu, ce document qui est

2 pertinent et qui a une valeur probante, qui est très pertinent et qui a une

3 haute valeur probante à notre avis, -- disons que je reformule.

4 On parle du fait de la nécessité du procès équitable qui prime de

5 façon substantielle. L'Accusation reçoit -- l'accusé bénéficie d'un droit

6 d'un procès équitable, et si ce document était admis, il n'y aurait pas

7 d'iniquité, soit parce qu'on a admis ce document au dossier, ou par

8 l'utilisation que pourrait en faire la Chambre de première instance.

9 L'accusé peut disposer de toutes les possibilités possibles, il peut

10 essayer de réfuter ce document en appelant des témoins en réplique. Il a

11 l'avis des conseils, il dispose de tous les moyens nécessaires ici pour

12 veiller à l'équité du procès même si ce document est versé au dossier. A

13 notre humble avis, ce n'est pas la disposition qui s'applique.

14 La disposition réglementaire qui s'applique et c'est la base

15 essentielle de l'objection de la Défense, c'est l'Article 95 qui a pour

16 intitulé : "Exclusion de certains éléments de preuve." Il y a deux parties

17 à ces critères. "Aucun document ne sera recevable s'il est obtenu par des

18 méthodes qui jettent un doute substantiel sur la fiabilité du document, ou

19 si son admission va à l'encontre d'une bonne administration de la justice

20 et si ceci lui porterait," - conditionnel - "clairement atteinte." Donc, il

21 y a deux parties.

22 La première, c'est le doute sérieux quant à sa fiabilité. On n'a pas

23 jeté le doute sur la fiabilité de la teneur de la déclaration en question.

24 Si vous examinez cette déclaration, vous verrez qu'elle corrobore des

25 éléments de preuve apportés par d'autres témoins, elle corrobore d'autres

Page 93

1 documents concernant Grabovica. De prime abord, rien dans ce document, rien

2 dans ce qu'a dit l'accusé dans cette déclaration écrite ne jette le doute

3 de façon substantielle sur la fiabilité de la teneur de cette déclaration.

4 C'est là le cœur du problème. S'agit-il d'un document fiable ? Ce qu'a dit

5 l'accusé en 1993, est-ce fiable ce qui se trouve dans cette déclaration,

6 est-ce fiable ? La Chambre peut-elle se fier sur ce document pour condamner

7 ou acquitter l'accusé ?

8 Si vous examinez ce document, de prime à bord, ce qui s'y trouve, à

9 notre avis, est tout à fait fiable et exact. M. Okic vous a relaté les

10 circonstances dans lesquelles cette déclaration a été recueillie. On n'a

11 pas contesté le fait, par exemple, que l'accusé n'aurait pas signé ce

12 document, on n'a pas contesté que ce qui est repris dans cette déclaration

13 ne serait pas les dires de l'accusé. On ne dit pas non plus que le contenu

14 n'est pas fiable, on ne conteste pas, que ce soit par le biais d'autres

15 éléments de preuve ou par la contestation du témoin, on ne dit pas que le

16 contenu n'est pas fiable. A mon humble avis, la Chambre ne pourrait pas

17 dire, à partir de ce document, que la teneur du document n'est pas fiable.

18 Peu importe la durée des interrogatoires, la durée des interrogatoires en

19 état de détention ou de non détention, c'est la fiabilité du document qui

20 doit intéresser les Juges. Il faut qu'il y ait un doute sérieux,

21 substantiel, quant à la fiabilité du document. Le mot qui compte ici, c'est

22 ce qui est dit des moyens qui entament fortement sa fiabilité.

23 Repensez aux méthodes utilisées. De là à savoir ou quant à

24 savoir si M. Halilovic avait la présence d'un avocat ou a renoncé à sa

25 présence, ce n'est pas ce qui compte. Ce qui compte, c'est de savoir si ses

Page 94

1 dires sont exacts et fiables ?

2 Je prends le deuxième segment de ces critères, on dit : "Ou si son

3 admission allant à l'encontre d'une bonne administration de la justice lui

4 porterait gravement atteinte." Donc il faut remplir deux conditions, il

5 faut qu'il y ait des doutes quant à la fiabilité à partir des méthodes

6 utilisées, et une fois ceci déterminé, si ceci était de nature à porter

7 gravement atteinte à la bonne administration de la justice.

8 A mon avis, le versement de cette pièce au dossier et son utilisation

9 par la Chambre ne saurait porter gravement atteinte à ce procès. M.

