Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 30 août 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

5 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez citer

6 l'affaire inscrite au rôle.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Affaire

8 IT-01-48-T, le Procureur contre Sefer Halilovic.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vais demander aux parties de se

10 présenter.

11 M. WEINER : [interprétation] Phillip Weiner, Sureta Chana, David Re, et

12 notre commis à l'audience, Ana Vrljic.

13 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Et pour la Défense.

14 M. MORRISSEY : [interprétation] Peter Morrissey, M. Mettraux, ainsi que

15 notre assistant juridique, M. Cengic.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

17 Monsieur Halilovic, êtes-vous en mesure de suivre les débats dans une

18 langue que vous comprenez ?

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vous entends bien.

20 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Comment s'est passé votre séjour à

21 Sarajevo au cours de votre mise en liberté provisoire ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela s'est très bien passé et cela a été très

23 utile grâce à vous. Je vous en remercie, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

25 La Chambre de première instance note que les parties ont déposé leurs

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1 mémoires en clôture le 25 août. Suite à la requête aux fins de reporter les

2 réquisitoires et plaidoiries d'une journée, requête déposée par le

3 Procureur le 26 août, l'audience consacrée aux réquisitoires et plaidoiries

4 a été reportée d'une journée, jusqu'à ce jour. En effet, la Chambre de

5 première instance a fait droit à la requête susmentionnée afin de donner un

6 temps supplémentaire aux parties pour préparer leur réponse aux arguments

7 qui s'opposaient et qui avaient été présentés dans les mémoires en clôture.

8 Actuellement, la Chambre de première instance est saisie de requêtes

9 déposées par les deux parties. Deux de ces requêtes sont des requêtes dont

10 il convient que nous parlions et que nous traitions avant d'entendre les

11 réquisitoires et plaidoiries. La première requête est la notification de la

12 Défense au sujet de la nature et de la portée de la cause présentée par

13 l'Accusation dans son mémoire en clôture déposé le 26 août. Dans sa

14 notification, la Défense allègue que le mémoire en clôture de l'Accusation

15 dépasse de loin les arguments qui avaient été présentés dans l'acte

16 d'accusation et demande à la Chambre de première instance d'empêcher

17 l'Accusation de dépasser les éléments qui figurent dans l'acte d'accusation

18 et de ne pas tenir compte des arguments qui vont au-delà de ce cadre.

19 L'Accusation a répondu en déposant une requête aux fins d'annuler la

20 notification de la Défense, requête de l'Accusation déposée le 29 août.

21 D'autre part, la Chambre de première instance est également saisie d'une

22 requête aux fins d'augmenter le nombre de pages, une requête déposée le 25

23 août. La Défense demande une augmentation du nombre de pages de son mémoire

24 en clôture de 50 pages. L'Accusation a répondu à la requête de la Défense

25 en déposant une réponse à la requête tardive de la Défense aux fins

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1 d'augmentation du nombre de pages, réponse déposée le 26 août, ainsi qu'une

2 requête aux fins de supprimer le mémoire en clôture de Halilovic pour

3 raison d'abus de procédure. Cette requête a été déposée le 29 août. La

4 Chambre note que la directive pratique relative à la longueur des mémoires

5 et des requêtes donne à la Chambre un mécanisme assez souple qui lui permet

6 de contrôler la longueur et le format des écritures déposées par les

7 parties. Il est prévu, à l'Article 7 de cette directive, qu'une partie peut

8 demander l'autorisation d'outrepasser les limites fixées dans la directive

9 et expliquer les circonstances exceptionnelles qui justifient le dépôt

10 d'une écriture plus longue. La Chambre va donc demander à Me Morrissey de

11 s'expliquer. Quelles sont ces circonstances exceptionnelles ?

12 M. MORRISSEY : [interprétation] Il s'agit tout simplement de la raison

13 suivante : nous sommes confrontés ici à une affaire d'expert, une affaire

14 qui met en cause des questions extrêmement complexes sur lesquelles il

15 conviendra de statuer. Il s'agit d'une requête qui implique la

16 responsabilité d'une affaire, qui implique la responsabilité du supérieur

17 hiérarchique, ce qui a entraîné l'apparition de questions extrêmement

18 techniques. La nature des arguments présentés contre Halilovic sur le plan

19 du droit, les relations de subordination entre Halilovic et les autres

20 organisations pertinentes, la nature de l'organisation de l'institution

21 dont on dit qu'elle était placée sous le commandement de Halilovic, ainsi

22 que les éléments qui indiquent qu'il y avait effectivement un commandement,

23 tout ceci peut être susceptible d'analyse militaire en utilisant la

24 doctrine militaire et en comparant avec les déclarations des témoins.

25 Soyons bien clairs pour prouver que ce qu'elle dit de jure.

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1 L'Accusation doit analyser des ordres, des rencontres, des réunions

2 particulières. La rencontre de Zenica était présentée dans ce cadre. Il

3 faut expliquer le rôle de Chef d'état-major d'Halilovic, les pouvoirs qui

4 lui ont été conférés; les détails de l'ordre du 30 août, la pièce D146

5 qu'il convient vient d'expliquer également; les implications de la carte,

6 la pièce D131; les implications de certains ordres qui ont été présentés

7 par l'Accusation, par exemple, la pièce D161, l'ordre du 2 septembre donné

8 par Halilovic à Karavelic; ainsi que tous les éléments dont souhaite se

9 servir l'Accusation pour montrer qu'il y avait contrôle effectif. Or, tout

10 ceci a été fait sans que l'Accusation présente un témoin expert.

11 L'Accusation a choisi de ne pas appeler de témoin expert, mais a choisi

12 d'appeler un expert, le général Ridgway, pour parler du droit humanitaire

13 international.

14 En conséquence, afin de remplir ses obligations en tant qu'équipe de

15 la Défense, la Défense a choisi d'analyser, de manière approfondie, toutes

16 ces questions, et c'est ce que nous avons fait dans notre mémoire. C'est

17 pourquoi nous estimons que les circonstances exceptionnelles dont vous avez

18 parlé, elles existent bel et bien.

19 Le deuxième motif, c'est que nous estimons que certaines parties du

20 mémoire en clôture de l'Accusation manquait de précision, selon nous. Il

21 nous a fallu répondre à toute une série d'arguments qui n'ont pas été

22 véritablement fouillés et approfondis par l'Accusation. Donc, nous pensions

23 que nous aurions à répondre à bon nombre d'arguments qui finalement ne se

24 sont pas matérialisés. Un exemple, l'argument selon lequel à Uzdol un

25 prisonnier de guerre, M. Slavko Mendic. Donc, il y avait un argument

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1 concernant cet homme, ce Slavko Mendic. Or, on nous en a parlé, on ne nous

2 en n'a pas parlé. Enfin, finalement, nous avons fait beaucoup de travail

3 pour rien.

4 De plus, Ramiz Delalic, avant-dernier témoin à charge, il a permis de

5 présenter beaucoup d'éléments, et notamment sur le fait que lui-même et

6 Zulfikar Alispago ont participé aux tentatives de dissimuler le meurtre de

7 ces deux jeunes garçons. Or, ceci ne figure finalement pas dans le mémoire

8 en clôture de l'Accusation. Cela a été abandonné. Or nous, nous pensions

9 que nous aurions à répondre à cette question et c'est ce que nous avons

10 fait.

11 Ensuite, il y a tout ce qui concerne le groupe opérationnel. Cela non

12 plus ne se trouve pas dans le mémoire en clôture.

13 Il y a également le paragraphe 15 de l'acte d'accusation qui n'a pas

14 été retiré de l'acte d'accusation. Mais cela, c'est quelque chose encore

15 une fois qu'on ne trouve pas dans le mémoire en clôture. S'agissant du

16 droit applicable en l'espèce, à toutes ces infractions, nous y avons

17 consacré un grand nombre de pages. L'Accusation n'a pas dit quel était le

18 droit applicable, ni dans son mémoire, ni maintenant d'ailleurs.

19 Il y a également tout ce qui concerne le fait de ne pas avoir empêché

20 ce qui s'était -- ou plutôt, puni ce qui s'était passé à Grabovica. Et là,

21 il y a eu une modification complète, puisqu'on nous présente des arguments

22 qui n'avaient pas été présentés auparavant, selon lesquels l'accusé n'a

23 pratiquement rien fait. A savoir, que l'enquête menée n'était pas une

24 enquête digne de ce nom.

25 Ensuite, il nous a fallu nous lancer dans des conjectures, et nous

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1 n'y sommes pas bien parvenus d'ailleurs, sur toutes les fonctions, les

2 manquements qui étaient invoqués par l'Accusation. Ceci figure dans le

3 chapitre VIII du mémoire en clôture de l'Accusation. On nous indique là

4 tout ce que M. Halilovic aurait dû faire, mais c'est la première fois que

5 nous en entendons parler. Il y a des éléments que l'on aurait pu anticiper,

6 mais pas tous. Ce que nous disons donc c'est que tout ceci explique la

7 présence et l'existence de ces circonstances exceptionnelles qui justifient

8 notre demande. Il s'agit d'éléments éminemment techniques que nous nous

9 devions de présenter. Puis, il s'agissait aussi d'éléments que nous avons

10 présentés en anticipant ce qui allait peut-être être dit par l'Accusation

11 et dont nous n'étions pas informés. Voilà pourquoi nous avons besoin de

12 plus de temps et voilà la nature des circonstances exceptionnelles que vous

13 m'avez demandé d'expliciter.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci. Effectivement, une

15 explication sur ces circonstances exceptionnelles et sur la portée de

16 l'affaire, et cetera.

17 M. Weiner, vous souhaitez répondre ?

18 M. WEINER : [interprétation] C'est M. Re qui va répondre.

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Re.

20 M. RE : [interprétation] Oui.

21 Ce que nous disons, c'est la chose suivante : si, la Défense a peut-

22 être montré l'existence de motifs qui existent peut-être, mais demander à

23 l'avance, en vertu de la directive pratique, cela est excessif, puisque ce

24 qui a été fait effectivement par la Défense ne saurait être justifié d'une

25 aucune manière. Puisqu'à part les affaires d'outrage, nous entendons ici

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1 une affaire qui est l'affaire la plus brève qui ne sera jamais sans doute

2 entendue par le Tribunal. Ce qu'a fait la Défense, en réalité, si la

3 Chambre de première instance accepte de conserver le mémoire en clôture de

4 la Défense tel qu'il existe, ce qu'ils ont fait, c'est se moquer tout

5 simplement, c'est tourner en ridicule le Tribunal, à savoir la directive

6 pratique que nous avons mentionnée, ainsi que le contrôle qu'exerce la

7 Chambre de première instance sur les procédures qu'elle entend.

8 Me Morrissey a indiqué un certain nombre d'éléments qui justifient

9 peut-être que l'on demande une augmentation du nombre de pages, mais qui,

10 selon nous, devrait être très limitée. Nous comprenons bien que 60 000 mots

11 ou 200 pages, cela n'est pas beaucoup, suivant la longueur et la complexité

12 d'une affaire. Si cette requête avait été présentée précédemment, notre

13 attitude aurait été la suivante : nous ne nous opposons pas à une

14 augmentation du nombre de pages raisonnable, à savoir 10 à 15 % au-delà de

15 la limite prévue, vu la portée et la complexité de l'espèce, et vu la

16 directive pratique et les raisons qui expliquent la mise en œuvre de cette

17 directive.

18 Or ici, nous avons tout simplement à faire à une tentative d'induire

19 en erreur la Chambre de première instance. Puisque la Défense a comprimé

20 quelque 158 000 mots sur 275 pages. C'est-à-dire que cela correspond à 2,5

21 voire à trois fois plus que la limite prévue par la directive pratique.

22 Dire que cette espèce soulève un certain nombre de questions

23 n'établit pas l'existence de circonstances exceptionnelles. Je pense en

24 particulier à ce qui a été dit par mon collègue au sujet de M. Mendes. Son

25 argument serait pratiquement ridicule si nous ne traitions pas ici

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1 d'affaire extrêmement grave, vu le mépris qui est ainsi manifesté pour les

2 directives pratiques du Tribunal. Si on regarde le mémoire, on voit qu'il y

3 a seulement trois pages, pages 16 à 19, qui sont consacrées à ce M. Mendes.

4 Ceci ne saurait justifier 98 000 mots au-delà de la limite prévue par la

5 directive pratique. Rien ne saurait le justifier.

6 Tout ce qui a été dit au sujet de l'expert ne tient pas debout non

7 plus. Nous n'avons pas cité d'expert parce que la Défense s'y est opposée.

8 Les questions relatives au droit militaire et à tout ce qui y est afférant,

9 tout cela n'est pas plus compliqué ici que dans d'autres affaires. Au

10 contraire, nous avons ici un accusé, deux incidents, un chef d'accusation.

11 Ce n'est pratiquement rien par rapport à toutes les autres affaires qui

12 sont actuellement entendues par le Tribunal ou qui n'aient jamais été

13 entendues par le Tribunal.

14 Ce qui préoccupe beaucoup l'Accusation, si on autorise la Défense à

15 faire cela, ce qui nous inquiète beaucoup, ce sont les méthodes qui ont été

16 employées. Non seulement la Défense a produit un mémoire qui dépasse de

17 beaucoup ce qui est prévu par la directive pratique, mais il y a cette

18 infraction que nous avons relevée dans notre requête aux fins d'annuler ce

19 mémoire. Mais, ce qui nous gène beaucoup, c'est la manière dont tout ceci a

20 été réalisé après coup, de manière quasiment désinvolte, en essayant de

21 présenter ce mémoire comme un fait accompli à la Chambre de première

22 instance. Ceci montre un grand mépris envers le bureau du Procureur, qui

23 doit essayer de répondre à ce document qui compte pratiquement 500 pages,

24 et ceci entre vendredi midi, quand nous avons reçu le document, et hier

25 après-midi, au moment où nous devions fournir notre réponse. Donc, ceci

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1 montre un mépris complet pour la Chambre de première instance, pour le

2 Tribunal, pour ses règles, pour les juristes de la Chambre qui ont dû

3 essayer de lire cet énorme document pendant le week-end. Donc, ce n'est pas

4 la longueur simplement du document qui nous gène, c'est la manière dont

5 cela a été fait. Les marges du document étaient modifiées. On a utilisé une

6 police de caractère particulière, une taille de police dans les notes de

7 bas de page, taille 8 au lieu de 10. Donc, les notes de bas de page sont

8 pratiquement illisibles. Il y a des pages, comme la page 92, sur laquelle

9 on compte 1 400 mots.

10 Si la Défense avait été honnête, elle nous aurait signalé la chose la

11 semaine dernière, mais cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. Ils ne

12 se sont pas soudainement rendus compte qu'ils avaient dépassé la limite de

13 mots prévus. Ils le savaient. C'est la raison pour laquelle ils ont modifié

14 la taille de police habituelle. Ils ont essayé tout simplement de nous

15 faire croire qu'ils se conforment à la limite prévue.

16 S'ils avaient présenté une véritable requête digne de ce nom à la

17 Chambre de première instance la semaine dernière en disant, bien, écoutez,

18 nous rencontrons quelques difficultés, nous avons besoin de plus de pages,

19 10 à 15 %, mais 250, 300 % de plus. Quelle aurait été notre réaction à ce

20 moment-là ? Quelle aurait été la réaction des Juges de la Chambre de

21 première instance ? Tout le monde sait quelle aurait été sans doute la

22 réaction de la Chambre de première instance. Avec tout le respect que je

23 vous dois, bien entendu, elle aurait été la suivante : certes la directive

24 pratique prévoit un certain degré de flexibilité, mais on ne peut pas aller

25 jusque là.

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1 Cette manœuvre est une manœuvre qui a des conséquences négatives

2 aussi bien pour l'Accusation que pour la Chambre de première instance. Nous

3 ne nous opposons pas à ce que la Défense dépose un mémoire en clôture, bien

4 entendu, mais ce mémoire, tel qu'il est actuellement, ne saurait être

5 accepté. Il faut l'annuler, demander à la Défense de le déposer à nouveau

6 en conformité avec la directive pratique. Nous ne nous opposerions pas à

7 une petite modification de la longueur, mais si nous avions su à l'avance

8 qu'ils allaient demander la permission de déposer un mémoire aussi long,

9 nous aurions fait la même chose. Mais, ce qui a été fait a été fait d'une

10 manière extrêmement sournoise, et on ne saurait accepter ce genre de

11 comportement.

12 Le document doit donc être annulé.

13 Si vous le souhaitez, je peux traiter de l'autre requête.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très brièvement, parce que nous avons

15 reçu cette requête déjà.

16 M. RE : [interprétation] Est-ce qu'on peut vraiment parlé de requête. Il

17 s'agit d'un document qui s'appelle 'Notification'. Comme nous l'avons

18 indiqué, plus tard nous allons traiter des arguments échangés entre la

19 Défense et l'Accusation, mais en fait, ici, nous avons tout simplement à

20 faire dans ce document à une tentative d'obtenir une prolongation du

21 document de 14 pages, suite aux 500 pages déjà présentées.

22 Donc ici, on se contente de soulever l'argument relatif au mémoire à

23 l'avance, parce qu'il n'y a rien dans notre mémoire en clôture qui ne

24 figure pas dans l'acte d'accusation, qui ne figure pas dans le mémoire

25 préalable au procès et qui n'a pas été mentionné dans notre déclaration

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1 liminaire. Notre mémoire en clôture est un mémoire auquel on pouvait tout à

2 fait s'attendre après avoir suivi les débats pendant tous ces mois. La

3 raison pour laquelle la Défense a choisi d'utiliser cette tactique, c'est

4 que si on devait lire ces 14 pages supplémentaires, ces 14 pages

5 d'arguments supplémentaires, quelques 10 000 mots, cela leur prendrait 40 à

6 45 minutes, si on compte 3 minutes environ par page, et cela diminuerait le

7 temps qui leur est consacré ou qui est consacré à leur déposition, à leur

8 plaidoirie.

9 Donc, ce n'est qu'une manœuvre pour leur permettre d'obtenir plus de temps.

10 Il convient de rejeter la demande de la Défense. Si la Défense souhaite

11 présenter des arguments supplémentaires, elle peut le faire en utilisant

12 tout simplement à bon escient le temps qui lui est accordé, comme toutes

13 les autres parties intervenant devant le Tribunal.

14 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vu les arguments présentés par la

17 Défense et par l'Accusation dans leurs écritures ainsi que dans leurs

18 arguments oraux, la Chambre de première instance accorde à la Défense la

19 possibilité de présenter un mémoire qui dépassera de 50 pages la limite

20 prévue. Vu les circonstances exceptionnelles de l'espèce et vu la

21 complexité des éléments de preuve présentés, ceci justifie cette

22 prolongation de la limite de pages.

23 Cependant, nous observons que le mémoire en clôture de la Défense ne suit

24 pas le format qui est prévu par la directive et qu'il dépasse la limite de

25 200 pages prévue par la directive de plus de 50 pages, si on reformate le

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1 document conformément à la directive pratique. La Chambre de première

2 instance demande à la Défense de déposer de nouveau son mémoire en clôture,

3 et ce mémoire ne devra pas comporter plus de 50 pages supplémentaires par

4 rapport à la limite maximale. Ce mémoire devra également respecter le

5 formatage prévu par la directive pratique, en particulier ce qui figure à

6 la clause A de ladite directive. Ce mémoire devrait être déposé à nouveau,

7 expurgé, au plus tard, vendredi 2 septembre, et ceci sans aucune mention

8 supplémentaire, mais en supprimant chaque fois que sera possible, tous les

9 éléments répétitifs ou les citations trop longues.

10 M. RE : [interprétation] Monsieur le Président --

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Re ?

12 M. RE : [interprétation] Oui, il y a un point sur lequel je souhaiterais

13 intervenir et que je n'ai pas évoqué; les annexes. Les annexes, nous

14 estimons que ces 15 pages font partie du mémoire. Je ne sais pas si c'est

15 ce que vous comprenez également et ce que vous entendez également dans

16 votre décision ?

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Tout est inclus dans ces 250 pages.

18 S'agissant de la notification faite par la Défense au sujet de la

19 nature et de la portée de la cause de l'Accusation dans son mémoire en

20 clôture ainsi que la requête déposée par l'Accusation aux fins d'annuler

21 cette notification, requête déposée le 29 août, après considération des

22 arguments des deux parties, la Chambre de première instance note sa

23 décision sur la requête de la Défense aux fins de supprimer les

24 paragraphes, certains paragraphes, dans le mémoire préalable au procès de

25 l'Accusation déposé le 7 février 2005. La Chambre de première instance

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1 répète ce qui a aidé dans sa décision et pendant la conférence préalable au

2 procès, à savoir qu'elle ne s'inspira, dans le cas de cette délibération,

3 que de ce qui figure dans l'acte d'accusation. D'autre part, la Chambre de

4 première instance note que dans sa notification, la Défense présente les

5 éléments dont elle estime qui figurent dans l'acte d'accusation et dans le

6 mémoire préalable au procès de l'Accusation également. La Chambre de

7 première instance estime que ces arguments auraient pu être présentés dans

8 le mémoire en clôture de la Défense, ou du moins qu'ils auraient pu être

9 évoqués par la Défense au cours du réquisitoire.

10 La Chambre de première instance se refuse donc à tenir compte de la

11 notification faite par la Défense.

12 Nous allons maintenant passer aux réquisitoires.

13 Monsieur Weiner, êtes-vous prêt ?

14 M. WEINER : [interprétation] Oui, c'est Mme Chana qui va commencer. Nous

15 allons tous les trois intervenir. D'abord, Mme Chana, ensuite moi-même,

16 puis M. Re.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Donc, vous avez trois heures trente, et

18 vous pouvez vous répartir le travail comme vous le souhaiterez. C'est vous

19 qui en décidez.

20 M. WEINER : [interprétation] Nous avons procédé à cette répartition du

21 travail avec énormément de précision, au moyen pratiquement d'un scalpel,

22 donc nous nous en tiendrons aux trois heures et demie qui nous ont été

23 accordées.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Madame Chana.

25 Mme CHANA : [interprétation] Les arguments de l'Accusation figurent dans le

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1 mémoire en clôture de l'Accusation. Il est inutile donc que je répète tout

2 cela aujourd'hui. Ce que nous avons l'intention de faire aujourd'hui c'est

3 de répondre oralement à tous les arguments, aux arguments qui figurent dans

4 le mémoire en clôture de la Défense. Ceci étant dit, il est apparu

5 clairement que vu le temps qui nous a été accordé pour le prononcé de notre

6 réquisitoire aujourd'hui, il ne nous sera pas possible de répondre à tous

7 les arguments qui figurent dans le mémoire en clôture de la Défense.

8 Nous venons de débattre de ce mémoire. Vous venez vous-même, Monsieur le

9 Président, de rendre une décision à ce sujet. Ce document contient des

10 notes de bas de page qui sont extrêmement difficiles à lire, surtout pour

11 quelqu'un comme moi qui ai les yeux un petit peu fatigués. Mais quoi qu'il

12 en soit, on peut dire que vu les autres affaires qui sont entendues et qui

13 ont été entendues par le Tribunal, nous entendons ici une affaire qui est

14 une affaire de moindre portée, si bien que vu cette circonstance, on se

15 demande bien pourquoi il est nécessaire de produire un mémoire en clôture

16 aussi volumineux.

17 Nous estimons, quant à nous, que quand on regarde ce mémoire en clôture de

18 la Défense, on se dit que très clairement c'est l'arbre qui cache la forêt.

19 Ce mémoire est tellement volumineux qu'on y décrit chaque branche de chaque

20 arbre, mais on ne nous parle pas de la forêt dans son ensemble.

21 Or, moi, dans mon intervention aujourd'hui, j'ai l'intention justement de

22 vous présenter une vision d'ensemble de la situation. Ceci commence par la

23 question suivante : pourquoi les poursuites ont-elles été engagées en

24 l'espèce. Ces poursuites ont été engagées parce que des civils innocents

25 sont plus de 63, des civils innocents donc ont été tués par des forces

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1 armées de l'ABiH, et ceci en violation avec les principes fondamentaux du

2 droit humanitaire international. La plus jeune de ces victimes c'était une

3 petite fille, Mladenka Zadro, qui allait fêter son quatrième anniversaire.

4 La victime la plus âgée, c'est Marko Maric, un homme de 87 ans. Voilà

5 pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. L'affaire que nous entendons ici,

6 c'est une affaire qui a pour objectif de rendre la justice à ces victimes.

7 Quand on examine dans les détails tous les éléments de preuve présentés, on

8 peut se demander s'il a effectivement été prouvé au delà de tout doute

9 raisonnable qu'une victime donnée a bel et bien été tuée par les membres de

10 l'ABiH, si celui qui a tué la victime connaissait le statut de la victime.

11 D'ailleurs, la Défense a soulevé beaucoup d'arguments sur ce point. Mon

12 confrère, M. Weiner, y répondra d'ailleurs en examinant les faits

13 incriminés. Mais, dès le départ, il faut que j'insiste sur un point : même

14 si la Chambre de première instance devait accepter que la cause de

15 l'Accusation n'a pas été prouvée pour chacune des victimes présentées dans

16 l'acte d'accusation, il est manifeste que certains civils innocents ont été

17 tués par les soldats de l'ABiH. Il me suffit de me référer sur ce point au

18 paragraphe 110 du mémoire en clôture de la Défense, où la Défense reconnaît

19 que l'Accusation a prouvé au delà de tout doute raisonnable que si six des

20 victimes de Grabovica ont été tuées par les membres de l'ABiH, et qu'au

21 moins quatre de ces victimes, ce sont des membres de la 9e Brigade

22 motorisée qui ont été impliqués.

