Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 353

1 Le lundi 5 mars 2007

2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]

3 [Audience publique]

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 21.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander à la Greffière

7 d'audience de bien vouloir citer l'affaire inscrite au rôle.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-04-84-T, le

9 Procureur contre Ramush Haradinaj, Idriz Balaj et Lahi Brahimaj.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.

11 Je vais demander aux parties de se présenter, à commencer par

12 l'Accusation.

13 M. RE : [interprétation] L'Accusation est représentée par moi-même, David

14 Re, premier substitut du Procureur. Je suis accompagné de Mme la

15 Procureure, Carla Del Ponte, avec les substituts du Procureur suivants, M.

16 Gilles Dutertre, M. Gramsci Di Fazio, Mme Nisha Valabhji, Mme Katrina

17 Gustafson, notre assistant est Crispian Smith.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et pour la Défense. D'abord, commençons

19 par la Défense de M. Haradinaj.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'appelle Ben Emmerson. Je défends

21 M. Haradinaj avec Me Rodney Dixon, M. Michael O'Reilly et notre assistante,

22 Susan Park.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et pour la Défense de M. Balaj.

24 M. GUY-SMITH : [interprétation] Gregor Guy-Smith. Je défends les intérêts

25 d'Idriz Balaj avec ma co-conseil, Colleen Rohan, avec l'assistance de

26 Nathalie van Den Berge, Bart Willemsen, Aurelie Roche, et Joeri Maas.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

28 Et pour la Défense de M. Brahimaj.

Page 354

1 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour. Je m'appelle Richard Harvey. Je

2 suis accompagné de Me Troop, et notre assistante est Mme Antoniette

3 Trapani.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

5 Monsieur Haradinaj, pouvez-vous suivre les débats dans une langue que

6 vous comprenez ?

7 L'ACCUSÉ HARADINAJ : [aucune interprétation]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas entendu de traduction

9 de vos propos. Je vous signale que si à un moment quelconque vous

10 n'entendez pas correctement la traduction, il ne faut pas hésiter à nous en

11 faire part immédiatement.

12 Monsieur Balaj, j'ai la même question à vous poser.

13 L'ACCUSÉ HARADINAJ : [hors micro]

14 L'INTERPRÈTE : Le micro est débranché.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez allumer votre micro; sinon les

16 interprètes ne peuvent pas vous entendre. J'ai la même question à vous

17 poser qu'à M. Haradinaj.

18 L'ACCUSÉ HARADINAJ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je peux

19 tout à fait suivre les débats.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

21 Et pour terminer, Monsieur Brahimaj, j'ai la même question à vous poser.

22 N'oubliez pas d'allumer votre micro -- je vois qu'il est allumé. Oui, vous

23 avez la parole.

24 L'ACCUSÉ BRAHIMAJ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes en mesure de m'entendre,

26 d'entendre mes propos dans une langue que vous comprenez ?

27 L'ACCUSÉ BRAHIMAJ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si jamais à un moment quelconque vous

Page 355

1 n'arrivez pas à suivre les débats, il faut immédiatement nous le signaler.

2 L'ACCUSÉ BRAHIMAJ : [interprétation] Merci.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'audience de ce jour est consacrée à

4 l'ouverture du procès. Mais avant que nous ne procédions à l'ouverture de

5 ce procès, je souhaiterais faire un certain nombre d'observations.

6 En premier lieu, Monsieur Re, je m'adresse à vous. Il semble que la

7 liste des pièces à conviction qui vont être présentées en l'espèce, que

8 cette liste n'a pas été distribuée à tout le monde. Enfin, il y a quelques

9 petits problèmes qui se posent. Donc, je voudrais que vous en soyez

10 conscient et que vous fassiez en sorte que tous ceux qui sont ici dans ce

11 prétoire soient en mesure de se préparer correctement pour ces audiences.

12 M. RE : [interprétation] Oui, je vous entends bien, Monsieur le Président.

13 Pour l'instant nous nous concentrons sur les premiers témoins.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.

15 Autres sujets que je souhaiterais aborder. Je voudrais que tout le monde en

16 soit conscient. La Chambre première instance, ce matin même, a reçu une

17 requête déposée par la Défense aux fins d'exclure un certain nombre

18 d'éléments de preuve.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons en traiter, non pas avant

21 les déclarations préliminaires, mais dès que cela sera possible.

22 L'exclusion des éléments de preuve, c'est quelque chose qui se présente de

23 manière différente suivant les systèmes judiciaires. Ce n'est pas la même

24 chose que d'exclure des éléments de preuve lorsque vous avez un système de

25 procès par jury ou lorsque vous avez affaire à des Juges professionnels.

26 Nous allons traiter de cette question aussi rapidement que possible.

27 M. EMMERSON : [interprétation] Merci.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Point suivant sur mon ordre de jour,

Page 356

1 Monsieur Re, la protection des témoins, c'est une démarche qui a été

2 entreprise dans le cadre de la mise en état comme il se doit, mais c'est

3 une question, celle de la protection des témoins, qui se pose encore

4 pendant le procès. J'imagine que vous allez traiter de cette question aussi

5 rapidement que possible, pour éviter tout retard.

6 Enfin, Maître Guy-Smith, vendredi dernier, vous vous êtes inquiété des

7 déclarations liminaires, telles qu'elles avaient été prononcées dans

8 l'affaire Popovic. Je me suis renseigné et je constate que dans l'affaire

9 Popovic, la principale question qui s'est posée à l'ouverture des débats,

10 c'était de savoir si quand le Procureur s'adressait à la Chambre cela

11 faisait partie de la déclaration liminaire et si cette déclaration

12 liminaire devrait être prononcée en juillet ou août. C'était plutôt une

13 question de procédure qui ne s'applique pas chez nous, qui ne s'applique

14 pas en espèce.

15 La déclaration liminaire a pour objectif de donner les grandes lignes aux

16 Juges des faits, généralement c'est un jury, ici ce sont des Juges

17 professionnels, donc les grandes lignes de la thèse de l'Accusation. Les

18 parties sont libres de choisir la manière dont elles souhaitent formuler et

19 présenter leurs déclarations liminaires, présenter leurs éléments de preuve

20 également. Bien entend, il est inutile de commencer chaque phrase en disant

21 : "Les éléments de preuve vont démontrer ceci, et cetera" parce que ce

22 serait bien redondant. Mais tout le monde sait parfaitement ce que c'est

23 une déclaration liminaire.

24 Je voudrais y ajouter que dans les systèmes où ce sont des jurys qui

25 décident, les déclarations liminaires se limitent aux faits. Mais ici, nous

26 sommes dans un système où la déclaration liminaire s'adresse à la Chambre,

27 aux Juges, des juges qui ne sont non seulement des Juges des faits, mais

28 qui se penchent également sur des questions d'ordre juridique, c'est leur

Page 357

1 rôle. Donc, il est inutile de se limiter à des questions purement de faits

2 et de décider de ne pas aborder les questions de droit.

3 La situation est différente ici, les Juges sont professionnels et ils

4 savent parfaitement ce à quoi ils doivent d'attendre dans le cadre du début

5 de la procédure.

6 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci beaucoup. Nous comprenons tous

7 l'objectif des déclarations liminaires. Mais ma préoccupation est la

8 suivante, je l'ai dit précédemment, je me demandais si cela allait être

9 utilisé comme l'occasion de faire un discours politique, mais je vois que -

10 -

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand je regarde ce qui s'est passé dans

12 l'affaire Popovic, je ne vois aucune raison d'exprimer de telles

13 préoccupations avant même d'avoir entendu le Procureur faire sa déclaration

14 liminaire. D'autre part, j'engage, j'exhorte les parties à ne pas faire

15 d'objection, à ne pas intervenir à moins que cela ne soit absolument

16 nécessaire.

17 Mmaintenant que je vous ai donné cette ligne directrice, cette consigne, je

18 déclare ouvert le procès en espèce et je voudrais donner la possibilité au

19 Procureur de s'adresser à la Chambre de première instance dans le cadre de

20 sa déclaration liminaire.

21 Madame le Procureur, je vois que vous êtes debout, donc j'imagine que c'est

22 vous qui allez vous adresser à nous. En tout cas, c'est vous qui allez

23 commencer. Je vous donne la parole.

24 Mme DEL PONTE : [interprétation] Merci. Merci, Monsieur le Président,

25 Messieurs les Juges.

26 L'affaire en espèce porte sur des crimes commis au Kosovo en 1998. Même si

27 ce procès se déroule dans le contexte de négociation historique qui a eu

28 lieu cette année en 2007 pour décider de l'avenir du Kosovo, je ne suis pas

Page 358

1 ici pour prononcer un discours politique. Ce procès n'a aucun rapport avec

2 des développements diplomatiques. Mon bureau, le bureau du Procureur ne

3 participe pas à ces questions, il n'y est impliqué d'aucune manière dans

4 ces affaires.

5 Nous sommes réunis ici à l'occasion d'un procès pénal et j'ai mis en

6 accusation les hommes qui sont aujourd'hui devant vous sur la base de

7 faits. Les trois hommes qui sont devant vous sont accusés de crimes, de

8 crimes odieux, de crimes cruels, de crimes violents, des crimes de meurtre,

9 d'expulsion, de torture, de viol, d'enlèvement, de détention forcée et

10 accusés également de sévices les plus violents qui se puissent imaginer;

11 des crimes qui se sont déroulés à l'abri du regard des observateurs

12 internationaux. Soyez convaincus, soyez sûr que l'Accusation va prouver que

13 ces hommes - ce chef de guerre, son lieutenant et son geôlier - ces hommes

14 ont du sang sur les mains.

15 Il s'agit du sang de civils innocents, de victimes innocentes qui ne

16 soutenaient pas les accusés ni la cause défendue par l'UCK; des victimes

17 qui souvent étaient seules, des victimes vulnérables, qui ont été

18 systématiquement prises pour cible, enlevés, assassinées et dont on a fait

19 ensuite disparaître les corps. Si les choses s'étaient déroulées comme le

20 souhaitait les accusés, jamais plus on aurait trouvé trace de ces victimes.

21 Ces victimes auraient tout simplement disparues parmi toutes les autres

22 atrocités de ce conflit et ces victimes auraient littéralement été

23 englouties sans laisser aucune trace dans les eaux silencieuses du lac

24 Radonjic, au fin fond de la zone de Dukagjin.

25 Mais les victimes assassinées dont il est question ici, elles n'ont pas

26 disparues, puisque leurs corps, leurs histoires ont été révélés, et dans

27 les semaines qui vont venir, au fur et à mesure que nous vous présenterons

28 ces éléments de preuve, ces victimes vous parleront à leur façon depuis

Page 359

1 leurs tombes. Les voix de ceux qui ont été vus pour la dernière fois entre

2 les mains de l'UCK et dont les corps n'ont pas été retrouvés ou dont les

3 corps n'ont pas été identifiés, ces voix, nous les entendrons par la bouche

4 de leurs proches, de leurs proches tourmentés par le chagrin. Les voix de

5 ceux qui ont été torturés, qui ont été brutalisés par l'UCK, ces voix nous

6 les entendrons directement, ici même, dans ce prétoire. Ces voix, elles

7 seront peut-être peu nombreuses, car ce procès n'est pas un procès comme

8 d'autres où il s'agit d'exterminations massives et de milliers de morts.

9 Nous ne serons pas en mesure de présenter à la Chambre de première instance

10 les éléments de preuve de tous les crimes qui ont été commis dans cette

11 région du Kosovo. Ceci serait impossible. Mais au fil du procès, avec

12 chaque témoin, avec chaque document, je suis convaincu que la Chambre de

13 première instance commencera entrer dans ce monde fermé, le monde de la

14 zone de Dukagjin, qui était le cœur même du clan de Haradinaj, le centre du

15 fief de Ramush Haradinaj.

16 Peut-être qu'aussi, comme cela n'était le cas dans aucune autre affaire, la

17 géographie joue un rôle crucial pour comprendre les faits en l'espèce. La

18 géographie, elle-même, est un autre témoin silencieux en l'espèce, et

19 j'exhorte la Chambre de première instance à se pencher avec une attention

20 toute particulière sur les lieux, sur les distances, sur la portée des

21 activités menées et sur le niveau d'accessibilité des sites qui vont être

22 mis en jeu dans la description des événements. J'encouragerais même la

23 Chambre de première instance, lorsque le moment sera bien choisi dans le

24 procès, à se rendre sur les lieux de ces crimes afin que les Juges voient

25 de leurs propres yeux tous ces endroits.

26 Je ne m'en cache nullement; l'Accusation n'aura pas ici tâche facile. Je

27 vais vous dire franchement qu'il s'agit ici d'une affaire dont certains ne

28 voulaient pas; une affaire dans laquelle nous n'avons reçu le soutien que

Page 360

1 de très peu d'intervenants, aussi bien au niveau international que local.

2 Mais j'ai insisté pour que ce procès ait lieu et je suis convaincue que la

3 Chambre de première instance conclura au caractère concluant des éléments à

4 charge que nous présenterons.

5 La protection des témoins qui ont eu le courage de vouloir déposer en

6 l'espèce, cette protection, elle a été et elle continuera à être d'une

7 importance cruciale. Vous savez que beaucoup de témoins hésitent à déposer.

8 Certains sont terrorisés. Les manœuvres d'intimidation, les menaces reçues

9 par les témoins en l'espèce constituent un problème récurrent pour les

10 personnes concernées ainsi que pour l'équipe de l'Accusation. Ce problème

11 n'a pas disparu. Les témoins continuent à recevoir des menaces, des menaces

12 voilées mais aussi des menaces directes. Ce week-end encore, notre première

13 victime --

14 M. GUY-SMITH : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir, Monsieur

15 le Président.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que ce qui est en train d'être dit

18 porte préjudice aux accusés et sort de ce qui est prévu dans le cadre d'une

19 déclaration liminaire.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Del Ponte, à titre d'exemple,

21 quand on dit que les témoins vont dire la vérité ou pas, c'est déjà une

22 évaluation de ces témoins. C'est quelque chose qui n'a pas sa place dans le

23 cadre d'une déclaration liminaire, et je me demande, sachant, bien entendu,

24 que comme je l'ai dit précédemment, la Chambre ne s'est pas encore

25 prononcée sur toutes les questions relatives à la protection des témoins,

26 et j'entends bien l'Accusation quand elle nous dit que cette protection est

27 nécessaire. S'il n'y a pas de détails supplémentaires nécessaires

28 s'agissant de la réticence des témoins à venir témoigner - certes, c'est

Page 361

1 une des difficultés que vous avez rencontrées dans la préparation de cette

2 affaire - si nous n'avons pas besoin d'éléments supplémentaires, je vous

3 proposerais plutôt de passer à l'examen des éléments de preuve mêmes. Si

4 vous n'êtes pas d'accord, je vous invite à intervenir.

5 Mme DEL PONTE : [interprétation] Je me suis contentée de vous dire,

6 Monsieur le Président, et à vous aussi, Messieurs les Juges, que j'ai été

7 informée qu'un témoin venait d'être menacé.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

9 Mme DEL PONTE : [interprétation] Donc, je ne vois pas vraiment pourquoi je

10 ne pourrais pas informer la Chambre de première instance de faits qui se

11 sont déroulés pendant le week-end et qui ont un lien direct avec ce procès.

12 Parce que si je n'ai pas de témoins qui vont venir ici déposer, je serai

13 obligée de retirer cet acte d'accusation.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame le Procureur, je crois qu'il n'y

15 a rien à redire au fait d'informer la Chambre de première instance de

16 l'occurrence de menaces. Mais s'il est vrai que dans une déclaration

17 liminaire vous pouvez signaler à la Chambre de première instance que c'est

18 un problème d'ordre général, je ne sais pas si, en revanche, la meilleure

19 marche à suivre c'est d'entrer dans les détails de ces difficultés. Un

20 instant, je vous prie.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vous invitons à poursuivre votre

23 déclaration liminaire.

24 Mme DEL PONTE : [interprétation] La Chambre a déjà accordé des mesures de

25 protection à plus d'un tiers de nos témoins. Je sais que vous comprenez,

26 vous appréciez fort bien les difficultés rencontrées par les témoins venus

27 déposer contre ces trois accusés. Ce que je voulais dire, Monsieur le

28 Président, c'est que j'ai toute confiance, je suis convaincue que vous

Page 362

1 allez prendre toutes les mesures envisageables pour permettre aux témoins

2 de venir à La Haye et déposer en toute sécurité et pour permettre que la

3 vérité soit entendue.

4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les crimes qui sont au centre

5 de ce procès n'ont rien de noble, rien d'héroïque. Le patriotisme, le

6 courage, n'ont strictement rien à voir avec tout cela. Il s'agit de

7 meurtres barbares, de meurtres sanglants qui ont été commis. Les trois

8 accusés c'étaient tout simplement des gangsters en uniforme qui étaient au

9 pouvoir. La Chambre de première instance pourra constater que ce mélange

10 s'est révélé mortel et sinistre pour les victimes en l'espèce.

11 Je vous remercie, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame le Procureur. Je peux en

13 déduire que c'est M. Re qui va poursuivre le prononcé de la déclaration

14 liminaire ?

15 Mme DEL PONTE : [interprétation] Oui, effectivement.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, je vous donne la parole.

17 M. RE : [interprétation] Alors que les paroles prononcées par Mme le

18 Procureur résonnent encore aux oreilles des Juges de la Chambre, ces

19 meurtres qui n'ont rien de noble, rien d'héroïque, rien de patriotique,

20 rien de courageux, je voudrais quant à moi dire que les crimes qui sont

21 reprochés aux accusés ont eu lieu pendant les événements tragiques du

22 Kosovo en 1998, dans lesquels une guerre a été commise des deux côtés

23 contre des civils innocents. Ce sont des crimes qui ont débouché sur le

24 procès de Slobodan Milosevic et les procès d'autres membres de son

25 gouvernement, dont son premier ministre ainsi que des généraux qui sont

26 jugés par ce même Tribunal. Ce sont des crimes qui ont entraîné la

27 condamnation d'un membre de l'UCK par ce même Tribunal pour actes de

28 torture, de meurtre, de traitement cruel dans un camp de détention de

Page 363

1 l'UCK. C'est cette Chambre, la Chambre de première instance dans l'affaire

2 Limaj qui a conclu qu'il existait "une culture de violence qui régnait dans

3 ce camp de prisonniers." Je cite la Chambre dans l'affaire Limaj.

4 C'est une culture de violence qui se retrouvait dans toute la région

5 contrôlée par les accusés qui ont à répondre de leurs actes devant le

6 Tribunal aujourd'hui. Dans ce conflit sauvage, aussi bien les Serbes et les

7 Albanais ont commis des crimes de guerre. Les crimes qui sont au centre du

8 procès sont des crimes d'une sauvagerie indicible contre une population

9 civile innocente, une population prise sur cible par les accusés et les

10 autres membres de l'UCK, ou des gens, des victimes qui ont été prises pour

11 cibles parce qu'elles ne soutenaient pas l'UCK, ou parce qu'on avait

12 l'impression qu'elles ne soutenaient pas l'UCK.

13 Ceux qui étaient considérés comme des collaborateurs n'ont bénéficié

14 d'aucune pitié. On les a chassés de chez eux, on les a chassés de leurs

15 villages, on les a enlevés. Ils ont été détenus sous la menace des armes,

16 torturés dans des camps de détention contrôlés par l'UCK. Les accusés que

17 vous avez devant vous aujourd'hui ont commis des actes odieux, des crimes

18 contre l'humanité, des crimes de guerre extrêmement graves.

19 Ils ont commis ces crimes dans le cadre d'une entreprise criminelle commune

20 dont le but était de consolider leur pouvoir sur une région assez limitée

21 du nord du Kosovo. Cette zone c'est la zone de Dukagjin. Vous allez

22 entendre beaucoup parler de cette zone au cours du procès, Monsieur le

23 Président. Je vais l'afficher à l'écran.

24 La première carte que nous allons voir c'est celle des Balkans où l'on peut

25 voir le Kosovo. Voyons maintenant le Kosovo lui-même, le territoire du

26 Kosovo. Vous pouvez voir sur la carte, la carte du Kosovo, la partie

27 septentrionale est la Dukagjin. Vous pouvez voir sur la longueur qu'il y a

28 en rouge sur la gauche environ

Page 364

1 100 kilomètres de largueur. Vous pouvez comparer ceci sur la carte à la

2 droite à celle des Pays-Bas.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, est-ce que je peux espérer

4 que peut-être plus tard vous présenterez ces cartes comme éléments de

5 preuve ou est-ce qu'il faut déjà leur donner une cote provisoire pour

6 identification ?

7 M. RE : [interprétation] Ceci fait partie évidemment d'une déclaration

8 liminaire. Je les présenterai certainement comme éléments de preuve

9 ultérieurement.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que vous êtes en train de

11 vous référer à des questions que vous présenterez par la suite comme

12 éléments de preuve.

13 M. RE : [interprétation] Certainement.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, si personne n'y voit

15 d'inconvénients, à ce moment-là, je demanderais qu'elle ne soit pas encore

16 présentée comme élément de preuve pour le moment, et juste comme document

17 d'illustration.

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

20 M. RE : [interprétation] La carte suivante a pour titre "Dukagjin, zone

21 opérationnelle Dukagjin," c'était la zone de Haradinaj. Vous verrez dessus,

22 sur la gauche, la frontière avec le Monténégro. Ceci coupe, en fait, à main

23 droite un tiers du Kosovo.

24 Si on se déplace ensuite à la vue suivante, il y a un endroit en

25 rouge au milieu, c'est une partie qui se trouve totalement sous le contrôle

26 de l'UCK de Haradinaj. Si vous pouvez passer à la vue suivante, on peut

27 voir une autre carte qui montre une vue générale du Kosovo.

28 Maintenant, une campagne militaire dans laquelle ces accusés se sont

Page 365

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 366

1 lancés ne serait pas illégale ou illicite en droit international, mais les

2 moyens par lesquels les accusés ont affirmé leur contrôle, leur direction,

3 l'étaient certainement. Ceci, Monsieur le Président, c'est la raison pour

4 laquelle ils sont accusés et se trouvent actuellement dans ce prétoire. Le

5 résultat de leur campagne militaire de crainte, de violence, de persécution

6 entre le mois de mars et de septembre 1998 avec 48 personnes assassinées,

7 et on a retrouvé 35 corps; 13 de ceux-ci ont été trouvés dans un petit

8 secteur près du lac Radonjic, un canal qui se trouvait à moins de

9 1 kilomètre et demi du domicile de Ramush Haradinaj à Gllogjan; 8 corps ne

10 sont pas encore identifiés; 13 des victimes ont disparu sans laisser de

11 traces alors qu'elles étaient sous la garde de l'UCK;

12 29 victimes ont été torturées alors qu'elles étaient sous la garde de

13 l'UCK, une femme a été violée par l'accusé Balaj qui se trouve dans le

14 prétoire aujourd'hui; 35 victimes ont été enlevées.

