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1 Le lundi 5 mars 2007
2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 21.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander à la Greffière
7 d'audience de bien vouloir citer l'affaire inscrite au rôle.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-04-84-T, le
9 Procureur contre Ramush Haradinaj, Idriz Balaj et Lahi Brahimaj.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.
11 Je vais demander aux parties de se présenter, à commencer par
12 l'Accusation.
13 M. RE : [interprétation] L'Accusation est représentée par moi-même, David
14 Re, premier substitut du Procureur. Je suis accompagné de Mme la
15 Procureure, Carla Del Ponte, avec les substituts du Procureur suivants, M.
16 Gilles Dutertre, M. Gramsci Di Fazio, Mme Nisha Valabhji, Mme Katrina
17 Gustafson, notre assistant est Crispian Smith.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et pour la Défense. D'abord, commençons
19 par la Défense de M. Haradinaj.
20 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'appelle Ben Emmerson. Je défends
21 M. Haradinaj avec Me Rodney Dixon, M. Michael O'Reilly et notre assistante,
22 Susan Park.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et pour la Défense de M. Balaj.
24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Gregor Guy-Smith. Je défends les intérêts
25 d'Idriz Balaj avec ma co-conseil, Colleen Rohan, avec l'assistance de
26 Nathalie van Den Berge, Bart Willemsen, Aurelie Roche, et Joeri Maas.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
28 Et pour la Défense de M. Brahimaj.
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1 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Richard Harvey. Je
2 suis accompagné de Me Troop, et notre assistante est Mme Antoniette
3 Trapani.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
5 Monsieur Haradinaj, pouvez-vous suivre les débats dans une langue que
6 vous comprenez ?
7 L'ACCUSÉ HARADINAJ : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas entendu de traduction
9 de vos propos. Je vous signale que si à un moment quelconque vous
10 n'entendez pas correctement la traduction, il ne faut pas hésiter à nous en
11 faire part immédiatement.
12 Monsieur Balaj, j'ai la même question à vous poser.
13 L'ACCUSÉ HARADINAJ : [hors micro]
14 L'INTERPRÈTE : Le micro est débranché.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez allumer votre micro; sinon les
16 interprètes ne peuvent pas vous entendre. J'ai la même question à vous
17 poser qu'à M. Haradinaj.
18 L'ACCUSÉ HARADINAJ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je peux
19 tout à fait suivre les débats.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
21 Et pour terminer, Monsieur Brahimaj, j'ai la même question à vous poser.
22 N'oubliez pas d'allumer votre micro -- je vois qu'il est allumé. Oui, vous
23 avez la parole.
24 L'ACCUSÉ BRAHIMAJ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes en mesure de m'entendre,
26 d'entendre mes propos dans une langue que vous comprenez ?
27 L'ACCUSÉ BRAHIMAJ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si jamais à un moment quelconque vous
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1 n'arrivez pas à suivre les débats, il faut immédiatement nous le signaler.
2 L'ACCUSÉ BRAHIMAJ : [interprétation] Merci.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'audience de ce jour est consacrée à
4 l'ouverture du procès. Mais avant que nous ne procédions à l'ouverture de
5 ce procès, je souhaiterais faire un certain nombre d'observations.
6 En premier lieu, Monsieur Re, je m'adresse à vous. Il semble que la
7 liste des pièces à conviction qui vont être présentées en l'espèce, que
8 cette liste n'a pas été distribuée à tout le monde. Enfin, il y a quelques
9 petits problèmes qui se posent. Donc, je voudrais que vous en soyez
10 conscient et que vous fassiez en sorte que tous ceux qui sont ici dans ce
11 prétoire soient en mesure de se préparer correctement pour ces audiences.
12 M. RE : [interprétation] Oui, je vous entends bien, Monsieur le Président.
13 Pour l'instant nous nous concentrons sur les premiers témoins.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.
15 Autres sujets que je souhaiterais aborder. Je voudrais que tout le monde en
16 soit conscient. La Chambre première instance, ce matin même, a reçu une
17 requête déposée par la Défense aux fins d'exclure un certain nombre
18 d'éléments de preuve.
19 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons en traiter, non pas avant
21 les déclarations préliminaires, mais dès que cela sera possible.
22 L'exclusion des éléments de preuve, c'est quelque chose qui se présente de
23 manière différente suivant les systèmes judiciaires. Ce n'est pas la même
24 chose que d'exclure des éléments de preuve lorsque vous avez un système de
25 procès par jury ou lorsque vous avez affaire à des Juges professionnels.
26 Nous allons traiter de cette question aussi rapidement que possible.
27 M. EMMERSON : [interprétation] Merci.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Point suivant sur mon ordre de jour,
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1 Monsieur Re, la protection des témoins, c'est une démarche qui a été
2 entreprise dans le cadre de la mise en état comme il se doit, mais c'est
3 une question, celle de la protection des témoins, qui se pose encore
4 pendant le procès. J'imagine que vous allez traiter de cette question aussi
5 rapidement que possible, pour éviter tout retard.
6 Enfin, Maître Guy-Smith, vendredi dernier, vous vous êtes inquiété des
7 déclarations liminaires, telles qu'elles avaient été prononcées dans
8 l'affaire Popovic. Je me suis renseigné et je constate que dans l'affaire
9 Popovic, la principale question qui s'est posée à l'ouverture des débats,
10 c'était de savoir si quand le Procureur s'adressait à la Chambre cela
11 faisait partie de la déclaration liminaire et si cette déclaration
12 liminaire devrait être prononcée en juillet ou août. C'était plutôt une
13 question de procédure qui ne s'applique pas chez nous, qui ne s'applique
14 pas en espèce.
15 La déclaration liminaire a pour objectif de donner les grandes lignes aux
16 Juges des faits, généralement c'est un jury, ici ce sont des Juges
17 professionnels, donc les grandes lignes de la thèse de l'Accusation. Les
18 parties sont libres de choisir la manière dont elles souhaitent formuler et
19 présenter leurs déclarations liminaires, présenter leurs éléments de preuve
20 également. Bien entend, il est inutile de commencer chaque phrase en disant
21 : "Les éléments de preuve vont démontrer ceci, et cetera" parce que ce
22 serait bien redondant. Mais tout le monde sait parfaitement ce que c'est
23 une déclaration liminaire.
24 Je voudrais y ajouter que dans les systèmes où ce sont des jurys qui
25 décident, les déclarations liminaires se limitent aux faits. Mais ici, nous
26 sommes dans un système où la déclaration liminaire s'adresse à la Chambre,
27 aux Juges, des juges qui ne sont non seulement des Juges des faits, mais
28 qui se penchent également sur des questions d'ordre juridique, c'est leur
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1 rôle. Donc, il est inutile de se limiter à des questions purement de faits
2 et de décider de ne pas aborder les questions de droit.
3 La situation est différente ici, les Juges sont professionnels et ils
4 savent parfaitement ce à quoi ils doivent d'attendre dans le cadre du début
5 de la procédure.
6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci beaucoup. Nous comprenons tous
7 l'objectif des déclarations liminaires. Mais ma préoccupation est la
8 suivante, je l'ai dit précédemment, je me demandais si cela allait être
9 utilisé comme l'occasion de faire un discours politique, mais je vois que -
10 -
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand je regarde ce qui s'est passé dans
12 l'affaire Popovic, je ne vois aucune raison d'exprimer de telles
13 préoccupations avant même d'avoir entendu le Procureur faire sa déclaration
14 liminaire. D'autre part, j'engage, j'exhorte les parties à ne pas faire
15 d'objection, à ne pas intervenir à moins que cela ne soit absolument
16 nécessaire.
17 Mmaintenant que je vous ai donné cette ligne directrice, cette consigne, je
18 déclare ouvert le procès en espèce et je voudrais donner la possibilité au
19 Procureur de s'adresser à la Chambre de première instance dans le cadre de
20 sa déclaration liminaire.
21 Madame le Procureur, je vois que vous êtes debout, donc j'imagine que c'est
22 vous qui allez vous adresser à nous. En tout cas, c'est vous qui allez
23 commencer. Je vous donne la parole.
24 Mme DEL PONTE : [interprétation] Merci. Merci, Monsieur le Président,
25 Messieurs les Juges.
26 L'affaire en espèce porte sur des crimes commis au Kosovo en 1998. Même si
27 ce procès se déroule dans le contexte de négociation historique qui a eu
28 lieu cette année en 2007 pour décider de l'avenir du Kosovo, je ne suis pas
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1 ici pour prononcer un discours politique. Ce procès n'a aucun rapport avec
2 des développements diplomatiques. Mon bureau, le bureau du Procureur ne
3 participe pas à ces questions, il n'y est impliqué d'aucune manière dans
4 ces affaires.
5 Nous sommes réunis ici à l'occasion d'un procès pénal et j'ai mis en
6 accusation les hommes qui sont aujourd'hui devant vous sur la base de
7 faits. Les trois hommes qui sont devant vous sont accusés de crimes, de
8 crimes odieux, de crimes cruels, de crimes violents, des crimes de meurtre,
9 d'expulsion, de torture, de viol, d'enlèvement, de détention forcée et
10 accusés également de sévices les plus violents qui se puissent imaginer;
11 des crimes qui se sont déroulés à l'abri du regard des observateurs
12 internationaux. Soyez convaincus, soyez sûr que l'Accusation va prouver que
13 ces hommes - ce chef de guerre, son lieutenant et son geôlier - ces hommes
14 ont du sang sur les mains.
15 Il s'agit du sang de civils innocents, de victimes innocentes qui ne
16 soutenaient pas les accusés ni la cause défendue par l'UCK; des victimes
17 qui souvent étaient seules, des victimes vulnérables, qui ont été
18 systématiquement prises pour cible, enlevés, assassinées et dont on a fait
19 ensuite disparaître les corps. Si les choses s'étaient déroulées comme le
20 souhaitait les accusés, jamais plus on aurait trouvé trace de ces victimes.
21 Ces victimes auraient tout simplement disparues parmi toutes les autres
22 atrocités de ce conflit et ces victimes auraient littéralement été
23 englouties sans laisser aucune trace dans les eaux silencieuses du lac
24 Radonjic, au fin fond de la zone de Dukagjin.
25 Mais les victimes assassinées dont il est question ici, elles n'ont pas
26 disparues, puisque leurs corps, leurs histoires ont été révélés, et dans
27 les semaines qui vont venir, au fur et à mesure que nous vous présenterons
28 ces éléments de preuve, ces victimes vous parleront à leur façon depuis
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1 leurs tombes. Les voix de ceux qui ont été vus pour la dernière fois entre
2 les mains de l'UCK et dont les corps n'ont pas été retrouvés ou dont les
3 corps n'ont pas été identifiés, ces voix, nous les entendrons par la bouche
4 de leurs proches, de leurs proches tourmentés par le chagrin. Les voix de
5 ceux qui ont été torturés, qui ont été brutalisés par l'UCK, ces voix nous
6 les entendrons directement, ici même, dans ce prétoire. Ces voix, elles
7 seront peut-être peu nombreuses, car ce procès n'est pas un procès comme
8 d'autres où il s'agit d'exterminations massives et de milliers de morts.
9 Nous ne serons pas en mesure de présenter à la Chambre de première instance
10 les éléments de preuve de tous les crimes qui ont été commis dans cette
11 région du Kosovo. Ceci serait impossible. Mais au fil du procès, avec
12 chaque témoin, avec chaque document, je suis convaincu que la Chambre de
13 première instance commencera entrer dans ce monde fermé, le monde de la
14 zone de Dukagjin, qui était le cœur même du clan de Haradinaj, le centre du
15 fief de Ramush Haradinaj.
16 Peut-être qu'aussi, comme cela n'était le cas dans aucune autre affaire, la
17 géographie joue un rôle crucial pour comprendre les faits en l'espèce. La
18 géographie, elle-même, est un autre témoin silencieux en l'espèce, et
19 j'exhorte la Chambre de première instance à se pencher avec une attention
20 toute particulière sur les lieux, sur les distances, sur la portée des
21 activités menées et sur le niveau d'accessibilité des sites qui vont être
22 mis en jeu dans la description des événements. J'encouragerais même la
23 Chambre de première instance, lorsque le moment sera bien choisi dans le
24 procès, à se rendre sur les lieux de ces crimes afin que les Juges voient
25 de leurs propres yeux tous ces endroits.
26 Je ne m'en cache nullement; l'Accusation n'aura pas ici tâche facile. Je
27 vais vous dire franchement qu'il s'agit ici d'une affaire dont certains ne
28 voulaient pas; une affaire dans laquelle nous n'avons reçu le soutien que
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1 de très peu d'intervenants, aussi bien au niveau international que local.
2 Mais j'ai insisté pour que ce procès ait lieu et je suis convaincue que la
3 Chambre de première instance conclura au caractère concluant des éléments à
4 charge que nous présenterons.
5 La protection des témoins qui ont eu le courage de vouloir déposer en
6 l'espèce, cette protection, elle a été et elle continuera à être d'une
7 importance cruciale. Vous savez que beaucoup de témoins hésitent à déposer.
8 Certains sont terrorisés. Les manœuvres d'intimidation, les menaces reçues
9 par les témoins en l'espèce constituent un problème récurrent pour les
10 personnes concernées ainsi que pour l'équipe de l'Accusation. Ce problème
11 n'a pas disparu. Les témoins continuent à recevoir des menaces, des menaces
12 voilées mais aussi des menaces directes. Ce week-end encore, notre première
13 victime --
14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir, Monsieur
15 le Président.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que ce qui est en train d'être dit
18 porte préjudice aux accusés et sort de ce qui est prévu dans le cadre d'une
19 déclaration liminaire.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Del Ponte, à titre d'exemple,
21 quand on dit que les témoins vont dire la vérité ou pas, c'est déjà une
22 évaluation de ces témoins. C'est quelque chose qui n'a pas sa place dans le
23 cadre d'une déclaration liminaire, et je me demande, sachant, bien entendu,
24 que comme je l'ai dit précédemment, la Chambre ne s'est pas encore
25 prononcée sur toutes les questions relatives à la protection des témoins,
26 et j'entends bien l'Accusation quand elle nous dit que cette protection est
27 nécessaire. S'il n'y a pas de détails supplémentaires nécessaires
28 s'agissant de la réticence des témoins à venir témoigner - certes, c'est
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1 une des difficultés que vous avez rencontrées dans la préparation de cette
2 affaire - si nous n'avons pas besoin d'éléments supplémentaires, je vous
3 proposerais plutôt de passer à l'examen des éléments de preuve mêmes. Si
4 vous n'êtes pas d'accord, je vous invite à intervenir.
5 Mme DEL PONTE : [interprétation] Je me suis contentée de vous dire,
6 Monsieur le Président, et à vous aussi, Messieurs les Juges, que j'ai été
7 informée qu'un témoin venait d'être menacé.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
9 Mme DEL PONTE : [interprétation] Donc, je ne vois pas vraiment pourquoi je
10 ne pourrais pas informer la Chambre de première instance de faits qui se
11 sont déroulés pendant le week-end et qui ont un lien direct avec ce procès.
12 Parce que si je n'ai pas de témoins qui vont venir ici déposer, je serai
13 obligée de retirer cet acte d'accusation.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame le Procureur, je crois qu'il n'y
15 a rien à redire au fait d'informer la Chambre de première instance de
16 l'occurrence de menaces. Mais s'il est vrai que dans une déclaration
17 liminaire vous pouvez signaler à la Chambre de première instance que c'est
18 un problème d'ordre général, je ne sais pas si, en revanche, la meilleure
19 marche à suivre c'est d'entrer dans les détails de ces difficultés. Un
20 instant, je vous prie.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vous invitons à poursuivre votre
23 déclaration liminaire.
24 Mme DEL PONTE : [interprétation] La Chambre a déjà accordé des mesures de
25 protection à plus d'un tiers de nos témoins. Je sais que vous comprenez,
26 vous appréciez fort bien les difficultés rencontrées par les témoins venus
27 déposer contre ces trois accusés. Ce que je voulais dire, Monsieur le
28 Président, c'est que j'ai toute confiance, je suis convaincue que vous
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1 allez prendre toutes les mesures envisageables pour permettre aux témoins
2 de venir à La Haye et déposer en toute sécurité et pour permettre que la
3 vérité soit entendue.
4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les crimes qui sont au centre
5 de ce procès n'ont rien de noble, rien d'héroïque. Le patriotisme, le
6 courage, n'ont strictement rien à voir avec tout cela. Il s'agit de
7 meurtres barbares, de meurtres sanglants qui ont été commis. Les trois
8 accusés c'étaient tout simplement des gangsters en uniforme qui étaient au
9 pouvoir. La Chambre de première instance pourra constater que ce mélange
10 s'est révélé mortel et sinistre pour les victimes en l'espèce.
11 Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame le Procureur. Je peux en
13 déduire que c'est M. Re qui va poursuivre le prononcé de la déclaration
14 liminaire ?
15 Mme DEL PONTE : [interprétation] Oui, effectivement.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, je vous donne la parole.
17 M. RE : [interprétation] Alors que les paroles prononcées par Mme le
18 Procureur résonnent encore aux oreilles des Juges de la Chambre, ces
19 meurtres qui n'ont rien de noble, rien d'héroïque, rien de patriotique,
20 rien de courageux, je voudrais quant à moi dire que les crimes qui sont
21 reprochés aux accusés ont eu lieu pendant les événements tragiques du
22 Kosovo en 1998, dans lesquels une guerre a été commise des deux côtés
23 contre des civils innocents. Ce sont des crimes qui ont débouché sur le
24 procès de Slobodan Milosevic et les procès d'autres membres de son
25 gouvernement, dont son premier ministre ainsi que des généraux qui sont
26 jugés par ce même Tribunal. Ce sont des crimes qui ont entraîné la
27 condamnation d'un membre de l'UCK par ce même Tribunal pour actes de
28 torture, de meurtre, de traitement cruel dans un camp de détention de
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1 l'UCK. C'est cette Chambre, la Chambre de première instance dans l'affaire
2 Limaj qui a conclu qu'il existait "une culture de violence qui régnait dans
3 ce camp de prisonniers." Je cite la Chambre dans l'affaire Limaj.
4 C'est une culture de violence qui se retrouvait dans toute la région
5 contrôlée par les accusés qui ont à répondre de leurs actes devant le
6 Tribunal aujourd'hui. Dans ce conflit sauvage, aussi bien les Serbes et les
7 Albanais ont commis des crimes de guerre. Les crimes qui sont au centre du
8 procès sont des crimes d'une sauvagerie indicible contre une population
9 civile innocente, une population prise sur cible par les accusés et les
10 autres membres de l'UCK, ou des gens, des victimes qui ont été prises pour
11 cibles parce qu'elles ne soutenaient pas l'UCK, ou parce qu'on avait
12 l'impression qu'elles ne soutenaient pas l'UCK.
13 Ceux qui étaient considérés comme des collaborateurs n'ont bénéficié
14 d'aucune pitié. On les a chassés de chez eux, on les a chassés de leurs
15 villages, on les a enlevés. Ils ont été détenus sous la menace des armes,
16 torturés dans des camps de détention contrôlés par l'UCK. Les accusés que
17 vous avez devant vous aujourd'hui ont commis des actes odieux, des crimes
18 contre l'humanité, des crimes de guerre extrêmement graves.
19 Ils ont commis ces crimes dans le cadre d'une entreprise criminelle commune
20 dont le but était de consolider leur pouvoir sur une région assez limitée
21 du nord du Kosovo. Cette zone c'est la zone de Dukagjin. Vous allez
22 entendre beaucoup parler de cette zone au cours du procès, Monsieur le
23 Président. Je vais l'afficher à l'écran.
24 La première carte que nous allons voir c'est celle des Balkans où l'on peut
25 voir le Kosovo. Voyons maintenant le Kosovo lui-même, le territoire du
26 Kosovo. Vous pouvez voir sur la carte, la carte du Kosovo, la partie
27 septentrionale est la Dukagjin. Vous pouvez voir sur la longueur qu'il y a
28 en rouge sur la gauche environ
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1 100 kilomètres de largueur. Vous pouvez comparer ceci sur la carte à la
2 droite à celle des Pays-Bas.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, est-ce que je peux espérer
4 que peut-être plus tard vous présenterez ces cartes comme éléments de
5 preuve ou est-ce qu'il faut déjà leur donner une cote provisoire pour
6 identification ?
7 M. RE : [interprétation] Ceci fait partie évidemment d'une déclaration
8 liminaire. Je les présenterai certainement comme éléments de preuve
9 ultérieurement.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que vous êtes en train de
11 vous référer à des questions que vous présenterez par la suite comme
12 éléments de preuve.
13 M. RE : [interprétation] Certainement.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, si personne n'y voit
15 d'inconvénients, à ce moment-là, je demanderais qu'elle ne soit pas encore
16 présentée comme élément de preuve pour le moment, et juste comme document
17 d'illustration.
18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
20 M. RE : [interprétation] La carte suivante a pour titre "Dukagjin, zone
21 opérationnelle Dukagjin," c'était la zone de Haradinaj. Vous verrez dessus,
22 sur la gauche, la frontière avec le Monténégro. Ceci coupe, en fait, à main
23 droite un tiers du Kosovo.
24 Si on se déplace ensuite à la vue suivante, il y a un endroit en
25 rouge au milieu, c'est une partie qui se trouve totalement sous le contrôle
26 de l'UCK de Haradinaj. Si vous pouvez passer à la vue suivante, on peut
27 voir une autre carte qui montre une vue générale du Kosovo.
28 Maintenant, une campagne militaire dans laquelle ces accusés se sont
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1 lancés ne serait pas illégale ou illicite en droit international, mais les
2 moyens par lesquels les accusés ont affirmé leur contrôle, leur direction,
3 l'étaient certainement. Ceci, Monsieur le Président, c'est la raison pour
4 laquelle ils sont accusés et se trouvent actuellement dans ce prétoire. Le
5 résultat de leur campagne militaire de crainte, de violence, de persécution
6 entre le mois de mars et de septembre 1998 avec 48 personnes assassinées,
7 et on a retrouvé 35 corps; 13 de ceux-ci ont été trouvés dans un petit
8 secteur près du lac Radonjic, un canal qui se trouvait à moins de
9 1 kilomètre et demi du domicile de Ramush Haradinaj à Gllogjan; 8 corps ne
10 sont pas encore identifiés; 13 des victimes ont disparu sans laisser de
11 traces alors qu'elles étaient sous la garde de l'UCK;
12 29 victimes ont été torturées alors qu'elles étaient sous la garde de
13 l'UCK, une femme a été violée par l'accusé Balaj qui se trouve dans le
14 prétoire aujourd'hui; 35 victimes ont été enlevées.
