Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 20 avril 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 27.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

7 Madame la Greffière, veuillez donner le numéro de l'affaire.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour.

9 Affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Ramush Haradinaj et

10 consorts.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame.

12 Hier, l'interrogatoire principal a pris fin. Vous pourriez même vous

13 attendre, Monsieur Crosland, à ce que le contre-interrogatoire commence

14 immédiatement. Cependant, les Juges de la Chambre ont quelques questions à

15 vous poser. Mais avant de vous poser ces questions, je voudrais vous

16 rappeler que vous êtes toujours sous serment suite à la déclaration

17 solennelle que vous avez prononcée hier au début de votre déposition. Vous

18 constatez également que les Juges de la Chambre sont tous présents, nous

19 sommes tous les trois présents aujourd'hui.

20 Monsieur Crosland, avant de poser la question, il est peut-être

21 nécessaire -- enfin c'est une petite introduction, pages 2 936, 2 954 et 3

22 018 du compte rendu d'audience d'hier.

23 Voilà sur quoi va porter ma question. Monsieur Crosland, hier vous

24 avez parlé d'un contrôle, en anglais "technical," en français "technique",

25 "formel," et on vous a demandé d'expliquer ce que vous entendiez par là.

26 Vous avez expliqué que c'était une situation dans laquelle vous aviez une

27 route qui était bloquée par 20 ou

28 30 combattants qui étaient relativement peu armés. Ensuite, vous avez

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1 utilisé les termes "d'influence," "de contrôle de la zone" et vous avez dit

2 que : "Lorsqu'on dit que l'UCK contrôlait cette zone, on pourrait dire

3 qu'au début c'était le poisson dans le bocal, ensuite que ce sont les

4 Serbes qui sont devenus le poisson dans le bocal au regard de la

5 population," vous avez une fois encore utilisé les termes d'influence, de

6 contrôle.

7 Puis pour terminer, vous nous avez parlé de la zone de Dukadjin en

8 disant, je cite : "Cela ne veut pas dire que l'UCK possédait toute cette

9 zone, on pourrait plutôt parler d'influence de l'UCK sur cette région. Je

10 pense qu'il serait nécessaire de donner des explications supplémentaires."

11 On voit qu'à plusieurs reprises vous avez parlé de "contrôle," "de

12 contrôle théorique, formel" ou "d'influence". Et vous avez vous-même dit au

13 sujet de Dukadjin qu'il serait nécessaire de fournir des explications

14 supplémentaires à la Chambre. La Chambre voudrait les entendre.

15 Maître Emmerson.

16 M. EMMERSON : [interprétation] Je veux être sûr que nous parlons tous bien

17 de la même chose. Lorsque le témoin parlait de ce contrôle théorique,

18 formel, il expliquait que certaines routes avaient été le théâtre de

19 barrages, et dans le cadre de mon contre-interrogatoire, je vais lui

20 demander quelles en étaient les conséquences sur le territoire concerné.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsqu'il vous a parlé de 50 ou 60 %, de

22 trois ou quatre routes --

23 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, c'est un aspect de sa déposition.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. EMMERSON : [interprétation] La question que vous venez d'évoquer a trait

26 à une carte sur laquelle il a dessiné une ligne rouge. Si le témoin répond

27 à cette question, il faut lui présenter la carte. C'est ce que j'avais

28 d'ailleurs l'intention de faire au début du contre-interrogatoire.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas sais pas s'il a dit s'il

2 aura besoin de cette carte, mais en tout cas, il a dit qu'il pourrait

3 fournir des explications supplémentaires. Est-ce que vous aurez besoin de

4 cette carte, Monsieur Crosland ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce serait sans doute plus facile pour la

6 Chambre parce qu'il est possible que certains d'entre nous ne connaissent

7 pas les noms des localités et des villages. Ce serait peut-être mieux

8 d'avoir cette carte.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais vous expliquer comment nous

10 souhaitions procéder au contre-interrogatoire à partir des documents qui

11 nous ont été communiqués.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Nous avons deux dossiers pour notre contre-

14 interrogatoire. D'abord, un dossier vert qui est moins volumineux que

15 l'autre et dont vous disposez. Le deuxième c'est un dossier beaucoup plus

16 volumineux, bleu. J'espère que nous n'en avons pas besoin. Je vais surtout

17 utiliser le dossier vert. A l'intercalaire 1 du dossier vert, vous avez

18 cette carte 6 qu'hier nous avons essayé en vain d'examiner à l'écran. Je le

19 répète, cette carte que le témoin a annotée hier se trouve à l'intercalaire

20 1 du classeur qui vous a été remis.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Crosland, à un moment donné de

22 votre déposition, vous avez dit qu'il serait peut-être nécessaire de

23 fournir des explications supplémentaires sur ce point. Là je ne fais

24 référence qu'au premier passage de votre déposition quand vous avez utilisé

25 les mêmes termes et que vous en avez expliqué certains mais peut-être pas

26 en détail. Quelles sont les explications que vous souhaiteriez ajouter, ça

27 c'est la première chose.

28 J'aimerais que la carte soit présentée au témoin. C'est la carte qui a été

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1 annotée au milieu.

2 Monsieur Crosland, vous allez voir la carte apparaître à l'écran.

3 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Pendant que nous attendons, une

4 question supplémentaire si vous le permettez -- afin de bien comprendre la

5 situation, pourrions-nous, Monsieur Crosland, revenir à cette question de

6 "technical control," "contrôle formel" qui a suscité un certain nombre de

7 questions pour moi et je pense que cela intéresse également les autres

8 Juges. Il s'agit là de termes militaires, si j'ai bien compris, ce terme de

9 "technical control," qu'est-ce qu'on peut opposer à cette notion de

10 contrôle formel ou technique --

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse d'avoir jeté la confusion dans vos

12 esprits.

13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Pas du tout.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de faire la lumière sur tout

15 cela.

16 Quand on essaie de comprendre la situation au Kosovo, il faut

17 constamment suivre ce qui se passe chez les deux parties en présence dans

18 ce conflit potentiel. Le conflit, comme je l'expliquais hier, il a commencé

19 après l'incident de Donji Prekaz, c'est mon opinion. Il a ensuite continué

20 en 1998 et en 1999, vous le savez pertinemment. Pour arriver à mieux

21 comprendre la situation, une de mes initiatives -- moi en partie qui en

22 était à l'origine, ça a été d'aller trouver l'Armée de libération du Kosovo

23 pour essayer de donner une image plus équilibrée, plus juste de ce qui se

24 passait. Comme je l'ai expliqué, il s'agissait là d'une zone

25 opérationnelle, il y avait des opérations sur ce terrain. Il est assez

26 exceptionnel que le MUP et la VJ aient autorisé des étrangers comme moi à

27 venir travailler dans cette zone, une zone opérationnelle où la situation

28 était extrêmement dangereuse pour tous ceux qui étaient présents.

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1 Il faut aussi se rappeler qu'au début de l'année 1998, l'Armée de

2 libération du Kosovo c'était une institution extrêmement fragile qui avait

3 très peu de cohérence entre ses différents groupements et surtout dans un

4 pays qui n'était pas très favorable à une à une guérilla parce que les

5 Serbes disposaient d'armement lourds à longue portée, ils pouvaient

6 facilement toucher ces groupes et eux ils n'étaient pas en mesure de

7 répondre. Donc pour essayer de se faire une idée juste de la situation sur

8 le terrain, il fallait essayer de se rendre sur place, il fallait essayer

9 de gagner la confiance de l'UCK afin de donner une image plus juste, plus

10 véridique de la situation sur le terrain.

11 Au début, je l'ai expliqué, ça s'est fait par le truchement de

12 contacts à caractère politique à Pristina, sans oublier que

13 M. Holbrooke et d'autres représentants de la communauté internationale,

14 comme M. Ashdown sont venus dans la région.

15 M. Holbrooke est venu à Junik, si bien que la communauté internationale a

16 commencé à s'intéresser à ce qui se passait sur le territoire, de ce qui

17 était encore le territoire souverain de la Serbie.

18 J'essaie de vous expliquer que nous essayons de brosser un tableau

19 équitable de la situation dans les rapports de situation, dans les

20 télégrammes diplomatiques et aussi dans le cadre des conversations

21 téléphoniques avec Belgrade, Londres et autres, au fur et à mesure que la

22 situation elle-même se développait. Hier, je crois qu'on s'est un peu

23 embourbé. Excusez-moi de vous le dire, dans ces explications il y a

24 forcément des lacunes dans ce système de compte rendu, il y a des choses

25 qui ne sont pas dites, parce que quand le TPIY a pris contact avec le

26 ministère de la Défense à Londres en 1999, au début des procédures devant

27 ce Tribunal un certain nombre de documents ont été remis au TPIY. Certains

28 de ces documents sont caviardés, enfin tel qu'il n'est pas très familier.

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1 Je veux dire qu'ils ont été expurgés. Ce sont les passages noircis qu'on

2 voit dans ces documents. Tous les documents n'ont pas été communiqués, si

3 bien qu'il y a un certain nombre de lacunes, et peut-être ce qui explique

4 une certaine confusion quant aux événements qui se sont déroulés à tel ou

5 tel endroit.

6 En ce qui me concerne personnellement, j'ai fait de nombreuses

7 déclarations, mais avec l'habitude qu'on a du copier-coller dans notre

8 civilisation, ça peut-être entraîné un certain nombre de confusions. Des

9 dates n'ont peut-être pas été montées avec exactitude, ou il y a peut-être

10 eu des erreurs. Je vous prie de m'en excuser. J'espère que ceci constitue

11 un début de réponse à l'une de vos questions.

12 En ce qui concerne ce contrôle technique ou formel, j'avoue qu'après les

13 incidents de Donje Prekaz sur tout le territoire du Kosovo avec des

14 attaques de l'UCK, des représailles du MUP et de la VJ en avril, en mai,

15 selon moi, les Serbes ont reconnu qu'il y avait trois des quatre groupes

16 qu'ils ne contrôlaient pas. Ils étaient bloqués, je l'ai déjà dit, à

17 certains endroits. Si on commence par le nord c'était Rakos, à l'extérieur

18 de Rudnik, à Likosane sur la route Pec à Pristina, puis à l'extérieur de

19 Stimlje au sud d'Urosevac. La route de montagne de Skopje [phon] était la

20 seule route qui était ouverte. Cette situation a perduré, si je me souviens

21 bien, jusqu'à une offensive majeure lancée par les Serbes à la fin de

22 l'été. Ils ont récupéré ces trois axes routiers.

23 Ces axes routiers étaient bloqués par des troncs d'arbres, des

24 véhicules et de positions de défense que je qualifierais d'extrêmement

25 mineures. J'ai eu l'occasion de passer sur ces axes routiers à plusieurs

26 reprises. Il y avait peut-être là une vingtaine, une trentaine de

27 combattants présents au maximum. Il est indéniable qu'ils auraient pu, en

28 cas de besoin, faire appel à d'autres hommes, mais si on regarde les

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1 effectifs potentiels des forces de sécurité serbes contre ces hommes, on

2 peut dire que ce n'était qu'un contrôle formel. On les autorisait à

3 contrôler ces zones. C'était un contrôle purement de forme. Pourquoi est-ce

4 que c'était le cas ? Je ne sais pas. Je n'ai jamais reçu d'explication sur

5 ce point de la part des forces de sécurité serbes.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là vous nous donnez une réponse d'ordre

7 général. Vous vous dites un peu surpris de l'attitude des Serbes qui ont

8 permis à cette situation d'exister. Cela c'est une question générale. Hier,

9 vous avez porté des annotations très précises sur la carte en indiquant au

10 moyen d'un trait rouge une zone centrale, et cetera. A ce moment-là, vous

11 avez dit que l'UCK ne possédait pas toute cette zone, il valait mieux

12 parler d'influence de l'UCK. A ce sujet, il conviendrait de fournir des

13 explications supplémentaires. Est-ce que l'explication est du même ordre

14 que celle que vous venez de donner ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] La zone que nous sommes en train d'examiner,

16 la zone de Dukadjin c'est une zone que personne n'est arrivé à franchir

17 pendant les deux ans et demi que j'ai passés sur place. C'était une zone

18 extrêmement difficile. On signalait la présence de mines sur de nombreux

19 chemins et l'expérience dictait dans ce cas que si ce n'était pas

20 véritablement nécessaire de se rendre dans la région, il valait mieux s'en

21 abstenir. Les Serbes pouvaient, en contrôlant les routes, endiguer les

22 forces adverses. Je ne suis pas forcément d'accord avec cette manière de

23 procéder, mais c'est cette stratégie qu'ils ont suivie.

24 Il arrivait que les forces serbes fassent des descentes, sortent un

25 petit peu de la route, soumettent les maisons environnantes à des

26 traitements assez destructeurs, ensuite ils redonnaient la route. Voilà ce

27 qui se passait le long de ces routes de Pec à Klina jusqu'à Djakovica,

28 ensuite, en remontant à Pec. Ces axes routiers servaient de points de

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1 départ, mais pas très souvent. Je me rappelle qu'une fois les Serbes nous

2 ont demandé d'aller avec eux sur un site qui était présenté comme un site

3 de massacres près de Glodjane, dans un canal de béton.

4 Je crois qu'ils ne sont pas aventurés à plus de 5 kilomètres de la

5 route parce que là ils entraient en territoire inconnu. C'est la raison

6 pour laquelle j'ai déclaré, que selon moi et selon mon opinion personnelle,

7 selon moi cette zone c'était une zone de l'UCK et les Serbes, à la

8 périphérie, essayaient de dominer la zone en procédant à des tirs indirects

9 avec des chars, avec des armes antiaériennes, des véhicules antiaériens,

10 des véhicules de transport de troupes et en pilonnant la zone.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que vous voulez dire quand vous

12 expliquez que l'UCK ne possédait pas toute cette zone, mais quelle était

13 plus ou moins contrainte d'y rester parce qu'on la repoussait si elle

14 s'approchait de la périphérie.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai expliqué hier, la situation

16 était constamment changeante, parce qu'aucune des deux parties en présence

17 ne contrôlait de points particuliers à part, bien entendu, les villes de

18 garnison où se trouvaient les forces de sécurité serbes. Il faut savoir, je

19 l'ai dit hier d'ailleurs, que vous aviez la population où les Albanais

20 étaient cinq fois ou six fois plus nombreux que les Serbes. Les Serbes

21 étaient en désavantage numérique dans la majorité des cas, sachant aussi

22 qu'il y avait tous les Albanais déplacés de leurs villages, ça c'est autre

23 chose.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Crosland.

26 Maître Emmerson, êtes-vous prêt à procéder au contre-interrogatoire ?

27 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Je voudrais d'abord poser la question

28 du temps.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais faire de mon mieux pour en terminer

3 aujourd'hui de mon contre-interrogatoire si c'est humainement possible.

4 Mais il me semble que j'ai, d'ores et déjà, indiqué que nous avons aussi

5 affaire à un témoin pour lequel j'aurai sans doute besoin de plus de temps

6 que d'ordinaire. Certaines des questions que vous venez de poser,

7 auxquelles il a déjà répondu, soulèvent des questions qui peuvent se

8 révéler fondamentales au vu de l'acte d'accusation et de la théorie

9 présentés par l'Accusation. Il faut donc que j'aie la possibilité

10 d'explorer la chose avec le témoin en utilisant des documents réalisés à

11 l'époque et qui peuvent lui rafraîchir la mémoire sur la situation à

12 l'époque. Tout ceci, bien entendu, est en rapport avec l'acte d'accusation.

13 Je souhaite simplement vous dire qu'il est possible --

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, la Chambre, bien

16 entendu, serait ravie que vous puissiez en terminer de votre contre-

17 interrogatoire aujourd'hui, mais vu la manière dont le temps imparti est

18 utilisé par les parties jusqu'à présent, nous savons que vous avez annoncé

19 clairement que vous avez besoin de plus de temps pour contre-interroger M.

20 Crosland. Il ne faut surtout pas vous priver du droit de contre-interroger

21 le témoin comme il se doit.

22 M. EMMERSON : [interprétation] Merci.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

24 LE TÉMOIN: JOHN CROSLAND [Reprise]

25 [Le témoin répond par l'interprète]

26 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :

27 Q. [interprétation] Avant de commencer par des questions d'ordre général

28 le sujet de déploiement serbe, je voudrais revenir sur les questions posées

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1 par les Juges. Premièrement, celle du contrôle des axes routiers allant de

2 l'est à l'ouest, et deuxièmement s'agissant des incursions dans la zone qui

3 a été délimitée grâce à un trait rouge sur la carte.

4 R. Oui.

5 Q. Il y peut-être une question d'ordre linguistique qui se pose avec

6 l'utilisation de ce mot anglais "technically." J'ai eu l'impression en

7 écoutant M. Le Juge Hoepfel, qu'il avait l'impression que quand on parle de

8 contrôle technique, c'est un terme militaire.

9 Permettez-moi de vous poser la question suivante en vous rappelant ce que

10 vous avez répondu dans l'affaire Milaj.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je signale que cela se trouve à la page 2

12 009 de ce compte rendu, ligne 2.

13 Q. Me Mansfield vous interroge, il vous dit : "En conséquence, ce que vous

14 disiez dans votre évaluation c'est que l'efficacité apparente de l'UCK et

15 son contrôle dans cette zone était exagérée dans l'esprit d'autres, parce

16 que sur le terrain, en fait, ce contrôle était relativement peu solide;

17 est-ce que c'est exact ?"

18 Ce à quoi vous avez répondu : "Je ne serais pas forcément en

19 désaccord avec vous."

20 Il poursuit en disant : "Un exemple. Vous nous avez parlé de ces

21 trois routes qui ont été coupées. Il me semble qu'à un moment donné, quand

22 vous avez relaté la chose, vous avez expliqué que le simple fait qu'ils

23 aient été en mesure d'empêcher le passage sur ces routes ne signifiait

24 nullement qu'ils contrôlaient le territoire situé entre ces trois routes

25 même si certains partaient du principe que c'était le cas ?"

26 Ce à quoi vous avez répondu : "Oui, hier je l'ai dit, j'ai dit que je

27 n'étais pas d'accord avec ceux qui affirmaient qu'ils contrôlaient 35 ou

28 65 % du territoire. Je dirais également, je rappellerais également, j'ai

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1 toujours dit que la façon dont les autorités serbes utilisaient leur force

2 n'était pas appropriée."

3 Est-ce que cela nous donne des explications supplémentaires sur cette

4 question de "contrôle technique, formel" ?

5 R. Oui, effectivement. Mais il faut bien savoir de quel moment on

6 parle. Là vous êtes en train de parler de mars à juin, peut-être même

7 juillet, comme d'autres le faisaient.

8 Q. Oui.

9 R. Quand je dis qu'on parlait de routes coupées, de routes bloquées, quand

10 je disais que c'était technique ou formel, c'est parce que, selon moi, en

11 tant qu'homme d'expérience en la matière, ce n'était pas le cas.

12 Q. Je reviens à la question du Juge Hoepfel. En fait, si j'ai bien

13 compris, vous dites que ce n'était pas un contrôle de fait, c'était un

14 contrôle purement formel. Il n'y avait pas de contrôle du territoire entre

15 ces routes ?

16 R. J'essaie de répondre aussi honnêtement que possible. Du point de vue

17 militaire, je ne pense pas que ces véhicules, que ces points de contrôle

18 représentaient une menace quelconque face à une attaque serbe ou

19 déterminée, si les Serbes avaient été préparés à lancer une telle attaque.

20 Q. Merci.

21 R. Je ne peux pas vous donner le pourquoi de la chose.

22 Q. Tout à fait. Je reviendrai sur ce point et on reparlera de cette zone

23 que vous avez délimitée sur la carte de manière détaillée hier après-midi.

24 Mais je voudrais commencer mon contre-interrogatoire en vous interrogeant

25 sur le déploiement des forces de sécurité et des forces militaires serbes.

26 J'aimerais savoir quelle était la structure de ces forces. Je voudrais

27 savoir ce qu'il en est du modus operandi des forces serbes dans cette

28 période 1998/1999. J'aimerais vous poser quelques questions au sujet des

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1 structures de commandement des responsabilités du côté serbe, de la

2 hiérarchie de ces personnes concernées. Ensuite, je passerai en revue

3 certains nombres de documents de la VJ, de rapports de situation, puis de

4 documents venant d'autres organisations, ce qui nous permettra de brosser

5 un tableau de la situation sur le terrain. Ensuite, j'en arriverai vers la

6 fin de mon contre-interrogatoire au canal.

7 Je vais commencer par vous poser un certain nombre de questions au sujet du

8 déploiement militaire. Pour ce faire, j'aimerais que vous vous munissiez du

9 classeur vert et que vous passiez à

10 l'intercalaire 6.

11 A l'intercalaire 6 nous devrions trouver un télégramme diplomatique

12 du 26 mars 1998, qui porte sur les questions de sécurité. On y retrouve

13 votre évaluation des forces de sécurité serbes à la fin mars. Vous dites au

14 paragraphe 2, qu'il s'agissait de lancer une action commune dans la zone de

15 Decani-Gjakove,

16 Drenica-Lausa-Vognik. Je voudrais tout à fait comprendre de quoi il s'agit.

17 Mais auparavant, quelques questions au sujet du déploiement de la VJ

18 et de quelques personnes en particulier -

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re.

20 M. RE : [interprétation] Je ne veux pas interrompre mon confrère, mais

21 j'aimerais que les choses soient précisées pour qu'on ne s'y perde pas. Il

22 s'agit de la pièce P927 dans l'affaire Limaj.

23 Nous avons nous-mêmes répertorié ces documents d'une autre manière. Ce

24 serait bien que mon confrère puisse nous dire quel est leur numéro de

25 référence dans notre classeur.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Cela ne va pas être possible. J'ai rassemblé

27 ce document avec d'autres. Je peux vous donner la liste, je l'ai remise au

28 greffe, mais je ne vais pas perdre de temps à essayer de faire le lien avec

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1 les pièces qui nous ont été remises hier.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On verra au fur et à mesure.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, tout à fait.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense qu'effectivement cela apparaîtra

6 clairement.

7 Q. Premièrement, déploiement de la VJ. Hier vous avez répondu à un certain

8 nombre de questions sur ce point. Premièrement, à ce moment-là, à la fin du

9 mois de mars, quels étaient les effectifs de la VJ au Kosovo selon vous,

10 les effectifs totaux ?

11 R. Comme je l'ai dit hier, les unités principales du 52e Corps de

12 Pristina, à Pristina. Voilà l'unité principale. Il y avait également des

13 unités de la 3e armée qui étaient à Nis. Ils avaient à l'époque des bases

14 au Kosovo, entre dix et 14 000 hommes à Prizren, Urosevac, Pristina et

15 Gnjilane; trois ou quatre zones où il y avait des brigades. Voici donc la

16 nature des forces serbes dans leur déploiement initial. On peut dire sans

17 se tromper que c'étaient les forces "légales". Enfin, peut-être le mot

18 n'est-il pas bien choisi, mais enfin il s'agissait des forces avancées au

19 Kosovo.

20 Q. Oui. Je vais parler des autres forces plus tard. Maintenant parlons des

21 hommes. Le numéro 1 de l'état-major de la VJ à l'époque sur place, c'était

22 - ou plutôt de la VJ, c'était le général Perisic, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Il se trouvait à Belgrade ?

25 R. Oui.

26 Q. Il ne venait pas régulièrement au Kosovo ?

27 R. Il lui arrivait de venir à Kosovo et il venait de plus en plus

28 fréquemment au fur et à mesure que la situation se détériorait.

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1 Q. Le chef de la sécurité militaire au sein de l'état-major principal

2 c'était le général Dimitrijevic ?

3 R. C'était le chef du contre-espionnage.

4 Q. Chef du contre-espionnage. On peut donc dire que c'était un des

5 officiers de plus haut rang au sein de la VJ ?

6 R. [aucune interprétation]

7 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Ralentissez un petit peu votre début.

8 M. EMMERSON : [interprétation]

9 Q. Maintenant si on parle du Kosovo et du 52e Corps d'armée de Pristina.

10 Le général Pavkovic, c'était lui qui était à la tête du

11 52e Corps de Pristina ?

