Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 3 octobre 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 23.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez citer le

6 numéro de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-04-84-T, le Procureur

8 contre Ramush Haradinaj et consorts.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, comme vous le savez, la

10 Chambre ce matin a accordé la liberté provisoire à M. Haradinaj, et M.

11 Haradinaj, n'est-ce pas, a accepté que nous poursuivions en son absence.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaiterais ajouter à cela que la

14 Chambre déplore les circonstances qui ont poussé M. Haradinaj à demander sa

15 mise en liberté provisoire.

16 M. EMMERSON : [interprétation] Je souhaiterais, quant à moi, présenter

17 toutes mes condoléances et celles des équipes de la Défense à l'occasion du

18 décès du neveu de M. Haradinaj, un petit garçon de 11 ans qui est décédé

19 hier à Prishtine dans un accident de voiture. Je remercie la Chambre de la

20 célérité avec laquelle elle a agi.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re.

22 M. RE : [interprétation] Nous aussi, nous présentons nos condoléances à M.

23 Haradinaj et à sa famille.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question de procédure se pose à

25 nous, à savoir ce qu'il en est du témoin de demain et où la Chambre en est-

26 elle. Cela représente une grosse charge de travail et nous avons donné la

27 priorité à d'autres éléments jusqu'à présent donc nous ne pouvons pas

28 répondre.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] Si j'ai bien compris, l'Accusation va

2 déposer une réponse écrite cet après-midi, n'est-ce pas.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re ?

4 M. RE : [interprétation] Une réponse, effectivement, qui sera brève, qui

5 sera écrite et qui portera sur les aspects juridiques de la question

6 évoquée par M. Haradinaj. Nous répondrons de manière générale aux arguments

7 développés. Ce ne sera pas très long comme réponse, et nous le déposerons,

8 ce document, plus tard aujourd'hui, en tout cas ce soir.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous en prendrons connaissance et nous

10 allons essayer d'avancer autant que faire se peut, mais comme je l'ai déjà

11 dit, ça représente beaucoup de travail, tout cela. Il s'agit d'étudier les

12 annexes notamment ce qui représente une charge de travail importante, je le

13 répète. Je ne sais pas si nous pourrons en terminer de notre tâche d'ici

14 demain après-midi. On verra.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Je précise que nous n'avons reçu la

16 déclaration et les annexes qu'à 23 heures mercredi dernier. C'est la raison

17 pour laquelle nous soumettons la question à la Chambre comme nous l'avons

18 fait. C'est aussi la raison pour laquelle nous avions dit qu'il vaudrait

19 mieux que le témoin soit entendu demain, pour que nous ayons suffisamment

20 de temps -- ou plutôt qu'il y ait un autre témoin entendu demain pour que

21 nous ayons suffisamment de temps.

22 M. GUY-SMITH : [interprétation] Autre question juridique que nous avons

23 soulevée, c'est la question de la présentation des annexes comme ça a été

24 fait en l'espèce.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'imagine, Maître Harvey, que vous

26 abondez dans le sens de vos collègues ?

27 M. HARVEY : [interprétation] Effectivement.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, est-ce que l'Accusation est

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1 prête à citer son témoin suivant ?

2 M. RE : [interprétation] Oui. Il s'agit du professeur Lecomte, et c'est M.

3 Dutertre qui va l'interroger.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre donc.

5 Je vais demander à l'huissière de bien vouloir faire entrer le témoin

6 dans le prétoire.

7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

8 M. LE JUGE ORIE : Bonjour, Madame. Vous êtes Mme Lecomte ?

9 LE TÉMOIN : Je suis le professeur Lecomte.

10 M. LE JUGE ORIE : Oui, Madame le Professeur. Soyez la bienvenue dans cette

11 salle d'audience. Je continuerai en anglais, si vous me permettez.

12 Les règles de procédure demandent que vous donniez une déclaration

13 solennelle. Est-ce que je peux vous inviter de faire cette déclaration

14 solennelle en votre langue, et le texte vous sera donné par l'huissière.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 LE TÉMOIN: DOMINIQUE LECOMTE [Assermentée]

18 M. LE JUGE ORIE : Merci beaucoup.

19 [Interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

20 Vous allez, en premier lieu, être interrogée par M. Dutertre, qui

21 représente le parquet ici.

22 Monsieur Dutertre, vous avez la parole.

23 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

24 Interrogatoire principal par M. Dutertre :

25 Q. Madame Lecomte, je vais, de façon assez classique, vous demander de

26 décliner vos éléments d'identité. Mais avant toutes choses, je vais vous

27 demander lorsque nous parlons vous et moi en français de bien prendre la

28 peine avant de répondre de voir que la traduction sur l'écran en anglais

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1 est terminée de sorte à ce que les traducteurs puissent ne pas être

2 débordés et qu'il n'y ait pas de problèmes entre la fin de la traduction de

3 la question et le début de votre réponse et inversement.

4 Donc, vous vous appelez bien Dominique Lecomte et vous êtes de nationalité

5 française ?

6 R. Je m'appelle Dominique Lecomte et je suis de nationalité française, et

7 je suis professeur en médecine légale à l'Université de Paris V, médecin

8 inspecteur, directeur de l'institut médico-légal de Paris.

9 Q. Votre date et votre lieu de naissance, s'il vous plaît ?

10 R. Je suis née 1946 à Tignieu-Jameyzieu, dans l'hiver.

11 Q. Et quel jour et mois précisément ?

12 R. Le 17 mars 1946.

13 Q. Je vous remercie.

14 M. DUTERTRE : J'aimerais appeler sur les écrans la pièce 65 ter 2072, qui

15 est un curriculum vitae. Donc, 65 ter 2072.

16 Q. Cela va paraître sur votre écran, Madame Lecomte, dans quelques

17 instants.

18 Professeur, est-ce que c'est là votre CV ?

19 R. Je pense.

20 Q. Je vous remercie.

21 M. DUTERTRE : J'aimerais maintenant appeler la pièce 65 ter 2073. Pièce 65

22 ter 2073.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, est-ce que vous

24 demandez le versement au dossier du CV ? Sinon, on va avoir beaucoup de

25 documents qui auront la même cote. Mieux vaut peut-être lui donner une cote

26 tout de suite.

27 M. DUTERTRE : Immédiatement, Monsieur le Président, je demande le

28 versement.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P926.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

4 Est-ce qu'il y a des objections ?

5 Non, la pièce est versée au dossier.

6 Veuillez continuer.

7 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

8 Je souhaite maintenant appeler la pièce 65 ter 2073.

9 Q. Professeur, cette pièce apparaît maintenant sur votre écran. Est-ce que

10 vous pouvez confirmer qu'il s'agit du CV de votre collègue le Dr Walter

11 Vorhauer ?

12 R. [hors micro]

13 Q. Je vous remercie.

14 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

15 M. DUTERTRE : [chevauchement]

16 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P927.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

20 Pas d'objection du côté de la Défense ? La pièce P927 est versée au

21 dossier.

22 Veuillez poursuivre.

23 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

24 J'aimerais appeler maintenant la pièce 65 ter 2071. Pièce 65 ter 2071.

25 Q. Professeur, est-ce que vous reconnaissez ce document comme étant le

26 premier rapport d'expertise que vous avez effectué concernant le

27 déroulement des opérations médico-légales au lac et canal Radonjic en

28 septembre 1998 ?

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1 R. Je le confirme.

2 M. DUTERTRE : J'aimerais afficher dans Sanction la page 31 de ce rapport,

3 page 31, merci, et agrandir la partie haute.

4 Q. Vous voyez ce document sur votre écran, Madame Lecomte ?

5 R. Tout à fait.

6 Q. Professeur, diverses questions vous ont été posées et notamment cette

7 question que je lis et à laquelle vous répondez ensuite. La question était

8 : "Donnez un avis sur la manière dont la levée des corps et la numérotation

9 des corps, le transport des corps, leur préservation, leur autopsie et leur

10 identification ont été effectués ainsi que sur la 'traçabilité' desdits

11 corps -- ainsi que sur la 'traçabilité' desdits corps."