10 Halilovic bénéficie de tous les droits consacrés par l'Article 21 du Statut

11 pour ce qui est d'un procès équitable, il y a aussi toutes ces sauvegardes

12 inscrites dans le Règlement. La Chambre, c'est certain, va soupeser chacun

13 des documents avec le plus grand soin pour en déterminer la valeur

14 probante. Nous estimons que c'est un document fiable, contemporain des

15 faits et il est certain que ceci cadre avec les meilleurs éléments de

16 preuve reçus. Déclaration que M. Halilovic a faite dans les deux mois suite

17 aux événements qui font l'objet de l'acte d'accusation. C'est bien mieux

18 que l'interrogatoire mené par l'Accusation en 2001, ou que le livre qu'il a

19 écrit. C'est la meilleure archive, la meilleure consignation possible de ce

20 qu'il a dit à propos des événements de Grabovica. C'est bien mieux que si

21 l'accusé déposait aujourd'hui, parce que s'il le faisait aujourd'hui ce

22 serait 13 ans après les événements, alors qu'ici, c'est un récit

23 contemporain des événements plus fiable dès lors parce qu'il est

24 contemporain par rapport aux événements.

25 Je me permets de vous soumettre quelques éléments permettant de déterminer

Page 95

1 si ce document est recevable ou pas, s'agissant des modalités de recueil

2 d'interrogatoire ou de déclaration plus exactement. Tout d'abord, il y a

3 les circonstances en place. Lorsqu'il s'agit de déterminer les méthodes, de

4 savoir si celles-ci mettent fortement en doute la fiabilité d'un document,

5 il faut voir dans quel cadre ceci se déroule. C'était la guerre, à l'époque

6 Sarajevo était assiégée, on soupçonnait M. Halilovic d'avoir participé à

7 une mutinerie, un soulèvement armé. M. Okic a dit qu'à un certain temps, il

8 n'y avait pas d'électricité. M. Okic lui-même a parlé du comportement des

9 brigades et on soupçonnait M. Halilovic d'être de mèche ou partie prenante

10 avec ces brigades. On a parlé de l'enlèvement du témoin qui a dû aller

11 creuser des tranchées.

12 Bien sûr, ce ne sont pas des circonstances parfaites. Nous ne le disons pas

13 un seul instant. Si l'interrogatoire avait été mené par l'Accusation,

14 effectivement, il ne serait pas recevable parce que cela serait en

15 application de l'Article 42 qui prévoit certaines conditions à respecter

16 s'agissant des obligations envers ce Tribunal. L'objet de l'interrogatoire

17 de M. Halilovic n'avait rien à voir avec ce Tribunal-ci, à l'époque. Cela

18 avait commencé, comme vous l'a dit M. Okic, par les antécédents généraux de

19 M. Halilovic dans l'armée et après, de façon plus précise, par exemple, on

20 a parlé de Grabovica. On voulait surtout mener une enquête sur la

21 participation présumée de M. Halilovic à un soulèvement armé présumé. Donc,

22 on l'interroge parce qu'apparemment il y a eu coup d'Etat, mutinerie. On ne

23 le soupçonne pas de crimes de guerre, l'enquête s'est menée pour une raison

24 tout à fait différente.

25 En de telles circonstances, il n'est surprenant qu'on ait fait venir M.

Page 96

1 Halilovic tous les jours et qu'il ait été longuement interrogé sur

2 plusieurs sujets, parce qu'on le soupçonnait d'avoir commis de graves

3 infractions envers l'Etat, à l'époque. La façon dont il a été traité au

4 cours de ces interrogatoires, en particulier, celui qui nous intéresse qui

5 porte la cote 297. Quelles sont-elles ces circonstances ? Il a été amené

6 par un policier de la police militaire qui l'a laissé à l'accueil, on l'a

7 introduit dans une pièce où il a été interrogé. Il a bénéficié des droits

8 habituels. Il n'a pas demandé à voir un avocat, droit qu'on attribue

9 normalement à une personne dans de telles circonstances. Il a pu utiliser

10 un téléphone, il l'a fait d'ailleurs. Il était en tenue militaire. On lui a

11 laissé le droit et la dignité de garder son grade. On lui a donné des

12 repas, il a eu des pauses, des interruptions et rien n'a suggéré que le

13 témoin ou M. Popovic aient fait quoi que ce soit pour exercer une

14 quelconque contrainte. On a dit qu'il y avait peut-être une pression

15 psychologique parce que les interrogatoires ont été longs. M. Okic vous l'a

16 dit, quiconque se trouvant dans de telles circonstances aurait été stressé.