12 R. Oui.

13 Q. A partir de mars --

14 R. Ensuite, je crois qu'il a pris le commandement de la

15 3e Armée, ensuite il est devenu chef de l'état-major général.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson --

17 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- Monsieur le Témoin, vous parlez tous

19 deux la même langue. Veuillez observer des pauses entre vos questions et

20 vos réponses respectives; faute de quoi, la sténotypiste n'est pas en

21 mesure de vous suivre.

22 M. EMMERSON : [interprétation] Je m'excuse auprès de la sténotypiste et des

23 interprètes.

24 Q. Il y a quelques instants, je vous ai parlé du général Pavkovic.

25 Dirigeait-il le 52e Corps de Pristina pendant toute la période de mars à

26 octobre 1998 ?

27 R. Si ma mémoire est bonne, oui.

28 Q. Le général Ojdanic, à quel moment entre t-il sur scène et en quelle

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1 qualité au Kosovo ?

2 R. Le général Ojdanic était chef de l'état-major de la VJ basé à Belgrade.

3 Il a produit un rapport qu'il a présenté à l'association des attachés à

4 Belgrade. Il me semble que c'était le 27 ou 28 août. Ce rapport visait à

5 informer les uns et les autres de la situation.

6 Q. Quel est le lien hiérarchique entre le général Perisic et le général

7 Ojdanic ?

8 R. Le général Ojdanic répondait directement aux ordres du général Perisic

9 dans le cadre du Grand état-major de la VJ.

10 Q. Je vous remercie. Je voudrais maintenant que l'on passe au niveau

11 inférieur de cette structure hiérarchique et que l'on parle du déploiement

12 de la VJ dans la partie occidentale du Kosovo et dans le secteur qui nous

13 intéresse, celui donc que l'on voit sur la carte. A l'époque, n'est-ce pas,

14 il y avait deux brigades principales de la VJ, et si le jargon militaire

15 n'est pas exact, n'hésitez pas à me corriger. D'abord la 125e, commandée par

16 colonel Dragan Zivanovic, basée à Peje --

17 R. A Pec.

18 Q. A Pec, pardon. Il y avait également la 549e, commandée par Bozidar

19 Delic, et cet organe était basé à Prizren ?

20 R. C'est exact.

21 Q. La ligne de démarcation entre la zone de responsabilité de chacune de

22 ces brigades était-elle claire, pour vous, entre la 549e et 125e ?

23 R. Je ne me souviens pas, Monsieur.

24 Q. Nous avons examiné la route de Peje à Gjakove --

25 R. Oui.

26 Q. -- et d'après vos souvenirs, cette route séparait-elle leur zone de

27 responsabilité ?

28 R. Oui, je pense que la ligne de séparation entre la zone de

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1 responsabilité devait se trouver à proximité de Decani.

2 Q. Oui.

3 R. [aucune interprétation]

4 Q. Je me permets de préciser que je pense que c'est là une estimation

5 assez fidèle à la réalité.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, je comprends peut-être

7 mal l'anglais, mais j'ai mal compris les termes que vous venez d'utiliser.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, c'est "guesstimate" en anglais. Cela

9 veut dire que c'est une estimation qui, disons, prend en considération le

10 degré d'incertitude de cette estimation. En fait, c'est un mot que je

11 risque de réutiliser par la suite.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Poursuivez.

13 M. EMMERSON : [interprétation]

14 Q. Bien. Le contexte ayant été défini, il me semble que vous comprenez que

15 l'une des fonctions de la VJ était de garder les frontières et les limites

16 de sa zone de responsabilité en quelque sorte ?

17 R. Avant cela, je pense que quelqu'un nous avait expliqué les choses en

18 grand détail. En fait, quelqu'un m'avait dit que mon évaluation était

19 erronée. Toutefois, lorsque je suis devenu attaché de Défense et que je

20 suis allé à Belgrade dans le cadre du service de liaison étrangère, j'ai

21 cru comprendre que la VJ primait et qu'elle contrôlait les zones

22 frontalières et leurs environs, les frontières internationales de l'ex-

23 Yougoslavie, entre 500 mètres et 2 kilomètres à peu près. Par conséquent,

24 il me semble que la plupart de l'intérieur relevait du MUP et était placé

25 sous le contrôle du MUP, dont le ministère de l'Intérieur de la police et

26 de toutes les formations pertinentes.

27 Q. Bien. Quelle qu'ait été la position, il me semble que la compréhension

28 que vous avez eue à ce moment-là de la position qui était de la VJ, a eu

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1 une incidence directe sur la manière dont vous avez mené à bien vos

2 observations, parce que vous essayiez de voir, de manière constante, si

3 vous pouviez rassembler des informations confirmant que les forces de la VJ

4 prenaient part à des actions militaires qui visaient directement l'UCK ?

5 R. Oui, c'est exact, en effet. Le conflit a pris de l'intensité, et il est

6 devenu évident que des éléments de la VJ, et en particulier du matériel de

7 la VJ, avait été peint en bleu et non plus en vert. Il s'agissait surtout

8 de transporteurs de troupes blindés, il s'agissait également de BOV-3, des

9 armes antiaériennes, des armes antiaériennes à trois canons - c'est pour

10 cela qu'on les appelle des BOV-3 - toutes ces armes qui étaient alors

11 rattachées au MUP.

12 Q. C'est quelque chose que vous scrutiez avec attention, n'est-ce pas,

13 parce que d'après ce que vous aviez compris, la VJ n'aurait pas dû

14 participer à ce genre d'opérations ?

15 R. Non, pas tout à fait. Il serait impoli pour moi de dire à un autre pays

16 comment ce pays devait mener à bien ses opérations militaires. Ce qui me

17 préoccupait, c'était la quantité de forces qui était déployée et qui me

18 semblait disproportionnée par rapport à la force de guérilla qui

19 constituait la partie adverse.

20 Q. Oui. Je vais en venir à cet aspect de l'usage disproportionné de force.

21 Sur ce point, vous nous avez dit que des véhicules avaient été peints en

22 bleu plutôt qu'en vert. J'aimerais que tout le monde saisisse l'importance

23 de cela. Etes-vous en train de nous dire que des véhicules de la VJ et des

24 armes lourdes, qui vertes, auraient été identifiées comme appartenant à la

25 VJ, que ces véhicules et ces armes avaient été peints en bleu afin de

26 donner l'impression que ces différents éléments faisaient partie de la

27 police régulière utilisée par le MUP ?

28 R. C'est exact.

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1 Q. Bien. Parmi ces différentes armes vous avez évoqué les

2 BOV-3. Il s'agit, me semble-t-il, d'un canon antiaérien lourd, n'est-ce pas

3 ?

4 R. Oui.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais une question, s'il vous plaît,

6 pour tirer quelque chose au clair. Vous avez dit que cet équipement avait

7 été peint en bleu alors qu'il était en vert auparavant. Etes-vous en train

8 de nous dire que les équipes restaient les mêmes, toutefois, ou bien qu'en

9 plus de la couleur, les équipes étaient échangées ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous confirmer si ce personnel

11 a été changé.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous comprenez ce que je veux dire --

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais savoir si des personnels de

15 police ont remplacé le personnel de la VJ ou si c'était les mêmes équipes ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai bien compris votre question, Monsieur le

17 Président. Je ne peux pas vous confirmer de l'existence de ce changement ou

18 pas. Ce que j'ai dit à plusieurs reprises c'est qu'il s'agit là d'armes

19 extrêmement lourdes et que tout ceci avait été repeint en bleu afin de

20 jeter la confusion dans l'esprit des gens pour leur faire croire que

21 c'était là un type d'équipement tout à fait normal appartenant au MUP.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ce matériel normal ou pas

23 était utilisé par le MUP ou pas ? Vous ne pouvez pas répondre ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne peux pas répondre à cette question.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Nous allons progresser dans les questions et

27 la chose devrait devenir tout à fait claire une fois ces documents

28 examinés.

Page 3039

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parfait.

2 M. EMMERSON : [interprétation]

3 Q. Les BOV-3 sont conçues pour être utilisées dans le cadre d'opérations

4 antiaériennes, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Dans la campagne serbe menée au Kosovo, à quelles fins ont-elles été

7 utilisées ? Le savez-vous ?

8 R. Elles ont servi à l'appui pour tirer dans des villages ou des maisons

9 qui se trouvaient le long de la route à l'appui des opérations de sécurité

10 serbes qui avaient lieu à l'époque.

11 Q. Par conséquent, en réalité, ces armes étaient utilisées contre des

12 personnes et contre des biens et non pas contre des cibles aériennes ?

13 R. C'est exact.

14 Q. A votre connaissance, du point de vue du principe, ceci est-il conforme

15 aux dispositions des conventions de Genève ?

16 R. Je l'ai déjà dit, il ne me semble que ceci respecte les dispositions

17 des conventions de Genève; même si moi-même j'ai été pris pour cible d'une

18 telle arme antiaérienne aux Malouines, alors il ne s'agissait peut-être que

19 d'une vengeance.

20 Q. La raison à tout cela, ce manque de cohérence, en quelque sorte, ce

21 manque absolu de proportionnalité dans l'usage de ces armes lourdes, des

22 armes qui ont été utilisées de manière tout à fait aléatoires contre des

23 civils et des cibles civiles, n'est-ce pas ?

24 R. Oui. C'est exact, Monsieur, et je crois que nous disposons de nombreux

25 là-dessus. Il y a beaucoup de mes rapports qui font état de dégâts

26 extrêmement importants au cours du printemps ou de l'été et jusqu'à

27 l'automne, et après 1998, et au cours de l'année 1999 également.

28 Q. J'aimerais qu'on s'intéresse maintenant plus précisément à la partie

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1 occidentale du Kosovo. Vous avez vu ces armes antiaériennes lourdes peintes

2 en bleu se déplacer dans la région occidentale du Kosovo ?

3 R. Oui.

4 Q. Fréquemment ?

5 R. Oui.

6 Q. A votre connaissance, utilisait-on ces armes pour pilonner les villages

7 que l'on voit sur ces cartes ?

8 R. Oui, cela apparaissait d'une manière assez claire. Je crois que les

9 chars, les chars lourds avaient également été utilisés.

10 Q. J'en arrive maintenant à ce DipTel --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, permettez-moi une

12 question. La question a été de savoir : "Si ces armes avaient été utilisées

13 pour pilonner les villages que l'on voit sur ces cartes."

14 Parlez-vous de tous les villages ou de certains de ces villages --

15 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais y venir en temps opportun.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis assez certain qu'à la fin de ce

18 contre-interrogatoire vous aurez fait fi de me demander davantage de

19 détails, mais vous prierais pour que je n'en donne plus.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois.

21 M. EMMERSON : [interprétation]

22 Q. Vous avez dit, "vous," puisqu'il s'agit d'éléments qui figurent dans un

23 télégramme signé de votre main, le 26 mars, télégramme qui figure à

24 l'intercalaire 6, pour le compte rendu - vous dites que c'est votre

25 évaluation, que les forces de sécurité de Serbes étaient sur le point de

26 mener une frappe conjointe dans deux secteurs donnés, l'une d'entre elles

27 étant, bien sûr, la zone qui vous intéressait, à savoir Decani-Djakovica;

28 c'est exact ?

Page 3041

1 R. Oui.

2 Q. Dans le paragraphe suivant, paragraphe 3, vous décrivez deux niveaux de

3 forces. Alors, nous ne parlons plus de la VJ ici, n'est-ce pas ?

4 R. Non.

5 Q. Nous parlons des forces conjointes de la police, de la police spéciale

6 et des forces de la Sûreté de l'Etat, les RDB, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Bien. Il s'agissait simplement de rappeler cela pour mieux comprendre

9 le contenu de ce télégramme diplomatique. D'abord, au point 3(A) vous

10 parlez de la section périphérique extérieure. Vous décrivez ensuite, A, B,

11 et C. Vous parlez ensuite d'un cordon intérieur et d'une force d'assaut. Et

12 vous parlez d'un cercle extérieur capable de déployer de 8 à 10 000 membres

13 du MUP dans le cadre d'un déploiement en milieu urbain, dans le cadre du

14 contrôle de mouvements de foule, dans lesquels viendraient intervenir des

15 éléments perturbateurs. Il y a également des véhicules venus d'Ivangrad et

16 d'autres endroits qui, me semble, sont au Monténégro, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, effectivement, Novi Pazar et Mitrovica.

18 Q. Je reviendrai à ces éléments perturbateurs dans un instant. Lorsque

19 l'on parle de 8 à 10 000 hommes, il s'agit bien d'hommes des forces

20 régulières du MUP ?

21 R. Oui, effectivement, c'est une référence aux forces régulières du MUP

22 déployées dans la province du Kosovo et aux alentours.

23 Q. Tout Kosovo ?

24 R. Oui.

25 Q. Ensuite, il y a un cordon intérieur de 5 à 700 PJP avec un cercle

26 intérieur de VCP, c'est-à-dire des postes de contrôle destinés à contrôler

27 les véhicules dans la zone opérationnelle avec un appui de 10 à 15

28 transporteurs de troupes blindés équipés de canons lourds.

Page 3042

1 D'abord, vous allez nous expliquer ce que sont ces PJP.

2 R. Oui, la PJP c'est une unité de police spéciale qui, si je puis dire,

3 est assimilable à des forces chargées du contrôle des émeutes. Nous n'avons

4 pas véritablement d'équivalent en Grande-Bretagne, mais ils étaient là pour

5 assumer un certain nombre de fonctions d'infanterie et des fonctions

6 élémentaires tandis que le MUP était chargé de ce cordon extérieur et qu'il

7 devait assurer la sécurité à l'extérieur de cette poche pendant que

8 l'attaque serait menée à bien, attaque à laquelle la PJP allait apporter

9 son concours. Elles étaient bien armées, beaucoup plus agressives et

10 venaient, comme je l'ai dit, de plusieurs régions extérieures au Kosovo.

11 Nous l'avons vu aux plaques d'immatriculation des véhicules.

12 Q. J'aimerais vous interrompre un instant. Vous avez parlé de "ce cercle

13 extérieur, de ce cordon intérieur et de la force d'assaut." J'aimerais

14 savoir s'il s'agissait là en réalité des cercles concentriques au centre

15 desquels l'attaque aurait été menée à bien ?

16 R. Oui, le mode opératoire était le suivant : le secteur allait être

17 contrôlé par le cordon extérieur de manière à faire en sorte que personne

18 ne rentre dans cette zone.

19 Q. Cela c'est le MUP qui s'en chargeait ?

20 R. En effet. A l'intérieur il y aurait une force d'infanterie légère qui

21 était disponible pour apporter son soutien à une force d'assaut bien

22 particulière, les SAJ, les autres qui étaient spécialistes dans ces

23 opérations d'attaque et d'assaut.

24 Q. Je vous interromps un instant. Nous avons ce cercle extérieur constitué

25 par le MUP qui contrôle le secteur. Ensuite, nous avons ce que vous avez

26 décrit comme étant des zones d'infanterie. Je crois que dans une autre

27 partie de votre témoignage, dans une autre des affaires dans lesquelles

28 vous avez témoigné, vous avez utilisé le terme de "fantassins d'infanterie,

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1 de policiers qui n'en étaient pas." Qu'est-ce que cela veut dire exactement

2 ? Y a-t-il une connotation particulière ?

3 R. Oui. Cela dit bien ce que cela veut dire. Ils portaient un uniforme

4 particulier, celui de la PJP. Leur formation était portée surtout sur le

5 contrôle des émeutes. Ils étaient très entraînés. Il s'agissait en réalité

6 d'une section antiémeute de la police.

7 Q. Ils étaient armés d'armes automatiques ?

8 R. Exactement.

9 Q. Le fer de lance de cette attaque était les forces qui provenaient soit

10 de la SAJ soit du JSO; c'est bien ce que vous avez dit dans votre rapport ?

11 R. En effet.

12 Q. Bien, avant de passer au SAJ et JSO, j'aimerais vous poser une ou deux

13 questions s'agissant des membres de la PJP. Vous indiquez ici une

14 estimation du nombre d'hommes qui formaient ce groupe. Avez-vous jamais

15 rencontré un groupe affilié à la PJP ou oeuvrant à ses côtés portant le

16 même uniforme, un groupe appelé Mundza ?

17 R. Non.

18 Q. Vous n'en avez pas entendu parler ?

19 R. Non.

20 Q. Avez-vous jamais vu des officiers de la PJP en uniforme avec un éclair

21 sur leur bras ?

22 R. Non, je n'en ai pas le souvenir.

23 Q. Très bien. J'aimerais maintenant que nous parlions des SAJ et des JSO,

24 les forces spéciales d'assaut. Parlons d'abord de ces hommes SAJ, qui

25 étaient-ils ? Comment les décririez-vous ? Quelles armes et quels uniformes

26 avaient-ils ?

27 R. Comme je l'ai dit hier, l'unité antiterroriste était composée sans

28 doute de 200 hommes, puis il y avait la JSO qui était aussi une autre unité

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1 antiterroriste.

2 Q. Donc, il y avait deux unités antiterroristes, armées et entraînées, et

3 pour revenir un instant sur la SAJ, connaissiez-vous une unité SAJ ou une

4 unité rattachée à la SAJ connue sous le nom de "Skorpions" ?

5 R. Non, pas particulièrement. Il y avait plusieurs noms utilisés, les

6 Aigles, les Aigles noirs, la Main noire, et jusqu'à ce que l'on tente

7 d'essayer de vérifier ce qui était exact et quelle était la terminologie du

8 moment, nous tâchions de faire preuve de la plus grande simplicité

9 possible.

10 Q. J'aimerais vous poser une question directe. Vous êtes-vous rendu compte

11 ou avez vous été informé du fait qu'au sein de la PJP en uniforme et au

12 sein de la SAJ en uniforme, il y avait des hommes qui avaient été, par le

13 passé, des paramilitaires des forces irrégulières qui avaient opéré au sein

14 des forces serbes en Bosnie ?

15 R. Comme je l'ai dit, certaines rumeurs faisaient état de ce genre de

16 liens effectivement. Vous vous en rendrez bien compte, je pense, il était

17 extrêmement difficile de faire admettre à qui que ce soit qu'ils avaient

18 participé d'une manière ou d'une autre à ces activités barbares dans

19 d'autres parties des Balkans.

20 Q. Mais il me semble que plus tard, dans un certain nombre de vos rapports

21 de situation, on trouve un certain nombre d'éléments prouvant que ces liens

22 existaient.

23 J'aimerais maintenant passer à la JSO. S'agissant de l'apparence des

24 hommes qui faisaient partie de cette unité, s'agissant du matériel à la

25 disposition de cette unité, y avait-il une distinction possible que l'on

26 pouvait faire entre la JSO et la SAJ ?

27 R. Oui. J'ai donné une description détaillée dans le cadre de différentes

28 dépositions que j'ai déjà faites.

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1 Q. Soyez bref, n'hésitez pas.

2 R. Ils étaient beaucoup mieux armés, beaucoup mieux équipés et ils avaient

3 l'air beaucoup plus professionnels.

4 Q. Mais ils ne relevaient pas de la structure de la VJ ou du MUP. Ils

5 faisaient directement rapport de leurs activités à la RBB, la Sûreté de

6 l'Etat serbe; c'est bien exact ?

7 R. Je crois que c'est exact, oui.

8 Q. Vous avez rencontré deux des dirigeants de la JSO au Kosovo. Frenki

9 Simatovic était l'un d'entre eux, vous l'avez rencontré une fois, puis un

10 autre homme surnommé Legija ?

11 R. Legija.

12 Q. Legija. Tout d'abord, avez-vous eu la possibilité d'échanger quelques

13 mots avec Frenki Simatovic ?

14 R. En fait, nous logions dans le même hôtel à Pec, et à part les

15 salutations de rigueur, je ne crois pas qu'il y ait eu véritablement de

16 conversation.

17 Q. Vous savez, n'est-ce pas, que Frenki Simatovic a été mis en accusation

18 pour crimes de guerre en Croatie et Bosnie. Saviez-vous que la JSO elle-

19 même avait succédé aux Bérets rouges en Bosnie ?

20 R. Oui. Je l'avais entendu dire, effectivement, et ils portaient un béret

21 rouge.

22 Q. Legija, vous l'avez rencontré près de Lapusnik au milieu de l'été à peu

23 près, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est exact, Monsieur.

25 Q. Il s'appelle, vous le savez sans doute aujourd'hui, si vous ne le

26 saviez pas à l'époque, son nom est Milorad Lukovic ou Milorad Ulemek,

27 n'est-ce pas ?

28 R. Si vous le dites.

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1 Q. Ce n'est pas un nom que vous avez entendu, n'est-ce pas ?

2 R. J'ai entendu le nom, oui.

3 Q. Il avait été membre des hommes d'Arkan, des Tigres d'Arkan, n'est-ce

4 pas ?

5 R. Oui, je l'avais entendu dire.

6 Q. C'était le plus haut dirigeant de la JSO au Kosovo, n'est-ce pas ?

7 C'est ce qu'il vous a dit ?

8 R. Lorsque nous nous sommes rencontrés au croisement à Lapusnik au-dessus

9 de Malisevo, il m'a dit qu'il dirigeait ce groupe d'assaut particulier et

10 qu'il y avait aussi des chars de la VJ.

11 Q. Donc, vous avez assisté --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, vous avez souvent

13 insisté sur le fait que l'Accusation devait obtenir des précisions

14 supplémentaires dès lors que l'on faisait référence à de vagues rumeurs --

15 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, mais je vais le faire dans un instant.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

17 M. EMMERSON : [interprétation]

18 Q. Comme j'ai commencé à le dire, vous avez vu Legija préparer une

19 opération conjointe menée à la fois par la JSO et la VJ, n'est-ce pas ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Il vous a dit personnellement qu'il était chargé de cette opération ?

22 R. Comme je l'ai dit dans mon rapport, je pense qu'il était un peu surpris

23 de me voir venir de son --

24 M. EMMERSON : [interprétation]

25 Q. Vous a-t-il dit qu'il était chargé de l'opération ?

26 R. Oui.

27 Q. Vous a-t-il dit qu'il était chargé de la JSO ou de la VJ et de la JSO

28 qui était cantonnée ici, de ces hommes-là ?

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1 R. Je suppose qu'il était chargé de l'ensemble de l'opération.

2 Q. Oui. Voici ma question : dites-nous si ce n'est pas le cas, mais savez-

3 vous s'il a été condamné pour avoir tué des représentants officiels du

4 Mouvement du Renouveau serbe et si vous savez s'il est en train de purger

5 une peine de 40 ans de prison à Belgrade.

6 R. Il me semble que c'est exact, oui.

7 Q. Parfait. Vous avez parlé dans votre rapport de paramilitaires portant

8 des uniformes. J'aimerais que vous nous donniez davantage d'explications

9 s'agissant de ces voyous venus de l'extérieur dont vous faites état dans

10 votre rapport. Avez-vous aperçu parfois des groupes d'hommes qui ne

11 portaient pas d'uniformes mais qui se déplaçaient en véhicules quatre-

12 quatre avec des plaques d'immatriculation du Monténégro, de Macédoine et de

13 Belgrade ?

14 R. Oui, en effet, je crois que c'était à Pec, si mon souvenir est bon,

15 principalement à Pec.

16 Q. Il me semble qu'une fois vous les avez suivis ?

17 R. Oui, c'est exact.

18 Q. Parce que vous vouliez savoir s'il s'agissait de forces paramilitaires

19 irrégulières, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. Comme je l'ai dit déjà, nous tâchions d'obtenir le plus

21 d'informations détaillés possible, et du fait de mon expérience

22 professionnelle, je posais davantage de questions et je me posais davantage

23 de questions que d'autres, peut-être.

24 Q. Je vois. Lorsque vous les avez suivis, avez-vous traversé la frontière

25 vers le Monténégro ?

26 R. Si nous parlons du même évènement, vous et moi, nous sommes allés

27 jusqu'à Rozaje, oui.

28 Q. Lorsque vous êtes arrivé sur place, est-ce que vous avez vu qu'ils

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1 rejoignaient d'autres hommes, nombreux, qui partageaient la même apparence

2 ?

3 R. Oui c'est exact, si nous parlons bien du même rapport.

4 Q. Parfois est-il arrivé que ces hommes soient aperçus avec des écouteurs

5 ?