12 Vous répondez : "La concordance entre les photos de découverte des corps et

13 les photos des opérations d'autopsie -- la concordance entre les photos de

14 découverte des corps et les photos des opérations d'autopsie permet

15 d'apprécier la traçabilité -- permet d'apprécier la traçabilité. Il nous

16 est indiqué que les corps ont été transportés sous protection de

17 'patrouilles' -- il nous est indiqué que les corps ont été transportés sous

18 protection de 'patrouilles' jusqu'à l'hôtel Pastrik à Djakovica. Les

19 autopsies ont été effectuées dans des conditions correctes compte tenu du

20 contexte environnemental -- compte tenu du contexte environnemental."

21 J'ai quelques questions par rapport à cette réponse. Est-ce que vous

22 pourriez nous en dire davantage sur la traçabilité des corps entre la scène

23 de crime et les autopsies à l'hôtel Pastrik ? Est-ce que vous pouvez

24 détailler vos conclusions sur ce point ?

25 R. Les photos qui ont été prises -- en fait nous avons travaillé sur des

26 documents photographiques et sur des rapports. Les photos qui ont été

27 prises concernant les levées de corps, pour certaines d'entre elles

28 portaient sur les corps trouvés sur les lieux, et pour la plupart situés

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1 dans les bâches avant d'être transportés. La numérotation de ces bâches

2 nous a posé problème, parce qu'en fait cette numérotation était libre, elle

3 n'était pas fixée au corps lors du ramassage. Néanmoins, la numérotation

4 correspondait à celle qui a été retracée dans les rapports de nos collègues

5 qui ont effectué les autopsies. Et l'aspect des corps, lorsque nous avions

6 les photos dans la bâche au moment du ramassage, correspondait à l'aspect

7 des corps lorsque nous avions les photos sur les tables d'autopsie. Donc,

8 nous n'avons pas eu de difficulté, je dirais, concernant cette traçabilité.

9 Q. Je vous remercie. Sur la troisième phrase de votre réponse, qui se lit

10 ainsi : "Les autopsies ont été effectuées dans des conditions correctes,

11 compte tenu du contexte environnemental." Je l'ai déjà lu.

12 Est-ce qu'il vous est possible de développer un peu cette conclusion et de

13 donner davantage de détails, notamment par rapport à cette référence

14 contenue du contexte environnemental, cette référence que vous faites ?

15 R. Je pense que les termes que j'ai utilisés de "difficultés

16 environnementales" était un terme, je dirais, très large pour expliquer

17 peut-être l'ensemble des difficultés qu'avaient rencontrées mes collègues,

18 je dis bien sur les lieux de relevé -- de levée de corps. Le travail qui a

19 été fait - et je le mets dans ce premier rapport - qui a été fait sur

20 l'étude, je dirais, médico-légale des corps lorsqu'ils se sont trouvés dans

21 l'institut où ils ont été travaillés, voire même à distance après, à

22 Belgrade, au niveau anthropologique, fait que ces travaux étaient

23 minutieux. Il a été fait par des médecins légistes qui sont comme tous les

24 médecins légistes, je dirais, du monde, des observateurs les plus fins

25 possibles. Donc ces observations des corps apportés sur les lieux de

26 l'examen médico-légal, à distance du lieu de levée de corps, étaient

27 minutieux. Les travaux effectués sur la levée de corps nous ont posé de

28 gros problèmes.

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1 Q. Je voulais juste focaliser sur les autopsies elles-mêmes dans un

2 premier temps. Permettez-moi même de vous interrompre. Quand vous dites

3 "l'institut", vous faites référence au local à l'hôtel Pastrik où les

4 autopsies ont été faites, est-ce que c'est bien --

5 R. Tout à fait, Monsieur.

6 Q. Entendu, je vous remercie pour la clarté.

7 M. DUTERTRE : Je souhaite maintenant afficher la page 30 dans Sanction,

8 laquelle se lit - le paragraphe qui m'intéresse est le second paragraphe :

9 "Les causes de la mort dans les conclusions des rapports ont été données,

10 mais on peut reprocher une certaine ambiguïté. En effet, il est souvent

11 écrit que la cause de la mort ne peut être déterminée alors qu'il existe

12 des plaies par arme à feu ou des traumatismes osseux nettement

13 identifiables."

14 Ma question est la suivante, Professeur : est-ce que vous pouvez

15 expliciter ce que vous entendez par là, et indiquer les raisons de cet

16 ambiguïté ?

17 R. Lorsque nous avons travaillé sur les rapports d'autopsie effectués par

18 nos collègues médecins légistes serbes, le travail était minutieux. Je

19 viens de vous le dire. Les observations -- on voyait très bien, ils

20 expliquaient très bien les plaies par armes à feu. Ils expliquaient très

21 bien les traumatismes. D'ailleurs, les photos effectuées que nous avions pu

22 avoir en notre possession montraient les traumatismes, montraient les

23 plaies par arme à feu. Néanmoins, dans la conclusion concernant les causes

24 de décès, très souvent, il était marqué en traduction, il était marqué la

25 cause ne peut être déterminée. Donc, nous nous sommes permis de mettre le

26 mot "ambigu" parce que pour nous, quand il y a des plaies par arme à feu,

27 qu'il y a des lésions traumatiques et que la personne est morte, il y a

28 quand même un lien qu'il ne faut pas minimiser. Donc, dire qu'on n'a pas de

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1 cause de mort alors qu'on a des plaies par arme à feu, qui était souvent

2 tirée intracrânienne, de décrites, et autres, on a un peu -- j'ai trouvé --

3 nous avons trouvé cela ambigu comme réponse de leur part.

4 Q. Point de détail, "vous", c'est vous-même et le Dr Vorhauer.

5 R. Tout à fait, Monsieur.

6 Q. Est-ce que vous pouvez indiquer les raisons de cette ambiguïté ?

7 R. Comme nous travaillons en tant que légistes sur des corps décédés

8 présentant des plaies par arme à feu intracrâniennes, pour nous la cause de

9 la mort est la plaie par arme à feu, avec les dommages intracrâniens

10 secondaires à cette plaie par arme à feu. Donc, le fait de dire que la

11 cause de mort n'était pas -- n'est pas déterminée est ambigu, parce qu'on

12 s'attend à une autre, je dirais, à une précision quant à la cause de la

13 mort, autre qu'indéterminée.

14 Q. Est-ce que vous pensez que c'est par excès de précaution ?

15 R. Je ne me permettrai aucune réflexion, Monsieur.

16 M. DUTERTRE : Merci. J'aimerais déposer le rapport, le premier rapport de

17 Mme Lecomte comme élément de preuve.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P928.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections ?

21 Pas d'objections. Dans ces conditions, la pièce P928 est versée au dossier.

22 M. DUTERTRE : Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le Président. Le

23 parquet avait indiqué qu'il n'entendait pas se baser sur le second rapport

24 pour des raisons qu'il a expliquées, mais qui tiennent au fait que,

25 notamment, il nous apparaît que les critères entomologiques n'ont pas été

26 utilisés de façon tout à fait correcte, et j'en ai fini pour mon

27 interrogatoire.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Dutertre.

2 M. EMMERSON : [interprétation] Ceci va peut-être entraîner quelques

3 difficultés logistiques, parce que j'ai essayé d'obtenir de la part de

4 l'Accusation des informations sur la manière dont ils entendent se servir

5 du deuxième rapport. Or, je n'ai pas eu de réponse. J'ai répété ma question

6 juste avant l'ouverture de l'audience cet après-midi et je n'ai toujours

7 pas eu de réponse.

8 Nous ne savons pas si le Dr Lecomte a une copie papier de son

9 deuxième rapport dans ses papiers. Je ne sais pas si elle a un exemplaire.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame, avez-vous une copie papier de

11 votre deuxième rapport ? Est-ce que vous en avez un sur vous là ?

12 LE TÉMOIN : [hors micro]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'arrive pas à voir s'il s'agit d'un

14 exemplaire qui est propre ou si c'est un exemplaire où vous avez apporté

15 des annotations, parce que ça, ça peut avoir une importance pour la

16 Défense. La Défense souhaite peut-être le savoir à l'avance.

17 M. DUTERTRE : -- un exemplaire vierge à la disposition de Mme Lecomte --

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame le Professeur, est-ce que vous

19 avez une copie vierge de votre rapport, sans annotations ou est-ce que

20 c'est une copie qui porte des annotations ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une copie qui porte des annotations,

22 parce que dans le train tout à l'heure, j'ai relu mes textes. Donc, j'ai

23 souligné des choses, tout à fait.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces conditions, je vais vous

25 demander de garder votre rapport à proximité, si vous avez envie ou besoin

26 de consulter des annotations que vous avez faites, il faudra nous demander

27 la permission de le faire. Mais on va commencer à travailler sur la base

28 d'un exemplaire vierge.

