Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 10 septembre 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 21.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez citer

6 l'affaire inscrite au rôle ?

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

8 toutes et à tous. Affaire IT-04-84-T, le Procureur contre Ramush Haradinaj

9 et consorts.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Il est prévu cet après-midi

11 d'avoir l'audition du témoin par visioconférence, mais s'agissant du

12 premier témoin qui est à être à citer, il reste une demande aux fins de

13 mesures de protection qui est pendante, et apparemment il y a opposition de

14 la part des conseils de la Défense. Avant d'établir la liaison, passons au

15 huis clos partiel.

16 Maître Emmerson.

17 [Audience à huis clos partiel]

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18 [Audience publique]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

20 Nous étions à huis clos partiel, Me Emmerson, même s'il n'a pas donné

21 de raisons supplémentaires à son opposition, a fait part des inquiétudes

22 qui animaient la Défense de M. Haradinaj à la perspective d'une déposition

23 par visioconférence.

24 Maître Guy-Smith, vous avez la parole.

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous avons la même position et nous nous

26 rallions à notre confrère qui exprimait les inquiétudes de M. Haradinaj.

27 Nous voulions simplement que ceci soit acté au dossier. M. HARVEY :

28 [interprétation] Vous pouvez partir du principe que je me rallie à ce

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1 qu'ont dit mes confrères.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons une demande aux fins

3 d'obtention de mesures de protection qui n'a pas encore été réglée. Nous

4 allons passer à huis clos partiel pour savoir où se trouve le témoin.

5 Pour commencer, nous allons entendre le témoin --

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

7 [Audience à huis clos partiel]

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1 [Audience publique]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

3 Les Juges de la Chambre vont délibérer sur la question de savoir si les

4 mesures de protection sont applicables. Je ne pense pas que cela prendra

5 très longtemps. Nous allons lever la séance et les parties sont invitées à

6 rester dans le prétoire.

7 --- La pause est prise à 14 heures 46.

8 --- La pause est terminée à 14 heures 54.

9 [Audience à huis clos partiel]

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18 [Audience publique]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

20 Nous sommes --

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, peut-être puis-je

23 vous expliquer comment il va être interrogé. Vous allez être interrogé par

24 M. Di Fazio qui est l'avocat de l'Accusation.

25 Vous voulez bien écouter ses questions et y répondre.

26 Monsieur Di Fazio.

27 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, allez-y.

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1 Interrogatoire principal par M. Di Fazio :

2 Q. [interprétation] Monsieur Jollaj, je voulais vous demander des

3 questions sur votre contexte personnel. Au printemps de 1998, au début du

4 printemps 1998, où habitiez-vous ?

5 R. A Gllogjan.

6 Q. Depuis quand est-ce que votre famille habitait ce village ?

7 R. Depuis longtemps. Mes grands-parents, mes arrières grands-parents

8 vivaient là aussi.

9 Q. Aviez-vous une maison à Gllogjan ?

10 R. Oui. Oui, c'était une maison récemment construite.

11 Q. Quand a-t-elle été construite ?

12 R. J'ai commencé à la construire en 1982. De 1982 jusqu'au moment où je

13 suis parti, j'ai mis tout mon argent dans cette maison. Je ne travaillais

14 qu'à la construction de cette maison.

15 Q. Pour ce qui est du terrain sur lequel se trouvait votre maison, à qui

16 appartenait le terrain ?

17 R. C'est mon père qui a acheté cette parcelle de terrain. Il appartenait à

18 mon père.

19 Q. Connaissez-vous l'existence de la famille Haradinaj à Gllogjan ?

20 R. Oui, je les connais. Ce sont nos voisins. Ma maison se trouve sur le

21 terrain de l'oncle de Ramush.

22 Q. Quel est le nom de cette personne ?

23 R. A qui faites-vous référence quand vous dites que j'ai acheté le

24 terrain.

25 Q. Le nom de l'oncle.

26 R. Son nom c'est Azem Iziri Haradinaj.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, il vous apparaît

28 peut-être assez clairement que la question de savoir à qui appartenait le

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1 terrain crée plus de confusion que d'éclaircissement.

2 M. DI FAZIO : [interprétation] Je ne vais pas rentrer dans ce chapitre, je

3 suis plutôt intéressé par la géographie et les structures de l'endroit.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, veuillez poursuivre.

5 M. DI FAZIO : [interprétation]

6 Q. A quelle distance se trouvait votre maison de la maison Haradinaj ?

7 R. Est-ce que vous me posez la question par rapport à la maison de l'oncle

8 de Ramush à qui j'ai acheté le terrain ou par rapport à la maison de Ramush

9 ?

10 Q. Ce qui m'intéresse, c'est la maison de Ramush, c'est cette maison-là

11 qui m'intéresse. A quelle distance se trouvait cette maison-là, la maison

12 de Ramush, de votre maison ?

13 R. La maison de Ramush se trouvait au centre du village, à environ 200 ou

14 300 mètres de ma maison. Ensuite, ils ont déménagé un petit peu plus bas

15 dans le village, mais ce n'est pas loin non plus d'où j'habite.

16 Q. Bien. Repensez, si vous le voulez bien, au début du printemps 1998.

17 Vous avez dit qu'ils ont déménagé un petit peu plus bas. Maintenant,

18 c'était au printemps de 1998 ?

19 R. Oui.

20 Q. Dans les premiers mois de l'année 1998, à quelle distance se trouvait

21 votre maison de la maison de Ramush ?

22 R. Je ne peux pas vous expliquer exactement à quelle distance elle se

23 trouvait. Auparavant, sa maison se trouvait au centre du village. Par la

24 suite, ils ont déménagé vers un endroit qui est plus près de Dubrave. Je ne

25 peux pas vous dire exactement à quelle distance en mètres cela se trouvait.

26 Ce n'est pas à des kilomètres, c'est à une distance en mètres.

27 Q. Bien. Auparavant, vous avez dit que la maison de Ramush se trouvait au

28 centre du village à 200 ou 300 mètres de distance de votre maison. Quand

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1 vous disiez cela, parliez-vous de la distance qui --

2 R. Oui, c'est vrai.

3 Q. Etait-ce la distance qui séparait votre maison de la sienne au

4 printemps de 1998, c'est-à-dire environ 200 ou 300 mètres ?

5 R. Oui. Je suis sûr que c'était cela. Je ne me souviens plus en quelle

6 année il a déménagé. Moi-même, je suis allé travailler pour Ramush et son

7 père. Nous avions de bonnes relations. Nous n'avions pas de frictions

8 entre-nous. Ils m'aidaient, je les aidais avec mes fils. Il n'y avait aucun

9 conflit entre-nous jusqu'à ce que la guerre éclate.

10 Q. Très bien --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, les 200, 300 mètres

12 s'appliquaient clairement à la maison qui se trouvait au centre du village.

13 Maintenant, il redéménage, il y a encore 200, 300 mètres qui séparent cette

14 maison de la nouvelle maison, mais le témoin dit qu'il ne sait pas

15 exactement quand ils ont déménagé dans cette nouvelle maison. Cela ne

16 m'apparaît pas très clair. Puis, il y a un autre point. Je ne sais pas où

17 le témoin habitait à l'époque. Si les parties le savaient, je veux dire, il

18 serait plus facile de s'accorder sur la distance.

19 M. DI FAZIO : [interprétation] Bien, c'est possible. Mais je n'ai pas

20 eu d'ouverture de la part de la Défense. Je ne sais pas si c'est le genre

21 de question sur lequel nous devrions tenter d'obtenir le consentement de la

22 Défense.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après la déclaration, vous

24 pouvez voir les distances, vous voyez que certains points ont probablement

25 une certaine importance. Les Juges de la Chambre aimeraient être clairs sur

26 ce point. Je ne sais s'il y a des photographies, je ne sais pas si nous

27 pourrions demander au témoin d'identifier où se trouvait sa maison à

28 l'époque. Ensuite, les Juges de la Chambre pourraient entendre d'autres

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1 éléments de preuve où se trouvait la maison des Haradinaj par rapport aux

2 autres maisons dans le village. Nous avons besoin de plus de précisions.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Puis-je suggérer une indication ?

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Emmerson.

5 M. EMMERSON : [interprétation] Je serais certainement dans une position qui

6 permettrait d'identifier où nous comprenons que se trouvait la maison de la

7 famille du témoin, mais je ne voudrais pas que ceci remplace le fait que

8 les Juges de la Chambre entendent de vive voix ce que le témoin a à dire au

9 sujet de cette question.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Parce qu'ils vont directement à --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends cela. Il y a des

13 raisons spécifiques pour lesquelles nous ne sommes pas d'accord sur ce

14 point-là.

15 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais essayer donc --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, laissez-moi essayer

17 d'expliquer les choses aussi clairement que possible où la maison se

18 trouvait et où se trouvait la maison du témoin et de sa famille.

19 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

20 Q. Vous avez dit que la famille Haradinaj vivait au centre du village et

21 qu'ensuite, ils ont déménagé. Bien. De ces deux maisons, celle qui se

22 trouvait au centre du village ainsi que l'autre vers laquelle ils ont

23 déménagé, laquelle était la plus proche de votre maison ?

24 R. La maison de l'oncle de Ramush était la plus proche de la nôtre, à

25 environ 50 mètres de la nôtre. Celle de Ramush était un petit peu plus en

26 contrebas, je ne peux pas vous donner la distance exacte. Cette maison-là

27 se trouvait plus proche du centre même du village. Je ne sais pas quoi vous

28 dire. Je la décrirais comme se trouvant proche du centre du village. Il y

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1 avait des maisons autour de celle vers laquelle ils ont déménagé par la

2 suite qui était plus proche de Dubrave. Ses oncles se trouvaient là et la

3 maison de Ramush était à environ une centaine de mètres de là. Comme je

4 l'ai dit, je ne peux pas vous donner la distance exacte en mètres.

5 Q. Oublions la maison de l'oncle de Ramush et oublions tout le monde, sauf

6 n'est-ce pas M. Ramush Haradinaj. Concentrons-nous sur lui et sur sa

7 maison. Repensez à sa maison, où il habitait, c'est tout, pas ses oncles,

8 ni les autres membres de sa famille, mais juste Ramush Haradinaj. Au

9 printemps de 1998, où vivait-il ?

10 R. En 1998, Ramush vivait plus en contrebas. Il avait quitté la maison qui

11 se trouvait au centre du village, et il avait déménagé plus vers Dubrave et

12 Gllogjan.

13 Q. Bien, merci.

14 R. C'est la fin de la municipalité de Dubrave.

15 Q. Merci.

16 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai l'intention de

17 poursuivre --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais j'aimerais savoir mieux où

19 vivait le témoin pour que nous puissions vérifier les distances.

20 Témoin, pourriez-vous nous dire où vous viviez à l'époque, si c'était dans

21 le village de Gllogjan ou si vous habitiez à l'extérieur du village de

22 Gllogjan ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vivais à Gllogjan. Je n'ai jamais quitté

24 Gllogjan. Dès que la guerre a éclaté, je suis parti de mon propre gré. J'ai

25 dû partir pour aller à Gjakove parce que ma femme était à l'hôpital. Ma

26 famille est restée dans le village. Comme je l'ai dit je n'ai jamais quitté

27 le village.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais savoir si vous viviez au

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1 centre du village ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi-même ?

