Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 7 juillet 2005

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 10 heures 03.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Veuillez citer l'affaire inscrite au

  6   rôle, Monsieur le Greffier d'audience.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

  8   Affaire IT-01-48-T, le Procureur contre Sefer Halilovic.

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup. Bonjour, Mesdames et

 10   Messieurs. Avant de faire revenir le témoin dans le prétoire, je crois que

 11   Maître Morrissey voulait intervenir ?

 12   M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je dois vous

 13   faire part de ma préoccupation quant à la façon dont devrait se dérouler le

 14   reste du contre-interrogatoire. Je voudrais protester contre une tentative

 15   destinée à essayer d'utiliser une personne qui n'a pas été un témoin et qui

 16   n'a pas fait partie de cette liste de témoins même avant qu'on ne retire

 17   beaucoup de témoins, et si nous procédons comme ceci a été indiqué.

 18   Pourquoi disons-nous qu'il ne convient pas de se servir de cette

 19   déclaration comme voudrait le faire l'Accusation. Trois raisons; la

 20   première est celle-ci : cette déclaration est tout à fait dépourvue de

 21   fiabilité. Nous avons parlé à cette personne et je pourrai présenter des

 22   éléments de preuve à propos de ce qu'elle a dit à Mme Medina Delalic qui

 23   est ici présente, et elle a enquêté et elle peut vous dire ce que cette

 24   personne Mme Dzogic a dit à la Défense. Voici en quelques mots ce qui s'est

 25   passé. Elle a reçu la visite de l'équipe de la Défense à Zenica en juin

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  1   2005. Elle a notamment offert de trouver le numéro de téléphone du témoin

  2   actuel. Finalement, c'est quelqu'un d'autre qui l'a fourni, mais elle m'a

  3   fait cette offre et nous avons fini par contacter le témoin actuel. Est-ce

  4   que nous pourrions passer à huis clos partiel.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

  6   [Audience à huis clos partiel]

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11  Pages 3-10 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 17   [Audience publique]

 18   M. MORRISSEY : [interprétation] S'il y a un intérêt judiciaire légitime à

 19   montrer cet enregistrement vidéo, je ne peux pas faire objection mais j'ai

 20   l'impression qu'il n'y en a pas puisque ce témoin n'est pas allé sur les

 21   lieux, dans le village. Il n'a pas vu ce qui s'est passé. C'est plutôt pour

 22   donner quelque chose à la Chambre qu'au témoin qu'on voudrait présenter cet

 23   enregistrement vidéo. Il faut aussi comprendre que ce témoin, nous ne

 24   l'avons pas appelé à la barre pour prouver quoi que ce soit à propos des

 25   lieux du crime mais pour prouver ce que ce témoin savait à l'époque des

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  1   faits. D'où objection de notre part à moins qu'on ne justifie vraiment de

  2   la légitimité de cet enregistrement vidéo.

  3    M. LE JUGE LIU : [interprétation] Quelle est votre réponse, Monsieur Re ?

  4   M. RE : [interprétation] Je suis en plein milieu du contre-interrogatoire,

  5   et à notre avis, si on dit qu'il y a embuscade c'est pour empêcher que nous

  6   présentions notre thèse. Si je souhaite montrer un extrait de cet

  7   enregistrement vidéo, si cela s'avère nécessaire, ce ne sera à partir des

  8   conclusions que ce témoin a tirées, suite à ces entretiens qu'il a eus à

  9   ces déclarations, qu'il a recueillies de tant de gens. S'il dit qu'il

 10   présente ce qui, à son avis, s'est passé à Uzdol, j'ai le droit de lui

 11   prouver le contraire, en tout cas de le confronter au contraire. Il ne

 12   revient pas à Me Morrissey, à ce stade de la procédure, de dire à la

 13   Chambre ce que je dois faire, ce que je ne peux pas faire en

 14   contre-interrogatoire. Jamais nous n'avons agi de la sorte à l'égard des

 15   membres de la Défense.

 16   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que Me Morrissey s'est borné à

 17   nous rappeler quels étaient les documents que vous vouliez utiliser,

 18   documents qui peuvent être pertinents en l'espèce. Je comprends qu'il y a

 19   contestation entre les parties, quant à la façon de savoir comment deux

 20   civils ont été tués ce jour-là. La thèse de la Défense, d'après ce témoin-

 21   ci en tout cas, c'était qu'il y avait eu des tirs échangés entre personnes

 22   de la même communauté, alors que l'Accusation dit que c'était quelque chose

 23   de délibéré, d'intentionnel de la part de certains.

 24   Bien sûr, il y a contestation entre les parties et la question de

 25   savoir si ce témoin-ci est à même d'apporter un commentaire à cet

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  1   enregistrement vidéo. Nous allons voir ce que cela va donner et nous allons

  2   nous prononcer en temps utile sur ce dernier point.

  3   Peut-on faire maintenant entrer le témoin.

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   LE TÉMOIN: TÉMOIN J [Reprise]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Veuillez poursuivre votre contre-

  8   interrogatoire, Monsieur Re.

  9   M. RE : [interprétation] Merci.

 10   Contre-interrogatoire par M. Re : [Suite]

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin J.

 12   R.  Bonjour.

 13   Q.  Revenons, si vous le voulez bien, à l'audience d'hier après-midi. Je

 14   vous demandais où vous vous étiez trouvé le 14 septembre. Vous avez dit que

 15   vous étiez là cet après-midi-là lorsque les soldats étaient rentrés

 16   d'Uzdol. Est-ce que vous êtes resté au centre de transmission la journée,

 17   donc à partir du moment où les soldats sont partis pour aller combattre et

 18   le moment où ils sont revenus ? Quand je parle du centre de transmission,

 19   je parle de la cabane.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous souvenez-vous si M. Halilovic a effectué une visite à la cabane ce

 22   matin-là, vers 9 heures 30 ou 10 heures du matin, peut-être ?

 23   R.  Non. En tout cas, je ne l'ai pas vu.

 24   Q.  Dans un interrogatoire qu'il a eu avec le bureau du Procureur en 2001,

 25   M. Halilovic a dit qu'il avait fait une visite au centre de transmission à

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  1   Prozor, du Bataillon indépendant de Prozor --

  2   M. MORRISSEY : [interprétation] Objection. D'abord parce que c'était un

  3   document confidentiel que celui-là.

  4   M. RE : [interprétation] Est-ce que c'est là l'objection ?

  5   M. MORRISSEY : [interprétation] C'est ma première objection.

  6   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Voulez-vous qu'on passe à huis clos

  7   partiel ? Ou est-ce que vous voulez donner d'autres motifs, Maître

  8   Morrissey.

  9   Passons à huis clos partiel.

 10   [Audience à huis clos partiel]

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 14   [Audience publique]

 15   M. RE : [interprétation] Est-ce que nous sommes en audience publique ?

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui.

 17   M. RE : [interprétation]

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  7   [Audience à huis clos partiel]

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 24   [Audience publique]

 25   M. RE : [interprétation] Merci.

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  1   Q.  Si vous pouviez m'accorder une toute petite minute. Il y a un moment de

  2   cela, vous avez dit que le centre de transmission se trouvait dans un

  3   bâtiment séparé. Vous voulez parler d'un bâtiment séparé par rapport à la

  4   cabane à laquelle vous avez fait référence hier ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Parce qu'hier, à la page 71 et 72, je vous ai posé la question suivante

  7   : 

  8   "Q.  Est-ce que vous vous trouviez dans le centre de transmission au moment

  9   de l'attaque du 14 septembre ?"

 10   Vous avez répondu :

 11   "R.  Je ne sais pas où vous avez obtenu ce renseignement suivant lequel je

 12   me trouvais au centre de transmission. C'est une petite cabane. Tout s'y

 13   trouvait, le commandement, quasiment tout se trouvait là. Lorsque vous vous

 14   trouviez là, en quelque sorte, vous étiez un peu au centre des opérations."

 15   Il me semble qu'il y a une contradiction entre ce que vous avez dit et ce

 16   que vous venez d'avancer. Est-ce qu'il y avait en fait deux endroits

 17   séparés; le centre de transmission et le centre de commandement ?

 18   R.  Oui. Ils se trouvaient à quelques mètres l'un de l'autre.

 19   Q.  Mais vous nous dites qu'il s'agissait de bâtiment séparé ou est-ce

 20   qu'ils se trouvaient dans la même cabane, ce centre de transmission et ce

 21   centre de commandement ?

 22   R.  Il s'agissait d'un bâtiment que nous appelions le commandement. En

 23   fait, il s'agissait d'une cabane composée de plusieurs pièces pour le

 24   personnel forestier qui s'y trouvait là. Le centre de transmission était un

 25   bâtiment auxiliaire. Il s'agissait d'une dépendance, peut-être qu'il

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  1   s'agissait d'une étable qui se trouvait à quelques mètres de la cabane.

  2   M. RE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin la

  3   pièce à conviction P331.

  4   Q.  Vous allez voir une photo dans un petit moment qui se trouvera sur

  5   l'écran qui se trouve à votre gauche.

  6   R.  Oui, je la vois maintenant.

  7   Q.  Vous reconnaissez le commandement du Bataillon indépendant de Prozor

  8   sur cette photographie ?

  9   R.  Oui. Je pense qu'il s'agit de la bâtisse qui se trouve sur la gauche.

 10   Bien que vue sous cet angle, ce bâtiment ne ressemble pas au bâtiment de

 11   commandement.

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez voir le centre de transmission que vous avez

 13   décrit comme étant probablement une étable ou un bâtiment de ce style qui

 14   se trouvait à quelques mètres de la cabane. Vous voyez sur cette

 15   photographie ce bâtiment ?

 16   R.  Je pense qu'il se trouve à la fin du bâtiment. Vous voyez un toit un

 17   peu sombre, parce que vu sous cet angle on a l'impression qu'il s'agit d'un

 18   seul bâtiment, mais en fait il s'agissait de deux bâtiments séparés.

 19   Q.  Aux fins du compte rendu d'audience, est-ce que vous pourriez peut-être

 20   nous montrer à l'aide du pointeur où se trouve, d'après vous, le centre de

 21   transmission. Pourriez-vous apposer une flèche.

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   Q.  Pour que tout soit bien clair lorsque vous aurez terminé votre

 24   déposition, est-ce que vous pourriez dessiner cette flèche en partant des

 25   arbres et en la dessinant vers le bas, vers le bâtiment. Si vous voyez ce

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  1   que je veux dire, parce qu'il va falloir que nous consultions cette

  2   photographie ultérieurement.

  3   R.  [Le témoin s'exécute]

  4   Q.  Est-ce que vous pourriez former une flèche descendant vers le bas.

  5   R.  Je pense avoir dessiné une flèche, mais en voilà une autre. Est-ce que

  6   cela convient ?

  7   Q.  C'est très bien comme cela.

  8   M. RE : [interprétation] Est-ce que cela pourra être versé au dossier.

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Cela sera admis au dossier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction P450.

 11   M. RE : [interprétation] Merci. J'en ai terminé avec ce document.

 12   Q.  Avez-vous suivi une formation avant le 14 septembre 1993 ? Avez-vous

 13   reçu une formation pour mener à bien des enquêtes ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Savez-vous si Erzimana Dzogic a suivi une formation portant sur les

 16   techniques d'enquête avant le 14 septembre 1993 ?

 17   R.  Je n'en sais rien. Je suis arrivé une année plus tard, donc je ne sais

 18   pas ce qui s'est passé auparavant.

 19   Q.  Vous voulez dire une année après qu'elle se trouve sur les lieux; c'est

 20   cela que vous voulez dire ?

 21   R.  Oui, grosso modo. Peut-être un peu moins qu'une année. Je n'en suis pas

 22   sûr.

 23   Q.  Est-ce qu'une assistance a été requise auprès de la police civile pour

 24   parler aux soldats après le 14 septembre 1993 ?

 25   R.  Personnellement, je ne l'ai pas fait. Peut-être que d'aucuns l'ont

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  1   fait.

  2   Q.  Savez-vous si quelqu'un a essayé d'obtenir l'aide de la police civile ?

  3   R.  Non, je ne le sais pas.

  4   Q.  Qu'en est-il de la police militaire ? Savez-vous si d'aucuns ont essayé

  5   d'obtenir l'assistance de la police militaire ?

  6   R.  Je n'en sais rien.

  7   Q.  Est-ce que la police militaire a participé à l'exercice de prise de

  8   dépositions ?

  9   R.  Pour l'essentiel et dans l'essentiel, les déclarations ont été prises

 10   par le commandant adjoint responsable de la sécurité. Par conséquent, il y

 11   avait la police militaire qui participait, les adjoints pour le

 12   renseignement, et moi-même. Toutefois, je ne concevais pas ma tâche comme

 13   la tâche d'un enquêteur qui devait identifier les coupables. Il s'agissait

 14   plutôt de savoir ce qui s'était passé et de présenter un rapport à cette

 15   fin. Ensuite, les mesures suivantes incombaient aux organes responsables de

 16   la sécurité ou au commandement.

 17   Q.  Oui, mais ma question était comme suit : est-ce que lorsque les

 18   déclarations ont été faites, est-ce que la police militaire a participé à

 19   cet exercice ? La police militaire n'a pas participé, n'est-ce pas ?

 20   R.  Ecoutez, je ne peux pas vous le dire d'une façon ou d'une autre. Il est

 21   possible que le commandant adjoint responsable de la sécurité ait demandé

 22   aux policiers qui se trouvaient sous son commandement d'obtenir certains

 23   renseignements pour lui. Cela je ne suis pas en mesure de le savoir.

 24   Q.  Oui, mais c'est parce que personne de la police militaire n'a pris

 25   contact avec vous pour vous demander quelle était votre déclaration, n'est-

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  1   ce pas ?

  2   R.  Je n'avais pas de rôle précis au sein du bataillon qui aurait permis à

  3   quelqu'un de prendre contact officiellement avec moi.

  4   Q.  Mais, vous n'avez pas bénéficié d'aide judiciaire ou médico-légale de

  5   la part de la police militaire ou de la police civile ?

  6   R.  Dans quel sens, Monsieur ?

  7   Q.  Je pense d'une enquête médico-légale normale qui suit la déclaration

  8   d'un crime.

  9   M. MORRISSEY : [interprétation] Objection. En fait, il n'y a pas d'enquête

 10   médico-légale à la suite d'un crime. Tout simplement, mon confrère

 11   souhaiterait poser des questions bien précises au témoin et c'est ce qu'il

 12   doit faire si c'est ce qu'il veut faire.

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

 14   M. RE : [interprétation]

 15   Q.  Quelles sont, d'après vous, les mesures qui doivent être prises après

 16   qu'il y ait eu meurtre ? Lorsqu'un meurtre, un crime a été commis, quelles

 17   sont les mesures médico-légales qui doivent être prises ?

 18   M. MORRISSEY : [interprétation] Cette question doit être précisée. Comment

 19   est-ce qu'il conçoit la chose de nos jours ou comment est-ce qu'il

 20   concevait ce genre d'enquête en 1993 ?

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] De toute façon, c'est une question très

 22   difficile à poser à un néophyte en la matière. Je crois que le témoin nous

 23   a déjà indiqué qu'il n'avait pas bénéficié de formation avant de se rallier

 24   au rang de l'armée. Enfin, vous pouvez quand même essayer de lui poser la

 25   question.

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  1   M. RE : [interprétation]

  2   Q.  Pour que cela soit plus précis et pour répondre à la suggestion

  3   préconisée par mon confrère, en septembre 1993, lorsque vous avez pris la

  4   déposition ou les dépositions de ces meurtriers potentiels et suspectés,

  5   quelles sont les mesures qui auraient dû être prises dans le cadre d'une

  6   enquête ?

  7   R.  Je n'avais reçu aucune instruction en la matière. On m'avait tout

  8   simplement dit qu'il fallait que je découvre ce qui s'était passé. On

  9   m'avait demandé de présenter un rapport, d'écrire un rapport. Le terme que

 10   vous utilisez maintenant est un terme qui est nouveau pour moi. C'est

 11   probablement un terme très technique. Je ne sais rien sur la question.

 12   Q.  Pour bien nous assurer que nous parlons de la même chose, je vous parle

 13   des mesures qui, d'après vous, auraient dû être prises dans le cadre d'une

 14   enquête portant sur un meurtre en août -- ou plutôt, je m'excuse, en

 15   septembre 1993. Quelles étaient ces mesures qui auraient dû être prises ?

 16   R.  Vous savez, j'étais un parfait amateur et je le suis toujours. J'ai dû,

 17   tout seul, essayer de savoir ce qui s'était passé auprès en posant des

 18   questions à des personnes individuelles. Toutefois, aucune méthode ne m'a

 19   été recommandée. Je n'ai bénéficié d'aucune aide dans le cadre de cette

 20   enquête. Je n'ai pas véritablement réfléchi à ce que je devais

 21   véritablement faire.

 22   Q.  Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous ne vous considériez

 23   pas comme une personne devant participer à une enquête portant sur le

 24   meurtre allégué de civils à Uzdol ?

 25   R.  Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai participé à cet exercice visant à

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  1   établir la vérité des faits. J'ai essayé de contribuer à cela lors de

  2   conversations avec des personnes, par exemple, en essayant d'obtenir des

  3   renseignements, j'ai essayé d'apporter ma contribution à cette enquête.

  4   Pour ce qui est maintenant du processus général, je dois dire que je n'y

  5   connais pas grand-chose.

  6   Q.  Est-ce qu'il y avait quelqu'un qui supervisait le travail que vous

  7   accomplissiez ?

  8   R.  Il n'y avait rien à surveiller. Je parlais tout simplement avec des

  9   personnes. Je prenais note de mes observations, et lorsque je pensais avoir

 10   collecté suffisamment de renseignements, j'ai présenté mon rapport.

 11   Q.  Entre le 14 septembre, le jour de l'attaque, et le 20 septembre 1993,

 12   avez-vous essayé d'obtenir des conseils ou une aide auprès de quelqu'un à

 13   propos de ce que vous faisiez ?

 14   R.  Ce n'était pas la peine parce que les adjoints responsables de la

 15   sécurité du renseignement étaient des personnes à qui cette tâche avait été

 16   confiée. Je faisais ce qui, d'après moi, était pertinent.

 17   Q.  Donc, il n'y avait pas en fait de mécanismes de supervision. Vous

 18   n'avez demandé aucune aide. Est-ce que quelqu'un vous a fourni une

 19   orientation, par exemple, sur la façon dont vous deviez vous acquitter de

 20   votre tâche ou est-ce que vous avez tout simplement eu des conversations

 21   avec des personnes ?

 22   R.  Ce n'est pas qu'il n'y avait pas de directives ou d'orientation, parce

 23   que je parlais avec les deux adjoints et je les consultais à propos de

 24   certaines choses. Une conclusion a été dégagée sur ce qui devait être fait.

 25   Les tâches ont été attribuées, et quant à moi, je me suis occupé de ce qui

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  1   m'avait été confié. Mais ce n'était pas la peine d'avoir une aide

  2   supplémentaire.

  3   Pour ce qui est du contrôle, je n'en sais rien. Peut-être que ce que je

  4   faisais faisait l'objet d'un contrôle ou d'une supervision de la part de

  5   quelqu'un.

