Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 30 mai 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 22.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous, dans cette salle

6 d'audience et à côté.

7 Madame la Greffière, voudriez-vous, s'il vous plaît, appeler la cause.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

9 Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-04-84-T, le Procureur contre

10 Ramush Haradinaj et consorts.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

12 Avant que je vous donne, Monsieur Kearney, la possibilité de poursuivre

13 l'interrogatoire principal de M. Krasniqi, je voudrais dire quelques mots.

14 On a beaucoup discouru hier en ce qui concerne les annexes à la déclaration

15 de ce témoin et les annexes également à sa déposition dans l'affaire Limaj.

16 Pour commencer, c'est un aspect extrêmement pratique. L'annexe 5 du compte

17 rendu est la même que l'annexe 12 à la déclaration. Cela c'est ce qu'a

18 constaté la Chambre. On voit simplement que c'est un double pour ce

19 document.

20 Les préoccupations ont été exprimées hier et des problèmes ont été évoqués

21 sur la façon dont ces documents ont été traités ou devraient être traités,

22 à la fois sur la façon dont ils ont été traités dans le procès Limaj et la

23 façon dont ils sont traités dans la présente affaire. Les parties se sont

24 informées réciproquement, et bien sûr ont également informé les membres de

25 la Chambre des préoccupations et des problèmes soulevés. La Chambre a

26 décidé hier de ne pas intervenir plus avant et elle a également examiné les

27 annexes et a constaté qu'une grande partie de ce qui est décrit dans

28 lesdites annexes est en fait en dehors du cadre temporel de l'acte

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1 d'accusation. La Chambre n'a pas constaté de liens directs entre certains

2 des incidents qui sont décrits dans ces documents et les incidents qui sont

3 précisément mentionnés dans l'acte d'accusation et pour lesquels des

4 charges pèsent à l'encontre des accusés. Après avoir examiné ces documents,

5 la Chambre ne voit aucune raison de modifier l'attitude qu'elle a décrite

6 hier à la fin de l'audience d'hier. La Chambre laisse aux parties le choix

7 de la manière dont elles souhaitent présenter cela - et Monsieur Kearney,

8 ce sera d'abord à vous - la Chambre laisse également aux parties la

9 possibilité d'apprécier ce qui est nécessaire pour contester ce qui a été

10 présenté hier jusqu'à présent à cet égard.

11 Pour finir, je souhaiterais également mentionner le fait qu'au cours des

12 débats et discussions d'hier, cela a eu un effet assez négatif sur la

13 présentation des éléments de preuve, et la Chambre souhaiterait qu'il n'y

14 ait plus de difficultés analogues en ce qui concerne la présentation de

15 cette déposition lorsque M. Kearney en aura fini avec l'interrogatoire

16 principal de ce témoin.

17 Madame l'Huissière, je voudrais vous demander de bien vouloir faire entrer

18 le témoin dans la salle d'audience.

19 Dans l'intervalle, je saisis cette occasion de clarifier les choses en ce

20 qui concerne l'admission de la déposition de ce témoin dans le procès

21 Limaj. En l'occurrence, il faut que je vérifie cela avec la plus grande

22 prudence et voir le nombre de pages mentionné par l'Accusation en ce qui

23 concerne le compte rendu de la déposition de M. Krasniqi dans l'affaire

24 Limaj, je crois que cela représente 255 pages, tandis que la Chambre a pu

25 retrouver 209 pages, et je pense avoir mentionné ce chiffre hier, qui

26 correspond en fait à la déposition de M. Krasniqi. Pour que les choses

27 soient bien claires, il s'agit des pages du compte rendu 3 285 jusque et y

28 compris 3 493. Bon.

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1 D'autre part, puisque le témoin n'est pas encore entré dans la salle

2 d'audience, il y a un certain nombre de demandes, on a demandé si la

3 Chambre pourrait siéger le 1er juin dans la matinée plutôt que dans l'après-

4 midi. Maître Guy-Smith, je pense, avait un vœu particulier à ce sujet. La

5 Chambre a examiné soigneusement la question, mais en raison des engagements

6 de la majorité des Juges de cette Chambre, ce n'est malheureusement pas

7 possible.

8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je comprends et je vous remercie. Je

9 remercie tout le monde à ce sujet.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En ce qui concerne le 5 juin, les

11 parties sont invitées à voir si une solution pourrait être trouvée pour

12 faire déposer un témoin le 5 juin, ce ne serait pas d'une importance vitale

13 pour la présente affaire.

14 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'avais fait cette suggestion déjà et nous

15 devons encore résoudre la question.

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, vous aviez demandé la

18 parole en même temps que le témoin entrait.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Cela peut attendre.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krasniqi, je voudrais vous

21 rappeler que vous avez fait une déclaration solennelle hier au commencement

22 de votre déposition et qu'elle continue de vous lier lorsque vous répondez

23 aux questions.

24 Monsieur Kearney, c'est à vous.

25 M. KEARNEY : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai l'intention

26 d'être très bref aujourd'hui. Il y a bien une question qui a trait à ce

27 témoin que je voudrais poser. La Chambre a demandé hier à l'Accusation de

28 préparer une liste officielle permettant de comparer les pièces à

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1 conviction dans l'affaire Limaj aux pièces à conviction au titre de

2 l'article 92 ter du Règlement. Je les ai ici maintenant. Je les ai

3 transmises à la Défense. Je ne sais si la Chambre voudrait --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela va très bien. Tout au moins,

5 nous avons les pièces à conviction sous les cotes P pour l'affaire Limaj et

6 nous avons une vue globale de l'ensemble, et il sera plus facile pour la

7 greffière de trouver des numéros des cotes dans l'ordinateur. Si vous

8 remettez cela à Mme l'Huissière, Monsieur Kearney, vous pouvez poursuivre.

9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il y a une dernière question, Monsieur le

10 Président, je vous prie de m'excuser. Je n'ai pas pu en parler à M. Kearney

11 avant l'ouverture de l'audience. Je me demande quelle est la situation en

12 ce qui concerne la communication de ces éléments qui ont été discutés hier,

13 à savoir les livres --

14 M. KEARNEY : [interprétation] Nous avons appelé Pristina aujourd'hui,

15 Monsieur le Président. Apparemment, M. Krasniqi a raison, il a bien remis

16 ses livres ou ses cahiers à un représentant du bureau du Procureur, et

17 c'était le lundi à Pristina. Je comprends qu'après cela, ils ont été

18 envoyés par messagerie DHL ou ils sont en train d'être envoyés par

19 messagerie DHL. L'Accusation ici à La Haye ne les a pas encore reçus

20 malheureusement.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux considérer que dès

22 que vous les aurez vous pourrez les examiner, vous pourrez les communiquer

23 à la Défense.

24 M. KEARNEY : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

26 Alors poursuivez, Monsieur Kearney.

27 LE TÉMOIN: JAKUP KRASNIQI [Reprise]

28 [Le témoin répond par l'interprète]

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1 Interrogatoire principal par M. Kearney : [Suite]

2 Q. [interprétation] Monsieur Krasniqi, bonjour.

3 R. Bonjour.

4 Q. Monsieur Krasniqi, je voudrais reprendre brièvement sur un certain

5 nombre de points qui ont été évoqués par vous hier, le premier figure à la

6 ligne 49 de la page 4 958 de votre déposition, à la ligne 6. Vous nous avez

7 dit, Monsieur le Témoin, hier - et je vous cite - "mais en 1998, j'avais

8 des contacts presque quotidiens avec les soldats et avec les unités

9 opérationnelles de l'UCK."

10 Maintenant, je voudrais vous demander ceci, Monsieur le Témoin, de nous

11 expliquer cela, si vous le voulez bien. Est-ce que ceci veut dire que sur

12 une base quotidienne vous étiez matériellement appelé à vous rendre dans

13 différentes zones ou auprès de différentes unités à l'intérieur du Kosovo ?

14 R. Je me trouvais dans des secteurs où l'UCK avait ses opérations. J'étais

15 en contact avec les soldats dans le secteur où je vivais; toutefois, ces

16 contacts avec nos autres zones ou secteurs, cela dépendait de temps en

17 temps des nécessités du jour.

18 Q. Où viviez-vous, s'il vous plaît, dans quelle zone -- enfin, peut-être

19 pourriez-vous nous dire d'abord où vous viviez en 1998 ?

20 R. En 1998, je vivais dans mon village natal, et ce, jusqu'au mois de

21 juin. Après le mois de juin 1998, j'ai vécu dans des villages dans les

22 montagnes Berisha à Divjaka, Klecke et Novo Selo ou Shati i Ri.

23 Q. Le contact que vous aviez avec les soldats dans d'autres zones à

24 l'extérieur de celle où vous viviez, pourriez-vous nous dire si c'était de

25 façon régulière, de façon hebdomadaire, mensuelle, est-ce que cela

26 dépendait des faits qui se déroulaient sur le terrain ? Veuillez nous en

27 dire un peu plus.

28 R. Nos contacts ne pouvaient pas être des contacts hebdomadaires en raison

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1 de la situation et en raison des combats qui se sont poursuivis au cours de

2 l'été 1998. Chaque fois que c'était nécessaire, nous avions des contacts

3 matériels avec ces zones, mais c'était très peu fréquent. La plupart des

4 contacts fréquents, eux, c'était par téléphone et par téléphone utilisant

5 les satellites.

6 Q. Avec quelle fréquence y avait-il ces contacts par téléphone dans les

7 zones se trouvant au-delà de celle dans laquelle vous viviez ?

8 R. Il est difficile pour moi de vous dire quelle était la fréquence. Cela

9 pouvait être hebdomadaire ou parfois nous pouvions communiquer deux fois

10 par jour, dans la même journée, parfois tous les dix jours. Cela dépendait

11 de la façon dont les choses évoluaient sur le terrain à l'époque. Parfois

12 les contacts étaient plus fréquents, et à d'autres moments, ils n'étaient

13 pas si fréquents que cela. Cela dépendait des besoins de l'état-major

14 général de l'UCK.

15 Q. Monsieur Krasniqi, ces appels que vous venez de décrire passés aux

16 autres zones, qui en prenait l'initiative ? Est-ce que c'était vous qui

17 appeliez ces zones ou est-ce que c'était des personnes qui se trouvaient

18 dans ces zones qui vous appelaient vous ?

19 R. Cela dépendait. Si j'avais besoin de savoir quelle était l'évolution

20 sur le terrain, c'était moi qui les appelais, tandis que dans les cas où

21 ces zones avaient certains besoins ou avaient besoin d'entrer en contact

22 avec nous, c'est eux qui nous appelaient. Le commandant de la zone pouvait

23 nous contacter ou des personnes qui étaient désignées pour traiter

24 d'éléments ayant trait à l'information. C'était eux qui nous contactaient

25 alors.

26 Q. Lorsque vous dites que si vous aviez besoin de savoir quelque chose

27 concernant l'évolution sur le terrain, vous pouviez vous-même passer ces

28 appels vers les zones, et vous dites "évolution ou développements sur le

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1 terrain", vous voulez parler de quoi ?

2 R. Je veux parler des combats qui avaient lieu dans les différentes zones

3 de guerre.

4 Q. S'il y avait des combats en cours dans une zone déterminée, pourquoi

5 faisiez-vous un appel vers cette zone ? Quel était votre objectif, Monsieur

6 Krasniqi, en faisant ces appels ?

7 R. L'objectif, c'était d'être informé de la situation, voir comment les

8 combats avaient eu lieu, s'il y avait des pertes de notre côté, et quelles

9 étaient les pertes du côté de l'ennemi.

10 Q. En ce qui concerne les combats qui avaient lieu sur le terrain, à quel

11 moment passiez-vous ces appels ? Est-ce que c'était le même jour ? Le

12 lendemain ? Deux jours plus tard ? Pourriez-vous nous donner quelques

13 détails supplémentaires à ce sujet ?

14 R. Chaque fois que c'était possible, nous appelions le jour même, et quand

15 ce n'était pas possible, nous communiquions le lendemain. Mais comme je

16 l'ai dit, ces communications se faisaient par téléphone par satellite. Nous

17 n'avions pas d'autres possibilités de communiquer.

18 Q. Lorsque vous dites "quand c'était possible nous les appelions le même

19 jour", de qui vouliez-vous parler lorsque vous dites "nous", s'il vous

20 plaît ?

21 R. Nous qui travaillions à l'état-major général. L'état-major général

22 avait une unité chargée de l'administration.

23 Q. Vous avez dit tout à l'heure qu'à l'occasion - ceci est à la ligne 17,

24 page 6 - "le commandant de la zone nous contactait ou contactait des

25 personnes qui étaient désignées pour traiter l'information, nous

26 contactaient."

27 Ces personnes, que ce soit les commandants de zone ou les personnes qu'ils

28 avaient désignées, quel était l'objet de leur appel ? Ils vous appelaient

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1 pour vous parler de quoi ?

2 R. Ils nous appelaient pour nous informer de la situation, et ils

3 demandaient de l'aide, et ainsi de suite.

4 Q. Vous dites que vous receviez des demandes d'aide ou d'assistance, que

5 voulez-vous dire par là, Monsieur Krasniqi ? Quel type d'aide ou

6 d'assistance est-ce que les commandants de zone vous demandaient ?

7 R. Les commandants de zone, mais même également d'autres unités, des

8 unités plus petites de combat, lorsqu'elles étaient attaquées par des

9 forces ennemies -- et si les forces de cette unité étaient limitées, ils

10 demandaient de l'aide et des renforts, ils demandaient que d'autres unités

11 viennent les renforcer, celles qui étaient les plus proches de la zone des

12 combats.

13 Q. Tout à l'heure, vous avez parlé de la période pendant laquelle ces

14 communications avaient lieu, je crois que vous avez parlé de l'été 1998.

15 Pourriez-vous être plus précis, s'il vous plaît, en ce qui concerne cette

16 période dont vous avez parlé ?

17 R. Je parle de la période postérieure au mois de juin 1998. Je parle de la

18 fin de juillet, d'août et septembre, où ont eu lieu les combats les plus

19 importants. Tout le monde est au courant de l'offensive de 1998,

20 l'offensive d'été.

21 Q. Que pouvez-vous nous dire de la période précédant juillet 1998, le

22 premier semestre, si vous voulez, de 1998 ? Pourriez-vous, s'il vous plaît,

23 nous décrire quelles étaient les communications que vous aviez avec les

24 zones précitées au cours de cette période ?

25 R. Avant de parler de cela, il faut faire une distinction entre les

26 différents stades de l'évolution de l'armée. Avant l'été 1998, l'UCK était

27 une armée de guérillas. Elle avait un accès limité aux zones, et un nombre

28 limité de soldats. C'était une armée qui était une armée de guérillas, des

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1 unités de guérillas qui utilisaient des techniques d'attaque et de retrait

2 rapide. Ces unités avaient des effectifs qui étaient limités, et toutes

3 agissaient de façon clandestine.

4 Après février 1998, après le 28 février 1998, lorsque 24 personnes

5 ont été massacrées à Likoshan, et à Qirez, et après les événements qui ont

6 eu lieu le 5, 6 et 7 mars 1998, les gens voulaient rejoindre l'UCK en

7 masse. C'était le moment pendant lequel l'état-major général n'avait pas

8 assez d'officiers supérieurs expérimentés pour répondre à cette demande. Un

9 grand nombre de personnes rejoignaient l'UCK, et différentes unités

10 provenant des villages rejoignaient l'UCK, mais elles étaient en dehors des

11 structures normales de direction et de contrôle de l'UCK. L'armée était

12 pour l'essentiel composée de volontaires, c'était une armée à caractère

13 populaire, et les personnes qui avaient été désignées comme responsables

14 pour certains secteurs devaient également se mettre en rapport avec l'UCK.

15 Ainsi, par exemple, à plusieurs reprises l'état-major général a dû avoir

16 ces entretiens avec des représentants des villages, qui parfois n'avaient

17 que des fusils de chasse à leur disposition. Nous voulions qu'ils fassent

18 partie d'une structure plus organisée sous la direction de l'état-major

19 général.

20 Donc, nous pouvons dire qu'au cours de la période juin, juillet,

21 août, nous avions cette armée populaire, de volontaires, et que les

22 premières tentatives pour disposer d'une armée mieux organisée ont été

23 faites à ce moment-là. Mais à ce moment-là l'offensive a commencé, donc il

24 était impossible de parvenir à une meilleure organisation de l'UCK.

25 L'offensive de l'été a fait échouer nos efforts pour nous organiser mieux.

26 Donc, jusqu'au mois d'octobre 1998, nous n'avons pas été en mesure de

27 consolider les choses pour l'UCK, tandis qu'en novembre 1998, nous avons eu

28 une période plus calme. Il y a eu l'accord Holbrooke-Milosevic qui a été

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1 signé, et nous avons mis à profit cette période plus calme pour nous

2 organiser. Nous avons pu organiser des compagnies, des bataillons et des

3 brigades de l'UCK, de sorte que l'organisation et la discipline se sont

4 améliorées vers la deuxième partie de l'année plutôt que ça n'été le cas au

5 début. Néanmoins, elle était loin d'être une armée bien organisée au sens

6 vraiment militaire du terme.

7 Q. Monsieur Krasniqi, je vous remercie de votre réponse, mais j'aimerais,

8 si vous le permettez, appeler votre attention sur la période qui a suivi

9 les attaques que vous avez mentionnées comme ayant eu lieu en février et

10 début mars 1998. Je voudrais simplement vous poser la question suivante.

11 Après ces attaques, les communications avec les sous-zones se sont accrues

12 du point de vue des communications de l'état-major général ? Est-ce qu'il y

13 a eu un accroissement des communications ?

14 R. Avec l'augmentation des partisans de l'UCK, les communications ont

15 augmenté d'autant. Mais il y avait des groupes armés au sein des villages

16 qui n'étaient pas sous notre contrôle. Il fallait travailler dans

17 différentes directions, mais nous n'avions pas les effectifs nécessaires et

18 nous ne pouvions pas travailler avec toutes les personnes. Je ne dirais pas

19 que nous avions un système de communication adéquat. Nous n'avons pas pu

20 communiquer avec les différentes zones comme nous aurions dû le faire.

21 Q. Pour ce qui est de la zone de Dukagjin en particulier, à commencer par

22 le mois de mars 1998, vous étiez en contact avec qui dans cette zone, et

23 avec qui parliez-vous, s'il vous plaît ?

24 R. A ce moment-là je ne communiquais avec personne dans la zone de

25 Dukagjin.

26 Q. Est-ce qu'un membre de l'état-major général était en contact avec

27 quelqu'un dans la zone de Dukagjin à ce moment-là, d'après ce que vous

28 savez ?

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1 R. A ce moment-là je ne peux pas vous dire qui était en contact avec eux.