15 Des villages ont été, pour employer un terme qui était connu par les
16 médias, ont été nettoyés, ont fait l'objet d'un nettoyage de ceux qui
17 étaient leurs habitants et qui n'appuyaient pas l'UCK. C'étaient
18 essentiellement des Serbes du Kosovo et des Rom. Vers la fin d'avril 1998,
19 presque aucun Serbe ne restait dans les villages de la zone de Dukagjin de
20 Haradinaj. Leurs maisons et leurs biens ont été détruits, et les églises et
21 les cimetières orthodoxes et les pierres tombales avaient été profanés.
22 Cent vingt-trois familles serbes vivaient là en janvier 1998, et le dernier
23 ménage serbe, personnes âgées, sont parties le 5 mai 1998 lorsque des
24 soldats de l'UCK sont venus chez eux et leur ont dit que tous ceci, leur
25 zone appartenait aux Albanais et qu'eux, Serbes, devaient aller en Serbie.
26 Ce qu'ils ont fait.
27 Qui sont les accusés ? Qui sont les accusés qui sont actuellement
28 dans cette salle d'audience au banc des accusés ? Ces trois accusés sont
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1 essentiellement des membres, des participants les plus importants d'une
2 entreprise criminelle commune qui fait l'objet des accusations du
3 Procureur. Tous étaient des membres très importants du l'UCK, c'est-à-dire
4 l'Armée de libération du Kosovo ou de la "Ushtria Clirimtare e Kosoves" ou
5 UCK dans le secteur de Dukagjin.
6 Dès le mois de novembre 1997, un communiqué publié par l'UCK a
7 utilisé ces paroles effrayantes : "Tout collaborateur qui, sous cette forme
8 ou une autre causera du mal à la nation albanaise souffrira." Aux fins de
9 la présente présentation liminaire, je ne vais pas entrer dans les détails,
10 tout est décrit dans l'acte d'accusation, mais tout ceci est déjà détaillé
11 dans notre mémoire préalable au procès qui a été déposé le 29 janvier. Les
12 Juges de cette Chambre connaissent le droit et je n'ai pas besoin de vous
13 préoccuper avec les questions de droit.
14 Mais je voudrais vous rappeler le but de l'entreprise criminelle
15 commune qui est maintenant plaidée devant vous, qu'elle avait pour but
16 essentiellement de supprimer par la force, par la violence toute forme
17 d'opposition perçue à l'égard de l'UCK dans la zone de Dukagjin et de
18 permettre à l'UCK de contrôler, d'exercer un contrôle total et d'affermir
19 ce contrôle sur l'ensemble de cette zone. Ceux qui, dans cette entreprise
20 criminelle commune, ceux qui ont participé à tout cela ont cherché à
21 expulser soit par la force, soit par la menace de l'emploi de la force tous
22 les civils serbes de cette région. Comme je l'ai dit, ils l'ont fait par
23 des attaques armées, des enlèvements, des tortures, et finalement, par la
24 chose la plus grave qui était le meurtre.
25 Les participants à ces entreprises criminelles communes se sont
26 efforcés de supprimer toute forme de collaboration perçue ou potentielle
27 avec les autorités ou quelque opposition qu'elle soit à l'égard de membres
28 de l'UCK par la population civile. Ils ont fait ceux-ci en prenant pour
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1 cibles ceux qu'ils percevaient comme des collaborateurs ou des opposants
2 d'une manière qui visait à la fois à empêcher toute opposition à l'UCK et à
3 permettre à l'UCK de diriger, de contrôler la population en général par une
4 campagne d'intimidation, de crainte et de violence.
5 Cette campagne, comme je l'ai dit, a duré de mars à
6 septembre 1998, et pendant cette période les habitants qui n'appuyaient pas
7 l'UCK dans la zone de Dukagjin, dans le petit secteur de Kosovo dont vous
8 avez vu la carte il y a un moment, ont vécu dans la crainte et ont eu peur
9 pour leurs vies.
10 Ramush Haradinaj, connu sous le nom de Smajl, est né en 1968. Il est
11 devenu commandant de la zone en février 1998 lorsqu'il est revenu au Kosovo
12 pour participer à la lutte contre les autorités serbes. En tant que
13 commandant dans cette zone, il a été de loin la personne la plus importante
14 et la plus puissante dans cette zone. Il était conscient de ce qui se
15 passait dans la zone. Il recevait des rapports réguliers de ses
16 subordonnés. Sa puissance était telle qu'il pouvait savoir et contrôler qui
17 entrait dans son territoire ainsi que tout mouvement qui se produisait à
18 l'intérieur de son territoire. Il a organisé, il a planifié, il a
19 personnellement conduit des opérations ou diriger des opérations de l'UCK.
20 Il a nommé des subalternes, des commandants en second, des officiers. Il a
21 désigné des soldats pour des unités pour remplir certaines fonctions dans
22 la zone. Il a établi les quartiers généraux dans les villages locaux. Il a
23 donné des ordres aux officiers, aux commandants locaux de villages. Il a
24 donné des ordres à la population en général. Il a donné des ordres de
25 mobilisation. Il a créé des brigades. Il a désigné des commandants de
26 brigade. Il a personnellement contrôlé la collecte et la distribution
27 d'armes et de fournitures dans la région. Il a organisé l'entraînement et
28 la formation militaire. Il a pris lui-même la responsabilité des questions
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1 disciplinaires et financières, y compris le fait de collecter, de
2 distribuer des fonds dans la zone, dans toute la zone. Il a constitué une
3 armée dans cette zone. Il était membre de l'état-major général de l'UCK.
4 Lui, Haradinaj, personnellement, a interdit toute activité politique sur la
5 base du fait qu'en raison des conditions de guerre, l'UCK était l'autorité
6 responsable dans la zone de Dukagjin.
7 Le contrôle qu'il exerçait était tel sur ce qui se passait dans cette
8 zone, que Haradinaj lui-même a pris le contrôle des affaires civiles, la
9 direction des affaires civiles dans cette zone. A titre d'exemple, un
10 certain nombre de fonctions, il a envoyé dans les villages, aux quartiers
11 généraux, il fournissait la population générale. Il s'occupait des
12 registres des naissances et décès de l'état civil dans les villages,
13 assurant l'utilisation rationnelle des "ressources nationales," et même
14 allant jusqu'aux détails les plus petits pour aider la population pour ce
15 qui était de semer dans les champs et de récolter.
16 L'étendue de ses pouvoirs entre mars et septembre 1998 correspondait
17 exactement à ce qu'il avait dit comme objectif, à savoir porter la guerre à
18 la population. A l'époque de son accusation, il était premier ministre du
19 Kosovo.
20 Idriz Balaj a comme surnom Toger ou Togeri, ce qui veut dire
21 lieutenant. Il est né en 1971. Au cours de la période couverte par l'acte
22 d'accusation il a commandé une unité spéciale appelée les Aigles noirs.
23 Elle était basée dans le petit village de Rznic ou Irzinq, selon le nom
24 serbe et le nom albanais. Il avait un certain nombre de membres. Haradinaj
25 a participé à la formation des Aigles noirs. Balaj était directement appuyé
26 par Haradinaj.
27 Qui étaient ces Aigles noirs ? Ces Aigles noirs étaient très connus dans
28 l'ensemble de la zone pour leur brutalité. Ils étaient connus, parce que
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1 Haradinaj leur avaient donné libre cours pour opérer dans tout l'ensemble
2 de la zone. Les Aigles noirs ont enlevé, emprisonné, torturé et assassiné
3 les civils qui n'appuyaient pas l'UCK. Balaj, en tant que commandant des
4 Aigles noirs, a pu opérer en toute impunité. Il avait pris la loi entre ses
5 mains dans la zone de Dukagjin. Il portait avec lui un cahier, un carnet
6 qui contenait le nom de "personnes recherchées." Les personnes recherchées,
7 c'étaient celles que Balaj essayait de retrouver, parce qu'elles s'étaient
8 opposées à l'UCK d'une manière ou d'une autre, ou avait été perçues comme
9 s'opposant d'une manière ou d'une autre à l'UCK. Les corps de 43 de ces
10 personnes ont été trouvés sur le bord d'un canal qui se trouve à moins de 2
11 kilomètres de son quartier général. Cet endroit, cette longueur de canal,
12 était connu à l'époque pour une très bonne raison. C'était, en fait, un
13 site d'exécution pour les Aigles noirs. En septembre 1998, les corps de
14 quelque 20 victimes ont été trouvés directement à côté du site d'exécution,
15 à côté d'un pan de mur, le mur du canal, qui était criblé de balles. Les
16 douilles et des cartouches ont été trouvés à côté des corps - je reviendrai
17 à cela un peu plus tard dans ma déclaration liminaire - un certain nombre
18 de corps ont été trouvés flottant un peu plus loin sur le canal.
19 Après la cessation des hostilités, Balaj est devenu commandant du Corps de
20 protection du Kosovo avec le grade chef de bataillon. Balaj, lui-même, dans
21 son propre journal que je présenterai sur le tableau, au cours de la
22 période précédant le mois d'avril 1998 - est-ce que vous arrivez à lire ce
23 qui est mis ?
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si quelque chose est placé sur le
25 rétroprojecteur, à ce moment-là, nous pourrons le lire. A ce moment-là,
26 oui.
27 M. RE : [interprétation] Oui. C'était juste un peu plus clair. C'est un peu
28 plus clair que mon exemplaire.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair. Il s'agit là du prétoire
2 électronique e-court.
3 M. RE : [interprétation] Oui, c'est le e-court. Excusez-moi.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
5 M. RE : [interprétation] Il a écrit : "Pour la période précédant le 14
6 avril 1998, au cours de cette période, moi, Balaj, j'ai pensé que l'unité
7 spéciale pourrait fonctionner dans le cadre de la zone pour aider le pays
8 de telle sorte que nous pourrions faire subir des dommages à l'ennemi. Avec
9 l'aide du commandant Ramush Haradinaj, la possibilité existait, et il a été
10 fait droit à une demande pour la création d'une unité spéciale connue sous
11 le nom des Aigles noirs. Elle a été constituée le 14 avril 1998 dans le
12 village de Gllogjan. Dans chaque village, j'ai rassemblé un certain nombre
13 d'hommes et je les ai formés pour l'unité spéciale avec l'aide du
14 commandant Ramush."
15 Il poursuit ensuite en disant qu'il avait entre 40 et
16 100 soldats et qu'il a entrepris de nombreuses opérations dans des villages
17 dont les noms sont donnés.
18 Dans son propre mémoire préalable au procès, Haradinaj dit que les
19 Aigles noirs étaient un groupe de soldats de l'UCK dont la fonction était
20 de fournir un appui militaire à la résistance albanaise kosovare,
21 résistance armée, pour monter des attaques contre les positions militaires
22 serbes et contre le personnel militaire serbe. Ils étaient déployés souvent
23 en petites unités de combat dans l'ensemble de la zone et à l'extérieur.
24 Ce qu'il, bien entendu, ne mentionne pas, c'est le fait que c'étaient
25 ces Aigles noirs qui enlevaient des Serbes et qui s'occupaient de ceux qui
26 s'opposaient à l'UCK, notamment le site d'exécution près du canal où ils
27 avaient exécuté ces hommes.
28 Lahi Brahimaj, également connu sous le nom de Maxhup, qui est le
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1 terme albanais pour [incompréhensible], est né en 1970. En juin 1998, il a
2 été nommé commandant adjoint de la zone de Dukagjin, et après cela, il est
3 devenu un membre de grade élevé du Corps de protection du Kosovo. Son rôle
4 dans cet acte d'accusation est essentiellement lié au fonctionnement du
5 centre de détention de l'UCK très connu à Jablanica.
6 A l'écran devant vous, vous verrez ce que sont maintenant les ruines d'une
7 ferme, d'un bâtiment de ferme à l'extérieur de Jablanica, où il avait
8 établi ce lieu de détention. Vous pourrez voir sur la droite de l'écran, il
9 y a un sous-sol où les prisonniers ont été détenus. Ce sous-sol était
10 souvent plein d'eau.
11 Les autres accusés, Haradinaj et Balaj, ont régulièrement visité
12 cette prison. C'est dans cette prison que l'UCK a torturé, maltraité et
13 finalement assassiné un grand nombre des victimes dont les corps ont été
14 trouvés le long du canal de Radonjic. Brahimaj lui-même vivait à 1
15 kilomètre -- avait son quartier général à environ à
16 1 kilomètre de la prison.
17 Un conflit armé est nécessaire pour que le Tribunal soit compétent. Depuis
18 au moins le 24 mars 1998, il y avait un conflit armé au Kosovo, en
19 particulier dans cette partie du Kosovo qui est celle qui correspond à
20 l'acte d'accusation. Alors, pourquoi avons-nous choisi cette date ou retenu
21 cette date ? Cette date est importante dans la présente affaire, parce que
22 c'est ce jour-là que des militaires serbes et des forces du MUP ont attaqué
23 la propriété de la famille Haradinaj à Glodjane, et c'est à partir de cette
24 date que Haradinaj s'est trouvé le commandant incontesté dans sa zone.
25 Maintenant, les mémoires préalables au procès ont fait quelques
26 développements par rapport à l'affaire Limaj. La Chambre de première
27 instance avait conclu au paragraphe 134, qu'avant la fin de mai 1998, l'UCK
28 possédait suffisamment les caractéristiques d'un groupe organisé capable de
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1 s'engager dans un conflit armé interne. Maintenant, la Défense ne voudrait
2 pas que la Chambre de première instance conclue qu'il y avait un conflit
3 armé avant cette date. Toutefois, dans l'affaire Limaj la situation était
4 très différente par rapport à cette affaire-ci portée devant la Chambre.
5 Les crimes faisant l'objet de l'acte d'accusation, c'était dans une
6 zone différente. Vous verrez ceci maintenant sur le prétoire électronique,
7 que ces crimes dans la zone en question, c'était pour des meurtres à
8 Berisha. Si nous pouvons revenir à l'ensemble de l'image, vous pouvez voir
9 sur la gauche de la carte la zone de Dukagjin, et à droite de la carte il y
10 a la zone de Limaj. Lorsque vous regardez les deux ensembles, ce sont deux
11 zones totalement distinctes. Il n'y a absolument aucun conflit entre le
12 procès Limaj dans lequel la Chambre de première instance est parvenue à une
13 conclusion par rapport à un acte d'accusation limité à une période plus
14 tardive, et le fait que vous puissiez conclure qu'un conflit armé existait
15 plus tôt, à une période antérieure.
16 En fait, les autorités serbes n'avaient aucun doute qu'elles étaient
17 engagées dans un conflit armé à partir de cette première date. Je
18 démontrerai cela un peu plus tard. Effectivement, Haradinaj lui-même ne
19 faisait aucun mystère de ce fait, ou tout au moins avant d'avoir été accusé
20 de crimes de guerre, ne faisait aucun mystère qu'un conflit armé existait
21 avant la fin du mois de mai 1998.
22 Le 5 septembre 2001, sept ans avant d'avoir été accusé, il a été
23 interviewé par un journaliste suisse. Il lui a dit, et vous verrez ceci sur
24 le e-court, "où était votre base ? Je pense que vous pouvez me dire cela.
25 Où se trouvait votre base pendant la guerre ?" Il a répondu : "Pec, Decani,
26 Djakovica, jusqu'à la région de Klina. J'étais là pendant tout le temps,
27 depuis mars 1998 à juin 1999,
28 15 mois. Oui, c'est 15 mois de guerre ouverte. J'étais là face-à-face" - je
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1 souligne ce fait - "face-à-face avec les Serbes."
2 Alors, ce ne sont pas là les mots d'un homme qui n'était pas engagé dans un
3 conflit armé en mars, avril et mai 1998.
4 Dans son propre livre, alors qu'il décrit les attaques militaires des
5 Serbes contre sa propriété, sa maison, la propriété de famille à Glodjane,
6 il a déclaré ceci en ce qui concerne cette attaque à Prekaze. "Nous, dans
7 la zone de Dukagjin, ne sommes pas restés à nous tourner les pouces."
8 Voulez-vous montrer, s'il vous plaît, la partie en bas de l'image.
9 "Les forces serbes attaquaient partout continuellement, jour et nuit,
10 de façon parfaitement ouverte. La Serbie a vu le danger que la guerre
11 s'étende, et bien entendu, elle a vu également que la guerre allait se
12 rapprocher de la frontière. En même temps, nous avions commencé des
13 préparatifs d'action plus directe avec des attaques. Je pense que les
14 Serbes savaient que Jablanica était un point éclair pour la guerre, un
15 point de conflagration."
16 Ceci sont les mots qu'il a notés. Egalement, dans son propre livre,
17 dans ses propres mots, lorsqu'on a posé des questions concernant l'attaque,
18 Haradinaj a dit, lorsqu'il a décrit l'attaque, il a dit : "Je savais que
19 quelque chose allait se passer après Gllogjan eut été construit. Les
20 événements du 24 mars se sont produits presque sans conséquence, et lorsque
21 nous avons commencé, nous avons su, nous savions qu'aucun des deux côtés ne
22 renoncerait à ses ambitions."
23 Je m'arrête un instant là. "Aucun des deux côtés." Un conflit armé
24 nécessite évidemment deux parties. Ici, Haradinaj, dans son propre livre,
25 il a décrit le fait qu'il y avait deux côtés au conflit en mars 1998.
26 "Donc, il fallait travailler ou être supprimés. Ma première idée
27 était que Gllogjan ne soit pas la ligne de front. Ceci devait être au moins
28 un village plus loin, de sorte que nous aurions pu avoir une base derrière
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1 les lignes. Pour faire la guerre, on a besoin d'avoir une base de ce type
2 pour nous donner assez de champ pour préparer des opérations pour que les
3 soldats puissent se reposer, ainsi de suite. Donc, nous avons travaillé
4 très dur pour avoir du matériel le plus rapidement possible pour les
5 villages où l'ennemi viendrait, tels qu'Irzniq, Baballoq, Gramacel et
6 Shaptej.
7 Nous avons, à ce moment-là, travaillé très dur, mais pas pour détruire,
8 seulement avec l'idée de prendre certaines positions aussi près que
9 possible de nous de façon à les tenir de façon à pouvoir riposter."
10 Maintenant, le général de l'armée yougoslave retraité, qui se
11 trouvait dans la région pendant toute la période correspondant à l'acte
12 d'accusation et qui a commandé la 125e Brigade motorisée de l'armée
13 yougoslave, à partir du 12 juin, pourra dire dans une déposition devant
14 vous, que le 28 février 1998 des soldats de l'UCK faisant partie d'un
15 groupe organisé, ont attaqué un ministère serbe de l'Intérieur - c'est ce
16 qu'on appellerait ici le MUP - par une patrouille dans le village de
17 Likosane. Il dira à la Chambre que c'est à partir de ce moment-là, à partir
18 de février 1998, que l'armée yougoslave, la VJ s'est rendu compte que l'UCK
19 s'organisait militairement et s'entraînait. Des incidents entre l'UCK, la
20 VJ et le MUP, c'est-à-dire les forces serbes combinées, ces incidents se
21 sont poursuivis à partir de là.
22 A titre d'exemple, je voudrais mettre à l'écran un ordre ou un
23 rapport daté du 23 février 1998 intitulé "Secret militaire confidentiel"
24 signé par Bozidar Delic, qui viendra également déposer devant la Chambre,
25 où il a dit : "Au cours des derniers mois de 1997, mais plus
26 particulièrement en janvier 1998, il y a eu détérioration importante de la
27 situation au point de vue sécurité, au point de vue politique dans le
28 territoire de la municipalité de Djakovica." Il décrit un secteur qui est
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1 la zone de Dukagjin, la zone, ou en partie la zone de Dukagjin, qui
2 représente une surface totale de
3 90 kilomètres carrés. Et les villages qui sont à l'extrême sont les
4 villages de Jablanica, Crmljane, Zabelj, Grgoc.
5 En dessous, il a écrit : "D'après ce que nous avons appris, ce
6 territoire ne s'est pas trouvé sous le contrôle de la République de Serbie
7 ou les organes de la République de Serbie depuis plusieurs années. Comme le
8 département de la police s'est retiré à Crmljane, le territoire a été
9 entièrement abandonné pendant des années, et ceci, seulement pour tomber
10 sous le contrôle ou l'acceptation de terroristes soi-disant UCK de la fin
11 de 1997."
12 Un communiqué de l'UCK publié le 11 mars 1998 parle d'un conflit,
13 d'affrontements entre des militaires serbes et des combattants de l'UCK. Il
14 précise : "Au cours des derniers jours depuis le 7 mars, nos forces armées
15 se sont affrontées sur un vaste front, avec des formations occupant des
16 forces militaires serbes d'occupation et des forces de police et de
17 volontaires chetniks. Des confrontations militaires qui s'étendent sur un
18 vaste front, allant de Skender dans le nord vers Klina, Mitrovica à l'est,
19 et les villages le long de la ligne de Gllogoc au village de Cicavice, y
20 compris un grand nombre de villages dans la région. En dessous de cela,
21 l'UCK, les formations militaires sont également engagées des forces
22 d'occupation," c'est-à-dire des Serbes, "dans la région de Llap, dans la
23 région de Djakovica et Klina, entre Malisheve et Rahovec. Il a également eu
24 des engagements sur une ligne qui s'étendait de Decane à Pec."
25 Après cela : "L'UCK a combattu les forces d'invasion et a réussi à
26 rompre les lignes ennemies sur plusieurs fronts contre la police et les
27 sièges militaires en infligeant de lourdes pertes aux forces militaires de
28 l'ennemi en ce qui est des forces volontaires et en causant des dommages
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1 matériels considérables."
2 Cela est intervenu au même moment qu'un rapport rédigé par le général
3 Delic, qui déposera devant cette Chambre, le rapport du
4 5 mars 1998, qui parle de la zone de responsabilité de sa brigade, à savoir
5 le 549e Bridage motorisée. Voilà ce qu'il affirme : "Ce qui caractérise ces
6 événements c'est le fait qu'il y a eu une escalade d'événements
7 terroristes", il fait référence à l'UCK, "ce qui élargit la zone
8 d'opérations des groupes terroristes dans la zone Jablanica. Nous estimons
9 que les attaques contre les Serbes dans les villages de Bec, Crmljane, et
10 Ratis, seront suivies d'attaques contre les Serbes dans les villages de
11 Bites, Janos, Ljug Bunar et Vranic. Nous pensons que l'objectif principal
12 des terroristes, lors de ces attaques, n'était pas de tuer des Serbes mais
13 de créer la panique pour les encourager à abandonner leurs biens et à
14 quitter le Kosovo. Il semblerait que cet objectif sera réalisé dans une
15 large mesure."
