Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 21 mars 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

6 Madame la Greffière, voulez-vous présenter l'affaire, s'il vous plaît.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

8 s'agit de l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Ramush Haradinaj et

9 consorts.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

11 J'aimerais passer en audience à huis clos partiel pour un instant.

12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

13 partiel, Monsieur le Président.

14 [Audience à huis clos partiel]

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10 [Audience publique]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

12 Madame l'Huissière, pourriez-vous faire entrer le témoin en salle

13 d'audience s'il vous plaît.

14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

15 LE TÉMOIN: MILOICA VLAHOVIC [Reprise]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vlahovic.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

19 Juges.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous rappeler que vous êtes

21 tenu par la déclaration solennelle que vous avez prononcée hier au début de

22 votre déposition. M. Dutertre va continuer son interrogatoire principal à

23 présent.

24 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

25 Interrogatoire principal par M. Dutertre : [Suite]

26 Q. Monsieur Vlahovic, bonjour. Hier, vous nous avez décrit les tensions

27 entre la population serbe et la population albanaise dans la région de

28 Gornji Ratis dans les années précédant le conflit. Vous avez mentionné la

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1 baisse de la population serbe dans cette région et les raisons qui

2 l'expliquent. Vous avez ensuite évoqué des incidents précis dans lesquels

3 des Serbes ont été victimes au début de l'année 1998. Enfin, vous avez

4 commencé à aborder l'histoire qui est arrivée à vos parents.

5 Vous avez ainsi indiqué que vous étiez allé le dimanche à Sremska

6 Kamenica pour voir votre oncle à l'hôpital. Si je calcule bien, c'était le

7 19 avril 1998. Vous avez ensuite indiqué que vous êtes revenu à Gornji

8 Ratis le 20, et que vous avez passé la nuit du 20 au 21 avril 1998 chez vos

9 parents dans leur maison à Gornji Ratis, ce qui veut dire la nuit du lundi

10 20 avril au mardi 21 avril 1998. Vous avez précisé que vous avez vu vos

11 parents pour la dernière fois ce mardi, 21 avril 1998, à Gornji Ratis.

12 J'avais, hier soir, lorsque nous nous sommes interrompus, commencé à

13 vous poser quelques questions en rebondissant sur des réponses que vous

14 aviez données. Nous allons reprendre à cet endroit si vous le voulez bien.

15 Ma première question est la suivante : vous avez dit qu'au cours du

16 mois d'avril, les Serbes avaient quitté la région et revenaient seulement

17 pour nourrir leur bétail. Vous avez expliqué qu'ils ne se sentaient pas en

18 sécurité. Vous avez notamment précisé qu'on pouvait entendre des tirs à

19 Glodjane. Par ailleurs, tout au début de votre audition, hier, page 1 546

20 du transcript à la ligne 15 vous avez indiqué - et là j'utilise la version

21 anglaise du transcript naturellement - qu'il y avait un camp d'entraînement

22 à Glodjane et qu'on pouvait souvent entendre l'après-midi le bruit des

23 armes automatiques.

24 Ma première question est la suivante : je crois comprendre que de

25 l'albanais à l'anglais et de l'anglais au français, le terme que vous avez

26 employé, qui en anglais est "champ de tir," mais que j'ai cru comprendre

27 être autre chose en français, a pu ne pas être traduit tout à fait

28 précisément. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'il y avait à

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1 Glodjane, si c'est le mot "champ de tir", si c'est autre chose comme mot

2 que vous avez voulu employer pour désigner ce qu'il y avait à Glodjane ?

3 R. A l'époque on disait qu'il y avait un polygone d'entraînement à

4 Glodjane. A l'époque, un policier s'est fait tuer, Miodrag Otovic à

5 Glodjane. Momo Stijovic aussi a été blessé à Glodjane. Donc, dans la soirée

6 ou vers la fin de l'après-midi, on pouvait entendre des tirs, des armes

7 automatiques même à Ratishe, sans doute qu'ils s'entraînaient à tirer là-

8 bas.

9 Q. Par "polygone d'entraînement", vous entendez un lieu d'entraînement

10 militaire ?

11 R. Oui, c'est ce que je pense. Mais je ne l'ai pas vu.

12 Q. Le bruit des armes --

13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Quel est le nom du policier qui a été

14 tué à Glodjane ? Pourriez-vous répéter son nom, s'il vous plaît ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr. Miodrag Otovic. Il travaillait

16 au niveau du poste de police de Rznic. Je pense qu'il est originaire de

17 Ciga, municipalité de Pec, mais je n'en suis pas sûr.

18 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je vous remercie.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi de me lever, mais je suis en

20 train d'examiner la ligne 14. Le témoin a répondu : "A l'époque, ce que les

21 gens disaient à Glodjane, c'était que c'était un polygone d'entraînement".

22 Mais qui lui disait cela ? Est-ce que vous pouvez lui poser la question,

23 s'il vous plaît ?

24 M. DUTERTRE : Mais si j'avais le temps de poser des questions, je pourrais

25 poser ces questions précisément.

26 Q. Tout d'abord, j'aimerais savoir, le bruit des armes provenant de

27 Glodjane, vous les avez entendues personnellement ?

28 R. Oui. Je les ai entendues personnellement. Ceci a commencé déjà au mois

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1 d'avril au début de 1998. On les entendait quotidiennement à partir du mois

2 d'avril.

3 Q. Vous avez répondu aux deux questions que j'allais poser ensuite sur le

4 début de ces tirs et de leur régularité. Je vous remercie.

5 Comment saviez-vous - et j'en viens à la question que la Défense voulait

6 que je pose et qui était planifiée - comment saviez-vous qu'il y avait un

7 polygone d'entraînement à Glodjane ?

8 R. Il y avait un policier d'Irzniq --

9 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la suite.

10 M. DUTERTRE :

11 Q. Est-ce que vous pouvez répéter votre réponse, s'il vous plaît ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, pourriez-vous vous

13 rapprocher du micro puisque les interprètes ont du mal à vous entendre.

14 Vous pouvez continuer, Monsieur Dutertre.

15 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Juge.

16 Q. Est-ce que vous pouvez répéter votre réponse à ma dernière question,

17 Monsieur Vlahovic ?

18 R. Je l'ai entendu aussi de Slobodan Prascevic, de Miodrag Otovic et de

19 Drasko Vukicevic, qui était à l'époque le commandant du poste de police

20 d'Irzniq.

21 Q. Quand vous ont-ils donné cette information ?

22 R. Là, il y a une erreur, parce que j'ai parlé de Drasko Vukicevic, et là

23 on voit autre chose. Il y a une erreur au niveau du compte rendu. Il s'agit

24 de Drasko Vukicevic. C'était lui qui était le commandant à l'époque, à

25 savoir au mois d'avril 1998. C'était lui le commandant du poste de police

26 d'Irzniq.

27 Q. C'est à cette époque qu'il vous a donné cette information ?

28 R. On le disait même avant, mais c'est à ce moment-là qu'ils l'ont dit

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1 officiellement.

2 Q. Quand vous dites : on le disait même avant, qu'est-ce que vous entendez

3 par "on" le disait même avant ? Qui était "on" ?

4 R. C'est dans le village, les voisins qui disaient cela, les gens du

5 village.

6 Q. De quel village ?

7 R. De Ratishe, de Dasinovac et de Ljumbarda, de tous ces villages autour.

8 Q. Est-ce que vous avez des noms en particulier de personnes qui disaient

9 cela ?

10 R. Par exemple, Ljubica Stojanovic de Dubrava, elle était la première à

11 avoir entendu parler de ces polygones, puisque Dubrava et Glodjane sont des

12 villages qui sont côte à côte.

13 Q. Et qui d'autre ?

14 R. Les autres en parlaient aussi. Konstantin Stijovic, par exemple, ou

15 Goja Stijovic.

16 Q. Konstantin Stijovic, où était son domicile ?

17 R. Il vivait à Ljumbarda.

18 Q. Deuxième sujet. Hier en fin d'après-midi, vous avez fait la liste des

19 personnes qui n'avaient pas quitté la région. Vous avez mentionné deux

20 femmes appelées Darinka et Vukosava. Quel est le nom de famille de ces

21 personnes ?

22 R. Non, non, je n'ai pas dit qu'elles sont parties. Au contraire, elles

23 sont restées et elles ont été tuées par la suite.

24 Q. Ma langue a fourché, des personnes qui étaient restées. Vous avez

25 mentionné Darinka et Vukosava. Quel était leur nom de famille ?

26 R. Elles sont sœurs. Vukosava ne s'est jamais mariée, alors que Darinka

27 s'était mariée. Leur nom de famille était Vojosevic. Mais comme Darinka

28 s'était mariée, elle portait le nom de son mari, Kovac. Donc, épouse Kovac.

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1 Q. Est-ce que vous les connaissiez personnellement ?

2 R. Oui, c'étaient des voisines à nous.

3 Q. Elles habitaient dans quel village exactement ?

4 R. A Ratis aussi. C'est à la frontière de Kodralija et Ratishe, mais elles

5 étaient toujours à Ratis.

6 Q. Savez-vous ce qui leur est arrivé ? Et à titre préliminaire qui vous

7 l'a appris ?

8 R. C'est un certain Muhamet de Kodralije qui m'a dit cela. Je ne me

9 souviens pas de son nom de famille. Il travaillait à Decane à Elektro

10 Distribuzija [phon]. Il avait acheté un terrain à proximité des ces femmes

11 à Kodralije. A un moment donné vers la fin du mois de juillet, il a dit

12 qu'on avait mis le feu dans leurs champs de blé et qu'on les a tuées par la

13 suite. C'est ce qu'il m'a raconté à l'époque.

14 Q. Est-ce que c'est quelque chose qu'il avait vu lui-même ?

15 R. Sans doute que oui, mais je ne lui ai pas posé la question.

16 Q. Quand avez-vous eu cette discussion avec lui, et à quel endroit ?

17 R. Je l'ai vu à Decane. Vers la fin du mois de septembre, je pense, mais

18 je ne me souviens plus de la date.

19 Q. Septembre 1998 ?

20 R. Oui, oui, c'était en 1998.

21 Q. J'en reviens maintenant, plus précisément, au 21 avril 1998 à Donji

22 Ratis. Quels autres membres de votre famille étaient présents à votre

23 domicile ce jour-là ?

24 R. Ma sœur Nada y était, son fils Ivan, mon frère Novak, moi-même, notre

25 mère et notre père. Ce même jour, Milos Radunovic et cette femme Milica

26 sont venus, ainsi que Slobo Radosevic. Ils sont venus chez nous dans notre

27 maison.

28 Q. De quel village sont originaires Milos Radunovic, Slobo Radosevic et

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1 Milica ?

2 R. Milica Radunovic. Ils sont de Dasinovac tous les trois.

3 Q. Quelle distance y a-t-il entre Dasinovac et Gornji Ratis ?

4 R. Ce sont des villages adjacents. Il y a peut-être 1 kilomètre de

5 distance entre les deux.

6 Q. Lorsque vous étiez chez vous le 21 avril, à Gornji Ratis, qu'est-ce que

7 Milos Radunovic et Slobodan Radosevic vous ont dit sur la situation dans le

8 village de Dasinovac ?

9 R. Ils ont dit que la situation n'était pas sûre à Dasinovac, mais qu'ils

10 n'ont rien fait de mal à qui que ce soit, et qu'ils ne voulaient pas

11 quitter leurs maisons, puisqu'ils n'avaient rien à craindre.

12 Q. Que vous ont-ils dit à propos des autres personnes d'origine serbe

13 vivant à Dasinovac ?

14 R. Milos, par exemple, m'a dit qu'il est allé chez Milojka Markovic, qui

15 habitait aussi à Dasinovac avec ses deux fils, et qu'elle avait deux

16 voisins. Ils s'appelaient Dasic. Ils avaient dit la même chose, qu'ils

17 n'allaient partir que s'ils étaient chassés et forcés à partir par la force

18 seulement.

19 Q. Vous étiez personnellement présent lors de cette conversation ?

20 R. Oui, j'étais chez moi.

21 Q. Quand avez-vous vu Milos Radunovic et Slobodan Radosevic pour la

22 dernière fois ?

23 R. Ce même jour, le 21. C'était un mardi. Le 21 avril 1998, c'est là que

24 je les ai vus pour la dernière fois, tout comme mes parents, et Milica.

25 Q. Et ce 21, après cette conversation, qu'avez-vous fait ?

26 R. Le 21, après cette conversation, j'ai pris ma sœur et son fils Ivan, et

27 je suis parti à Decane. C'est là qu'ils habitaient. Je les ai emmenés à

28 Decane, et j'ai continué en direction de Djakovica.

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1 Q. Quelle heure était-il approximativement ?

2 R. A peu près 3 ou 4 heures dans l'après-midi.

3 Q. Lorsque vous avez quitté votre domicile, les personnes que vous avez

4 citées, à part celles qui sont parties avec vous, étaient présentes à votre

5 domicile ?

6 R. Oui. Elles sont restées derrière.

7 Q. Où avez-vous passé la nuit ce jour-là ?

8 R. J'ai passé la nuit à Djakovica.

9 Q. Le lendemain, qui doit être le mercredi 22 avril, qu'avez-vous fait ?

10 R. Je suis allé avec un ami à Pec, un ami à moi, un Catholique, Tumo

11 [phon] de Djakovica. J'ai rencontré mon frère Novak, qui était resté chez

12 lui ce jour-là.

13 Q. Quel est le nom de votre ami avec lequel vous étiez ?

14 R. Non, ce n'est pas que je l'ai rencontré, mais c'est avec lui que je

15 suis parti à Pec. Il fallait conduire une voiture là-bas. Il s'appelait

16 Duna Laka.

17 Q. Vous avez donc rencontré votre frère, comme vous l'avez indiqué.

18 Qu'est-ce que votre frère vous a dit ce jour-là, le 22 avril 1998 à Pec ?

19 R. Il était midi à peu près, et je lui ai demandé quelle était la

20 situation; comment se passaient les choses, comment allaient mon père et ma

21 mère. Il m'a dit qu'il était sorti à 6 heures du matin, puisqu'il

22 travaillait. Il avait pris le bus Pec-Decani, et il m'a dit qu'au moment où

23 il est sorti de la maison, tout allait bien. Il avait laissé tout le monde

24 en bonne santé.

25 Q. Est-ce que vous pouvez juste clarifier un point ? Lui-même à quitté

26 Gornji Ratis quel jour, et à quelle heure précisément ?

27 R. Oui. Il est parti lendemain, le 22 avril 1998, à 6 heures du matin. Il

28 est parti travailler.

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1 Q. Quand il est parti, il y avait toujours vos parents chez vous. Lui-

2 même, quand a-t-il vu pour la dernière fois Milos et Slobodan, Milos

3 Radunovic et Slobodan Radosevic ?

4 R. Je ne lui ai pas posé la question au sujet de Slobo Radosevic. Je ne

5 lui ai pas demandé à quel moment il les a vus pour la dernière fois. Sans

6 doute que c'était après que nous sommes partis. En ce qui concerne les

7 parents, il les a vus le matin, s'ils se sont levés. Sinon, il les a vus le

8 soir même.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi, mais je ne suis pas en mesure

10 de suivre ni la question, ni la réponse.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, pourriez-vous reposer

12 la question et demander au témoin aussi de répondre à nouveau, parce qu'on

13 ne voit pas trop bien quelle était la question. Peut-être que c'est la

14 réponse qui est un peu complexe. En tout cas, pouvez-vous répéter ou faire

15 répéter le témoin ?

16 M. DUTERTRE :

17 Q. La question était double et portait sur le point de savoir quand votre

18 frère Novak avait vu vos parents pour la dernière fois, et Milos et

19 Slobodan Radosevic pour la dernière fois ?

20 M. EMMERSON : [interprétation] D'habitude je ne soulève pas d'objection

21 quand il s'agit de questions doubles, à deux volets, mais c'est un exemple

22 vraiment classique de comment il ne faut pas poser ce type de question.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si vous posez plusieurs questions à

24 la fois, il y a de grandes chances que la question ne soit pas claire. Vous

25 avez posé une question qui n'était pas vraiment une question double.

26 Maintenant, vous l'avez posée. Est-ce que vous pourriez poser une question

27 à la fois, s'il vous plaît ?

28 M. DUTERTRE :

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1 Q. Monsieur Vlahovic, quand votre frère vous a-t-il dit qu'il avait vu vos

2 parents pour la dernière fois ?

3 R. Mon frère m'a dit que c'est le 22 avril. C'est ce qu'il m'a dit quand

4 il m'a vu. Je ne lui ai pas demandé à quel moment il les a vus pour la

5 dernière fois. Sans doute le matin, quand ils se sont levés, ensuite il les

6 a revus le soir quand il est allé se coucher.