2 Je ne peux parler que de ce qui s'est passé après le mois de juin 1998.

3 Q. Et après le mois de juin 1998, vous étiez en contact avec qui dans la

4 zone de Dukagjin lorsque vous les appeliez au nom de l'état-major général ?

5 R. Nous prenions contact de différentes façons, pas seulement par

6 téléphone. En juin 1998, par exemple, j'ai contacté Lahi Brahimaj, qui

7 était un membre de l'état-major général de l'UCK.

8 Q. Je souhaite parler maintenant de soldats de l'UCK qui se trouvaient sur

9 le terrain dans la zone de Dukagjin au début du mois de juin 1998. Avec qui

10 étiez-vous en contact, s'il vous plaît ?

11 R. J'ai contacté Lahi Brahimaj.

12 Q. C'était la seule personne avec laquelle vous avez parlé dans la zone de

13 Dukagjin après le mois de juin 1998 ?

14 R. C'était la personne que je connaissais et la personne avec laquelle je

15 communiquais. Je crois qu'il était responsable de cette zone à l'époque.

16 Plus tard, j'ai également contacté M. Ramush Haradinaj, le commandant de

17 cette zone. Je crois que ça n'été qu'une fois au mois de juin ou au début

18 du mois de juillet, mais je ne me souviens de la date exacte.

19 Q. Un peu plus tôt, vous nous avez dit qu'après le mois de juin 1998 vous

20 avez commencé à avoir des contacts plus réguliers avec les zones que vous

21 nous avez décrites, donc les communications que vous aviez avec les

22 personnes sur le terrain à propos de détails opérationnels. Je souhaite

23 vous poser cette question : après le mois de juin 1998, après avoir reçu

24 des renseignements des unités opérationnelles sur le terrain, que faisiez-

25 vous de ces renseignements, puisque vous étiez membre de l'état-major

26 général ? Est-ce que vous les diffusiez ? Est-ce que vous les enregistriez

27 ? Qu'est-ce que vous en faisiez ?

28 R. Les renseignements ne parvenaient pas seulement à nous, mais les

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1 renseignements sur les évolutions sur le terrain étaient transmis aux

2 médias, que ce soit les médias albanais et internationaux. Bien sûr, nous

3 avions d'autres fonctions. Il fallait que nous nous occupions de

4 l'organisation également, et nous devions préparer des déclarations

5 politiques dans lesquelles nous exposions la stratégie et les opinions

6 politiques des membres de l'UCK, mais dans ces déclarations, nous parlions

7 également des combats qui se déroulaient au Kosovo.

8 Q. Lorsque vous décriviez ces combats en cours au Kosovo dans ces

9 déclarations, est-ce que ces déclarations étaient en partie fondées sur les

10 renseignements que vous obteniez des soldats sur le terrain ?

11 R. Notre position politique avait déjà été clairement précisée bien avant

12 les opérations et les actions de combats. Nous avions déjà préparé ces

13 déclarations politiques afin d'augmenter le moral des troupes de l'UCK, des

14 citoyens du Kosovo. Nous voulions recueillir le respect des citoyens du

15 Kosovo tout en tenant informés les membres de la communauté internationale

16 sur la guerre juste que l'Armée de la libération du Kosovo était en train

17 de mener.

18 Q. Monsieur Krasniqi, je ne vous parle pas de vos déclarations politiques;

19 je parle des communiqués de presse qui ont été diffusés à partir du mois de

20 juin 1998. La question que je vous pose : les données ou les renseignements

21 que vous obteniez des hommes sur le terrain, est-ce que ceci était intégré

22 à vos communiqués de presse ?

23 R. Les communiqués reprenaient des éléments d'information à propos des

24 combats sur le terrain, quelquefois un petit peu exagéré, et ce, en raison

25 de notre campagne de propagande, car nous voulions tenir informée l'opinion

26 publique. J'ai dit que quelquefois nous exagérions cela parce que nous

27 montions en épingle nos succès et insistions sur les pertes ennemies, tout

28 en essayant de diminuer le chiffre des pertes de notre côté; tel était

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1 notre objectif.

2 Q. Bien. Je comprends bien que vous avez parlé de propagande et du rôle

3 que vous avez joué, c'est quelque chose que nous avons évoqué hier. Mais je

4 souhaite vous poser cette question-ci : lorsque vous faisiez des rapports

5 sur les détails des opérations dans les déclarations faites à la presse,

6 j'entends bien que certains de ces détails étaient exagérés, l'ampleur de

7 ceci était parfois exagérée. Mais pour ce qui est des faits essentiels, par

8 exemple les dates, l'endroit, l'heure, est-ce que ces derniers éléments

9 étaient exacts ou non, Monsieur ?

10 R. C'est difficile à dire, je ne sais pas si tout était exact. Nous

11 essayions à ce moment-là de décrire les actions qui se déroulaient sur le

12 terrain.

13 Q. Monsieur Krasniqi, ma question est même encore plus simple. Je souhaite

14 vous poser cette question, est-ce que je peux vous le présenter comme ceci

15 : est-ce qu'il est arrivé que vous inventiez de toutes pièces une bataille

16 qui se serait déroulée, qui ne s'était jamais déroulée en réalité, que vous

17 imaginiez un incident qui ne correspondait en rien à la réalité, en fait ?

18 R. Je n'ai jamais fait d'annonce à propos de faits qui ne se sont jamais

19 déroulés, qui n'ont jamais eu lieu. J'essayais d'y réfléchir et de rendre

20 compte des éléments qui s'étaient déroulés, tout en adoptant un ton assez

21 optimiste et en essayant néanmoins peut-être d'exagérer un petit peu.

22 Q. Bien. Merci. Une brève question, Monsieur Krasniqi. Avant votre

23 nomination en tant que porte-parole de l'UCK le 11 juin 1998, qui vous a

24 précédé à ce poste ? Qui était votre prédécesseur ?

25 R. Il n'y en avait pas. Il n'y avait personne. Je n'avais pas de

26 prédécesseur.

27 Q. Avant vous, avant que vous n'assumiez vos fonctions, y avait-il

28 plusieurs personnes au niveau de l'état-major général qui traitaient avec

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1 la presse et les médias ?

2 R. Avant ce moment-là, c'était le journal Zeri i Kosoves qui jouait le

3 rôle de porte-parole politique de l'UCK. C'est eux qui diffusaient ces

4 communiqués.

5 Q. Ensuite, ces derniers étaient adoptés par l'état-major général ?

6 R. Je vous ai déjà expliqué hier que l'état-major général au cours de

7 cette période disposait de membres au Kosovo, mais bon nombre de membres se

8 trouvaient en Suisse ou en Albanie.

9 Q. Je vous remercie dans votre réponse, mais je souhaite vous reposer

10 cette question : hier, vous nous avez dit que toutes les annexes à votre

11 déclaration étaient des communiqués ou des rapports qui illustraient

12 parfaitement les déclarations faites par l'état-major de l'UCK. Alors,

13 voici ma question : comment l'état-major général -- quel rapport y avait-il

14 entre l'état-major général et Zeri i Kosoves ?

15 R. A partir du moment où j'ai été nommé au poste de porte-parole, nous

16 communiquions avec Zeri i Kosoves par le biais de téléphone par satellite.

17 Je ne sais pas comment ils communiquaient avant cela. Je ne peux pas vous

18 le dire, peut-être qu'ils utilisaient un autre moyen.

19 Q. Ma question est plus simple : qui était la personne avec laquelle vous

20 étiez en contact au journal Zeri i Kosoves ?

21 R. Avant ma nomination au poste de porte-parole, je ne sais pas; mais

22 lorsque j'ai été nommé, c'était moi pour l'essentiel.

23 Q. Mais un membre de l'état-major général les appelait pour leur

24 communiquer des renseignements sur l'évolution des opérations sur le

25 terrain, n'est-ce pas ?

26 R. Je vais répéter ce que j'ai déjà dit. Pour ce qui est de la période qui

27 a précédé la mienne, je ne sais pas, mais à partir du moment où j'ai été

28 nommé porte-parole, c'est moi qui m'occupais de tout ceci.

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1 Q. Je ne vous demande pas de nous donner de noms, Monsieur Krasniqi, je

2 vous demande simplement ceci : est-ce que des membres de l'état-major

3 général de l'UCK ont contacté Zeri i Kosoves avant que vous ne soyez nommé

4 porte-parole en juin 1998 ?

5 R. Oui, sans doute, car comme je vous l'ai dit, Zeri i Kosoves d'une

6 certaine façon était un organe qui faisait partie du mouvement du peuple du

7 Kosovo, mais avant le mois de juin 1998, avant la consolidation de l'état-

8 major, le LPK et Zeri i Kosoves jouaient le rôle d'antenne politique de

9 l'Armée de libération du Kosovo.

10 Q. Merci. Je souhaite maintenant vous poser des questions un petit peu

11 après le moment vous avez été nommé porte-parole. Pour ce qui est des

12 annexes que vous avez sous les yeux, vous avez encore ce livret qui

13 contienne les annexes, Monsieur Krasniqi, n'est-ce pas ?

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si tel n'est pas le cas, vous pouvez les

15 remettre.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La parole est à vous.

18 M. KEARNEY : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur le Président, ceci

19 fait maintenant partie de la pièce 328.

20 Q. La dernière de ces annexes, la sixième, de 14 à 19, sont-elles des

21 déclarations faites à la suite d'entretiens que vous avez menés vous-même

22 après avoir été chargé de la presse au sein de l'UCK ? Ai-je raison de dire

23 cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Une de ces annexes, qui est une pièce jointe à la pièce 328 - annexe

26 12, veuillez supprimer cela, l'annexe numéro 18 - fait partie d'un

27 entretien assez long que vous avez donné à Koha Ditore, en juillet 1998;

28 est-ce exact ?

Page 5015

1 R. Oui.

2 Q. En tant que porte-parole de l'Armée de libération du Kosovo, quel était

3 votre objectif lorsque vous avez donné cet entretien ?

4 R. Jusqu'à ce moment-là, l'UCK n'avait absolument peu parlé de son

5 programme politique et avait très peu communiqué avec l'opinion publique et

6 les médias, et en tant que porte-parole -- ou en tout cas il n'y avait

7 personne pour représenter l'UCK à ce moment-là. Donc, quel était

8 l'objectif; il fallait informer l'opinion publique du programme politique

9 et de l'objectif de la guerre menée par l'UCK. Jusqu'à ce moment-là, tout

10 renseignement à propos de l'UCK était assez limité, même les citoyens de

11 Kosovo s'étaient tenus au courant par l'intermédiaire des médias

12 uniquement, et maintenant ils savaient où se tourner.

13 Q. Monsieur Krasniqi, y a-t-il une raison pour laquelle vous avez choisi

14 Koha Ditore pour faire cette communication et parler du programme politique

15 de l'UCK ?

16 R. Koha Ditore était le journal le plus lu à l'époque au Kosovo. En même

17 temps, c'était le journal qui, d'une façon ou d'une autre, soutenait le

18 plus les activités de l'UCK, comme le faisait Zeri i Kosoves, mais qui

19 était publié en Suisse.

20 Q. Est-ce que ce journal avait un lectorat au Kosovo et en dehors de

21 Pristina ?

22 R. D'après mes souvenirs, il y avait des lecteurs à la fois au Kosovo et

23 sur la diaspora en Allemagne et en Suisse.

24 Q. Ce journal était-il lu par les soldats de l'UCK, ceux qui étaient

25 engagés dans les combats ?

26 R. Il était difficile de distribuer les journaux dans les zones de combat,

27 mais lorsque ceux-ci arrivaient dans ces zones-là, ils étaient lus.

28 Q. Qui souhaitiez-vous communiquer le programme politique de l'UCK ? A

Page 5016

1 l'intention de qui étaient ces annonces ? Etait-ce pour les Albanais qui

2 vivaient au Kosovo ? Etait-ce pour les Serbes au Kosovo ? Etait-ce pour la

3 communauté internationale, ce message que vous avez relégué par

4 l'intermédiaire de Koha Ditore en juillet 1998 ?

5 R. Notre public était surtout le peuple albanais, en grande partie, qui se

6 trouvait à l'intérieur du Kosovo et à l'étranger. Bien sûr, Koha Ditore, à

7 ce moment-là, était un journal assez prestigieux, assez connu, qui était lu

8 de façon régulière par les représentants de la communauté internationale au

9 Kosovo. Pour ce qui est de l'opinion publique internationale, après cet

10 entretien j'ai également eu des entretiens avec des journalistes de la CNN,

11 de la BBC et des autres médias. Mais, nous tenions le public informé du

12 programme politique de l'UCK en ayant recours à des déclarations politiques

13 qui étaient publiées dans Deutsche Welle et BBC et les entretiens avec ces

14 agences de presse.

15 Q. Monsieur Krasniqi, j'en ai quasiment terminé. Pour ce qui est de

16 l'annexe 19, vous nous avez dit que ceci reflète parfaitement l'entretien

17 que vous avez donné à Koha Ditore; est-ce exact ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Monsieur Krasniqi, je souhaite attirer votre attention sur la dernière

20 page de ce document.

21 M. KEARNEY : [interprétation] Encore une fois, il s'agit de la pièce 328,

22 pages 82 à 88 du numéro 1346, qui est le numéro du document sur la liste 65

23 ter. Est-ce que nous pourrions passer à la dernière page de ce document,

24 s'il vous plaît.

25 Q. Monsieur Krasniqi, sur cette page il y a une série de questions qui

26 sont posées par Koha Ditore et on y trouve vos réponses également. Je

27 souhaite que vous vous reportiez, si vous me le permettez, au milieu de la

28 page. A la partie inférieure du texte, il y a une réponse assez longue que

Page 5017

1 vous avez donnée sur cette page et qui commence par : "Quand bien même

2 certaines personnes ont souffert …"

3 Est-ce que vous pouvez retrouver ceci, s'il vous plaît, et dites-nous

4 lorsque vous aurez trouvé le passage en question.

5 R. Les caractères sont très petits. Pourriez-vous me dire quelle ligne

6 cela se trouve ?

7 Q. Je peux vous le lire à voix haute, si cela peut vous être utile.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kearney, je n'ai pas trouvé non

9 plus.

10 M. KEARNEY : [interprétation] Il --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La numérotation des pages au niveau du

12 document P328, je crois qu'il y a 94 pages au total. De quelle page s'agit-

13 il ?

14 M. KEARNEY : [interprétation] Le numéro ERN se trouve en haut du document.

15 Est-ce que vous voyez --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 M. KEARNEY : [interprétation] Le numéro ERN à l'origine était U0038589.

18 Est-ce que vous y êtes ?

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous indiquer à

20 quel endroit cela se trouve ?

21 M. KEARNEY : [interprétation] Il y a un passage surligné.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je le vois.

23 M. KEARNEY : [interprétation]

24 Q. Je vais vous lire quelques phrases extraites de cette déclaration. Tout

25 d'abord, je vais vous demander si vous pouvez retrouver ceci. Je cite :

26 "Nous ne nous livrons pas au kidnapping. Quand bien même un certain nombre

27 de personnes ont souffert, il s'agit surtout de collaborateurs albanais

28 plutôt que de civils serbes. Nous ne traitons pas avec les civils, et ceux

Page 5018

1 qui sont fait prisonniers de guerre rentrent chez eux. Il y a quelques

2 jours, nous avons remis deux Serbes qui venaient de Croatie à la Croix-

3 Rouge internationale" --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kearney --

5 M. KEARNEY : [interprétation]

6 Q. Monsieur Krasniqi, avez-vous trouvé ce passage ?

7 R. Les caractères sont très petits. Je ne peux pas le -- je n'arrive pas à

8 le retrouver.

9 Q. Est-ce que vous voyez le sigle de la Croix-Rouge sur cette page,

10 "Croix-Rouge internationale" ? Monsieur Krasniqi, si ceci peut vous aider,

11 cela se trouve à deux paragraphes du bas du texte, tout à la fin de

12 l'entretien, à la fin de l'entretien. Il y a un endroit où on parle de la

13 "Croix-Rouge internationale".

14 Monsieur Krasniqi --

15 M. KEARNEY : [interprétation] Nous allons faire apparaître ce document au

16 système électronique, n'est-ce pas ?

17 Monsieur le Président, avec l'autorisation de la Chambre, je pourrais peut-

18 être lire ce paragraphe à haute voix, à moins que nous ne fassions quelque

19 chose pour obtenir un exemplaire plus clair pour le témoin, plus facile à

20 lire.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites-le, je vous en prie, Monsieur

22 Kearney.

23 M. KEARNEY : [interprétation]

24 Q. Monsieur Krasniqi, je vais lire à haute voix ce passage à votre

25 intention et je vous demanderai ensuite si vous reconnaissez les mots que

26 vous avez prononcés. Vous comprenez ce que je viens de vous dire, Monsieur

27 Krasniqi ?

28 R. Oui.

Page 5019

1 Q. "Même si certains ont souffert, il y a parmi eux davantage de

2 collaborateurs albanais que de civils serbes" --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kearney, lisez plus lentement,

4 je vous prie.

5 M. KEARNEY : [interprétation] D'accord.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Car, pour l'instant, vous adoptez un

7 débit qui est impossible à suivre.

8 M. KEARNEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Q. Vous reconnaissez, Monsieur Krasniqi, la phrase que je viens de vous

10 lire comme correspondant aux mots que vous avez prononcés au cours de cette

11 interview ?

12 R. Je ne me rappelle pas avoir dit cela exactement, en ces termes. Il

13 faudrait que je vérifie d'abord.

14 M. KEARNEY : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être est-ce une

15 question qu'il vaudrait mieux reprendre au cours des questions

16 supplémentaires.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'il ne doit pas être

18 terriblement difficile de retrouver ce passage dans le texte, n'est-ce pas

19 ?

20 L'INTERPRÈTE : Les interprètes albanais font remarquer que dans la version

21 albanaise originale du texte, le passage pertinent se trouve dans la

22 dernière colonne de la deuxième page.

23 M. KEARNEY : [interprétation]

24 Q. [interprétation] Monsieur Krasniqi --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande un peu plus d'aide aux

26 interprètes. Est-ce que cela se trouve dans la partie supérieure sur la

27 photo ?

28 L'INTERPRÈTE : Oui, Monsieur le Président.

Page 5020

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

2 Monsieur Krasniqi, vous trouverez ce passage -- vous voyez, sur la droite

3 de l'écran la photographie de quelqu'un. Ensuite, concentrez-vous sur la

4 dernière colonne, à peu près au niveau du haut du bras de la personne

5 photographiée, est-ce que le témoin voit cela en noir et blanc -- on

6 pourrait peut-être augmenter le contraste à l'écran pour que cela lui

7 facilite la lecture.