15 Des villages ont été, pour employer un terme qui était connu par les

16 médias, ont été nettoyés, ont fait l'objet d'un nettoyage de ceux qui

17 étaient leurs habitants et qui n'appuyaient pas l'UCK. C'étaient

18 essentiellement des Serbes du Kosovo et des Rom. Vers la fin d'avril 1998,

19 presque aucun Serbe ne restait dans les villages de la zone de Dukagjin de

20 Haradinaj. Leurs maisons et leurs biens ont été détruits, et les églises et

21 les cimetières orthodoxes et les pierres tombales avaient été profanés.

22 Cent vingt-trois familles serbes vivaient là en janvier 1998, et le dernier

23 ménage serbe, personnes âgées, sont parties le 5 mai 1998 lorsque des

24 soldats de l'UCK sont venus chez eux et leur ont dit que tous ceci, leur

25 zone appartenait aux Albanais et qu'eux, Serbes, devaient aller en Serbie.

26 Ce qu'ils ont fait.

27 Qui sont les accusés ? Qui sont les accusés qui sont actuellement

28 dans cette salle d'audience au banc des accusés ? Ces trois accusés sont

Page 367

1 essentiellement des membres, des participants les plus importants d'une

2 entreprise criminelle commune qui fait l'objet des accusations du

3 Procureur. Tous étaient des membres très importants du l'UCK, c'est-à-dire

4 l'Armée de libération du Kosovo ou de la "Ushtria Clirimtare e Kosoves" ou

5 UCK dans le secteur de Dukagjin.

6 Dès le mois de novembre 1997, un communiqué publié par l'UCK a

7 utilisé ces paroles effrayantes : "Tout collaborateur qui, sous cette forme

8 ou une autre causera du mal à la nation albanaise souffrira." Aux fins de

9 la présente présentation liminaire, je ne vais pas entrer dans les détails,

10 tout est décrit dans l'acte d'accusation, mais tout ceci est déjà détaillé

11 dans notre mémoire préalable au procès qui a été déposé le 29 janvier. Les

12 Juges de cette Chambre connaissent le droit et je n'ai pas besoin de vous

13 préoccuper avec les questions de droit.

14 Mais je voudrais vous rappeler le but de l'entreprise criminelle

15 commune qui est maintenant plaidée devant vous, qu'elle avait pour but

16 essentiellement de supprimer par la force, par la violence toute forme

17 d'opposition perçue à l'égard de l'UCK dans la zone de Dukagjin et de

18 permettre à l'UCK de contrôler, d'exercer un contrôle total et d'affermir

19 ce contrôle sur l'ensemble de cette zone. Ceux qui, dans cette entreprise

20 criminelle commune, ceux qui ont participé à tout cela ont cherché à

21 expulser soit par la force, soit par la menace de l'emploi de la force tous

22 les civils serbes de cette région. Comme je l'ai dit, ils l'ont fait par

23 des attaques armées, des enlèvements, des tortures, et finalement, par la

24 chose la plus grave qui était le meurtre.

25 Les participants à ces entreprises criminelles communes se sont

26 efforcés de supprimer toute forme de collaboration perçue ou potentielle

27 avec les autorités ou quelque opposition qu'elle soit à l'égard de membres

28 de l'UCK par la population civile. Ils ont fait ceux-ci en prenant pour

Page 368

1 cibles ceux qu'ils percevaient comme des collaborateurs ou des opposants

2 d'une manière qui visait à la fois à empêcher toute opposition à l'UCK et à

3 permettre à l'UCK de diriger, de contrôler la population en général par une

4 campagne d'intimidation, de crainte et de violence.

5 Cette campagne, comme je l'ai dit, a duré de mars à

6 septembre 1998, et pendant cette période les habitants qui n'appuyaient pas

7 l'UCK dans la zone de Dukagjin, dans le petit secteur de Kosovo dont vous

8 avez vu la carte il y a un moment, ont vécu dans la crainte et ont eu peur

9 pour leurs vies.

10 Ramush Haradinaj, connu sous le nom de Smajl, est né en 1968. Il est

11 devenu commandant de la zone en février 1998 lorsqu'il est revenu au Kosovo

12 pour participer à la lutte contre les autorités serbes. En tant que

13 commandant dans cette zone, il a été de loin la personne la plus importante

14 et la plus puissante dans cette zone. Il était conscient de ce qui se

15 passait dans la zone. Il recevait des rapports réguliers de ses

16 subordonnés. Sa puissance était telle qu'il pouvait savoir et contrôler qui

17 entrait dans son territoire ainsi que tout mouvement qui se produisait à

18 l'intérieur de son territoire. Il a organisé, il a planifié, il a

19 personnellement conduit des opérations ou diriger des opérations de l'UCK.

20 Il a nommé des subalternes, des commandants en second, des officiers. Il a

21 désigné des soldats pour des unités pour remplir certaines fonctions dans

22 la zone. Il a établi les quartiers généraux dans les villages locaux. Il a

23 donné des ordres aux officiers, aux commandants locaux de villages. Il a

24 donné des ordres à la population en général. Il a donné des ordres de

25 mobilisation. Il a créé des brigades. Il a désigné des commandants de

26 brigade. Il a personnellement contrôlé la collecte et la distribution

27 d'armes et de fournitures dans la région. Il a organisé l'entraînement et

28 la formation militaire. Il a pris lui-même la responsabilité des questions

Page 369

1 disciplinaires et financières, y compris le fait de collecter, de

2 distribuer des fonds dans la zone, dans toute la zone. Il a constitué une

3 armée dans cette zone. Il était membre de l'état-major général de l'UCK.

4 Lui, Haradinaj, personnellement, a interdit toute activité politique sur la

5 base du fait qu'en raison des conditions de guerre, l'UCK était l'autorité

6 responsable dans la zone de Dukagjin.

7 Le contrôle qu'il exerçait était tel sur ce qui se passait dans cette

8 zone, que Haradinaj lui-même a pris le contrôle des affaires civiles, la

9 direction des affaires civiles dans cette zone. A titre d'exemple, un

10 certain nombre de fonctions, il a envoyé dans les villages, aux quartiers

11 généraux, il fournissait la population générale. Il s'occupait des

12 registres des naissances et décès de l'état civil dans les villages,

13 assurant l'utilisation rationnelle des "ressources nationales," et même

14 allant jusqu'aux détails les plus petits pour aider la population pour ce

15 qui était de semer dans les champs et de récolter.

16 L'étendue de ses pouvoirs entre mars et septembre 1998 correspondait

17 exactement à ce qu'il avait dit comme objectif, à savoir porter la guerre à

18 la population. A l'époque de son accusation, il était premier ministre du

19 Kosovo.

20 Idriz Balaj a comme surnom Toger ou Togeri, ce qui veut dire

21 lieutenant. Il est né en 1971. Au cours de la période couverte par l'acte

22 d'accusation il a commandé une unité spéciale appelée les Aigles noirs.

23 Elle était basée dans le petit village de Rznic ou Irzinq, selon le nom

24 serbe et le nom albanais. Il avait un certain nombre de membres. Haradinaj

25 a participé à la formation des Aigles noirs. Balaj était directement appuyé

26 par Haradinaj.

27 Qui étaient ces Aigles noirs ? Ces Aigles noirs étaient très connus dans

28 l'ensemble de la zone pour leur brutalité. Ils étaient connus, parce que

Page 370

1 Haradinaj leur avaient donné libre cours pour opérer dans tout l'ensemble

2 de la zone. Les Aigles noirs ont enlevé, emprisonné, torturé et assassiné

3 les civils qui n'appuyaient pas l'UCK. Balaj, en tant que commandant des

4 Aigles noirs, a pu opérer en toute impunité. Il avait pris la loi entre ses

5 mains dans la zone de Dukagjin. Il portait avec lui un cahier, un carnet

6 qui contenait le nom de "personnes recherchées." Les personnes recherchées,

7 c'étaient celles que Balaj essayait de retrouver, parce qu'elles s'étaient

8 opposées à l'UCK d'une manière ou d'une autre, ou avait été perçues comme

9 s'opposant d'une manière ou d'une autre à l'UCK. Les corps de 43 de ces

10 personnes ont été trouvés sur le bord d'un canal qui se trouve à moins de 2

11 kilomètres de son quartier général. Cet endroit, cette longueur de canal,

12 était connu à l'époque pour une très bonne raison. C'était, en fait, un

13 site d'exécution pour les Aigles noirs. En septembre 1998, les corps de

14 quelque 20 victimes ont été trouvés directement à côté du site d'exécution,

15 à côté d'un pan de mur, le mur du canal, qui était criblé de balles. Les

16 douilles et des cartouches ont été trouvés à côté des corps - je reviendrai

17 à cela un peu plus tard dans ma déclaration liminaire - un certain nombre

18 de corps ont été trouvés flottant un peu plus loin sur le canal.

19 Après la cessation des hostilités, Balaj est devenu commandant du Corps de

20 protection du Kosovo avec le grade chef de bataillon. Balaj, lui-même, dans

21 son propre journal que je présenterai sur le tableau, au cours de la

22 période précédant le mois d'avril 1998 - est-ce que vous arrivez à lire ce

23 qui est mis ?

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si quelque chose est placé sur le

25 rétroprojecteur, à ce moment-là, nous pourrons le lire. A ce moment-là,

26 oui.

27 M. RE : [interprétation] Oui. C'était juste un peu plus clair. C'est un peu

28 plus clair que mon exemplaire.

Page 371

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair. Il s'agit là du prétoire

2 électronique e-court.

3 M. RE : [interprétation] Oui, c'est le e-court. Excusez-moi.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

5 M. RE : [interprétation] Il a écrit : "Pour la période précédant le 14

6 avril 1998, au cours de cette période, moi, Balaj, j'ai pensé que l'unité

7 spéciale pourrait fonctionner dans le cadre de la zone pour aider le pays

8 de telle sorte que nous pourrions faire subir des dommages à l'ennemi. Avec

9 l'aide du commandant Ramush Haradinaj, la possibilité existait, et il a été

10 fait droit à une demande pour la création d'une unité spéciale connue sous

11 le nom des Aigles noirs. Elle a été constituée le 14 avril 1998 dans le

12 village de Gllogjan. Dans chaque village, j'ai rassemblé un certain nombre

13 d'hommes et je les ai formés pour l'unité spéciale avec l'aide du

14 commandant Ramush."

15 Il poursuit ensuite en disant qu'il avait entre 40 et

16 100 soldats et qu'il a entrepris de nombreuses opérations dans des villages

17 dont les noms sont donnés.

18 Dans son propre mémoire préalable au procès, Haradinaj dit que les

19 Aigles noirs étaient un groupe de soldats de l'UCK dont la fonction était

20 de fournir un appui militaire à la résistance albanaise kosovare,

21 résistance armée, pour monter des attaques contre les positions militaires

22 serbes et contre le personnel militaire serbe. Ils étaient déployés souvent

23 en petites unités de combat dans l'ensemble de la zone et à l'extérieur.

24 Ce qu'il, bien entendu, ne mentionne pas, c'est le fait que c'étaient

25 ces Aigles noirs qui enlevaient des Serbes et qui s'occupaient de ceux qui

26 s'opposaient à l'UCK, notamment le site d'exécution près du canal où ils

27 avaient exécuté ces hommes.

28 Lahi Brahimaj, également connu sous le nom de Maxhup, qui est le

Page 372

1 terme albanais pour [incompréhensible], est né en 1970. En juin 1998, il a

2 été nommé commandant adjoint de la zone de Dukagjin, et après cela, il est

3 devenu un membre de grade élevé du Corps de protection du Kosovo. Son rôle

4 dans cet acte d'accusation est essentiellement lié au fonctionnement du

5 centre de détention de l'UCK très connu à Jablanica.

6 A l'écran devant vous, vous verrez ce que sont maintenant les ruines d'une

7 ferme, d'un bâtiment de ferme à l'extérieur de Jablanica, où il avait

8 établi ce lieu de détention. Vous pourrez voir sur la droite de l'écran, il

9 y a un sous-sol où les prisonniers ont été détenus. Ce sous-sol était

10 souvent plein d'eau.

11 Les autres accusés, Haradinaj et Balaj, ont régulièrement visité

12 cette prison. C'est dans cette prison que l'UCK a torturé, maltraité et

13 finalement assassiné un grand nombre des victimes dont les corps ont été

14 trouvés le long du canal de Radonjic. Brahimaj lui-même vivait à 1

15 kilomètre -- avait son quartier général à environ à

16 1 kilomètre de la prison.

17 Un conflit armé est nécessaire pour que le Tribunal soit compétent. Depuis

18 au moins le 24 mars 1998, il y avait un conflit armé au Kosovo, en

19 particulier dans cette partie du Kosovo qui est celle qui correspond à

20 l'acte d'accusation. Alors, pourquoi avons-nous choisi cette date ou retenu

21 cette date ? Cette date est importante dans la présente affaire, parce que

22 c'est ce jour-là que des militaires serbes et des forces du MUP ont attaqué

23 la propriété de la famille Haradinaj à Glodjane, et c'est à partir de cette

24 date que Haradinaj s'est trouvé le commandant incontesté dans sa zone.

25 Maintenant, les mémoires préalables au procès ont fait quelques

26 développements par rapport à l'affaire Limaj. La Chambre de première

27 instance avait conclu au paragraphe 134, qu'avant la fin de mai 1998, l'UCK

28 possédait suffisamment les caractéristiques d'un groupe organisé capable de

Page 373

1 s'engager dans un conflit armé interne. Maintenant, la Défense ne voudrait

2 pas que la Chambre de première instance conclue qu'il y avait un conflit

3 armé avant cette date. Toutefois, dans l'affaire Limaj la situation était

4 très différente par rapport à cette affaire-ci portée devant la Chambre.

5 Les crimes faisant l'objet de l'acte d'accusation, c'était dans une

6 zone différente. Vous verrez ceci maintenant sur le prétoire électronique,

7 que ces crimes dans la zone en question, c'était pour des meurtres à

8 Berisha. Si nous pouvons revenir à l'ensemble de l'image, vous pouvez voir

9 sur la gauche de la carte la zone de Dukagjin, et à droite de la carte il y

10 a la zone de Limaj. Lorsque vous regardez les deux ensembles, ce sont deux

11 zones totalement distinctes. Il n'y a absolument aucun conflit entre le

12 procès Limaj dans lequel la Chambre de première instance est parvenue à une

13 conclusion par rapport à un acte d'accusation limité à une période plus

14 tardive, et le fait que vous puissiez conclure qu'un conflit armé existait

15 plus tôt, à une période antérieure.

16 En fait, les autorités serbes n'avaient aucun doute qu'elles étaient

17 engagées dans un conflit armé à partir de cette première date. Je

18 démontrerai cela un peu plus tard. Effectivement, Haradinaj lui-même ne

19 faisait aucun mystère de ce fait, ou tout au moins avant d'avoir été accusé

20 de crimes de guerre, ne faisait aucun mystère qu'un conflit armé existait

21 avant la fin du mois de mai 1998.

22 Le 5 septembre 2001, sept ans avant d'avoir été accusé, il a été

23 interviewé par un journaliste suisse. Il lui a dit, et vous verrez ceci sur

24 le e-court, "où était votre base ? Je pense que vous pouvez me dire cela.

25 Où se trouvait votre base pendant la guerre ?" Il a répondu : "Pec, Decani,

26 Djakovica, jusqu'à la région de Klina. J'étais là pendant tout le temps,

27 depuis mars 1998 à juin 1999,

28 15 mois. Oui, c'est 15 mois de guerre ouverte. J'étais là face-à-face" - je

Page 374

1 souligne ce fait - "face-à-face avec les Serbes."

2 Alors, ce ne sont pas là les mots d'un homme qui n'était pas engagé dans un

3 conflit armé en mars, avril et mai 1998.

4 Dans son propre livre, alors qu'il décrit les attaques militaires des

5 Serbes contre sa propriété, sa maison, la propriété de famille à Glodjane,

6 il a déclaré ceci en ce qui concerne cette attaque à Prekaze. "Nous, dans

7 la zone de Dukagjin, ne sommes pas restés à nous tourner les pouces."

8 Voulez-vous montrer, s'il vous plaît, la partie en bas de l'image.

9 "Les forces serbes attaquaient partout continuellement, jour et nuit,

10 de façon parfaitement ouverte. La Serbie a vu le danger que la guerre

11 s'étende, et bien entendu, elle a vu également que la guerre allait se

12 rapprocher de la frontière. En même temps, nous avions commencé des

13 préparatifs d'action plus directe avec des attaques. Je pense que les

14 Serbes savaient que Jablanica était un point éclair pour la guerre, un

15 point de conflagration."

16 Ceci sont les mots qu'il a notés. Egalement, dans son propre livre,

17 dans ses propres mots, lorsqu'on a posé des questions concernant l'attaque,

18 Haradinaj a dit, lorsqu'il a décrit l'attaque, il a dit : "Je savais que

19 quelque chose allait se passer après Gllogjan eut été construit. Les

20 événements du 24 mars se sont produits presque sans conséquence, et lorsque

21 nous avons commencé, nous avons su, nous savions qu'aucun des deux côtés ne

22 renoncerait à ses ambitions."

23 Je m'arrête un instant là. "Aucun des deux côtés." Un conflit armé

24 nécessite évidemment deux parties. Ici, Haradinaj, dans son propre livre,

25 il a décrit le fait qu'il y avait deux côtés au conflit en mars 1998.

26 "Donc, il fallait travailler ou être supprimés. Ma première idée

27 était que Gllogjan ne soit pas la ligne de front. Ceci devait être au moins

28 un village plus loin, de sorte que nous aurions pu avoir une base derrière

Page 375

1 les lignes. Pour faire la guerre, on a besoin d'avoir une base de ce type

2 pour nous donner assez de champ pour préparer des opérations pour que les

3 soldats puissent se reposer, ainsi de suite. Donc, nous avons travaillé

4 très dur pour avoir du matériel le plus rapidement possible pour les

5 villages où l'ennemi viendrait, tels qu'Irzniq, Baballoq, Gramacel et

6 Shaptej.

7 Nous avons, à ce moment-là, travaillé très dur, mais pas pour détruire,

8 seulement avec l'idée de prendre certaines positions aussi près que

9 possible de nous de façon à les tenir de façon à pouvoir riposter."

10 Maintenant, le général de l'armée yougoslave retraité, qui se

11 trouvait dans la région pendant toute la période correspondant à l'acte

12 d'accusation et qui a commandé la 125e Brigade motorisée de l'armée

13 yougoslave, à partir du 12 juin, pourra dire dans une déposition devant

14 vous, que le 28 février 1998 des soldats de l'UCK faisant partie d'un

15 groupe organisé, ont attaqué un ministère serbe de l'Intérieur - c'est ce

16 qu'on appellerait ici le MUP - par une patrouille dans le village de

17 Likosane. Il dira à la Chambre que c'est à partir de ce moment-là, à partir

18 de février 1998, que l'armée yougoslave, la VJ s'est rendu compte que l'UCK

19 s'organisait militairement et s'entraînait. Des incidents entre l'UCK, la

20 VJ et le MUP, c'est-à-dire les forces serbes combinées, ces incidents se

21 sont poursuivis à partir de là.

22 A titre d'exemple, je voudrais mettre à l'écran un ordre ou un

23 rapport daté du 23 février 1998 intitulé "Secret militaire confidentiel"

24 signé par Bozidar Delic, qui viendra également déposer devant la Chambre,

25 où il a dit : "Au cours des derniers mois de 1997, mais plus

26 particulièrement en janvier 1998, il y a eu détérioration importante de la

27 situation au point de vue sécurité, au point de vue politique dans le

28 territoire de la municipalité de Djakovica." Il décrit un secteur qui est

Page 376

1 la zone de Dukagjin, la zone, ou en partie la zone de Dukagjin, qui

2 représente une surface totale de

3 90 kilomètres carrés. Et les villages qui sont à l'extrême sont les

4 villages de Jablanica, Crmljane, Zabelj, Grgoc.

5 En dessous, il a écrit : "D'après ce que nous avons appris, ce

6 territoire ne s'est pas trouvé sous le contrôle de la République de Serbie

7 ou les organes de la République de Serbie depuis plusieurs années. Comme le

8 département de la police s'est retiré à Crmljane, le territoire a été

9 entièrement abandonné pendant des années, et ceci, seulement pour tomber

10 sous le contrôle ou l'acceptation de terroristes soi-disant UCK de la fin

11 de 1997."

12 Un communiqué de l'UCK publié le 11 mars 1998 parle d'un conflit,

13 d'affrontements entre des militaires serbes et des combattants de l'UCK. Il

14 précise : "Au cours des derniers jours depuis le 7 mars, nos forces armées

15 se sont affrontées sur un vaste front, avec des formations occupant des

16 forces militaires serbes d'occupation et des forces de police et de

17 volontaires chetniks. Des confrontations militaires qui s'étendent sur un

18 vaste front, allant de Skender dans le nord vers Klina, Mitrovica à l'est,

19 et les villages le long de la ligne de Gllogoc au village de Cicavice, y

20 compris un grand nombre de villages dans la région. En dessous de cela,

21 l'UCK, les formations militaires sont également engagées des forces

22 d'occupation," c'est-à-dire des Serbes, "dans la région de Llap, dans la

23 région de Djakovica et Klina, entre Malisheve et Rahovec. Il a également eu

24 des engagements sur une ligne qui s'étendait de Decane à Pec."

25 Après cela : "L'UCK a combattu les forces d'invasion et a réussi à

26 rompre les lignes ennemies sur plusieurs fronts contre la police et les

27 sièges militaires en infligeant de lourdes pertes aux forces militaires de

28 l'ennemi en ce qui est des forces volontaires et en causant des dommages

Page 377

1 matériels considérables."

2 Cela est intervenu au même moment qu'un rapport rédigé par le général

3 Delic, qui déposera devant cette Chambre, le rapport du

4 5 mars 1998, qui parle de la zone de responsabilité de sa brigade, à savoir

5 le 549e Bridage motorisée. Voilà ce qu'il affirme : "Ce qui caractérise ces

6 événements c'est le fait qu'il y a eu une escalade d'événements

7 terroristes", il fait référence à l'UCK, "ce qui élargit la zone

8 d'opérations des groupes terroristes dans la zone Jablanica. Nous estimons

9 que les attaques contre les Serbes dans les villages de Bec, Crmljane, et

10 Ratis, seront suivies d'attaques contre les Serbes dans les villages de

11 Bites, Janos, Ljug Bunar et Vranic. Nous pensons que l'objectif principal

12 des terroristes, lors de ces attaques, n'était pas de tuer des Serbes mais

13 de créer la panique pour les encourager à abandonner leurs biens et à

14 quitter le Kosovo. Il semblerait que cet objectif sera réalisé dans une

15 large mesure."