6 R. Oui, j'en suis sûr. Comprenez qu'à l'époque les Balkans vivaient une

7 période très troublée et que beaucoup de gens étaient amenés à exercer des

8 fonctions de sécurité?

9 Q. Oui.

10 R. Ces écouteurs étaient monnaie courante ? Est-ce qu'ils étaient

11 connectés à quoi que ce soit ? C'est autre chose. Ecouteurs ou oreillettes.

12 Q. Oui. En tout cas, ce genre de chose était porté fréquemment par ceux

13 qui, d'une manière ou d'une autre, avaient un quelconque lien avec

14 l'appareil de la sûreté d'Etat serbe ?

15 R. Oui, effectivement. C'est un matériel tout à fait courant, de

16 communication.

17 Q. Pour que les choses soient tout à fait claires. Il y a ce groupe

18 d'hommes dont vous avez parlé. Est-ce que c'est là l'un des facteurs qui

19 vous amené à conclure que ces gens-là appartenaient à l'appareil de sûreté

20 serbe ?

21 R. Oui, effectivement. Ces hommes étaient en forme, intelligents et leur

22 esprit semblait bien ciblé.

23 Q. Je crois que dans un rapport vous avez dit que des éléments de la RDB,

24 donc le service de Sûreté de l'Etat, aurait pu être vu avec eux dans ce

25 même groupe, n'est-ce pas ?

26 R. C'est exact.

27 Q. Vous avez dit par le passé que vous étiez certains que des

28 paramilitaires agissaient dans la partie occidentale du Kosovo, à Pec et à

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1 Djakovica. Parliez-vous de ces hommes lorsque vous avez dit

2 cela ?

3 R. Bien. Après avoir vu ces hommes dans la région de Pec et Djakovica, on

4 pouvait aisément parvenir à la conclusion que ces hommes pouvaient être

5 impliqués. C'est une question à la laquelle j'ai du mal à répondre de

6 manière définitive et radicale, parce qu'il y avait beaucoup d'hommes qui

7 allaient de-ci de-là et qui étaient bien habillés mais qui ne portaient pas

8 d'uniformes.

9 Q. Bien. J'aimerais revenir sur l'une de vos déclarations où vous dites

10 ceci : "Je suis certain que les hommes d'Arkan sont venus du Monténégro."

11 Là encore, vous êtes certain de ce que vous dites ?

12 R. Nous avons essayé de trouver une base au nord de Mitrovica dont vous

13 nous avez dit qu'il s'agissait d'une base paramilitaire. Nous n'avons pas

14 été particulièrement bien reçus sur place.

15 Q. Est-ce que vous étiez au courant de la fois où un photographe de l'ITN

16 a été attaqué parce qu'il a essayé de prendre une photo de ces hommes ?

17 R. Oui, j'ai fait un rapport à ce sujet.

18 Q. Je pense que dans l'affaire Milutinovic vous avez parlé de ce groupe

19 d'hommes. Il s'agit de la page 9 772, ligne 1. Vous avez dit : "Je pense

20 qu'il a été clairement dit dans le rapport de l'OTAN que ces gens avaient

21 acquis une certaine expérience en Bosnie, et qu'ils faisaient la partie de

22 l'armée serbe, de leur service de sécurité, si vous voulez les appeler

23 comme cela. Ces gens-là ont été utilisés dans ces opérations, comme ils ont

24 été utilisés partout dans la guerre en Bosnie."

25 A quoi vous faites référence à ce moment-là dans ce rapport de l'OTAN

26 ?

27 R. Je ne me souviens pas de ce rapport en particulier. Mais je dirais

28 qu'on se basait sur ce qui s'est passé en Bosnie pour essayer de mieux

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1 comprendre ce qui se passait au Kosovo.

2 Q. Quand vous avez dit qu'ils faisaient partie des forces de sécurité

3 serbes au Kosovo et que ces personnes, ces gens étaient utilisés de la

4 façon dont ils ont été utilisés pendant toute la guerre en Bosnie, est-ce

5 que vous pouvez nous expliquer de quelle façon ils ont été utilisés pendant

6 la guerre en Bosnie ?

7 R. Bien, ils ont été utilisés pendant la guerre en Bosnie pour propager la

8 terreur et la peur parmi la population civile. Tout ceci faisait partie des

9 opérations antiterroristes qui étaient en train d'être montées au Kosovo.

10 Q. Que faisaient-ils en Bosnie pour propager la peur parmi la population ?

11 R. Je pense que tout ceci était bien documenté.

12 Q. Dites-le en une seule phrase.

13 R. Ces gens, on les a accusés d'avoir tiré sur les gens, d'avoir tué des

14 gens.

15 Q. Il s'agit là aussi bien des civils que des militaires ?

16 R. Oui, malheureusement.

17 Q. Est-ce que vous avez jamais vu ces hommes à l'extérieur de Peje ou

18 Gjakova, autrement dit sur les routes ou entre les deux villes ou

19 uniquement dans ces deux villes ?

20 R. Je pense qu'ils étaient à bord des véhicules bizarres qui se trouvaient

21 parfois dans la région; cela dépendait de la situation au point de vue

22 sécurité. Mais je pense que parfois ils étaient même à Pristina.

23 Q. Est-ce qu'ils opéraient de façon clandestine ?

24 R. Dans la mesure où c'est possible, quand vous êtes dans un quatre-quatre

25 et dans une région rurale.

26 Q. Est-ce que vous savez si, pendant la période allant du mois de mars au

27 mois de septembre, il y a eu des gens appartenant à ce groupe dans cette

28 région-là ?

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1 R. Je serais surpris d'apprendre qu'ils n'y étaient pas.

2 Q. Est-ce que vous vous attendez à ce que ce groupe de paramilitaires qui

3 avait propagé la terreur et tué des civils, est-ce que vous serez surpris

4 de le trouver dans ce territoire-là ?

5 R. Malheureusement, vous aviez des incidents comme cela, qui attiraient ce

6 genre de personnes.

7 Q. Il y a une carte que vous avez marquée et annotée, qui a été jointe au

8 moment préalable au procès du Procureur. Ceci a servi de base à

9 l'affirmation que les forces serbes ne pouvaient absolument pas pénétrer

10 dans cette zone qui était sous le contrôle total de l'UCK ?

11 R. Je ne pense pas qu'on peut dire les choses comme cela, qu'on peut les

12 présenter comme cela. Cela a été difficile pour les Serbes d'y pénétrer,

13 mais nous parlons là des paramilitaires et des forces clandestines. Ils

14 n'allaient pas venir se présenter à l'attaché de l'armée britannique pour

15 lui dire qu'ils sont là ou qu'ils ne sont pas là.

16 Q. A part ces paramilitaires, je pense que dans votre rapport vous dites -

17 enfin vous avez cité la JSO, quand vous parlez du Kosovo occidental, donc

18 vous dites que ces troupes étaient rarement vues. Je voudrais que ceci soit

19 bien clair.

20 Est-ce que l'attaché de la Défense a vu vraiment une partie de ces unités ?

21 Est-ce que vous voulez dire que ces unités essayaient de ne pas être

22 aperçues ?

23 R. Oui, bien sûr. C'était leur modus operandi. Il fallait garder le profil

24 bas et agir en secret.

25 Q. Est-ce que vous vous attendiez à ce que ces troupes antiterroristes de

26 l'armée yougoslave mènent de telles opérations clandestines dans les

27 régions qui appartenaient ou qui étaient contrôlées l'UCK.

28 R. J'aurais été surpris par le contraire.

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1 Q. Donc là on a une zone où l'UCK a une influence importante, mais il

2 existe une grande probabilité que des forces paramilitaires y fassent des

3 intrusions pendant cette période, des intrusions clandestines ?

4 R. J'aurais été surpris par le contraire.

5 Q. Maintenant nous allons revenir sur la période précédente. Vous avez dit

6 que le MUP allait entrer dans la profondeur de 5 à

7 6 kilomètres par rapport aux communications ?

8 R. Oui, c'est plus ou moins correct.

9 Q. Là on parle des forces que l'on pouvait enregistrer par les radars dont

10 vous aviez connaissance ?

11 R. Oui.

12 Q. Mais même eux, ils se rendaient de façon régulière sur ces territoires

13 ?

14 R. Je n'ai pas dit cela, mais je ne peux pas dire s'ils y sont allés oui

15 ou non. Mais je les ais vu parfois se rendre dans de tels territoires,

16 Glodjane, et cetera, jusqu'au canal de Radoniq, et dans la même profondeur,

17 à savoir 5 à 6 kilomètres d'un terrain.

18 Q. Nous allons parler de cela. A plusieurs reprises vous avez dit dans

19 votre rapport qu'il y a des conflits à Glodjane, où on a tiré sur des gens

20 au niveau du lac de Radoniq. On parle de ce territoire et on dit que sur ce

21 territoire il y a eu des conflits entre le MUP, l'armée yougoslave et

22 l'UCK.

23 R. Oui, parce que l'armée yougoslave et l'UCK -- et le MUP avaient leurs

24 hommes dans ce territoire et sont devenus des cibles.

25 Q. Très bien. Je vais vous poser quelques questions au sujet de la

26 tactique. Les positions étaient faites de sorte que l'on puisse dominer par

27 le biais de la propagation de la terreur et pas du point de vue tactique.

28 On a l'impression que l'on voulait procéder à des attaques fortes et

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1 puissantes mais assez brèves. Ensuite, quand vous parlez des mouvements de

2 véhicules de l'armée yougoslave et des PJP, vous dites qu'il s'agissait de

3 forces similaires par rapport aux forces qui agissaient en Bosnie. Qu'est-

4 ce que vous voulez dire par là ?

5 R. Si mes souvenirs sont exacts, bien qu'ils avaient suffisamment de

6 forces pour mener à bien des opérations dans ces territoires, leur tactique

7 n'était pas tout à fait logique, parce qu'il s'agissait de beaucoup

8 d'hommes placés sous un même véhicule, ce qui représente une excellente

9 cible pour les terroristes.

10 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire par la propagation de la terreur et le

11 fait de pouvoir dominer par le biais de la propagation de la terreur ?

12 R. Bien, si les paysans voient une unité bien armée qui entre dans un

13 territoire, ils vont avoir peur.

14 Q. Je vais vous poser une question. Il s'agit de généralisation, mais je

15 ne veux pas vous poser des questions concrètes par rapport au combat. Je

16 vais vous demander de me faire une évaluation générale de modus operandi

17 pendant le conflit, pendant la genèse du conflit au cours de cette année-

18 là.

19 Je suis obligé de citer ce que vous avez dit dans d'autres contextes,

20 mais c'est la façon la plus appropriée pour moi d'obtenir un commentaire de

21 votre part. Dans une de vos déclarations, vous avez dit, je vais citer :

22 "J'ai vu entre 200 et 300 villageois qui avaient été brûlés pendant l'année

23 1998 et 1999. On a brûlé, incendié les champs sans arrêt. Il y a eu des

24 actes différents. On a volé des stations d'essence et dans les villes comme

25 Djakovica, ces villes parfois ont été incendiées complètement et les

26 mosquées avaient été endommagées et détruites. La population partait et

27 revenait à partir du moment où ils pensaient qu'ils allaient être en

28 sécurité."

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1 Vous avez dit la même chose pour d'autres villes. Est-ce que vous pouvez

2 nous dire assez brièvement comment on a mené à bien ces opérations ?

3 Quelles sont les forces qui ont participé ? Qu'est-ce qu'elles faisaient

4 exactement ?

5 R. Bien, cette première déclaration, on parle de 200 à 300 villages

6 incendiés, brûlés. Ceci figure dans plusieurs rapports concernant l'année

7 1998 et 1999. Il s'agissait de faire comprendre à la communauté

8 internationale différentes forces étrangères intéressées par ce territoire,

9 que la façon dont agissaient les forces de sécurité serbes n'était pas

10 acceptable. Il fallait leur faire connaître la situation au Kosovo. Je

11 n'avais pas le droit d'utiliser le terme "nettoyage ethnique," puisque ce

12 terme a une connotation juridique que vous connaissez mieux que moi,

13 Monsieur le Juge.

14 Q. Je ne vous demande pas d'utiliser ce terme. Je vous demande de

15 m'expliquer ce que vous avez vu.

16 R. Ce que j'ai vu, je l'ai décrit justement dans ce paragraphe que vous

17 venez de lire. Je ne peux rajouter rien à cela.

18 Q. Les unités qui ont participé à cela, pouvez-vous nous dire quelles sont

19 ces unités et quel était leur rôle dans cette destruction, dans ces

20 pillages, incendies que vous venez de nous décrire ? Quelles étaient ces

21 unités ?

22 R. PJP, JSO, et cetera.

23 Q. Qu'est-ce qu'ils faisaient ?

24 R. Toutes ces unités détruisaient les villages, les champs, les maisons et

25 les mosquées.

26 Q. Est-ce que vous les avez vus en train de voler ?

27 R. Oui.

28 Q. Qui faisaient cela, qui pillaient ? Les hommes vêtus d'uniformes ?

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1 R. Oui. Je les ai vus. Les gens portaient des uniformes.

2 Q. Qu'est-ce qu'ils portaient ? Qu'est-ce qui volaient dans ces maisons ?

3 R. Bien, Rakovina, dans la route qui partait de Djakovica, j'ai vu un

4 homme faisant partie de la PJP et qui portait un poste TV dans une

5 brouette.

6 Q. Est-ce qu'ils brûlaient les maisons après cela ?

7 R. Bien, c'est ce qui s'est passé dans la plupart des cas. Mais quand --

8 Q. [aucune interprétation]

9 R. J'ai parlé de cela à plusieurs reprises. J'en ai parlé au général

10 Ojdanic au cours de l'année 1998 et à d'autres personnes, le comportement

11 des forces de sécurité serbes. J'ai parlé de la façon dont ils se

12 comportaient. Le comportement des différentes troupes étaient tel qu'ils

13 nous ont tiré dessus, sur moi et mes collègues à plusieurs reprises.

14 Q. Pour que l'on ait une vision complète de ce qui s'est passé là-bas,

15 est-ce que vous les avez vus en train de tirer sur du

16 bétail ? Est-ce que vous les avez vus en train de brûler les vivres, les

17 champs, la nourriture, du bétail ?

18 R. Oui.

19 Q. Quel était le but de tout cela ? Pourquoi a-t-on brûlé les vivres, le

20 bétail, et cetera, alors que l'hiver s'approchait ?

21 R. Vous venez de mentionner le mot "hiver." Effectivement, de plus en plus

22 de Serbes et d'Albanais étaient chassés de chez eux. Et le problème qui

23 s'est posé pour ces gens c'était de savoir comment passer l'hiver. Si votre

24 maison était brûlée, si votre bétail a été abattu, si les champs étaient

25 brûlés, comment survivre.

26 Q. Est-ce que vous en êtes arrivé à la conclusion que l'on faisait tout

27 cela pour empêcher la population albanaise de retourner vers ce village ?

28 R. Oui, effectivement. Ce n'était pas de toute façon un élément pour

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1 rester là où ils étaient, là où ils vivaient.

2 Q. Autrement dit ils n'avaient pas de vivres pour survivre ?

3 R. Oui, ils auraient dû avoir du mal à survivre avec les vivres qui

4 restait à leurs dispositions, mais ils étaient décidés de continuer à vivre

5 dans leurs foyers. Ils essayaient de retourner, de continuer à vivre dans

6 leurs foyers.

7 Q. Je pense que vous le savez, que vous savez que l'UCK souvent

8 s'impliquait, essayait de défendre ces gens ?

9 R. Oui, c'est exact. Mais vu la disproportion des forces qui existait,

10 donc cette force disproportionnée qui avait été utilisée, et bien, dans la

11 plupart des cas les Serbes réussissaient à les faire battre en retrait,

12 ensuite ils permettaient aux Albanais de revenir, d'essayer de réparer tant

13 bien que mal la situation par petits bouts.

14 Q. Est-il exact que le gouvernement britannique considérait que tout ceci

15 correspondrait à un crime contre l'humanité ?

16 R. Oui, c'est exact. Et ceci figure dans un télégramme du qu'ils étaient

17 [inaudible] impliqués.

18 Q. Je pense que vous avez dit dans l'affaire Limaj que vous avez été le

19 témoin d'une attaque à grande échelle contre la population civile albanaise

20 menée par les forces de sécurité serbes. Est-ce que vous êtes d'accord avec

21 cela ?

22 R. Oui.

23 Q. Maintenant une question définitive : nous avons parcouru toute une

24 liste de noms faisant partie de l'armée yougoslave. Est-ce que vous, est-ce

25 que pendant tout cet été, vous avez attiré l'attention des officiers

26 supérieurs de l'armée yougoslave du fait que vous avez été inquiet, parce

27 que vous considériez que l'armée yougoslave donnait son appui en feu et

28 participait à ces opérations de destruction ?

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1 R. Je pense que ceci figure dans ces documents et je pense que dans le

2 briefing du général Ojdanic, tout ceci a été dit --

3 Q. C'était au mois d'août ?

4 Q. Oui, c'était au mois d'août.

5 Q. C'était vers la fin du mois d'août.

6 R. Oui.

7 Q. Mais lors des autres réunions qui ont eu lieu plus tôt au courant de

8 cette année-là, avec le général Perisic et le général Dimitrijevic aussi.

9 R. Oui.

10 Q. Certains de ces officiers vous ont menti, carrément. Il s'agit là des

11 officiers supérieurs de l'armée yougoslave qui vous ont menti par rapport à

12 leur participation dans l'armée yougoslave. Ils ont nié les faits que

13 l'armée yougoslave avait participé de quelque façon que ce soit à ces

14 opérations, depuis de faits, que vous avez vu cela par vos propres yeux, et

15 vous disposez aussi des enregistrements vidéo; est-ce exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce qu'à un moment donné vous avez parlé avec le général Perisic et

18 le général Dimitrijevic et vous avez compris que ces deux officiers de haut

19 rang de l'armée yougoslave, et bien, qu'ils ne faisaient plus partie du

20 tout de cette hiérarchie militaire ?

21 R. Oui, j'en ai parlé dans un de mes rapports.

22 Q. Ils vous ont dit qu'il y avait une ligne de commandement directe entre

23 Pavkovic et Milosevic ?

24 R. Oui.

25 Q. Ils n'étaient pas informés, parce qu'ils n'étaient pas d'accord de ce

26 qui se passait au Kosovo, ils n'étaient pas prêts à supporter les

27 comportements de l'armée yougoslave dans ce type d'opérations. Est-ce

28 qu'ils vous ont dit cela ?

Page 3058

1 R. Oui.

2 Q. Je pense que qu'Ojdanic, à un moment donné, vers la fin de l'été, il

3 était d'accord avec vous pour dire que l'on a utilisé la force pendant

4 l'été de façon disproportionnelle ?

5 R. Oui.

6 Q. Encore une question. Parmi les forces de l'armée yougoslave qui ont

7 participé à ces combats, ces forces étaient placées sous le commandement du

8 général Dragan Zivanovic et de Bozidar Delic sur ce territoire ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous savez s'ils ont témoigné en l'espèce ?

11 R. Je ne sais pas.

12 Q. Est-ce que vous pensiez que leur déposition par rapport à la situation

13 sur le terrain, leur participation, cela aurait été crédible ?

14 R. Je pourrais espérer, et j'espérais que les deux commandants de brigade

15 avaient suffisamment de connaissances quant au système de contrôle et de

16 commandement qui existaient.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous demander de ralentir. Je

18 vais vous demander aussi de procéder à une pause de

19 25 minutes et nous allons reprendre nos travaux à 16 heures 15.

20 --- L'audience est suspendue à 15 heures 51.

21 --- L'audience est reprise à 16 heures 19.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, êtes-vous prêt à

23 continuer ?

24 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

26 M. EMMERSON : [interprétation]

27 Q. Mon Colonel, je voudrais reprendre là où nous nous sommes arrêtés avant

28 la pause. Vous avez dit que vous auriez espéré que les deux commandants de

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1 brigade comprendraient le système de commandement et de contrôle.

2 Je vais vous demander de nous faire un commentaire à ce sujet. A quel

3 niveau de commandement on aurait dû donner l'autorisation dans la cadre de

4 l'armée yougoslave pour que les forces de la VJ couvre les pilonnages dans

5 le cadre de ces opérations de destruction que vous avez décrites ?

6 R. Il faudrait que je revienne un petit peu en arrière. Au cours de

7 l'année 1998, nous pensions qu'il devait y avoir un centre de coordination,

8 probablement à Pristina où se trouvait le quartier général de l'armée du

9 corps avec le QG du MUP. C'était parfaitement logique de procéder de cette

10 façon-là. Pendant une période assez longue, les forces de la sécurité

11 serbes niaient l'existence d'un tel centre de contrôle. Nous avons réussi à

12 trouver par le biais de nos propres renseignements qu'il existait bel et

13 bien un centre de contrôle là-bas. Donc, les ordres venaient de là, d'après

14 ce que je pense, et étaient ensuite envoyés par le QG du corps d'armée aux

15 unités en question qui étaient soit placées sous le contrôle du QG du 52e

16 Corps ou bien aux autres unités qui étaient envoyées dans cette zone

17 opérationnelle. Donc, le commandant de cette zone opérationnelle, le cas

18 échéant, le général Pavkovic aurait dû être le commandant des opérations et

19 ces chefs de QG auraient dû écrire pour lui des ordres portant différentes

20 opérations. Ensuite ceci devait être envoyé aux commandants de différentes

21 formations inférieures, y compris les deux commandants de brigades.

22 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, examiner le document 38 où nous avons

23 un document par rapport à :"Une réunion du commandement conjoint pour le

24 Kosovo-Metohija."

25 C'est un document assez volumineux. Je ne vais pas entrer en détail.

26 Mais par rapport à la première page de ce document, on voit toute une série

27 de personnes qui ont assisté à cette réunion conjointe des forces serbes

28 qui a eu lieu le 22 juillet. On peut y voir que Milomir Minic, le président

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1 de l'assemblée était là; Nikola Sainovic était là; Zoran Andjelkovic,

2 ministre; Nebojsa Pavkovic, le commandant du corps; ensuite, Sreten Lukic.

3 Est-ce que vous savez qui est Sreten Lukic ?

4 R. Non, je ne me souviens pas.

5

6 Q. Il faisait partie du MUP, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, oui.

8 Q. David Gajic, adjoint au chef de la RDB, donc là c'est apparemment dans

9 la ligne de responsabilité de la JSO; est-ce exact ?

10 R. Oui, oui.

11 Q. Et Milan Djakovic, est-ce que vous le connaissez ?

12 R. Djakovic, non.

13 Q. Est-ce bien l'organe dont vous avez parlé ?

14 R. Oui, j'ai l'impression que c'est bien cela, l'organe chargé de

15 coordonner les opérations au Kosovo-Metohija.

16 Q. C'est l'organe qui coordonnait les opérations de l'armée yougoslave et

17 la Sûreté de l'Etat et du MUP ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Avec Sainovic qui était l'adjoint du premier ministre, est-ce que vous

20 pensez que c'était lui qui était responsable des opérations quotidiennes au

21 Kosovo ?

22 R. Oui, c'était comme cela qu'on voyait les choses.

23 Q. Quelle était votre réaction quand vous avez compris que le chef du QG

24 de l'armée yougoslave a été coupé de la chaîne de commandement ? Quelle

25 était la conclusion à laquelle vous êtes arrivé, vous ?

26 R. J'en ai parlé dans le rapport, et d'après cela, le chef des forces

27 armées ne faisait pas partie de la chaîne de commandement. Ce n'était pas

28 du tout logique, c'était quelque chose qui n'était absolument pas habituel.

Page 3061

1 Q. Pour revenir sur la question [comme interprété] que vous nous avez

2 donnée juste avant la pause au sujet du colonel Zivanovic et de Delic par

3 rapport à la chaîne de commandement, est-ce que du point de vue militaire

4 il est possible que les opérations auxquelles a participé l'armée

5 yougoslave, les opérations de destruction que vous avez décrites, serait-

6 il possible que de telles opérations aient eu lieu sans que ces deux

7 officiers soient au courant de cela ?