16 Voilà précisément ce qui s'est passé.
17 Par conséquent, l'orateur semblait avoir connaissance des événements
18 qui allaient se dérouler.
19 Le 22 avril 1998, le colonel Lazarevic du Corps de Pristina fait
20 rapport au commandant. Il a fait état d'une attaque terroriste où il dit
21 que : "20 ou 30 terroristes," ce qui montre qu'il s'agissait d'une force
22 organisée, "ont lancé une attaque d'infanterie contre une secteur de
23 l'unité du 52e Bataillon de la Police militaire. Les renseignements du MUP
24 indiquaient que les trois tracteurs transportant des armes se rendaient de
25 Bec vers Jablanica. L'attaque a duré environ 30 minutes."
26 Autre indication du conflit militaire en cours à l'époque, il s'agit là
27 d'un rapport journalier adressé le 3 mai 1998 en rapport avec une attaque
28 ce jour-là de la part de, je cite : "Des terroristes albanais contre une
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1 patrouille du MUP près de Djakovica, près du village de Panosevac,
2 apparemment, après cet incident, des tirs de mortiers synchronisés sont
3 intervenus des villages environnants vers le poste de contrôle du MUP à
4 proximité du village de Panosevac."
5 Le 9 mai, le commandant de la 549e Brigade a présenté un rapport
6 selon lequel en raison des activités des groupes terroristes sur la route
7 principale, Pristina-Pec-Djakovica, un ordre avait dû être donné, un ordre
8 particulièrement grave en terme militaire, un ordre indiquant que :
9 "Jusqu'à nouvel avis, il était interdit de procéder à des déplacements de
10 véhicules militaires et civils transportant des membres du corps le long de
11 la route Pristina-Klina-Pec et Pristina-Pec-Djakovica."
12 Par la suite, le 12 mai, le général Pavkovic a donné un ordre au Corps de
13 Pristina, et il a fait référence une fois de plus aux activités de gangs
14 terroristes, à la fois le général Delic et le général Zivanovic indiqueront
15 aux Juges de la Chambre qu'ils ont reçu cet ordre. Il s'agissait donc là
16 d'activités organisées de l'UCK. Cet ordre était plus sérieux. La situation
17 s'était tellement dégradée en date du 12 mai que le premier ordre indiquait
18 : "Jusqu'à nouvel ordre, j'interdis tout mouvement de véhicules de l'armée
19 et véhicules civils appartenant à des officiers de l'armée et à des civils
20 employés par l'armée pour transporter des membres du corps sur ces axes
21 principaux."
22 Le général Zivanovic et le général Delic diront aux Juges de la Chambre que
23 les forces militaires serbes et les forces du MUP serbe étaient face à des
24 attaques constantes et organisées de la part des forces de l'UCK pendant
25 cette période, avant la période où la Chambre dans l'affaire Limaj a estimé
26 qu'il y avait existence d'un conflit armé au Kosovo.
27 L'UCK a publié un communiqué le 13 mai et, tout comme l'Accusation,
28 elle estimait qu'il y avait bien un conflit armé au mois de mai sur ce
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1 territoire, dans ces secteurs particuliers. La période qui était donnée
2 était la suivante, au mois de mars, au mois d'avril et début mai : "Le
3 peuple albanais s'est battu contre les Serbes et a continué à se renforcer
4 sous la direction de l'UCK. Conformément aux ordres de l'état-major de
5 l'UCK, des opérations réussies contre les troupes d'invasion," c'est-à-dire
6 la VJ et le MUP, "ont été menées à bien dans la zone opérationnelle numéro
7 1, c'est-à-dire les sous-zones opérationnelles de Drenica et Llap."
8 Ensuite, ils ajoutent "Dans le cadre de combats, les forces d'invasion ont
9 subi des pertes humaines et matérielles importantes." La ligne suivante
10 indique : "Cela fait froid dans le dos. Pendant toute cette période, des
11 opérations ont également été menées contre des collaborateurs albanais qui,
12 malgré des mises en garde précédentes, n'ont pas abandonné leurs activités
13 antinationales."
14 Dans la sous-zone d'Erenik, différentes opérations ont été menées
15 avec succès contre l'invasion à Glodjane, Baballoq et Hulaj. Nos forces,"
16 c'est-à-dire l'UCK, "ont livré une rude bataille contre la VJ et le MUP
17 pendant cette période. Notre armée," on dit armée, "a lutté efficacement
18 contre l'ennemi et défend avec succès les zones libérées."
19 Zivanovic dira dans sa déposition que le 23 mai les soldats de l'UCK
20 ont lancé une telle attaque contre ses forces - les forces de Zivanovic -
21 sur la route Djakovica-Panosevac, que lui, Zivanovic, a dû déployer 200
22 soldats pour assurer la sécurité de la zone frontière. Or, en termes
23 militaires, 200 soldats, 200 hommes, cela veut dire des forces importantes.
24 Les attaques se sont poursuivies tout au long du mois de juin et du
25 mois de juillet. Zivanovic va indiquer que la route de Djakovica à Junik
26 était dangereuse et a fait l'objet d'attaques nombreuses.
27 Haradinaj, lui-même, dans le compte rendu du 13 juin 1998, a fait
28 référence à une ligne de front au-delà de la route principale en direction
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1 de Voksh et Pobergj. Dans le compte rendu de la réunion qui s'est tenue le
2 21 juin 1998, il montre le pouvoir qu'il exerçait, on peut lire dans ce
3 compte rendu : "La réunion, comme ont pu le constater toutes les personnes
4 présentes, visait à assurer le caractère systématique, l'organisation et la
5 coordination des activités dans cette zone." A savoir la planification des
6 opérations contre les Serbes à grande échelle dans la zone de Dukagjin, une
7 défense coordonnée contre l'offensive et les attaques serbes, le
8 déploiement d'hommes, le matériel technique à différents endroits et des
9 moments donnés, la division de la zone opérationnelle en sous-zone dans la
10 région, la fourniture de renseignements actualisés sur les attaques, les
11 réunions conjointes au sein du quartier général, un combat commun contre
12 l'ennemi, y compris sur le plan du renseignement, et également un combat
13 commun contre les malfaiteurs, criminels, ennemis.
14 Pour preuve de la nature organisée de la zone opérationnelle de
15 Dukagjin de Haradinaj, on peut citer le compte rendu de la réunion du 23
16 juin 1998 où l'état-major est établi. Le commandant est Ramush Haradinaj.
17 Le commandant adjoint est Lahi Brahimaj. Si vous parcourez la liste, vous
18 voyez que le responsable pour le sabotage et les activités antiterroristes
19 est Togeri, lieutenant, c'est-à-dire Balaj.
20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur
21 Re, je crois que vous avez certainement fait un lapsus. Il ne s'agit pas de
22 sabotage, mais c'est le terme subversif qui est utilisé.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que nous pourrions avoir
24 ce texte à l'écran, une fois de plus, pour vérifier.
25 M. RE : [interprétation] Il y a deux traductions.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux traductions.
27 M. RE : [interprétation] Dans un cas on dit "sabotage"; dans l'autre cas,
28 on dit "subversif."
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'étais en train de lire ce qui
2 apparaissait à l'écran, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, vous avez lu quelque chose
4 à l'écran qui, d'après M. Re, est traduit différemment dans le document.
5 Est-ce que la question est d'une importante telle que nous devions nous
6 attarder là-dessus à ce stade ?
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non. Nous pouvons poursuivre.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
9 Alors, poursuivons. Nous procéderons aux vérifications nécessaires.
10 M. RE : [interprétation] Le 24 juin 1998, Haradinaj a donné un ordre, un
11 ordre très important. L'ordre consistait "à réaliser une mobilisation
12 générale des ressources humaines et matérielles" dans son secteur. Dans la
13 deuxième partie de cet ordre, il est dit qu'il fallait "préparer de façon
14 appropriée la population, les combattants et les officiers militaires pour
15 les besoins de la guerre." Au point 4, il est dit : "Prendre des mesures
16 pour empêcher toutes activités qui seraient préjudiciables à la guerre."
17 Cet ordre est un ordre qui sera utilisé par l'Accusation dans le cadre de
18 ce procès.
19 Les mesures qui sont mentionnées, c'est-à-dire empêcher toutes
20 activités qui seraient préjudiciables à notre guerre, nous amènent au cœur
21 de l'entreprise criminelle commune qui est alléguée, car Haradinaj et les
22 autres personnes couvertes par l'entreprise criminelle commune ont pris des
23 mesures qui dépassent largement tout ce que l'on aurait pu imaginer de
24 façon légitime, compte tenu des lois de la guerre.
25 Des officiers du MUP déposeront devant les Juges de la Chambre. Le MUP
26 procédait de façon légèrement différente par rapport de la VJ, et ils vous
27 informeront d'attaques fréquentes. Un officier haut gradé du renseignement
28 serbe, qui avait accès au plus haut niveau de l'UCK, indiquera ici dans sa
Page 383
1 déposition qu'à leur avis, c'est en janvier 1998 que le soulèvement de
2 l'UCK a réellement commencé; que les attaques de l'UCK contre la police,
3 l'armée, les Serbes et autres non-Albanais ont été perpétrées sur une base
4 quotidienne; que pendant la période couverte par l'acte d'accusation, l'UCK
5 a mené des attaques synchronisées à l'échelle de toute la zone.
6 Un autre officier du MUP indiquera aux Juges de la Chambre qu'à compter du
7 printemps 1998, l'UCK a intensifié ses attaques et ses embuscades contre le
8 MUP, la VJ et les civils, que l'UCK a procédé à des enlèvements, a mis sur
9 pied des barrages routiers, des postes de contrôle. Il dira dans sa
10 déposition que ces crimes se sont radicalisés et que les policiers
11 risquaient particulièrement de se faire enlever et tuer. Il vous indiquera
12 que l'UCK ouvrait le feu sur tous Serbes, surtout des forces de police,
13 mais également des civils.
14 Les officiers du MUP vous diront également qu'après le meurtre d'un
15 officier de police serbe en mars 1998, la police ne pouvait plus pénétrer à
16 Jablanica et dans des zones contrôlées par Haradinaj. Ils vous expliqueront
17 que les policiers risquaient d'essuyer des tirs s'ils tentaient d'entrer
18 dans ces villages. Ils vous diront que la zone autour du lac de Radonjic,
19 plus particulièrement le secteur où les corps ont été retrouvés, était une
20 zone où la police ne pouvait pas pénétrer.
21 Pour décider s'il y avait existence d'un conflit armée, les Juges de
22 la Chambre sont en droit d'examiner les résolutions du Conseil de sécurité;
23 or, une résolution particulièrement importante a été adoptée par le Conseil
24 de sécurité dès le 31 mars 1998. Elle fait référence aux deux parties au
25 conflit. Dans la citation que je suis sur le point de faire, il est dit :
26 "Condamne l'usage excessif de la force de la part des forces de police
27 serbes contre les civils et les manifestants pacifiques au Kosovo, ainsi
28 que tout acte de terrorisme de la part de l'Armée de libération du Kosovo,
Page 384
1 ou tout autre groupe ou individu, ainsi que le soutien aux activités
2 terroristes au Kosovo, y compris par le biais du financement ou de la
3 formation."
4 L'ONG "Human Rights Watch", qui jouit d'une grande reconnaissance, d'un
5 grand respect, a également recensé des violations des lois de la guerre des
6 deux parties au conflit pendant la période couverte par l'acte
7 d'accusation. Dans son rapport portant sur les violations du droit
8 international humanitaire au Kosovo, publié en octobre 1998 - il s'agit là
9 de la page 3 du résumé - dans une partie intitulée "Violations des lois de
10 la guerre de la part de l'UCK", "Human Rights Watch" affirme : "Les
11 insurgés albanais, connus comme l'Armée de libération du Kosovo/l'UCK, ont
12 également violé les lois de la guerre par des actes tels que la prise
13 d'otages civils, ainsi que par des exécutions sommaires, même si c'était à
14 moindre échelle que les violations de la part du gouvernement. Il s'agit là
15 dans les deux cas de violations de normes internationales qu'il faut
16 condamner."
17 L'Accusation fera déposer un contrôleur haut placé de "Human Rights Watch"
18 qui était sur le terrain et qui pourra informer les Juges de la Chambre de
19 première main de ce qu'il a vu et de ce qu'il a entendu.
20 C'est également au même moment en octobre 1998 que "Human Rights
21 Watch" a publié un rapport sur les violations du droit international
22 humanitaire, et c'est à ce moment-là que l'UCK a publié son propre
23 communiqué confirmant que des affrontements avaient eu lieu dès le mois de
24 février de cette année-là dans un communiqué du 17 octobre, intitulé "L'UCK
25 adresse des renseignements à la communauté internationale", il y est dit en
26 bas de la page : "Après les massacres serbes de la population albanaise à
27 Likoshan, Qirez et Prekaz, en février de cette année, une guerre rude et
28 inégale a commencé au Kosovo entre les forces militaires de police et
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1 paramilitaires serbes d'une part et le peuple albanais de l'autre."
2 "Human Rights Watch" était à tel point préoccupé par les événements qui se
3 déroulaient au Kosovo des deux côtés qu'elle a publié une mise en garde. En
4 page 75 de son rapport, intitulé "Violations des lois de la guerre de la
5 part de l'UCK." "Human Rights Watch" mettait en garde l'UCK, et je cite :
6 "Les règles du conflit armé interne visées à l'article commun 3 et au
7 Protocole II des conventions de Genève lient à la fois le gouvernement et
8 les insurgés armés. En tant que tel, l'UCK est tenu de respecter les
9 dispositions du droit international humanitaire, comme la protection des
10 non-combattants et l'interdiction de la prise d'otages."
11 Dans la suite du texte, l'ONG présente des conclusions sur la base de ses
12 observations sur le terrain, sur la base d'entretiens avec des réfugiés en
13 provenance de zones attaquées par l'UCK, de zones assiégées, et le texte
14 poursuit, je cite : "Malgré ces obligations, l'UCK a commis des violations
15 du droit international humanitaire, y compris la prise d'otages, et comme
16 elle le reconnaît elle-même, des exécutions sommaires. Au moins 138
17 personnes, la plupart étant d'origine ethnique serbe, mais également un
18 certain nombre d'Albanais et de Rom, auraient été enlevées par l'UCK."
19 Le texte poursuit : "Certaines opérations de l'UCK visaient
20 apparemment à faire en sorte que des Serbes quittent leurs villages. 'Human
21 Rights Watch' a entendu des Serbes lui relater qu'ils avaient été forcés à
22 quitter différents villages comme Jelovac, Kijevo, Gornji Racia, Dasinovac,
23 et cetera. Certains Serbes étaient trop âgés pour pouvoir quitter leurs
24 maisons. Certains sont portés disparus, et on craint qu'ils n'aient trouvé
25 la mort."
26 Certaines personnes sont précisément visées par cet acte
27 d'accusation.
28 Le texte se poursuit : "L'UCK a attaqué et enlevé des Albanais du
Page 386
1 Kosovo et des Rom qu'ils considéraient comme des collaborateurs avec le
2 gouvernement yougoslave."
3 "Human Rights Watch" était préoccupé du fait que l'UCK avait adressé une
4 mise en garde le 12 juillet 1998 - il s'agit là de la page 76 du rapport -
5 une mise en garde dans laquelle l'UCK disait que : "Premièrement, toutes
6 les forces serbes, qu'il s'agisse de forces de police, militaire ou de
7 civils armés, étaient considérées comme des ennemis. Dès le départ, nous
8 avions nos propres règles de fonctionnement, qui disaient clairement que
9 l'UCK reconnaissait les conventions de Genève et les conventions régissant
10 la conduite de la guerre, même si elle n'a pas eu la possibilité de les
11 signer comme elle aurait aimé le faire. Nous n'avons pas procédé à des
12 enlèvements, mais si des personnes ont souffert, il s'agit davantage de
13 collaborateurs albanais plutôt que des civils serbes."
14 Suite à quoi, en page 11 du rapport, "Human Rights Watch" a formulé
15 une recommandation à l'intention de l'UCK en l'invitant à respecter ses
16 obligations en vertu du droit international humanitaire, à remettre en
17 liberté tous les civils en détention, à s'abstenir d'attaquer la population
18 civile, à ne pas utiliser des détenus ou des civils comme otages et à
19 traiter les soldats ou policiers serbes en détention avec humanité. Cette
20 ONG a condamné également la prise d'otage et les mauvais traitements aux
21 civils et recommandé à l'UCK d'imposer un code de conduite militaire
22 réprimant la prise d'otage et les atteintes au droit international
23 humanitaire, et de faire en sorte que tout auteur d'abus soit poursuivi.
24 La Chambre, dans l'affaire Limaj, n'a pas eu à se prononcer sur
25 l'existence d'un conflit armé avant la fin du mois de mai 1998.
26 L'entreprise criminelle commune en l'espèce, on a affirmé qu'elle avait
27 commencé avant le mois de mai 1998 et qu'elle s'était poursuivie jusqu'en
28 août 1998. Dans l'affaire Haradinaj, on affirme que l'entreprise criminelle
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1 commune a commencé précédemment.
2 Un incident se détache des autres, mentionné dans l'acte d'accusation
3 - nous y revenons dans notre mémoire préalable au procès - il s'agit là
4 d'un incident qui a trait à la mens rea et l'actus reus de ces trois
5 accusés ainsi qu'au modus operandi de l'UCK et de la façon dont l'UCK a
6 procédé dans le cadre entreprise criminelle commune.
7 Il s'agit là d'un incident qui s'est déroulé le 11 août 1998, où deux
8 contrôleurs de la Communauté européenne ont été enlevés et brièvement
9 détenus par l'UCK à Rznic, qui était le village contrôlé par les Aigles
10 noirs de Balaj. Comme la Chambre n'est pas sans savoir, la Communauté
11 européenne a envoyé des contrôleurs dans des zones de conflit dans les
12 Balkans. Il s'agissait là de diplomates qui devaient bénéficier d'une
13 immunité diplomatique dans ces zones de conflit. Leurs tâches consistaient
14 à observer et à faire rapport sur ce qui s'est passé entre les parties au
15 conflit.
16 Le 11 août, deux de ces contrôleurs ainsi qu'un interprète albanais
17 et un troisième passager, se sont rendus à Rznic, qui était contrôlé par
18 Balaj à l'époque, qui était pilonné par les forces serbes. Lorsqu'ils sont
19 arrivés à Rznic, ils ont été arrêtés par des soldats armés de l'UCK qui
20 leur ont demandé de décliner leur identité, de dire ce qu'ils faisaient.
21 Les soldats de l'UCK ont menacé ces diplomates d'une arme et ils les ont
22 invectivés. Ils ont demandé : "Où est la communauté internationale ?"
23 Conformément au modus operandi en vigueur, ils ont accusé un de ces
24 contrôleurs européens d'être un espion serbe. Ils leur ont ordonné de
25 partir. Mais avant qu'ils ne partent, Idriz Balaj est arrivé avec deux
26 autres soldats dans une jeep et il a ordonné à ces contrôleurs de les
27 suivre dans une maison de Rznic, où se trouvait le quartier général local
28 de l'UCK.
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1 Balaj considérait que l'interprète albanais était un collaborateur,
2 parce qu'il accompagnait une personne prétendument espion serbe, mais en
3 réalité un contrôleur de la MOCE, et devant ces contrôleurs, devant ces
4 diplomates, Balaj a donné des coups de pied et des coups de poing à cet
5 interprète, il l'a traité de traître et il lui a dit qu'il allait le tuer,
6 il l'a menacé d'une arme. Balaj a fait monter les contrôleurs européens et
7 l'interprète, il les a interrogés. Une fois de plus, il a menacé
8 l'interprète de le tuer. Dix minutes plus tard, Haradinaj est arrivé. C'est
9 lui qui a poursuivi l'interrogatoire de ces trois personnes dans cette
10 salle au premier étage du quartier général de l'UCK. Haradinaj s'exprimait
11 parfaitement en anglais et en français. Haradinaj, en fin de compte, les a
12 fait redescendre jusqu'à la jeep. Il a fouillé en personne le véhicule des
13 diplomates, en d'autres termes, un véhicule diplomatique, puis les a
14 laissés partir.
15 Ce qui est particulièrement important, c'est que pendant cet
16 interrogatoire, Haradinaj a dit à ces contrôleurs de la MOCE que c'est lui,
17 Haradinaj, qui contrôlait cette zone et que personne ne pouvait quitter
18 cette zone sans qu'il en ait connaissance et sans qu'il l'approuve.
19 Un de ces contrôleurs de la MOCE déposera devant cette Chambre. Il
20 dira qu'elle a été la réaction des membres de l'UCK face à Haradinaj, quel
21 est le respect qui lui témoignait. Il décrira le salut face à Haradinaj. Il
22 montrera que Haradinaj était clairement celui qui contrôlait la situation.
23 Il dira également aux Juges de la Chambre qu'il a reconnu Brahimaj
24 comme une des personnes présentes pendant leur période de détention dans
25 cette propriété. Il décrira Haradinaj comme étant un homme intelligent et
26 maîtrisé dont les ordres étaient immédiatement suivis sans discussion. Il
27 décrira Haradinaj comme étant un homme qui exerçait un contrôle total sur
28 les membres de l'UCK à ce moment-là.
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1 Je vois l'heure, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement, j'étais sur le
3 point de vous inviter à faire une pause au moment où cela vous semblerait
4 approprié. Si c'est là le moment approprié pour vous --
5 M. RE : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- dans ce cas, nous allons faire une
7 pause de 25 minutes. Nous reprendrons à 16 heures 10 et vous aurez la
8 session suivante pour achever votre déclaration liminaire.
9 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.
10 --- L'audience est reprise à 16 heures 12.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, avant que je ne vous
12 permette de poursuivre, une question très précise. Apparemment, le premier
13 témoin qui figure sur la liste ne va pas être cité à la barre demain. Est-
14 ce qu'il va être remplacé par quelqu'un ou pas ou est-ce que cela signifie
15 qu'il n'y aura pas de témoins demain ?
16 M. RE : [interprétation] Nous souhaiterions remplacer ce témoin par un
17 autre. Il ne s'agit pas simplement de remplacer le témoin; il s'agit
18 d'intervertir les témoins.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on sait de quel témoin il
20 s'agira ? Il est bon de le savoir.