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vis pas au centre du village. Je me

5 trouve un petit peu plus loin que dans le centre. Ce n'est pas très loin

6 non plus. C'est sur la route qui mène à Shaptej. A partir du centre de

7 Gllogjan, la route se dirige vers Shaptej. Shaptej n'est qu'à dix minutes à

8 pied. A partir du centre de Gllogjan jusqu'à ma maison, il y a environ 200

9 mètres. C'est la distance qui me sépare du centre du village.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous demander, si vous arrivez

11 du village en provenance d'Irzniq, n'est-ce pas, me suivez-vous ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous suis.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous voulez aller à Dubrave, est-ce

14 vrai qu'au centre du village vous devez tourner à droite ? C'est-à-dire

15 qu'en venant d'Irzniq --

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Il faut tourner à droite

17 pour aller à Dubrave.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, pour aller vers votre

19 maison, tournez-vous également à droite sur cette même route dans le

20 village ou empruntez-vous une autre route ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il faut tourner à gauche. Il faut tourner

22 à gauche en quittant le centre du village. C'est tout près.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Dans ce cas c'est plus clair en

24 vision aérienne, et si vous tournez à gauche, à quelle distance, pendant

25 combien de minutes marchez-vous ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour arriver à ma maison ?

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Cinq minutes, même pas. C'est tout près.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 Donc il y a de grandes chances que des photographies aériennes que nous

3 avons montrent la maison où vivait le témoin, Monsieur Di Fazio. Parce que

4 je comprends que ceci est un petit peu plus loin de la maison que nous

5 avons appris être par la suite celle de M. Haradinaj, ou qui était à

6 l'époque la maison de M. Haradinaj. Mais je m'en remets à vous pour le

7 moment. Veuillez poursuivre. Les Juges de la Chambre préféraient qu'il n'y

8 ait aucune confusion qui reste sur ce point.

9 M. DI FAZIO : [interprétation] Bien. Je vais voir si nous pouvons essayer

10 d'obtenir une carte ou une photographie aérienne.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas nécessairement, nous avons des

12 photographies aériennes qui montrent les maisons, et cetera.

13 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui. Si les Juges de la Chambre le

14 permettent --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je attirer votre attention à la

16 pièce U0143045 ? Je n'exclus pas la possibilité -- je ne sais pas si c'est

17 une pièce à conviction, mais veuillez poursuivre.

18 M. DI FAZIO : [interprétation] Je vais voir si je peux faire afficher cette

19 photographie à l'écran. Peut-être puis-je poursuivre en attendant qu'elle

20 s'affiche.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Di Fazio.

23 M. DI FAZIO : [interprétation]

24 Q. Monsieur Jollaj, je souhaite vous poser quelques questions en ce qui

25 concerne ce que vous saviez sur la famille Haradinaj. Vous avez déjà parlé

26 de Ramush. Vous avez mentionné son nom. J'aimerais savoir depuis combien de

27 temps vous le connaissiez déjà à cette époque-là en 1998 ?

28 R. Pour dire vrai, en 1998 je ne voyais pas Ramush très souvent. Je l'ai

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1 vu avant l'époque où l'UCK avaient ses uniformes. C'est à cette époque-là

2 que je l'ai vu. Il est venu chez moi. Mais en fait, cela ne m'intéressait

3 pas énormément de savoir ce que faisait l'UCK. Je savais qu'il était

4 impliqué dans les activités de l'UCK. Je l'ai vu en uniforme. Je le voyais

5 passer dans la rue, mais je m'occupais de mes affaires. Cela ne

6 m'intéressait pas de savoir ce qu'il faisait. Il avait sa vie. J'avais la

7 mienne. Ses activités ne m'intéressaient pas.

8 Q. Est-ce que vous l'aviez connu enfant ?

9 R. Oui. Je le connaissais dès sa plus jeune enfance. Mon fils et Ramush

10 ont grandi ensemble. Les deux familles se connaissaient, y compris les

11 oncles.

12 Q. Merci. Vous connaissez son père ?

13 R. Oui, je connais son père. Nous avons mangé ensemble. Nous avons bu

14 ensemble, et nous travaillions ensemble à la coopérative agricole.

15 Q. Merci. Si vous vous en souvenez, dites-le-nous, s'il vous plaît. En

16 1998, est-ce que Ramush vivait dans la même maison que son père ?

17 R. Pour être tout à fait franc, je ne sais pas. Je ne m'en suis pas sûr.

18 Je ne puis pas vous le dire si je n'en suis pas sûr, donc ne me posez pas

19 des questions sur des choses que je ne connais pas.

20 M. DI FAZIO : [interprétation] Voulez-vous montrer au témoin la pièce à

21 conviction D35, s'il vous plaît ?

22 Q. Monsieur le Témoin, je vous invite à regarder cette photo que vous

23 allez bientôt voir à l'écran. J'espère que vous l'avez sous les yeux.

24 R. A l'écran ?

25 Q. On me dit qu'il y a une impossibilité technique de montrer cette photo

26 à l'écran.

27 M. DI FAZIO : [interprétation] Monsieur le Président, si vous voulez bien,

28 nous pouvons demander à ce qu'une copie soit préparée pendant la pause, car

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1 il n'y a pas d'écran qui permettrait au témoin de voir cette photo. Si nous

2 pouvons peut-être passer à autre chose, et pendant la pause je vais

3 demander à mes collègues de faire le nécessaire.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On ne peut pas montrer à l'écran ce que

5 nous avons maintenant devant nous ?

6 M. DI FAZIO : [interprétation] C'est ce que l'on me dit.

7 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

8 M. DI FAZIO : [interprétation] Oui. Effectivement, c'est cela. On ne peut

9 pas montrer cette photo à l'écran.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

11 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

12 Q. Monsieur le Témoin, connaissiez-vous un Serbe qui s'appelle Otovic ?

13 R. Je connais Otovic. Je le connaissais bien. Je travaillais avec lui.

14 Q. Quelle était son occupation ?

15 R. Otovic était policier. Il travaillait à la police de Decan. Depuis

16 Decan, ils sont venus ensuite à Irzniq, et il a travaillé à Irzniq. Je le

17 connais bien.

18 Q. Est-ce qu'il a été tué en 1998 ?

19 R. Oui, il a été assassiné. Otovic a été tué devant le portail de chez

20 Ramush.

21 Q. Veuillez ralentir. Je vais vous poser des questions par rapport à

22 Otovic un peu plus tard, mais pour l'instant je vous demande de voir si

23 vous pouvez vous rappeler la date de sa mort.

24 R. Non. Pour être tout à fait franc, je ne m'en souviens pas. Je ne

25 faisais pas attention à ce genre de choses, les dates par exemple.

26 Q. Merci, merci. La réponse était négative. Est-ce que vous vous rappelez

27 à quelle époque de l'année, la saison ?

28 R. C'était en été.

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1 Q. Merci. En ce qui concerne la période juste avant sa mort, pendant ces

2 deux mois. Pendant ces deux mois-là, est-ce que vous résidiez à Gllogjan ?

3 R. Oui, oui.

4 Q. A ce moment-là, aviez-vous la possibilité de voir des véhicules qui

5 arrivaient dans le village et qui quittaient le village la nuit ?

6 R. La nuit, je ne le sais pas. Je travaillais sans cesse, mais il y avait

7 des jeunes qui me disaient que de telles choses se produisaient, que les

8 Serbes, que les policiers en uniforme se rendaient au village et

9 maltraitaient des gens. Mais je ne l'ai pas vécu moi-même. J'ai entendu

10 parler de cas où des policiers en uniforme arrêtaient des gens, mais cela

11 ne m'est jamais arrivé.

12 Q. Ralentissez. Vous savez si vos réponses sont plus courtes, ce sera

13 beaucoup plus facile, et pour vous et pour moi-même. Réfléchissez.

14 R. Oui, oui, je comprends.

15 Q. Ce sera plus facile. Donc il y a cette période, les deux mois avant

16 qu'Otovic ne soit tué. Voilà ce que je souhaite vous demander : est-ce que

17 pendant cette période, ces deux mois-là, est-ce que vous avez eu la

18 possibilité vous-même de voir des véhicules, de la circulation, qui se

19 déplaçaient dans le village pendant la nuit, donc des personnes qui se

20 rendaient au village dans des véhicules ? Est-ce que vous l'avez vu vous-

21 même ?

22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde.

24 Maître Guy-Smith.

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que la façon dont on pose la

26 question --

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait --

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jollaj, est-ce que vous voulez

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1 bien attendre avant de répondre.

2 Maître Guy-Smith.

3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense que cette question est très vague.

4 Il a déjà indiqué dans une des réponses précédentes qu'il n'avait pas vu ou

5 qu'il ne savait pas si c'était la nuit. Je ne vois pas exactement ce que M.

6 Di Fazio est en train d'essayer de demander. C'est vague.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas vu --

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je pense que nous

9 pourrons poursuivre, le problème est réglé.

10 Voilà donc, Maître Guy-Smith, la raison évidente pour laquelle je ne vous

11 encourage pas à intervenir de cette façon.

12 Avant de poursuivre Monsieur Di Fazio, je souhaite m'adresser au témoin.

13 Monsieur le Témoin, est-ce que vous voulez bien écouter attentivement

14 la question et essayer d'y répondre très brièvement.

15 Veuillez poursuivre, Monsieur Di Fazio.

16 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

17 Q. Très bien. Vous nous avez dit que vous connaissiez Otovic et vous

18 saviez qu'il a été tué. L'avez-vous vu ? Est-ce que vous étiez là ? Vous

19 avez assisté à sa mort ?

20 R. Oui. J'étais proche. J'étais dans la rue. Je venais de Gjakove. Je me

21 suis arrêté. Je me suis rendu vers le ruisseau en bas. J'avais peur d'être

22 tué moi-même. Je ne savais pas ce qui s'est passé.

23 Q. Je vous demanderai tout à l'heure de raconter cette histoire, mais

24 seulement quand je vous poserai les questions, si vous voulez bien. Vous

25 aurez la possibilité de raconter ce que vous avez vu, mais je vous invite à

26 répondre tout simplement à mes questions. Ce qui vous permettra vous-même

27 de raconter votre histoire et d'expliquer au Président et aux Juges ce que

28 vous avez vu.

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1 Tout d'abord, le jour où il a été tué, est-ce que vous avez vu Otovic le

2 matin, à midi ou l'après-midi ?

3 R. C'était vers 9 heures, 10 heures du matin. Je ne me rappelle pas

4 exactement. Je n'avais pas de montre.

5 Q. Merci, vous avez répondu à la question. Je vais passer à la deuxième

6 question. Etait-il seul ou avec d'autres policiers ?

7 R. Il était avec un de ces collègues. Il était avec Milic.

8 Q. Je suis désolé, je ne suis pas sûr d'avoir bien entendu le nom, est-ce

9 que vous voulez bien répéter le nom de son collègue ?

10 R. Momo Milic, il est de Palabardh.

11 Q. En dehors de Momo Milic, est-ce qu'il y avait d'autres policiers qui

12 accompagnaient Otovic ? Est-ce qu'ils étaient à deux ou à plusieurs ?

13 R. Ils étaient à deux. Je n'en ai vu que deux. Je ne sais pas s'il y en

14 avait d'autres parce que j'ai quitté l'endroit.

15 Q. Y avait-il une voiture, un véhicule de police ?

16 R. Oui, il y avait une voiture.

17 Q. Merci. Lorsque vous avez vu Otovic, son collègue et la voiture, qu'est-

18 ce que vous faisiez ? Qu'est-ce que vous aviez l'intention de faire à ce

19 moment-là ?

20 R. Lorsque j'ai entendu les tirs, je suis parti et c'est seulement le

21 lendemain vers 6 ou 7 heures du matin que je suis rentré chez-moi. J'avais

22 trop peur de rentrer chez-moi avant.