  6   Q.  Vous avez dit, il y a un petit moment, que vous "parliez à certaines

  7   personnes." Vous avez dit : "Je parle à certaines personnes, je collecte

  8   des renseignements et lorsque j'ai pensé avoir obtenu suffisamment de

  9   renseignements, je présentais mon rapport." Où avez-vous consigné vos

 10   observations, je vous prie ?

 11   R.  J'avais un carnet que j'utilisais. C'était en quelque sorte un bloc-

 12   notes que j'avais avec moi.

 13   Q.  Qu'avez-vous écrit dans ce bloc-notes ?

 14   R.  Il s'agissait juste d'observations très brèves, succinctes, que je

 15   consignais après avoir parlé aux soldats, après avoir entendu ce qu'ils

 16   avaient à dire. J'y consignais ce qui d'après moi était important. Puis

 17   ensuite, j'ai décidé de laisser pour plus tard les conversations avec les

 18   interlocuteurs qui, d'après moi, étaient importants.

 19   Q.  Je ne comprends pas très bien ce que vous entendez par "j'ai laissé

 20   pour plus tard les conversations qui me paraissaient importantes avec

 21   certains interlocuteurs." Est-ce que vous pourriez préciser ce que vous

 22   entendez ?

 23   R.  Les soldats relataient leur expérience. Certains, par exemple,

 24   exagéraient les événements pour véritablement insister sur le rôle qu'ils

 25   avaient joué et ce genre de récits ne m'intéressait pas. Ce que je voulais

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  1   en fait c'était l'essentiel. Je voulais être à l'écoute des personnes qui

  2   étaient présentes et qui avaient eu une expérience de ces événements. J'ai

  3   décidé de ne pas poursuivre mes conversations avec ces personnes qui

  4   avaient une connaissance directe des événements en face d'autres personnes.

  5   J'ai décidé de leur parler plus tard alors qu'il n'y avait pas d'autres

  6   personnes.

  7   Q.  Est-ce que nous pouvons passer, continuons en fait. Lorsque vous

  8   parliez à ces personnes, est-ce que vous leur parliez alors qu'elles se

  9   trouvaient au sein de groupes de personnes, ou est-ce qu'il s'agissait en

 10   fait de groupes de soldats, qui s'étaient trouvés à Uzdol le 14 septembre ?

 11   R.  Parfois, je ne participais même pas aux conversations. Je me contentais

 12   d'écouter ce qu'ils disaient. Parfois, j'abordais un thème pour faire en

 13   sorte qu'ils abordent les thèmes qui m'intéressaient, mais je dois dire que

 14   je n'avais pas véritablement de méthode que j'utilisais de façon régulière.

 15   Q.  Vous nous dites que vous parliez à ces personnes. Lorsque vous parliez

 16   aux soldats, lorsque vous aviez des conversations avec ces soldats, ou

 17   lorsque vous les écoutiez, est-ce qu'il s'agissait de groupes de soldats ?

 18   Est-ce que c'étaient ces groupes de soldats qui vous parlaient ?

 19   R.  Il s'agissait de conversations spontanées. Elles n'étaient pas

 20   préparées au préalable. J'ai participé à des conversations qui portaient

 21   sur le football, par exemple. Lorsqu'il était question de ce qui s'était

 22   passé à Uzdol, là, je participais un peu plus activement à la conversation

 23   et j'essayais de faire en sorte que les soldats me parlent ou parlent de

 24   choses qui, d'après moi, étaient importantes.

 25   Q.  Lorsque vous faisiez cela, vous nous parlez de groupes de soldats qui

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  1   avaient des conversations assez générales. Ensuite quelqu'un mentionnait

  2   Uzdol, et c'est ainsi que vous leur posiez des questions. C'est comme cela

  3   que les choses se passaient ?

  4   R.  Ce n'est pas moi qui posais les questions, parce que si je l'avais

  5   fait, personne ne m'aurait parlé. Je me contentais d'écouter

  6   ce qu'ils avaient à dire et j'essayais de poser des questions par simple

  7   curiosité, plutôt que d'être véritablement intéressé par ce qu'ils

  8   disaient.

  9   Q.  Vous n'aviez pas votre petit carnet lorsque vous participiez à ces

 10   conversations avec ces groupes, et lorsqu'ils commençaient à parler

 11   d'Uzdol ? Ce que je veux dire c'est que vous ne sortiez pas votre carnet à

 12   ce moment-là ? Vous ne le faisiez pas en face d'eux.

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  C'est plus tard que vous consigniez vos observations dans ce carnet,

 15   n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, mais toute suite après.

 17   Q.  On ne vous a pas donné une liste de personnes avec qui il fallait que

 18   vous parliez de la participation de certains aux meurtres des civils à

 19   Uzdol ? Est-ce que c'est véritablement ce que vous nous dites maintenant ?

 20   R.  Oui, c'étaient les personnes avez lesquelles il fallait parler, c'est-

 21   à-dire, j'étais chargé de le faire.

 22   Q.  Pendant que vous parliez avec les soldats, pendant que vous meniez ces

 23   conversations générales, dites-nous où ces conversations se déroulaient-

 24   elles ?

 25   R.  A Dobro Polje, principalement, et dans un village qui se trouvait à

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  1   trois ou à quatre kilomètres par rapport à Dobro Polje, vers le sud, et ce

  2   village s'appelait Scipe.

  3   Q.  Où dans ce village-là, teniez-vous ces conversations ? Est-ce que

  4   c'était en plein air, ou dans un bâtiment ? Où exactement ?

  5   R.  L'endroit n'était pas très déterminé. Je connaissais pas mal de gens de

  6   ce village. Je les fréquentais pour boire un café, pour leur parler, rien

  7   de spécial. Cela aurait pu être dans un stade ou dans une maison, dans une

  8   cour.

  9   Q.  Combien de soldats se trouvaient au sein de ces groupes auxquels vous

 10   aviez parlé, ou que vous avez entendu parler d'Uzdol ?

 11   R.  Deux, trois, cinq ou dix, cela dépendait de la situation et des

 12   circonstances.

 13   Q.  Est-ce que les gens, ces deux, trois, quatre, ou dix personnes ont

 14   parlé d'Uzdol, durant cette même conversation, et de leurs expériences ?

 15   R.  Uzdol n'était pas le seul sujet dont ils avaient parlé parce que les

 16   gens allaient dans les bois pour cueillir des champignons, aussi pour les

 17   préparer par la suite. Ils parlaient entre eux par la suite. On parlait de

 18   cela dans toute situation.

 19   Q.  Lorsque le sujet d'Uzdol était discuté, est-ce que c'était quelque

 20   chose dont les soldats parlaient généralement ou les soldats vous ont parlé

 21   de leurs expériences concernant Uzdol le 14 septembre ?

 22   R.  Il s'agissait de différents groupes de personnes, et si quelqu'un

 23   abordait ce thème, c'était dans le sens : Où étais-tu pendant cet

 24   événement ? Est-ce que tu te souviens de cela ? Je suivais leurs

 25   conversations et j'essayais d'en tirer des conclusions, à savoir de

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  1   déterminer où se trouvaient ces personnes à l'époque.

  2   Q.  Est-ce que de ces conversations, vous avez pu avoir des conclusions par

  3   rapport à ce qui s'est passé à Uzdol le 14 septembre 1993 ?

  4   R.  Oui. Il s'agissait principalement de tel type de conversations.

  5   Q.  Maintenant je voudrais -- en fait, je vous prie d'être un peu patient,

  6   parce qu'il faut que je vérifie quelque chose au compte rendu.

  7   Il y a quelques instants vous avez dit que lors des conversations avec les

  8   gens, vous avez pu voir que certains d'entre eux ont fait des exagérations

  9   par rapport à leur rôle à l'événement à Uzdol. Qu'est-ce qu'ils disaient,

 10   quelles étaient ces choses-là pour lesquelles vous avez pensé qu'il

 11   s'agissait d'exagérations ?

 12   R.  Pour ces choses pour lesquelles je pensais qu'ils exagéraient, c'est-à-

 13   dire qu'ils disaient qu'ils n'avaient pas du tout peur, qu'ils étaient très

 14   courageux, c'était en fait dans ce sens-là qu'ils exagéraient en parlant de

 15   l'événement à Uzdol.

 16   Q.  Est-ce que qui que ce soit s'est vanté par rapport au nombre de civils

 17   qui ont été tués, ce jour-là ?

 18   R.  Non. Je n'ai jamais entendu parler de cela.

 19   Q.  Vous ne les avez pas entendu parler des enfants qui ont été tués ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Est-ce que durant ces conversations, il y avait des soldats qui

 22   auraient mentionné les meurtres des civils ?

 23   R.  Non, personne n'aimait en parler, c'est-à-dire, parler de ces meurtres.

 24   Q.  Est-ce qu'ils ont mentionné d'autres personnes qui auraient tué des

 25   civils ?

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  1   R.  Personne n'a mentionné de noms, mais ils disaient que différentes

  2   choses se sont passées, que la situation était difficile.

  3   Q.  Qu'est-ce que vous entendez par là, la situation difficile, qu'est-ce

  4   qu'ils ont dit ?

  5   R.  Ils ont qu'ils se sont sauvés. Qu'ils étaient en danger de mort, qu'ils

  6   ont pensé qu'ils étaient perdus, que de toutes parts il y avait des tirs.

  7   Il y avait des obus. Quand j'ai parlé des exagérations, j'ai pensé

  8   justement à cela, à ces histoires des soldats qui se disaient être très

  9   courageux.

 10   Q.  Témoin J, vous ne pouviez pas voir exactement s'ils avaient exagéré ou

 11   pas, parce que vous n'étiez pas là-bas, n'est-ce pas ?

 12   R.  Mon expérience par rapport à la distinction entre la vérité et le

 13   mensonge et mon intuition m'ont aidé à en tirer des conclusions.

 14   Q.  Votre intuition ne pouvait pas vous dire que ce jour-là au village, 29

 15   civils ont été tués. Durant toutes ces conversations avec tous ces soldats,

 16   il y en avait une centaine après le 14 septembre 1993 ?

 17   R.  Je savais que des civils ont été tués. Même si personne ne me disait

 18   rien de façon directe.

 19   Q.  Vous saviez que les civils ont été tués, parce qu'il y avait des

 20   nouvelles à la radio là-dessus, n'est-ce pas ?

 21   R.  Je ne me souviens pas si c'était à la radio que j'ai appris cela, ou

 22   que c'était notre commandant qui nous a dit que des civils ont été tués.

 23   Probablement, il s'agissait de la radio.

 24   Q.  Vous pensez qu'il s'agissait de votre commandant et vous pensez en

 25   disant cela à Enver Buza ?

Page 30

  1   R.  Oui. Je pense que oui, mais je ne me souviens pas si c'était lui qui

  2   m'avait dit cela.

  3   Q.  Vous étiez au courant dès le premier jour, du fait que dans ce village-

  4   là, des civils ont été tués, n'est-ce pas, le 14 septembre ?

  5   R.  J'ai déjà dit auparavant que la première personne qui a participé à

  6   l'action à Uzdol, je l'ai rencontrée à Dobro Polje, ce matin-là au 14. Il

  7   était déprimé et il m'a dit, il m'a raconté ce qui s'était passé. Il m'a

  8   dit que de différentes choses se sont passées, mais qu'il ne pouvait pas me

  9   dire tout. Il m'a dit qu'il y avait beaucoup de morts et qu'il s'agissait

 10   des civils. Il m'a dit qu'il y avait beaucoup de morts des deux côtés.

 11   Q.  Qu'est-ce qui vous a poussé à y croire ? Est-ce que c'était de nouveau

 12   votre intuition ?

 13   R.  Selon sa réaction, j'ai pu conclure qu'il s'agissait des civils, parce

 14   que j'ai pu voir que cela lui faisait de la peine, peut-être que lui aussi

 15   il a participé à cela, mais il ne m'a rien dit là-dessus.

 16   Q.  Qu'il aurait fait quelque chose, c'est-à-dire, tuer des civils ?

 17   R.  Il m'a rien dit là-dessus, rien de précis. Mais j'ai pu en conclure en

 18   le voyant tout simplement, en voyant l'état dans lequel il se trouvait.

 19   Q.  Hier, vous avez dit qu'il y a eu des discussions là-dessus. Vous avez

 20   dit que la radio a émis cela et qu'il a été dit que le massacre a été

 21   perpétré dans ce village.

 22   M. MORRISSEY : [interprétation] Est-ce qu'on dit maintenant au témoin que

 23   c'était lui qui disait qu'il s'agissait d'un massacre ou que c'était à la

 24   radio ? Il y a trois différentes allégations ici et il faut que cela soit

 25   clair quand on lui pose des questions.

Page 31

  1   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

  2   M. RE : [interprétation]

  3   Q.  Ces allégations, lorsque les soldats sont retournés le 14 septembre, on

  4   disait que le massacre a été perpétré au village. C'est ce qui a été dit,

  5   n'est-ce pas ?

  6   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, la question doit

  7   être plus précise.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Qui a dit cela ? Est-ce que c'était

  9   à la radio ou est-ce que c'était les soldats qui ont dit cela ? Est-ce que

 10   c'était le commandant qui a dit cela ?

 11   M. RE : [interprétation] Très bien. Je retire cette question.

 12   Q.  Vous avez entendu parler environ le 14 septembre que le massacre avait

 13   été perpétré au village ?

 14   R.  Je ne suis pas sûr si j'avais entendu parler de cela, mais cela était

 15   qualifié de massacre.

 16   Q.  Mais c'était avant que le rapport du 20 septembre ait été fait, le

 17   rapport qui a été signé par Buza ?

 18   M. MORRISSEY : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît. Monsieur

 19   le Président, le rapport auquel se réfère mon collègue éminent est daté du

 20   20 septembre, mais il n'y a pas de moyens de preuve pour prouver qu'il

 21   s'agit du rapport du 20 septembre. Il n'y a qu'un cachet sur le lequel on

 22   peut conclure que le rapport a été reçu à l'époque. Mon collègue éminent

 23   soit s'assurer qu'il s'agit du document dont on parle avant de poser la

 24   question au témoin.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien, tant que le témoin comprendra de

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  1   quel rapport il s'agit, auquel le Procureur se réfère, je pense qu'il n'y a

  2   pas de problème. Monsieur Re, essayez de poser des questions plus concrètes

  3   à ce témoin.

  4   M. RE : [interprétation]

  5   Q.  Mon affirmation est la suivante : vous avez entendu parler d'Uzdol.

  6   Vous saviez qu'un massacre a été perpétré avant le rapport daté du 20

  7   septembre. Je vous dis que vous saviez que le massacre avait été perpétré

  8   avant ce rapport.

  9   R.  C'est possible, mais je ne peux pas me souvenir du jour où j'ai appris

 10   que cet événement a été qualifié de massacre.

 11   Q.  Quant aux meurtres en masse des civils ?

 12   R.  Je ne sais pas à quoi vous penser.

 13   Q.  Quant aux meurtres d'un certain nombre de civils durant le combat ?

 14   Est-ce que vous avez entendu parler de ces allégations ? Vous les

 15   connaissiez avant la rédaction du rapport, n'est-ce pas ? Indépendamment du

 16   fait si on l'appelle un massacre ou un meurtre de masse ou tout simplement

 17   un meurtre, vous étiez au courant de cela avant la rédaction du rapport,

 18   c'est-à-dire qu'un certain nombre de civils ont été tués, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Après l'attaque de l'ABiH contre le village, cet enregistrement où on

 21   peut voir des corps de civils, cela a été émis par la télévision croate,

 22   n'est-ce pas ?

 23   R.  J'ai entendu parler de cela, mais je n'ai pas vu cela.

 24   Q.  Personne n'a demandé de vous fournir cet enregistrement après l'attaque

 25   de l'ABiH ?

Page 33

  1   R.  Nous n'avions pas de communication avec le HVO à ce niveau. La

  2   communication pouvait se passer entre les niveaux les plus hauts de

  3   commandement.

  4   Q.  Certainement personne au sein de votre commandant, du Bataillon

  5   indépendant de Prozor, à votre connaissance, n'a reçu une copie

  6   d'enregistrement de la télévision croate, n'est-ce pas ?

  7   R.  A ma connaissance, non. 

  8   Q.  Egalement, vous étiez au courant que les journalistes de la BBC, c'est-

  9   à-dire, les journalistes internationaux, ont rendu visite à Uzdol un jour

 10   après l'attaque, n'est-ce pas ?

 11   R.  J'ai entendu parler de cela des personnes qui pouvaient voir Uzdol, où

 12   il y avait des véhicules des organisations internationales qui essayaient

 13   d'entrer à Uzdol, mais ils ont été empêchés d'y entrer de la part des

 14   soldats du HVO. Je n'ai pas vu de mes propres yeux cela, mais j'ai tout

 15   simplement entendu parler de cela.

 16   Q.  Les renseignements dont vous disposiez à l'époque disaient qu'une

 17   équipe de télévision d'une chaîne internationale se trouvait à Uzdol,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  J'ai eu l'information selon laquelle une équipe de télévision a essayé

 20   d'enregistrer tout cela à Uzdol, et que cette équipe a été empêchée par les

 21   soldats du HVO d'y entrer. Seulement plus tard ils ont eu accès au village,

 22   mais je ne sais pas après combien de temps. C'est ce que j'ai entendu

 23   parler. Je ne pouvais pas vérifier moi-même cela.

 24   Q.  Vous disposiez d'informations également selon lesquelles cet

 25   enregistrement a été diffusé par les médias internationaux ?

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  1   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, il vient de

  2   contester la base sur laquelle cela repose.

  3   M. RE : [interprétation] Il vient de dire qu'ils ont pu entrer au village.

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que la question précédente

  5   concernait l'enregistrement du HVO et la diffusion de cet enregistrement

  6   par les médias internationaux.

  7   M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, cela pourrait être comme cela, mais il

  8   faut qu'on clarifie cela.

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Re.

 10   M. RE : [interprétation]

 11   Q.  Vous avez dit que l'information dont vous disposiez, que vous pouviez

 12   avoir des informations, certaines informations, et vous saviez que les gens

 13   de votre commandement savaient que ces enregistrements concernant Uzdol ont

 14   été diffusés par les médias internationaux ?

 15   M. MORRISSEY : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, mais,

 16   encore une fois, je dois dire qu'il s'agit d'une question double. La

 17   question devrait être la suivante : est-ce que les gens dans le

 18   commandement étaient au courant de cela ?

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] C'est une objection raisonnable. Monsieur

 20   Re, procédez pas à pas.

 21   M. RE : [interprétation] Oui, certes, je le ferai.

 22   Q.  Les gens dans votre commandement étaient au courant du fait que les

 23   médias internationaux avaient l'accès à Uzdol, et c'est pour cela que

 24   l'enregistrement a été diffusé, l'enregistrement concernant Uzdol.

 25   R.  A l'époque, nous ne pouvions pas écouter la radio. Nous ne pouvions

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  1   suivre aucun média parce que nous n'avions pas de piles pour la radio.

  2   Q.  Est-ce qu'à votre connaissance qui que ce soit de votre commandement a

  3   essayé d'obtenir des copies de l'enregistrement des médias internationaux,

  4   l'enregistrement qui a été fait à Uzdol, une fois l'accès a permis à ces

  5   équipes de médias internationaux ?