16 Voilà précisément ce qui s'est passé.

17 Par conséquent, l'orateur semblait avoir connaissance des événements

18 qui allaient se dérouler.

19 Le 22 avril 1998, le colonel Lazarevic du Corps de Pristina fait

20 rapport au commandant. Il a fait état d'une attaque terroriste où il dit

21 que : "20 ou 30 terroristes," ce qui montre qu'il s'agissait d'une force

22 organisée, "ont lancé une attaque d'infanterie contre une secteur de

23 l'unité du 52e Bataillon de la Police militaire. Les renseignements du MUP

24 indiquaient que les trois tracteurs transportant des armes se rendaient de

25 Bec vers Jablanica. L'attaque a duré environ 30 minutes."

26 Autre indication du conflit militaire en cours à l'époque, il s'agit là

27 d'un rapport journalier adressé le 3 mai 1998 en rapport avec une attaque

28 ce jour-là de la part de, je cite : "Des terroristes albanais contre une

Page 378

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 379

1 patrouille du MUP près de Djakovica, près du village de Panosevac,

2 apparemment, après cet incident, des tirs de mortiers synchronisés sont

3 intervenus des villages environnants vers le poste de contrôle du MUP à

4 proximité du village de Panosevac."

5 Le 9 mai, le commandant de la 549e Brigade a présenté un rapport

6 selon lequel en raison des activités des groupes terroristes sur la route

7 principale, Pristina-Pec-Djakovica, un ordre avait dû être donné, un ordre

8 particulièrement grave en terme militaire, un ordre indiquant que :

9 "Jusqu'à nouvel avis, il était interdit de procéder à des déplacements de

10 véhicules militaires et civils transportant des membres du corps le long de

11 la route Pristina-Klina-Pec et Pristina-Pec-Djakovica."

12 Par la suite, le 12 mai, le général Pavkovic a donné un ordre au Corps de

13 Pristina, et il a fait référence une fois de plus aux activités de gangs

14 terroristes, à la fois le général Delic et le général Zivanovic indiqueront

15 aux Juges de la Chambre qu'ils ont reçu cet ordre. Il s'agissait donc là

16 d'activités organisées de l'UCK. Cet ordre était plus sérieux. La situation

17 s'était tellement dégradée en date du 12 mai que le premier ordre indiquait

18 : "Jusqu'à nouvel ordre, j'interdis tout mouvement de véhicules de l'armée

19 et véhicules civils appartenant à des officiers de l'armée et à des civils

20 employés par l'armée pour transporter des membres du corps sur ces axes

21 principaux."

22 Le général Zivanovic et le général Delic diront aux Juges de la Chambre que

23 les forces militaires serbes et les forces du MUP serbe étaient face à des

24 attaques constantes et organisées de la part des forces de l'UCK pendant

25 cette période, avant la période où la Chambre dans l'affaire Limaj a estimé

26 qu'il y avait existence d'un conflit armé au Kosovo.

27 L'UCK a publié un communiqué le 13 mai et, tout comme l'Accusation,

28 elle estimait qu'il y avait bien un conflit armé au mois de mai sur ce

Page 380

1 territoire, dans ces secteurs particuliers. La période qui était donnée

2 était la suivante, au mois de mars, au mois d'avril et début mai : "Le

3 peuple albanais s'est battu contre les Serbes et a continué à se renforcer

4 sous la direction de l'UCK. Conformément aux ordres de l'état-major de

5 l'UCK, des opérations réussies contre les troupes d'invasion," c'est-à-dire

6 la VJ et le MUP, "ont été menées à bien dans la zone opérationnelle numéro

7 1, c'est-à-dire les sous-zones opérationnelles de Drenica et Llap."

8 Ensuite, ils ajoutent "Dans le cadre de combats, les forces d'invasion ont

9 subi des pertes humaines et matérielles importantes." La ligne suivante

10 indique : "Cela fait froid dans le dos. Pendant toute cette période, des

11 opérations ont également été menées contre des collaborateurs albanais qui,

12 malgré des mises en garde précédentes, n'ont pas abandonné leurs activités

13 antinationales."

14 Dans la sous-zone d'Erenik, différentes opérations ont été menées

15 avec succès contre l'invasion à Glodjane, Baballoq et Hulaj. Nos forces,"

16 c'est-à-dire l'UCK, "ont livré une rude bataille contre la VJ et le MUP

17 pendant cette période. Notre armée," on dit armée, "a lutté efficacement

18 contre l'ennemi et défend avec succès les zones libérées."

19 Zivanovic dira dans sa déposition que le 23 mai les soldats de l'UCK

20 ont lancé une telle attaque contre ses forces - les forces de Zivanovic -

21 sur la route Djakovica-Panosevac, que lui, Zivanovic, a dû déployer 200

22 soldats pour assurer la sécurité de la zone frontière. Or, en termes

23 militaires, 200 soldats, 200 hommes, cela veut dire des forces importantes.

24 Les attaques se sont poursuivies tout au long du mois de juin et du

25 mois de juillet. Zivanovic va indiquer que la route de Djakovica à Junik

26 était dangereuse et a fait l'objet d'attaques nombreuses.

27 Haradinaj, lui-même, dans le compte rendu du 13 juin 1998, a fait

28 référence à une ligne de front au-delà de la route principale en direction

Page 381

1 de Voksh et Pobergj. Dans le compte rendu de la réunion qui s'est tenue le

2 21 juin 1998, il montre le pouvoir qu'il exerçait, on peut lire dans ce

3 compte rendu : "La réunion, comme ont pu le constater toutes les personnes

4 présentes, visait à assurer le caractère systématique, l'organisation et la

5 coordination des activités dans cette zone." A savoir la planification des

6 opérations contre les Serbes à grande échelle dans la zone de Dukagjin, une

7 défense coordonnée contre l'offensive et les attaques serbes, le

8 déploiement d'hommes, le matériel technique à différents endroits et des

9 moments donnés, la division de la zone opérationnelle en sous-zone dans la

10 région, la fourniture de renseignements actualisés sur les attaques, les

11 réunions conjointes au sein du quartier général, un combat commun contre

12 l'ennemi, y compris sur le plan du renseignement, et également un combat

13 commun contre les malfaiteurs, criminels, ennemis.

14 Pour preuve de la nature organisée de la zone opérationnelle de

15 Dukagjin de Haradinaj, on peut citer le compte rendu de la réunion du 23

16 juin 1998 où l'état-major est établi. Le commandant est Ramush Haradinaj.

17 Le commandant adjoint est Lahi Brahimaj. Si vous parcourez la liste, vous

18 voyez que le responsable pour le sabotage et les activités antiterroristes

19 est Togeri, lieutenant, c'est-à-dire Balaj.

20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur

21 Re, je crois que vous avez certainement fait un lapsus. Il ne s'agit pas de

22 sabotage, mais c'est le terme subversif qui est utilisé.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que nous pourrions avoir

24 ce texte à l'écran, une fois de plus, pour vérifier.

25 M. RE : [interprétation] Il y a deux traductions.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux traductions.

27 M. RE : [interprétation] Dans un cas on dit "sabotage"; dans l'autre cas,

28 on dit "subversif."

Page 382

1 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'étais en train de lire ce qui

2 apparaissait à l'écran, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, vous avez lu quelque chose

4 à l'écran qui, d'après M. Re, est traduit différemment dans le document.

5 Est-ce que la question est d'une importante telle que nous devions nous

6 attarder là-dessus à ce stade ?

7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non. Nous pouvons poursuivre.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

9 Alors, poursuivons. Nous procéderons aux vérifications nécessaires.

10 M. RE : [interprétation] Le 24 juin 1998, Haradinaj a donné un ordre, un

11 ordre très important. L'ordre consistait "à réaliser une mobilisation

12 générale des ressources humaines et matérielles" dans son secteur. Dans la

13 deuxième partie de cet ordre, il est dit qu'il fallait "préparer de façon

14 appropriée la population, les combattants et les officiers militaires pour

15 les besoins de la guerre." Au point 4, il est dit : "Prendre des mesures

16 pour empêcher toutes activités qui seraient préjudiciables à la guerre."

17 Cet ordre est un ordre qui sera utilisé par l'Accusation dans le cadre de

18 ce procès.

19 Les mesures qui sont mentionnées, c'est-à-dire empêcher toutes

20 activités qui seraient préjudiciables à notre guerre, nous amènent au cœur

21 de l'entreprise criminelle commune qui est alléguée, car Haradinaj et les

22 autres personnes couvertes par l'entreprise criminelle commune ont pris des

23 mesures qui dépassent largement tout ce que l'on aurait pu imaginer de

24 façon légitime, compte tenu des lois de la guerre.

25 Des officiers du MUP déposeront devant les Juges de la Chambre. Le MUP

26 procédait de façon légèrement différente par rapport de la VJ, et ils vous

27 informeront d'attaques fréquentes. Un officier haut gradé du renseignement

28 serbe, qui avait accès au plus haut niveau de l'UCK, indiquera ici dans sa

Page 383

1 déposition qu'à leur avis, c'est en janvier 1998 que le soulèvement de

2 l'UCK a réellement commencé; que les attaques de l'UCK contre la police,

3 l'armée, les Serbes et autres non-Albanais ont été perpétrées sur une base

4 quotidienne; que pendant la période couverte par l'acte d'accusation, l'UCK

5 a mené des attaques synchronisées à l'échelle de toute la zone.

6 Un autre officier du MUP indiquera aux Juges de la Chambre qu'à compter du

7 printemps 1998, l'UCK a intensifié ses attaques et ses embuscades contre le

8 MUP, la VJ et les civils, que l'UCK a procédé à des enlèvements, a mis sur

9 pied des barrages routiers, des postes de contrôle. Il dira dans sa

10 déposition que ces crimes se sont radicalisés et que les policiers

11 risquaient particulièrement de se faire enlever et tuer. Il vous indiquera

12 que l'UCK ouvrait le feu sur tous Serbes, surtout des forces de police,

13 mais également des civils.

14 Les officiers du MUP vous diront également qu'après le meurtre d'un

15 officier de police serbe en mars 1998, la police ne pouvait plus pénétrer à

16 Jablanica et dans des zones contrôlées par Haradinaj. Ils vous expliqueront

17 que les policiers risquaient d'essuyer des tirs s'ils tentaient d'entrer

18 dans ces villages. Ils vous diront que la zone autour du lac de Radonjic,

19 plus particulièrement le secteur où les corps ont été retrouvés, était une

20 zone où la police ne pouvait pas pénétrer.

21 Pour décider s'il y avait existence d'un conflit armée, les Juges de

22 la Chambre sont en droit d'examiner les résolutions du Conseil de sécurité;

23 or, une résolution particulièrement importante a été adoptée par le Conseil

24 de sécurité dès le 31 mars 1998. Elle fait référence aux deux parties au

25 conflit. Dans la citation que je suis sur le point de faire, il est dit :

26 "Condamne l'usage excessif de la force de la part des forces de police

27 serbes contre les civils et les manifestants pacifiques au Kosovo, ainsi

28 que tout acte de terrorisme de la part de l'Armée de libération du Kosovo,

Page 384

1 ou tout autre groupe ou individu, ainsi que le soutien aux activités

2 terroristes au Kosovo, y compris par le biais du financement ou de la

3 formation."

4 L'ONG "Human Rights Watch", qui jouit d'une grande reconnaissance, d'un

5 grand respect, a également recensé des violations des lois de la guerre des

6 deux parties au conflit pendant la période couverte par l'acte

7 d'accusation. Dans son rapport portant sur les violations du droit

8 international humanitaire au Kosovo, publié en octobre 1998 - il s'agit là

9 de la page 3 du résumé - dans une partie intitulée "Violations des lois de

10 la guerre de la part de l'UCK", "Human Rights Watch" affirme : "Les

11 insurgés albanais, connus comme l'Armée de libération du Kosovo/l'UCK, ont

12 également violé les lois de la guerre par des actes tels que la prise

13 d'otages civils, ainsi que par des exécutions sommaires, même si c'était à

14 moindre échelle que les violations de la part du gouvernement. Il s'agit là

15 dans les deux cas de violations de normes internationales qu'il faut

16 condamner."

17 L'Accusation fera déposer un contrôleur haut placé de "Human Rights Watch"

18 qui était sur le terrain et qui pourra informer les Juges de la Chambre de

19 première main de ce qu'il a vu et de ce qu'il a entendu.

20 C'est également au même moment en octobre 1998 que "Human Rights

21 Watch" a publié un rapport sur les violations du droit international

22 humanitaire, et c'est à ce moment-là que l'UCK a publié son propre

23 communiqué confirmant que des affrontements avaient eu lieu dès le mois de

24 février de cette année-là dans un communiqué du 17 octobre, intitulé "L'UCK

25 adresse des renseignements à la communauté internationale", il y est dit en

26 bas de la page : "Après les massacres serbes de la population albanaise à

27 Likoshan, Qirez et Prekaz, en février de cette année, une guerre rude et

28 inégale a commencé au Kosovo entre les forces militaires de police et

Page 385

1 paramilitaires serbes d'une part et le peuple albanais de l'autre."

2 "Human Rights Watch" était à tel point préoccupé par les événements qui se

3 déroulaient au Kosovo des deux côtés qu'elle a publié une mise en garde. En

4 page 75 de son rapport, intitulé "Violations des lois de la guerre de la

5 part de l'UCK." "Human Rights Watch" mettait en garde l'UCK, et je cite :

6 "Les règles du conflit armé interne visées à l'article commun 3 et au

7 Protocole II des conventions de Genève lient à la fois le gouvernement et

8 les insurgés armés. En tant que tel, l'UCK est tenu de respecter les

9 dispositions du droit international humanitaire, comme la protection des

10 non-combattants et l'interdiction de la prise d'otages."

11 Dans la suite du texte, l'ONG présente des conclusions sur la base de ses

12 observations sur le terrain, sur la base d'entretiens avec des réfugiés en

13 provenance de zones attaquées par l'UCK, de zones assiégées, et le texte

14 poursuit, je cite : "Malgré ces obligations, l'UCK a commis des violations

15 du droit international humanitaire, y compris la prise d'otages, et comme

16 elle le reconnaît elle-même, des exécutions sommaires. Au moins 138

17 personnes, la plupart étant d'origine ethnique serbe, mais également un

18 certain nombre d'Albanais et de Rom, auraient été enlevées par l'UCK."

19 Le texte poursuit : "Certaines opérations de l'UCK visaient

20 apparemment à faire en sorte que des Serbes quittent leurs villages. 'Human

21 Rights Watch' a entendu des Serbes lui relater qu'ils avaient été forcés à

22 quitter différents villages comme Jelovac, Kijevo, Gornji Racia, Dasinovac,

23 et cetera. Certains Serbes étaient trop âgés pour pouvoir quitter leurs

24 maisons. Certains sont portés disparus, et on craint qu'ils n'aient trouvé

25 la mort."

26 Certaines personnes sont précisément visées par cet acte

27 d'accusation.

28 Le texte se poursuit : "L'UCK a attaqué et enlevé des Albanais du

Page 386

1 Kosovo et des Rom qu'ils considéraient comme des collaborateurs avec le

2 gouvernement yougoslave."

3 "Human Rights Watch" était préoccupé du fait que l'UCK avait adressé une

4 mise en garde le 12 juillet 1998 - il s'agit là de la page 76 du rapport -

5 une mise en garde dans laquelle l'UCK disait que : "Premièrement, toutes

6 les forces serbes, qu'il s'agisse de forces de police, militaire ou de

7 civils armés, étaient considérées comme des ennemis. Dès le départ, nous

8 avions nos propres règles de fonctionnement, qui disaient clairement que

9 l'UCK reconnaissait les conventions de Genève et les conventions régissant

10 la conduite de la guerre, même si elle n'a pas eu la possibilité de les

11 signer comme elle aurait aimé le faire. Nous n'avons pas procédé à des

12 enlèvements, mais si des personnes ont souffert, il s'agit davantage de

13 collaborateurs albanais plutôt que des civils serbes."

14 Suite à quoi, en page 11 du rapport, "Human Rights Watch" a formulé

15 une recommandation à l'intention de l'UCK en l'invitant à respecter ses

16 obligations en vertu du droit international humanitaire, à remettre en

17 liberté tous les civils en détention, à s'abstenir d'attaquer la population

18 civile, à ne pas utiliser des détenus ou des civils comme otages et à

19 traiter les soldats ou policiers serbes en détention avec humanité. Cette

20 ONG a condamné également la prise d'otage et les mauvais traitements aux

21 civils et recommandé à l'UCK d'imposer un code de conduite militaire

22 réprimant la prise d'otage et les atteintes au droit international

23 humanitaire, et de faire en sorte que tout auteur d'abus soit poursuivi.

24 La Chambre, dans l'affaire Limaj, n'a pas eu à se prononcer sur

25 l'existence d'un conflit armé avant la fin du mois de mai 1998.

26 L'entreprise criminelle commune en l'espèce, on a affirmé qu'elle avait

27 commencé avant le mois de mai 1998 et qu'elle s'était poursuivie jusqu'en

28 août 1998. Dans l'affaire Haradinaj, on affirme que l'entreprise criminelle

Page 387

1 commune a commencé précédemment.

2 Un incident se détache des autres, mentionné dans l'acte d'accusation

3 - nous y revenons dans notre mémoire préalable au procès - il s'agit là

4 d'un incident qui a trait à la mens rea et l'actus reus de ces trois

5 accusés ainsi qu'au modus operandi de l'UCK et de la façon dont l'UCK a

6 procédé dans le cadre entreprise criminelle commune.

7 Il s'agit là d'un incident qui s'est déroulé le 11 août 1998, où deux

8 contrôleurs de la Communauté européenne ont été enlevés et brièvement

9 détenus par l'UCK à Rznic, qui était le village contrôlé par les Aigles

10 noirs de Balaj. Comme la Chambre n'est pas sans savoir, la Communauté

11 européenne a envoyé des contrôleurs dans des zones de conflit dans les

12 Balkans. Il s'agissait là de diplomates qui devaient bénéficier d'une

13 immunité diplomatique dans ces zones de conflit. Leurs tâches consistaient

14 à observer et à faire rapport sur ce qui s'est passé entre les parties au

15 conflit.

16 Le 11 août, deux de ces contrôleurs ainsi qu'un interprète albanais

17 et un troisième passager, se sont rendus à Rznic, qui était contrôlé par

18 Balaj à l'époque, qui était pilonné par les forces serbes. Lorsqu'ils sont

19 arrivés à Rznic, ils ont été arrêtés par des soldats armés de l'UCK qui

20 leur ont demandé de décliner leur identité, de dire ce qu'ils faisaient.

21 Les soldats de l'UCK ont menacé ces diplomates d'une arme et ils les ont

22 invectivés. Ils ont demandé : "Où est la communauté internationale ?"

23 Conformément au modus operandi en vigueur, ils ont accusé un de ces

24 contrôleurs européens d'être un espion serbe. Ils leur ont ordonné de

25 partir. Mais avant qu'ils ne partent, Idriz Balaj est arrivé avec deux

26 autres soldats dans une jeep et il a ordonné à ces contrôleurs de les

27 suivre dans une maison de Rznic, où se trouvait le quartier général local

28 de l'UCK.

Page 388

1 Balaj considérait que l'interprète albanais était un collaborateur,

2 parce qu'il accompagnait une personne prétendument espion serbe, mais en

3 réalité un contrôleur de la MOCE, et devant ces contrôleurs, devant ces

4 diplomates, Balaj a donné des coups de pied et des coups de poing à cet

5 interprète, il l'a traité de traître et il lui a dit qu'il allait le tuer,

6 il l'a menacé d'une arme. Balaj a fait monter les contrôleurs européens et

7 l'interprète, il les a interrogés. Une fois de plus, il a menacé

8 l'interprète de le tuer. Dix minutes plus tard, Haradinaj est arrivé. C'est

9 lui qui a poursuivi l'interrogatoire de ces trois personnes dans cette

10 salle au premier étage du quartier général de l'UCK. Haradinaj s'exprimait

11 parfaitement en anglais et en français. Haradinaj, en fin de compte, les a

12 fait redescendre jusqu'à la jeep. Il a fouillé en personne le véhicule des

13 diplomates, en d'autres termes, un véhicule diplomatique, puis les a

14 laissés partir.

15 Ce qui est particulièrement important, c'est que pendant cet

16 interrogatoire, Haradinaj a dit à ces contrôleurs de la MOCE que c'est lui,

17 Haradinaj, qui contrôlait cette zone et que personne ne pouvait quitter

18 cette zone sans qu'il en ait connaissance et sans qu'il l'approuve.

19 Un de ces contrôleurs de la MOCE déposera devant cette Chambre. Il

20 dira qu'elle a été la réaction des membres de l'UCK face à Haradinaj, quel

21 est le respect qui lui témoignait. Il décrira le salut face à Haradinaj. Il

22 montrera que Haradinaj était clairement celui qui contrôlait la situation.

23 Il dira également aux Juges de la Chambre qu'il a reconnu Brahimaj

24 comme une des personnes présentes pendant leur période de détention dans

25 cette propriété. Il décrira Haradinaj comme étant un homme intelligent et

26 maîtrisé dont les ordres étaient immédiatement suivis sans discussion. Il

27 décrira Haradinaj comme étant un homme qui exerçait un contrôle total sur

28 les membres de l'UCK à ce moment-là.

Page 389

1 Je vois l'heure, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement, j'étais sur le

3 point de vous inviter à faire une pause au moment où cela vous semblerait

4 approprié. Si c'est là le moment approprié pour vous --

5 M. RE : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- dans ce cas, nous allons faire une

7 pause de 25 minutes. Nous reprendrons à 16 heures 10 et vous aurez la

8 session suivante pour achever votre déclaration liminaire.

9 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

10 --- L'audience est reprise à 16 heures 12.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, avant que je ne vous

12 permette de poursuivre, une question très précise. Apparemment, le premier

13 témoin qui figure sur la liste ne va pas être cité à la barre demain. Est-

14 ce qu'il va être remplacé par quelqu'un ou pas ou est-ce que cela signifie

15 qu'il n'y aura pas de témoins demain ?