21 M. RE : [interprétation] Je pourrais vous le dire. Un instant, je vous
22 prie.
23 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit du numéro 2 sur la
25 liste ? Faisons surtout attention à ne pas révéler le nom des témoins, ces
26 témoins éventuellement protégés, puisque actuellement dans ce stade du
27 procès même aucune mesure de protection n'a encore été demandée. Qu'avez-
28 vous l'intention de faire ? A quoi s'attend la Défense ?
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1 M. EMMERSON : [interprétation] En deux mots, nous sommes complètement dans
2 le noir.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Peut-être M. Re pourra-t-il faire
4 la lumière. Je comprends bien que vous vous réservez le droit de dire :
5 Nous refusons d'entendre le témoin X, Y ou Z parce que nous ne nous sommes
6 pas préparés, aucun document ne nous a été communiqué, et cetera. Essayons
7 d'écouter M. Re pour voir ce qu'il a à nous dire.
8 M. RE : [interprétation] L'Accusation souhaite intervertir les témoins 1 et
9 2. La Défense a déposé une requête s'agissant de ces deux témoins pour
10 exclure leurs dépositions.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
12 M. RE : [interprétation] Pour ce qui est du premier témoin, nous avons
13 quelques difficultés. Il y a peut-être des pièces supplémentaires qui
14 devront être communiquées à la Défense.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous entends bien. Donc, le témoin
16 qui était prévu pour mercredi, vous souhaitez que nous l'entendions demain.
17 M. RE : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous savez, ce n'était pas clair
19 pour tout le monde.
20 Maintenant, au moins nous savons ce qu'il en est, ce qu'a l'intention
21 de faire M. Re.
22 Maître Emmerson.
23 M. EMMERSON : [interprétation] Je n'ai rien à redire à ce que le témoin qui
24 est actuellement le numéro 2 --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
26 M. EMMERSON : [interprétation] -- soit entendu dans le cadre de
27 l'interrogatoire principal demain.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
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1 M. EMMERSON : [interprétation] La semaine dernière, j'ai indiqué qu'il y
2 avait quelque 800 pages de documents qui nous avaient été communiquées et
3 qui étaient directement en rapport avec ce témoin, des documents qui nous
4 ont été communiqués la semaine dernière. A l'époque, je ne savais pas dans
5 quelle mesure c'était véritablement directement en rapport avec le témoin
6 et le procès. Or, ce qui apparaît c'est qu'il y au moins 300 pages du
7 rapport qui n'ont rien à voir avec la période visée à l'acte d'accusation.
8 Il y a également des cahiers qui ont une grande pertinence et qui sont
9 d'une grande densité, et nous sommes en train d'y travailler. Donc,
10 difficile pour nous, en deux mots, de contre-interroger demain ce témoin.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
12 M. EMMERSON : [interprétation] Autre chose pour ce qui est du témoin 1, M.
13 Re a fait allusion il est possible que ce témoin présente un grand nombre
14 de cahiers, de registres qui sont actuellement en serbe. Il est possible
15 que le contenu de ces cahiers soit en rapport avec le témoin numéro 2 et
16 son contre-interrogatoire.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'aime pas -- enfin j'hésite à
18 interrompre --
19 M. EMMERSON : [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- de la sorte la déclaration liminaire
21 du Procureur.
22 M. EMMERSON : [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu, les questions que vous
24 soulevez sont d'une grande pertinence, mais peut-être pas au point
25 d'interrompre complètement l'Accusation.
26 Je me tourne cependant vers les autres équipes de la Défense pour savoir
27 s'il y a des objections qu'elles manifestent envers l'audition du témoin
28 numéro 2 sur la liste qui était prévue pour mercredi. Est-ce que vous vous
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1 opposez à ce qu'on l'entende demain ?
2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non. Je partage les préoccupations de mon
3 confrère Me Emmerson.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
5 M. HARVEY : [interprétation] Même chose pour ce qui nous concerne.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y une requête qui a été déposée
9 qui n'a pas encore été résolue au sujet des témoins un et deux. La Chambre
10 va s'interroger sur cette requête. Nous n'avons pas reçu de réponse,
11 Monsieur Re -- enfin, nous n'avons eu qu'une réponse très brève de votre
12 part.
13 M. RE : [interprétation] Vous parlez de la requête qui a été déposée ce
14 matin ? Non, il n'y a pas de réponse.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a été informée d'échanges à
16 ce sujet.
17 M. EMMERSON : [interprétation] Nous avons joint à cette requête une lettre
18 du 2 et du 3 mars de l'Accusation où ils indiquent les déclarations qu'ils
19 souhaitent présenter, et le Procureur explique pourquoi il estime que ces
20 pièces sont recevables.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est ce que j'avais à l'esprit
22 tout à l'heure. La Chambre demain va décider ce qu'il convient de décider
23 ou de faire s'agissant de cette requête, si cela a un impact quelconque sur
24 le début de l'audition de ces deux témoins. Mais pour l'instant, en dehors
25 du fait que l'Accusation va faire comparaître demain le témoin qui figure
26 au numéro 2 sur la liste et qui devait comparaître mercredi; la seule chose
27 à souligner, c'est que la Défense commencera le contre-interrogatoire le
28 lendemain. Bien.
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1 Monsieur Re, je voulais traiter de cette question importante de la manière
2 la plus brève possible, mais je vous redonne la parole pour votre
3 déclaration liminaire. Je m'attends à ce que vous en terminiez d'ici la
4 pause suivante.
5 M. RE : [interprétation] Nous avons préparé deux tableaux qui vont être
6 affichés et qui seront à la disposition de la Chambre pendant tout le
7 procès. En premier lieu, nous avons une photographie par satellite à très
8 haute résolution qui nous montre le lac, ainsi que toutes les zones
9 pertinentes qui sont visées à l'acte d'accusation. En dessous, vous trouvez
10 une photographie de l'endroit où ont été trouvés tous les corps à côté du
11 lac.
12 J'aimerais que nous fassions un gros plan sur la partie de cette
13 photographie satellitaire pour voir les lieux qui seront mentionnés pendant
14 ce procès.
15 On voit la maison à Haradinaj, le village de Glodjane, Rznic,
16 l'exploitation agricole Ekonomija, le canal en béton, Dasinovac, et cetera.
17 Permettez-moi de me déplacer quelques instants. Ici vous avez une échelle
18 de 10 kilomètres, ceci afin de vous montrer l'échelle de la carte et des
19 lieux qui nous intéressent.
20 Afin que les choses soient encore plus parlantes visuellement, nous
21 disposons d'une photographie des différents sites dont nous allons parler
22 et dont je vais parler quand j'évoquerai les cadavres retrouvés.
23 Ce que vous voyez à l'écran pour l'instant, c'est une carte de la zone de
24 Dukagjin, avec le lac de Radonjic en bas au milieu.
25 Ici, en appuyant sur le point A, on voit la route vers Glodjane.
26 C'est celle qui est à droite. A droite, on voit une mosquée. C'est à Rznic,
27 c'est là que les représentants de la MOCE ont été stoppés. Il y avait un
28 point de contrôle au milieu de ce carrefour. Le témoin de la MOCE pourra
Page 395
1 vous le dire.
2 Point suivant, le point B. C'est une photo satellitaire qui nous montre
3 l'exploitation agricole Ekonomija en haut à droite, le quartier général de
4 l'UCK. En haut, on voit l'exploitation agricole Ekonomija, le canal qui est
5 tout près. En dessous, vous trouvez le quartier général de l'UCK.
6 L'encadré du bas nous indique l'emplacement de la maison des
7 Haradinaj, le village donc de Glodjane. Je vais d'abord vous montrer la
8 maison des Haradinaj. On revient en arrière maintenant. Nous allons
9 maintenant examiner le quartier général de l'UCK. Voici les bâtiments tels
10 qu'ils se présentent maintenant. En 1998, ils avaient une autre apparence.
11 Cliché suivant, l'exploitation agricole Ekonomija.
12 La photographie que nous avons actuellement à l'écran nous montre qu'il
13 existe une route. La route qui passe entre les deux bâtiments va
14 directement à Rznic, à 1 ou 2 kilomètres de là. A droite, vous voyez la
15 ravine et le canal.
16 Ici, on voit qu'on descend la route.
17 On fait une vue panoramique. Nous sommes au milieu de l'exploitation
18 agricole Ekonomija ou à proximité.
19 Merci.
20 Je souhaite maintenant vous montrer le canal. Vous voyez deux zones qui
21 sont mises en évidence ici. Ici, nous voyons encore une fois la route. La
22 zone du canal, la zone en béton du canal qui donne sur le lac, le canal qui
23 va vers le village de Rznic.
24 Vue panoramique maintenant. Merci.
25 Nous voyons une vue aérienne de Jablanica. On voit ici le village de
26 Jablanica, une vue panoramique. En bas ici, on trouve la maison des
27 Brahimaj, le quartier général de l'UCK. Retournons un petit peu sur le
28 côté. Arrêtons-nous ici. En haut de la photographie dans cette direction,
Page 396
1 on voit Jablanica, on voit l'endroit où se trouvait le centre de détention.
2 Photographie suivante.
3 Nous allons maintenant voir le centre de détention de Jablanica.
4 Voici le bâtiment tel qu'il apparaissait l'an dernier. Cette vue
5 panoramique nous permet d'arriver à une entrée. Cette entrée indique
6 l'endroit où se trouve la route qui allait à Jablanica, environ à 1
7 kilomètre de distance.
8 A l'image, nous avons actuellement la porte du centre de détention de
9 Jablanica en ruines aujourd'hui. Voici le bâtiment aujourd'hui, le bureau,
10 et en dessous on trouve le sous-sol où étaient détenus des prisonniers.
11 Voici une photographie prise en août dernier avec de l'eau dans le sous-
12 sol, les témoins nous expliqueront que c'était la même chose en 1998.
13 J'aimerais faire une description détaillée à la Chambre de première
14 instance des corps qui ont été trouvés à côté du canal. Pourquoi est-ce
15 important ? C'est pour montrer les liens qui existaient et le caractère
16 systématique de ces incidents entre des cas de personnes qu'on a vues la
17 dernière fois sous la détention de l'UCK dont on a ensuite retrouvé les
18 corps à cet endroit.
19 Passons à la prochaine photo satellitaire. Sur cette photographie on voit
20 la maison de Haradinaj, le canal. On voit la courte distance qui sépare la
21 maison de Haradinaj, le canal en béton, l'exploitation Ekonomija, et Rznic.
22 Nous pouvons voir la route en terre battue qui va de Rznic au canal où ont
23 été trouvés les corps.
24 Ce qui est important ici, ce qu'il faut bien comprendre c'est que cette
25 zone était contrôlée par l'UCK au moment de la disparition des victimes.
26 Photographie suivante que je souhaiterais vous montrer, c'est une
27 photographie où on nous avait indiqué l'endroit où ont été trouvés les
28 corps. C'est une photographie qui est actuellement affichée dans le
Page 397
1 prétoire même.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quant à moi, Monsieur Re, je trouverais
3 fort utile que vous m'indiqueriez d'abord quel endroit vous allez nous
4 indiquer sur la droite, ensuite, nous montrer cet endroit en particulier.
5 Encore, il y a quelques instants, cela c'était sur notre écran, mais plus
6 maintenant.
7 M. RE : [interprétation] Je vais vous montrer la zone du canal entre Rznic
8 et le "canal en béton" et la ferme Ekonomija. C'est la zone que je vous
9 indique avec mon doigt ici. Nous avons ici une image qui a été prise depuis
10 Rznic vers le canal. On descend ces cascades jusqu'à la zone du Delta, une
11 zone naturelle.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au bout, à distance, on voit le lac.
13 M. RE : [interprétation] A distance.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'en haut de la photographie
15 nous voyons le lac ?
16 M. RE : [interprétation] J'aimerais qu'on le fasse un gros plan.
17 Nous avons indiqué sur cette photographie l'endroit où les corps ont
18 été trouvés ainsi que les noms des victimes ou un numéro commençant par un
19 R, c'est-à-dire les numéros de référence qui ont été attribués à ces corps
20 par les autorités serbes au moment des exhumations en 1998.
21 Ce dont je voudrais maintenant parler à la Chambre de première instance
22 c'est le récit de ce qui est arrivé à ceux dont on a trouvé le corps à cet
23 endroit.
24 La première personne dont je souhaiterais vous parler c'est Zenun
25 Gashi, je voudrais également vous parler de Misin Berisha, Sali Berisha,
26 ainsi que Xhevat Berisha âgé de 14 ans. Ceci vous renvoie au chef 20 de
27 l'Accusation, chefs 20 et 19.
28 Zenun Gashi était un fonctionnaire de police, Rom, qui était en congé
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1 maladie depuis 1997 suite à un infarctus. Il ne sympathisait nullement avec
2 l'UCK. Il habitait à Kosuric.
3 Le 1er août 1998, les soldats de l'UCK sont venus chez lui et ils
4 l'ont enlevé de manière totalement illicite. Ils l'ont emmené au QG de
5 l'UCK à Rznic. Il y a été emprisonné. Il y avait là deux autres Rom : Misin
6 Berisha et son fils Sali Berisha. Ces trois hommes ont été emmenés du QG de
7 Balaj à Rznic, le QG de l'UCK, jusqu'à un endroit où l'on a retrouvé leurs
8 corps. Le 11 septembre 1998 ou vers cette date les trois corps ont été
9 retrouvés à quelques mètres seulement de distance à côté d'un mur en béton.
10 J'aimerais que maintenant nous montrions la photographie où l'on indique
11 l'endroit où leurs corps ont été trouvés. Leurs corps présentaient des
12 blessures multiples ainsi que des blessures par balle. Autour du cou de
13 Sali Berisha, on a trouvé une corde qui était nouée. On a retrouvé
14 également 2,5 mètres de fil de fer barbelé rouillé à côté de leurs corps.
15 Il y a une des extrémités du fil de fer barbelé qui était nouée en forme de
16 nœud. On a troué dans le fil de fer barbelé, dans les barbelés des longs
17 cheveux noirs et des tissus mous putréfiés.
18 Vous voyez maintenant l'endroit où les corps ont été trouvés c'est à
19 côté de ce dont nous allons parler un peu plus tard; le mur des exécutions.
20 Vous voyez maintenant ici la photographie d'un crâne, le crâne du
21 corps R4, Zenun Gashi, si vous examinez la photographie du haut, vous voyez
22 où son corps a été trouvé. Vous voyez qu'il a reçu une balle dans la tête.
23 Le bâton nous indique la trajectoire suivie par la balle dans son crâne.
24 Xhevat Berisha, qui était le fils de Misin Berisha et qui avait 14
25 ans, qui était le frère de Sali Berisha, a disparu en juin ou en juillet
26 1998. Son corps a été trouvé à proximité, à environ 50 centimètres de celui
27 de son père et de celui de son frère, et de Zenun Gashi à côté du mur des
28 exécutions. Lui aussi, son crâne présentait une blessure par balle et on a
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1 constaté la présence de fractures multiples au niveau de ses bras et de ses
2 jambes. Une autopsie réalisée en l'an 2003 par des experts médico-légaux
3 étrangers a permis de déterminer que la cause de son décès était une
4 blessure par balle à la tête. On a trouvé de nombreuses autres blessures
5 par balle sur son corps. La Défense ne conteste pas l'identité de cette
6 personne.
7 Maintenant, j'aimerais vous parler d'une autre photographie qui va
8 bientôt apparaître à l'écran et qui nous montre la position du corps et des
9 corps quand on les a trouvés. Cette photographie est apparue très
10 brièvement à l'écran tout de suite. Elle a disparu maintenant, on y voit
11 les représentants des autorités serbes en train d'exhumer les corps.
12 Sur chaque corps, on a placé un marqueur. Ici, on voit le corps de
13 Kemal Gashi avec le numéro 2; Misin Berisha, numéro 3; Zenun Gashi, numéro
14 4; et Xhevat Gashi 14 ans, avec le jalon numéro 5. On voit une personne en
15 habit bleu clair avec des gants à gauche du mur que l'on a trouvé criblé de
16 balles. Nous verrons une photographie prise plus près.
17 Il y a aussi un autre corps identifié, le corps R1, qui se trouvait en
18 dessous du corps numéro 11. C'était la mère du témoin 4 dont je parlerai
19 plus tard. Le corps R12 a été retrouvé en dessous du corps du témoin 4.
20 La personne dont je souhaite vous parler maintenant c'est Idriz Hoti, qui
21 figure aux chefs 21 et 22 de l'acte d'accusation. C'était un Albanais du
22 Kosovo de 64 ans, un membre de la LDK. Il a disparu en juin ou juillet
23 1998, il se rendait à Jablanica où il avait l'intention d'adhérer à l'UCK.
24 Son corps a été trouvé sous celui de Misin Berisha, qui a été vu pour la
25 dernière fois en vie et en détention à Jablanica en août 1998. Tous les
26 deux ont été retrouvés au site d'exécution, près du mur des exécutions. En
27 d'autres termes, c'est quelqu'un qui a disparu en juin ou en juillet 1998.
28 On l'a retrouvé en dessous du corps de quelqu'un qui a été vu en détention,
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1 détenu par l'UCK en août 1998.
2 Ensuite, nous avons le corps, à côté de son corps, le corps de Hoti, avec
3 un morceau de câble noir semblable à ceux qu'on a retrouvé dans les étables
4 de l'exploitation agricole Ekonomija. Dans son rapport d'autopsie de 2003,
5 le Pr Hoff-Olsen a établi la présence de blessure par balle à la tête de
6 cette personne. C'était probablement ce qu'on a trouvé. La Défense ne
7 conteste pas l'identité de ce corps.
8 Les chefs 21 et 22 traitent de Velizar Stosic et Zdravko Radunovic. Velizar
9 Stosic était un Serbe qui a été vu vivant la dernière fois en juillet 1988
10 alors qu'il quittait son domicile de Belo Polje. Son corps, lui aussi, a
11 été retrouvé à côté du mur de béton. Comme pour d'autres victimes, son
12 corps présentait des blessures par balles des deux côtés, au niveau du
13 crâne ainsi que des fractions multiples. Une autopsie réalisée en 2005 par
14 des experts étrangers a établi qu'il était décédé suite à des blessures par
15 balles multiples au niveau des jambes et de la tête. On a trouvé autour de
16 son cou une corde nouée qui faisait 1 centimètre d'épaisseur. On a trouvé
17 un projectile venant d'un fusil à côté de son corps.
18 Je vais maintenant vous montrer une photographie qui montre un crâne
19 avec une blessure par balle, et on a retrouvé son corps mélangé avec celui
20 de Zdravko Radunovic. Radunovic a disparu vers le
21 18 juillet 1998. C'est important pourquoi ? Parce que la femme de Radunovic
22 va venir déposer, va nous expliquer que la police lui avait déclaré que son
23 mari avait été enlevé par l'UCK dans le village de Dujak. Son crâne aussi
24 présentait une blessure par balle. Nous avons donc deux corps que l'on
25 retrouve l'un à côté de l'autre, tous les deux avec une balle dans la tête,
26 et une personne qui a été kidnappée par l'UCK en juillet 1998. La Défense
27 ne conteste pas l'identité de ces deux corps.
28 Personnage suivant, victime suivante, Pal Krasniqi, qui est visé aux chefs
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1 31 et 32 de l'acte d'accusation. A côté du corps de Radunovic, on a trouvé
2 celui de Pal Krasniqi. Pourquoi est-ce que c'est important ? C'est
3 important parce qu'il a été vu pour la dernière fois à la prison de
4 Jablanica, la prison de l'UCK. Pal Krasniqi était un Albanais catholique du
5 Kosovo. Le 18 juillet 1998, il s'est rendu au quartier général de l'UCK à
6 Jablanica, le QG qui était sous les ordres de Brahimaj. Il s'est rendu là-
7 bas pour adhérer à l'UCK. Dans les jours qui ont suivi, il a été dénoncé
8 pour activités d'espionnage pour les Serbes à cause de relation qu'il
9 aurait eu avec une femme rom ou serbe. A cause de ces informations, il a
10 été placé en détention à la prison de l'UCK à Jablanica, que je vous ai
11 montrée précédemment. Là, il a été chaque jour victime de sévices avec une
12 batte de baseball dont on lui a donné des coups. Son corps que l'on a
13 trouvé, comme la photographe suivante vous l'indique, présentait de
14 nombreuses fractures qui correspondaient à des coups administrés au moyen
15 d'une batte de baseball. Un examen fluoroscopique réalisé en 2003 a montré
16 la présence d'une balle dans ses restes humains. On a trouvé des blessures
17 par balles au niveau de sa tête, de son tronc et de ses membres supérieurs.
18 Il a été déterminé qu'il était mort de blessures par balles multiples lors
19 des examens menés par les experts étrangers de 2003. La Défense ne conteste
20 pas l'identité de ce corps.
21 Voilà donc encore une fois quelqu'un qui était en détention dans la prison
22 de Brahimaj, qui a été retrouvé à côté du corps de Radunovic qui, lui
23 aussi, a été fait prisonnier par l'UCK, enlevé par l'UCK, à côté des corps
24 de deux autres personnes qui, elles aussi, venaient de disparaître.
25 Victime suivante, chefs 21 et 22 de l'acte d'accusation, Nurije et Istref
26 Krasniqi. Il s'agissait d'un couple albanais qui vivait à Turjak. Un témoin
27 viendra nous expliquer que vers le 12 juillet 1998, des soldats de l'UCK
28 sont venus chez eux, chez ces personnes, chez ce couple, et qu'un chef de
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1 l'UCK a ordonné que ces personnes soient emmenées au quartier général de
2 l'UCK à Glodjane. C'était le QG de l'accusé Haradinaj. Il est possible que
3 ceci s'explique, parce que ce couple avait de bonnes relations avec leur
4 voisin monténégrin, ce qui a peut-être fait penser à l'UCK qu'ils étaient
5 des collaborateurs.
6 Leurs corps ont été trouvés ensemble le 12 septembre 1998 à côté du mur des
7 exécutions. Je vais vous présenter un extrait d'une vidéo réalisée par les
8 autorités serbes le 12 septembre 1998, qui nous montre un gros plan sur les
9 impacts de balles dans le mur à côté du canal.
10 [Diffusion de la cassette vidéo]
11 M. RE : [interprétation] Les marques 14 et 15 nous indiquent les corps de
12 ces deux personnes, Nurije et Istref Krasniqi.