23 Q. Très bien. Merci. Nous allons essayer de trouver encore plus de détails

24 pour compléter le récit. Vous étiez à quelle distance ? Lorsque vous avez

25 entendu les tirs, vous étiez à quelle distance par rapport à M. Otovic ?

26 R. Je ne peux pas être très précis, bien sûr, mais j'étais très proche de

27 la maison de Ljubica lorsque j'ai entendu les tirs. On voyait en bas sur la

28 route la voiture de police. Ensuite, comme je vous l'ai dit, j'ai pris peur

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1 quand j'ai entendu ces tirs, et j'ai traversé un pré. Après un certain

2 temps, j'ai vu des gens qui se regroupaient puis qui ont quitté l'endroit

3 en direction de Gjakove --

4 Q. Très bien. Je vais passer à la question suivante. Lorsque vous avez

5 entendu les tirs, est-ce que vous avez vu qui a tiré ?

6 R. C'était Hilmi, le père de Ramush. Le policier lui a demandé quelque

7 chose, je ne sais pas ce que lui aurait dit le policier, je n'ai entendu

8 que les tirs. De loin, j'ai vu le père de Ramush. Ensuite, je n'ai rien vu

9 d'autre. J'ai vu Ramush qui portait une arme et qui sortait de la maison,

10 mais j'avais peur d'être tué moi-même aussi, donc je me suis rendu vers le

11 pré.

12 Q. Très bien. Merci. Vous pouvez peut-être dire à la Chambre la chose

13 suivante, vous avez vu Hilmi, vous avez vu Ramush, et vous avez vu qu'il

14 portait une arme. Est-ce que Hilmi portait une arme également ?

15 R. Non, Hilmi n'était pas armé. Il est arrivé à la porte de sa maison pour

16 discuter avec le policier. En fait, je ne l'ai pas entendu sur le moment.

17 Je l'ai appris par la suite, après la mort d'Otovic, c'est ce que j'ai

18 entendu dire.

19 Q. Très bien. D'accord --

20 R. Otovic s'est rendu à la maison de Ramush, il l'a demandé, le père de

21 Ramush est sorti.

22 Q. Très bien. Il est très important que nous sachions ce que vous avez vu

23 de vos propres yeux et ce que vous avez entendu dire ? Je vous demande

24 d'attendre que je vous pose la question. Avez-vous vu --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis désolé, c'est peut-être prématuré à

27 ce stade, mais je souhaite demander à M. Di Fazio de faire très attention.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je pense qu'il faut

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1 procéder de façon très systématique; tout d'abord, de savoir où se trouvait

2 le témoin. Je vais lui poser quelques questions moi-même.

3 Monsieur le Témoin, je vais vous poser plusieurs questions. Lors de cet

4 incident, vous veniez d'où ? Vous veniez d'où exactement ? Vous avez

5 expliqué que vous étiez sur le chemin, mais en provenance d'où ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] De Gjakove.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous étiez à pied ? Dans une voiture ?

8 En vélo ? De quelle façon est-ce que vous vous rendiez depuis Gjakove à

9 l'endroit où vous vous trouviez ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais à vélo. Je rentrais chez moi à vélo.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous étiez en train de rentrer chez vous

12 en vélo. Etiez-vous sur la route principale entre Gramaqel et Gllogjan

13 lorsque vous êtes passé devant la maison des Haradinaj ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas entendu --

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous avez dit que vous avez

18 entendu des tirs. Etiez-vous toujours à vélo lorsque vous les avez entendu

19 ces tirs ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai arrêté mon vélo, puis j'ai vu ce

21 qui était en train de se passer. J'ai entendu les tirs, j'ai lâché mon

22 vélo, j'ai quitté la route, et je me suis rendu vers le pré. Ensuite

23 l'intensité des tirs a augmenté et il y avait des tirs qui ont continué

24 jusqu'à 8 heures du soir.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. Une seconde. La première fois

26 que vous avez entendu tirer, étiez-vous toujours à vélo ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous nous dire, à ce moment-là,

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1 lorsque vous avez entendu ce premier tir, vous étiez toujours en vélo, à

2 quelle distance étiez-vous par rapport à la maison des Haradinaj ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais à une cinquantaine de mètres, moins de

4 50 mètres. J'étais très proche.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous dites qu'ensuite vous avez

6 quitté votre vélo. A ce moment-là, est-ce que vous êtes allé à gauche ou à

7 droite de cette route ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis rendu vers le village de Baballoq.

9 C'était la seule possibilité d'ailleurs, il n'y avait pas d'autre chemin à

10 prendre, donc c'était vers Baballoq, vers la route qui allait vers Gjakove.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Est-ce que vous pouvez nous

12 indiquer avec vos mains, avec vos bras, de quel côté vous avez quitté la

13 route ? Indiquez par vos mains.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] A gauche, vers le village de Baballoq. J'étais

15 à pied sur la route principale entre Gramaqel et Gllogjan à droite.

16 Ensuite, quand je l'ai quittée, je me suis dirigé vers la gauche pour aller

17 vers Baballoq.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Je vais vous arrêter là. Lorsque

19 vous avez quitté la route où vous étiez jusque-là à vélo, est-ce que vous

20 avez pris une autre route ou est-ce que vous avez traversé des champs ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis allé vers les champs. Je n'osais pas

22 prendre la route. J'ai traversé le pré parce que, comme je l'ai dit, il y

23 avait des voitures de police, on avait commencé à tirer, la situation était

24 tout à fait chaotique, je n'osais pas prendre la route.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous avez entendu les premiers

26 tirs, est-ce qu'il y avait une ou plusieurs voitures de police ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait une voiture de police, c'était une

28 Golf qui appartenait à Momo Milic, c'était une voiture de police, mais

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1 c'était une Golf.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, vous vous êtes

3 rendu vers les prés, cela veut dire que vous vous êtes éloigné de la maison

4 des Haradinaj ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai quitté cet endroit. Je me suis

6 éloigné parce que j'avais peur d'être tué.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez pris quelle distance par

8 rapport à la route que vous avez quittée lorsque vous êtes parti sur la

9 gauche pour aller vers les prés ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis rendu au village de Baballoq.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Immédiatement ou après un certain temps

12 seulement ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Après quelque temps, car je n'osais pas partir

14 immédiatement. Il y avait un ruisseau à côté, et nous tous, des femmes, des

15 enfants, nous nous sommes rendus sur place et nous nous sommes reposés. Le

16 soir, vers 6, 7 heures du soir, à ce moment-là, nous nous sommes rendus au

17 village de Baballoq.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais lorsque vous avez entendu les

19 tirs et lorsque vous avez quitté votre vélo, est-ce que vous vous êtes

20 rendu immédiatement au ruisseau ou est-ce que vous êtes resté près de la

21 maison des Haradinaj ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis parti immédiatement. J'étais très

23 proche de leur maison. Il y avait un champ entre la maison et nous. Donc

24 j'ai tout vu, j'ai vu l'armée, j'ai vu la voiture. On voyait tout depuis

25 l'endroit où nous nous trouvions. Il y avait des arbres qui nous cachaient,

26 qui empêchaient les policiers de nous voir. Vous voyiez les femmes, les

27 enfants, qui s'abritaient là.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre. Ce

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1 que vous êtes en train de nous dire maintenant, c'est quelque chose qui a

2 dû se produire par la suite, n'est-ce pas, parce que vous avez dit qu'il

3 n'y avait qu'une seule voiture de police au début ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y en avait qu'une, mais après qu'ils ont

5 tué Otovic, ils ont appelé leur QG et les policiers, les soldats -- la

6 police et l'armée sont venus immédiatement.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends bien. Mais j'aimerais

8 savoir ce qui s'est passé immédiatement après avoir entendu les tirs.

9 Lorsque vous avez quitté votre vélo, vous vous êtes rendu dans les prés,

10 j'aimerais savoir quelle distance vous avez parcourue à ce moment-là par

11 rapport à la route ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est difficile à dire. Mais pas plus de 200

13 mètres, près du ruisseau, nous avions une très bonne cachette. D'ailleurs,

14 nous nous sommes reposés, et, comme je l'ai déjà dit, vers 19 heures, 19

15 heures 30, je ne peux pas être précis. Je n'ai pas regardé quelle heure il

16 était. Mais voilà donc, nous sommes restés un petit moment, ensuite nous

17 sommes allés à Baballoq. Nous y avons passé la nuit, et le lendemain je

18 suis rentré chez moi, et j'ai demandé à ce moment-là ce qui s'était passé.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter là. Lorsque vous

20 vous êtes rendu dans les prés, est-ce que vous avez regardé derrière vous

21 vers la route et la maison ou est-ce que vous avez continué tout simplement

22 à courir pour vous éloigner de ces 200 mètres dont vous avez parlé ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons couru aussi rapidement que

24 possible, parce qu'on entendait des tirs qui venaient de tous les côtés. Il

25 y avait toutes sortes d'armes qu'on entendait.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est immédiatement après avoir quitté

27 votre vélo ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, parce que dans l'espace de 10 à 15

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1 minutes, la police et l'armée sont venues au village.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter là. Je ne parle pas

3 de ce qui s'est passé 10 à 15 minutes plus tard. Je parle de la première

4 minute, au moment où vous avez quitté votre vélo.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'ai entendu le tir de la maison de

6 Ramush, j'ai lâché mon vélo, comme je l'ai dit, et j'ai traversé un champ

7 en direction de Baballoq. Je me suis arrêté près d'un ruisseau, et c'est là

8 où je me suis caché. Il y avait déjà d'autres personnes qui étaient là, qui

9 essayaient de s'enfuir, de quitter le village; des femmes, des enfants. Au

10 village, il ne restait que les policiers, l'armée ou l'UCK. Enfin, je ne

11 sais pas ceux qui se combattaient ou qui se battaient entre la police et

12 l'armée.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, je sais que j'ai pris

14 un peu de votre temps. Nous allons bientôt faire une pause.

15 M. DI FAZIO : [interprétation] Si possible, Monsieur le Président, je

16 préfère que nous fassions la pause maintenant, ce qui me permettra de

17 vérifier ce qui a déjà été dit. Cela me permettra de voir si j'ai d'autres

18 questions à poser. Si j'ai bien compris pendant la pause, nous devrions

19 avoir la possibilité de voir si on peut montrer à l'écran au témoin l'image

20 --

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Sur la base des réponses qui

22 viennent d'être données, je ne sais pas ce que vous envisagez de faire

23 maintenant, mais s'il y a quelque chose qui concerne la maison du témoin et

24 la maison des Haradinaj, j'aimerais effectivement savoir précisément quelle

25 est leur position.

26 M. DI FAZIO : [interprétation] Je promets de faire de mon mieux.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, bien sûr.

28 M. EMMERSON : [interprétation] Juste avant de suspendre l'audience, juste

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1 avant que vous, Monsieur le Président, vous n'ayez commencé à poser des

2 questions au témoin, il a dit en réponse à une question posée par M. Di

3 Fazio que lorsqu'il a entendu les tirs, qu'il était près de la maison de

4 Ljubica, nous avons besoin de lui demander s'il peut confirmer.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai aucune objection, si cela permet

6 de clarifier la question. C'est quelque chose de très concret. Je ne puis

7 pas vous dire immédiatement quelle serait la suite à donner, mais on va

8 essayer de le faire tout de suite après la pause.

9 Monsieur le Témoin, nous allons faire une pause de 25 minutes, et nous

10 allons reprendre à 16 heures 15.

11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 49.

12 --- L'audience est reprise à 16 heures 21.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio, poursuivez, s'il vous

14 plaît.

15 M. DI FAZIO : [interprétation] Auparavant, j'avais signalé qu'il y avait

16 une copie en noir en blanc de la photographie qui avait été affichée à

17 l'écran.