23 Comme cela figure au paragraphe 96 du mémoire en clôture de la Défense, ces

24 victimes reconnues par la Défense comptaient parmi elles notamment un

25 couple âgé, Pero Maric et son épouse, Dragica. Pero a été abattu d'une

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1 balle dans la tête en présence des soldats de l'ABiH qui étaient là occupés

2 à manger et à boire. Sa femme invalide se trouvait à l'intérieur de la

3 maison à ce moment-là. Elle savait qu'il avait été abattu et elle est

4 restée coucher dans son lit pendant des heures, entendant les soldats qui

5 buvaient, qui mangeaient à l'extérieur de la maison. Elle savait qu'au bout

6 du compte ils allaient venir la tuer, elle aussi. C'est effectivement ce

7 qu'ils ont fait. Cet incident, on ne saurait le qualifier autrement que

8 d'atrocité, atrocité commise en temps de guerre. Je ne pense pas que la

9 Défense dise d'ailleurs le contraire. C'est justement pour punir ce type

10 d'atrocité commise en temps de guerre, pour empêcher que ceci ne se

11 reproduise jamais à l'avenir, pour rendre la justice en mémoire aux

12 victimes que notre Tribunal a été mis en place.

13 Au paragraphe 80 de son mémoire en clôture, la Défense déclare, je cite :

14 "L'identification des auteurs allégués de ces infractions est essentielle

15 pour établir, pour démontrer le contrôle effectif exercé par l'accusé sur

16 ces personnes."

17 Nous sommes d'accord. Cependant, il est intéressant, remarquable de

18 constater au paragraphe 80 que la Défense reconnaît que nous n'avons pas

19 identifié les auteurs, ou plutôt, affirme que le fait que nous n'ayons pas

20 identifié les auteurs de ces crimes constitue un abus de procédure. On

21 pourrait justifier une demande dans ce sens. Ceci est particulièrement

22 difficile à comprendre, étant donné que la Défense a reconnu que six civils

23 innocents avaient été tués par l'ABiH, et qu'au moins quatre de ces

24 personnes avaient été tuées par des soldats de la 9e Brigade. On peut

25 penser que cette affirmation totalement stupéfiante peut-être considérée en

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1 tant que tel comme un abus de procédure.

2 Ce qui est insinué ici, finalement c'est très clair, Monsieur le Président,

3 Madame et Messieurs les Juges, pour la Défense ces meurtres qu'elle

4 reconnaît pourtant ne suffisent pas. Or, on ne peut vraiment pas accepter

5 ceci comme argument crédible et responsable de la part de la Défense. Nous

6 souhaitons dire très clairement ici que la mort d'un seul civil c'est déjà

7 une mort de trop, et que ceci engage la responsabilité pénale des

8 responsables et que cela constitue indéniablement un crime de guerre. Nous

9 ne saurions, nous, être victimes d'une sorte d'anesthésie morale.

10 Ici, nous sommes confrontés à une affaire qui est une affaire

11 exclusivement, qui met en jeu la responsabilité du supérieur hiérarchique

12 au terme de l'Article 7(3) du Statut du Tribunal. Les questions simples qui

13 se posent auxquelles doit répondre la Chambre de première instance c'est de

14 savoir si l'accusé était le commandant, le chef des soldats et s'il

15 exerçait un contrôle effectif sur ceux qui ont commis ces crimes. Voici la

16 seule question à laquelle il convient de répondre, et aussi bien la Défense

17 et l'Accusation sont d'accord sur ce point.

18 Si c'est effectivement le cas, il convient de déterminer si l'accusé a pris

19 les mesures nécessaires pour empêcher que ces crimes ne soient commis ou

20 pour en punir les auteurs. Les éléments destinés à prouver cela peuvent

21 être des éléments de preuve directes ou des éléments de preuve indirectes.

22 Une fois encore, sur ce point, aussi bien l'Accusation que la Défense sont

23 d'accord.

24 En dépit de la simplicité de ces questions, la Défense, dans son mémoire en

25 clôture, soulève toutes sortes d'arguments qui semblent dénués de toute

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1 pertinence et qui n'ont aucun intérêt. Une fois encore, le temps limité qui

2 m'est imparti m'empêche de les passer tous en revu, mais je vais commencer

3 quand même par vous donner quelques exemples.

4 Dès le premier paragraphe du mémoire en clôture de la Défense, où la

5 Défense affirme que dans l'acte d'accusation, le Procureur n'avait pas

6 allégué que le conflit armé en question était international ou national.

7 Or, ceci n'a aucun intérêt ici en l'espèce, puisque l'accusé est mis en

8 accusation pour meurtre aux termes de l'Article 3 commun des conventions de

9 Genève, et la jurisprudence à cet égard est bien établie aussi bien pour

10 les conflits armés nationaux qu'internationaux. Inutile donc pour nous de

11 le préciser dans l'acte d'accusation. M. Re d'ailleurs, plus

12 ultérieurement, va revenir sur tous les points de droit.

13 Il y a quelque chose qui est d'autant plus difficile à comprendre, à savoir

14 comment est-ce que la Défense peut alléguer, dans son mémoire en clôture,

15 que les allégations de l'acte d'accusation n'ont pas été présentées en

16 bonne et due forme. Dans la première note en bas de page, la Défense

17 indique que les droits de l'accusé ont été enfreints du fait de cette

18 présentation ou de ces allégations inadéquates. Toutefois, et comme cela a

19 été expliqué par les notes en bas de page, la Chambre de première instance

20 a déjà pris une décision à propos de la requête de la Défense soulevant

21 cette question. Donc, cela a déjà été réglé par la Chambre de première

22 instance aux fins de ce procès, et la Défense n'a plus de base pour

23 soulever cela à nouveau. Je pense que cela d'ailleurs, sans aucun doute,

24 contribue à la longueur de ce mémoire en clôture.

25 Les paragraphes 2 et 3 de la Défense suggèrent que l'Accusation n'a pas

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1 prouvé qu'il y avait effectivement conflit armé à l'endroit pertinent et

2 pendant la période pertinente. Il nous est particulièrement difficile de

3 comprendre cet argument, et à cette fin, je fais référence à la requête du

4 22 avril sur les points d'accord déposée par les parties où il est indiqué

5 qu'il y a eu conflit armé, et cela est présenté de façon évidente. La

6 suggestion selon laquelle il se peut qu'il n'y ait pas eu de conflit armé

7 semble aller directement à l'encontre des autres conclusions que l'on

8 trouve dans le mémoire en clôture de la Défense; par exemple, le paragraphe

9 218 qui indique : "qu'il y avait des activités de combats dans les régions

10 de Prozor, Jablanica et Mostar pendant des mois."

11 Même s'il n'y a pas eu de combats à Grabovica au moment des crimes, cela ne

12 signifie pas pour autant qu'il n'y avait pas de conflit armé dans cette

13 zone à ce moment-là. Les soldats qui ont commis ce crime étaient très

14 manifestement engagés dans un conflit armé, même s'ils ne combattaient pas

15 l'ennemi à ce moment particulier. A Uzdol, bien entendu, il y avait

16 existence d'un conflit armé, qui n'a absolument pas été réfuté par le

17 mémoire en clôture de la Défense.

18 Les paragraphes 7 et 8 du mémoire en clôture de la Défense, ainsi que les

19 notes en bas de page qui l'accompagnent, avancent une conclusion assez

20 extraordinaire. Là, la Défense avance que les crimes fondamentaux peuvent

21 avoir constitué des actes aléatoires ou isolés, et qu'en ce cas, ils ne

22 devraient pas être considérés comme des crimes de guerre. Il est évident

23 que cette conclusion va à l'encontre des principes les plus fondamentaux du

24 droit pénal international. Un acte aléatoire ou isolé pourrait ne pas être

25 considéré comme un crime contre l'humanité ou comme un génocide, mais il

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1 peut très certainement être considéré comme un crime de guerre. Si un

2 soldat, de sa propre initiative, tue une personne protégée, il s'agit d'un

3 crime de guerre, et le supérieur du soldat a la responsabilité de

4 sanctionner ce crime.

5 Au paragraphe 46, la Défense demande à la Chambre de première instance de

6 considérer que l'action des civils à Uzdol était une levée en masse. Alors

7 il est exact, du point de vue juridique, d'avancer que lorsque des

8 populations civiles prennent les armes, de façon spontanée, afin d'assurer

9 leur défense vis-à-vis de troupes qui envahissent, ou de soldats qui

10 envahissent, cela est considéré comme une levée en masse et par conséquent,

11 ces personnes peuvent être considérées comme des combattants aux fins du

12 droit de la guerre, mais seulement si les forces armées n'ont pas été

13 formées ou n'ont pas pu affirmer leur autorité militaire dans la région. Le

14 mémoire en clôture de la Défense fait de nombreuses références à la

15 présence du HVO et à la présence militaire à Uzdol. Le droit est très clair

16 en la matière, à savoir que l'on ne peut pas avoir des civils et des

17 soldats combattant ensemble et affirmer que, pour ce qui est des civils,

18 cela peut être considéré comme une levée en masse. Il ne s'agit pas d'un

19 bon point de vue juridique. Il s'agit encore d'un autre exemple

20 d'argumentation erronée.

21 Au paragraphe 331, il y a autre chose qui est préconisée, à savoir qu'il

22 s'agit d'une affaire de jure seulement et que la question du contrôle

23 effectif doit se limitée à ce scénario, à savoir, la Chambre de première

24 instance doit dégager la conclusion suivant laquelle Halilovic était un

25 commandant de jure de la 9e et de la 10e Brigade. Il ne s'agit pas d'un

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1 point de vue exact, car l'Accusation a toujours démontré que l'accusé avait

2 une autorité en droit et en fait. D'ailleurs, le paragraphe 39 de l'acte

3 d'accusation stipule, et je cite : "Sefer Halilovic a, tant en droit qu'en

4 fait, exercé, dans le domaine militaire, un pouvoir de direction et de

5 commandement comme supérieur hiérarchique en donnant des ordres, des

6 instructions et des directives aux unités, en veillant à leur exécution et

7 en assumant l'entière responsabilité. Il affectait également les lignes

8 d'attaque et coordonnait les activités de combat des unités. Il a planifié

9 les opérations militaires exécutées par les unités qui ont participé à

10 l'opération Neretva 1993 et il a joué un rôle majeur dans leur exécution."

11 Nous avançons, dans le mémoire préalable au procès, lors de notre

12 déclaration liminaire, et ce que nous avons avancé, nous continuons à le

13 maintenir.

14 Il faut savoir qu'il y a une partie importante du mémoire en clôture de la

15 Défense qui est consacrée aux devoirs d'un chef d'état-major, mais il faut

16 savoir que nous n'avons jamais avancé que l'accusé était en Herzégovine et

17 qu'il avait, en ce sens, des devoirs en tant que chef d'état-major. Il

18 s'est rendu en Herzégovine pour diriger l'opération Neretva, et ce sous

19 l'autorité du commandant Delic. C'est ce que nous avons toujours affirmé.

20 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je n'ai pas

21 suffisamment de temps pour énumérer les différentes argumentations erronées

22 ou peu importantes.

23 Par exemple, dans son mémoire en clôture, la Défense se plaint du fait que

24 l'Accusation n'a pas convoqué certains témoins et pourtant a choisi d'en

25 appeler d'autres. Il s'agit de ce qu'on appelle la discrétion et la

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1 latitude laissée au Procureur. Par exemple, la Défense s'est plainte du

2 fait que nous "avons renoncé," en quelque sorte, "à convoquer" Rasim Delic.

3 Manifestement, l'Accusation ne peut pas appeler tous les témoins qu'elle

4 choisi d'interroger. Il y a une politique très claire et manifeste au sein

5 de ce Tribunal qui consiste à abréger les affaires, une politique

6 d'ailleurs, je me permettrais d'ajouter, qui est vivement encouragée par la

7 Chambre, pour ce qui est de convoquer seulement certains témoins qui

8 peuvent permettre à l'Accusation d'avancer ses éléments de preuve par

9 rapport à la norme de la preuve requise.

10 La Défense a beaucoup insisté à ce sujet, et je suppose que cela n'aura pas

11 échappé à la Défense qu'elle a eu communication des déclarations des

12 témoins et qu'elle-même aurait pu convoquer tout témoin qu'elle aurait

13 souhaité convoquer, même si l'Accusation ne les avait pas appelés à la

14 barre. Ils auraient pu donc assigner comme témoins ces témoins, ou la

15 Chambre aurait pu choisir de la faire.

16 Ceci n'a pas été fait, et la Défense suggère que le fait que nous n'avons

17 pas appelé tous les témoins qui figuraient sur notre liste de témoins

18 initiale devrait en quelque sorte nous permettre de dégager comme

19 conclusion que cela est favorable à l'accusé. Alors, il se peut que cela

20 soit commode pour la Défense, mais nous invitons la Chambre à ne pas

21 dégager de telles conclusions. Nous aimerions également indiquer que la

22 Défense n'a pas non plus appelé à la barre tous les témoins qui figuraient

23 sur sa liste de témoins. Elle a eu la possibilité toutefois de présenter

24 ses éléments à décharge.

25 La Défense a également lourdement insisté sur le fait que Ramiz

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1 Delalic, commandant adjoint de la 9e Brigade, a été appelé pour témoigner.

2 Nous n'avons pas fait venir Ramiz Delalic à ce Tribunal. C'est l'Accusé qui

3 l'a amené en Herzégovine, dans le cadre de l'opération Neretva.

4 Il ne nous est pas possible de reprendre, l'un après l'autre, tous

5 ces arguments, et il ne nous est pas non plus possible d'ailleurs de

6 répondre par voie orale à chacun des arguments de la Défense. Dans une

7 certaine mesure, je dirais que les mémoires en clôture des parties se

8 passent, en quelque sorte, d'explications. Toutefois, dans le cadre du

9 temps qui m'a été imparti pour le réquisitoire aujourd'hui, j'aimerais

10 mettre en exergue certains éléments.

11 Dans un premier temps, j'aimerais aborder la nature même, l'essence

12 de l'ABiH lors de la période pertinente. Car je pense, et cela a été

13 accepté par l'Accusation et par la Défense, je pense, disais-je, qu'il

14 s'agissait d'une force armée relativement peu organisée et assez

15 indisciplinée à l'époque. Lorsque le conflit a éclaté en ex-Yougoslavie,

16 les Musulmans de Bosnie, au départ, ont lutté avec les Croates de Bosnie et

17 ils se battaient contre les Serbes de Bosnie. Les Musulmans de Bosnie, à ce

18 moment-là, ont très souvent combattu sous la houlette du HVO, l'armée

19 croate de Bosnie. L'ABiH ne fut créée qu'à la fin de l'année 1992, à partir

20 d'ailleurs des unités de la Défense territoriale, la TO. A l'époque

21 importante et couverte par l'acte d'accusation, c'était encore une force

22 dont la cohésion n'était pas toujours solide. Le mémoire en clôture de la

23 Défense a souligné, de façon assez approfondie d'ailleurs, ces problèmes de

24 discipline, de coordination, et de ressources.

25 La Défense va d'ailleurs jusqu'à suggérer que vu ce manque

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1 d'organisation et ce manque de discipline au sein des forces de l'ABiH, il

2 n'y avait même pas de conflit armé en Bosnie-Herzégovine, pour reprendre la

3 définition juridique de cette expression. La Défense suggère d'ailleurs, au

4 paragraphe 3 de leur mémoire en clôture, qu'il y avait, au plus, "des

5 hostilités localisées et des "échauffourées." L'Accusation indique que

6 cette conclusion de la Défense ne peut pas être véritablement prise en

7 considération de façon sérieuse, car malgré tous les problèmes de

8 coordination et de discipline de l'ABiH, il est indubitable qu'à l'époque,

9 il s'agissait d'une seule et même armée. Une seule et même armée qui

10 disposait de lois qui régulaient le comportement de cette armée, qui

11 disposait d'un commandement Suprême, de six corps, et de sécurité

12 militaire, avec des armes, des structures officielles relatives à la

13 discipline. C'est une armée qui avait un statut par rapport à la scène

14 internationale et nationale.

15 Pour ce qui est de la définition d'un conflit armé, la Chambre

16 d'appel a indiqué, dans l'appel Tadic, et je cite : "qu'un conflit armé

17 existe à chaque fois qu'il est fait recours à une force armée entre des

18 Etats, ou lorsqu'il y a violence armée prolongée entre des autorités

19 gouvernementales et des groups armés organisés, ou entre les groupes au

20 sein d'un même Etat".

21 Nous avançons donc qu'il est absolument indubitable qu'il existe des

22 éléments de preuve suivant lesquels l'ABiH représentait soit une autorité

23 gouvernementale ou un groupe armé organisé, pour reprendre le sens de cette

24 définition, et lors de nombreuses affaires entendues par ce Tribunal

25 portant sur des crimes commis lors de la même période, il a été avancé et

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1 accepté que l'ABiH correspondait à cette définition.

2 Toutefois, il y a un autre thème de la Défense qui semblerait

3 suggérer que du fait de ce manque d'organisation et du fait de ce chaos qui

4 régnaient au sein de l'ABiH, personne ne détenait de contrôle effectif. Ou

5 au moins, il est suggéré que l'accusé n'exerçait pas un contrôle effectif.

6 Le Procureur avance que cet argument de la Défense remet en question un

7 principe extrêmement important du droit humanitaire international. A

8 savoir, l'objectif même du principe juridique de la responsabilité

9 supérieure, conformément à l'Article 7(3), est d'assurer que la discipline

10 soit maintenue parmi tous les membres des forces armées, et ce par les

11 supérieurs. Les forces armées ont comme devoir de faire en sorte que leurs

12 forces soient disciplinées. L'objectif même du droit humanitaire

13 international serait complètement vaincu si des supérieurs pouvaient dire

14 que parce que leurs forces armées étaient trop désorganisées ou faisaient

15 preuve d'un trop grand manque de discipline, ils étaient absous de toute

16 responsabilité et qu'ils ne devaient pas prendre des mesures afin d'assurer

17 que les crimes par leurs subordonnés soient prévenus ou punis conformément

18 à l'Article 7(3). Des armées désorganisées et indisciplinées sont justement

19 ce que le principe de responsabilité supérieure essaie de prévenir.

20 Comme je l'ai déjà indiqué, nous devons accepter que l'ABiH

21 correspond à la définition d'un groupe armé organisé, comme cette

22 expression a été utilisée par la Chambre d'appel dans l'affaire relative à

23 la compétence Tadic. Si l'ABiH était un groupe armé organisé, par

24 définition, il devait avoir une structure de commandement responsable pour

25 ce qui est du commandement du groupe, et donc il s'agissait des

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1 responsabilités au titre de l'Article 7(3). Il s'agit de savoir si la

2 structure de commandement correspondait à l'accusé, et le cas échéant, s'il

3 s'est acquitté de ses responsabilités imposées par l'Article 7(3).

4 En dernier ressort, je dirais que le mémoire en clôture de la Défense

5 reconnaît d'ailleurs qu'il s'agit là d'une question. Les paragraphes 268 à

6 276 du mémoire en clôture de la Défense suggèrent que c'était Delic qui

7 assurait le commandement de l'opération Neretva 1993. Donc, la Défense

8 n'est pas en train véritable de réfuter sérieusement le fait que la chaîne

9 de commandement dans le cadre d'une opération allait jusqu'en haut de la

10 hiérarchie de l'ABiH. La question consiste à savoir si l'accusé faisait

11 partie de cette chaîne.

12 Pour ce qui est de savoir qui était les commandants responsables pour

13 les forces de l'ABiH, il a été reconnu par la jurisprudence de ce Tribunal,

14 qu'en cas de forces armées récemment créées et désorganisées, il est

15 parfois très difficile de savoir qui étaient les commandants responsables.

16 Comme l'a indiqué la Chambre de première instance dans l'affaire Celebici,

17 il est fait référence à des forces musulmanes de Bosnie lors d'une période

18 précédente, et je cite : "Le critère de l'existence d'une relation entre

19 supérieur et subordonné est particulièrement problématique dans des

20 situations telles que celles qui prévalaient dans l'ex-Yougoslavie pendant

21 la période pertinente à cette affaire, avec des situations où les

22 structures formelles, officielles, qui ont existé se sont désintégrées, et

23 où pendant une période intérimaire, les nouvelles structures, qui ont

24 probablement été improvisées, avec leur contrôle, sont encore ambiguës et

25 mal définies. Les personnes qui exercent effectivement le commandement de

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1 ces structures plus informelles ont le pouvoir, et avec ce commandement, le

2 pouvoir de prévenir et de punir les crimes des personnes qui se trouvent

3 sous leur contrôle peuvent, dans certaines circonstances, être considérées

4 comme responsables pour n'avoir pas pu le faire."

5 Au vu de telles circonstances, lorsqu'une force armée se trouve dans

6 un certain état de désorganisation, la différence à faire entre l'autorité

7 de jure et l'autorité de facto peut devenir un peu floue.

8 Car, il n'est pas forcément clair quelles sont les procédures autorisées

9 permettant de conférer l'autorité de commandement à une personne

10 particulière. D'ailleurs, lorsqu'une personne s'est vue conférer une

11 autorité de commandement, il n'est peut-être pas toujours clair de savoir

12 si cette autorité est une autorité qui a été dûment et juridiquement

13 conférée de jure ou s'il s'agit d'une autorité de facto. Toutefois, comme

14 la jurisprudence du Tribunal nous dit, il n'est pas toujours nécessaire de

15 faire des distinctions ou de mener un examen de ces procédures militaires

16 pour voir à qui a été conféré l'autorité de commandement, étant donné que

17 la jurisprudence du Tribunal établit de façon très ferme que la

18 responsabilité supérieure conformément à l'Article 7(3) est à la fois de

19 jure et de facto.

20 Le fait de ne pas avoir reconnu cela représente un défaut majeur du mémoire

21 en clôture de la Défense. C'est ce que l'Accusation avance. Le mémoire en

22 clôture de la Défense traite de façon séparée la responsabilité de jure et

23 la responsabilité de facto. Le mémoire en clôture de la Défense traite les

24 questions de l'autorité de jure aux paragraphes 197 à 313. Dans ces

25 paragraphes, la Défense dépend dans une lourde mesure des structures

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1 militaires officielles, fait état des doctrines militaires officielles, de

2 la procédure officielle qui d'après la Défense aurait dû être suivie par

3 l'autorité de jure si l'ABiH avait opéré suivant le règlement. Il y a toute

4 une dissection minutieuse de l'ordonnance Delic du 30 août 1993, avec

5 analyse par le menu du terme en B/C/S "rukovodjenje", ce dans un contexte

6 militaire. Je fais référence, par exemple, aux paragraphes 244 à 252 du

7 mémoire en clôture de la Défense où l'on trouve des arguments indiquant que

8 l'accusé aurait pu seulement être nommé commandant par une ordonnance bien

9 précise. Aux paragraphes 251 à 254, toujours du mémoire en clôture de la

10 Défense, nous avons une discussion afin de voir s'il est présenté une

11 discussion à propos du fait que l'Accusation n'a pas établi qu'un groupe

12 opérationnel avait été établi. La théorie que nous avançons n'a jamais été

13 tributaire de la formation de ce groupe opérationnel. Toutefois, tout cela

14 a très peu d'importance dans une situation où l'ABiH n'opérait pas en

15 fonction du règlement ou en respectant de façon très stricte des procédures

16 militaires officielles.

17 La situation est décrite au paragraphe 218 du mémoire en clôture de la

18 Défense. D'après la Défense, et je cite : "L'ABiH avait une structure de

19 commandement immature et quelques officiers formés." Comme la Défense

20 l'explique dans le même paragraphe, l'ABiH n'était pas coordonnée, il y

21 avait d'ailleurs une crise pour ce qui était du rassemblement dans les

22 régions du 4e et du 6e Corps, et la situation à Mostar était absolument

23 désespérée. Comme je l'ai décrit un peu plus tôt, à cette époque-là, l'ABiH

24 était une force armée dont la cohésion n'était pas véritablement

25 définitive. Donc, lorsqu'il s'agit de déterminer si l'autorité de

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1 commandement a été ou n'a pas été conférée à une personne donnée dans le

2 cadre d'une telle situation, l'on ne peut pas répondre à cette question en

3 faisant référence à des doctrines militaires officielles et à des

4 procédures, ce que la Défense souhaiterait que nous fassions. Plutôt, il

5 s'agirait dans cette affaire de se fonder sur la réalité de la situation

6 plutôt que sur la rhétorique militaire abstraite. Les éléments de preuve

7 présentés lors du procès font référence à la réalité qui prévalait sur le

8 terrain au moment de l'opération Neretva et non pas à des théories

9 rhétoriques.

10 Le mémoire en clôture de la Défense considère ensuite la question relative

11 à l'autorité de facto aux paragraphes 314 à 400. Les arguments présentés

12 par la Défense sont extrêmement longs mais sont d'ailleurs très bien et

13 très précisément réduits au paragraphe 314 du mémoire en clôture de la

14 Défense. Il est indiqué dans ce paragraphe que l'accusé n'avait pas

15 d'autorité de commandement de facto du fait du mauvais état de commandement

16 et de contrôle au sein de l'ABiH, du fait de l'hostilité envers l'accusé,

17 de la nature d'un subordonné des soldats de la 9e Brigade et du fait qu'il

18 n'y avait pas véritablement de chaîne de commandement claire dans la région

19 de combat. Pourtant, ils utilisent en quelque sorte le fait que cette

20 chaîne de commandement n'existe pas pour faire référence directement à

21 Delic.

22 Il faut dire que chacun de ces quatre éléments auxquels fait référence dans

23 le mémoire en clôture de la Défense, s'ils étaient valables, seraient

24 valables pour l'autorité de jure tout autant que pour l'autorité de facto.

25 Comme je l'ai déjà indiqué, l'objectif de la doctrine de la responsabilité

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1 supérieure est d'assurer que les forces armées sont disciplinaires. Alors,

2 soit les commandants sont nommés de façon de jure ou qu'ils soient nommés

3 de jure ou de facto, des commandants sont des commandants et ont comme

4 devoir de faire en sorte que la discipline soit maintenue, soit en

5 prévenant les crimes de la part de leur subordonné ou si cela n'est pas

6 possible, en les punissant après l'événement. Il sera absolument absurde si

7 pour évoquer sa défense un commandant devait dire, je n'avais pas comme

8 devoir de maintenir la discipline parce que mes subordonnés étaient trop

9 indisciplinés. Pourtant, l'accusé a demandé que ces mêmes forces

10 indisciplinées viennent en Herzégovine, et ce, pour des opérations de

11 combat. Donc, il ne peut pas avoir dit qu'ils étaient ou que ces forces

12 étaient trop indisciplinées et qu'il n'avait pas de contrôle effectif sur

13 ces troupes.