17 C'est tout à fait vrai, d'ailleurs. Nous n'en doutons pas.

18 Ce qui compte, c'est l'arme. Pourquoi est-ce que M. Halilovic était armé

19 chaque fois, pourquoi est-ce qu'il avait une arme ? Elle aurait pu être

20 chargée cette arme ? M. Okic pourrait vous donner une description assez

21 détaillée de cette arme. A notre avis, c'est là un élément important pour

22 déterminer la façon dont vous allez statuer. Un homme de son grade vient à

23 un interrogatoire, il est armé tous les jours alors qu'on l'escorte, il a

24 quand même une arme. Quand on le fait entrer dans la pièce, il a une arme.

25 C'est seulement où il est dans la pièce qu'on place l'arme sur une armoire.

Page 97

1 Par conséquent, il est traité avec respect. Il répond aux questions de

2 plein gré, et ce qui compte de l'importance encore, c'est comme vous l'a

3 dit M. Okic, c'est qu'il n'y a pas eu une seule ligne qui a été

4 dactylographiée sans l'approbation de M. Halilovic. Il y a eu des

5 corrections qui ont été apportées et, au bout du compte, il a signé ce

6 document. Vous le verrez aussi à la lecture de ce document, il a dit

7 n'avoir pas de grief. Au dernier paragraphe, il dit ceci : "J'ai dicté la

8 déclaration, elle contient tout ce que j'ai dit et j'accepte tout ce qui a

9 été dit en apposant ma signature et je tiens à ajouter que les préposés à

10 l'interrogatoire m'ont bien traité." Il n'y a pas de grief, pas de plainte

11 formulée s'agissant des personnes chargées de l'interrogatoire. Or, c'est

12 ceux-ci qui vont préoccuper, cela ne veut pas dire donc, qu'il aurait été

13 mal traité.

14 S'il a été bien traité au cours de cet interrogatoire, nonobstant le

15 fait qu'il n'a pas demandé un avocat et qu'il n'y avait pas présence de

16 l'avocat. Cela présente tous les indices attestant du caractère volontaire.

17 De prime abord, c'est recevable, parce que c'est un document pertinent, il

18 a une valeur probante faite de plein gré par l'accusé au moment des faits,

19 fait recevable parce qu'il n'a pas été obtenu par des méthodes qui entament

20 fortement sa fiabilité puisque, notons-le, il a corrigé le document, il a

21 apporté des corrections, il l'a étudié ligne après ligne avant de le

22 signer. A notre avis, le versement du document au dossier n'est pas de

23 nature à porter gravement atteinte à la bonne administration de la justice.

24 Oui, mon confrère me rappelle une chose s'agissant de la pression

25 psychologique. Auparavant, j'ai parlé des circonstances dans lesquelles les

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1 déclarations étaient recueillies dans Sarajevo à l'époque. Ces pressions

2 psychologiques, elles sont peut-être propres à tout un chacun se trouvant à

3 l'époque à Sarajevo. Il est certain que M. Halilovic se trouvait sous

4 pression parce qu'il était interrogé, mais il y avait beaucoup de pressions

5 exercées sur les habitants de Sarajevo au moment du siège, des pilonnages,

6 des bombardements et ceci n'est pas de nature à jeter le doute sur la

7 fiabilité de la déclaration.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. RE : [interprétation] Une dernière chose. Je me permets d'appeler votre

10 attention sur le fait que même si quelquefois les interrogatoires ont duré

11 douze heures, le témoin indique que beaucoup de temps a été consacré à

12 l'examen par M. Halilovic de chaque ligne de la déclaration. On a passé

13 beaucoup de temps à dicter la déclaration, à la corriger, ce qui est un

14 indice supplémentaire de sa fiabilité. J'en ai terminé, Monsieur le

15 Président.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Après en avoir délibéré avec

19 mes collègues, je tiens à rappeler ce que la Chambre a déjà dit, à savoir

20 que la Chambre est régie par le Règlement de procédure et de preuve du

21 Tribunal. La Chambre n'est pas tenue par des Règles d'administration de la

22 preuve nationale. Tout élément de preuve obtenu par des moyens qui sont

23 contraires aux droits humains reconnus internationalement doit être exclu

24 en application de l'Article 95 du Règlement.

25 Lorsque la nécessité d'assurer un procès équitable prime sur la

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1 valeur probante, il faut exclure l'élément de preuve concerné en

2 application de l'alinéa (D) de l'Article 89 du Règlement.