7 Q. Merci. Quand avait-il vu Milos Radunovic et Slobodan Radosevic pour la

8 dernière fois ?

9 R. Ils ne couchaient pas chez nous. Sans doute qu'ils sont rentrés chez

10 eux. Donc, il les aurait vus le 21 avril, tout comme moi. Un petit peu plus

11 tard peut-être, parce que je suis parti en premier.

12 Q. Entendu. Ce 22 avril 1998, qu'avez-vous fait après avoir rencontré

13 votre frère ?

14 R. Je suis retourné à Djakovica. J'étais avec un ami dans un restaurant

15 avec ce Duna Laka, puisqu'on devait s'occuper de cette voiture.

16 Q. Est-ce que vous avez appris quelque chose d'autre à propos de Milos

17 Radunovic et Slobodan Radosevic ce jour-là ?

18 R. Oui. Des policiers sont entrés en disant que Slobo Radosevic et Milos

19 Radunovic auraient été arrêtés. C'était l'information qu'ils avaient.

20 Q. Est-ce que vous avez le nom de ces policiers ?

21 R. Milutin Prascevic était là.

22 Q. Et qui d'autre ?

23 R. Il y en avait d'autres, mais je ne les connaissais pas tous.

24 Q. Est-ce qu'ils ont dit qui avait arrêté Milos Radunovic et Slobodan

25 Radosevic ?

26 R. Ils ont dit que c'étaient des Albanais.

27 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Comment interprétez-vous cela ?

28 Qu'est-ce que vous comprenez quand on dit "les Albanais" ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Sans doute, l'UCK. Les gens à l'époque qui

2 portaient des uniformes.

3 M. DUTERTRE :

4 Q. Muni de cette information, comment avez-vous réagi pour vos parents ?

5 Quelles démarches avez-vous essayé de faire si tant est que vous ayez fait

6 des démarches ?

7 R. Tout d'abord, j'ai voulu aller les chercher, les sortir de là, mais

8 avant cela, je me suis rendu au poste de police à Decane.

9 Q. Qu'avez-vous fait au poste de police à Decani ?

10 R. J'ai voulu savoir si la situation était sûre, si on pouvait y aller,

11 s'ils avaient des informations concernant ces événements qui se seraient

12 produits là-bas.

13 Q. Qu'est-ce que les policiers vous ont répondu sur la situation et les

14 événements ?

15 R. Ils ont dit qu'on ne pouvait plus se rendre là-bas, que dans le village

16 de Pozar, qu'ils ont arrêté Konstantin Stijovic; Novak Stijovic, son fils;

17 Stanisa Radosevic; Milka Stijovic; et Stanislava Popovic; toutes ces

18 personnes avaient été arrêtées.

19 Q. Qu'est-ce qui leur était arrivé exactement ? Est-ce que les policiers

20 vous ont dit cela ?

21 R. Je n'ai pas posé d'autres questions à vrai dire, mais par la suite j'ai

22 pu les voir. Konstantin Stijovic, Novak, Stana Popovic, c'était ma voisine

23 la plus proche.

24 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'excuse, mais le compte rendu ne reflète

25 pas exactement la liste de noms donnés par le témoin. Je ne sais pas si

26 c'est un problème d'interprétation ou de transcription. Mais la liste de

27 noms n'est pas reflétée correctement au compte rendu d'audience. Je me

28 demande s'il est possible que M. Dutertre repose la question.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. Si vous en avez

2 besoin immédiatement. Effectivement, vous pouvez poser la question

3 immédiatement, mais sinon, dès que nous voyons un accent circonflexe, ce

4 que l'on fait c'est que l'on vérifie immédiatement par la suite pour

5 retrouver le nom exact. Si vous en avez besoin immédiatement, vous pouvez

6 demander à M. Dutertre de le faire, sinon nous allons le faire par la

7 suite.

8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Puisque nous allons faire une toute

9 petite pause, j'ai une objection par rapport à de multiples questions qui

10 portent sur des ouï-dire assez lointains, et on demande aussi au témoin de

11 se livrer à des conjectures parce qu'il y a tout de même beaucoup de

12 questions portant sur le ouï-dire.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si M. Dutertre pose la question au

14 témoin il ne peut pas savoir à l'avance si le témoin va en savoir quelque

15 chose ou non. Monsieur Dutertre, comme vous avez dit tout à l'heure : "si

16 j'ai du temps, je lui poserai des questions plus détaillées," vous devez

17 savoir que nous ne sommes pas intéressés de connaître des détails provenant

18 de connaissances par ouï-dire, parce que ceci pourrait avoir des

19 conséquences par rapport au poids à accorder à sa déposition. Donc, si vous

20 pensez que des informations suivantes qui vont venir du témoin vont porter

21 sur des ouï-dire ou des conjectures, il faudrait tout de même établir les

22 bases de savoir d'où il tient ces connaissances exactement.

23 M. DUTERTRE : Oui, Monsieur le Président. Je m'emploie effectivement à

24 essayer de savoir d'où l'information vient. Je vous remercie de rappeler ce

25 point. Je partageais le souci de la Défense d'avoir la liste exacte aussi

26 des personnes à propos desquelles la police avait indiqué qu'il s'était

27 passé quelque chose.

28 Q. J'aimerais que le témoin indique à nouveau quelles sont les personnes

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1 dont la police avait indiqué qu'elles avaient été victimes de certains

2 faits.

3 R. Konstantin Stijovic; son fils Novak Stijovic; Stanisa Radosevic; sa

4 belle-fille, Milka Stijivoc; et Stanislava Popovic.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les interprètes ont du mal à entendre le

6 nom que vous donnez. Si vous donnez des noms, veuillez, s'il vous plaît, le

7 faire lentement pour que les interprètes puissent suivre ce que vous dites.

8 Vous avez mentionné Konstantin Stijovic; son fils Novak Stijovic;

9 ensuite, Stanisa Radosevic --

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ensuite Milka Stijovic et Stanislava

11 Popovic.

12 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Est-ce que vous avez parlé avec l'une ou l'autre de ces personnes

14 directement ?

15 R. Oui. J'ai parlé avec Kojo Stijovic et son fils Novak Stijovic, ainsi

16 qu'avec Stanislava Popovic.

17 Q. Qu'est-ce que Novak Stijovic vous a relaté ?

18 R. Qu'ils ont été arrêtés dans le village de Pozar. C'est là qu'ils les

19 ont attendus, ensuite qu'on les a amenés dans le village de Glodjane, c'est

20 là qu'ils ont été placés en détention, qu'on les a passés à tabac et qu'on

21 leur a demandé d'apporter leurs armes. En attendant, ils ont gardé Kojo

22 Stijovic et les autres, en attendant qu'ils apportent les armes.

23 Q. A-t-il dit qui les avait passés à tabac ?

24 R. Non. D'ailleurs, je ne lui ai même pas posé la question. Koja a dit

25 qu'il a été sauvé par Mija Haradinaj, c'est le père de Ramush. Je le

26 connaissais.

27 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis désolé, mais j'ai l'impression que

28 M. Dutertre et le témoin ne se comprennent pas complètement. Puisqu'on lui

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1 a posé la question au sujet de Novak Stijovic. Ensuite, la réponse porte

2 sur Novak Stijovic. Ensuite, à la ligne 15, on parle de son père, Koja

3 Stijovic. Les questions et les réponses ne portent pas exactement sur les

4 mêmes personnes, j'ai l'impression.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. Je vais vérifier cela. Ligne

6 7, la question porte sur ce que Novak Stijovic a dit au témoin. Ensuite, le

7 témoin a dit ce que Novak Stijovic lui a dit. C'est tout au moins ce que je

8 comprends. Oui, effectivement, il faudrait que ceci soit expliqué

9 davantage, parce qu'après la question, il y a une question de suivi par

10 rapport à la première question où vous demandez au témoin de nous dire ce

11 que Novak Stijovic lui a dit, et vous posez une question de suivi où

12 clairement vous demandez au témoin ce que Novak Stijovic lui a dit, c'est-

13 à-dire au sujet de personnes qui les auraient passés à tabac. Ensuite, dans

14 la réponse le témoin parle d'une autre source d'information. Effectivement,

15 il faudrait éclaircir cela et expliquer cela.

16 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

17 Q. Ma question, Monsieur Vlahovic, était de savoir ce que Novak Stijovic -

18 - est-ce que Novak Stijovic vous avait dit qui les avaient maltraités ?

19 R. Il a juste dit qu'on les a amenés à Glodjane. Il n'a pas donné de noms.

20 Q. Entendu. Le 23 avril 1998, que s'est-il passé ?

21 R. J'ai rencontré un voisin qui habitait à Decani, Mehmet Goga. Il avait

22 acheté un terrain à côté de chez nous. Il l'a acheté d'un certain Perovic,

23 je pense. Je lui ai demandé d'aller voir mes parents, de les visiter pour

24 voir s'ils allaient bien.

25 Q. Lorsqu'il vous a dit qu'il avait acheté un terrain près de chez vous,

26 c'est à Gornji Ratis ou dans un autre endroit ?

27 R. Oui, cela faisait partie de Donji Ratis. C'est la frontière entre Ratis

28 le haut et Ratis le bas. C'est là qu'il a acheté son terrain. C'était

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1 encore Gorjni Ratis à l'époque. Ce terrain-là se trouve encore dans le

2 cadre de la municipalité ou du village de Gornji Ratis.

3 Q. Donc vous l'avez rencontré le 23 et vous lui avez demandé d'aller chez

4 vos parents. Est-ce qu'il a fait cette démarche ?

5 R. Oui, il l'a faite. Deux ou trois jours plus tard quand je l'ai vu -- ou

6 quatre jours peut-être, je ne me souviens plus, je lui ai demandé s'il

7 avait vu mes parents, il m'a dit que oui, qu'il les avait vus.

8 Q. Vous l'avez rencontré où ? Lorsque vous avez eu --

9 R. A Decani.

10 Q. Monsieur Vlahovic, qui est Tafilj Kuci ?

11 R. Tafilj Kuci, oui, c'était un voisin.

12 Q. Un voisin de Gornji Ratis ?

13 R. Oui, de Gornji Ratis.

14 Q. Depuis quand le connaissiez-vous ?

15 R. Je le connais depuis toujours, depuis qu'il est né. Il est bien plus

16 jeune que moi, depuis qu'il est tout petit, si vous voulez.

17 Q. Est-ce que vous l'avez rencontré en avril 1998 ?

18 R. Oui, nous nous sommes rencontrés à Djakovica.

19 Q. Quel était l'objet de votre conversation ?

20 R. Il faisait ses études là-bas, je lui ai demandé d'aller voir mes

21 parents dans ma maison chez moi. J'ai retrouvé sa voiture, mais ce n'était

22 pas une voiture de notre village. Je lui ai trouvé une voiture. Je l'ai

23 pris -- enfin, c'est un ami, un Albanais qui me l'a donnée, qui m'a passé

24 cette voiture, et je lui ai donné la voiture pour qu'il se rende à Ratis

25 pour voir comment allaient mes parents.

26 Q. Est-ce qu'il vous a raconté ce qu'il a vu, comment cela s'était passé ?

27 R. Oui.

28 Q. Qu'est-ce qu'il vous a dit ?

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1 R. Nous nous sommes dit que nous allions nous retrouver quatre ou cinq

2 heures plus tard à Decani. Il m'a dit qu'il ne pouvait pas aller jusqu'à

3 Ratis, que déjà à Prilep on l'avait arrêté, et après Prekoluka aussi, c'est

4 un village qui est juste en contrebas de Prilep, entre Prilep et Rznic,

5 qu'il a été arrêté par des personnes armées, des membres de l'UCK et qu'ils

6 voulaient l'amener dans le village de Glodjane. Il m'a dit qu'on lui a dit

7 de ne pas s'y rendre. Il m'a dit de ne pas y aller parce que c'était

8 dangereux. Il est revenu, mais il avait vraiment du mal à y arriver. Ils ne

9 voulaient pas le lâcher.

10 Q. Quel jour était-ce exactement ?

11 R. Le jour exactement, je ne m'en souviens pas. C'était deux ou trois

12 jours plus tard, le 23, le 24 sans doute.

13 Q. Est-ce qu'il vous a donné d'autres détails sur ce qu'il a vu lorsqu'il

14 a été arrêté à Prilep et ensuite à Prekoluka ?

15 R. Il m'a dit qu'il a vu beaucoup de tranchées, de sacs de sable et

16 beaucoup de personnes armées.

17 Q. A quel endroit précisément il a vu ces tranchées et ces sacs de sable ?

18 R. A Prilep et à Prekoluka. Il y en avait plus à Prekoluka, donc il n'a

19 pas pu dépasser ce point-là, il a dû faire demi-tour.

20 Q. Comment savait-il que les personnes qui l'ont arrêté étaient de l'UCK ?

21 R. Ils portaient des uniformes. Ils voulaient lui faire porter un uniforme

22 aussi. Ils voulaient l'emmener à Glodjane, lui donner des armes et le

23 garder là-bas.

24 Q. Est-ce qu'il vous a décrit ces uniformes ?

25 R. Non. Je ne lui ai pas posé la question.

26 Q. Ensuite, qu'avez-vous fait pour connaître le sort de vos parents ?

27 R. Par la suite, j'ai rencontré Mehmet Goga de Decani, et je l'ai envoyé à

28 Ratis. Il a vu mes parents. Ils étaient dans la maison, mais ils ne

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1 pouvaient pas quitter la maison. Ils étaient gardés et ils ne pouvaient pas

2 sortir comme bon leur semblait.

3 Q. Un point de clarification. C'est d'abord Tafilj Kuci que vous avez

4 envoyé voir vos parents, puis Mehmet Goga et pas l'inverse ?

5 R. Oui, oui, en effet.

6 Q. Du coup je reviens un peu en arrière puisque l'on rementionne Mehmet

7 Goka. Est-ce qu'il vous a dit pourquoi les mouvements de vos parents

8 étaient limités ?

9 R. Il a dit qu'ils étaient gardés par des hommes qui portaient des armes.

10 Q. Est-ce qu'il vous a donné une description plus détaillée de ces

11 hommes ?

12 R. Non, et je n'ai pas demandé à l'époque.

13 Q. Ensuite, qu'avez-vous fait pour avoir des informations sur vos

14 parents ?

15 R. Un de nos voisins vivait à Djakovica : Faza Haradinaj. En fait, c'est

16 son fils qui habitait à Djakovica; elle était en visite.

17 Q. Elle-même était originaire de Gornji Ratis, c'est bien cela ?

18 R. Oui. Nous étions voisins.

19 Q. Que lui avez-vous dit ? Qu'est-ce que vous lui avez demandé ?

20 R. Je suis allé voir son fils. Je voulais demander à sa fille d'y aller

21 parce qu'elle était plus jeune. Elle s'appelait Fana. Mais elle avait peur

22 d'y aller et elle a dit qu'elle n'osait pas. C'est sa mère qui s'est

23 proposée d'aller jusqu'au village, jusqu'à Ratis.

24 Q. C'était quel jour à peu près ? Si vous vous souvenez

25 approximativement ?

26 R. Je ne sais pas exactement, mais c'était après Mehmet Goga. Le 21. Je

27 dirais le 25 ou le 26. Je n'en suis pas sûr.

28 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi Fana Haradinaj avait peur

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1 d'aller à Gornji Ratis ?

2 R. Elle avait peur d'être peut-être attaquée par les gangs de l'UCK armés.

3 Q. Sa mère, Faza Haradinaj, s'est proposée d'aller à Gornji Ratis. Qu'est-

4 ce qu'elle vous a rapporté de cette démarche ?

5 R. Elle y est allée avec son petit-fils, qui avait 7 ou 8 ans, mais elle

6 n'a pas pu voir mes parents. Elle n'a vu que des hommes armés partout.

7 C'était entre Prilep et Ratis. J'ai demandé au moins qu'elle ramène ma

8 mère, mais elle a dit qu'elle n'avait pas pu le faire, même ma mère.

9 Q. Faza Haradinaj, avec son petit-fils, étaient en voiture, à pied ? Quel

10 était leur moyen de locomotion ?

11 R. Je les ai emmenés jusqu'à Prilep de Djakovica, et à partir de là ils

12 ont continué à pied. Elle voulait aussi aller se recueillir sur la tombe de

13 son fils et en profiter pour aller voir mes parents. Nous nous sommes mis

14 d'accord pour nous retrouver un peu plus tard, cinq ou six heures plus

15 tard, parce que c'était à peu près le temps dont elle avait besoin pour

16 aller jusqu'au village et pour revenir.

17 Q. [hors micro]

18 R. Si j'avais été plus loin, je ne serais pas en vie aujourd'hui.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais demander que l'on tire au

20 clair un point et poser une question pour ce faire.