14 Par conséquent, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, la

15 question ne consiste pas à savoir si des procédures militaires officielles

16 ont été ou n'ont pas été suivies lorsqu'on a conféré une autorité à

17 l'accusé ou il ne s'agit pas de savoir dans quelle mesure l'ABiH était

18 organisée ou disciplinée à cette époque-là. La question consiste tout

19 simplement à savoir si l'accusé avait ou non une position d'autorité de

20 commandement. La Défense indique expressis verbis que l'existence d'une

21 autorité de commandement peut être établie par présomption. Il s'agit du

22 paragraphe 243 de la Défense. Il en va de même pour l'autorité de facto,

23 car au paragraphe 165, ils affirment à juste titre d'ailleurs qu'il

24 s'agisse d'une autorité de commandement ou de facto ou de jure, ce qui est

25 extrêmement important est le contrôle effectif.

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1 Aux paragraphes 186 à 195, dans le mémoire en clôture de la Défense

2 toujours, il est indiqué que le contrôle effectif "n'est pas la même chose

3 qu'une apparence de contrôle" et n'est pas la même chose qu'une

4 "influence". Le Procureur accepte que le simple fait de donner l'apparence

5 d'une autorité de commandement et le simple fait que l'accusé avait une

6 influence ne suffisent pas pour prouver qu'il y a eu responsabilité de

7 commandement. Toutefois, la Défense a également reconnu que l'existence

8 d'une autorité de commandement peut être prouvée de façon indirecte, à

9 savoir, étape par étape.

10 Lorsque l'on envisage l'ensemble de cette affaire, les facteurs tels son

11 influence et son ancienneté sont autant d'éléments de preuve indirects.

12 L'accusé était, après tout, l'homme ayant le plus d'ancienneté dans cette

13 région. Salko Gusic, le commandant du 6e Corps, a indiqué, et je vais citer

14 un extrait de sa déposition parce que cela est assez parlant. Je cite :

15 "Le chef d'état-major du commandement Suprême, c'était un officier

16 supérieur et nous le traitions comme un officier supérieur. Il ne

17 s'agissait pas tout simplement d'un titre, d'un poste. Cela avait une

18 certaine connotation d'autorité, une autorité qui était respectée. Je ne

19 peux pas dire que cela a remplacé un grade parce que lorsqu'il y a grade,

20 il y a d'autres éléments qui permettent de définir ce grade, mais pour ce

21 qui est des relations au sein de l'armée, cela remplaçait la notion de

22 grade. En matière de devoir, d'assignement, le poste de chef d'assistant,

23 d'adjoint remplaçait complètement le grade. Cela représentait beaucoup,

24 Messieurs. Cela véritablement était important. C'était le deuxième homme de

25 l'armée, le deuxième général de l'armée, ce qui avait véritablement

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1 beaucoup de signification. Cela même de nos jours a un grand sens."

2 Il continue en disant que : "La réalité sur le terrain c'était que le

3 général Halilovic était la véritable autorité et que ces unités-là

4 n'avaient pas besoin d'un ordre écrit pour lui permettre de les engagés."

5 Voilà quelle était la réalité qui prévalait sur le terrain. Vous ne

6 pouvez pas étudier une doctrine militaire précise et invoquer ce qui doit

7 être fait en vertu du règlement. Voilà comment les choses étaient faites à

8 cette époque-là.

9 Monsieur le Président, le commandant Delic n'était pas présent en

10 Herzégovine, puisqu'il était basé à Sarajevo. Nous comprenons très bien les

11 antécédents. Il y avait un siège à Sarajevo, ainsi qu'à Mostar, donc tout

12 le monde était extrêmement occupé. Le journaliste Hodzic, qui l'a suivi

13 pendant la guerre, et que la Défense considère comme un témoin

14 particulièrement crédible, a indiqué lors de sa déposition, et je cite :

15 "Il," à savoir, l'accusé, "s'est tourné vers le Dr Cibo et moi-même -- ou

16 plutôt, il a dit à Cibo : 'Cibo, dit à Delic que je n'ai pas besoin de lui

17 ici. Je me prépare à cette offensive et je n'ai pas véritablement besoin

18 qu'il vienne se mêler des choses ici.'"

19 Manifestement, c'était l'accusé qui exerçait le contrôle en

20 Herzégovine, non pas Delic.

21 Alors, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, il s'agit de

22 savoir si l'accusé avait l'autorité de commandant par rapport aux auteurs

23 des crimes, soit de facto, soit de jure.

24 Qu'est-ce que les éléments de preuve ont permis d'établir ? Après la

25 réunion de Zenica, les commandants de l'ABiH ont discuté des futures

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1 opérations de combat qui devaient être menées à bien. A un moment donné, il

2 a été décidé de lancer l'opération Neretva pour faire en sorte de libérer

3 le couloir vers Mostar. Le commandant Delic a nommé l'accusé en vertu d'un

4 ordre du 30 août afin de lui donner la possibilité de diriger et de

5 commander ces opérations.

6 Nous en viendrons à cette interprétation dans une minute, mais j'aimerais

7 dire en ce sens c'est pour cela qu'un poste de commandant avancé a été

8 établi, et à partir de ce poste il a commandé l'opération. Tous les

9 éléments de preuve présentés dans le mémoire en clôture de l'Accusation

10 convergent vers cela et le temps qui m'a été imparti ne me permet pas

11 d'entrer dans les détails.

12 Monsieur le Président, nous savons tous que l'ordre du 30 août n'est qu'un

13 élément de preuve dont on a beaucoup parlé et que nous connaissons tous par

14 cœur. A propos de cet ordre du 30 août, il s'agit de l'ordre de Delic, il

15 s'agit de savoir dans quelle mesure la traduction a été pertinente, car

16 nous avons eu beaucoup de traductions de ce terme "contrôle effectif". De

17 toute façon, il ne s'agit là que d'une seule pièce à conviction.

18 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, d'après cet ordre, nous

19 voyons clairement que l'ordre donne à l'accusé la liberté de mener

20 l'opération et de donner des ordres. Il devait consulter Delic seulement en

21 cas de propositions et de solutions prises plus drastiques. Il lui a

22 demandé, et c'est important, conformément à son autorité, donc l'autorité

23 de l'accusé, il lui a été demandé de résoudre les problèmes sur le terrain,

24 de donner des ordres et l'accusé devait simplement lui soumettre des

25 rapports concernant les ordres qu'il donnait. Il n'avait pas besoin

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1 d'obtenir sa permission auparavant. L'Accusation a présenté les éléments de

2 preuve quant à ce que cet ordre signifiait aux yeux de nombreux témoins, et

3 d'après eux, ceci donnait à Halilovic l'autorité de commandement sur

4 l'opération Neretva.

5 Le témoin Karavelic, qui était le commandant du 1er Corps d'armée et qui

6 était en position très haute au sein de l'ABiH, a dit dans sa déposition,

7 et d'ailleurs elle a été citée deux fois dans le mémoire de la Défense, il

8 a dit qu'il ne pouvait pas suivre ou obéir aux ordres de Halilovic portant

9 sur la resubordination des troupes sans demander à Delic d'abord. Mais le

10 témoin Karavelic a dit et clarifié que la seule raison pour laquelle il

11 demandait Delic s'il devait obéir à l'ordre demandant que les troupes

12 aillent en Herzégovine était car il ne savait pas que l'ordre du 30 août

13 existait. Il a dit clairement au cours de cette déposition que s'il l'avait

14 su que cet ordre existait, il aurait obéi aux ordres donnés par Halilovic

15 sans contacter le commandant Delic.

16 Le témoin Bakir Alispahic a dit qu'il commandait l'opération militaire

17 s'agissant de cet aspect, mais Jasarevic a dit une chose semblable.

18 Comment est-ce que l'accusé avait compris ce paragraphe ? Dans le

19 paragraphe 258 il est dit que l'accusé considérait que son rôle était celui

20 de coordination. Le rapport porte sur l'équipe d'inspection que l'accusé a

21 soumis le 20 septembre, illustre bien ce point. Je propose que la pièce

22 D130 soit placée sur le rétroprojecteur pour que nous puissions suivre

23 cela. Excusez-moi, mais je ne l'avais pas annoncé auparavant.

24 Ceci est un rapport qui a été soumis par les membres de l'équipe

25 d'inspection le 20 septembre, et ce rapport a été signé par l'accusé. Est-

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1 ce que ceci figure sur le rétroprojecteur maintenant ?

2 Ceci fait référence, si on examine la première page, mais commençons

3 par l'endroit où il est dit : Ceci est strictement confidentiel, Sarajevo,

4 le 20 septembre 1993. Ici, on voit comment l'accusé comprenait la

5 signification, d'après lui, de cet ordre du 30 août. Car c'est indiqué au

6 début. Il est dit : "Sur la base de l'approbation du commandant de SVK du

7 29 août 1993, l'ordre strictement confidentiel en date du 30 août 1993,

8 numéro d'ordre 02/1647-1, une équipe d'inspection a été établie afin de

9 coordonner les activités de combat et toutes les autres activités et tâches

10 dans la zone de responsabilité, et cetera."

11 J'aurais souhaité vous parler des détails des personnes qui faisaient

12 partie de cette équipe d'inspection. Il est écrit : "L'équipe est allée sur

13 le terrain le 29 août 1993 et effectuait ces tâches jusqu'au 19 septembre

14 1993."

15 Pour économiser le temps, je vais sauter une partie et ensuite, nous avons

16 le milieu du paragraphe où il est indiqué : "Pourquoi ils y sont allés ?

17 Afin de coordonner et exécuter les opérations de combat," nous avons le mot

18 "exécuter," et "un IKM, un poste de commandement avancé, a été établi à

19 Jablanica."

20 La Défense, elle-même, dans son mémoire de la Défense, au paragraphe 264

21 nie le fait qu'un poste de commandement avancé avait été établi et la

22 Défense affirme que les témoins qui avaient déposés au sujet de l'existence

23 d'un IKM le faisaient selon une croyance erronée. Or, nous avons ici un

24 document signé par l'accusé lui-même qui confirme ce fait.

25 Donc, quel était le rôle de l'accusé d'après lui ? D'exécuter les

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1 opérations de combat. Dans ce but, un poste de commandement avancé a été

2 établi à Jablanica avec l'équipe qui planifiait l'opération qui s'étalait

3 sur un front allant de Gornji Vakuf jusqu'à Mostar. Ensuite, au paragraphe

4 1, il est dit : "afin d'estimer les opérations de combat."

5 Il est important d'indiquer que dans la traduction en Bosniaque qu'on voit

6 le nom "rukovodjenje," également. Peu importe quelle est la bonne

7 traduction; nous voyons que le même mot est utilisé.

8 Ensuite, nous allons à la fin du paragraphe où il est dit : "Afin de mettre

9 en œuvre l'opération planifiée à Neretva."

10 Donc, nous avons ici les termes "mettre en œuvre".

11 Monsieur le Président, ce document nous permet de comprendre de quelle

12 manière l'accusé voyait son propre rôle au sein de l'opération Neretva. Ces

13 paroles ne peuvent pas être expliquées en termes de la doctrine militaire,

14 car ici nous avons simplement la signification ordinaire des mots "mener"

15 et "exécuter."

16 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, l'Accusation a présenté

17 un grand nombre d'ordres donnés par l'accusé afin d'exécuter l'opération

18 Neretva, et les ordres donnés par d'autres commandants engagés dans le

19 cadre de cette opération qui donnaient des ordres sur la base des ordres de

20 l'accusé. Tous ces ordres existent et sont présentés en détail dans notre

21 mémoire final. D'ailleurs, les documents parlent d'eux-mêmes. D'après la

22 Défense, de nombreux ordres de l'accusé n'étaient pas suivis des faits, ce

23 qui indique le manque du contrôle de la part de l'accusé. Mais le fait même

24 qu'un ordre n'est pas suivi des faits n'indique pas qu'il n'y a pas

25 suffisamment de contrôle effectif, puisque les sanctions existent pour

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1 punir une telle désobéissance, et un commandant pouvait mettre en place ces

2 sanctions-là. Dans ce cas-là, ceci est suffisant. La Défense a également

3 essayé de suggérer que tous ces ordres qui ont été donnés par l'accusé et

4 qui n'étaient pas conformes à ses devoirs en tant que membre de l'équipe

5 d'inspection, par exemple, les ordres de combats, de resubordination, que

6 tous ces ordres étaient conformes au commandement et que ces ordres étaient

7 des ordres d'urgence. Or, ceci n'est pas un argument convaincant, car les

8 ordres ne peuvent pas être expliqués de manière différente, compte tenu du

9 fait qu'il s'agissait des ordres d'urgence. Puis, il y a d'autres ordres,

10 tels que les ordres Pasalic, portant visiblement sur la resubordination des

11 troupes à l'accusé. Ici, l'argument est qu'il ne s'agit pas de documents

12 authentiques.

13 En ce qui concerne le MUP, au paragraphe 113, la Défense indique que

14 l'accusé n'était pas en charge des forces du MUP qui avaient participé aux

15 combats. Mais le ministre, Alispahic, a indiqué tout à fait clairement que

16 même si le MUP avait une chaîne de commandement séparée, s'agissant des

17 combats, conformément à la doctrine militaire bien établie, doctrine

18 conforme à l'unification du commandement, toutes les troupes, au cours des

19 opérations de combat, étaient placées sous le commandement du commandant

20 qui commandait l'opération. C'était la seule possibilité. Car sinon, les

21 opérations de combat auraient eu des conséquences désastreuses.

22 Par conséquent, s'agissant de la responsabilité du supérieur hiérarchique,

23 l'Accusation accepte qu'elle doit prouver au-delà de tout doute raisonnable

24 que l'accusé était le supérieur de ceux qui avaient perpétré les crimes.

25 Cependant, afin de déterminer si l'Accusation a rempli ce devoir, il est

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1 nécessaire d'examiner les éléments de preuve dans leur intégralité. Chaque

2 élément de preuve a été examiné de près, mais si un seul élément de preuve

3 est examiné de manière isolée, il serait possible de l'interpréter de

4 manière différente. Or, ceci serait erroné. Il faut examiner les éléments

5 de preuve en tant qu'un ensemble. C'est la seule possibilité raisonnable,

6 et l'Accusation propose à la Chambre de première instance d'agir ainsi.

7 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je vais proposer à M.

8 Weiner maintenant de prendre la parole.

9 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci beaucoup. Je pense que l'heure est

10 venue pour procéder à une pause. Nous allons faire une pause de 30 minutes

11 et nous allons donc reprendre nos travaux à 11 heures. Ainsi M. Weiner

12 pourra commencer dès le début sa présentation.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

14 --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, Monsieur Weiner, êtes-vous prêt à

16 commencer ?

17 M. WEINER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, allez-y.

19 M. WEINER : [interprétation] Bonjour. Je vais traiter des questions liées à

20 Grabovica et Uzdol. En ce qui concerne Grabovica, je vais parler de la

21 question de savoir qui a été tué et par qui.

22 Le 8 septembre 1993, les soldats de la 9e Brigade motorisée sont arrivés à

23 Grabovica. Il s'agissait là d'un village calme, mais ceci a changé

24 soudainement quelques heures après leur arrivée. Il y a eu des enlèvements,

25 des viols et des meurtres. Au cours d'une période de 24 à 30 heures, la

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1 plupart des villageois ont péri, soit ils sont morts, soit ils sont portés

2 disparus depuis. L'Accusation a prouvé au-delà de tout doute raisonnable la

3 mort de 27 de ces victimes. La Défense a accepté la mort de sept victimes :

4 les cinq membres de la famille Zadro et Dragica et Pero Maric. A notre

5 avis, ces sept victimes suffisent pour établir le chef d'accusation de

6 meurtre, mais nous considérons qu'il y a beaucoup plus de morts qui ont été

7 prouvés; en effet, les 27 morts ont été prouvés.

8 Un examen du dossier indique mis à part ces sept morts acceptés par la

9 Défense, les témoins ont vu trois autres cas tard. Le témoin A a déposé

10 qu'il a vu Joseph Brekalo près de sa maison. Le témoin C et Katica Miletic

11 ont dit qu'elles ont vu Ilka Miletic qui gisait par terre sur la route. En

12 ce qui concerne Mandic, le dernier décédé, la sœur du témoin C et son beau-

13 frère étaient près de l'endroit où se trouvait Mandic, lorsque les soldats

14 ont tiré sur lui et lorsqu'ils l'ont tué. Le témoin C nous a également aidé

15 à trouver l'endroit où il a été secrètement enterré, et ceci pour encore

16 dix des 27 victimes tuées.

17 Mis à part cela, un réfugié qui vive dans la région a vu neuf cadavres.

18 Zulfo a vu Marinko et Luca Maric, Martin Maric, Ruza Maric. Il a même

19 raconté cela à la police et à l'armée. Il a dit à quel endroit quatre de

20 ces cinq décédés se trouvaient. Les amis réfugiés du témoin C ont vu Mara

21 et Mandic.

22 Pourquoi est-ce que nous devons croire ces réfugiés ou pourquoi considérer

23 que ces dépositions qui se fondent sur l'ouï-dire sont fiables ? Les

24 réfugiés sont venus pratiquement affamés à Grabovica. Les villageois les

25 ont nourris, les villageois les ont aidés, les villageois les ont hébergés,

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1 et ces réfugiés appréciaient cela et ils ont agi conformément à cette

2 reconnaissance. Ils ont averti les villageois du danger imminent. Ils ont

3 fui à Jablanica afin d'obtenir de l'aide. Lorsqu'ils ont été envoyés à

4 Jablanica, ceux qui ont survécu, les réfugiés leur ont rendu visite, leur

5 ont apporté des vêtements, ils ont enterré secrètement une victime -

6 c'était Ivan Mandic - puis, ils apportaient des nouvelles à la population.

7 Les réfugiés n'avaient pas de raison de mentir à leurs nouveaux amis.

8 Pourquoi mentir aux villageois concernant leurs amis et leurs cousins ?

9 Adnan Solakovic les a crus. Puis Ahmed Salihamidzic a cru les réfugiés.

10 Ceci se fondait également sur la collaboration que nous avons obtenue par

11 le biais d'autres témoins, donc la Chambre peut se fier à leurs

12 informations.

13 Les soldats nous ont fourni des informations eux aussi. Ils ont fourni des

14 informations aux réfugiés concernant certains morts. Ils ont raconté des

15 récits au sujet de la mort de Pero et d'Anica Pranjic. Pourquoi est-ce que

16 nous devons le croire ? Il n'y avait pas de raison de mentir de la part des

17 soldats. Les autres ont mentionné les mêmes informations, donc ceci les

18 corrobore, les déclarations des soldats. Ce sont les déclarations à

19 l'encontre de l'intérêt de l'armée.

20 Nous avons maintenant 23 morts qui ont été prouvés sur 27. En ce qui

21 concerne les quatre derniers morts, la preuve des deux premiers se fonde

22 sur les éléments de preuve indirects. Le témoin B est allé chez Ljuba et

23 Zivko Dreznjak. Les soldats du HVO étaient à l'extérieur. Ils attendaient

24 l'arrivée du troisième groupe de soldats. Un groupe de soldats parlait à

25 une réfugiée musulmane et à sa fille. Le témoin B est parti de chez

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1 Dreznjak, puis en partant, il voit l'arrivée du troisième groupe de

2 soldats. Munevara, qui aurait parlé avec les soldats, dit : Bien,

3 maintenant ils vont les tuer tous. Le témoin B a ensuite entendu les coups

4 de feu à l'intérieur de la maison Dreznjak, puis il a entendu les cris de

5 Ljuba Dreznjak. Les Dreznjak n'ont plus jamais été revus vivants. La fois

6 d'après, lorsqu'ils ont été vus, c'était au moment où leurs familles ont

7 identifié leurs restes à l'hôpital de Split, où se trouvaient certaines

8 victimes de Grabovica.

9 Il est évident ce qui s'est passé à ces deux pauvres personnes. D'après les

10 mots d'un des commandants des Loups d'Igman, ils sont allés tuer les gens

11 d'une maison à l'autre.

12 Finalement, le soir du 8 septembre, Ivan Saric et Franjo Ravlic ont été

13 emmenés de chez eux jusqu'à un pont. Les soldats les ont emmenés là-bas.

14 Les soldats, c'était la nuit, n'ont capturé personne mais ont tué tout le

15 monde. Un soldat et un réfugié ont dit au

16 témoin C que ceci s'était produit et ils ont dit probablement ces personnes

17 avaient été tuées. Ivan a été vu plus tard en train de flotter dans la

18 Neretva, mais son corps n'a jamais été récupéré. Le cadavre de Franjo a été

19 récupéré au bout de trois mois environ dans un l'accusé; ensuite, il a été

20 enterré. Cet incident fait l'objet d'un rapport soumis au service de

21 Sécurité de la centrale hydroélectrique. Ils ont notifié la police et les

22 autres organes civils. Cette nuit-là, ils ont été emmenés, et le témoin C -

23 -

24 Le témoin C et le témoin E [comme interprété] ont déposé au sujet du

25 fait que les membres de la 9e Brigade emmenaient les villageois et les

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1 tuaient. Un garde ou un soldat qui avait parlé avec le témoin C a considéré

2 que ces personnes étaient mortes et la police a considéré qu'elles étaient

3 mortes, les réfugiés également, puis ils n'ont jamais été revus.

4 Visiblement, ils ont été tués.

5 Le Procureur considère que mis à part ces sept cadavres ou corps que la

6 Défense a acceptés, il n'y en a eu encore 20 qui ont été prouvés.

7 La Défense soulève ensuite la question de savoir qui a tué ces

8 victimes à Grabovica. Mais, c'est évident; c'était les membres de la 9e

9 Brigade motorisée, appelée l'Unité de Celo. Vingt-sept villageois sont

10 morts dans un délai de 24 à 30 heures. Il n'y avait pas de peste à

11 Grabovica, il n'y avait pas de désastre naturel. Nous savons qu'Enes Skrak

12 avait reçu un ordre de son commandant de peloton la nuit du 9 septembre.

13 L'ordre était de tuer tous les villageois. C'est à ce moment-là Sakrak

14 avait déjà été témoin d'un ou deux meurtres. Sakrak et deux hommes de son

15 unité --

16 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Weiner, mais nous

19 devons vous informer du fait que nous rencontrons certains problèmes

20 techniques et votre discours n'a pas pu être diffusé à l'extérieur de ce

21 prétoire. Nous allons devoir procéder à une pause de 15 minutes pour

22 permettre aux techniciens de réparer cela. Je m'en excuse.

23 M. WEINER : [interprétation] Pas de problème.

24 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons reprendre nos travaux à 11

25 heures 30.

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1 --- L'audience est suspendue à 11 heures 13.

2 --- L'audience est reprise à 11 heures 34.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Monsieur Weiner, je vous prie de

4 m'excuser d'avoir été contraint de vous interrompre.

5 M. WEINER : [interprétation] Merci.

6 Quand je me suis arrêté, j'étais en train de dire que Sakrak a dit

7 que son commandant, le chef de section de la 9e Brigade motorisée, avait

8 donné l'ordre de tuer les habitants du village, et il a assisté à un, peut-

9 être deux meurtres. Sakrak et deux soldats sont allés à la ferme des Zadro,

10 une petite ferme familiale. Ils ont trouvé un couple âgé, un couple plus

11 jeunes, et trois enfants. Ils ont tué ces personnes. Ils ont pris leur

12 vache. Ils ont volé une bague à l'une de ces personnes qui tenait entre ses

13 bras un enfant de 3 [comme interprété] ans. Sakrak les a tuées. Les soldats

14 de la

15 9e Brigade suivaient ses ordres. Quand Sakrak est retourné au camp, il a

16 dit qu'il avait tué les personnes sur les ordres qui lui avaient été

17 donnés.

18 Tout ceci a commencé le 8 septembre. Mustafa Karic se souvient que le soir

19 du 8, des soldats de Celo étaient arrivés. Il y a dit qu'il y aurait des

20 tirs mais de ne pas y faire attention.

21 Saban Neziric qui se trouvait sur l'autre côté de la rivière a dit que ces

22 tirs ont duré pendant très longtemps, qu'il ne s'agit pas d'exercices, ni

23 d'une fête, mais les personnes ont été véritablement tuées au village de

24 Grabovica. Une action planifiée.

25 Le témoin E, page 8, 7 septembre, se souvient de ce qui s'est passé :

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1 "Q. Pendant que vous étiez dans cette maison, est-ce que vous avez entendu

2 ce qui se passait ?

3 "R. Oui.

4 "Q. Qu'est-ce que vous avez entendu pendant la nuit ?

5 "R. Des cris et des tirs qui venaient sans doute des victimes et des

6 soldats.

7 "Q. Que disaient les victimes et les soldats ?

8 "R. Bien, tout le monde hurlait.

9 "Q. Comment vous-même et les autres soldats, qu'avez-vous ressenti quand

10 vous avez entendu ces hurlements, ces cris ?

11 "R. Nous étions désemparés. C'était facile pour personne parce qu'on

12 savait ce qui était en train de se passer.

13 "Q. Qu'est-ce qui se passait ?

14 "R. Ils étaient en train d'emmener les habitants et de les tuer.

15 "Q. Est-ce que vous pouvez nous parler de l'état d'ébriété de ces soldats

16 -- mais revenons un peu en arrière. Ce sont les soldats de qui qui ont

17 emmené les habitants de cette manière ?

18 "R. Les soldats de Celo."