3 Nous sommes d'accord avec la Défense lorsqu'elle dit qu'il revient à

4 l'Accusation d'apporter de façon convaincante et au-delà de tout doute

5 raisonnable la preuve que la déclaration a été faite de plein gré et

6 qu'elle n'a pas été obtenue par des moyens ou un comportement illicite.

7 Nous pensons également qu'un accusé devrait avoir le droit à bénéficier

8 d'un procès équitable quel qu'il soit. C'est là un droit absolu qui prévaut

9 devant tout tribunal pénal international. La fiabilité d'un élément de

10 preuve ne s'établit uniquement qu'à partir de la teneur du document, mais

11 aussi à partir de la façon dont ce document a été obtenu, ou par la

12 procédure suivie pour l'obtenir. Puisque le droit de l'accusé à un procès

13 équitable est un droit absolu, par conséquent, quel que soit les

14 circonstances même en situation de guerre, on ne peut déroger en aucune

15 façon à ces droits.

16 Nous entendrons ce que ce témoin a à nous dire s'agissant de la procédure

17 utilisée, s'agissant de la manière dont ces interrogatoires ont été menées,

18 dont ses déclarations ont été recueillies, et nous avons entendu qu'on

19 n'avait pas offert à l'accusé le bénéfice de l'assistance d'un conseil.

20 Quel que soit le degré d'éducation, le niveau d'instruction d'un accusé,

21 que ce soit un avocat ou un simple agriculteur, il a un droit inaliénable,

22 c'est celui-là, à moins qu'il ne dise expressément qu'il veut renoncer au

23 droit qui est le sien d'avoir l'assistance d'un conseil. Le témoin nous a

24 dit que les interrogatoires ont duré un mois et que, chaque jour, les

25 interrogatoires ont duré de 10 à 12 heures. C'est exagérément long à notre

Page 100

1 avis.

2 La Chambre de première instance conclut que la déclaration de l'accusé ne

3 s'est pas faite en conformité avec le Règlement et le Statut du Tribunal.

4 Par conséquent, cette déclaration n'est pas admise au dossier en

5 application de l'Article 95 du Règlement de procédure et de preuve. Telle

6 est notre décision.

7 M. MORRISSEY : [interprétation] Je vous remercie. Puis-je vous demander

8 deux minutes pour voir si j'ai des questions à poser à ce témoin ? J'y

9 réfléchissais pendant que vous vous prononciez.

10 Soixante secondes pour réfléchir à la question, s'il vous plaît.

11 Je ne vais sans doute pas lui poser de questions.

12 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

13 [Le conseil de la Défense se concerte]

14 M. MORRISSEY : [interprétation] Un seul sujet que je voudrais aborder avec

15 ce témoin, mais je vais pouvoir en terminer dans les temps.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Faisons entrer le témoin. Nous allons

17 peut-être prolonger notre audience sans pour autant siéger l'après-midi.

18 M. MORRISSEY : [interprétation] Merci.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] C'est une excellente nouvelle, n'est-ce

20 pas puisqu'il fait beau dehors en plus.

21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Morrissey, votre contre-

23 interrogatoire.

24 Contre-interrogatoire par M. Morrissey :

25 Q. [interprétation] Merci, cinq minutes à peine, peut-être un peu plus

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1 pour vous poser des questions. Ces questions sont liées aux connaissances

2 que vous avez des surveillances clandestines. Je sais qu'il y a certains

3 sujets que vous ne voulez pas évoquer, car il y a un secret d'Etat. Je

4 voulais simplement vous poser quelques questions à propos des procédures

5 suivies pour la mise en place de ces mesures clandestines.

6 Quelles sont les procédures qu'il fallait engager s'il y avait mise sur

7 écoute d'une ligne particulière ? Un agent qui voulait y procéder, qu'est-

8 ce qu'il devait faire ?

9 R. Il fallait au fond qu'il obtienne des renseignements concrets indiquant

10 les activités répréhensibles dans un contexte politique, à savoir que

11 quelqu'un se livrait ou s'apprêtait à se livrer à des activités

12 anticonstitutionnelles. Il fallait que ces renseignements soient fiables. A

13 ce moment-là, on peut engager des poursuites et on demande des

14 autorisations afin de pouvoir utiliser ces renseignements contre une

15 personne, contre un groupe de personnes, ou même contre toute une

16 institution.