21 Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que vous aviez envoyé

22 M. Kuci et M. Goga, les deux, vers vos parents pour voir comment ces

23 derniers se trouvaient. Pourquoi les avoir envoyés ? Pourquoi ne pas y être

24 allé vous-même ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Si j'y avais été moi-même, j'aurais sans doute

26 fini comme mes parents. En plus, la police à Pozar m'a dit qu'il y avait

27 des barrages routiers partout, et que les gens étaient emmenés à Glodjane,

28 donc j'avais peur.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourquoi pensez-vous que

2 M. Kuci et M. Goka ne couraient pas les mêmes risques, ou l'avez-vous

3 pensé ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ils ne couraient pas le même danger que

5 moi parce que les Serbes couraient de grands dangers.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous avez suggéré qu'ils ne

7 prennent pas votre voiture mais une autre. Pourquoi votre voiture risquait-

8 elle plus qu'une autre ? Le risque était-il plus élevé dans votre voiture

9 que dans une autre ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout le monde allait reconnaître notre

11 voiture, une voiture appartenant à un Serbe, et ils n'agissaient pas de la

12 même manière lorsqu'il s'agissait d'une voiture qui appartenait à un

13 Albanais. Pour éviter que ces personnes ne soient pas exposées à des

14 risques accrus, nous avons décidé de ne pas leur donner notre voiture.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Si j'ai bien compris, il était

16 moins risqué pour des non-Serbes de se rendre dans le village, et il y

17 avait moins de risque si la voiture pouvait être identifiée comme

18 n'appartenant pas à des Serbes.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est cela.

20 Monsieur Dutertre, poursuivez.

21 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, je vous remercie. C'est très

22 exactement les questions que j'allais poser en conclusion de ce passage.

23 Pourquoi demander uniquement à des Albanais d'aller voir ses parents ?

24 Pourquoi ne l'avoir pas fait lui-même ?

25 Q. Par rapport à Faza Haradinaj, est-ce qu'elle vous a décrit les soldats

26 qu'elle avait vus lorsqu'elle s'est rendue à pied, après Prilep en

27 direction de Gornji Ratis ?

28 R. Non, elle ne les a pas décrits. Elle a simplement dit qu'ils portaient

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1 des uniformes. Je ne lui ai pas demandé de me les décrire. Je ne pensais

2 pas que c'était nécessaire, parce que je ne me rendais pas compte à

3 l'époque de ce qui était sur le point d'arriver plus tard.

4 Q. Entendu. Par la suite, en septembre, qu'avez-vous appris par rapport à

5 vos parents, en septembre 1998 ?

6 R. En septembre 1998, je crois que c'était au début du mois, nous avons

7 entendu dire qu'un charnier avait été découvert à la fin du canal de

8 Radonjic, à la frontière entre Glodjane et Ratis en quelque sorte. C'est là

9 que s'arrête le canal.

10 Q. Au cours de cette période, est-ce que vous avez rencontré une personne

11 du nom de Saban Sadikaj ?

12 R. Oui. Je l'ai vu à Dasinovac chez lui.

13 Q. C'était en 1998 ?

14 R. Oui, en septembre, mais quand exactement, je ne m'en souviens plus. Je

15 crois que c'était au tout début du mois.

16 Q. Qu'est ce qu'il vous a dit ?

17 R. Saban m'a parlé précisément de mes parents. Il m'a dit qu'ils étaient

18 restés chez eux pendant environ dix à 15 jours. Notre voisin Kuci aurait pu

19 les faire sortir.

20 Q. Dix ou 15 jours après quoi ?

21 R. Après que j'y sois resté. Dix ou 15 jours après le

22 21 avril. C'est le temps qu'ils ont passé dans la maison.

23 Q. Je vous remercie. Que vous a-t-il dit d'autre à leur propos ?

24 R. Il m'a dit aussi que Mika vivait avec eux, qu'elle était venue voir son

25 cousin. C'étaient des amis de la famille.

26 L'INTERPRÈTE : Le témoin pourrait-il prononcer plus doucement les noms,

27 s'il vous plaît, pour les interprètes.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il vous plaît, chaque fois que vous

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1 citez un nom, veuillez le faire le plus lentement possible parce que les

2 interprètes ont du mal à vous suivre.

3 M. DUTERTRE :

4 Q. Quand vous dites Mika, de qui s'agit-il précisément ? Est-ce que vous

5 pouvez donner le nom de famille ?

6 R. Son vrai nom c'est Milica Radunovic, et on l'appelait Mika.

7 Q. C'est la femme de Milos Radunovic ?

8 R. Oui.

9 Q. Ensuite, qu'est-ce que Saban Sadikaj vous dit sur vos parents et Milica

10 Radunovic ?

11 R. Il n'a rien dit d'autre sur mes parents. La seule chose dont il a

12 parlé, c'est son fils Xhevat, je crois, puis quelqu'un d'autre dont le nom

13 de famille est Rustem, je crois.

14 Q. Qu'a-t-il dit à propos de Xhevat, son fils ?

15 R. Pas Xhevat, Djevdet.

16 L'INTERPRÈTE : Excusez-moi, j'ai mal prononcé sans doute. Djevdet Sadikaj.

17 Q. Il a dit à propos de Djevdet Sadikaj ?

18 R. Il a dit qu'il y avait une espèce de réunion qui avait eu lieu dans la

19 maison. La maison se trouvait juste au bord de la route. Djevdet et les

20 autres qui avaient participé, Rustem et autres, étaient les gens qui

21 avaient attrapé Milos Radinovic au moment où il se rendait vers Slobo.

22 Q. De quelle maison parlez-vous quand vous dites il y avait une réunion

23 dans une maison ? Est-ce que vous pouvez être plus précis ?

24 R. Oui. La maison de Saban Sadikaj, ou plutôt de son fils Djevdet.

25 Q. Vous avez cité un autre nom d'une personne présente. Est-ce que vous

26 pouvez répéter ce nom ?

27 R. Rustem "Kamisi" Sadrijaj.

28 Q. Il vous a indiqué que ces personnes avaient attrapé Milos Radunovic

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1 quand il allait voir Slobodan Radosevic. C'est quelque chose qu'il avait vu

2 lui-même ?

3 R. Oui, c'est lui qu'il l'a dit.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne comprends pas la question. En tout

5 cas, la traduction de la question. Ce n'est pas clair. On ne sait pas si

6 Saban parle de choses qu'il a vues lui-même ou de ce qu'il a entendu.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Dutertre.

8 M. DUTERTRE : Effectivement, une traduction, j'ai commencé par indiquer que

9 Saban Sadikaj avait dit au témoin ici présent que certaines personnes

10 avaient attrapé Milos, qui se rendait chez Slobodan Radosevic, et j'ai

11 demandé si c'est ce que Saban Sadikaj avait vu lui-même de ses yeux. Cela a

12 été effectivement mal traduit.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les choses se compliquent, me semble-t-

14 il. Essayez de faire en sorte que la question à laquelle vous pensez soit

15 présentée de la manière la plus simple possible au témoin, de manière à ce

16 que le témoin puisse répondre directement.

17 M. DUTERTRE : Certainement.

18 Q. Est-ce que Saban Sadikaj a vu l'arrestation de Milos Radunovic qui se

19 rendait chez Slobodan Radosevic par les personnes que vous avez citées ?

20 R. Il m'a dit à l'époque qu'il l'avait vu et qu'il leur avait dit de le

21 laisser tranquille, cet homme, puisque cela faisait des centaines d'années

22 qu'ils étaient voisins, et ils ont commencé à lui crier dessus et ils ont

23 commencé à lui courir après, jusqu'à chez lui.

24 Q. Quand a-t-il situé cet épisode ?

25 R. Juste après le 21. Il n'a pas donné la date exacte, mais c'était juste

26 après le 21. Le 23 ou le 24. Trois ou quatre jours plus tard peut-être.

27 Q. Entendu. Qui est Arifaj Madjun ?

28 R. C'est un autre de nos voisins de Gornji Ratis. Il vivait à la limite

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1 avec Rznici.

2 Q. Est-ce que vous l'avez rencontré en septembre 1998 ?

3 R. Oui, je l'ai rencontré.

4 Q. [hors micro]

5 R. Je lui ai posé des questions sur mes parents. Il m'a dit qu'il n'avait

6 pas réussi à les sauver ni le village. Il a dit qu'ils avaient été emmenés

7 à Glodjane. Un homme appelé Bajram Ademi de Gornji Ratis avait essayé de

8 les sauver. Le nom de son père était Imer, mais lui non plus il n'a pas pu.

9 Radunovic a aussi été emmené.

10 Q. Est-ce qu'il a dit qui étaient ces hommes qui ont emmené vos parents et

11 Milica Radunovic à Glodjane ?

12 R. Il a dit qu'ils étaient armés, qu'ils portaient un uniforme et qu'il ne

13 les connaissait pas.

14 Q. Il a personnellement été témoin visuel de cet événement ?

15 R. Il y a une rivière Ratiska à côté. Il a dit que ceci s'est passé sur le

16 pont, qu'il les a vus alors qu'ils étaient sur le pont.

17 Q. Est-ce qu'il vous a dit autre chose à leur propos ?

18 R. Non. D'ailleurs, je ne lui ai pas posé d'autres questions.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, je ne sais pas de

20 combien de temps vous avez encore besoin, mais dans cette dernière partie

21 de la déposition du témoin, si vous preniez soin d'aborder ces sujets de

22 façon systématique, l'information serait de meilleure qualité. Par exemple,

23 si le témoin dit, On les a amenés à Glodjane, et qu'ensuite une certaine

24 personne a essayé de les sauver, et cetera, il reste très incertain qui

25 était cet homme, où est-ce qu'ils étaient au moment où ils étaient arrêtés,

26 qu'est-ce qu'il a fait exactement pour les sauver. Vous n'avez pas posé des

27 questions précises, par exemple, quant à son appartenance ethnique ou son

28 identité précise, même si nous pouvons en déduire l'ethnicité. Il a dit

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1 qu'ils étaient armés, qu'ils avaient des uniformes, mais nous ne savons pas

2 où est-ce qu'il les a vus exactement. D'un côté, le témoin n'est pas

3 précis, puis de l'autre côté, vous ne posez pas des questions insistant sur

4 les réponses très précises.

5 Vous avez besoin de combien de temps encore ?

6 M. DUTERTRE : Un quart d'heure, Monsieur le Président.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, vous devriez

9 terminer votre interrogatoire principal à 4 heures et c'est à ce moment-là

10 que nous allons prendre une pause. Vous pouvez continuer.

11 M. DUTERTRE : Ce sera fait, Monsieur le Président.

12 Q. Monsieur Vlahovic, pour en revenir à ce témoin, où était-il précisément

13 quand il a vu ces personnes en uniforme emmener vos parents et Milica

14 Radunovic ?

15 R. Il était sur le chemin qui mène vers Rznica, près de la rivière et près

16 du pont. Il a dit les avoir vus à cet endroit-là.

17 Q. Est-ce qu'il vous a décrit les uniformes que portaient les personnes

18 qui emmenaient vos parents et Milica Radunovic ?

19 R. Je n'ai même pas posé cette question, et il ne me l'a pas dit

20 spontanément.

21 Q. Est-ce qu'il vous a dit de quelle origine ethnique ces personnes

22 étaient ?

23 R. Je n'ai pas posé cette question-là. Je n'ai pas demandé quelle était

24 leur appartenance ethnique.

25 Q. Vous avez mentionné quelqu'un qui avait essayé de sauver vos parents.

26 Est-ce qu'Arifaj Madjun a personnellement assisté à cela, et est-ce que

27 vous pouvez donner davantage de détails sur ce qui s'est passé ?

28 R. Il m'a dit qu'il avait été présent à ce moment-là et que Barjam Ademi

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1 avait essayé de le sauver mais qu'ils avaient voulu le tuer aussi par la

2 suite. Et qu'il ne pouvait pas les sauver ni lui ni qui que ce soit d'autre

3 du village.

4 Q. Où est-ce que cela se passait, cette tentative de les sauver ?

5 R. C'était pendant qu'on les emmenait en direction de Glodjane près de la

6 rivière Ratiska, sur le chemin. C'est là qu'ils se sont rencontrés.

7 Q. Entendu. Et Barjam Imer avait tenté quelle démarche exactement auprès

8 de ces soldats ?

9 R. Il leur a dit de ne pas leur faire du mal, de ne pas les toucher, parce

10 que c'étaient des vieillards qui n'avaient fait de mal à personne, donc il

11 leur a demandé de les laisser partir.

12 Q. A l'endroit de cette rivière comment Arifaj Madjun savait qu'ils ont

13 été emmenés vers Glodjane ?

14 R. Comment voulez-vous que je sache cela ? C'est ce qu'il m'a dit. Est-ce

15 vrai ou non, je ne le sais pas. Quand on s'est rencontrés il m'a dit : On

16 ne pourrait pas les sauver, on les a emmenés à Glodjane. Ensuite, je n'ai

17 pas posé d'autres questions, d'ailleurs, il ne m'a rien dit d'autre.

18 Q. Entendu.

19 M. DUTERTRE : Affichez la pièce numéro 65 ter 710.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a une cote qui a été déjà

21 attribuée à ce document ?

22 M. DUTERTRE : [hors micro]

23 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

25 pièce P28 marquée pour but d'identification.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

27 M. DUTERTRE :

28 Q. Monsieur Vlahovic, est-ce que vous pouvez nous dire qui est la personne

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1 qui est sur cette photographie ?

2 R. C'est mon père, Milovan Vlahovic.

3 M. DUTERTRE : J'aimerais afficher maintenant la pièce 65 ter, numéro 1.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci a aussi besoin d'une cote, Monsieur

5 Dutertre ?

6 M. DUTERTRE : [hors micro]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

9 pièce P29 marquée pour but d'identification.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

11 M. DUTERTRE :

12 Q. Monsieur Vlahovic, est-ce que vous pouvez nous dire qui est la personne

13 sur cette photographie ?

14 R. C'est ma mère, Milka Vlahovic.

15 Q. Je vous remercie. Monsieur Vlahovic, est-ce que vous avez, à un moment

16 donné, donné du sang pour des analyses génétiques ?

17 R. Oui, à deux reprises. Pour identifier mon père et ma mère.

18 Q. Est-ce que vous avez appris si votre mère avait été identifiée par

19 moyen génétique ?

20 R. Oui. C'est moyennant cette analyse ADN qu'ils ont pu l'identifier et

21 ils nous ont remis le reste.

22 M. DUTERTRE : Je souhaiterais afficher la pièce 65 ter 901, page 2. Cela

23 mérite également un numéro d'identification.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

26 pièce P30 marquée pour but d'identification.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

28 M. DUTERTRE : Je souhaiterais que cette pièce n'apparaisse pas, ne soit pas

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1 communiquée à l'extérieur, que ce soit juste en --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc cette pièce a été

3 marquée pour but d'identification versée sous pli scellé.

4 M. DUTERTRE : Est-ce qu'on peut l'agrandir ?

5 Q. Monsieur Vlahovic, est-ce que vous voyez votre nom parmi les personnes

6 ayant donné leur sang sur ce document aux fins d'analyse génétique ?

7 M. EMMERSON : [interprétation] Nous ne contestons pas du tout cette pièce.

8 M. Dutertre le sait. Nous sommes d'accord sur toutes les pièces ayant trait

9 aux analyses ADN.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, ceci n'est pas contesté.

11 Donc, j'imagine que tout est accepté, les signatures, et cetera, et que

12 vous estimez que tout ceci est conforme à la réalité.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Ce n'est pas seulement le document en soi.

14 Si vous voulez, toutes les identifications ADN ont été acceptées. Ceci fait

15 partie des faits acceptés, et avec tout le respect que je vous dois, je ne

16 vois pas pourquoi on les utilise.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, apparemment il n'y a

18 pas de dispute à ce sujet. Ceci n'est pas contesté du tout. Nous n'avons

19 pas reçu la confirmation définitive par écrit, mais apparemment il n'y a

20 pas de contestation.

21 M. DUTERTRE : Il y a eu un certain --

22 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

23 M. DUTERTRE : -- certaines questions posées à l'occasion de la déposition

24 d'un témoin précédent Stanisa Radosevic à propos du processus

25 d'identification, qui m'a amené à considérer que peut-être il y avait

26 certaines questions du côté de la Défense. Je suis heureux aujourd'hui

27 d'apprendre qu'effectivement il n'y a pas de difficulté de ce côté-là et

28 que nous allons pouvoir finaliser les "agreed facts" sur ces questions au

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1 plus vite.