16 M. RE : [interprétation] Nous souhaiterions remplacer ce témoin par un

17 autre. Il ne s'agit pas simplement de remplacer le témoin; il s'agit

18 d'intervertir les témoins.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on sait de quel témoin il

20 s'agira ? Il est bon de le savoir.

21 M. RE : [interprétation] Je pourrais vous le dire. Un instant, je vous

22 prie.

23 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit du numéro 2 sur la

25 liste ? Faisons surtout attention à ne pas révéler le nom des témoins, ces

26 témoins éventuellement protégés, puisque actuellement dans ce stade du

27 procès même aucune mesure de protection n'a encore été demandée. Qu'avez-

28 vous l'intention de faire ? A quoi s'attend la Défense ?

Page 390

1 M. EMMERSON : [interprétation] En deux mots, nous sommes complètement dans

2 le noir.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Peut-être M. Re pourra-t-il faire

4 la lumière. Je comprends bien que vous vous réservez le droit de dire :

5 Nous refusons d'entendre le témoin X, Y ou Z parce que nous ne nous sommes

6 pas préparés, aucun document ne nous a été communiqué, et cetera. Essayons

7 d'écouter M. Re pour voir ce qu'il a à nous dire.

8 M. RE : [interprétation] L'Accusation souhaite intervertir les témoins 1 et

9 2. La Défense a déposé une requête s'agissant de ces deux témoins pour

10 exclure leurs dépositions.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

12 M. RE : [interprétation] Pour ce qui est du premier témoin, nous avons

13 quelques difficultés. Il y a peut-être des pièces supplémentaires qui

14 devront être communiquées à la Défense.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous entends bien. Donc, le témoin

16 qui était prévu pour mercredi, vous souhaitez que nous l'entendions demain.

17 M. RE : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous savez, ce n'était pas clair

19 pour tout le monde.

20 Maintenant, au moins nous savons ce qu'il en est, ce qu'a l'intention

21 de faire M. Re.

22 Maître Emmerson.

23 M. EMMERSON : [interprétation] Je n'ai rien à redire à ce que le témoin qui

24 est actuellement le numéro 2 --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

26 M. EMMERSON : [interprétation] -- soit entendu dans le cadre de

27 l'interrogatoire principal demain.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

Page 391

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 392

1 M. EMMERSON : [interprétation] La semaine dernière, j'ai indiqué qu'il y

2 avait quelque 800 pages de documents qui nous avaient été communiquées et

3 qui étaient directement en rapport avec ce témoin, des documents qui nous

4 ont été communiqués la semaine dernière. A l'époque, je ne savais pas dans

5 quelle mesure c'était véritablement directement en rapport avec le témoin

6 et le procès. Or, ce qui apparaît c'est qu'il y au moins 300 pages du

7 rapport qui n'ont rien à voir avec la période visée à l'acte d'accusation.

8 Il y a également des cahiers qui ont une grande pertinence et qui sont

9 d'une grande densité, et nous sommes en train d'y travailler. Donc,

10 difficile pour nous, en deux mots, de contre-interroger demain ce témoin.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Autre chose pour ce qui est du témoin 1, M.

13 Re a fait allusion il est possible que ce témoin présente un grand nombre

14 de cahiers, de registres qui sont actuellement en serbe. Il est possible

15 que le contenu de ces cahiers soit en rapport avec le témoin numéro 2 et

16 son contre-interrogatoire.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'aime pas -- enfin j'hésite à

18 interrompre --

19 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- de la sorte la déclaration liminaire

21 du Procureur.

22 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu, les questions que vous

24 soulevez sont d'une grande pertinence, mais peut-être pas au point

25 d'interrompre complètement l'Accusation.

26 Je me tourne cependant vers les autres équipes de la Défense pour savoir

27 s'il y a des objections qu'elles manifestent envers l'audition du témoin

28 numéro 2 sur la liste qui était prévue pour mercredi. Est-ce que vous vous

Page 393

1 opposez à ce qu'on l'entende demain ?

2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non. Je partage les préoccupations de mon

3 confrère Me Emmerson.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

5 M. HARVEY : [interprétation] Même chose pour ce qui nous concerne.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y une requête qui a été déposée

9 qui n'a pas encore été résolue au sujet des témoins un et deux. La Chambre

10 va s'interroger sur cette requête. Nous n'avons pas reçu de réponse,

11 Monsieur Re -- enfin, nous n'avons eu qu'une réponse très brève de votre

12 part.

13 M. RE : [interprétation] Vous parlez de la requête qui a été déposée ce

14 matin ? Non, il n'y a pas de réponse.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a été informée d'échanges à

16 ce sujet.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Nous avons joint à cette requête une lettre

18 du 2 et du 3 mars de l'Accusation où ils indiquent les déclarations qu'ils

19 souhaitent présenter, et le Procureur explique pourquoi il estime que ces

20 pièces sont recevables.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est ce que j'avais à l'esprit

22 tout à l'heure. La Chambre demain va décider ce qu'il convient de décider

23 ou de faire s'agissant de cette requête, si cela a un impact quelconque sur

24 le début de l'audition de ces deux témoins. Mais pour l'instant, en dehors

25 du fait que l'Accusation va faire comparaître demain le témoin qui figure

26 au numéro 2 sur la liste et qui devait comparaître mercredi; la seule chose

27 à souligner, c'est que la Défense commencera le contre-interrogatoire le

28 lendemain. Bien.

Page 394

1 Monsieur Re, je voulais traiter de cette question importante de la manière

2 la plus brève possible, mais je vous redonne la parole pour votre

3 déclaration liminaire. Je m'attends à ce que vous en terminiez d'ici la

4 pause suivante.

5 M. RE : [interprétation] Nous avons préparé deux tableaux qui vont être

6 affichés et qui seront à la disposition de la Chambre pendant tout le

7 procès. En premier lieu, nous avons une photographie par satellite à très

8 haute résolution qui nous montre le lac, ainsi que toutes les zones

9 pertinentes qui sont visées à l'acte d'accusation. En dessous, vous trouvez

10 une photographie de l'endroit où ont été trouvés tous les corps à côté du

11 lac.

12 J'aimerais que nous fassions un gros plan sur la partie de cette

13 photographie satellitaire pour voir les lieux qui seront mentionnés pendant

14 ce procès.

15 On voit la maison à Haradinaj, le village de Glodjane, Rznic,

16 l'exploitation agricole Ekonomija, le canal en béton, Dasinovac, et cetera.

17 Permettez-moi de me déplacer quelques instants. Ici vous avez une échelle

18 de 10 kilomètres, ceci afin de vous montrer l'échelle de la carte et des

19 lieux qui nous intéressent.

20 Afin que les choses soient encore plus parlantes visuellement, nous

21 disposons d'une photographie des différents sites dont nous allons parler

22 et dont je vais parler quand j'évoquerai les cadavres retrouvés.

23 Ce que vous voyez à l'écran pour l'instant, c'est une carte de la zone de

24 Dukagjin, avec le lac de Radonjic en bas au milieu.

25 Ici, en appuyant sur le point A, on voit la route vers Glodjane.

26 C'est celle qui est à droite. A droite, on voit une mosquée. C'est à Rznic,

27 c'est là que les représentants de la MOCE ont été stoppés. Il y avait un

28 point de contrôle au milieu de ce carrefour. Le témoin de la MOCE pourra

Page 395

1 vous le dire.

2 Point suivant, le point B. C'est une photo satellitaire qui nous montre

3 l'exploitation agricole Ekonomija en haut à droite, le quartier général de

4 l'UCK. En haut, on voit l'exploitation agricole Ekonomija, le canal qui est

5 tout près. En dessous, vous trouvez le quartier général de l'UCK.

6 L'encadré du bas nous indique l'emplacement de la maison des

7 Haradinaj, le village donc de Glodjane. Je vais d'abord vous montrer la

8 maison des Haradinaj. On revient en arrière maintenant. Nous allons

9 maintenant examiner le quartier général de l'UCK. Voici les bâtiments tels

10 qu'ils se présentent maintenant. En 1998, ils avaient une autre apparence.

11 Cliché suivant, l'exploitation agricole Ekonomija.

12 La photographie que nous avons actuellement à l'écran nous montre qu'il

13 existe une route. La route qui passe entre les deux bâtiments va

14 directement à Rznic, à 1 ou 2 kilomètres de là. A droite, vous voyez la

15 ravine et le canal.

16 Ici, on voit qu'on descend la route.

17 On fait une vue panoramique. Nous sommes au milieu de l'exploitation

18 agricole Ekonomija ou à proximité.

19 Merci.

20 Je souhaite maintenant vous montrer le canal. Vous voyez deux zones qui

21 sont mises en évidence ici. Ici, nous voyons encore une fois la route. La

22 zone du canal, la zone en béton du canal qui donne sur le lac, le canal qui

23 va vers le village de Rznic.

24 Vue panoramique maintenant. Merci.

25 Nous voyons une vue aérienne de Jablanica. On voit ici le village de

26 Jablanica, une vue panoramique. En bas ici, on trouve la maison des

27 Brahimaj, le quartier général de l'UCK. Retournons un petit peu sur le

28 côté. Arrêtons-nous ici. En haut de la photographie dans cette direction,

Page 396

1 on voit Jablanica, on voit l'endroit où se trouvait le centre de détention.

2 Photographie suivante.

3 Nous allons maintenant voir le centre de détention de Jablanica.

4 Voici le bâtiment tel qu'il apparaissait l'an dernier. Cette vue

5 panoramique nous permet d'arriver à une entrée. Cette entrée indique

6 l'endroit où se trouve la route qui allait à Jablanica, environ à 1

7 kilomètre de distance.

8 A l'image, nous avons actuellement la porte du centre de détention de

9 Jablanica en ruines aujourd'hui. Voici le bâtiment aujourd'hui, le bureau,

10 et en dessous on trouve le sous-sol où étaient détenus des prisonniers.

11 Voici une photographie prise en août dernier avec de l'eau dans le sous-

12 sol, les témoins nous expliqueront que c'était la même chose en 1998.

13 J'aimerais faire une description détaillée à la Chambre de première

14 instance des corps qui ont été trouvés à côté du canal. Pourquoi est-ce

15 important ? C'est pour montrer les liens qui existaient et le caractère

16 systématique de ces incidents entre des cas de personnes qu'on a vues la

17 dernière fois sous la détention de l'UCK dont on a ensuite retrouvé les

18 corps à cet endroit.

19 Passons à la prochaine photo satellitaire. Sur cette photographie on voit

20 la maison de Haradinaj, le canal. On voit la courte distance qui sépare la

21 maison de Haradinaj, le canal en béton, l'exploitation Ekonomija, et Rznic.

22 Nous pouvons voir la route en terre battue qui va de Rznic au canal où ont

23 été trouvés les corps.

24 Ce qui est important ici, ce qu'il faut bien comprendre c'est que cette

25 zone était contrôlée par l'UCK au moment de la disparition des victimes.

26 Photographie suivante que je souhaiterais vous montrer, c'est une

27 photographie où on nous avait indiqué l'endroit où ont été trouvés les

28 corps. C'est une photographie qui est actuellement affichée dans le

Page 397

1 prétoire même.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quant à moi, Monsieur Re, je trouverais

3 fort utile que vous m'indiqueriez d'abord quel endroit vous allez nous

4 indiquer sur la droite, ensuite, nous montrer cet endroit en particulier.

5 Encore, il y a quelques instants, cela c'était sur notre écran, mais plus

6 maintenant.

7 M. RE : [interprétation] Je vais vous montrer la zone du canal entre Rznic

8 et le "canal en béton" et la ferme Ekonomija. C'est la zone que je vous

9 indique avec mon doigt ici. Nous avons ici une image qui a été prise depuis

10 Rznic vers le canal. On descend ces cascades jusqu'à la zone du Delta, une

11 zone naturelle.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au bout, à distance, on voit le lac.

13 M. RE : [interprétation] A distance.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'en haut de la photographie

15 nous voyons le lac ?

16 M. RE : [interprétation] J'aimerais qu'on le fasse un gros plan.

17 Nous avons indiqué sur cette photographie l'endroit où les corps ont

18 été trouvés ainsi que les noms des victimes ou un numéro commençant par un

19 R, c'est-à-dire les numéros de référence qui ont été attribués à ces corps

20 par les autorités serbes au moment des exhumations en 1998.

21 Ce dont je voudrais maintenant parler à la Chambre de première instance

22 c'est le récit de ce qui est arrivé à ceux dont on a trouvé le corps à cet

23 endroit.

24 La première personne dont je souhaiterais vous parler c'est Zenun

25 Gashi, je voudrais également vous parler de Misin Berisha, Sali Berisha,

26 ainsi que Xhevat Berisha âgé de 14 ans. Ceci vous renvoie au chef 20 de

27 l'Accusation, chefs 20 et 19.

28 Zenun Gashi était un fonctionnaire de police, Rom, qui était en congé

Page 398

1 maladie depuis 1997 suite à un infarctus. Il ne sympathisait nullement avec

2 l'UCK. Il habitait à Kosuric.

3 Le 1er août 1998, les soldats de l'UCK sont venus chez lui et ils

4 l'ont enlevé de manière totalement illicite. Ils l'ont emmené au QG de

5 l'UCK à Rznic. Il y a été emprisonné. Il y avait là deux autres Rom : Misin

6 Berisha et son fils Sali Berisha. Ces trois hommes ont été emmenés du QG de

7 Balaj à Rznic, le QG de l'UCK, jusqu'à un endroit où l'on a retrouvé leurs

8 corps. Le 11 septembre 1998 ou vers cette date les trois corps ont été

9 retrouvés à quelques mètres seulement de distance à côté d'un mur en béton.

10 J'aimerais que maintenant nous montrions la photographie où l'on indique

11 l'endroit où leurs corps ont été trouvés. Leurs corps présentaient des

12 blessures multiples ainsi que des blessures par balle. Autour du cou de

13 Sali Berisha, on a trouvé une corde qui était nouée. On a retrouvé

14 également 2,5 mètres de fil de fer barbelé rouillé à côté de leurs corps.

15 Il y a une des extrémités du fil de fer barbelé qui était nouée en forme de

16 nœud. On a troué dans le fil de fer barbelé, dans les barbelés des longs

17 cheveux noirs et des tissus mous putréfiés.

18 Vous voyez maintenant l'endroit où les corps ont été trouvés c'est à

19 côté de ce dont nous allons parler un peu plus tard; le mur des exécutions.

20 Vous voyez maintenant ici la photographie d'un crâne, le crâne du

21 corps R4, Zenun Gashi, si vous examinez la photographie du haut, vous voyez

22 où son corps a été trouvé. Vous voyez qu'il a reçu une balle dans la tête.

23 Le bâton nous indique la trajectoire suivie par la balle dans son crâne.

24 Xhevat Berisha, qui était le fils de Misin Berisha et qui avait 14

25 ans, qui était le frère de Sali Berisha, a disparu en juin ou en juillet

26 1998. Son corps a été trouvé à proximité, à environ 50 centimètres de celui

27 de son père et de celui de son frère, et de Zenun Gashi à côté du mur des

28 exécutions. Lui aussi, son crâne présentait une blessure par balle et on a

Page 399

1 constaté la présence de fractures multiples au niveau de ses bras et de ses

2 jambes. Une autopsie réalisée en l'an 2003 par des experts médico-légaux

3 étrangers a permis de déterminer que la cause de son décès était une

4 blessure par balle à la tête. On a trouvé de nombreuses autres blessures

5 par balle sur son corps. La Défense ne conteste pas l'identité de cette

6 personne.

7 Maintenant, j'aimerais vous parler d'une autre photographie qui va

8 bientôt apparaître à l'écran et qui nous montre la position du corps et des

9 corps quand on les a trouvés. Cette photographie est apparue très

10 brièvement à l'écran tout de suite. Elle a disparu maintenant, on y voit

11 les représentants des autorités serbes en train d'exhumer les corps.

12 Sur chaque corps, on a placé un marqueur. Ici, on voit le corps de

13 Kemal Gashi avec le numéro 2; Misin Berisha, numéro 3; Zenun Gashi, numéro

14 4; et Xhevat Gashi 14 ans, avec le jalon numéro 5. On voit une personne en

15 habit bleu clair avec des gants à gauche du mur que l'on a trouvé criblé de

16 balles. Nous verrons une photographie prise plus près.

17 Il y a aussi un autre corps identifié, le corps R1, qui se trouvait en

18 dessous du corps numéro 11. C'était la mère du témoin 4 dont je parlerai

19 plus tard. Le corps R12 a été retrouvé en dessous du corps du témoin 4.

20 La personne dont je souhaite vous parler maintenant c'est Idriz Hoti, qui

21 figure aux chefs 21 et 22 de l'acte d'accusation. C'était un Albanais du

22 Kosovo de 64 ans, un membre de la LDK. Il a disparu en juin ou juillet

23 1998, il se rendait à Jablanica où il avait l'intention d'adhérer à l'UCK.

24 Son corps a été trouvé sous celui de Misin Berisha, qui a été vu pour la

25 dernière fois en vie et en détention à Jablanica en août 1998. Tous les

26 deux ont été retrouvés au site d'exécution, près du mur des exécutions. En

27 d'autres termes, c'est quelqu'un qui a disparu en juin ou en juillet 1998.

28 On l'a retrouvé en dessous du corps de quelqu'un qui a été vu en détention,

Page 400

1 détenu par l'UCK en août 1998.

2 Ensuite, nous avons le corps, à côté de son corps, le corps de Hoti, avec

3 un morceau de câble noir semblable à ceux qu'on a retrouvé dans les étables

4 de l'exploitation agricole Ekonomija. Dans son rapport d'autopsie de 2003,

5 le Pr Hoff-Olsen a établi la présence de blessure par balle à la tête de

6 cette personne. C'était probablement ce qu'on a trouvé. La Défense ne

7 conteste pas l'identité de ce corps.

8 Les chefs 21 et 22 traitent de Velizar Stosic et Zdravko Radunovic. Velizar

9 Stosic était un Serbe qui a été vu vivant la dernière fois en juillet 1988

10 alors qu'il quittait son domicile de Belo Polje. Son corps, lui aussi, a

11 été retrouvé à côté du mur de béton. Comme pour d'autres victimes, son

12 corps présentait des blessures par balles des deux côtés, au niveau du

13 crâne ainsi que des fractions multiples. Une autopsie réalisée en 2005 par

14 des experts étrangers a établi qu'il était décédé suite à des blessures par

15 balles multiples au niveau des jambes et de la tête. On a trouvé autour de

16 son cou une corde nouée qui faisait 1 centimètre d'épaisseur. On a trouvé

17 un projectile venant d'un fusil à côté de son corps.

18 Je vais maintenant vous montrer une photographie qui montre un crâne

19 avec une blessure par balle, et on a retrouvé son corps mélangé avec celui

20 de Zdravko Radunovic. Radunovic a disparu vers le

21 18 juillet 1998. C'est important pourquoi ? Parce que la femme de Radunovic

22 va venir déposer, va nous expliquer que la police lui avait déclaré que son

23 mari avait été enlevé par l'UCK dans le village de Dujak. Son crâne aussi

24 présentait une blessure par balle. Nous avons donc deux corps que l'on

25 retrouve l'un à côté de l'autre, tous les deux avec une balle dans la tête,

26 et une personne qui a été kidnappée par l'UCK en juillet 1998. La Défense

27 ne conteste pas l'identité de ces deux corps.

28 Personnage suivant, victime suivante, Pal Krasniqi, qui est visé aux chefs

Page 401

1 31 et 32 de l'acte d'accusation. A côté du corps de Radunovic, on a trouvé

2 celui de Pal Krasniqi. Pourquoi est-ce que c'est important ? C'est

3 important parce qu'il a été vu pour la dernière fois à la prison de

4 Jablanica, la prison de l'UCK. Pal Krasniqi était un Albanais catholique du

5 Kosovo. Le 18 juillet 1998, il s'est rendu au quartier général de l'UCK à

6 Jablanica, le QG qui était sous les ordres de Brahimaj. Il s'est rendu là-

7 bas pour adhérer à l'UCK. Dans les jours qui ont suivi, il a été dénoncé

8 pour activités d'espionnage pour les Serbes à cause de relation qu'il

9 aurait eu avec une femme rom ou serbe. A cause de ces informations, il a

10 été placé en détention à la prison de l'UCK à Jablanica, que je vous ai

11 montrée précédemment. Là, il a été chaque jour victime de sévices avec une

12 batte de baseball dont on lui a donné des coups. Son corps que l'on a

13 trouvé, comme la photographe suivante vous l'indique, présentait de

14 nombreuses fractures qui correspondaient à des coups administrés au moyen

15 d'une batte de baseball. Un examen fluoroscopique réalisé en 2003 a montré

16 la présence d'une balle dans ses restes humains. On a trouvé des blessures

17 par balles au niveau de sa tête, de son tronc et de ses membres supérieurs.

18 Il a été déterminé qu'il était mort de blessures par balles multiples lors

19 des examens menés par les experts étrangers de 2003. La Défense ne conteste

20 pas l'identité de ce corps.

21 Voilà donc encore une fois quelqu'un qui était en détention dans la prison

22 de Brahimaj, qui a été retrouvé à côté du corps de Radunovic qui, lui

23 aussi, a été fait prisonnier par l'UCK, enlevé par l'UCK, à côté des corps

24 de deux autres personnes qui, elles aussi, venaient de disparaître.

25 Victime suivante, chefs 21 et 22 de l'acte d'accusation, Nurije et Istref

26 Krasniqi. Il s'agissait d'un couple albanais qui vivait à Turjak. Un témoin

27 viendra nous expliquer que vers le 12 juillet 1998, des soldats de l'UCK

28 sont venus chez eux, chez ces personnes, chez ce couple, et qu'un chef de

Page 402

1 l'UCK a ordonné que ces personnes soient emmenées au quartier général de

2 l'UCK à Glodjane. C'était le QG de l'accusé Haradinaj. Il est possible que

3 ceci s'explique, parce que ce couple avait de bonnes relations avec leur

4 voisin monténégrin, ce qui a peut-être fait penser à l'UCK qu'ils étaient

5 des collaborateurs.

6 Leurs corps ont été trouvés ensemble le 12 septembre 1998 à côté du mur des

7 exécutions. Je vais vous présenter un extrait d'une vidéo réalisée par les

8 autorités serbes le 12 septembre 1998, qui nous montre un gros plan sur les

9 impacts de balles dans le mur à côté du canal.

10 [Diffusion de la cassette vidéo]

11 M. RE : [interprétation] Les marques 14 et 15 nous indiquent les corps de

12 ces deux personnes, Nurije et Istref Krasniqi.