18 Oui, on la voit maintenant. La pièce D35. Si vous me le permettez,

19 j'aimerais la montrer au témoin, et voir ce que ceci donne. S'il ne

20 reconnaît rien, je passerai à autre chose assez rapidement.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

22 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

23 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais que vous regardiez une photo aérienne

24 en noir et blanc. Vous allez peut-être aussi voir une version couleur de la

25 même photographie à l'écran cette fois-ci, là où vous êtes. Je vous demande

26 de regarder cette photo et de nous dire si vous reconnaissez l'endroit qui

27 est ici représenté.

28 R. Vous parlez de l'endroit où se trouvait la maison de Ramush ? Je ne

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1 comprends pas bien votre question. Essayez d'être plus précis.

2 Q. D'accord. Est-ce que vous reconnaissez le petit village ou la petite

3 ville qui est ici montrée sur la photo ?

4 R. Les choses ont changé. Maintenant, ça a l'air différent.

5 Q. Est-ce que vous reconnaissez cet endroit ? Si ce n'est pas le cas,

6 dites-le-nous. Nous verrons que faire. Est-ce que vous reconnaissez cet

7 endroit ?

8 R. Vous me posez une question à propos du village de Gllogjan ou d'une

9 autre village ? Je ne pense pas que cette image montre Gllogjan.

10 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci beaucoup. Je vais passer à autre chose

11 avec votre accord, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci.

14 Q. Avant la pause, vous avez parlé de quelqu'un, d'un certain Ljubica.

15 Vous étiez près de sa maison au cours de cet incident. Pourriez-vous dire

16 quel est le patronyme de ce monsieur, qui s'appelait de son prénom Ljubica

17 ? Pourriez-vous le dire à la Chambre ?

18 R. C'était Ljubica Stojanovic.

19 Q. Est-ce que ce monsieur avait quelques fils ? Et si c'est le cas,

20 connaissez-vous le nom de ses fils ?

21 R. Il y avait Dragoslav, il y en avait un autre qui était agent de police,

22 et deux autres, mais ils ont quitté le village. Je ne sais pas où

23 habitaient ses deux fils. Je sais qu'il y avait quelqu'un qui était dans la

24 police à Djakove, je sais qu'il y avait Dragoslav, Dragan, ils étaient

25 quatre ou cinq me semble-t-il.

26 Q. Merci. Vous avez déjà abordé ce sujet, mais j'aimerais savoir

27 précisément, le jour où Otovic a été abattu, le jour dont nous parlions,

28 combien y avait-il de policiers serbes qui étaient venus dans la zone, le

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1 savez-vous ?

2 R. A dire vrai, il y avait beaucoup de policiers. Nous étions cachés. Mais

3 je ne pourrais pas vous dire exactement combien ils étaient. Je ne peux pas

4 vous dire s'ils étaient deux, trois ou cinq, mais ils étaient nombreux.

5 Q. Pendant la journée, est-ce qu'il y a eu des combats, des tirs ?

6 R. Oui, à partir de 9 heures, 9 heures et demie, jusqu'à 8 heures du soir,

7 à ce moment-là cela s'est arrêté.

8 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre s'il y avait des

9 hélicoptères ?

10 R. Oui, il y avait trois hélicoptères. J'en ai vu trois. Trois jeunes

11 Albanais ont été tués, je les connaissais et j'étais vraiment navré de ce

12 qui leur est arrivé.

13 Q. Est-ce qu'on a tiré des hélicoptères ?

14 R. Cela je ne l'ai pas vu, parce qu'ils allaient dans la direction de

15 Shaptej. Si je ne veux pas vous mentir, je ne peux pas vous dire s'ils ont

16 tiré ou pas. Je ne peux pas vous dire quelque chose que je ne sais pas.

17 Q. Je vous remercie. A la suite de ce qui s'est passé ce jour-là lorsque

18 M. Otovic a été abattu après ces combats que vous avez décrits, qu'est-ce

19 que vous et votre famille avez fait ?

20 R. Nous sommes restés à l'intérieur de la maison. Vers 6 heures, 6 heures

21 et demie du matin, j'ai demandé à ma famille ce qui se passait. Je savais

22 qu'Otovic avait été tué, mais je ne savais rien de ces trois jeunes hommes.

23 Parce que je vous l'ai dit, je me cachais. Ma femme et mes enfants m'ont

24 dit que ces trois jeunes hommes avaient été tués à l'école de Shaptej. Ils

25 m'ont donné leurs noms.

26 Q. Est-ce que vous êtes resté à Gllogjan ?

27 R. Oui, je suis resté à Gllogjan.

28 Q. Pendant combien de temps ?

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1 R. Pas très longtemps après la mort d'Otovic. Je ne peux pas vous dire

2 exactement à quelle date, mais il n'y a même pas un mois qui s'est écoulé

3 avant que je ne parte. L'UCK commençait à devenir plus nombreux, enfin il y

4 avait de plus en plus de gens. Un jour, j'ai vu beaucoup de membres de

5 l'UCK et je suis parti. Ils m'ont fait signe, moi je ne portais pas

6 d'uniforme, mes fils non plus.

7 Q. Monsieur Jollaj, essayons d'être un peu plus méthodique. Revenons en

8 arrière. Vous avez relaté cet épisode au cours duquel M. Otovic a été tué.

9 Vous avez parlé de ces combats-là. Essayez de vous remémorer ce qui s'est

10 passé.

11 R. Oui.

12 Q. Après cela, vous dites que vous êtes resté à Gllogjan. Combien de temps

13 avez-vous passé à Gllogjan après la mort de M. Otovic ?

14 R. Un petit bout temps.

15 Q. Ça, c'est utile.

16 R. Je ne suis pas sûr.

17 Q. Est-ce que c'est une affaire de jours, d'heures ou de semaines ?

18 Pendant combien de temps êtes-vous resté à Gllogjan après la mort de M.

19 Otovic ?

20 R. Je pense deux ou trois semaines.

21 Q. D'accord. Quand vous êtes parti, c'était pour aller où ?

22 R. Je suis allé à Gjakove. C'est là que ma femme était. Elle était à

23 l'hôpital pendant un mois et demi dans un état grave. Mon père et mes fils

24 aussi, ainsi que ma belle-fille.

25 Q. Attendez, ralentissez. Après que M. Otovic a été tué, vous dites que

26 vous êtes resté deux ou trois semaines à Gllogjan. Ecoutez-moi. Vous avez

27 passé deux ou trois semaines à Gllogjan, puis vous êtes allé à Gjakove.

28 Votre femme était à l'hôpital --

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1 R. Oui, je suis allé à Gjakove.

2 Q. Lorsque vous êtes allé à Gjakove --

3 R. Mon deuxième fils --

4 Q. [aucune interprétation]

5 R. Je suis resté avec des beaux-parents, de la belle-famille, parce que le

6 père de ma femme habitait là, ses frères aussi.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jollaj, écoutez, lorsque vous

8 avez donné votre réponse à une question, arrêtez-vous. Attendez qu'on vous

9 pose une question, que M. Di Fazio vous demande de répondre à une question.

10 Donnez des réponses courtes et n'interrompez pas M. Di Fazio, attendez

11 qu'il ait terminé.

12 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous êtes allé à Djakove, est-ce qu'il y a

14 des membres de votre famille qui sont restés eux à Gllogjan ?

15 R. Oui, mon père est resté, mon fils aîné, il avait 23, 24 ans, ma fille,

16 ma belle-fille, et leurs deux enfants. Eux sont restés dans le village. J'y

17 avais mon bétail et j'avais d'autres biens. J'avais notamment une voiture.

18 Q. Merci. Vous êtes allé à Gjakove, vous avez passé combien de temps à

19 Gjakove ?

20 R. Jusqu'à la fin de la guerre, je suis resté à Gjakove. Après quoi, je

21 suis revenu d'Albanie où je suis resté avec quelques connaissances. Mon

22 fils a travaillé dans une entreprise privée.

23 Q. Est-ce que vous êtes retourné à Gllogjan ?

24 R. Oui, nous sommes repartis à Gllogjan, mon fils, mon épouse et moi, nous

25 sommes allés voir la maison, le jardin, et nous avons fait réparer ma

26 voiture. Je restais là, je suis sorti, je suis allé me promener. Puis, j'ai

27 amené ma femme à un contrôle médical.

28 Q. Combien de temps avez-vous passé à Gllogjan à votre retour ?

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1 R. J'ai simplement passé une nuit à Gllogjan, puis je suis reparti parce

2 que je devais emmener ma femme.

3 Q. Mais vous deviez emmener votre femme où précisément ?

4 R. A l'hôpital.

5 Q. D'accord.

6 R. Il a fallu que je l'emmène à l'hôpital.

7 Q. Fort bien. Après cela, est-ce que vous êtes retourné à Gllogjan ?

8 R. Une seule fois j'y suis retourné pendant la guerre. Mon deuxième fils

9 est allé aussi à la maison, mais il est revenu. On n'était plus des

10 employés indépendants. Nous avons travaillé dans les villages. Nous ne

11 pouvions pas rester.

12 Q. Après que M. Otovic a été tué, est-ce que vous avez revu Ramush

13 Haradinaj ?

14 R. Après qu'Otovic a été tué, franchement je ne me souviens plus. Je ne

15 pense pas l'avoir revu. Peut-être qu'il est passé avec l'armée. Je ne sais

16 pas, parce que Ramush était à la tête de l'armée.

17 Q. Monsieur Jollaj, il n'est pas contesté que vous avez quitté Gllogjan.

18 Nous savons que vous avez quitté Gllogjan.

19 R. Oui.

20 Q. Ecoutez ma question. Faites bien attention, s'il vous plaît. Pourriez-

21 vous expliquer aux Juges qui vous écoutent pourquoi vous avez quitté

22 Gllogjan ? Pourquoi ? Quelle a été la raison qui a vous a poussé à quitter

23 Gllogjan ?

24 R. A cause de la situation de ma femme. Elle était dans un état grave. Il

25 y a six personnes qui lui ont donné du sang jusqu'au moment où elle a

26 retrouvé la vue. Il fallait que j'aille à l'hôpital avec elle, et il faut

27 dire que j'avais aussi un peu peur de rester à Gllogjan, parce qu'il y

28 avait des problèmes dans le village. J'avais peur de me faire tuer ou que

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1 quelque chose m'arrive.

2 Q. Mais pourriez-vous dire aux Juges pourquoi vous aviez peur que quelque

3 chose vous arrive ? Qu'est-ce qui vous dérangeait ? Qu'est-ce qui vous

4 embêtait ?

5 R. Il y a une autre raison. J'avais peur -- on raconte des histoires dans

6 le village. Ramush, le père de Ramush a dit, par exemple, que moi j'étais

7 du côté des Serbes, que j'avais travaillé pour les Serbes. C'est vrai que

8 je travaillais dans le privé avec les Serbes. Il fallait bien que je

9 travaille pour gagner ma vie, pour veiller aux besoins de ma famille. Je

10 n'ai pas regardé si la personne pour laquelle je travaillais était Serbe,

11 Musulmane, Catholique ou Albanaise.

12 Q. Pourriez-vous dire aux Juges comment ou par qui vous avez appris qu'on

13 disait ce genre de choses à votre propos ?

14 R. Mais on m'a dit ce genre de choses même avant la guerre. J'ai eu des

15 problèmes avec des jeunes qui m'ont dit : Tiens, tu fréquentes le Serbes.

16 Ça n'avait pas de sens. Moi, peu m'importait ce qui se passait en

17 politique. Je voulais simplement travailler, m'occuper des besoins de ma

18 famille.