13 Leurs corps ont été retrouvés ensemble le 12 septembre 1998, le jour
14 où cette vidéo a été réalisée à côté du mur des exécutions. Le crâne de
15 Nurije présentait des fractures qui correspondaient à des blessures par
16 balles, et le corps d'Istref Kraniqi a été retrouvé à proximité de celui de
17 son épouse. Un expert étranger en médecine légale a établi qu'il était mort
18 suite à des blessures multiples par balles reçues au niveau du thorax.
19 Je souhaite maintenant vous parler des victimes suivantes, deux sœurs
20 serbes âgées, Vukosava Markovic et Darinka Markovic. Elles sont visées aux
21 chefs 21 et 22 de l'acte d'accusation. Vukosava Markovic est née en 1937 et
22 Darinka Markovic, elle, est née en 1932. Ces deux femmes habitaient à
23 Gornji Ratis. Vous le verrez sur la carte, c'est un endroit qui se situe
24 tout à côté de Rznic et de Glodjane; les QG respectifs de Haradinaj et de
25 Balaj. Au moment de leur disparition entre avril et septembre 1998,
26 c'étaient les dernières Serbes à vivre dans ce village. Leurs corps ont été
27 trouvés à côté du mur en béton du canal, à côté du site des exécutions. La
28 Défense conteste l'identité de ces personnes.
Page 403
1 Autres corps trouvés à proximité du canal, à proximité du mur des
2 exécutions, celui de Kemajl Gashi, visé aux chefs 21 et 22 de l'acte
3 d'accusation. C'était un Albanais du Kosovo qui venait de Pec. Lui encore
4 il a été l'objet d'une accusation familière. Son fils Medin est devenu
5 membre de l'UCK à Baran au cours de l'été 1998. Là, un chef de l'UCK a
6 accusé Kemajl Gashi, le père de Medin d'être un "espion serbe". Son fils
7 qui se trouvait au QG de l'UCK à Baran a entendu son père hurler de douleur
8 dans la pièce adjacente. Plus tard, il a vu son père, ce même jour, au QG
9 de l'UCK à Baran. Ce qui est important, c'est que son corps, le corps de
10 Kemajl Gashi a été retrouvé le 11 septembre 1998, à terre, à côté du mur
11 des exécutions, à côté de celui de Misin Berisha. Une autopsie réalisée en
12 2003, par des experts étrangers, a établi la présence de fractures au
13 niveau de son crâne et de fractures multiples au niveau de son corps, ce
14 qui correspond aux hurlements de douleur entendus par son père de la pièce
15 adjacente. Il est possible que sa mort ait été due à des blessures par
16 balles au niveau de son bassin. La Défense ne conteste pas qu'il s'agisse
17 là de son corps.
18 Un autre exemple, c'est la famille du témoin numéro 4. A partir du mois
19 d'avril 1998, les soldats de l'UCK ont commencé à harceler la famille du
20 témoin numéro 4 qui vivait à Donje Ratis. Les soldats de l'UCK sont entrés
21 par effraction dans leur maison, ils ont fouillé pour trouver des armes,
22 ils les ont menacés. L'accusé Balaj lui-même a participé personnellement
23 souvent à ces attaques. Du côté du mois d'avril ou de mai 1998, les soldats
24 de l'UCK ont amené la sœur du témoin numéro 4 au quartier général de l'UCK,
25 c'est-à-dire au quartier général de Balaj, à Rznic, Balaj, en fait, l'a
26 ramenée deux fois chez elle. Comme de nombreux autres qui se trouvaient là,
27 elle n'a pas été là depuis. Elle n'a pas été depuis la dernière fois,
28 qu'elle est revenue du quartier général de Balaj. On présume qu'elle est
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1 morte, assassinée par l'UCK.
2 Entre le 10 et le 14 août 1998, Balaj et les soldats de l'UCK sont
3 retournés à la maison du témoin numéro 4 et ont interrogé sa mère. Ils
4 l'ont amenée. Un mois plus tard, le 11 septembre 1998 ou vers cette date,
5 le corps de sa mère a été retrouvé près du mur des exécutions à côté d'un
6 corps non identifié. Vous pouvez voir la photographie qui est là et la
7 façon dont elle a été trouvée à côté du mur des exécutions. C'est celle qui
8 dit "R11, mère du témoin numéro 4." Elle a été trouvée sous un corps non
9 identifié. Le corps non identifié a par la suite reçu le chiffre R1.
10 L'importance de ceci c'est qu'en 2003, un expert légiste
11 international, le Pr Hoff-Olsen, a déterminé la cause de la mort de R1
12 comme étant un coup de feu, une blessure par balle à la tête. La mère du
13 témoin 4, trouvée à côté du corps de R1 qui était mort de blessures de
14 coups de feu à la tête, comportait de nombreuses blessures par arme à feu
15 au bassin. Le Dr Marek Gasior, légiste international, a déterminé que les
16 blessures par balles avaient causé la mort du témoin numéro 4. La Défense
17 ne conteste pas le fait que ce corps soit celui de la mère du témoin 4.
18 Maintenant, le témoin 4 avait une autre sœur, et quelque peu plus tard, au
19 cours de l'été ou au début de l'automne 1998, Balaj et d'autres soldats de
20 l'UCK sont revenus à leur maison à Donji Ratis. Ils ont défoncé les portes
21 à coups de pied; ils ont pointé leurs fusils dans la famille, tiré des
22 coups et enlevé la deuxième sœur. Vous vous rappelez que la première sœur
23 avait disparu sans laisser de traces, et que la mère a été trouvée morte à
24 côté du canal.
25 Quelques jours plus tard, le corps de cette deuxième sœur a été trouvé dans
26 une forêt à environ 20 kilomètres de Donji Ratis. Son corps avait une
27 blessure par balle derrière l'oreille, et on l'avait égorgée.
28 Le Dr Gasior, expert international, en 2005, a déterminé la cause de
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1 sa mort comme étant des blessures nombreuses par balles. La Défense ne
2 conteste pas que ce corps trouvé dans la forêt ait été la sœur du témoin
3 numéro 4.
4 Environ 13 corps ont été trouvés flottant sur le canal dans le secteur ci-
5 dessous, en dessous de la cascade de la partie en béton montrée sur la
6 photographie. Dans un moment à l'écran vous verrez la partie inférieure du
7 canal qui montre où les autres corps ont été trouvés.
8 Un ingénieur mécanicien qui faisait fonctionner l'arrivée d'eau du
9 lac, l'entrée de l'eau du lac, viendra dans ce prétoire et pourra témoigner
10 que ces corps n'auraient pas pu entrer dans le canal de l'extérieur d'un
11 territoire contrôlé par l'UCK. Il dira à la Chambre comment le canal a été
12 construit en 1995. Celui-ci comporte 35 à
13 40 cascades. L'eau coule à partir d'un point source à Gornji, ou un peu
14 plus haut en amont à Luka, qui se trouve à plusieurs kilomètres de Rznic.
15 L'eau passe par un certain nombre de grilles en acier, qui n'ont que
16 quelques centimètres de largueur. Il y a également des écluses très grandes
17 de bois, qui sont destinées à empêcher des objets de descendre dans le
18 canal, et ensuite dans le lac. Un objet de plus de 5 centimètres n'aurait
19 pas pu passer par les grilles et entrer dans le canal.
20 En plus, le secteur de Gornji Luka se trouvait sous le contrôle de l'UCK
21 entre mars et septembre 1998. Le secteur le plus proche de l'endroit où les
22 corps ont été trouvés entre Rznic contrôlé par l'UCK, et le site
23 d'exécution à la période pertinente de 1998 - est-ce qu'on pourrait montrer
24 l'image, s'il vous plaît - était plein de débris, de morceaux d'arbres, de
25 sédiments, de vieilles voitures et d'ordures. Juste - vous pourriez un
26 instant en arrière, tout à fait en bas, s'il vous plaît - le secteur qui
27 est montré dans l'image, qui se trouve tout à fait au bas de l'image,
28 remontant jusqu'à Rznic, contenait donc des branches ou des troncs
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1 d'arbres, des sédiments, des vielles voitures et des ordures. Les corps
2 n'auraient pas pu flotter d'un autre endroit que l'endroit où ils ont été
3 trouvés. Ils pouvaient seulement avoir été mis dans le canal depuis un
4 endroit qui se trouvait au cœur du territoire contrôlé par l'UCK.
5 Un autre exemple de contrôle de l'UCK sur ce territoire. Un témoin
6 serbe déposera devant la Chambre pour dire que vers la fin de 1998, il a
7 été arrêté au croisement de la route de Glodjane par environ cinq soldats
8 armés de l'UCK, qui se cachaient derrière le canal en béton passant par la
9 route.
10 Ensuite, en ce qui concerne les chefs d'accusation 15 et 16, c'est de
11 Hoxha et Hajrullah Gashi. Environ du côté du
12 20 juillet 1998, à cette date, un Kosovar albanais et Hajrullah Gashi,
13 Kosovar albanais - qui avait commis l'erreur de se marier avec une Serbe -
14 alors, étant sur un autocar qui allait de Djakovica à Pristina sur une
15 route conduisant à Malisevo, qui est proche de Dulje, Haradinaj lui-même,
16 c'est-à-dire l'accusé Haradinaj, et d'autres membres de l'UCK, sont monté
17 dans le car. Haradinaj a dit qu'il cherchait Hajrullah Gashi et Isuf Hoxha.
18 Haradinaj et les soldats de l'UCK ont fait descendre ces deux hommes du car
19 et les ont fait monter dans une Golf noire sans plaques d'immatriculation
20 et les ont emmenés en direction de Glodjane.
21 Ces deux personnes ont été vues ensemble sous la garde de Haradinaj sur la
22 route de son quartier général à Glodjane. Ces corps ont été trouvés le 12
23 septembre 1992, à environ 670 mètres en aval de la fin du mur en béton près
24 de l'eau.
25 La photographie que je vous ai montrée à l'écran il y a un moment montre le
26 corps de Hajrullah Gashi, tel qu'il a été trouvé par les autorités serbes.
27 La suivante que je vais vous montrer correspond aux chefs d'accusation 21
28 et 22. A environ 10 mètres de ces corps se trouvait le corps de Kujtim
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1 Imeraj, qui avait été enlevé par l'UCK, des soldats de l'UCK qui se
2 trouvaient sous le commandement d'Ukalj Dervic, qui est allé à sa maison à
3 Selo. Il était accusé d'avoir collaboré avec des Serbes. Le résultat de
4 cela, c'est qu'il a été enlevé, assassiné et que son corps a été jeté à
5 côté du canal.
6 La suivante correspond aux chefs d'accusation 17 et 18. Il s'agit d'Illira
7 Frrokaj. Illira Frrokaj était une Albanaise catholique kosovare. Elle a été
8 arrêtée à un point de contrôle de l'UCK à Glodjane par Balaj lui-même ainsi
9 que d'autres membres de l'UCK au mois d'août 1998. Son corps a été retrouvé
10 près de sa voiture, une Opel rouge, que l'UCK avait prise. Le corps a été
11 trouvé brûlé et flottant sur le ventre dans le canal. Son mari, Tush
12 Frrokaj, qui se trouvait avec elle lorsqu'elle a été arrêtée au point de
13 contrôle, n'a jamais été revu. Son corps n'a pas été retrouvé. Son corps a
14 elle a été trouvé dans l'eau à quelques distances en aval du site
15 d'exécution de l'UCK. Ce corps ne pouvait qu'avoir été mis là par l'UCK
16 dans un secteur que l'UCK contrôlait. Un autre corps non identifié qui a le
17 numéro R18 [comme interprété] a été trouvé auprès de son corps dans ce
18 canal.
19 Un autre couple serbe, Milka et Milan Vlahovic, correspondant aux chefs
20 d'accusation 9 et 10, c'était un ménage serbe qui vivait à Gornji Ratis.
21 C'étaient des personnes âgées qui étaient restées sur place après les
22 expulsions et après que tous les autres Serbes se fussent enfuis du village
23 en avril 1998. Milka Vlahovic est née en 1983 [comme interprété], et
24 Milovan Vlahovic né en 1935. Ils ont disparu. On a retrouvé le corps de
25 Milovan dans un petit cours d'eau, dans la partie naturelle du canal. On a
26 trouvé des ossements qui lui appartenaient ainsi qu'une chaussure. Le degré
27 de décomposition du corps correspondait à une mort qui se serait produite
28 entre avril et août 1998. La Défense ne conteste pas que c'est bien ce
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1 corps qui a été correctement identifié. Quant à son épouse qui n'a pas été
2 revue depuis 1998, son corps n'a jamais été retrouvé.
3 Le rapport de "Human Rights Watch," dont j'ai parlé plus tôt, fait état de
4 la disparition de ce ménage. Le rapport indique, comme on le voit à
5 l'écran, en ce qui concerne Milka et Milovan Vlahovic : "A la fois selon le
6 'Humanitarian Law Centre' et 'Amnesty International' la plupart des Serbes
7 de souche ont fui leurs maisons de Gornji Ratis lorsque l'UCK a pris le
8 contrôle du village. Milka, 62 ans; et Milovan, 60 ans, Vlahovic ont décidé
9 de rester dans la zone, actuellement on ignore où ils se trouvent."
10 Comme vous venez de l'entendre sur la mise à jour concernant les lieux où
11 l'un ou l'autre pouvait être, il y a donc ce corps qui a été retrouvé en
12 octobre -- pardon, en septembre 1998.
13 Deux autres corps ont été trouvés. Le corps de Milka c'était celui
14 qui a été retrouvé; le corps de Milovan n'a pas encore été retrouvé. Je me
15 corrige.
16 Deux autres corps ont été trouvés dans une tombe peu profonde à
17 l'intersection d'une route menant à Dasinovac et Ratis. C'étaient les corps
18 de Slobodan Radosevic et Milos Radunovic, deux Serbes qui vivaient à
19 Dasinovac. Que leur est-il arrivé ?
20 Ce qui leur est arrivé c'est qu'environ dix soldats sont venus chez
21 eux. On a entendu des coups de feu et des soldats sont repartis rapidement
22 en direction de Decan. Leurs corps ont été retrouvés en septembre 1998,
23 cette photographie qui est sur le point d'être présentée, montre leur corps
24 tels qu'ils ont été trouvés à côté de la route avec des effets personnels.
25 Un examen de police scientifique a révélé que c'était le crâne de Slobodan
26 Radosevic qui avait un orifice correspondant à une blessure par balle.
27 Leurs disparitions également ont été notées dans le rapport "Human
28 Rights Watch" dont j'ai parlé. A la page 83 de ce rapport, on lit :
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1 "Slobodan, 64 ans; Milica, 59 ans; et Milos Radosevic étaient les seuls
2 Serbes de souche qui étaient restés à Dasinovac lorsque l'UCK a pris le
3 contrôle du secteur le 22 avril."
4 Le 16 septembre -- excusez-moi, il faut que je passe à autre chose.
5 Les protocoles additionnels concernant des personnes dont on présume
6 qu'elles sont mortes, je vais vous exposer la situation, les soldats de
7 l'UCK ont enlevé Ivan Zaric, Agron Berisha et Burim Bejta.
8 Alors qu'ils se trouvaient à l'usine, ils ont été emmenés à Jablanica
9 au quartier général de l'UCK et ont été passé à tabac. Brahimaj a signalé
10 par radio à Haradinaj que ces trois avaient été faits prisonniers.
11 Haradinaj et Balaj sont à ce moment-là apparus au quartier général, mais le
12 passage à tabac a continué. Par la suite, alors que ces hommes étaient en
13 train de servir à manger au commandant de l'UCK, y compris Haradinaj, Balaj
14 lui-même a mutilé un garçon serbe en lui coupant l'oreille avec un couteau.
15 Haradinaj était là assis à continuer à manger de son repas. Brahimaj a dit
16 que : "Des documents pour Drenica seraient émis." C'était un euphémisme
17 pour parler d'exécution. Balaj a emmené les trois en question. Vous
18 entendrez des dépositions selon lesquelles ces trois n'ont jamais été
19 revus. La dernière fois qu'on les a vus vivants c'était en présence des
20 trois accusés. Ils ont été assassinés. C'est la seule déduction qu'on
21 puisse faire en combinant tous éléments de preuve que vous entendrez.
22 Le rapport "Human Rights Watch" a relaté cet incident en août 1998 dans son
23 rapport. Il précise : "Enlèvements de Rom. D'après le 'Humanitarian Law
24 Centre' et le journal "Blic", Burim Bejta et Agron Berisha, tous deux des
25 Rom; ainsi qu'Ivan Zaric, Serbe de souche; ont quitté Dolac le 20 mai du
26 village de Grabanica. Depuis le mois d'août 1998, on ignore toujours ce
27 qu'ils sont devenus."
28 Ni où ils se trouvent, en ce qui concerne les témoins que
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1 l'Accusation a interviewé depuis le rapport établi par "Human Rights
2 Watch".
3 Les conclusions concernant les corps trouvés près du mur d'exécutions
4 près du canal ne sont pas une coïncidence. J'ai parlé tout à l'heure des
5 observateurs de la MOCE qui sont allés jusqu'au canal, donc les
6 observateurs qui avaient été retenus par Balaj et l'UCK qui avaient été
7 relâchés par Haradinaj en août 1998. Ils sont allés à la zone du canal 18
8 septembre 1998. Un observateur indépendant, qui était un officier et celui
9 qui a été accusé d'être un espion serbe, il viendra déposer devant la
10 Chambre. Il dira dans sa déposition que lorsqu'il est allé là-bas : "Sur
11 les murs du canal, on pouvait voir clairement les impacts de balle qui
12 évidemment attestaient que des personnes avaient été tuées là." Il était là
13 pendant que des corps ont été exhumés. Vous verrez une séquence vidéo où
14 vous pourrez voir que l'on retrouve des corps, et on peut voir les impacts
15 de balle juste au-dessous des pelles.
16 [Diffusion de cassette vidéo]
17 M. RE : [interprétation] Pendant que vous regardez ceci un instant, une
18 vidéo a été prise par des Serbes -- les autorités serbes au cours de
19 l'exhumation des corps en septembre 1998.
20 Les observateurs ont vu ces corps; ils étaient dans un état avancé de
21 décomposition. Cet observateur qui s'était trouvé dans le secteur et qui
22 avait observé les affrontements entre l'UCK et le MUP et des militaires
23 serbes, et qui savait qui contrôlait le territoire, à quel moment et où, il
24 était clair pour lui que tous avaient été tués lorsque l'UCK avait pris le
25 contrôle du secteur. Il déposera devant la Chambre pour dire que pas un
26 seul Serbe n'était présent dans le secteur jusqu'à l'attaque serbe et que
27 ceci se situait vers la fin du mois d'août et début de septembre 1998. Tout
28 ceci est parfaitement logique par rapport aux éléments de preuve que je
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1 viens de vous présenter en ce qui concerne le moment auquel les personnes
2 ont été pour la dernière fois vues vivantes et le moment où leurs corps ont
3 été retrouvés.
4 A plusieurs centaines de mètres de ces fosses, on peut voir sur une
5 grande photographie, les Aigles noirs et leur terrain d'exercice à
6 l'exploitation agricole Ekonomija. Il était tout à fait évident que les
7 Aigles noirs, pour les observateurs, étaient ceux qui avaient été pris en
8 otage des mois précédents par l'UCK. Vous pouvez voir la carte que j'ai
9 montrée tout à l'heure pour le prétoire électronique, l'exploitation
10 agricole Ekonomija se trouve à une très faible distance à mi-chemin entre
11 le canal de ciment et l'endroit où les corps ont été trouvés et le quartier
12 général de Glodjane et la maison de Haradinaj. Vous pouvez voir la route
13 qui conduit depuis le quartier général de l'UCK jusqu'à l'exploitation
14 agricole Ekonomija et le canal en béton.
15 Pour Skender Kuqi, correspondant aux chefs d'accusation 31 et 32, il
16 s'agit d'une personne dont le corps n'a pas été retrouvé au site
17 d'exécution ni à aucun endroit près du lac Radonjic. C'est une personne qui
18 a été assassinée alors qu'elle était sous la garde de l'UCK, mais qui est
19 morte à l'hôpital. Il était un Albanais kosovar de Zahac. Comme bien
20 d'autres, il a été enlevé par les soldats de l'UCK. Il a été enlevé le 11
21 juillet 1998 et emmené au quartier général de l'UCK à Jablanica. Puis,
22 alors qu'il était détenu avec Pal Krasniqi, dont le corps, comme je vous
23 l'ai dit plus tôt, a été trouvé près du site d'exécution, il a été très
24 violemment battu avec des objets contondants. Il a essayé à un moment donné
25 de s'échapper de la prison de Jablanica avec M. Kraniqi, mais leur
26 tentative a échouée. L'UCK leur a tiré dessus, ils ont été repris et remis
27 en détention par l'UCK. Des membres de l'UCK, y compris les deux accusés
28 qui se trouvent actuellement dans le prétoire, Brahimaj et -- y compris
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1 l'accusé Brahimaj l'ont passé à tabac.
2 Le témoin 12 viendra témoigner ici. Il parlera donc de -- Nous avons
3 entendu Brahimaj accuser Kuqi d'espionnage pour les Serbes. Cette
4 accusation était une accusation assez habituelle que l'on faisait contre
5 les personnes dont les corps ont, par la suite, été trouvés ayant subi des
6 passages à tabac.
7 Alors qu'il se trouvait en détention à Jablanica, Skender Kuqi a été
8 battu si fort par Brahimaj et d'autres soldats de l'UCK, que son corps a
9 complètement enflé, qu'il ne pouvait plus respirer à cause des blessures
10 qu'il avait aux côtes. Un rein a éclaté et sa langue à commencer à pendre
11 de sa bouche. Il semblait mort. Mais Haradinaj qui était présent a ordonné
12 qu'on l'emmène à l'hôpital. Ceci était du côté du 16 juillet 1998 et il est
13 mort à l'hôpital.
14 Sur les 13 corps qui ont été trouvés dans l'eau du canal, huit
15 portaient des blessures par balle, souvent des fractures multiples
16 correspondant également à des coups de feu. Tous avaient de multiples
17 fractures. Aucune de ces blessures ne pouvait correspondre à une chute et
18 d'autres blessures infligées avant la mort. Dix-huit à 20 corps ont été
19 trouvés sur le terrain près du mur en béton; 17 portaient des blessures par
20 balle, souvent de multiples blessures par balle et pour la plupart des
21 blessures au crâne, à la tête et au torse.
22 Les éléments de preuve montrent que leur mort est due essentiellement
23 à des blessures par balle et ceci correspond tout à fait à ce à quoi on
24 pouvait s'attendre avec le site d'exécution et le mur.