13 Leurs corps ont été retrouvés ensemble le 12 septembre 1998, le jour

14 où cette vidéo a été réalisée à côté du mur des exécutions. Le crâne de

15 Nurije présentait des fractures qui correspondaient à des blessures par

16 balles, et le corps d'Istref Kraniqi a été retrouvé à proximité de celui de

17 son épouse. Un expert étranger en médecine légale a établi qu'il était mort

18 suite à des blessures multiples par balles reçues au niveau du thorax.

19 Je souhaite maintenant vous parler des victimes suivantes, deux sœurs

20 serbes âgées, Vukosava Markovic et Darinka Markovic. Elles sont visées aux

21 chefs 21 et 22 de l'acte d'accusation. Vukosava Markovic est née en 1937 et

22 Darinka Markovic, elle, est née en 1932. Ces deux femmes habitaient à

23 Gornji Ratis. Vous le verrez sur la carte, c'est un endroit qui se situe

24 tout à côté de Rznic et de Glodjane; les QG respectifs de Haradinaj et de

25 Balaj. Au moment de leur disparition entre avril et septembre 1998,

26 c'étaient les dernières Serbes à vivre dans ce village. Leurs corps ont été

27 trouvés à côté du mur en béton du canal, à côté du site des exécutions. La

28 Défense conteste l'identité de ces personnes.

Page 403

1 Autres corps trouvés à proximité du canal, à proximité du mur des

2 exécutions, celui de Kemajl Gashi, visé aux chefs 21 et 22 de l'acte

3 d'accusation. C'était un Albanais du Kosovo qui venait de Pec. Lui encore

4 il a été l'objet d'une accusation familière. Son fils Medin est devenu

5 membre de l'UCK à Baran au cours de l'été 1998. Là, un chef de l'UCK a

6 accusé Kemajl Gashi, le père de Medin d'être un "espion serbe". Son fils

7 qui se trouvait au QG de l'UCK à Baran a entendu son père hurler de douleur

8 dans la pièce adjacente. Plus tard, il a vu son père, ce même jour, au QG

9 de l'UCK à Baran. Ce qui est important, c'est que son corps, le corps de

10 Kemajl Gashi a été retrouvé le 11 septembre 1998, à terre, à côté du mur

11 des exécutions, à côté de celui de Misin Berisha. Une autopsie réalisée en

12 2003, par des experts étrangers, a établi la présence de fractures au

13 niveau de son crâne et de fractures multiples au niveau de son corps, ce

14 qui correspond aux hurlements de douleur entendus par son père de la pièce

15 adjacente. Il est possible que sa mort ait été due à des blessures par

16 balles au niveau de son bassin. La Défense ne conteste pas qu'il s'agisse

17 là de son corps.

18 Un autre exemple, c'est la famille du témoin numéro 4. A partir du mois

19 d'avril 1998, les soldats de l'UCK ont commencé à harceler la famille du

20 témoin numéro 4 qui vivait à Donje Ratis. Les soldats de l'UCK sont entrés

21 par effraction dans leur maison, ils ont fouillé pour trouver des armes,

22 ils les ont menacés. L'accusé Balaj lui-même a participé personnellement

23 souvent à ces attaques. Du côté du mois d'avril ou de mai 1998, les soldats

24 de l'UCK ont amené la sœur du témoin numéro 4 au quartier général de l'UCK,

25 c'est-à-dire au quartier général de Balaj, à Rznic, Balaj, en fait, l'a

26 ramenée deux fois chez elle. Comme de nombreux autres qui se trouvaient là,

27 elle n'a pas été là depuis. Elle n'a pas été depuis la dernière fois,

28 qu'elle est revenue du quartier général de Balaj. On présume qu'elle est

Page 404

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 405

1 morte, assassinée par l'UCK.

2 Entre le 10 et le 14 août 1998, Balaj et les soldats de l'UCK sont

3 retournés à la maison du témoin numéro 4 et ont interrogé sa mère. Ils

4 l'ont amenée. Un mois plus tard, le 11 septembre 1998 ou vers cette date,

5 le corps de sa mère a été retrouvé près du mur des exécutions à côté d'un

6 corps non identifié. Vous pouvez voir la photographie qui est là et la

7 façon dont elle a été trouvée à côté du mur des exécutions. C'est celle qui

8 dit "R11, mère du témoin numéro 4." Elle a été trouvée sous un corps non

9 identifié. Le corps non identifié a par la suite reçu le chiffre R1.

10 L'importance de ceci c'est qu'en 2003, un expert légiste

11 international, le Pr Hoff-Olsen, a déterminé la cause de la mort de R1

12 comme étant un coup de feu, une blessure par balle à la tête. La mère du

13 témoin 4, trouvée à côté du corps de R1 qui était mort de blessures de

14 coups de feu à la tête, comportait de nombreuses blessures par arme à feu

15 au bassin. Le Dr Marek Gasior, légiste international, a déterminé que les

16 blessures par balles avaient causé la mort du témoin numéro 4. La Défense

17 ne conteste pas le fait que ce corps soit celui de la mère du témoin 4.

18 Maintenant, le témoin 4 avait une autre sœur, et quelque peu plus tard, au

19 cours de l'été ou au début de l'automne 1998, Balaj et d'autres soldats de

20 l'UCK sont revenus à leur maison à Donji Ratis. Ils ont défoncé les portes

21 à coups de pied; ils ont pointé leurs fusils dans la famille, tiré des

22 coups et enlevé la deuxième sœur. Vous vous rappelez que la première sœur

23 avait disparu sans laisser de traces, et que la mère a été trouvée morte à

24 côté du canal.

25 Quelques jours plus tard, le corps de cette deuxième sœur a été trouvé dans

26 une forêt à environ 20 kilomètres de Donji Ratis. Son corps avait une

27 blessure par balle derrière l'oreille, et on l'avait égorgée.

28 Le Dr Gasior, expert international, en 2005, a déterminé la cause de

Page 406

1 sa mort comme étant des blessures nombreuses par balles. La Défense ne

2 conteste pas que ce corps trouvé dans la forêt ait été la sœur du témoin

3 numéro 4.

4 Environ 13 corps ont été trouvés flottant sur le canal dans le secteur ci-

5 dessous, en dessous de la cascade de la partie en béton montrée sur la

6 photographie. Dans un moment à l'écran vous verrez la partie inférieure du

7 canal qui montre où les autres corps ont été trouvés.

8 Un ingénieur mécanicien qui faisait fonctionner l'arrivée d'eau du

9 lac, l'entrée de l'eau du lac, viendra dans ce prétoire et pourra témoigner

10 que ces corps n'auraient pas pu entrer dans le canal de l'extérieur d'un

11 territoire contrôlé par l'UCK. Il dira à la Chambre comment le canal a été

12 construit en 1995. Celui-ci comporte 35 à

13 40 cascades. L'eau coule à partir d'un point source à Gornji, ou un peu

14 plus haut en amont à Luka, qui se trouve à plusieurs kilomètres de Rznic.

15 L'eau passe par un certain nombre de grilles en acier, qui n'ont que

16 quelques centimètres de largueur. Il y a également des écluses très grandes

17 de bois, qui sont destinées à empêcher des objets de descendre dans le

18 canal, et ensuite dans le lac. Un objet de plus de 5 centimètres n'aurait

19 pas pu passer par les grilles et entrer dans le canal.

20 En plus, le secteur de Gornji Luka se trouvait sous le contrôle de l'UCK

21 entre mars et septembre 1998. Le secteur le plus proche de l'endroit où les

22 corps ont été trouvés entre Rznic contrôlé par l'UCK, et le site

23 d'exécution à la période pertinente de 1998 - est-ce qu'on pourrait montrer

24 l'image, s'il vous plaît - était plein de débris, de morceaux d'arbres, de

25 sédiments, de vieilles voitures et d'ordures. Juste - vous pourriez un

26 instant en arrière, tout à fait en bas, s'il vous plaît - le secteur qui

27 est montré dans l'image, qui se trouve tout à fait au bas de l'image,

28 remontant jusqu'à Rznic, contenait donc des branches ou des troncs

Page 407

1 d'arbres, des sédiments, des vielles voitures et des ordures. Les corps

2 n'auraient pas pu flotter d'un autre endroit que l'endroit où ils ont été

3 trouvés. Ils pouvaient seulement avoir été mis dans le canal depuis un

4 endroit qui se trouvait au cœur du territoire contrôlé par l'UCK.

5 Un autre exemple de contrôle de l'UCK sur ce territoire. Un témoin

6 serbe déposera devant la Chambre pour dire que vers la fin de 1998, il a

7 été arrêté au croisement de la route de Glodjane par environ cinq soldats

8 armés de l'UCK, qui se cachaient derrière le canal en béton passant par la

9 route.

10 Ensuite, en ce qui concerne les chefs d'accusation 15 et 16, c'est de

11 Hoxha et Hajrullah Gashi. Environ du côté du

12 20 juillet 1998, à cette date, un Kosovar albanais et Hajrullah Gashi,

13 Kosovar albanais - qui avait commis l'erreur de se marier avec une Serbe -

14 alors, étant sur un autocar qui allait de Djakovica à Pristina sur une

15 route conduisant à Malisevo, qui est proche de Dulje, Haradinaj lui-même,

16 c'est-à-dire l'accusé Haradinaj, et d'autres membres de l'UCK, sont monté

17 dans le car. Haradinaj a dit qu'il cherchait Hajrullah Gashi et Isuf Hoxha.

18 Haradinaj et les soldats de l'UCK ont fait descendre ces deux hommes du car

19 et les ont fait monter dans une Golf noire sans plaques d'immatriculation

20 et les ont emmenés en direction de Glodjane.

21 Ces deux personnes ont été vues ensemble sous la garde de Haradinaj sur la

22 route de son quartier général à Glodjane. Ces corps ont été trouvés le 12

23 septembre 1992, à environ 670 mètres en aval de la fin du mur en béton près

24 de l'eau.

25 La photographie que je vous ai montrée à l'écran il y a un moment montre le

26 corps de Hajrullah Gashi, tel qu'il a été trouvé par les autorités serbes.

27 La suivante que je vais vous montrer correspond aux chefs d'accusation 21

28 et 22. A environ 10 mètres de ces corps se trouvait le corps de Kujtim

Page 408

1 Imeraj, qui avait été enlevé par l'UCK, des soldats de l'UCK qui se

2 trouvaient sous le commandement d'Ukalj Dervic, qui est allé à sa maison à

3 Selo. Il était accusé d'avoir collaboré avec des Serbes. Le résultat de

4 cela, c'est qu'il a été enlevé, assassiné et que son corps a été jeté à

5 côté du canal.

6 La suivante correspond aux chefs d'accusation 17 et 18. Il s'agit d'Illira

7 Frrokaj. Illira Frrokaj était une Albanaise catholique kosovare. Elle a été

8 arrêtée à un point de contrôle de l'UCK à Glodjane par Balaj lui-même ainsi

9 que d'autres membres de l'UCK au mois d'août 1998. Son corps a été retrouvé

10 près de sa voiture, une Opel rouge, que l'UCK avait prise. Le corps a été

11 trouvé brûlé et flottant sur le ventre dans le canal. Son mari, Tush

12 Frrokaj, qui se trouvait avec elle lorsqu'elle a été arrêtée au point de

13 contrôle, n'a jamais été revu. Son corps n'a pas été retrouvé. Son corps a

14 elle a été trouvé dans l'eau à quelques distances en aval du site

15 d'exécution de l'UCK. Ce corps ne pouvait qu'avoir été mis là par l'UCK

16 dans un secteur que l'UCK contrôlait. Un autre corps non identifié qui a le

17 numéro R18 [comme interprété] a été trouvé auprès de son corps dans ce

18 canal.

19 Un autre couple serbe, Milka et Milan Vlahovic, correspondant aux chefs

20 d'accusation 9 et 10, c'était un ménage serbe qui vivait à Gornji Ratis.

21 C'étaient des personnes âgées qui étaient restées sur place après les

22 expulsions et après que tous les autres Serbes se fussent enfuis du village

23 en avril 1998. Milka Vlahovic est née en 1983 [comme interprété], et

24 Milovan Vlahovic né en 1935. Ils ont disparu. On a retrouvé le corps de

25 Milovan dans un petit cours d'eau, dans la partie naturelle du canal. On a

26 trouvé des ossements qui lui appartenaient ainsi qu'une chaussure. Le degré

27 de décomposition du corps correspondait à une mort qui se serait produite

28 entre avril et août 1998. La Défense ne conteste pas que c'est bien ce

Page 409

1 corps qui a été correctement identifié. Quant à son épouse qui n'a pas été

2 revue depuis 1998, son corps n'a jamais été retrouvé.

3 Le rapport de "Human Rights Watch," dont j'ai parlé plus tôt, fait état de

4 la disparition de ce ménage. Le rapport indique, comme on le voit à

5 l'écran, en ce qui concerne Milka et Milovan Vlahovic : "A la fois selon le

6 'Humanitarian Law Centre' et 'Amnesty International' la plupart des Serbes

7 de souche ont fui leurs maisons de Gornji Ratis lorsque l'UCK a pris le

8 contrôle du village. Milka, 62 ans; et Milovan, 60 ans, Vlahovic ont décidé

9 de rester dans la zone, actuellement on ignore où ils se trouvent."

10 Comme vous venez de l'entendre sur la mise à jour concernant les lieux où

11 l'un ou l'autre pouvait être, il y a donc ce corps qui a été retrouvé en

12 octobre -- pardon, en septembre 1998.

13 Deux autres corps ont été trouvés. Le corps de Milka c'était celui

14 qui a été retrouvé; le corps de Milovan n'a pas encore été retrouvé. Je me

15 corrige.

16 Deux autres corps ont été trouvés dans une tombe peu profonde à

17 l'intersection d'une route menant à Dasinovac et Ratis. C'étaient les corps

18 de Slobodan Radosevic et Milos Radunovic, deux Serbes qui vivaient à

19 Dasinovac. Que leur est-il arrivé ?

20 Ce qui leur est arrivé c'est qu'environ dix soldats sont venus chez

21 eux. On a entendu des coups de feu et des soldats sont repartis rapidement

22 en direction de Decan. Leurs corps ont été retrouvés en septembre 1998,

23 cette photographie qui est sur le point d'être présentée, montre leur corps

24 tels qu'ils ont été trouvés à côté de la route avec des effets personnels.

25 Un examen de police scientifique a révélé que c'était le crâne de Slobodan

26 Radosevic qui avait un orifice correspondant à une blessure par balle.

27 Leurs disparitions également ont été notées dans le rapport "Human

28 Rights Watch" dont j'ai parlé. A la page 83 de ce rapport, on lit :

Page 410

1 "Slobodan, 64 ans; Milica, 59 ans; et Milos Radosevic étaient les seuls

2 Serbes de souche qui étaient restés à Dasinovac lorsque l'UCK a pris le

3 contrôle du secteur le 22 avril."

4 Le 16 septembre -- excusez-moi, il faut que je passe à autre chose.

5 Les protocoles additionnels concernant des personnes dont on présume

6 qu'elles sont mortes, je vais vous exposer la situation, les soldats de

7 l'UCK ont enlevé Ivan Zaric, Agron Berisha et Burim Bejta.

8 Alors qu'ils se trouvaient à l'usine, ils ont été emmenés à Jablanica

9 au quartier général de l'UCK et ont été passé à tabac. Brahimaj a signalé

10 par radio à Haradinaj que ces trois avaient été faits prisonniers.

11 Haradinaj et Balaj sont à ce moment-là apparus au quartier général, mais le

12 passage à tabac a continué. Par la suite, alors que ces hommes étaient en

13 train de servir à manger au commandant de l'UCK, y compris Haradinaj, Balaj

14 lui-même a mutilé un garçon serbe en lui coupant l'oreille avec un couteau.

15 Haradinaj était là assis à continuer à manger de son repas. Brahimaj a dit

16 que : "Des documents pour Drenica seraient émis." C'était un euphémisme

17 pour parler d'exécution. Balaj a emmené les trois en question. Vous

18 entendrez des dépositions selon lesquelles ces trois n'ont jamais été

19 revus. La dernière fois qu'on les a vus vivants c'était en présence des

20 trois accusés. Ils ont été assassinés. C'est la seule déduction qu'on

21 puisse faire en combinant tous éléments de preuve que vous entendrez.

22 Le rapport "Human Rights Watch" a relaté cet incident en août 1998 dans son

23 rapport. Il précise : "Enlèvements de Rom. D'après le 'Humanitarian Law

24 Centre' et le journal "Blic", Burim Bejta et Agron Berisha, tous deux des

25 Rom; ainsi qu'Ivan Zaric, Serbe de souche; ont quitté Dolac le 20 mai du

26 village de Grabanica. Depuis le mois d'août 1998, on ignore toujours ce

27 qu'ils sont devenus."

28 Ni où ils se trouvent, en ce qui concerne les témoins que

Page 411

1 l'Accusation a interviewé depuis le rapport établi par "Human Rights

2 Watch".

3 Les conclusions concernant les corps trouvés près du mur d'exécutions

4 près du canal ne sont pas une coïncidence. J'ai parlé tout à l'heure des

5 observateurs de la MOCE qui sont allés jusqu'au canal, donc les

6 observateurs qui avaient été retenus par Balaj et l'UCK qui avaient été

7 relâchés par Haradinaj en août 1998. Ils sont allés à la zone du canal 18

8 septembre 1998. Un observateur indépendant, qui était un officier et celui

9 qui a été accusé d'être un espion serbe, il viendra déposer devant la

10 Chambre. Il dira dans sa déposition que lorsqu'il est allé là-bas : "Sur

11 les murs du canal, on pouvait voir clairement les impacts de balle qui

12 évidemment attestaient que des personnes avaient été tuées là." Il était là

13 pendant que des corps ont été exhumés. Vous verrez une séquence vidéo où

14 vous pourrez voir que l'on retrouve des corps, et on peut voir les impacts

15 de balle juste au-dessous des pelles.

16 [Diffusion de cassette vidéo]

17 M. RE : [interprétation] Pendant que vous regardez ceci un instant, une

18 vidéo a été prise par des Serbes -- les autorités serbes au cours de

19 l'exhumation des corps en septembre 1998.

20 Les observateurs ont vu ces corps; ils étaient dans un état avancé de

21 décomposition. Cet observateur qui s'était trouvé dans le secteur et qui

22 avait observé les affrontements entre l'UCK et le MUP et des militaires

23 serbes, et qui savait qui contrôlait le territoire, à quel moment et où, il

24 était clair pour lui que tous avaient été tués lorsque l'UCK avait pris le

25 contrôle du secteur. Il déposera devant la Chambre pour dire que pas un

26 seul Serbe n'était présent dans le secteur jusqu'à l'attaque serbe et que

27 ceci se situait vers la fin du mois d'août et début de septembre 1998. Tout

28 ceci est parfaitement logique par rapport aux éléments de preuve que je

Page 412

1 viens de vous présenter en ce qui concerne le moment auquel les personnes

2 ont été pour la dernière fois vues vivantes et le moment où leurs corps ont

3 été retrouvés.

4 A plusieurs centaines de mètres de ces fosses, on peut voir sur une

5 grande photographie, les Aigles noirs et leur terrain d'exercice à

6 l'exploitation agricole Ekonomija. Il était tout à fait évident que les

7 Aigles noirs, pour les observateurs, étaient ceux qui avaient été pris en

8 otage des mois précédents par l'UCK. Vous pouvez voir la carte que j'ai

9 montrée tout à l'heure pour le prétoire électronique, l'exploitation

10 agricole Ekonomija se trouve à une très faible distance à mi-chemin entre

11 le canal de ciment et l'endroit où les corps ont été trouvés et le quartier

12 général de Glodjane et la maison de Haradinaj. Vous pouvez voir la route

13 qui conduit depuis le quartier général de l'UCK jusqu'à l'exploitation

14 agricole Ekonomija et le canal en béton.

15 Pour Skender Kuqi, correspondant aux chefs d'accusation 31 et 32, il

16 s'agit d'une personne dont le corps n'a pas été retrouvé au site

17 d'exécution ni à aucun endroit près du lac Radonjic. C'est une personne qui

18 a été assassinée alors qu'elle était sous la garde de l'UCK, mais qui est

19 morte à l'hôpital. Il était un Albanais kosovar de Zahac. Comme bien

20 d'autres, il a été enlevé par les soldats de l'UCK. Il a été enlevé le 11

21 juillet 1998 et emmené au quartier général de l'UCK à Jablanica. Puis,

22 alors qu'il était détenu avec Pal Krasniqi, dont le corps, comme je vous

23 l'ai dit plus tôt, a été trouvé près du site d'exécution, il a été très

24 violemment battu avec des objets contondants. Il a essayé à un moment donné

25 de s'échapper de la prison de Jablanica avec M. Kraniqi, mais leur

26 tentative a échouée. L'UCK leur a tiré dessus, ils ont été repris et remis

27 en détention par l'UCK. Des membres de l'UCK, y compris les deux accusés

28 qui se trouvent actuellement dans le prétoire, Brahimaj et -- y compris

Page 413

1 l'accusé Brahimaj l'ont passé à tabac.

2 Le témoin 12 viendra témoigner ici. Il parlera donc de -- Nous avons

3 entendu Brahimaj accuser Kuqi d'espionnage pour les Serbes. Cette

4 accusation était une accusation assez habituelle que l'on faisait contre

5 les personnes dont les corps ont, par la suite, été trouvés ayant subi des

6 passages à tabac.

7 Alors qu'il se trouvait en détention à Jablanica, Skender Kuqi a été

8 battu si fort par Brahimaj et d'autres soldats de l'UCK, que son corps a

9 complètement enflé, qu'il ne pouvait plus respirer à cause des blessures

10 qu'il avait aux côtes. Un rein a éclaté et sa langue à commencer à pendre

11 de sa bouche. Il semblait mort. Mais Haradinaj qui était présent a ordonné

12 qu'on l'emmène à l'hôpital. Ceci était du côté du 16 juillet 1998 et il est

13 mort à l'hôpital.

14 Sur les 13 corps qui ont été trouvés dans l'eau du canal, huit

15 portaient des blessures par balle, souvent des fractures multiples

16 correspondant également à des coups de feu. Tous avaient de multiples

17 fractures. Aucune de ces blessures ne pouvait correspondre à une chute et

18 d'autres blessures infligées avant la mort. Dix-huit à 20 corps ont été

19 trouvés sur le terrain près du mur en béton; 17 portaient des blessures par

20 balle, souvent de multiples blessures par balle et pour la plupart des

21 blessures au crâne, à la tête et au torse.

22 Les éléments de preuve montrent que leur mort est due essentiellement

23 à des blessures par balle et ceci correspond tout à fait à ce à quoi on

24 pouvait s'attendre avec le site d'exécution et le mur.