17 Q. Oui. C'est là-dessus que porte ma question. Vu le grade de M.

18 Halilovic, il était chef d'état-major des forces armées, ou même à un stade

19 antérieur à celui-là. Lorsqu'il a été commandant des forces armées de

20 Bosnie, il portait le titre de chef du Grand état-major de cette armée.

21 Mais lorsqu'il était commandant au sein du ministère de l'Intérieur, quelle

22 était la personne ayant, en dernière instance, le pouvoir d'approuver la

23 mise sur écoute de la ligne de téléphone de

24 M. Halilovic ?

25 R. Il fallait tout d'abord faire une demande qui devait venir de la

Page 102

1 direction de la Sécurité militaire, nous n'utilisons jamais ces mesures

2 pour les membres des forces armées, sans avoir une requête officielle,

3 express, du service de la Sécurité militaire. C'est uniquement après avoir

4 reçu une telle requête officielle de ce service que nous imposerions ce

5 genre de mesures à un personnel militaire. C'est ce que nous avons fait

6 pendant la guerre et avant la guerre.

7 Q. Mis à part cet aval, cette autorisation venant de la Sécurité

8 militaire, qui au sein du MUP du ministère de l'Intérieur avait, en vertu

9 de vos Règlements, l'autorité nécessaire pour approuver la mise sous écoute

10 de la ligne de M. Halilovic ? Est-ce que c'était le ministre, ou quelqu'un

11 en dessous du poste de ministre ?

12 R. Officiellement, cela devait être le chef de la Sûreté de l'Etat

13 puisqu'il s'agissait ici d'un ressortissant du pays. Mais je suis convaincu

14 que le ministre de l'Intérieur était informé, ce que je veux dire il

15 s'agissait ici d'une personne haut placée et je ne crois franchement pas

16 que le ministre aurait pu ne pas être au courant ou informé.

17 Q. Au mois d'octobre ou au mois de novembre 1992, qui était le chef de la

18 Sûreté d'Etat ?

19 R. Vous voulez dire 1992 ou 1993 ?

20 Q. En 1992, au cours de la première année de guerre ?

21 R. Je crois que c'était M. Ugljen, feu M. Ugljen, il avait déjà été nommé

22 à ce moment-là.

23 Q. Au cours de cette période, qui était ministre de l'Intérieur ?

24 R. Si je me souviens bien, c'était Bakir Alispahic.

25 Q. Passons au mois de juin 1993, à ce moment-là qui était le chef de la

Page 103

1 Sûreté de l'Etat ?

2 R. La même personne.

3 Q. Qui est-ce qui était ministre de l'Intérieur ?

4 R. Je suppose que c'était Bakir Alispahic, à l'époque aussi, mais je ne

5 suis pas sûr. Je pense que vers la fin 1992, en 1993, ces deux hommes

6 étaient toujours chefs à ce poste.

7 Q. Je comprends. Savez-vous si l'un et l'autre de ces hommes étaient des

8 membres du SDA ?

9 R. Je n'ai pas d'information qu'ils étaient membres du SDA, mais je pense

10 qu'ils ont été nommés par le SDA. Ceci n'aurait pas pu être possible sans

11 leur aval, donc je pense que le SDA qui les avait nommés, mais je ne peux

12 pas affirmer que ni l'un ni l'autre ait été formellement membre du SDA, je

13 n'ai tout simplement pas d'information à ce sujet.

14 Q. Très bien. Pour le compte rendu d'audience, je souhaite dire quelque

15 chose concernant le résultat des écoutes téléphoniques. Lorsque l'on

16 procédait aux écoutes téléphoniques, est-ce que d'habitude un employé du

17 service de Sûreté d'Etat rédigeait à la main la transcription de cet appel

18 téléphonique ?

19 R. Oui, la personne écoutait l'enregistrement, puis il écrivait soit

20 l'ensemble de la conversation, soit l'essentiel en fonction de ce qui avait

21 été convenu au préalable, ou en fonction des instructions qu'il avait

22 reçues par ses chefs.

23 Q. Très bien. Est-ce que le dactylographe ensuite soumettait ce rapport à

24 un membre du service de Sûreté d'Etat, afin que celui-ci soit réexaminé et

25 analysé ?

Page 104

1 R. Oui, bien sûr. C'était remis à la personne qui était en charge de

2 l'affaire.

3 Q. Oui. Est-ce que, d'après la pratique, cette personne qui recevait le

4 document écrit à la main intégrait les parties pertinentes de ce document

5 dans un rapport ?