19 Le témoin D se souvient que personne n'a rien fait pour empêcher les

20 meurtres ce soir-là. Il a reconnu les meurtriers comme étant Mustafa Hota

21 et Enes Sakrak, qui a été jugé à Sarajevo. Il s'agissait de deux hommes de

22 la 9e Brigade.

23 Skakrak a parlé à un autre soldat, Habib Alic. Il était également de la 9e

24 Brigade. Il lui a dit qu'il a tué une femme après avoir essayé de la violer

25 chez elle.

Page 45

1 Sefko Hodzic a parlé avec les Loups d'Igman. Il a été témoin des meurtres

2 de Grabovica. Il a dit qu'ils étaient allés de maison en maison pour tuer

3 les habitants, ensuite ils avaient jeté les corps dans la Neretva. Tous ces

4 gens-là étaient sous l'influence de l'alcool et de la drogue. Ceci

5 correspond à ce que dit le témoin E lorsqu'il affirme lui aussi avoir vu ce

6 qu'il pense être un viol commis par les soldats de Celo le soir du 8. Il

7 pense aussi, ce témoin, que les membres de la 9e Brigade motorisée avaient

8 bu et s'étaient drogués.

9 Vehbija Karic a, lui aussi, mis en cause la 9e Brigade pour les

10 crimes commis à Grabovica et il pense que c'est l'utilisation de drogues

11 qui explique ce qui s'est passé. Ahmed Salihamidzic a parlé avec Adnan

12 Solakovic à Grabovica. Nous savons qu'Adnan, c'était le commandant du 2e

13 Bataillon indépendant. Solakovic a dit à Salihamidzic qu'au moins cinq

14 civils avaient été tués et que c'était les soldats de Celo qui les avaient

15 tués. Salihamidzic a parlé à un soldat qui tenait un point de contrôle. Il

16 a dit à Salihamidzic que les soldats qui se trouvaient dans l'unité qui se

17 trouvait sur leur plan étaient en train de tuer des villageois croates, et

18 qu'il avait peur parce qu'il n'était pas musulman. Les soldats qui se

19 trouvaient dans l'unité avoisinante étaient les soldats de Celo.

20 De nombreux documents ont été versés au dossier et montrent que ce

21 sont les soldats de Sarajevo qui ont commis les crimes ou des soldats tout

22 court, ou les hommes de Celo de la 9e Brigade.

23 Namik Djankovic a entendu pour la première fois parler de ces

24 meurtres le 8 septembre. A l'extérieur de l'hôtel on en parlait. On disait

25 que les membres de l'unité de Sarajevo avaient tué des civils à Grabovica.

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1 Le 9 septembre, il a informé le commandement de Sarajevo de ces meurtres

2 commis par des soldats de l'ABiH avec des membres des 8e et 9e Brigades.

3 La pièce 157 est un document qui vient du commandant même de l'armée,

4 Rasim Delic, en date du 12 septembre. Il demande au 6e Corps de vérifier

5 l'exactitude des informations communiquées au sujet du génocide commis à

6 l'encontre de la population civile par des membres de la 9e Brigade du 1e

7 Corps.

8 La pièce 222, Ahmed Salihamedzic a écrit que les meurtres avaient été

9 commis par les membres de l'unité commandée par Ramiz Delalic. Il y a deux

10 documents dans cette pièce. Sajid Brankovic a écrit dans ce document, je

11 cite : "La nouvelle s'est répandue de nombreux civils avaient été tués par

12 des membres des unités de l'ABiH de Sarajevo. Il s'agissait des hommes de

13 Celo".

14 Pièce 235, en date du 29 septembre, je cite : "Les auteurs de ces

15 crimes sont retournés à Sarajevo. On voit également dans ce document que

16 Samir Pezo écrit la chose suivante -- ou plutôt, on écrit au sujet de Samir

17 Pezo qu'il a refusé que ses soldats serbes ou croates participent au combat

18 de crainte que les hommes de Celo ne les tuent.

19 Pièce 222, encore une fois où il est dit que les hommes de Celo ont

20 appris qu'un membre de l'unité de Suka était Croate et qu'il l'ont égorgé

21 et tué.

22 Les éléments de preuve présentés sont limpides. Ce sont soit les membres de

23 la 9e Brigade, soit les hommes de Celo qui ont commis les meurtres. Aucun

24 témoignage de poids n'a accusé qui que ce soit d'autre. La Défense affirme

25 que les auteurs des crimes sont inconnus, mais le témoin C abonde dans leur

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1 sens. Le témoin C dit qu'un soldat est venu chez elle et qu'elle a dû le

2 tuer parce qu'elle était croate et oustachi, et qu'il s'agissait de Tigres.

3 Cependant, le témoin dit que ces Tigres était des renforts qui étaient

4 venus en septembre, de nouveaux soldats de Sarajevo. De plus, il faut dire

5 que le témoin C, dans sa déposition, était très confuse. Elle s'est

6 contredite. Elle a repris des réponses qu'elle avait déjà données, mais

7 chaque fois qu'on lui a demandé d'où venaient ces fameux Tigres, elle a dit

8 qu'ils venaient du nord, c'est-à-dire, de Sarajevo.

9 En plus du témoin C, nous avons également un membre de la

10 9e Brigade qui a reconnu avoir commis un meurtre. Il y a un autre membre de

11 cette unité qui a dit à Enes Sakrak qu'il avait commis des meurtres. Trois

12 membres de la 9e Brigade ont été vus alors qu'ils étaient en train de tuer

13 des personnes. Dans les 24 à 30 heures suivant l'arrivée des membres de la

14 9e Brigade, on a vu se produire tous les crimes susmentionnés. Les membres

15 de la 9e Brigade, ce sont eux qui ont reçu les ordres de tuer et ce sont

16 eux qui, malheureusement, ont obéi à ces ordres. Nous avançons que nous

17 avons prouvé au-delà de tout doute raisonnable que ce sont les hommes de

18 Celo, les hommes de la 9e Brigade qui ont commis les crimes de Grabovica.

19 Nous avançons d'autre part que ces meurtres ont eu lieu parce que l'accusé

20 n'a pas pris les mesures raisonnables et nécessaires destinées à prévenir

21 l'occurrence de ces crimes. Je vais traiter des faits en tant que tels, et

22 M. David Re, quant à lui, parlera des questions de droit.

23 Vingt-sept villageois sont morts alors qu'ils n'auraient pas dû mourir si

24 les précautions nécessaires, les actions nécessaires avaient été prises.

25 L'accusé n'a rien fait pour prévenir ces crimes à Grabovica. Nous avançons

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1 que ce qui intéressait plus l'accusé, c'était sa propre gloire. Il a emmené

2 des journalistes avec lui dans le cadre de cette opération militaire. Il a

3 donné des interviews. A la pièce 289, page 26, l'accusé a dit, après les

4 crimes, je cite : "Jamais il n'y a eu une plus grande opération que celle-

5 ci depuis le début de la guerre." Nous pensons que l'accusé rêvait d'un

6 commandement prestigieux, de la gloire qui s'en suivrait. C'était cela qui

7 l'intéressait. En conséquence, il a fait preuve d'une grande négligence.

8 Il n'y a pas de mesures particulières et raisonnables qui doivent être

9 prises pour prévenir un crime. Cette mesure, elle doit être définie au cas

10 par cas. Nous avançons qu'en l'espèce, de telles mesures n'ont pas été

11 prises. Son manquement à l'obligation de prévenir ces crimes, cela commence

12 dès le début de l'opération et cela se poursuit pendant tous les événements

13 de Grabovica. D'abord, l'accusé n'a pas sélectionné les unités idoines. La

14 sélection de la 9e et de la 10e Brigades a constitué une erreur colossale.

15 Ces hommes avaient très mauvaise réputation. Ils étaient totalement

16 indisciplinés. Ils avaient déjà maltraité les civils de Sarajevo. Ils

17 avaient une réputation catastrophique qui était connue de tous. C'était

18 peut-être des combattants valeureux, mais ils avaient maltraité, agressé

19 les civils. Les crimes commis par la 9e et la 10e Brigades étaient bien

20 connus. Ils volaient des biens, des véhicules, ils se livraient à des actes

21 d'extorsion, de kidnapping, à des brutalités, cambriolages, meurtres,

22 travaux forcés, y compris le fait de forcer des civils à creuser dans

23 tranchées. Tout le monde était au courant à Sarajevo de ces activités.

24 De plus, en juillet 1993, ils ont été à l'origine d'une mutinerie.

25 Halilovic était au courant de toutes ces activités. En juin 1993, l'accusé

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1 a ordonné la mise en place d'une commission afin d'étudier toutes ces

2 activités. Des réunions de haut niveau ont eu lieu à Sarajevo pour traiter

3 des problèmes disciplinaires qui se posaient au sein de la 9e et de la 10e

4 Brigades et des actes criminels qui étaient commis.

5 Le ministère de l'Intérieur et l'armée ont eu de nombreuses réunions pour

6 discuter de tous ces problèmes. Bakir Alispago a déclaré que, selon

7 Halilovic, c'était un problème militaire tout cela et pas un problème de la

8 police. Ramiz Delalic a même déclaré qu'après avoir participé à ces

9 réunions, l'accusé appelait pour dire ce qui s'était passé. En d'autres

10 termes, l'accusé était au courant de tous ces problèmes, de tous ces crimes

11 commis, et d'ailleurs, c'était de notoriété publique dans toute

12 l'Herzégovine.

13 Halilovic a non seulement fait le choix de ces unités, mais il a imploré

14 Caco d'envoyer la 10e Brigade. Sefko Hodzic a participé à la réunion au

15 cours de laquelle Halilovic et Caco sont intervenus. Halilovic estimait que

16 Caco était un malade mental. Si on regarde sa déposition du 23 mars, page

17 69 à 70, on pourra s'en convaincre : "C'est la première fois que je vois ce

18 Caco et je crois que cela ne va pas très bien dans sa tête. Et il a

19 répondu, Non, effectivement. Et à ce moment-là, il a dit, Vraiment, je

20 crois que cela ne va pas du tout. Je ne pouvais vraiment pas dire qu'il

21 était fou à lier. Je ne me souviens pas exactement des termes que j'ai

22 employés, mais en tout cas, j'ai dit qu'il y avait quelque chose qui

23 n'allait pas chez lui. Mais il avait de bons combattants à sa disposition.

24 Il a dit que c'était la réalité de la guerre et qu'il était quand même

25 utile."

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1 Qu'est-ce qui se passe là ? Qu'est-ce que je viens de vous lire ? Nous

2 avons le chef d'état-major de l'ABiH qui demande absolument à ce qu'on lui

3 permette d'utiliser les services d'un fou à lier. Dzevad Tirak, le chef

4 d'état-major, a appris que ces hommes de Sarajevo étaient arrivés. Lui, qui

5 était chef d'état-major du 6e Corps, il était mécontent parce qu'il savait

6 que ces hommes avaient très mauvaise réputation. Le commandant en second du

7 corps a envoyé Tirak à la rencontre de Rasim Delic pour que les unités

8 soient retirées. Voilà ce qui a été dit lors de sa déposition du 30 mars.

9 Pages 65 à 66, je cite :

10 "Q. Pourquoi avez-vous demandé à M. Delic que la 9e et la 10e Brigades

11 soient renvoyées à Sarajevo ?

12 "R. Parce que nous pensions que ces unités n'étaient pas en mesure

13 d'apporter un concours quel qu'il soit aux offensives en cours. D'ailleurs,

14 ce n'était pas ma seule opinion, c'était une opinion qui était également

15 celle de tous les membres du 6e Corps qui étaient présents. Tout ce qu'ils

16 pouvaient faire, c'était de créer des problèmes. C'est la raison pour

17 laquelle nous avons demandé à ce que ces unités soient retirées de la zone

18 de responsabilité du 6e Corps, et ceci aussi rapidement que possible. C'est

19 la raison pour laquelle j'ai demandé à ce qu'ils soient retirés de manière

20 rapide. Et quand j'ai appris que ces crimes avaient été commis, cela n'a

21 fait que renforcer mon opinion."

22 Pages 65 à 66, je cite :

23 "Q. Qu'avez-vous dit à Delic à ce sujet ?

24 "R. Je dois dire que j'étais assez surpris, assez énervé, et j'ai dit que

25 ceux qui avaient fait venir ces unités sur zone ne savaient pas ce qu'ils

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1 étaient en train de faire."

2 Enfin, page 47, je cite :

3 "Q. Vous parliez des antécédents de la 9e et de la 10e Brigades en répondant

4 aux questions de la Chambre. Pouvez-vous vous expliquer un peu plus ?

5 "R. Comme je l'ai dit, je ne peux pas donner beaucoup plus d'explications.

6 Mon opinion d'ailleurs, ce n'est pas mon opinion à moi seul, c'est que ces

7 deux brigades avaient la réputation de créer des problèmes et de semer la

8 pagaille."

9 Même si on n'avait pas eu d'autre solution que de se servir de ces hommes,

10 il fallait prendre des précautions. Inutile d'être un expert militaire pour

11 savoir l'importance de la prudence. C'est le bon sens qui l'indique. Or, il

12 faut savoir qu'on n'a placé aucune limite à ce que ces soldats pouvaient

13 faire, les soldats de ces brigades. Par exemple, Halilovic aurait pu dire

14 que tous ceux qui avaient un casier judiciaire, tous ceux qui avaient eu

15 des problèmes disciplinaires, que tous ceux qui étaient connus pour leur

16 ivrognerie, pour leur toxicomanie, devaient rester à Sarajevo, mais il ne

17 l'a pas fait.

18 Dans son mémoire, la Défense nous dit que c'est Karavelic qui était chargé

19 de désigner les hommes. Encore une erreur de l'accusé, parce qu'Halilovic

20 aurait pu définir les critères de sélection requis. Il connaissait ces

21 unités, il connaissait toutes les difficultés qu'elles avaient

22 occasionnées. Il aurait pu agir pour protéger les personnes qui ont ensuite

23 été victimes.

24 Donc, encore une fois, un manquement à l'obligation de prévenir les crimes.

25 Aucun ordre n'a été envoyé pour que la police militaire soit affectée à la

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1 9e Brigade avec ces soldats. Aucun ordre n'a été envoyé à la police

2 militaire pour qu'elle se rende au village de Grabovica. Aucun ordre à la

3 police militaire du 6e Corps pour qu'elle aille à Grabovica. Quand les

4 soldats sont arrivés sur place, personne ne les a accueillis en leur disant

5 comment il fallait qu'ils se comportent envers les habitants du village.

6 Donc un manquement à l'obligation de contrôler les soldats. Qui contrôlait

7 ce qui se passait à Grabovica ? Zulfikar Alispago, il n'était pas là. Ramiz

8 Delalic n'était pas là. On a vu passer des officiers de haut rang, mais ils

9 ne sont pas restés sur place. Donc, pas de contrôle de ces hommes, pas de

10 supervision, supervision très mauvaise. Donc, des soldats de triste

11 réputation qui avaient eu souvent des activités criminelles et qui

12 n'étaient pas contrôlés, ce qui crée, bien entendu, une situation

13 extrêmement dangereuse. Si on regarde les faits, on voit ce qui s'est

14 passé. Tout de suite, dès leur arrivée à Grabovica, l'atmosphère a

15 immédiatement changé. On entend des tirs, on entend des hurlements. Dans

16 les heures qui suivent, ce sont des meurtres, des viols, des kidnappings

17 qui se produisent.

18 Quelles précautions ont été être prises pour protéger les villageois ?

19 Aucune. Au contraire, on a logé les soldats chez les habitants du village,

20 des soldats croates qui appartenaient à la partie adverse, des civils, des

21 civils dont certains des parents avaient peut-être lutté contre les soldats

22 qui se trouvaient dans leur village. Pire encore, il s'agissait là de

23 civils extrêmement vulnérables, de personnes âgées. On n'a pas évalué la

24 situation du village avant de dire aux soldats de s'y loger. D'après Jusuf

25 Jasarevic, si on avait fait cela, cela aurait permis de prévenir cette

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1 situation. On aurait décidé sans doute de ne pas loger ces soldats sur

2 place. Or, cela n'a pas été le cas. On n'a pas fait partir les civils, on

3 ne les a pas séparés des militaires, on n'a pas fait venir de gardes, de

4 police. Donc, c'était la catastrophe annoncée. En conséquence, on a vu, à

5 ce moment-là, la situation s'envenimer, une situation est restée ainsi

6 extrêmement critique pendant 24 à 30 heures, avec pour résultat la mort de

7 27 civils. Or, des mesures auraient dû être prises pour prévenir ces

8 crimes, pour les empêcher."

9 Le témoin D l'a bien résumé à la page 30, le 21 février. Je cite : "Le

10 lendemain quand je me suis levé, c'était le matin, à 8 heures ou 9 heures,

11 je ne suis pas trop sûr, j'ai vu au bord de la route, qu'il y avait des

12 cadavres. Il y avait des flaques de sang. Tous ces meurtres avaient eu lieu

13 pendant la nuit. Personne n'a été en mesure d'empêcher qu'ils ne se

14 produisent, ou plutôt, personne n'y a prêté attention. Tous les chefs, tous

15 les commandants qui étaient venus sur place n'avaient absolument rien fait

16 pour que ces crimes ne soient pas commis."

17 En résumé, l'Accusation avance que les éléments de preuve présentés ont

18 prouvé que Sefer Halilovic n'avait pas pris les mesures nécessaires et

19 raisonnables pour protéger les habitants du village et qu'en conséquence,

20 27 de ces habitants sont morts pour rien.

21 Passons maintenant aux habitants du village d'Uzdol. 29 habitants du

22 village d'Uzdol sont morts. La Défense dit que nous n'avons pas déterminé

23 la manière dont ils étaient morts, qui les avaient tués, et qu'ils étaient

24 effectivement des civils. Je vais traiter des deux premières questions

25 ensemble. Ensuite, je passerai à la troisième. L'Accusation a prouvé que

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1 les habitants n'étaient pas morts suite à des bombardements où à un échange

2 de tirs. Ils n'avaient pas été pris entre deux feux. Pour ce qui est des

3 bombardements, un médecin légiste a déposé. Il a fourni des rapports

4 d'autopsie, des déclarations, des photographies, et il a conclu qu'aucun

5 des 27 habitants morts qu'il avait examinés n'était mort suite à des

6 bombardements. Deux d'entre eux avaient été brûlés vifs, aucun d'entre eux

7 n'était mort suite à des blessures provoquées par des explosions. Ils

8 avaient été victimes de blessures par balles ou ils avaient été tués à

9 coups de hache ou d'instrument similaire.

10 Nous avançons que lorsqu'on dit qu'il y a eu pilonnage du village, c'est

11 complètement faux. Le village n'a jamais été pilonné. Kate Adie, une

12 journaliste bien connue, une source objective, est venue à visiter ce

13 village et elle n'a vu aucun élément indiquant qu'il y avait eu pilonnage.

14 On voit dans les enregistrements vidéo de Kaza Zelenika également, que

15 c'est le cas. Une heure d'enregistrement vidéo, pas de cratères, aucun

16 bâtiment n'a été touché, on ne voit pas de trous dans les murs, aucun mur

17 effondré, rien de tout cela. Alors, s'il y a eu effectivement bombardement,

18 comme le dit la Défense, pourquoi n'y a-t-il pas eu de cratères ? Parce que

19 comme nous l'a dit Zelenika, comme l'a dit Kate Adie, il n'y a jamais eu

20 bombardement. On le voit bien quand on regarde ces vidéos.

21 Alors, pourquoi ces mensonges ? Il faut savoir qu'Enver Buza avait besoin

22 de cela, avait besoin de ces allégations mensongères pour que les meurtres

23 ne soient pas portés au compte du Bataillon indépendant de Prozor. Il a

24 bien essayé, mais les autopsies qui ont été réalisées montrent qu'aucune

25 des victimes n'est morte suite à des blessures provoquées par des

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1 explosifs. De plus, on veut nous faire croire à un miracle, puisqu'il y

2 aurait eu bombardement, mais aucun soldat du HVO n'a été tué. Ils

3 voudraient nous faire croire que seuls les propriétés, les biens

4 appartenant à des Croates ont été détruits. Il est absurde d'affirmer quoi

5 que ce soit dans ce sens. C'est indigne de la Chambre de première instance.

6 L'Accusation avance que ces 29 victimes, elles ont trouvé la mort suite aux

7 actes intentionnels commis par les soldats de l'ABiH, du Bataillon

8 indépendant de Prozor. Nous savons que les soldats du Bataillon indépendant

9 de Prozor ont attaqué Uzdol sur ordre de l'accusé. Nous savons que des

10 soldats de l'ABiH ont été entendus en train de demander, Que faut-il faire

11 des femmes et des enfants ? Et qu'on leur a répondu, Il faut tuer tous les

12 prisonniers. Nous savons, grâce à la pièce D315, qui a été présentée par la

13 Défense, ce qui s'est passé. C'est un livre qui est consacré aux morts

14 d'Uzdol. A la page 6 de la pièce à conviction -- page 9 du livre, il est

15 dit, je cite : "Le 14 septembre 1993, des soldats de l'ABiH ont envahi

16 Uzdol et ont commencé à se livrer à un massacre. Ils ont tué tous ceux

17 qu'ils ont trouvés, les femmes, les enfants, les hommes âgés. Ils ont

18 également mis le feu à des maisons, tué les vaches, les bœufs et les

19 chiens."

20 Que savons-nous d'autre ? Nous savons que sur ces 29 personnes qui ont été

21 tuées, les meurtres de cinq personnes ont été vus. On a vu des soldats de

22 l'ABiH tuer cinq personnes. Prenons un peu de recul, Ruza, Marija, et

23 Stjepan Zelic s'enfuyaient alors que les soldats criaient, Allahu Akbar.

24 Les soldats ont appelé. Ils ne savaient pas que faire des femmes et des

25 enfants. Un soldat a dit, Tuons les prisonniers. Le nom d'Enver Buza a été

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1 mentionné, le commandant du Bataillon indépendant de Prozor. Il y a eu des

2 tirs. Les soldats sont partis. Le témoin est sorti des buissons où il se

3 trouvait et a vu trois corps. Le corps de sa mère, de son petit frère et de

4 sa petite sœur.

5 Puis, Anica Stojanovic a été tuée en dehors de son domicile. Janko

6 Stojanovic, un voisin, l'a vue. Il a vu qu'elle appelait son fils, qu'elle

7 est tombée à la renverse, qu'un soldat lui a tiré dans la tête à bout

8 portant, et qu'elle est tombée à la renverse et qu'elle est tombée sur le

9 dos. Le pathologiste a d'ailleurs confirmé qu'il y avait eu blessure à la

10 tête, blessure qui avait été faite à bout portant, à savoir entre cinq

11 centimètres et un mètre, ce qui correspond exactement à ce qu'a dit Janko

12 Stojanovic. Il y a quatre autres blessures sur son corps. Janko n'a jamais

13 expliqué pourquoi elle est tombée à la renverse. Il est possible qu'à ce

14 moment-là, on lui a tiré dessus et qu'au moment où elle tombait à la

15 renverse, on lui a également tiré une balle dans la tête ou que quelqu'un a

16 tiré après. Mais ce que Janko a vu a absolument été corroboré par l'examen

17 médical.

18 Puis, il y a eu quatre exécutions.

19 Le témoin suivant, il s'agit du meurtre de Mara Grubisic. Elle s'est rendue

20 dans son étable. L'ABiH a mis le feu à l'étable. L'étable a été la proie

21 des flammes, très, très rapidement. Le témoin les a vus incendier l'étable.

22 Ses restes ont, par la suite, été trouvés, et ensuite, elle a été enterrée

23 ainsi.

24 En sus de ces cinq meurtres qui ont été vus par des témoins, sept autres

25 personnes ont été tuées à bout portant lors de l'attaque de l'ABiH. Deux

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1 femmes âgées ont été frappées avec des instruments ressemblant à une hache.

2 On peut voir les incisions au niveau de leur crâne. Il s'agissait de Ruza

3 Zelenika et Serafina Stojanovic. Ruza est morte dans son lit. Serafina est

4 également morte dans son domicile. Leurs maris ont été également tués. Cinq

5 autres personnes ont été tuées à bout portant. Deux femmes croates âgées

6 ont été tuées à bout portant. D'après le pathologiste, cela signifie que le

7 fusil, soit touchait leur tête ou se trouvait à cinq centimètres de leur

8 tête. Les deux avaient des blessures à la tête. Il s'agissait de Janja

9 Zelenika et Kata Ratkic. En sus, Janja a été tuée à bout portant quasiment.

10 Elle était allongée le long d'un petit sentier. Il y avait le mur d'un

11 bâtiment d'un côté et des buissons de l'autre côté. Elle a été tuée à bout

12 portant.

13 Deux hommes âgés ont également été tués à bout portant, quasiment sur le

14 seuil de leur porte. Il s'agit de Mijo Rajic et Martin Ljubic.

15 Kata Ljubic a également été tuée à bout portant. Il faut savoir qu'il est

16 dit dans les notes de récolement, que Kata Ljubic a été tuée alors que le

17 fusil se trouvait à cinq centimètres d'elle. Mato Ljubic a été tué alors

18 que l'arme se trouvait à dix centimètres de son corps. Mija Rajic a

19 également été frappée, alors que l'arme se trouvait à dix centimètres de

20 son corps. Il ne s'agissait pas de personnes qui se sont trouvées entre des

21 tirs croisés. Il s'agissait d'exécutions.

22 Ces 12 personnes que je viens de mentionner ne sont pas mortes parce

23 qu'elles se trouvaient entre des feux croisés. Elles n'ont pas été victimes

24 de pilonnages. Elles n'ont pas été tuées à la suite d'un accident. Elles

25 ont la victime de meurtres intentionnels et brutaux.

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1 Qui plus est, sept victimes ont également été tuées dans leurs domiciles,

2 dans ces circonstances qui indiquent qu'elles ont été assassinées. Ivka

3 Rajic, c'est la femme qui avait été victime d'un anévrisme cérébral 13 ans

4 plus tôt. Donc, elle n'était plus en état de marcher. On lui a tiré dessus

5 trois fois alors qu'elle était dans un fauteuil ou dans un lit. Son mari a

6 été tué à bout portant sur le pas de sa porte. Cinq voisins qui se

7 trouvaient de l'autre côté de la rue ont également été tués. Nous avançons

8 que sa mort n'a pas été accidentelle.