25 D'autres éléments de médecine légale, ce sont les douilles qui ont

26 été trouvées sur place. Des douilles ont été trouvées au pied du mur qui

27 avait ses impacts de balles où les corps ont été trouvés. Au total, il y

28 avait 124 douilles qui ont été trouvées en trois endroits : Dasinovac,

Page 414

1 l'exploitation agricole Ekonomija et le lac Radonjic. Je voudrais expliquer

2 l'importance de tout ceci.

3 Je voudrais revenir au 24 mars 1998. Il y avait eu une altercation,

4 une dispute entre l'UCK et le MUP dans le village de Dubravija. Les forces

5 du MUP avaient bloqué le secteur et ont pu trouver des douilles de balle.

6 L'Accusation présentera des rapports, des examens balistiques montrant que

7 l'analyse a montré qu'il y avait des schémas correspondant, trouvés le 24

8 mars 1998 à Gramocelj lorsque le MUP avait pourchassé et capturé deux

9 soldats de l'UCK.

10 On reproche également aux accusés, les chefs d'accusation 35, 36 et

11 37, à savoir viol, persécution, crime contre l'humanité et un crime de

12 guerre. Les témoins numéro 1 et 2 vivaient à Rznic; ce n'étaient pas des

13 Albanais kosovars. En juillet ou en août 1998, Balaj est venu chez eux avec

14 des soldats de l'UCK et les a enlevés et les a emmenés à son quartier

15 général très proche. Balaj a jeté le témoin numéro 1 dans un puits. Il a

16 pris le témoin 2 qui était la femme du témoin numéro 1, il l'a fait entrer

17 et elle l'a interrogée, les mêmes accusations ont été portées contre le

18 fait qu'elle aurait collaboré avec des Serbes. Le témoin numéro 2 viendra

19 déposer devant la Chambre qu'il a ordonné aux autres soldats de quitter la

20 pièce, puis Balaj lui-même, à plusieurs reprises l'a violée.

21 Un autre crime de guerre grave qui fait l'objet de l'Accusation est

22 celle d'enlèvement, je vous parle maintenant des chefs 33 et 34. Du côté du

23 23 mai 1998, des soldats de l'UCK ont enlevé Naser Lika et Fadil Fazlija,

24 des Albanais kosovars résidant à Grabanica qui ont été enlevés dans le

25 village de Zabelj. Dans leurs cas, leurs crimes avaient été d'aider la

26 Ligue démocratique du Kosovo. Ils ont été emmenés au quartier général de

27 l'UCK à Jablanica, c'est-à-dire au quartier général de Brahimaj où les

28 trois accusés et d'autres membres de l'UCK les ont menacés. Haradinaj, lui-

Page 415

1 même, leur a dit qu'ils ne pourraient pas vivre au Kosovo à moins d'aider à

2 libérer le village des Serbes.

3 Plus tard, vers la mi-juillet 1998, ils ont été relâchés. Plus tard,

4 à la mi-juillet 1998, Brahimaj lui-même et d'autres membres de l'UCK ont

5 enlevé Naser Lika de chez lui. Ils l'ont forcé d'entrer dans le coffre

6 arrière d'une voiture et ont emmené Lika au quartier général à Jablanica.

7 Haradinaj était présent. Haradinaj a personnellement ordonné à ses hommes

8 de le passer à tabac, disant à un des soldats de l'UCK nommé Bandash :

9 "Allez-y avec le boulot" voulant dire de battre Lika. Bandash a attaqué

10 Lika avec une batte de baseball, Balaj l'a menacé de mort et Haradinaj lui

11 a craché au visage.

12 Il a été gardé là pendant trois jours dans la cave remplie d'eau de

13 Jablanica qui est maintenant à l'écran. On le ramenait régulièrement pour

14 le passer à tabac. La photographie à l'écran prise quelques années plus

15 tard montre la cave remplie d'eau, mais le témoin dira que c'était dans des

16 conditions analogues à l'époque. Lika a réussi à s'échapper après que

17 Brahimaj ait vu qu'il pouvait faire la cuisine. Il l'a employé dans la

18 cuisine, donc il a pu s'échapper de là.

19 Le centre de détention de Jablanica a fonctionné à partir d'avril

20 1998. L'UCK sous le contrôle et la direction des trois accusés a établi et

21 fait fonctionner cette prison pour détenir, maltraiter et terroriser ceux

22 qu'ils percevaient comme étant des ennemis; des personnes qu'ils estimaient

23 être des collaborateurs du régime serbe et des opposants de l'UCK.

24 C'étaient des personnes telles que Rom kosovars, des Catholiques, des

25 Albanais kosovars, des personnes qui étaient particulièrement vulnérables,

26 si on les appelait des collaborateurs, des espions ou des ennemis de l'UCK.

27 Ils ont été traités en fonction de cela.

28 La création et le fonctionnement de ce centre de détention dont on

Page 416

1 montre les bâtiments maintenant correspondent exactement à la politique de

2 l'UCK que j'ai décrite; politique relevant d'une entreprise criminelle

3 commune, d'une campagne de terreur pour ceux qui étaient considérés comme

4 des opposants de l'UCK dans la zone de Dukagjin. Ceci correspond exactement

5 à la politique bien connue de l'UCK.

6 Par exemple en août 1998, l'UCK a, en fait, déclaré dans un

7 communiqué public que : "Des mesures préventives seraient également prises

8 contre certains éléments de la collaboration."

9 Comme je vous l'ai dit plus tôt, vous avez entendu le résultat de ces

10 mesures punitives ou préventives qui ont été prises contre les éléments

11 accusés de collaboration. Donc, c'était punitif et préventif.

12 Bien que Haradinaj ait commandé cette installation, Haradinaj s'y

13 rendait en visite régulièrement. Parmi les différents membres de l'UCK qui

14 ont participé à des tortures là-bas, Balaj était le plus connu pour sa

15 brutalité.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, est-ce que vous avez une

17 idée du temps qu'il va vous falloir encore ? Parce que, comme je vous l'ai

18 dit deux volets d'audience pour vous, un pour la Défense. C'est cela qui a

19 été prévu. Nous sommes prêts des deux tiers du temps accordé.

20 M. RE : [interprétation] Je vais finir, bien sûr. A quel moment voulez-vous

21 suspendre la séance ?

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'avais à l'esprit que nous allions

23 avoir une suspension de séance dans approximativement cinq minutes, que

24 nous aurions une suspension de 20 minutes. Puis, la Défense aurait à ce

25 moment-là une heure 20 minutes.

26 Oui, Monsieur Re, vous nous avez dit quatre fois qu'il y avait de

27 l'eau dans la cave. Je veux dire juste pour vous donner un exemple. Après

28 la première fois, nous avons compris cela. Nous avons vu les photographies

Page 417

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 418

1 plusieurs fois et vous continuez d'en parler. Si vous vouliez essayer de

2 vous centrer et de vous concentrer, et le renseignement une fois, et comme

3 cela si vous pouviez en terminer -- est-ce que sept minutes suffiront ?

4 Allez-y, s'il vous plaît.

5 M. RE : [interprétation] Il est également reproché aux accusés un certain

6 nombre de chefs d'accusation tels que la déportation, l'expulsion. Les

7 observateurs pour les droits de l'homme diront devant la Chambre qu'ils ont

8 interrogé des membres terrifiés des populations serbes du côté du mois

9 d'avril 1998. Ils le diront qu'à la suite de la campagne délibérée de l'UCK

10 pour expulser des civils serbes, à partir de mi-avril 1998, la plupart des

11 Serbes avaient fui l'UCK, les zones contrôlées, à cause de la terreur et

12 étaient allés à Decani, qui se trouvait en ce moment-là sous le contrôle

13 serbe.

14 Ils vous diront qu'au mois de mai, la zone de Dukagjin de l'UCK, sous

15 le contrôle du commandant de Haradinaj avait considérablement atteint leur

16 objectif. Utilisant les tactiques que j'ai décrites dans ce que j'ai dit

17 tout à l'heure --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, maintenant ce sont les

19 interprètes qui sont les victimes du fait que vous avez accéléré. Je vois

20 que la traduction française a quelques lignes de retard, pourriez-vous,

21 s'il vous plaît, essayer de finir à une vitesse normale en cinq minutes.

22 M. RE : [interprétation] Oui.

23 En utilisant les tactiques que j'ai décrites dans la première partie

24 de mon intervention cet après-midi, ils décriront ensuite comment en 1998,

25 l'UCK, sous la contrôle de Haradinaj dans la zone de Dukagjin avait en gros

26 atteint leur objectif en chassant tous les Serbes.

27 On reproche aux accusés les crimes contre l'humanité. Le critère de

28 crime contre l'humanité est l'attaque systématique et étendue contre une

Page 419

1 population civile. D'après ce que j'ai décrit aujourd'hui, à ces endroits,

2 la nature systématique de ce qui s'est passé, les zones concernées dans ce

3 secteur, cette attaque était généralisée, elle était systématique.

4 Comme vous pouvez le voir sur l'image qui apparaît à l'écran, la

5 partie en jaune montre les endroits où il y a eu des assassinats, la partie

6 en vert montre les lieux de détention, la partie en rouge montre les

7 endroits où il y a eu des enlèvements, les points rouges montrent les

8 endroits où il y a eu des enlèvements. Sur cette carte, rien qu'en

9 regardant cette carte, on voit immédiatement où les attaques contre la

10 population civile ont eu lieu. Elles couvraient l'ensemble de cette zone,

11 il s'agissait là d'une attaque systématique, coordonnée, et d'une attaque

12 délibérée.

13 Une fois que les Juges de la Chambre auront entendu tous les éléments de

14 preuve, ils seront certainement convaincus du fait que les accusés ont

15 coordonné et ont participé et ont utilisé d'autres personnes pour procéder

16 à cette attaque généralisée systématique contre la population civile dans

17 la zone de Dukagjin entre le mois de mars et le mois de septembre 1998.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Re. Avant que

19 nous ne fassions une pause, je me tourne vers Me Emmerson. Maître Emmerson,

20 savez-vous à présent si l'accusé Haradinaj souhaite faire une déclaration

21 en vertu de l'article 84 bis du Règlement, question qui n'était pas claire

22 jusqu'ici ?

23 M. EMMERSON : [interprétation] Non.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. J'imagine que vous pourrez achever

25 votre déclaration liminaire en l'espace d'une heure vingt minutes.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Dans ce cas, nous allons suspendre

28 l'audience pendant 20 minutes, et nous nous retrouverons à 17 heures 40.

Page 420

1 --- L'audience est suspendue à 17 heures 51.

2 --- L'audience est reprise à 17 heures 42.

3 [Déclaration liminaire de la Défense Haradinaj]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, je vous en prie.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Je vous demanderais d'examiner votre écran pour voir une carte présentée

7 par le biais du système e-court. Vous devriez avoir une carte sur votre

8 écran.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement, je vois une carte.

10 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

11 tout comme Mme le Procureur l'a dit dans sa déclaration liminaire, l'acte

12 d'accusation dans cette affaire diffère à bien des égards d'actes

13 d'accusation dont a à connaître ce Tribunal généralement. Il n'y a pas

14 d'allégation d'assassinat de masse ou alors de destruction généralisée de

15 maisons ou de biens.

16 En réalité, cet acte d'accusation est à peine plus qu'un patchwork

17 d'allégations individuelles formulées à l'encontre des co-accusés de M.

18 Haradinaj, qui sont tenus ensemble et étayés par les déclarations d'une

19 poignée de témoins - à peine trois ou quatre - qui affirment qu'ils ont vu

20 Ramush Haradinaj et que ce dernier était présent lorsque tel ou tel crime a

21 été commis. Chacun de ces témoins, à notre avis, n'est pas fiable, et les

22 dépositions de ces témoins à l'encontre de M. Haradinaj sont infondées.

23 Indépendamment de ces chefs d'accusation, la thèse de l'Accusation se fonde

24 sur une entreprise criminelle commune. Pour vous montrer à quel point cette

25 allégation est infondée, il me faudra revenir pendant ce procès de façon

26 détaillée sur la constitution et sur l'évolution de l'Armée de libération

27 du Kosovo au Kosovo occidental. Il me faudra mettre en parallèle cette

28 création et cette évolution avec les objectifs et les buts des forces

Page 421

1 serbes dans la région.

2 L'Accusation vous a demandé d'être particulièrement attentifs à la

3 géographie; nous sommes du même avis. Mais nous aimerions également que

4 vous examiniez attentivement la chronologie. Je vais revenir sur ces deux

5 aspects dans ma déclaration liminaire.

6 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'acte d'accusation couvre une

7 période en 1998 où l'Armée de libération du Kosovo s'efforçait de se

8 constituer. Pendant le premier semestre de l'année 1998, l'UCK était

9 constituée d'un petit nombre de combattants engagés, comme Ramush

10 Haradinaj, ainsi que d'un nombre plus important de volontaires mal équipés

11 et mal entraînés. En réalité, la structure était horizontale plus que

12 verticale.

13 Ce qui explique certainement pourquoi l'Accusation n'accuse pas M.

14 Haradinaj en vertu de la responsabilité du supérieur hiérarchique en vertu

15 de l'article 7(3) du Statut. Car à ce moment-là l'UCK ne disposait pas

16 d'une structure de commandement formelle ou efficace, et les combattants de

17 l'UCK étaient essentiellement des villageois qui rentraient chez eux

18 lorsqu'ils ne participaient pas au conflit. M. Haradinaj, en réalité, ne

19 commandait que ceux qui décidaient de bien vouloir le suivre un jour donné.

20 Compte tenu de cette réalité, l'Accusation a dû avoir recours à

21 l'allégation la plus vague possible en matière d'entreprise criminelle

22 commune, et l'Accusation affirme que M. Haradinaj serait responsable des

23 actes de tous les Albanais du Kosovo armés dans la région de Dukagjin, dès

24 le début de la période couverte par l'acte d'accusation, car il aurait dû

25 participer à un accord implicite en vue de perpétrer des crimes de guerre

26 pour assurer le contrôle sur un certain territoire.

27 Or, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, aucun élément ne

28 permet de démontrer qu'un tel accord ait existé.

Page 422

1 L'Accusation affirme que M. Haradinaj doit être tenu responsable de tous

2 méfaits qui auraient été commis dans la région de Dukagjin entre le mois de

3 mars et le mois de septembre 1998, ce qui élargit la portée du concept de

4 l'entreprise criminelle commune à tel point que cela rend ce concept

5 intenable, et que cela le vide de son sens.

6 Il n'existait pas de conspiration criminelle. Les objectifs de l'UCK

7 au Kosovo étaient de protéger la population locale contre l'agression serbe

8 et de se battre pour un Kosovo indépendant et libéré.

9 Comme Mme le Procureur l'a dit elle-même, leur cause a désormais été

10 reconnue par la communauté internationale et les négociations sur l'avenir

11 du Kosovo ont progressé au moment où s'ouvre ce procès. L'envoyé spécial

12 des Nations Unies a formulé une recommandation devant le Conseil de

13 sécurité en vue de la création d'un état sous supervision. Le Kosovo est

14 proche de l'indépendance, c'est là une situation bien reconnue.

15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce processus s'est déroulé en

16 l'absence de l'un des hommes politiques les plus influents du Kosovo, un

17 homme qui a exercé une influence en tant qu'unificateur et en tant que

18 défenseur du désespoir de sa nation aux termes d'indépendance vis-à-vis la

19 Serbie.

20 J'aimerais vous dire quelques mots au sujet de M. Haradinaj, en tant

21 que politicien et en tant que soldat.

22 M. Haradinaj était président de l'Alliance pour l'avenir du Kosovo, l'AAK,

23 en tant que tel, il a conclu un accord portant création d'un gouvernement

24 de coalition 2004 avec la Ligue démocratique du Kosovo, la LDK, dirigée à

25 l'époque par le président pacifique du Kosovo, Ibrahim Rugova.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, je me souviens que le

27 Procureur a dit que l'évolution récente de la situation politique n'était

28 pas pertinente.

Page 423

1 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, je vous propose de vous

3 concentrer sur les éléments de preuve en l'espèce, et je me demande dans

4 quelle mesure cela est pertinent. Par ailleurs, j'ai examiné différentes

5 déclarations liminaires et j'ai pu constater, à plusieurs reprises, peut-

6 être que ce n'était pas dans le droit britannique, mais M. Guy-Smith pourra

7 nous dire s'il pourra nous éclairer, le fait d'indiquer à l'avance si les

8 témoins diront la vérité ou non. Il ne doit pas apparaître dans la

9 déclaration liminaire.

10 Me Guy-Smith semble d'accord; par conséquent, il semblerait que cela soit

11 la même chose dans différent système. Nous voyons mal quelle est la

12 pertinence en l'espèce, surtout compte tenu de l'intervention de Me Guy-

13 Smith au sujet de la teneur politique de la déclaration liminaire de Mme

14 Del Ponte même si cette déclaration liminaire n'avait pas de caractère

15 politique, cette Chambre estime qu'il faut établir si les accusés sont

16 coupables des crimes mentionnés dans l'acte d'accusation.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Puis-je me permettre d'indiquer la chose

18 suivante : la pertinence de cette partie - qui sera très brève - est la

19 suivante : compte tenu de l'attitude de M. Haradinaj vis-à-vis des

20 minorités au Kosovo, c'est-à-dire l'un des points sur lequel la Chambre

21 devra se prononcer, la caractéristique de

22 M. Haradinaj en tant que dirigeant politique était qu'il était attaché à la

23 protection de la minorité ethnique au Kosovo et à leur intégration.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, par la suite ?

25 M. EMMERSON : [interprétation] Par la suite, mais les Juges de la Chambre

26 souhaiteront peut-être réexaminer l'historique de cette perspective.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous avons bien compris.

28 M. EMMERSON : [interprétation] Nous affirmons que c'est précisément cette

Page 424

1 caractéristique-là, plus que toutes autres, qui faisait de lui une menace

2 pour ceux qui s'opposaient à l'indépendance du Kosovo. Et comme vous le

3 savez, dès que l'acte d'accusation a été émis, il a immédiatement annoncé

4 sa démission en tant que premier ministre, il s'est immédiatement rendu à

5 La Haye et il s'est rendu. Dans son discours de démission, il a exhorté le

6 gouvernement de continuer à respecter les principes de tolérance mutuelle,

7 de respect de la primauté du droit et d'appui aux minorités ethniques.

8 J'attire votre attention sur un rapport publié à l'époque par

9 l'International Crisis Group, l'ICG, qui affirme : "M. Haradinaj a exprimé

10 sa gratitude au représentant spécial du secrétaire général des Nations

11 Unies, au commandant de la KFOR qui lui a permis d'assurer une présence

12 internationale au Kosovo et d'empêcher toute réaction négative. Sa dernière

13 rencontre avec les ministres serbes et bosniaques lui a permis d'indiquer

14 qu'il n'y aurait pas d'attaques sur la minorité serbe. C'est ce qu'il a

15 essayé de transmettre également comme message sur le terrain." Voilà donc

16 pour ce qui est de M. Ramush Haradinaj, homme politique, mais j'aimerais

17 maintenant revenir à Ramush Haradinaj en tant que soldat.

18 Il a livré une guerre honorable et il a toujours ciblé des

19 combattants et non pas des civils. Confronté à la puissance des forces

20 serbes combinées, il s'est efforcé d'organiser la défense de la population

21 albanaise aux environs de sa ville d'origine, Glodjane, au Kosovo

22 occidental. Lorsqu'il a affronté les forces serbes, il a toujours montré

23 l'exemple, il ne s'attendait pas à ce que les volontaires de l'UCK livrent

24 des batailles qu'il ne s'est pas préparé à livrer lui-même. Il ne faisait

25 pas partie de ces généraux qui donnent des ordres du confort de leur

26 fauteuil, mais il a participé activement, il était un combattant

27 indépendant et efficace.

28 Il n'a jamais eu pour objectif militaire de s'en prendre à des civils

Page 425

1 serbes ou à d'autres civils. Il n'a jamais toléré, ni ordonné des mauvais

2 traitements de détenus, et par conséquent, ce type de comportement ne

3 correspond pas à ce qu'il avait coutume de faire.

4 Voilà donc qui vous montre quel type de personne il était sur le plan

5 politique et militaire.

6 J'aimerais revenir sur un certain nombre de faits, à présent. Le Kosovo a

7 été décrit, à juste titre, comme étant l'endroit où tout a commencé et où

8 tout se termine dans le conflit qu'a connu l'ex-Yougoslavie.

9 Pendant la deuxième moitié des années 1980, les dirigeants serbes, et plus

10 particulièrement Slobodan Milosevic, ont envisagé la création d'une Grande-

11 Serbie, un Etat serbe centralisé qui engloberait les zones serbes de

12 Croatie et de Bosnie, qui inclurait également le Kosovo comme berceau de la

13 culture et de l'Eglise orthodoxe serbe.

14 L'objectif était d'adopter des amendements constitutionnels qui priveraient

15 le Kosovo de son statut autonome et qui modifierait l'équilibre ethnique au

16 Kosovo par le biais d'une politique de discrimination, de répression, et en

17 fin de compte, de nettoyage ethnique.

18 Cela devait être réalisé en trois étapes : premièrement, la révocation de

19 l'autonomie du Kosovo dans le cadre de la constitution qui était la

20 constitution de la République fédérale de Yougoslavie à l'époque; par

21 ailleurs, une décennie de politique de répression contre la population

22 albanaise; et enfin, en 1998, une répression militaire de la résistance

23 armée albanaise qui a été utilisée comme prétexte pour lancer une attaque

24 contre la population civile albanaise dans son ensemble, le but étant

25 d'expulser cette population du Kosovo. Si vous me le permettez, j'aimerais

26 aborder brièvement les deux premières étapes, puis de façon brève, la

27 troisième.

28 Fin 1988 et début 1989, l'assemblée serbe a adopté des amendements à

Page 426

1 la constitution de République fédérale de Yougoslavie qui annulaient, en

2 effet, l'autonomie du Kosovo. Des manifestations de masse ont eu lieu au

3 Kosovo, dont de nombreuses ont été violemment réprimées par la police

4 antiémeute serbe. Des arrestations massives sont intervenues et 100

5 personnes ont été tuées.

6 Un an plus tard, l'assemblée serbe a adopté un ensemble de mesures

7 législatives visant à priver la population albanaise majoritaire du Kosovo

8 de ses droits. Des Albanais ont été licenciés, des institutions politiques

9 et économiques, des transactions immobilières albanaises ont été annulées,

10 l'on a supprimé des possibilités d'instruction et d'enseignement en langue

11 albanaise, des enseignants et des étudiants ont été exclus des universités.