8 R. D'après mon expérience de militaire, un commandant opérationnel doit

9 prendre des mesures adéquates dans le cas où ses propres unités, ses

10 propres forces sont menacées. Il devrait aussi répondre s'il prenait des

11 mesures démesurées. Des actions démesurées, des opérations démesurées quel

12 que soit leur genre, du pillage, incendie, et cetera, elles étaient

13 encouragées [comme interprété].

14 Q. Je vais vous poser une question plus précise et vous demander de me

15 dire ce que vous en pensez. Je pense que vous avez dit à plusieurs reprises

16 que le rôle de la VJ dans ces opérations conjointes était de donner l'appui

17 en pilonnage, autrement dit la phase destructive des bombardements avant

18 que l'on ne commence à incendier. Je pense que vous avez dit aussi que les

19 officiers de la VJ ont participé à ces activités, à savoir les incendies

20 qui ont eu lieu; est-ce exact ?

21 R. Oui, malheureusement, il semblerait que c'était exact. Je pense que

22 pendant la plupart de l'année 1998, l'armée yougoslave a donné un appui en

23 artillerie aux opérations du MUP. Mais malheureusement, quand nous sommes

24 partis en 1998 à cause du bombardement de l'OTAN, il semblerait que l'armée

25 yougoslave a participé dans des activités plus directes que cela.

26 Q. Je pense que nous avez dit hier - et corrigez-moi si j'ai tort - que

27 quand vous êtes passé par Prilep et Rznic en passant par le canal, qu'il y

28 avait des opérations de destruction que vous avez vues et qu'elles étaient

Page 3062

1 conduites conjointement entre le MUP et la VJ. Est-ce que c'est bien cela

2 que vous avez dit ?

3 R. Oui. Et je pense qu'il y avait des chars aussi qui participaient à la

4 destruction.

5 Q. Pour revenir à ma question : est-ce que la participation de l'armée

6 yougoslave dans ces types d'opérations aurait pu avoir lieu sans que le

7 général Delic et le général Zivanovic ne soient au courant ?

8 R. Je pense que non.

9 Q. Vous avez décrit dans une de vos déclarations la participation du 52e

10 Corps d'armée dans les pilonnages d'un village. Est-ce que le 52e Corps

11 s'est trouvé dans la zone de responsabilité du colonel Delic dans le cadre

12 de la 125e ?

13 R. Non, pas vraiment. Le 52e Corps d'armée, c'est la formation qui était

14 responsable des opérations au Kosovo-Metohija.

15 Q. Je me suis trompé, n'est-ce pas, quand je dis que la

16 125e faisait partie du 52e Corps ?

17 R. Oui.

18 Q. Donc, le commentaire par rapport au 52e Corps d'armée qui a été utilisé

19 comme une force qui a participé aux pilonnages d'un village doit inclure le

20 125e et 549e ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. Est-ce que vous savez où se trouvait la 52e Brigade ?

23 R. J'en ai entendu parler, mais 12 années plus tard, excusez-moi, je ne me

24 souviens pas.

25 Q. Je ne suis pas là pour vous faire passer un examen, voir à quel point

26 vous vous souvenez des événements, mais je voudrais maintenant qu'on cesse

27 de parler un instant de 1998. Parlons de janvier 1999 et de ce que vous

28 avez vu à ce moment-là ? Le

Page 3063

1 15 janvier 1999, avez-vous été témoin de l'attaque menée conjointement par

2 les Serbes sur Racak ?

3 R. Non, je ne l'ai pas vu de mes yeux. Je suis arrivé à Racak en passant

4 par Stimlje après l'opération même. Je connaissais fort bien cette zone et

5 j'ai été scandalisé de voir ce qui s'était passé.

6 Q. Qu'est-ce qui vous a scandalisé à Racak ?

7 R. Il y avait là une présence très marquée des forces de sécurité serbes

8 avec des mortiers, des pièces d'artillerie, des transports blindés de

9 troupes et beaucoup d'hommes sur le terrain.

10 M. RE : [interprétation] Objection. Ici nous sortons complètement du champ

11 de l'acte d'accusation.

12 M. EMMERSON : [interprétation] J'explique cette question. C'est un témoin

13 qui va venir déposer en l'espèce qui a mené cette opération, le général

14 Bozidar Delic, dont je voudrais ici donner les fondements de mon contre-

15 interrogatoire pour ce qui est de sa responsabilité dans les crimes de

16 guerre.

17 M. RE : [interprétation] Ici, on est en train de procéder à une attaque

18 contre un autre témoin. La Défense dispose des éléments nécessaires pour

19 contre-interroger M. Delic, elle n'a pas besoin de se servir de ce témoin.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Mais on ne peut pas attendre le général

21 Delic, que ce soit lui qui explique aux Juges de la Chambre qu'il y a eu

22 des crime de guerre qui se sont produits là-bas.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sous sa responsabilité ?

24 M. EMMERSON : [interprétation] Tout à fait. Il faudra peut-être le mettre

25 en garde d'ailleurs avant qu'il ne dépose.

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre objection est rejetée, Monsieur

28 Re.

Page 3064

1 Mais faites attention, Maître Emmerson, de ne pas vous étaler.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais être très rapide, très bref.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Dans la mesure où cela est

4 nécessaire.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout à fait.

7 M. EMMERSON : [interprétation]

8 Q. Est-ce que c'est sous le nez même de l'ambassadeur Walker et de la

9 Mission d'observation au Kosovo que s'est déroulée l'opération de Racak ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce qu'on peut dire en une phrase que, selon vous, il s'agit d'un

12 exemple de l'utilisation de la force, du pouvoir de feu extrêmement

13 disproportionné puisqu'on a tiré de très près sur un village ?

14 R. Cette zone, elle se trouve à la limite d'un territoire où il y avait eu

15 des activés intenses de l'UCK et des membres du MUP avaient été tués.

16 Q. Oui.

17 R. Quant à la force qui a été employée, oui, effectivement, elle était

18 hors de proportion.

19 Q. Est-ce qu'il s'agit du type d'incidents qui ont été évoqués par

20 l'ambassadeur britannique auprès de Milosevic lorsqu'il a donné des

21 exemples de crimes contre l'humanité ?

22 R. Très franchement, je ne sais pas si M. Donnelly a évoqué cet incident

23 particulier. J'imagine que oui. En tout cas, on peut dire que c'était sans

24 doute la goutte d'eau qui a fait déborder le vase pour la Mission de

25 vérification au Kosovo. Cette mission que j'avais contribué à faire venir

26 sur place en novembre, c'était une mission qui n'avait aucune arme. Il

27 s'agissait d'une mission qui avait uniquement pour objectif de suivre

28 l'évolution de la situation jusqu'à ce que l'événement qui a eu lieu à

Page 3065

1 Racak contraigne la communauté internationale à changer radicalement de

2 stratégie.

3 Q. En une phrase, pouvez-vous nous dire ce qui est choquant à Racak et qui

4 a amené la communauté internationale à changer sa stratégie et sa position

5 ?

6 R. Je crois que c'est le fait qu'il y ait eu un emploi extrêmement

7 considérable de la force armée. C'est un village qui avait été ciblé, de

8 très nombreuses personnes ont été visées. Mais comme je l'ai dit en

9 préambule --

10 Q. C'était une cible où il y avait l'UCK ?

11 R. Oui. Mais l'UCK se trouvait dans la zone.

12 Q. Vous avez dit ce qui était choquant au sujet de ces opérations, cette

13 opération et d'autres, c'est qu'il y avait un petit groupe de membres de

14 l'UCK dans le village, et au lieu de viser ce groupe, on rasait

15 complètement le village; est-ce que c'est bien exact ?

16 R. Oui. On a assisté à une utilisation extrêmement agressive de la force

17 maximale qui n'était pas toujours nécessaire. Mais à la décharge des

18 autorités ou des forces de sécurité serbes, on peut dire qu'ils ont été

19 très souvent provoqués et qu'on se trouve là dans les Balkans. Dans les

20 Balkans c'est celui qui a le plus gros bâton qui assomme son adversaire.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, si je ne m'abuse, cette

22 question a fait l'objet d'un examen ici au Tribunal, elle a été évoquée

23 dans un jugement. On a longuement débattu de l'affaire de Racak sans

24 qu'aucune conclusion ne soit tirée.

25 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne vais pas passer plus de temps à

26 évoquer cette question.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, parce que ceci n'a jamais été

28 finalement réglé dans aucun jugement. Bien entendu, on ne peut pas présumer

Page 3066

1 de la crédibilité de témoin qui pourrait venir reparler de ces événements.

2 D'autre part, je crois qu'il y a certains éléments qui contredisent des

3 preuves déjà présentées. Donc, faites attention. Il ne faut surtout pas que

4 les responsabilités soient présentées d'une autre manière et qu'on se lance

5 à nouveau dans un examen de tout ce qui s'est passé à Racak.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Merci de ces consignes.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

8 M. EMMERSON : [interprétation]

9 Q. Revenons à la carte que vous avez annotée, intercalaire 1. Je fais en

10 sorte de communiquer à tout le monde ici et à vous, notamment, Mon Colonel,

11 un exemplaire beaucoup plus clair. Cela se trouve dans le classeur bleu.

12 Vous avez deux cartes.

13 M. EMMERSON : [interprétation] D'abord, nous allons en examiner une et la

14 carte qu'on avait regardée à l'écran, mais avec beaucoup de difficulté.

15 C'était la P116, je le précise. Non, je m'excuse, c'est la carte du colonel

16 Crosland qui porte cette référence. Nous connaissons parfaitement la carte

17 sur laquelle se trouvent les anneaux dessinés par le témoin.

18 Q. Monsieur le Témoin, je vais vous demander d'identifier la position de

19 trois collines. Vous avez le lac Radoniq. Vous l'avez trouvé ?

20 R. Oui.

21 Q. A gauche du lac Radoniq, on trouve une zone élevée qui s'appelle Donji

22 Bites, parfois Radonjicka Suka.

23 R. [aucune interprétation]

24 Q. Cela se trouve à Gramaqel ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que vous pourriez tracer un trait --

27 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la pièce D32. Est-ce que

Page 3067

1 ceci pourrait être effectué à l'écran afin que tout le monde puisse voir

2 les annotations concernées --

3 M. EMMERSON : [interprétation] Il va falloir zoomer sur la zone du lac.

4 Encore un peu plus. Encore un peu. Merci.

5 Q. Veuillez vous munir du stylo. En bleu ou n'importe quelle autre

6 couleur. Enfin, il vaut mieux choisir le bleu plutôt que le rouge. Veuillez

7 tracer un cercle à l'écran.

8 R. [Le témoin s'exécute]

9 Q. Merci bien. A l'est du lac, est-ce que vous voyez bien Suka Cermjan,

10 qui a une altitude de 699 mètres ? Ça se trouve pratiquement à la même

11 latitude.

12 R. [Le témoin s'exécute]

13 Q. Voilà, c'est très bien. Merci. Maintenant, j'aimerais que vous vous

14 reportiez à Gramaqel et nous dire, tout de suite à gauche de Gramaqel, est-

15 ce que vous voyez la hauteur de 587 mètres, qui s'appelle Erecka Suka ?

16 Si vous ne vous en souvenez pas, on pourra peut-être trouver d'autres

17 documents. Mais j'avance qu'il y avait des membres du MUP et de l'armée

18 serbe sur ces trois hauteurs. On avait là des positions d'artillerie.

19 R. Oui. Je me suis rendu à ces endroits - enfin, à deux d'entre eux. Suka

20 Cermjan, notamment. C'est un poste d'observation à l'est de Djakovica, ou à

21 l'est de la route de Djakovica-Decani. Je ne sais pas si je me suis rendu

22 sur le troisième point.

23 Q. Vous ne vous êtes jamais rendu personnellement à cet endroit-là, et je

24 le dis, parce que vous n'avez pas indiqué sur votre propre carte qu'il

25 s'agissait d'une position serbe. Donc il est possible que ceci s'explique,

26 parce que vous ne vous êtes jamais rendu à cet endroit et que vous l'avez

27 oublié.

28 R. Il s'agissait de la période de 1998, parce que c'est sur cette base que

Page 3068

1 j'ai préparé cette carte.

2 Q. Mais j'avance qu'il existait des ordres opérationnels de la VJ qui

3 montrent qu'entre le 22 avril 1998 et la fin septembre 1998, il y avait les

4 forces de la VJ à Donji Bites.

5 R. Cela ne m'étonnerait pas, parce que c'était une des hauteurs de cette

6 zone. Mais il aurait été impossible pour moi de me rendre à cet endroit

7 même avec une bonne cargaison de whisky. C'était une zone qui était

8 totalement inaccessible, il était interdit de pénétrer.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, j'aimerais avoir une

10 précision suite à ce qui vient d'être dit. Page 54,

11 ligne 16, en tout cas c'est ce qu'on voit à l'écran, au compte rendu

12 d'audience, je cite :

13 "Et il semble que vous ne vous êtes jamais rendu sur place et que

14 vous avez oublié." Ça ne me semble pas très logique.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, c'est un "ou", "ou que vous avez

16 oublié" que vous vous y êtes rendu. Parce que le colonel Crosland a indiqué

17 sur cette carte les zones où il savait que se trouvaient les forces serbes.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais quand j'ai préparé cette carte, je

19 pensais à une période particulière de 1998 qu'on m'avait indiquée. Donc

20 j'ai indiqué quelles étaient les positions du MUP et de la VJ serbes. Il

21 est possible que j'aie oublié une position se trouvant à l'est de la route,

22 je le reconnais. Mais les deux autres, en tout cas, je ne les ai pas vues.

23 Je ne les ai vues que beaucoup plus tard.

24 Q. Passons à l'intercalaire 2 de la liasse de documents, une grande carte

25 qui a été pliée en deux. Il n'est pas nécessaire de l'ouvrir, de la

26 déplier, parce que vous avez une partie de cette carte qui a fait l'objet

27 d'un agrandissement. Intercalaire 2, dans la liasse de documents qui se

28 trouve dans un classeur vert. Carte du général Delic, qu'il a présentée

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1 lors du procès Milosevic, qui montre le déploiement des forces à partir du

2 22 avril 1998 et jusqu'en septembre 1998. Il a déposé au sujet de cette

3 carte. Vous pouvez constater qu'il a entouré d'un cercle rouge Donji Bites.

4 Il a indiqué que c'était un endroit où étaient déployées les forces serbes.

5 R. Oui. Je le constate, effectivement.

6 Q. Vous ne vous souvenez donc pas que cette zone, que cette hauteur ait

7 été utilisée. C'était la situation en 1998 ?

8 R. Non, pour les raisons que j'ai déjà évoquées. C'est très loin de la

9 route. Premièrement il aurait été très léger de ma part de vouloir m'y

10 rendre. Deuxièmement les forces de sécurité m'auraient sans doute empêché

11 de m'y rendre, c'est évident, pour des raisons évidentes.

12 Q. Passons à l'intercalaire numéro 3, une photographie du canal, une

13 photographie aérienne du canal. Voyons si cela vous rafraîchit la mémoire.

14 Vous voyez une zone en hauteur à l'horizon, à droite, là où il y a quelque

15 chose d'écrit en rouge.

16 R. Oui. On dirait Donji Bites.

17 Q. C'est Donji Bites. Vous souvenez-vous s'il y avait là des forces serbes

18 quand vous étiez au canal ?

19 R. Non. Non, à la vérité, non.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez interrogé le témoin, Maître

21 Emmerson, au sujet de positions d'artillerie, au sujet de Suka Cermjan. Il

22 a commencé en disant oui, mais ensuite j'ai compris qu'il s'était rendu sur

23 place et qu'il avait vu un poste d'observation. Est-ce que j'ai bien

24 compris, Monsieur le Témoin ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un poste d'observation quand je m'y

26 suis rendu en 1999. Nous savions qu'il y avait des lance-roquettes

27 multiples, des pièces d'artillerie lourdes qui se trouvaient là, à Donji --

28 Radonski, parce qu'ils tiraient au-dessus de nos têtes à Junik. Je l'ai

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1 indiqué dans l'un de mes rapports.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Mais vous n'avez pas vu de

3 positions d'artillerie à Suka Cermjan --

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela semblait plutôt un poste d'observation,

5 mais je ne m'y suis rendu qu'en 1999.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez poursuive.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Afin que les choses soient bien claires et

8 par souci de cohérence, je vous interroge uniquement au sujet de 1998. Est-

9 ce que vous aviez connaissance au cours de 1998 de déploiements de la VJ et

10 du MUP et/ou du MUP à Suka Cermjan ?

11 R. Oui, je pense que nous étions au courant, parce qu'on voyait sans doute

12 cela depuis la route.

13 Q. Est-ce que personnellement, répondez oui, non ou je ne me souviens pas,

14 aviez-vous connaissance de positions où étaient déployées les forces du MUP

15 ou de la VJ à Donji Bites en 1998 ?

16 R. Je ne crois pas. Je crois que nous nous sommes rendus à cet endroit en

17 1999 et nous avons pu voir qu'il y avait eu là des positions du MUP.

18 Q. Pour finir par Erecka Suka ou Suka Baballoq, comme on appelle également

19 cet endroit parfois, est-ce que vous saviez qu'il y avait là des forces du

20 MUP ou de la VJ en hauteur au cours de l'année 1998 ? Est-ce que vous avez

21 connaissance de ces positions?

22 R. Autant que je m'en souvienne, non.

23 Q. Maintenant, j'aimerais que vous vous reportiez au document qui figure à

24 l'intercalaire numéro 37. Il me semble, que précédemment, vous avez parlé

25 d'un village qui s'appelle Baballoq, un village qui sortait un peu de

26 l'ordinaire, puisqu'il était remarquablement bien tenu et en bon état, à

27 l'est de la route à une courte distance d'Erecka Suka, au nord. Pouvez-vous

28 nous confirmer en regardant cette photographie qu'il s'agit bien de

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1 Baballoq ?

2 R. Oui.

3 Q. Afin de nous faire une idée de la disposition des lieux, veuillez, je

4 vous prie, examiner le visage de l'officier qui se trouve derrière, à

5 droite. Ensuite, veuillez tourner la page et regardez les armes que l'on

6 voit apparaître ici. Quelle est l'uniforme que portent ces hommes ainsi que

7 l'officier armé ?

8 R. C'est l'uniforme du MUP. Je l'ai dit à plusieurs reprises. Cet uniforme

9 on l'avait évolué, on l'avait changé en 1999, ou plutôt en 1998. Les unités

10 plus agressives ont été facilement identifiables initialement grâce à leurs

11 uniformes. Ils s'en sont rendu compte assez vite, donc ils ont essayé de

12 noyer un peu le poisson en se revêtant d'un uniforme plus classique. Il me

13 semble que nous avons là quelqu'un du MUP. Je ne sais pas si c'était un

14 membre des PJP ou d'une autre unité. Je ne peux le dire à partir de cette

15 photographie.

16 Q. Parce qu'ultérieurement, au cours de cette même année, ils ont essayé

17 de se faire passer pour les membres d'autres unités. Est-ce que c'est ce

18 que vous êtes en train de nous dire ?

19 R. Oui.

20 Q. Cela peut paraître frapper au coin du bon sens, mais malgré tout,

21 dites-nous pourquoi ils s'efforçaient ainsi de passer inaperçus, ces

22 membres des PJP, de la JSO, et cetera ?

23 R. Il faudrait leur poser la question.

24 Q. En tant qu'attaché de la Défense, qu'en pensiez-vous ?

25 R. Je crois que j'ai expliqué ce qu'il en était. Ils avaient l'impression

26 qu'en revêtant ces uniformes plus classiques on les identifierait moins

27 facilement.

28 Q. Pour en terminer de cette question, il s'agissait d'unités qui avaient

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1 commis des crimes et ils voulaient éviter qu'on les reconnaisse, n'est-ce

2 pas ?

3 R. Oui, je pense que c'est cela. C'était l'idée.

4 Q. Revenons à la première photographie de Baballoq. Si on regarde la

5 carte, où se trouve Baballoq et Erecka Suka. Est-ce qu'on dirait que ces

6 officiers se trouvent à Erecka Suka ?

7 R. Apparemment, oui.

8 Q. Ce canon que l'on voit là, quel est-il ?

9 R. Il s'agit d'une arme antiaérienne.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois une hauteur sur la carte nord de

11 Babaloc, j'en vois aussi une au sud. Qu'est-ce qui vous amène à penser

12 qu'il s'agit de la hauteur que vous avez entourée d'un cercle bleu et pas

13 une autre ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette photographie où l'on voit ces huit ou

15 neuf membres du MUP, c'est une photographie sur laquelle on peut voir la

16 route extrêmement rectiligne derrière les maisons, derrière les cinq

17 rangées de maisons qui va de Djakovica à Decani, si bien que moi cela me

18 semble collé. Je pense qu'il s'agit effectivement d'Erecka Suka.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On voit une rangée de maisons blanches,

20 une autre qui sont plutôt rougeâtres. De quelle route parlez-vous ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] La route qui passe entre les deux. Vous avez à

22 gauche les maisons rouges, de couleur rougeâtre et de l'autre côté de la

23 route, si l'on peut dire, vous avez les autres maisons qui sont plus

24 nombreuses.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela devrait être donc la route allant

26 de Decani à Djakovica ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si je me reporte maintenant à la carte

Page 3073

1 qui, je crois, est toujours à l'écran, j'imagine que je me trouve sur la

2 colline qui a été entourée d'un cercle bleu, je vois le nom de Babaloc qui

3 apparaît sur la carte et qui se trouve au nord de cette hauteur, au nord de

4 cette colline. Imaginons que je prenne une photographie depuis cette

5 colline vers Babaloc, enfin ce qui est indiqué comme étant Babaloc sur la

6 photo, cela m'étonnerait que j'arrive à photographier la route allant de

7 Decani à Djakovica sur la même photographie ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que la confusion vient du fait que le

9 Babaloc qui est indiqué sur la carte est l'ancien village. Parce que celui

10 dont on en train de parler c'est un village complètement neuf qui avait été

11 construit exprès pour y loger les Albanais et qui portait exactement le

12 même nom.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Ce lotissement a été construit tout à

14 côté de la route Peje-Gjakove.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'essaie de comprendre ce qu'il en est.

16 Vous dites qu'il ne s'agit pas du Babaloc qu'on trouve sur la carte, mais

17 d'un lotissement ou d'un hameau qui a été construit ailleurs.

18 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Je précisais les choses. Je ne veux pas

19 témoigner à la place du colonel Crosland, je pense qu'il pourra cependant

20 confirmer ce que je vous expliquais. C'est exactement ce que vous venez de

21 nous dire. On peut voir que cette photographie a été prise depuis la

22 position qui se trouve au sud.

23 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Ce nouveau village, quand a-t-il été

24 construit ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1997 ou en 1998, à la fin 1997. Je me

26 trompe peut-être, mais je crois que c'est à ce moment-là qu'ils ont

27 construit le village. Quand vous regardez la photographie, on voit qu'à la

28 distance il y eu des constructions semblables vers la ville de Junik.

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1 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour vous dire la vérité, c'est une région qui

3 est assez peu accueillante.

4 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Avez-vous la date de cette

5 photographie, Maître Emmerson ?

6 M. EMMERSON : [interprétation] Non, malheureusement.

7 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Très bien.

8 M. EMMERSON : [interprétation]

9 Q. Vous avez mentionné plus ou moins en détail à plusieurs reprises un

10 incident au cours duquel vous avez assisté à quatre heures de pilonnage

11 direct sur les quatre localités suivantes : Jukic, Gllogjan, Irzniq et

12 Prilep. Vous souvenez-vous de l'endroit où vous vous teniez quand vous avez

13 assisté à ce pilonnage -- ou plutôt à quel moment cela s'est passé ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que c'était en juillet 1998 ?

16 R. Cela doit figurer dans un de mes rapports. Je ne me rappelle plus de la

17 date.

18 Q. Si je me souviens bien, c'était le 28 juillet, mais je le vérifierai.

19 Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que vous avez vu exactement ?

20 R. J'essaie de m'en souvenir. On était à Gjakove -- Djakovica plutôt, et

21 on a pris la route vers le nord. On a traversé Skivjane, que je vous

22 indique sur la carte, ensuite on a tourné soit dans ce chemin-ci, soit dans

23 un autre, je crois. Je crois qu'il s'agissait de ce chemin-là.