8 Vous l'avez trouvé, Monsieur ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous demanderais de bien

11 vouloir prendre connaissance de ce passage que vient de citer M. Kearney

12 dans le texte.

13 Monsieur Kearney, puisque le témoin a retrouvé le passage dans le texte,

14 vous pouvez maintenant lui poser votre question.

15 M. KEARNEY : [interprétation]

16 Q. Monsieur Krasniqi, je vais maintenant vous lire quatre phrases

17 consécutives de ce texte, lentement. Une fois que ce sera chose faite, je

18 vous demanderai si vous reconnaissez les mots prononcés par vous.

19 "Nous ne nous adonnions pas au kidnapping. Même si certains ont souffert,

20 il s'agissait en majorité de collaborateurs albanais plutôt que de civils

21 serbes. Nous ne nous occupons pas des civils. Nous restituons ceux que nous

22 capturons en qualité de prisonniers de guerre. Il y a quelques jours, nous

23 avons remis deux Serbes originaires de la Croatie à la Croix-Rouge

24 internationale. Ceux que nous avons enlevés voient leur identité annoncée

25 dans une liste, à moins que nous n'annoncions leur exécution. Mais nous ne

26 nous comportons pas de cette façon régulièrement, contrairement à la

27 Serbie."

28 Ma question est la suivante : est-ce que vous voyez ces mots, Monsieur

Page 5021

1 Krasniqi, dans le document ?

2 R. Oui.

3 Q. Je vous remercie.

4 M. KEARNEY : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

5 Président.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, êtes-vous prêt à

8 contre-interroger M. Krasniqi ?

9 M. EMMERSON : [interprétation] Je pensais, Monsieur le Président, que vous

10 souhaitiez évoquer un point particulier.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Je souhaitais simplement une brève

12 consultation avec mes collègues de la Chambre.

13 Monsieur Krasniqi, vous allez maintenant être contre-interrogé par Me

14 Emmerson, qui est le conseil de M. Haradinaj.

15 Veuillez procéder, Maître Emmerson.

16 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :

17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Krasniqi.

18 R. Bonjour.

19 M. EMMERSON : [interprétation] J'aimerais revenir sur deux questions

20 administratives. J'ai remarqué qu'hier après-midi lorsque certaines

21 questions, qui impliquaient une référence au transcript de Limaj, ont été

22 posées, le Président était obligé de suivre sur l'écran. Puisque je vais

23 revenir sur l'un de ces deux passages, je dispose de copies papier --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En tout cas, j'ai avec moi le compte

25 rendu Limaj.

26 M. EMMERSON : [interprétation] J'ai quelques copies papier que j'ai

27 préparées à l'intention de la Chambre.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, si vous nous les remettez, cela ne

Page 5022

1 peut que nous aider.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Cela rendra le contre-interrogatoire plus

3 facile. L'autre document que je souhaitais vous remettre, ainsi qu'au

4 témoin, si vous me le permettez, est un enregistrement d'un entretien mené

5 par des enquêteurs du bureau du Procureur avec ce témoin le 4 mai 2004. Il

6 y a eu une traduction albanaise qui a été établie, que je vais faire

7 remettre au témoin. Quant à la version originale anglaise, je demande

8 qu'elle soit remise aux Juges de la Chambre, et il en existe un exemplaire

9 pour M. Kearney, même s'il dispose très certainement déjà de ce texte. Pour

10 le compte rendu d'audience, ces notes prises par les enquêteurs constituent

11 le document de la Défense 1D410081. Je n'en ai pas encore demandé

12 l'enregistrement aux fins d'identification, pas plus que le versement au

13 dossier. Mais si le texte est affiché à l'écran, on y verra son numéro

14 d'identification. Je crois que des copies papier ont également été remises

15 aux cabines des interprètes. Je vous remercie.

16 Q. Monsieur Krasniqi, j'aimerais commencer, si vous le voulez bien, en

17 vous posant quelques questions au sujet de l'état-major principal. Je crois

18 me rappeler que vous en avez déjà parlé dans votre déposition, et je crois

19 me rappeler que vous avez confirmé être entré au sein de l'état-major

20 principal personnellement à la fin de l'année 1996, voire au début de 1997;

21 ceci est-il exact ?

22 R. C'est exact.

23 Q. Si vous voulez bien, j'aimerais comprendre un peu mieux ce que cela

24 signifiait dans la réalité, ce qui permettrait aux Juges de la Chambre de

25 se faire une idée plus précise de l'état d'organisation dans lequel se

26 trouvait l'état-major principal lorsque vous y êtes entré. D'abord, dans

27 quelles conditions précisément êtes-vous arrivé pour entrer au sein de

28 l'état-major principal, vous-même ?

Page 5023

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kearney.

2 M. KEARNEY : [interprétation] Rapidement, car je ne tiens pas à interrompre

3 la Défense. Mais le conseil de la Défense a parlé d'une déclaration dont

4 nous serions en possession il y a quelques instants. Est-ce la déclaration

5 du témoin à la Défense ?

6 M. EMMERSON : [interprétation] Non.

7 M. KEARNEY : [interprétation] Non ?

8 M. EMMERSON : [interprétation] Non, non --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agissait des notes prises par les

10 enquêteurs.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Non. Excusez-moi, je parlais d'une

12 déclaration qui nous a été faite dans le prétoire durant la déposition du

13 témoin.

14 M. KEARNEY : [interprétation] Je vous remercie. Excusez-moi, je m'étais

15 trompé, j'avais mal compris.

16 M. EMMERSON : [interprétation]

17 Q. Je répète ma question, Monsieur Krasniqi : dans quelles conditions

18 exactes avez-vous rejoint ce groupe de personnes qui se désignait sous le

19 terme d'état-major principal ?

20 R. Pour vous expliquer comment je suis entré dans ce groupe, il faut que

21 je m'explique un peu plus longuement. J'ai été prisonnier politique de 1981

22 à 1991. En 1991, à la fin de l'année 1991, une attaque armée a eu lieu

23 contre la famille Jashari. Des combats ont opposé des membres de la famille

24 d'Adem Jashari et la police serbe. En juillet 1991, je suis sorti de

25 prison, et à l'automne de l'année 1991, je me suis engagé sur le plan

26 politique. A l'époque, j'ai adhéré à la Ligue démocratique du Kosovo.

27 Durant les combats qui ont eu lieu le 30 décembre 1991, durant cette

28 nuit-là, j'ai pris contact à Polac avec Adem Jashari et sa formation armée.

Page 5024

1 Je dis cela car les contacts que j'ai eus avec l'homme chargé des

2 opérations, qui était Adem Jashari à l'époque, car c'était lui qui avait

3 commencé les préparatifs nécessaires au soulèvement armé dès le début des

4 années 1990, je connaissais ces hommes. J'avais des contacts avec eux. J'ai

5 eu des contacts et connaissais également d'autres personnes qui étaient

6 d'anciens prisonniers politiques. En 1993, plusieurs membres de la Ligue

7 démocratique du Kosovo ont été arrêtés. A cette époque-là, il y avait des

8 gens qui étaient prêts à créer l'aile politique de la LPK. Dans cette

9 période, j'étais en contact avec des représentants politiques, ainsi que

10 des représentants opérationnels, mais mes contacts avec eux étaient assez

11 rares, même très rares, car j'étais un militant politique agissant dans

12 l'illégalité, et j'étais persécuté.

13 Q. Excusez-moi de vous interrompre alors que vous êtes en train de

14 répondre à ma question. Mais la question sur laquelle je vous demanderai de

15 vous concentrer est très précise, elle porte sur la fin de l'année 1996 et

16 le début de l'année 1997, moment où vous avez rejoint ce groupe d'hommes

17 qui se désignait sous la dénomination "état-major principal". C'est par

18 rapport précisément à ce processus que je vous demande qui vous a prié

19 d'entrer au sein de l'état-major général, à moins que ce ne soit vous qui

20 ayez demandé à le faire.

21 R. Comme je l'ai déjà dit, j'avais des contacts avec les représentants de

22 l'UCK depuis déjà quelque temps, mais compte tenu du fait que l'UCK était

23 en train de s'organiser mieux, notamment sur le plan opérationnel, et que

24 j'étais le représentant politique qui connaissait bien l'évolution au

25 Kosovo, ils ont décidé, compte tenu de l'amélioration de leur état

26 d'organisation et compte tenu du fait qu'ils voulaient créer une aile

27 politique, le commandant de l'UCK, Adem Jashari, m'a demandé d'entrer au

28 sein de l'état-major principal de l'UCK pour m'y occuper principalement des

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1 questions politiques.

2 Q. Donc, c'est Adem Jashari qui vous a demandé d'entrer à l'état-major

3 principal pour y occuper principalement des responsabilités politiques

4 plutôt qu'opérationnelles ou militaires, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Merci. A cette époque-là en 1997, est-il exact que vous ignoriez qui

7 étaient les autres membres de l'état-major général ?

8 R. Je ne les connaissais pas tous.

9 Q. Pourriez-vous nous donner une idée du nombre de personnes qui

10 prétendaient appartenir à l'état-major général au total, donc y compris

11 ceux que vous ne connaissiez pas ?

12 R. A cette époque-là, l'état-major général comptait environ dix personnes,

13 mais ces dix personnes ne se connaissaient pas toutes, car il y en avait

14 parmi elles qui agissaient illégalement, d'autres légalement, il y en avait

15 aussi qui se trouvaient à l'étranger. Pour l'essentiel, nous avions pour

16 devoir de nous adapter aux conditions dans lesquelles nous agissions.

17 Q. Je comprends, mais de façon à ce que nous ayons une idée plus précise

18 de la situation, si vous ne connaissiez pas un certain nombre de personnes

19 parmi cet état-major général, il est permis de penser que vous n'aviez pas

20 de moyen de communiquer avec elles.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

22 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de demander au témoin de répondre

24 à cette question, j'ai remarqué que vous avez commencé votre question en

25 parlant de la fin de l'année 1996 ou du début de l'année 1997. Dans la

26 question suivante, vous avez dit : "A cette époque-là en 1997."

27 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui semble vous amener à couvrir une

Page 5026

1 période assez longue, mais qui exclut 1996. Je ne sais pas si c'était

2 suffisamment précis --

3 M. EMMERSON : [interprétation] Très bien.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et si votre dernière question se

5 limite au début de la période que vous aviez évoquée auparavant ou si elle

6 couvre l'ensemble de l'année 1997.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais tirer cela au clair. Je comprends

8 votre point de vue, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 M. EMMERSON : [interprétation]

11 Q. Est-ce que la situation est demeurée la même pendant toute

12 l'année 1997, à savoir que parmi les dix personnes dont vous avez parlé, il

13 y en avait dont vous ne connaissiez ni le nom ni l'identité à cette époque-

14 là ? Est-ce que cette situation a duré pendant toute l'année 1997 ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-il permis de dire qu vous ne connaissiez pas le nom de plus de la

17 moitié ou de moins de la moitié de ce groupe qui se désignait sous le nom

18 d'état-major général ?

19 R. Il m'est difficile de le dire aujourd'hui, car je les connais tous

20 aujourd'hui. Mais à l'époque, il y en avait certains que je ne connaissais

21 pas.

22 Q. Oui. Et je pense qu'évidemment, vous connaissiez Adem Jashari, n'est-ce

23 pas ? Vous savez qu'il était membre --

24 R. Oui.

25 Q. Vous connaissiez Sokol Bashota et Rexhep Selimi, n'est-ce pas ?

26 R. Je connaissais Sokol à l'époque, mais pas Rexhep.

27 Q. Donc vous connaissiez Adem Jashari et Sokol Bashota. Est-ce que vous

28 connaissiez un homme --

Page 5027

1 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.

2 M. EMMERSON : [interprétation]

3 Q. -- à l'époque ?

4 R. Oui.

5 Q. Donc vous connaissiez ces trois hommes, et vous saviez qu'ils étaient

6 tous membres de l'état-major général en 1997 ? Vous étiez au courant de

7 cela à l'époque, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce qu'en fait vous connaissiez le nom d'autres membres de l'état-

10 major général à l'époque, Monsieur Krasniqi ?

11 R. Je savais qu'Azem Syla était membre de cet état-major général en 1997.

12 Q. Très bien. Est-ce tout s'agissant des personnes dont vous connaissiez

13 les noms et dont vous saviez qu'elles étaient membres de l'état-major

14 général à l'époque ?

15 R. Oui.

16 Q. Donc, sur un total de dix, vous connaissiez le nom de cinq personnes, y

17 compris vous-même, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que ces cinq personnes étaient toutes au Kosovo ou est-ce qu'il

20 y en avait qui étaient déployés au Kosovo ainsi qu'en Albanie ?

21 R. En dehors d'Azem et de Hashim Thaqi, tous les autres étaient au Kosovo.

22 Q. Je vois.

23 R. Azem et Hashim se déplaçaient en Albanie et en Suisse, mais ils sont

24 restés un temps limité au Kosovo. Lorsqu'ils étaient au Kosovo, ils

25 agissaient dans la clandestinité.

26 Q. Donc --

27 R. Lorsque j'ai dit "illégalement", je voulais dire dans la clandestinité

28 tout à l'heure.

Page 5028

1 Q. Pour l'essentiel, Monsieur Krasniqi, pouvez-vous confirmer que la

2 situation est bien celle-ci : il y avait trois hommes, y compris vous, qui

3 étaient basés à l'intérieur de Kosovo durant l'année 1997 et dont vous

4 saviez qu'ils faisaient partie de l'état-major général. Il y avait deux

5 hommes qui étaient basés hors du Kosovo dont vous saviez qu'ils étaient

6 membres de l'état-major général, et il y avait cinq autres membres de

7 l'état-major général dont vous ignoriez l'identité. C'est bien cela ?

8 R. Oui.

9 Q. Et ces cinq membres de l'état-major général étaient répartis un peu

10 partout dans ce qu'il est convenu d'appeler la diaspora, c'est-à-dire en

11 Suisse, en Allemagne, aux Etats-Unis, en France, dans les pays scandinaves;

12 c'est bien cela ?

13 R. Oui. Ils vivaient dans des pays occidentaux. Il s'agissait de citoyens

14 du Kosovo qui avaient quitté le Kosovo.

15 Q. Savez-vous combien d'entre eux ont été choisis pour faire partie de ce

16 qu'il est convenu d'appeler l'état-major général pendant cette période ?

17 R. Il n'y en a pas eu en 1997.

18 Q. Il est permis de penser que si vous ne saviez pas qui étaient ces

19 personnes, vous ne pouviez pas avoir beaucoup de communications directes

20 avec elles, n'est-ce pas, durant l'année 1997 ?

21 R. Evidemment, puisque c'étaient des personnes que je ne connaissais pas,

22 je ne pouvais pas communiquer avec elles.

23 Q. Est-ce que, finalement, vous n'étiez pas trois personnes qui aviez des

24 contacts les uns avec les autres dans cette période; M. Jashari, M. Bashota

25 et vous-même ? Est-ce que, finalement, c'est à cela que cela revient,

26 s'agissant de votre possibilité de communiquer avec d'autres personnes ?

27 R. J'ai dit que pendant cette période, je ne pouvais pas communiquer

28 régulièrement avec les représentants qui se rendaient en Albanie et en

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1 Suisse. Je veux parler d'Azem Syla et de Hashim Thaqi.

2 Q. Dites-moi si je me trompe, mais pendant l'année 1997 vous n'avez pas

3 participé à une quelconque réunion officielle de l'état-major général,

4 n'est-ce pas ?

5 R. Nous avions des contacts avec les représentants qui se trouvaient à

6 l'intérieur du Kosovo. Même si l'on parle des représentants qui étaient

7 hors du Kosovo, ils parvenaient à avoir des contacts avec ceux qui se

8 trouvaient à l'intérieur du Kosovo. Ceux d'entre nous qui nous trouvions à

9 l'intérieur du Kosovo communiquions entre nous. Enfin, nous essayions de

10 communiquer entre nous. Et il y avait des gens qui se trouvaient à

11 l'intérieur du Kosovo et qui connaissaient ceux qui étaient à l'extérieur

12 du Kosovo qui peut-être communiquaient avec eux. Telles étaient les

13 possibilités de communication que nous avions à l'époque.

14 Q. Vous avez dit qui peut-être communiquaient avec eux, Monsieur Krasniqi,

15 mais est-ce que vous savez si, par exemple, il y avait des communications

16 officielles avec les cinq individus dont vous ne connaissiez pas l'identité

17 ?

18 R. Je n'ai eu aucun contact avec des gens que je ne connaissais pas, car

19 j'étais l'un des membres les plus récents de l'état-major général en 1997.

20 Q. Parlons, si vous le voulez bien, du premier semestre 1998, et plus

21 précisément de la mi-1998. Combien de membres de l'état-major général se

22 trouvaient à ce moment-là à l'intérieur du Kosovo de façon permanente ?

23 R. Ce nombre a varié, il y en a eu sept ou huit au début. Plus tard

24 l'état-major général s'est développé pour inclure les commandants de zones.

25 Donc, le nombre des membres de l'état-major général s'est accru.

26 Q. Mais cela s'est passé plus tard, n'est-ce pas ? Quand exactement ?

27 R. Oui. Cela s'est passé après novembre 1998.

28 Q. Cette période ne m'intéresse pas. Alors, revenons au mois de juin 1998.

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1 Est-ce qu'à ce moment-là il y avait des membres de l'état-major général

2 hors du Kosovo dont vous ne connaissiez pas l'identité ?

3 R. Oui, il y en avait.

4 Q. Et à l'intérieur du Kosovo, est-il exact que l'état-major général était

5 fragmenté; autrement dit, ceux d'entre vous qui en faisaient partie

6 n'avaient pas un lieu unique dans un bâtiment unique, n'est-ce pas ?

7 R. C'est exact. Parce qu'il nous était impossible de disposer d'un lieu

8 sûr où l'état-major général aurait pu être abrité pendant une période

9 longue.

10 Q. Oui. Mais ce n'est pas seulement que les membres de l'état-major

11 général se déplaçaient, mais qu'ils se déplaçaient séparément les uns des

12 autres, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, en général, c'était le cas.

14 Q. Bien. Donc, nous en sommes arrivés au mois de juin et nous savons que

15 le 11 juin vous avez investi un rôle officiel de porte-parole. Si cela ne

16 vous ennuie pas, j'aimerais, avec vous, examiner pendant quelques instants

17 la situation des communiqués jusqu'à ce moment-là. Est-il exact, Monsieur

18 Krasniqi, que nombre de ces communiqués venaient de la diaspora, et plus

19 particulièrement de Suisse, pendant l'année 1997 ?