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1 Je vais demander à M. Dutertre de fournir au professeur un exemplaire

2 vierge du rapport. Merci d'avance.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Permettez-moi de préciser que le rapport a

4 été téléchargé dans le prétoire électronique. Il s'agit de la pièce 65 ter

5 1986.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais nous n'avons pas accès à tous les

7 documents qui sont téléchargés dans le système de prétoire électronique de

8 manière automatique. Mais je crois qu'ailleurs dans notre système

9 informatique, nous devrions trouver un exemplaire. Je vais vérifier.

10 Je vais essayer de trouver cela.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, ça s'affiche à l'écran.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

13 Contre-interrogatoire par M. Emmerson :

14 Q. [interprétation] Professeur Lecomte, j'ai quelques questions à vous

15 poser tout d'abord au sujet de votre expérience et de votre parcours

16 professionnel dans le cadre de scènes de crimes en ex-Yougoslavie, où se

17 trouvaient de nombreux corps. Est-ce que vous avez mené à bien des enquêtes

18 sur des lieux de crime pour le bureau du Procureur par le passé dans

19 différentes régions de l'ex-Yougoslavie ?

20 R. Tout à fait, Monsieur. J'ai été chef de mission pour examiner, en tant

21 que médecin légiste, pour examiner les corps qui avaient été retrouvés dans

22 la partie française près de Mitrovica, les corps de sujets qui étaient

23 inhumés.

24 Donc, j'ai fait plus de 400 exhumations au sein du Kosovo.

25 Q. Merci beaucoup. Maintenant, je vais vous poser un certain nombre de

26 questions au sujet du document qui s'affiche actuellement à l'écran.

27 J'espère que ce sera le premier document dans votre classeur. Il s'agit de

28 la lettre de mission qui vous a été envoyée par le bureau du Procureur.

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1 C'est une lettre en date du 23 avril 2007. Dans cette lettre, on vous

2 demande de préparer un deuxième rapport.

3 Est-ce qu'à ce moment-là dans cette lettre on vous a informé du fait que la

4 Défense de M. Haradinaj avait soulevé un certain nombre de questions dans

5 son mémoire préalable au procès et dans le cadre d'un contre-interrogatoire

6 au sujet de l'intégrité, c'est-à-dire de l'authenticité de la scène de

7 crime ?

8 R. Lorsque j'ai eu ce document dans les mains, je travaillais je dirais

9 sans avoir aucun renseignement sur quoi que ce soit. Je travaillais

10 uniquement je dirais comme légiste, en tant qu'observateur des rapports,

11 observateur des images, mais je n'ai pas du tout été informée de quoi que

12 ce soit. De toute façon, je ne l'aurais pas souhaité

13 Q. Je n'ai pas peut-être posé ma question de manière suffisamment claire.

14 Dans cette lettre qui vous est envoyée le 23 avril, l'Accusation - on

15 peut le voir ici - vous informe du fait que la Défense avait soulevé un

16 certain nombre de questions au sujet de l'éventuel déplacement de certains

17 corps, et on vous demandait de faire part de vos observations au sujet de

18 l'authenticité et de l'intégrité de la scène du crime; est-ce bien exact ?

19 R. Oui. Mais je n'ai pas -- ça n'a pas de -- si vous voulez, pour moi,

20 c'est une observation parmi les autres dans cette lettre, puisqu'il a --

21 effectivement ils étaient au courant d'une pratique parmi les

22 paramilitaires, mais ce n'est pas l'objet de mon travail, Monsieur. Je ne

23 travaille toujours - c'est peut-être -- je travaille toujours simplement

24 sur les questions qui me sont posées sur le travail que -- sur les

25 observations de documents. Mais je ne prends pas, si vous voulez, même si

26 quelqu'un conteste, je ne sais pas si la contestation est pour moi positive

27 ou pas -- je dirais qu'à la limite c'est comme cela, mais ça n'a pas

28 d'importance dans la qualité de mon travail, Monsieur.

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1 Q. Oui, je vous entends tout à fait bien. Et comme tous les scientifiques,

2 bien entendu, vous avez besoin que l'on vous pose des questions bien

3 précises, bien spécifiques, pour que vous puissiez donner des réponses

4 spécifiques, n'est-ce pas ?

5 R. Tout à fait, Monsieur.

6 Q. En l'occurrence, pour chacun des corps, on vous demandait tout d'abord

7 d'estimer la date de la mort, c'est-à-dire depuis combien de temps

8 l'individu était mort; est-ce bien exact ?

9 R. Tout à fait, Monsieur.

10 Q. En deuxième lieu, sur la base des éléments qui vous étaient fournis, on

11 vous a demandé d'estimer la durée du séjour de corps sur le lieu où on

12 l'avait découvert; est-ce exact ?

13 Les questions sont énumérées dans la lettre.

14 R. Oui. C'est d'ailleurs dans mon rapport. J'ai répondu pour chacun des

15 corps examinés à la question numéro 1, à la question numéro 2 et la

16 question numéro 3.

17 Q. Oui, j'aimerais qu'on passe en revue toutes ces questions pour que ce

18 soit bien clair.

19 Donc la question numéro 3, c'est une question par laquelle on vous demande

20 de présenter tout autre conclusion d'ordre médico-légal qui pourrait être

21 pertinent; est-ce bien exact ?

22 R. Tout à fait, Monsieur.

23 Q. Et la question 4, c'est une question dans laquelle on vous demande de

24 faire tout autre remarque utile quant à l'authenticité des trois scènes de

25 crime où les corps en question ont été retrouvés; est-ce bien exact ?

26 R. Je lis la question, Monsieur, oui. Et c'est dans le -- c'est

27 généralement ce qui concerne la discussion et la conclusion de notre

28 rapport.

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1 Q. Merci. Et c'est ce que vous avez entrepris de faire pour chacun des

2 corps que vous avez examinés.

3 R. Oui, Monsieur.

4 Q. Et vous avez énuméré dans votre rapport toutes les pièces qui avaient

5 été remises, les vidéos, les photographies des restes humains sur place,

6 les photographies de l'autopsie, et tous les rapports d'autopsie, n'est-ce

7 pas ?

8 R. Oui, Monsieur.

9 Q. J'aimerais voir si vous pourriez nous aider à comprendre la

10 terminologie que vous avez utilisée dans votre rapport.

11 En réponse à la deuxième question pour chacun des corps, c'est-à-dire

12 la période de temps passé par le corps sur le lieu où il avait été

13 découvert, vous avez divisé les corps suivant l'endroit où ils avaient été

14 trouvés, où vous avez indiqué qu'ils avaient été trouvés. J'aimerais que

15 nous nous concentrions sur les groupes de restes humains quand il est

16 indiqué qu'ils ont été trouvés sur le sol à proximité du mur ou de la paroi

17 en béton du canal, c'est-à-dire les corps R1 à R17.

18 S'agissant de chacun de ces restes humains, vous avez fourni une

19 estimation sur la durée du corps à l'endroit où il a été trouvé. Vous

20 résumez vos conclusions à ce sujet à la page 114 en français, dans un

21 tableau, et page 53 dans la version en anglais.

22 Quand on regarde ce tableau, on peut constater que dans la colonne du

23 centre vous indiquez la période depuis laquelle l'individu en question est

24 décédé. Et à droite, dans la colonne de droite, vous indiquez la période de

25 temps pendant laquelle, selon vous, ces restes humains sont restés à

26 l'endroit où on les a trouvés.

27 Et nous pouvons voir, dans la colonne de droite, qu'à l'exception de

28 trois cas, vous utilisez l'expression "très court séjour." Dans trois cas,

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1 vous utilisez l'expression "court séjour." J'aimerais que vous nous

2 expliquiez quelle est la différence entre un court séjour et un très court

3 séjour, en jours. Quand vous utilisez l'expression "court séjour," qu'est-

4 ce que ça signifie ? Enfin, qu'est-ce que ça signifie plutôt l'expression

5 "très court séjour" par rapport à "court séjour," en termes de jours ?