24 Q. Vous nous indiquez la ligne horizontale bleue qui est le plus au nord

25 par rapport à la deuxième que vous avez également

26 tracée ?

27 R. Oui. Nous sommes restés sur ce chemin, nous étions tout à fait visibles

28 depuis la route, tout le monde pouvait nous voir et nous avons vécu ces

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1 quatre heures de pilonnage. En tant qu'officier d'infanterie ayant

2 l'expérience de pilonnages considérables, je suis en mesure de dire d'où

3 venaient ces pilonnages. Et pour l'essentiel, ils venaient de la zone du

4 lac, que je vous ai indiqué ici, et ces pilonnages atteignaient Junik ainsi

5 que Prilep et Rznic.

6 Q. Je crois également que vous avez dit que cela concernait Gllogjan.

7 R. Oui, j'ai également parlé de Gllogjan. Nous avons pu voir que des

8 projectiles d'artillerie touchaient cette zone et nous avons vu également

9 des nuages de fumée s'élever dans le ciel. Bien entendu, il était un peu

10 difficile de dire exactement où atterrissaient les projectiles. En tout

11 cas, c'était à Junik et Prilep.

12 Q. Pouvez-vous nous dire de quel type d'armes il s'agissait et de quel

13 type de projectiles il s'agissait et de quel calibre ?

14 R. Selon moi, il s'agissait de lance-roquettes multiples de calibre 122-

15 millimètres qui utilisent des projectiles assez considérables. Il y avait

16 également des tirs indirects qui venaient d'autres positions, des positions

17 d'artillerie et des positions de mortier.

18 Q. Pouvez-vous nous donner une idée du type de dégâts pouvant être

19 occasionnés par ce type d'armes les plus puissantes ?

20 R. Les canons de calibre 155-millimètres, cela provoque un cratère qui a à

21 peu près la dimension de la zone qui est en face de nous ici. Un projectile

22 d'un calibre inférieur provoquerait un cratère un peu moins important. En

23 tout cas, c'était une zone civile qui était visée, cela crée des dégâts

24 considérables.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin nous parle "de la zone qui est

26 devant nous." De quoi s'agit-il ?

27 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela représente, on pourrait

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1 dire, 1 diamètre d'environ 5 mètres ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

4 M. EMMERSON : [interprétation]

5 Q. Et ça correspond à un obus ?

6 R. Oui.

7 Q. Combien de temps a duré ce pilonnage ?

8 R. Si je me souviens bien de ce que j'ai écrit dans mes rapports, ça a

9 duré quatre heures. J'ai transmis l'information directement à l'ambassadeur

10 à Belgrade ainsi qu'au ministère de la Défense à Londres par liaison

11 téléphonique sécurisée.

12 Q. Vous n'avez pas parlé directement, n'est-ce pas ?

13 R. Non.

14 Q. Pourquoi pensiez-vous que cet incident méritait l'attention du ministre

15 ?

16 R. Parce qu'à l'époque, c'était en juillet, vous l'avez dit, je pense,

17 notre parlement et nos dirigeants partent en vacances, ce que l'on ne peut

18 pas leur reprocher. Ce que j'essayais simplement de faire c'était de mieux

19 faire comprendre aux personnes la situation au Kosovo et de leur faire

20 comprendre que la situation devenait de plus en plus critique. Il me

21 semblait approprié pour ces personnes de savoir qu'au moment où elles

22 seraient en vacances de nouveaux crimes risquaient de se produire. C'est la

23 raison pour laquelle j'ai insisté davantage sur cet épisode-là, sur le

24 chaos qui régnait à l'époque sur place.

25 Q. Je vais vous demander une estimation là encore, parce que vous ne

26 pouvez pas connaître la fréquence exacte, mais j'aimerais que vous nous

27 donniez une idée générale de la fréquence de ce pilonnage, au cours de ces

28 quatre heures, du nombre de projectiles qui sont tombés, par exemple, sur

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1 Rznic ou Gllogjan et leurs secteurs respectifs ainsi que sur le secteur de

2 Junik.

3 R. Je ne peux pas répondre véritablement à cette question, mais tout ce

4 que je peux dire, c'est que Rznic et Prilep faisaient environ 18 pouces de

5 haut. Ce n'est pas la première fois que Prilep était touché. Comme je l'ai

6 dit déjà à la Chambre, il y avait déjà eu destruction et des dégâts

7 considérables dans de nombreux villages de toute la province du Kosovo.

8 Q. Par la suite, avez-vous vu Prilep vous-même, et effectivement, Prilep

9 avait-il été complètement rasé pour ne plus s'élever qu'à 18 pouces au-

10 dessus du sol ?

11 R. Oui, c'est exact. Je crois qu'il y a des photos d'ailleurs.

12 Q. Du point de vue militaire, pensez-vous qu'il y ait eu pilonnage

13 simultané de toutes les armes lourdes, ou pensez-vous que la situation ait

14 été le résultat d'une arme utilisée et rechargée après chaque tir ?

15 R. Je pense que ce qu'ils faisaient en général c'était de déployer une

16 batterie de six ou peut-être une demi-batterie de trois.

17 Q. Ces tirs se sont poursuivis pendant toute la période ou y a-t-il eu des

18 accalmies ?

19 R. Si je me souviens bien, il y a eu quatre heures de tirs de munitions de

20 tous types provenant de chars, de pièces d'artillerie, de lance-roquettes,

21 et cetera.

22 Q. Je pense que les roquettes lancées vers les Junik passaient directement

23 au-dessus de vos têtes, n'est-ce pas ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Si nous regardons là où vous étiez, on voit qu'ils arrivent de l'est de

26 la route, n'est-ce pas ?

27 R. Oui. Ils venaient de la partie que j'ai indiquée sur la carte,

28 Monsieur.

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1 Q. Très bien, oui. Pouvez-vous nous la montrer ?

2 R. Ici. A peu près le même secteur.

3 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Bien. C'est donc une indication

4 représentant une double ellipse.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, en effet, c'est l'indication que l'on

6 voit en bas du lac.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, nous avons beaucoup de

8 cercles bleus maintenant sur la carte, et à un moment donné il va devenir

9 extrêmement difficile de savoir ce que tel ou tel cercle représente.

10 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, il faudrait indiquer cela par des

11 lettres.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

13 M. EMMERSON : [interprétation]

14 Q. Monsieur le Témoin, --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous d'abord revenir au trois

16 positions initialement indiquées, c'est-à-dire Suka Cermjan et les deux

17 autres collines ?

18 M. EMMERSON : [interprétation] Pensez-vous qu'il faut y apposer une

19 initiale ? Il me semble que les cercles sont relativement clairs.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je m'en remets à vous.

21 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

22 Q. Il me semble que les éléments importants sont les

23 suivants : d'abord, il faudrait peut-être indiquer du chiffre 1 l'origine

24 des tirs et avec le numéro 2 nous pourrions indiquer votre propre position,

25 Monsieur le Témoin.

26 R. Les tirs d'artillerie et de roquettes semblaient venir d'ici. Il y

27 avait également d'autres tirs de chars --

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, le 1, on ne le lit pas très bien.

Page 3103

1 C'est une brève ligne au-dessus de Cermjan.

2 M. EMMERSON : [interprétation]

3 Q. J'aimerais que vous indiquiez d'un 2 la position que vous occupiez.

4 R. Comme je l'ai dit, c'est l'un de ces deux sentiers ici. Je crois que

5 c'est celui-ci.

6 Q. Je crois que vous avez dit également qu'il y avait des tirs de chars et

7 d'autres tirs encore. D'où venaient ces tirs ?

8 R. Apparemment cela venait d'ici.

9 Q. Pourriez-vous y apposer un 3.

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Oui, d'accord, je vois. Ces tirs allaient vers quelle direction ?

12 R. Vers Junik surtout.

13 Q. Alors, la portée de ces armes est suffisante pour couvrir la distance

14 qui sépare du lac Radoniq jusqu'à Junik, la portée de ces armes lourdes

15 dont nous avons parlé ?

16 R. Oui, en effet.

17 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Nous allons sauvegarder cette image,

18 n'est-ce pas ?

19 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, cette pièce comme

21 les autres fera l'objet d'une décision ultérieure de notre part, les autres

22 pièces qui figurent dans le classeur, Maître Emmerson --

23 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- mais pour l'instant, la carte

25 annotée, cette carte D32 recevra pour cote --

26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D36 enregistrée

27 aux fins d'identification.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

Page 3104

1 J'ai une question. Quelle est la portée maximale des armes dont vous

2 avez remarqué qu'elles étaient utilisées à cette occasion ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, les tirs de chars

4 peuvent atteindre environ 3 à 5 kilomètres, en général 3. S'agissant de

5 tirs d'artillerie, ils peuvent atteindre 10 à

6 15 kilomètres et un lance-roquettes a sans doute une portée maximale de 22

7 kilomètres.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

9 Continuez, Maître Emmerson.

10 M. EMMERSON : [interprétation]

11 Q. Témoin, consultez l'intercalaire 25 dans ce classeur, celui que vous

12 avez juste sous les yeux.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Il s'agit de la pièce 858 de la liste 65

14 ter, mais comme je l'ai dit, nous rassemblerons toutes les différentes

15 pièces dans le classeur et nous procéderons à la numérotation qui convient.

16 Q. Vous voyez ?

17 R. Si vous parlez du document intitulé "Urgent," adressé au commandant du

18 52e Bataillon, Bataillon de la Police militaire --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant d'en arriver là, Maître Emmerson,

20 vous avez tout à l'heure attiré notre attention sur la personne figurant

21 sur la photographie avec les neuf individus devant la nouvelle localité de

22 Baballoq.

23 M. EMMERSON : [interprétation] En effet.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, vous nous avez

25 dit : Regardez 37a. Est-ce que nous avons besoin bien compris ? Vous avez

26 laissé ce 37a de côté ?

27 M. EMMERSON : [interprétation] Non, non, pas du tout. S'agissant de la

28 photo, je voulais que vous constatiez que la deuxième photo avait été prise

Page 3105

1 du même endroit que la première parce que c'est le même homme.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maintenant vous nous parlez de la

3 même position, oui ou non ? Mais vous avez commencé à attirer notre

4 attention là-dessus et nous n'avons pas poussé l'examen plus loin.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Bien, le témoin a déposé sur les uniformes

6 qui étaient portés.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En effet.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Et sur les armes et sur le lieu représenté

9 sur la deuxième photo.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Je vérifierai. Merci.

11 Continuez.

12 M. EMMERSON : [interprétation]

13 Q. Excusez-moi. Nous parlons maintenant de l'intercalaire 25. C'est un

14 document qui a été extrêmement expurgé.

15 R. Oui, effectivement. C'est le Brit Mil Rep.

16 Q. Oui, c'est cela. Regardons le résumé. Ce document est daté du 28 ou du

17 29 juillet. Visite organisée par l'UCK au nord d'Orahovac vers Malisevo --

18 M. RE : [interprétation] Maître Emmerson, avant que vous poursuiviez,

19 j'aimerais savoir si ces documents sont sous pli scellé où s'ils sont

20 publics ?

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

22 M. RE : [interprétation] Oui, mais hier nous n'avons pas utilisé le système

23 d'affichage électronique. Nous avons utilisé une version papier.

24 M. EMMERSON : [interprétation] Il n'est pas nécessaire que l'on continue à

25 afficher ceci à l'écran.

26 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme la Greffière va faire savoir au

28 technicien qu'il ne faut pas diffuser ces documents à l'extérieur sur les

Page 3106

1 écrans, ce qui signifie qu'une expurgation vidéo va être effectuée,

2 Monsieur Emmerson. Le document ne sera plus affiché à l'écran, voici les

3 instructions données au technicien.

4 N'oubliez pas, s'il vous plaît, que lorsque vous utilisez ces

5 documents à l'écran tout le monde peut les voir. Or, il faut éviter cela.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Je n'ai pas demandé à ce qu'on l'affiche.

7 C'est pour cela que nous les avons tous préparés sur papier.

8 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais les interprètes n'ont pas reçu

10 un exemplaire de ce document. Si nous n'utilisons pas l'écran, ils ne

11 pourront pas en prendre connaissance.

12 Je crois que les choses sont claires maintenant.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais lire ce passage, mais nous allons

14 faire en sorte que les interprètes obtiennent une copie papier de ces

15 documents. Nous le ferons juste après la pause. Cela aurait dû être fait.

16 Je m'en excuse.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà ce que je vous suggère et je pense

18 que cela fonctionne, mais il faut surtout éviter à ce que ces documents

19 soient diffusés à l'extérieur du prétoire.

20 M. EMMERSON : [interprétation]

21 Q. Colonel Crosland, je suppose que vous avez eu le temps de jeter un œil

22 à ce document pendant que nous discutions d'autres choses ?

23 R. Oui.

24 Q. Dans le résumé vous voyez qu'il y a quelques lignes : "Junik sous tirs

25 d'artillerie lourde et de mortier à partir de

26 1 heure. Des questions demeurent sans réponse …

27 Ensuite il y est question un peu plus loin dans ce même texte de

28 dégâts occasionnés aux villes et aux villages."

Page 3107

1 Si nous passons à la page suivante, à peu près à moitié sous

2 l'intitulé "commentaire," il y a une référence au carrefour de Lapusnik.

3 C'est à peu près à égale distance des différents points indiqués dans ce

4 rapport. Au carrefour de Lapusnik, on fait référence à une force conjointe

5 d'environ 150 hommes, SAJ, PJP, VJ et à des transporteurs blindés des

6 troupes ?

7 R. C'est exact.

8 Q. -- qui sont rassemblés pour lancer une attaque contre Malisevo. Le

9 commandant des forces est un peu surpris de nous voir arriver.

10 C'est Legija, n'est-ce pas ?

11 R. D'après ce que je comprends, oui.

12 Q. Voilà donc l'incident en question. Ensuite vous poursuivez, semble-t-

13 il, au point 3 : "Pris virage à l'ouest sur la route principale en

14 direction de Peje." Ensuite un peu plus loin il y a une autre remarque :

15 "Chaque village à l'ouest a subi des tirs de canon et des tirs de HMG." Je

16 suppose que ce sont des tirs de mortier, de canon de mortier lourd ?

17 R. De mitrailleuse lourde.

18 Q. "Beaucoup de bâtiments brûlés --" En bas ensuite, il y a : "Visite du

19 secteur de Junik pendant tout l'après-midi du 28 juillet à environ 4

20 kilomètres de distance, également entendu MBT" --

21 R. Oui, char bataille.

22 Q. -- "et des transporteurs de troupes armés avec des MOR ?"

23 R. Oui.

24 Q. -- "accès refusé au secteur."

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson.

26 M. EMMERSON : [interprétation]

27 Q. Est-ce que ceci vous aide à déterminer la date à laquelle ces tirs

28 issus d'armes lourdes ont eu lieu ?

Page 3108

1 R. Oui.

2 Q. Nous pouvons donc en déduire que les tirs importants que vous avez vus

3 à Irzniq, à Prilep et à Junik ce même jour sont en réalité un incident qui

4 a eu lieu soit le 28 soit le 29, n'est-ce

5 pas ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Juillet. Merci beaucoup.

8 J'aimerais maintenant assez rapidement, je l'espère, passer en revue avec

9 vous les autres télégrammes diplomatiques ainsi que les autres documents

10 qui figurent dans ce classeur.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

12 Q. Vous avez parlé de "tirs directs" et "indirects." Pourriez-vous

13 expliquer assez brièvement quelle est la distinction entre ces tirs directs

14 et indirects ?

15 R. Lorsqu'il y a tir direct, c'est un tir qui vient de l'armement

16 concerné, qu'il s'agisse d'un char d'assaut ou d'une mitrailleuse lourde,

17 d'un canon antiaérien, et ce tir atteint la cible directement. Ceci suppose

18 que la personne qui utilise cette arme a une vision, une bonne vision de la

19 cible. On parle de tirs indirects lorsque l'on parle de tirs d'artillerie

20 ou de tirs du mortier, en général d'une portée plus importante lorsque, par

21 exemple, la cible est plus difficile à localiser ou à déterminer. C'est à

22 ce moment-là, dans ces circonstances-là, que l'on utilise des pièces

23 d'artillerie ou de mortier. C'est ce que l'on appelle des tirs indirects et

24 qui seront dirigés vers la cible par des personnes situées à plus grande

25 proximité ou qui parviennent à voir la cible.

26 Q. Pour le profane, il semble, à vous entendre, que les tirs indirects

27 soient moins précis que les tirs directs ?

28 R. Non, pas nécessairement. Si le tir est bien contrôlé, cela dépend

Page 3109

1 véritablement de la personne chargée d'effectuer le tir.

2 Q. Je vous remercie. Je suppose que vous avez observé ces deux catégories

3 de tirs le jour dont vous venez de parler ?

4 R. Oui, c'est exact. Nous les avons entendus.

5 Q. J'aimerais maintenant que vous regardiez l'intercalaire 4. J'aimerais

6 passer en revue ces documents assez vite et me concentrer sur certains

7 extraits. L'intercalaire 4 c'est un rapport de situation déposé le 8 mars

8 et portant sur des incidents à Donji Prekaz, ceux dont vous nous avez parlé

9 hier. Je ne vais pas vous demander de répéter ce que vous avez déjà dit

10 hier à propos de cet incident, mais j'aimerais que vous tiriez au clair un

11 élément --

12 R. Je ne trouve pas ce document.

13 Q. Intercalaire 5, non pardon, intercalaire 4. Est-ce un rapport de

14 situation du 8 mars ?

15 R. Onze heures 30 [comme interprété] le 8.

16 Q. Oui. Vous avez parlé de Likosane et Prekaz. Je vais vous rafraîchir la

17 mémoire. L'incident à Likosane a eu lieu le

18 28 février et l'incident à Prekaz, une semaine plus tard, le 5 mars. Est-ce

19 que ceci correspond bien au souvenir que vous avez de ces incidents ?

20 R. Oui.

21 Q. Et vous étiez présent lorsque ces deux incidents se sont produits ou

22 juste après ?

23 R. Oui, juste après.

24 Q. Vous nous avez dit hier que vous aviez vu des corps à Prekaz.

25 Pourriez-vous nous parler de ces corps que vous avez vus vous-même ou dont

26 ont vous a parlé peut-être à Likosane. Tout d'abord, Likosane c'est là que

27 se trouvait, n'est-ce pas, la propriété de la famille Ahmeti ?

28 R. Oui, je crois.

Page 3110

1 Q. Bien. Je me réfère ici à l'une de vos déclarations, si cela peut vous

2 aider. Est-il exact que vous ayez appris que 16 personnes avaient été

3 tuées, que dix personnes avaient été vues quitter le village en vie, mais

4 que par la suite ces dix personnes avaient été retrouvées mortes ?

5 R. C'est ce qui figure dans ma déclaration, donc c'est exact.

6 Q. Avez-vous vu, vous, le moindre corps à Likosane ?

7 R. Si me souviens bien, nous sommes allés en voiture jusqu'au village de

8 Likosane et nous avons vu le cimetière où les corps avaient été placés.

9 Q. Bien. Pour que les choses soient tout à fait claires, quel est

10 l'intérêt de dire que les dix personnes aient quitté le village en vie et

11 qu'ensuite elles ont été retrouvées mortes ?

12 R. Ceci indique qu'ils ont été tués après avoir quitté leur village par

13 quelqu'un.

14 Q. Oui. Vous nous avez dit hier qu'à Prekaz vous aviez vu beaucoup de

15 lésions, de blessures au niveau de la tête de ces personnes, ce qui

16 semblait indiquer que ces personnes avaient été assassinées; est-ce exact ?

17 R. Oui, effectivement. Il est assez inhabituel de constater autant de

18 brûlures dues à de la poudre sur les visages et les mains des gens. Il

19 semblait qu'ils aient pu avoir été tués.

20 Q. Oui, effectivement. Regardez le haut de la deuxième page de ce rapport

21 de situation, et regardez notamment la deuxième ligne : "C'est inquiétant.

22 Il y a peu de rapports faisant état de personnes blessées, ce qui est

23 prévisible étant donné l'intensité du conflit en certaines parties."

24 Pouvez-vous expliquer ce que cela veut dire ?

25 R. Je pense que sur la base de mon expérience militaire, lorsqu'il y a un

26 affrontement entre adversaires et qu'une partie gagne l'affrontement, et

27 bien, il y a un certain nombre de gens qui sont tués, et normalement il y a

28 un nombre assez important de gens qui sont blessés. Il me semblait

Page 3111

1 simplement bizarre ici qu'il n'y ait pas de blessés sur place.

2 Q. Bien. Dois-je comprendre que vous avez conclu qu'il y avait un risque

3 important que les blessés aient été en réalité tués ?

4 R. Oui.

5 Q. Bien. A votre connaissance, la VJ n'a pas participé à cette opération,

6 n'est-ce pas ?

7 R. Je ne crois pas, non.

8 Q. Mais la JSO, l'organisation, le Frenki Simatovic, oui ?

9 R. Je n'en sais rien parce que je n'étais pas là. Je ne peux pas

10 l'affirmer alors que je suis sous serment. A moins de l'avoir indiqué dans

11 l'une de mes déclarations - je crois que ma première déclaration remonte à

12 1999 - donc si jamais j'ai dit cela à un moment donné ou à un autre, je ne

13 reviendrai pas sur ce que j'ai dit.

14 Q. Bien, pour être tout à fait juste, dans votre déclaration on lit la

15 chose suivante sur Prekaze : "J'ai pris en photo les corps. Je pense que

16 c'est le MUP et la PJP qui ont mené l'opération. Et je soupçonne la JSO,

17 les services de Sûreté de l'Etat donc, la RDB, et les forces

18 antiterroristes de la SAJ d'avoir participé également à l'opération.

19 C'étaient les seules unités entraînées pour mener à bien un tel assaut."

20 R. Oui, ici on parle de Prekaz mais vous m'avez demandé quelque chose à

21 propos de Likosane.

22 Q. Oui, tout à fait. C'est ma faute. Permettez-moi de préciser ma

23 question. Par rapport à Prekaze, pensiez-vous que la SAJ et le JSO avaient

24 mené l'opération ?

25 R. Je suppose que oui.

26 Q. Pouvez-vous dire quoi que ce soit, d'un point de vue purement

27 militaire, s'agissant de ce qui s'est passé à Likosane ?

28 R. Non, pas sous serment.

Page 3112

1 Q. Très bien. Merci de cette précision. Il me semble que vous avez vu des

2 traces de chenilles à quelques mètres de la maison à Prekaz et à Likosane ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Cela indique quoi ?

5 R. Cela indique que l'on a fait usage de transporteurs de troupes blindés,

6 probablement dans le cadre du mouvement lié à une attaque directe.

7 Q. Pour que les choses soient claires -

8 R. -- afin de fournir une certaine protection aux soldats qui étaient sur

9 le point de donner l'assaut à la maison, s'ils jugeaient bon de bénéficier

10 de cette protection-là. Nous avons traversé une zone découverte et nous

11 nous sommes fait tirer dessus lorsque nous sommes arrivés sur place avec un

12 véhicule blindé.

13 Q. A quelle distance de la maison se trouvaient les véhicules, des maisons

14 donc dans les deux incidents ?

15 R. Dans la zone de Prekaz, je crois qu'ils étaient tout près, à 4 ou 5

16 mètres, peut-être même plus près encore.

17 Q. Bien. De cet élément-là, peut-on conclure que les soldats ont dû

18 rentrer dans la propriété plutôt que d'avoir tiré de loin ?

19 R. Je dirais, que de manière générale, ils auraient procédé à des tirs de

20 couverture à une certaine distance de là pour permettre aux troupes

21 d'assaut de se rapprocher. Et ensuite, de manière coordonnée, ces feux de

22 couverture auraient ciblé d'autres endroits, d'autres cibles, peut-être des

23 gens qui étaient en train de courir, ou d'autres choses encore, pendant que

24 l'assaut était mené à bien par les troupes d'assaut à proximité de

25 l'objectif.