  6   R.  Je ne le savais pas.

  7   Q.  Saviez-vous que l'ABiH a essayé d'obtenir de l'aide des autorités

  8   d'Herceg-Bosna ou du HVO pour mener une enquête sur ce qui s'est passé ?

  9   R.  Quant au bataillon, ce n'était pas possible, mais je ne sais pas si à

 10   un niveau plus haut cela a été fait.

 11   M. RE : [interprétation] Est-ce qu'il est venu le moment propice à faire

 12   une pause ? Nous avons commencé à 10 heures.

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Si vous pensez que vous en avez fini avec

 14   un thème, nous pouvons faire une pause. Je pense que nous pouvons faire une

 15   pause et nous allons continuer à 12 heures moins cinq. Enfin, c'est

 16   inhabituel, mais on va faire une pause.

 17   --- L'audience est suspendue à 11 heures 25.

 18   --- L'audience est reprise à 11 heures 57.

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

 20   M. RE : [interprétation]

 21   Q.  Hier, vous avez déclaré dans le cadre de votre déposition que le 14

 22   septembre 1993, vous avez d'abord parlé à Osman Hero et il ressentait le

 23   besoin de vous raconter ce qui s'était passé. Une heure s'est écoulée,

 24   avez-vous dit, et vous êtes allé là au bureau où, en règle générale,

 25   Erzimana travaillait. Apparemment, vous l'avez trouvée "en train de

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  1   recueillir une déclaration de Hero et d'un autre homme, un certain Jusuf,

  2   pensiez-vous, sans être sûr." Vous avez demandé à cette dame ce qui se

  3   passait ? "Elle a dit : Bien, on doit prendre des déclarations. Et vous

  4   avez dit : faisons-le ensemble. C'est la raison pour laquelle je suis resté

  5   là et que j'ai recueilli les déclarations."

  6   C'est ce que vous avez dit à la Chambre, hier après-midi.

  7   R.  Oui, pour autant que je m'en souvienne.

  8   Q.  Ma question concerne le rapport. Est-ce que c'est un rapport de combat

  9   qu'elle rédigeait ?

 10   M. MORRISSEY : [interprétation] Un instant, Madame et Messieurs les Juges,

 11   il n'est pas dit que, elle, elle était en train de rédiger un rapport du

 12   tout. On dit simplement qu'elle était en train de recueillir des

 13   déclarations.

 14   M. RE : [interprétation] Je viens de relire ce qu'avait dit le témoin et

 15   apparemment qu'elle rédigeait un rapport. Comment peut-on faire une

 16   objection ?

 17   M. MORRISSEY : [interprétation] Il peut tout à fait y avoir une objection.

 18   Je vais vous l'expliquer. La question sème la confusion. Apparemment, on

 19   parle de la tâche qui avait été confiée à Mme Erzimana Dzogic. Apparemment,

 20   elle devait rédiger un rapport. On lui demande ce qu'elle faisait à ce

 21   moment-là dans le bureau. Alors si la question porte sur le moment où le

 22   témoin est entré dans le bureau, à ce moment-là, c'est très clair à mon

 23   avis, elle recueille des déclarations. Elle ne rédigeait pas de rapports.

 24   M. RE : [interprétation] Objection. Il ne peut pas maintenant souffler une

 25   réponse au témoin. C'est tout à fait inconvenant.

Page 37

  1   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Voyons de quelle manière le témoin va

  2   répondre à cette question.

  3   M. RE : [interprétation] 

  4   Q.  La question que je vous posais, Monsieur le Témoin J, est celle-ci :

  5   est-ce que cette Dame avait reçu pour tâche de rédiger un rapport de

  6   combat ?

  7   R.  Non. Ce n'était pas du tout un rapport de combat quel qu'il soit. Je ne

  8   comprends pas vraiment ce que cela veut dire, rapport de combat.

  9   Q.  Hier, vous avez déclaré ceci : "On nous avait demandé de rédiger un

 10   rapport, puis elle a dit : bien, puisque vous êtes ici, faisons-le

 11   ensemble." De nouveau là, je vous cite. Vous voulez dire par là, bien

 12   faisons ce rapport ensemble, n'est-ce pas ?

 13   R.  C'est ce que j'ai dit mais vous ne m'avez peut-être pas bien compris.

 14   Je suis entré dans la pièce où se trouvait Erzimana en train de parler à ce

 15   soldat. J'ai écouté leur conversation quelques instants, puis elle s'est

 16   adressée à moi et elle m'a dit : c'est bien que tu sois venu parce que nous

 17   devons rédiger un rapport. Je ne lui ai même pas demandé de me donner des

 18   précisions sur le genre de rapport qu'on devait faire. Je me suis contenté

 19   de rester là à écouter ce qu'elle faisait.

 20   Q.  Est-ce que vous avez fini par apprendre le genre de rapport qu'elle

 21   était en train d'établir ?

 22   R.  Sans doute que tout comme moi, elle voulait apprendre ce qui s'était

 23   passé à Uzdol.

 24   Q.  Vous dites probablement ou sans doute. Est-ce que vous dites à la

 25   Chambre que jamais vous n'avez demandé à cette dame quel était le genre de

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  1   rapport pour lequel vous deviez l'aider lorsqu'elle a dit, je vous cite :

  2   Puisque tu es là, faisons-le ensemble ?

  3   R.  Nous n'avons pas à ce moment-là parlé du tout du rapport. On était en

  4   train d'écouter ce que les hommes voulaient nous dire à propos de ce qui

  5   s'était passé. Chacun a pris des notes. Elle a pris les notes qui lui

  6   semblaient correctes et j'ai fait de même.

  7   Q.  Est-ce que vous vous êtes coordonnés pour ce qui était des tâches à

  8   accomplir ?

  9   R.  Il nous est arrivé de nous consulter, d'échanger des informations de

 10   façon à informer l'autre des progrès réalisés pour ce qui était du recueil

 11   d'information, mais cela s'est passé de façon informelle. On se rencontrait

 12   par hasard et on demandait simplement à l'autre si cette autre personne

 13   avait recueilli des informations.

 14   Q.  Vous voulez dire que vous n'avez jamais appris quel était le genre de

 15   rapport que vous étiez censé rédiger ou qu'elle était censée rédiger ou que

 16   vous étiez censé faire en lui apportant votre aide ?

 17   R.  Je pense que nous avons établi un rapport unique, à partir des choses

 18   que nous avions apprises, ce n'est pas que je ne sais pas sur quoi portait

 19   le rapport. Ce rapport portait sur les événements d'Uzdol qui s'étaient

 20   produits ce jour-là, ce jour-là dont nous parlons dans son ensemble.

 21   Q.  Qui a rédigé ce rapport ?

 22   R.  Je me souviens que c'est moi qui ai rédigé un rapport, mais je me

 23   souviens qu'il y en a eu plusieurs.

 24   Q.  Qui a rédigé le rapport que cette dame était censée établir ?

 25   R.  Je pense que c'est elle qui l'a fait. Qui d'autre aurait pu le faire ?

Page 39

  1   Q.  Il y a un instant, vous la citiez, elle vous aurait dit : maintenant

  2   que tu es là, faisons-le ensemble. Je vous ai rappelé vos déclarations

  3   d'hier, où elle disait : "Maintenant puisque tu es là, on va le faire

  4   ensemble." Hier, vous avez déjà fourni la réponse à ma question.

  5   M. MORRISSEY : [interprétation] Il ne convient pas de présenter des

  6   arguments. M. Re peut poser des questions, mais il n'est pas censé faire

  7   des déclarations, comme il vient de le faire.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] C'est ce qu'il a fait, me semble t-il. M.

  9   Re a présenté une déclaration à ce témoin et il a demandé à obtenir des

 10   explications ou des précisions.

 11   M. MORRISSEY : [interprétation] Si c'est là la nature de la question, pas

 12   d'objection. J'avais l'impression que c'était une hypothèse qu'on

 13   soumettait au témoin. Si je me trompe et bien d'accord et je ne fais pas

 14   d'objection au fait de poser des questions.

 15   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

 16   M. RE : [interprétation]

 17   Q.  Je veux faire toute la lumière sur ma question. Il y a un instant je

 18   vous ai demandé qui avait écrit ce rapport. Vous avez dit : "Je pense que

 19   c'est elle qui l'a fait, qui d'autre aurait pu le faire ?" Hier pourtant,

 20   vous avez déclaré, je cite : "Nous avions été priés de rédiger un rapport,"

 21   avait-elle dit, d'après vous, "puisque tu es là, faisons-le ensemble." Je

 22   vous demande de commenter vos propos d'hier, à savoir qu'elle avait suggéré

 23   que vous le fassiez ensemble.

 24   R.  Le rapport qui était censé être établi ne pouvait pas être rédigé à

 25   partir de conversations avec un seul soldat. Dès que je suis rentré dans la

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  1   pièce, à ce moment-là elle n'était pas en train de rédiger un rapport. Elle

  2   faisait plutôt le travail de préparation en vue de ce rapport. Lorsqu'elle

  3   a dit faisons ce rapport ensemble, elle voulait dire sans doute qu'au cours

  4   des jours suivants, nous étions censés établir ensemble ce rapport à partir

  5   d'éléments que nous avions recueillis et reconstitués. Ce jour-là, elle ne

  6   faisait pas le rapport, elle se contentait de le préparer, de faire le

  7   travail menant à ce rapport.

  8   Q.  Comment a-t-elle rédigé ce rapport ? Qu'est-ce qu'elle a utilisé pour

  9   l'écrire ?

 10   R.  Je crois qu'elle s'est servie d'un crayon. En général, c'est comme cela

 11   que cela se faisait. On n'avait pas d'autres moyens.

 12   Q.  Elle a écrit un rapport manuscrit, c'est cela que vous voulez dire.

 13   Elle a écrit à la main ce rapport ?

 14   R.  Je pense que le premier jet, sans aucun doute, est écrit à la main,

 15   quant à savoir si quelqu'un l'a plus tard dactylographié, cela je ne sais

 16   pas. Je sais comment j'ai écrit ce rapport. Je l'ai fait à la main puis je

 17   suis allé au centre de transmission, et je l'ai dicté à une personne qui

 18   l'a dactylographié. Il a été envoyé, ce rapport, par cette personne au

 19   destinataire de ce rapport, donc au 6e Corps.

 20   Q.  Combien y a-t-il eu de rapports en tout ? Mme Dzogic et vous, est-ce

 21   que vous avez établi des rapports différents ?

 22   R.  Je pense que oui mais je n'ai jamais vu la version définitive de son

 23   rapport à elle. Il se peut que je l'aie vu, mais si c'est le cas, je ne

 24   m'en souviens pas. Je pense qu'il y a eu au moins quatre ou cinq rapports.

 25   Q.  Qui ont été les auteurs de ces rapports ?

Page 41

  1   R.  Je sais que Buza en a écrit un, parce que je l'ai aidé. Je lui ai

  2   fourni quelques informations que j'avais réunies. J'en ai fait un. Erzimana

  3   aussi et je pense que Mustafa Bektas l'a fait aussi, car c'est lui qui

  4   était officiellement l'adjoint à la sécurité au commandement. Je me suis

  5   donc dit qu'il y a dû y avoir au moins quatre rapports.

  6   Q.  Le rapport fait par Buza se fondait sur des informations que vous lui

  7   avez fournies, en ce qui concernait les événements d'Uzdol ? C'est bien

  8   cela que vous vous dites du fait que vous avez parlé à près de 100 soldats;

  9   est-ce exact ?

 10   R.  Non. Lui avait ses propres sources d'information. Il m'a consulté et

 11   apportait quelques corrections à son rapport éventuellement, le cas

 12   échéant.

 13   Q.  Vous avez dicté ce rapport qui était dactylographié et envoyé au 6e

 14   Corps ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Comment se fait-il que Buza en ait obtenu un exemplaire ?

 17   M. MORRISSEY : [interprétation] Ce témoin ne l'a pas dit. Il n'a pas dit

 18   que Buza avait reçu une copie, c'est un peu prématuré. Il faut préparer le

 19   terrain, pour ainsi dire.

 20   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Effectivement.

 21   M. RE : [interprétation]

 22   Q.  Vous aviez dit il y a un instant que vous aviez aidé Buza, qui lui-même

 23   avait rédigé un rapport. Vous l'aviez aidé en fournissant certaines des

 24   informations recueillies. Est-ce que vous l'avez aidé en fournissant à Buza

 25   une copie de votre rapport à vous ?

Page 42

  1   R.  Non. Nous nous sommes contentés d'en parler.

  2   Q.  Avez-vous dit à Buza que d'après vos informations aucun civil n'avait

  3   été tué à Uzdol ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Qu'est-ce que vous avez dit à Buza ?

  6   R.  Je ne m'en souviens pas.

  7   Q.  Est-ce que Buza a obtenu un exemplaire de votre rapport ?

  8   R.  Je ne pense pas. Cela aurait été possible s'il avait voulu obtenir une

  9   copie. Il aurait pu le faire, mais je ne pense pas qu'il l'ait fait.

 10   Q.  Le conseil de la Défense nous a présenté la semaine dernière une

 11   esquisse de ce qui allait être votre déposition et voici ce que le conseil

 12   de la Défense nous a rapporté ce que vous auriez dit la semaine dernière.

 13   Je cite : "Après, il a écrit un rapport qui a été vu par Buza et qui a été

 14   envoyé par la filière habituelle au 6e Corps." C'est ce que vous avez bien

 15   dit au conseil de la Défense, que vous aviez écrit un rapport et que Buza

 16   l'avait vu ?

 17   R.  Il est bien possible qu'il l'ait vu, mais je ne me souviens plus des

 18   détails. Je ne lui ai pas donné ce rapport. Je n'ai pas non plus insisté

 19   pour qu'il le lise. Je ne me souviens plus des détails. Par conséquent, je

 20   ne peux vous faire que des hypothèses.

 21   Q.  Le conseil de la Défense nous a fourni un texte qui ne dit pas que vous

 22   l'avez peut-être ou qu'il a peut-être été vu ce rapport que vous aviez

 23   écrit par Buza. On dit ensuite : "Vous, vous avez écrit un rapport, rapport

 24   qui a été vu par Buza." Vous comprenez la différence qu'il y a, n'est-ce

 25   pas ?

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  1   R.  Je vois bien qu'il y a une différence. Mais, vous savez, dix ans se

  2   sont écoulés. Comment voulez-vous que je me souvienne du moindre détail ?

  3   Enfin, je dis dix; c'est 12 ou 13, plutôt.

  4   Q.  D'après vos informations, combien y avait-il de soldats et de civils

  5   croates qui ont été tués à Uzdol au cours de l'attaque menée le 14

  6   septembre 1993 ?

  7   R.  Je ne me souviens pas avoir jamais entendu parler ou entendu mentionner

  8   des chiffres précis pour ce qui est des soldats et des civils tués.

  9   Q.  Je vais être plus précis. Quelles étaient les informations

 10   que vous aviez de façon générale à propos du nombre de civils et de soldats

 11   qui ont été tués ? Je parle de civils et de soldats croates.

 12   R.  La première fois ce que j'ai entendu mentionner cela a été dans les

 13   médias croates qui parlaient de plus de 100 civils tués. Plus tard, les

 14   chiffres ont fluctué et j'ai entendu parler de certains chiffres. C'est

 15   Buza au commandement qui en a parlé. Je ne sais pas d'où il détenait ces

 16   chiffres, mais jamais je ne l'ai entendu mentionner deux fois le même

 17   nombre. Je ne sais toujours pas aujourd'hui combien il y a eu effectivement

 18   de tués.

 19   Q.  Après avoir parlé à cette centaine de soldats, vous avez dit avoir

 20   parlé à près de 100 soldats, qu'est-ce que vous avez tiré comme conclusion

 21   quant aux circonstances dans lesquelles ces civils ont trouvé la mort ?

 22   R.  Personne n'a vu le moment où un soldat ou un civil auraient été tués,

 23   mis à part un cas précis. Le chauffeur avait été capturé par les soldats

 24   qui l'ont emmené au commandement et l'ont forcé à conseiller aux autres de

 25   se rendre. Par conséquent, personne ne m'a dit avoir vu, avoir été présent

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  1   au moment où quelqu'un avait été tué. Donc, impossible de me le relater.

  2   Ils ont parcouru le village à la recherche d'un refuge, d'un abri, pour

  3   s'abriter des tirs. Il y avait aussi des obus qui tombaient, un pilonnage.

  4   La confusion générale régnait. Tout le monde essayait de sauver sa peau.

  5   Ces hommes n'ont pas été à même de voir clairement ce qui se passait. Ils

  6   essayaient simplement de sauver leur peau.

  7   Q.  Est-ce cela que vous avez répercuté dans votre rapport ?

  8   R.  Plus ou moins. Hier, j'ai lu un rapport et j'ai dit que cela

  9   correspondait en gros à l'impression que je m'étais fait des événements.

 10   Q.  Est-ce que c'était le rapport de M. Jasarevic, qui était chef de la

 11   sécurité militaire, lequel, d'après vos dires, me semble-t-il, était basé

 12   sur le rapport de M. Buza ?

 13   M. MORRISSEY : [interprétation] C'est trop complexe.

 14   M. RE : [interprétation] Mais même pas pour un avocat normal, ordinaire ?

 15   M. MORRISSEY : [interprétation] Non. C'est trop complexe comme question.

 16   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Essayons de résoudre ces difficultés.

 17   M. RE : [interprétation] Lorsqu'on a montré au témoin hier le rapport de M.

 18   Jasarevic, il a dit qu'il pensait que c'était établi à partir du rapport de

 19   M. Buza. Je me fonde sur ce qui s'est dit hier. C'était la pièce 232.

 20   Q.  Quoi qu'il en soit, Monsieur le Témoin J, hier on vous a montré le

 21   rapport de M. Buza. Est-ce que vous dites maintenant que ce rapport-là

 22   correspond en gros avec votre impression des événements ?

 23   R.  Je ne me rapportais pas à ce rapport-là, ni au rapport de M. Jasarevic.

 24   Je pense qu'il y a eu un troisième rapport que j'ai examiné. Je ne sais

 25   plus qui l'avait rédigé. Je parlais de ce rapport-là lorsque j'ai dit que

Page 45

  1   cela correspondait plus ou moins avec mon rapport. Je n'étais pas d'accord

  2   sur certains des détails, là où ce rapport-là disait qu'on s'était servi

  3   des femmes comme boucliers humains. Là, je n'étais pas d'accord sur ce

  4   point. Je faisais référence à un troisième rapport qui m'a été montré.

  5   M. MORRISSEY : [interprétation] Si on va poser des questions à propos de

  6   ces documents au témoin, je crois qu'il est juste de lui montrer ces

  7   documents pour qu'il les ait sous les yeux. Nous, nous nous souvenons des

  8   cotes. Nous lui mentionnons de façon télégraphique, mais si on veut poser

  9   des questions au témoin, il faut qu'il ait ces documents.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que M. Re a soumis une hypothèse

 11   et cela dépendra de la réponse du témoin.

 12   M. MORRISSEY : [interprétation] Ce n'est pas tellement une objection;

 13   c'était plutôt une proposition.

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Si l'Accusation pense qu'il est

 15   nécessaire de proposer ces documents, nous allons pour autant que ce

 16   rapport ou ces documents soient disponibles les présenter au témoin.