6 R. Si je n'ai pas mis de jours, c'est parce qu'un médecin légiste n'est

7 pas un devin. Un médecin légiste est quelqu'un qui d'ailleurs se permet de

8 faire un constat, et ensuite évoque un temps de séjour sur les lieux. Je

9 défie quiconque de vous dire que c'est trois jours et 35 minutes.

10 C'est -- pour moi, court séjour est quelque chose qui est de l'ordre de

11 moins de huit jours, je dirais. Mais je ne sais pas si c'est cinq, si c'est

12 six, si c'est sept. Et très court séjour -- excusez-moi -- très court

13 séjour, c'est quelque chose qui est moins de huit jours, c'est-à-dire ça

14 peut être quatre, cinq jours ou deux jours, et quand je dis évoque un

15 séjour -- un court séjour, c'est-à-dire que c'est un séjour encore plus

16 court, c'est-à-dire que c'est de quelques jours, vraiment deux ou trois

17 jours ou quatre jours.

18 Mais disons que l'appréciation est une appréciation - là encore j'espère

19 que vous l'admettrez - subjective à propos et en fonction de l'expérience

20 que nous avons, mon collègue et moi, pour apprécier l'état des corps

21 puisque nous avions des photos qui nous donnaient l'environnement de ces

22 corps, qui nous montraient -- qui nous ont parlé d'intempéries qui avaient

23 eu lieu. Donc, c'est en fonction de ces éléments de -- pour chacun des

24 corps, - Monsieur, je veux aller jusqu'au bout, Monsieur, si vous me le

25 permettez - le travail a été fait pour chacun des corps. Le tableau est

26 simplement qu'une -- je dirais l'ensemble des résultats ont été colligés au

27 niveau du tableau.

28 Q. Non, non, je m'excuse. Je n'ai pas voulu vous interrompre, Madame, mais

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1 je voulais simplement que l'on revienne sur certains de ces restes humains.

2 Nous allons y revenir un peu plus tard. Mais je voulais simplement préciser

3 le langage utilisé, les termes utilisés. Il y a peut-être eu un problème de

4 traduction, je ne le sais pas. Mais vous avez dit au compte rendu

5 d'audience, que la façon dont -- lorsque vous parlez de temps très -- de

6 temps court, vous voulez dire moins de huit jours, alors que lorsque vous

7 parlez d'un séjour court, vous parlez d'une période de moins de huit jours.

8 Et pour être tout à fait certain --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que le témoin a dit huit jours

10 ou moins. On pourrait penser à six ou sept jours.

11 M. EMMERSON : [interprétation] Non, c'est simplement une question de

12 terminologie.

13 Q. Je veux simplement m'assurer d'avoir très bien compris ce que vous

14 voulez dire, Madame, par ces expressions. Est-il exact de dire que lorsque

15 vous évoquez un très court séjour vous pensez plutôt à trois, quatre ou

16 cinq jours, alors que lorsque vous évoquez un séjour court ou un court

17 séjour, vous pensez plutôt à moins de huit jours ? Est-ce que c'est ainsi

18 que je dois vous comprendre ?

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, je vous écoute.

20 M. DUTERTRE : Elle m'a déjà répondu à cette question lors de sa première

21 réponse. Cela me semblait parfaitement clair.

22 M. EMMERSON : [interprétation] Il y a peut-être un problème de traduction.

23 Il me semblerait qu'il faudrait plutôt dire l'inverse.

24 Q. Professeur Lecomte, simplement pour être tout à fait limpide, vous avez

25 utilisé deux expressions différentes ici. Vous parlez de "court séjour"

26 pour certains corps et pour d'autres corps vous employez les termes "très

27 court séjour." Alors, j'imagine que lorsque vous parlez d'un "court séjour"

28 vous pensez à une période qui est plus courte que la période de temps

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1 appliquée aux corps pour lesquels vous avez donné la terminologie "très

2 court séjour."

3 Très bien, nous nous comprenons qu'il ne s'agit pas ici d'une science

4 précise. Lorsque vous évoquez un "court séjour", et vous le mentionnez pour

5 le corps R16, R17 ainsi que R7, lorsque vous parlez d'un court séjour, vous

6 pensez à huit jours ou moins de huit jours, à une période de huit jours ou

7 moins de huit jours; est-ce exact ?

8 R. Je crois, si je peux me permettre, je sais que je vais peut-être être

9 fort désagréable, mais je le répète, un médecin légiste n'est pas un devin.

10 Je préfèrerais qu'on travaille sur chacun des corps et vous donner les

11 éléments qui nous ont permis de dire cela plutôt que de faire quelque chose

12 d'assez général qui gène si vous voulez l'interprétation du rapport.

13 Q. Très bien, mais j'essaie simplement de préciser les points, de

14 comprendre les termes, Professeur Lecomte.

15 Vous parlez de périodes de huit jours et de périodes de trois jours.

16 Peut-on dire que s'agissant du tableau que nous voyons ici, pour chacun des

17 corps ou des restes humains qui sont ici, vous estimez qu'ils ont été

18 présents sur les lieux pour une période qui ne dépasse pas huit jours ?

19 R. Je ne peux pas me permettre en tant que légiste, Monsieur, de vous

20 répondre que cela ne peut pas dépasser huit jours. Ça peut être neuf jours.

21 Ça peut être dix jours. Mais je ne peux pas apprécier et c'est pour cela

22 que nous n'avons pas fixé de chiffre. On ne peut pas fixer un chiffre sur

23 un corps qui est, je dirais, aussi mal pris en photo sur les lieux de

24 corps.

25 Les lieux de corps -- le travail de levée de corps a été, je dirais,

26 mal fait, si je peux me permettre de le dire. Les photographies ne sont pas

27 assez pertinentes pour permettre de dire -- donc on s'est basé sur l'aspect

28 des corps quand ils ont été photographiés dans les salles d'autopsie, là

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1 nous avions une meilleure visibilité du corps. Mais je maintiens que "court

2 séjour" et "très court séjour" est une terminologie sur laquelle il ne

3 faudrait pas s'arrêter, ce qui nuirait, je pense, à l'ensemble du rapport.

4 C'est un terme qui veut dire que quand c'est court, c'est court, ça peut

5 être huit jours, cela peut être neuf jours, ça peut être sept jours, ça

6 peut être six jours.

7 Quand c'est "très court," c'est un peu plus court que "court." Mais

8 je ne peux pas dire, ça peut être aussi sept jours, ça peut être jusqu'à

9 huit jours, je ne sais pas. Je ne veux pas qu'on se fixe sur la date de

10 huit jours, Monsieur, que depuis tout à l'heure vous répéter, parce que

11 huit jours n'est pas pour moi une date donnée par un médecin légiste

12 compétent. On ne peut pas dire cela. On n'a pas les précisions d'un chef de

13 gare, Monsieur, je suis désolée.

14 Q. Je comprends tout à fait bien, Professeur Lecomte, ce que vous me dites

15 et je n'essaierai certainement pas de vous demander de préciser à tout prix

16 un nombre de jours précis. Je comprends tout à fait bien qu'il y ait une

17 possibilité d'une marge d'erreur qui existe. Mais ce que j'essaie d'évaluer

18 c'est est-ce que l'on parle de jours, de semaines ou de mois par exemple.

19 D'après ce que vous nous avez dit, vous nous dites que tous ces corps qui

20 se trouvent énumérés au tableau de R1 à R17, que tous ces corps avaient été

21 sur les lieux huit jours, neuf jours ou dix jours. En fait, il s'agit d'une

22 question de jours. Est-ce que je me trompe ?

23 R. Vous avez raison.

24 Q. Fort bien. Par exemple, quel serait le maximum ? Est-ce qu'on pourrait

25 parler de maximum de deux à trois semaines, par exemple ?

26 R. Je ne réponds pas à cette question, Monsieur, parce que je pense que

27 nous sommes en jours, mais pas en mois. En mois, on peut dater un peu plus,

28 vous voyez. Même quand vous regardez l'évaluation des corps uniquement pour

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1 dater la mort, enfin le temps de mort, là on a employé des mois. C'est

2 pareil, même supérieur à un mois, cela peut être un mois et quatre jours,

3 un mois et 15 jours, si vous voulez. On ne peut pas se permettre, je vous

4 le répète, d'avoir la précision d'un chef de gare, ce n'est pas possible.