9 Martin Ratkic a été tué. Vous vous souvenez que c'est l'homme que l'on a

10 trouvé dans une attitude d'accolade avec sa femme. Ils étaient allongés

11 l'un à côté de l'autre. Une de ses oreilles avaient été coupées, et il y a

12 eu beaucoup de questions posées lors du contre-interrogatoire à ce sujet.

13 Mais, lors du contre-interrogatoire, le docteur a présenté l'une de ses

14 photographie et il a justement décrit comment la ligne d'incision sur

15 l'oreille est la ligne à partir de laquelle il se base pour déterminer que

16 cette oreille a été coupée alors que la personne était encore en vie.

17 Martin Ratkic a donc été attaqué à bout portant, et son décès a dû être

18 intentionnel.

19 Jadranka et Ivan Zelenika ont également été tués dans leur domicile.

20 Jadranka étaient une petite fille. Ivan était l'homme le plus âgé, son

21 grand-père. Sa grand-mère, Ruza, était alitée. Sa tête a littéralement

22 explosé. C'est la personne qui avait cette blessure provoquée par une hache

23 au niveau de la tête, et elle avait également des blessures provoquées par

24 des armes, à la tête. Elle avait également quatre blessures provoquées par

25 des armes à feu, au niveau du corps. La petite Jadranka est morte dans

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1 cette maison également. Un peu plus tôt ce matin-là, leur étable a été

2 incendiée. Marko Zelic est sorti voir cette étable en proie aux flammes et

3 il a vu Ivan à l'extérieur de sa maison avec un soldat. Quelques minutes

4 plus tard, il y a eu un ordre qui a été donné pour tuer, et Marko Zelic a

5 entendu les tirs et a vu la mort de trois membres de cette famille.

6 Donc, vous avez la maison de Zelenika, qui est ici -- nous n'avons pas

7 l'ordinateur. Mais vous avez la maison de Zelenika qui est là, la maison de

8 Zelic, et juste à côté, en diagonale par rapport à la maison de Zelenika,

9 il y avait ces trois cadavres. Nous avançons que ces morts ne sont pas le

10 résultat de tirs croisés et ne sont pas accidentelles.

11 Deux femmes âgées, Luca Zelenika et Kata Perkovic, ont également été tuées

12 dans leurs domiciles. Il ne semble pas que leurs maisons aient été pillées.

13 Ces personnes vivaient à Zelenika. Il y avait quelques maisons. Si vous

14 prenez la pièce à conviction 300, toutes les personnes qui habitaient dans

15 ce groupement de maisons ont été tuées, ce qui correspond au témoignage de

16 Kate Adie, qui a parlé de meurtres systématiques, du fait qu'on ait pointé

17 devant les maisons, les unes après les autres. Cela est également corroboré

18 par le témoignage de Marko Zelic, qui a indiqué qu'il avait entendu, Tuez

19 tous les prisonniers; corroboré également par la pièce à conviction 315

20 présentée par la Défense, où il est fait état que les soldats de l'ABiH ont

21 tué toute personne qu'ils trouvaient. Ce qui a également été corroboré

22 d'ailleurs par le témoignage d'Ivka Stojanovic, disant qu'il avait vu les

23 soldats et que sa mère était morte et que son corps était sans vie. Ils

24 cherchaient d'autres personnes. Il ne cherchait pas des prisonniers pour

25 les ramener.

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1 Puis, nous avons également le décès de Jela Dzalto, qui est morte. La pièce

2 à conviction 315 explique qu'elle a pénétré dans une maison et qu'elle n'en

3 est pas sortie et que l'ABiH a incendié la maison. Nous avançons qu'il

4 s'agit là d'une exécution et non pas d'une mort accidentelle ou d'une mort

5 provoquée par le fait que la personne se trouvait entre des tirs croisés.

6 Dix villageois sont morts à l'extérieur de leurs domiciles dans des

7 circonstances qui correspondent à un meurtre. Deux hommes âgés sont morts à

8 l'extérieur de leurs maisons, Franjo Stojanovic, qui avait 87 ans, sur

9 lequel on a tiré, et je cite : "Alors que son corps était en train de se

10 reposer."

11 Puis, vous avez Anto Stojanovic, sur lequel on a tiré quatre fois. Dans les

12 trois maisons qui se trouvent proches de lui, les victimes ont été tuées à

13 bout portant, et vous pouvez voir ces maisons dans la pièce à conviction

14 302, et les victimes sont Kata Ratkic, Anica Stojanovic et Serafina

15 Stojanovic. Il s'agissait de personnes âgées. Leurs corps ont été trouvés à

16 l'extérieur de leurs maisons. Ils ne portaient pas de chaussures. Ces morts

17 et les décès de leurs voisins correspondent à une exécution dans ces

18 différentes maisons.

19 Dragica Zelenika a été tuée et son corps a été partiellement brûlé. Elle

20 est également morte dans ce groupe de maisons à Zelenika. Si vous prenez la

21 pièce à conviction 301 -- ou 300, sur l'écran maintenant. Puisque j'ai

22 entendu dire que l'écran fonctionnait à nouveau. Si nous voyons le document

23 301, nous voyons les repères 4, 5, 6 et 7. Cela se trouve au centre gauche.

24 Vous voyez donc qu'il y a ce petit lotissement de maisons. Ce qui est

25 intéressant -- je ne sais pas d'ailleurs si l'ordinateur fonctionne --

Page 61

1 c'est que les femmes de ces foyers ont été tuées, les femmes dans chacun de

2 ces foyers ont été tuées.

3 Alors, avec Dragica Zelenika qui a été tuée, le témoin I a vu des soldats

4 qui se battaient.

5 Nous ne l'avons pas, mais je poursuis, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Mais nous l'avons vu sur notre écran.

7 M. WEINER : [interprétation] Très bien.

8 Alors le témoin I nous a dit qu'on lui a tiré dessus, l'étable a été

9 incendiée, et elle a entendu des soldats qui criaient, Allahu Akbar. Des

10 soldats lui ont dit qu'ils allaient revenir vers elle. Nous avançons que

11 Dragica, comme les autres, a eu un décès qui a été intentionnel. Elle a été

12 assassinée.

13 Puis finalement, les sept villageois qui ont été tués à l'extérieur de

14 leurs domiciles -- à l'extérieur de deux foyers. Nous avions Domin Rajic,

15 son fils, et nous avons également Stanko Rajic et d'autres membres de la

16 famille Rajic dans l'autre maison. Dans notre mémoire en clôture, nous

17 avançons que compte tenu de l'emplacement de ces corps et compte tenu de

18 leurs blessures, il semblerait que ces victimes aient été alignées et ont

19 été exécutées ou qu'elles sont tombées dans une embuscade. Il s'agit des

20 paragraphes 405 à 409 et 417 à 420 de notre mémoire en clôture. Si vous

21 prenez les trois corps sur une ligne, et cela se trouve dans la pièce à

22 conviction 12 [comme interprété], nous avons Lucija Rajic, Sima Rajic. Dans

23 cette pièce à conviction 312, nous voyons qu'on a l'impression qu'ils ont

24 été alignés.

25 Si vous reprenez la pièce à conviction 315, qu'est-il dit à propos de

Page 62

1 Stanko et Lucija Rajic ? On dit qu'ils ont été capturés et qu'ils ont été

2 placés devant la maison Prskalo, et qu'ils ont été tués. Il s'agit de la

3 page 42 de l'ouvrage et il s'agit de l'information à propos de Lucija

4 Rajic.

5 Qu'est-il dit à propos de Domin et Ivka Rajic ? Il est dit qu'ils ont

6 également été tués après que leur fils a été exécuté. Non seulement ces 29

7 morts ont été des assassinats, mais des assassinats et des meurtres commis

8 par les soldats de l'ABiH.

9 Les soldats du Bataillon indépendant du Prozor sont les personnes qui

10 étaient présentes. Ils avaient un motif pour tuer. Ils avaient manqué à

11 leur mission et certains avaient fait office de boucliers humains pour les

12 Croates. Ils avaient été déplacés de Prozor. Ils avaient reçu l'ordre de

13 tuer. D'après Stojanovic, ils recherchaient d'autres personnes à tuer. Cinq

14 de ces meurtres, pour ne pas dire six, ont été vus par des témoins. Ils ont

15 incendié les bâtiments, ils ont détruit les biens d'autrui, et ils ont

16 ensuite menti. Mais il est évident que ce sont les soldats de l'ABiH et du

17 Bataillon indépendant de Prozor qui ont commis ces meurtres.

18 En dernier lieu, l'Accusation avance que ces victimes étaient toutes

19 des victimes civiles. Car aucune de ces victimes ne portait l'uniforme.

20 Plusieurs de ces victimes n'avaient même pas de chaussures. Il n'y a pas

21 une seule victime qui a été identifiée comme ayant tiré sur des soldats.

22 Personne parmi ces victimes ne portait d'armes à feu ce jour-là. La plupart

23 étaient vêtus de vêtements villageois traditionnels. Trois des victimes

24 étaient des jeunes enfants.

25 La Défense avance que deux femmes qui faisaient du pain pour les soldats

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1 n'étaient pas des civils; il s'agit de Mara Rajic et de Kata Ljubic. Les

2 femmes qui se trouvaient dans cette cuisine n'avaient pas d'uniformes et

3 elles ne portaient pas d'armes non plus. Ces personnes qui se sont portées

4 volontaires pour faire du pain, pour cuisiner, pour nettoyer et pour

5 distribuer la nourriture, n'étaient pas des parties prenantes aux

6 hostilités. Ces victimes n'étaient pas à l'école ou dans l'école

7 lorsqu'elles ont été tuées. Elles n'étaient pas non plus avec des soldats.

8 Elles sont mortes avec leurs familles. Domin Rajic a été tué à l'extérieur

9 de son domicile. Aucune preuve indiquant qu'il faisait partie des combats à

10 ce moment-là. Il n'était pas dans l'école. Il est mort avec sa famille. Il

11 est mort près de son fils, qui portait l'uniforme, lui. Et là, vous pouvez

12 voir la différence. Domin et sa femme habillés avec le costume villageois

13 traditionnel, et leur fils portant l'uniforme. D'après la pièce à

14 conviction 315, lui et sa femme ont été exécutés après que leur fils, un

15 soldat, a été exécuté.

16 Les documents présentés par la Défense, indiquant que Kata Ljubic et

17 Domin Rajic sont morts alors qu'ils exécutaient des ordres, nous savons

18 d'après la déposition de Kazo Zelenika que cela n'était pas vrai. Ils

19 n'étaient pas sur la ligne de front. Lorsqu'on a posé une question à Kazo

20 Zelenika, lorsqu'on lui a dit, Est-ce que Kata Ljubic était sur la ligne de

21 front ? Il a trouvé que c'était une idée absolument ridicule. Ils n'étaient

22 pas dans l'établissement scolaire. Kazo, qui était l'officier d'état civil

23 pour cette région, connaissait tous ces gens. Il faisait partie de l'unité

24 locale, et il n'a jamais cru que Domin Rajic a été mobilisé, ni que Kata

25 faisait du pain pour les soldats à ce moment-là. Il a dit que Kata faisait

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1 du pain pour les soldats lorsque la guerre a commencé et que c'était tout.

2 L'Accusation avance que les documents qui donnent droit aux familles

3 à certaines primes étaient un cadeau. Il s'agissait d'un cadeau qui a été

4 accordé à ces familles. Cela ne s'est pas basé sur les événements qui se

5 sont déroulés, et cela ne signifie pas que ces personnes étaient des

6 soldats.

7 Ruza Zelenika a lancé une grenade à main, mais il s'agissait d'une

8 diversion destinée à faire en sorte qu'elle puisse s'enfuir avec ses

9 enfants. Donc, même si vous croyez la déposition suivant laquelle elle a

10 lancé une grenade à main -- ou le livre dans lequel cela est écrit, est-ce

11 qu'elle combattait avec les soldats ? Non. Elle s'est contentée de jeter

12 une grenade par la fenêtre, et ils se sont enfuis de cette maison. Qu'ont-

13 ils fait ? Ils se sont enfuis. Est-ce qu'ils ont combattus ? Non. Ils ont

14 essayé de sauver leur peau. Donc, il s'agissait d'un seul acte

15 d'autodéfense, et cela ne lui fait pas passer du statut de civil au statut

16 de personne participant aux hostilités. Nous suggérons que cela n'est pas

17 le cas. Ces personnes se sont enfuies, elles ont été capturées, elles ont

18 été ensuite détenues, et il y avait malheureusement un ordre de tuer tous

19 les prisonniers.

20 Alors, la Défense avance que les villageois se sont rebellés

21 soudainement et ont voulu assurer la défense du village. Où est la preuve ?

22 Qui l'a fait ? Qui a assuré cette défense ? Les jeunes enfants ? Les

23 infirmes ? Les personnes âgées ? Tout ce qu'ils ont, c'est le rapport

24 d'Enver Buza qui indique que ses soldats se battaient contre des civils

25 armés. Qui est motivé par le mensonge ? Buza certainement. Car ses soldats

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1 doivent répondre à un crime de guerre. Son rapport à propos d'un incident,

2 d'après Eminovic, le chef de la sécurité du 6e Corps, n'a pas été considéré

3 par le chef du 6e Corps comme sérieux. Il faut savoir que M. Eminovic a dit

4 que les chiffres n'étaient pas exacts -- ou plutôt, nous, nous avançons que

5 les chiffres ne sont pas exacts. Il parle de 65 personnes. Nous savons,

6 d'après les certificats de décès, que 65 personnes n'ont pas été tuées.

7 Eminovic a indiqué que les chiffres étaient des chiffres qui avaient été

8 avancés un peu comme cela, au pied levé. Le chef de la sécurité n'a pas

9 pris ce rapport au sérieux. Nous avançons donc que ce rapport n'est pas

10 fiable, et la Chambre de première instance devrait le considérer en tant

11 que tel.

12 Qui s'est soulevé et s'est battu contre l'ABiH ? Il n'y a pas de

13 témoignage indiquant que quelqu'un a pris les armes et a commencé à se

14 battre. Le fait qu'ils avaient des fusils dans leurs domiciles, il

15 s'agissait, après tout, de fermiers et de chasseurs dans cette région. Le

16 fait que des soldats séjournaient de temps en temps dans leurs foyers ne

17 les fait pas passer du statut de civils au statut de soldat et ne les

18 transforme pas en cibles légitimes.

19 En dernier lieu, dans son paragraphe 57, la Défense indique : "Il n'y

20 a aucune preuve indiquant que les auteurs non identifiés à Uzdol savaient

21 que les personnes qu'ils pouvaient tuer étaient des civils et qu'ils l'ont

22 fait intentionnellement et délibérément."

23 J'aimerais montrer quelques extraits vidéo à la Chambre de première

24 instance pour vous montrer que ces personnes étaient des civils. Nous

25 allons faire usage du programme Sanction. Je vous remercie, Monsieur le

Page 66

1 Greffier.

2 [Diffusion de cassette vidéo]

3 Stjepan Zelic, le petit garçon qui ne portait pas de pantalon, qui n'avait

4 pas de chaussettes, et qui n'avait pas non plus de chaussures. Est-ce que

5 cela a l'air d'un soldat qui participe à des hostilités ?

6 Est-ce que nous pouvons maintenant passer à Jadranka Zelenika.

7 [Diffusion de cassette vidéo]

8 M. WEINER : [interprétation] Voilà Marija Zelic, une jeune fille de 13, 14

9 ans. Est-ce que vous voyez des fusils ? Est-ce que vous voyez des

10 cartouches près de son corps ? Elle n'avait même pas de chaussures. Est-ce

11 que quelqu'un ne croirait jamais qu'elle participait aux combats ?

12 Est-ce que nous pouvons maintenant passer à Jadranka Zelenika.

13 [Diffusion de cassette vidéo]

14 M. WEINER : [interprétation] Vous voyez Jadranka Zelenika ici, avec sa

15 grand-mère. Est-ce que d'aucuns avanceront que ce petit enfant était un

16 soldat qui participait aux hostilités, ou sa grand-mère, dont une partie de

17 la tête a été arrachée ?

18 Etant donné que je vois que le système nous pose des problèmes, nous

19 allons regarder les autres. Regardez Luca Rajic, Sima Rajic, Ivka Rajic, la

20 femme paralysée et alitée, tuée dans dan son lit. Regardez les autres. Kata

21 Petkovic, la dame âgée, vous vous en souviendrez peut-être, qui est

22 allongée dans son propre foyer. Tout soldat voyant ces personnes aurait dû

23 savoir qu'il s'agissait de civils, et si des questions sont soulevées, je

24 pense qu'il faudrait, dans le doute, envisager qu'ils soient des civils.

25 Le Procureur avance que tout soldat qui veut faire la part des choses

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1 aurait pu déterminer qu'il s'agissait de civils et non pas de soldats. Mais

2 les soldats du Bataillon indépendant de Prozor n'ont pas essayé de

3 distinguer les civils des autres; tout ce qu'ils ont essayé de faire était

4 de tuer. Le Procureur avance que nous avons prouvé au-delà de tout doute

5 raisonnable que 29 civils ont été tués dans le village d'Uzdol à cette

6 date.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que nous

8 devons avoir une pause maintenant. Nous reprendrons à 12 heures 50.

9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 24.

10 --- L'audience est reprise à 12 heures 52.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons continuer jusqu'à 13 heures

12 45 et nous allons nous arrêter à ce moment-là. Dans l'après-midi, ce

13 prétoire va être utilisé par la Chambre d'appel dans le cadre d'une

14 audience, puis nous allons reprendre nos travaux à 15 heures 45. Si j'ai

15 bien compris, le Procureur n'a pas utilisé le temps qui lui a été alloué.

16 Monsieur Re, êtes-vous prêt ?

17 M. RE : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

18 Je vais parler de plusieurs points. Je vais parler en un peu plus de détail

19 de quelle manière l'Accusation a prouvé que M. Halilovic avait le

20 commandement et la direction, et qu'il avait le contrôle effectif sur les

21 soldats qui avaient commis les deux massacres. Puis, je vais également

22 traiter d'un certain nombre de points auxquels M. Weiner a fait référence

23 quant à son manquement d'empêcher les crimes. Puis, je vais parler de

24 plusieurs arguments de la Défense afin de permettre à la Chambre de

25 première instance de savoir dans quelle direction je vais et les arguments

Page 68

1 juridiques de la Défense que je vais aborder, en traitant séparément du

2 plaidoyer, des détails du conflit armé, du lien des précédents juridiques,

3 de la question juridique, de la levée en masse, la question de savoir si

4 M. Halilovic agissait conformément à la loi bosniaque. Puis, je vais

5 également parler des deux questions liées à mon manquement de punir à la

6 fois s'agissant des crimes à Uzdol et à Grabovica.

7 Tout d'abord, je vais parler du commandement et de la direction et de la

8 manière dont l'Accusation a prouvé que M. Halilovic avait le commandement

9 et la direction des unités qui avaient perpétré les massacres à Grabovica

10 et Uzdol. Puis ensuite, je vais donner quelques exemples, et à la fin,

11 l'Accusation va montrer que nous avons avancé à la fois les éléments de

12 preuve directs, indirects quant à sa méthode de direction. Parmi les

13 éléments de preuve que nous avons versés au dossier indiquant qu'il avait

14 le commandement et la direction, nous avons les éléments directs liés aux

15 troupes de la

16 9e et la 10e Brigades et du 2e Bataillon indépendant, qui voyageaient à

17 Grabovica en septembre 1993. L'Accusation avait présenté des éléments de

18 preuve directs de la subordination et du fait que ces troupes recevaient

19 des ordres de M. Halilovic, donc la seule conclusion qu'il est possible de

20 tirer est qu'il commandait les deux unités dans le cadre de l'opération et

21 qu'il commandait toutes les unités qui ont participé à l'opération Neretva.

22 Le général Vahid Karavelic a été crucial du point de vue de l'Accusation

23 dans ce sens. Dans sa déposition, le général Karavelic, qui est une

24 personne impressionnante, voire charismatique, c'est un témoin extrêmement

25 direct, il est venu ici afin de déposer et dire la vérité afin d'aider la

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1 Chambre dans sa recherche de la vérité.

2 M. Karavelic, qui était dans une situation extrêmement difficile, puisqu'il

3 était chargé de la défense de Sarajevo, face aux forces des Serbes de

4 Bosnie qui l'encerclaient, a assisté à une réunion qui a eu lieu en août

5 1993 à Zenica. Il a dit dans sa déposition que c'était à la fin du mois

6 d'août ou début septembre,

7 M. Halilovic lui a donné l'ordre d'envoyer les unités en Herzégovine pour

8 qu'elles participent aux opérations dans la vallée de la Neretva. M.

9 Karavelic était réticent face à cela. Il avait peur d'envoyer les soldats

10 de la défense de Sarajevo, de les envoyer ailleurs.

11 La Chambre de première instance doit se poser la question suivante :

12 pourquoi est-ce que M. Halilovic a donné l'ordre à

13 M. Karavelic d'envoyer les soldats où que ce soit si M. Halilovic n'avait

14 pas le pouvoir lui permettant de ce faire ? La Chambre de première instance

15 a entendu beaucoup d'éléments de preuve indiquant que le chef d'état-major

16 d'une armée n'a pas de fonctions de commandement, sauf celles que son

17 commandant lui délègue. Alors, pourquoi est-ce que M. Halilovic, si

18 effectivement il n'était pas en charge de l'opération Neretva, de

19 l'opération visant à lever le blocus de Mostar, pourquoi est-ce qu'il

20 donnait des ordres aux commandants de corps d'armée, aux généraux, leur

21 demandant d'envoyer des troupes qui se trouvaient dans une situation de

22 désespoir dans la banlieue de Sarajevo afin qu'ils participent dans une

23 opération ?

24 La réponse de Karavelic était de résister à cela, cependant,

25 M. Halilovic a à ce moment-là envoyé un ordre par écrit à

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1 M. Karavelic; c'est la pièce P161. M. Karavelic a considéré que ceci était

2 logique, que dans cet ordre-là, M. Halilovic demandait certaines unités

3 spécifiques. La réaction de M. Karavelic à cela était : Très bien, c'était

4 logique de demander cela auprès de la brigade Delta et auprès du 2e

5 Bataillon indépendant, car c'était des unités mobiles, mais il n'était pas

6 logique en termes militaires de demander certaines parties de la 9e et de

7 la 10e Brigades.

8 Bien sûr, vous pouvez utiliser cela, la Chambre peut utiliser cela afin

9 d'évaluer l'intention délictueuse de M. Halilovic.

10 M. Weiner a parlé des activités criminelles connues et perpétrées par les

11 membres de la 9e et de la 10e Brigades à Sarajevo. Le fait est que M.

12 Halilovic était au courant de leurs velléités criminelles, mais malgré

13 cela, il les a sélectionnés personnellement, ce qui corrobore la thèse

14 portant sur son intention délictueuse par rapport à ce qui s'est passé par

15 la suite à Grabovica.

16 Quelle a été la réaction de Karavelic lorsqu'il a reçu l'ordre de M.

17 Halilovic ? M. Karavelic était préoccupé, par conséquent, il a contacté le

18 commandant général, Rasim Delic. C'est seulement lorsque Delic a dit à

19 Karavelic que lui, Karavelic, devait agir conformément aux ordres de

20 Halilovic, que Karavelic était prêt à accepter cela. Karavelic a indiqué

21 pour quelle raison il avait contacté M. Delic. Il a dit que c'était

22 conforme au règlement de base selon lequel il fallait contacter le

23 commandant qui est supérieur au chef d'état-major.

24 Or, le 2 septembre, et nous avons la pièce à conviction P382, M. Halilovic

25 a demandé par écrit à M. Karavelic, encore une fois de répondre d'une

Page 71

1 manière urgente à sa requête préalable visant à envoyer les troupes à

2 Neretva. En répondant aux ordres de Halilovic, qu'a fait Karavelic ? Il a

3 répondu conformément à ce que Delic lui avait dit : de fait, il a envoyé

4 les troupes. Donc il a donné des ordres pour que les troupes y aillent. Par

5 exemple, dans la pièce P83, nous avons l'ordre en date du 4 septembre 1993,

6 envoyé à Ramiz Delalic, Celo, personnellement où il lui demande d'envoyer

7 les troupes, les soldats, à Bradina, autrement dit, il s'agit de deux

8 pelotons constitués de 25 personnes chacun qui devaient lancer l'offensive.

9 Karavelic a dit qu'il avait également donné des ordres semblables au 2e

10 Bataillon indépendant, la 10e Brigade et la Brigade Delta. Karavelic a

11 ensuite écrit à Halilovic en lui disant, cela est la pièce P384, que les

12 soldats étaient sur leur chemin. Les soldats, comme vous l'avez entendu, ne

13 sont pas allés le jour même à cause du temps. M. Karavelic, le 6 septembre,

14 a écrit à M. Halilovic, dans la pièce P290, une explication de ce retard.

15 Le même jour, nous avons la pièce P385, qui est un ordre qu'il a donné au

16 commandant du

17 2e Bataillon indépendant portant sur le voyage à Jablanica, en lui disant

18 que les activités de combat dans la région devaient être effectuées sous le

19 commandement d'un groupe du commandement Suprême. Qui était le commandant

20 de ce groupe ? C'était Sefer Halilovic. Cela est la déposition de M.