 17   M. MORRISSEY : [interprétation] Le troisième rapport est sans doute la

 18   pièce 236.

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci de votre aide.

 20   Votre micro n'est pas branché, Monsieur Re.

 21   M. RE : [interprétation] Excusez-moi.

 22   Q.  Vous avez dit que cela correspondait en gros à votre rapport, mais vous

 23   n'étiez pas en particulier d'accord pour ce qui est de l'utilisation des

 24   femmes comme boucliers humains. Je vais vous montrer ce rapport dans un

 25   instant, mais c'est d'après ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

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  1   M. RE : [interprétation] Pourrait-on montrer le témoin la pièce D232.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que ce rapport devrait déjà apparaître

  3   à l'écran qui se trouve devant moi ?

  4   M. RE : [interprétation]

  5   Q.  J'espère que oui. Peut-on montrer la deuxième page ? C'est un rapport

  6   de M. Jasarevic ici. Est-ce que c'est celui-là dont vous parlez lorsque

  7   vous avez dit que vous étiez pratiquement d'accord sur sa teneur, mis à

  8   part la question de l'utilisation des femmes comme boucliers humains ?

  9   M. MORRISSEY : [interprétation] Mon estime confrère sait de quel rapport il

 10   s'agit, parce que cela a été mentionné dans le compte rendu d'hier. Le

 11   témoin a fait des rapports.

 12   Je ne m'oppose à ce qu'on relise ce compte rendu au témoin, mais le témoin

 13   éprouve beaucoup de difficultés à ce moment-là pour dire ce qui s'est dit

 14   hier s'agissant d'un rapport donné, et surtout s'il a relu le compte rendu.

 15   On me rappelle d'ailleurs -- non, peu importe, quoi qu'il en soit. De toute

 16   façon, le témoin peut répondre à la question. Je m'excuse d'être intervenu.

 17   Je vais laisser le soin au témoin de répondre.

 18   M. RE : [interprétation] Excusez-moi, mais je présente au témoin le rapport

 19   dont il a discuté hier aux pages 55 à 56. Je parle ici du rapport qui porte

 20   la cote D332. Soyons précis et levons tout doute possible.

 21   Q.  Monsieur le Témoin, c'est de ce rapport-ci dont vous parliez lorsque

 22   vous avez dit que vous étiez en général d'accord sur sa teneur, mais que

 23   vous n'étiez pas d'accord pour ce qui est du passage où l'on parle de la

 24   brutalisation des femmes en tant que boucliers humains ?

 25   R.  Je pense avoir dit que je n'avais pas vu ce rapport et que je supposais

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  1   qu'il avait été établi à partir du rapport de Buza, mais ce n'est pas à ce

  2   rapport-ci que je faisais référence. On m'a montré trois rapports.

  3   Q.  Hier, à ce sujet, lorsqu'on vous a posé une question, vous avez dit, à

  4   la page 56 :

  5   "R.  Je vois que ce rapport a été établi sur la base du rapport de Buza.

  6   Lorsque le rapport de Buza a été compilé, compte tenu des informations dont

  7   je disposais, j'ai prêté main-forte. Mais, je ne me souviens pas de

  8   certaines des choses qui correspondent à mon enquête d'origine ou aux

  9   constations qui ont été établies, telles que le nombre de victimes ou

 10   l'accent qui est tenu sur les femmes ayant des armes. Je ne me souviens pas

 11   avoir moi-même constaté ce genre de choses lors de mon enquête. Toutefois,

 12   pour ce qui est du fait que tout le monde était armé et le fait que

 13   l'artillerie a causé l'essentiel des destructions, cela est vrai."

 14   Hier, en réponse à Me Morrissey, lorsqu'il vous a demandé si ce rapport

 15   reprenait ou ne reprenait pas les résultats de "votre enquête", c'est ce

 16   que vous avez dit.

 17   M. MORRISSEY : [interprétation] Premièrement, aucune question  n'a été

 18   posée.

 19   M. RE : [interprétation] J'attends la traduction. C'est ce qu'on fait ici

 20   normalement.

 21   M. MORRISSEY : [interprétation] Deuxièmement, il n'y a pas de mots,

 22   citations, ouvrez les guillemets, fermez les guillemets autour du mot

 23   enquête. Il s'agit d'une citation de l'Accusation. S'il doit nous donner

 24   lecture du compte rendu d'audience, nous pouvons le faire sans autres

 25   remarques. Voilà ce que j'indique et je m'érige contre la question qui a

Page 48

  1   été posée.

  2   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Re, vous devez vous assurer

  3   qu'il s'agit du document auquel faisait référence le témoin hier.

  4   M. RE : [interprétation] Cela ne fait l'objet de litige. Cela correspond à

  5   la page 56. Me Morrissey lui pose des questions à ce sujet.

  6   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je sais, mais il me semble qu'il y a

  7   une confusion qui règne; une confusion dans mon esprit, en tout cas.

  8   M. RE : [interprétation] Je m'excuse.

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il s'agit de préciser les choses dans mon

 10   esprit.

 11   Je souhaiterais que vous posiez des questions à propos du document qui se

 12   trouve à l'écran. Demandez au témoin s'il s'agit du document auquel il a

 13   été fait référence hier et puis ensuite posez votre question.

 14   M. RE : [interprétation] 

 15   Q.  Je vous ai donné lecture d'une question et d'une réponse. Vous

 16   souvenez-vous avoir apporté cette réponse à Me Morrissey, qui vous a posé

 17   une question à propos du document qui se trouve maintenant en face de vous

 18   sur l'écran ?

 19   R.  Vos questions sont si complexes et si générales qu'il m'est difficile

 20   de me concentrer. Je vous demanderais d'être un peu plus précis et d'aller

 21   à l'essentiel lorsque vous posez vos questions.

 22   Q.  De grâce, je n'essaie surtout pas de jeter la confusion dans votre

 23   esprit. J'essaie tout simplement de comprendre quelle a été votre réponse à

 24   propos de ce document. Car hier -- maintenant, est-ce que vous nous dites

 25   que vous n'êtes pas sûr de la réponse que vous avez apportée hier, réponse

Page 49

  1   dont je vous ai donné lecture ? Vous n'êtes pas sûr qu'il s'agisse d'une

  2   réponse à apporter à propos de ce rapport ?

  3   M. MORRISSEY : [interprétation] Non, non. Monsieur le Président, il s'agit

  4   d'une question qui n'est pas posée à bon escient et ce que j'avance c'est,

  5   qu'en fait, elle ne devrait pas être autorisée, cette question.

  6   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons procéder par étape. Vous

  7   devez dans un premier temps faire en sorte qu'il y ait une base avant de

  8   poser vos questions, et ensuite, lorsque la base a été établie, vous posez

  9   votre question.

 10   M. RE : [interprétation] Monsieur le Président. Je ne sais pas que faire

 11   car même si mon confrère soulève des objections, il m'accuse d'utiliser un

 12   document erroné. C'est le bon document que j'ai présenté au témoin. Je lui

 13   ai lu ses réponses d'hier. Je lui ai demandé s'il se souvenait de la

 14   réponse qu'il avait apportée. Le témoin me dit : tout cela prête à

 15   confusion.

 16   Il a déjà apporté une partie de la réponse. Je veux lui poser une

 17   question à propos d'une autre partie. A chaque fois que je pose des

 18   questions au témoin à propos d'hier, on soulève des objections. D'ailleurs,

 19   je ne comprends pas toujours les objections. Le témoin m'a dit qu'il y

 20   avait une confusion qui régnait dans son esprit, qu'il était incapable de

 21   se souvenir d'avoir fait référence à ce document. Que dois-je faire ? Est-

 22   ce que je dois véritablement revenir sur tout ce que Me Morrissey lui a dit

 23   hier ?

 24   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez lui poser une question très,

 25   très simple. Demandez-lui s'il a fait référence à ce document hier ?

Page 50

  1   M. RE : [interprétation]

  2   Q.  Vous souvenez-vous avoir vu ce document ? Est-ce que vous vous souvenez

  3   que Me Morrissey vous a montré ce document hier et vous a demandé de faire

  4   des remarques à propos dudit document ?

  5   R.  Je dois dire que vous êtes encore imprécis car hier j'ai vu trois

  6   documents. Maintenant ce que je vois sur l'écran ne correspond pas au

  7   document dont je parlais lorsque j'ai dit qu'il correspondait aux

  8   impressions que j'avais dégagées. Puis, j'ai parlé d'un certain nombre de

  9   détails avec lesquels je n'étais pas d'accord. Je n'étais pas sûr du

 10   nombre, c'est à ce document auquel je faisais référence que j'ai dit cela.

 11   Q.  Tout ce que je vous demande c'est si vous vous souvenez que Me

 12   Morrissey vous a montré un document, document qui se trouve maintenant à

 13   l'écran ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

 14   R.  Oui. Je me souviens de ce document. J'avais dit que je ne l'avais

 15   jamais vu auparavant. Je suppose qu'il avait été établi sur la base du

 16   rapport de Buza. C'est tout ce que je peux dire à propos de ce document.

 17   Q.  Est-ce que les renseignements qui se trouvent dans ce document

 18   correspondent ou ne correspondent pas à ce que vous avez entendu lorsque

 19   vous avez parlé à une centaine de soldats, pendant les jours ou les

 20   semaines qui ont suivi l'attaque sur Uzdol ?

 21   R.  Je dois vous dire quelque chose. Est-ce que c'est vous qui avez changé

 22   le document à l'écran maintenant parce que cela pourra certainement

 23   susciter de plus en plus de confusion si vous voulez me poser des questions

 24   à propos de ce que je vois maintenant à l'écran.

 25   Q.  Je ne veux surtout pas que la confusion règne dans votre esprit. Je

Page 51

  1   vais vous donner un document écrit et cela vous sera plus facile.

  2   R.  Je voulais juste savoir qui avait changé le document à l'écran.

  3   Q.  Ce n'est pas moi le coupable, ce n'est pas moi. Je ne contrôle

  4   absolument pas cela.

  5   R.  Oui, je vous en prie.

  6   Q.  L'information qui se trouve dans ce document, qui est le rapport

  7   spécial de M. Jasarevic, en date du 20 septembre 1993, est-ce que cette

  8   information correspond ou ne correspond pas aux renseignements que vous

  9   avez recueilli auprès de la centaine de soldats avec qui vous avez parlé

 10   pendant les jours ou les semaines suivant l'attaque sur Uzdol ?

 11   R.  Oui, pour l'essentiel, cela correspond, mais pas entièrement.

 12   Q.  Je voulais juste que vous indiquiez à la Chambre de première instance

 13   quels sont les éléments qui ne correspondent pas ? Il y a, par exemple,

 14   l'usage qui a été fait des femmes en tant que boucliers humains, qui se

 15   trouve au deuxième paragraphe ?

 16   R.  Oui, voilà, c'est de cela dont il s'agit. Je n'ai jamais entendu parler

 17   de cela. Je n'ai jamais entendu dire que des femmes avaient été utilisées

 18   comme boucliers humains et avaient porté des armes. 

 19   Q.  Hormis cela, les renseignements correspondent à ce que l'on vous avait

 20   relaté ?

 21   R.  Oui, j'avais dit que pour l'essentiel cela correspondait. Je ne sais

 22   pas si vous voulez un pourcentage précis.

 23   Q.  Je souhaiterais juste que vous indiquiez à la Chambre de première

 24   instance quelles sont les parties qui ne correspondent pas à ce que l'on

 25   vous avait dit, à ce que les soldats vous ont dit, les soldats avec qui

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  1   vous avez parlé au cours des semaines et des jours qui ont suivi l'attaque

  2   contre Uzdol ?

  3   R.  C'est ce que je viens de dire. Je suppose que cela signifie que le HVO

  4   avait emmené des femmes afin qu'elles soient utilisées comme boucliers

  5   humains, et que l'on a donné des armes à ces femmes pour qu'elles les

  6   portent. Les soldats ne m'ont jamais parlé de cela. C'est pour cela que je

  7   peux vous dire que cela ne correspond pas à l'information que j'avais

  8   obtenue. D'ailleurs, il y a une autre information selon laquelle sept

  9   soldats blessés ont été évacués et que lorsqu'un soldat tué avait été

 10   évacué, quatre autres ont été tués. Je ne sais pas combien de combattants

 11   et de civils ont été liquidés, car il s'agit de nombres dont je n'aurais

 12   pas pu juger moi-même. Je n'aurais pas pu moi-même les évaluer.

 13   Q.  Très bien. De quoi n'êtes-vous pas sûr, du nombre de personnes

 14   liquidées ou de cette liquidation, justement, de ce fait ?

 15   R.  Je ne sais absolument pas d'où vient ce chiffre. Or, la source à

 16   laquelle je peux penser maintenant, ce sont les médias croates.

 17   M. RE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez montrer au témoin la pièce

 18   à conviction D149 ?

 19   Q.  Ce document va apparaître à l'écran également. Il s'agit du rapport de

 20   M. Buza en date du 20 septembre 1993. Vous voyez cette date sur ce

 21   rapport ?

 22   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 23   les Juges, objection à ce que ce détail soit ajouté par mon confrère, des

 24   détails à propos de la date. C'est vrai que cela se trouve en haut, à

 25   gauche, du document mais pour ce qui est de l'envoi de ce document -- non,

Page 53

  1   je retire mon objection. Je vais voir comment les choses vont évoluer. Je

  2   voulais juste dire qu'il y a des questions qui ont été posées à ce sujet à

  3   d'autres témoins.

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. C'est quelque chose qui a déjà été

  5   consigné au compte rendu d'audience. Quoi qu'il en soit ce document a cette

  6   date, il n'y a aucun problème à ce que l'Accusation fasse référence à ce

  7   document. Ce n'est pas un problème à ce que l'Accusation fasse référence à

  8   ce document.

  9   Poursuivez, Monsieur Re.

 10   M. RE : [interprétation] C'est aux fins du compte rendu d'audience, ainsi

 11   plus tard nous saurons exactement de quel document il s'agit.

 12   Q.  Monsieur le Témoin J, vous souvenez-vous que Me Morrissey vous a montré

 13   ce document hier ?

 14   R.  Non. Pas dans tous ses détails, mais je suppose que j'ai déjà vu ce

 15   document. Je reconnais ce qui est indiqué dans ce document.

 16   Q.  Quel rôle avez-vous joué lors de la rédaction de ce rapport ?

 17   R.  Je suppose que Buza m'avait demandé mon point de vue à ce sujet. Il m'a

 18   demandé si j'avais quelque chose à ajouter et je ne me souviens pas de la

 19   conversation précise que nous avons eue, mais je suppose que c'est ce qui a

 20   dû se passer.

 21   Q.  Vous pensez que Buza aurait pu utiliser des informations que vous lui

 22   auriez données pour compiler ce rapport ?

 23   R.  Je pense qu'il a dû le faire. Nous nous parlions quotidiennement. Bien

 24   sûr qu'il aurait pu utiliser mes informations. Je n'ai d'ailleurs jamais

 25   essayé de lui dissimuler quoi que ce soit.

Page 54

  1   Q.  Quels sont les renseignements que d'après vous, vous lui avez donnés

  2   qui se trouvent dans ce rapport ?

  3   R.  Il est difficile de le préciser, parce qu'en fait c'est une impression

  4   générale qui a été dégagée d'une discussion à laquelle participait tout le

  5   monde. Il est difficile de préciser mon rôle et son rôle. Il est très

  6   difficile de faire la part des choses. Nous avons échangé des informations,

  7   nous nous écoutions, par conséquent il m'est très difficile de préciser

  8   maintenant quelle partie correspond à ce que je disais, quelle partie n'y

  9   correspond pas.

 10   Q.  Les conclusions de Mme Dzogic à propos des événements à Uzdol, est-ce

 11   que les conclusions tirées par Mme Dzogic sont semblables aux vôtres ?

 12   R.  Oui, je le pense, car ceci étant je ne me souviens pas précisément de

 13   ses impressions. Je ne pense pas que ses conclusions générales étaient

 14   différentes des autres.

 15   Q.  D'après ce que vous savez, aucun des soldats avec qui elle a parlé ne

 16   lui a fourni des renseignements sur la mort de civils croates ou de

 17   soldats, et le fait que ces personnes avaient été tuées; est-ce bien

 18   exact ?

 19   R.  Je pense que certains l'ont fait, mais je n'ai pas de renseignements

 20   précis pour étayer ce que je dis. Autant que je m'en souvienne cette

 21   personne qui s'appelle Hero, et qui se trouvait dans son bureau, lui avait

 22   relaté quelque chose de ce goût-là, mais je ne me souviens pas de tous les

 23   détails.

 24   Q.  Vous nous dites, n'est-ce pas, que vous avez parlé à environ 100

 25   personnes et que parmi ces 100 personnes, personne ne vous a donné des

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  1   renseignements qui vous auraient permis de conclure et je cite : "Quelque

  2   65 soldats croates et 30 civils, pour l'essentiel, armés, ont été liquidés

  3   durant l'opération" ? 

  4   R.  Oui, mais vous faites référence à ce chiffre et vous revenez à la

  5   charge. Ces soi-disant 100 personnes à qui j'ai parlé, c'est une façon de

  6   parler. J'aurais pu dire que j'ai parlé à 200 ou 300 personnes, parce que

  7   j'ai parlé à un grand nombre de personnes à titre officiel et à titre

  8   officieux. J'étais présent lorsque les conversations et les consultations

  9   ont eu lieu, lorsque les gens ont été interrogés. Il ne faut pas vous en

 10   tenir à ce chiffre de 100 personnes comme étant absolument écrit dans la

 11   pierre.

 12   J'ai acquis une certaine impression, compte tenu des entretiens, tel

 13   que cela est indiqué dans mon rapport et ce que j'ai dit c'est que l'un des

 14   rapports correspond en règle générale à l'impression que j'avais obtenue

 15   lors de ces entretiens.

 16   Q.  Est-ce que c'est celui-ci ?

 17   R.  Vous voulez parler du rapport de Buza ?

 18   Q.  Oui, celui que vous avez maintenant sous les yeux. Est-ce que c'est

 19   celui-ci qui correspond largement --

 20   R.  Non, non. Ce rapport contient à force de détails qui sont connus. Des

 21   détails auxquels je suis parvenu moi-même, mais il y a un troisième

 22   rapport, un autre rapport. Je ne me souviens pas de quel c'est.

 23   M. RE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin la

 24   pièce à conviction 227.

 25   Q.  Est-ce que cela apparaît à l'écran maintenant ?

Page 56

  1   R.  Non, ce n'est pas un rapport.

  2   Q.  Très bien.

  3   R.  Il s'agit de tâches.

  4   Q.  Corrigez-moi si je m'abuse mais je pense qu'il s'agit des trois

  5   rapports qui vous ont été montrés hier.

  6   M. MORRISSEY : [interprétation] Le document D236 correspond à l'autre

  7   rapport.

  8   M. RE : [interprétation] Je m'excuse, est-ce que vous pouvez montrer alors

  9   au témoin le document 236.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. RE : [interprétation]

 12   Q.  Il s'agit du rapport en date du 31 octobre 1993, signé par Nermin

 13   Eminovic. Est-ce qu'il vous serait utile d'avoir un document papier ?

 14   R.  Oui, je pense que c'est bien le rapport que j'ai lu hier. 

 15   Q.  Hier, vous avez dit : "Ce que j'avais constaté à l'époque était assez

 16   semblable alors que ce document-ci est peut-être un peu plus détaillé."