5 Q. Très bien, je comprends, je comprends mais d'après ce que vous nous

6 dites, lorsque vous évaluez une période de temps pendant laquelle certains

7 groupes de corps étaient dans la position dans laquelle ils sont trouvés,

8 c'est quelque chose que vous pouvez évaluer en jours, alors que lorsque

9 vous évaluez la durée du temps pendant laquelle une personne est décédée ou

10 depuis laquelle une personne est décédée, vous pouvez à ce moment-là en

11 mois; est-ce que c'est exact ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre.

13 M. DUTERTRE : Objection, votre Honneur. Le témoin a déjà répondu à cette

14 question qui lui avait été présentée sous diverses formes déjà et encore sa

15 dernière réponse a fait la distinction entre la durée du temps de mort et

16 la durée de temps de présence sur les lieux.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si nous faisons

18 énormément de progrès en ce moment. Si cela nous avance beaucoup que

19 d'insister sur ce point.

20 Madame Lecomte, ce que M. Emmerson essaie d'établir c'est simplement la

21 terminologie, c'est-à-dire qu'entendez-vous pour les mots que vous

22 employez. Par exemple, on pourrait s'attendre à ce que certains mots soient

23 employés pour une certaine durée même si ce n'est pas tout à fait précis.

24 Ce que M. Emmerson aimerait savoir c'est si vous parlez de séjour court ou

25 très court, pour vous qu'est-ce que cela pourrait vouloir dire ? Quelle

26 serait sa portée en tenant compte du fait que -- vous pouvez bien sûr

27 osciller dans cette fourchette, mais j'aimerais savoir, en fait c'est ce

28 que M. Emmerson essaie d'établir également, il semblerait qu'il existe

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1 maintenant un débat plutôt que d'avoir des réponses claires. En fait, je

2 n'insiste pas sur des réponses précises, mais peut-être des réponses plus

3 claires. Que représente un séjour très court pour vous ? Est-ce qu'un

4 séjour très court pourrait être entre deux à dix jours ou entre un à dix

5 jours approximativement, un à quinze jours par exemple. Si vous pouvez nous

6 dire ou nous donner cette idée de la fourchette. Si, par exemple, on

7 comprend le début de la fin de la fourchette ou si c'est quelques jours

8 alors, est-ce que vous pensez à quelques jours ? Est-ce que vous parlez de

9 quatre à 18 jours ou est-ce qu'à ce moment-là -- si la fourchette va de

10 quatre à 18, est-ce que vous parlez de deux, trois ou six et peut-être 16,

11 17, 18 et 19 et 20 qui se trouverait à l'autre bout de la fourchette.

12 Alors je ne sais pas si on pourrait -- peut-être, Monsieur Emmerson,

13 si vous pouviez poser ces questions-là de cette façon-là pour essayer de

14 préciser ces deux termes, "court séjour" et "très court séjour."

15 LE TÉMOIN : Pour répondre à votre question, quand il y a marqué "court

16 séjour" ou "très court séjour" le temps se compte en jours et non pas en

17 mois, mais pour faire une semaine il faut huit jours. Quand on met "très

18 court séjour," c'est une appréciation qui veut dire que c'est en jours

19 encore plus. Il y a moins de jours de présence sur les lieux. Voilà. Nous

20 ne travaillons pas sur des semaines ou des mois. On travaille sur des

21 jours.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc là maintenant vous

23 faites une distinction entre "court séjour" et "très court séjour".

24 Pourriez-vous nous expliquer, s'il vous plaît, à quel moment est-ce que

25 vous diriez un "court séjour" et à quel autre moment est-ce que vous

26 emploieriez le terme "très court séjour", car vous faites une distinction

27 claire entre les deux.

28 LE TÉMOIN : Tout dépend de l'état du corps. Tout dépend de l'état ou de

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1 l'endroit où est trouvé le corps. Tout dépend de la -- si le corps était

2 enrobé de terre ou non, si le corps est à fleur de sol ou légèrement

3 recouvert de terre. Tout dépend de plusieurs critères. Il n'y a pas --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps quelques instants.

5 J'aimerais savoir quelles sont les deux catégories. Vous nous expliquez

6 dans votre réponse les circonstances dans lesquelles on peut retrouver les

7 corps, et ce qui vous permet de placer certains corps dans la catégorie

8 "court séjour", et d'autres corps dans la catégorie "très court séjour".

9 Mais ce n'était pas ma question.

10 Je comprends tout à fait que vous teniez compte de tous les

11 paramètres, de toutes ces circonstances, mais quand est-ce que vous diriez

12 qu'un corps a séjourné pendant un "court séjour" ou un "très court séjour"

13 ? Vous dites que "court séjour", il s'agit de quelques jours.

14 Lorsqu'on parle d'un "très court séjour", est-ce que là on penserait

15 plutôt à un à dix jours ou est-ce que c'est également une catégorie qui

16 pourrait aller de un à 20 jours ? Car vous employez des termes différents.

17 Nous aimerions simplement savoir ce que vous voulez dire exactement sur la

18 base de toutes les conclusions et sur la base de ces circonstances.

19 LE TÉMOIN : L'ensemble des éléments qui ont été examinés pour cette

20 appréciation, qui est une appréciation - je vous dis encore, une

21 appréciation en fonction d'un panel d'éléments -- d'éléments -- qui était

22 celle d'un séjour court sur les lieux, pour certains corps un petit peu

23 plus court, parce qu'ils étaient dans des circonstances dans lesquelles,

24 par exemple, le milieu était -- par exemple, s'il y avait des larves ou des

25 diptères. Par exemple, on s'aperçoit qu'il y a des vêtements qui sont

26 encore bien intacts. On s'aperçoit --

27 Si vous voulez, c'est une appréciation je dirais, qui n'est pas

28 vague, pas du tout. Mais c'est une appréciation qui dépend de plusieurs

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1 critères.

2 Des photos que nous avons examinées, parfois certaines à la loupe

3 d'ailleurs, des corps -- de voir si par exemple il y a -- il y a -- si vous

4 voulez, si -- si -- des corps, si le milieu aussi est humide ou pas. Si

5 vous voulez, il y a tout un ensemble d'éléments.

6 Je crois que je vais -- [chevauchement]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois vous vous interrompre de

8 nouveau, Professeur. Vous êtes en train de nous expliquer -- vous dites la

9 même chose que vous avez dite tout à l'heure. Vous nous expliquez de quelle

10 façon vous arrivez à une évaluation, à une appréciation.

11 Nous essayons de trouver quelque chose de tout à fait différent, de

12 vous poser une autre question, c'est-à-dire que -- prenons un exemple que

13 vous êtes arrivée à la conclusion que le corps se trouvait sur les lieux

14 entre dix à 23 jours. Ce que nous aimerions savoir, c'est si à ce moment-là

15 vous estimeriez que ce séjour de dix à 23 jours est un court séjour ou un

16 très court séjour ? C'est ce que nous essayons d'évaluer et de comprendre.

17 Nous essayons de comprendre les différentes catégories que vous-même

18 employez, non pas de quelle façon vous êtes arrivée à la conclusion pour

19 établir le séjour d'un corps.

20 LE TÉMOIN : Je crois que si l'on prend par exemple les corps R-16 et R-17,

21 pour lesquels on a marqué "court séjour". En fait ces corps étaient je

22 dirais dans la terre, enfin recouverts de terre, enrobés de terre. Donc si

23 vous voulez, l'appréciation est plus difficile. L'on les a mis dans "court

24 séjour" parce qu'on n'avait pas d'éléments si vous voulez. On est gêné un

25 peu par le fait que les corps étaient enrobés par la terre. Donc, on a mis

26 "court séjour" lorsqu'on a eu moins d'éléments que quand le corps se trouve

27 sur la terre. Là, l'appréciation qui peut être plus valable je dirais dans

28 le -- dans la --

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1 C'est une terminologie sur laquelle je regrette qu'on passe du temps, parce

2 que c'est une terminologie qui est vraiment une terminologie -- on aurait

3 dû mettre "court séjour" partout, sans mettre "très court séjour".