6 R. Oui, certainement.

7 Q. Oui, je comprends. Est-ce que cet agent du SDB devait intégrer chaque

8 détail de cette conversation téléphonique dans le rapport, ou juste les

9 parties qu'il considérait ou qu'elle considérait importantes ?

10 R. Normalement, juste les parties considérées comme importantes, car les

11 gens disaient toutes sortes de choses par téléphone, donc nous n'avions pas

12 suffisamment de temps pour intégrer tout cela. Surtout en ce qui concerne

13 les conversations complètement sans importance et privées.

14 Q. Où étaient préservés les enregistrements ou plutôt les traces de ces

15 appels téléphoniques préservés au sein du SDB. Là, je parle à la fois des

16 documents écrits à la main et des rapports qui sont fondés sur ces

17 documents ?

18 R. Cela dépendait des affaires.

19 Q. Très bien. Est-ce qu'il y avait des archives dans lesquelles les

20 transcriptions et les rapports devaient être envoyés normalement ?

21 R. Oui, il y avait des archives pour les dossiers qui étaient clos, mais

22 toutes les transcriptions des conversations téléphoniques faisaient partie

23 des dossiers. Une fois que le dossier était clos, si personne n'en n'avait

24 plus besoin, dans ce cas-là, il était archivé. Il n'y avait pas une archive

25 à part pour les conversations téléphoniques et les transcriptions d'une

Page 105

1 conversation téléphonique.

2 Q. Oui, je comprends. Il y avait des archives générales, mais toutes les

3 transcriptions, tout les rapports se fondant sur ces transcriptions

4 normalement devaient être archivées, une fois le dossier clos; est-ce

5 exact ?

6 R. Oui, dans le cadre du dossier de l'affaire.

7 Q. Oui. Ces archives relevaient du ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas

8 ?

9 R. À l'époque, oui. Aujourd'hui puisque les services secrets se sont

10 séparés du ministère, je pense que ceci relève du service de Renseignement

11 et de Sécurité, mais je ne sais pas très exactement quelle est son

12 appellation.

13 Q. Très bien. Est-ce que vous pourriez nous dire à quel moment ces

14 services se sont séparés approximativement ?

15 R. En 1996. L'agence chargée des recherches de la documentation a été

16 créée.

17 Q. Merci. Par quelle procédure les membres de la Sûreté de l'Etat avaient

18 accès aux documents archivés ?

19 M. RE : [interprétation] Je me demande si ceci est pertinent par rapport à

20 la procédure, ou est-ce que la Défense pose des questions à ce témoin afin

21 de corroborer leur propre thèse.

22 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Maître Morrissey, je pense que dans

23 le cadre du contre-interrogatoire, vous pouvez poser toutes questions si

24 elles sont pertinentes pour cette affaire. Peut-être que vous pourriez être

25 plus précis dans ces questions.

Page 106

1 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui. Concrètement parlant le Procureur a

2 dit, par le passé, qu'il souhaitait verser au dossier un nombre de

3 transcriptions des conversations téléphoniques, et nous souhaitons savoir

4 de quelle manière ces transcriptions sont préservées, comment on peut y

5 avoir accès, bien sûr. Il ne s'agit pas de transcriptions de ce témoin, il

6 n'y a aucun lien entre lui et ces transcriptions, mais il est tout à fait

7 précieux car il peut nous raconter à quoi ressemble la procédure. Je pense

8 qu'à la fois les Juges et la Défense pourront avoir une idée de la manière

9 dont il est possible d'accéder à ces archives. Peut-être par la suite, nous

10 allons nous opposer à l'admissibilité de tels documents, mais nous aurons

11 certainement des arguments concernant l'admissibilité. C'est la raison pour

12 laquelle je pose cette question.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pourrez poursuivre, mais n'allez pas

14 dans trop de détails, n'élargissez pas cela à d'autres domaines.

15 M. MORRISSEY : [interprétation] Il n'y aura d'attaques collatérales, soyez

16 rassuré, Monsieur le Président, j'ai presque terminé.

17 Q. Je pense qu'à l'origine j'ai posé la question, -- excusez-moi, Monsieur

18 Okic, j'ai oublié. En fait, quelles étaient les procédures par le biais

19 desquelles les personnes au sein de l'administration de la Sûreté pouvaient

20 accéder aux documents archivés ?