26 Q. Vous avez dit hier qu'il y avait des corps de personnes âgées et

27 d'enfants parmi les victimes à Jashari -- au cours de l'incident ayant

28 impliqué les Jashari. Pouvez-vous nous dire si ce que vous avez observé,

Page 3113

1 c'est-à-dire ces brûlures provoquées par de la poudre, indiquait qu'il y

2 avait eu des tirs tirés à bout portant sur les corps de ces personnes âgées

3 et des enfants ?

4 R. Et bien, cela fait longtemps que j'ai observé tout cela. Je crois qu'il

5 y a une remarque effectivement que j'ai faite à propos de la majorité des

6 corps que j'ai vus. Comme je vous l'ai dit, et vous le savez, je ne suis

7 pas pathologiste.

8 Q. Oui, je sais. Mais il y avait un bébé qui avait été tué au cours de

9 l'incident, n'est-ce pas, en tout cas un enfant de moins de 3 ans ?

10 R. Je crois que c'est exact, oui.

11 Q. Maintenant s'agissant des opérations antiterroristes. Se déplacer afin

12 de décapiter une organisation, en quelque sorte, en tuant des gens dont on

13 juge que ce sont les dirigeants, est-ce là une tactique, disons, classique

14 ?

15 R. De manière générale, oui, mais il y a différents moyens de mener à bien

16 des opérations.

17 Q. Oui. Bien entendu, j'imagine que tuer des enfants à bout portant ne

18 serait pas légitime. Je ne suis en train de dire cela, bien entendu. Mais

19 j'essaie simplement d'analyser la situation à l'époque. Du point de vue de

20 la SAJ et de la JSO et du point de vue d'une opération antiterroriste, d'un

21 point de vue purement stratégique, est-ce qu'il serait logique de tuer les

22 membres des familles Jashari et Ahmeti si vous pensiez ou si ces unités

23 pensaient que ces personnes pouvaient être à la tête d'un mouvement donné ?

24 R. Si vous avez la chance de les trouver tous ensemble, regroupés dans une

25 maison relativement isolée, comme c'était le cas ici, évidemment c'était un

26 coup de chance, mais ce n'était pas habituel.

27 Q. Mais c'était une caractéristique du mouvement de résistance albanais,

28 n'est-ce pas ? Il y avait les familles, comme les Haradinaj, comme les

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1 Ahmeti, comme les Jashari, qui étaient regroupées dans un seul lieu à tel

2 ou tel moment ?

3 R. Oui. Ceci c'est une caractéristique de la manière dont vivent les

4 Albanais du Kosovo, oui.

5 Q. Donc le 28 mars ils sont allés vis-à-vis l'assaut contre la propriété

6 des Jashari, le 28 février, pardon. Le 5 mars, ils ont visé les Jashari à

7 Prekaze.

8 R. Oui.

9 Q. Et le 24 mars il y a eu un incident à Gllogjan au cours duquel une

10 attaque a eu lieu contre la propriété Haradinaj. Je pense qu'hier vous nous

11 avez dit qu'à l'époque vous ne saviez pas que la propriété des Haradinaj

12 avait fait objet d'une attaque, n'est-ce

13 pas ?

14 R. Oui. Je crois que c'est ce que j'ai dit hier.

15 Q. Bien, j'aimerais que l'on regarde le document qui se trouve à

16 l'intercalaire 8. C'est le télégramme pneumatique que vous avez rédigé pour

17 ce jour-là, et c'est également un document dont vous avez demandé qu'il

18 soit transmis immédiatement au directeur politique --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

20 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

21 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je ne sais pas où nous en sommes dans

22 ce document.

23 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, à l'intercalaire 8 j'ai un rapport

25 quotidien.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi. C'est un lapsus de ma part. En

27 fait, c'est le document à l'intercalaire 5 qui m'intéresse.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document ne devrait pas être montré à

Page 3115

1 l'extérieur.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais vous donner lecture lentement pour

3 l'interprétation.

4 Donc, "Résumé : Plusieurs incidents sévères aujourd'hui, y compris

5 des pertes en moins, une opération semble continuer. La police spéciale est

6 de toute évidence présente, mais il n'y a pas des signes d'activités de la

7 VJ."

8 Quand vous utilisez l'expression "les unités de la police spéciale,"

9 vous faites référence à quoi exactement ?

10 R. Aussi bien aux éléments de la PJP que JSO et SAJ.

11 Q. Même si JSO ce n'est pas une police du point de vue technique, c'est,

12 en fait, plutôt un service de sécurité, vous le comprenez par ce terme.

13 R. Oui.

14 Q. Je continue. "Decani, dans les rapports de médias, il a été confirmé

15 qu'il y a eu des échanges de feu dans plusieurs villages entre Decani et

16 Djakovica. D'après la radio Pristina." Ensuite, il y a une explication

17 venant des médias de Belgrade concernant l'incident qui a commencé par le

18 feu qui a été ouvert sur une autopatrouille de police. Ensuite jusqu'à la

19 fin.

20 "Mon DA a rapporté qu'à peu près à 11 heures 30, il a entendu des

21 tirs à Rznic d'un hélicoptère de la police. Il y a eu deux explosions, et

22 suite à cela il y a eu un échange de feu qui a duré à peu près 20 minutes."

23 Rznic est plus près de la route principale que Gllogjan ?

24 R. Oui, notamment. De façon notable.

25 Q. Cet incident qui a été décrit ici par les médias de Belgrade, il s'agit

26 de toute apparence d'une attaque sur la maison où habitent les Haradinaj.

27 Est-ce que vous vous en souvenez ?

28 R. Oui, c'est tout à fait probable.

Page 3116

1 Q. Très bien.

2 R. Bien, ce télégramme, c'est mon ambassadeur qui a écrit ce télégramme et

3 on y parle de toute la province de Kosovo --

4 Q. Oui, je comprends bien.

5 R. -- et apparemment, il y avait des incidents qui se produisaient partout

6 au Kosovo, auxquels nous avons participé. Donc souvent les journées étaient

7 très longues.

8 Q. Le paragraphe numéro 3 : "Le centre d'information du Kosovo près du QG

9 de Rugova a vu police en action, disant que dans certains villages les

10 maisons étaient encerclées et incendiées. Les médias indépendants albanais

11 rapportent que trois maisons ont été détruites. Des Albanais aussi disent

12 qu'il y avait les villageois qui avaient fui la région. Il semblerait que

13 l'opération est toujours en cours et que maintenant la région est à nouveau

14 ouverte."

15 Est-ce que vous pouvez nous dire si on vous a refusé l'accès à la

16 région ?

17 R. Je vous dis que ce télégramme concernait le Kosovo tout entier. De quel

18 endroit on parle exactement, et bien, j'ai du mal à déterminer. Il y avait

19 des incidents différents qui ont eu lieu dans la région.

20 Q. [aucune interprétation]

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson, je regarde l'heure.

22 Je voudrais savoir combien de temps vous allez encore avoir besoin.

23 Vous avez dit que le témoin avait confirmé que Rznic était plus près

24 de la route principale que Gllogjan. Et à vol d'oiseau, est-ce que vous

25 parlez de cette route entre Decani et Djakovica --

26 M. EMMERSON : [interprétation] Et bien, je ne lui ai pas posé la question à

27 vol d'oiseau.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que si vous regardez la carte, si

Page 3117

1 vous allez de Gllogjan jusqu'à la route principale, qu'il s'agisse de

2 Dubrava à Rznic, il me semble que la distance est plus importante que si

3 vous allez de Rznic directement à Prilep en passant par la route

4 principale. Est-ce que vous pouvez vérifier cela avec le témoin.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Et bien, je vais demander au témoin de se

6 référer à la carte qu'il a annotée lui-même. Et je pense qu'après cela nous

7 allons prendre la pause.

8 Q. Monsieur Crosland, vous avez votre propre carte que vous avez annotée

9 vous-même. En réalité il s'agit de la carte du colonel Delic. Normalement

10 elle est au niveau de l'intercalaire 1. Nous l'avons déjà examinée, vous

11 vous souvenez ? Peut-être que vous l'avez enlevée du classeur au moment où

12 nous l'avons déjà examinée, mais si elle n'est pas là, je peux vous passer

13 un exemplaire, mais mon exemplaire n'est pas annoté.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai trouvée.

15 M. EMMERSON : [interprétation]

16 Q. Tout d'abord, trouvez Rznic et Prilep. Vous les avez entourés de bleu.

17 R. Oui.

18 Q. Vous avez dit qu'ils n'étaient pas dans la zone d'influence puisque

19 c'était un territoire disputé.

20 R. Prilep était une région disputée et c'est nivelé, comme nous avons dit.

21 Q. Oui.

22 R. Rznic était au bord de cette région et --

23 Q. Donc cette route passait comme cela, en serpentant ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Si on arrive de la route principale, est-ce que vous deviez passer par

26 Irzniq pour vous rendre à Gllogjan ?

27 R. Oui.

28 Q. Oui, encore.

Page 3118

1 R. Et bien, je ne me prononcerais pas s'il y avait des mines dans la

2 région. Il fallait utiliser la même route que les locaux pour des raisons

3 évidentes. C'était plus sûr que de passer par des champs dans ces régions-

4 là.

5 Q. Donc ici se trouve Gllodjan. Est-ce que vous savez, quand vous êtes

6 allé au canal à droite de Rznic, si vous êtes passé par cette route-là qui

7 se trouve à une centaine de mètres du poste de police ?

8 R. Non.

9 Q. Nous allons prendre une pause jusqu'à 6 heures moins 05.

10 --- L'audience est suspendue à 17 heures 37.

11 --- L'audience est reprise à 17 heures 59.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson, avant que vous ne

13 continuiez, je vous ai dit auparavant que j'ai vérifié les questions que je

14 vous ai posées et j'ai l'impression que j'ai raison quand j'ai dit que vous

15 n'avez pas fait de suivi par rapport au 37 et 37a. Là, nous avons la photo

16 de sept personnes. Et quand on regarde à première vue, il semblerait que

17 l'homme derrière le canon, c'est lui qui se trouve dans le rang en haut, à

18 droite de l'autre. Je ne sais pas si c'est utile vraiment de présenter

19 cette preuve - nous avons passé beaucoup de temps sur Babaloc - et sur cet

20 homme, le tireur, au niveau de la même colline --

21 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous comprends.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que je veux dire c'est qu'il n'y a

23 pas eu de suivi.

24 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, mais Monsieur le Président, --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- c'est-à-dire que vous n'avez pas

26 démontré que les dates correspondent à peu près, même cela on ne le sait.

27 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. C'est vrai qu'il y a pas mal de

28 questions auxquelles on n'a pas de réponse par rapport à ces photos.

Page 3119

1 Je l'accepte. Dans la photo, on voit ce fusil, vous allez voir qu'il

2 y a des montagnes en toile de fond.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, des montagnes assez hautes,

4 d'ailleurs.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Pour ceux qui connaissent la région, on sait

6 exactement où cela se trouve.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Puis, comme je vous ai dit, il y a des

9 questions qui n'ont pas de réponses par rapport à ces photos.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être ne devriez-vous pas prolonger

11 trop ce thème. Il semblerait que vous n'avez pas très bien compris ce qui

12 nous pose problème là-dedans.

13 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Il s'agit de déterminer l'endroit où se

14 trouvaient les troupes serbes, mais je ne pense que je vais pouvoir

15 terminer mon contre-interrogatoire cet après-midi.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons réfléchir à cela.

17 M. EMMERSON : [interprétation] J'ai voulu vous le faire savoir. Je vous

18 remercie.

19 Q. Colonel Crosland, juste avant de quitter ce rapport sur la situation en

20 date du 24 mars, Limaj 1870, ligne 23 à 1871, ligne 12, vous avez parlé de

21 ce rapport sur la situation, et vous avez parlé d'un incident qui a eu lieu

22 à Irzniq. Vous avez fait référence à une hélicoptère de police, et cetera,

23 et cetera. Vous avez dit que vous avez vu vous-même des maisons à Irzniq en

24 feu à cette occasion-là, à savoir le 24 mars. Est-ce que vous vous souvenez

25 de cela ?

26 R. Si je l'ai mentionné dans mon rapport de façon précise, c'est un fait

27 alors.

28 Q. Je suis désolé. Ce n'est pas quelque chose qui figure dans votre

Page 3120

1 rapport. C'est quelque chose que vous avez dit lors de votre déposition

2 dans l'affaire Limaj, et vous avez dit que vous avez vu les maisons en feu

3 à Irzniq le 24 mars. Je me suis demandé si vous pouvez nous le confirmer à

4 présent ?

5 R. Sans parler de mon emploi de temps, je pense que c'est exact.

6 Q. Bien.

7 R. Je peux le dire sous serment.

8 Q. Bien. Maintenant, avant de passer à un autre sujet. Du point de vue

9 militaire, si vous deviez établir la position d'artillerie sur une

10 élévation, tout d'abord si vous avez la meilleure vue, pour vous, est-ce

11 qu'il serait important de vous trouver un meilleur endroit et d'avoir la

12 meilleure visibilité par rapport à la région que vous dominez ?

13 R. Oui.

14 Q. Du point de vue militaire, il serait logique, n'est-ce pas, que les

15 forces de VJ/MUP se trouvent à une des trois collines sur laquelle j'ai

16 attiré votre attention qui domine la région de Gllogjan ?

17 R. Oui, en étant à cet endroit ils pourraient effectivement avoir une

18 bonne visibilité pendant toute la journée, mais cela ne veut pas dire

19 qu'ils pourraient avoir de la bonne visibilité pendant la nuit.

20 Q. Est-ce qu'ils avaient l'équipement [inaudible] pour voir la nuit ?

21 R. A ce que je sache, pas beaucoup de cela.

22 Q. Mais si on voulait se placer à un endroit d'où on pouvait localiser les

23 troupes, on se mettrait à une hauteur, n'est-ce pas ?

24 R. Cela dépend si votre ennemi a la possibilité de riposter sur vos

25 positions, sur ceux qui sont cachés. Dans ce cas-là, je dirais qu'on

26 chercherait une espèce d'abri par rapport à ces pentes.

27 Q. Par rapport à la position dont vous nous avez parlé, une des

28 particularités de conflit est que l'UCK n'avait pas la possibilité de

Page 3121

1 riposter justement par rapport à où ils étaient parce qu'ils étaient dans

2 la vallée ?

3 R. Oui, c'est exact parce qu'ils n'avaient pas cette possibilité-là au

4 mois de mars, mais plus tard ils se sont procurés de grenades à propulsion,

5 une roquette, avec lesquelles ils pouvaient infliger des dégâts dans la

6 région.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson, est-ce que vous

8 pouvez nous dire par rapport à la référence que vous avez faite à l'affaire

9 Limaj, vous avez dit : "Il a vu personnellement les maisons en feu à Rznic

10 le 24 mars."

11 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, c'est vrai.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez me dire où cela

13 figure ?

14 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je vais le corriger.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que je vois c'est ce qui suit. La

16 question était : "A l'époque le rapport parle de Rugova qui se plaint des

17 maisons qui ont été incendiées. Est-ce que vous vous souvenez si vous avez

18 vu ces villages, un quelconque de ces villages à l'époque ?"

19 Et le témoin répond : "Oui. C'est ce qui s'est passé pendant tout le

20 conflit entre 1998 et 1999. Ensuite, je pense qu'entre 200 et 400 villages

21 ont été détruits. C'était quelque chose que les forces de sécurité serbes

22 ont fait expressément."

23 M. EMMERSON : [interprétation] Ensuite, il y a la question et la réponse.

24 "Est-ce que vous avez vu des maisons en feu, est-ce que vous avez vu qu'on

25 a incendié les maisons ?"

26 "Réponse : Oui." Et ceci fait référence à la date du 27 [comme interprété]

27 mars.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous demander de vérifier

Page 3122

1 cette portion qui parle de 200, 400 villages.

2 M. EMMERSON : [interprétation] "Le 24 mars, est-ce que vous vous souvenez

3 de cet incident particulier ?"

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est plus qu'une page avant parce

5 qu'entre-temps on a beaucoup parlé.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Page 1 871, on parle de "Rznic, à

7 l'ouest [comme interprété] de la ville principale de Decani, il y a encore

8 de petits hameaux."

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, il y a une réponse où on parle

10 de ce qui s'est passé avec les 200, 400 villages --

11 Peut-être que je pourrais vérifier cela moi-même.

12 Monsieur Crosland, vous avez dit, vous avez déposé avoir vu vous-même des

13 maisons à Rznic en feu le 24 mars. J'ai vérifié votre déposition dans cette

14 affaire et on pourrait dire que c'est bien cela que vous dites, mais en

15 même temps, il y a beaucoup d'autres villages qui ont été mentionnés aussi.

16 Est-ce que vous pourriez nous dire si vous vous souvenez des maisons en

17 feu, à Rznic, le 24 mars ? Est-ce que vous vous souvenez les avoir vues ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, tout ce que je peux

19 vous dire c'est que j'imagine que cela correspond à la vérité à partir du

20 moment où je l'ai dit au cours de ma déposition, mais j'ai fait beaucoup de

21 dépositions.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de votre déposition au mois de

23 janvier 2005.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai dit sous serment, donc c'est vrai sans

25 doute, mais je devrais vérifier mon emploi du temps à l'époque. Je vous ai

26 déjà dit que nous voyagions beaucoup à travers le Kosovo à l'époque. Nous

27 allions d'une région à une autre, les dégâts étaient partout. Peut-être que

28 je me suis trompé, mais peut-être que non.

Page 3123

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne dis pas que vous vous êtes trompé.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends, je comprends. Mais vous savez on

3 avait l'impression à un moment donné que tout le Kosovo était en feu.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends.

5 M. EMMERSON : [interprétation]

6 Q. Je vais revenir sur la question que je vous ai posée au sujet des

7 élévations. Vous nous avez dit auparavant que parce que l'UCK se trouvait

8 dans une région difficile pour des rebelles, c'est-à-dire dans les vallées,

9 qu'on pouvait prendre le dessus assez facilement par rapport à l'UCK; est-

10 ce exact ?

11 R. Du point de vue militaire, oui c'est exact.

12 Cela dépend quelle est vraiment la tactique que vous employez et il y

13 a pas mal de facteurs que nous ne connaissons pas par rapport à cela.

14 Q. Par rapport à l'insurrection qui eu lieu et par rapport au QG de

15 Gllogjan et leur impossibilité de se rendre d'un point stratégique à un

16 autre du point de vue militaire, est-ce qu'il vous paraissait logique de

17 placer votre artillerie sur une élévation ?

18 R. Dans le cadre que je vous ai déjà expliqué, oui, je dirais que la

19 réponse serait oui.

20 Q. C'était certainement le cas pour la période allant du mois d'avril

21 jusqu'au mois de septembre dans le Kosovo occidental, ce serait la position

22 qu'ils avaient, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, ces positions d'artillerie que vous avez mentionnées,

24 effectivement elles étaient là mais il y en avait aussi à Decani qui

25 étaient au niveau d'un hôtel et là vous avez une batterie des six pièces

26 d'artillerie légère.

27 Q. Là il s'agissait d'une position à côté du monastère de Decani ?

28 R. Oui. Le monastère se trouve à la droite du chemin qui mène vers la

Page 3124

1 vallée. Plus loin, le long de ce chemin, il y avait un hôtel, c'est

2 toujours sur la colline et c'est là qu'ils se sont fait leur base. C'était

3 une position d'artillerie qui avait une bonne vue sur Decani et d'autres

4 régions à l'ouest du Kosovo.

5 Q. Là c'était une position stratégique ?

6 R. Oui.

7 Q. Du point de vue général, ceci correspondait à leur stratégie ?

8 R. Oui, apparemment parce qu'à partir de ces positions-là, ils ne

9 pouvaient pas faire l'objet d'une attaque.

10 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Quand vous parlez de "leurs

11 positions," est-ce que vous pouvez être plus précis ?

12 M. EMMERSON : [interprétation] Je parle des forces serbes et je pense que

13 le témoin aussi --

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais vous poser la question pour que ceci

16 soit bien clair.

17 Q. Colonel Crosland, est-ce que vous pouvez confirmer que du point de vue

18 général on peut dire que la politique des forces de la VJ et du MUP

19 consistait à localiser la position d'artillerie sur des élévations dans le

20 Kosovo de l'ouest au cours de l'année 1998 ?

21 R. Oui, c'est plus ou moins vrai.

22 Q. Maintenant, vous avez parlé d'un hôtel près du monastère de Decani qui

23 a été utilisé en tant que caserne pour la JSO pendant l'opération; est-ce

24 exact ?

25 R. Oui. Une fois j'ai vu des gens là-bas, et en tout cas, ils ne m'ont pas

26 laissé entrer.

27 Q. Et pourquoi ?

28 R. Parce que c'était une cible et une région très sensible.

Page 3125

1 Q. Très bien. Vous avez réussi à entrer uniquement dans la région autour

2 de l'escalier principal, n'est-ce pas ?

3 R. Non. Nous nous sommes rendus dans la région autour du monastère. Je ne

4 me souviens pas si on a rencontré les frères qui étaient à l'intérieur.

5 Ensuite on est parti en direction de l'hôtel. Là, il y avait une barrière,

6 on ne pouvait pas entrer dans l'hôtel, si mes souvenirs sont exacts, et il

7 y avait une autre barrière. Là, le soldat qui était en charge, c'était un

8 soldat de la VJ. On lui a parlé et on était surpris de nous trouver -- on

9 nous a laissé entrer, on s'est trouvé dans une position d'artillerie

10 d'envergure.

11 Q. C'est justement la question que je voulais vous poser. C'est la JSO qui

12 protégeait cette position d'artillerie de la VJ ?

13 R. Non, ce n'est pas cela.

14 Q. Pourriez-vous expliquer ?

15 R. Il y avait une position de batterie de la VJ et il y avait six canons

16 qui étaient gardés par l'armée yougoslave.

17 Q. Bien. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous voulez dire quand

18 vous avez parlé de la proximité de la JSO que vous avez vue au niveau de

19 cette position d'artillerie de la VJ ?

20 R. Je pense que la JSO avait choisi cet hôtel pour des raisons évidentes

21 parce qu'ils étaient mieux logés là-bas.

22 Q. Oui.

23 R. Ensuite, ils ont laissé les hommes de l'armée yougoslave et leur

24 artillerie utiliser cette position comme une position d'artillerie; ils

25 étaient un petit peu plus en aval par rapport à la colline. Pour moi,

26 c'était le versant arrière de cette colline.

27 Q. Je vois. Mais pourquoi vous avez été surpris ? Qu'est-ce qui était

28 tellement surprenant ?

Page 3126

1 R. J'ai été surpris que nous soyons entrés aussi facilement au niveau de

2 cette position. Je pense que la JSO ait été surprise que notre véhicule se

3 soit retrouvé là.

4 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quel moment cela s'est passé en 1998 ?

5 R. Ceci figure dans mon rapport.

6 Q. Très bien. Est-ce que je peux être plus clair ? D'après la réponse que

7 vous avez donnée, vous avez dit que vous ne saviez pas qu'il y avait des

8 soldats ou un contingent de la JSO là-bas à cet endroit-là, d'après les

9 renseignements que vous aviez ?

10 R. Oui. Je ne me souviens pas finalement si nous avons eu cette

11 information par le biais de nos renseignements.

12 Q. Est-ce que cela vous fait penser que ceci s'est passé plus tôt dans

13 l'année ?

14 R. Oui, c'était plus tôt dans l'année, effectivement.

15 Q. Je voudrais aussi éclaircir un autre point, il s'agit de la position

16 d'artillerie. Du point de vue général, est-ce qu'on peut dire qu'il y avait

17 une position d'artillerie à Suka Radonjic que nous avons examinée, et au

18 niveau d'une telle position, est-ce qu'il faut qu'il y ait une défense

19 terrienne qui doit empêcher que l'on attaque cette position d'artillerie ?

20 R. Au niveau de l'armée britannique c'est ce que nous aurions fait, c'est

21 la tactique que nous aurions employée. L'artillerie a un travail à faire,

22 et souvent ils sont gardés par de nombreux soldats pour pouvoir mener à

23 bien cette tâche.

24 Q. Et vous avez le concept aussi d'un cordon de sûreté autour de la

25 position ?

26 R. C'est le principe qu'ils emploient dans l'armée britannique, et je ne

27 sais pas si c'est toujours très visible, si vous pouvez les voir vraiment.