4 L'évaluation, si vous voulez, de "très" dans le rapport est parce que nous

5 avons les éléments pour dire que c'est très, alors que pour les autres

6 corps, le 16 et le 17, sont enrobés de terre et sont contre le mur. Si vous

7 voulez donc, on n'a pas les éléments. On peut dire simplement que ça entre

8 dans un "court séjour".

9 C'est pour cela que je maintiens que l'appréciation n'est pas une

10 appréciation comme cela. C'est une appréciation en fonction de l'état du

11 corps et du -- étaient enrobés de terre, ils étaient pas à fleur de terre.

12 Donc, on ne peut pas apprécier. Donc, on dira un court séjour. Alors que

13 "très court séjour" quand nous avons les corps qui sont sur la terre,

14 accessibles, visibles, là on peut travailler en disant, c'est court séjour,

15 c'est un très court séjour, parce qu'on a des éléments qui nous permettent

16 de l'apprécier.

17 Je voudrais, et je le répète -- l'appréciation se fait en fonction de

18 critères, et non pas en question de dire c'est huit jours, 15 jours, neuf

19 jours, ou deux jours. Pas du tout. C'est une appréciation en fonction des

20 critères de localisation des corps, et en fonction de critères de l'aspect

21 des corps.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson, je vous demanderai

23 peut-être de passer à une autre question.

24 M. EMMERSON : [interprétation]

25 Q. Pourrait-on, Madame, reprendre votre tableau à la page 114 ?

26 Je vais vous demander de prendre la page 114.

27 Prenez le corps du bas, le corps R-15. Le voyez-vous ?

28 R. [hors micro]

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1 Q. Nous pouvons voir ici que votre évaluation est que cette personne est

2 morte depuis plus de trois mois. Dois-je vous comprendre clairement ?

3 R. C'est cela, Monsieur.

4 Q. Dans votre évaluation, vous dites que le corps était sur les lieux

5 pendant une période très courte, donc un très court séjour, n'est-ce pas ?

6 R. C'est écrit. Je suis d'accord, Monsieur.

7 Q. D'après les réponses que vous nous avez déjà données en parlant d'un

8 très court séjour, vous nous avez dit que cela ne pouvait pas comprendre

9 une période qui dépasse trois mois, n'est-ce pas ?

10 R. Pas du tout, Monsieur. J'ai pas dit que "très court séjour" égale trois

11 mois. J'ai dit que le séjour "court" ou "très court" s'évalue en jours.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas s'il y a une erreur de

13 traduction.

14 M. EMMERSON : [interprétation] Il y a un problème de traduction de façon

15 générale.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais écouter la traduction en langue

17 française.

18 La question qui vous est posée par M. Emmerson est de savoir si on dit pour

19 un corps qu'il est décédé plus de trois mois, alors à ce moment-là on voit

20 que le corps se trouve sur les lieux où il a été trouvé pendant une très

21 courte période. Mais ceci ne pouvait pas couvrir une période qui va au-delà

22 de trois mois.

23 M. Emmerson a dit ceci en tenant compte de votre réponse précédente,

24 lorsque vous essayez d'évaluer la durée d'un court séjour ou un très court

25 séjour, vous voulez parler plutôt de jours que de mois, alors que là, on

26 voit des mois.

27 LE TÉMOIN : Je pense que je vais essayer de reprendre ce tableau, qui est

28 en fait un résumé de l'ensemble des observations. Dans ce tableau,

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1 l'évaluation médico-légale de la date de la mort, c'est-à-dire par rapport

2 -- le sujet un jour donné meurt, et on le découvre. Par rapport à cette

3 découverte, sans prendre en considération le milieu, par rapport à cette

4 découverte, nous pouvons dire que la mort est supérieure à trois mois.

5 Pourquoi ? Sur le corps 15 -- le corps 15 est un squelette presque entier

6 avec des ossements disjoints. Les viscères ne sont plus dans le corps,

7 ainsi que les tissus. Il y a très peu -- il y a pratiquement pas de tissus

8 mous. Il y a que du squelette. Donc, c'est un corps qui a plus de trois

9 mois.

10 Ça peut être trois mois, ça peut être quatre mois. Ça peut être trois

11 mois et un jour, et cetera. Mais c'est plus de trois mois. C'est sur

12 l'aspect du corps. On est bien d'accord. L'aspect du corps, à travers - je

13 le répète - les documents fournis et à travers les rapports d'autopsie

14 effectués par mes collègues.

15 Bien. Maintenant le temps de séjour sur les lieux. Ce corps a été

16 trouvé au pied d'un mur en béton. Il repose sur un sol avec de la terre et

17 des cailloux. Bien. Il y a des cailloux qui se sont amoncelés à ce niveau.

18 Ce corps ne comprenait pas de larves, et si j'ai parlé de larves ou de

19 pupes de diptères, c'est parce que mes collègues, en tant que médecins

20 légistes, comme tous les médecins légistes du monde, font des observations

21 complètes des corps. C'est-à-dire qu'ils examinent les corps, ils examinent

22 les vêtements, ils examinent s'il y a des larves ou pas. Quand ils en ont,

23 ils le signalent, quand il n'y en a pas, ils ne le signalent pas. C'est des

24 observations, c'est un constat que nous faisons en médecine légale.

25 Mais mes collègues n'ont pas noté de "larves" ou de "pupes de

26 diptères". La pupe de diptère est quelque chose qui apparaît aux environs

27 de dix jours, huit ou dix jours donc -- voire même 12 jours. Donc on peut

28 dire qu'il n'y en avait pas. Donc on est en jours pour le lieu de

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1 découverte, puisque ces corps sont effectivement -- reposent sur un sol en

2 terre. Il y a des cailloux. Mais il y a de l'aération néanmoins dans ces

3 cailloux, c'est pas un magma de ciment qui les emprisonne. Il y a donc un

4 passage d'air quand même. Les mouches vont passer au niveau de ces espaces,

5 de ces interstices. Donc, elles vont aller pondre leurs œufs. Bien.

6 Entre l'œuf et la larve, il y a à peu près sept jours. Donc, vous n'avez

7 pas de larves. Je n'ai -- nous n'avons pas non plus de pupes de diptères.

8 Nous n'avons pas de végétation, parce que c'est vrai que j'ai attaché --

9 nous avons attaché, je dirai, de l'importance à la végétation des lieux,

10 parce qu'au Kosovo lorsque nous avons travaillé dans d'autres cas, la

11 végétation était pour nous très importante. Elle nous a permis de dater à

12 peu près à quel moment ils avaient été mis en terre. Parce que la

13 végétation, elle met 20 jours à peu près pour revenir. Il faut 20 jours à

14 une plante pour commencer à apparaître. Donc, là, il n'y avait pas de

15 végétation.

16 Vous me direz il y avait des cailloux. Ça gêne la végétation. Mais vous

17 aviez de gros -- une grosse végétation autour. C'était des feuilles à

18 larges feuilles qui étaient autour. Donc, on ne peut pas dire qu'il n'y

19 avait pas de végétation. Il y avait des plantes avec de larges feuilles.

20 Donc, il n'y avait pas autour de ce corps de tout. Il y avait des cailloux

21 qui étaient venus peut-être du terrain lors de --

22 Donc, ce qui nous a fait dire que ça évoquait -- je tiens bien encore à

23 signaler qu'un médecin légiste n'est pas un devin. Nous avons dit évoquer.

24 Pour nous, ça évoque un court, un très court séjour sur les lieux.

25 M. EMMERSON : [interprétation]

26 Q. Pourrais-je vous demander, s'il vous plaît, Professeur Lecomte,

27 d'aborder ceci étape par étape. Vous nous donnez un très grand nombre

28 d'informations en même temps. Il est très important d'aborder tout ceci

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1 étape par étape.

2 Je vous demanderai d'attendre que je vous pose ma question, ensuite

3 essayez, je vous prie, de nous donner l'information précise.

4 Si nous reprenons votre tableau à la page 114. Je vous ai posé une question

5 concernant le corps R-15. Vous nous avez déjà dit que, selon votre

6 évaluation, ce corps était décédé depuis plus de trois mois et que sa

7 présence sur les lieux correspondait à un très court séjour, c'est-à-dire

8 quelques jours.

9 Ce que j'aimerais comprendre ici, en prenant le corps R-15 comme exemple,

10 c'est que vos conclusions semblent dire que ce corps avait trouvé la mort à

11 un autre endroit à une époque précédente; est-ce que c'est exact ?