21 R. Il fallait soumettre une -- enfin il existe un formulaire à remplir. A

22 l'époque, il fallait remplir un formulaire, ensuite remonter la chaîne de

23 commandement et les chefs devaient donner leur aval. La première question

24 posée par le chef allait être pourquoi, si ceci ne concernait pas

25 concrètement une affaire, comme cela la personne devrait prouver qu'elle

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1 avait besoin de ce dossier, car il y avait éventuellement un lien avec

2 l'affaire qui concernait la personne, à ce moment-là. C'est seulement à ce

3 moment-là qu'il recevait l'aval.

4 Q. Je pense qu'il me reste encore cinq, ou peut-être six questions.

5 Merci. Voici ma question : lorsqu'un document est proposé pour être

6 détruit, lorsque l'on propose la destruction d'un document, quelle est la

7 procédure à suivre, et notamment pour ce qui est des transcriptions des

8 conversations téléphoniques ?

9 R. Ces transcriptions de conversation n'étaient pas détruites, mais

10 faisaient partie du dossier. Puis il y avait une procédure de prévue pour

11 détruire les dossiers. Si au fur et à mesure on arrivait à la conclusion

12 qu'aucune donnée ne confirmait les activités hostiles, il était proposé de

13 clore l'affaire et de détruire l'ensemble du dossier.

14 Q. Si un dossier était détruit, normalement il existe une trace de cette

15 demande de destruction du dossier, n'est-ce pas ?

16 R. Bien sûr, il y a toujours la proposition écrite de l'agent qui reste,

17 l'agent qui propose la destruction du dossier, et la motivation, et quelles

18 sont les raisons pour lesquelles ceci est proposé.

19 Q. J'ai encore une question concernant les étiquettes. Lorsque des mesures

20 opérationnelles sont entamées à l'encontre d'une personne, qu'il s'agisse

21 des écoutes ou autres mesures, que voulait dire le chiffre 02 placé à côté

22 du nom de cette personne, autrement dit le numéro 02 signifiait quoi, le

23 numéro 02 placé à côté de la personne, ou de l'identification de la

24 personne ?

25 R. Je ne vois pas de quoi vous parlez lorsque vous dites 02. Pour nous,

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1 les numéros signifiaient certains domaines d'activités. C'est peut-être à

2 cela que vous faites référence.

3 Q. Oui, c'est à cela que je faisais référence. Si le numéro 02 était

4 apposé, est-ce que cela voulait dire qu'il s'agissait là d'un ennemi de

5 l'Etat ?

6 R. Ennemi interne, pendant un certain temps seulement, car les numéros

7 changeaient avec le temps. Je ne sais pas si en 1993 cela voulait dire que

8 c'était ennemi interne de l'Etat.

9 Q. Oui. Où est-ce que l'on peut trouver ce que voulait dire 02 en 1992 et

10 1993 ? Certainement il y avait un livre ou un document expliquant les

11 codes, les chiffres. Est-ce que vous pourriez nous clarifier cela ?

12 R. On était informés de manière interne. On recevait de manière interne

13 l'information indiquant qu'à partir de ce jour-là, 02 ne voulait plus dire

14 ennemi interne, mais une chose tout à fait différente. A ce moment-là,

15 toutes les unités sur le terrain et toutes les branches de la Sûreté de

16 l'Etat, recevaient cette information, et à partir de ce moment-là les

17 indices étaient différents.

18 Q. Oui. Peut-être vous ne savez pas cela, mais faites un commentaire, s'il

19 vous plaît. Si un document contenait une référence au code, au chiffre, au

20 nom de code de Sefer Halilovic et le numéro 02, et après il était démis de

21 ses fonctions du commandant de l'armée, et il est devenu chef de l'état-

22 major. Si vous examinez un tel document, vous auriez conclu que le numéro

23 02 voulait dire qu'il était l'ennemi de l'Etat et qu'il était placé sous la

24 surveillance de manière appropriée ?

25 R. Non. Ce numéro 02, c'est ce qui existe dans l'en-tête et non pas à côté

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1 du nom de la personne, qui faisait l'objet de certaines mesures.

2 Q. Très bien.

3 R. Peut-être ceux qui étaient en charge de cette affaire lui avaient

4 accordé un code, le code 02, il faudrait que je voie le document dans

5 l'original. Mais pour ce qui est de ce code 02, ceci marquait seulement la

6 ligne de l'enquête.

7 Q. [aucune interprétation]

8 M. MORRISSEY : [interprétation] Est-ce qu'on peut montrer au témoin la

9 pièce MFI256, la version en langue bosniaque de toute façon.

10 Nous allons vous montrer un document, Monsieur Okic, et je vais vous

11 demander de faire un commentaire à ce sujet, si possible. 256, excusez-moi.