12 Plus de 80 000 Albanais ont perdu leur emploi.

13 Entre 1994 et 1997, la situation s'est encore dégradée au Kosovo. Le

14 régime serbe a adopté une politique plus violente et plus répressive.

15 Au début de l'année 1998, l'historien Noël Malcolm a décrit la

16 situation en ces termes : "Si l'on souhaitait rendre compte de façon

17 appropriée des violations des droits de l'homme qu'ont connu les Albanais

18 du Kosovo depuis 1990, cela exigerait de longs chapitres.

19 "Tous les aspects de la vie ont été touchés, des arrestations

20 arbitraires, des violences policières qui sont monnaie courante, mais

21 également des descriptions particulièrement crues de passages à tabac avec

22 des matraques, de décharges électroniques sur les parties génitales, et

23 cetera.

24 "Une stratégie globale visant à persuader les Albanais de quitter le

25 Kosovo en rendant leurs conditions de vie intolérable était en cours."

26 Pendant cette décennie de répression, un certain nombre de parties

27 politiques sont apparues avec la Ligue démocratique du Kosovo, la LDK, qui

28 a été constituée en 1989 et sous la direction d'Ibrahim Rugova, la LDK

Page 427

1 prônait une solution pacifique pour le Kosovo et un dialogue avec Belgrade.

2 Le Mouvement populaire pour le Kosovo, le LDK, quant à lui, était

3 favorable à une recherche plus active d'une solution, y compris par le

4 biais d'une insurrection armée, si nécessaire.

5 Des poches de résistance armée sont apparues, mais ce n'est qu'à la

6 fin de l'année 1997 que l'Armée de libération du Kosovo --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demanderais de ralentir

8 parce que le compte rendu d'audience ne suit pas.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Bien, je vais attendre que le compte

10 rendu d'audience rattrape.

11 Puis-je y aller ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. EMMERSON : [interprétation] J'étais en train de dire que c'était à

14 la fin de l'année 1997 que l'Armée de libération du Kosovo est intervenue

15 par la première fois en public.

16 A l'époque, le président Milosevic et ses partisans avaient décidé de

17 lancer la prochaine étape de leur plan pour le Kosovo, à savoir la

18 destruction des villages albanais qui étaient perçus comme étant des

19 bastions de la résistance armée au régime serbe. Début 1998, l'ordre a été

20 donné de mettre en application ce plan et d'armer la population civile

21 serbe au Kosovo.

22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les premières attaques

23 serbes sont intervenues fin février et début mars 1998. Peut-être les Juges

24 de la Chambre trouveront-ils utiles d'examiner la configuration

25 géographique avec les villes principales du Kosovo. Prishtine, ici, pays

26 donc à la capitale; Peje à l'ouest; Gjakove dans le sud de la zone de

27 Dukagjin; et Kline, dans la partie est de la région de Dukagjin; Prizren au

28 sud; et Ferizaj au sud-est, près de la frontière sud-est du Kosovo.

Page 428

1 Le 28 février 1998, les forces serbes ont lancé une attaque contre

2 deux villages de la région de Drenica : Qirez et Likoshan. Elles ont

3 attaqué sans avertissement en s'en prenant de façon indiscriminée aux

4 civils. Des hélicoptères, des véhicules blindés, des mortiers et des

5 mitrailleuses ont été utilisés. Au terme de cette attaque qui a duré une

6 journée, 26 Albanais, y compris une femme enceinte, ont été tués, dont bon

7 nombre ont été abattus à bout portant. Au moins 12 de ces personnes ont été

8 exécutées après avoir été arrêtées.

9 Le 5 mars, les forces serbes ont attaqué la propriété familiale d'un

10 dirigeant de l'UCK, Adem Jashari, à Prekaz. C'est là un événement qui a eu

11 une signification particulière pour les Albanais du Kosovo. Les forces

12 spéciales de police ont pilonné la propriété familiale des Jashari, puis

13 ont exécuté tous ceux qui ont survécu, et 58 personnes ont été tuées, y

14 compris 18 femmes et dix enfants de moins de 16 ans. Au même moment, une

15 attaque était lancée contre le village de voisin de Laushe. Au total, 80

16 Albanais du Kosovo ont été tués dans ces opérations brutales, y compris des

17 femmes, de jeunes enfants et des personnes âgées.

18 Voilà, donc le contexte de ce qui s'est passé le 24 mars, parce que

19 ce n'est quelques semaines à peine après ces événements, le 24 mars, que

20 les forces serbes ont lancé une attaque contre la propriété de la famille

21 Haradinaj à Gllogjan. Les hommes de la famille Haradinaj ont riposté, et en

22 l'occurrence, ils ont par leurs tirs permis aux femmes et aux enfants de

23 s'enfuir. Ils les ont couverts et ils ont fait front face aux forces serbes

24 pour pouvoir eux-mêmes s'enfuir une fois la nuit tombée. M. Haradinaj a été

25 grièvement blessé.

26 Pendant la journée, les forces serbes ont utilisé des armes lourdes,

27 y compris un canon Praga de type de 30-millimètres, des véhicules blindés,

28 des hélicoptères. Des parties importantes du village ont été détruites, et

Page 429

1 trois adolescents ont été tués par les forces serbes alors qu'ils étaient

2 en train de fuir pour se mettre en sécurité.

3 Apparemment, des enfants en âge de scolarité auraient été utilisés

4 par les forces serbes comme bouclier humain, et qu'un couple de personnes

5 âgées a été visé alors qu'ils se trouvaient dans leurs maisons et des

6 attaques simultanées ont été lancées contre des villages voisins, y compris

7 le village d'Irzniq. Ces villages ont été vidés. La population civile a

8 pris la fuite.

9 Ce qui correspond à la première date importante dans l'acte

10 d'accusation. Il ne s'agissait pas là des seules attaques militaires serbes

11 à l'époque, loin de là. A partir du 24 mars, Gllogjan et les villages

12 environnants ont fait l'objet d'attaques constantes, pratiquement

13 constantes des forces serbes qui étaient postées sur les élévations se

14 trouvant à quelques kilomètres au sud. Aux alentours de Pâques 1998, une

15 unité de chars de la VJ a attaqué Decan et a détruit une grande partie de

16 la ville.

17 Suite à ces attaques, de nombreuses personnes et des Serbes, des Rom,

18 des Albanais ont quitté cette zone pour échapper au combat.

19 Les attaques serbes les plus graves, les plus importantes ont eu lieu

20 à l'occasion de trois offensives principales entre le mois de mai et le

21 mois de septembre. Il s'agit là des jalons principaux de la campagne serbe

22 au Kosovo occidental pendant la période couverte par l'acte d'accusation.

23 Premièrement, vers la fin mai; deuxièmement, vers la fin du mois de

24 juillet et le début du mois d'août; troisièmement, au début du mois de

25 septembre. Je dirais quelques mots, si vous me le permettez, de chacune de

26 ces attaques, parce qu'il s'agit là d'éléments essentiels permettant de

27 comprendre les objectifs militaires de l'UCK dans la région de Dukagjin. Il

28 s'agit également d'éléments essentiels pour apprécier efficacement la thèse

Page 430

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 431

1 de l'Accusation quant à la situation sur le terrain.

2 Dans la deuxième moitié du mois de mai, une offensive serbe a été

3 lancée dans la région de Dukagjin. Après des attaques dévastatrices visant

4 les villes et les villages proches de la frontière albanaise, les forces

5 serbes ont attaqué un village du nom de Grabanice, le 19 et le 20 mai, en

6 causant la mort d'un certain nombre de civils et en faisant fuir la

7 population locale.

8 Le 25 mai, les forces spéciales serbes ont attaqué les villages de

9 Lybeniq et Strellc, des bâtiments ont été incendiés, et 11 villageois ont

10 été tués.

11 Puis le 28 mai, les forces serbes ont progressé direction sud-ouest par

12 rapport à Peje, et ont lancé des attaques à proximité de Vranoq et de

13 Baran. Des attaques simultanées - et c'est particulièrement important

14 compte tenu de cet acte d'accusation - donc des attaques simultanées ont eu

15 lieu le même jour à Junik, à Carabreg, à Prejlep, Isniq et à Rastavice.

16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour chacune de ces attaques le

17 schéma était le même. Premièrement, les villages étaient encerclés par

18 l'artillerie lourde et par des véhicules blindés, puis des bombardements

19 étaient lancés pour causer des destructions. Ensuite, les forces de police

20 paramilitaires tristement célèbres entraient à pied, tuaient tous les

21 survivants qui étaient restés sur place, pillaient les biens albanais,

22 tuaient le bétail et incendiaient les bâtiments, les meules de foin et

23 autres, ce que l'on appelait par un euphémisme des opérations de ratissage

24 ou de nettoyage, alors que dans bien des cas les villages étaient

25 simplement rasés. Vous entendrez des dépositions dans ce sens.

26 Ces opérations non-serbes étaient marquées par un usage de la force

27 de façon excessive et sans discrimination, sans qu'aucune distinction ne

28 soit établie entre les combattants et les civils. Pendant toute cette

Page 432

1 période, des forces serbes ont exercé une pression constante sur les

2 villages autour de Glodjane, et les ont pilonnés depuis des élévations au

3 sud du village, avec l'appui d'unités de police paramilitaires qui

4 faisaient des percées sur le terrain. Cela revêt une importance cruciale

5 pour évaluer la thèse centrale de l'Accusation concernant le contrôle de

6 l'UCK sur ce territoire. Les personnes responsables de ces attaques, le

7 général Bozidar Delic et le général Dragan Zivanovic sont des témoins que

8 l'Accusation se propose de citer.

9 La deuxième offensive majeure, la deuxième offensive serbe importante

10 a été lancée fin juillet et début août. Les villages attaqués étaient

11 Junik, Rastavice et Prejlep. Le 2 août, les forces serbes font entrées dans

12 Jablanica. Gramaqel a été conquis le 8 août. Quant aux villages de Shaptej

13 et de Rastavice, ils sont tombés aux mains des forces serbes le 9 août.

14 Les forces serbes ont ensuite avancé jusqu'à Glodjane et Irzniq, des

15 villages au cœur de cet acte d'accusation, et ils se sont emparés de ces

16 villages le 12 août. Une équipe de télévision de la BBC se trouvait à

17 Glodjane et à Irzniq au moment où les Serbes se sont emparés de ce secteur.

18 Cette équipe a pu filmer l'attaque serbe. La séquence que je suis sur le

19 point de vous montrer vous montre de façon concrète quelle était la

20 situation sur le terrain. Je vous demande de mettre vos écouteurs, et c'est

21 sur le canal 4 que vous entendrez la bande-son de cette courte séquence.

22 [Diffusion de la cassette vidéo]

23 M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

24 comme vous pouvez le voir sur cette séquence, l'essentiel de la population

25 civile de Glodjane et d'Irzniq a quitté cette région. L'UCK a été chassée

26 également de ce secteur, le secteur à proximité du canal du lac Radoniq qui

27 était sous le contrôle exclusif des forces paramilitaires serbes. Au moment

28 où les villageois ont commencé à retourner chez eux à Glodjane deux

Page 433

1 semaines plus tard, les forces serbes s'étaient retirées. La dernière

2 offensive majeure des forces serbes, qui a eu lieu pendant la période

3 couverte par l'acte d'accusation, a été lancée quelques semaines plus tard,

4 début septembre. A ce moment-là, les forces serbes, y compris la VJ et les

5 forces paramilitaires, ont lancé une attaque coordonnée contre des villages

6 albanais dans des parties importantes du Kosovo.

7 Le 3 septembre, les forces serbes ont attaqué Gllogjan. Ils sont arrivés de

8 la direction de Gergoc à l'est et également en provenance de Peje et de

9 Carabreg à l'ouest. Ils ont laissé un corridor pour encourager les civils à

10 fuir vers la frontière avec l'Albanie. Des dégâts importants ont été

11 enregistrés dans les villages de ces secteurs, et les forces serbes étaient

12 encore en train d'incendier et de piller des biens albanais une semaine

13 après l'attaque.

14 J'aimerais passer maintenant, si vous me le permettez, à l'émergence

15 du Mouvement de résistance armé des Albanais du Kosovo.

16 L'Armée de libération du Kosovo, l'UCK, a été créée en 1994, même s'il a

17 fallu, comme je l'ai déjà dit, attendre 1997 pour que son existence soit

18 largement connue au Kosovo. Dès le départ, l'UCK était une organisation

19 interdite, une organisation qui a travaillé dans la clandestinité. Entre

20 1994 et 1997, les membres de l'UCK, ainsi que d'autres combattants armés,

21 ont lancé un nombre relativement limité d'attaques armées sporadiques

22 contre les forces serbes.

23 M. Haradinaj, quant à lui, vivait à l'extérieur du Kosovo pendant

24 toute cette période, et essentiellement en Suisse. Il avait quitté le

25 Kosovo en 1991. Et même s'il est retourné à plusieurs reprises de façon

26 clandestine pendant la période intérimaire, il a fallu attendre la fin

27 février 1998, début mars 1998, pour qu'il revienne définitivement au

28 Kosovo. A l'époque - et c'est absolument essentiel de comprendre pour bien

Page 434

1 comprendre la manière dont l'Accusation nous présente sa cause - à

2 l'époque, l'UCK ne disposait pas de structure officielle ni organisée sur

3 le plan militaire. En fait, l'UCK, c'était un rassemblement de poches de

4 résistance très limitées dans différentes régions du Kosovo.

5 Au cours de son intervention liminaire, M. Re nous a dit que lorsque

6 M. Haradinaj est revenu au Kosovo, il a été immédiatement nommé commandant

7 de la zone de Dukagjin et qu'il était membre de l'état-major général de

8 l'UCK. Cette affirmation, je dois le dire, montre que l'Accusation ne

9 connaît même pas très bien ses propres éléments de preuve. Puisqu'à

10 l'époque, la zone de Dukagjin n'existait pas. A l'époque, M. Haradinaj -

11 d'ailleurs il ne l'a jamais été - n'était pas membre de l'état-major

12 général de l'UCK.

13 En réponse aux attaques de Qirez, Likoshan, Prekaz et Gllogjan - des

14 attaques qui ont eu lieu pour les trois premières localités en février,

15 ensuite en mars 1998 - donc, on a vu se constituer des équipes de

16 volontaires qui ne bénéficiaient pratiquement pas de formation militaire.

17 Il y avait très peu d'armes et d'uniformes. On a essayé de se procurer des

18 fournitures en Albanie.

19 Au départ, les défenses villageoises opéraient de manière autonome. Mais à

20 partir de la fin mai, on s'est efforcé de coordonner tout ceci dans le cas

21 d'une structure unie et commune.

22 Lors d'une réunion qui a eu lieu à Gllogjan avec M. Haradinaj au cours de

23 la dernière semaine de mai, un état-major régional a été constitué dans

24 cette zone avec un certain nombre de sous-zones, avec chacune à leur tête

25 un commandant. M. Haradinaj était commandant de la sous-zone qui se

26 trouvait autour de Gllogjan.

27 Les autres zones qui rassemblaient les autres villages qui étaient

28 représentés lors de cette réunion de la fin mai, c'étaient celle d'Irzniq,

Page 435

1 dont le chef était un dénommé Shemsedin Cekaj; Dashinoc, dont le chef était

2 un dénommé Rrustem Tetaj; et Irzniq, qui se trouve un tout petit peu plus

3 au nord, qui était placée sous le commandement conjoint de Gani Gjukaj et

4 Skender Rexhahemetaj.

5 Il est essentiel de souligner qu'au sein de ces zones, l'UCK n'exerce pas

6 un contrôle exclusif des territoires concernés. La situation évoluait et on

7 assistait à des confrontations armées entre l'UCK et la police militaire,

8 ceci de façon régulière. La région qui correspond à ces premières sous-

9 zones, correspond plutôt à des poches de concentration armée de la

10 résistance albanaise de combattants albanais qui était loyale envers l'UCK.

11 Il est également important de souligner que les villages qui se sont réunis

12 ainsi à la fin mai n'incluaient pas des villages qui correspondaient à la

13 totalité de ce qu'on a ensuite appelé la zone opérationnelle de Dukagjin.

14 Par exemple, on ne trouvait pas parmi ces villages la base de l'UCK à

15 Jabllanice.

16 Cependant, à peu près un mois plus tard - et nous en arrivons maintenant au

17 23 juin - il a été décidé de mettre en place une seule et unique zone à

18 Dukagjin, avec notamment Jabllanice à l'est et Junik à l'ouest. Ce

19 rassemblement de zones a créé une zone plus vaste, la zone opérationnelle

20 de Dukagjin. La zone opérationnelle de Dukagjin, elle a vu le jour le 23

21 juin - et M. Re, même si c'est très brièvement, vous a présenté le procès-

22 verbal de la réunion au cours de laquelle on a mis sur pied cette zone

23 opérationnelle.

24 Ramush Haradinaj a été choisi par ceux qui étaient présents lors de

25 cette réunion pour être chef, commandant de cette zone et, Lahi Brahimaj a

26 été nommé adjoint de Ramush Haradinaj. Au sein de cette structure -, on

27 peut le voir dans son évolution - les chefs locaux ont gardé un niveau

28 important d'autonomie et d'indépendance.

Page 436

1 Les systèmes de communication existaient mais ils étaient forts

2 rudimentaires et la coordination aussi existait mais très rudimentaire

3 également. Les commandants des villages, les groupes des villages

4 réagissaient souvent spontanément aux événements sans attendre les ordres

5 du commandement central. Et ceci aussi bien pour les opérations défensives

6 destinées à défendre la population civile d'un village donné contre les

7 attaques militaires serbes ou contre les attaques des unités paramilitaires

8 serbes. Mais cela s'appliquait également à des opérations offensives

9 dirigées contre les forces serbes. Il y avait au niveau local un grand

10 degré d'autonomie au sein de cette structure.

11 Voilà, en quelques mots, les faits essentiels de l'aspect militaire

12 de cette affaire et de l'acte d'accusation qui nous est présenté.

13 Je veux maintenant passer un peu plus en détail à M. Haradinaj lui-même.

14 Sur les 37 chefs que compte l'acte d'accusation, M. Haradinaj est

15 accusé d'avoir été présent lors de cinq des incidents présentés dans l'acte

16 d'accusation. Or, nous rejetons de manière catégorique toutes les

17 allégations portées contre lui.

18 S'agissant des 32 chefs d'accusation, son implication repose uniquement sur

19 l'accusation de l'entreprise criminelle commune avec ses coaccusés et des

20 tiers. Or, nous affirmons qu'il n'existe aucune preuve crédible indiquant

21 que M. Haradinaj et ses coaccusés ou d'autres personnes nommées en tant que

22 membres de l'entreprise criminelle commune aient poursuivi un objectif

23 criminel commun quel qu'il soit.

24 Si l'on examine la thèse de l'Accusation s'agissant de l'entreprise

25 criminelle commune, on voit qu'elle se réduit à deux affirmations

26 essentiellement, et nous affirmons que ces deux affirmations sont

27 incorrectes.

28 La première affirmation de l'Accusation, c'est qu'au tout au long de la

Page 437

1 période visée à l'acte d'accusation, l'UCK placée sous la direction de

2 Ramush Haradinaj, exerçait un contrôle exclusif sur une zone de territoire

3 située à l'est de la route Peje-Gjakove, et que l'Accusation appelle la

4 zone de contrôle total. C'est la raison pour laquelle il est important de

5 comprendre la réalité militaire sur le terrain.

6 La deuxième affirmation sur laquelle repose l'accusation d'entreprise

7 criminelle commune découle de la première affirmation. L'Accusation avance

8 que l'UCK de Dukagjin et donc, par déduction, Ramush Haradinaj, doit être

9 considérée comme responsable du décès de 33 personnes dont les dépouilles

10 ont été trouvées dans la zone du canal du lac de Radoniq. Ceci, M. Re l'a

11 indiqué, parce que ces dépouilles ont été trouvées au sein de la zone de

12 contrôle total, comme l'appelle l'Accusation.

13 Or, la première de ces affirmations est contraire aux faits. Affirmer que

14 l'UCK exerçait un contrôle total dans la zone en question à l'exclusion de

15 toutes les forces serbes, cela ne tient pas. Les trois grandes offensives

16 serbes que j'ai mises en évidence, ont vu des offensives et des attaques

17 menées par les forces serbes contre des villages qui se trouvaient dans

18 cette soi-disant zone de contrôle total.

19 En dehors de ces offensives importantes que j'ai évoquées, il existe

20 des éléments de preuve incontestables montrant que les forces serbes, y

21 compris les forces spéciales, opéraient dans cette zone. Et dans certains

22 cas, ces forces étaient opérationnelles dans des zones qui étaient toutes

23 proches du lac de Radoniq.

24 Pour bien comprendre la géographie des lieux, il est intéressant de

25 regarder une vue aérienne du canal et du lac en descendant d'Irzniq vers le

26 canal lui-même.

27 Ici, nous pouvons voir à l'image Irzniq en bas à droite de notre

28 écran. La ligne bleue nous indique le tracé du canal. Ce canal va du sud-

Page 438

1 ouest, nous le suivons avec la caméra, qui va du sud-ouest en direction du

2 lac de Radoniq. Gllogjan se trouve à droite. Nous nous approchons

3 maintenant de l'exploitation agricole Ekonomija, et nous continuons vers le

4 lac.

5 Je vous demande de prendre note des deux chemins de terre qui courent

6 le long ou qui flanquent le canal.

7 Les documents de l'époque nous montrent que les forces serbes, y

8 compris les unités de la police et les unités paramilitaires étaient

9 présentes à proximité du lac, à partir d'avril et pendant toute la période

10 couverte par l'acte d'accusation, et qu'elles menaient des opérations à

11 partir de ces positions. Ces forces se trouvaient sur des points

12 d'observation, sur des hauteurs à quelques kilomètres seulement de

13 Gllogjan.

14 Premièrement, à l'est du lac, on trouvait des forces serbes à Suka Cermjan.

15 A l'ouest, on les trouvait à Suka Bitesh ainsi qu'à Suka Babaloqit. Ce sont

16 des collines qui ont des désignations, des noms différents en serbe. Ceci

17 figure dans les cartes qui vous ont été remises.

18 Sur cette première vue, nous voyons à peu près ce que l'on pouvait

19 voir depuis cette position occupée par les forces serbes à Suka Cermjan

20 avec Gllogjan et Irzniq, au moins.