12 R. Si vous lisez l'ensemble de mon rapport, vous verrez qu'à la fin, dans

13 la conclusion, il est marqué -- je voudrais vous donner les termes exacts.

14 Il est marqué que ces corps peuvent très bien avoir eu un enfouissement

15 initial en terre. Enfouissement, c'est-à-dire enterré en terre. C'est-à-

16 dire un trou creusé en terre. C'est hermétique.

17 Et transporté singulièrement sur les lieux, c'est à la page 119 de mon

18 rapport, Monsieur. Je me dis que rien ne permet d'éliminer un enfouissement

19 initial.

20 Je me permets de dire que je suis désolée de vous donner plusieurs

21 informations, mais que les réponses aux questions que je peux -- dois faire

22 ne sont pas des questions primaires, c'est-à-dire que je suis obligée de

23 travailler sur plusieurs facteurs pour donner une réponse.

24 Q. Oui, je comprends. Très bien. Mais pour être tout à fait clair, en ce

25 qui concerne le corps R-15, si cette personne est décédée depuis plus de

26 trois mois, mais à votre avis se trouve sur ce lieu depuis quelques jours

27 seulement, cela pourrait suggérer, n'est-ce pas, que la personne avait

28 décédé à un autre endroit à une date plus tôt, n'est-ce pas ?

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1 R. Vous avez raison raison. C'est d'ailleurs écrit à la page 119 du

2 rapport.

3 "Rien ne me permet d'éliminer d'un enfouissement initial."

4 Q. Je comprends tout à fait.

5 Et si l'on regarde les autres, si on regarde la liste, et les autres corps

6 qui sont indiqués comme étant des personnes décédées depuis plus de trois

7 mois; R-3, 5, 7, 8, 10 et 15, je présume que vous tirez la même conclusion

8 par rapport à ces cadavres également.

9 R. -- les cas puisque je vous ai dit que je m'appuie sur plusieurs

10 critères. Si on reprend tous ces cas, on s'aperçoit -- il faut que je

11 regarde les -- si vous me permettez. Excusez-moi. J'ai du mal à feuilleter

12 ce document.

13 Q. Professeur, je vais essayer de vous aider. Tout à l'heure, je vais vous

14 poser des questions par rapport à des exemples précis. Mais pour l'instant,

15 j'essaie tout simplement de comprendre l'importance générale de votre

16 déposition.

17 Vous avez dit en ce qui concerne le cas du R-15, qui était mort depuis plus

18 de trois mois, et vous notez, sur les lieux que depuis quelques jours,

19 l'implication est la suivante : cette personne était probablement décédée à

20 un autre endroit avant. Ma question est la suivante : je présume que vous

21 pouvez tirer la même conclusion de tous les cadavres qui, à votre avis,

22 étaient décédés depuis plus de trois mois, mais qui se trouvaient à cet

23 endroit depuis un très court séjour. C'est la même conclusion que vous

24 tirez, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, Monsieur.

26 Q. Merci. Est-ce que cela veut dire que c'est la même chose pour les corps

27 pour lesquels vous avez dit que les personnes étaient décédées depuis plus

28 de deux mois et se trouvaient sur cet endroit depuis seulement quelques

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1 jours ? Est-ce que c'est la même chose pour ces personnes décédées depuis

2 plus de deux mois ?

3 R. Je vais répondre de la même façon, Monsieur. Je suis d'accord.

4 Q. Merci. Est-ce qu'on peut dire la même chose pour les personnes décédées

5 depuis plus d'un mois ?

6 R. -- Monsieur.

7 Q. Merci.

8 Je vais poser mes questions lentement. Il y a une raison pour laquelle

9 j'essaie de scinder mes questions en petites parties, et c'est parce que

10 nous travaillons avec l'aide d'interprètes, et c'est peut-être pour cela

11 qu'il y a certaines nuances qui passent hélas dans les questions et les

12 réponses. Donc, c'est pour cela que j'essaie de raccourcir les questions et

13 les réponses dans l'intérêt de la clarté.

14 Si l'on regarde votre rapport, dans le corps du texte où vous parlez des

15 restes cas par cas, on constate que pour les corps qu'on a trouvés du côté

16 du canal, c'est-à-dire à partir du R-1 jusqu'au R-17, très souvent votre

17 opinion, qui est indiquée ici, est que le corps avait déjà été enfoui dans

18 la terre au préalable, à R-1, R-3, R-4, R-5, R-7, R-8, R-9, R-10, R-12, R-

19 13, R-14, donc pour tous ces cas et leurs restes.

20 En ce qui concerne la réponse donnée à la troisième question votre

21 réponse est de dire que : "L'ensemble évoque un enfouissement initial." Je

22 voudrais comprendre. Lorsque l'on dit "enfouissement initial", est-ce que

23 vous voulez dire que le corps a été enfoui à un endroit autre que l'endroit

24 où les cadavres ou les restes ont été trouvés. Est-ce que c'est cela ce que

25 vous voulez dire par ce terme "enfouissement initial" ?

26 R. "Enfouissement", ça veut dire mis en terre mais après avoir

27 creusé un trou de façon à ce que ça soit hermétique, qu'il n'y ait pas de

28 passage de -- un corps quand il est enfoui, il est enfoui dans la terre,

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1 soit dans un cercueil fermé au fond de la terre. Mais il y a un trou de

2 creuser. Il y a de la terre.

3 Q. Oui, pour être tout à fait clair, ce qui m'intéresse est le terme

4 "initial", "enfouissement initial." Est-ce que vous voulez dire enfoui à un

5 autre endroit que celui où le corps a été retrouvé, où les restes ont été

6 trouvés ?

7 R. Par Q [phon] puisque je marque l'estimation de la date de la mort est

8 supérieure à trois mois, et que l'ensemble évoque un court séjour sur les

9 lieux. Cela veut donc dire que le corps était ailleurs, enfoui ailleurs

10 dans la terre, sans présence de mouches parce que nous sommes enfouis.

11 Q. Oui, merci. Je voulais être sûr que j'avais moi-même bien compris ce

12 que vous aviez dit dans votre rapport, dans vos conclusions.

13 Je regarde pour l'instant les conclusions. Nous allons examiner un

14 peu plus tard les raisons qui sont données.

15 Mais pour un certain nombre de ces corps, R-3, R-5, R-8 et R-10 vous

16 dites et c'est votre avis qu'en plus de cet enfouissement initial, il y a

17 un élément qui vous permet de tirer une autre conclusion, c'est-à-dire

18 qu'il y a eu manipulation des restes. Par exemple, en ce qui concerne R-3,

19 vous dites : "L'ensemble évoque l'enfouissement initial et l'enchevêtrement

20 des ossements évoque une manipulation."

21 Dans le cas du R-5, vous dites : "L'ensemble évoque un enfouissement

22 initial et la dissociation des ossements évoque une manipulation."

23 C'est au sujet de la manipulation que je souhaite vous poser une question.

24 Est-ce que vous parlez d'une manipulation du corps avant que ce corps ne se

25 retrouve dans la position à l'endroit où le corps a été trouvé par l'équipe

26 serbe ?

27 R. J'évoque quand je parle d'un -- par exemple, le cas R-3 que vous m'avez

28 signalé, l'ensemble évoque un enfouissement initial c'est-à-dire une mise

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1 en terre initiale, c'est-à-dire peu après la mort le corps a été mis en

2 terre profondément, et l'enchevêtrement des ossements évoque une

3 manipulation. Je pense que si le corps est transporté alors qu'il est en

4 état de putréfaction quand même avancée, nous sommes à plus de trois mois,

5 et que si l'on regarde bien, nous sommes en présence d'ossements, les

6 ossements ne sont plus maintenus par des parties molles. Lorsqu'on

7 transporte ces corps pour les mettre dans un autre lieu, ils ont tendance à

8 s'enchevêtrer les ossements.

9 Si vous laissez le corps sur place, in situ, sur place, et s'il est

10 décédé sur place, le corps va rester, il ne va pas bouger. Il va rester

11 dans la position initiale le jour de sa mort comme vous l'aurez enfoui,

12 inhumé je veux dire. Le corps ne bougera pas, sauf si quelqu'un le bouge.