25 D'autres éléments de médecine légale, ce sont les douilles qui ont
26 été trouvées sur place. Des douilles ont été trouvées au pied du mur qui
27 avait ses impacts de balles où les corps ont été trouvés. Au total, il y
28 avait 124 douilles qui ont été trouvées en trois endroits : Dasinovac,
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1 l'exploitation agricole Ekonomija et le lac Radonjic. Je voudrais expliquer
2 l'importance de tout ceci.
3 Je voudrais revenir au 24 mars 1998. Il y avait eu une altercation,
4 une dispute entre l'UCK et le MUP dans le village de Dubravija. Les forces
5 du MUP avaient bloqué le secteur et ont pu trouver des douilles de balle.
6 L'Accusation présentera des rapports, des examens balistiques montrant que
7 l'analyse a montré qu'il y avait des schémas correspondant, trouvés le 24
8 mars 1998 à Gramocelj lorsque le MUP avait pourchassé et capturé deux
9 soldats de l'UCK.
10 On reproche également aux accusés, les chefs d'accusation 35, 36 et
11 37, à savoir viol, persécution, crime contre l'humanité et un crime de
12 guerre. Les témoins numéro 1 et 2 vivaient à Rznic; ce n'étaient pas des
13 Albanais kosovars. En juillet ou en août 1998, Balaj est venu chez eux avec
14 des soldats de l'UCK et les a enlevés et les a emmenés à son quartier
15 général très proche. Balaj a jeté le témoin numéro 1 dans un puits. Il a
16 pris le témoin 2 qui était la femme du témoin numéro 1, il l'a fait entrer
17 et elle l'a interrogée, les mêmes accusations ont été portées contre le
18 fait qu'elle aurait collaboré avec des Serbes. Le témoin numéro 2 viendra
19 déposer devant la Chambre qu'il a ordonné aux autres soldats de quitter la
20 pièce, puis Balaj lui-même, à plusieurs reprises l'a violée.
21 Un autre crime de guerre grave qui fait l'objet de l'Accusation est
22 celle d'enlèvement, je vous parle maintenant des chefs 33 et 34. Du côté du
23 23 mai 1998, des soldats de l'UCK ont enlevé Naser Lika et Fadil Fazlija,
24 des Albanais kosovars résidant à Grabanica qui ont été enlevés dans le
25 village de Zabelj. Dans leurs cas, leurs crimes avaient été d'aider la
26 Ligue démocratique du Kosovo. Ils ont été emmenés au quartier général de
27 l'UCK à Jablanica, c'est-à-dire au quartier général de Brahimaj où les
28 trois accusés et d'autres membres de l'UCK les ont menacés. Haradinaj, lui-
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1 même, leur a dit qu'ils ne pourraient pas vivre au Kosovo à moins d'aider à
2 libérer le village des Serbes.
3 Plus tard, vers la mi-juillet 1998, ils ont été relâchés. Plus tard,
4 à la mi-juillet 1998, Brahimaj lui-même et d'autres membres de l'UCK ont
5 enlevé Naser Lika de chez lui. Ils l'ont forcé d'entrer dans le coffre
6 arrière d'une voiture et ont emmené Lika au quartier général à Jablanica.
7 Haradinaj était présent. Haradinaj a personnellement ordonné à ses hommes
8 de le passer à tabac, disant à un des soldats de l'UCK nommé Bandash :
9 "Allez-y avec le boulot" voulant dire de battre Lika. Bandash a attaqué
10 Lika avec une batte de baseball, Balaj l'a menacé de mort et Haradinaj lui
11 a craché au visage.
12 Il a été gardé là pendant trois jours dans la cave remplie d'eau de
13 Jablanica qui est maintenant à l'écran. On le ramenait régulièrement pour
14 le passer à tabac. La photographie à l'écran prise quelques années plus
15 tard montre la cave remplie d'eau, mais le témoin dira que c'était dans des
16 conditions analogues à l'époque. Lika a réussi à s'échapper après que
17 Brahimaj ait vu qu'il pouvait faire la cuisine. Il l'a employé dans la
18 cuisine, donc il a pu s'échapper de là.
19 Le centre de détention de Jablanica a fonctionné à partir d'avril
20 1998. L'UCK sous le contrôle et la direction des trois accusés a établi et
21 fait fonctionner cette prison pour détenir, maltraiter et terroriser ceux
22 qu'ils percevaient comme étant des ennemis; des personnes qu'ils estimaient
23 être des collaborateurs du régime serbe et des opposants de l'UCK.
24 C'étaient des personnes telles que Rom kosovars, des Catholiques, des
25 Albanais kosovars, des personnes qui étaient particulièrement vulnérables,
26 si on les appelait des collaborateurs, des espions ou des ennemis de l'UCK.
27 Ils ont été traités en fonction de cela.
28 La création et le fonctionnement de ce centre de détention dont on
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1 montre les bâtiments maintenant correspondent exactement à la politique de
2 l'UCK que j'ai décrite; politique relevant d'une entreprise criminelle
3 commune, d'une campagne de terreur pour ceux qui étaient considérés comme
4 des opposants de l'UCK dans la zone de Dukagjin. Ceci correspond exactement
5 à la politique bien connue de l'UCK.
6 Par exemple en août 1998, l'UCK a, en fait, déclaré dans un
7 communiqué public que : "Des mesures préventives seraient également prises
8 contre certains éléments de la collaboration."
9 Comme je vous l'ai dit plus tôt, vous avez entendu le résultat de ces
10 mesures punitives ou préventives qui ont été prises contre les éléments
11 accusés de collaboration. Donc, c'était punitif et préventif.
12 Bien que Haradinaj ait commandé cette installation, Haradinaj s'y
13 rendait en visite régulièrement. Parmi les différents membres de l'UCK qui
14 ont participé à des tortures là-bas, Balaj était le plus connu pour sa
15 brutalité.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, est-ce que vous avez une
17 idée du temps qu'il va vous falloir encore ? Parce que, comme je vous l'ai
18 dit deux volets d'audience pour vous, un pour la Défense. C'est cela qui a
19 été prévu. Nous sommes prêts des deux tiers du temps accordé.
20 M. RE : [interprétation] Je vais finir, bien sûr. A quel moment voulez-vous
21 suspendre la séance ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'avais à l'esprit que nous allions
23 avoir une suspension de séance dans approximativement cinq minutes, que
24 nous aurions une suspension de 20 minutes. Puis, la Défense aurait à ce
25 moment-là une heure 20 minutes.
26 Oui, Monsieur Re, vous nous avez dit quatre fois qu'il y avait de
27 l'eau dans la cave. Je veux dire juste pour vous donner un exemple. Après
28 la première fois, nous avons compris cela. Nous avons vu les photographies
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1 plusieurs fois et vous continuez d'en parler. Si vous vouliez essayer de
2 vous centrer et de vous concentrer, et le renseignement une fois, et comme
3 cela si vous pouviez en terminer -- est-ce que sept minutes suffiront ?
4 Allez-y, s'il vous plaît.
5 M. RE : [interprétation] Il est également reproché aux accusés un certain
6 nombre de chefs d'accusation tels que la déportation, l'expulsion. Les
7 observateurs pour les droits de l'homme diront devant la Chambre qu'ils ont
8 interrogé des membres terrifiés des populations serbes du côté du mois
9 d'avril 1998. Ils le diront qu'à la suite de la campagne délibérée de l'UCK
10 pour expulser des civils serbes, à partir de mi-avril 1998, la plupart des
11 Serbes avaient fui l'UCK, les zones contrôlées, à cause de la terreur et
12 étaient allés à Decani, qui se trouvait en ce moment-là sous le contrôle
13 serbe.
14 Ils vous diront qu'au mois de mai, la zone de Dukagjin de l'UCK, sous
15 le contrôle du commandant de Haradinaj avait considérablement atteint leur
16 objectif. Utilisant les tactiques que j'ai décrites dans ce que j'ai dit
17 tout à l'heure --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, maintenant ce sont les
19 interprètes qui sont les victimes du fait que vous avez accéléré. Je vois
20 que la traduction française a quelques lignes de retard, pourriez-vous,
21 s'il vous plaît, essayer de finir à une vitesse normale en cinq minutes.
22 M. RE : [interprétation] Oui.
23 En utilisant les tactiques que j'ai décrites dans la première partie
24 de mon intervention cet après-midi, ils décriront ensuite comment en 1998,
25 l'UCK, sous la contrôle de Haradinaj dans la zone de Dukagjin avait en gros
26 atteint leur objectif en chassant tous les Serbes.
27 On reproche aux accusés les crimes contre l'humanité. Le critère de
28 crime contre l'humanité est l'attaque systématique et étendue contre une
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1 population civile. D'après ce que j'ai décrit aujourd'hui, à ces endroits,
2 la nature systématique de ce qui s'est passé, les zones concernées dans ce
3 secteur, cette attaque était généralisée, elle était systématique.
4 Comme vous pouvez le voir sur l'image qui apparaît à l'écran, la
5 partie en jaune montre les endroits où il y a eu des assassinats, la partie
6 en vert montre les lieux de détention, la partie en rouge montre les
7 endroits où il y a eu des enlèvements, les points rouges montrent les
8 endroits où il y a eu des enlèvements. Sur cette carte, rien qu'en
9 regardant cette carte, on voit immédiatement où les attaques contre la
10 population civile ont eu lieu. Elles couvraient l'ensemble de cette zone,
11 il s'agissait là d'une attaque systématique, coordonnée, et d'une attaque
12 délibérée.
13 Une fois que les Juges de la Chambre auront entendu tous les éléments de
14 preuve, ils seront certainement convaincus du fait que les accusés ont
15 coordonné et ont participé et ont utilisé d'autres personnes pour procéder
16 à cette attaque généralisée systématique contre la population civile dans
17 la zone de Dukagjin entre le mois de mars et le mois de septembre 1998.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Re. Avant que
19 nous ne fassions une pause, je me tourne vers Me Emmerson. Maître Emmerson,
20 savez-vous à présent si l'accusé Haradinaj souhaite faire une déclaration
21 en vertu de l'article 84 bis du Règlement, question qui n'était pas claire
22 jusqu'ici ?
23 M. EMMERSON : [interprétation] Non.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. J'imagine que vous pourrez achever
25 votre déclaration liminaire en l'espace d'une heure vingt minutes.
26 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Dans ce cas, nous allons suspendre
28 l'audience pendant 20 minutes, et nous nous retrouverons à 17 heures 40.
Page 420
1 --- L'audience est suspendue à 17 heures 51.
2 --- L'audience est reprise à 17 heures 42.
3 [Déclaration liminaire de la Défense Haradinaj]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, je vous en prie.
5 M. EMMERSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Je vous demanderais d'examiner votre écran pour voir une carte présentée
7 par le biais du système e-court. Vous devriez avoir une carte sur votre
8 écran.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement, je vois une carte.
10 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
11 tout comme Mme le Procureur l'a dit dans sa déclaration liminaire, l'acte
12 d'accusation dans cette affaire diffère à bien des égards d'actes
13 d'accusation dont a à connaître ce Tribunal généralement. Il n'y a pas
14 d'allégation d'assassinat de masse ou alors de destruction généralisée de
15 maisons ou de biens.
16 En réalité, cet acte d'accusation est à peine plus qu'un patchwork
17 d'allégations individuelles formulées à l'encontre des co-accusés de M.
18 Haradinaj, qui sont tenus ensemble et étayés par les déclarations d'une
19 poignée de témoins - à peine trois ou quatre - qui affirment qu'ils ont vu
20 Ramush Haradinaj et que ce dernier était présent lorsque tel ou tel crime a
21 été commis. Chacun de ces témoins, à notre avis, n'est pas fiable, et les
22 dépositions de ces témoins à l'encontre de M. Haradinaj sont infondées.
23 Indépendamment de ces chefs d'accusation, la thèse de l'Accusation se fonde
24 sur une entreprise criminelle commune. Pour vous montrer à quel point cette
25 allégation est infondée, il me faudra revenir pendant ce procès de façon
26 détaillée sur la constitution et sur l'évolution de l'Armée de libération
27 du Kosovo au Kosovo occidental. Il me faudra mettre en parallèle cette
28 création et cette évolution avec les objectifs et les buts des forces
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1 serbes dans la région.
2 L'Accusation vous a demandé d'être particulièrement attentifs à la
3 géographie; nous sommes du même avis. Mais nous aimerions également que
4 vous examiniez attentivement la chronologie. Je vais revenir sur ces deux
5 aspects dans ma déclaration liminaire.
6 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'acte d'accusation couvre une
7 période en 1998 où l'Armée de libération du Kosovo s'efforçait de se
8 constituer. Pendant le premier semestre de l'année 1998, l'UCK était
9 constituée d'un petit nombre de combattants engagés, comme Ramush
10 Haradinaj, ainsi que d'un nombre plus important de volontaires mal équipés
11 et mal entraînés. En réalité, la structure était horizontale plus que
12 verticale.
13 Ce qui explique certainement pourquoi l'Accusation n'accuse pas M.
14 Haradinaj en vertu de la responsabilité du supérieur hiérarchique en vertu
15 de l'article 7(3) du Statut. Car à ce moment-là l'UCK ne disposait pas
16 d'une structure de commandement formelle ou efficace, et les combattants de
17 l'UCK étaient essentiellement des villageois qui rentraient chez eux
18 lorsqu'ils ne participaient pas au conflit. M. Haradinaj, en réalité, ne
19 commandait que ceux qui décidaient de bien vouloir le suivre un jour donné.
20 Compte tenu de cette réalité, l'Accusation a dû avoir recours à
21 l'allégation la plus vague possible en matière d'entreprise criminelle
22 commune, et l'Accusation affirme que M. Haradinaj serait responsable des
23 actes de tous les Albanais du Kosovo armés dans la région de Dukagjin, dès
24 le début de la période couverte par l'acte d'accusation, car il aurait dû
25 participer à un accord implicite en vue de perpétrer des crimes de guerre
26 pour assurer le contrôle sur un certain territoire.
27 Or, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, aucun élément ne
28 permet de démontrer qu'un tel accord ait existé.
Page 422
1 L'Accusation affirme que M. Haradinaj doit être tenu responsable de tous
2 méfaits qui auraient été commis dans la région de Dukagjin entre le mois de
3 mars et le mois de septembre 1998, ce qui élargit la portée du concept de
4 l'entreprise criminelle commune à tel point que cela rend ce concept
5 intenable, et que cela le vide de son sens.
6 Il n'existait pas de conspiration criminelle. Les objectifs de l'UCK
7 au Kosovo étaient de protéger la population locale contre l'agression serbe
8 et de se battre pour un Kosovo indépendant et libéré.
9 Comme Mme le Procureur l'a dit elle-même, leur cause a désormais été
10 reconnue par la communauté internationale et les négociations sur l'avenir
11 du Kosovo ont progressé au moment où s'ouvre ce procès. L'envoyé spécial
12 des Nations Unies a formulé une recommandation devant le Conseil de
13 sécurité en vue de la création d'un état sous supervision. Le Kosovo est
14 proche de l'indépendance, c'est là une situation bien reconnue.
15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce processus s'est déroulé en
16 l'absence de l'un des hommes politiques les plus influents du Kosovo, un
17 homme qui a exercé une influence en tant qu'unificateur et en tant que
18 défenseur du désespoir de sa nation aux termes d'indépendance vis-à-vis la
19 Serbie.
20 J'aimerais vous dire quelques mots au sujet de M. Haradinaj, en tant
21 que politicien et en tant que soldat.
22 M. Haradinaj était président de l'Alliance pour l'avenir du Kosovo, l'AAK,
23 en tant que tel, il a conclu un accord portant création d'un gouvernement
24 de coalition 2004 avec la Ligue démocratique du Kosovo, la LDK, dirigée à
25 l'époque par le président pacifique du Kosovo, Ibrahim Rugova.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, je me souviens que le
27 Procureur a dit que l'évolution récente de la situation politique n'était
28 pas pertinente.
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1 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, je vous propose de vous
3 concentrer sur les éléments de preuve en l'espèce, et je me demande dans
4 quelle mesure cela est pertinent. Par ailleurs, j'ai examiné différentes
5 déclarations liminaires et j'ai pu constater, à plusieurs reprises, peut-
6 être que ce n'était pas dans le droit britannique, mais M. Guy-Smith pourra
7 nous dire s'il pourra nous éclairer, le fait d'indiquer à l'avance si les
8 témoins diront la vérité ou non. Il ne doit pas apparaître dans la
9 déclaration liminaire.
10 Me Guy-Smith semble d'accord; par conséquent, il semblerait que cela soit
11 la même chose dans différent système. Nous voyons mal quelle est la
12 pertinence en l'espèce, surtout compte tenu de l'intervention de Me Guy-
13 Smith au sujet de la teneur politique de la déclaration liminaire de Mme
14 Del Ponte même si cette déclaration liminaire n'avait pas de caractère
15 politique, cette Chambre estime qu'il faut établir si les accusés sont
16 coupables des crimes mentionnés dans l'acte d'accusation.
17 M. EMMERSON : [interprétation] Puis-je me permettre d'indiquer la chose
18 suivante : la pertinence de cette partie - qui sera très brève - est la
19 suivante : compte tenu de l'attitude de M. Haradinaj vis-à-vis des
20 minorités au Kosovo, c'est-à-dire l'un des points sur lequel la Chambre
21 devra se prononcer, la caractéristique de
22 M. Haradinaj en tant que dirigeant politique était qu'il était attaché à la
23 protection de la minorité ethnique au Kosovo et à leur intégration.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, par la suite ?
25 M. EMMERSON : [interprétation] Par la suite, mais les Juges de la Chambre
26 souhaiteront peut-être réexaminer l'historique de cette perspective.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous avons bien compris.
28 M. EMMERSON : [interprétation] Nous affirmons que c'est précisément cette
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1 caractéristique-là, plus que toutes autres, qui faisait de lui une menace
2 pour ceux qui s'opposaient à l'indépendance du Kosovo. Et comme vous le
3 savez, dès que l'acte d'accusation a été émis, il a immédiatement annoncé
4 sa démission en tant que premier ministre, il s'est immédiatement rendu à
5 La Haye et il s'est rendu. Dans son discours de démission, il a exhorté le
6 gouvernement de continuer à respecter les principes de tolérance mutuelle,
7 de respect de la primauté du droit et d'appui aux minorités ethniques.
8 J'attire votre attention sur un rapport publié à l'époque par
9 l'International Crisis Group, l'ICG, qui affirme : "M. Haradinaj a exprimé
10 sa gratitude au représentant spécial du secrétaire général des Nations
11 Unies, au commandant de la KFOR qui lui a permis d'assurer une présence
12 internationale au Kosovo et d'empêcher toute réaction négative. Sa dernière
13 rencontre avec les ministres serbes et bosniaques lui a permis d'indiquer
14 qu'il n'y aurait pas d'attaques sur la minorité serbe. C'est ce qu'il a
15 essayé de transmettre également comme message sur le terrain." Voilà donc
16 pour ce qui est de M. Ramush Haradinaj, homme politique, mais j'aimerais
17 maintenant revenir à Ramush Haradinaj en tant que soldat.
18 Il a livré une guerre honorable et il a toujours ciblé des
19 combattants et non pas des civils. Confronté à la puissance des forces
20 serbes combinées, il s'est efforcé d'organiser la défense de la population
21 albanaise aux environs de sa ville d'origine, Glodjane, au Kosovo
22 occidental. Lorsqu'il a affronté les forces serbes, il a toujours montré
23 l'exemple, il ne s'attendait pas à ce que les volontaires de l'UCK livrent
24 des batailles qu'il ne s'est pas préparé à livrer lui-même. Il ne faisait
25 pas partie de ces généraux qui donnent des ordres du confort de leur
26 fauteuil, mais il a participé activement, il était un combattant
27 indépendant et efficace.
28 Il n'a jamais eu pour objectif militaire de s'en prendre à des civils
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1 serbes ou à d'autres civils. Il n'a jamais toléré, ni ordonné des mauvais
2 traitements de détenus, et par conséquent, ce type de comportement ne
3 correspond pas à ce qu'il avait coutume de faire.
4 Voilà donc qui vous montre quel type de personne il était sur le plan
5 politique et militaire.
6 J'aimerais revenir sur un certain nombre de faits, à présent. Le Kosovo a
7 été décrit, à juste titre, comme étant l'endroit où tout a commencé et où
8 tout se termine dans le conflit qu'a connu l'ex-Yougoslavie.
9 Pendant la deuxième moitié des années 1980, les dirigeants serbes, et plus
10 particulièrement Slobodan Milosevic, ont envisagé la création d'une Grande-
11 Serbie, un Etat serbe centralisé qui engloberait les zones serbes de
12 Croatie et de Bosnie, qui inclurait également le Kosovo comme berceau de la
13 culture et de l'Eglise orthodoxe serbe.
14 L'objectif était d'adopter des amendements constitutionnels qui priveraient
15 le Kosovo de son statut autonome et qui modifierait l'équilibre ethnique au
16 Kosovo par le biais d'une politique de discrimination, de répression, et en
17 fin de compte, de nettoyage ethnique.
18 Cela devait être réalisé en trois étapes : premièrement, la révocation de
19 l'autonomie du Kosovo dans le cadre de la constitution qui était la
20 constitution de la République fédérale de Yougoslavie à l'époque; par
21 ailleurs, une décennie de politique de répression contre la population
22 albanaise; et enfin, en 1998, une répression militaire de la résistance
23 armée albanaise qui a été utilisée comme prétexte pour lancer une attaque
24 contre la population civile albanaise dans son ensemble, le but étant
25 d'expulser cette population du Kosovo. Si vous me le permettez, j'aimerais
26 aborder brièvement les deux premières étapes, puis de façon brève, la
27 troisième.
28 Fin 1988 et début 1989, l'assemblée serbe a adopté des amendements à
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1 la constitution de République fédérale de Yougoslavie qui annulaient, en
2 effet, l'autonomie du Kosovo. Des manifestations de masse ont eu lieu au
3 Kosovo, dont de nombreuses ont été violemment réprimées par la police
4 antiémeute serbe. Des arrestations massives sont intervenues et 100
5 personnes ont été tuées.
6 Un an plus tard, l'assemblée serbe a adopté un ensemble de mesures
7 législatives visant à priver la population albanaise majoritaire du Kosovo
8 de ses droits. Des Albanais ont été licenciés, des institutions politiques
9 et économiques, des transactions immobilières albanaises ont été annulées,
10 l'on a supprimé des possibilités d'instruction et d'enseignement en langue
11 albanaise, des enseignants et des étudiants ont été exclus des universités.