2 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

3 M. DUTERTRE : -- de sorte que s'il n'y a pas de contestation, j'en termine

4 avec la présentation de cette pièce.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Peut-être qu'il y a des problèmes

6 avec les identifications traditionnelles, pour ainsi dire, et aussi quand

7 il s'agit des restes mélangés. Mais apparemment, par rapport aux

8 identifications ADN, il n'y a pas de contestation.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Pour que tout ceci soit clair, je n'ai

10 jamais posé aucune question à aucun des témoins au sujet de ces

11 identifications ADN. Les questions que nous avons posées portaient sur les

12 restes qui ont été trouvés par les Serbes par les opérations relevant de la

13 médecine légale, la police scientifique. Mais en ce qui concerne les

14 analyses ADN fournies par les organisations internationales, nous n'avons

15 absolument pas contesté cela.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y avait aussi la question quant à

17 l'identification éventuelle des restes qui ont été mélangés parfois, c'est-

18 à-dire que tous les restes n'ont pas été pris de façon protocolaire, et on

19 ne sait pas exactement qui a été identifié à chaque fois.

20 Monsieur Guy-Smith.

21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Pour que tout ceci soit clair, nous avons

22 exactement la même position par rapport aux restes.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harvey.

24 M. HARVEY : [interprétation] Nous aussi, nous sommes d'accord. Je n'ai rien

25 dit, mais le silence veut dire d'accord.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

27 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, cela sera quelque chose que je suis

28 heureux de clarifier avec la Défense. Cela ne m'a pas semblé aussi clair

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1 que cela au regard des questions qui ont été posées lors du passage du

2 témoin Stanizar Radosevic [phon], alors même qu'il y avait un accord sur

3 l'identité de l'identification, enfin l'identification par génétique du

4 père de ce témoin. Donc, je suis heureux d'apprendre que finalement tout

5 cela ne pose pas de problème et nous allons finaliser cela au plus vite.

6 J'en ai terminé pour mes questions à ce témoin aujourd'hui, Monsieur le

7 Président.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question assez simple à vous

9 poser, Monsieur le Témoin. Vous nous avez dit que vos connaissances par

10 rapport au pont sur la rivière Ratiska -- c'est ce qu'on vous a dit, c'est

11 ce que vous savez - est-ce que c'est là que vos parents ont été arrêtés ou

12 est-ce que c'est là qu'on les a emmenés ou est-ce qu'il s'agit d'un autre

13 endroit ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Mes parents étaient arrêtés chez eux,

15 dans leur maison, ils étaient chez eux. C'est le chemin qui menait vers

16 Glodjane qui passait par là. C'est tout. Sans doute qu'il s'est trouvé là

17 par hasard au moment où ils étaient là. C'est lui qui m'a raconté cela. Je

18 ne lui ai pas demandé comment il se trouve qu'il a été là à ce moment-là,

19 c'est lui qui m'a raconté spontanément cette histoire.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il a vu vos parents après qu'ils

21 ont été arrêtés chez eux. Ensuite, on les aurait emmenés quelque part, et

22 lui, il les a rencontrés à cet endroit-là. Et c'est cette personne-là qui

23 vous a dit que quelqu'un d'autre à ce même endroit est intervenu pour

24 essayer de les sauver.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Bajram Imer et lui-même. Ils ont dit que

26 Bajram insistait le plus pour qu'on les libère, mais ils voulaient le tuer

27 pour cela à l'époque.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vous remercie de cette réponse.

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1 Nous allons prendre une pause jusqu'à 4 heures 25, et après la pause

2 ce sont les conseils de la Défense qui vont poser ses questions.

3 [Le témoin quitte la barre]

4 --- L'audience est suspendue à 16 heures 02.

5 --- L'audience est reprise à 16 heures 30.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson, on a entendu que vous

7 souhaitez nous parler. Est-ce qu'on peut le faire en audience publique ?

8 M. EMMERSON : [interprétation] Non.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

11 Monsieur le Président.

12 [Audience à huis clos partiel]

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11 [Audience publique]

12 LE TÉMOIN: MILOICA VLAHOVIC [Reprise]

13 [Le témoin répond par l'interprète]

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson, je vous invite

15 à être vigilant pour passer en audience à huis clos ou à huis clos partiel

16 quand il le faut.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je vous le dirai en temps voulu, au

18 moment où il faut. Et je vous dirai aussi à un moment donné si oui ou non

19 nous devons séparer les témoins. Quand envisagez-vous la prochaine

20 interruption d'audience ?

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dirais environ 17 heures 45, peut-

22 être 17 heures 50. Comme cela, on partage la plage horaire qui nous reste

23 en deux moitiés égales.

24 Nous essayons de comprendre votre dernière observation. "Je crois que je

25 peux vous indiquer", disiez-vous -- ou plutôt, que lors de la prochaine

26 pause, vous pourrez nous dire ce que vous pensez par rapport à la

27 séparation des témoins.

28 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je crois que je sais déjà ce que je

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1 vous dirai, mais je crois qu'on peut suivre ce que vous nous avez proposé.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne crois pas qu'il y avait

3 d'objection de principe par rapport à cela.

4 M. DI FAZIO : [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes en séance publique, et je ne

6 sais pas si ce que vous allez dire peut être dit adéquatement, vu la

7 situation.

8 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui, je crois que je peux. Est-ce qu'il y

9 aurait une possibilité de prendre peut-être une autre personne que ce

10 témoin-ci aujourd'hui ?

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre question est de savoir si nous

12 allons terminer avec ce témoin aujourd'hui ou pas.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne pense pas. C'est peu probable, mais je

14 vais essayer de procéder à un contre-interrogatoire aussi rapide que

15 possible. C'est possible, mais ce n'est pas probable.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous terminerez avant 19 heures,

18 Monsieur Emmerson, et nous lèverons la séance à ce moment-là.

19 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci. Je crois qu'on peut alors prendre

20 toutes les dispositions nécessaires pour que tout le monde se sente

21 confortable à ce moment-là.

22 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Miloica Vlahovic, je suis

24 désolé de vous avoir fait venir et ne pas avoir donné toute l'attention que

25 vous méritez pour votre présence. Nous allons procéder au contre-

26 interrogatoire par M. Emmerson, qui est le conseil de M. Haradinaj.

27 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :

28 Q. [interprétation] Monsieur Vlahovic, puis-je d'abord préciser avec vous

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1 quelles sont les relations familiales. En 1998, vous aviez trois frères;

2 est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que leurs noms étaient Rade, Novak et Goran ?

5 R. [aucune interprétation]

6 Q. Vous aviez également deux sœurs; une Nadia, et l'autre Natalia; est-ce

7 exact ?

8 R. Pas Nadia, Nada. Natalia c'est correct.

9 Q. Merci pour cette correction. Pendant toute la période que vous avez

10 décrite, à savoir jusqu'au 21, 22 avril 1998, vous nous avez dit avoir

11 possédé un restaurant à Gjakova; est-ce exact ?

12 R. Oui. Nous avions un appartement et un restaurant à Djakovica.

13 Q. Ai-je raison de penser que quand vous avez vu vos parents pour la

14 dernière fois, vous et toute votre famille, vous travailliez à ce moment-

15 là, soit à Decane ou à Gjakova ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Est-ce que vous aviez chacun un endroit où vous viviez près de votre

18 lieu de travail ?

19 R. Nous avions un appartement et une maison.

20 Q. Je ne vous demande pas simplement ce que vous aviez. Je demande pour

21 chacun de vos frères et sœurs, Vous passiez parfois certaines nuits près de

22 votre lieu de travail à Decane ou Gjakova, n'est-ce pas ?

23 R. Oui. Nada vivait également à Pec.

24 Q. En fait, ma question est fondamentalement la suivante : aucun d'entre

25 vous n'habitait à temps plein chez vos parents, n'est-ce pas ?

26 R. A l'époque, Novak habitait chez nos parents principalement et moi

27 aussi, je passais plus de temps chez mes parents que je n'en passais à

28 Djakovica.

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1 Q. Personne ne vous avait jamais dit, que ce soit à vous ou à vos frères

2 et sœurs, que vous deviez quitter Ratishe ?

3 R. Non, personne ne nous l'avait dit.

4 Q. Cet après-midi pendant votre déposition vous avez dit que depuis le

5 début de l'année, vous aviez entendu de temps en temps - je crois que vous

6 avez même dit quotidiennement - des bruits de coups tirés de la direction

7 de Gllogjan; est-ce exact ?

8 R. Après la nouvelle année, c'était à un rythme intermittent, mais à

9 partir du mois d'avril j'entendais ces coups tirés, je dirais

10 quotidiennement, de la direction de Glodjane.

11 Q. Quand vous dites début avril, vous êtes au courant de l'incident qui

12 s'est passé à Gllogjan le 24 mars, n'est-ce pas ? Est-ce que c'est à partir

13 de ce moment-là que vous avez entendu des coups plus fréquents tirés sur ce

14 champ d'entraînement, plus fréquents que précédemment ?

15 R. Je ne me suis pas vraiment posé la question de savoir si c'était plus

16 fréquent. Nous entendions des coups tirés.

17 Q. Vous nous avez dit qu'un jour votre père avait vu des gens assez

18 proches de la maison qui tiraient des coups en l'air.

19 R. Oui, c'est exact.

20 Q. Je voudrais essayer de voir de quelle date il s'agit. Je crois que

21 c'est votre père qui vous a parlé de cet incident le lundi. Or, cela

22 s'était produit la veille, un dimanche; est-ce exact ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous nous avez dit hier qu'il ne vous avait pas fait la description de

25 ces hommes; est-ce exact ?

26 R. Oui, en effet.

27 Q. Est-ce qu'il vous a dit qu'ils étaient sur un tracteur ?

28 R. Oui, ils étaient sur un tracteur et il y avait aussi une remorque

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1 attachée au tracteur.

2 Q. Est-ce que vous nous avez dit que certains de ces hommes étaient vos

3 voisins ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce qu'il vous a fait la description des vêtements qu'ils

6 portaient ?

7 R. Ils tiraient, me disait-il, avec des armes automatiques, ils tiraient

8 des coups uniques, mais aussi des salves.

9 Q. Est-ce qu'il vous a fait une description de ce que portaient ces hommes

10 comme vêtements ?

11 R. Non, il ne l'a pas fait, et je ne lui ai pas demandé non plus.

12 Q. Pour être bien sûr de la date, vous êtes sûr de vous rappeler que votre

13 père vous a raconté cela le lundi parce que vous aviez été absent tout le

14 week-end ?

15 R. C'est exact.

16 Q. Si je vous dis que le 21 avril est un lundi, cela veut dire que votre

17 père avait vu ces hommes tirer des coups en l'air le dimanche, qui est le

18 19 dès lors; êtes-vous d'accord ?

19 R. Oui, je suis d'accord.

20 Q. Jusqu'à ce moment-là vous n'aviez jamais été arrêté par des Albanais

21 armés, n'est-ce pas ?

22 R. Oui, en effet.

23 Q. Aucun membre de votre famille non plus d'ailleurs ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Au 20 avril, est-ce que vous aviez déjà vu des groupes d'Albanais se

26 rassembler sur les routes du village dans lequel vous habitiez ?

27 R. Non, je n'en avais pas vus.

28 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

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1 M. EMMERSON : [interprétation]

2 Q. En date du 20 avril, aviez-vous déjà vu des Albanais en uniforme dans

3 le quartier autour de votre maison ?

4 R. Non, je n'en avais pas vu.

5 Q. Le seul signe dès lors de quelque sorte d'activités de ce genre est ce

6 bruit de coups tirés que vous entendiez au quotidien dès le début du mois

7 d'avril; est-ce exact ?

8 R. Ce n'est pas simplement ce que je dis; c'est ce qui s'est passé.

9 Q. Revenons-en à vos relations et votre famille pour un petit moment.

10 Reprenons la famille Markovic. Vous savez qu'après le 20 la famille

11 Markovic a été escortée pour quitter la zone par Djevdet Sadikaj ?

12 R. C'est exact, mais il n'a pas osé les escorter jusqu'à Decani. Il a pris

13 une autre route, il est passé par Bistrica, Berane et Lausic. Ce qui montre

14 qu'à l'époque quelque chose se passait puisqu'il craignait de prendre la

15 route directe, il a dû faire des détours.

16 Q. Je vais vous poser un peu plus de questions là-dessus juste dans un

17 instant, mais pour être sûr qu'on s'est bien compris maintenant, cet

18 incident, quand on parle des Markovic qui sont escortés pour quitter leur

19 maison, c'est quelque chose qui s'est passé après que vous ayez vu vos

20 parents pour la dernière fois, n'est-ce pas ?

21 R. Oui. C'étaient deux jours plus tard. Peut-être, le jeudi.

22 Q. Bien. On reviendra sur cet incident sous peu. Je voudrais vous poser

23 des questions sur la famille Markovic. La famille Markovic habite à

24 Dashinoc, n'est-ce pas ?

25 R. Exact.

26 Q. Les parents portaient les prénoms de Dragomir et Milojka; est-ce

27 exact ?

28 R. Oui.

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1 Q. Ils avaient deux fils, Branislav et Slavisa; est-ce exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Avaient-ils d'autres enfants ?

4 R. Oui, ils avaient une fille. Elle était mariée à Pec.

5 Q. Est-ce que ces gens, Dragomir, Milojka, Branislav, Slavisa et leur

6 fille, est-ce qu'il y a un lien de parenté avec votre famille ou pas ?

7 R. Feu Dragomir était un cousin de mon père, mais il est décédé en 1968.

8 Q. Qui est décédé en 1968 ?

9 R. Pardon, pas 1968, 1988. Je parle de Dragomir Markovic.

10 Q. Dragomir Markovic est décédé en 1988 ?

11 R. Oui. Mes excuses, pas en 1988, en 1998 ou peut-être 1997. Fin 1997, je

12 pense.

13 Q. Etait-il vivant quand Djevdet Sadikaj a escorté la famille pour quitter

14 leur maison jusqu'à Dashinoc, et ce, deux jours après que vous ayez vu vos

15 parents vivants ? Est-ce qu'à ce moment-là Dragomir était encore vivant ou

16 est-ce qu'il était mort ?

17 R. Il était déjà mort.

18 Q. La famille qui fut escorté consistait de sa femme Milojka, Branislav et

19 Slavisa; est-ce exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Pour être bien clair sur la relation et sur le lien de parenté,

22 Dragomir était le cousin de votre mère ?

23 R. Oui, un cousin éloigné.

24 Q. Le mot "cousin" nous pose un petit problème dans ce cas-ci, parce que

25 pour nous un cousin c'est le frère ou la sœur -- pardon, le fils ou la

26 fille de votre oncle ou de votre tante, à savoir que votre mère et son père

27 ou sa mère sont frère et sœur. Est-ce que pour vous le mot "cousin" a la

28 même connotation ?

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1 R. Nous utilisons les termes "oncle" ou "cousin" quand ce sont des membres

2 de la famille directe, à savoir les enfants du frère ou de la sœur. Mais

3 nous utilisons aussi le terme "cousin" quand il s'agit de cousins éloignés

4 par trois ou quatre générations. Nous utilisons également le terme cousin.

5 Q. Dragomir était un cousin, mais plutôt un cousin éloigné de votre mère ?

6 R. Oui, c'est correct. C'est exact.

7 Q. Je voudrais maintenant vous poser des questions sur deux autres hommes

8 qui portent le nom de Rade Markovic et Zvonko Markovic, lesquels ont fait

9 des déclarations auprès du Procureur et ils font référence à leur oncle et

10 tante, vos parents. Etaient-ils vos cousins au sens strict du terme ?

11 R. Ils étaient des membres de la famille très proche. Ils étaient

12 directement les enfants de nos parents respectifs. Ma mère et leur père

13 étaient frère et sœur.

14 Q. C'est exactement comme cela que nous nous comprenons le terme

15 "cousins". Vos parents et leurs parents étaient frère et sœur ?

16 R. Oui, c'est exact.

17 Q. Est-ce que vous les voyiez beaucoup à l'époque ?

18 R. Oui, en effet.

19 Q. Vous étiez professeur dans la région, donc vous connaissiez toutes les

20 familles serbes de la région puisque vous voyiez les enfants grandir, et

21 cetera; est-ce exact ?

22 R. Je les connaissais tous dans Decani, mais il n'y en avait pas beaucoup

23 au début.

24 Q. Cela c'est très utile parce que je vais vous poser d'autres questions

25 sur les autres familles serbes et les relations entre toutes ces familles.

26 Commençons par la famille Stijovic. Vous connaissiez Konstantin Stijovic.

27 R. [aucune interprétation]

28 Q. Quel était le nom de l'épouse Konstantin Stijovic ?

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1 R. Rosa, Rosa Stijovic. Mais elle est également décédée.

2 Q. Approximativement, quel était l'âge de Konstantin Stijovic en 1998 ? Je

3 n'ai pas besoin d'un âge précis, approximativement.