28 Au niveau de cette position de Decani, il y avait des éclats d'obus, -- on

Page 3127

1 voyait que les obus étaient tombés autour. Il y avait des tranchées, des

2 tranchées creuses dans la région. C'est probablement là qu'était abrité le

3 personnel d'artillerie.

4 Q. On va dire qu'il y avait une position d'artillerie à Suka Radonjic, la

5 colline que nous voyons sur la photo du canal. Est-ce que vous vous

6 attendiez à ce que les forces serbes gardent le même niveau de contrôle sur

7 la terre pour assurer de ne pas être attaquées ?

8 R. Oui.

9 Q. Cela impliquerait aussi l'envoi de troupes sur le terrain ?

10 R. Je pense qu'un des grands mystères de la guerre sur les Balkans est que

11 c'est la tactique employée. Ce n'était pas la même tactique que celle que

12 nous employons dans les armées européennes. Nous avons remarqué cela à

13 plusieurs reprises en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et aussi au Kosovo.

14 Il y avait beaucoup de principes de protection autour des positions

15 de défense qui n'ont pas été appliqués. Peut-être qu'il y avait des gens

16 autour, mais peut-être qu'il n'y avait pas, des gens qui protégeaient cette

17 position d'artillerie.

18 Q. Nous allons regarder l'intercalaire 5 [comme interprété].

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais j'ai une question à poser.

20 Monsieur Crosland, vous avez dit : "Il y avait beaucoup de principes de

21 protection autour des positions de défense qui n'ont pas été appliqués."

22 Plus tard, on vous a posé une question assez claire au sujet de

23 Radonjicka Suka. Est-ce que vous pouvez nous dire si là, si c'était une

24 position de défense ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il s'agissait aussi bien d'une

26 déposition de défense qu'une position de poste d'observation, puisque qu'à

27 cause de la hauteur, il y avait une bonne vue à partir de cet endroit,

28 surtout vers Junik. Dans le cadre des procédures employées par l'armée

Page 3128

1 yougoslave, je dirais que ce n'était pas vraiment les mêmes principes que

2 ceux qui étaient appliqués par des armées plus classiques.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Il y a un élément d'incertitude dont il faut

5 tenir compte, parce que j'ai utilisé Radonjic Suka comme un exemple à

6 caractère hypothétique; le témoin ne se souvient pas de la présence d'une

7 batterie d'artillerie à l'époque.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En même temps, on pose beaucoup de

9 questions au témoin, des questions qui portent, non seulement sur les

10 faits, mais qui relèvent plutôt d'un expert. Donc, on pourrait presque dire

11 que ce témoin est considéré comme un témoin expert.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Je ne me plains nullement. Mais si vous me

13 permettez de répondre à votre question, je voudrais surtout qu'il n'y ait

14 aucun malentendu s'agissant de ce que le témoin nous explique au sujet des

15 positions défensives, par rapport à des positions offensives.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il a répondu à ma question.

17 Veuillez poursuivre.

18 M. EMMERSON : [interprétation]

19 Q. Intercalaire 7. Je vais vous interroger au sujet du risque d'attaque

20 contre les positions d'artillerie serbe. Vous nous avez expliqué qu'il y

21 avait au sud du lac Radoniq, une position d'artillerie serbe importante.

22 Examinons quelque chose qui a déjà été mentionné en passant hier, me

23 semble-t-il. Il s'agit d'un rapport de situation du 28 avril à

24 l'intercalaire numéro 7 du classeur vert. Je le précise pour le compte

25 rendu d'audience.

26 Au paragraphe numéro 2, quatre lignes à partir du bas : "Echange de

27 tirs de quatre heures à proximité du lac Radoniq entre Decani et Djakovica,

28 samedi soir. Apparemment, il n'y a pas eu de victimes."

Page 3129

1 Est-ce que vous avez, si vous vous en souvenez, essayé de voir ce qu'il en

2 était après coup ?

3 R. Ce télégramme est signé par mon ambassadeur.

4 Q. Oui.

5 R. Il est possible qu'il ait réalisé à partir de plusieurs sources, comme

6 par exemple, la LDK, ou l'agence Beta; c'était les journalistes qui

7 commençaient à arriver sur zone.

8 Q. Donc, il ne s'agit pas forcément d'une observation faite par vous,

9 Colonel Crosland ?

10 R. Non, à moins que je ne me soit trouvé sur place à ce moment-là.

11 Q. Il semble, cependant, qu'il y avait là un affrontement entre l'UCK et

12 les forces serbes au niveau de cette position d'artillerie dont vous dites

13 qu'elle a été l'origine de l'attaque contre Junik, n'est-ce pas ?

14 R. C'est fort possible.

15 Q. J'aimerais que vous vous reportiez à l'intercalaire 8, nous avons là un

16 rapport de la MOCE qui date de la veille; un rapport de la MOCE en date du

17 27 avril à l'intercalaire numéro 8, et j'aimerais que nous nous reportions

18 au point 3 tout d'abord, paragraphe 3, sous la rubrique "Sécurité".

19 "Il y a eu une augmentation nette de la présence de la police et de

20 la VJ" --

21 M. RE : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre les débats, mais je vois

22 que ce document apparaît à l'écran. Est-ce qu'il est diffusé à l'extérieur

23 de ce prétoire ? Puisque c'est un document qui relève de l'article 70 du

24 Règlement.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semble que tous les documents qui

26 figurent à l'écran ne sont pas diffusés à l'extérieur du prétoire.

27 M. EMMERSON : [interprétation] Je poursuis la lecture. "Augmentation

28 importante de la présence de la VJ et de la police à Djakovica avec un cas

Page 3130

1 de membres de la police spéciale portant des cagoules, identifiés dans un

2 véhicule de patrouille, ainsi que des patrouilles armées et des points de

3 contrôle de la police."

4 Avez-vous vu des fonctionnaires de police cagoulés pendant votre présence

5 sur place ?

6 R. Je ne me souviens pas.

7 Q. Un peu plus bas, 4(B) : "Ce qui est particulièrement préoccupant pour

8 les membres de la LDK de la région, c'est la présence d'unités d'artillerie

9 serbe dans la zone du lac Radoniq au nord de Djakovica, une position qui

10 procède à des tirs sur les villages environnants."

11 Un point plus bas, point (C) : "Indications selon lesquelles des familles

12 albanaises quittent Decani et la région frontalière vers Djakovica. Ces

13 indications ont été données à notre équipe avec une liste d'environ 4 000

14 Albanais qui sont maintenant en ville."

15 Un peu plus bas, paragraphe 9 : "Un groupe armé albanais a ouvert le feu

16 sur les soldats de la VJ à proximité du lac Radoniq près de Djakovica le 25

17 avril. L'attaque a commencé vers 9 heures et a duré plus de quatre heures.

18 La VJ a riposté, mais il n'y a pas eu de victimes. La VJ est partie du

19 principe que l'objectif de cette attaque était la station de pompage à

20 proximité du barrage."

21 Dernière chose, je ne vais pas vous poser de questions au sujet de ce

22 document, mais j'aimerais que nous nous reportions d'abord à l'intercalaire

23 9.

24 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,

25 Maître Emmerson. Une question au sujet du document que nous venons

26 d'examiner. Je souhaiterais que le témoin nous dise s'il a vu ce document

27 précédemment ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de ce document. Je ne

Page 3131

1 peux pas m'en souvenir parce qu'il s'agit de la MOCE. Il est possible que

2 je l'aie vu. Je suis désolé. Mais il y a beaucoup de documents qui sont

3 passés sous mes yeux.

4 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Comment savez-vous qu'il s'agit d'un

5 document de la MOCE ? Parce que cela vient de MT Belgrade. C'est ce qu'on

6 peut lire ici. Que signifie cette abréviation ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, une observation très judicieuse. Je pense

8 qu'on a omis de photocopier le haut de la page. On pourrait voir qu'il

9 s'agit d'un document de la MOCE.

10 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Saviez-vous ce que signifie

11 l'abréviation MT. Est-ce que cela signifie "monitoring team", équipe

12 d'observation ?

13 M. EMMERSON : [interprétation] Il s'agit d'un des documents de la MOCE,

14 l'un des rapports de la MOCE qui nous ont été fournis par l'Accusation.

15 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Oui, je pense qu'on pourra

16 l'identifier. Je voulais simplement m'en assurer.

17 M. EMMERSON : [interprétation]

18 Q. Nous avons à l'intercalaire numéro 9 un document qui a été fourni

19 à la Défense par l'Accusation, un document qui vient du commandement du

20 Corps de Pristina. Pour l'instant, nous n'avons reçu qu'une première

21 traduction provisoire. Mon Colonel, nous avons ici un document du 26 avril,

22 document portant la mention "très urgent" "Rapport au commandement de la 3e

23 Armée, le PRK du lieutenant-colonel Milorad Djordjevic." D'abord, savez-

24 vous ce que signifie "PRK ?"

25 R. Je pense que c'est le Corps de Pristina.

26 Q. Donc, il s'agit d'un rapport venant du terrain adressé au Corps de

27 Pristina ?

28 R. Oui.

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1 Q. Vous pouvez voir que "entre 21 heures 30 et 22 heures 30, le 27 avril

2 1998, dans la zone de redéploiement du 52e Bataillon de Police militaire

3 qui défendait le lac Radoniq, une attaque d'infanterie terroriste a été

4 lancée à partir du village de Zdrelo. L'attaque a été repoussée une fois

5 que les terroristes ont cessé de tirer."

6 Deux ou trois questions à ce sujet. Premièrement, ce 52e Bataillon de

7 Police militaire, est-ce qu'il s'agissait d'une unité d'artillerie ?

8 R. Non. Le 52e Bataillon, c'est un Bataillon de la Police militaire qui

9 avait pour mission de protéger les positions de lance-roquettes multiples

10 et d'artillerie qui se trouvaient dans cette zone que j'ai indiqué sur la

11 carte.

12 Q. Est-ce qu'il s'agit de groupes de protection sur le terrain, sur

13 lesquels je vous ai interrogé précédemment ?

14 R. Oui, effectivement pour une position d'artillerie et de lance-roquettes

15 multiples, c'est tout à fait envisageable.

16 Q. Pour revenir à la question précédente, est-ce qu'on peut s'attendre à

17 ce que ces hommes-là soient déployés sur le terrain ?

18 R. Oui, dans l'idéal, on souhaite bénéficier d'une protection partout où

19 on va. Mais parfois, il n'y pas suffisamment d'hommes; mais lorsque vous

20 avez une cible potentielle de ce genre, cela ne m'étonne pas qu'il y ait eu

21 là le Bataillon de la Police militaire pour assurer la protection de cette

22 position.

23 M. EMMERSON : [interprétation]

24 Q. Je crois que nous pouvons voir sur la carte que Zdrelo se trouve au sud

25 du lac Radoniq. Cela devrait normalement être entouré d'un cercle rouge.

26 R. Oui, ça se trouve au sud du lac, au niveau du barrage. Et j'imagine que

27 c'est une position qui assure la défense de l'entrée sur cette zone. Vous

28 avez là une route asphaltée, si je ne m'abuse, qui va jusqu'à Janos et qui

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1 mène jusqu'au lac. C'est la zone dans laquelle nous avons été interceptés à

2 peu près, parce que nous essayions de nous rendre là. Nous n'avons pas été

3 en mesure d'aller sur la route qui mène à Zdrelo de Bec.

4 Q. Qui vous a arrêtés ?

5 R. Les militaires.

6 Q. Merci. Donc, il s'agissait de militaires serbes ?

7 R. Oui.

8 Q. A priori, si on examine ces rapports, il y avait une attaque à ce

9 moment-là qui a été lancée du sud sur cette position ?

10 R. Oui. Il s'agit d'une position qui pouvait infliger des dégâts

11 considérables, si bien que c'était une cible prioritaire.

12 Q. Pour vous, il s'agit d'un objectif militaire tout à fait légitime, de

13 s'attaquer ainsi à une position qui avait été utilisée pour raser un

14 certain nombre de villages comme Junik, comme vous l'avez expliqué ?

15 R. Oui. Il s'agissait d'une cible prioritaire.

16 Q. Revenons à l'intercalaire 7(A). Nous avons un autre télégramme

17 diplomatique envoyé le même jour, mais qui traite d'un autre sujet.

18 Veuillez vous reporter brièvement au paragraphe 3 de ce document. Je crois

19 qu'hier vous en avez parlé, à un moment donné.

20 "Beta, une agence de presse indépendante locale signale que huit

21 albanais ont été tués dans le cadre des activités de la police menées

22 contre le village de Gllogjan près de Decani, donc on pense généralement

23 qu'il s'agit d'un QG de l'UCK."

24 Vous nous avez dit précédemment que Beta était une source fiable ?

25 R. Oui, on la considérait de cette manière.

26 Q. Je voudrais revenir à ce que vous nous avez expliqué au sujet de cette

27 carte où vous avez tracé une ligne rouge. Le Procureur nous a dit qu'il

28 s'agit d'une zone de contrôle exclusif; c'est ce qu'il veut nous faire

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1 croire, parce qu'ici ce que nous lisons nous porte à penser que vous étiez

2 en train de parler d'une attaque menée par la police à Gllogjan et au cours

3 de laquelle huit personnes ont été tuées ce 28 avril ?

4 R. Avec tout le respect que je vous dois, ce que vous voulez dire ici,

5 c'est que cette zone était une zone totalement inaccessible où il était

6 interdit d'aller. Si c'est ce que j'ai pu vous faire croire, je vous prie

7 de m'excuser, parce que j'ai dit que l'UCK était sur cette zone, mais j'ai

8 dit qu'il ne la contrôlait pas totalement, qu'il ne la possédait pas.

9 Q. Non. Je ne suis nullement en train de vous critiquer, Monsieur le

10 Témoin, absolument pas.

11 R. Ce que j'essaie de dire, c'est que la situation était extrêmement

12 changeante dans toute cette zone; il y avait des incidents constamment, et

13 surtout ce jour-là.

14 Q. Afin qu'il n'y aucun malentendu, je vais vous demander --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, vous parlez extrêmement

16 rapidement.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Donc, la traduction est impossible.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayez de regarder un petit peu vers la

19 sténotypiste, qui est assise juste en face de vous.

20 M. EMMERSON : [interprétation]

21 Q. Je voudrais surtout que vous compreniez bien ce que je suis en train de

22 dire. Je ne suis nullement en train d'affirmer que vous avez tenu des

23 propos incohérents. Mais votre carte vous a été présentée par l'Accusation

24 comme un élément de preuve absolument central pour la théorie de

25 l'Accusation, selon laquelle l'UCK détenait un contrôle exclusif de cette

26 zone. A partir de cela, on veut nous faire penser que les corps qui ont été

27 trouvés sur place étaient ceux de victimes de l'UCK, même si ce sont des

28 gens dont on ignore totalement l'identité. Vous nous avez déjà dit que ce

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1 n'était pas la signification de cette carte; ce que j'essaie de déterminer,

2 en examinant tous ces documents relatifs à la période concernée par

3 l'Accusation - j'essaie donc d'attirer votre attention sur un certain

4 nombre d'affrontements et d'incidents qui contredisent la thèse de

5 l'Accusation.

6 Donc, je ne suis nullement en train de vous critiquer, je souhaite

7 simplement apporter une précision quant à la réalité sur le terrain pour la

8 Chambre de première instance, en utilisant les rapports que vous avez

9 faits, s'agissant des incidents qui avaient eu lieu sur place. Aucune

10 critique, donc, je veux que cela soit bien compris.

11 Revenons au paragraphe 3 de ce document. Dans ce paragraphe 3, vous faites

12 état d'activités de la police dans le village de Gllogjan qui ont fait des

13 victimes; et cela a été rapporté par une source fiable, si j'ai bien

14 compris ?

15 R. Non, ce n'est pas exact.

16 Q. Je m'excuse.

17 R. C'est un télégramme de l'ambassadeur Donnelly que nous avons ici.

18 Q. Je m'excuse.

19 R. Il indique qu'il rapporte ici une évaluation faite de la situation par

20 détail, et ensuite qu'il va se rendre sur place le même jour. Donc, ce

21 n'est pas une évaluation que j'ai réalisée moi-même.

22 Q. Fort bien. Hier, me semble-t-il, vous avez dit que Beta était une

23 source qui était considérée comme une source fiable ?

24 R. Oui, vous avez raison. Beta, ainsi que d'autres organes de presse,

25 étaient des sources qui étaient utilisées pour trouver des informations,

26 Koha Ditore, par exemple, des informations relatives à l'armée de

27 libération du Kosovo et à leurs partisans. Ce n'était pas forcément des

28 informations faciles à obtenir.

Page 3136

1 Q. Bien. J'aimerais que nous passions maintenant à l'examen de

2 l'intercalaire numéro 12.

3 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Auparavant, j'aimerais poser une

4 question au témoin. Je souhaiterais savoir s'il se souvient avoir produit

5 un rapport qui suivait le document que nous venons d'examiner, puisqu'il y

6 est indiqué ici que l'attaché de défense va se rendre sur zone.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est question, au paragraphe 4, d'une

8 diplomate japonaise sur laquelle on ouvert le feu à Lausa. Et si je me

9 souviens bien, on m'a demandé de me rendre sur place pour parler aux

10 personnes intéressées, pour m'assurer que cette diplomate, cette dame

11 allait bien. Donc, encore une fois une journée très chargée pour moi. Mais

12 je ne sais pas si cela figure ou non dans un de mes rapports.

13 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

14 M. EMMERSON : [interprétation] Passons maintenant à l'intercalaire numéro

15 12.

16 Q. Quelques questions au sujet de ce document. Ce document porte sur la

17 situation à Ponosevac. Hier, vous vous en souviendrez, nous nous y sommes

18 intéressés brièvement, parce que la carte à l'écran n'était pas

19 suffisamment claire pour qu'on indique la position de Ponosevac. J'aimerais

20 que vous vous reportiez à la grande carte avec les cercles rouge pour vous

21 y retrouver. Je voudrais savoir s'il y avait une zone que, dans vos

22 rapports, vous désigniez sous le terme "triangle Ponosevac-Junik" ?

23 R. Oui, c'est exact.

24 Q. Est-ce que c'est un axe qui va de Gjakove, au nord, vers Ponosevac, et

25 ensuite vers Junik ? Et là on se retrouve sur la route principale. Est-ce

26 que c'est ce triangle-là dont il s'agit ?

27 R. Oui, c'est exact. C'est une route qui va vers le sud, ensuite vers

28 l'ouest en passant par Korenica, et jusqu'à Ponosevac vers le nord, Molic,

Page 3137

1 puis Junik, puis de nouveau sur la route principale entre Decani et

2 Djakovica.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson. Bien entendu, hier je

4 n'étais pas là. Donc, j'ai simplement lu le compte rendu d'audience. Vous

5 avez parlé de la route qui va de Gjakove à Ponosevac --

6 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. C'est plutôt une direction nord, nord-

7 ouest, que nord. C'est une route qui est indiquée en jaune sur la carte.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

9 M. EMMERSON : [interprétation]

10 Q. Disons que les trois sommets du triangle c'est Junik, Ponosevac

11 et Djakovica, n'est-ce pas ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. EMMERSON : [interprétation]

14 Q. Ici nous avons une description de la situation sur le terrain, le 11 et

15 le 12 mai.

16 "La situation dans la zone de Ponosevac est extrêmement tendue. La

17 zone de Ponosevac-Djakovica-Pec-Decani est patrouillée par des éléments de

18 JSO et de PJP de manière très brutale. Les habitants des villages ont fui

19 vers le nord, vers Junik. La route principale Pristina-Peje est encore

20 fermée."

21 Je vous interrogerai à ce sujet, entre parenthèses, plus tard.

22 "Rapport détaillé, la route venant du sud vers Ponosevac est jonchée de

23 douilles, y compris des grenades de calibre

24 40-millimètres. Les villages au sud de Ponosevac sont désertés. Le bétail a

25 été massacré dans les champs. Les maisons sont criblées de balles.

26 Ponosevac est vide à l'exception - on n'y trouve que des membres des JSO et

27 des PJP, qui patrouillent à partir de Decani dans des véhicules

28 transporteurs de troupes blindés, notamment des véhicules de type TABC-79

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1 et IPR, qui ressemblent au M-60. La plupart des habitants des villages se

2 trouvent maintenant à Junic. Ils sont environ 3 000. Il y a suffisamment de

3 vivres et d'eau, mais pas de relations ou de contacts téléphoniques."

4 Ensuite, "Commentaire : Cette opération des JSO et des PJP a peut-

5 être pour objectif de bloquer la route de transit et d'interrompre le

6 ravitaillement de l'UCK à Jablanica."

7 Ensuite, "Evaluation," tournez sur l'autre page, "La situation

8 pourrait rapidement dégénérer si les forces serbes ont l'impression de

9 perdre le contrôle de la situation. Action de terreur, destinée à semer la

10 terreur dans la zone de Ponosevac. Ceci indique que la tactique n'a pas

11 évolué."

12 J'ai un certain nombre de questions à vous poser. Premièrement, vous

13 nous dites dans ce rapport que la route était jonchée de douilles et qu'il

14 y avait notamment des grenades de calibre

15 40-millimètres. Vous en souvenez-vous ?

16 R. Oui, je m'en souviens avec de grandes précisions. Nous avons quitté

17 Djakovica en empruntant la route qui part vers l'ouest, vers Korenica.

18 C'était une position de la VJ qui se trouvait là par intermittence. Comme

19 je l'ai indiqué dans mon rapport, la route était jonchée de douilles. Et à

20 un coin de la route, à un virage, nous sommes tombés sur des véhicules

21 transporteurs de troupes blindés qui avaient ouvert le feu avec leurs

22 mitrailleuses. Nous leur avons fait signe d'arrêter. La raison pour

23 laquelle je me souviens de ces véhicules transporteurs de troupes blindés,

24 c'est parce que c'est ceux que l'on avait fait venir de Srebrenica.

25 Q. C'est ce que j'allais vous demander.

26 R. C'est la raison pour laquelle c'était particulièrement intéressant.

27 Q. Ces véhicules de transport de troupes blindés, ce sont ceux que l'on

28 avait volés à la FORPRONU à Srebrenica en 1995, n'est-ce

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1 pas ?

2 R. Oui, c'est ce que nous avons confirmé à notre retour à Belgrade.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la FORPRONU qui les a volés ?

4 M. EMMERSON : [interprétation] Non, c'est à la FORPRONU qu'on les a volés.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois.

6 M. EMMERSON : [interprétation]

7 Q. A Srebrenica en 1995, nous savons tous ce qui s'y est passé. Mais dans

8 cette chronologie des événements, un groupe de transporteurs de troupes

9 blindés a été volé par les forces yougoslaves à l'armée néerlandaise,

10 n'est-ce pas ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Ceci, dans le cadre d'une opération au cours de laquelle les forces

13 yougoslaves ont fait semblant d'être des forces de la FORPRONU afin de

14 faciliter un massacre, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Donc, ils ont pris les véhicules néerlandais, et ces mêmes véhicules,

17 vous les avez vus aux mains des JSO et des PJP à Ponosevac et dans le

18 secteur en mai 1998, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, c'est exact.

20 Q. Avez-vous fait rapport de ces observations - j'imagine que oui - à la

21 VJ ?

22 R. Je pense, oui, en avoir informé la VJ. Je l'ai envoyé -- enfin, ce

23 rapport ici, même s'il est signé par l'ambassadeur a été envoyé,

24 effectivement. Moi, je me trouvais encore au Kosovo.

25 Q. Je vous ai dit il y a quelque temps déjà que, outre l'évaluation que

26 vous avez faite de la situation à l'époque, que les paramilitaires qui

27 avaient participé au massacre de Bosnie étaient réapparus au Kosovo. Il me

28 semble qu'il y a des éléments dans vos rapports de situation qui vont dans

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1 ce sens. Pensez-vous qu'ici il y a une certaine continuité entre ceux qui

2 ont participé au massacre de Srebrenica et ceux qui ont participé aux

3 événements dans la partie occidentale du Kosovo ?