12 Plus de 80 000 Albanais ont perdu leur emploi.
13 Entre 1994 et 1997, la situation s'est encore dégradée au Kosovo. Le
14 régime serbe a adopté une politique plus violente et plus répressive.
15 Au début de l'année 1998, l'historien Noël Malcolm a décrit la
16 situation en ces termes : "Si l'on souhaitait rendre compte de façon
17 appropriée des violations des droits de l'homme qu'ont connu les Albanais
18 du Kosovo depuis 1990, cela exigerait de longs chapitres.
19 "Tous les aspects de la vie ont été touchés, des arrestations
20 arbitraires, des violences policières qui sont monnaie courante, mais
21 également des descriptions particulièrement crues de passages à tabac avec
22 des matraques, de décharges électroniques sur les parties génitales, et
23 cetera.
24 "Une stratégie globale visant à persuader les Albanais de quitter le
25 Kosovo en rendant leurs conditions de vie intolérable était en cours."
26 Pendant cette décennie de répression, un certain nombre de parties
27 politiques sont apparues avec la Ligue démocratique du Kosovo, la LDK, qui
28 a été constituée en 1989 et sous la direction d'Ibrahim Rugova, la LDK
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1 prônait une solution pacifique pour le Kosovo et un dialogue avec Belgrade.
2 Le Mouvement populaire pour le Kosovo, le LDK, quant à lui, était
3 favorable à une recherche plus active d'une solution, y compris par le
4 biais d'une insurrection armée, si nécessaire.
5 Des poches de résistance armée sont apparues, mais ce n'est qu'à la
6 fin de l'année 1997 que l'Armée de libération du Kosovo --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demanderais de ralentir
8 parce que le compte rendu d'audience ne suit pas.
9 M. EMMERSON : [interprétation] Bien, je vais attendre que le compte
10 rendu d'audience rattrape.
11 Puis-je y aller ?
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
13 M. EMMERSON : [interprétation] J'étais en train de dire que c'était à
14 la fin de l'année 1997 que l'Armée de libération du Kosovo est intervenue
15 par la première fois en public.
16 A l'époque, le président Milosevic et ses partisans avaient décidé de
17 lancer la prochaine étape de leur plan pour le Kosovo, à savoir la
18 destruction des villages albanais qui étaient perçus comme étant des
19 bastions de la résistance armée au régime serbe. Début 1998, l'ordre a été
20 donné de mettre en application ce plan et d'armer la population civile
21 serbe au Kosovo.
22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les premières attaques
23 serbes sont intervenues fin février et début mars 1998. Peut-être les Juges
24 de la Chambre trouveront-ils utiles d'examiner la configuration
25 géographique avec les villes principales du Kosovo. Prishtine, ici, pays
26 donc à la capitale; Peje à l'ouest; Gjakove dans le sud de la zone de
27 Dukagjin; et Kline, dans la partie est de la région de Dukagjin; Prizren au
28 sud; et Ferizaj au sud-est, près de la frontière sud-est du Kosovo.
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1 Le 28 février 1998, les forces serbes ont lancé une attaque contre
2 deux villages de la région de Drenica : Qirez et Likoshan. Elles ont
3 attaqué sans avertissement en s'en prenant de façon indiscriminée aux
4 civils. Des hélicoptères, des véhicules blindés, des mortiers et des
5 mitrailleuses ont été utilisés. Au terme de cette attaque qui a duré une
6 journée, 26 Albanais, y compris une femme enceinte, ont été tués, dont bon
7 nombre ont été abattus à bout portant. Au moins 12 de ces personnes ont été
8 exécutées après avoir été arrêtées.
9 Le 5 mars, les forces serbes ont attaqué la propriété familiale d'un
10 dirigeant de l'UCK, Adem Jashari, à Prekaz. C'est là un événement qui a eu
11 une signification particulière pour les Albanais du Kosovo. Les forces
12 spéciales de police ont pilonné la propriété familiale des Jashari, puis
13 ont exécuté tous ceux qui ont survécu, et 58 personnes ont été tuées, y
14 compris 18 femmes et dix enfants de moins de 16 ans. Au même moment, une
15 attaque était lancée contre le village de voisin de Laushe. Au total, 80
16 Albanais du Kosovo ont été tués dans ces opérations brutales, y compris des
17 femmes, de jeunes enfants et des personnes âgées.
18 Voilà, donc le contexte de ce qui s'est passé le 24 mars, parce que
19 ce n'est quelques semaines à peine après ces événements, le 24 mars, que
20 les forces serbes ont lancé une attaque contre la propriété de la famille
21 Haradinaj à Gllogjan. Les hommes de la famille Haradinaj ont riposté, et en
22 l'occurrence, ils ont par leurs tirs permis aux femmes et aux enfants de
23 s'enfuir. Ils les ont couverts et ils ont fait front face aux forces serbes
24 pour pouvoir eux-mêmes s'enfuir une fois la nuit tombée. M. Haradinaj a été
25 grièvement blessé.
26 Pendant la journée, les forces serbes ont utilisé des armes lourdes,
27 y compris un canon Praga de type de 30-millimètres, des véhicules blindés,
28 des hélicoptères. Des parties importantes du village ont été détruites, et
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1 trois adolescents ont été tués par les forces serbes alors qu'ils étaient
2 en train de fuir pour se mettre en sécurité.
3 Apparemment, des enfants en âge de scolarité auraient été utilisés
4 par les forces serbes comme bouclier humain, et qu'un couple de personnes
5 âgées a été visé alors qu'ils se trouvaient dans leurs maisons et des
6 attaques simultanées ont été lancées contre des villages voisins, y compris
7 le village d'Irzniq. Ces villages ont été vidés. La population civile a
8 pris la fuite.
9 Ce qui correspond à la première date importante dans l'acte
10 d'accusation. Il ne s'agissait pas là des seules attaques militaires serbes
11 à l'époque, loin de là. A partir du 24 mars, Gllogjan et les villages
12 environnants ont fait l'objet d'attaques constantes, pratiquement
13 constantes des forces serbes qui étaient postées sur les élévations se
14 trouvant à quelques kilomètres au sud. Aux alentours de Pâques 1998, une
15 unité de chars de la VJ a attaqué Decan et a détruit une grande partie de
16 la ville.
17 Suite à ces attaques, de nombreuses personnes et des Serbes, des Rom,
18 des Albanais ont quitté cette zone pour échapper au combat.
19 Les attaques serbes les plus graves, les plus importantes ont eu lieu
20 à l'occasion de trois offensives principales entre le mois de mai et le
21 mois de septembre. Il s'agit là des jalons principaux de la campagne serbe
22 au Kosovo occidental pendant la période couverte par l'acte d'accusation.
23 Premièrement, vers la fin mai; deuxièmement, vers la fin du mois de
24 juillet et le début du mois d'août; troisièmement, au début du mois de
25 septembre. Je dirais quelques mots, si vous me le permettez, de chacune de
26 ces attaques, parce qu'il s'agit là d'éléments essentiels permettant de
27 comprendre les objectifs militaires de l'UCK dans la région de Dukagjin. Il
28 s'agit également d'éléments essentiels pour apprécier efficacement la thèse
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1 de l'Accusation quant à la situation sur le terrain.
2 Dans la deuxième moitié du mois de mai, une offensive serbe a été
3 lancée dans la région de Dukagjin. Après des attaques dévastatrices visant
4 les villes et les villages proches de la frontière albanaise, les forces
5 serbes ont attaqué un village du nom de Grabanice, le 19 et le 20 mai, en
6 causant la mort d'un certain nombre de civils et en faisant fuir la
7 population locale.
8 Le 25 mai, les forces spéciales serbes ont attaqué les villages de
9 Lybeniq et Strellc, des bâtiments ont été incendiés, et 11 villageois ont
10 été tués.
11 Puis le 28 mai, les forces serbes ont progressé direction sud-ouest par
12 rapport à Peje, et ont lancé des attaques à proximité de Vranoq et de
13 Baran. Des attaques simultanées - et c'est particulièrement important
14 compte tenu de cet acte d'accusation - donc des attaques simultanées ont eu
15 lieu le même jour à Junik, à Carabreg, à Prejlep, Isniq et à Rastavice.
16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour chacune de ces attaques le
17 schéma était le même. Premièrement, les villages étaient encerclés par
18 l'artillerie lourde et par des véhicules blindés, puis des bombardements
19 étaient lancés pour causer des destructions. Ensuite, les forces de police
20 paramilitaires tristement célèbres entraient à pied, tuaient tous les
21 survivants qui étaient restés sur place, pillaient les biens albanais,
22 tuaient le bétail et incendiaient les bâtiments, les meules de foin et
23 autres, ce que l'on appelait par un euphémisme des opérations de ratissage
24 ou de nettoyage, alors que dans bien des cas les villages étaient
25 simplement rasés. Vous entendrez des dépositions dans ce sens.
26 Ces opérations non-serbes étaient marquées par un usage de la force
27 de façon excessive et sans discrimination, sans qu'aucune distinction ne
28 soit établie entre les combattants et les civils. Pendant toute cette
Page 432
1 période, des forces serbes ont exercé une pression constante sur les
2 villages autour de Glodjane, et les ont pilonnés depuis des élévations au
3 sud du village, avec l'appui d'unités de police paramilitaires qui
4 faisaient des percées sur le terrain. Cela revêt une importance cruciale
5 pour évaluer la thèse centrale de l'Accusation concernant le contrôle de
6 l'UCK sur ce territoire. Les personnes responsables de ces attaques, le
7 général Bozidar Delic et le général Dragan Zivanovic sont des témoins que
8 l'Accusation se propose de citer.
9 La deuxième offensive majeure, la deuxième offensive serbe importante
10 a été lancée fin juillet et début août. Les villages attaqués étaient
11 Junik, Rastavice et Prejlep. Le 2 août, les forces serbes font entrées dans
12 Jablanica. Gramaqel a été conquis le 8 août. Quant aux villages de Shaptej
13 et de Rastavice, ils sont tombés aux mains des forces serbes le 9 août.
14 Les forces serbes ont ensuite avancé jusqu'à Glodjane et Irzniq, des
15 villages au cœur de cet acte d'accusation, et ils se sont emparés de ces
16 villages le 12 août. Une équipe de télévision de la BBC se trouvait à
17 Glodjane et à Irzniq au moment où les Serbes se sont emparés de ce secteur.
18 Cette équipe a pu filmer l'attaque serbe. La séquence que je suis sur le
19 point de vous montrer vous montre de façon concrète quelle était la
20 situation sur le terrain. Je vous demande de mettre vos écouteurs, et c'est
21 sur le canal 4 que vous entendrez la bande-son de cette courte séquence.
22 [Diffusion de la cassette vidéo]
23 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
24 comme vous pouvez le voir sur cette séquence, l'essentiel de la population
25 civile de Glodjane et d'Irzniq a quitté cette région. L'UCK a été chassée
26 également de ce secteur, le secteur à proximité du canal du lac Radoniq qui
27 était sous le contrôle exclusif des forces paramilitaires serbes. Au moment
28 où les villageois ont commencé à retourner chez eux à Glodjane deux
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1 semaines plus tard, les forces serbes s'étaient retirées. La dernière
2 offensive majeure des forces serbes, qui a eu lieu pendant la période
3 couverte par l'acte d'accusation, a été lancée quelques semaines plus tard,
4 début septembre. A ce moment-là, les forces serbes, y compris la VJ et les
5 forces paramilitaires, ont lancé une attaque coordonnée contre des villages
6 albanais dans des parties importantes du Kosovo.
7 Le 3 septembre, les forces serbes ont attaqué Gllogjan. Ils sont arrivés de
8 la direction de Gergoc à l'est et également en provenance de Peje et de
9 Carabreg à l'ouest. Ils ont laissé un corridor pour encourager les civils à
10 fuir vers la frontière avec l'Albanie. Des dégâts importants ont été
11 enregistrés dans les villages de ces secteurs, et les forces serbes étaient
12 encore en train d'incendier et de piller des biens albanais une semaine
13 après l'attaque.
14 J'aimerais passer maintenant, si vous me le permettez, à l'émergence
15 du Mouvement de résistance armé des Albanais du Kosovo.
16 L'Armée de libération du Kosovo, l'UCK, a été créée en 1994, même s'il a
17 fallu, comme je l'ai déjà dit, attendre 1997 pour que son existence soit
18 largement connue au Kosovo. Dès le départ, l'UCK était une organisation
19 interdite, une organisation qui a travaillé dans la clandestinité. Entre
20 1994 et 1997, les membres de l'UCK, ainsi que d'autres combattants armés,
21 ont lancé un nombre relativement limité d'attaques armées sporadiques
22 contre les forces serbes.
23 M. Haradinaj, quant à lui, vivait à l'extérieur du Kosovo pendant
24 toute cette période, et essentiellement en Suisse. Il avait quitté le
25 Kosovo en 1991. Et même s'il est retourné à plusieurs reprises de façon
26 clandestine pendant la période intérimaire, il a fallu attendre la fin
27 février 1998, début mars 1998, pour qu'il revienne définitivement au
28 Kosovo. A l'époque - et c'est absolument essentiel de comprendre pour bien
Page 434
1 comprendre la manière dont l'Accusation nous présente sa cause - à
2 l'époque, l'UCK ne disposait pas de structure officielle ni organisée sur
3 le plan militaire. En fait, l'UCK, c'était un rassemblement de poches de
4 résistance très limitées dans différentes régions du Kosovo.
5 Au cours de son intervention liminaire, M. Re nous a dit que lorsque
6 M. Haradinaj est revenu au Kosovo, il a été immédiatement nommé commandant
7 de la zone de Dukagjin et qu'il était membre de l'état-major général de
8 l'UCK. Cette affirmation, je dois le dire, montre que l'Accusation ne
9 connaît même pas très bien ses propres éléments de preuve. Puisqu'à
10 l'époque, la zone de Dukagjin n'existait pas. A l'époque, M. Haradinaj -
11 d'ailleurs il ne l'a jamais été - n'était pas membre de l'état-major
12 général de l'UCK.
13 En réponse aux attaques de Qirez, Likoshan, Prekaz et Gllogjan - des
14 attaques qui ont eu lieu pour les trois premières localités en février,
15 ensuite en mars 1998 - donc, on a vu se constituer des équipes de
16 volontaires qui ne bénéficiaient pratiquement pas de formation militaire.
17 Il y avait très peu d'armes et d'uniformes. On a essayé de se procurer des
18 fournitures en Albanie.
19 Au départ, les défenses villageoises opéraient de manière autonome. Mais à
20 partir de la fin mai, on s'est efforcé de coordonner tout ceci dans le cas
21 d'une structure unie et commune.
22 Lors d'une réunion qui a eu lieu à Gllogjan avec M. Haradinaj au cours de
23 la dernière semaine de mai, un état-major régional a été constitué dans
24 cette zone avec un certain nombre de sous-zones, avec chacune à leur tête
25 un commandant. M. Haradinaj était commandant de la sous-zone qui se
26 trouvait autour de Gllogjan.
27 Les autres zones qui rassemblaient les autres villages qui étaient
28 représentés lors de cette réunion de la fin mai, c'étaient celle d'Irzniq,
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1 dont le chef était un dénommé Shemsedin Cekaj; Dashinoc, dont le chef était
2 un dénommé Rrustem Tetaj; et Irzniq, qui se trouve un tout petit peu plus
3 au nord, qui était placée sous le commandement conjoint de Gani Gjukaj et
4 Skender Rexhahemetaj.
5 Il est essentiel de souligner qu'au sein de ces zones, l'UCK n'exerce pas
6 un contrôle exclusif des territoires concernés. La situation évoluait et on
7 assistait à des confrontations armées entre l'UCK et la police militaire,
8 ceci de façon régulière. La région qui correspond à ces premières sous-
9 zones, correspond plutôt à des poches de concentration armée de la
10 résistance albanaise de combattants albanais qui était loyale envers l'UCK.
11 Il est également important de souligner que les villages qui se sont réunis
12 ainsi à la fin mai n'incluaient pas des villages qui correspondaient à la
13 totalité de ce qu'on a ensuite appelé la zone opérationnelle de Dukagjin.
14 Par exemple, on ne trouvait pas parmi ces villages la base de l'UCK à
15 Jabllanice.
16 Cependant, à peu près un mois plus tard - et nous en arrivons maintenant au
17 23 juin - il a été décidé de mettre en place une seule et unique zone à
18 Dukagjin, avec notamment Jabllanice à l'est et Junik à l'ouest. Ce
19 rassemblement de zones a créé une zone plus vaste, la zone opérationnelle
20 de Dukagjin. La zone opérationnelle de Dukagjin, elle a vu le jour le 23
21 juin - et M. Re, même si c'est très brièvement, vous a présenté le procès-
22 verbal de la réunion au cours de laquelle on a mis sur pied cette zone
23 opérationnelle.
24 Ramush Haradinaj a été choisi par ceux qui étaient présents lors de
25 cette réunion pour être chef, commandant de cette zone et, Lahi Brahimaj a
26 été nommé adjoint de Ramush Haradinaj. Au sein de cette structure -, on
27 peut le voir dans son évolution - les chefs locaux ont gardé un niveau
28 important d'autonomie et d'indépendance.
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1 Les systèmes de communication existaient mais ils étaient forts
2 rudimentaires et la coordination aussi existait mais très rudimentaire
3 également. Les commandants des villages, les groupes des villages
4 réagissaient souvent spontanément aux événements sans attendre les ordres
5 du commandement central. Et ceci aussi bien pour les opérations défensives
6 destinées à défendre la population civile d'un village donné contre les
7 attaques militaires serbes ou contre les attaques des unités paramilitaires
8 serbes. Mais cela s'appliquait également à des opérations offensives
9 dirigées contre les forces serbes. Il y avait au niveau local un grand
10 degré d'autonomie au sein de cette structure.
11 Voilà, en quelques mots, les faits essentiels de l'aspect militaire
12 de cette affaire et de l'acte d'accusation qui nous est présenté.
13 Je veux maintenant passer un peu plus en détail à M. Haradinaj lui-même.
14 Sur les 37 chefs que compte l'acte d'accusation, M. Haradinaj est
15 accusé d'avoir été présent lors de cinq des incidents présentés dans l'acte
16 d'accusation. Or, nous rejetons de manière catégorique toutes les
17 allégations portées contre lui.
18 S'agissant des 32 chefs d'accusation, son implication repose uniquement sur
19 l'accusation de l'entreprise criminelle commune avec ses coaccusés et des
20 tiers. Or, nous affirmons qu'il n'existe aucune preuve crédible indiquant
21 que M. Haradinaj et ses coaccusés ou d'autres personnes nommées en tant que
22 membres de l'entreprise criminelle commune aient poursuivi un objectif
23 criminel commun quel qu'il soit.
24 Si l'on examine la thèse de l'Accusation s'agissant de l'entreprise
25 criminelle commune, on voit qu'elle se réduit à deux affirmations
26 essentiellement, et nous affirmons que ces deux affirmations sont
27 incorrectes.
28 La première affirmation de l'Accusation, c'est qu'au tout au long de la
Page 437
1 période visée à l'acte d'accusation, l'UCK placée sous la direction de
2 Ramush Haradinaj, exerçait un contrôle exclusif sur une zone de territoire
3 située à l'est de la route Peje-Gjakove, et que l'Accusation appelle la
4 zone de contrôle total. C'est la raison pour laquelle il est important de
5 comprendre la réalité militaire sur le terrain.
6 La deuxième affirmation sur laquelle repose l'accusation d'entreprise
7 criminelle commune découle de la première affirmation. L'Accusation avance
8 que l'UCK de Dukagjin et donc, par déduction, Ramush Haradinaj, doit être
9 considérée comme responsable du décès de 33 personnes dont les dépouilles
10 ont été trouvées dans la zone du canal du lac de Radoniq. Ceci, M. Re l'a
11 indiqué, parce que ces dépouilles ont été trouvées au sein de la zone de
12 contrôle total, comme l'appelle l'Accusation.
13 Or, la première de ces affirmations est contraire aux faits. Affirmer que
14 l'UCK exerçait un contrôle total dans la zone en question à l'exclusion de
15 toutes les forces serbes, cela ne tient pas. Les trois grandes offensives
16 serbes que j'ai mises en évidence, ont vu des offensives et des attaques
17 menées par les forces serbes contre des villages qui se trouvaient dans
18 cette soi-disant zone de contrôle total.
19 En dehors de ces offensives importantes que j'ai évoquées, il existe
20 des éléments de preuve incontestables montrant que les forces serbes, y
21 compris les forces spéciales, opéraient dans cette zone. Et dans certains
22 cas, ces forces étaient opérationnelles dans des zones qui étaient toutes
23 proches du lac de Radoniq.
24 Pour bien comprendre la géographie des lieux, il est intéressant de
25 regarder une vue aérienne du canal et du lac en descendant d'Irzniq vers le
26 canal lui-même.
27 Ici, nous pouvons voir à l'image Irzniq en bas à droite de notre
28 écran. La ligne bleue nous indique le tracé du canal. Ce canal va du sud-
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1 ouest, nous le suivons avec la caméra, qui va du sud-ouest en direction du
2 lac de Radoniq. Gllogjan se trouve à droite. Nous nous approchons
3 maintenant de l'exploitation agricole Ekonomija, et nous continuons vers le
4 lac.
5 Je vous demande de prendre note des deux chemins de terre qui courent
6 le long ou qui flanquent le canal.
7 Les documents de l'époque nous montrent que les forces serbes, y
8 compris les unités de la police et les unités paramilitaires étaient
9 présentes à proximité du lac, à partir d'avril et pendant toute la période
10 couverte par l'acte d'accusation, et qu'elles menaient des opérations à
11 partir de ces positions. Ces forces se trouvaient sur des points
12 d'observation, sur des hauteurs à quelques kilomètres seulement de
13 Gllogjan.
14 Premièrement, à l'est du lac, on trouvait des forces serbes à Suka Cermjan.
15 A l'ouest, on les trouvait à Suka Bitesh ainsi qu'à Suka Babaloqit. Ce sont
16 des collines qui ont des désignations, des noms différents en serbe. Ceci
17 figure dans les cartes qui vous ont été remises.
18 Sur cette première vue, nous voyons à peu près ce que l'on pouvait
19 voir depuis cette position occupée par les forces serbes à Suka Cermjan
20 avec Gllogjan et Irzniq, au moins.