4 R. Environ 70 ans, 68, peut-être 70.

5 Q. Momo Stijovic était un de ses fils; est-ce exact ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Vous nous avez dit aujourd'hui que Momo Stijovic avait été blessé lors

8 d'un incident à Gllogjan alors qu'un officier de police avait été tué,

9 lequel officier de police s'appelait Otovic. Est-ce le même Momo Stijovic ?

10 M. DUTERTRE : [chevauchement] la page est transcrite où le témoin a dit

11 cela.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis justement en train de faire un

13 contre-interrogatoire, je ne peux pas vérifier le compte rendu, si c'est au

14 compte rendu je peux le lire. Mais je vais reformuler ma question.

15 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

16 M. EMMERSON : [interprétation]

17 Q. Vous avez été interrogé le 8 mars de cette année par liaison vidéo

18 alors que vous étiez à Belgrade, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Nous avons pris note de ce que vous avez déclaré lors de cette

21 interview. Vous comprenez ce que je dis ?

22 R. [aucune interprétation]

23 Q. Vous avez déclaré à ce moment-là que Momo Stijovic avait été blessé

24 lors d'un incident à Gllogjan le 24 mars.

25 R. Oui, c'est exact. Mais ce n'est pas le même Momo. Ce n'est pas le même

26 homme.

27 Q. C'est exactement ce que je voulais préciser avec vous. Il y a donc deux

28 Momo Stijovic ?

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1 R. Oui. Ils ont le même nom de famille et le même prénom. Ils avaient un

2 lien de parenté assez distant, mais quand même.

3 Q. Est-ce que vous les connaissiez tous les deux ?

4 R. Oui.

5 Q. Très bien. Alors, un autre fils de Konstantin était Novak, Novak

6 Stijovic; est-ce exact ?

7 R. C'est exact.

8 Q. [hors micro]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, page 11, ligne 15.

10 M. EMMERSON : [interprétation]

11 Q. Dans une déclaration que vous avez faite à l'Accusation dans ce

12 dossier-là, vous avez fait référence à Milka Stijovic, que vous avez décrit

13 comme étant la belle-fille de Konstantin. Avec qui était-elle mariée ?

14 R. Elle était l'épouse de Slavo Stijovic.

15 Q. Pouvons-nous préciser combien de fils avait Konstantin Stijovic ? Nous

16 avons entendu parler de Momo, de Novak. Vous nous parlez maintenant de

17 Slobodan. Est-ce qu'il y en avait d'autres ?

18 R. Slavo n'est pas le fils de Konstantin. Vous m'avez demandé qui était

19 l'époux de Milka.

20 Q. Je suis désolé. J'ai mal compris. Donc Slobodan, c'est Slavo; c'est

21 exact ?

22 R. Oui, mais cela, c'est le mari, mari de --

23 Q. Puisque Mila est la belle-fille de Konstantin, forcément Slavo devient

24 le fils de Konstantin; est-ce exact ?

25 R. Non, non. Quand nous, nous disons "belle-fille," nous parlons de

26 l'épouse du frère.

27 Q. Soyons clair. Je vais recommencer la question et recommencer par le

28 début : combien de fils avait Konstantin Stijovic ?

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1 R. Konstantin Stijovic avait trois fils.

2 Q. Pouvez-vous nous donner leurs prénoms ?

3 R. Mes excuses. Je me suis trompé. Pas trois, mais quatre.

4 Q. Pouvez-vous nous donner les noms ?

5 R. Je crois que l'aîné s'appelait Dimitrije, avec le surnom de Ljako. Je

6 le connaissais avec le surnom de Ljako, mais je crois que son vrai nom

7 était Dimitrije. Tout le monde l'appelait Ljako. Alors, Momo était un autre

8 fils. Miodrag et Novak.

9 Q. Milka n'était mariée à aucun de ceux-là, n'est-ce pas ?

10 R. Il y a une chose que je dois vous dire : Milka était la belle-sœur de

11 son frère, la femme de l'oncle. Elle était assez âgée. Elle doit avoir 70

12 ans.

13 Q. La femme de quel oncle ?

14 R. Une cousine -- enfin un lien de parenté. Ils ne sont pas frères, pas

15 directement. Slavo Stijovic et le mari de Milka sont des cousins, mais

16 éloignés. Ils n'ont pas un lien de parenté proche. Elle est donc la belle-

17 fille de son fils.

18 Q. Je suis tout à fait perdu. Je ne sais pas si les autres y voient un peu

19 plus clair. Qui est Slavo Stijovic dans toute cette histoire ? Parce que

20 vous nous avez donné quatre prénoms de fils, et aucun d'entre eux ne

21 s'appelle Slavo.

22 R. Vous m'avez demandé qui était les fils. Je vous ai dit, il y a Ljako.

23 Je crois qu'il s'appelait Dimitrije mais on l'appelait Ljako; il y a Momo,

24 il y a Miodrag.

25 Q. Qui est Slavo ?

26 R. Slavo est le mari de Milka, la femme qui a été emmenée à Glodjane.

27 C'était un cousin éloigné, un homme assez âgé qui est décédé l'an passé,

28 qui avait au moins 70 ans. Donc il ne pouvait pas être son fils, c'était un

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1 cousin éloigné.

2 Q. [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si on parle d'un cousin éloigné, c'est

4 un cousin éloigné de qui ? De Konstantin ou de qui ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Slavo est un cousin éloigné de Konstantin, et

6 Milka est sa belle-soeur. Je ne sais pas quelle dénomination vous utilisez.

7 La "belle-fille" est la femme du mari, et la "belle-sœur" est la femme du

8 frère.

9 M. EMMERSON : [interprétation]

10 Q. Tout cela c'est très utile comme précision. Donc il y a eu trois

11 personnes qui ont été emportées à Gllogjan, et ces trois personnes étaient

12 Konstantin Stijovic, Milka Stijovic et Stana Popovic; c'est bien cela ?

13 R. Oui, c'est bien cela. Et Novak Stijovic.

14 Q. Oui, j'y reviendrai dans un instant. Mais ces trois noms que vous venez

15 de nous donner et que je viens de vous donner, ce sont trois personnes

16 âgées, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, trois personnes âgées, toutes les trois.

18 Q. Est-ce que le nom Danilo Stijovic vous rappelle quelque chose ?

19 R. Danilo Stijovic ? Je pense que c'est le cousin de Momo. Il vient de la

20 même région de Vitesa [phon] aussi, mais je ne suis pas sûr.

21 Q. Est-ce que vous connaissiez Danilo ?

22 R. Peut-être de vue, mais pas plus que cela, pas autrement.

23 Q. Est-ce qu'on peut passer à la famille Radosevic. Je ne vais pas rentrer

24 dans autant de détails que ce que je viens de faire. Nous avions le père

25 qui est Slobodan Radosevic, et la mère c'est Rosa; c'est exact ?

26 R. C'est exact.

27 Q. Ils avaient un fils que nous connaissons déjà, qui est Stanisa, qui est

28 venu déposer ici au Tribunal.

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1 R. C'est exact. Ils ont deux fils. Ils ont Radoje et Stanisa, Stanisa

2 étant le plus jeune. Ils ont aussi quatre filles.

3 Q. Merci. Puis-je vous demander par rapport à Zeljko Radosevic, est-ce que

4 vous savez qui c'est, Zeljko Radosevic ?

5 R. Non, je ne sais pas. Il n'était sûrement pas de la même région.

6 Q. Maintenant, rapidement, la famille Radunovic. Le père s'appelait Milos;

7 c'est exact ?

8 R. Oui.

9 Q. La mère s'appelait Milka; c'est exact ?

10 R. Milica. Vous voulez dire la femme ou la mère de Milos ? Vous pensez à

11 sa mère ou à sa femme ? Milica Radunovic.

12 Q. [aucune interprétation]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous parlez de Danilo, qui est le

14 cousin de Momo Stijovic, cela m'a perturbé, parce qu'un autre témoin avait

15 témoigné en parlant de Momo.

16 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

17 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

18 M. EMMERSON : [interprétation] Je lui ai demandé à la ligne 66 -- à la page

19 66, ligne 1, si Danilo voulait dire quelque chose à ses yeux. Il m'a dit :

20 "Je crois que c'est le cousin de Momo."

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc maintenant nous avons deux Momo.

22 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais savoir si c'est le cousin de

24 Momo, le fils de Konstantin, ou de l'autre Momo, parce que je suis perdu.

25 M. EMMERSON : [interprétation]

26 Q. Est-ce que vous pourriez répondre à la question qui vient d'être posée

27 par le Président, si vous l'avez comprise ? Est-ce que Danilo était le

28 cousin du fils de Konstantin ou est-ce que Momo est celui qui a été blessé

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1 à Gllogjan le 25 mars [comme interprété] ?

2 R. Non, non. Il n'était pas le cousin du fils de Konstantin, mais c'est

3 celui qui a été blessé à Glodjane. Il était de Bites. Donc c'était un

4 membre de cette famille-là et pas de l'autre famille.

5 Q. Revenons à la famille Radunovic. Nous avons Milos et sa femme Milica.

6 Pouvez-vous nous donner le nom de leurs enfants ?

7 R. Ils avaient trois enfants : Lidija Radunovic, Mirko Radunovic et

8 Ljubisa Radunovic. Donc deux fils et une fille. Lidija, Mirko et Ljubisa

9 Radunovic.

10 Q. Quel âge avait environ Ljubisa en 1999 [comme interprété],

11 approximativement ?

12 R. En 1998, vous voulez dire ?

13 Q. Oui.

14 R. Trente-et-un, 32. Je crois qu'il a dû naître en 1965, 1966, peut-être

15 1967.

16 Q. Bien. Maintenant, la famille Stojanovic. Vous nous avez parlé de

17 Dragoslav et le frère qui était avec Drogoslav lors de l'incident dont vous

18 nous avez parlé, qui s'appelait Mijat.

19 M-i-j-a-t; est-ce exact ?

20 R. Oui, c'est exact. Il avait un surnom.

21 Q. Quel était son surnom ?

22 R. Kika.

23 Q. Il y avait que deux frères ou il y avait encore d'autres frères ?

24 R. Il y avait cinq frères.

25 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner les noms des trois autres frères ?

26 R. Predrag, le nom de famille c'est Stojanovic, forcément; Vesko --

27 Q. Son nom d'origine c'est Veselin ?

28 R. Je ne suis pas sûr. Je crois que c'est Vesko. Je ne sais pas. Je crois

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1 que c'est Vesko. Veselin, c'est le Stijovic. Vous pensez à quelqu'un

2 d'autre.

3 Q. Oui, on parlera de Veselin Stijovic plus tard. Est-ce que "Vesko" n'est

4 pas un diminutif pour "Veselin" ?

5 R. Non, pas automatiquement. On peut avoir l'un ou l'autre.

6 Q. Donc il nous manque encore un frère ou un fils. Vous nous avez parlé de

7 Dragoslav, Mijat, Predrag, Vesko. Et le dernier ?

8 R. Vlado.

9 Q. Est-ce que ces cinq garçons avaient tous plus que 18 ans à l'époque, en

10 1998, qui est l'époque qui nous occupe ?

11 R. Oui, oui, tous.

12 Q. Merci. Bien. C'est tout ce que je voulais vous demander sur tous ces

13 liens de famille pour l'instant. J'aimerais maintenant passer à autre

14 chose, revenir sur la déposition que vous avez faite hier s'agissant des

15 problèmes dont vous dites qu'ils ont été rencontrés par des familles serbes

16 qui vivaient dans cette région depuis des décennies avant la date de 1998.

17 Vous nous avez dit hier, si je peux vous ramener en arrière un petit peu,

18 que la population serbe s'était réduite de manière significative au fil des

19 décennies suite à des activités de harcèlement continues qui étaient le

20 fait des Albanais. Ceci résume-t-il de manière fidèle ce que vous avez dit

21 hier ?

22 R. Oui. Oui, c'est une bonne synthèse, oui. En 1971, par exemple, l'un de

23 mes cousins éloignés, Milo Vlahovic et un certain Perovic ont été victimes

24 d'un de ces incidents. On a mis le feu à leur tas de foin dans le champ.

25 Q. Je vous remercie de donner tous ces détails, mais j'aimerais que vous

26 vous concentriez sur ma question. Je vous donnerai la possibilité, je vous

27 le garantis, de nous en parler tout à l'heure. Mais vous êtes d'accord en

28 tout cas avec le résumé que j'ai fait de la situation tout à l'heure ?

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1 R. Oui.

2 Q. Dans la déclaration que vous avez faite à l'Accusation dans cette

3 affaire, vous avez dit qu'il y avait toujours eu des tensions entre les

4 familles serbes et les familles albanaises dans le secteur. Vous avez dit

5 que cela, vous l'aviez connu tout au long de votre vie. Est-ce là une bonne

6 manière de décrire les choses ?

7 R. Oui, cela a toujours été comme cela, mais cela n'était pas le cas pour

8 toutes les familles. Il y avait des familles qui se comportaient bien

9 aussi.

10 Q. Oui, c'est vrai. Il y avait des problèmes particuliers avec certaines

11 familles albanaises; c'est ce que vous dites ?

12 R. Oui, c'est vrai.

13 Q. J'aimerais vous présenter un certain nombre d'éléments que vous avez

14 évoqués hier au cours de votre déposition, et j'aimerais que vous nous

15 confirmiez la description que vous avez donnée. Si vous souhaitez faire des

16 ajouts, n'hésitez pas. Vous nous avez dit hier qu'au fil des décennies les

17 Albanais avaient interdit aux Serbes l'accès au système d'irrigation

18 public; est-ce exact ?

19 R. Dans mon village, dans le secteur où j'habitais, oui, c'était le cas.

20 Q. Parfois certains Albanais mettaient le feu aux récoltes des Serbes,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Oui aussi.

23 Q. Vous nous avez dit il y a quelques instants qu'il y avait eu un

24 incident tel que celui-là dans les années 1970, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, en 1971.

26 Q. Hier, vous avez dit que dans certains secteurs, même si ce n'était pas

27 le cas à Ratishe, des jeunes filles serbes ont été victimes de viol, n'est-

28 ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. Je crois vous avoir entendu dire également lors d'un entretien qui a eu

3 lieu par vidéoconférence, que parfois des Albanais faisaient paître leur

4 bétail dans des champs serbes, que cela s'était vu au fil des années,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Oui, on savait que cela arrivait aussi.

7 Q. Voilà très exactement le genre de choses contre lesquelles essayait de

8 lutter M. Milosevic, n'est-ce pas ?

9 R. Je ne sais pas si tel était le cas ou pas, mais je sais pertinemment ce

10 qui est arrivé dans mon secteur et dans mon village en particulier.

11 S'agissant de ce que j'ai dit par rapport à l'approvisionnement en eau,

12 c'était tout à fait vrai. C'est vrai qu'ils provoquaient beaucoup de

13 troubles dans la région.

14 Q. Je vois. Bien. Y avait-il des litiges entre certaines familles serbes

15 et certaines familles albanaises, litiges portant sur la propriété de

16 certains terrains et sur le fait que l'on faisait paître du bétail sur des

17 terrains qui ne vous appartenaient pas, et que ceci existait depuis des

18 générations ?

19 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas.

20 Q. Vous n'étiez pas au courant d'éventuels litiges pour des questions de

21 terrains ?

22 R. Non, je ne connaissais pas de litiges particuliers. Je sais que des

23 Serbes vendaient du terrain et que les Albanais l'achetaient. Je n'ai pas

24 d'information particulièrement sur le transfert des titres de propriété ou

25 ce genre de chose.

26 Q. Non, je ne parle pas de problèmes liés au transfert de propriété,

27 Monsieur Vlahovic. Mais, par exemple, il pouvait y avoir des disputes pour

28 savoir si une famille qui était albanaise pouvait faire paître son bétail

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1 sur le terrain d'une autre famille, ce type de choses dont vous nous avez

2 parlé, ce type de dispute par rapport à l'occupation et l'utilisation de

3 certains terrains, n'est-ce pas ?

4 R. Oui, ce genre de choses arrivait, des problèmes avec le bétail.

5 Q. Ce dont vous nous avez parlé, finalement, c'était une campagne de

6 harcèlement qui avait déjà été mise en route depuis des dizaines d'années

7 contre la population serbe qui vivait sur place. Est-ce que ce n'est pas là

8 l'idée que vous essayez de faire passer devant ce Tribunal ?

9 R. Oui.

10 Q. Serait-il exact de dire que la plupart des familles serbes que vous

11 connaissiez dans la région avaient chez elles des armes de chasse ?

12 R. Pas toutes, mais de nombreuses. Oui, c'est vrai.

13 Q. A votre connaissance, est-ce que les Serbes ont jamais tenté des

14 représailles au fil des années ?