21 Karavelic à la page 44 à 49, faite le 20 avril 1995 [comme interprété].

22 D'après la doctrine militaire et conformément à la déposition et aux

23 éléments de preuve versés au dossier dans cette affaire, la situation était

24 telle que M. Karavelic avait le commandement et la direction par rapport à

25 ces troupes, en particulier donc précisément je parle des soldats de la 9e

Page 72

1 et de la 10e Brigades, depuis le moment où ils ont cessé de lui être

2 subordonnés, d'être subordonnés au 1er Corps d'armée de Sarajevo jusqu'au

3 moment où ils sont arrivés jusqu'au groupe de commandement Suprême, à la

4 tête duquel se trouvait M. Halilovic à Jablanica. D'après M. Karavelic, il

5 était possible de procéder à la passation des pouvoirs soit à Sarajevo,

6 soit à Jablanica. Cependant, d'après l'Accusation, dès qu'ils ont quitté

7 son commandement et leur subordination à lui, ils ont été transférés au

8 commandement de M. Halilovic, peu importe si c'était à partir du moment où

9 ils ont quitté Sarajevo ou à partir du moment où ils sont arrivés à

10 Jablanica. Peu importe. La question de la subordination a trait, en fait,

11 qu'ils ont été transférés du commandement d'un général au commandement de

12 quelqu'un d'autre, et ils ont été transférés du commandement de M.

13 Karavelic directement au commandement de M. Halilovic. Et c'est d'ailleurs

14 un principe normal du commandement et de la direction dans une armée dont

15 les troupes doivent être subordonnées à quelqu'un. Dans l'ordre de

16 M. Halilovic du 6 septembre, pièce à conviction P122, il est indiqué

17 clairement qu'il contrôlait ses troupes en raison de leur re-subordination

18 à Zulfikar Alispago, autrement dit, Zuka. Ceci indique clairement la

19 situation en matière du commandement et de la direction. La subordination

20 était claire et la 9e et la 10e Brigades et le 2e Bataillon sont partis de

21 Sarajevo. Ils ont été placés sous le commandement de M. Halilovic et

22 ensuite, M. Halilovic les a re-subordonnés à l'unité appropriée sur le

23 terrain. A aucun moment

24 M. Halilovic n'a perdu son commandement et direction sur ces unités en

25 raison de leur subordination à Zuka, puisque Zuka était subordonné à son

Page 73

1 équipe d'inspection, et par le biais de Zuka, la 9e et la 10e Brigades ont

2 également été subordonnées à M. Halilovic.

3 Il y a d'autres ordres de la même période qui montrent clairement, d'après

4 l'Accusation, que M. Halilovic exerçait le commandement et la direction sur

5 toutes les unités dans la région de Grabovica. Il y a bien sûr l'ordre de

6 Karavelic envoyé le 6 septembre, à savoir, P385, qui fait référence à un

7 accord avec Halilovic ou Delic relatif aux opérations de combat offensives

8 dans le but de libérer la communication Jablanica-Mostar. Il a dit que les

9 activités de combat dans cette région devaient être effectuées sous le

10 contrôle d'un groupe du commandement Suprême à la tête duquel se trouvait

11 le chef d'état-major, à savoir, M. Halilovic. Puis, il fait référence à un

12 accord de sept jours. C'était la période pendant laquelle les soldats

13 devaient être placés sous le commandement et direction de Halilovic.

14 Pourquoi est-ce que M. Karavelic faisait référence aux activités de combat

15 qui devaient être effectuées sous le contrôle d'un groupe à la tête duquel

16 se trouvait M. Halilovic, si rien de tel ne se passait ? Pourquoi est-ce

17 que le général en charge de toutes ces troupes à Sarajevo les aurait

18 envoyées dans la région de Mostar si ces troupes ne devaient pas être

19 vraiment être subordonnées à

20 M. Halilovic ?

21 L'aspect crucial de la déposition de M. Karavelic en ce qui concerne le

22 commandement et la direction est le fait qu'il a dit dans sa déposition

23 qu'Adnan Solakovic, le commandant du 2e Bataillon, avait contacté Karavelic

24 lorsqu'il était sur place et lui a demandé la permission que les soldats

25 rentrent. Il s'agissait-là d'un message codé. Les détails existent dans la

Page 74

1 pièce P72, en date du 11 septembre. Ils ont parlé de cela pendant une

2 minute à peu près. Ce qui est contenu dans la pièce P72 est conforme aux

3 conversations telles que l'a relatées M. Karavelic devant cette Chambre de

4 première instance.

5 La partie cruciale est le fait que Karavelic a dit, au cours de sa

6 déposition, qu'il n'aurait pas pu ordonner le retour de Solakovic sans la

7 permission de M. Halilovic, car sinon, il aurait violé gravement la

8 discipline. C'est un autre facteur indiquant que

9 M. Halilovic commandait les unités à Grabovica. Mis à part cela, il y a

10 l'ordre d'attaque, la pièce D273, du 11 septembre 1993. Il s'agit d'un

11 ordre de combat contraignant qui pouvait émaner seulement du document

12 portant sur la resubordination de toutes les unités du

13 1er Corps aux troupes de Zuka. M. Karavelic a dit dans sa déposition que

14 l'unité de M. Solakovic avait été subordonnée à l'unité de Zuka suite à

15 l'ordre de M. Halilovic. Nous demandons à la Chambre de première instance

16 d'accorder une attention toute particulière à cette déposition à la page 78

17 du compte rendu d'audience du 20 avril de cette année.

18 Puis, nous avons la pièce P388, une requête de Karavelic à Halilovic au

19 poste de commandement avancé de Jablanica, où il lui demande de respecter

20 les ordres et de respecter l'accord et de renvoyer cette partie du 2e

21 Bataillon indépendant, de la 9e et de la 10e Brigades les 12 et 13 septembre

22 1993. Il a dit dans sa déposition qu'il avait besoin du 2e Bataillon car

23 c'était une unité de réserve mobile.

24 Tout ce à quoi je viens de faire référence montre, à notre avis,

25 directement le fait que M. Halilovic exerçait le commandement à la

Page 75

1 direction en donnant les ordres aux officiers très hauts placés tels que M.

2 Karavelic, et ses ordres ont été effectivement suivis de fait.

3 Un autre facteur qui montre que M. Halilovic avait le contrôle est

4 l'existence du poste de commandement avancé, connu comme "IKM". Or, IKM, en

5 termes généraux, est un centre depuis lequel il est possible de donner les

6 ordres pendant que le commandant est sur le terrain. Le 1er septembre, M.

7 Halilovic et son équipe d'inspection ont établi un IKM à la centrale

8 hydroélectrique à Jablanica. Il est évident, sur la base de la déposition

9 de toutes les personnes, les officiers hauts placés au sein de l'armée

10 bosniaque, le commandant du Corps, M. Gustic, M. Karavelic, ils ont tous

11 cru que M. Halilovic fonctionnait depuis ce poste de commandement avancé et

12 qu'il coordonnait et commandait les opérations de combat depuis le IKM de

13 Jablanica.

14 M. Gusic, le commandant du 4e Corps d'armée, concernant lequel l'Accusation

15 n'a pas de raisons de douter de la véracité de ses propos, d'ailleurs, sa

16 déposition a été corroborée amplement par un grand nombre de documents, il

17 a dit, et ceci ressort d'un nombre de documents portant sur l'IKM,

18 comportant le sigle IKM, il a dit dans sa déposition que M. Halilovic était

19 le commandant au IKM et que dans cette capacité il donnait des ordres

20 contraignants aux autres commandants et que le commandant exécutait tous

21 ces ordres donnés par leur commandant. Cette déposition figure à la page 43

22 du compte rendu d'audience du 3 mai [comme interprété] de cette année.

23 Il a dit dans sa déposition que lui, en tant que commission du 4e

24 Corps d'armée, était subordonné seulement à Halilovic conformément à la

25 chaîne de commandement, et il a dit dans sa déposition que lui, Gusic, ne

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1 pouvait pas refuser d'obéir aux ordres donnés par Halilovic. Vous avez

2 entendu sa déposition. Si Halilovic était simplement un chef d'état-major,

3 il n'aurait pas été en position de donner des ordres contraignants à moins

4 que le commandant lui-même ne lui avait donné une telle autorisation.

5 Gusic a dit dans sa déposition, et il était bien placé pour le savoir, que

6 l'opération Neretva était coordonnée et exécutée, effectuée depuis ce poste

7 de commandement avancé et qu'Halilovic était en charge de l'opération. M.

8 Halilovic, lui-même, bien sûr, dans son propre rapport, à savoir, la pièce

9 à conviction P130 de l'équipe d'inspection, reconnaît l'existence du IKM.

10 Il a dit qu'un IKM a été établi à Jablanica où notre équipe a planifié

11 l'opération qui a couvert un front s'étalant de Gornji Vakuf à Mostar et

12 les vallées de la Neretva et Vrga et a assuré les moyens logistiques

13 nécessaires dans le cadre de cette opération.

14 Or, lorsque les soldats sont rentrés à Sarajevo en septembre, Sefer

15 Halilovic a demandé à Karavelic leurs retours, vous voyez, où est-ce que

16 Karavelic a envoyé sa réponse ? Karavelic a donné l'ordre à Delalic le 24

17 septembre 1993, c'est la pièce à conviction P395, il a donné l'ordre à

18 Delalic d'envoyer 125 personnes à Vrdi Jablanica pour qu'ils se présentent

19 au commandement du IKM. Encore une fois, nous avons un autre élément de

20 preuve crucial portant sur le rôle du IKM et le rôle de Sefer Halilovic.

21 Dans notre mémoire de clôture, nous avons dit, aux pages 73 et 74, nous

22 avons indiqué plusieurs facteurs qui, d'après l'Accusation, sont conformes

23 au fait que M. Halilovic donnait des ordres qui ont été suivis des faits,

24 ce qui constitue les indices de son contrôle effectif. Plutôt que de les

25 présenter individuellement, j'invite la Chambre de première instance de les

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1 examiner en détail le moment venu.

2 Puis, je vais aborder la question du manquement d'empêcher les

3 crimes, et là, je vais enchaîner sur ce qu'a dit M. Weiner. Le critère qui

4 s'applique ici, c'est que le commandant doit prendre toutes les mesures

5 nécessaires et raisonnables qui sont possibles afin d'empêcher le crime ou

6 d'en punir les auteurs. La jurisprudence, et cela c'est essentielle,

7 stipule que ceci doit être déterminé au cas par cas et qu'il n'existe pas

8 de définition stricte quant à la signification des termes que je viens de

9 donner.

10 Dans son mémoire en clôture, la Défense élève un grief et reproche à

11 l'Accusation de ne pas avoir suffisamment précisé dans l'acte d'accusation

12 toutes les mesures raisonnables et nécessaires que doit prendre un

13 commandant militaire. Notre réponse à cela est la suivante : l'Accusation

14 n'a pas à détailler, à préciser toutes les mesures que doit prendre un chef

15 militaire. Elle n'a pas à le faire dans l'acte d'accusation en l'espèce.

16 L'Accusation a averti suffisamment à l'avance la Défense de la nature de

17 notre cause. Notre cause, elle est très clairement indiquée dans le mémoire

18 préalable au procès, l'acte d'accusation, ainsi que dans notre déclaration

19 liminaire.

20 Dans notre mémoire en clôture, nous avons indiqué toutes les mesures

21 que M. Halilovic aurait dû prendre et qu'il n'a pas prises, et les éléments

22 qui expliquent pourquoi il n'a pas rempli ses fonctions de commandant. Il

23 s'agit des éléments suivants : premièrement, il n'a pas choisi avec

24 suffisamment de soin les unités dont nous avons déjà parlé. En faisant

25 venir de Sarajevo des unités dont on connaissait les activités criminelles

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1 contre la population civile, vols à main armée, extorsions, et surtout, et

2 c'est peut-être la chose la plus grave, forcer des civils kidnappés dans la

3 rue à aller creuser des tranchées au vu et au su de l'ennemi, les mettant

4 en position d'extrême danger, ce que la Défense rejette en le qualifiant de

5 simple délit dans son mémoire en clôture. Mais les Juges de la Chambre de

6 première instance savent parfaitement qu'il ne s'agit pas d'un simple

7 délit. C'est un crime extrêmement grave en temps de guerre.

8 En choisissant ces soldats-là, M. Halilovic a manqué à son obligation de

9 prévenir les crimes de Grabovica. Lorsque ces hommes sont arrivés à

10 Grabovica, M. Halilovic a commis un autre manquement, il ne les a pas

11 prévenus. Il savait parfaitement qu'au sein de la 9e et de la 10e Brigades,

12 il y avait des hommes qui avaient commis des crimes extrêmement graves à

13 Sarajevo contre la population civile, et pourtant, il n'a rien fait et il

14 n'a envoyé personne sur place pour mettre en garde ces hommes. Le seul

15 élément de preuve qui a été fourni à la Chambre de première instance au

16 sujet de contacts entre l'équipe d'inspection ou les membres du

17 commandement Suprême et les soldats sur le terrain, c'est un contact au

18 cours duquel on leur a parlé de leurs logements, et jamais on ne les a mis

19 en garde, de la manière la plus énergique possible, sur la présence des

20 civils. On ne leur a jamais dit, Oui, il faut que vous respectiez la vie

21 des civils. Vous ne devez pas les toucher, et cetera. On ne leur a donné

22 aucune mise en garde de ce type.

23 Autre manquement de M. Halilovic, il n'a pas procédé à l'analyse requise, à

24 l'analyse de la situation en matière de sécurité avant de loger les soldats

25 dans ce village. Alors, cela, c'est un élément fondamental et de base.

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1 Quand on décide de loger des soldats parmi les civils, et que nous avons

2 d'une part les soldats d'une armée qui s'installent au milieu de civils qui

3 appartiennent à un autre groupe, au groupe adverse, le minimum, c'est de

4 procéder à une évaluation de la situation dans le village et de se demander

5 comment on peut protéger les civils de ce qui pourrait arriver.

6 Même M. Jasarevic, quand il a déposé, qui était le chef de

7 l'administration, a dit, et cela se trouve à la page 87, lors de sa

8 déposition le 1er mars. Il a dit : "C'est justement une des erreurs

9 majeures. C'est le fait qu'on n'ait pas réalisé cette analyse. Je ne sais

10 pas pourquoi cette analyse n'a pas été réalisée, parce que vu la nature des

11 forces et vu le terrain, nos services de sécurité n'auraient jamais suggéré

12 d'héberger l'unité de Celo dans la région, dans cette zone d'attente, qui

13 se trouvait à l'arrière de la zone de combat dans un village croate alors

14 qu'ils allaient partir au combat contre les Croates, dont certains étaient

15 originaires du même village."

16 Nous avançons, quant à nous, que M. Halilovic a manqué de manière flagrante

17 à son devoir qui était celui de prendre les mesures essentielles afin

18 d'empêcher que les villageois ne soient victimes de mauvais traitements. Il

19 n'a pas reconnu le danger encouru par les habitants du village.

20 M. Jasarevic nous l'a dit - et ceci n'est pas seulement avec le recul. Il

21 le dit, pages 13, 14, le 18 mars -- plutôt le 1er mars. "C'était

22 complètement idiot d'héberger les hommes dans un village habité par les

23 Croates. Ce village était habité uniquement par des Croates. Il n'y avait

24 aucun Musulman dans la région ou à proximité. On trouvait, tout à côté, la

25 ligne de défense tenue par les soldats croates."

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1 Le danger s'est manifesté tout de suite, l'après-midi même de l'arrivée de

2 la 9e et de la 10e Brigades, puisque ce jour-là, des membres de la 9e et 10e

3 Brigades ont abattu les membres de ce village dans leurs maisons.

4 Mais en dehors de cela, le manquement important qui a été commis avant même

5 d'héberger ces soldats, par M. Halilovic, c'est le suivant : M. Halilovic

6 n'a pas demandé à ses collaborateurs, à ceux qui se trouvaient sous son

7 commandement, de prendre des dispositions pour assurer la sécurité du

8 village pendant le séjour de la 9e Brigade. Manquements que l'on peut

9 énumérer de la manière suivante : d'abord, on ne fait pas appel à la police

10 militaire; cela, c'est une mesure très simple. Il y a des mesures plus

11 complexes, comme par exemple, celle qui aurait pu consister à éloigner les

12 habitants du village ou à fermer une partie du village, à loger les soldats

13 à distance des Croates de Bosnie qui habitaient également là. Or, rien de

14 ceci n'a été fait. On a simplement dit aux soldats d'aller se loger chez

15 l'ennemi.

16 Une fois que les soldats étaient sur place, on ne les a absolument pas

17 surveillés, contrôlés, alors qu'il s'agissait de ces éléments de triste

18 réputation de la 9e Brigade. Nous vous demandons de vous rappeler de ce

19 qu'a dit M. Arnautovic et M. Kapur. M. Arnautovic, qui a été envoyé par

20 Celo avec les soldats de la 9e, et il a été arrêté lors de l'opération

21 Trebevic. Cet homme, c'est un de ceux qui a été emprisonné, qui a été

22 interrogé; et il dit lui-même qu'il a été maltraité. Ceux qui ont été

23 emprisonnés après Trebevic, c'étaient les pires éléments. Or, certains de

24 ces hommes étaient à Grabovica au cours du mois de septembre 1993. Mais

25 nonobstant ce fait, on n'a nullement prévu des mesures pour surveiller les

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1 soldats alors qu'ils se trouvaient sur place.

2 M. Halilovic, d'autre part, a manqué à son obligation de fournir des ordres

3 écrits aux soldats. Ceci apparaît de manière flagrante dans une pièce à

4 conviction, un ordre d'attaque qui a été écrit par le témoin Behlo pour

5 Enver Zeljagic, un témoin de la Défense. M. Behlo a estimé nécessaire

6 d'écrire dans cet ordre : "J'interdis, de la manière la plus absolue, toute

7 opération de pillage et le massacre de civils innocents. Les prisonniers de

8 guerre seront traités conformément aux règles qui s'appliquent aux

9 prisonniers de guerre."

10 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, pourquoi M. Behlo a-t-il

11 jugé nécessaire d'inclure cette clause particulière dans son ordre ? Sa

12 déposition, ce qu'il nous a dit à ce sujet quand il était ici en dit

13 beaucoup. Il a expliqué qu'il souhaitait prendre des mesures raisonnables

14 et nécessaires pour empêcher qu'il n'arrive quoi que ce soit aux civils au

15 cours de l'opération militaire. M. Behlo, un soldat de l'ABiH, a expliqué

16 que ce type de clause, ce type de disposition était nécessaire, dans les

17 cas où les soldats se battaient dans des "zones inhabitées." C'est lui-même

18 qui emploie ces deux termes. Déposition du 28 juin, pages 41, 42, 28 juin

19 2005.

20 Bien entendu, M. Behlo, et nous pensons que la Chambre de première instance

21 a vu des ordres semblables, parce que nous, en tout cas, nous les avons

22 vus, M. Behlo avait vu déjà ce type d'ordre avec ce type de clause. Mais ce

23 type de disposition, ce type de clause, on ne les a jamais vus dans les

24 ordres donnés par M. Halilovic. Il n'a donné aucun ordre à ses subordonnés,

25 ou par l'intermédiaire de ses subordonnés aux soldats de la 9e et de la 10e

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1 Brigades afin qu'ils respectent les règles relatives aux prisonniers de

2 guerre et qu'ils ne fassent pas de mal aux civils.

3 Autre point, et dernier point s'agissant du manquement à l'obligation de

4 prévenir les crimes, ce sont les observations de M. Karic, ce qu'a dit M.

5 Karic. S'agissant de la déclaration de M. Karic, notre déposition est la

6 suivante : la Chambre de première instance a des preuves qui indiquent que

7 M. Karic a tenu des propos répréhensibles, tout à fait inappropriés en tout

8 cas, au sujet de l'hébergement des soldats parmi les Croates. L'Accusation

9 sait pertinemment que M. Karic nie avoir tenu ces propos. Les éléments de

10 preuve que nous avons entendus à ce sujet sont contradictoires. Mais après

11 avoir entendu les différents témoignages, l'Accusation est en droit

12 d'estimer qu'effectivement M. Karic a prononcé ces propos.

13 Selon nous, si la Chambre de première instance nous suit sur ce point, si

14 elle arrive à cette conclusion et si elle conclue également que M.

15 Halilovic était présent et qu'il a entendu ces propos, parce qu'il y a des

16 éléments de preuve dans ce sens, nous estimons qu'à ce moment-là, la

17 Chambre doit conclure que M. Halilovic a manqué à son devoir qui lui

18 dictait d'agir en conséquence, dans les termes les plus énergiques, lorsque

19 M. Krajisnik [comme interprété] a tenu les propos dans lesquels il disait

20 qu'il fallait jeter les civils dans la rivière. Si cela s'est effectivement

21 produit, si la Chambre estime que cela s'est produit, si elle estime que M.

22 Halilovic était présent, la seule conclusion que pourra tirer la Chambre de

23 première instance c'est que M. Halilovic a commis là un manquement

24 extrêmement grave, du fait de la non réaction qu'il a eue, car il aurait dû

25 immédiatement sanctionner M. Karic et faire comprendre très clairement à

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1 tous les hommes qui étaient réunis là que c'était inacceptable, en donnant

2 un ordre contraire à celui qui venait d'être donné.

3 L'Accusation sait bien que les éléments de preuve à ce sujet sont

4 contradictoires, mais nous ne nous appuyons pas, et cela figure dans l'acte

5 d'accusation, sur ce manquement-là. Parce qu'il y a tellement d'autres

6 manquements de la part de M. Halilovic qui sont tellement flagrants que

7 nous estimons avoir prouvé au-delà de tout doute raisonnable que M.

8 Halilovic n'a rien fait. En tout cas, ce qui est indéniable, c'est qu'il

9 n'a pris aucune mesure nécessaire et raisonnable puisqu'il n'a rien fait,

10 rien fait pour empêcher les crimes de Grabovica. Nous avançons que la

11 Chambre de première instance peut certes conclure que les propos tenus par

12 Karic ne l'ont jamais été ou le contraire, ou que M. Halilovic était là ou

13 pas là, mais en tout cas, quelle que soit sa conclusion, elle peut arriver,

14 malgré tout, à une conclusion sur ces autres manquements, grâce à tous les

15 autres éléments qui ont été présentés.

16 Ceci, c'est important au vu de la jurisprudence parce qu'il n'y a pas de

17 définition stricte sur ce que constituent les mesures raisonnables et

18 nécessaires. Cela doit être déterminé au cas par cas. Les éléments que j'ai

19 indiqués à la Chambre de première instance sont les éléments qui doivent

20 être examinés au cas par cas, vu les circonstances à Grabovica. Nous avons

21 des hommes qui avaient des velléités criminelles qui étaient hébergés parmi

22 les civils, des civils qui appartenaient à un groupe ethnique différent des

23 soldats.

24 Voici les circonstances qui s'appliquent en l'espèce. Lorsque nous avons

25 dit précédemment que la jurisprudence n'est pas très bavarde sur ce que

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1 doit faire un supérieur hiérarchique sur le terrain, malgré tout, je défie

2 quiconque de me dire que les mesures que j'ai énumérées n'étaient pas les

3 circonstances manifestes, frappées au coin du bon sens, qui auraient dû

4 être prises à ce moment-là.

5 La Défense a indiqué dans son mémoire en clôture, et l'a indiqué assez

6 longuement, que les allégations avancées par l'Accusation sont inadéquates

7 et en quelque sorte défectueuses, dans l'acte d'accusation. Alors,

8 j'aimerais que le document numéro 5 vous soit montré grâce au logiciel

9 Sanction. L'Accusation réagit en disant que nous avons respecté tous les

10 critères en matière de présentation d'allégations, tels qu'identifiés par

11 la décision rendue par la Chambre d'appel dans l'affaire Blaskic, et ce au

12 paragraphe 218 du jugement.

13 Vous pourrez voir la décision rendue par la Chambre d'appel, et je vais,

14 très brièvement, vous donner lecture du paragraphe -- ou des alinéas (a) et

15 (b) du paragraphe 218. Dans un premier temps, il est dit que : Nous devons

16 identifier que l'accusé est un supérieur. Nous l'avons fait dans le mémoire

17 préalable au procès dans l'acte d'accusation et lors des déclarations

18 liminaires. Deuxièmement, il faut que les personnes soient identifiées, ce

19 que nous avons fait. Numéro 3, il faut savoir sur qui la personne exerçait

20 un contrôle effectif. Nous avons identifié ces personnes. Il s'agissait de

21 la 9e Brigade, qui a commis les crimes à Grabovica, et du Bataillon

22 indépendant de Prozor, qui a commis les crimes à Uzdol. Quatrièmement, il

23 faut voir qui a commis les actes dont il est allégué qu'il en est

24 responsable. Nous l'avons fait.

25 Pour ce qui est de l'alinéa (B), il est indiqué : "Le comportement de

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1 l'accusé, qui permet de conclure que (i) : il savait ou avait des raisons

2 de savoir que ses subordonnés s'apprêtaient à commettre des crimes, ce que

3 l'Accusation a fait dans son mémoire préalable au procès, lors de l'acte

4 d'accusation, dans la déclaration liminaire, et par l'entremise de tous les

5 éléments de preuve qui ont été apportés, et dont les documents d'ailleurs

6 ont été fournis à la Défense. Deuxièmement, pour ce qui est du (ii) : "ait

7 été informé de la conduite des personnes dont il est présumé responsable."

8 Une fois de plus, nous l'avons fait.

9 Si nous passons maintenant au paragraphe 219, nous voyons qu'en ce qui

10 concerne la présentation du mens rea dans l'acte d'accusation, il convient,

11 soit de préciser l'intention même qui animait l'accusé, que les faits

12 permettant d'établir ce point essentiel participent ordinairement à des

13 moyens de preuve, et un exposé n'est pas nécessaire pour ce qui est des

14 différents faits matériels, bien que dans certaines circonstances, il se

15 peut qu'il soit suffisant de les exprimer tout simplement. Cela, nous

16 l'avons fait. Nous avons identifié les unités, nous avons identifié leur

17 comportement, qui ils étaient, nous avons identifié comment est-ce que

18 l'accusé a été informé de cela, comment il a découvert cela, ce qu'il a

19 fait et ce qu'il n'a pas fait.