19 Q. Ces jeunes qui vous ont dit ce genre de choses, est-ce que c'étaient

20 des jeunes du village ou est-ce qu'ils venaient d'ailleurs ?

21 R. Non. C'étaient des jeunes de mon propre village. C'étaient des amis, si

22 l'on peut dire.

23 Q. Essayez de vous rappeler si l'on disait ce genre de choses avant ou

24 après que le policier serbe Otovic a été tué.

25 R. On a dit ce genre de choses même avant. Mais moi, je n'ai pas fait

26 attention à ce qu'ils disaient ? Ils disaient, par exemple, que je

27 fréquentais les Serbes. Je m'occupais de mes propres affaires. J'essayais

28 de travailler, de gagner ma vie et la vie de ma famille. Parce que j'ai

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1 grandi avec ces gens, dans ce village avec eux.

2 Q. Que s'est-il passé après que ce policier serbe Otovic a été tué ? Est-

3 ce qu'on a dit ce genre de choses à votre propos après sa mort aussi ?

4 R. Oui, on a raconté des choses, mais ça n'avait aucun sens pour moi.

5 Q. D'accord. Vous dites qu'il y avait un certain rapport entre ces choses-

6 là et votre départ de Gllogjan. Vous avez aussi parlé de la maladie de

7 votre femme. Est-ce qu'en plus de ces raisons-là il y avait d'autres

8 raisons qui vous ont poussé à quitter Gllogjan ?

9 R. Mais il y avait ma femme qui était malade. Je le répète, ces histoires

10 je les entendues avant. Mais je me suis déplacé dans les villages sans

11 avoir de difficultés. J'ai passé toute ma vie dans ce village sans aucun

12 problème. Il n'y avait pas de problème avec ma femme.

13 Q. Ecoutez, Monsieur, faites de votre mieux pour dire aux Juges quand vous

14 avez vu Ramush Haradinaj pour la dernière fois ?

15 R. La dernière fois, je ne peux pas vous donner de réponse exacte. Je ne

16 sais pas. Je me souviens seulement qu'au début, lorsqu'ils sont sortis en

17 uniforme, ils se sont tous regroupés, et c'est à ce moment-là que j'ai

18 appris ce qu'était l'UCK, parce que jusque-là je ne savais rien. En tout

19 cas, je ne les avais pas vus. C'est vers 10 heures ou 12 heures ce jour-là,

20 quand je les ai vus qu'ils se préparaient, qu'ils préparaient les

21 positions, c'est à ce moment-là que j'ai vu Ramush la dernière fois. Je ne

22 pense pas l'avoir revu plus tard.

23 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

24 M. DI FAZIO : [interprétation] Merci. Je n'ai pas d'autres questions à vous

25 poser, Monsieur.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Di Fazio.

27 Maître Emmerson, vous êtes prêt à commencer ?

28 M. EMMERSON : [interprétation] Un instant, Monsieur le Président, s'il vous

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1 plaît. Je voudrais consulter mon client.

2 [Le conseil de la Défense et l'accusé Haradinaj se concertent]

3 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que vous me donnez un instant de plus

4 ? Je voudrais consulter mes confrères.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

6 [Le conseil de la Défense se concerte]

7 M. EMMERSON : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser à ce

8 témoin, Monsieur le Président.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 Questions de la Cour :

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jollaj, j'aurais quelques

12 questions à vous poser. Vous avez dit que vous étiez tout près de la maison

13 de Ljubica lorsque vous avez entendu des coups de feu. Pourriez-vous nous

14 dire si vous aviez déjà dépassé la maison Ljubica lorsque vous avez entendu

15 les coups de feu, ou si vous étiez exactement là où se trouvait sa maison,

16 ou si vous étiez en train d'approcher sa maison ?

17 R. J'approchais de la maison, j'étais tout près.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire à quelle

19 proximité ? A dix mètres, à cinquante mètres ?

20 R. Je ne peux pas vous dire. Je suis désolé, je n'en suis pas sûr. Il y a

21 un champ qui sépare les deux maisons, il y a la route aussi. Je ne sais

22 pas. Je dirais cinquante mètres tout au plus.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous êtes descendu de

24 votre bicyclette une fois que vous avez entendu ces coups de feu, ou ce

25 coup de feu. Pourriez-vous nous dire si vous êtes descendu de votre

26 bicyclette avant d'atteindre la maison de Ljubica ?

27 R. J'avais déjà dépassé la maison de Ljubica. J'étais à dix, quinze mètres

28 au-delà et entre la maison de Ljubica et la rue principale qui mène à

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1 Gllogjan, voilà où je me trouvais.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai encore une question à vous poser,

4 s'il vous plaît. Vous avez dit auparavant que Ramush Haradinaj est sorti de

5 la maison avec un fusil. Etait-ce après que vous ayez entendu le coup de

6 feu ?

7 R. C'était lorsque je m'approchais de la maison de Ramush. J'ai vu les

8 policiers lorsqu'ils ont appelé et Hilmi, c'est-à-dire le père de Ramush,

9 est sorti. Immédiatement derrière lui, Ramush est sorti avec un fusil et il

10 a tiré sur Otovic, le tuant. C'est ce que j'ai vu. J'ai vu Otovic tomber et

11 j'ai immédiatement tenté de partir. Ce n'était qu'à 50 mètres de distance,

12 et les balles étaient là. Comme je l'ai dit auparavant, j'ai couru en

13 direction de Baballoq. Je me suis arrêté et j'ai rejoint le groupe de gens

14 qui essayaient de quitter le village. Des familles entières, enfants,

15 femmes, et cetera. Ensuite, l'armée est arrivée, il y avait des coups de

16 feu tirés de toutes parts.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de temps cela vous a-t-il pris

18 pour arriver au ruisseau où vous disiez que d'autres personnes étaient déjà

19 rassemblées.

20 R. Il y avait des gens qui partaient et quittaient leurs maisons --

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde. Veuillez vous concentrer

22 sur ma question. Combien de temps cela vous a-t-il pris du moment où vous

23 êtes descendu de bicyclette jusqu'à l'endroit où vous avez dit avoir vu

24 d'autres gens ? Etait-ce une minute, trois minutes, et cetera, le temps

25 nécessaire pour traverser le champ ?

26 R. Je ne sais pas, à vrai dire. Environ dix minutes, je dirais. Je suis

27 allé vers le ruisseau y rejoindre d'autres gens et plus loin, il y avait le

28 ruisseau. Il y avait nombre de personnes là, des familles entières, qui

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1 essayaient de partir. Je les ai aidées à traverser le ruisseau, à atteindre

2 l'autre côté en portant leurs enfants. J'ai essayé de les aider.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Savez-vous pourquoi ils se trouvaient

4 tous là, puisque d'après ce que j'ai compris ce n'était que quelques

5 minutes après que vous ayez entendu un coup de feu, ensuite que les autres

6 forces de police n'étaient pas encore arrivées sur place ?

7 R. Les gens avaient entendu les coups de feu tirés de la maison de Ramush

8 Haradinaj ainsi que des coups tirés dans d'autres endroits du village à

9 partir des maisons. Des familles entières sont donc parties immédiatement,

10 des enfants, des femmes, traversaient les champs, traversaient les

11 prairies. Toute la population tentait de partir. Ceci s'est produit très

12 peu de temps après les coups de feu. Les gens essayaient de se rendre à

13 Baballoq, Gramaqel, et d'autres villages. Tout le monde essayait de faire

14 sortir sa famille et de les emmener à Gjakove, où ils pouvaient.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi vous interrompre. J'aimerais

16 vous ramener à quelques points que vous avez mentionnés auparavant et je

17 vais vous donner lecture lentement d'un extrait de votre témoignage

18 aujourd'hui.

19 Vous avez dit : "C'était Hilmi, le père de Ramush, à qui le policier

20 a demandé quelque chose. En fait, je n'ai pas entendu ce que lui a demandé

21 le policier. Je n'ai entendu que les coups de feu."

22 Vous poursuivez ensuite en disant : "Ensuite, de loin j'ai vu Hilmi, le

23 père de Ramush, ensuite après les coups de feu, je n'ai plus rien vu du

24 tout. J'ai vu Ramush avec une arme sortir de la maison, mais j'avais peur

25 d'être tué aussi, comme je l'ai dit."

26 Ceci suggère que vous avez vu Ramush Haradinaj sortir de sa maison après

27 que vous ayez entendu les coups de feu, ou n'ai-je pas bien compris ?

28 R. Non, lorsque les policiers se sont rendus à la maison de Ramush proche

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1 de la grille, j'ai vu Hilmi qui leur parlait. Hilmi est entré et Ramush est

2 sorti avec un fusil entre les mains et il a tiré et j'ai vu Otovic tomber.

3 J'ai également reconnu les deux autres policiers, Momo Milic, parce qu'il y

4 avait des ouvriers qui travaillaient à ériger une clôture autour de la

5 maison. Momo Milic a pris l'un de ces ouvriers qu'il a utilisé comme

6 bouclier pour se protéger, et il est monté dans une voiture, comme ça. Il

7 est monté dans la voiture, ensuite il a fait signe à la police, et les

8 policiers d'Irzniq, Gjakove, Peje, et cetera, sont tous arrivés. L'armée

9 est arrivée aussi.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi vous interrompre ici. Je

11 vais vous donner lecture d'une partie de votre déclaration. Vous avez dit :

12 "Hilmi n'avait pas d'arme, il est arrivé à la porte pour parler aux

13 policiers. Ceci j'en ai entendu parler par la suite, je ne l'ai pas entendu

14 au moment même. Après la mort d'Otovic, j'ai entendu cela."

15 Qu'avez-vous entendu exactement, et dit par qui ?

16 R. Hilmi n'avait pas d'arme lorsqu'il est sorti de la maison et qu'il a

17 parlé aux policiers. Il n'était pas armé. Hilmi est entré pour appeler

18 Ramush, pour lui dire de sortir et de parler aux policiers.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous encore une fois écouter ma

20 question. Vous avez dit que vous avez entendu parler de ceci par la suite,

21 que vous ne l'aviez pas entendu au moment même. Vous avez dit : "Après la

22 mort d'Otovic, j'ai entendu dire cela".

23 Ma question est la suivante : qu'avez-vous entendu exactement après

24 la mort d'Otovic ? Ce que vous avez entendu, l'avez-vous entendu par ouïe-

25 dire par quelqu'un d'autre ?

26 R. Après qu'Otovic ait été tué - je l'ai vu se faire tuer - les gens dans

27 les maisons commençaient à tirer des coups de feu aussi. Il n'y avait

28 aucune maison dont ne partaient pas des coups de feu. A ce moment-là, j'ai

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1 décidé de partir et d'aller à Baballoq. Il n'y avait pas d'autre issue pour

2 moi. Comment aurais-je pu rester là ? Comme je vous l'ai déjà dit, Hilmi

3 n'était pas armé. Il est entré pour appeler Ramush et lui dire de sortir.

4 Ramush est sorti armé et il a tiré sur Otovic. Pendant 10 à 15 minutes, il

5 y avait des coups de feu tirés de partout dans le village. Je ne sais pas

6 comment vous expliquer mieux cela. Ce n'est qu'en étant présent vous-même

7 et en voyant les choses de vos propres yeux.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jollaj, je n'ai pas d'autres

10 questions à vous poser. Est-ce que les questions posées par les Juges de la

11 Chambre ont évoqué des points sur lesquels vous aimeriez interroger le

12 témoin ?

13 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Jollaj, Me Emmerson a une autre

15 question encore à vous poser.