21 Si nous allons un petit peu plus à l'ouest, maintenant on peut voir la vue

22 que l'on a à partir de la rive sud du lac Radoniq. Cette vue que nous avons

23 maintenant à l'écran nous montre le point de vue à partir de Suka Bitesh, à

24 l'ouest du lac. Ici, on voit ce que l'on peut voir à partir de Suka

25 Babaloqit. Gllogjan, je vous le signale, se trouve à une distance égale de

26 Suka Bitesh et de la zone du canal. Je me permets d'insister sur le fait

27 que chacune de ces collines se trouve â une distance inférieure de 4

28 kilomètres de Gllogjan.

Page 439

1 Si bien que la théorie qui est au cœur même de la thèse de

2 l'Accusation, à savoir que pendant la période visée par l'acte d'accusation

3 l'UCK exerçait un contrôle total et effectif sur la zone se situant à l'est

4 de la route de Peje à Gjakove, à l'exclusion de toutes forces serbes, cette

5 thèse ne tient pas. Elle est fausse.

6 Cette dernière diapositive nous montre ce que l'on voit à partir du

7 nord du canal, quand on regarde vers le sud, vers la ferme Ekonomija et

8 vers les deux collines qui se trouvent au-delà. Nous pouvons voir Gllogjan

9 à droite sur cette photographie. Je voudrais attirer votre attention pour

10 un instant sur cette ligne bleue que l'on trouve le long du canal. A un

11 moment donné cette ligne bleue devient blanche. C'est à peu près à cet

12 endroit que les autorités serbes ont recensé la découverte de dépouilles

13 humaines en

14 septembre 1998. Ce qui m'amène au deuxième volet de la thèse de

15 l'Accusation en matière d'entreprise criminelle commune.

16 Au total, on a trouvé 31 séries de restes humains, ceci donc c'est la

17 découverte effectuée par les autorités serbes, par les équipes médico-

18 légales serbes dans cette zone au début du mois de septembre. Il est

19 reconnu que ces personnes sont décédées à des dates différentes tout au

20 long d'une période de six mois et l'on a reconnu également que la

21 découverte de leurs dépouilles ne débouche pas forcément sur la conclusion

22 de l'existence d'un massacre ou d'une exécution collective.

23 Pourtant, l'Accusation s'efforce d'affirmer que tous les restes

24 humains qu'on a trouvés dans la zone du canal sont forcément des victimes

25 de crimes commis par l'UCK. Et ceci pourquoi ? Parce que ces restes

26 humains, on les a trouvés dans ce qu'ils appellent la zone de contrôle

27 total. Or, nous, nous faisons valoir que ce raisonnement est complètement

28 erroné, fondamentalement erroné.

Page 440

1 Il est important, je me permets de le dire, d'insister sur le fait

2 que sur ces 31 ensembles de restes humains, il y en a huit qui sont encore

3 non identifiés. Il y a encore dix dépouilles qui ont été identifiées grâce

4 aux analyse ADN mais pour lesquelles on ne dispose d'aucun élément de

5 preuve relatif à la circonstance du décès des personnes concernées.

6 Oui, je m'excuse, il y a une erreur au compte rendu d'audience. Il y

7 a huit dépouilles qui ne sont pas identifiées.

8 Maintenant s'agissant des dépouilles qui ne sont pas identifiées ou à

9 répertorier, rien n'indique que ces personnes aient été tuées par des

10 membres de l'UCK. Rien n'indique que ces personnes aient été victimes de

11 crime de guerre. En fait, la vérité c'est que personne ne sait comment ces

12 personnes sont mortes ou qui les a tuées. En plus de ces 20 séries de

13 restes humains, on trouve quatre autres séries de restes humains pour

14 lesquels aucune analyse ADN n'a été réalisée. Comme nous l'avons expliqué

15 dans notre mémoire préalable au procès, ce qu'on a appelé la méthode

16 traditionnelle d'identification, c'est-à-dire en comparant les vêtements

17 des victimes et la comparaison des données post mortem, pre mortem et ante

18 mortem, c'est la méthode d'identification qui a été utilisée par les

19 équipes médico-légales serbes et est une méthode sujette à caution, puisque

20 cela a entraîné un taux d'erreurs d'identification de quelque 50 %. Donc,

21 nous estimons que c'est là une méthode qui est peu fiable et qui ne permet

22 pas d'arriver à une identification incontestable.

23 Vu l'absence d'analyse ADN permettant d'établir l'identité de ces

24 personnes et vu l'absence d'élément de preuve fiable relatif à l'identité

25 de ces personnes, rien ne permet de dire dans quelles circonstances ces

26 personnes ont trouvé la mort.

27 J'en conclurais donc que sur les 33 [comme interprété] dépouilles recensées

28 par les équipes médico-légales serbes, on a identifié neuf personnes grâce

Page 441

1 à des analyses ADN, neuf personnes au sujet desquelles l'Accusation

2 souhaite citer à la barre des témoins qui affirmeront que c'est l'UCK qui

3 est responsable du décès de ces personnes d'une manière ou d'une autre.

4 Généralement, il s'agit de témoins qui viendront dire que ces personnes ont

5 été détenues par l'UCK.

6 Bien entendu, je ne vais pas ici faire d'observation au sujet de la

7 fiabilité de ces témoins, parce que c'est quelque chose qui viendra au

8 moment du procès. Cependant, il est important de dire que ces neuf

9 personnes figurent dans dix chefs d'accusation. Et à aucun moment on ne dit

10 que M. Haradinaj a participé directement à ces crimes.

11 Mais les failles de la thèse de l'Accusation ne s'arrêtent pas là,

12 puisqu'il y a beaucoup de raisons de mettre en doute l'intégrité de

13 l'opération d'exhumation serbe. Cela encore, il faudra l'examiner en détail

14 au cours du procès. Il y a un certain nombre d'indications qui donnent à

15 penser que la scène où les crimes auraient eu lieu peut bien avoir été

16 manipulée à des fins de propagande. Il y a des questions qui ont trait, pas

17 seulement à la zone du canal lui-même mais aussi à six dépouilles

18 supplémentaires qui auraient été découvertes au même moment ou à peu près

19 au même moment, près de la ferme d'exploitation économique voisine. M. Re

20 n'a pas mentionné si ces personnes, et pour une bonne raison, elles ne sont

21 plus incluses dans l'acte d'accusation. C'est pourquoi l'Accusation

22 reconnaît maintenant qu'en toute probabilité il se peut qu'elles aient été

23 tuées par les forces serbes.

24 Effectivement, Monsieur le Président, la famille de trois de ces victimes

25 ont dit à l'Accusation qu'ils avaient vu leurs parents pour la dernière

26 fois en vie sous la garde de Serbes. Les six victimes en question étaient

27 des Albanais. Tous avaient des liens avec l'UCK. Et l'une de ces victimes

28 était liée à la famille Jashari qui avait été l'objet de l'attaque de

Page 442

1 Prekaz au début de mars. Monsieur le Président, le fait que l'on ait ôté

2 des chefs d'accusation dans l'acte d'accusation ne veut pas dire que ces

3 six corps soient dénués de pertinence aux fins de la présente affaire. Les

4 dépouilles de ces six personnes ont été délibérément placées par quelqu'un

5 à l'exploitation agricole Ekonomija et les thèses officielles des autorités

6 serbes, y compris celles qui ont eu à s'occuper d'autopsie, et que vous

7 allez entendre, à savoir qu'il s'agissait de victimes de l'UCK, et que cela

8 devait avoir été le cas, donne à penser, disons-nous, à une tentative

9 orchestrée de manipuler les éléments de preuve de façon à cacher la

10 responsabilité des forces serbes pour ces décès et en même temps à

11 impliquer faussement l'UCK.

12 Si c'est effectivement ce qui s'est passé en l'espèce, à ce moment-là, ce

13 ne serait pas l'occasion dans lesquelles les forces serbes seraient

14 engagées sur les lieux pour manipuler les éléments de preuve et s'occuper

15 du transport des corps.

16 Dans l'affaire Milutinovic, par exemple, l'Accusation elle-même a

17 allégué que des forces avaient ôté et transporté les corps d'Albanais

18 kosovars victimes de façon à s'échapper à leur responsabilité vu de leurs

19 crimes. L'Accusation allègue également que les forces serbes ont reçu

20 l'ordre de transporter une grande quantité de munitions d'origine chinoise,

21 de façon à pouvoir faussement impliquer l'UCK dans des crimes qui avaient

22 été commis par des forces spéciales serbes. Cela aussi a un écho dans la

23 présente affaire.

24 La présence de munitions chinoises dans le canal du lac Radoniq, dans

25 le secteur du lac Radoniq a été plus particulièrement mise en lumière par

26 les autorités serbes et effectivement par l'Accusation dans son mémoire

27 préalable au procès, comme un élément de preuve de responsabilité de l'UCK.

28 Les autorités serbes ont fait remarquer en particulier le fait qu'on avait

Page 443

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15 versions anglaise et française

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 444

1 découvert des munitions chinoises lorsqu'ils ont présenté leurs conclusions

2 aux médias et aux représentants de la communauté internationale.

3 De sorte, Monsieur le Président, que nous disons qu'il est impossible de

4 tirer des conclusions sûres de l'emplacement précis dans lequel divers

5 restes humains sont censés avoir été retrouvés par les autorités serbes qui

6 ont participé à cette opération de récupération. La photo que vous avez vue

7 avec les positions qui étaient marquées, vous avez vu en bas, ceci a été

8 produit par l'Accusation sur la base d'éléments fournis par ceux qui

9 étaient directement mêlés à l'opération de récupération par les Serbes, et

10 qui a eu pour résultat de prétendre que six personnes qui se trouvaient à

11 la ferme d'exploitation Ekonomija étaient les victimes de l'UCK et

12 l'étaient forcément. Ce n'était pas, comme on aurait pu en avoir

13 l'impression, une analyse à laquelle il avait été procédé avec impartialité

14 ou de façon indépendante par des personnels internationaux.

15 Une fois qu'on a des éléments qui pourraient donner à penser qu'il y

16 a manipulation et altération des éléments sur les lieux des crimes, il

17 devient impossible, devrons-nous dire, d'avoir la moindre confiance dans

18 l'intégrité des éléments de preuve fournis à partir des lieux du crime.

19 Je voudrais maintenant passer aux chefs d'accusation qui allèguent

20 des crimes contre l'humanité, mais brièvement. Sur cet aspect de l'affaire,

21 la Défense se fonde de façon considérable sur les conclusions de la Chambre

22 de première instance dans l'affaire Limaj. En l'espèce, la Chambre de

23 première instance avait conclu que les éléments de preuve n'établissaient

24 pas ni même indiquaient que l'UCK avait une politique consistant à prendre

25 pour cibles des civils et en tant que tels, que ce soit des Serbes ou des

26 Albanais kosovars.

27 Monsieur le Président, il est important que je souligne quatre points sur

28 cet aspect --

Page 445

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous poser une question, Maître

2 Emmerson. Quand vous parlez de conclusions de Chambre de première instance

3 --

4 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- plus particulièrement lorsqu'il y a

6 un appel en cours, je crois, qu'à ce moment-là, tôt ou tard, vous allez

7 discuter avec M. Re du point de savoir s'il ne serait pas approprié de

8 présenter une requête pour dresser un constat judiciaire, et bien entendu,

9 si ceci remplit les conditions. Est-ce que je comprends que dans cet

10 exposé, il y aurait, si nécessaire, une requête en vue de faire dresser un

11 constat judiciaire ? Parce que, bien entendu, avec tout le respect que je

12 vous dois, quelles autres Chambres de première instance, ce qu'elles ont

13 décidé, je ne dirais pas que c'est dénué de pertinence, mais ce n'est pas

14 la base sur laquelle sont présentés les éléments de preuve qui nous sont

15 soumis.

16 M. EMMERSON : [interprétation] Il y a, si je puis dire encore, quatre

17 points en particulier --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

19 M. EMMERSON : [interprétation] -- qui ont trait à la question que vous

20 venez d'évoquer, Monsieur le Président.

21 Le premier, c'est que les conclusions de la Chambre de première instance

22 dans le procès Limaj n'étaient pas, comme l'a suggéré M. Re, limitées à un

23 Kosovo en particulier. Elles étaient exprimées comme s'appliquant à

24 l'ensemble du Kosovo.

25 Le deuxième point est que les éléments essentiels de preuve sur lesquels se

26 fonde l'Accusation dans le cas présent, dans cette affaire, étaient

27 également portés devant la Chambre de première instance dans l'affaire

28 Limaj. La Chambre ayant entendu des dépositions ayant trait à la découverte

Page 446

1 de restes humains au lac Radoniq dans la zone du canal et par rapport aux

2 mauvais traitements qui auraient été infligés à des détenus à Jabllanice.

3 Vous avez raison de dire qu'il y a un appel qui est en cours. L'Accusation,

4 cependant, n'a pas appelé de la décision en ce qui concerne les crimes

5 contre l'humanité.

6 Quatrièmement, l'Accusation n'a fait aucune tentative dans son mémoire

7 préalable au procès ou dans son intervention liminaire pour expliquer

8 comment les conclusions dans l'affaire Limaj pourraient être à juste titre

9 distinguées des éléments de la présente affaire. Nous voulons dire, et ceci

10 répond véritablement à la question que vous posiez, que les conclusions

11 auxquelles est parvenue la Chambre de première instance dans l'affaire

12 Limaj, qu'elles soient obligatoires ou non, ce n'est pas la question qui se

13 pose. Ils ont raison, il faut en tenir compte, mais les éléments de la

14 présente affaire le montreront.

15 Les chefs d'accusation du présent acte allèguent la mort au total de

16 12 Serbes dans la région de Dukagjin sur une période d'approximativement

17 six mois. Douze Serbes sur une période de six mois dans la région de

18 Dukagjin. En ce qui concerne six de ces personnes, il n'y a aucune élément

19 de preuve, quel qu'il soit, quant aux circonstances de leur mort, qui, par

20 conséquent, doit rester une question hypothétique. Il y a six Serbes à

21 l'acte d'accusation à l'égard desquels l'Accusation propose de faire

22 déposer des témoins pour alléguer la responsabilité directe des forces de

23 l'UCK sous une forme ou sous une autre.

24 Un dernier élément que je voudrais évoquer brièvement, c'est l'état des

25 conflits armés qui est mis en question au Kosovo. C'est quelque chose qui

26 soulève une question juridictionnelle, une question de compétence, qui

27 pourrait avoir un effet en particulier sur ces chefs d'accusation d'actes

28 qui sont allégués et qui se seraient produits dans les premiers mois de la

Page 447

1 période couverte par l'acte d'accusation.

2 Il suffit à ce stade que je dise que le jugement rendu par la Chambre

3 de première instance dans l'affaire Limaj donne fortement à penser que la

4 date qui compte se situerait du côté de la fin du mois de mai. C'était, en

5 l'occurrence, la date à laquelle le témoin expert de l'Accusation l'avait

6 indiqué lorsque ceci a été présenté comme un élément de preuve en l'espèce.

7 Bien entendu, c'est à l'Accusation qu'il échait de prouver qu'au cours de

8 la période couverte par le présent acte d'accusation, on pouvait dire à

9 juste titre qu'un état de conflit armé interne était né. Des questions de

10 polémique, de rhétorique ou même des commentaires de groupes humanitaires

11 internationaux sur la question de savoir si un conflit armé existait à un

12 moment donné est une question marginale. C'est une question disant qui

13 appartient à l'appréciation de la Chambre de première instance en

14 appliquant comme il convient le droit aux faits et aux éléments de preuve.

15 Les arguments de la Défense sont pleinement exposés dans notre mémoire

16 préalable au procès, ils seront développés à un stade ultérieur du procès.

17 En conclusion, je dois dire ceci : pour ce qui est de la population du

18 Kosovo, le conflit en 1998 et 1999 était à l'évidence un conflit, une

19 expérience très brutale, où dans lequel un nombre incalculable de femmes

20 ont été violées par les forces serbes. A un moment donné, un million de

21 personnes ont été déplacées sur une population de seulement deux millions.

22 Au cours de l'année 1998, l'UCK, dans la région de Dukagjin, avait à faire

23 face à des forces les plus brutales du régime serbe. Pour l'UCK et pour

24 Ramush Haradinaj, leurs vies dépendaient de prendre les bonnes décisions à

25 chaque heure de chaque jour. Et à partir de la BBC, dont nous avons parlé,

26 comme il l'a dit plus tôt, ils luttaient pour défendre leurs villages et

27 leurs communautés et c'était pour eux une lutte pour la survie.

28 La population du Kosovo occidental n'aurait pas supporté l'UCK, ne

Page 448

1 les aurait pas soutenus, alimenté et protégé et ne se serait pas occupé de

2 leurs blessures s'ils s'étaient comportés de la façon dont l'Accusation

3 prétend qu'ils l'ont fait.

4 Il n'y avait aucun accord pour commettre des crimes de guerre. Il n'y

5 avait aucun accord pour persécuter ou tuer des civils ou maltraiter des

6 détenus. Ramush Haradinaj n'est pas un criminel de guerre. Les charges qui

7 pèsent contre lui sont dépourvues de fondement et la décision du Procureur

8 de l'accuser était injuste.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Emmerson.

10 Puisque aucun des autres conseils n'a annoncé son désir de faire une

11 déclaration liminaire et puisque aucun des accusés ne souhaite faire une

12 déclaration sans serment au titre de

13 l'article 84 bis du Règlement, ceci met un terme aux déclarations

14 liminaires.

15 Il y a quelques questions pratiques et techniques que je veux

16 évoquer. Certaines d'entre elles devront être débattues en audience à huis

17 clos partiel, mais pour la première je vais en parler en audience publique,

18 à savoir ceci :

19 Aujourd'hui, des séquences vidéo ont été présentées. La vidéo

20 présentée par l'Accusation était sans bande sonore, sans texte dit, d'après

21 ce que je me rappelle, Monsieur Re, si je m'en souviens bien. Tandis que ce

22 n'est pas la même chose pour la séquence vidéo qui a été présentée avec un

23 commentaire qui était en anglais et qui n'apparaît pas actuellement au

24 compte rendu. Ce qui veut dire - mais je n'ai pas encore vérifié - très

25 probablement que ceci n'apparaîtra pas dans le compte rendu en français non

26 plus. Par conséquent, il faudra que nous trouvions une solution à cela.

27 Je suggère aux parties que de façon à avoir un compte rendu aussi complet

28 que possible, nous traitions cette question des séquences vidéo de la

Page 449

1 manière suivante : que les parties fournissent aux interprètes, à la cabine

2 des interprètes une transcription de ce qui est dit dans les langues

3 d'origine. Ceci, à ce moment-là, il en sera donné lecture, de façon à ce

4 qu'on puisse les transcrire pour le compte rendu en anglais. En même temps,

5 ce texte étant très évidemment -- est transcrit de façon à ce qu'on puisse

6 l'avoir sur le compte rendu en anglais en même temps. Parfois le texte est

7 dit rapidement, ce qui est impossible pour les interprètes de traduire,

8 donc ceci apparaît également sur le compte rendu en français. Une solution

9 serait peut-être que l'un des interprètes donne lecture de la transcription

10 fournie par les parties en vérifiant si ce qu'il est en train de lire

11 correspond bien à ce que l'interprète dans la bande-son, ensuite l'autre

12 interprète dans l'autre cabine interprèterait ce texte sur la base de la

13 transcription, car il est fort probable que l'interprète ne serait pas en

14 mesure de suivre le rythme de la bande de son, ce qui voudrait dire que

15 nous ne disposerions d'une transcription complète en anglais et en

16 français. Par ailleurs, le fait de travailler sur la base d'une

17 transcription permettrait de vérifier si cette transcription correspond

18 bien à ce que l'on entend dans l'original de la vidéo.

19 Voilà donc une suggestion que je livre aux parties et aux

20 interprètes. Nous avons suivi une pratique analogue dans une autre affaire

21 que j'ai présidé. C'est certes une procédure particulière, mais cela permet

22 d'éviter les erreurs.

23 Dans le même temps, Maître Emmerson, je crois me souvenir que vous

24 nous avez dit au moment où cette vidéo a été montrée que nous devions

25 mettre nos écouteurs pour suivre la bande-son. Vous vous souviendrez

26 certainement qu'à une récente réunion, on a demandé que tout le monde ait

27 en permanence ses écouteurs pour entendre également des interventions des

28 interprètes comme : "Merci de ralentir, s'il vous plaît," ou autres. Par

Page 450

1 conséquent, j'encourage tout le monde à bien vouloir suivre cette

2 suggestion et ne pas mettre ses écouteurs que lorsque nous devons écouter

3 la bande-son d'une vidéo.

4 Voilà donc pour les questions d'ordre technique que nous pouvions

5 traiter en audience publique. Mais avant de suspendre l'audience,

6 j'aimerais passer brièvement à huis clos partiel.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

8 Monsieur le Président.

9 [Audience à huis clos partiel]

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

28 (expurgé)

Page 451

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 [Audience publique]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Madame la Greffière

21 d'audience.

22 Les Juges de la Chambre sont conscients du fait, Monsieur Re, que nous vous

23 avons quelque peu bousculé. Nous vous avons privé de sept minutes de votre

24 temps, ce qui a représenté une certaine pression pour vous à la fin de

25 votre déclaration liminaire, mais malheureusement c'est là la réalité dans

26 laquelle nous devons travailler, à moins que vous n'ayez d'autres questions

27 de procédure à évoquer.

28 Maître Guy-Smith.

Page 452

1 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui. Je souhaitais intervenir au sujet d'un

2 terme qui a été utilisé lors d'un document présenté à l'écran par

3 l'Accusation, un document produit par l'Accusation. Peut-être pourrions-

4 nous obtenir une version complète des documents présentés par le biais de

5 Sanction par l'Accusation, cela nous aiderait grandement, et cela nous

6 permettrait également d'avoir un tableau complet de la situation.

7 M. RE : [interprétation] Il y a une explication tout à fait simple, à

8 savoir que j'étais en train de lire le projet de traduction, alors qu'à

9 l'écran on voyait la traduction officielle.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais Me Guy-Smith demandait

11 uniquement que vous lui fournissiez cela pour qu'il ait tous les éléments à

12 sa disposition. Je ne pense pas que cela représente un effort considérable

13 pour vous.

14 Bien. Si vous n'avez pas d'autres remarques, nous allons suspendre

15 l'audience et nous nous retrouverons à 14 heures 15, en salle d'audience

16 numéro II; donc demain, 14 heures 15, salle d'audience numéro II, et nous

17 entendrons les témoins qui seront cités, et nous traiterons également d'un

18 certain nombre de questions de procédure au début de l'audience.

19 L'audience est suspendue.

20 --- L'audience est levée à 18 heures 55 et reprendra le mardi 6 mars

21 2007, à 14 heures 15.

22

23

24

25

26

27

28