 17   Vous aviez dit que ce rapport contenait de plus amples détails que ceux que

 18   vous aviez obtenus en parlant à une centaine de personnes après le 14

 19   septembre ?

 20   R.  Non. Ce que je vous ai dit, c'est que l'impression générale que j'en

 21   dégage est que, pour l'essentiel, cela correspond à ce que j'en avais

 22   déduit. Pour ce qui est des détails, je pense avoir dit qu'il y avait cette

 23   référence qui avait été faite au chauffeur de bus, Slavko Mendes.

 24   Q.  Hier, lorsque vous avez dit à la page 56, et je cite : "Pour ce qui est

 25   du fait que tout le monde était armé et que l'artillerie avait provoqué

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  1   l'essentiel de la destruction", je pense que cela est vrai. De quelle

  2   destruction parliez-vous ? A quoi faisiez-vous référence ?

  3   R.  Je n'aurais absolument pas pu établir cela. J'ai dit que l'essentiel

  4   avait été provoqué par l'artillerie, non pas causé par l'artillerie. Il

  5   s'agit de la dévastation, de la destruction qui est provoquée lorsqu'un

  6   obus tombe sur une partie résidentielle d'un endroit ou sur une maison.

  7   Q.  Si vous n'aviez pas pu établir que l'essentiel de la destruction avait

  8   été provoqué par l'artillerie, pourquoi alors avez-vous dit à la Chambre de

  9   première instance, et je cite : "Toutefois, pour ce qui est du fait que

 10   beaucoup de personnes étaient armées et que leur artillerie avait provoqué

 11   l'essentiel de la destruction, je suppose que cela est véridique" ?

 12   M. MORRISSEY : [interprétation] Avant que nous ne poursuivions, vous verrez

 13   que l'on pose au témoin une question à propos d'un document différent. La

 14   question qui a été posée par mon confrère à propos de la destruction et

 15   dévastation ne porte absolument pas sur le document 236. En fait, le

 16   document 236 est le document qui est cité à la ligne après. J'ai trouvé la

 17   référence, Monsieur le Président.

 18   M. RE : [interprétation] Je ne parle pas de ce document. J'en ai terminé

 19   avec ce document. J'ai passé à autre chose. Pourquoi est-ce que vous

 20   soulevez une objection alors que j'étais en train de poser une question ?

 21   M. MORRISSEY : [interprétation] Parce que je n'avais pas l'impression que

 22   vous étiez passé à autre chose. Je pense que vous ne l'avez pas fait à

 23   dessin, mais il a donné l'impression au témoin qu'il s'agissait toujours du

 24   document 236, et c'est pour cela que j'ai soulevé une objection.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je pense que la situation est claire

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  1   maintenant.

  2   M. RE : [interprétation]

  3   Q.  Je vais vous demander de reprendre la question que j'étais en train de

  4   vous poser. Voilà ce que je vous demandais. Est-ce qu'il est impossible

  5   d'établir que l'essentiel de la destruction avait été provoqué par

  6   l'artillerie, pourquoi est-ce qu'hier, à la Chambre de première instance,

  7   vous avez dit, et je cite : "Toutefois, pour ce qui est du fait que tout le

  8   monde était armé et que leur artillerie avait provoqué l'essentiel de la

  9   destruction, cela est vrai" ? Pourquoi avez-vous dit alors si vous n'aviez

 10   aucune méthode vous permettant d'établir cela, aucune façon de le faire ?

 11   R.  Nous avons pu obtenir de nombreux renseignements à partir des

 12   témoignages des soldats, et puis de tout façon, de soldats qui ont été

 13   témoins oculaires de la destruction. De surcroît, nous avons pu observer

 14   tout cela à partir d'une colline qui se trouvait près d'Uzdol. Cela était

 15   passé sous contrôle de l'ABiH. Il était très facile de voir quel type de

 16   destruction avait lieu, pas dans tous les détails, bien entendu, mais vous

 17   pouviez avoir une impression générale. Alors, je ne me souviens pas avoir

 18   parlé de cela précisément. Si j'ai utilisé cette phrase, je l'ai fait de

 19   façon aléatoire.

 20   Q.  Est-ce que vous retirez ce que vous avez dit hier, à savoir que vous

 21   n'êtes plus en mesure de dire à la Chambre de première instance, et je cite

 22   : "Le fait que leur artillerie avait provoqué l'essentiel de la destruction

 23   est que cela est vrai" ? Vous êtes en train de revenir sur ce que vous avez

 24   dit hier à la Chambre de première instance ?

 25   R.  Non. Je ne retire pas ce que j'ai dit hier. Je dis que peut-être que le

Page 59

  1   mot "l'essentiel" de la destruction, ne tient pas. J'ai dit, si je me

  2   souviens bien, en bonne partie, c'est-à-dire, je pense que l'artillerie a,

  3   en bonne partie, dévasté la région. Dans quelle mesure précise, je ne peux

  4   pas vous dire. Mais, il serait logique si j'avais dit cela. Il serait

  5   logique de penser que ce sont essentiellement les obus qui auraient pu

  6   provoquer la plus grande partie des destructions, des dévastations, et non

  7   pas d'autres armes, les armes d'infanterie.

  8   Q.  Lorsque vous dites "dévastation", à quoi pensez-vous ? Est-ce que vous

  9   pensez aux pertes au sein des civils ou des soldats, ou à quelque chose

 10   d'autre ?

 11   R.  Par les obus, les obus sont lancés sur les bâtiments, sur les

 12   installations, mais les civils perdent leur vie. Les obus tombaient sur

 13   tout le village. L'artillerie du HVO plaçait des obus sur tout le village,

 14   mais je ne peux pas vous dire avec certitude quelles étaient leurs cibles.

 15   Je ne peux dire que des hypothèses.

 16   Q.  Vous voulez dire que quant à vous, les obus lancés par le HVO ont causé

 17   la mort de 29 civils à Uzdol le 14 septembre 1993. Est-ce que c'est cela à

 18   quoi vous avez pensé en disant "destruction ou dévastation" ?

 19   M. MORRISSEY : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une question appropriée.

 20   Il peut demander si c'est cela que le témoin voulait dire.

 21   M. RE : [interprétation] C'est justement ce que j'ai fait.

 22   M. MORRISSEY : [interprétation] Il peut demander au témoin de clarifier,

 23   mais il ne peut pas lui dire ce qu'il avait dit. Il avait d'autres réponses

 24   dans ce sens et je ne peux pas objecter à cela. Cette question peut être

 25   posée mais être formulée en tant qu'une vraie question.

Page 60

  1   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Monsieur Re. Je vous prie de

  2   reformuler votre question.

  3   M. RE : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce que vous voulez dire que votre conclusion était la suivante :

  5   les obus lancés par le HVO ont causé la mort des civils qui sont morts à

  6   Uzdol le 14 septembre 1993 ?

  7   R.  En partie, oui, mais je n'ai jamais dit que c'était seulement les

  8   pièces d'artillerie qui ont causé la mort de ces civils. Il y avait des

  9   conflits entre les civils. Les civils ont péri durant le conflit entre les

 10   soldats de l'ABiH et du HVO.

 11   Q.  Il y en avait qui ont été touchés par les tirs et il y en avait qui ont

 12   été victimes des obus, n'est-ce pas ?

 13   M. MORRISSEY : [interprétation] J'objecte parce que ce n'est pas pertinent,

 14   c'est-à-dire, ce que le témoin dit par rapport à ce qui s'est passé.

 15   M. RE : [interprétation] Pourquoi avez-vous mené l'interrogatoire alors ?

 16   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Maître Morrissey, je ne vois pas où est

 17   le problème dans cette question.

 18   M. MORRISSEY : [interprétation] J'obéis à la Chambre.

 19   M. RE : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que, Monsieur, vous dites que certains des civils ont été tirés

 21   par les balles et les autres par les obus ?

 22   M. MORRISSEY : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Est-ce

 23   que je pourrais répéter ce que je viens de dire ?

 24   L'objection ne concerne pas la forme de la question.

 25   L'objection est dans la chose suivante : ce témoin n'est pas une personne

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  1   qui pourrait parler des lieux des crimes et la Défense n'a pas convoqué cet

  2   homme-là en tant que témoin oculaire. Nous l'avons convoqué pour qu'il

  3   parle de ce qu'il avait appris à l'époque et de nous dire ce qu'il avait

  4   fait à l'époque. L'objection est par rapport aux questions de mon collègue,

  5   à savoir que le témoin dise ce qui s'est passé. Je ne m'objecte pas si les

  6   questions concernent l'époque où les événements sont survenus.

  7   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bien, je pense que la condition pour que

  8   cette question soit posée est que tout cela soit basé, tout soit posé sur

  9   ses entretiens avec les soldats.

 10   M. MORRISSEY : [interprétation] Oui.

 11   M. RE : [interprétation]

 12   Q.  Témoin J, certains ont été touchés par des balles et les autres par les

 13   obus, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, je crois que c'était comme cela.

 15   Q.  Au courant de quelques derniers jours, vous avez témoigné que personne

 16   d'entre ces 100 personnes n'a rien dit à propos de la mort des civils.

 17   Comment pouvez-vous tirer conclusion sur la façon dont ces civils sont

 18   morts et sur le nombre de morts ?

 19   R.  Je n'ai jamais dit que j'ai pu savoir combien de civils ont été tués,

 20   mais en se basant sur les histoires, on pouvait dire cela. Mais ils ont

 21   mentionné le nom des personnes qui disaient cela, qui participaient dans le

 22   meurtre des civils. C'est comme cela en se basant sur ces histoires, on

 23   pouvait tirer des conclusions.

 24   Q.  Si les gens ne vous avaient rien dit sur la mort des civils qu'il y

 25   avait, des civils qui ont été tués, comment pourrait-on tirer conclusion

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  1   que ces civils sont morts et la façon de leurs morts ?

  2   R.  En se basant sur les propos des soldats qui ont participé et en se

  3   basant sur l'image que je me suis faite sur l'événement, il m'était clair

  4   que les soldats en fuyant ont lancé des grenades et ont tiré sur les

  5   maisons. Bien sûr qu'il y avait des informations diffusées par les médias

  6   par rapport au nombre de civils tués, par rapport au nombre de soldats. Je

  7   ne peux pas vous dire quand il m'a été tout à fait clair quel était le

  8   nombre de civils tués et de soldats tués. Tout le monde disait que c'était

  9   affreux, mais cet adjectif affreux pouvait englober tout. J'ai pu entendre

 10   différentes histoires sur l'événement.

 11   Q.  Mais vous nous avez dit que dans ces différentes histoires, il n'a pas

 12   été mentionné que des civils ont été tués.

 13   R.  Bien sûr que personne ne voulait dire que c'était lui qui a tué des

 14   civils. Je ne pouvais que conclure des histoires de ces personnes. J'ai

 15   contacté une première personne qui a parlé de cela et j'ai eu l'impression

 16   qu'il avait fait quelque chose qui n'était pas correct. J'ai pu conclure

 17   qu'il aurait lancé une grenade sur une maison dans laquelle il y avait des

 18   soldats et des civils. Il avait besoin de me raconter cela. J'ai pu voir

 19   qu'il lui était difficile de me raconter tout cela. J'ai eu l'impression

 20   que c'était certainement la raison pour laquelle certains d'entre ces

 21   civils ont été tués. S'il avait su qu'il s'agissait des soldats, peut-être

 22   que cela ne lui aurait été si difficile d'accepter cela. C'était la guerre.

 23   Q.  Mais parce qu'il ne vous a pas dit cela, il s'agirait de pure hypothèse

 24   de votre part ?

 25   R.  Je ne crois pas que personne n'aurait avoué cela, c'est-à-dire, qu'il

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  1   avait tué des civils.

  2   Q.  Vous avez dit qu'il y avait d'autres histoires d'autres personnes. Qui

  3   étaient ces autres personnes de la bouche desquelles vous avez entendu ces

  4   histoires, et quelles étaient ces histoires ?

  5   R.  A peu près ce que j'ai déjà dit. Tout le monde disait dans quelle

  6   direction ils couraient, qui lui tiraient dessus, de quelles maisons, ce

  7   qu'ils faisaient, s'ils lançaient des grenades, s'ils tiraient sur la

  8   maison, s'ils se cachaient. Toujours je demandais comment cela s'est passé,

  9   c'est-à-dire, comment les civils ont été tués. Ils ne répondaient qu'ils

 10   auraient participé à cette tuerie. Mais ils savaient tous que cela se

 11   passait comme cela parce qu'ils en parlaient, mais on ne pouvait pas

 12   obtenir de noms de ceux qui ont participé. C'était difficile de savoir les

 13   noms de ceux qui tiraient.

 14   Q.  Tous ont dit qu'ils n'avaient pas participé, eux, en personne, à ces

 15   meurtres, mais vous avez conclu qu'il y avait eu des meurtres. Vous nous

 16   avez dit qu'en bonne partie la dévastation a été causée par les obus lancés

 17   par le HVO.

 18   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, j'objecte parce que

 19   je pense que cela devient répétitif. Mon collègue peut poser des questions

 20   sur différents sujets, mais maintenant nous sommes arrivés au point où --

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. On a perdu beaucoup de temps sur ces

 22   questions. Je pense que c'est clair. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire

 23   de continuer à parler de ce sujet, Monsieur Re.

 24   M. RE : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce exact que personne d'entre ceux auxquels vous avez parlé ne vous

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  1   a dit que les civils ont été tués par les obus lancés par le HVO ?

  2   R.  On ne pouvait pas vérifier si quelqu'un a été tué par une balle ou par

  3   un obus. Je pense que toutes les victimes ont été enregistrées en tant que

  4   victimes des tirs, mais ce n'est pas probable parce qu'il y avait beaucoup

  5   d'obus qui ont été lancés dans ce village.

  6   Q.  Vous avez dit que vous pouviez voir les obus tomber en se trouvant sur

  7   une colline au-dessus d'Uzdol ?

  8   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, il n'a pas dit qu'il

  9   pouvait voir les obus qui tombaient. Il a dit qu'il pouvait voir la

 10   dévastation. Il y a une grande différence entre les deux choses.

 11   M. RE : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît, Monsieur le

 12   Président, il faut que je jette un coup d'œil sur le compte rendu. Je pense

 13   que c'est quelque peu différent. Je vais vérifier cela.

 14   Le témoin a mentionné la dévastation provoquée par l'artillerie, à la page

 15   54, après, il a dit : "Nous pouvions regarder cela du sommet de la colline

 16   se trouvant au-dessus d'Uzdol." Donc, je maintiens ma question.

 17   M. MORRISSEY : [interprétation] Je n'ai rien contre le fait que la question

 18   soit posée. Je veux qu'avant la question posée au témoin, il faut parler

 19   exactement de cette chose-là.

 20   M. RE : [interprétation] Est-ce qu'il y a une différence entre l'artillerie

 21   et les obus ?

 22   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être il y a une différence entre la

 23   dévastation et le pilonnage.

 24   M. RE : [interprétation]

 25   Q.  Vous avez parlé d'un pilonnage intense. Est-ce que c'est quelque chose

Page 65

  1   que vous pouvez voir si vous êtes au sommet de la colline se trouvant au-

  2   dessus d'Uzdol ?

  3   R.  Il faut que j'éclaircisse quelque chose. J'ai dit que nous pouvions

  4   regarder, nous pouvions suivre. Il y a peut-être une erreur

  5   d'interprétation qui se serait glissée, parce que nous pouvions regarder et

  6   nous pouvions suivre, ce sont deux choses différentes. C'est-à-dire, cela

  7   sous-entend que nous pouvions voir les conséquences de la dévastation du

  8   sommet de la colline et bien sûr, nous pouvions suivre tout ce qui s'est

  9   passé, c'est-à-dire, le pilonnage.

 10   Q.  La question était en fait la suivante : vous n'étiez pas là-bas ?

 11   R.  Non. Je n'étais pas là-bas, c'est-à-dire, au cours des combats.

 12   Q.  Vous, vous n'avez pas vu de vos propres yeux ces dévastations ?

 13   R.  Je n'ai pas vu la dévastation, mais j'ai pu voir du sommet de la

 14   colline les conséquences de la dévastation en utilisant des jumelles.

 15   Q.  Est-ce que la déclaration de (expurgé) a été recueillie ?

 16   M. MORRISSEY : [interprétation] Je souhaite intervenir, parce que je pense

 17   que quelque chose n'a pas été interprété. M. Cengic vient de me dire que le

 18   témoin a mentionné le mot, jumelles, qui n'a pas été interprété. Je prie

 19   que cela soit éclairci par les interprètes. Est-ce que c'est comme cela ou

 20   pas ?

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Monsieur Re, vous pourriez demander

 22   une question à ce sujet.

 23   M. RE : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur, lorsque vous avez dit que vous pouviez voir les conséquences

 25   du pilonnage du sommet de la colline, est-ce que vous avez dit que vous

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  1   pouviez voir cela en utilisant des jumelles ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Aviez-vous recueilli la déclaration de (expurgé)?

  4   R.  Non, pas moi mais j'étais présent au moment où il parlait de ce qu'il

  5   avait vu.

  6   Q.  C'était quand et où ?

  7   R.  Je pense que c'était à Dobro Polje, peut-être. Je ne peux pas me

  8   souvenir de la date exacte, peut-être quelques jours après. Il était membre

  9   du commandement, nous nous voyions quotidiennement.

 10   Q.  Qu'est-ce qu'il vous a dit à propos de son expérience par rapport à ce

 11   qui s'est passé ?

 12   R.  Rien de particulier. Je peux me souvenir qu'il m'a dit qu'il était

 13   parti en action avec un pistolet, avec une cartouche seulement. Cela me

 14   semblait bizarre et même ridicule de voir que quelqu'un va en action avec

 15   seulement cela comme munition et comme arme.

 16   Q.  Est-ce qu'Erzimana Dzogic a recueilli sa déclaration à lui ?

 17   R.  Je ne sais pas.

 18   Q.  Est-ce que vous avez vu la déclaration qu'elle a recueillie ?

 19   M. MORRISSEY : [interprétation] Juste un instant. Comment mon estimé

 20   collègue, je ne veux pas tenir un discours, j'objecte. Il a dit qu'il ne

 21   savait pas. Question suivante --

 22   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je comprends. Il n'est pas logique

 23   de poser la deuxième question.

 24   M. RE : [interprétation] Je m'excuse, j'ai dit des déclarations. Je n'ai

 25   pas parlé du témoin.

Page 67

  1   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mais --

  2   M. RE : [interprétation] Je ne parle pas de ce témoin. Il a dit non et

  3   ensuite je lui ai posé des déclarations à propos des déclarations

  4   d'Erzimana, qu'elle avait recueillies.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, mais il faut que vous soyez plus

  6   précis en posant vos questions.

  7   M. RE : [interprétation] Très bien.

  8   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez vu des déclarations que Mme Erzimana

  9   Dzogic a recueillies de qui que ce soit ?

 10   R.  Ce n'était pas la pratique que je prenne ses déclarations et les

 11   miennes. Nous pouvions échanger nos opinions sur certains cas, mais à

 12   propos de ce cas-là, je ne me souviens pas d'avoir échangé des opinions

 13   avec elle.