16 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Emmerson :

17 Q. [interprétation] Je me demandais si le greffier pourrait nous aider,

18 s'il vous plaît, en examinant la liasse de documents qui sont disponibles,

19 et qui ont été mis à la disposition du greffe à Belgrade, et de prendre

20 l'intercalaire 22 [comme interprété] qui est une photographie aérienne de

21 la zone autour de la propriété Haradinaj. Puis-je demander que l'on

22 distribue des copies papier de la photographie aux Juges de la Chambre ?

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la photographie aérienne

24 1D0207033 ?

25 M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que non.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça ne l'est pas.

27 M. EMMERSON : [interprétation] C'est une nouvelle photographie aérienne,

28 c'est un document de l'Accusation.

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1 Puis-je vérifier d'abord avec le greffe. Il s'agit bien d'une

2 photographie en couleur avec un grand bâtiment au centre de la partie

3 basse. Peut-être pourrions-nous mettre cette photographie à l'écran ?

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, c'est une photographie.

5 Malheureusement, la photographie n'est pas annotée, il n'y a pas de numéro

6 ERN.

7 M. EMMERSON : [interprétation] C'est exact.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrions-nous montrer cette

9 photographie à la caméra qui se trouve à Belgrade pour que nous puissions

10 vérifier que nous regardons tous la même photographie ?

11 M. EMMERSON : [interprétation] Merci.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que non -- un instant, s'il

13 vous plaît. Oui, c'est bien cela, c'est clair. Veuillez poursuivre, s'il

14 vous plaît.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que pour le compte rendu d'audience,

16 on peut montrer que le témoin a la même photographie que nous ? Peut-elle

17 être marquée aux fins d'identification ?

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, cette pièce

19 portera le numéro ?

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D160, Monsieur le

21 Président, Messieurs les Juges.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

23 M. EMMERSON : [interprétation]

24 Q. [interprétation] Maintenant, si vous voulez bien examiner cette

25 photographie attentivement à l'instant, Monsieur Jollaj, vous y verrez une

26 route principale qui traverse la photographie de façon horizontale, ou

27 plutôt, en diagonale à partir du coin supérieur gauche à la moitié

28 inférieure droite de la photographie. Peut-être que le greffe pourrait

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1 aider à indiquer la route dont nous parlons. Une route qui traverse la

2 photographie en diagonale d'en haut à gauche vers la moitié en bas à

3 droite. Voyez-vous cela, Monsieur Jollaj ? Ce que je vous demande de faire

4 tout simplement, c'est de vous orienter par rapport à la photographie.

5 Voyez-vous la route ?

6 R. Je la vois.

7 Q. Il s'agit de la route principale qui mène de Dubrave à gauche --

8 R. Oui, je comprends, la route principale. C'est la route principale, je

9 vous suis bien. Sur la droite ici, je ne vois pas très précisément.

10 Q. Si vous voulez bien suivre mes questions un instant, s'il vous plaît.

11 Voyez-vous une rangée d'arbres qui traverse la partie inférieure gauche de

12 la photographie en diagonale pour rejoindre la route ? Voyez-vous cette

13 rangée d'arbres qui traverse en diagonale la partie gauche de la

14 photographie du bas vers le haut ? Voyez-vous cette rangée d'arbres ?

15 Pourriez-vous simplement me confirmer que vous voyez bien cette rangée

16 d'arbres, Monsieur Jollaj, s'il vous plaît ?

17 R. Oui. Ceci ici, c'est la partie bordée d'arbres sur la droite, je crois,

18 lorsqu'on va vers Gramaqel. C'est le ruisseau, le petit cours d'eau --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, il semble en fait qu'il

20 y ait quelque confusion. Tout le monde indique un endroit différent, je ne

21 vois pas la même chose à mon écran.

22 Madame la Greffière à Belgrade a indiqué la ligne d'arbres que vous avez à

23 l'esprit.

24 Madame la Greffière, auriez-vous l'obligeance encore une fois de montrer du

25 doigt la rangée d'arbres sur la photographie pour que nous puissions vous

26 suivre à l'écran ?

27 On peut le faire devant la caméra aussi. Vous avez montré du doigt --

28 pourriez-vous encore une fois présenter la photographie au témoin et lui

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1 montrer du doigt cette rangée d'arbres ou cette allée d'arbres ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Les arbres, oui.

3 M. EMMERSON : [interprétation]

4 Q. Vous voyez entre la route que nous avons indiquée et la rangée d'arbres

5 il y a un marquage blanc, un cercle blanc qui entoure un bâtiment qui

6 semble être en ruine, entre l'allée d'arbres et la route.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Encore une fois, si vous voulez bien

8 montrer du doigt devant la caméra pour le témoin, Madame la Greffière.

9 M. EMMERSON : [interprétation]

10 Q. Maintenant, pour que vous compreniez la photographie, Monsieur Jollaj,

11 ce cercle blanc que vous avez sous les yeux est l'endroit où se trouvait la

12 maison Stojanovic où elle était auparavant. Reconnaissez-vous cet endroit,

13 cet endroit comme étant la maison où se trouvait autrefois la maison des

14 Stojanovic ?

15 R. Oui.

16 Q. Si l'on s'arrête là un instant, est-ce là où vous vous trouviez lorsque

17 vous avez entendu les coups de feu, lorsque vous étiez sur la route

18 adjacente à cet endroit ?

19 R. Oui, j'étais à proximité.

20 Q. Maintenant, si vous examinez le grand bâtiment au centre de la

21 photographie, c'est la maison principale de la propriété Haradinaj. Il

22 s'agit du grand bâtiment au centre de la photographie. Evidemment, il

23 apparaît plus grand sur cette photographie qu'il l'était à l'époque ?

24 R. C'est peut-être la maison de Smajl Haradinaj --

25 Q. La grande maison --

26 R. Peut-être la maison de l'oncle de Ramush Haradinaj. Une qui appartient

27 à Haxhibeka, c'est également quelqu'un de la famille Haradinaj, et il y en

28 a une qui appartient à Smajl Haradinaj.

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1 Q. Pouvez-vous voir le grand bâtiment au centre de la photographie, juste

2 dessous la ligne médiane ? C'est un grand bâtiment avec un grand mur blanc

3 au centre de la photographie. Voyez-vous ce bâtiment ?

4 R. Oui.

5 Q. La moitié supérieure de ce bâtiment existait en 1998, je suppose ?

6 R. Oui.

7 Q. C'était la maison de Hilmi Haradinaj ?

8 R. Oui, c'était la maison de Hilmi Haradinaj.

9 Q. Donc, c'était la maison de Hilmi Haradinaj ?

10 R. Oui, Haradinaj.

11 Q. Pour que nous soyons bien certains, lorsque vous avez entendu les coups

12 de feu, dites-vous que d'où vous vous trouviez, vous pouviez voir où M.

13 Otovic se tenait au moment où les coups de feu ont été tirés ?

14 R. Je me suis dirigé vers la gauche et me suis éloigné un petit peu de

15 l'endroit où je me tenais, ensuite je suis allé me cacher, et après quoi je

16 suis allé à Baballoq.

17 R. C'est très important, Monsieur Jollaj, que nous fassions la distinction

18 entre ce qu'on vous a dit par la suite et ce que vous avez vu

19 personnellement à l'époque. Je vous pose la question quant au moment

20 exactement où vous avez entendu les coups de feu ? Vous avez dit qu'à ce

21 moment-là vous aviez entendu les coups de feu et que vous étiez sur la

22 route adjacente à la maison des Stojanovic. Je vous demande si vous pouviez

23 voir l'endroit où se trouvait M. Otovic lorsqu'il est tombé, l'avez-vous vu

24 tomber ? Est-ce que vous l'avez vu tomber de vos propres yeux ?

25 R. Je n'ai pas vu Otovic tomber, parce que j'avais trop peur. J'ai essayé

26 de courir aussi vite que possible parce que, comme je l'ai dit, je tenais

27 ma bicyclette et j'ai dû abandonner ma bicyclette. Les policiers arrivaient

28 et j'étais tout près de l'endroit où l'incident s'était produit. La maison

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1 se trouvait environ à une cinquantaine de mètres de la route, donc j'avais

2 peur.

3 Q. Je suis sûr que tout le monde comprendra que vous aviez peur et que

4 vous ne vouliez pas regarder, mais ce que je veux préciser c'est que vous

5 n'avez pas vu M. Otovic tomber de vos propres yeux. Avez-vous jamais vu son

6 corps joncher le sol ou n'avez-vous pas vu son corps non plus ?

7 R. Je n'ai même pas vu l'endroit où il est tombé. Je ne pouvais pas, je ne

8 pouvais pas voir, je ne pouvais même pas regarder dans cette direction. Je

9 vous dis la vérité, j'avais très peur. J'ai entendu un coup de feu et

10 j'essayais de m'enfuir pour sauver ma peau.

11 Q. Mais vous venez de nous dire que vous avez vu ou croyez avoir vu Ramush

12 avec un fusil. Puis-je essayer d'être au clair ?

13 R. Ramush avait une arme dans les mains.

14 Q. Et vous avez vu cela à partir de la maison Stojanovic ?

15 R. Oui, lorsque je suis passé à côté de la maison Stojanovic. Il y avait

16 un petit cours d'eau qui coulait à côté et c'était cette eau qui servait de

17 limite entre la parcelle de Ramush et celle des Stojanovic, et je l'ai vu

18 lorsqu'il a tiré. Immédiatement après, j'ai continué, je ne voyais plus

19 rien, je voulais m'enfuir.

20 Q. Je suis sûr que nous comprenons bien. Mais lorsque vous êtes passé en

21 marchant, vous n'avez pas vu où se trouvait M. Otovic à l'époque ?

22 R. Non. Je passais. Je ne voulais pas savoir ce qui s'était passé. Je

23 voulais juste m'enfuir. Je n'ai rien vu du tout.

24 Q. Donc on en revient à ceci, vous avez vu quelqu'un que vous pensiez être

25 Ramush Haradinaj, il portait un fusil, vous avez entendu des coups de feu,

26 ensuite vous vous êtes enfui ?

27 R. Oui, je me suis enfui.

28 Q. Très rapidement, si vous voulez bien, je vais soulever encore un point

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1 à cet égard.

2 R. Oui, je vous en prie.

3 Q. Voyez-vous l'endroit où la route principale traverse ou plutôt rejoint

4 -- donc c'est la route principale dont on a déjà parlé, et vous vous

5 trouviez à l'endroit où cette route principale rejoint la route qui va vers

6 la maison d'Haradinaj; est-ce que vous voyez cette intersection sur le plan

7 ?

8 R. Oui.

9 Q. Si je vous dis que le cadavre de M. Otovic aurait été retrouvé sur la

10 route principale, pourriez-vous nous dire --

11 R. Il n'était pas sur la route principale lorsqu'il a été tué, il était

12 près du portail de maison de Ramush à 10 à 15 mètres de la porte, du

13 portail, c'est approximativement à cette distance qu'il se trouvait, je

14 n'ai pas mesuré. Après ce qui s'est produit, comme je vous l'ai dit, je

15 n'ai pas regardé dans cette direction, je ne sais pas ce qui s'est passé,

16 je sais tout simplement qu'il y avait énormément de coups de feu qui ont

17 été tirés. Je voulais tout simplement m'enfuir le plus vite possible.

18 Q. Monsieur Jollaj, vous avez dessiné un plan pour représenter cet

19 incident au mois d'août 2002 lorsque vous avez été interviewé par

20 l'Accusation et, sur ce plan, vous avez indiqué un endroit où Otovic aurait

21 été tué, et vous avez indiqué cet endroit comme étant sur la route

22 principale ?