20 Nous avançons respectueusement que nous avons respecté tout ce qui est

21 préconisé par la décision rendue par la Chambre dans l'affaire Blaskic.

22 Puis, il y a un autre aspect que j'ai abordé très, très rapidement

23 plus tôt, lors de la réponse à apporter à la requête présentée par la

24 Défense et déposée vendredi dernier, à savoir, la Défense soulève ses

25 griefs de façon très tardive. Nous indiquons que pour ce qui est de ces

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1 allégations, il y a eu accord entre les parties. Il y a quatre décisions

2 particulières grâce auxquelles la Chambre de première instance et le Juge

3 de la mise en état, et il y a cinq de ces décisions qui ont été rendues et

4 qui sont contraignantes pour les parties, et ce, aux fins de ce procès.

5 Vous avez, par exemple, au 1er avril 2003, la requête de la Défense

6 conformément à l'Article 65 ter (K) demandant au Juge de la mise en état

7 que soit levée l'exonération et d'accorder cela conformément à l'Article

8 72. Il s'agissait fondamentalement d'une requête visant à réengager la

9 procédure, à soulever à nouveau une contestation face à l'acte

10 d'accusation, ce qui aurait dû être fait 30 jours au plus tard après que

11 l'acte d'accusation ait été déposé et non pas 18 mois plus tard. La Chambre

12 de mise en état avait indiqué qu'elle ne pouvait pas le faire. Le 11

13 juillet 2003, une décision fut rendue à propos du grief déposé par la

14 Défense à l'intention du Juge de la mise en état. Il s'agissait tout

15 simplement d'une réitération car la Chambre de mise en état s'est contentée

16 tout simplement de réitérer son ordonnance après qu'une autre requête ait

17 été déposée. Puis, il y a la décision de la Chambre de mise en état du 16

18 septembre [comme interprété] 2003, à propos de la requête de la Défense

19 présentée par la Défense. Vous avez également la décision suivant laquelle

20 la Chambre de mise en état a refusé la certification pour l'appel en

21 janvier 2004.

22 L'Accusation avance que c'est une affaire réglée pour ce procès et que s'il

23 s'agit d'un élément en appel, la Défense a tout à fait le droit de s'en

24 servir, mais ils ne peuvent pas le faire maintenant. La Chambre de mise en

25 état a rendu une décision -- la Chambre de première instance a rendu une

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1 décision et a indiqué que ces détails leur avaient été fournis. L'acte

2 d'accusation est loin d'être flou, et ils ont tout ce dont ils ont besoin

3 pour pouvoir plaider dans cette affaire. Il convient de poser une question

4 : quel a été le préjudice pour l'accusé ? Quels ont été les préjudices

5 éventuels, puisqu'il faut savoir qu'il n'y a pas de préjudice. Ils ont été

6 dûment informés. Toute notification leur a été donnée. Ils ont eu la

7 possibilité comme le droit leur en permettait lors de la présentation du

8 mémoire préalable au procès, de l'acte d'accusation, des différentes

9 déclarations et documents, et des déclarations liminaires de le faire.

10 J'aimerais faire référence à la Chambre de première instance à la décision

11 interlocutoire dans l'affaire Hadzihasanovic. Je pense que c'est une

12 décision rendue au 11 mars 2005. Il s'agit du document numéro 10, il s'agit

13 de la décision rendue par la Chambre d'appel. Il s'agit d'un appel

14 interlocutoire. Je vous demanderais de faire référence au paragraphe 10 de

15 cette décision qui se trouve à la page 5 de la version anglaise. Si vous

16 prenez la deuxième phrase -- ou, si vous prenez la première, puis la

17 deuxième phrase, vous voyez que la Chambre d'appel indique, et je cite :

18 "Etant donné qu'il était clair à ce moment-là que l'Accusation ne disait un

19 mot de la nature du conflit armé, et qu'elle partait de l'idée que

20 l'Article 3 du statut s'appliquait aux conflits armés, tant internationaux

21 qu'internes, on peut en déduire que les appelants ont vu un avantage

22 tactique à attendre."

23 L'Accusation avance que les mêmes considérations sont valables et que la

24 Chambre de première instance devrait traiter toutes les requêtes de la

25 Défense en ce sens, parce qu'ils ont soulevé cela à maintes reprises. Ils

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1 essaient de soulever cela en fin de parcours et ce pour créer un avantage

2 tactique, ce qui m'emmène à parler du manquement à l'idée qu'il s'agissait

3 d'un conflit armé ce dont se plaint la Défense à la page première de son

4 mémoire en clôture.

5 Mme Chana a déjà abordé cette question lorsqu'elle a évoqué le type de

6 conflit qui doit être pris en considération. Je dirais que le droit est

7 clair comme de l'eau de roche pour ce qui est de l'existence d'un conflit

8 armé, et nous ne comprenons pas pourquoi est-ce que cela a été soulevé à

9 nouveau.

10 J'aimerais faire référence à la décision Hadzihasanovic. Il s'agit de la

11 décision interlocutoire rendue par rapport à la contestation qui a été

12 faite de la compétence le 16 juillet 2003. J'aimerais vous demander de

13 prendre les paragraphes 28 et 29 de cette décision. Si vous prenez la

14 dernière ligne du paragraphe 28, il s'agit du Protocole additionnel I et

15 II. Vous voyez qu'au paragraphe 29 : "La Chambre d'appel souscrit à

16 l'opinion de la Chambre de première instance selon laquelle la

17 responsabilité du supérieur hiérarchique faisait partie intégrante du droit

18 international coutumier relatif aux conflits armés internationaux avant

19 l'adoption du Protocole I." Cela en 1979. "Partant, comme l'a observé la

20 Chambre de première instance, les Articles 86 et 87 du Protocole I n'ont

21 fait que reconnaître un principe existant, et non l'établir. De même,

22 l'absence dans le Protocole II de référence à la responsabilité du

23 supérieur hiérarchique envisagé dans le cadre d'un conflit armé interne n'a

24 pas nécessairement d'incidence sur la question de savoir si cette notion

25 faisait ou non déjà partie intégrante du droit international coutumier

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1 relatif aux conflits armés internes."

2 Je vous demanderais de prendre la page suivante de la version anglaise où

3 la Chambre d'appel continue, et dit : "S'il en était autrement, la Chambre

4 d'appel devrait confirmer que 'comme l'a soutenu la Défense, il n'est pas

5 criminel qu'un supérieur hiérarchique pendant un conflit interne n'empêche

6 pas que des meurtres soient commis par ses subordonnés,' ni ne les

7 punissent, même si la connaissance soit des raisons d'avoir connaissance de

8 ces meurtres. La Chambre d'appel ne considère pas qu'il y a lieu de

9 soutenir une opinion aussi improbable au regard du droit international

10 contemporain, et conclut, en particulier, qu'une telle opinion s'écarte de

11 son raisonnement dans l'arrêt Tadic relatif à la compétence et dans l'arrêt

12 Celebici ainsi que du raisonnement de la Chambre de première instance dans

13 le jugement Aleskovski."

14 Je dois vous dire que l'Accusation ne comprend pas car le droit est

15 extrêmement clair. J'aimerais savoir si au cas où il n'a pas été précisé

16 qu'il s'agissait d'un conflit armé international ou interne, quel est le

17 préjudice pour l'accusé, car il faut savoir que les parties du conflit

18 étaient les mêmes. Les armes utilisées étaient les mêmes. Les conséquences

19 et résultats ont été les mêmes. Nous pensons que c'est une conclusion de la

20 Défense qui ne devrait absolument pas être prise en considération.

21 La Défense a également soulevé une autre question; le corpus juridique qui

22 est applicable. Cela a été soulevé à un moment pendant le procès lorsque M.

23 le Président, M. Liu, a exprimé sa surprise lorsque M. Mettraux a soulevé

24 cette question du corpus juridique, et vous avez, Monsieur le Président,

25 fait référence à la décision Tadic. Il faut savoir que dans leur mémoire en

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1 clôture, à la page 163 -- paragraphe 163, la Défense indique que : "Nous

2 n'avions pas établi ou essayé d'établir que les conventions de Genève

3 étaient applicables à cette question si ce n'est qu'en invoquant l'Article

4 commun numéro 3."

5 Ce qui signifie, et ce qui pour nous est suffisant, car comme l'indique le

6 manuel du droit du conflit armé, à savoir, il s'agit du manuel du ministère

7 de la Défense du Royaume-Uni de l'année 2004, il s'agit du paragraphe 1.13

8 : "En matière lorsque les définitions du droit des traités sont déclarées

9 comme faisant parties du droit international, les organes, même s'ils ne

10 sont pas parties au traité concerné, dans certains cas doivent être

11 considérées comme une loi coutumière entière alors que dans certains cas,

12 seules certaines dispositions du traité peuvent être considérées."

13 Puisque qu'il s'agit des conventions de Genève, et notamment de

14 l'Article commun 3, il faut savoir qu'il avait obtenu un statut coutumier.

15 Vous avez le jugement ou l'arrêt Nicaragua de la Cour internationale de

16 justice qui est sur le point d'être affiché sur votre écran. Il s'agit du

17 paragraphe 218.

18 Est-ce que je peux poursuivre et terminer cette idée ?

19 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que nous devons arrêter

20 notre audience à temps parce que le prétoire va être utilisé pour une autre

21 audience. Je pense d'ailleurs que nous connaissons tous l'arrêt Nicaragua.

22 De toute façon, nous allons revenir.

23 J'aimerais vous rappeler que nous allons revenir cet après-midi et je

24 m'adresse à l'Accusation car vous n'aurez plus que 40 minutes pour terminer

25 votre réquisitoire.

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1 Nous allons reprendre cette audience à 15 heures 45 cet après-midi.

2 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 46.

3 --- L'audience est reprise à 15 heures 47.

4 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Poursuivons.

5 Monsieur Re, je vous demanderais de poursuivre.

6 M. RE : [interprétation] Avant la pause, je voulais faire référence à

7 quelque chose. Je souhaitais que vous puissiez, dans la mesure du possible,

8 lors de votre jugement disposé, il s'agit du paragraphe 218 du jugement

9 relatif au Nicaragua, donc, il s'agit de la page 114 du rapport de la Cour

10 internationale de justice, et je vous demanderais de tourner la page et de

11 prendre la paragraphe qui commence par "Article 3."

12 Je souhaiterais, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, faire

13 référence à la deuxième phrase qui commence comme suit : "Il est absolument

14 indubitable qu'en cas de conflits armés internationaux, ces règles

15 représentent également une norme minimum en sus des règles beaucoup plus

16 sophistiquées qui doivent également être appliquées aux conflits

17 internationaux".

18 Je souhaiterais que vous fassiez référence à ce paragraphe lors de

19 votre jugement, et je fais référence à l'alinéa 3.5, à savoir, manquement -

20 - qui s'agit du fait que l'accusé n'a pas pu prévenir et sanctionner

21 conformément au droit. Il s'agit des pages 162 à 163. Le paragraphe 504

22 indique que M. Halilovic a dit, et je cite : "L'Accusation n'a même pas

23 essayé d'établir que les conventions de Genève étaient en vigueur en Bosnie

24 à l'époque."

25 Je souhaiterais avoir le document suisse maintenant, grâce au

Page 92

1 programme Sanction. Hormis la décision de la Cour internationale de justice

2 et la décision de la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic, hormis cela, il

3 faut savoir qu'ils n'ont pas tenu compte de ces éléments. Cela n'a pas été

4 présenté comme éléments de preuve et point eu besoin de le faire. Il s'agit

5 d'un document public que je vais vous présenter maintenant du gouvernement

6 suisse. C'est une notification destinée aux états parties aux conventions

7 de Genève du 12 août 1949, documents visant la protection des victimes de

8 guerre qui stipulent dans son premier paragraphe que "le 31 décembre 1992,

9 la République de Bosnie a déposé auprès du conseil fédéral suisse une

10 déclaration de succession relative aux quatre conventions ainsi qu'aux

11 Protocoles additionnels I et II."

12 J'aimerais faire référence à la décision relative à la compétence, --

13 donc, à l'arrêt relatif, à l'appel de la Défense concernant l'exception

14 préjudicielle d'incompétence, et, je vous demanderais de prendre les

15 paragraphes 132 et 134. Si vous prenez le milieu du paragraphe 132, il est

16 également indiqué, et je cite : "Il faut également remarquer que par

17 l'entremise d'un décret ayant force de loi, le 11 avril 1992, la Bosnie a

18 adapté le Code pénal de l'ex-Yougoslavie." Ensuite, il est fait référence à

19 ces deux notes.

20 Il est indiqué au paragraphe 134 que la Chambre d'appel a exprimé un

21 point de vue très ferme, à savoir : "La responsabilité pénale pour les

22 violations graves complétées par d'autres principes a été imposée et est

23 imposée par le droit international coutumier, et a été imposée par le fait

24 que la Yougoslavie a ratifié ces conventions."

25 J'aimerais également maintenant aborder le thème de la levée en

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1 masse. J'aimerais brièvement vous parler des autorités de base. Dans un

2 premier temps, j'aimerais indiquer qu'à l'Article 4, paragraphe 6 de la

3 convention de Genève 3, il s'agit des prisonniers de guerre. Il est indiqué

4 que les habitants d'un territoire qui ne fait l'objet d'une occupation,

5 "qui, à l'approche de l'ennemi prennent spontanément les armes afin de

6 résister face aux forces envahissantes."

7 J'aimerais que cela soit affiché grâce au logiciel Sanction. Il

8 s'agit du paragraphe 6 de l'Article des conventions de Genève. Le

9 commentaire qui est fait par le CI de la Croix Rouge indique que : "Cette

10 disposition n'est pas applicable aux habitants du territoire qui décide de

11 prendre le Maquis, en quelque sorte." Il est indiqué que : "Cela ne risque

12 pas de se passer dans une zone construite." Il s'agit de la page 67 et de

13 la page 68. Mais il est indiqué que : "Cela est beaucoup plus probable dans

14 une zone construite où les méthodes les plus rudimentaires ont une valeur."

15 Ce qui est important, c'est la page 68 du commentaire qui va

16 apparaître sur votre écran dans une seconde. "Il faudrait insister sur le

17 fait qu'une levée en masse ne peut être considérée comme ayant existée

18 pendant une période de temps très, très brève, à savoir, pendant la période

19 d'invasion du territoire. Si la résistance continue, l'autorité commandant

20 les habitants et leur ayant demandé d'avoir pris les armes ou l'autorité

21 envers laquelle ils ont une allégeance intervient. Sinon, la levée en masse

22 ne peut pas être valable sur l'ensemble du territoire occupé qu'ils ont

23 essayé en vain de défendre."

24 Il a été fait référence de façon détaillée par mes confrères à ces

25 questions. J'aimerais parler maintenant du droit. Et l'Accusation invite la

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1 Chambre de première instance à voir si une ligne ou deux ne pourraient pas

2 être réfutées parce qu'il n'y a pas d'éléments de preuve indiquant la levée

3 en masse.

4 J'aimerais maintenant reprendre l'argument de clôture de la Défense dans

5 lequel il est indiqué qu'il y a des erreurs de droit commis par

6 l'Accusation, et j'aimerais que le paragraphe 77 de la décision rendue par

7 la Chambre d'appel dans l'affaire Blaskic soit affiché. Il s'agit du

8 document 5 et le document relatif à la causalité. Il est indiqué à la page

9 189 et 190 du mémoire en clôture, donc aux paragraphes 587 et 589, que

10 conformément au droit international coutumier, la Défense avance : "qu'il

11 faut indiquer la relation de causalité entre le manquement et les crimes

12 commis ou les conséquences de ce manquement."

13 Malheureusement, la Défense n'a pas véritablement cité de référence pour

14 étayer cela et a plutôt avancé de façon assez téméraire que ce lien de

15 causalité était requis. Les seules références que nous avons trouvées lors

16 de notre recherche sont un article écrit par Otto Trivtera [phon] il y a

17 quatre ans, qui d'ailleurs a été mentionné par l'estimé co-conseil, Me

18 Mettraux, dans son propre ouvrage. L'Accusation indique qu'il est fait

19 mention dans un article et dans un livre, que le fait que ces mentions

20 existent ne peut pas transformer cette mention en une doctrine de droit

21 international coutumier, certainement pas de façon rétrospective.

22 J'aimerais faire référence à certains paragraphes de l'arrêt de la Chambre

23 d'appel Blaskic, et j'aimerais faire référence à la note en bas de page

24 1214. Il s'agissait de Blaskic. Vous voyez que lorsque vous avez toute la

25 citation qui apparaît sur l'écran, vous voyez que la situation est un tant

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1 soi peu différente, car il est indiqué la Chambre d'appel "n'est pas

2 convaincue par l'argument de l'appelant selon lequel la responsabilité du

3 supérieur hiérarchique ne peut être mise en cause sans un lien de causalité

4 entre son manquement à l'obligation de prévenir les crimes et la

5 perpétration desdits crimes, lien que l'Accusation devrait donc établir en

6 toute circonstance."

7 La ligne suivante est absolument essentielle. "Car il est indiqué une fois

8 encore, il s'agit plus là d'un point de fait qu'il faut prouver au cas par

9 cas que d'un point général de droit."

10 Nous pensons que cela doit correspondre au droit et vous pourrez très

11 facilement évacuer cet argument.

12 Puis, j'aimerais également faire référence au paragraphe 616 et à la page

13 199 du mémoire en clôture dans lequel la Défense indique que l'Accusation

14 n'a pas pu établir tout manquement qui aurait pu être attribué à M.

15 Halilovic, à savoir que cela revient à une assistance de sa part pour ce

16 qui est des crimes conformément à l'Article 7 (3). Une fois de plus, c'est

17 quelque chose qui ne se base sur aucune référence. Il n'y a pas de droit

18 coutumier qui est cité pour étayer cette affirmation. L'Accusation avance

19 qu'il n'y a pas d'aval nécessaire et que le droit international coutumier

20 impose des devoirs positifs à des commandants, dont des infractions

21 pourraient entraîner une responsabilité pénale. Si vous acceptez cet

22 argument, fondamentalement cela transforme le chef d'inculpation en un chef

23 conformément à l'Article 7(1). Ce qui est extrêmement semblable au lien de

24 causalité.

25 Puis, il y a un autre argument que l'on trouve dans un autre paragraphe du

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1 mémoire en clôture de la Défense, à savoir, à la page 131, paragraphe 412.

2 Dans ce paragraphe, les conseils de la Défense expriment "de nombreuses

3 réserves" car la Défense se demande si en septembre 1993 le droit

4 international coutumier aurait permis ou justifié la condamnation d'un

5 commandant pour tout crime intentionnel commis par ses subordonnés si lui

6 même ne possédait pas ou ne pas partageait cet élément moral.

7 Je dirais dans un premier temps que la Chambre d'appel a décidé de façon

8 assez différente et j'en veux pour preuve la décision dans l'affaire

9 Krnojelac. Deuxièmement, le crime dont il est question ici, le crime de

10 meurtre, n'est pas un crime spécial ou un crime spécifique, puisqu'il y a

11 persécution, meurtre et torture. Je pense que c'est un chapitre que la

12 Chambre de première instance n'aura aucun mal à réfuter de façon

13 catégorique.

14 Puis, il y a un autre argument, il s'agit de la page 84 [comme interprété]

15 toujours du mémoire en clôture de la Défense, dans lequel la Défense

16 attaque l'Accusation sous la rubrique manquement de la part de l'Accusation

17 à essayer d'identifier les auteurs du crime. Aux paragraphes 79 et 80, il

18 est indiqué de façon où la Défense insiste de façon assez lourde sur le

19 fait que l'Accusation n'a pas essayé de montrer les photographies au

20 témoin, afin justement de faire en sorte que les témoins essaient

21 d'identifier les auteurs.

22 Qu'y a-t-il d'erroné dans cette argumentation ? Mais ce qu'il a d'erroné

23 c'est qu'il serait absolument absurde et saugrenu, hormis le fait que l'on

24 ne peut pas toujours considérer comme fiables des photographies, la Défense

25 ne peut pas véritablement suggérer avec tout le sérieux que cela mérite,

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1 que des années après l'événement nous puissions montrer à quelqu'un des

2 personnes ayant subi des événements particulièrement traumatisants à des

3 personnes qui étaient en plus très jeunes à l'époque, donc on ne pourra pas

4 leur montrer des photographies leur demandant d'indiquer quelle était

5 l'identité d'une personne qui de toute façon s'était déjà déplacée au

6 Tribunal pour venir déposer. Il est évident nous savons qui a tué la

7 famille de ce témoin. La Chambre de première instance a entendu à ce sujet

8 des preuves directes. La Défense a même admis la mort de ces personnes dans

9 son mémoire et a indiqué qu'il s'agissait d'infraction au droit

10 international coutumier, d'infraction commise par les membres de la 9e

11 Brigade. Je pense que la Chambre de première instance n'aura absolument

12 aucun problème à réfuter cela de façon catégorique une fois de plus.

13 J'aimerais maintenant aborder le paragraphe 62 de l'arrêt Blaskic. Vous

14 avez également un autre argument erroné au paragraphe 409 du mémoire en

15 clôture de la Défense. Il s'agit, je m'excuse, du paragraphe 403, et non

16 pas 409. A la page 127, la Défense indique en bas du paragraphe que : "Par

17 conséquent, il n'est pas suffisant que le commandant sache de façon

18 générale que les crimes ont été commis ou étaient sur le point d'être

19 commis par ses subordonnés."

20 Pourquoi est-ce que cela est erroné en droit ? Parce que vous avez la

21 Chambre d'appel dans l'arrêt Blaskic qui, dans ce paragraphe 62 indique --

22 je ne vais pas vous donner lecture de l'ensemble du paragraphe, mais je

23 vais juste me contenter de vous l'afficher à l'écran pour que vous puissiez

24 le voir, pour ne pas trop perdre de temps. Vous pourrez voir dans ce

25 paragraphe qu'il n'y a aucune condition suggérée suivant laquelle un

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1 commandant devrait savoir de façon générale quels sont les crimes qui ont -

2 - ou, qu'il ne suffisait pas à l'époque qu'il sache de façon générale que

3 les crimes avaient été commis. La question consiste à savoir si la personne

4 avait la connaissance lui permettant d'être informé. Cela n'a rien à voir

5 avec des généralités. Il s'agit véritablement des détails précis, des

6 circonstances, et nous devons en juger au cas par cas.

7 Une autre suggestion est avancée dans le mémoire en clôture de la Défense.

8 Nous souhaitons réfuter cette suggestion. Il s'agit du paragraphe 560, page

9 179. Dans ce paragraphe la Défense suggère que l'Accusation suggère que M.

10 Halilovic devrait s'être chargé de l'enquête, et aurait dû prendre

11 différentes mesures telles que des entretiens, des interrogations, des

12 visites sur les sites, des exhumations, et cetera. Nous considérons qu'il

13 s'agit d'un exercice de rhétorique de la part de la Défense. Nous n'avons

14 jamais suggéré cela. Nous ne suggérons absolument pas qu'un chef d'état-

15 major, un commandant d'opération doit personnellement se rendre sur le

16 terrain et prendre des mesures qui doivent être prises par des enquêteurs,

17 des enquêteurs, qui plus est, formés. Les devoirs de M. Halilovic étaient

18 très clairs. Il n'a jamais été suggéré qu'il aurait dû se charger

19 personnellement de la prise d'empreintes digitales ou de l'exhumation de

20 corps.

21 Il y a autre chose également. Il s'agit de quelque chose qui est

22 invoqué dans le mémoire en clôture de la Défense à la page 168, paragraphe

23 421 [comme interprété] du mémoire en clôture de la Défense. La Défense

24 avance un point qui serait valable dans l'affaire Halilovic, et dans son

25 ouvrage, pièce 281, à la page 6, M. Halilovic lui-même dément toute

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1 hypothèse selon laquelle il aurait été victime d'une erreur de droit. Il

2 dit : "C'est la raison pour laquelle moi-même, j'ai estimé que les tâches

3 sur la conscience bosniaque, telles que les meurtres de la RFY à Funista

4 [phon] et à Uzdol, et l'affaire de Grabovica, sont beaucoup plus difficiles

5 à accepter, que j'ai insisté pour que le droit et l'ordre soient respectés.

6 J'ai estimé qu'il fallait conduire une enquête des plus approfondies afin

7 de trouver et de punir les auteurs de ces crimes."

8 S'agissant de l'erreur de droit alléguée, je vous renvoie à Cassese,

9 paragraphe 13.4, dernier paragraphe : "Il est avancé que l'on peut invoquer

10 une erreur de droit en tant qu'excuse valable, non pas quand l'auteur des

11 crimes ne connaissait pas le caractère illégal de son comportement, mais

12 lorsqu'il n'avait pas connaissance d'un élément essentiel du droit qui

13 renvoie à l'interdiction internationale d'un certain comportement; et le

14 fait que l'absence de cette connaissance n'a pas entraîné de négligence; et

15 qu'en conséquence, la personne, lorsqu'elle a commis une certaine action,

16 n'était pas animée de l'intention délictueuse requise."

17 Document suivant, qui vient d'un manuel de droit britannique. M.

18 Halilovic nous dit qu'après les événements, il a demandé à ce qu'on enquête

19 sur ce qui s'était passé. Il a dit que dans le rapport de son équipe

20 d'inspection, on demandait le remplacement d'un certain nombre de chefs

21 militaires en raison d'un certain nombre d'infractions qui avaient été

22 commises.

23 Or, si vous examinez les textes les plus récents sur ce point, qui

24 émanent du droit britannique, je vous renvoie au paragraphe 16.43, manuel

25 militaire britannique : "L'ignorance du droit n'est pas une excuse, mais si

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1 le droit est peu clair ou confus, un accusé doit bénéficier de ce manque de

2 clarté en bénéficiant d'une peine moins lourde ou d'une peine minimale."