 14   Q.  Comment avez-vous recueilli les déclarations vous-même ? Qu'est-ce que

 15   vous avez fait physiquement parlant ?

 16   R.  Vous pensez à la méthode ou à l'endroit ou j'ai recueilli ces

 17   déclarations ?

 18   Q.  Les deux. Dites-moi tout simplement ce que vous avez fait.

 19   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, j'objecte à cela.

 20   M. RE : [interprétation] Pas encore une fois.

 21   M. MORRISSEY : [interprétation] Cela est répétitif, Monsieur le Président.

 22   A mon avis cela a été déjà discuté, la méthode dont ces déclarations ont

 23   été recueillies. S'il s'agit des choses plus concrètes, je n'objecte pas.

 24   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je crois que le témoin a déjà

 25   répondu à cette question.

Page 68

  1   M. RE : [interprétation] Je ne lui ai pas posé de questions par rapport à

  2   la méthode de recueillir les déclarations.

  3   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Le témoin a déjà témoigné qu'il avait un

  4   carnet dans lequel il notait ces déclarations.

  5   M. RE : [interprétation] Non, Monsieur le Président, ce n'est pas exact. Je

  6   ne lui ai pas demandé de me dire de quoi il parlait au groupe de soldats.

  7   Je n'ai pas parlé du processus de recueillir des déclarations.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] S'il y a une différence entre les deux

  9   notions, notes et déclarations, vous pouvez continuer.

 10   M. RE : [interprétation]

 11   Q.  Je ne parle pas maintenant des notes que vous avez consignées lorsque

 12   vous avez parlé aux soldats, aux groupes de soldats, je parle des

 13   déclarations.

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Comment avez-vous procédé ?

 16   R.  J'ai déjà déposé que je faisais des ébauches et après, je notais les

 17   noms des personnes. Je leur disais après : passe-me voir parce que j'ai

 18   quelque chose à te dire. Ils venaient dans notre bureau qui nous servait où

 19   nous discutions des questions relatives à la sécurité et aux

 20   renseignements. Je leur posais des questions pour pouvoir dessiner une

 21   image plus précise.

 22   Q.  Est-ce que vous avez consigné ces informations au même carnet que vous

 23   utilisiez lorsque vous leur parliez ?

 24   R.  Non. J'avais un autre carnet où je consignais des déclarations en forme

 25   propre, avec la date, la signature, le texte, avec ma signature et la

Page 69

  1   signature de la personne qui est dans la déclaration.

  2   Q.  Je pense que vous avez dit que vous utilisiez un crayon.  Vous avez

  3   écrit cela à la main, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce que vous n'avez jamais dicté des déclarations à quelqu'un ? Est-

  6   ce que ces déclarations ont été dactylographiées ?R.  Non.

  7   Q.  Il y en avait combien de ces déclarations ?

  8   R.  Je ne peux pas me souvenir du nombre exact, mais il y avait pas mal.

  9   Q.  Pouvez-vous nous dire un nombre approximatif ? Plus de 10, moins de

 10   dix, plus de cinq, plus de 20, moins de 20 ?

 11   R.  Dans ce carnet, il y avait d'autres déclarations concernant d'autres

 12   problèmes du bataillon. Ce carnet était plein. Il y avait au moins 50 ou 60

 13   pages écrites et de ce nombre, une quinzaine jusqu'à une vingtaine. Il y

 14   avait des déclarations concernant Uzdol. Je ne peux pas vous dire le nombre

 15   exact.

 16   Q.  Qu'est-ce que vous avez fait avec les déclarations une fois que vous

 17   avez fini de les recueillir par rapport à ce carnet ?

 18   R.  Cela se trouvait dans un coffre métallique qui se trouvait dans le

 19   couloir et qu'on refermait à clé parce qu'il y avait d'autres documents là-

 20   dedans.

 21   Q.  Est-ce que les personnes dont c'étaient les déclarations ont signé ces

 22   déclarations ? Est-ce que vous leur avez demandé de les signer ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Lorsque vous recueilliez ces déclarations, vous n'avez pas fait des

 25   enquêtes par rapport aux allégations concernant les meurtres à Uzdol,

Page 70

  1   n'est-ce pas ?

  2   R.  J'ai pensé que mon rôle c'était de voir le plus précisément possible ce

  3   qui s'était passé à Uzdol et faire un rapport par la suite.

  4   Q.  Ce n'est pas ce que je viens de vous demander. Je vous ai demandé si

  5   vous avez fait une enquête par rapport aux meurtres à Uzdol et on ne vous a

  6   pas demandé de faire une enquête de meurtres à Uzdol, n'est-ce pas ?

  7   M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais il faut

  8   que cela soit clair. Que mon collègue sache, pose clairement des questions.

  9   Si mon collègue veut poser une question différente, il faut que cela soit

 10   séparé clairement, distinctement de la précédente.

 11   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Peut-être il serait possible, lorsqu'il a

 12   écrit sur les événements à Uzdol y compris les meurtres.

 13   M. RE : [interprétation] Ma question était délibérée. Chaque fois que je

 14   pose ces questions, il y a des objections. La question était s'il a fait

 15   des enquêtes concernant ces meurtres. Il n'a pas répondu à cela. Cette

 16   objection n'a pas de base du tout.

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] A mon avis, le témoin a partiellement

 18   répondu à votre question mais le problème est que vous devriez poser des

 19   questions plus spécifiques avant que le témoin ne réponde.

 20   M. RE : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur le Témoin J, vous n'avez pas fait une enquête par rapport aux

 22   allégations concernant les meurtres à Uzdol, le 14 septembre 1993, lorsque

 23   vous avez parlé aux soldats, n'est-ce pas ?

 24   R.  Ce n'est pas comme cela que j'avais compris mon rôle. Je n'étais pas

 25   censé mener une enquête judiciaire, criminelle. Cela aurait été impossible

Page 71

  1   de faire ce genre de choses à Uzdol. Si on m'avait donné ce genre de

  2   mission d'enquête, il aurait fallu que je sache qui exactement avait été

  3   les auteurs et les victimes, mais ce n'est pas ce que j'ai fait.

  4   Q.  Ce n'est pas non plus ce que faisait Erzimana Dzogic, n'est-ce pas ?

  5   R.  Je ne pense pas qu'elle aurait pu avoir plus de renseignements que moi.

  6   Nous n'avons pas su qui avait été assassiné ni combien de meurtres il y

  7   avait eus, où ils s'étaient produits, qui en étaient les auteurs.

  8   Q.  A votre connaissance, il n'y avait pas d'enquête en cours à l'époque,

  9   pour l'assassinat présumé de civils à Uzdol en 1993, n'est-ce pas ?

 10   R.  Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

 11   Q.  Ce que je laisse entendre, c'est qu'à votre connaissance, il n'y avait

 12   pas eu d'enquête pour assassinat, au singulier ou au pluriel, à Uzdol. Il

 13   n'y avait pas d'enquête de ce genre en cours.

 14   M. MORRISSEY : [interprétation] Objection. Le témoin l'a dit clairement. Il

 15   vous a défini clairement ce qu'il croyait être sa mission, son travail, et

 16   il n'est pas ici pour obligation de qualifier ce genre d'enquête. C'est à

 17   vous, Chambre de première instance, que revient cette tâche à la fin du

 18   procès.

 19   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vais permettre à Monsieur Re de

 20   poursuivre ce genre de questions. En effet, la réponse fournie par ce

 21   témoin n'est pas claire. Il a dit : "Non, ce n'est pas ce que j'ai dit."

 22   J'aimerais savoir ce qu'il veut dire.

 23   M. MORRISSEY : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Posez une question de suivi, Monsieur Re.

 25   M. RE : [interprétation]

Page 72

  1   Q.  Ce que je laisse entendre, c'est que d'après ce que vous saviez, vous,

  2   il n'y avait pas d'enquête qui avait été diligentée pour assassinats, qui

  3   avaient été commis à Uzdol, le 14 septembre 1993. Ce genre d'enquête

  4   n'était pas en cours lorsque vous, vous avez parlé à des soldats ?

  5   R.  Je ne sais pas trop ce que je faisais. J'essayais d'établir la vérité,

  6   c'était dans le cadre de mon enquête.

  7   Q.  Pas ce que vous faisiez, mais d'autres. C'est cela le sens de ma

  8   question. A votre connaissance, il n'y avait personne d'autre qui enquêtait

  9   pour ce qui est d'assassinats commis à Uzdol ce jour-là ?

 10   R.  A ma connaissance, Erzimana et Mustafa Bektas étaient les responsables

 11   officiels d'une enquête. Officiellement, c'étaient des adjoints. Je ne sais

 12   pas qui aurait dû être partie prenante à ce genre d'activités au niveau du

 13   bataillon.

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Re, est-ce que je peux

 15   maintenant vous demander ceci : vous avez besoin de combien de temps

 16   encore ?

 17   M. RE : [interprétation] Pas trop de temps, une demi-heure à peu près.

 18   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Alors, je dois m'être trompé pour ce qui

 19   est du début. J'avais proposé qu'on commence à 10 heures. Nous aurions dû

 20   commencer à 9 heures.

 21   Mais nous sommes à court de cassette parce que ce volet de l'audience dure

 22   déjà 90 minutes, et il nous faut nous arrêter maintenant. L'audience

 23   reprendra à 15 heures.

 24   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 13 heures 37.

 25   --- L'audience est reprise à 15 heures 01.

Page 73

  1   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs. Avant de

  2   commencer, Maître Morrissey, vous souhaitez soulever un point ?

  3   M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, excusez-moi de le faire. Je dois dire,

  4   cependant, qu'à un moment donné ce matin, nous avons soulevé le point

  5   concernant la déclaration ou une partie de la déclaration d'une certaine

  6   personne. Mais je pense qu'il faut passer à huis clos partiel pour en

  7   parler.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, nous allons passer à huis clos

  9   partiel.

 10   Nous y sommes.

 11   [Audience à huis clos partiel]

12  (expurgée)

13  (expurgée)

14  (expurgée)

15  (expurgée)

16  (expurgée)

17  (expurgée)

18  (expurgée)

19  (expurgée)

20  (expurgée)

21  (expurgée)

22  (expurgée)

23  (expurgée)

24  (expurgée)

25  (expurgée)

Page 74

 

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11  Pages 74-78 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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25  

Page 79

 1  (expurgée)

 2  (expurgée)

 3  (expurgée)

  4   [Audience publique]

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous avons l'intention de terminer la

  6   déposition de ce témoin en une audience. Demain, nous souhaitons entendre

  7   un autre témoin. Nous allons commencer à 9 heures et nous allons travailler

  8   jusqu'à la fin de la déposition de ce témoin, car nous ne souhaitons pas

  9   que ce témoin reste à La Haye pendant le week-end.

 10   M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense que

 11   nous allons terminer la déposition de ce témoin très rapidement, donc je

 12   vais certainement terminer cela au cours de l'audience de demain matin.

 13   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Monsieur Re. Veuillez poursuivre.

 15   M. RE : [interprétation]

 16   Q.  Avant la pause, Monsieur le Témoin J, je vous ai posé des questions au

 17   sujet de (expurgé). Vous avez dit qu'il faisait partie du commandement et

 18   que vous étiez en contact quotidiennement avec lui. Je dis cela simplement

 19   pour vous rafraîchir la mémoire.

 20   R.  Puis-je dire quelque chose avant de commencer à répondre aux

 21   questions ?

 22   Q.  Est-ce que ceci a trait à la question que je vous pose ou à autre

 23   chose ?

 24   R.  Autre chose.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Monsieur le Témoin.

Page 80

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que le Tribunal sait que j'ai

  2   certains problèmes de santé et j'ai du mal à me décider de venir ici. C'est

  3   la raison pour laquelle je demanderais que l'on pose des questions de

  4   manière plus concise et brève car je n'arrive pas à me concentrer sur des

  5   questions trop longues et trop compliquées. Surtout, étant donné que demain

  6   je suis censé recevoir les résultats de tous mes examens, ce qui me

  7   préoccupe en ce moment.

  8   Je suis préoccupé pour une autre raison, compte tenu de la question qui m'a

  9   été posée par le Procureur hier, à savoir, il m'a demandé si j'avais été

 10   accusé d'avoir organisé une émeute par le HVO. J'ai dit que c'était vrai et

 11   que le HVO, à l'époque illégal, avait inventé ces allégations contre moi,

 12   mais peu importe puisque toutes ces allégations sont tombées dans l'eau

 13   puisqu'il n'y avait pas une seule preuve ni un seul témoin, même pas faux

 14   témoin malgré les efforts d'en trouver. Cette absurdité de procès qui

 15   devait avoir lieu avait été annulée et personne n'a mentionné un seul mot à

 16   ce sujet. Ceci avait eu lieu en 1992.

 17   Ce qui me préoccupe, c'est que cette information qui a été recueillie par

 18   le Procureur, même s'il avait demandé d'avoir cette information de manière

 19   très discrète, je pense qu'il a mis à mal ma sécurité en faisant cela. Car,

 20   je pense que cette information, elle n'existe pas du tout dans des

 21   documents ailleurs, mais seulement dans les archives de l'ancien service de

 22   renseignement du HVO à l'époque. Donc, je répète encore une fois : même

 23   s'il avait demandé cette information à mon sujet, de manière discrète, et

 24   des données concernant ma biographie, ceci a certainement attiré leur

 25   attention sur moi et a certainement mis à mal ma sécurité puisque les

Page 81

  1   personnes qui ont fourni ces informations peuvent supposer que j'étais

  2   potentiellement un témoin, ou pire encore, potentiellement une personne

  3   accusée devant ce Tribunal.

  4   Je souhaitais attirer l'attention de la Chambre sur ce sujet. Je ne

  5   m'attendais pas à me retrouver dans une telle situation venant ici. Je

  6   pensais que lorsque l'on parlait de la protection, que ceci sous-entendait

  7   des dispositifs plus sérieux que cela. C'est tout.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup de cette déclaration. Au

  9   nom de cette Chambre, je peux vous garantir que nous allons tout faire afin

 10   de protéger votre sécurité. En ce qui concerne le bureau du Procureur, je

 11   pense qu'il a une procédure bien en place qui prend en compte la sécurité

 12   de la personne qui fait l'objet de leur demande d'information. Par

 13   conséquent, à ce stade, je ne pense pas que ceci puisse poser problème. Si

 14   vous découvrez quelque chose qui risque d'affecter votre sécurité, vous

 15   pouvez en informer le Tribunal ou vous pouvez informer la partie qui vous a

 16   cité à la barre de cela.

 17   En ce qui concerne le premier point, je souhaite dire que j'ai déjà reçu la

 18   confirmation de la part des parties qu'elles allaient essayer de vous

 19   libérer dès que possible, en tenant compte de votre état de santé. Je pense

 20   qu'elles vont terminer votre déposition avant 16 heures 30.

 21   Oui, Monsieur Weiner ?

 22   M. WEINER : [interprétation] Oui, afin de clarifier et rassurer le témoin,

 23   je vais dire que lorsque nous saisissons des documents dans les archives,

 24   nous recevons des documents en nombre énorme, des dizaines de milliers, et

 25   parfois des centaines de milliers de documents. Donc, nous ne nous

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  1   adressons pas au service de Sécurité en disant : Voici le nom qui nous

  2   intéresse; fournissez-nous des documents. Tous ces éléments ont été

  3   contenus dans ce document qui était extrêmement nombreux.

  4   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup.

  5   Monsieur le Témoin, êtes-vous prêt à poursuivre ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux continuer, mais je dois

  7   contredire à ce qui vient d'être dit, car ce document se trouve à un seul

  8   endroit. Donc, il n'a pas pu être saisi avec un nombre énorme d'autres

  9   documents. Je pense que j'ai dit suffisamment de choses à ce sujet.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Merci beaucoup. Si vous êtes mal à

 11   l'aise, je peux demander que le Procureur vous parle de ce sujet

 12   précisément après la fin de votre déposition.

 13   Oui, Monsieur Re, vous pouvez continuer.

 14   M. RE : [interprétation] Merci. J'ai presque terminé, Monsieur le Témoin J,

 15   et je vais essayer de poser mes questions de manière vraiment brève.

 16   Q.  Je vous ai posé une question au sujet de (expurgé). (expurgé) faisait

 17   partie du commandement du Bataillon indépendant de Prozor, et il était en

 18   mesure de savoir si une enquête avait été lancée portant sur les événements

 19   d'Uzdol, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, je pense que oui, compte tenu du fait qu'il était l'adjoint du

 21   commandant. Je pense qu'il était chargé du moral des troupes. Je ne sais

 22   pas exactement quel était le titre qu'il avait.

 23   Q.  Il a déposé ici, et le 7 avril. A la page 70 du compte rendu

 24   d'audience, on lui a demandé la chose suivante, je cite :

 25    "Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous savez si des enquêtes ont été

Page 83

  1   menées au sujet des morts des civils à Uzdol ?"

  2   Il a répondu :

  3   "R.  Je ne suis pas au courant D'une quelconque enquête et je ne pense pas

  4   que j'ai jamais dit quoi que ce soit au sujet des enquêtes. Tout

  5   simplement, je ne suis pas au courant de cela."

  6   Tout ce que je souhaite vous dire est que vous n'avez pas de raison

  7   d'être en désaccord avec ce qu'il a dit, n'est-ce pas ?

  8   R.  Je n'ai pas de raisons, mais je suis étonné.

  9   Q.  Mais vous acceptez qu'il était plus en mesure que vous de savoir si des

 10   enquêtes avaient été menées, compte tenu de ses fonctions d'adjoint du

 11   commandant chargé de la religion et de la morale, et cetera ?

 12   M. MORRISSEY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Ce témoin

 13   a déposé au sujet de ce qu'il avait fait, et cette question maintenant est

 14   une question absurde. Il n'est pas du tout acceptable de poser une telle

 15   question. Lorsque ce témoin a déposé au cours du contre-interrogatoire, il

 16   se fondait sur les enquêtes qu'il avait menées lui-même. 

 17   Je rappelle à la Chambre que mon éminente collègue, en posant cette

 18   question, il a demandé ce que (expurgé) avait dit et faisait au cours de

 19   ces jours-là. Je n'ai pas le compte rendu d'audience, mais je me souviens

 20   très bien qu'il parlait de manière générale.

 21   M. RE : [interprétation] Vraiment, je fais objection à ce que vient de dire

 22   mon éminente collègue devant le témoin. Cela dit, le témoin a déposé au

 23   sujet de ses contacts au jour le jour avec (expurgé). Donc, s'il souhaite

 24   soulever une objection, il faut le faire en l'absence du témoin.

 25   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que l'Accusation a posé

Page 84

  1   une question bien délicate. Cependant, nous allons entendre la réponse du

  2   témoin.

  3   M. MORRISSEY : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

  4   M. RE : [interprétation]

  5   (expurgé)

  6   (expurgé)

  7   (expurgé)

  8   R.  Je ne pense pas qu'il était plus en mesure de savoir cela, car j'étais

  9   constamment présent dans le commandement. J'étais en contact avec Mustafa

 10   et Erzimana, alors qu'il était absent pour la plupart du temps. 