20 R. Oui. Les communiqués étaient publiés parfois à partir de la Suisse,

21 parfois à partir aussi de l'Albanie, mais je n'ai pas de certitude là-

22 dessus.

23 Q. Est-ce qu'ils étaient publiés par ces personnes dont vous ne

24 connaissiez pas l'identité à l'époque ?

25 R. Les communiqués étaient publiés par des personnes dont je ne

26 connaissais pas l'identité à l'époque où ces communiqués ont été rédigés.

27 M. EMMERSON : [interprétation] J'ai encore deux questions sur ce sujet,

28 Monsieur le Président, si vous le permettez.

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1 Q. Est-ce que cette situation a duré jusqu'au mois de juin 1998 ?

2 M. KEARNEY : [interprétation] Monsieur le Président, objection. Je

3 demanderais au conseil de la Défense d'être plus précis lorsqu'il parle des

4 communiqués, car ses paroles précédentes étaient très générales, et

5 j'aimerais qu'il soit plus précis sur ce sujet.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je parlais de "tous les communiqués" et

7 c'est bien ce qu'a compris le témoin.

8 Q. Mais je répéterai ma question, Monsieur Krasniqi. Est-ce que jusqu'au

9 11 juin la situation est restée la même, à savoir que les communiqués

10 publiés au nom de l'état-major général de l'UCK étaient publiés à partir de

11 la diaspora par des personnes que vous ne connaissiez pas ?

12 R. Comme je l'ai déjà dit, je ne sais pas qui publiait ces communiqués

13 jusqu'à la période que vous avez évoquée car je ne connaissais pas ces

14 personnes. Mais je dois ajouter que la déclaration politique qui a paru en

15 avril 1998 a été rédigée par moi et par d'autres membres de l'état-major

16 général. J'ai donc été l'un des auteurs de cette déclaration.

17 Q. Je reviendrai sur la distinction entre déclaration politique et

18 communiqué après la pause, mais j'ai encore une dernière question à vous

19 poser avant la pause. S'ensuit-il, étant donné la réponse que vous venez de

20 faire, Monsieur Krasniqi, que s'agissant des communiqués qui rendaient

21 compte d'actions militaires, vous n'avez eu aucun contact avec les auteurs

22 de ces communiqués avant qu'ils ne soient rédigés ?

23 R. Non, je n'en ai pas eu.

24 Q. Est-ce que l'heure de la pause est venue ?

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Emmerson.

26 Monsieur Kearney, vous avez soulevé une objection. Apparemment Me Emmerson

27 y a répondu. Moi, je ne l'ai pas fait. Il serait préférable que je puisse y

28 répondre la prochaine fois. En tout cas, je statuerai sur votre objection

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1 en vous disant qu'elle est rejetée, car ce qui vient de se passer est

2 exactement l'équivalent de ce qui s'est passé hier lorsque vous avez dit au

3 sujet d'une question, qu'elle couvrait l'ensemble de 1998. Si je me

4 souviens bien, la Défense a répondu : Est-ce que vous pouvez être plus

5 précis ? J'ai expliqué à la Défense à ce moment-là que, selon les réponses,

6 il pouvait être possible, parfois, de demander des précisions

7 complémentaires.

8 C'est exactement la même chose qui vient de se passer, Me Emmerson a

9 posé une question qui portait sur tous les communiqués dont il avait parlé

10 jusqu'à ce moment-là. Vous-même avez demandé davantage de précisions pour

11 la question suivante. Par conséquent, comme je l'ai dit hier, j'indiquais à

12 la Défense que celle-ci doit être parfois plus précise dans le libellé de

13 ses questions en ne les invoquant pas de façon trop générale. Je pense que

14 la même chose s'appliquera à l'Accusation.

15 M. KEARNEY : [interprétation] Je vous remercie. J'ai bien compris, Monsieur

16 le Président.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyez-vous, Maître Emmerson, lorsque la

18 Chambre statue sur des questions comme celles-ci, elle doit également

19 s'expliquer.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous l'avez déjà fait. Vos excuses sont

22 entendues. Nous reprendrons à 16 heures 15.

23 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

24 --- L'audience est reprise à 16 heures 25.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, vous pouvez reprendre.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

27 Q. Monsieur Krasniqi, vous avez établi une distinction avant la suspension

28 de séance entre les déclarations politiques et les communiqués. Je voudrais

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1 vous faire une suggestion dans ce contexte. Il y avait dans l'ensemble

2 trois façons par lesquelles les personnes qui étaient liées à l'état-major

3 général communiquaient avec les médias et le public. Pour commencer, il y

4 avait des interviews directes auxquelles il était procédé avec vous, que

5 vous meniez après le 11 juin, mais pas avant cela; est-ce exact ?

6 R. Oui, c'est exact.

7 Q. Deuxièmement, il y avait une série de déclarations politiques publiée

8 au nom de l'état-major général de l'UCK, à la fois avant et après votre

9 nomination comme porte-parole le 11 juin; est-ce exact ?

10 R. C'est exact, mais il n'y avait que quelques-unes avant le 11.

11 Q. Mais vous avez mentionné, je crois, qu'il y en avait une en avril 1998;

12 est-ce exact ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Je crois que vous aviez été très personnellement impliqué, je crois,

15 dans la rédaction de ces déclarations politiques; est-ce exact ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Puis dans un troisième catégorie, c'était ce que l'on a décrit ici

18 comme étant des communiqués qui, je crois, étaient publiés non pas par

19 l'aile politique à laquelle vous participiez, mais par des membres de ce

20 qui a été décrit comme étant l'aile opérationnelle; est-ce exact ?

21 R. Oui. C'est en gros exact.

22 Q. Je crois que vous nous avez dit qu'en tous les cas, certainement

23 jusqu'au moment de votre nomination, vous n'aviez aucun contact avec les

24 personnes qui rédigeaient ces communiqués avant qu'ils ne les rédigent et

25 les publient. Alors, je voudrais vous poser la question suivante : Après

26 votre nomination le 11 juin, est-ce que c'est resté, cette situation ? Est-

27 ce que ces personnes ont continué d'envoyer des communiqués relatant des

28 activités militaires sans que vous participiez directement; en d'autres

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1 termes, sans aucun contact avec vous en ce qui concernait la teneur des

2 communiqués, et ce, après le 11 juin ?

3 R. Après le 11 juin, dans la majorité des cas, nous avions connaissance du

4 texte des communiqués.

5 Q. Lorsque vous dites "nous," je voudrais vous demander, si vous

6 permettez, plus précisément, s'il s'agit de vous. Est-ce que vous étiez au

7 courant --

8 R. Oui, je l'étais moi-même ainsi que d'autres membres de l'état-major qui

9 étaient responsables de l'information --

10 Q. Très bien --

11 R. -- pour la communication avec le public aussi.

12 Q. Très bien. Alors, le 11 juin devient la date à laquelle il faut faire

13 une distinction en ce qui vous concerne; c'est exact ?

14 R. C'est exact.

15 Q. Même après cette date, Monsieur Krasniqi, est-ce que vous avez été

16 personnellement l'auteur de l'un quelconque des communiqués ? Est-ce que

17 vous avez en fait écrit les mots qui sont apparus dans ces communiqués ?

18 Les avez-vous écrits vous-même ?

19 R. Oui. Ces communiqués, j'en étais l'auteur pendant la période où les

20 offensives étaient au plus fort et lorsqu'il y avait des difficultés pour

21 nous comme membres de l'état-major général de nous réunir. Il y a eu de

22 nombreuses occasions, et je ne me rappelle pas toutes ces occasions, mais

23 dans ces cas, les communiqués étaient rédigés sur la base des

24 renseignements que j'avais reçus depuis les gens qui étaient sur le

25 terrain.

26 Q. Ça, c'était la question que j'allais vous poser ensuite. J'allais y

27 venir. Vous nous avez donné quelques renseignements selon lesquels la

28 teneur des communiqués provenait de renseignements qui avaient été obtenus

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1 sur place. Dans votre déposition dans le procès Limaj, vous avez utilisé

2 l'expression "grass roots", de la base. Pour commencer, plus

3 particulièrement en ce qui concerne la zone de Dukagjini, pourrais-je

4 suggérer que vous-même, indépendamment de l'incident où vous avez décrit le

5 fait d'avoir rencontré M. Haradinaj - j'y reviendrai- vous n'aviez pas de

6 communication téléphonique avec lui, Vous n'en avez pas eu avant l'automne

7 1998, pendant que vous étiez au Kosovo. Est-ce que vous pourriez être

8 d'accord avec ce que je suggère là ?

9 R. Oui.

10 Q. Du point de vue de l'information qui vous a été fournie après le 11

11 juin et des renseignements qui étaient mis dans les communiqués, je pense

12 que vous avez dit à plusieurs reprises, à la fois dans votre déposition

13 devant cette Chambre et dans votre déposition dans le procès Limaj, qu'en

14 réalité l'objectif essentiel de ces communiqués qui ont été publiés après

15 le 11 juin, ainsi que de ceux qui avaient été publiés avant cette date,

16 l'objectif essentiel c'était de faire ce que vous avez décrit comme étant

17 de la propagande; est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Pour que nous soyons bien au clair, une partie de ces objectifs, une

20 partie de cette propagande avait pour objet de maintenir le moral de la

21 population civile; c'est exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Une partie visait également à encourager le recrutement dans les rangs

24 de l'UCK; c'est exact ?

25 R. Oui, c'est exact.

26 Q. De ce fait - je crois que vous avez déjà confirmé cela - la méthode

27 était d'empêcher les succès militaires et de minimiser les échecs

28 militaires; est-ce exact ?

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1 R. C'est exact. Je peux dire qu'il existait deux UCK; une sur le papier et

2 une autre sur le terrain. C'est pour ça que j'ai dit que c'est exact.

3 Q. A plusieurs reprises dans votre déposition dans le procès Limaj, vous

4 avez fait remarquer aux Juges de la Chambre que vous n'étiez pas satisfait

5 à l'idée que ces communiqués pourraient être pris comme éléments de preuve

6 des faits qui étaient relatés. Est-ce que c'est parce que vous êtes

7 préoccupé du fait qu'ils présentent une image ou tableau susceptible

8 d'induire en erreur ?

9 R. A l'époque et même aujourd'hui, je continue de penser qu'en l'absence

10 de faits, la Chambre prend en considération de la documentation de

11 propagande. A mon avis, cette documentation ne devrait pas être utilisée

12 pour rendre la justice.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krasniqi, dans quelle mesure

14 est-ce que la documentation qui est produite à des fins de propagande

15 devrait-elle être prise en considération dans les décisions que la Chambre

16 ou une juridiction quelconque pourrait avoir à prendre ? Je souhaiterais

17 que vous absteniez des commentaires sur ce que nous devrions utiliser ou

18 pas utiliser. Juste pour éviter qu'il y ait malentendu, la Chambre, même si

19 elle prend en considération des documents qui ont été produits pour des

20 motifs de propagande, le fait d'utiliser de tels documents ne signifie pas

21 que la Chambre adopterait ce qui a été présenté au public comme étant de la

22 propagande. Bien entendu, la Chambre, comme vous l'avez probablement déjà

23 remarqué aujourd'hui, s'efforcera de distinguer soigneusement entre ce qui

24 sont des faits, parce que même dans la propagande parfois les faits sont

25 relatés, et ce qui ne devrait pas être considérés comme des faits. Donc je

26 voudrais vous inviter à vous abstenir de nous donner des directives sur la

27 façon dont nous devrions utiliser cela de façon à pouvoir rendre la justice

28 parce que cette suggestion, c'est clair que nous n'allons pas utiliser un

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1 quelconque de ces communiqués. Suggérer que nous ne rendrions pas justice

2 de telle ou telle manière est un commentaire qui n'est pas approprié de la

3 part d'un témoin.

4 Veuillez poursuivre, Maître Emmerson.

5 M. EMMERSON : [interprétation]

6 Q. Monsieur Krasniqi, je voudrais simplement vous présenter une partie de

7 la déposition que vous avez faite dans le procès Limaj à cet égard, allant

8 de la page 3 421 ligne 11, où vous dites, répondant à une question du

9 conseil, vous lui dites: "Je suis d'accord que nous devions parler des

10 succès même quand il n'y avait pas de succès dont on peut parler."

11 Est-ce que c'est quelque chose qui s'est passé pour les communiqués

12 que vous avez émis ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que ce schéma s'est trouvé également traduit dans les interviews

15 que vous avez données, Monsieur Krasniqi, les interviews que vous avez

16 données aux médias ?

17 R. Oui.

18 Q. Je me demande si vous pourriez jeter un coup d'œil au document que je

19 vous ai remis ou que je vous avais remis au début de mon contre-

20 interrogatoire, c'est-à-dire une série de notes d'une interview qui a eu

21 lieu avec vous, qui a été diligentée par le bureau du Procureur en mai

22 2004. Alors pour commencer, juste pour être bien au clair de ce qu'est ce

23 document, je vais vous faire un certain nombre de propositions, Monsieur

24 Krasniqi, peut-être que vous voudrez bien me laisser aller jusqu'au bout et

25 alors, ou bien confirmer, ou bien contredire ce que je vous dis.

26 Je crois que vous avez été convoqué par le bureau du Procureur et que

27 vous avez été requis pour assister à une interview, une audition qui a eue

28 lieu le 4 mai 2004. Cette interview a été enregistrée au magnétophone, mais

Page 5038

1 on a découvert plus tard qu'en raison d'une faute technique, on n'arrivait

2 pas à écouter la bande, et à la suite de cela, ces notes ont été produites

3 à partir de notes prises au cours de l'enquête à la même époque. Elles ont

4 ensuite été traduites en albanais, on vous en a remis un exemplaire pour

5 que vous l'approuviez, et vous avez paraphé un exemplaire en albanais pour

6 indiquer que la teneur de ces notes était exacte.

7 Est-ce exact ?

8 R. C'est exact.

9 Q. Je vous remercie. Alors je voudrais qu'on regarde certains passages de

10 ces notes, s'il vous plaît. Pourriez-vous passer aux paragraphes 19 et 20.

11 Je voudrais simplement vous présenter ces paragraphes, Monsieur Krasniqi,

12 de façon à ce que vous puissiez vous orienter dans cette interview sans

13 prendre trop de temps pour la pièce à conviction. A ce moment-là, on vous

14 posait des questions concernant une interview que vous aviez donnée au

15 magazine Der Spiegel, le 6 juillet 1998, dans lequel vous aviez affirmé que

16 l'UCK était en possession d'armes lourdes et qu'elle était sur le point

17 d'entrer dans Pristina et d'en prendre le contrôle.

18 Alors maintenant, pour commencer, Monsieur Krasniqi, pouvez-vous

19 confirmer, s'il vous plaît, que ceci n'était pas en réalité la situation le

20 6 juillet 1998; l'UCK n'était pas en fait à même ou dans une position qui

21 lui permette sérieusement d'être sur le point de prendre le contrôle de

22 Pristina, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, elle ne l'était pas.

24 Q. Elle ne l'était pas. Vous êtes d'accord avec cette suggestion que je

25 vous ai faite ?

26 R. Je suis d'accord.

27 Q. Ensuite, on a noté que vous aviez dit ceci à propos de cette interview

28 dans les notes de l'interview avec le Procureur:

Page 5039

1 "Lorsqu'on vous a posé des questions concernant les déclarations

2 relatives à des armes lourdes ou techniquement avancées, M. Krasniqi a

3 indiqué qu'il avait fait ses déclarations mais que ses déclarations

4 faisaient partie de la campagne de propagande ou, selon ce qu'il a dit lui-

5 même, une 'guerre spéciale' ou une 'guerre psychologique'."

6 Le texte se poursuit au paragraphe 20 : "L'état-major général de

7 l'UCK a effectué cette campagne de propagande pour présenter l'UCK comme

8 étant plus organisée qu'elle n'aurait pu l'être et en cherchant ainsi à

9 gagner en crédibilité."

10 Arrêtons-nous là pour un instant. Est-ce que ceci traduit de façon

11 exacte votre approche lorsque vous avez donné cette interview pour cet

12 article de Der Spiegel ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que ceci reflète de façon exacte l'approche qui a été la vôtre

15 pour toutes les interviews données aux médias, Monsieur Krasniqi ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous pouvez mettre de côté ces notes pour le moment. J'y reviendrai

18 dans quelque temps.

19 Un peu plus tôt cet après-midi, M. Kearney avait conclu son contre-

20 interrogatoire en vous posant des questions concernant un passage dans une

21 longue interview qui a été publiée à Koha Ditore, les 11 et 12 juillet. Il

22 vous a présenté, je crois, la deuxième moitié de cet article qui portait

23 sur deux jours et qui était l'annexe 18 de votre déclaration de témoin. On

24 vous a posé certaines questions dans le procès Limaj en ce qui concernait

25 la première moitié de cette interview publiée le 11 juillet 1993 [comme

26 interprété], et qui est l'annexe 17 dans votre déclaration de témoin, et

27 commentait sur cette interview. A la page du compte rendu 3 377, vous avez

28 dit: "Par ces documents, nous tâchions de faire passer l'idée que même si

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1 parfois nous exagérions la réalité, l'objectif était de gagner davantage

2 d'appuis des habitants du Kosovo, de gagner l'appui de l'ensemble du public

3 albanais, ainsi que du public international. Comme je l'ai dit, il s'agit

4 de documents qui visent à présenter le niveau d'organisation de l'UCK comme

5 étant un organe de niveau plus élevé, ce qui n'était pas le cas en

6 réalité."

7 Alors, je vous pose la question, s'il vous plaît, de savoir

8 premièrement si vous pouvez confirmer que c'était bien l'approche que vous

9 avez prise à l'égard de l'ensemble de cette interview avec Koha Ditore qui

10 a été publiée sur ces deux journées des 11 et 12 juillet ?

11 R. Oui. C'était ma position et c'était la position de l'état-major général

12 à l'époque.

13 Q. Je vous remercie. Maintenant, ce que je souhaiterais que vous fassiez

14 maintenant, c'est que nous passions à autre chose. Je voudrais vous poser

15 des questions qui pourraient nous aider à faire une distinction entre, pour

16 commencer les faits et la propagande. Ensuite lorsque les faits sont reliés

17 à certains de ces documents, déterminer quelle est la fiabilité des

18 renseignements sur lesquels elle est fondée, dans la mesure où vous pouvez

19 dire ou non, vous verrez si vous pouvez nous aider à ce sujet.