15 R. Pas que je sache. En tout cas, je ne m'en souviens pas.

16 Q. Je vois. Avant 1997, en règle générale, avant 1997 donc, les familles

17 albanaises avaient-elles des armes ?

18 R. Il y avait des Albanais qui avaient des fusils de chasse. Mais comment

19 pourrais-je savoir qui avait une arme de chasse et qui n'en avait pas ?

20 Q. Non. Je vous pose une question de manière générale. Vous avez dit que

21 la plupart des familles serbes avaient des fusils de chasse, mais il ne

22 serait pas exact de dire, n'est-ce pas, que la plupart des familles

23 albanaises en avaient ?

24 R. Certains en avaient. Ceux qui allaient chasser évidemment.

25 Q. Mais y avait-il des restrictions qui étaient imposées sur la possession

26 d'armes lorsque l'on était Albanais, Monsieur Vlahovic ?

27 R. Je ne sais pas.

28 Q. Bien. Je vais vous poser des questions sur quelque chose que vous

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1 savez. Vous nous avez dit qu'en 1991 les familles albanaises ont cessé

2 d'envoyer leurs enfants dans des écoles qui étaient gérées par des Serbes;

3 c'est exact ?

4 R. Pas les écoles gérées par des Serbes. En fait, ils n'acceptaient pas le

5 programme serbe. Ils souhaitaient un programme albanais. C'est la raison

6 pour laquelle ils n'envoyaient plus leurs enfants dans les mêmes écoles que

7 celles où allaient les enfants serbes. Par exemple, l'école publique de

8 Decani, c'était une école élémentaire que l'on appelait l'école de La

9 Confrérie à Crmljane, puis les Serbes sont allés dans une école plutôt au

10 centre-ville, mais les Albanais venaient quand même et l'utilisaient. La

11 même chose s'est produite dans d'autres villages, par exemple, à Gramocelj

12 où je travaillais. Toutes les écoles étaient des écoles publiques, mais il

13 n'y avait plus que les Albanais dedans. Il n'y avait plus de Serbes ou de

14 Rom.

15 Q. Bien. Dans le cadre de ce programme scolaire serbe, vous enseigniez le

16 serbe à des enfants albanais, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous parlez l'albanais ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous a-t-on jamais autorisé à enseigner en albanais à quelque moment

21 que ce soit ?

22 R. Comment cela, aux enfants albanais en albanais ? Je ne comprends pas la

23 question.

24 Q. Mais si, vous la comprenez ma question.

25 R. J'apprenais le serbe aux enfants. Le reste des cours étaient en

26 albanais. Ils avaient des professeurs d'histoire, de math et pour les

27 autres disciplines qui enseignaient en albanais, dans la langue maternelle

28 de ces enfants. Ils n'avaient que le serbe pour autre langue comme nous on

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1 nous apprenait l'albanais, et c'était un professeur albanais qui nous

2 l'apprenait. J'aurais pu effectivement faire les leçons en albanais, mais

3 pourquoi, puisqu'il y avait d'autres professeurs.

4 Q. Faites preuve d'attention, Monsieur Vlahovic, êtes-vous en train de

5 nous dire que tout au long des années 1990 dans les écoles que vous

6 connaissiez dans le secteur où vous viviez, les familles albanaises

7 auraient pu veiller à ce que leurs enfants suivent leur enseignement en

8 albanais, tout au long des années 1990 dans l'école dans laquelle vous-même

9 enseigniez ?

10 R. Vous avez dit en "anglais" ? Oui. Non. Effectivement, lorsque j'étais

11 dans cette école-là, effectivement, il y avait des cours en albanais aussi.

12 J'ai commencé à apprendre l'albanais en quatrième année, le serbe ce

13 n'était que l'une des matières. Les autres matières étaient enseignées en

14 albanais.

15 Q. Y a-t-il eu un moment où il n'a plus été possible pour ces enfants de

16 suivre ce programme scolaire serbe en albanais, Monsieur Vlahovic ?

17 R. Jusqu'à septembre 1991. C'est à ce moment-là que les Albanais ont cessé

18 d'apprendre le serbe et vice-versa.

19 Q. Bien. Je vais vous reposer la question. Y a-t-il eu un moment où il n'a

20 plus été possible pour les enfants de suivre le programme scolaire serbe en

21 albanais ?

22 R. Je ne comprends pas la question. De quel programme parlez-vous ?

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il eu à un moment donné, Monsieur

24 Vlahovic, un moment où les enfants albanais se sont vus enseigner toutes

25 les matières non linguistiques, à savoir l'histoire, les mathématiques et

26 autres en serbe exclusivement, et où il n'a plus été autorisé d'enseigner

27 ces matières en albanais ?

28 Je crois que c'est là ce que vous demande Me Emmerson.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous répondre. Depuis le début de ma

2 scolarité et de ma carrière, les enfants albanais ont pu suivre toutes les

3 matières qui leur étaient enseignées en albanais à part le serbe qu'ils ont

4 commencé à apprendre alors qu'ils en étaient à leur quatrième année

5 d'éducation, comme nous, où nous avons commencé à apprendre l'albanais à

6 partir de la quatrième année. Les professeurs étaient tous des Albanais,

7 sauf ceux qui enseignaient le serbe. Ils étaient Serbes.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cela a été le cas tout au long des

9 années 1990 ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'en 1991. Bien sûr, ils ont continué par

11 la suite, mais ils ont simplement supprimé le serbe du programme. Ils ne

12 voulaient pas accepter le programme de Serbie, mais ils ont continué à

13 suivre leur éducation et à donner des cours en albanais.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui m'intéresse ce sont les autres

15 matières, l'histoire, les mathématiques, la géographie, d'autres encore,

16 les enfants étaient-ils autorisés à suivre ces cours dans leur propre

17 langue, l'albanais, après 1991? Dans votre école, ceux qui enseignaient

18 l'histoire, la géographie, les mathématiques étaient-ils autorisés à parler

19 albanais aux élèves albanais ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ils étaient autorisés. Personne ne les en

21 empêchait. Particulièrement à Ljumbarda, je peux décrire la situation si

22 vous voulez. Les enfants étudiaient en albanais et les professeurs

23 enseignaient en albanais. Mais à cette époque-là, ils ont refusé de suivre

24 le programme scolaire de la Serbie. Ils ont choisi le programme scolaire de

25 l'Etat d'Albanie.

26 M. EMMERSON : [interprétation]

27 Q. Pour conclure, parce que je ne veux pas passer plus de temps là-dessus,

28 si je m'étais rendu dans votre école en 1997 et que j'avais à mes côtés un

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1 enfant albanais et que je vous avais demandé de bien vouloir lui enseigner

2 tout ce qu'il avait à apprendre en albanais, qu'auriez-vous répondu ?

3 Quelle aurait été la réponse que j'aurais reçue, Monsieur Vlahovic ?

4 R. En ce qui me concerne, je connaissais la langue. Cela ne m'aurait pas

5 posé de problème, mais il aurait fallu que l'école donne son accord.

6 Q. D'après le programme ce n'était pas permis, n'est-ce pas ?

7 R. Là encore, je ne vous comprends pas. Ce n'était pas permis. Qu'est-ce

8 que vous voulez dire ?

9 Q. Passons à autre chose. Passons à autre chose. Passons à un autre sujet.

10 Le portrait que vous avez brossé des conflits qui faisaient déjà rage avant

11 1998, pourrait-on dire à partir de cette description que vous avez donnée

12 qu'il y avait un ressentiment profondément ancré des deux côtés ?

13 R. Je n'en sais rien. Peut-être. Mais pas chez tout le monde, pas dans

14 toutes les familles.

15 Q. Je ne dis pas dans toutes les familles, mais par exemple, je ne sais

16 pas, les familles serbes dont vous nous dites qu'elles ont vu leurs ballots

17 de foin brûlés, ces familles devaient ressentir un certain ressentiment,

18 n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?

19 R. Pour ces familles-là, certaines d'entre elles sont parties, ont

20 déménagé, mon oncle y compris.

21 Q. J'aimerais simplement essayer d'avoir une idée de ce qui se passait au

22 cours de la période dont nous parlons au mois d'avril. Dans une déclaration

23 que vous avez faite dans cette affaire, vous avez dit qu'au 18 avril, la

24 police serbe s'était retirée du poste de police d'Irzniq vers Baballoq à

25 quelques lieues de là; n'est-ce pas exact ?

26 R. Je ne sais pas exactement quand cela s'est produit. Vous me demandez

27 s'ils sont partis ? Oui, ils sont allés à Babaloc.

28 Q. Je ne vous demande pas la date exacte, mais vous avez dit dans votre

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1 déclaration que c'est quelque chose qui s'était déjà produit lorsque vous

2 avez vu vos parents pour la dernière fois.

3 R. Oui, oui. C'est vrai.

4 Q. Bien sûr, vous ne pouviez pas ne pas savoir qu'il y avait eu ces

5 incidents à Prekaz, à Likoshan et à d'autres endroits encore, incidents au

6 cours desquels 80 Albanais avaient été tués à la fin du mois de mars -- non

7 pardon, à la fin du mois de février, début mars. Vous aviez eu vent de ces

8 incidents, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, j'en avais eu vent.

10 Q. Vous saviez ce qui s'était passé le 24 mars à Gllogjan, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson, je regarde l'heure.

13 Peut-être qu'il serait bon de nous interrompre, si vous avez l'occasion de

14 le faire ?

15 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, en effet.

16 Q. Une fois que la police a quitté les lieux, vous nous avez dit qu'à ce

17 moment-là des membres de la communauté albanaise avaient commencé à

18 acquérir des armes, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, c'est vrai, même s'ils avaient commencé avant.

20 Q. Oui, d'accord. Donc, il y avait un certain nombre d'Albanais de plus en

21 plus armés, il y avait ces antécédents de tension entre les communautés, il

22 y avait certains litiges entre certaines familles, il y avait eu les

23 attaques à Likoshan et à Prekaz, il y a eu l'incident à Gllogjan, et le

24 retrait de la police. Voilà en gros le portait de la situation telle que

25 l'on peut la dresser jusqu'au 20 avril, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. A votre avis, Monsieur Vlahovic, le retrait de la police dans cette

28 situation, et compte tenu de ce qui était arrivé à Prekaz et à Gllogjan,

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1 compte tenu de la présence d'armes, est-ce que ceci a donné l'occasion à

2 ceux qui avaient certaines rancoeurs de longue date vis-à-vis de leurs

3 voisins, est-ce que cela leur a donné l'occasion de régler leurs comptes ?

4 R. Je ne sais pas si ceci leur en a donné l'occasion, mais s'agissant de

5 mes parents, nous n'avons jamais eu de dispute avec qui que ce soit. Nous

6 vivions chez nous. Je ne sais pas ce qu'il y en est pour d'autres.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Peut-on s'interrompre ?

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. Le moment est bon.

9 Une brève observation. Le nom de Gllogjan est mentionné très souvent, et

10 très souvent il apparaît clairement que ce devrait être le Glodjane près de

11 Donji Ratis ou Gornji Ratis.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Tout à fait.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Chaque fois qu'il y a référence,

14 que ce soit une référence faite par l'une des parties ou l'autre, il faut

15 que le Glodjane soit celui qui se situe tout près de Donji Ratis. Si c'est

16 l'autre, il faudrait également le préciser.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, effectivement. Si je pose une question

18 sur le Gllogjan qui se trouve ailleurs que tout près de Gornji Ratis,

19 j'établirai la distinction nécessaire.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Nous allons donc faire une pause

21 et nous reprendrons à 18 heures 10.

22 --- L'audience est suspendue à 17 heures 52.

23 --- L'audience est reprise à 18 heures 18.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson, vous pouvez

25 continuer.

26 M. EMMERSON : [interprétation]

27 Q. Monsieur Vlahovic, au cours de votre déposition, vous avez parlé de

28 trois incidents qui se sont passés autour de Ratishe et à cause de cela il

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1 y a eu pas mal de tensions au cours de la période qui a précédé la date du

2 20 avril. Vous nous avez parlé du meurtre du policier Slobodan Prascevic et

3 l'attaque sur la maison de Culafic et Ratishe, et vous avez parlé aussi de

4 l'attaque contre l'église orthodoxe du village. J'ai voulu éclaircir

5 quelques points, quelques questions portant sur les dates par rapport à ces

6 incidents.

7 Parce qu'en l'espèce nous nous sommes mis d'accord, et tout le monde

8 est d'accord pour dire que le policier Slobodan Prascevic a été tué le 2

9 mars, à savoir entre l'incident à Likoshan et l'incident à Prekaz; est-ce

10 que vous m'avez compris ?

11 R. Oui, c'est sans doute vrai.

12 Q. Merci. Nous avons aussi entendu la déposition de quelqu'un qui a été

13 présent au moment du meurtre de Slobodan Prascevic. Cette personne nous a

14 dit que l'attaque sur la maison de Culafic avait eu lieu la veille. Est-ce

15 que cela vous semble être une possibilité aussi ?

16 R. Je ne me souviens pas de la date exacte. Mais c'est sans doute exact,

17 c'est sans doute vrai.

18 Q. Merci. Donc cela situe cet incident autour de la date du

19 1er mars.

20 On nous a également parlé d'un entretien qui a eu lieu avec Nastadin

21 et Jela Culafic. C'est une dame faisant partie d'une ONG qui aurait

22 recueilli cet entretien. Et les notes de cet entretien, quand on parle de

23 Jela Culafic, parlent d'une dispute au sujet d'une propriété de long terme,

24 au sujet des propriétaires ou des personnes à qui appartiennent cette

25 terre. Cette dispute avait -- enfin, la dispute impliquait la famille des

26 Culafic et un certain Albanais. Vous nous avez dit que vous connaissiez la

27 famille Culafic, est-ce que vous saviez qu'il y avait cette dispute sur le

28 propriétaire de cette terre ?

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1 R. Non, pas du tout.

2 Q. Là, je voudrais parler d'un certain nombre d'individus ou de groupes

3 d'individus dont vous nous avez parlé, et surtout je voudrais parler des

4 familles serbes et comment ils avaient rencontré des Albanais armés autour

5 de la date du 20 avril.

6 Vous nous avez dit que dans l'après-midi du 22 avril, vous vous êtes

7 rendu au poste de police de Decane pour voir s'il était sûr de vous rendre

8 à la maison de vos parents. Vous avez dit que les policiers vous ont parlé

9 de cinq personnes placées en détention et vous nous avez donné la liste des

10 noms de ces personnes : Konstantin Stijovic, Novak Stijovic, Stanisa

11 Radosevic, Milka Stijovic et Stanisa Popovic étant ces personnes ?

12 R. Excusez-moi. Mais je pense que c'est plutôt Stanislava.

13 Q. Oui, oui, Stanislava. Donc vous nous avez dit qu'un petit peu

14 plus tard, vous avez parlé directement avec Konstantin Stijovic et à Novak

15 Stijovic. Dites-nous, parce que je n'ai pas très bien compris quelle était

16 la situation. Est-ce qu'en parlant avec Konstantin et Novak Stijovic vous

17 avez appris que ces cinq personnes étaient placées en détention ensemble ou

18 est-ce qu'ils étaient séparés -- enfin détenus de façon séparée ?

19 R. Je pense que c'était à deux reprises.

20 Q. Vous avez parlé avec ces deux personnes. Est-ce qu'ils vous ont dit

21 qu'elles avaient été placées en détention ensemble ou de façon séparée, là

22 je parle de Konstantin et de Novak ?

23 R. Je ne leur ai même pas posé cette question-là. Ils ne m'ont rien dit à

24 ce sujet à l'époque.

25 Q. Bien. Nous avons vu l'interrogatoire de Konstantin Stijovic. Il s'agit

26 de notes d'un entretien préalable qui a été conduit par la même association

27 non gouvernementale, organisation non gouvernementale où il a été dit que

28 personne ne l'avait passé à tabac ou aucune des personnes qui avait été

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1 placée en détention avec lui, et qu'après l'interrogatoire ils avaient été

2 libérés. Est-ce qu'il vous a dit cela ?

3 R. Non, il ne m'a pas dit cela.

4 Q. Donc, il vous a dit autre chose ?

5 R. Oui.

6 Q. A un moment donné au cours de votre déposition aujourd'hui - ce n'était

7 pas très clair - mais à un moment donné vous avez dit qu'il avait été

8 libéré à partir du moment où le père de Ramush Haradinaj, Hilmi est

9 intervenu en sa faveur. Est-ce que c'est bien cela qu'il vous a dit ?

10 R. Il m'a dit qu'on l'avait giflé aussi, parce qu'il portait un couvre-

11 chef caractéristique du Monténégro. C'est ce qu'il m'a dit.