 11   Cela dit, il vient d'un village des alentours, donc très souvent il

 12   dormait chez lui, et très souvent il n'était donc pas sur place. Alors que

 13   je restais toujours dans le quartier général et j'entendais tout ce qui se

 14   passait, donc j'étais mieux informé que lui.

 15   Q. Hier, vous avez dit à la Chambre de première instance -- peut-on passer

 16   à huis clos partiel, s'il vous plaît ?

 17   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous allons passer à huis clos

 18   partiel, s'il vous plaît.

 19   [Audience à huis clos partiel] 

20  (expurgée)

21  (expurgée)

22  (expurgée)

23  (expurgée)

24  (expurgée)

25  (expurgée)

Page 85

 1  (expurgée)

 2  (expurgée)

 3  (expurgée)

  4   [Audience publique]

  5   M. RE : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur le Témoin J, je souhaite simplement vous poser une question au

  7   sujet de quelque chose qu'on vous a dit hier. Me Morrissey vous a posé une

  8   question au sujet de vos informations concernant Uzdol. Vous avez dit à la

  9   Chambre de première instance que vous aviez des informations concernant la

 10   question de savoir qui y vivait et que "vous saviez également qu'il y avait

 11   au moins une arme dans chacune des maisons et parfois plus. Vous étiez sûr

 12   que les habitants de chaque maison du village étaient armés."

 13   Simplement pour le moment, je voulais vous rafraîchir la  mémoire par

 14   rapport à ce que vous avez dit hier. Je vais vous poser ma question

 15   maintenant.

 16   Vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit là des

 17   informations bien précises que vous aviez au sujet de ce qui se trouvait à

 18   l'intérieur de chacune des maison, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce que vous avez confiance dans ces renseignements ? Vous pensez

 21   qu'il y avait effectivement une arme à canon long dans chaque maison ?

 22   R.  Je suis à peu près certain, parce que l'armée et le HVO constituaient

 23   une formation unique depuis le début de la guerre, c'est-à-dire au mois

 24   d'avril 1992, jusqu'en octobre 1992, à Prozor, et même plus longtemps dans

 25   certains secteurs. Nous avions des contacts et nous savions ce dont ils

Page 86

  1   disposaient, et eux savaient ce que nous avions également; on ne faisait

  2   pas mystère de l'achat d'armes. Il n'y avait pas de secret. Des armes

  3   étaient vendues dans les rues. Nous savions qui achetait ces armes, qui

  4   distribuait ces armes et où. Même de petits enfants connaissaient ces

  5   renseignements.

  6   Q.  Est-ce que ce que vous dites c'est que vous saviez très précisément

  7   qu'il y avait une arme dans chacune des maisons d'Uzdol ou est-ce que c'est

  8   une hypothèse ? Vous deviniez cela sur la base du fait que le HVO était

  9   passé par là ?

 10   R.  Je sais cela sur la base de certains faits. Il y avait eu une action

 11   conjointe de l'armée et du HVO contre les installations de l'ancienne JNA.

 12   Un grand nombre d'armes avaient été saisies, et ces armes avaient été

 13   distribuées de façon proportionnelle selon les habitants, entre les

 14   Bosniens et les Musulmans.

 15   Ceux qui travaillaient à l'étranger devaient envoyer de l'argent pour

 16   un fonds. Nous savions combien d'armes étaient achetées et où elles

 17   allaient. Ce n'était pas un secret.

 18   Q.  Enfin, ce que je pose comme question c'est le fait que vous saviez

 19   qu'il y en avait dans chaque maison plutôt que dans chaque village.

 20   R.  Je suis à peu près sûr. Bien sûr, je n'étais pas en mesure de vérifier,

 21   mais j'étais convaincu que chaque maison avait une arme. C'est ce que les

 22   gens disaient. Pas seulement une arme, mais plus d'une arme. Les gens s'en

 23   ventaient même, du nombre d'armes qu'ils avaient.

 24   Q.  Bien sûr, sachant qu'il y avait des armes dans des maisons, on savait

 25   qui vivait dans chaque maison à Uzdol ?

Page 87

  1   R.  Je ne vois pas ce que cela a à voir avec la question.

  2   Q.  Vous nous avez dit que vous aviez des informations précises sur le fait

  3   qu'il y avait des armes dans chacune des maisons, et je suggère que si vos

  4   renseignements étaient si précis, vous connaissiez aussi l'identité de

  5   toutes les personnes qui vivaient à Uzdol en septembre 1993.

  6   R.  Je n'avais pas à le savoir. J'ai vu mes voisins, et parmi eux, certains

  7   d'Uzdol qui portaient ouvertement des armes. Personne ne cachait ses armes

  8   à personne. Peut-être que je parlais de façon figurée lorsque je disais

  9   chaque maison, mais je suis convaincu qu'en fait, chaque maison en avait,

 10   effectivement. Mais personne ne réunissait des informations pour savoir qui

 11   vivait dans quelle maison.

 12   Q.  Parce que personne ne recueillait ces renseignements, à partir du 14

 13   septembre 1993, vous n'aviez pas su combien d'habitants se trouvaient

 14   encore dans le village, n'est-ce pas ?

 15   R.  Je ne vois pas de lien entre ces deux choses. Nous ne pouvions même pas

 16   savoir qui était civil et qui ne l'était pas. Je parle uniquement des

 17   hommes, bien sûr. Bien sûr, les enfants faisaient partie des civils.

 18   Q.  Vous dites à la Chambre qu'à partir du jour de l'attaque, vous-même,

 19   depuis votre poste au Bataillon indépendant de Prozor, vous ne connaissiez

 20   pas l'identité des femmes, des enfants et des civils qui vivaient à Uzdol

 21   et où ils vivaient ? Est-ce que c'est cela ce que vous dites ?

 22   R.  Je connaissais un certain nombre de ces personnes depuis une autre

 23   époque, mais les gens des villages voisins se connaissaient entre eux,

 24   personnellement. J'étais un étranger dans ce secteur, pour ainsi dire.

 25   Q.  Ce n'est pas cela que je vous demande. Je vous demande si, depuis votre

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  1   position du Bataillon indépendant de Prozor, vous connaissiez l'identité et

  2   l'endroit où vivaient les gens à Uzdol, plus particulièrement les civils ?

  3   M. MORRISSEY : [interprétation] En fait, la question à l'origine c'étaient

  4   les femmes, les enfants et les civils, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

  6   M. RE : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur le Témoin J, je vous posais une question.

  8   R.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter votre question de façon précise

  9   et brièvement ?

 10   Q.  Ce que je vous demande c'est : est-ce que vous connaissiez, le 14

 11   septembre 1993, est-ce que vous connaissiez l'identité des femmes, des

 12   enfants, des civils qui vivaient à Uzdol et où ils habitaient ?

 13   R.  Vous voulez dire tous les habitants du village ?

 14   Q.  Je parle des femmes, des enfants, et des civils, oui.

 15   R.  C'est une question ridicule.

 16   Q.  Vous avez dit hier et aujourd'hui à la Chambre que vous pensiez que

 17   chacune des maisons avait une arme. Je vous demande -- non, je retire cela.

 18   C'est un élément d'information très précis que vous avez donné à la Chambre

 19   de première instance. Je vous demande -- vous dites que la précision des

 20   renseignements que vous aviez n'allait pas jusqu'à connaître l'identité des

 21   personnes qui vivaient dans ces maisons où l'on conservaient des armes ?

 22   R.  Vous me demandez quelque chose que je ne comprends pas. Est-ce que vous

 23   me demandez si nous avions une liste des personnes qui vivaient dans chaque

 24   maison individuelle et quelles armes ils avaient ? Vous me demandez les

 25   détails de cela ? Je ne sais pas ce que vous me posez comme question en

Page 89

  1   fait.

  2   Q.  Ce serait une façon de commencer. Est-ce que vous aviez de tels

  3   renseignements ?

  4   R.  Y a-t-il une liste ? C'est cela que vous me demandez, est-ce qu'il y

  5   avait une liste ? Nous n'étions pas un bureau d'enregistrement, et il

  6   n'était pas possible pour moi d'établir une telle liste. Nous avions des

  7   renseignements généraux sur qui se trouvaient dans le village, et où, et de

  8   quelle artillerie ils disposaient, de quelles armes ils disposaient, les

  9   armes d'infanterie, armes légères, et approximativement combien s'y

 10   trouvaient de femmes et d'enfants. Mais ce n'était qu'approximatif.

 11   Q.  Est-ce que vous avez des renseignements sur l'endroit où vivaient les

 12   femmes et les enfants, dans quelles maisons ils vivaient ?

 13   R.  D'après nos renseignements, les femmes et les enfants, pour la plupart,

 14   étaient à Prozor, à quelques dix kilomètres d'Uzdol. Mais certains d'entre

 15   eux allaient là-bas lorsqu'ils pensaient qu'ils pourraient y aller en toute

 16   sécurité, parce qu'ils avaient des terrains ou des champs là-bas et qu'ils

 17   voulaient probablement aller y moissonner ou travailler sur la terre. Mais

 18   il n'y avait pas de femmes ou d'enfants qui y vivaient de façon permanente,

 19   que ce soit dans nos villages ou dans leurs villages, dans ce secteur.

 20   Q.  Est-ce que vous avez des renseignements quant aux lieux où se

 21   trouvaient ces armes, ces armes à canon long, où est-ce qu'elles étaient

 22   conservées dans chacune des maisons d'Uzdol ? Aviez-vous des renseignements

 23   à ce sujet ?

 24   R.  Conservées dans les maisons ? C'est cela que vous voulez dire ?

 25   Q.  Oui. C'est cela que vous nous avez dit, que chaque maison avait une

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  1   arme. Avez-vous eu des renseignements quant à savoir où ces armes étaient

  2   conservées dans chacune de ces maisons qui avaient ces armes ?

  3   R.  Tous ceux qui rentraient chez eux portaient une arme et ils posaient

  4   leurs fusils près de la porte dès qu'ils entraient. Il n'y avait pas

  5   d'armurerie en tant que telle ou de râtelier.

  6   Q.  Avant que les soldats n'aillent se battre à Uzdol dans les premières

  7   heures de la matinée du 14 septembre, où leur a-t-on dit d'aller pour

  8   chercher ces armes dans ces maisons à Uzdol ? Est-ce qu'on leur a donné ces

  9   instructions ?

 10   R.  Je n'étais pas présent au moment où ils ont reçu leurs dernières

 11   instructions, mais je sais qu'ils ont eu des instructions. Je ne sais pas

 12   exactement ce que c'étaient ces instructions, mais je ne pense pas que

 13   c'était pour aller rechercher des armes. Dans une telle situation, ils

 14   n'auraient même pas eu le temps d'aller jusqu'à ces maisons. Pour autant

 15   que j'ai pu comprendre, ils ont simplement traversé le village en courant.

 16   Ils n'ont même pas eu le temps d'aller regarder ici ou là.

 17   (expurgée) Maintenant, je vais

 18   vous parler d'Erzimana Dzogic. D'après sa position dans le commandement du

 19   Bataillon indépendant de Prozor, elle était mieux à même que vous de savoir

 20   si oui ou non une enquête était en cours concernant les événements à Uzdol,

 21   n'est-ce pas ?

 22   R.  Je crois qu'elle en savait davantage que moi.

 23   Q.  Elle a fait une déclaration au bureau du Procureur le 20 mai 2001. Dans

 24   cette déclaration, au tout dernier paragraphe, elle dit : "Je ne sais rien

 25   d'une opération d'offensive menée par notre bataillon dans le village -- le

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  1   village croate d'Uzdol."  Alors, ceci est très différent de ce que vous

  2   avez dit à la Chambre de première instance aujourd'hui et hier, n'est-ce

  3   pas ?

  4   R.  Si j'avais su ce que cela m'aurait coûté, j'aurais probablement dit moi

  5   aussi que je ne savais rien. Elle en savait probablement suffisamment pour

  6   dire qu'elle ne savait rien.

  7   Q.  Elle a ensuite été entendue à nouveau le 22 mai 2003 et elle a donné

  8   une déclaration qu'elle a signée au bureau du Procureur. Au paragraphe 22

  9   de cette déclaration, elle dit : "J'ai appris d'un civil qu'il y avait eu

 10   une émission de Radio Rama concernant le fait que des Croates avaient été

 11   tués et que ceci avait eu lieu à Uzdol. J'ai reçu les renseignements avec

 12   incrédulité parce que la Radio Rama avait diffusé des renseignements qui

 13   s'étaient révélés faux. J'ai pensé que c'était plutôt de la propagande. Ce

 14   que j'ai entendu à l'époque d'une conversation entre un civil d'un autre

 15   village et des villages de Scipe, c'était que certaines personnes

 16   originaires d'Uzdol avaient été tuées. Je n'ai pas pris cela au sérieux

 17   parce que Radio Rama propageait des renseignements et se trouvait sous le

 18   contrôle du HVO, de sorte qu'on disait que certaines personnes avaient été

 19   tuées, et je voyais la personne en question dans la rue plus tard, alors

 20   que j'étais encore à Prozor. Je ne sais pas qui étaient ces personnes."

 21   Ecoutez ceci maintenant, cela termine la citation :

 22   "Pour autant que je me souvienne, il n'y a pas eu de commentaires

 23   faits par des soldats concernant cet événement. On ne m'a pas fait de

 24   commentaires de ce genre."

 25   Bien. Vous avez entendu ce qu'elle avait à dire au représentant du bureau

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  1   du Procureur.

  2   M. MORRISSEY : [interprétation] Je m'objecte à cela, Monsieur le Président,

  3   "vous avez entendu ce qu'elle a dit au Procureur." Mon confrère n'a pas le

  4   droit de dire qu'elle a dit cela au Procureur. Il a le droit de dire

  5   qu'elle a signé une déclaration qui dit cela, mais il ne peut pas dire

  6   qu'elle a dit cela comme cela. Il ne peut pas présenter cette déclaration

  7   comme étant ce qu'elle a dit.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je ne vois guère de différence entre les

  9   deux expressions.

 10   M. MORRISSEY : [interprétation] Comme il plaira à la Chambre.

 11   M. RE : [interprétation]

 12   Q.  Ayant entendu cette citation que je viens de vous lire de la

 13   déclaration, ce qu'elle a dit dans la déclaration qu'elle a signée est très

 14   différent de la déposition que vous avez faite concernant ce qu'elle

 15   faisait, n'est-ce pas ?

 16   M. MORRISSEY : [interprétation] Bien, je m'objecte à ce commentaire.

 17   Monsieur le Président, cette dernière phrase évoquée par mon confrère, il

 18   dit : "Lorsque j'étais encore à Prozor, pour autant" -- cette ligne ici, on

 19   ne peut pas dire qu'elle soit très différente. C'est simplement une

 20   question d'interprétation. Puisque vous avez permis que cette question soit

 21   posée, il peut demander quelle était sa réponse, mais M. Re ne peut pas

 22   présenter sa propre glose d'interprétation sur cette ligne, à mon avis.

 23   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Je pense que l'objection est

 24   motivée.

 25   M. RE : [interprétation] A mon avis, ceci n'est susceptible que de deux

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  1   interprétations possibles. L'une, c'est que M. Dzogic se référait à ce qui

  2   avait été dit dans l'émission de Radio Rama, qui était qu'une tuerie de

  3   civils avait eu lieu; et l'autre, que cela avait effectivement eu lieu.

  4   Donc, ceci nous ramène au même point. La déposition de ce témoin est

  5   qu'elle entendait les déclarations de témoins sur ce qui s'était passé.

  6   Alors, cette déclaration peut être interprétée de deux manières, mais pour

  7   moi, cela revient au même point. C'est qu'aucun soldat n'a fait de

  8   commentaires devant elle quant à ce qui avait dit à l'émission de Radio

  9   Rama concernant le fait que des civils avaient été tués.

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Dans ce paragraphe, nous n'avons rien vu

 11   concernant le fait de recueillir des déclarations des soldats.

 12   M. RE : [interprétation] Non, mais le Témoin J dit qu'elle leur parlait.

 13   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je sais cela. Mais, je ne vois pas

 14   exactement quel est le but.

 15   M. RE : [interprétation]  Je vais aborder la question d'une autre manière.

 16   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

 17   M. RE : [interprétation]

 18   Q.  Les soldats qui faisaient des déclarations -- non, je retire ma

 19   question. Vous avez dit que vous avez vu Mme Dzogic recueillir une

 20   déclaration de Hero et d'un autre homme dont vous ne vous rappelez pas le

 21   nom, mais vous pensez que c'était Jusuf. Ceci est à la page 27. Et vous

 22   dites que vous êtes resté là à recueillir ces déclarations. Maintenant, ces

 23   déclarations concernaient ce qui s'était passé à Uzdol, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Ces personnes, c'est-à-dire Jusuf et Hero, qui donnaient des

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  1   renseignements à Mme Dzogic, elles faisaient des commentaires sur ce qui

  2   s'était passé à Uzdol, n'est-ce pas ?

  3   R.  Qui faisait des commentaires ?

  4   Q.  Les soldats auxquels elle parlait lorsqu'elle recueillait des

  5   déclarations. Ils faisaient des commentaires devant elle sur ce qui s'était

  6   passé à Uzdol, n'est-ce pas ? Parce que c'est la raison pour laquelle elle

  7   leur posait des questions.

  8   R.  Ceci se réfère à un homme, Hero. Son prénom est Jusuf. C'est lui que

  9   j'ai vu avec Erzimana. Elle lui parlait, et je suis resté là pour écouter

 10   ce qui se disait.

 11   Q.  Est-ce qu'elle lui parlait d'Uzdol ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce qu'il faisait des commentaires devant elle sur ce qui s'était

 14   passé à Uzdol ?

 15   R.  Il lui disait ce qu'il avait décidé de dire.

 16   Q.  Donc, si elle dit dans une déclaration : "Pour autant que je puisse

 17   m'en souvenir, aucun commentaire n'a été fait par des soldats concernant

 18   cet événement devant moi," ceci est différent de ce que, vous, vous dites à

 19   la Chambre de première instance, n'est-ce pas ?

 20   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, j'objecte là encore.

 21   Ce témoin n'est pas en train de faire des commentaires concernant la

 22   mémoire ou les souvenirs d'Erzimana Dzogic. Ce que vous avez ici, ce qui a

 23   été posé, c'est que lorsque ce témoin suppose qu'elle a dit cela, "d'après

 24   ce qu'elle se rappelle, il n'y a pas eu de commentaires faits par des

 25   soldats concernant ces événements devant elle," il ne convient pas de poser

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  1   la question au témoin de la façon dont elle est faite, c'est incompatible

  2   avec ce qu'elle a dit. Tout ce Mme Dzogic a dit c'est qu'elle a parlé en

  3   disant ce qu'elle se rappelait. On ne peut pas demander au témoin de faire

  4   des commentaires sur sa mémoire, et je voudrais renouveler mes objections.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec le conseil de

  6   la Défense en ce qui concerne ces objections.