20 Je voudrais vous demander, s'il vous plaît, de regarder deux brefs

21 exemples, l'annexe 2 dans la petite fiche bleue, c'est un article de

22 journal de Koha Ditore du 8 août 1997, il s'agit d'une déclaration qui a

23 été déposée au nom de l'UCK. Le passage que je vous demande de bien vouloir

24 regarder, vous avez le document sous les yeux. Est-ce que vous pourriez

25 regarder le document en albanais ? Cinq lignes après le texte principal,

26 vous voyez les lettres UCK ici entre crochets, n'est-ce pas ? Est-ce que

27 vous voyez ces lettres UCK entre des crochets ?

28 R. Oui.

Page 5041

1 Q. "'L'Armée de libération du Kosovo', [UCK] a dit que la responsabilité

2 des incidents armés récents au Kosovo au cours desquels deux policiers

3 serbes et deux civils albanais ont été blessés."

4 Je crois que vous pouvez confirmer qu'il s'agit bien d'un commentaire

5 de ce journal, plutôt qu'une citation d'un communiqué, cette phrase. Etes-

6 vous d'accord avec moi ?

7 R. Oui.

8 Q. Ensuite, il y a une citation du communiqué qui déclare:

9 "Par une décision prise par l'état-major général de l'UCK, les 3 et 4

10 août, nos unités de guérillas ont mené trois opérations armées contre les

11 occupants et leurs collaborateurs."

12 Faites une pause ici. Est-ce que je peux maintenant vous demander

13 ceci : avez-vous des connaissances à ce sujet ? Savez-vous quelque chose à

14 propos de ces deux policiers serbes qui ont été blessés, ou plutôt ceux qui

15 sont cités ici comme étant blessés ? Savez-vous qui c'étaient et où ils ont

16 été blessés ?

17 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde --

18 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

19 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Maître Emmerson, puis-je vous

20 demander s'il s'agit du mois d'août 1997 ?

21 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Bien.

23 M. EMMERSON : [interprétation]

24 Q. Monsieur Krasniqi, savez-vous qui étaient ces deux policiers

25 serbes et où ils ont été blessés ?

26 R. Non, je ne le sais pas.

27 Q. Ou les deux civils albanais qui ont été blessés, savez-vous qui étaient

28 ces personnes et dans quelles circonstances ils ont été blessés ?

Page 5042

1 R. Non. Je n'ai aucune connaissance à ce sujet. Comme je vous l'ai dit un

2 peu plus tôt, certains des renseignements qui nous parvenaient étaient des

3 renseignements qui nous venaient des médias.

4 Q. J'entends bien. Mais s'il vous plaît, je ne suis pas en train de vous

5 critiquer en quoi que ce soit. J'essaie de faire en sorte que les Juges de

6 la Chambre comprennent quelque chose ici pour ce qui est de la teneur de

7 ces communiqués, lorsque le communiqué cite trois opérations armées qui ont

8 été autorisées les 3 et 4 août, savez-vous de quoi il s'agit, quelles

9 étaient ces opérations armées ? Aujourd'hui, quelles étaient ces trois

10 opérations armées d'après vous, d'après ce que vous savez ?

11 R. A ce moment-là, je n'avais aucune connaissance de ces opérations. Je

12 sais peut-être quelque chose aujourd'hui, mais à cette époque-là, non.

13 Q. Est-ce que vous pourriez vous reporter, s'il vous plaît, à l'annexe

14 numéro 9. Il s'agit ici d'un moment, quelque chose qui se déroule après. Il

15 s'agit d'un rapport de Pristina Bujku, le 11 mars 1998, qui fait état d'un

16 autre communiqué et cite. Est-ce que vous avez ceci devant vous ?

17 R. [aucune interprétation]

18 Q. Veuillez m'accorder quelques instants, s'il vous plaît.

19 R. Oui.

20 Q. Pardonnez-moi. Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que vous pourriez

21 nous aider avec ceci, s'il vous plaît, Monsieur Krasniqi. Est-ce que vous

22 voyez ici le titre en albanais qui se lit comme suit ici ou qui fait

23 référence au fait que l'état-major de l'UCK publiait un communiqué sur les

24 engagements militaires ? Ceci se trouve en bas à droite, me semble-t-il,

25 dans l'article de presse.

26 R. Oui.

27 Q. Est-ce que vous pourriez regarder, s'il vous plaît, il y a une citation

28 ici, et si vous regardez le bas de la première colonne, est-ce que je peux

Page 5043

1 vous lire ceci, la traduction anglaise qui se trouve au troisième

2 paragraphe, troisième paragraphe entre guillemets dans la traduction

3 anglaise. Je pense que c'est le dernier paragraphe de la première colonne,

4 me semble-t-il. Pardonnez-moi. Non, ce n'est pas le cas. C'est le premier

5 gros paragraphe dans la deuxième colonne. Je souhaite que vous vous

6 reportiez à ce paragraphe-là, s'il vous plaît. Ce document se lit comme

7 suit :

8 "'Les formations militaires de l'UCK vont également engager les forces de

9 l'occupation dans la région de la Llap, dans la région entre Decane,

10 Gjakove, Kline, et entre Malisheve et Rahovec en traversant la région de

11 Lumihat. Il y avait également des engagements le long d'un axe qui allait

12 de Decane à Peje [Pec].'"

13 Est-ce que c'est bien ce que dit le texte ?

14 R. Oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, les guillemets sont

16 difficiles à retrouver dans le texte original, mais par exemple, au milieu

17 de la première colonne, il est clair que ceci commence par des guillemets.

18 Mais je ne sais pas exactement où ces derniers s'arrêtent, mais j'ai du mal

19 à retrouver les guillemets dans la partie du texte que vous venez de lire.

20 M. EMMERSON : [interprétation] En tout cas, je vous prie de m'excuser, s'il

21 vous plaît, parce que ma photocopie est de mauvaise qualité. En fait, il y

22 a des annotations ici en noir, ce qui rend le texte difficile à lire.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je l'ai agrandi sur mon écran.

24 M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Il me semble que les guillemets

25 commencent là où commence la citation, ensuite les guillemets ne sont pas

26 repris au niveau de chaque alinéa, comme ils le sont dans la traduction.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien. Je souhaite simplement

28 comparer ceci avec la traduction.

Page 5044

1 Il faut regarder de plus près, et en particulier, il faut, à l'endroit où

2 c'est marqué "les formations militaires de l'UCK étaient également

3 engagées…", c'est à cet endroit-là que j'ai du mal à lire les guillemets.

4 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis d'accord.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ceci a été consigné au compte

6 rendu.

7 M. EMMERSON : [interprétation]

8 Q. Ce que je souhaite maintenant établir, c'est ceci : pouvez-vous nous

9 donner dans le détail le caractère de ces engagements qui sont cités dans

10 ces articles, et en particulier une référence est faite aux formations

11 militaires de l'UCK qui engage les forces de l'occupation entre Decane,

12 Gjakove et Kline, et les engagements le long d'un axe qui va de Decane à

13 Peje. Mais savez-vous aujourd'hui, cela c'est la première partie de ma

14 question, savez-vous aujourd'hui exactement où et quand ces engagements ont

15 eu lieu, le nombre de forces que ceci représentait et le caractère même de

16 ces engagements ? Est-ce que c'est quelque chose dont vous pouvez nous

17 parler aujourd'hui dans le détail, ou pas ?

18 R. Non, je ne peux pas, parce qu'à ce moment-là, avant la date du 11 mars,

19 les 9, 10 et 11 mars, l'enterrement des personnes qui avaient été tuées à

20 Prekaze a été organisé. Donc, nous étions engagés surtout à Drenica. Je ne

21 sais rien à propos de ce qui s'est passé en dehors de la région de Drenica.

22 Q. Mais encore une fois, les différents éléments d'information remontaient

23 depuis le terrain. Est-ce que vous conviendrez avec moi pour dire qu'il y

24 avait danger à ce que les combattants locaux exagèrent ou les combattants

25 sur place exagèrent les succès de l'UCK et minimisaient leurs pertes

26 lorsqu'ils transmettaient des renseignements à l'état-major général, en

27 même temps il y avait le risque que l'état-major général déforme les

28 renseignements dans les communiqués qui étaient publiés ?

Page 5045

1 R. Oui. Dans certains cas, par exemple, lorsqu'une attaque était lancée

2 contre les forces ennemies à distance et le communiqué parlait d'un succès,

3 alors que ce n'était pas le cas. L'événement avait peut-être eu lieu, mais

4 nous l'avons un petit peu exagéré.

5 Q. Conviendriez-vous avec moi, Monsieur Krasniqi, et si vous ne saviez pas

6 qui avait transmis ces renseignements à l'état-major général, il y avait un

7 risque, à savoir que l'état-major général devait de ce fait recevoir des

8 éléments d'information inexacts ou déformés ?

9 R. C'est vrai qu'il a pu y avoir des distorsions, mais en plus des

10 communiqués, il y avait des médias auxquels on communiquait également

11 l'existence de ces événements.

12 Q. J'entends bien. Mais c'était une caractéristique des médias du Kosovo,

13 n'est-ce pas, que différents journaux déformaient les faits et certaines

14 questions, cela dépendait de la position, à savoir s'ils étaient pro-Serbe

15 ou pro-Albanais, n'est-ce pas ?

16 M. KEARNEY : [interprétation] Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Kearney.

18 M. KEARNEY : [interprétation] Pardonnez-moi, mais ceci appelle à la

19 conjecture, et je crois qu'il s'agit d'une question multiple ici.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement. Objection retenue. Je

21 vous demande de bien vouloir vous concentrer sur les faits eu égard

22 certaines des questions que vous avez présentées au témoin.

23 M. EMMERSON : [interprétation] Je vais formuler une question et voir s'il y

24 a une objection.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

26 M. EMMERSON : [interprétation]

27 Q. Avant de répondre, je vous demande de bien vouloir marquer une pause,

28 Monsieur Krasniqi. Avez-vous rencontré à certaines reprises lorsque vous

Page 5046

1 étiez au Kosovo en 1998, avez-vous rencontré un cas où, par exemple, un

2 incident serait cité dans des journaux pro-serbe et la façon dont cet

3 événement, cet incident était décrit était décrit de façon complètement

4 différente par rapport à la description du même incident qui serait faite

5 dans les journaux pro-albanais ?

6 M. KEARNEY : [interprétation] Monsieur le Président, encore une fois, je

7 crois que personne n'a d'expérience en la matière dans ce prétoire, mais

8 ceci n'a pas de pertinence à moins que le témoin ne parle d'un article dans

9 les médias, un article en particulier ou d'un incident en particulier.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, il n'y a aucune raison de

11 demander ceci ou de poser des questions détaillées au témoin si le témoin

12 n'a jamais vu ou rencontré ce genre de situation. Le Témoin, veuillez

13 répondre à la question, à savoir si au Kosovo, en 1998, vous étiez tenu au

14 courant d'un incident et que la description qui en a été faite dans un

15 journal pro-serbe était complètement différente de la manière dont on

16 parlait de ce même incident dans un journal pro-albanais ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je crois que je dois préciser qu'il

18 n'y avait pas de journaux pro-serbes au Kosovo à l'époque, et les journaux

19 albanais étaient en nombre limité. Mais néanmoins, il y avait les médias

20 serbes qui suivaient ce qui se passait au Kosovo, et il y avait des

21 discordances entre les médias serbes et les médias albanais très souvent.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez la parole, Maître Emmerson.

23 M. EMMERSON : [interprétation]

24 Q. Maintenant, je vais vous poser cette question-ci, si vous me le

25 permettez, je vais vous poser des questions au sujet de l'émergence de

26 l'organisation de l'UCK à l'époque qui va des incidents de Likoshan et

27 Prekaze, à savoir la première partie du mois de mars et la fin du mois

28 d'août. C'est la période qui m'intéresse. Je vous demande de bien vouloir

Page 5047

1 vous concentrer là-dessus, du début du mois de mars à la fin du mois

2 d'août. Dans votre déposition dans l'affaire Limaj, vous avez à plusieurs

3 reprise utilisé le terme de "horizontal" pour décrire la manière dont l'UCK

4 était organisée, ou en tout cas elle commençait à émerger sous cette forme.

5 C'est ce concept d'évolution horizontale qui m'intéresse et que je souhaite

6 aborder avec vous. Après ces attaques, celles qui ont lieu à la fin du mois

7 de février, au début du mois de mars, est-il exact de dire que dans de

8 nombreuses régions du Kosovo, mais en particulier à Drenica et Dukagjin,

9 les habitants du village commençaient à essayer de s'organiser eux-mêmes

10 pour constituer des unités de défense du village; est-ce exact ?

11 R. Oui, c'est ce qui s'est passé et c'est ce que j'ai dit dans l'affaire

12 Limaj. J'ai également évoqué quelque chose à ce sujet aujourd'hui, et c'est

13 quelque chose qui est arrivé.

14 Q. Au cours de cette période, au début on manquait d'armes et les

15 personnes utilisaient des fusils de chasse et tout type d'armes qu'ils

16 pouvaient se procurer. Est-ce que c'est ainsi qu'on peut comprendre la

17 situation de façon générale ?

18 R. Oui.

19 Q. Les personnes organisaient un roulement de façon à pouvoir monter la

20 garde; c'est exact ?

21 R. Oui.

22 Q. Et devaient construire des tranchées et des fortifications autour de

23 leurs villages ?

24 R. Oui, ceci est également arrivé.

25 Q. Ils nommaient leurs propres commandants de village, n'est-ce pas ?

26 R. Dans la plupart des cas, oui.

27 Q. Donc, que les choses soient bien claires, rien de ceci n'était

28 centralisé ? Ces villages qui s'organisaient eux-mêmes de façon spontanée,

Page 5048

1 conviendriez-vous avec moi pour dire que c'était la tendance générale ?

2 R. Oui.

3 Q. L'état-major général et les commandants locaux essayaient d'organiser

4 tout ceci de façon à ce qu'au fil des jours ou des mois ces derniers soient

5 intégrés à l'UCK; est-ce exact ?

6 R. Oui. C'est ce que nous nous sommes engagés à faire au cours de l'été de

7 l'année 1998.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je souhaite faire la clarté sur

9 une des réponses fournie par le témoin.

10 Monsieur Krasniqi, Me Emmerson vous a demandé ceci : "Ils élisaient les

11 commandants des villages eux-mêmes."

12 Ensuite, vous avez répondu :"Oui, dans la plupart des cas."

13 Pourriez-vous nous dire ce qui se passait dans les cas qui ne constituaient

14 pas la majorité des cas, ce qui ne faisait pas partie de votre réponse.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans les cas où l'UCK était mieux organisée

16 dans un village en particulier, dans une région en particulier, le

17 commandant n'était pas nommé par les habitants du village. Mais très

18 souvent, dans le courant de l'été 1998, c'est ce qui s'est passé, les

19 habitants des villages avaient organisé leur propre défense et avaient leur

20 propre commandant. C'est ce qui s'est surtout passé dans les villages où

21 l'organisation horizontale a été mise en œuvre et il n'y avait pas de

22 contact au niveau vertical.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais lorsque vous dites que là où

24 l'UCK était mieux organisée dans certains villages ou dans certains

25 régions, à ce moment-là les commandants n'étaient pas élus par les

26 habitants des villages, à ce moment-là, comment étaient-ils nommés ou

27 arrivaient-ils à ce poste ? Etaient-ils nommés par les échelons supérieurs

28 de l'UCK ?

Page 5049

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Par exemple, Drenica était mieux organisé et

2 en règle générale, la désignation de commandants dans ces villages se

3 faisait par le biais de la région, qui était ensuite approuvée par l'état-

4 major général.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie pour votre réponse.

6 Maître Emmerson, vous avez la parole.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Bien.

8 Q. Je vais vous poser maintenant des questions assez précises sur Dukagjin

9 et vous soumettre à un certain nombre d'idées. Si vous ne connaissez pas

10 les réponses, veuillez me le dire, s'il vous plaît. Tout d'abord, Monsieur

11 Krasniqi, dans la déclaration de témoin que vous avez faite dans le cadre

12 de cette affaire au paragraphe 7, il y a une phrase qui se lit comme suit :

13 "Les sous-zones, y compris Drenica et Dukagjin, existaient sur le papier

14 dès 1995."

15 Bien. Je souhaite comprendre qu'est-ce que vous entendez par là

16 "existaient sur le papier dès 1995" ?

17 R. Je voulais dire par là que ces dernières existaient sur le papier, mais

18 sur le terrain la situation était tout autre. J'ai également dit un peu

19 plus tôt qu'il y a eu toute une époque où il y avait deux UCK : sur papier,

20 lorsque nous prenions nos désirs pour des réalités, et l'UCK qui existait

21 en tant que telle sur le terrain. Il y avait un hiatus entre les deux.

22 Q. Monsieur Krasniqi, nous avons entendu des témoins dans le cadre de

23 cette affaire déposer à ce sujet. Nous avons vu un certain nombre de

24 documents qui évoquent l'émergence d'une organisation dans la région de

25 Dukagjin. Je souhaite vous soumettre un certain nombre d'idées à cet égard,

26 et l'idée que je vous suggère en premier lieu, c'est qu'à Dukagjin, la

27 défense du village de Dukagjin ou la façon dont c'était organisé, et que

28 vous décrivez comme étant caractéristique, ceci a tout d'abord été évoqué

Page 5050

1 lors d'une réunion le 26 mai 1998 lorsque quatre sous-zones, comme elles

2 étaient appelées alors, ont été créées dans les villages qui se trouvaient

3 le long de la route qui allait de Peje à Decane et la route de Gjakove; en

4 d'autres termes, les villages qui se trouvaient à l'est de la route

5 regroupant ainsi quatre sous-zones assez petites.

6 Tout d'abord, saviez-vous que cette réunion a eu lieu à la fin du

7 mois de mai où, pour la première fois, on a tenté de coordonner ce système

8 de défense des villages dans la région de Dukagjin ?

9 R. Je ne me souviens pas de ce moment-là au mois de mai, mais plus tard,

10 je me souviens que les habitants du village dans la région de Dukagjin

11 avaient leur réunion et élisaient leurs commandants.

12 Q. Oui, c'est effectivement là où je voulais en venir. Un mois plus tard,

13 le 23 juin, je vous suggère que la zone opérationnelle de la plaine de

14 Dukagjin a été mise en place lors d'une réunion à laquelle a assisté Rexhep

15 Selimi, et au cours de laquelle Ramush Haradinaj a été élu commandant de

16 zone. Est-ce que ceci concorde avec vos souvenirs ?

17 R. Oui.

18 Q. Puis-je vous suggérer ceci : même après cette date-là, il y avait des

19 régions qui se trouvaient, au sens large du terme, faire partie de la

20 plaine de Dukagjin, mais n'avaient pas été intégrées à une quelconque

21 structure; par exemple, Bislim Zyrapi a été détaché à la mi-juillet pour

22 essayer d'améliorer la coordination dans la région de Dukagjini.