12 Q. Son couvre-chef est tombé alors ?

13 R. Oui, à cause de cette gifle-là.

14 Q. Est-ce qu'il vous a dit qu'il a été libéré grâce à Hilmi Haradinaj ?

15 R. Oui, il me l'a dit.

16 Q. A nouveau, pour que les choses soient bien claires, est-ce qu'on vous a

17 dit que Konstantin Stijovic, Milka Stijovic et Stanislava Popovic, les

18 trois personnes âgées, étaient détenues dans le cadre d'un incident, et que

19 Novak Stijovic et Stanisa Radosevic étaient détenus dans le cadre d'un

20 autre incident ? Est-ce qu'on vous a dit cela ?

21 R. Non. D'ailleurs je leur ai demandé si c'était par la même occasion ou à

22 des occasions différentes. Ils n'ont pas parlé de cela.

23 Q. Bien. Konstantin vous a-t-il dit qu'on l'avait transporté quand il est

24 parti de Gllogjan aussi bien que Milka Stijovic et Stanislava Popovic ?

25 Est-ce qu'il vous a dit cela ?

26 R. Il m'a dit qu'on l'avait transporté jusqu'à Prilep, oui. Mais je ne

27 sais pas s'il est venu vraiment à Prilep, dans le village de Prilep. Je

28 pense que oui.

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1 Q. Les trois personnes étaient saines et sauves, elles n'étaient pas

2 blessées ?

3 R. Oui, ces trois personnes-là, non. Je voudrais ajouter quelque chose.

4 Stanislava Popovic avait dit qu'elle avait reconnu Redzep Arifaj, qu'il

5 portait un uniforme, c'est un homme de Gornji Ratis, et lui aurait demandé

6 : Redzep, mon fils, c'est bien toi ? Ensuite il l'aurait laissé partir.

7 Q. Redzep, quel Redzep ?

8 R. Redzep Arifaj. Son père s'appelait Osman.

9 Q. Merci. Maintenant nous allons parler de la famille Markovic. Vous avez

10 commencé à en parler tout à l'heure. On les a accompagnés pour quitter

11 Dashinoc, là où ils habitaient, et on leur a assuré un sauf-conduit par un

12 certain Djevdet Sadikaj. Est-ce bien cela que vous nous avez dit ?

13 R. Oui.

14 Q. Qui vous a dit cela ?

15 R. Milojka.

16 Q. Milojka Markovic ?

17 R. Oui, Markovic.

18 Q. Cet homme, Djevdet Sadikaj, pourriez-vous nous dire si c'était bien le

19 fils de Saban Sadikaj, l'homme dont vous avez déjà parlé, vous avez dit

20 avoir parlé avec lui à Dashinoc au mois de septembre ?

21 R. Oui, c'était son fils cadet, enfin le plus jeune. Ils en ont un autre,

22 mais peu importe.

23 Q. Peut-être que plus tard ce serait important. Nous allons y revenir.

24 D'après ce que vous avez compris, Djevdet les a fait prendre une route

25 particulière leur permettant de quitter la région en toute sécurité.

26 R. Oui.

27 Q. Est-ce que d'après vous Djevdet Sadikaj est devenu par la suite un

28 commandant de l'UCK à Dashinoc ?

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1 R. Je le connaissais personnellement. Nous nous fréquentions. Il était le

2 président de Dasinovac avant cela. Sans doute que par la suite il est

3 devenu commandant.

4 Q. Je voudrais juste vous poser quelques questions au sujet d'une

5 troisième famille que vous avez mentionnée brièvement dans votre

6 déposition. Radun Dabetic, sa femme Lijlja et leurs deux enfants. Est-ce

7 que vous avez entendu quoi que ce soit au sujet de cette famille et de la

8 façon dont ils ont quitté la région ?

9 R. Au moment où on a fait revenir Stanisa Radosevic de Glodjane, il était

10 tout couvert de sang. Il est allé chercher son fusil de chasse. Ils l'ont

11 vu et ils sont sortis. Il leur a dit quelque chose, ensuite ils sont

12 sortis. C'était un voisin à eux.

13 Q. Attendez. Je vais répéter quelque chose qui figure dans votre

14 déclaration préalable pour que vous puissiez me dire si c'est bien ce que

15 vous avez dit. Vous avez dit dans cette déclaration préalable que cette

16 famille a quitté Dashinoc le 22 avril. C'était un mercredi; est-ce exact ?

17 R. Je ne sais pas si c'était vraiment le 22. Sans doute que oui. Attendez

18 que je rafraîchisse ma mémoire. Oui, oui, c'était le 22, le jour où les

19 autres ont été arrêtés.

20 Q. Dans votre déclaration préalable, vous avez dit qu'en sortant, ils ont

21 rencontré un groupe d'Albanais armés qui les ont arrêtés, les ont fouillés,

22 ensuite les ont laissé passer; est-ce exact ?

23 R. Oui, c'est ce qu'ils m'ont dit.

24 Q. Merci. Maintenant je voudrais vous poser quelques questions au sujet de

25 cette recherche de vos parents que vous avez entreprise vous et les membres

26 de votre famille, et ceci à partir du 20 avril, quand vous les avez vus

27 pour la dernière fois, et le début du mois de septembre ? Je vous pose la

28 question au sujet de toute l'enquête que vous avez menée pendant cette

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1 période-là, entre le 20 avril et le mois de septembre. Je vais poser toute

2 cette question en ordre.

3 Tout d'abord, la première personne à laquelle vous avez posé des

4 questions au sujet de votre famille était Tafilj Kuci ? C'était la première

5 personne; est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Corrigez-moi si je vous ai mal compris, était-ce un étudiant, un de vos

8 étudiants ?

9 R. Oui.

10 Q. Dans votre déclaration préalable, vous avez dit que vous lui avez

11 demandé d'y aller, d'aller le voir le 23 avril. C'est à lui que vous avez

12 demandé cela. C'était le jeudi de cette semaine-là. Est-ce que vous avez

13 l'impression que c'est exact ?

14 R. Oui. Oui, mais donnez-moi une seconde. Oui, je pense que c'est bien

15 cela.

16 Q. Ensuite, vous dites qu'il est revenu, et qu'à Prekoluka, on lui a dit

17 de revenir, enfin de rebrousser le chemin ?

18 R. Ce n'est pas seulement qu'on lui a dit de retourner chez lui, mais ils

19 voulaient même l'emmener à Glodjane et le garder là-bas.

20 Q. [aucune interprétation]

21 R. Il a sauvé sa vie. Il a sauvé la tête et il est revenu, et il m'a dit

22 de ne pas y aller.

23 Q. Oui, oui. J'ai fait un raccourci. Donc il est arrivé à Prekoluka, il

24 vous a dit qu'il y avait les hommes là-bas qui ont essayé de le persuader

25 qu'il fallait qu'il rejoigne les rangs de l'UCK, qu'il mette un uniforme et

26 qu'il porte une arme. Mais il est rentré, et retourné, et il n'est parti à

27 Gllogjan. Donc il n'est pas allé plus loin que Prekoluka; est-ce exact ?

28 R. Oui, c'est ce qu'il m'a dit.

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1 Q. Donc lui ne vous a donné aucune nouvelle de vos parents ?

2 R. Non, puisqu'il m'a dit qu'il n'y est pas allé.

3 Q. Bien. Ensuite, la personne suivante que vous avez envoyée, d'après ce

4 que vous dites, c'est Mehmet Goga [comme interprété]; est-ce bien cela ?

5 R. Oui.

6 Q. Donc, c'est Mehmet G-o-k-a ?

7 R. Non, c'est G-o-g-a.

8 Q. Goga. Bien, merci. Vous avez dit qu'il était originaire de Decane mais

9 qu'il avait un terrain près de la maison de vos parents; est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Je voudrais être sûr de bien comprendre ce que vous avez dit à ce

12 sujet, puisque cet après-midi vous avez dit qu'il était revenu et qu'il

13 vous a parlé à nouveau ?

14 R. Oui. Mais c'était deux ou trois jours plus tard, pas tout de suite.

15 Q. Je pense que dans votre déposition préalable, vous dites que vous lui

16 avez demandé d'y aller deux ou trois jours après cette tentative avortée de

17 Tafilj Kuci; est-ce exact ?

18 R. Je ne sais pas si c'était deux ou trois jours après cela. C'était peut-

19 être un ou deux jours après. Mais après lui avoir demandé cela, je ne l'ai

20 pas vu pendant deux ou trois jours.

21 Q. Juste pour que les Juges le comprennent bien. Quelques jours se sont

22 déroulés entre le moment où Tafilj Kuci y aille à votre place, parce que

23 vous lui avez demandé d'y aller, et le moment où vous demandez à Mehmet

24 Goga d'y aller; est-ce exact ?

25 R. Oui, quelques jours sont passés entre ces deux moments-là. Je ne sais

26 pas combien de temps. Ce n'était pas long en tout cas.

27 Q. J'essaie d'être précis. Donc quelques jours se passent entre le moment

28 où Tafilj Kuci y va et le moment où vous demandez à Mehmet Goga d'y aller,

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1 ensuite il y a encore quelques jours qui passent entre le moment où vous

2 avez demandé à Mehmet Goga d'y aller et le moment où il est revenu pour

3 vous dire ce qu'il avait découvert; est-ce exact ?

4 R. Oui, c'est vrai, mais c'était pas bien long tout cela. En totalité, je

5 dirais que cette période s'étale sur une période de cinq à six jours.

6 Q. Bien. C'est à peu près ce que je vous disais aussi. Dans vous

7 déclaration préalable, vous dites qu'il est revenu vous voir pour vous dire

8 ce qu'il avait vu à peu près le 26 ou le 27 avril ?

9 R. Oui, j'ai l'impression que c'est bien cela. Je ne suis pas sûr des

10 dates, mais c'est à peu près le 26 ou le 27. La période qui s'est écoulée

11 entre ces deux événements était une période de cinq jours à peu près. Je ne

12 peux pas être plus précis.

13 Q. C'est en tout cas les dates que vous avez données au bureau du

14 Procureur au moment où ils vous ont posé des questions.

15 Donc, une semaine se passe à peu près entre le moment où vous voyez

16 pour la dernière fois vos parents et le moment où vous avez appris ce que

17 vous avez appris; est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous avez dit cet après-midi qu'il aurait vu vos parents, que vos

20 parents étaient chez eux, que leur possibilité de circulation était réduite

21 et qu'ils étaient gardés par des hommes armés. Est-ce bien cela qu'il vous

22 a dit ?

23 R. Oui, c'est ce qu'il m'a dit.

24 Q. Dans votre déclaration préalable, quand vous parlez de cet incident,

25 quand vous en avez parlé au mois d'avril 2002, quand vous avez parlé de

26 cette conversation, vous avez dit à l'enquêteur du Procureur que vous ne

27 vous souveniez pas s'il avait dit que ces hommes étaient armés, oui ou non.

28 Maintenant, je vous laisse la possibilité de réfléchir à ce sujet.

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1 Est-ce qu'il a dit que ces hommes étaient armés ou non, ou est-ce que vous

2 ne pouvez pas vous en souvenir tout simplement ?

3 R. Ils étaient armés. C'est sûr qu'il m'a dit cela. Mais je n'ai pas posé

4 de questions au sujet de l'uniforme qu'ils avaient. De toute façon, s'ils

5 n'avaient pas été gardés par des hommes armés, ils ne seraient pas restés

6 là-bas, mon père et ma mère.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais reposer la question.

8 Q. Est-ce que vous pouvez me donner une raison pour laquelle, au mois

9 d'avril 2002, vous auriez dit aux enquêteurs du Procureur que vous ne vous

10 rappeliez pas si ces hommes avaient été armés oui ou non ? Est-ce que vous

11 avez une raison pour cela ? Est-ce que vous pouvez penser à une raison pour

12 ne pas l'avoir dit ?

13 R. Non. Je ne vois pas pourquoi j'aurais dit qu'ils n'étaient pas été

14 armés, parce que si ces hommes n'étaient pas armés, si mes parents

15 n'étaient pas gardés par des hommes armés, ils seraient partis. Ils ne

16 seraient pas restés là-bas. Peut-être que je ne lui ai pas posé de

17 questions au sujet de l'uniforme qu'ils portaient ces hommes-là. En tout

18 cas, il m'a dit qu'ils se portaient bien et qu'il ne fallait pas que j'y

19 aille parce qu'ils étaient gardés par des hommes armés.

20 Q. Bien. Est-ce qu'il vous a dit qu'il y avait des hommes armés chez eux,

21 dans leur maison, dans votre maison, ou dans la région tout simplement,

22 dans le village ?

23 R. Je n'ai même pas demandé si ces personnes armées étaient chez moi dans

24 ma maison. Ils étaient sans doute autour de la maison, à proximité de la

25 maison. En tout cas, je ne lui ai pas posé la question de façon si précise

26 que cela.

27 Q. Ils étaient tout près. C'est votre impression. Je voudrais que vous

28 soyez très précis parce qu'on est en train de décrire une conversation qui

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1 se fonde sur ce que quelqu'un vous a raconté avoir vu. Alors "tout près"

2 peut être interprété de nombreuses manières différentes. Alors tout près,

3 est-ce qu'il y avait des hommes armés qui se trouvaient sur la propriété de

4 vos parents ? C'est quelque chose dont vous vous souviendriez si c'était le

5 cas ?

6 R. Je ne sais pas. A l'époque, je ne savais ce qui allait se passer. Peut-

7 être que j'aurais dû essayer de m'en souvenir, mais je ne peux pas vous le

8 dire.

9 Q. C'est très important que vous soyez très précis par rapport à cela.

10 Est-ce que Mehmet Goga vous a dit qu'il y avait des hommes armés sur la

11 propriété de vos parents ?

12 M. DI FAZIO : [interprétation] Je m'oppose à cette question. Cela fait

13 trois ou quatre fois qu'on revient sur cette question. Il a été très clair.

14 Il a expliqué ce qu'il se souvenait, cela fait plusieurs fois qu'on lui

15 demande exactement la même chose. Combien de fois allons-nous entendre

16 exactement la même question ?

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On pourra continuer autant que je le lui

18 permets. Cette question est autorisée.

19 Monsieur le Témoin, pouvez-vous répondre à cette question ? M. Emmerson a

20 insisté très fort sur le fait que c'est important de savoir avec précision

21 si Mehmet Goga vous a parlé de la présence de ces hommes, si en parlant de

22 ces hommes il a dit qu'il s'agissait d'hommes armés sur la propriété de vos

23 parents. Est-ce qu'il l'a dit ou est-ce qu'il ne l'a pas dit ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il a dit qu'il avait vu des hommes armés qui

25 les gardaient et ils ne pouvaient pas quitter. Maintenant, je ne leur ai

26 pas demandé où étaient ces gens, s'ils étaient dans la maison, autour de la

27 maison. Il les a vus. Cela c'est un fait. Cela veut dire qu'ils étaient là

28 sur place.

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1 M. EMMERSON : [interprétation]

2 Q. Oui. Vous venez dire il y a peu, que "votre impression était qu'ils

3 étaient tout près." Alors "tout près," cela aurait pu être au premier

4 croisement près de la maison, n'est-ce pas ?

5 R. Là où ils pouvaient les surveiller. Pas trop loin, c'est impossible.

6 Ils devaient être très, très près. Le premier croisement est trop loin.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que là on est en train de faire

8 des suppositions sur ce qui aurait pu être dit. Puis-je vous inviter à

9 poursuivre et à passer à la question suivante.

10 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

11 Q. L'étape suivante, c'est quand vous avez dit que vous vous êtes organisé

12 pour que Faza Haradinaj et son petit-fils se rendent chez vos parents. Vous

13 les avez déposés à Prilep, puis ils ont continué à pied; c'est exact ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Pour que les dates soient claires, vous nous dites que c'est quelque

16 chose qui s'est passé aux alentours du 2 ou 3 mai, à savoir deux semaines

17 plus tard ou deux semaines après que vous ayez vu vos parents pour la

18 dernière fois; est-ce exact ?

19 R. Non. Cela devait être plus tôt. Je suis sûr.

20 Q. Lors de la conférence vidéo le 8 mars, c'est une question qui vous a

21 été posée. A ce moment-là, vous avez confirmé que c'était le 2 ou 3 mai.

22 R. Je ne suis pas sûr de la date, mais il me semble que c'était plus tôt.

23 Peut-être est-ce ce que vous suggérez, mais j'ai l'impression que c'était

24 plus tôt que ces dates-là.

25 Q. Dans votre déposition cet après-midi, vous nous avez dit qu'à son

26 retour elle n'avait pas pu voir vos parents; est-ce exact ?