  7   M. RE : [interprétation]

  8   Q.  Vous avez dit -- enfin, un peu plut tôt dans la journée, je vous ai

  9   posé une question concernant la télévision croate et une émission

 10   concernant les prises de vue à Uzdol. Il s'agit de la page 31 du compte

 11   rendu d'aujourd'hui. Je vous ai posé une question, et vous avez dit: "J'en

 12   ai entendu parlé, mais je ne l'ai pas vu moi-même cependant." Alors, est-ce

 13   qu'Enver Buza vous a parlé de l'émission à la télévision croate, du fait

 14   qu'il avait eu des cadavres à Uzdol ?

 15   R.  Je ne me rappelle pas avoir parlé à qui que ce soit de cette émission.

 16   J'ai simplement lu qu'il y avait eu une émission. Je ne l'ai pas vu et je

 17   n'ai pas vu la nécessité d'en discuter avec qui que ce soit en particulier.

 18   Q.  Est-ce que quelqu'un vous a dit que les prises de vue qui ont fait

 19   partie de l'émission de la télévision croate étaient un mauvais travail

 20   d'édition, que c'était une maladresse ?

 21   R.  J'ai effectivement entendu dire qu'il y avait eu des détails qui ne

 22   collaient pas, qui ne correspondaient pas vraiment avec ce qui était

 23   présenté comme image.

 24   Q.  Est-ce que vous vous rappelez de qui vous avez entendu dire cela ?

 25   R.  Non, je ne parviens vraiment pas à m'en souvenir. Je sais que j'ai en

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  1   mémoire le fait que quelqu'un ait dit quelque chose en disant que cela

  2   avait été un montage.

  3   Q.  M. Halilovic, lorsqu'il a eu cet entretien recueilli par l'Accusation,

  4   page 19 de l'enregistrement 24, 1, a dit -- il n'y a pas de noms mentionnés

  5   dans cela.

  6   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous pouvez essayer.

  7    M. RE : [interprétation]

  8   Q.  Il a dit : "J'ai même vu à la télévision croate des prises de vue de ce

  9   qui s'était passé à Uzdol. Lors de la réunion suivante avec Enver Buza, je

 10   lui ai demandé s'il avait vu cette émission parce que j'ai insisté au près

 11   de lui, commandant du 6e Corps, pour vérifier" -- non, excusez-moi -- "et

 12   le commandant du 6e Corps pour vérifier s'il y avait eu des activités qui

 13   n'étaient pas autorisées et qu'ils devraient y retourner, et s'il y avait

 14   eu de telles activités, que des mesures juridiques soient prises. Enver

 15   Buza a répété qu'il n'y avait eu aucune activité qui n'était pas autorisée,

 16   aucune activité de ce genre n'avait eu lieu, que ceci ne s'était pas passé.

 17   Il a également dit que cette émission était, en fait, un mauvais travail

 18   d'édition par la télévision croate, parce que l'on pouvait même voir à

 19   l'arrière-plan des champs dans ce secteur."

 20   Non, excusez-moi. "Il ne s'agissait pas de champs, il s'agissait de

 21   collines sur lesquelles il y avait de la neige."

 22   M. MORRISSEY : [interprétation] Bien, Monsieur le Président, il ne faut pas

 23   simplement regarder des vues correspondant à une interview. S'il y a une

 24   question qui se pose à ce sujet, la question devrait être posée.

 25   Personnellement, j'élève franchement des objections à cela. Cela dépend de

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  1   la question qui viendra après.

  2   Mais en regardant les choses telles qu'elles sont -- je ne veux pas

  3   faire un discours. Mais j'objecte à ce stade.

  4   M. RE : [interprétation] Mais je n'ai pas encore posé ma question.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que M. Re est en train

  6   simplement de donner le fondement. La question va suivre dans très peu de

  7   temps.

  8   M. RE : [interprétation] Au bénéfice de mon confrère, effectivement, je

  9   m'arrête un instant pour permettre aux interprètes de terminer leur

 10   interprétation.

 11   Q.  Maintenant, Témoin J, ayant entendu ce que je viens de vous lire, est-

 12   ce que ceci rafraîchit votre mémoire sur le point de savoir si oui ou non

 13   M. Buza était la personne qui vous a dit cela ou qui a mentionné le fait

 14   que quelque chose clochait dans la prise de vue présentée à la télévision

 15   croate ?

 16   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, j'objecte à cela.

 17   Comment pourrait-il rafraîchir sa mémoire pour ce qui est d'avoir lu le

 18   texte de l'audition de quelqu'un d'autre ? On pourrait lui rafraîchir la

 19   mémoire en ce qui concerne quelque chose qu'il a dit ou une déclaration

 20   qu'il a faite dans le passé. Donc, j'élève cette objection.

 21   M. RE : [interprétation] Ceci n'est pas conforme à la jurisprudence du

 22   Tribunal, et je voudrais spécifiquement référer les Juges de la Chambre à

 23   l'affaire Hadzihasanovic. On peut rappeler à un témoin --

 24   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il y a différentes affaires et

 25   différentes situations. Je pense que vous avez essayé là encore pour

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  1   essayer de rafraîchir la mémoire du témoin. Mais comment pourrait-on

  2   rafraîchir la mémoire du témoin concernant une conversation qui a eu lieu

  3   entre d'autres personnes ?

  4   M. RE : [interprétation] M. Hadzihasanovic, c'est une décision d'appel qui

  5   dit que les souvenirs -- le fait de rafraîchir la mémoire de quelqu'un

  6   n'est pas limité au passé d'un témoin ou une déclaration d'un témoin. Il

  7   faut que ce soit quelque chose de pertinent. Il a dit qu'il avait entendu

  8   quelque chose de ce genre. Il n'a pas dit s'il se rappelait que c'était

  9   Buza, donc je demandais si on pouvait rafraîchir sa mémoire pour savoir si

 10   c'était bien Buza qui l'avait dit. Il peut dire oui ou non, voire si cela

 11   peut nous aider ou non.

 12   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que ce sont différentes affaires

 13   ayant différentes situations. Je pense que vous avez déjà posé cette

 14   question à ce témoin.

 15   M. RE : [interprétation]

 16   Q.  Ce que je souhaite vous suggérer, Monsieur le Témoin J, est que ce qui

 17   se passait en réalité dans le Bataillon indépendant de Prozor, à partir du

 18   moment où les soldats sont rentrés le 14, est que l'on camouflait ce qui

 19   s'était passé à Uzdol ce jour-là.

 20   R.  Ce n'est pas la manière dont j'ai ressenti cela.

 21   Q.  M. Halilovic, lors de son entretien avec l'Accusation, qui a eu lieu en

 22   2001, à la page 17, cassette 11, partie 2, a fait l'objet de la question

 23   suivante : 

 24   "Est-ce que vous croyez qu'Enver Buza savait quelque chose au sujet

 25   de ce qui s'était passé ?"

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  1   Il a répondu : "R.  Je pense qu'il le savait

  2   "Q. Est-ce Suljevic ?

  3   "R. Je ne suis pas sûr. En ce qui concerne Buza, je suis sûr à 100 %

  4   qu'il le savait, car Buza avait, dans son unité, un officier chargé de la

  5   sécurité qui, bien sûr, avait des contacts parmi les soldats, et même s'il

  6   ne savait pas ce qui s'était passé le jour même, bientôt après

  7   certainement, il l'a appris. Puis, il avait aussi un peloton de la police

  8   militaire. Donc, en ce qui le concerne, je suis certain, absolument

  9   certain, qu'il le savait et qu'il l'a camouflé, qu'il a essayé de cacher le

 10   crime. Je suis certain également concernant la chaîne de commandement du

 11   bataillon allant vers le 6e Corps d'armée. Je suis absolument certain que

 12   le commandant et le corps chargé de la sécurité du 6e Corps d'armée étaient

 13   au courant de cela et, bien sûr, Jasarevic en a été informé également."

 14   Or, ce que M. Halilovic dit à l'Accusation est tout à fait vrai concernant

 15   ce camouflage, car c'est très exactement ce qui s'était passé. Buza le

 16   savait et il essayait de cacher le crime.

 17   R.  Je ne sais pas pourquoi vous constatez cela, mais je suis en désaccord

 18   de cela. Je suis en désaccord avec vous pour dire que quelqu'un considérait

 19   que c'était un crime qu'il fallait camoufler. A l'époque, et encore

 20   aujourd'hui, je ne considère pas qu'il s'agissait d'un crime, conformément

 21   à la manière dont ceci a été présenté, et dans la presse, et dans l'acte

 22   d'accusation. A mon avis, et c'est ce que j'ai toujours pensé, c'était une

 23   action militaire qui a mal tourné et dans le cadre de laquelle,

 24   malheureusement, certains civils ont été attrapés dans un échange de crimes

 25   pendant que les soldats essayaient de se retirer, de fuir le village. Donc,

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  1   je ne vois pas ce qui donne le droit à qui que ce soit de qualifier cela en

  2   tant que crime. Je suis en train de faire un commentaire concernant cette

  3   déclaration.

  4   M. RE : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup.

  6   Y a-t-il des questions supplémentaires ?

  7   M. MORRISSEY : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, le Juge El Mahdi.

 11   Questions de la Cour : 

 12   M. LE JUGE EL MAHDI : Je veux, Monsieur le Témoin, tout d'abord, vous

 13   remercier d'avoir eu la peine de venir témoigner devant ce Tribunal. J'ai

 14   deux petites clarifications que j'aimerais vous les poser. La première

 15   concerne ce que vous avez dit à propos des ordres reçus par votre

 16   bataillon. Vous avez dit que vous ne vous rappelez pas des ordres autres

 17   que provenant du 6e Corps.

 18   Est-ce que vous vous rappelez avoir reçu d'autres ordres  concernant

 19   les investigations à propos des événements à Uzdol ?

 20   R.  Je ne me souviens pas avoir reçu un ordre portant sur l'enquête par

 21   écrit, mais on me l'a dit verbalement qu'il fallait le faire. Peut-être un

 22   tel ordre existait en réalité, peut-être le commandant l'avait. Mais je ne

 23   me souviens pas l'avoir vu.

 24   M. LE JUGE EL MAHDI : Oui. Mais est-ce qu'on vous a dit l'ordre de qui ?

 25   R.  Je suppose que ceci émanait du 6e Corps d'armée, qui transmettait

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  1   normalement tous les ordres au bataillon.

  2   M. LE JUGE EL MAHDI : Bon, alors. Merci beaucoup. Ma deuxième clarification

  3   concerne, s'il vous plaît, ce que vous avez évoqué comme relations entre M.

  4   Halilovic et M. Buza, Enver Buza. Vous avez dit que la relation était

  5   tendue entre les deux, et par la même, vous avez dit aussi que le bataillon

  6   était mal organisé. Ensuite, vous avez dit que M. Halilovic ne jouissait

  7   pas d'une grande appréciation entre les officiers. Alors, est-ce que vous

  8   pouvez nous dire plus sur ce sujet, s'il vous plaît ?

  9   R.  Je ne connaissais pas M. Halilovic, à l'exception de ce que j'ai vu à

 10   la télévision le concernant. Puis, concernant Enver Buza, lui aussi, je ne

 11   disposais pas de beaucoup de données à son sujet. Je l'ai rencontré lorsque

 12   je suis arrivé à Dobro Polje. Cependant, dans les contacts entre M.

 13   Halilovic et M. Buza, j'ai pu constater qu'ils se connaissaient déjà et

 14   qu'une certaine animosité régnait entre eux. J'ai été étonné de voir la

 15   manière dont lui, en tant que commandant de bataillon, donc une petite

 16   formation, se comportait à l'égard du commandant. A l'époque, je pensais

 17   que Sefer Halilovic était le commandant en chef de l'armée. 

 18   Donc, j'ai été étonné qu'il pouvait se permettre cela, étant donné

 19   qu'il était juste le commandant de bataillon.

 20   Puis, j'ai vu d'autres officiers qui ont fait preuve d'un

 21   comportement arbitraire. Je me souviens, il y en avait un qui s'appelait

 22   Mujizenovic [phon]. Je ne sais pas quel était son grade, mais je sais que,

 23   sur le plan de l'hiérarchie, il était bien en dessous de Sefer Halilovic.

 24   J'ai vu, dans certaines de ses attitudes, une position qui ne montrait pas

 25   suffisamment de respect, conformément à ce que j'avais l'habitude de voir

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  1   lorsque les officiers étaient en contact avec leurs supérieurs.

  2   M. LE JUGE EL MAHDI : Donc, vous concluez que M. Halilovic n'avait pas

  3   l'emprise nécessaire sur ses bataillons ?

  4   R.  J'avais l'impression que, sur le plan pratique, il n'avait pas de

  5   pouvoir sur eux, car une fois j'ai vu qu'une partie d'une brigade est venue

  6   à Dobro Polje et ils ont rentré de leur propre gré, sans avoir demandé à

  7   qui que ce soit. C'est ce qui m'a convaincu de cela et c'est ce qui m'a

  8   également déçu, car je pensais que c'était une véritable armée. Mais après,

  9   j'ai pu constater qu'il n'y avait pas de véritable subordination, ou je ne

 10   sais pas quel est le terme militaire exact à employer.

 11   M. LE JUGE EL MAHDI : La personne que vous avez rencontrée et qui vous a

 12   paru troublée par les événements, et qui vous avez dit qu'il avait besoin

 13   de communiquer ces informations à quelqu'un. Est-ce que vous vous rappelez

 14   de quoi il était troublé ?

 15   R.  Ceci s'est passé peu après cette action à Uzdol. A 9 heures ou 10

 16   heures, peut-être, du matin, je ne me souviens pas avec précision, lorsque

 17   cette personne est venue, il était pâle, fatigué. Il avait l'air pitoyable.

 18   Je lui ai demandé, bien sûr, ce qui s'était passé. Puis, il a dit : "Ne me

 19   demande pas cela. Il s'est passé toutes sortes de choses." J'ai essayé

 20   d'obtenir les détails, mais il n'était pas très précis. Il a dit : "On a

 21   subi de nombreuses pertes. Mais cela dit, nous aussi, nous avons commis

 22   certaines choses. Je ne peux pas t'en parler." C'est ainsi qu'il parlait.

 23   Je ne sais pas pendant combien de temps. Il était assez affolé, donc il ne

 24   parlait pas de manière concise ni linéaire. Je suppose que les souvenirs le

 25   submergeaient, les souvenirs de ce qui s'était passé. J'avais l'impression

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  1   qu'il allait s'évanouir, compte tenu de son aspect physique. Mais ceci

  2   s'explique peut-être aussi par la fatigue et la peur, et toutes sortes de

  3   choses.

  4   M. LE JUGE EL MAHDI : Oui. Ce sont les choses qu'ils ont ou qu'il a

  5   commises lui-même. Est-ce que vous avez eu l'impression que lui, ou les

  6   membres de son unité, a commis des faits qui l'ont choqué ?

  7   R.  Je pense qu'il était dans un tel état, car il avait tiré lui-même, ou

  8   jeté une grenade à main. Je me souviens de certains détails. A un moment

  9   donné, il a dit : "On fuyait, on tirait, on jetait des bombes à main, des

 10   grenades à main. On sautait au-dessus des barrières." J'ai conclu que, soit

 11   il avait tiré sur une partie où il savait qu'il y avait des civils, ou

 12   peut-être il avait jeté une grenade à main. A mon avis, il avait fait

 13   quelque chose qu'il savait qu'il n'aurait pas dû faire. Il ne me l'a pas

 14   dit, mais j'avais cette impression sans cesse. J'avais l'impression qu'il

 15   n'arrivait pas à se pardonner à lui-même, et c'est la raison pour laquelle

 16   j'ai conclu que certainement quelque chose de plus profond le tracassait.

 17   M. LE JUGE EL MAHDI : Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.

 18   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge El Mahdi. Y a-t-

 19   il des questions qui découlent des questions du Juge El Mahdi ?

 20   M. RE : [interprétation] Oui, concernant le dernier point.

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

 22   M. RE : [interprétation] Concernant cet incident.

 23   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Re : 

24  (expurgée)

25  (expurgée)

 

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 10   R.  Je ne pense pas qu'il m'avait dit lui-même qu'il avait lancé une

 11   grenade à main dans une maison. Il m'a dit des choses plus générales. Il a

 12   dit : on tirait, on lançait des grenades à main. Lui aussi, il en avait

 13   lancées. Il ne savait pas si ceci avait provoqué quelque chose ou pas. Je

 14   ne me souviens pas qu'il ait dit qu'il avait lancé une grenade dans une

 15   maison et que quelqu'un peut-être était dans la maison. Vous savez, au bout

 16   de 12 ans il n'est pas possible de se souvenir de tous les détails. Ceci

 17   aurait été incroyable si je me rappelais de tous les détails.

 18   M. RE : [interprétation] Je pense que ceci est suffisamment claire puisque

 19   les deux parties du compte rendu d'audience parlent d'elles-mêmes.

 20   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien. Maître Morrissey ?

 21   M. MORRISSEY : [interprétation] Rien, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui ?

 23   M. WEINER : [interprétation] Juste aux fins de clarification pour le

 24   témoin, je souhaite lire que les documents ont été obtenus dans les

 25   archives du HVO qui font parties des archives de l'état de Croatie. Ces

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  1   documents ont été obtenus le 27 avril 2004, donc approximativement 14 mois

  2   avant que cette personne ne vienne déposer. Pour le compte rendu

  3   d'audience, nous pouvons vous dire que ceci a été fait il y a 14 mois.

  4   Merci.

  5   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que je vous ai donné

  6   l'instruction de vous entretenir avec le témoin au sujet de cela après

  7   l'audience.

  8   Oui, Maître Morrissey ?

  9   M. MORRISSEY : [interprétation] Monsieur le Président, ce point a été

 10   soulevé déjà concernant un point à soulever à huis clos partiel. Ceci n'a

 11   pas commencé à huis clos partiel, et ensuite j'ai demandé que l'on passe à

 12   huis clos partiel. Maintenant, je demande que l'on procède à une

 13   expurgation appropriée de cela.

 14   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui. Nous allons vérifier le compte rendu

 15   d'audience précédent afin de voir s'il faudrait procéder à d'autres

 16   expurgations ou pas. Merci de nous avoir dit cela.

 17   Est-ce que vous souhaitez verser au dossier des documents de la part de la

 18   Défense ? Non ? L'Accusation ?

 19   M. RE : [interprétation] Non, Monsieur le Président, à moins que vous ne

 20   souhaitiez marquer aux fins d'identification les deux déclarations. Je peux

 21   certainement les fournir au Greffe plus tard. C'est comme vous voulez. Je

 22   n'ai pas planifié de les verser au dossier.

 23   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Si vous ne souhaitez pas les verser au

 24   dossier, il n'est pas nécessaire de leur attribuer une cote, à moins qu'à

 25   l'avenir vous alliez les utiliser de nouveau. Je ne sais pas.

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  1   Monsieur le Témoin, merci beaucoup d'être venu déposer à La Haye. Je

  2   comprends que vous avez des problèmes de santé et je suis navré du fait que

  3   votre déposition a duré aussi longtemps. Cependant, après la fin de

  4   l'audience, Mme l'Huissière va vous escorter en dehors de ce prétoire et

  5   nous vous souhaitons une bonne santé et un très bon voyage de retour chez

  6   vous.

  7   Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous.

  9   M. LE JUGE LIU : [interprétation] L'audience est terminée.

 10   --- L'audience est levée à 16 heures 22 et reprendra le vendredi 8 juillet

 11   2005, à 9 heures 00.

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