23 R. Oui. Bislim Zyrapi était à l'époque dans la région de Dukagjin.

24 Q. Conviendrez-vous avec moi que l'on savait qu'il y avait des problèmes

25 de coordination dans cette région ?

26 R. Oui. Il y avait des problèmes à l'époque entre le commandant de zone

27 qui avait été nommé, Ramush Haradinaj, et le commandant qui avait été élu

28 plus tard par les habitants du village, qui était Tahir Zemaj.

Page 5051

1 Q. Il s'agit d'un incident ou d'une série d'incidents qui se sont produits

2 au mois juillet. De façon générale, y avait-il des problèmes de

3 communication avec la zone qui se trouvait à l'ouest de la route principale

4 proche de la frontière ?

5 R. Oui, il y en avait.

6 Q. Je vous demanderais maintenant, je vous prie, de bien vouloir vous

7 pencher encore une fois sur les notes des enquêteurs, et notamment de

8 relire les paragraphes 82 à 84. Je vous demanderais d'en prendre

9 connaissance à voix basse, pour vous-même. C'est fait ?

10 Je commencerai par vous poser la question suivante : est-il exact que la

11 première fois que vous avez rencontré M. Haradinaj se situe à la fin du

12 mois de juin, début du mois de juillet; que c'est bien à ce moment-là que

13 vous l'avez rencontré pour la première fois ?

14 R. Oui.

15 Q. Ce jour-là a-t-il été la première occasion pendant laquelle vous vous

16 êtes rendu compte qu'il avait un rôle de commandement dans le secteur de

17 Dukagjini ?

18 R. Non. Je le savais déjà avant, avant de m'y rendre.

19 Q. Je vois. Est-ce que cela coïncidait éventuellement avec sa nomination

20 le 23 juin, à peu près ?

21 R. Oui.

22 Q. Je vous demanderais maintenant de vous pencher rapidement sur le

23 paragraphe 81 des notes des enquêteurs.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, qu'est-ce qui devait

25 coïncider exactement avec la nomination ?

26 M. EMMERSON : [interprétation] Le fait que le témoin présent ici savaient

27 que M. Haradinaj exerçait un rôle de commandement.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vais vérifier quelque chose.

Page 5052

1 Donnez-moi une seconde.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Je crois que cela commence à la ligne 19,

3 Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi. Pendant la vérification

5 effectuée par M. le Président de la Chambre, je demande si nous avons une

6 traduction en anglais dans le système électronique de ce document.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Traduction anglaise.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi, de l'entretien avec les

10 enquêteurs ?

11 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Oui.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Une copie électronique, et je pense aussi

13 une copie papier --

14 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Je n'ai pas --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document n'a pas reçu de cote,

16 puisque vous n'avez pas l'intention de le verser au dossier.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Non, en effet.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En général, nous consultons les

19 documents qui ont été versés au dossier et enregistrés aux fins

20 d'identification.

21 M. EMMERSON : [interprétation] En effet.

22 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque la question vient d'être posée -

24 - nous ne sommes pas en possession d'un exemplaire à papier, nous pourrions

25 essayer de consulter ce document par les moyens électroniques, mais je ne

26 sais pas si nous pouvons consulter les listes des documents chargés dans le

27 système électronique qui ne sont pas --

28 M. EMMERSON : [interprétation] J'ai fait remettre aux Juges de la Chambre

Page 5053

1 un exemplaire papier.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De la version anglaise.

3 M. EMMERSON : [interprétation] La version anglaise, bien sûr.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. le Juge Hoepfel demande le texte

5 original.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Le texte original est en anglais.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'original est en anglais ?

8 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la traduction que le témoin a sous

10 les yeux est, d'après ce que j'ai compris, une traduction dans sa langue à

11 lui.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Exactement.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'il --

14 M. EMMERSON : [interprétation] Il --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'il a signé à un moment ou un autre.

16 M. EMMERSON : [interprétation] Il a signé la traduction albanaise, et

17 aucune des signatures ne figurent sur le document qu'il a devant lui, mais

18 il en a déjà parlé dans sa déposition.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que M. le Juge Hoepfel essaie

20 de faire afficher ce document.

21 M. EMMERSON : [interprétation] Je veillerai à ce qu'un exemplaire soit

22 disponible à la prochaine pause, de façon à ce que l'on puisse suivre le

23 compte rendu. Ce sera possible très bientôt.

24 M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Merci.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Revenons donc --

26 M. EMMERSON : [interprétation] Paragraphe 81 --

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non --

28 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi.

Page 5054

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A l'endroit où --

2 Bien. Depuis quand, Monsieur Krasniqi, avez-vous appris que M.

3 Haradinaj exerçait un rôle de commandement dans la région de Dukagjini ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela doit dater du mois de juillet.

5 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète de la cabine albanaise : cela

6 doit dater du moins de juin.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas exactement de la date,

8 mais cela doit se situer à la fin du mois de juin.

9 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me faut un peu de concentration. Une

11 seconde, je vous prie.

12 Alors, vous avez dit -- ou plutôt, lorsque Me Emmerson vous a demandé si

13 c'était bien à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet que

14 vous avez rencontré M. Haradinaj pour la première fois, et qu'ensuite on

15 vous a demandé : "Est-ce que c'est à ce moment-là que pour la première

16 fois, vous vous êtes rendu compte qu'il exerçait un rôle de commandant dans

17 la région de Dukagjini ?"

18 Vous avez répondu : "Non. Je le savais déjà avant, avant de m'y

19 rendre."

20 Combien de temps avant l'avez-vous appris ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est difficile aujourd'hui de vous

22 préciser exactement ce moment, mais lorsque je me suis rendu dans la région

23 de Dukagjin, à Jabllanice, je pensais que j'allais rencontrer Ramush

24 Haradinaj, qui commandait la zone.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce que vous venez de dire ne

26 répond pas exactement à ma question.

27 Ou est-ce que vous êtes en train de dire que c'est pendant votre voyage

28 jusqu'à cet endroit que vous avez pris conscience de son rôle de

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1 commandement ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je savais déjà qu'il était combattant, membre

3 de l'UCK. Mais après que je sois devenu porte-parole de l'UCK, je me suis

4 rendu dans la région de Dukagjin, et à ce moment-là je savais que le

5 commandant de zone était Ramush Haradinaj, parce qu'il avait déjà été nommé

6 à ce poste par l'état-major général. Donc, je savais qu'il commandait la

7 zone.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous venez de dire que vous saviez déjà

9 qu'il "était combattant, membre de l'UCK ?" Etait-il comparable à tout

10 autre combattant de l'UCK ou à tout autre membre de l'UCK ou d'après ce que

11 vous saviez déjà par le passé, aviez-vous l'impression qu'il était un

12 combattant ou un membre de l'UCK d'une certaine importance, ou d'après ce

13 que vous aviez appris, le considériez-vous comme un membre ordinaire de

14 l'UCK, comme un combattant ordinaire ? Vous comprenez ma question ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le 24 mars, une bataille a eu lieu dans

16 le village de Gllogjan entres les membres de l'UCK et la police serbe. Le

17 nom que j'ai entendu, je l'ai entendu après les événements du 24 mars. Mais

18 j'ai pris contact avec lui au mois de juin, car après ces événements, il a

19 été nommé au poste de commandant. Est-ce que cela s'est passé le 23 ou le

20 24 juin, je ne saurais vous le dire, mais je sais que cela a eu lieu à la

21 fin du mois de juin 1998.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends bien cela. Mais vous

23 avez dit : "Le nom, je l'ai entendu après les événements du 24 mars."

24 Alors, ce nom, était-il simplement celui d'un combattant ou d'un membre de

25 l'UCK ou est-ce que vous avez entendu prononcer ce nom en rapport avec un

26 membre important de l'UCK, voire un dirigeant ? Je veux dire, ce que

27 j'essaie de vérifier auprès de vous, c'est si avant la nomination de M.

28 Haradinaj, et avant que vous ne lui rendiez visite, au moment où vous avez

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1 entendu prononcer son nom pour la première fois, est-ce que ce nom était

2 prononcé en rapport avec un poste important qu'il aurait pu occuper en tant

3 que combattant ou en tant qu'adhérant de l'UCK ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Au début des combats, notamment au début du

5 mois de juin, eu égard à la zone de Dukagjini, le numéro un de l'état-major

6 présent sur les lieux était Lahi Brahimaj. Donc, c'est par Lahi Brahimaj

7 que j'ai entendu le nom de Ramush Haradinaj. Mais mon premier contact avec

8 lui se situe au mois de juin ou au début juillet, comme je l'ai déjà

9 souligné.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Emmerson.

11 M. EMMERSON : [interprétation]

12 Q. Est-ce que vous pourriez vous pencher sur le paragraphe 81 des

13 notes prises par les enquêteurs durant leur entretien avec vous. Première

14 phrase de ce paragraphe, je vais vous la lire en anglais pour le compte

15 rendu d'audience :

16 "Interrogé quant au fait de savoir si le commandant d'une zone

17 opérationnelle savait ce qui se passait dans sa zone de responsabilité, M.

18 Krasniqi a déclaré qu'ils s'efforçaient de le savoir, mais que parfois cela

19 s'avérait difficile."

20 Est-ce que cette déclaration que vous avez faite durant votre entretien

21 avec les enquêteurs correspondait à la vérité ?

22 R. Oui.

23 Q. Je vous remercie. Passons maintenant au paragraphe 75, je vous prie.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. EMMERSON : [interprétation]

26 Q. Paragraphe 75 de la version anglaise, je cite : "M. Krasniqi a déclaré

27 qu'aux environs du 11 juin 1998, l'UCK fonctionnait principalement avec des

28 unités qui avaient des communications limitées les unes avec les autres,

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1 ceci étant une mesure de sécurité selon laquelle les unités agissaient

2 comme des cellules indépendantes."

3 D'abord, je vous demande si ceci est une déclaration véridique également,

4 Monsieur Krasniqi, s'agissant de décrire la situation telle que vous la

5 compreniez lorsque vous avez pris vos fonctions de porte-parole ?

6 R. Oui, c'est ainsi que les choses se passaient.

7 Q. Bien. Merci. J'aimerais maintenant que nous essayions de tirer au clair

8 une autre question qui pourrait éventuellement être une source de confusion

9 dans certains de ces communiqués. Nous voyons dans certains des communiqués

10 précoces, des références aux zones opérationnelles 1 et 5, et pour le

11 compte rendu d'audience, j'indique qu'on trouve la même référence à

12 l'annexe 5. Pendant votre déposition dans l'affaire Limaj, vous avez défini

13 ces deux zones comme étant les zones de Llap et de Drenica, respectivement;

14 c'est bien cela ?

15 R. Drenica était la zone numéro 1, et Llap était la zone numéro 5.

16 Q. A partir de décembre 1997, à savoir dans le moment où ces zones

17 existaient essentiellement sur le papier, n'est-ce pas ?

18 R. Non. Je crois que je me suis déjà expliqué sur ce point. Jusqu'au mois

19 de novembre 1998, Drenica, Llap, Dukagjin étaient appelées, étaient

20 désignées sous le nom de sous-zones. Le Kosovo était considéré comme une

21 zone et il y avait d'autres zones qui étaient hors du Kosovo. A la fin de

22 1998, l'état-major général a changé de politique et sa principale zone

23 opérationnelle était la zone du Kosovo, divisée en sept zones

24 opérationnelles. A partir de ce moment-là, les anciennes sous-zones sont

25 désignées sous le nom de zones.

26 Q. Je vous demanderais de vous pencher sur l'annexe 5 quelques instants,

27 je vous prie. Vous y trouverez un passage que j'aimerais que vous

28 examiniez. Dans la fenêtre que l'on voit dans la partie droite de l'article

Page 5058

1 reproduit à l'annexe 5, dans cette fenêtre verticale que l'on trouve du

2 côté droit de la page, au deuxième paragraphe, nous voyons que le passage

3 commence par les mots : "Le soir …"

4 Il est fait références dans les lignes qui suivent aux zones

5 opérationnelles 5 et 1. Selon votre déposition dans l'affaire Limaj, ces

6 zones étaient bien celles de Llap et de Drenica, n'est-ce pas ?

7 R. Non. Dans cette période, il y a peut-être eu une confusion entre sous-

8 zones et zones, mais à cette époque-là l'intégralité du territoire du

9 Kosovo était considérée comme une zone. Je parle du moment où ce communiqué

10 a été publié.

11 Q. Donc, je ne voudrais pas que nous passions trop de temps sur ce sujet,

12 Monsieur Krasniqi, mais vous avez déposé sur ce sujet dans l'affaire Limaj,

13 page 3 323 du compte rendu d'audience de l'affaire Limaj, au sujet de ce

14 même communiqué, et vous avez dit que la référence qu'on trouve dans ce

15 passage concerne la zone opérationnelle numéro 5, qui correspond à Llap, et

16 la zone opérationnelle numéro 1, qui correspond à Drenica. Je pense que si

17 vous vous penchez sur le contexte, ceci doit être exact, n'est-ce pas ?

18 R. Comme je l'ai déjà dit.

19 Q. Oui. Est-ce qu'il ne semblerait pas par conséquent que l'auteur de ce

20 communiqué fasse une légère confusion entre sous-zones --

21 M. KEARNEY : [interprétation] Excusez-moi, Maître Emmerson, d'interrompre.

22 Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la dernière réponse du témoin qui a

23 dit : "Comme je l'ai déjà dit," je ne suis pas sûr de savoir ce que cela

24 signifie. Pourriez-vous lui demander de s'expliquer ?

25 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

26 Q. Monsieur Krasniqi, d'après ce que je crois comprendre, votre déposition

27 concerne l'organisation des zones, mais lorsqu'on vous a soumis ce même

28 passage de ce communiqué dans l'affaire Limaj et qu'on vous a posé des

Page 5059

1 questions sur ce passage, vous avez convenu qu'on y trouvait une référence

2 à Llap et à Drenica. Maintenant, pour que tout soit clair, est-ce que dans

3 le contexte qui est décrit dans ce communiqué, il apparaît qu'il y a bien

4 là une référence à Llap et Drenica ?

5 R. Bien, à cette époque-là, non, mais si vous examinez les choses à partir

6 de la perspective ultérieure, oui.

7 Q. Bien. Tout ce que j'essaie de vérifier c'est qu'il semblerait que

8 l'auteur de ce communiqué, lorsqu'il fait référence à ces régions, parle de

9 zones opérationnelles et non de sous-zones, n'est-ce pas ?

10 R. C'est peut-être le cas.

11 Q. J'aimerais maintenant que nous passions à un autre sujet --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous regardez l'horloge, Maître

13 Emmerson --

14 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- je proposerais que nous fassions la

16 pause maintenant.

17 M. EMMERSON : [interprétation] Très bien. Je pense que je n'en ai plus que

18 pour 15 minutes à peu près.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais néanmoins cela nous mènerait

20 trop loin si nous devions le faire avant la pause.

21 M. EMMERSON : [interprétation] Je voulais simplement vous donner une

22 indication, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, je suppose qu'il vous faudra

24 encore une quinzaine de minutes pour terminer votre contre-interrogatoire ?

25 M. EMMERSON : [interprétation] Quinze minutes à peu près.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'autre conseil de la Défense

27 pourrait me dire de combien de temps il aura besoin ?

28 M. GUY-SMITH : [interprétation] Me Harvey contre-interrogera après Me

Page 5060

1 Emmerson.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey.

3 M. HARVEY : [interprétation] Il me faudra environ 20 minutes, Monsieur le

4 Président.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith, vous êtes donc le

6 dernier à intervenir.

7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense qu'il me faudra le reste du temps,

8 le temps que vous laisserez.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, c'est clair. Nous allons faire la

10 pause maintenant, Monsieur Krasniqi. Nous reprenons à 17 heures 55.

11 --- L'audience est suspendue à 17 heures 35.

12 --- L'audience est reprise à 18 heures 03.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, vous pouvez reprendre.

14 M. EMMERSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 Q. Monsieur Krasniqi, pourriez-vous, s'il vous plaît, revoir ces notes

16 d'interview et vous familiariser avec ce qui figure aux paragraphes 22 et

17 23 de votre audition. Je voudrais vous poser certaines questions maintenant

18 sur la question des collaborateurs. Pour commencer, une fois que vous aurez

19 retrouvé les paragraphes en question, je vous lirai tout simplement, pour

20 que ça figure au compte rendu, la traduction anglaise. Ceci encore, il

21 s'agit du commentaire que vous avez fait sur l'article correspondant à

22 l'interview dans Der Spiegel du 6 juillet. Le paragraphe 22 se lit comme

23 ceci, je cite :

24 "On a demandé à M. Krasniqi d'expliquer les références qu'il avait

25 faites aux collaborateurs dans cet article, et à quoi il a répondu qu'il

26 avait fait ces commentaires mais qu'ils faisaient partie de ce qu'il a

27 appelé 'la guerre psychologique' qui visait à empêcher les civils de servir

28 dans le régime serbe."

Page 5061

1 Au paragraphe 22 [comme interprété], citation : "M. Krasniqi, qui a

2 été d'accord que ce terme de 'collaborateur' et ces types de références

3 parlant de rétorsion contre eux semblait un thème récurrent dans la plupart

4 des communiqués qui étaient publiés. Toutefois, il a dit qu'ils devraient

5 être interprétés dans le contexte dans lequel ils avaient été publiés comme

6 faisant partie de la 'campagne de propagande' qui a été choisie."

7 Je fais ici un arrêt, s'il vous plaît, de façon à ce que

8 l'interprétation puisse nous rattraper. Monsieur Krasniqi, est-ce que ceci

9 est une relation exacte de ce que vous avez dit au bureau du Procureur

10 quant aux références que vous avez faites dans vos interviews ?

11 R. Oui.

12 Q. Lorsque vous avez fait votre déposition dans le procès Limaj, Monsieur

13 Krasniqi, vous avez dédit que vous compreniez le terme ou la notion de

14 collaborateur comme étant une personne qui a été recrutée pour travailler

15 de façon active pour les services de sécurité serbes ou un peu plus tard

16 recruter dans les rangs des forces serbes, forces militaires et forces de

17 la police. Est-ce que c'était comme ça que vous conceviez le terme

18 "collaborateur," Monsieur Krasniqi, lorsque vous l'utilisiez ?

19 R. Oui, bien que ce terme soit un mot étranger qui a pour origine la

20 Norvège ou la France, et utilisé par la suite lors de la Deuxième Guerre

21 mondiale. Il s'agissait de personnes qui, dans le cas du Kosovo, servaient

22 l'appareil du régime de Milosevic.

23 Q. Juste pour être bien au clair, lorsque vous utilisez l'expression

24 "collaborateur", est-ce que vous voulez parler de quelqu'un qui a été

25 recruté dans les services de Sécurité serbe, ou dans la police, ou les

26 militaires ?