23 R. J'ai fait ce dessin moi-même et je pourrais d'ailleurs vous refaire le

24 dessin aujourd'hui, mais ce n'est pas une route principale. La route

25 principale de Gllogjan d'Irzniq -- d'Irzniq de Gllogjan et de Gllogjan à

26 Gramaqel, disons qu'il y a une sorte d'embranchement de cette route qui va

27 vers la maison de Ramush, c'est une tronçon de route assez longue mais il

28 n'a pas été tué sur la route principale qui va vers Gramaqel, il a été tué

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1 sur la partie de la route qui va vers la maison de Ramush. J'ai fait le

2 dessin moi-même.

3 Q. Oui, bien sûr, nous avons la déclaration que vous avez faite à l'époque

4 et le dessin que vous avez fait. Je ne vais pas maintenant proposer

5 d'examiner ce que vous avez dessiné à l'époque mais, Monsieur Jollaj, ce

6 que je vous dis est qu'en 2002, vous avez indiqué sur le plan que M. Otovic

7 aurait été tué sur la route principale en face de l'entrée de la maison

8 Haradinaj. D'ailleurs, dans le rapport des policiers, c'est à cet endroit-

9 là que l'on m'indique qu'il aurait été tué ?

10 R. Je ne l'ai peut-être pas très bien dessiné, je ne suis pas enseignant

11 de dessin, c'est un dessin approximatif. C'était pour vous aider, pour vous

12 donner une idée de ce qui s'est passé, mais il n'a pas été tué sur la route

13 principale.

14 Q. Lorsque vous avez vu l'homme que vous pensez être Ramush Haradinaj et

15 qui portait un fusil; est-ce que vous étiez toujours chez les Stojanovic,

16 ou plutôt, à côté de la maison des Stojanovic ?

17 R. Je n'étais pas chez lui, j'étais très proche de sa maison.

18 Q. Si je vous dis qu'il y a une distance d'environ 175 mètres entre

19 l'emplacement de la propriété Stojanovic et l'emplacement de la propriété

20 Haradinaj; est-ce que cela vous aide à nous dire à quelle distance vous

21 vous trouviez ?

22 R. J'ai quitté la maison des Stojanovic. Je vous l'ai indiqué tout à

23 l'heure. En ce qui concerne la distance en mètres par rapport à la maison

24 de Ljubica ou même entre la maison de Ramush et la maison de Ljubica, je ne

25 peux pas vous donner un chiffre exact. Peut-être 150, je ne puis pas vous

26 le dire avec exactitude, c'était peut-être plus proche encore.

27 M. EMMERSON : [interprétation] Je vous demande, Monsieur le Président, de

28 m'accorder quelques instants.

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1 [Le conseil de la Défense se concerte]

2 M. EMMERSON : [interprétation]

3 Q. Monsieur Jollaj, est-ce que vous pouvez nous aider si vous regardez

4 cette photo encore une fois. Lorsque vous avez pris la fuite à travers les

5 champs vers le ruisseau, est-ce que vous pouvez, soit nous le décrire, soit

6 nous montrer sur la photo si c'est plus facile. Quelle direction avez-vous

7 prise pour parcourir les champs vers le ruisseau ?

8 R. Je vais vous le dire. Je suis parti à gauche en venant de Gramaqel pour

9 entrer dans Gllogjan, je suis parti vers la gauche.

10 Q. Regardez la photographie et indiquez avec le stylo ou le crayon à quel

11 endroit vous avez quitté la route pour aller vers le ruisseau ?

12 R. Si vous me demandez la distance en mètres entre moi et la maison de

13 Ramush ou la distance entre la maison de Ramush et celle des Stojanovic, je

14 ne puis pas être précis, je ne voudrais pas mentir. J'étais entre la maison

15 des Stojanovic et celle des Haradinaj. C'est là où j'étais et à ce moment-

16 là, je suis parti à gauche, à gauche si vous venez du village de Baballoq -

17 -

18 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète, vers le village de Baballoq.

19 M. EMMERSON : [interprétation] Merci.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Di Fazio.

21 Nouvel interrogatoire par M. Di Fazio :

22 Q. [interprétation] Monsieur Jollaj, j'ai juste quelques questions à vous

23 poser. Le conseil de la Défense vous a dit que vous étiez à côté de la

24 maison Stojanovic. Alors, si vous repensez à ce moment-là, est-ce que vous

25 pourriez dire devant le prétoire avec un peu plus de précision quelle était

26 votre proximité par rapport à la maison des Stojanovic lorsque vous avez

27 assisté à ces événements, est-ce que vous étiez vraiment juste à côté ou à

28 une certaine distance; est-ce que vous pouvez le préciser ?

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1 R. Je venais de passer devant cette maison-là et je m'approchais de la

2 maison de Ramush, la maison Stojanovic était plus en bas, il y a un cours

3 d'eau, un ruisseau ou un cours d'eau qui traverse le milieu du village.

4 C'est un cours d'eau qui est utilisé à des fins d'irrigation. C'est en

5 quelque sorte une ligne de démarcation entre les deux maisons, Stojanovic

6 et Haradinaj. J'étais donc entre les deux maisons et j'ai pris à gauche en

7 direction de Baballoq. Comme je l'ai déjà dit, nous nous sommes reposés à

8 un endroit où il y avait d'autres familles, ensuite nous sommes partis.

9 Q. Une dernière question. D'accord. Vous avez dit que vous vous trouviez

10 entre les deux maisons, donc au milieu. Pouvez-vous nous dire --

11 R. Oui, oui, effectivement j'étais entre les deux maisons, entre celle de

12 Stojanovic et celle de Haradinaj.

13 Q. Voulez-vous bien attendre et je vous poserai la question.

14 R. Je vous prie de m'excuser.

15 Q. D'accord, attendez. Vous avez dit que vous étiez entre la maison des

16 Stojanovic, attendez, s'il vous plaît.

17 R. Oui.

18 Q. Merci. Très bien, est-ce que vous pouvez nous dire où vous vous

19 trouviez par rapport à la ligne d'arbres que vous voyez sur la photo ? Est-

20 ce que vous étiez avant ou après les arbres, lorsque vous avez vu les

21 événements impliquant M. Otovic ?

22 R. Il y avait quelque chose comme des clôtures. Il y avait des arbres un

23 peu plus loin. Et là il y avait une clôture. Il n'y avait pas de route.

24 Encore un peu plus loin, il y avait les arbres, mais la disposition de

25 l'endroit a changé. Elle n'est plus comme avant. Il y avait des clôtures et

26 il y avait des arbres, mais je ne les vois plus. Il y avait des haies, donc

27 il m'est difficile de savoir exactement où je me retrouvais.

28 Q. Lorsque vous avez vu ce que vous avez vu qui impliquait M. Otovic, y

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1 avait-il des arbres entre vous-même et M. Otovic ?

2 R. Oui, il y en avait. Il y avait des arbres devant la maison de Ramush,

3 il y avait une sorte de triangle. Il y a la route principale, ensuite une

4 parcelle en forme triangulaire, ensuite la route. Là, il y a l'oncle de

5 Ramush, ensuite ici il y a la maison de Ramush, et là il y a l'endroit avec

6 les arbres, et une clôture qui entourait cette terre.

7 Q. Est-ce qu'il y avait des arbres qui vous bloquaient la vue ?

8 R. Oui, on voyait avec difficulté. Les arbres m'empêchaient de bien voir.

9 Comme je l'ai dit, il y avait une clôture et les arbres.

10 Q. Merci.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il n'y a plus de questions, Monsieur

12 Jollaj, nous arrivons à la fin de votre témoignage. Je souhaite vous

13 remercier de vous être rendu à l'endroit où vous êtes actuellement et

14 d'avoir accepté de répondre aux questions posées par les parties et par les

15 Juges. J'espère que vous allez pouvoir bientôt rentrer chez-vous en

16 sécurité avec votre famille.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je vous ai dit ce que je savais; je ne

18 peux pas dire ce qui n'est pas vrai. Je vous ai dit ce que j'ai vu de mes

19 propres yeux et ce que je sais.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci pour cela, Monsieur Jollaj.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause, ensuite

23 nous allons poursuivre du témoignage par vidéoconférence avec le prochain

24 témoin. Nous allons suspendre l'audience jusqu'à 6 heures moins dix.

25 [Fin de la déposition du témoin par vidéoconférence]

26 --- L'audience est suspendue à 17 heures 29.

27 --- L'audience est reprise à 15 heures 58.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui va poser les questions au prochain

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1 témoin ?

2 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ce sera moi, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, merci.

4 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je souhaite faire la même chose que tout à

5 l'heure, c'est-à-dire nous serons à huis clos, enfin je pense que nous le

6 sommes, je vais consulter -- nous sommes maintenant en audience publique,

7 malgré ce qui figure à l'écran qui dit huis clos partiel ou huis clos, mais

8 avant de démarrer la liaison en vidéoconférence, nous allons passer en

9 audience à huis clos.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

11 Juges, nous sommes maintenant à huis clos.

12 [Audience à huis clos]

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27 [Audience publique]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Nous avons décidé d'accorder les

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1 mesures de protection demandées par le témoin. Ce sera le Témoin 65. Les

2 traits de son visage seront déformés ainsi que sa voix.La décision sera

3 motivée par la suite, mais nous avons besoin d'une suspension de 15 minutes

4 pour préparer tous les aspects techniques de la déposition du témoin.

5 Nous reprendrons dans 15 minutes.

6 --- L'audience est suspendue à 18 heures 20.

7 --- L'audience est reprise à 18 heures 34.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin 65, c'est d'abord Mme

9 Gustafson qui va vous poser des questions.

10 Vous avez la parole, Madame.

11 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

12 Pouvons-nous passer à huis clos partiel ?

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

15 le Président.

16 [Audience à huis clos partiel]

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22 [Audience publique]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

24 Monsieur le Témoin 65, je tiens à vous préciser que nous sommes désormais

25 en audience publique, ce qui veut dire qu'on peut vous entendre sans

26 toutefois qu'on voit votre visage, votre nom ne sera pas entendu ni utilisé

27 et votre voix ne sera pas entendue. Rappelez-vous, si vous voulez parler de

28 membres de famille, dites simplement mon frère, mon cousin, ou dites votre

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1 village.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Sans même parler du nom du village ?

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Dites simplement votre village. Si

4 vous dites "mon village", nous saurons duquel il s'agit.

5 Poursuivez, Madame Gustafson.

6 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

7 Q. Que faisiez-vous, Monsieur le Témoin 65 ? Quel métier aviez-vous,

8 faisiez-vous lorsque vous viviez dans votre village en 1998 ?

9 R. Est-ce que vous pourriez répéter votre question.

10 Q. Oui. Comment gagniez-vous votre vie ?

11 R. Vous parlez de ma profession ? Je travaillais de façon privée.

12 Q. Qu'est-ce que vous faisiez exactement ?

13 R. Je faisais des petits boulots ici et là.

14 Q. Est-ce que vous avez travaillé pour d'autres familles dans le village,

15 autour du village ?

16 R. J'ai travaillé pour ma propre famille.

17 Q. Avez-vous aussi travaillé pour d'autres familles du village ?

18 R. Pour d'autres familles ? Je ne vous comprends pas.

19 Q. Un exemple, est-ce que vous faisiez des petits boulots pour d'autres

20 personnes qui ne faisaient pas partie de votre famille ? Est-ce que vous

21 avez travaillé sur les terres d'autres personnes ?

22 R. Oui, oui.

23 Q. Ces personnes pour qui vous avez travaillé, pour qui vous faisiez des

24 petits boulots sur les terres desquelles vous travailliez, ces personnes,

25 de quelles appartenances ethniques étaient-elles ?