4 R. Je pense que oui. Enfin, je ne pourrais pas l'affirmer alors que je

5 suis sous serment. Enfin, je suis bien votre contre-interrogation. Je vois

6 où vous voulez en venir, mais dire que c'étaient les mêmes gens à

7 Srebrenica et ailleurs, je ne peux pas le faire sous serment.

8 Q. Mais d'une manière ou d'une autre, ces véhicules ont bien fini aux

9 mains des JSO ?

10 R. Absolument.

11 Q. Et --

12 R. Et c'est pour cela que c'était intéressant. Parce que l'adjudant

13 néerlandais qui était -- parce qu'il y avait un adjudant néerlandais qui

14 était avec moi au cours de cette visite où nous avons pu faire cette

15 observation.

16 Q. A votre connaissance, Frenki Simatovic, l'homme qui était à la tête des

17 JSO dans la partie occidentale du Kosovo, a-t-il participé aux événements

18 de Srebrenica ?

19 R. Je n'étais pas à Srebrenica, Monsieur.

20 Q. Mais les projectiles de 40-millimètres, qu'est-ce qui lance ce genre de

21 projectiles ?

22 R. Et bien, il y a un lance-grenades qui lance des grenades à peu près de

23 la taille de mon poing, et ce sont là évidemment des armes destructrices.

24 Q. Je comprends. Vous avez dit qu'il y avait une rafale de tirs au moment

25 où vous avez tourné à l'angle. Est-ce que vous étiez la cible de ces tirs

26 ou est-ce qu'il s'agissait simplement de tirs effectués dans le cadre de

27 l'opération en cours ?

28 R. Je n'en suis pas sûr. Nous avons très clairement fait savoir qui nous

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1 étions. Nous aurions préféré ne pas nous faire tirer dessus, pour être tout

2 à fait honnête, dans un véhicule qui n'était pas blindé ou dans quelque

3 véhicule que ce soit d'ailleurs.

4 Q. Il n'y avait plus de civils à l'époque, n'est-ce pas ?

5 R. Non, il n'y avait pas de civils. L'ampleur de la destruction dans ce

6 secteur-là était totalement inimaginable. Je ne pense pas qu'il y avait du

7 bétail qui restait vivant là, comme je l'ai dit dans mon rapport. La

8 plupart des maisons avaient été extrêmement, extrêmement endommagées, et

9 ce, du fait de tirs de chars. On le voyait à la taille des impacts, mais

10 également du fait de tirs d'armes antiaériennes et de mitrailleuses lourdes

11 dont étaient équipés les transporteurs de troupes blindés. Véritablement,

12 c'était une scène de terreur, si je peux utiliser ce terme, qui visait

13 simplement à effrayer toute population qui aurait eu la velléité de rester,

14 s'il y avait encore qui que ce soit à impressionner. C'est vrai que le

15 secteur était à proximité de la frontière avec l'Albanie et, bien sûr,

16 c'était une zone qui intéressait particulièrement les forces de sécurité

17 serbes, du point de vue de leur propre sécurité. Mais il y a tout de même

18 certaines formes que l'on peut mettre à la manière dont on fait les choses.

19 Q. Bien. S'agissait-il là, à votre avis, d'un exemple d'une initiative des

20 forces serbes qui visait à établir une zone de cessation des affrontements

21 ou une zone vidée d'armes ?

22 R. Oui, c'est plus ou moins cela, oui.

23 Q. Pourriez-vous expliquer ce dont vous parliez aux Juges lorsque, dans le

24 cadre de dépositions passées, vous avez évoqué à plusieurs reprises ces

25 zones et le fait que les forces serbes souhaitaient les créer ?

26 R. Dans ces zones, tout ce qui était sur pied, debout, toutes récoltes,

27 tous bâtiments, tous commerces, toutes maisons devaient faire l'objet de

28 tirs et devaient être largement endommagés.

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1 Q. Pour que les choses soient tout à fait claires, cette initiative

2 consistait à chasser la population civile de ces habitations de manière à

3 ce qu'ils puissent effectuer toute opération militaire dans le secteur, et

4 ce, de manière tout à fait libre, sans risquer de tirer sur qui que ce

5 soit.

6 R. Je suppose que du point de vue des forces serbes, ils essayaient

7 simplement de nettoyer le terrain, de dégager le terrain entre d'une part

8 les villageois, d'autre part les Albanais du Kosovo, les Albanais, et ceux

9 qui s'intéressaient particulièrement aux activités d'Armée de libération du

10 Kosovo. Ils ont eu la main extrêmement lourde. Et en général, bien sûr,

11 ceci n'aide pas à vous donner bonne réputation aux yeux de la population

12 civile.

13 Q. Enfin, ceci : lorsque vous dites, ou en tout cas dans votre évaluation

14 de la situation, à la fin, vous dites : "Cette action de terreur

15 extrêmement virulente à Ponosevac et dans le secteur de Ponosevac indique

16 que le processus tactique lancé n'a pas changé." Qu'est-ce que cela veut

17 dire ? N'a pas changé par rapport à quoi ?

18

19

20 R. Comme je l'ai dit, l'une des pratiques adoptées pendant la guerre dans

21 les Balkans c'était d'échanger des tirs dans des zones civiles à bout

22 portant pratiquement, plutôt qu'une position des forces armées, qu'il

23 s'agisse de forces militaires, paramilitaires ou terroristes. Un combat de

24 soldat à soldat, si vous voulez.

25 Q. Bien. J'aimerais que l'on examine l'intercalaire 14. C'est un ordre de

26 la VJ. Très brièvement, regardez la page 6. C'est signé du colonel Dragan

27 Zivanovic. C'est un ordre de commandement de la 125e Brigade motorisée, un

28 ordre qui invite un certain déploiement. Regardez la date, celle du 16 mai,

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1 soit quatre ou cinq jours après l'observation que vous avez faite et que

2 vous avez consignée par écrit à Ponosevac. Je vais vous inviter à passer en

3 revue les passages qui m'intéressent, mais il s'agit surtout ici d'une

4 opération de la VJ qui se déplace vers le sud à partir de la section de

5 Decani. En réalité, il se produit dans la position opposée. J'aimerais que

6 vous me le confirmiez. Regardez la page 2. Non, excusez-moi, je vous ai

7 donné le mauvais numéro, ou peut-être en tout cas.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez parlé d'une page 6 --

9 M. EMMERSON : [interprétation] Non, excusez-moi, excusez-moi. Ce n'est pas

10 le document que je viens de résumer. Je m'en excuse. C'est un autre

11 document, mais il n'en est pas moins pertinent. C'est un ordre du colonel

12 Dragan Zivanovic daté du 16 mai, et c'est là qu'il est question du

13 commandement de la 125e Brigade motorisée. C'est à l'intercalaire 14.

14 Q. Alors, regardez la page 2. C'est l'un de ces documents où il est

15 question du déploiement des forces de la VJ dans le secteur du lac. "BG2,"

16 c'est donc "le Groupe de combat 2 doit être prêt dans le secteur actuel de

17 redéploiement pour mener à bien des opérations le long des axes suivants :

18 la caserne, le village de Smonica à Ponosevac, le village de Gornja

19 Morina." Ce sont tous des villages qui se situent à proximité de la

20 frontière, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Ensuite, on lit "La caserne Erecka Suka." Est-ce que vous voyez cette

23 référence ?

24 R. Oui.

25 Q. Ensuite à la fin du paragraphe, "la caserne Radonjicka lake," donc "le

26 lac Radonjicka."

27 R. Je vois, oui.

28 Q. Ceci semble-t-il indiquer que la 125e Brigade motorisée avait un lieu

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1 de cantonnement ou une baraque tant à Erecka Suka qu'au lac Radonjicka ?

2 R. Oui. Mais on parle d'un redéploiement ici. Alors, où vont-ils être

3 redéployés ? Cela ne se voit pas très clairement dans ce document.

4 Q. Oui, mais certainement avant le 15 mai [comme interprété] ?

5 R. Oui.

6 Q. Ensuite, on lit : "Tâche dans le cadre d'une action concertée avec les

7 forces voisines du MUP de la République de Serbie, briser les groupes de

8 sabotage et les groupes terroristes Siptar, donc albanais, et sécuriser les

9 itinéraires d'approvisionnement des unités de la VJ."

10 Etait-ce le 16, était-ce à ce moment-là que la VJ continuait à nier qu'ils

11 menaient à bien des opérations conjointes avec le MUP ?

12 R. Si mon souvenir est bon, Monsieur, ils ne l'ont pas reconnu jusqu'au

13 moment où le général Ojdanic a fait cette réunion d'information au corps

14 des attachés de Belgrade à la fin du mois d'août.

15 Q. Bien. Il semblerait ici, vous dites qu'ils ne l'ont pas reconnu. Vous

16 évoquiez la question de temps en temps et l'on vous disait que cette

17 collaboration n'existait pas.

18 R. Oui. Mais pour moi c'était clair, ils collaboraient.

19 Q. Oui, mais on niait cela, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. C'est un ordre qui invite à conduire une opération conjointe avec les

22 forces du MUP ?

23 R. C'est ce qui est dit ici.

24 Q. Pour des opérations le long de différents axes, n'est-ce pas, Pec-

25 Decani-Rastavica-Ponosevac. Ce sont également des secteurs qui se trouvent

26 à l'ouest de la route principale en venant de Decani jusqu'à Junik et

27 Ponosevac, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, cela semble être le cas.

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1 Q. Ensuite, on nous parle également de Pec, une direction de Pec vers

2 Zahac, Klina, Iglarevo, ensuite un troisième front de Pec, Barane et

3 Celopek, n'est-ce pas ?

4 R. [aucune interprétation]

5 Q. Puis-je vous demander de bien vouloir confirmer - et ne prenez pas cela

6 comme une critique, parce que ce n'est pas le cas, mais j'aimerais que vous

7 confirmiez que Barane et Celopek ont été indiqués par vous, par une ligne

8 rouge sur la carte ?

9 R. Attendez, je recherche les localités en question.

10 Q. Je vous en prie. Barane - regardez la route - vous voyez où Ljumbarda

11 se trouve ?

12 R. Non. Je ne connais pas bien cet endroit.

13 Q. Bien. Ne perdons pas de temps là-dessus. Nous pourrons tous vérifier

14 plus tard la carte.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quoi qu'il en soit, Maître Emmerson,

16 j'aimerais mieux comprendre. Je vois un conseil anglophone qui procède au

17 contre-interrogatoire d'un témoin anglophone. "BG2 --

18 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] "… doit être prêt dans le secteur actuel

20 de redéploiement pour mener à bien des opérations le long des axes

21 suivants."

22 Corrigez-moi si j'ai tort. Mais pour moi un axe c'est une ligne --

23 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- une ligne autour de laquelle quelque

25 chose se produit. Ici les axes sont multiples, puisque le terme est au

26 pluriel.

27 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois la caserne, le village de

Page 3146

1 Smonica, Ponosevac, donc le village également, le village de Gornja Morina.

2 Donc il y a la caserne qui est un point et les trois autres villages, trois

3 autres points. Puis, il y a ce qui me semble être un autre axe, la caserne

4 Erecka Suka. Parce qu'il y a un point-virgule après Erecka Suka, et ensuite

5 un troisième, la caserne, le village de Zerze[phon], un point-virgule,

6 ensuite la caserne, le lac Radonjic.

7 Corrigez-moi si je comprends mal votre langue, mais il me semble

8 qu'ici on parle de plusieurs axes dont celui qui existe entre la caserne et

9 le lac Radonjic. Ce qui n'est pas conforme à la proposition selon laquelle

10 il y aurait eu une caserne au lac Radonjic. Non, il y a une ligne qui est

11 tracée ici entre la caserne et le lac Radonjic, de même qu'il y a une ligne

12 entre la caserne, la caserne quelle qu'elle soit et, par exemple, Erecka

13 Suka.

14 Corrigez-moi si j'ai tort, mais vous vous êtes mis d'accord tellement

15 rapidement sur votre interprétation de ce qu'on lit ici - bien sûr, je n'ai

16 pas l'original sous les yeux, il ne s'agit que d'une traduction en anglais

17 - mais vous avez décidé que ce texte indiquait qu'il y avait une caserne au

18 lac Radonjic ou à Erecka Suka. Et je ne suis pas d'accord avec cette

19 interprétation. Je sais, ce n'est pas ma langue maternelle, il se peut que

20 je me trompe complètement, mais --

21 M. EMMERSON : [interprétation] Je comprends tout à fait où vous voulez en

22 venir. Je ne pense pas que ce soit une question linguistique. C'est une

23 question d'interprétation du texte et il n'y a aucune subtilité

24 linguistique ici. Nous savons qu'il y avait un déploiement serbe permanent

25 au lac, puisque le témoin a vu --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, d'accord, mais la Chambre ne le

27 sait pas. Si vous interprétez les choses sans explication supplémentaire

28 pour nous aider, et bien, cela ne nous aide pas.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Si ce n'est que nous avons fait appel à la

2 connaissance du témoin et à la carte de M. Delic pour comprendre la

3 ponctuation utilisée en l'occurrence, et il me semble que ces différents

4 éléments nous permettent d'interpréter la ponctuation. Ce n'est pas une

5 question linguistique, mais si nous savons qu'il y a un déploiement au lac

6 Radoniq et si nous avons vu une carte du colonel Delic indiquant qu'il y en

7 avait également un à Erecka Suka, et bien, il se peut que la ponctuation

8 indique ici qu'en réalité il y avait des déploiements dans ces régions et

9 qu'ici il est question d'un axe entre Erecka Suka et le lac Radoniq.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je sais lire une carte.

11 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et je sais ce qu'il y a sur une carte

13 ici. Ce sont des mots que j'ai sous les yeux et des ponctuations. Alors, ce

14 n'est pas la peine, dans une interprétation donnée, d'imposer ou de

15 superposer ce qui figure sur une carte sur les mots qui figurent dans un

16 document donné. Là ce qui m'intéresse c'est une question de termes, de

17 termes employés dans ce document.

18 Je vois que l'heure tourne. Il est presque 19 heures. Il y a une question -

19 -

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pourrions peut-être nous adresser

22 au témoin.

23 Vous avez suivi la brève discussion que je viens d'avoir avec Me

24 Emmerson. Je m'interroge sur ce dit le texte et je me demande si ce texte

25 reflète bien ce sur quoi vous vous êtes mis d'accord de manière assez

26 rapide. Compte tenu de la discussion que vous venez d'entendre, pouvez-vous

27 nous dire si vous vous fondez sur vos connaissances personnelles pour

28 interpréter de cette manière le texte -- en tant qu'anglophone, pourriez-

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1 vous m'aider à mieux comprendre ce texte ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que Me Emmerson essaie d'expliquer, me

3 semble-t-il, c'est l'ordre opérationnel, ce document reprend la tâche qui a

4 été confié au commandant de la brigade de la 125e ou la tâche qui a été

5 confié à ses soldats par lui-même. Par conséquent, ces objectifs, le long

6 de ces différents axes, sont des lieux d'opération vers laquelle cette

7 formation était censée se rendre. Je ne sais pas si je suis allé le long du

8 dernier axe, mais je connais maintenant bien la carte. Je me souviens un

9 déplacement de Pec vers le sud dans ce secteur-là. Maintenant, est-ce

10 qu'ils sont arrivés jusqu'à ces objectifs, je n'en sais rien.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ce n'est pas tellement cela qui

12 m'intéresse. J'aimerais simplement savoir ce que nous dit ce document.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que dit Me Emmerson, c'est qu'il y a des

14 objectifs et que ces objectifs ont peut-être été atteints.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais, la question est de savoir ce

16 que nous dit le texte s'agissant de ces objectifs.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Vous me permettez ?

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être mais --

19 M. EMMERSON : [interprétation] Pour être tout à fait simple. Le général

20 Delic est le 549e. Sa carte montre que ses soldats étaient cantonnés à

21 Erecka Suka. C'est la 125e qui se trouve plus au nord dans ce document, et

22 ce document nous dit que la 125e va être déployée de sa caserne vers Erecka

23 Suka --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est votre interprétation.

25 M. EMMERSON : [interprétation] -- et de sa caserne jusqu'au lac Radoniq.

26 Donc vous avez déjà la 549e au lac Radoniq puisque cela se voit sur la

27 carte. Et ici, ces forces sont rejoints ou, en tout cas c'est l'intention,

28 par l'autre brigade à ces positions-là.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, Maître Emmerson, je reprendrais le

2 compte rendu ce week-end, et je verrai s'il importe de préciser davantage

3 les choses.

4 Monsieur Crosland nous n'avons pas terminé votre contre-interrogatoire, à

5 moins que la Défense n'ait plus de questions à poser, mais je suppose que

6 ce n'est pas le cas puisque les autres équipes de la Défense ne vous ont

7 pas encore interrogé de toute façon.

8 Nous avons été informé du fait que vous ne serez pas disponible lundi de la

9 semaine prochaine, mais il est probable que vous soyez disponible dans deux

10 semaines, n'est-ce pas ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Je ne suis pas disponible

12 pendant deux semaines, ensuite, il faudra que je vois quels sont mes

13 engagements par ailleurs.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur le Témoin, Monsieur

15 Crosland - je me tourne vers les parties - mais il me paraît tout à fait

16 logique de poursuivre votre contre-interrogatoire au moment où vous serez

17 disponible. Cela étant, à ce stade vous avez entamé votre déposition, ce

18 qui signifie qu'il faut que vous évitiez d'aborder avec qui que ce soit la

19 teneur de la déposition que nous avons entendue et celle que vous serez

20 amené à faire par la suite. Prenez contact avec la Section d'Aide aux

21 Victimes et aux Témoins, qui servira de lien entre le Tribunal et vous-

22 même.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que la Section d'Aide aux

25 Victimes et aux Témoins dispose de vos coordonnées de manière à ce qu'elle

26 puisse entrer en contact avec vous si nécessaire ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, je propose que vous

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1 informiez la Section d'Aide aux Victimes et aux Témoins de vos engagements

2 après cette période d'indisponibilité de deux semaines et la section

3 informera la Chambre de vos disponibilités, et nous verrons donc alors

4 quand nous pourrons vous citer à nouveau à comparaître ici.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai tout à fait bien compris.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois, Me Emmerson - ou plutôt Me

7 Harvey debout. Maître Guy-Smith, pas encore. Mais cela y est, bien.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Je voulais simplement vous dire la chose

9 suivante. Nous sommes très reconnaissants au témoin de la coopération dont

10 il a fait preuve, et je demanderais à toutes les personnes concernées de

11 bien vouloir faire en sorte que le témoignage de ce témoin reprenne le plus

12 rapidement possible.

13 M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, il y a une petite

14 erreur dans le compte rendu, mais cela pourrait poser problème par la

15 suite. J'attire donc votre attention là-dessus puisque le Président est ici

16 et que nous ne le verrons plus avant un certain temps.

17 A la page 104, ligne 10. Le témoin a dit : "Nous n'avons pas pu suivre la

18 route non indiquée jusqu'à Pec." C'est ce que dit le compte rendu, mais en

19 fait, il voulait dire Bec, B-e-c.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je confirme, en effet.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

22 Nous aimerions vous remercier, et nous nous reverrons prochainement je

23 l'espère.

24 Il y a une question de procédure qui prendra une minute tout au plus, mais

25 vous êtes invité à quitter le prétoire, Monsieur le Témoin, accompagné de

26 Mme l'Huissière.

27 Il y a une question qui semble avoir été résolue, à savoir la

28 question de savoir si la déclaration soumise au titre de l'article 92 ter

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1 du Règlement du 19 avril, si ce document va être versé au dossier ou pas.

2 Afin d'être parfaitement transparent, je tenais à ce que tout figure au

3 compte rendu.Je vois dans le compte rendu d'hier, que même si ces propos

4 sont attribués à Me Emmerson, il apparaît clairement que c'est M. Re qui

5 les a prononcés. Et je lis : "J'ai reçu un mail de M. Zahar indiquant que

6 vous aviez pris une décision qui m'était contraire, et je n'avais pas - je

7 n'allais pas verser cette pièce au dossier."

8 [Le témoin se retire]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas ce que dit l'e-mail,

10 Monsieur Re, parce que l'e-mail dit : "Les Juges m'ont demandé de vous

11 informer que l'Accusation allait mener l'interrogatoire principal de

12 Crosland comme si la requête aux fins du versement de la déclaration

13 présentée au titre de l'article 92 ter n'avait pas été acceptée."

14 Nous avons ensuite invité la Défense, dans la mesure du possible, à

15 nous faire part immédiatement de tout motif d'objections éventuelles. Nous

16 avons été informé du fait qu'il y avait des objections, nous avons

17 également compris que la Défense avait reçu ce courrier électronique trop

18 tard pour pouvoir y répondre, mais plus loin dans le mail, on lit :

19 L'Accusation est invitée à prendre les arrangements nécessaires pour voir

20 si finalement la déclaration 92 ter pourrait être versée au dossier à un

21 stade ultérieur."

22 S'il est inscrit au compte rendu que vous n'avez pas fait droit, que

23 nous n'avons pas fait droit à votre requête, nous nous trouvons dans une

24 situation extrêmement maladroite où l'on nous a communiqué une déclaration

25 présentée au titre de l'article 92 ter du Règlement à un stade,

26 extrêmement, extrêmement tardif, et nous ne pouvions pas écarter la

27 possibilité qu'il y ait une objection. Mais nous ne savions pas encore à ce

28 moment-là quelle était la nature de ces objections. Nous devions donc

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1 donner quelques instructions aux parties quant à la marche à suivre, mais

2 ce n'est pas exactement ce que vous avez fait figurer au compte rendu.

3 Maître, Emmerson je ne veux pas ouvrir le débat.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Non, moi non plus. Mais il me semble qu'il

5 faut faire la lumière sur la situation. En réalité, il me semble que la

6 requête a été retirée.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, elle est retirée. Mais la retirer

8 juste parce qu'il semble que la Chambre a décidé qu'elle n'y ferait pas

9 droit, alors que ce n'est pas le cas, et faire figurer cela au compte

10 rendu, ce n'est pas approprié. Mais peu importe, il n'est pas nécessaire de

11 s'appesantir sur la question.

12 M. RE : [interprétation] Je ne vais contester quoi que ce soit, mais

13 vraisemblablement, j'ai mal interprété ce qui était dans le courrier

14 électronique. Et j'avais cru comprendre que je ne pouvais plus rien faire

15 si ce n'est que de procéder à l'interrogatoire principal en pensant que

16 vous aviez rejeté notre requête --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il me semblait qu'il avait été

18 suggéré que l'on entende éventuellement les objections de la part de la

19 Défense, et éventuellement les motifs d'objections éventuelles, et qu'au

20 cours de l'interrogatoire principal, vous pourriez parvenir à

21 éventuellement rendre caduque certaines de ces objections, par exemple, en

22 apportant un fondement factuel à certaines parties, certains extraits de la

23 déclaration 92 ter. Mais laissons de côté la question, mettons un terme au

24 débat. Toutefois, la Chambre voulait que ceci figure clairement au compte

25 rendu.

26 M. RE : [interprétation] Oui mais je voudrais simplement indiquer que nous

27 avons informé la Chambre de première instance. Je ne sais plus très bien

28 quand, mais la semaine dernière, en tout cas, que nous avions l'intention

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1 de produire la déclaration --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

3 M. RE : [interprétation] Oui, et nous attendions une autorisation de la

4 part du gouvernement britannique, et nous l'avons reçue je crois mardi.

5 Donc nous avons informé à l'avance la Chambre de notre intention, et nous

6 avons tout préparé le matin, c'est ce que je crois.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends, je comprends que tout le

8 monde a agi dans l'intérêt de ce procès. La Chambre de première instance a

9 jugé bon de rectifier les choses au compte rendu, mais effectivement, il y

10 a dû y avoir un malentendu, pour le moins, c'est parce c'est vendredi, il

11 est 19 heures 05, nous allons donc devoir lever l'audience en nous excusant

12 auprès des interprètes et des techniciens, mais également auprès de Mme

13 l'Huissière.

14 Mme la Greffière me demande jusqu'à quand nous suspendons nos

15 travaux…

16 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Jusqu'à lundi, 14 heures 15, salle

18 d'audience numéro I.

19 --- L'audience est levée à 19 heures 11 et reprendra le lundi, 23 avril

20 2007, à 14 heures 15.

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