27 R. Oui.

28 Q. Pourriez-vous passer, s'il vous plaît, à l'annexe numéro 7 du dossier

Page 5062

1 bleu --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, je voudrais m'assurer

3 que je comprends complètement la dernière réponse du témoin. Si vous dites

4 : "quelqu'un qui a été recruté dans les services de Sécurité serbe, ou la

5 police, ou les militaires," d'après ce que vous comprenez, est-ce que ceci

6 exclut quelqu'un qui n'a pas été recruté, mais qui rendait service aux

7 services de Sécurité serbe, que ce soit la police serbe ou les militaires

8 serbes, pour les aider à remplir leurs tâches, sans avoir été recrutés ?

9 Est-ce que vous les appelleriez encore ou non des collaborateurs ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, ce ne serait pas des

12 collaborateurs ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il ne s'agit que de ceux qui faisaient

14 partie de l'appareil répressif de la police et des militaires serbes.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer de vous donner un

16 exemple. Si, par exemple, quelqu'un fournit des renseignements, tout en

17 n'étant pas recruté par eux, aux forces militaires serbes concernant les

18 positions de l'UCK, est-ce que vous considéreriez une telle personne comme

19 étant un collaborateur ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces personnes-là qui n'ont pas été recrutées,

21 il n'y avait aucune façon dont on pouvait savoir que c'étaient des

22 collaborateurs. Nous parlions de ceux qui étaient recrutés, qui servaient

23 dans cet appareil et ceux pour lesquels nous avions des renseignements.

24 Peut-être qu'il y en avait d'autres sur lesquels nous n'avions pas de

25 renseignements, mais qui se trouvaient au service de cet appareil.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si je vous disais que cette Chambre

27 a entendu des dépositions dans lesquelles il est dit qu'il y avait des

28 soupçons concernant certaines personnes, on soupçonnait qu'elles

Page 5063

1 fournissaient des renseignements aux Serbes, de sorte que de tels soupçons

2 pouvaient exister lorsqu'il n'y avait pas d'éléments de preuve, tout au

3 moins il n'était pas dit que ces personnes avaient été recrutées, mais

4 simplement avaient donné de l'aide, est-ce que vous continueriez de dire

5 que vous ne pouviez pas savoir que ces personnes existaient parce qu'elles

6 n'avaient pas été recrutées ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Emmerson.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Pourrais-je juste clarifier les choses. Mes

10 questions visaient l'utilisation que ce témoin fait de ce terme et, par

11 conséquent, le sens que nous devrions attacher à ce terme lorsqu'il

12 l'emploie. Pourrais-je juste faire en sorte que ces éclaircissements soient

13 bien clairs ?

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est clair. Et en même temps --

15 M. EMMERSON : [interprétation] Oui --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- l'une des dernières réponses faites

17 par le témoin concernait la logique --

18 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je comprends.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que l'on pouvait savoir ou ne pas

20 savoir.

21 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, je comprends. Je ne contestais pas la

22 question du tout.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

24 M. EMMERSON : [interprétation]

25 Q. Pourrions-nous regarder le document à l'intercalaire 7, s'il vous

26 plaît, comme étant un exemple de l'utilisation du terme "collaborateur"

27 bien que je pense que ce ne soit pas vous qui l'avez utilisé là. C'est un

28 communiqué -- un rapport, excusez-moi, fait à Pristina Bujku le 28 février

Page 5064

1 1998. Monsieur Krasniqi, vous allez trouver le passage pertinent sur lequel

2 il est nécessaire que je vous pose une question juste à mi-page de la

3 première page du texte albanais. Ça commence : "Le 23 janvier 1998…"

4 M. EMMERSON : [interprétation] Nous l'avons en gros, Monsieur le Président,

5 en face du trou qui était dans le papier, juste au-dessus.

6 Q. Il y a un passage là qui se lit, et je vais le citer pour le compte

7 rendu : "Le 23 janvier 1998, nos unités ont lancé une attaque sur le

8 criminel Desimir Vasic, proche collaborateur d'Arkan."

9 Alors, je m'arrête maintenant un instant. Arkan, je crois, était le nom que

10 nous connaissons tous et qui était le chef d'une organisation paramilitaire

11 serbe appelée les Tigres; c'est bien cela ?

12 R. Oui.

13 Q. C'étaient des forces irrégulières qui étaient responsables pour une

14 partie des pires violences en Croatie et en Bosnie, ainsi qu'au Kosovo;

15 c'est bien ce que vous entendez ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce qu'ils avaient utilisé les services ou incorporé des personnes

18 serbes ou d'une autre origine ethnique au Kosovo, est-ce qu'ils avaient,

19 par exemple, absorbé des Serbes du Kosovo dans le rang de ces groupes

20 paramilitaires, d'après ce que vous comprenez de la situation ?

21 R. Il y en avait très probablement qui avaient été inclus dans ces forces,

22 mais je ne sais rien pour d'autres, excepté ce nom qu'il y a ici. Je ne

23 connaissais personnellement et directement personne du point de vue

24 concret.

25 Q. Mais est-ce que vous savez quoi que ce soit concernant Desimir Vasic ?

26 Savez-vous qui c'était ?

27 R. Non.

28 Q. En gros, si un Serbe du Kosovo était recruté dans l'un des groupes

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1 paramilitaires, est-ce que vous décririez cette situation comme étant celle

2 d'un individu qui a été recruté dans les forces militaires serbes et comme

3 un collaborateur ? C'est bien ça que vous diriez, n'est-ce pas ?

4 R. Non. Celui-là n'aurait pas pu être un collaborateur. Ce serait un

5 membre. Ce serait un Serbe. Nous utilisions le terme "collaborateur" pour

6 désigner des Albanais qui rendaient des services au régime répressif serbe.

7 Q. Bien. Alors, l'utilisation du terme "collaborateur" semble avoir été

8 utilisé ici --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître --

10 M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, si vous voulez me

12 permettre de faire une observation concernant le terme "collaborateur." Si

13 on regarde les différentes langues dans lesquelles il est utilisé, dans la

14 mesure où je connais les langues en question, ça pourrait être - vous me

15 corrigerez si vous avez un point de vue différent - "collaborer", en

16 français, peut être travailler ensemble, qui est le sens littéral de ce

17 mot. Mais c'est aussi un terme péjoratif, c'est-à-dire qui travaille avec

18 l'ennemi. Je ne suis pas tout à fait sûr dans quelle mesure la traduction -

19 - le mot utilisé ici de "collaborateur" traduit bien l'origine plus neutre

20 de ce mot ou un original péjoratif. Peut-être que --

21 M. EMMERSON : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait demander au témoin

22 en ce qui concerne l'albanais, si ce terme utilisé est le même et serait

23 utilisé pour quelqu'un qui aurait --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et plus particulièrement le même

25 qui a été utilisé dans d'autres documents.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

27 Q. Pourriez-vous regarder la phrase en albanais, Monsieur Krasniqi,

28 pouvez-vous retrouver le mot qui décrit là la relation entre Desimir Vasic

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1 et Arkan. Comment est décrite cette relation dans le texte albanais, s'il

2 vous plaît ? Pourriez-vous le lire pour nous, et nous le ferons traduire.

3 Peut-être qu'on pourrait commencer avec la ligne qui commence par : "Le 23

4 janvier…" jusqu'à "Arkan", et les interprètes feront particulièrement

5 attention aux termes qui vous intéressent. Voudriez-vous le lire pour nous

6 ?

7 R. "Le 23 janvier 1998, nos unités ont lancé une attaque contre le criminel

8 Desimir Vasic, un proche collaborateur d'Arkan." Ici, il n'est pas utilisé

9 dans le sens d'un collaborateur, mais plutôt dans le sens d'un associé, un

10 membre des forces d'Arkan. Ici, cela n'a pas le sens du mot

11 "collaborateur". D'habitude, nous utilisons ce terme lorsqu'une personne

12 aide l'ennemi qui est d'une autre nationalité ou d'une autre religion.

13 Comme je l'ai dit, ce terme, à l'origine, nous vient de Norvège et de

14 France, et après la Deuxième Guerre mondiale, il a été utilisé par la suite

15 dans d'autres parties de l'Europe.

16 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous, s'il vous plaît, passer dans ce

17 contexte aux notes d'audition de l'interview donnée au paragraphe 69, de

18 façon à ce que nous ayons une idée de la façon dont vous compreniez ce

19 terme, Monsieur Krasniqi. Je vais lire pour le compte rendu la traduction

20 anglaise du paragraphe 69. Peut-être que vous pouvez suivre dans le texte

21 albanais. Je cite :

22 "M. Krasniqi a déclaré que l'état-major général avait fréquemment souligné

23 que l'UCK devait obéir et respecter les normes internationales, et ne pas

24 prendre des civils pour cibles. Il a également souligner, en plus, qu'à sa

25 connaissance, aucun collaborateur n'a été arrêté et exécuté. Il se peut que

26 certains aient été tués, mais ceci se serait passé pendant les combats à la

27 ligne et au front, et jamais après avoir été détenus."

28 Est-ce que ceci rend compte de façon exacte de ce que vous avez dit à

Page 5067

1 l'Accusation, Monsieur Krasniqi ?

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que cela rend compte de façon exacte de la façon dont vous

4 comprenez la situation ?

5 R. Oui.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, juste pour votre

7 information, le terme qui est employé dans l'original à l'annexe 7, et dans

8 ce paragraphe 69, semble être le même.

9 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans la mesure où je peux le déchiffrer.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

12 Q. Deux sujets pour finir, si vous permettez. Je voudrais simplement vous

13 poser des questions concernant un aspect de votre déposition dans le procès

14 Limaj en ce qui concerne en général les civils en tant qu'objectifs

15 militaires. Ici, nous avons le compte rendu dans l'affaire Limaj, à la page

16 3 387, ligne 4 [comme interprété], concernant la position des civils

17 serbes. Vous dites ceci : "Parce qu'en tant qu'UCK, comme personnes armées,

18 nous aurions pu organiser des attaques contre la population serbe et des

19 villages dans de nombreuses parties du Kosovo, mais pendant tout ce temps

20 qu'a duré la guerre, ceci n'a jamais eu lieu, il n'y a pas eu même un seul

21 cas, un seul exemple."

22 Alors, pour commencer, Monsieur Krasniqi, c'est bien cette déposition

23 que vous avez faite sous serment dans le procès Limaj ? Est-ce que c'est

24 bien exact ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que des villages de civils serbes -- des poches de concentration

27 de civils serbes dans différentes parties du Kosovo au cours de 1998; y en

28 avait-il ?

Page 5068

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce qu'ils ont été attaqués, ces enclaves civiles, par des forces de

3 l'UCK ?

4 R. Il n'y a pas eu un seul cas pendant la guerre.

5 Q. Je vous remercie. Enfin --

6 M. EMMERSON : [interprétation] Et pour ceci je crois qu'il faut aller en

7 audience à huis clos partiel, je le crains.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Audience à huis clos partiel.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis

10 clos partiel.

11 [Audience à huis clos partiel]

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12 [Audience publique]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

14 Je souhaite attirer l'attention de quelques - au paragraphe 23 - des notes.

15 Il semble qu'on y retrouve le même terme, à savoir si ce terme a

16 différentes acceptions, je ne sais pas. Mais ce terme est utilisé à trois

17 endroits différents, et ce terme a été traduit par "collaborateurs."

18 Monsieur Harvey.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Avant que M. Harvey prenne la parole.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. EMMERSON : [interprétation] J'ai donné un numéro à huis clos partiel

22 concernant un certain individu, mais je crois que me suis trompé de numéro.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon.

24 M. EMMERSON : [interprétation] Je crois que je peux donner ce numéro en

25 audience publique.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'engagement que vous avez pris,

27 Monsieur Kearney, eu égard le témoin qui a un certain numéro, est-ce que

28 ceci vaut également pour le témoin dont le numéro vient de nous être donné

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1 par Me Emmerson --

2 M. EMMERSON : [interprétation] Je crois --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je crois que je vais aborder ceci à

4 la fin. De toute façon, ce sera préférable, Maître Emmerson, et je dois

5 rendre deux décisions. Nous allons ensuite demander au témoin de quitter le

6 prétoire de façon à ce que nous puissions protéger la confidentialité dans

7 les deux cas.

8 Maître Harvey, vous avez la parole.

9 Contre-interrogatoire par M. Harvey :

10 Q. [interprétation] Bonjour, ou plutôt, bonsoir, Monsieur Krasniqi. Je

11 représente les intérêts de Lahi Brahimaj, que vous avez appris à connaître

12 puisque c'était un collègue à l'état-major général après être devenu porte-

13 parole au mois de juin 1998; est-ce exact ?

14 R. Oui.

15 Q. En réalité, avant de devenir porte-parole en juin 1998, vous ne

16 connaissiez pas Lahi Brahimaj du tout, n'est-ce pas ?

17 R. Non, je ne le connaissais pas.

18 Q. Il est vrai que jusqu'au mois de mars, du moins, mars 1998, vous étiez

19 une personnalité membre de la présidence du LDK à Drenica, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. Personnalité.

21 Q. En réalité, dans le compte rendu de l'affaire Limaj, il me semble qu'on

22 a indiqué que vous étiez membre de la présidence du LDK à Drenoc, mais en

23 réalité cela devrait être Drenica, n'est-ce pas ?

24 R. Drenas et Gllogoc.

25 Q. [aucune interprétation]

26 R. Drenas, et le nom officiel, c'est Gllogoc, le nom officiel utilisé par

27 les services de la MINUK.

28 Q. Je vous remercie pour cette précision. Vous avez de manière officielle

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1 rompu tout contact avec la LDK après le massacre -- les massacres de

2 Prekaze et Likoshan; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous avez déjà dit aux Juges de la Chambre aujourd'hui que jusqu'au

5 mois de juin 1998, d'autres personnes faisant partie de l'état-major

6 général de l'UCK ne vous connaissaient pas; c'était à cause de votre rôle

7 ou de votre position, la position que vous occupiez, à savoir ce n'était

8 pas nécessaire pour vous d'afficher votre association avec l'UCK, à savoir

9 qu'on vous connaissait en public comme un homme de la LDK; est-ce exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que Lahi Brahimaj n'avait

12 absolument rien à voir avec l'état-major général avant le jour où vous avez

13 fait une annonce en public le 11 juin 1998 ?

14 R. Je ne savais pas cela, je ne le connaissais pas, et si Lahi ne me

15 connaissait pas, il peut le dire lui-même.

16 Q. Je souhaite vous poser quelques questions à propos des conditions dans

17 lesquelles vous agissiez avec l'état-major général vers le milieu de

18 l'année 1998 --

19 M. HARVEY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions à cet égard avoir la

20 pièce D5037 [comme interprété], qui est une carte de la région de Drenica.

21 Pourrions-nous l'avoir à l'écran, s'il vous plaît.

22 Q. Tout d'abord, pendant que nous attendons l'affichage de ce document,

23 Monsieur Krasniqi, est-il exact que l'état-major à cette époque ne

24 disposait pas d'un seul immeuble à partir duquel il opérait, et je veux

25 parler de la période qui a suivi le moment où vous avez rejoint l'UCK en

26 juin 1998.

27 R. Jusqu'à juin 1998, l'état-major général n'avait pas un seul bâtiment

28 dans lequel il se réunissait. Mais après avoir été nommé porte-parole, les

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1 réunions de l'état-major général se tenaient en règle générale à l'endroit

2 où j'étais basé moi-même.

3 Q. C'était à quel endroit ? Veuillez nous le rappeler, s'il vous plaît.

4 R. A partir du 10 juin, après avoir été nommé porte-parole, les réunions

5 de l'état-major général se tenaient pour l'essentiel, pas toujours mais

6 pour l'essentiel à l'endroit où j'étais basé, parce que j'étais une

7 personnalité publique.

8 Q. Ma question est celle-ci : où étiez-vous basé ?

9 R. Avant l'annonce faite en public, deux ou trois réunions se sont tenues

10 chez moi, dans ma maison, dans mon quartier, et dans des maisons

11 appartenant à des parents proches. Après ma nomination, les réunions se

12 sont tenues à Klecke, Divjake, Novo Selle, Nifkat et Fshati i Ri. Tous ces

13 villages se trouvent dans les montagnes de Berisha, alors que Lladroc se

14 trouve dans le sud, au sud de ces montagnes. Ces endroits se trouvent sur

15 la carte. Vous pouvez les voir.

16 Q. Je crois que l'on voit Klecke très bien au sud du triangle rouge de

17 Berisha, et ensuite à l'ouest de Klecke où on voit Lladroc; c'est exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Au nord-est de Klecke, on voit Divjake ?

20 R. Oui.

21 Q. Si nous poursuivons quasiment en empruntant une ligne droite de Klecke

22 en passant par Divjake, on arrive à Negroc ?

23 R. Negrovce se trouve au nord des montagnes de Berisha, au nord-est.

24 Q. Novo Selle se trouve -- n'est pas indiqué sur cette carte. Cela se

25 trouve-t-il près de -- pourriez-vous nous indiquer où cela se trouve, près

26 de quel village ?

27 R. Il y a un point rouge ici et un triangle qui signale que c'est Berisha,

28 c'est près de Berisha. Vers le sud se trouve le village de Novo Selle ou

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1 Fshati i Ri. C'est près du village de Berisha.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Simplement que les choses soient

3 claires, Novo Selle est tout à fait différent du Novo Selle qui se trouve

4 au nord de Pec.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ce n'est pas le même endroit.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce qu'un de ces villages apparaît sur

7 la carte, la seule carte qu'on nous a montrée, et l'autre n'apparaît pas.

8 M. HARVEY : [interprétation] Bien.

9 Q. Je souhaite vous poser quelques questions par rapport à l'endroit où

10 vous habitiez. Est-ce que vous résidiez toujours chez vous, dans votre

11 maison, à partir du mois de juin lorsque vous avez été nommé porte-parole

12 public ou est-ce que vous deviez vivre de façon clandestine ?

13 R. Bien, après avoir été nommé au porte-parole, je me rendais quelques

14 fois dans mon village, car le long de cette ligne en direction du nord,

15 après Berisha, il y a Arlat, et après Arlat, il y a Negrovce. Il y a un

16 rectangle à cet endroit qui est en rouge, mais la plupart du temps j'étais

17 à Divjake, Klecke, Javor qui se trouvent au sud-est de Klecke et Javoc

18 [phon]. Je me suis également rendu dans d'autres villages de Drenica, mais

19 je restais pour l'essentiel dans les villages que je viens de citer.