3 Cela ne s'applique pas en l'espèce.

4 Je vous renvoie maintenant à un texte sur le droit de la guerre en

5 Bosnie-Herzégovine, paragraphes 1 et 2, décret d'août 1992, décret du

6 président Izetbegovic, qui stipule que les forces armées de la Bosnie-

7 Herzégovine vont mettre en œuvre le droit international en matière de droit

8 de la guerre, les conventions internationales et principes généraux du

9 droit international de la guerre. Ceci a été publié dans le journal

10 officiel de l'armée le 5 décembre 1992. Il s'agit de la pièce P104. Au

11 paragraphe 2, on peut lire la chose suivante : "Les parties au conflit sont

12 responsables de violations graves du droit de la guerre international,

13 quelque soit la manière dont ces principes soient violés."

14 M. Halilovic, qui était un officer de la JNA expérimenté, ne peut

15 qu'avoir eu connaissance de cette législation, d'autant plus qu'il était

16 même chef d'état-major, que c'était lui qui devait s'assurer du respect du

17 droit de la guerre en Bosnie. Il est inconcevable qu'il n'ait pas eu

18 connaissance de toutes les obligations qui étaient les siennes aux termes

19 du droit humanitaire international en tant que commandant militaire.

20 Je vais maintenant passer au manquement à l'obligation de prévenir

21 les crimes, d'abord à Grabovica, et ensuite à Uzdol. Commençons par

22 Grabovica. Nous avançons que les éléments de preuve présentés montrent très

23 clairement que M. Halilovic a été informé de ce qui s'était passé le 9

24 septembre 1993 dans la soirée. Bien entendu, la Défense a émis des

25 réclamations sur ce qui figure dans l'acte d'accusation. Mais, comme nous

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1 l'avons dit au tout début de l'affaire, en réponse à vos questions,

2 Monsieur le Président, c'est qu'il y a peut-être des éléments

3 contradictoires s'agissant de la date et s'agissant de l'heure. Mais ce qui

4 apparaît à la fin de la présentation, et c'est cela qui est important, la

5 présentation de tous les moyens, c'est que l'accusé était informé de ce qui

6 s'était passé très peu après le crime. D'ailleurs, si on lit son ouvrage,

7 on voit très bien que c'est, au plus tôt, le 9 septembre 1993 qu'il en a

8 été informé. Bien entendu, c'est un jour où se produisaient encore des

9 crimes.

10 Je reviens à ce qui a été dit dans le mémoire en clôture de la

11 Défense où on dit que nous avons prétendu que les meurtres avaient eu lieu

12 le matin, mais que les éléments de preuve nous montrent que certains de ces

13 crimes ont eu lieu l'après-midi. Ce que nous disons c'est que les éléments

14 de preuve ne sont pas présentés lors d'un procès -- ne sont pas toujours

15 conformes à ce qui figure dans l'acte d'accusation. Il faut toujours tenir

16 compte de la difficulté pour les témoins à se souvenir exactement de ce qui

17 s'est passé. Donc, on sait maintenant que les meurtres se sont poursuivis

18 dans l'après-midi, alors que d'autres témoins peut-être ont dit que tout

19 s'était terminé dans la matinée. En tout cas, ce qui est important, c'est

20 que M. Halilovic a été informé. Ceci est clair. Il a été informé le 9, le

21 jour même où les meurtres ont été commis.

22 A ce moment-là, il avait l'obligation de prendre les mesures

23 raisonnables et nécessaires qui s'imposaient. Nous l'avons indiqué, ceci

24 doit être décidé au cas par cas. Il n'y a pas de définition précise qui

25 indique ce qu'il faut faire exactement dans ce cas de figure. Tout dépend

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1 des circonstances de l'espèce. Or, les éléments de preuve qui ont été

2 présentés ont montré qu'en tant que commandant de l'équipe d'inspection et

3 des forces qui se trouvaient sur place à ce moment-là, il avait la capacité

4 matérielle d'agir. Il avait sous ses ordres les deux pelotons ou deux

5 sections de la police militaire du 6e Corps d'armée qu'il aurait pu

6 utiliser. Il avait sous ses ordres les tribunaux militaires des régions

7 militaires en question. Donc, il aurait dû au moins ordonner qu'on ouvre

8 une enquête digne de ce nom. Il aurait dû ordonner à la police militaire

9 d'intervenir. Il aurait dû ordonner à ce que l'on aille sur les lieux du

10 crime pour y trouver et y récupérer toutes les preuves. Il aurait dû

11 signaler le crime à son supérieur, Delic, et demander toute l'aide

12 nécessaire pour faire en sorte que les auteurs du crime soient punis.

13 Le 9 septembre, M. Halilovic savait quels étaient probablement les

14 auteurs des crimes commis. Tout le monde le savait. Tout le monde à

15 Jablanica savait que c'étaient les hommes de Sarajevo, ces hommes de

16 Sarajevo que M. Halilovic lui-même avait fait venir sur les lieux. Au lieu

17 de faire ce qu'il aurait dû faire, il a donné à M. Dzankovic un ordre des

18 plus vagues, un ordre donné oralement et un ordre qu'il n'a donné qu'à une

19 seule reprise, sans revenir ensuite sur cet ordre.

20 Nous soutenons que c'est là une infraction à l'obligation qui était la

21 sienne de sanctionner.

22 Suite à cette action qu'il a faite, action des plus molles, avec une

23 simple demande faite oralement à M. Dzankovic pour savoir ce qui s'était

24 passé, nous avons établi qu'aucune enquête véritable n'a été menée par

25 quiconque au sein de la police militaire ou de l'équipe d'inspection. On

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1 n'a rien fait pour récupérer les preuves sur les lieux des crimes. On n'a

2 rien fait non plus pour retrouver les témoins oculaires ou les auteurs des

3 crimes commis. Or, il n'aurait pas été très difficile de le faire. Il

4 n'aurait pas été très difficile, les témoins nous l'ont dit, de découvrir

5 qui étaient les personnes concernées. Aucun des membres de ces unités qui

6 sont peut-être responsables de ces crimes n'a jamais été interrogé, en tout

7 cas, jusqu'en 1998. Aucune enquête de police scientifique n'a été menée sur

8 place. Or, apparemment, ces corps sont restés sur place pendant des

9 semaines après, à moitié enterrés. La puanteur était insupportable et a

10 même provoqué l'inquiétude de ceux qui étaient responsables. On a essayé de

11 dissimuler les crimes. Rien n'a été fait pour arrêter les auteurs de ces

12 crimes, alors qu'il n'aurait pas été très difficile de les trouver.

13 Personne n'a été chargé de superviser l'enquête, alors que c'était le rôle

14 de M. Halilovic de faire en sorte que cette enquête ait lieu et qu'elle

15 aille jusqu'au bout. Jamais on a désigné qui que ce soit pour mener à bien

16 cette enquête. L'armée n'a jamais demandé l'aide de la police militaire, et

17 personne n'a jamais été appréhendé. Enfin, il a fallu attendre très

18 longtemps, très longtemps, de longues années, pour que les auteurs soient

19 appréhendés. La plupart des responsables n'ont pas été appréhendés. Les

20 seuls à qui ont a demandé des comptes sont M. Sakrak, qui a déposé ici, et

21 M. Bahota [phon]. Donc, un nombre très limité par rapport à tous les

22 membres de la 9e Brigade qui ont été impliqués. Il n'aurait pas été

23 difficile de les trouver le jour même ou dans les semaines qui ont suivi.

24 Ceci est important parce que cela nous indique quel était l'état d'esprit,

25 l'intention délictueuse de M. Halilovic. Sachant quelle était l'implication

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1 des membres de la 9e Brigade dans ces massacres, dans ces crimes de guerre

2 des plus graves qui avaient eu lieu à Grabovica, qu'a-t-il fait, M.

3 Halilovic ? On voit là comment il a réagi alors que les hommes qui étaient

4 sous ses ordres s'en étaient pris à des civils. Ces hommes sont rentrés à

5 Sarajevo, et il n'a nullement dit à ce qu'ils fassent l'objet d'une enquête

6 ou à ce qu'ils soient emprisonnés; pas du tout. Il a ordonné leur retour.

7 Il a ordonné que les hommes de Celo et les hommes de Caco, et cetera,

8 retournent en Herzégovine le 24 septembre. Alors que d'autres au sein du

9 commandement Suprême prévoyaient d'arrêter Celo et Caco, M. Halilovic, lui,

10 avait l'intention de les engager dans des combats. La seule conclusion

11 qu'on peut en déduire, c'est que M. Halilovic voulait complètement passer

12 sous silence tout ce qui s'était passé à Grabovica. Cela ne l'intéressait

13 pas d'enquêter sur ce qui s'est passé. Il s'en moquait complètement. Tout

14 ce qu'il voulait faire c'était oublier tout cela et continuer les

15 opérations de combat en Herzégovine. Pour ce faire, il a enfreint, de

16 manière flagrante, les principes les plus fondamentaux du droit humanitaire

17 international. Des mesures devaient être prises immédiatement pour punir

18 les auteurs d'un crime extrêmement grave commis contre des civils.

19 Sachant ce qui s'était passé à Grabovica, sachant ce qu'avaient fait ses

20 subordonnés, M. Halilovic était informé. Il aurait dû se douter que quelque

21 chose de semblable pouvait encore arriver avec les soldats placés sous son

22 commandement et prendre des mesures immédiates. C'est ce qu'il aurait dû

23 faire s'agissant d'Uzdol.

24 Nous en appelons à la Chambre de première instance, nous lui demandons de

25 s'appuyer sur les mêmes éléments de preuve relatifs au commandement et au

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1 contrôle qui ont été présentés pour Grabovica, pour Uzdol également. Donc,

2 il s'agit des ordres donnés aux subordonnés, des ordres qui étaient suivis

3 des faits, de la carte de la Neretva, qui montrait l'étendue de

4 l'opération, du fait qu'il a donné des ordres directement à Enver Buza

5 notamment. Vous pouvez utiliser tous ces éléments de preuve pour conclure

6 que le Bataillon indépendant de Prozor était placé directement sous le

7 commandement de M. Halilovic au moment où ce bataillon a commis un des

8 crimes de guerre les plus graves qui soit. Dans ces conditions, il avait

9 l'obligation de punir ces actes criminels.

10 Or, les éléments de preuve que nous avons présentés nous montrent que dans

11 les quelques jours qui ont suivi, M. Halilovic a appris ce qui s'était

12 passé. Ce n'était pas très difficile, parce que cela a été rapporté par

13 tous les médias du monde entier. Kate Adie en a parlé le 15, une semaine

14 après. Le témoin J nous l'a dit, tout le monde en parlait, tout le monde en

15 parlait dans les médias croates. Donc, il est impossible que M. Halilovic

16 était dans l'ignorance de ce qui s'était passé à Uzdol, d'abord, parce

17 qu'il était là; et il y a des éléments concrets qui nous montrent qu'il a

18 été mis au courant très peu de temps après.

19 Alors, qu'a-t-il fait ? Les preuves nous montrent qu'il n'a rien fait.

20 Dzankovic a reçu la mission des plus vagues, nous le savons, d'aller voir

21 ce qui s'était passé à Grabovica. Or, il n'a été informé d'Uzdol que

22 lorsqu'il est revenu à Sarajevo. On n'a pas fait appel à Eminovic non plus.

23 Apparemment, il n'y a eu aucune enquête, quelle qu'elle soit, menée.

24 Les éléments de preuve apportés par le témoin J dans sa déposition étaient

25 quelque peu incohérents, mais au pire, on voit qu'on s'est simplement

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1 efforcé de dissimuler ce qui s'était passé en faisant appel à Enver Buza.

2 Ceci, on le voit dans le rapport qui a été envoyé au commandement Suprême

3 et adopté par M. Jasarevic. Nous avançons que tous les éléments de preuve

4 présentés nous démontrent que M. Halilovic commandait les soldats qui se

5 trouvaient à Grabovica et qu'il n'a absolument rien fait pour sanctionner

6 les actes criminels qui avaient été commis dans ce village.

7 Je souhaite maintenant aborder le volet divers de mon intervention. Je vous

8 renvoie au paragraphe 770 du mémoire en clôture de la Défense et les

9 paragraphes qui suivent également. Page 240, paragraphes 770 à 794 [comme

10 interprété]. Nous avançons que la Défense est tombée encore plus bas

11 qu'auparavant ici. Je me réfère en particulier au paragraphe 779. Ils font

12 référence à l'enquête qui a été menée et à des questions y afférentes. Ici,

13 on retrouve encore le Père Fouettard, M. Nikolai Mikhailov, dont on dit

14 qu'apparemment il a été mis à pied. Ceci, c'est une question qui est encore

15 en suspens devant la Chambre d'appel puisque l'Accusation a demandé à la

16 Chambre d'appel de demander à la Défense d'expurger ces allégations, qui

17 sont complètement fausses et qui figurent pourtant dans leur mémoire. La

18 question n'a pas encore été tranchée.

19 Nous avançons que ces allégations ne font nullement partie de

20 l'espèce et ne doivent pas figurer au dossier, ni au mémoire. Nous allons

21 déposer une requête, quant à nous, dans ce sens. Nous demandons à la

22 Chambre de première instance de ne tenir aucun compte de ce qui figure dans

23 ce paragraphe, paragraphe 782. On parle de disparitions mystérieuses de

24 documents des archives de l'Accusation, de mystérieuses disparitions d'une

25 traduction, et cetera. Ceci n'a rien à faire dans un procès digne de ce nom

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1 et mené selon les règles de la civilité et de la courtoisie. Tout cela, on

2 en a déjà parlé et cela a déjà reçu une réponse. Cela n'a rien à faire de

3 nouveau dans le mémoire de la Défense.

4 La dernière question, c'est celle du "processus au sujet d'un comportement

5 répréhensible de la part de M. Mikhailov." Ceci est mentionné dans le

6 mémoire de la Défense. Si la Défense estime que c'est vraiment le cas, il

7 faudrait qu'elle dépose une requête devant l'institution compétente, en

8 alléguant d'un abus de procédure. Mais elle n'est nullement autorisée à

9 présenter ce type d'allégation nauséabonde à la Chambre de première

10 instance afin d'induire en erreur les éminents membres de la Chambre. Il

11 convient de ne tenir aucun compte de tous ces éléments.

12 Je ne vais pas revenir très longuement sur toutes les questions relatives à

13 la peine à prononcer contre M. Halilovic. Nous avançons que nous avons

14 établi les éléments suivants de manière indéniable, au delà de tout doute

15 raisonnable. La 9e et la 10e Brigades ont commis de très nombreux crimes à

16 l'encontre de la population civile à Sarajevo en 1993. M. Halilovic était

17 au courant de la réputation et des crimes commis par ces brigades. En août

18 1993, il a été nommé à la tête d'une équipe d'inspection; c'était

19 l'opération Neretva. En tant que commandant de cette équipe d'inspection,

20 il avait sous ces ordres des unités subordonnées. Il a donné des ordres à

21 ces unités subordonnées, des ordres qui ont été suivis. Il a ordonné aux

22 soldats de la 9e et de la 10e Brigade qui lui étaient subordonnés de

23 participer à l'opération Neretva. Les soldats de la 9e Brigade ont été

24 hébergés au milieu de la population des Croates civils, Croates de Bosnie à

25 Grabovica. M. Halilovic n'a rien fait pour empêcher les soldats de

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1 commettre les crimes que nous savons contre la population civile le 8 et le

2 9 septembre 1993. Les soldats ont tué 27 Croates civils. M. Halilovic, le 9

3 septembre, a été informé de ces crimes. Il savait à ce moment-là qu'il

4 était très probable que les membres de la 9e Brigade avaient commis ces

5 crimes mais nonobstant ce fait, il n'a rien fait pour enquêter sur ces

6 crimes et pour en arrêter les auteurs.

7 Nous savons également que, plus tard, le 13 septembre 1993, il a ordonné au

8 Bataillon indépendant de Prozor qui était placé sous son commandement, lui

9 a ordonné donc d'attaquer le village d'Uzdol qui était tenu par le HVO. Le

10 lendemain, au cours des combats qui ont eu lieu, les membres du Bataillon

11 indépendant de Prozor ont tué 29 Croates de Bosnie, des civils. Enfin, il a

12 été établi par l'Accusation qu'à aucun moment, M. Halilovic n'a pris des

13 mesures pour que ces crimes fassent l'objet d'une enquête et qu'il n'a

14 jamais fait en sorte que les auteurs en soient punis alors que ces soldats

15 étaient placés sous son commandement. D'ailleurs, personne n'a fait l'objet

16 de poursuite à ce jour. Nous avançons que nous avons prouvé notre thèse au-

17 delà de tout doute raisonnable et que le seul verdict qu'il convient que la

18 Chambre de première instance prononce est un verdict de culpabilité.

19 Quant à la peine qu'il convient de prononcer, vu toutes les circonstances

20 de l'espèce, c'est une peine qui devrait être une peine de 10 ans

21 d'emprisonnement. Nous ne contestons pas les questions qui sont évoquées,

22 les questions relatives aux circonstances atténuantes pour M. Halilovic.

23 Ces éléments sont présentés de manière adéquate dans le mémoire. Ceci étant

24 dit, nous estimons qu'une peine de dix ans d'emprisonnement est une peine

25 appropriée et nous demandons à la Chambre de première instance de condamner

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1 l'Accusé, de la déclarer coupable et de le condamner à dix ans

2 d'emprisonnement.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

4 Souhaitez-vous ajouter quelque chose Monsieur Weiner ?

5 M. WEINER : [interprétation] Merci. Non. Vous nous aviez trois heures

6 trente et nous avons utilisé trois heures et 26 minutes.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Merci.

8 Etant donné que de très nombreuses sources ont été citées au cours de votre

9 réquisitoire, je voudrais vous demander si vous avez l'intention de déposer

10 ces sources, un document où vous répertoriez ces sources juridiques.

11 Oui, Monsieur Re.

12 M. RE : [interprétation] Il s'agit, en règle générale, de jugements du

13 TPIY. Nous déposerons les autres sources auxquelles nous avons d'ailleurs

14 fait référence. Si vous souhaitez également avoir le commentaire de la

15 CICR, nous pourrions le faire. Mais nous allons de tout façon déposer les

16 autres.

17 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je pense que vous avez mentionné,

18 par exemple, les écrits du professeur Cassese ainsi que la toute dernière

19 publication, le dernier ouvrage du conseil de la Défense. Je pense qu'il

20 faudra également que cela soit déposé. Contentez-vous d'indiquer le numéro

21 des pages, les paragraphes, plutôt que tout l'ensemble. Nous voulons en

22 quelque sorte avoir un document qui fera office de catalogue parce que

23 sinon, nous pouvons trouver les autres références facilement dans la

24 bibliothèque ou dans les archives.

25 M. RE : [interprétation] C'est ce que nous ferons.

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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous en remercie vivement.

2 Quand pensez-vous que vous pourrez déposer tout cela ? Est-ce que vous

3 pourrez le faire cette semaine ?

4 M. RE : [interprétation] Tout à fait. Nous ne l'avons pas fait auparavant

5 parce que nous nous contentions en quelque sorte de réagir à

6 l'argumentation présentée dans le mémoire en clôture de la Défense.

7 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Vous aurez une semaine pour déposer tout

8 cela.

9 Je souhaiterais entendre les parties à propos de deux questions. Dans un

10 premier temps, il s'agit de la requête présentée par la Défense pour qu'une

11 pièce à conviction soit admise. Il s'agit du document MFI 221 qui a été

12 déposé le 12 août. Est-ce que l'Accusation pourrait répondre.

13 M. WEINER : [interprétation] Nous n'avons aucune objection, Monsieur le

14 Président.

15 M. LE JUGE LIU : [interprétation] S'il n'y a pas d'objections, ce document

16 est considéré comme recevable et admis comme élément de preuve.

17 J'aimerais maintenant parler de la requête de l'Accusation visant à

18 admettre la lettre de Sefer Halilovic, lettre destinée au Président

19 Izetbegovic, lettre du 1er mai 1995. Cela a été déposé le 29 août.

20 J'aimerais savoir s'il y a des objections de la part de la Défense ?

21 M. MORRISSEY : [interprétation] Non, Monsieur le Président. C'est un

22 document qui reprend quasiment mot pour mot la pièce à conviction P281, le

23 livre de Halilovic. Lorsque vous comparez les deux documents, vous vous

24 rendrez compte qu'il y en a un qui semble avoir été utilisé pour l'autre.

25 Donc, nous n'avons aucune objection à ce que cela soit versé au dossier.

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1 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie de votre coopération.

2 C'est un document qui est maintenant versé au dossier et considéré comme

3 élément de preuve.

4 M. MORRISSEY : [interprétation] Oui, je souhaiterais soulever une autre

5 question.

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui.

7 M. MORRISSEY : [interprétation] Très récemment, il y a des documents qui

8 ont été fournis à la Défense. Nous les avons donnés au Procureur, nous leur

9 avons demandé de nous indiquer s'ils s'opposeraient à ce que ce document

10 soit admis. Je sais que nous l'avons fait assez tardivement. C'est un petit

11 document. Le Procureur a indiqué qu'en règle générale, il n'y verrait pas

12 d'inconvénient mais il ne s'est pas prononcé de façon définitive et je

13 souhaiterais avoir une réponse demain.

14 M. WEINER : [interprétation] Je peux être encore plus rapide que cela et je

15 vous dirais que nous n'avons pas d'objection.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, mais il faudrait peut-être que vous

17 nous indiquiez de quel document il s'agit pour que le Greffier --

18 M. MORRISSEY : [interprétation] Nous pourrions peut-être le faire demain et

19 faire cela d'entrée de jeu demain, j'en ai un exemplaire mais j'y ai apposé

20 des annotations.

21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Très bien.

22 M. MORRISSEY : [interprétation] Donc, nous pourrons le faire demain matin.

23 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Il y a également une autre question. Il

24 s'agit de l'Accusation qui a déposé une requête pour la mise en liberté

25 provisoire de M. Halilovic. Je me demandais --

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1 M. WEINER : [interprétation] C'est la Défense qui l'a fait et non pas

2 l'Accusation.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, je m'excuse. Je me demande toutefois

4 si l'Accusation serait en mesure de réagir et de répondre oralement à cette

5 requête ?

6 M. WEINER : [interprétation] J'en ai parlé avec Mme del Ponte aujourd'hui

7 et, en règle générale, lorsque les éléments à charge et à décharge ont été

8 présentés dans une affaire, mais avant que le jugement ne soit prononcé,

9 l'Accusation s'oppose à toute requête visant une mise en liberté

10 provisoire. Elle considère qu'avant le prononcé de la peine, un Défenseur

11 pourrait disparaître ou se cacher ou échapper. Son point de vue, la

12 politique qu'elle suit, c'est la politique suivie par le bureau du

13 Procureur et nous nous opposons à toute requête visant une mise en liberté

14 provisoire à ce moment-là.

15 De qui plus est, il y a un certain nombre de mises en liberté provisoire

16 qui ont été octroyées dans différentes situations. N'oublions pas qu'il

17 s'agit d'un tribunal international, que les yeux du monde sont braqués sur

18 nous et que le monde regarde le type de justice qui est rendu. Nous pensons

19 que ce ne serait pas un choix judicieux que d'autoriser des personnes à

20 être mises en liberté provisoire avant que le jugement ne soit rendu. Il

21 est évident que le monde nous regarde, que le monde voit que des personnes

22 sont accusées de crimes extrêmement graves et si ces personnes sont mises

23 en liberté, je pense que le Tribunal risquerait de perdre la confiance du

24 public.

25 Comme je vous l'ai dit, j'en parlé avec la Procureur aujourd'hui, elle m'a

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1 demandé de recommander à cette Chambre de s'opposer à cette requête de mise

2 en liberté provisoire du fait des raisons que je viens d'avancer.

3 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Supposons que cette Chambre de première

4 instance fasse droit à la requête présentée pas la Défense, requête visant

5 la mise en liberté provisoire, est-ce qu'au vu de ce que vous venez

6 d'indiquer, nous pourrions envisager que l'exécution de cette ordonnance

7 soit retardée.

8 M. WEINER : [interprétation] Ce n'est plus la peine d'envisager cette

9 suspension. Vous pouvez demander de suite cela à la Chambre d'appel.

10 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. WEINER : [interprétation] Ce n'est plus nécessaire si la Chambre le

12 souhaite. Une fois de plus, je vous ai présenté notre requête si vous

13 décidiez d'accorder avec un certain retard une mise en liberté provisoire,

14 mais le fait est que vous pouvez toujours refuser d'accorder cette requête

15 de mise en liberté provisoire.

16 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Avez-vous d'autres observations, Maître

17 Morrissey ?

18 M. MORRISSEY : [interprétation] Non, mais j'indiquerais qu'il est utile que

19 le Procureur fasse état de la politique retenue en règle générale, cela n'a

20 rien à voir personnellement avec M. Halilovic.

21 Ceci étant dit, nous sommes prêts à reprendre demain matin. Nous vous

22 fournirons certains exemplaires imprimés. Nous n'allons pas utiliser le

23 logiciel Sanction, nous vous fournirons des exemplaires des pièces à

24 conviction et nous ferons des références également à certains documents qui

25 seront sur le système électronique du Tribunal. Je m'engage à m'en tenir au

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1 temps qui nous a été imparti.

2 Je m'excuse de perturber le Tribunal à ce sujet, mais j'avais promis à ma

3 famille de rentrer chez moi le lendemain. Je crois comprendre qu'il y aura

4 des réponses et j'aurais voulu savoir si nous pourrions régler cela

5 demain ?

6 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Nous allons demander une audience

7 supplémentaire demain après-midi, nous espérons ainsi pouvoir en terminer

8 avec la plaidoirie, le réquisitoire et toute la procédure.

9 M. MORRISSEY : [interprétation] Je vous suis extrêmement reconnaissant,

10 Monsieur le Président. Je vous remercie. Voilà tout ce que je voulais dire.

11 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Je pense que nous en avons terminé pour

12 aujourd'hui, nous reprendrons demain à 9 heures dans le même prétoire.

13 --- L'audience est levée à 16 heures 37 et reprendra le mercredi 31 août

14 2005, à 9 heures 00.

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