27 R. Non, ce n'est pas exact. On ne peut pas dire qu'elle n'a pas pu voir

28 mes parents. Elle a vu mes parents; elle n'a pas pu les emmener, mais elle

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1 les a vus. D'ailleurs, elle leur a demandé qui était déjà venu prendre de

2 leurs nouvelles, et mes parents avaient répondu, donc elle les a vus.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Pour vous, Monsieur le Président, il s'agit

4 de la référence sur le procès-verbal à la page --

5 L'INTERPRÈTE : La page dont l'interprète n'a pas saisi le nombre.

6 M. EMMERSON : [interprétation] -- ligne 10.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez devoir vérifier cela.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudra de toute façon vérifier s'il

9 n'y a pas eu d'erreur de traduction ou d'interprétation. Si c'est le cas,

10 je crois qu'il faut s'assurer qu'aucun doute ne puisse s'infiltrer ici.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je crois que ce qui est important ici c'est

12 que le témoin puisse préciser ce qui s'est passé.

13 Q. Donc, ce n'est pas vrai qu'elle n'a pas pu voir vos parents, elle a

14 donc bien eu l'occasion de voir vos parents, c'est exact ?

15 R. Oui, elle les a vus.

16 Q. Elle vous a dit leur avoir parlé ?

17 R. Oui, elle les a vus; elle leur a parlé. Mais ils n'ont pas eu

18 l'occasion de partir. Ils étaient dans la maison, mais ne pouvaient pas

19 quitter.

20 Q. Je crois que vous lui avez demandé de vérifier que Mehmet Goga s'était

21 bien rendu sur place pour interroger vos parents. C'est cela que vous lui

22 aviez demandé de faire ?

23 R. Oui.

24 Q. Elle vous a dit qu'après avoir discuté avec vos parents, elle pouvait

25 confirmer qu'il s'était en effet rendu sur place ?

26 R. Oui. Mais je n'avais pas demandé si Mehmet Goga avait été. J'ai demandé

27 si quelqu'un de Decane avait été, et c'est elle qui m'a répondu que c'était

28 Mehmet Goga.

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1 Q. Vous aviez demandé de vérifier auprès de vos parents parce que vous

2 n'aviez pas vraiment confiance dans Mehmet Goga, n'est-ce pas ?

3 R. Je n'étais pas sûr qu'ils étaient encore vivants et en bonne santé.

4 Cela me prouvait qu'elle les avait bien vus, qu'ils étaient vivants le jour

5 où elle les a rencontrés, et c'est cela que je voulais savoir.

6 Q. Est-ce que vous pouvez bien vous concentrer sur la question que je vous

7 pose, une question bien particulière, parce que la raison pour laquelle je

8 vous la pose c'est parce que vous avez demandé à Faza Haradinaj de vérifier

9 auprès de vos parents que Mehmet Goga ou quelqu'un d'autre de Decane

10 s'était rendu pour leur rendre visite, parce que vous n'aviez pas vraiment

11 confiance dans la réponse de Mehmet Goga quand il vous disait qu'il s'était

12 rendu chez vos parents ?

13 R. Non, ce n'était pas la raison. La raison était surtout de vérifier

14 qu'elle les avait vus qu'ils étaient là, qu'ils étaient vivants à ce

15 moment-là. Si je ne lui avais pas fait confiance, je n'aurais jamais

16 demandé à Mehmet d'y aller. Mais je voulais m'assurer qu'ils étaient bien

17 là. Si elle n'avait pas pu les rencontrer, mes parents n'auraient pas pu

18 dire que Mehmet Goga ou n'importe qui d'autre était venu les voir. Donc, ce

19 n'était pas une question d'avoir ou de ne pas avoir confiance en elle ou en

20 lui, ou en d'autres personnes.

21 Q. Je vois. J'aimerais vous donner lecture d'un passage des notes qui ont

22 été prises au cours de la vidéoconférence.

23 M. EMMERSON : [interprétation] C'est à la page 5 des notes de récolement en

24 bas, pour M. Dutertre.

25 Q. Je vais les lire lentement pour que l'on puisse vous les traduire.

26 "M. Vlahovic ne faisait pas pleinement confiance à Mehmet Goga. Il avait

27 donc demandé à Faza Haradinaj de demander à ses parents si M. Goga leur

28 avait rendu visite, ce qu'ils ont confirmé à Faza Haradinaj. C'était autour

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1 du 2 ou 3 mai."

2 Est-ce là le reflet exact de ce que vous avez dit au cours de la

3 vidéoconférence, que vous lui aviez demandé de vérifier, en partie parce

4 que vous pensiez peut-être que Mehmet Goga aurait pu vous mentir ?

5 R. Non. Mehmet Goga s'est proposé sans que je le lui demande. Lorsqu'on

6 s'est rencontré, il a demandé si je voulais qu'il aille sur place et qu'il

7 vérifie si les parents étaient toujours là.

8 Q. Le passage dont je viens de vous donner lecture, est-ce bien le reflet

9 exact de ce que vous avez dit aux juristes, aux représentants du bureau du

10 Procureur au cours de la vidéoconférence ou pas ?

11 R. Je ne me souviens plus avoir dit cela. Peut-être que je l'ai dit, mais

12 ce n'est pas ce que je voulais dire en tout cas.

13 Q. [aucune interprétation]

14 R. Le plus important pour moi, c'était de vérifier qu'ils étaient toujours

15 vivants, et le seul moyen c'était d'aller voir s'ils étaient toujours là.

16 Et ils y étaient. Est-ce que Mehmet Goga l'avait précédée ou pas, c'est

17 autre chose. Mais ce qui m'importait le plus, c'était de savoir s'ils

18 étaient toujours là, et c'est pour cela que j'ai demandé à Faza de faire ce

19 qu'elle a fini par faire.

20 Q. Avez-vous reparlé à Faza Haradinaj de cette visite ou de vos parents

21 par la suite ?

22 R. Non.

23 Q. Bien. Donc, les seules nouvelles que vous ayez obtenues de Faza

24 Haradinaj, c'est que vos parents étaient toujours en vie chez eux ?

25 R. Oui, qu'ils n'étaient pas en mesure de partir, qu'ils étaient gardés

26 par des hommes armés en uniforme qui étaient partout, et qu'il y avait des

27 tranchées qui avaient été creusées partout, ce genre de chose, et tout au

28 long de la route entre Prilep et le village de Ratis, l'endroit où elle se

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1 trouvait.

2 Q. Donc, elle vous a dit qu'il y avait des hommes armés dans des tranchées

3 tout au long de la route et que vos parents n'étaient donc pas en mesure de

4 partir; c'est cela ?

5 R. Non, elle ne m'a pas parlé de la question de partir. Elle m'a dit

6 qu'ils étaient gardés à l'intérieur de la maison, qu'il y avait des hommes

7 armés tout au long de la route, et elle m'a dit de ne pas y aller.

8 Q. Vous a-t-elle dit s'il y avait des hommes armés sur le terrain de vos

9 parents ?

10 R. Elle a dit qu'il y avait des hommes armés autour de la maison. C'est ce

11 qu'elle a dit, qui les gardait.

12 Q. Là encore, c'est une question de détail. Le détail est important.

13 "Autour de la maison," cela voudrait dire éventuellement beaucoup de

14 choses. Alors, répondez par oui ou par non, vous souvenez-vous si elle est

15 vous a dit s'il y avait des hommes armés sur le terrain de vos parents ? Si

16 vous ne vous souvenez pas, dites-le-nous ?

17 R. Sur leur terrain, autour de la maison. Je n'ai pas demandé s'ils

18 étaient ou pas à l'intérieur, mais elle les a vus, mes parents, et elle a

19 vu ces hommes aussi.

20 Q. Donc, elle vous a dit qu'il y avait des hommes armés sur la propriété

21 de vos parents, sur leur terrain ? C'est bien ce qu'elle vous a dit ?

22 R. Elle a dit que mes parents étaient gardés par des hommes en armes et

23 qu'ils n'étaient pas en mesure de partir. Je ne leur ai pas demandé si ces

24 hommes-là étaient sur le terrain des mes parents ou pas. J'ai voulu savoir

25 s'il était possible que mes parents s'en aillent ou si je pouvais tirer de

26 là ma mère, même si mon père éventuellement n'était pas en mesure de

27 partir. Lorsqu'elle est revenue, elle m'a dit qu'elle n'avait même pas pu

28 tirer ma mère de là, parce que mes parents étaient gardés par des hommes

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1 armés, donc les hommes devaient se trouver là, et pas ailleurs sur le

2 terrain.

3 Q. Mais quoi qu'il en soit, d'après ce qu'elle vous a dit, il semble

4 qu'aucun homme armé ne l'ait empêché d'aller jusqu'à vos parents et de leur

5 parler, n'est-ce pas ?

6 R. C'est ce qu'elle a dit, que cela n'avait pas été le cas.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure. Il va nous falloir

8 encore quelque trois minutes en l'absence du témoin pour traiter d'une

9 autre question. Pourriez-vous vous interrompre dans la minute qui suit ?

10 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

11 Q. Si vous me le permettez pour finir sur ce point, Monsieur le Témoin,

12 j'aimerais vous présenter une partie de la déclaration qui a été faite par

13 votre frère Novak. J'aimerais vous demander de bien vouloir confirmer si,

14 oui ou non, ce passage est exact. Votre frère Novak a fait une déclaration

15 à l'Accusation dans cette affaire-ci en juillet 2004, déclaration dans

16 laquelle il dit la chose suivante :

17 "En mai 1998, j'ai entendu que mes parents avaient été emmenés à un

18 quartier général à Jablanica. C'est Dino Haradinaj qui me l'a dit, un

19 voisin albanais qui a demandé à sa mère, Faza Haradinaj d'aller à Gornji

20 Ratis pour vérifier si mes parents étaient en bonne santé. Et elle a dit à

21 Dino que lorsqu'elle était arrivée sur place, le village était désert. J'ai

22 entendu dire par d'autres qu'ils avaient été emmenés. La dernière fois que

23 j'ai vu mes parents en vie, c'était le 23 avril 1998. J'ai entendu

24 différents bruits de différentes personnes, à savoir que mes parents

25 avaient été emmenés et qu'ils avaient été tués, qu'ils avaient été

26 retrouvés en vie, et cetera."

27 Voilà ce qu'a dit votre frère Novak. En tout cas, ce sont les propos

28 qui sont reflétés dans la déclaration donnée au Procureur. Faza Haradinaj

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1 a-t-elle jamais suggéré, à vous, que vos parents aient été emmenés à

2 Jablanica ?

3 R. Pas à moi.

4 Q. Vous a-t-elle jamais dit que le village était désert, Gornji Ratis,

5 lorsqu'elle est arrivée sur place ?

6 R. Non, elle ne l'a pas dit. Je ne l'ai pas demandé. J'ai posé des

7 questions sur mes parents. C'est tout ce sur quoi j'ai posé des questions.

8 Je n'ai pas demandé si le village était désert ou pas.

9 Q. Merci.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de quoi.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever l'audience pour

12 aujourd'hui, Monsieur Vlahovic. J'aimerais vous demander de ne parler avec

13 qui que ce soit de la déposition que vous venez de faire, ou de la

14 déposition que vous serez amené à mener à faire demain. Nous nous reverrons

15 demain à 14 heures 15 dans la salle d'audience numéro II. Il nous reste une

16 question de procédure à traiter. Je vais donc demander à Mme l'Huissière de

17 bien vouloir vous accompagner hors de ce prétoire.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, je comprends.

19 [Le témoin quitte la barre]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio ou Monsieur Dutertre,

21 je ne sais pas qui s'est adressé à nous. Je ne sais pas si nous pouvons

22 parler de cette question en audience publique s'agissant des notes de

23 récolement.

24 Quelque chose dont vous souhaitez informer la Chambre, Monsieur Dutertre ?

25 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, je voulais simplement informer la

26 Chambre que des observations écrites sur le proofing sont actuellement en

27 train d'être finalisées par M. Re. Malheureusement, et nous nous en

28 excusons, elles n'ont pas pu être déposées à 4 heures aujourd'hui comme

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1 prévu. Toutefois, une version écrite sera communiquée dès ce soir, et

2 demain à la première heure, ces observations écrites seront déposées en

3 bonne et due forme au Greffe.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En général, ce n'est pas comme cela que

5 l'on fait avec les notes de récolement. Elles sont communiquées à la

6 Défense d'abord, et pas à la Chambre. Nous nous écarterions de la pratique.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne sais pas si nous nous comprenons. M.

8 Dutertre, je pense, parle des arguments de l'Accusation sur la procédure

9 s'agissant de l'enregistrement audio des séances de récolement qui aurait

10 dû être déposé aujourd'hui.

11 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

12 M. EMMERSON : [interprétation] Nous sommes prêts à déposer nos propres

13 observations.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, je n'avais pas compris

15 l'expression "observations écrites sur le proofing." C'est peut-être

16 quelque peu ambigu effectivement, mais j'ai compris. D'accord. Il y a

17 quelque retard dans le dépôt de ces observations, j'ai compris. Mais ce

18 sera déposé demain.

19 M. DUTERTRE : --et si la Chambre le juge utile, une version pourra d'ores

20 et déjà être envoyée par e-mail à l'ensemble des parties et à la Chambre

21 dès ce soir.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dès que possible. Si vous voulez

23 effectivement envoyer un exemplaire aux parties, je ne peux pas vous

24 permettre qu'entre ce soir à 11 heures, et ma première réunion de demain

25 matin à 8 heures j'aurai commencé à les lire, mais je les liras le plus

26 rapidement possible. Et, bien sûr, je ne m'opposerai pas à l'envoi d'un

27 exemplaire de ces notes par mail.

28 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, effectivement. Nous aimerions recevoir

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1 ces observations le plus rapidement possible. Comme je l'ai dit il y a un

2 instant, nous sommes prêts à déposer nos observations. Nous le ferrons sans

3 attente juste après la fin de la séance, et nous fournirons un exemplaire

4 de ces observations à la Chambre très rapidement.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup de ces informations.

6 Il y a d'autres questions ? Non ?

7 Monsieur Dutertre.

8 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, si vous me permettez, le parquet est

9 en train de rédiger des observations écrites afin d'obtenir à l'avance les

10 documents que la Défense souhaite utiliser en contre-interrogatoire des

11 témoins.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Cela fera partie des arguments que

13 vous présenterez, à savoir que vous demandez une réciprocité à certains

14 égards, n'est-ce pas ?

15 Bien, nous verrons. Nous lirons tout cela.

16 M. EMMERSON : [interprétation] Là encore, peut-être qu'on ne se comprend

17 pas très bien. Lundi, vous vous en souviendrez, nous avons déposé un

18 document qui présentait une proposition de procédure de notification chaque

19 mercredi s'agissant des témoins que l'Accusation entendait citer. Ceci n'a

20 rien à voir avec le récolement. M. Re a indiqué qu'il souhaiterait

21 effectivement suivre cette suggestion pour que les Juges ordonnent que la

22 Défense notifie à l'avance à l'Accusation les pièces sur lesquelles ils

23 aimeraient se fonder pour le contre-interrogatoire d'un témoin. Bien

24 entendu, nous aurons des arguments, nous aussi, vifs à exposer sur ce point

25 particulier. Mais ceci n'a rien à voir avec le premier point.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. Bien.

27 Nous apprécions d'abord d'être informé s'il y a des retards particuliers.

28 Cela étant, à cette heure tardive, je n'arrive plus à faire la distinction

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1 entre tous ces différents éléments. Peut-être que le meilleur moyen de

2 faire les choses, c'est de nous permettre de lire ces différentes

3 observations écrites. Bien sûr, nous sommes très heureux d'être informés de

4 tout retard éventuel, de manière également à ce que l'autre partie puisse

5 répondre le cas échéant. Mais ce type de retard d'une demi-journée n'est

6 pas dramatique.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous demande encore dix secondes

8 supplémentaires.

9 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

10 M. EMMERSON : [interprétation] Ce contre-interrogatoire prend plus de temps

11 que prévu. Je voulais simplement savoir de votre part, et à l'avance,

12 combien de temps vous pourriez me donner encore, parce que je ne veux pas

13 me mettre dans une position dans laquelle vous risqueriez de me dire que

14 j'ai abusé de votre patience. J'espère en avoir terminé en une heure

15 demain. Mais j'ai déjà dépassé le temps que j'avais indiqué, et je voudrais

16 donc savoir ce que vous en pensez, si vous jugez qu'il faudrait que

17 j'abrège ou pas.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous pouvez en terminer en une heure,

20 même si vous avez dépassé le temps que vous aviez prévu, nous serons prêts

21 à l'accepter.

22 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous remercie.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience jusqu'à 14 heures

24 15 demain. Nous serons en salle d'audience numéro II.

25 --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le jeudi 22 mars

26 2007, à 14 heures 15.

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