12 Monsieur le Président, la version en anglais est apparue, mais veuillez

13 s'il vous plaît placer la version en B/C/S.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici je voie UB, cela veut dire

15 l'administration de la Sûreté. Je suppose que c'est leur insigne. En haut à

16 droite il y a les mots UB.

17 M. MORRISSEY : [interprétation]

18 Q. Oui.

19 R. Je suppose qu'il s'agit là de leur appellation.

20 Q. Oui. Il y existe aussi certaines annotations apposées par la Défense

21 par M. Dzambasovic, peut-être d'autres personnes, et par exemple, le

22 "document numéro 322." Mais le numéro 02 en dessous m'intéresse. Qu'est-ce

23 que ce numéro 02 vous indique à vous ?

24 R. Ici à gauche 03, cela veut dire que c'était un document qui a été

25 rédigé dans le département 03.

Page 110

1 Q. [aucune interprétation]

2 R. Mais quant à 02, vraiment je ne sais pas ce que cela veut dire.

3 Q. Vous voyez de quoi je parle, n'est-ce pas, en haut à droite ?

4 R. Oui, je vois le numéro 02, mais vraiment je ne vois pas de quoi il

5 s'agit. Je vois que le document a été rédigé dans le département 03.

6 Q. Que représente le département 03 ?

7 R. Je pense que --

8 Q. Je vais vous interrompre, compte tenu de la confidentialité, peut-on

9 passer à huis clos partiel, s'il vous plaît ?

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.

11 [Audience à huis clos partiel]

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 [Audience publique]

20 M. MORRISSEY : [interprétation]

21 Q. Pour finir, je vais vous poser les questions suivantes : Lorsqu'une

22 personne était placée sous surveillance, est-ce qu'une décision formelle

23 devait exister pour mettre fin à cette surveillance, ou est-ce qu'au bout

24 d'un certain temps, cette surveillance cessait d'elle-même ?

25 R. De telles mesures ne peuvent pas cesser d'elles-mêmes. A chaque fois,

Page 111

1 la personne en charge doit demander certaines mesures et doit demander

2 aussi à quel moment elles doivent arrêter d'être appliquées.

3 Q. Est-ce que votre organisation devait garder les traces de ceux qui ont

4 participé à la surveillance d'une certaine personne, d'un individu ?

5 R. Je pense que dans le cas lié à M. Halilovic, en ce qui concerne toutes

6 les informations, y compris ce document, nous les transmettions à

7 l'administration de la Sécurité militaire.

8 Q. Mais vous gardiez les copies au MUP, au service de Sûreté de l'Etat,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Seulement si le chef du service donnait un tel ordre.

11 Q. Est-ce que vous savez par hasard s'il a émis un tel ordre ou pas ?

12 R. C'est la première fois que je vois un tel document concernant

13 l'application des mesures supplémentaires au sujet de

14 M. Halilovic. Je n'ai pas vu de tels documents et je ne sais pas s'ils

15 existent au sein de la Sûreté de l'Etat, ou si tous les documents ont été

16 envoyés à l'administration de la Sécurité militaire.

17 Q. Merci beaucoup. Je n'ai plus de question.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, y a-t-il des questions

19 supplémentaires ?

20 M. RE : [interprétation] Non.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, y a-t-il d'autres documents à

22 verser au dossier, à ce stade ? J'ai l'impression -- Oui ?

23 M. RE : [interprétation] Est-ce que le dernier document a été marqué aux

24 fins d'identification ?

25 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je pense qu'il a déjà été versé au

Page 112

1 dossier, non ? Il s'agira de --

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] MFI 256.

3 M. MORRISSEY : [interprétation] Je pense que ceci n'a toujours par été

4 versé au dossier, mais je pense que ce témoin n'est pas d'accord pour dire

5 qu'il l'a déjà vu. Je pense qu'à l'avenir, le Procureur devrait poser des

6 questions à la personne appropriée par rapport aux transcriptions.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Merci.

8 Monsieur le Témoin, merci beaucoup d'être venu à La Haye afin de déposer.

9 Après la fin de notre travail aujourd'hui, Mme l'Huissière va vous escorter

10 en dehors de ce prétoire, et nous vous souhaitons tous un bon retour chez

11 vous.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous.

13 [Le témoin se retire]

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] L'audience est terminée.

15 --- L'audience est levée à 14 heures 08 et reprendra le lundi 4 avril 2005,

16 à 9 heures.

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