26 R. Il y avait des Albanais, des Serbes. On vivait ensemble, côte à côte.

27 Q. Est-ce que votre frère et votre père faisaient la même chose que vous,

28 c'est-à-dire qu'ils faisaient des petits boulots pour des familles ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous et votre famille, est-ce que vous êtes partis de votre village,

3 est-ce que vous avez déménagé de ce village en 1998 ?

4 R. Oui. Nous sommes tous partis du village, mon frère, mon père, nous

5 tous, on est partis lorsque la guerre a éclaté.

6 Q. Quand précisément est-ce que vous êtes partis du village ? Si vous ne

7 vous souvenez pas de la date exacte, dites-nous peut-être le mois ou la

8 saison.

9 R. C'était au printemps quand c'était le début de la guerre.

10 Q. Le jour où vous êtes partis du village, vous êtes partis quand ? Le

11 matin ? L'après-midi ? Fin d'après-midi ? Début de soirée ? Quand ? A quel

12 moment êtes-vous partis ?

13 R. Il devait être 1 heure ou 2 heures. Franchement, on n'a même pas pensé

14 à regarder quelle heure il était.

15 Q. Quand vous dites 1 ou 2 heures, vous parlez de 1 ou 2 heures de

16 l'après-midi ou du matin ?

17 R. De 1 ou 2 heures de l'après-midi.

18 Q. Le jour où vous êtes partis de votre village à 1 heure ou 2 heures de

19 l'après-midi, est-ce qu'il s'est passé quelque chose dans votre village ce

20 matin-là avant que vous ne partiez ?

21 R. Oui, oui. Des Albanais sont venus. Ils ont demandé à mon père où ses

22 fils étaient. Ils ont dit : Pourquoi est-ce que tu ne dis pas à tes fils de

23 porter l'uniforme ?

24 Q. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez vu, que vous avez entendu

25 vous-même, ou est-ce que ceci vous a été relaté ?

26 R. C'est mon père qui me l'a dit. Moi, je n'étais pas là. Je travaillais.

27 Il fallait bien que je gagne la vie de ma famille. Puis, nous sommes partis

28 du village. Nous sommes allés ailleurs, pas loin de là, à une ou deux

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1 heures de là.

2 Q. Lorsque votre père vous a dit que des Albanais étaient venus et lui

3 avaient demandé pourquoi ses fils ne portaient pas l'uniforme, est-ce qu'il

4 vous a dit de quel uniforme ces gens voulaient parler ?

5 R. Mais l'uniforme albanais.

6 Q. L'uniforme d'une force armée, d'une organisation ?

7 R. De l'UCK. Ceux qui sont venus chez nous ne portaient pas l'uniforme.

8 C'étaient des civils. C'est ce que mon père m'a dit.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a une certaine confusion quant aux

10 uniformes et au port ou non de cet uniforme. Vous pourriez peut-être

11 apporter une précision.

12 Monsieur le Témoin, votre père vous a dit que ceux qui étaient venus lui

13 avaient demandé pourquoi ses fils ne portaient pas l'uniforme. Ces hommes,

14 ils s'attendaient à voir quel uniforme ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont dit : Pourquoi est-ce que tu ne

16 demandes pas à tes fils de nous rejoindre ?

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est qui "nous" rejoindre.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Albanais.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez d'une force particulière ?

20 Si ces hommes ont dit : Pourquoi est-ce que tu ne nous rejoins pas ? De qui

21 voulaient-ils parler ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, des Albanais.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon père leur a dit ceci : Je ne peux pas

25 demander à mes fils de vous rejoindre; sinon, je vais rester tout seul avec

26 les filles.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit de rejoindre les Albanais.

28 Puisqu'ils parlent d'uniforme, est-ce que votre père a compris ceci d'après

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1 ce qu'il vous a dit comme étant que vous devriez rejoindre une force armée

2 albanaise ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Connaissez-vous des noms d'une telle

5 force d'armée ou est-ce que votre père aurait mentionné le nom d'une telle

6 force armée que vous auriez été censé rejoindre?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils venaient de Gllogjan. Il ne les

8 connaissait pas. Il disait qu'ils étaient de Gllogjan.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je vous ai demandé si la force

10 armée que vous étiez censé rejoindre, ou du moins cela avait été suggéré,

11 est-ce que cette force armée portait l'uniforme, et l'uniforme de quoi

12 exactement ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] De l'armée de libération, les Albanais, l'UCK.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Madame Gustafson.

15 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Guy-Smith.

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Peut-être que j'ai mal compris le

18 témoignage de ce matin, mais d'après ce que j'ai compris lors de la

19 déposition du témoin, à la ligne 5, les gens qui étaient venus ne portaient

20 pas d'uniforme. C'étaient des civils. Je voulais simplement en être sûr,

21 parce que le mot "ils," au pluriel, a été utilisé à plusieurs reprises.

22 Alors, je voudrais savoir s'il s'agissait bien des mêmes individus, ceux

23 qui avaient une conversation avec son père. Je voulais simplement m'assurer

24 que j'avais bien lu le compte rendu d'audience.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que j'avais compris.

26 M. GUY-SMITH : [interprétation] Bien.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si Mme Gustafson veut bien poursuivre

28 sur ce point.

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1 Veuillez poursuivre.

2 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Les aveux du témoin me satisfont. Je vais

3 passer à autre chose.

4 Q. A ce moment-là quand votre père vous a relaté ladite conversation,

5 apparteniez-vous à l'UCK ?

6 R. Non.

7 Q. Et votre frère ?

8 R. Non, nous sommes partis, nous avons quitté le village. Nous avons

9 quitté la maison immédiatement, le jour même, mon frère, ma mère, les

10 enfants, mes sœurs qui étaient mariées.

11 Q. Merci. Mais avant que vous ne quittiez le village, avez-vous jamais

12 fait partie de l'UCK ?

13 R. Non.

14 Q. Votre frère n'a-t-il jamais appartenu à l'UCK avant cette date-là ?

15 R. Non.

16 Q. Votre cousin, est-ce qu'il faisait partie de l'UCK avant cette date ?

17 R. Non. Non, non. Aucun de nous ne faisait partie de l'UCK. Nous n'étions

18 d'aucun côté. Nous travaillions simplement pour gagner notre pain

19 quotidien.

20 Q. Merci.

21 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pourrions-nous passer à huis clos partiel,

22 s'il vous plaît, Monsieur le Président ?

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis

24 clos partiel.

25 [Audience à huis clos partiel]

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1 [Audience publique]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

3 Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.

4 Mme GUSTAFSON : [interprétation]

5 Q. Vous avez dit qu'ils sont venus et qu'ils ont pris votre frère. Vous

6 souvenez-vous de la date à laquelle ils ont pris votre frère ?

7 R. C'était le 4 juillet.

8 Q. Le 4 juillet 1998 ?

9 R. Je ne sais pas. Mon père m'a dit à quelle date il avait été pris. Je ne

10 sais pas où ils l'ont amené. Je l'ai cherché partout, mais je ne l'ai pas

11 retrouvé.

12 Q. C'était le 4 juillet. A quelle heure de la journée lorsqu'ils sont

13 venus et ils ont pris votre frère ? Etait-ce le matin ? L'après-midi ? La

14 soirée ? A quel moment de la journée ?

15 R. C'était aux alentours de midi ou quelque part. Non, je n'avais pas de

16 montre, j'étais dans la cour et j'avais un fruit dans la main.

17 Q. Donc vous entriez dans la cour et il était 12 heures, environ midi.

18 Est-ce que votre frère se trouvait dans la cour avec vous ?

19 R. Oui, mon frère était dans la rue, un petit peu plus haut. C'est là

20 qu'ils l'ont pris. Nous étions en train de manger, ils sont arrivés, ils

21 m'ont demandé où était mon cousin et j'ai répondu en disant que je ne

22 savais pas, ensuite ils m'ont frappé.

23 Q. Merci.

24 R. Ensuite ils m'ont frappé, puis-je poursuivre ?

25 Q. Je sais que ceci est très difficile, mais j'aimerais simplement que

26 vous répondiez à mes questions une par une, que vous attendiez la question

27 suivante avant de répondre et que vous essayiez de rendre vos réponses

28 aussi brèves que possible. Bien. Maintenant vous avez dit --

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1 R. Bien. Nous pouvons recommencer.

2 Q. Je vous ai demandé si votre frère était dans la cour avec vous, vous

3 avez dit oui, et vous avez dit mon frère était dans la rue. Où se trouvait

4 votre frère quand ces gens sont arrivés et l'ont pris ?

5 R. Là, (expurgé). Il est sorti dans la rue, moi j'étais en train de

6 manger avec d'autres. Il est sorti --

7 Q. Merci.

8 R. Excusez-moi. En fait, il est sorti acheter des cigarettes.

9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Gustafson.

11 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pourrions-nous passer à huis clos

12 partiel, s'il vous plaît ?

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

14 [Audience à huis clos partiel]

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21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

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1 [Audience publique]

2 Mme GUSTAFSON: [interprétation]

3 Q. Vous avez dit que votre frère est sorti dans la rue. Est-il revenu dans

4 la cour où vous vous trouviez ?

5 R. Non, non. Ils l'ont emmené quand il était dans la rue, à l'extérieur.

6 Q. Et --

7 R. Je suis sorti et je leur ai dit : Mais n'emmenez pas mon frère.

8 Q. Etait-ce dans la rue immédiatement à l'extérieur de la cour dans

9 laquelle vous vous trouviez ?

10 R. Ce n'était pas très loin d'où je me trouvais quand je suis sorti. Je

11 leur ai dit de ne pas emmener mon frère. Ils l'ont mis dans une voiture,

12 ensuite ils sont revenus vers la cour où je me trouvais, ensuite ils m'ont

13 roué de coups, ont malmené ma femme et l'ont insultée.

14 Q. Avez-vous vu les gens qui ont emmené votre frère alors qu'il

15 s'approchait ?

16 R. Oui. Oui, je les ai bien vus. Je m'en souviens très clairement.

17 Q. Sont-ils arrivés dans un véhicule ou à pied ?

18 R. Ils ont laissé le véhicule dans la rue. Ils étaient là avec mon frère,

19 ensuite ils sont venus où je me trouvais. Lorsqu'ils m'ont roué de coups,

20 je me suis relevé, je me suis remis debout.

21 Q. Combien de véhicules y avait-il et combien de personnes sont venues ?

22 R. Je ne sais pas, je ne les ai pas comptés, mais je sais qu'il y en avait

23 beaucoup. Sept ou huit voitures, je dirais. Un des individus portait des

24 vêtements noirs, une capuche noire qui lui couvrait le visage. Il m'a

25 demandé : (expurgé) J'ai répondu : Je ne sais pas. Je lui ai dit :

26 Je ne le connais pas - en fait, je n'ai pas dit que je ne le connaissais

27 pas, mais j'ai dit que je ne savais pas où il se trouvait.

28 Q. Merci.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je jette un coup d'œil à l'horloge.

2 Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est peut-être un bon moment pour nous

3 interrompre.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi ?

5 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je disais simplement que c'était un bon

6 moment pour nous interrompre.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

8 Témoin 65, nous allons suspendre l'audience. Il est 19 heures. Nous

9 allons reprendre demain matin à 9 heures. Nous aimerions vous revoir à ce

10 moment-là et j'aimerais vous inviter à ne parler à personne de votre

11 déposition préalable, de votre déclaration et de celle que vous allez faire

12 demain.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La séance est levée.

15 Monsieur le Greffier, dans quelle salle nous réunissons-nous demain ? Est-

16 ce en salle III ?

17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La séance est levée jusqu'à demain

19 à 9 heures en salle III, demain 11 septembre.

20 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mardi 11 septembre

21 2007, à 9 heures 00.

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