20 Q. Serait-il exact de dire que d'autres membres de l'état-major général,

21 comme vous, se déplaçaient sans cesse, et allaient d'un endroit à un autre

22 pour des raisons de sécurité ?

23 R. Oui, ils se déplaçaient pour des raisons de sécurité, et ceci n'était

24 pas rendu public pour des raisons de sécurité.

25 Q. Après avoir rejoint - je vais partir de la date du 11 juin - quelle

26 était la fréquence des contacts avec Lahi Brahimaj ? Est-ce que l'on peut

27 dire que c'était de façon hebdomadaire, quotidienne ou mensuelle ?

28 J'entends, en fait, au cours du premier mois où vous étiez membre de

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1 l'état-major général. Vous étiez un membre et ceci était connu du public.

2 J'entends membre de l'état-major général.

3 R. Au cours du premier mois, nous nous sommes réunis plus souvent, car il

4 n'y avait que peu de combats au Kosovo. Nous étions dans la phase où nous

5 souhaitions consolider l'état-major général, et Lahi Brahimaj est resté

6 plus longtemps dans cette partie de Drenica. Donc, nous nous voyons plus

7 souvent. Lorsque Lahi résidait dans un village de Drenica, nous nous

8 rencontrions plus souvent. Alors que lorsqu'il était dans la zone de

9 Dukagjin, nous ne nous rencontrions pas si souvent que cela.

10 Q. L'état-major général avait réparti les responsabilités entre les deux

11 domaines de responsabilité, à savoir ce qui relevait de l'élément

12 politique, et ce qui relevait de l'élément opérationnel, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Bien sûr, vous, vous faisiez partie de l'aile politique. A qui deviez-

15 vous rendre des comptes directement ?

16 R. Chaque service avait un chef de service, et le chef de service pour le

17 parti politique était Hashim Thaqi. Ces services tenaient informé l'état-

18 major général sur les questions politiques.

19 Q. Lahi Brahimaj aurait été du côté opérationnel; c'est exact ?

20 R. Lahi Brahimaj était - comment est-ce que je pourrais dire cela ? Il

21 était le chef du service chargé des finances et des questions économiques.

22 Q. Rendait-il compte, par conséquent, à Sokol Bashota et Rexhep Selimi ?

23 R. Oui, eux occupaient des postes plus importants dans la hiérarchie.

24 Q. Vous vous êtes rendu à Jablanica deux fois, n'est-ce pas ? Une fois à

25 peu près à la mi-juillet, je ne saurais vous dire quel jour exactement, et

26 une deuxième fois aux environs du 7 septembre. Alors, ma première question

27 est la suivante : est-ce que vous convenez que vous êtes allé deux fois à

28 Jablanica, à peu près aux dates que je viens de citer ?

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1 R. Oui.

2 Q. Quand vous êtes allé à Jablanica, y avez-vous vu la caserne où étaient

3 hébergés les soldats ?

4 R. Oui.

5 Q. Lorsque vous étiez à Jablanica, est-il permis de dire qu'une vingtaine

6 de soldats, sinon plus, étaient logés dans cette caserne ?

7 R. La première fois que j'y suis allé, je crois que le nombre de soldats

8 qui se trouvaient dans la caserne était plus important. A Jablanica à

9 l'époque, il existait aussi un hôpital de campagne qui abritait des soldats

10 blessés. Mais comme je l'ai déjà dit, la première fois que je suis allée à

11 Jablanica, le nombre de soldats qui se trouvaient à Jablanica était plus

12 important, et ils étaient mieux organisés. La deuxième fois que je suis

13 allé à Jablanica, c'était après l'offensive d'été et après la défaite

14 essuyée par l'UCK en raison du fait que les hommes de Tahir Zemaj avaient

15 déserté pour partir vers l'Albanie. L'UCK à l'époque n'avait que 30 soldats

16 à peu près à Jabllanice, et Jabllanice était encerclée par les forces de

17 police et de l'armée serbe. La situation à ce moment-là était très

18 difficile pour l'UCK dans la région de Dukagjin.

19 Q. Monsieur, j'admets tout ce que vous venez de dire. Ce que vous venez

20 d'écrire concerne la date du 7 septembre, à peu près. C'est bien cela ?

21 R. Oui.

22 Q. Revenons à votre première visite à Jablanica au mois de juillet. Vous

23 avez dit qu'à ce moment-là le nombre de soldats qui se trouvaient à

24 Jablanica était d'une trentaine environ, et qu'il était supérieur au nombre

25 de soldats qui se trouvaient à Jablanica au mois de septembre. Alors,

26 combien de soldats, à peu près, avez-vous vu d'après vous à Jablanica en

27 juillet ? Je ne vous demande pas, bien sûr, un chiffre précis à l'unité.

28 R. Je ne saurais vous donner un chiffre exact, mais il y avait beaucoup de

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1 soldats.

2 Q. Aujourd'hui, dans une réponse que vous avez déjà faite à des questions

3 posées par le Tribunal s'agissant de contacter la zone de Dukagjin, vous

4 avez dit : "Lahi Brahimaj était la personne que je connaissais, et c'était

5 la personne avec laquelle je communiquais. Je pense qu'il était responsable

6 de la région à l'époque."

7 Vous rappelez-vous avoir répondu cela au Procureur un peu plus tôt durant

8 l'audience d'aujourd'hui ?

9 R. Oui. Il n'était pas seulement responsable de la région à l'époque, mais

10 il était aussi membre de l'état-major général de l'UCK.

11 Q. Bien, j'aimerais explorer avec vous un peu plus avant le sens que vous

12 donnez à l'expression "responsable de la région." Il était bien sûr

13 officier d'état-major, membre de l'état-major général, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. En tant qu'officier d'état-major, membre de l'état-major général,

16 conviendrez-vous qu'il n'était pas possible pour lui d'être en même temps

17 officier du commandement sur le terrain dans la zone de Dukagjin, je dis

18 bien en même temps ?

19 R. En effet.

20 Q. Quand vous dites qu'il était responsable de la région, entendez-vous

21 cette phrase comme signifiant qu'au sein de l'état-major général, quand une

22 réunion de l'état-major général s'est tenue aux fins de recevoir des

23 rapports provenant des différentes zones, c'était lui qui était consulté

24 sur la région de Dukagjin en raison de sa connaissance spécialisée de la

25 région ?

26 R. Oui.

27 Q. Parce que bien sûr, vous saviez comme vous l'avez déjà dit répondant

28 aux questions de Me Emmerson, vous saviez déjà, n'est-ce pas, que Ramush

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1 Haradinaj, à partir du 23 juin au moins, était commandant de la zone,

2 n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Donc, et je répète ce que vous avez dit il y a quelques instants, je

5 vais vous citer, si vous me le permettez, je cite : "Au début des combats,

6 en particulier au début du mois de juillet, s'agissant de la zone de

7 Dukagjin, notre numéro un en tant que membre de l'état-major général était

8 Lahi Brahimaj. Donc, c'est Lahi Brahimaj qui m'a appris le nom de Ramush

9 Haradinaj."

10 Quand vous avez répondu cela à une question qui vous a été posée un

11 peu plus tôt aujourd'hui, est-ce qu'encore une fois vous situez votre

12 réponse dans le même contexte, à savoir que lorsque les combats ont éclaté,

13 vous-même, qui étiez porte-parole de l'UCK du côté politique, vous vous

14 êtes automatiquement adressé à Lahi Brahimaj parce qu'il se trouvait là

15 avec vous à Drenica, et que vous lui avez dit, finalement : "Lahi, informe-

16 moi sur ce qui se passe dans la zone de Dukagjin."

17 R. Oui, bien sûr, parce qu'il faisait partie de l'état-major général et il

18 était logique que je m'adresse d'abord à lui.

19 Q. Je vous remercie. Les communications ne se faisaient pas uniquement par

20 téléphone, avez-vous dit, répondant à une question de M. Kearney

21 aujourd'hui. Est-ce que ceci était dû au fait qu'il était considéré comme

22 dangereux d'utiliser exagérément les téléphones, ce dernier pouvant être

23 sur écoute par les forces de renseignements serbes ?

24 R. Bien sûr, le téléphone était sur écoute. Pour échapper à ces écoutes,

25 nous nous efforcions d'utiliser le téléphone satellitaire, mais la

26 réception n'était pas toujours bonne. Chaque fois que cela nous était

27 possible, nous nous déplacions physiquement pour rencontrer la personne

28 avec laquelle nous voulions communiquer, et quelquefois nous avions recours

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1 à des estafettes.

2 Q. J'aimerais maintenant rapidement couvrir avec vous le dernier sujet, le

3 dernier thème de mon interrogatoire --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey --

5 M. HARVEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne parviendrons pas à terminer le

7 contre-interrogatoire de ce témoin aujourd'hui, de toute façon. De combien

8 de temps avez-vous encore besoin ? J'ai à lire deux décisions et nous

9 devons passer à huis clos partiel pour la question dont nous avons déjà

10 discuté.

11 M. HARVEY : [interprétation] Je n'aurais aucun problème à m'arrêter ici et

12 à reprendre demain matin. J'ai sans doute besoin de dix minutes, peut-être

13 moins, mais je vois quelle heure il est.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

15 Donc, vous aurez besoin de dix minutes demain. J'essaie de calculer.

16 Maître Guy-Smith, vous avez dit que vous utiliseriez le temps restant;

17 autrement dit, à peu près 40 à 45 minutes, d'après mes calculs, au moins.

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Cela correspond à mes calculs également. Je

19 crois que j'aurais besoin d'à peu près 20 minutes.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ce qui nous donne une demi-heure.

21 Monsieur Kearney, j'ai cru comprendre que vous ne feriez pas --M. KEARNEY :

22 [interprétation] Non, pas plus d'une demi-heure.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui nous amène demain à une fin

24 d'audition qui pourrait se situer pendant la première partie de la matinée,

25 avant la première pause.

26 Alors, Monsieur Krasniqi, nous devons traiter d'un certain nombre de

27 questions de procédure, que nous n'allons pas vous imposer. J'aimerais vous

28 renouveler les instructions que je vous ai déjà faites hier, à savoir que

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1 vous ne devez parler à personne du contenu de votre déposition. Nous

2 aimerions vous revoir demain dans ce même prétoire à 14 heures 15.

3 Madame l'Huissière, pourriez-vous, je vous prie, escorter M. Krasniqi

4 hors du prétoire.

5 [Le témoin quitte la barre]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais d'abord que nous passions à

7 huis clos partiel.

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à

9 huis clos partiel.

10 [Audience à huis clos partiel]

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8 [Audience publique]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Par rapport au témoin actuel, M.

10 Krasniqi, les comptes rendus d'audience dans l'affaire Limaj reprenant la

11 déposition de ce témoin sont admis au dossier. S'agissant des neuf

12 documents annexés, Monsieur Kearney, la Chambre préfèrerait que vous

13 fournissiez des exemplaires plus lisibles, plus propres, pour le versement

14 au dossier, parce qu'à l'heure actuelle, les neuf documents annexés au

15 compte rendu d'audience ont des numéros en P, compte rendu d'audience de la

16 déposition dans l'affaire Limaj, qui pourraient créer toutes sortes de

17 confusion. Par conséquent, nous aimerions séparer le compte rendu de la

18 déposition de ce témoin dans l'affaire Limaj, et les neuf documents qui ne

19 sont plus neuf, par conséquent, mais huit, en fait, car l'annexe 5 est déjà

20 annexée à la déclaration préalable de ce témoin. Donc, la Chambre aimerait

21 que vous lui fournissiez huit de vos exemplaires qui n'auraient pas les

22 cotes affectées à ces documents dans l'affaire Limaj afin d'éviter toute

23 confusion.

24 Puis, j'ai deux décisions à rendre. La première est une décision

25 portant sur les mesures de protection demandées pour le Témoin 6. Je lis :

26 Le 25 mai 2007, l'Accusation a demandé des mesures de protection, c'est-à-

27 dire l'octroi d'un pseudonyme et la déformation des traits du visage à

28 l'écran et de la voix pour le Témoin 6 pendant le procès. Le témoin et sa

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1 famille résident au Kosovo. Le témoin a exprimé des craintes pour sa

2 sécurité et celle de sa famille si l'on venait à savoir publiquement qu'il

3 avait déposé pour l'Accusation. Le 29 mai 2007, la Chambre a fait consigner

4 au compte rendu d'audience que la Défense ne s'opposait pas à cette

5 requête.

6 La partie demanderesse des mesures de protection pour un témoin, ce

7 qui en l'espèce est le cas de l'Accusation, doit démontrer un risque fondé

8 objectivement par rapport à la sécurité ou au bien-être du témoin ou de la

9 famille du témoin s'il devenait publiquement connu que ce témoin avait

10 déposé devant le Tribunal. Cette norme peut être respectée en démontrant

11 qu'une menace a été proférée contre le témoin ou la famille du témoin, ou

12 en démontrant qu'il existe un ou plusieurs des trois facteurs suivants :

13 premièrement, que la déposition du témoin peut susciter l'antagonisme de

14 personnes résidant dans un territoire particulier; deuxièmement, que le

15 témoin ou sa famille réside ou travaille dans ce territoire, ont des biens

16 sur ce territoire, ou projette concrètement de revenir vivre sur ce

17 territoire; et troisièmement, qu'il existe une situation instable sur le

18 plan de la sécurité sur ce territoire qui pourrait être particulièrement

19 défavorable au témoin comparaissant devant le Tribunal.

20 Selon l'Accusation, le Témoin 6 a reçu par le passé des menaces. Il

21 s'est vu accorder des mesures de protection dans la période préalable au

22 procès. L'Accusation n'a rendu compte d'aucune nouvelle menace proférée

23 contre le Témoin 6. Néanmoins, compte tenu de la nature de la déposition du

24 témoin, la Chambre s'est convaincue que celle-ci risque de créer

25 l'antagonisme de personnes résidant au Kosovo. La Chambre fait également

26 remarquer que le témoin et sa famille résident au Kosovo et ne souhaitent

27 pas être relogés dans un pays étranger pour des raisons que la Chambre

28 comprend tout à fait.

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1 La Chambre saisi l'occasion pour informer les parties qu'elle admet

2 l'accord conclu entre les parties quant au fait qu'il existe une situation

3 instable sur le plan de la sécurité au Kosovo, situation particulièrement

4 défavorable pour les témoins comparaissant devant le Tribunal. Cet accord

5 se trouve aux pages 3 955 et 3 956 du compte rendu d'audience.

6 Compte tenu du fait que les trois conditions de ce test sont

7 respectées, la Chambre de première instance fait droit à la requête de

8 l'Accusation visant à obtenir un pseudonyme ainsi que la déformation des

9 traits du visage à l'écran et la déformation de la voix. Ceci conclut la

10 décision de la Chambre relative aux mesures de protection destinées au

11 Témoin 6.

12 J'aimerais maintenant rendre une autre décision, assez urgente d'ailleurs,

13 ce qui me pousse à accepter de dépasser de trois ou quatre minutes l'heure

14 de fin d'audience, à savoir 19 heures. Il s'agit d'une décision portant sur

15 la requête de l'Accusation du 7 mai 2007 en vue de l'admission en

16 application de l'article 92 ter du compte rendu d'audience du Témoin 12 et

17 des pièces associées de l'affaire Limaj.

18 Le compte rendu d'audience compte 137 pages, et le nombre total de

19 pièces à conviction est de deux, ces deux pièces étant des cartes

20 géographiques. L'Accusation, au paragraphe 2 et 3 de sa requête, définit un

21 certain nombre de sujets qui, selon elle, sont "extrêmement probants et

22 hautement pertinents" par rapport à la présente affaire. Les notes en bas

23 de page font référence à une demi-douzaine de pages du compte rendu

24 d'audience. Mais l'Accusation ne limite pas apparemment ses écritures à ces

25 pages et demande l'admission de l'intégralité du compte rendu d'audience.

26 Ayant lu le compte rendu d'audience de la déposition du témoin dans

27 l'affaire Limaj intégralement, la Chambre considère que l'Accusation n'a

28 pas suffisamment démontré que le gros de cette déposition est pertinent ou

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1 a une valeur probante, puisqu'elle porte avant tout sur des incidents qui

2 sont hors du champ de l'acte d'accusation en l'espèce, tels que plusieurs

3 réunions avec le commandant Celiku, connu également sous le nom de Fatmir

4 Limaj.

5 En particulier, la Chambre a trouvé une trentaine de pages environ

6 qui ont une pertinence directe par rapport à l'espèce, et moins de 20 pages

7 relatives au contexte du conflit armé, ce qui laisse plus de 80 pages dont

8 la pertinence par rapport à l'espèce est peu claire ou douteuse.

9 La Chambre invite l'Accusation à préciser les pages exactes du compte

10 rendu d'audience qu'elle considère pertinentes par rapport à l'espèce,

11 ainsi que les raisons pour lesquelles ces pages sont pertinentes.

12 L'Accusation se voit octroyer un délai de 24 heures pour ce faire.

13 La Chambre souhaite ajouter quelques remarques par rapport à sa

14 politique, remarques qui peuvent s'avérer utiles pour les parties à

15 l'avenir. Même si l'article 92 ter n'exclut pas l'admission d'éléments de

16 preuve écrits relatifs aux actes ou au comportement de l'accusé, la

17 présente Chambre préfère que l'Accusation obtienne les éléments de preuve

18 les plus critiques, les plus importants par rapport à l'espèce, de vive

19 voix. Ceci garantie que la Chambre aura davantage de possibilités de

20 comprendre des éléments de preuve de ce genre une fois versés au dossier.

21 Ainsi, si le compte rendu de l'affaire Limaj comporte de tels éléments de

22 preuve, le témoin devrait être interrogé de façon complémentaire viva voce.

23 L'Accusation devrait, de façon générale, prendre grand soin à ne pas

24 inonder la Chambre d'informations dont l'utilité n'est pas immédiatement

25 apparente à la Chambre ou dont la pertinence par rapport à l'espèce est

26 insuffisante.

27 Ceci met un point final à la décision de la Chambre.

28 Même s'il n'est pas très courant que la Chambre commente ce genre de

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1 décision, j'espère que chacun comprendra que l'audition de vive voix d'un

2 témoin sur ce genre de sujet est complémentaire à l'admission de

3 déclarations 92 ter portant sur le même sujet. A savoir que la Chambre ne

4 souhaite pas s'appuyer uniquement sur la déclaration écrite, sur les

5 comptes rendus écrits, pour se forger son sentiment et qu'elle tient à

6 entendre également la déposition du témoin oralement.

7 Je suspends l'audience jusqu'à demain, 14 heures 15, même salle d'audience.

8 --- L'audience est levée à 19 heures 06 et reprendra le jeudi 31 mai 2007,

9 à 14 heures 15.

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