21 Si nous allons un petit peu plus à l'ouest, maintenant on peut voir la vue
22 que l'on a à partir de la rive sud du lac Radoniq. Cette vue que nous avons
23 maintenant à l'écran nous montre le point de vue à partir de Suka Bitesh, à
24 l'ouest du lac. Ici, on voit ce que l'on peut voir à partir de Suka
25 Babaloqit. Gllogjan, je vous le signale, se trouve à une distance égale de
26 Suka Bitesh et de la zone du canal. Je me permets d'insister sur le fait
27 que chacune de ces collines se trouve â une distance inférieure de 4
28 kilomètres de Gllogjan.
Page 439
1 Si bien que la théorie qui est au cœur même de la thèse de
2 l'Accusation, à savoir que pendant la période visée par l'acte d'accusation
3 l'UCK exerçait un contrôle total et effectif sur la zone se situant à l'est
4 de la route de Peje à Gjakove, à l'exclusion de toutes forces serbes, cette
5 thèse ne tient pas. Elle est fausse.
6 Cette dernière diapositive nous montre ce que l'on voit à partir du
7 nord du canal, quand on regarde vers le sud, vers la ferme Ekonomija et
8 vers les deux collines qui se trouvent au-delà. Nous pouvons voir Gllogjan
9 à droite sur cette photographie. Je voudrais attirer votre attention pour
10 un instant sur cette ligne bleue que l'on trouve le long du canal. A un
11 moment donné cette ligne bleue devient blanche. C'est à peu près à cet
12 endroit que les autorités serbes ont recensé la découverte de dépouilles
13 humaines en
14 septembre 1998. Ce qui m'amène au deuxième volet de la thèse de
15 l'Accusation en matière d'entreprise criminelle commune.
16 Au total, on a trouvé 31 séries de restes humains, ceci donc c'est la
17 découverte effectuée par les autorités serbes, par les équipes médico-
18 légales serbes dans cette zone au début du mois de septembre. Il est
19 reconnu que ces personnes sont décédées à des dates différentes tout au
20 long d'une période de six mois et l'on a reconnu également que la
21 découverte de leurs dépouilles ne débouche pas forcément sur la conclusion
22 de l'existence d'un massacre ou d'une exécution collective.
23 Pourtant, l'Accusation s'efforce d'affirmer que tous les restes
24 humains qu'on a trouvés dans la zone du canal sont forcément des victimes
25 de crimes commis par l'UCK. Et ceci pourquoi ? Parce que ces restes
26 humains, on les a trouvés dans ce qu'ils appellent la zone de contrôle
27 total. Or, nous, nous faisons valoir que ce raisonnement est complètement
28 erroné, fondamentalement erroné.
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1 Il est important, je me permets de le dire, d'insister sur le fait
2 que sur ces 31 ensembles de restes humains, il y en a huit qui sont encore
3 non identifiés. Il y a encore dix dépouilles qui ont été identifiées grâce
4 aux analyse ADN mais pour lesquelles on ne dispose d'aucun élément de
5 preuve relatif à la circonstance du décès des personnes concernées.
6 Oui, je m'excuse, il y a une erreur au compte rendu d'audience. Il y
7 a huit dépouilles qui ne sont pas identifiées.
8 Maintenant s'agissant des dépouilles qui ne sont pas identifiées ou à
9 répertorier, rien n'indique que ces personnes aient été tuées par des
10 membres de l'UCK. Rien n'indique que ces personnes aient été victimes de
11 crime de guerre. En fait, la vérité c'est que personne ne sait comment ces
12 personnes sont mortes ou qui les a tuées. En plus de ces 20 séries de
13 restes humains, on trouve quatre autres séries de restes humains pour
14 lesquels aucune analyse ADN n'a été réalisée. Comme nous l'avons expliqué
15 dans notre mémoire préalable au procès, ce qu'on a appelé la méthode
16 traditionnelle d'identification, c'est-à-dire en comparant les vêtements
17 des victimes et la comparaison des données post mortem, pre mortem et ante
18 mortem, c'est la méthode d'identification qui a été utilisée par les
19 équipes médico-légales serbes et est une méthode sujette à caution, puisque
20 cela a entraîné un taux d'erreurs d'identification de quelque 50 %. Donc,
21 nous estimons que c'est là une méthode qui est peu fiable et qui ne permet
22 pas d'arriver à une identification incontestable.
23 Vu l'absence d'analyse ADN permettant d'établir l'identité de ces
24 personnes et vu l'absence d'élément de preuve fiable relatif à l'identité
25 de ces personnes, rien ne permet de dire dans quelles circonstances ces
26 personnes ont trouvé la mort.
27 J'en conclurais donc que sur les 33 [comme interprété] dépouilles recensées
28 par les équipes médico-légales serbes, on a identifié neuf personnes grâce
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1 à des analyses ADN, neuf personnes au sujet desquelles l'Accusation
2 souhaite citer à la barre des témoins qui affirmeront que c'est l'UCK qui
3 est responsable du décès de ces personnes d'une manière ou d'une autre.
4 Généralement, il s'agit de témoins qui viendront dire que ces personnes ont
5 été détenues par l'UCK.
6 Bien entendu, je ne vais pas ici faire d'observation au sujet de la
7 fiabilité de ces témoins, parce que c'est quelque chose qui viendra au
8 moment du procès. Cependant, il est important de dire que ces neuf
9 personnes figurent dans dix chefs d'accusation. Et à aucun moment on ne dit
10 que M. Haradinaj a participé directement à ces crimes.
11 Mais les failles de la thèse de l'Accusation ne s'arrêtent pas là,
12 puisqu'il y a beaucoup de raisons de mettre en doute l'intégrité de
13 l'opération d'exhumation serbe. Cela encore, il faudra l'examiner en détail
14 au cours du procès. Il y a un certain nombre d'indications qui donnent à
15 penser que la scène où les crimes auraient eu lieu peut bien avoir été
16 manipulée à des fins de propagande. Il y a des questions qui ont trait, pas
17 seulement à la zone du canal lui-même mais aussi à six dépouilles
18 supplémentaires qui auraient été découvertes au même moment ou à peu près
19 au même moment, près de la ferme d'exploitation économique voisine. M. Re
20 n'a pas mentionné si ces personnes, et pour une bonne raison, elles ne sont
21 plus incluses dans l'acte d'accusation. C'est pourquoi l'Accusation
22 reconnaît maintenant qu'en toute probabilité il se peut qu'elles aient été
23 tuées par les forces serbes.
24 Effectivement, Monsieur le Président, la famille de trois de ces victimes
25 ont dit à l'Accusation qu'ils avaient vu leurs parents pour la dernière
26 fois en vie sous la garde de Serbes. Les six victimes en question étaient
27 des Albanais. Tous avaient des liens avec l'UCK. Et l'une de ces victimes
28 était liée à la famille Jashari qui avait été l'objet de l'attaque de
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1 Prekaz au début de mars. Monsieur le Président, le fait que l'on ait ôté
2 des chefs d'accusation dans l'acte d'accusation ne veut pas dire que ces
3 six corps soient dénués de pertinence aux fins de la présente affaire. Les
4 dépouilles de ces six personnes ont été délibérément placées par quelqu'un
5 à l'exploitation agricole Ekonomija et les thèses officielles des autorités
6 serbes, y compris celles qui ont eu à s'occuper d'autopsie, et que vous
7 allez entendre, à savoir qu'il s'agissait de victimes de l'UCK, et que cela
8 devait avoir été le cas, donne à penser, disons-nous, à une tentative
9 orchestrée de manipuler les éléments de preuve de façon à cacher la
10 responsabilité des forces serbes pour ces décès et en même temps à
11 impliquer faussement l'UCK.
12 Si c'est effectivement ce qui s'est passé en l'espèce, à ce moment-là, ce
13 ne serait pas l'occasion dans lesquelles les forces serbes seraient
14 engagées sur les lieux pour manipuler les éléments de preuve et s'occuper
15 du transport des corps.
16 Dans l'affaire Milutinovic, par exemple, l'Accusation elle-même a
17 allégué que des forces avaient ôté et transporté les corps d'Albanais
18 kosovars victimes de façon à s'échapper à leur responsabilité vu de leurs
19 crimes. L'Accusation allègue également que les forces serbes ont reçu
20 l'ordre de transporter une grande quantité de munitions d'origine chinoise,
21 de façon à pouvoir faussement impliquer l'UCK dans des crimes qui avaient
22 été commis par des forces spéciales serbes. Cela aussi a un écho dans la
23 présente affaire.
24 La présence de munitions chinoises dans le canal du lac Radoniq, dans
25 le secteur du lac Radoniq a été plus particulièrement mise en lumière par
26 les autorités serbes et effectivement par l'Accusation dans son mémoire
27 préalable au procès, comme un élément de preuve de responsabilité de l'UCK.
28 Les autorités serbes ont fait remarquer en particulier le fait qu'on avait
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1 découvert des munitions chinoises lorsqu'ils ont présenté leurs conclusions
2 aux médias et aux représentants de la communauté internationale.
3 De sorte, Monsieur le Président, que nous disons qu'il est impossible de
4 tirer des conclusions sûres de l'emplacement précis dans lequel divers
5 restes humains sont censés avoir été retrouvés par les autorités serbes qui
6 ont participé à cette opération de récupération. La photo que vous avez vue
7 avec les positions qui étaient marquées, vous avez vu en bas, ceci a été
8 produit par l'Accusation sur la base d'éléments fournis par ceux qui
9 étaient directement mêlés à l'opération de récupération par les Serbes, et
10 qui a eu pour résultat de prétendre que six personnes qui se trouvaient à
11 la ferme d'exploitation Ekonomija étaient les victimes de l'UCK et
12 l'étaient forcément. Ce n'était pas, comme on aurait pu en avoir
13 l'impression, une analyse à laquelle il avait été procédé avec impartialité
14 ou de façon indépendante par des personnels internationaux.
15 Une fois qu'on a des éléments qui pourraient donner à penser qu'il y
16 a manipulation et altération des éléments sur les lieux des crimes, il
17 devient impossible, devrons-nous dire, d'avoir la moindre confiance dans
18 l'intégrité des éléments de preuve fournis à partir des lieux du crime.
19 Je voudrais maintenant passer aux chefs d'accusation qui allèguent
20 des crimes contre l'humanité, mais brièvement. Sur cet aspect de l'affaire,
21 la Défense se fonde de façon considérable sur les conclusions de la Chambre
22 de première instance dans l'affaire Limaj. En l'espèce, la Chambre de
23 première instance avait conclu que les éléments de preuve n'établissaient
24 pas ni même indiquaient que l'UCK avait une politique consistant à prendre
25 pour cibles des civils et en tant que tels, que ce soit des Serbes ou des
26 Albanais kosovars.
27 Monsieur le Président, il est important que je souligne quatre points sur
28 cet aspect --
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous poser une question, Maître
2 Emmerson. Quand vous parlez de conclusions de Chambre de première instance
3 --
4 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- plus particulièrement lorsqu'il y a
6 un appel en cours, je crois, qu'à ce moment-là, tôt ou tard, vous allez
7 discuter avec M. Re du point de savoir s'il ne serait pas approprié de
8 présenter une requête pour dresser un constat judiciaire, et bien entendu,
9 si ceci remplit les conditions. Est-ce que je comprends que dans cet
10 exposé, il y aurait, si nécessaire, une requête en vue de faire dresser un
11 constat judiciaire ? Parce que, bien entendu, avec tout le respect que je
12 vous dois, quelles autres Chambres de première instance, ce qu'elles ont
13 décidé, je ne dirais pas que c'est dénué de pertinence, mais ce n'est pas
14 la base sur laquelle sont présentés les éléments de preuve qui nous sont
15 soumis.
16 M. EMMERSON : [interprétation] Il y a, si je puis dire encore, quatre
17 points en particulier --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
19 M. EMMERSON : [interprétation] -- qui ont trait à la question que vous
20 venez d'évoquer, Monsieur le Président.
21 Le premier, c'est que les conclusions de la Chambre de première instance
22 dans le procès Limaj n'étaient pas, comme l'a suggéré M. Re, limitées à un
23 Kosovo en particulier. Elles étaient exprimées comme s'appliquant à
24 l'ensemble du Kosovo.
25 Le deuxième point est que les éléments essentiels de preuve sur lesquels se
26 fonde l'Accusation dans le cas présent, dans cette affaire, étaient
27 également portés devant la Chambre de première instance dans l'affaire
28 Limaj. La Chambre ayant entendu des dépositions ayant trait à la découverte
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1 de restes humains au lac Radoniq dans la zone du canal et par rapport aux
2 mauvais traitements qui auraient été infligés à des détenus à Jabllanice.
3 Vous avez raison de dire qu'il y a un appel qui est en cours. L'Accusation,
4 cependant, n'a pas appelé de la décision en ce qui concerne les crimes
5 contre l'humanité.
6 Quatrièmement, l'Accusation n'a fait aucune tentative dans son mémoire
7 préalable au procès ou dans son intervention liminaire pour expliquer
8 comment les conclusions dans l'affaire Limaj pourraient être à juste titre
9 distinguées des éléments de la présente affaire. Nous voulons dire, et ceci
10 répond véritablement à la question que vous posiez, que les conclusions
11 auxquelles est parvenue la Chambre de première instance dans l'affaire
12 Limaj, qu'elles soient obligatoires ou non, ce n'est pas la question qui se
13 pose. Ils ont raison, il faut en tenir compte, mais les éléments de la
14 présente affaire le montreront.
15 Les chefs d'accusation du présent acte allèguent la mort au total de
16 12 Serbes dans la région de Dukagjin sur une période d'approximativement
17 six mois. Douze Serbes sur une période de six mois dans la région de
18 Dukagjin. En ce qui concerne six de ces personnes, il n'y a aucune élément
19 de preuve, quel qu'il soit, quant aux circonstances de leur mort, qui, par
20 conséquent, doit rester une question hypothétique. Il y a six Serbes à
21 l'acte d'accusation à l'égard desquels l'Accusation propose de faire
22 déposer des témoins pour alléguer la responsabilité directe des forces de
23 l'UCK sous une forme ou sous une autre.
24 Un dernier élément que je voudrais évoquer brièvement, c'est l'état des
25 conflits armés qui est mis en question au Kosovo. C'est quelque chose qui
26 soulève une question juridictionnelle, une question de compétence, qui
27 pourrait avoir un effet en particulier sur ces chefs d'accusation d'actes
28 qui sont allégués et qui se seraient produits dans les premiers mois de la
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1 période couverte par l'acte d'accusation.
2 Il suffit à ce stade que je dise que le jugement rendu par la Chambre
3 de première instance dans l'affaire Limaj donne fortement à penser que la
4 date qui compte se situerait du côté de la fin du mois de mai. C'était, en
5 l'occurrence, la date à laquelle le témoin expert de l'Accusation l'avait
6 indiqué lorsque ceci a été présenté comme un élément de preuve en l'espèce.
7 Bien entendu, c'est à l'Accusation qu'il échait de prouver qu'au cours de
8 la période couverte par le présent acte d'accusation, on pouvait dire à
9 juste titre qu'un état de conflit armé interne était né. Des questions de
10 polémique, de rhétorique ou même des commentaires de groupes humanitaires
11 internationaux sur la question de savoir si un conflit armé existait à un
12 moment donné est une question marginale. C'est une question disant qui
13 appartient à l'appréciation de la Chambre de première instance en
14 appliquant comme il convient le droit aux faits et aux éléments de preuve.
15 Les arguments de la Défense sont pleinement exposés dans notre mémoire
16 préalable au procès, ils seront développés à un stade ultérieur du procès.
17 En conclusion, je dois dire ceci : pour ce qui est de la population du
18 Kosovo, le conflit en 1998 et 1999 était à l'évidence un conflit, une
19 expérience très brutale, où dans lequel un nombre incalculable de femmes
20 ont été violées par les forces serbes. A un moment donné, un million de
21 personnes ont été déplacées sur une population de seulement deux millions.
22 Au cours de l'année 1998, l'UCK, dans la région de Dukagjin, avait à faire
23 face à des forces les plus brutales du régime serbe. Pour l'UCK et pour
24 Ramush Haradinaj, leurs vies dépendaient de prendre les bonnes décisions à
25 chaque heure de chaque jour. Et à partir de la BBC, dont nous avons parlé,
26 comme il l'a dit plus tôt, ils luttaient pour défendre leurs villages et
27 leurs communautés et c'était pour eux une lutte pour la survie.
28 La population du Kosovo occidental n'aurait pas supporté l'UCK, ne
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1 les aurait pas soutenus, alimenté et protégé et ne se serait pas occupé de
2 leurs blessures s'ils s'étaient comportés de la façon dont l'Accusation
3 prétend qu'ils l'ont fait.
4 Il n'y avait aucun accord pour commettre des crimes de guerre. Il n'y
5 avait aucun accord pour persécuter ou tuer des civils ou maltraiter des
6 détenus. Ramush Haradinaj n'est pas un criminel de guerre. Les charges qui
7 pèsent contre lui sont dépourvues de fondement et la décision du Procureur
8 de l'accuser était injuste.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Emmerson.
10 Puisque aucun des autres conseils n'a annoncé son désir de faire une
11 déclaration liminaire et puisque aucun des accusés ne souhaite faire une
12 déclaration sans serment au titre de
13 l'article 84 bis du Règlement, ceci met un terme aux déclarations
14 liminaires.
15 Il y a quelques questions pratiques et techniques que je veux
16 évoquer. Certaines d'entre elles devront être débattues en audience à huis
17 clos partiel, mais pour la première je vais en parler en audience publique,
18 à savoir ceci :
19 Aujourd'hui, des séquences vidéo ont été présentées. La vidéo
20 présentée par l'Accusation était sans bande sonore, sans texte dit, d'après
21 ce que je me rappelle, Monsieur Re, si je m'en souviens bien. Tandis que ce
22 n'est pas la même chose pour la séquence vidéo qui a été présentée avec un
23 commentaire qui était en anglais et qui n'apparaît pas actuellement au
24 compte rendu. Ce qui veut dire - mais je n'ai pas encore vérifié - très
25 probablement que ceci n'apparaîtra pas dans le compte rendu en français non
26 plus. Par conséquent, il faudra que nous trouvions une solution à cela.
27 Je suggère aux parties que de façon à avoir un compte rendu aussi complet
28 que possible, nous traitions cette question des séquences vidéo de la
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1 manière suivante : que les parties fournissent aux interprètes, à la cabine
2 des interprètes une transcription de ce qui est dit dans les langues
3 d'origine. Ceci, à ce moment-là, il en sera donné lecture, de façon à ce
4 qu'on puisse les transcrire pour le compte rendu en anglais. En même temps,
5 ce texte étant très évidemment -- est transcrit de façon à ce qu'on puisse
6 l'avoir sur le compte rendu en anglais en même temps. Parfois le texte est
7 dit rapidement, ce qui est impossible pour les interprètes de traduire,
8 donc ceci apparaît également sur le compte rendu en français. Une solution
9 serait peut-être que l'un des interprètes donne lecture de la transcription
10 fournie par les parties en vérifiant si ce qu'il est en train de lire
11 correspond bien à ce que l'interprète dans la bande-son, ensuite l'autre
12 interprète dans l'autre cabine interprèterait ce texte sur la base de la
13 transcription, car il est fort probable que l'interprète ne serait pas en
14 mesure de suivre le rythme de la bande de son, ce qui voudrait dire que
15 nous ne disposerions d'une transcription complète en anglais et en
16 français. Par ailleurs, le fait de travailler sur la base d'une
17 transcription permettrait de vérifier si cette transcription correspond
18 bien à ce que l'on entend dans l'original de la vidéo.
19 Voilà donc une suggestion que je livre aux parties et aux
20 interprètes. Nous avons suivi une pratique analogue dans une autre affaire
21 que j'ai présidé. C'est certes une procédure particulière, mais cela permet
22 d'éviter les erreurs.
23 Dans le même temps, Maître Emmerson, je crois me souvenir que vous
24 nous avez dit au moment où cette vidéo a été montrée que nous devions
25 mettre nos écouteurs pour suivre la bande-son. Vous vous souviendrez
26 certainement qu'à une récente réunion, on a demandé que tout le monde ait
27 en permanence ses écouteurs pour entendre également des interventions des
28 interprètes comme : "Merci de ralentir, s'il vous plaît," ou autres. Par
Page 450
1 conséquent, j'encourage tout le monde à bien vouloir suivre cette
2 suggestion et ne pas mettre ses écouteurs que lorsque nous devons écouter
3 la bande-son d'une vidéo.
4 Voilà donc pour les questions d'ordre technique que nous pouvions
5 traiter en audience publique. Mais avant de suspendre l'audience,
6 j'aimerais passer brièvement à huis clos partiel.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
8 Monsieur le Président.
9 [Audience à huis clos partiel]
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19 [Audience publique]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Madame la Greffière
21 d'audience.
22 Les Juges de la Chambre sont conscients du fait, Monsieur Re, que nous vous
23 avons quelque peu bousculé. Nous vous avons privé de sept minutes de votre
24 temps, ce qui a représenté une certaine pression pour vous à la fin de
25 votre déclaration liminaire, mais malheureusement c'est là la réalité dans
26 laquelle nous devons travailler, à moins que vous n'ayez d'autres questions
27 de procédure à évoquer.
28 Maître Guy-Smith.
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1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui. Je souhaitais intervenir au sujet d'un
2 terme qui a été utilisé lors d'un document présenté à l'écran par
3 l'Accusation, un document produit par l'Accusation. Peut-être pourrions-
4 nous obtenir une version complète des documents présentés par le biais de
5 Sanction par l'Accusation, cela nous aiderait grandement, et cela nous
6 permettrait également d'avoir un tableau complet de la situation.
7 M. RE : [interprétation] Il y a une explication tout à fait simple, à
8 savoir que j'étais en train de lire le projet de traduction, alors qu'à
9 l'écran on voyait la traduction officielle.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais Me Guy-Smith demandait
11 uniquement que vous lui fournissiez cela pour qu'il ait tous les éléments à
12 sa disposition. Je ne pense pas que cela représente un effort considérable
13 pour vous.
14 Bien. Si vous n'avez pas d'autres remarques, nous allons suspendre
15 l'audience et nous nous retrouverons à 14 heures 15, en salle d'audience
16 numéro II; donc demain, 14 heures 15, salle d'audience numéro II, et nous
17 entendrons les témoins qui seront cités, et nous traiterons également d'un
18 certain nombre de questions de procédure au début de l'audience.
19 L'audience est suspendue.
20 --- L'audience est levée à 18 heures 55 et reprendra le mardi 6 mars
21 2007, à 14 heures 15.
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