13 Or là, nous avons un enchevêtrement d'os, donc cela veut dire que ce corps

14 a, selon toute vraisemblance, c'est pour cela que je l'ai évoqué, évoque

15 qu'il a été transporté, manipulé. Sinon, lorsque vous allez mourir dans

16 votre cercueil, vous allez vous retrouver en position allongée sur le dos,

17 on ne vous retrouvera pas en petit tas au fond du cercueil, ce n'est pas

18 possible si le cercueil n'a pas été bougé.

19 Q. Merci. C'est exactement ce que j'ai essayé de comprendre quand vous

20 parlez de manipulation, il s'agit bel et bien de la manipulation du corps

21 entre le moment de l'enfouissement initial et le moment de la découverte à

22 côté du muret du canal. Il y a eu une manipulation entre ces deux moments,

23 n'est-ce pas ?

24 R. Je suis d'accord avec vous, Monsieur.

25 Q. Merci. Si l'on peut maintenant regarder le cas du R-13. Le terme

26 utilisé n'est pas tout à fait le même. J'aimerais savoir s'il y a une autre

27 signification.

28 Dans le cas du R-13, vous dites que : "L'ensemble évoque un transport de

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1 corps après un enfouissement initial en terre."

2 Vous dites "transport", est-ce que cela veut dire autre chose que

3 "manipulation" ou est-ce qu'il s'agit du même concept ?

4 R. Le même concept. Transporter, manipuler, porter, charrier, c'est le

5 même concept.

6 Q. Dans l'intérêt de la clarté, dans le cas du R-14, vous dites :

7 "L'ensemble évoque un enfouissement initial et un déplacement du

8 squelette."

9 Encore une fois, je présume que cela veut dire que c'est le même concept,

10 c'est-à-dire déplacement du squelette entre l'endroit de l'enfouissement

11 initial et l'endroit où le squelette a été trouvé.

12 R. [hors micro]

13 Q. Merci. En ce qui concerne ces restes, c'est-à-dire R-1 jusqu'à R-17,

14 ai-je bien compris dans votre conclusion que d'après l'aspect de ces

15 restes, il y avait une forte probabilité que ces corps ou ces restes

16 avaient été déplacés après un enfouissement initial dans un autre endroit.

17 R. -- avec vous Monsieur.

18 Q. Merci. Maintenant, j'aimerais entrer dans un peu plus de détails en ce

19 qui concernent les critères examinés. Vous savez, parce que M. Dutertre du

20 côté de l'Accusation vous a déjà donné des éléments de la déposition du

21 témoignage de M. Dourel en ce qui concerne les aspects entomologiques,

22 j'aimerais savoir quels sont les facteurs qui vous permettent de tirer vos

23 conclusions.

24 M. EMMERSON : [interprétation] Mais je regarde l'heure, je ne sais pas

25 Monsieur le Président, si on peut commencer maintenant ou si c'est le

26 moment peut-être de faire une petite pause.

27 Moi, je suis tout à fait disposer à poursuivre.

28 LE TÉMOIN : On peut poursuivre.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, mais pour des raisons

2 techniques nous ne pouvons pas poursuivre. Il y a des problèmes

3 d'enregistrement et d'interprètes qui ont besoin de faire une pause aussi.

4 Nous allons faire une pause. Nous allons lever l'audience jusqu'à 16 heures

5 cinq.

6 Monsieur Dutertre.

7 M. DUTERTRE : Est-ce que nous pourrions avoir une idée assez -- moins

8 générale du temps qui va être pris en "cross-examination" ? Puisque c'est

9 bien le contenu de tout ce qui est posé comme question. J'ai besoin moi-

10 même d'un certain temps, pour ne pas dire un temps certain en "redirect".

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Etant donné que je suis obligé de poser des

13 questions liées à l'interrogatoire principal dans le cadre des questions

14 que je dois poser au témoin, je pense qu'encore une heure et demi, peut-

15 être encore plus.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Etant donné que nous nous trouvons dans une

18 situation donnée, comme l'a dit Me Emmerson, en ce qui concerne la teneur

19 du rapport du professeur du côté de l'Accusation, je pense qu'il y aurait

20 très peu de contre-interrogatoire de notre part.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey.

22 M. HARVEY : [interprétation] Je n'aurais pas de questions supplémentaires à

23 poser par rapport à celles posées par Me Emmerson. Merci.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson, le deuxième rapport du

25 Pr Lecomte, je présume que vous allez demander le versement au dossier.

26 M. EMMERSON : [interprétation] Bien sûr.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons demander à ce qu'on lui

28 donne une cote.

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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] D166.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

3 Donc, D166. Il n'y a pas d'objection, Monsieur Dutertre ?

4 Bien, c'est versé au dossier.

5 Nous allons maintenant lever l'audience jusqu'à 16 heures 05.

6 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

7 --- L'audience est reprise à 16 heures 13.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Emmerson.

9 M. EMMERSON : [interprétation]

10 Q. Professeur Lecomte, si vous voulez bien, je souhaite que nous

11 regardions avec vous en plus de détail certaines des critères que vous avez

12 utilisés pour faire votre appréciation en ce qui concerne la datation du

13 décès et la durée du séjour des restes sur l'endroit en question.

14 Mais pour l'instant, on met de côté la présence ou l'absence des larves.

15 Nous allons y revenir par la suite. Pour l'instant, j'aimerais que nous

16 regardions d'autres critères que vous avez indiqués dans votre rapport

17 comme étant des critères pertinents. Et très rapidement, je vous

18 demanderais de nous aider à comprendre la pertinence de chacun de ces

19 critères.

20 En réponse à une question qui a été posée juste avant la suspension

21 d'audience, vous avez dit que parmi les facteurs qui étaient pris en

22 considération, il y avait des informations que vous aviez en ce qui

23 concerne les conditions climatiques et il y a l'environnement, n'est-ce pas

24 ?

25 R. J'ai eu comme connaissance le fait qu'outre le jour où les corps

26 étaient découverts et le jour où ils sont revenus sur lieux, il y aurait eu

27 un violent orage. On était au mois de septembre, je crois.

28 Q. Merci. Et parmi les critères que vous avez indiqués comme étant

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1 pertinents, et je vais les parcourir rapidement, nous avons tout d'abord

2 des os ou des parties de squelette qui manquaient.

3 S'agit-il d'un critère pertinent en ce qui concerne la durée du

4 séjour du corps ou des restes sur la tombe ?

5 R. Non, Monsieur. Le fait que des ossements manquaient dans le -- par

6 exemple, sur le R-13 que nous avons quitté tout à l'heure, il y a des

7 ossements encore qui n'ont pas été trouvés sur les lieux. Donc cela, c'est

8 un peu gênant, parce que où sont ces ossements ?

9 Ce qui nous a fait poser la réponse sur la -- enfin, la question suivante,

10 que l'ensemble évoque un transport du corps après un enfouissement initial

11 en terre, parce que lors du transport ou lors du ramassage de ce corps qui

12 était initialement en terre, on a peut-être perdu un os, ou les os se sont

13 -- il faut savoir une chose, que ce corps était particulièrement quand même

14 altéré. Il avait plus de trois mois -- non il avait deux mois celui-là,

15 deux mois. Donc il était altéré et il manquait un os.

16 Mais le fait que des ossements manquent dans beaucoup de cas était un

17 élément qui nous a permis de dire qu'une mobilisation, un transport,

18 quelque chose s'était passé, parce qu'on ne les a pas retrouvés sur place.

19 Q. Merci. Et de la même façon --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais poser une question. Cela

21 pourrait éventuellement nous permettre d'économiser un peu de temps par la

22 suite. Vous avez dit des ossements manquants et vous dites que dans

23 beaucoup de cas cela vous permet de dire qu'il y a eu un transport qui a eu

24 lieu, parce qu'il n'y a pas eu récupération de ces ossements.

25 J'essaie de comprendre ce que vous avez dit dans votre réponse. Est-ce que

26 vous êtes en train de nous dire que le corps a été transporté à l'endroit

27 ou les ossements auraient été perdus pendant le transport, ou est-ce qu'il

28 serait aussi possible que les ossements manquants avaient été pris de

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1 l'endroit où se trouvaient le corps, où le corps avait toujours été, et que

2 les ossements avaient été déplacés à un autre endroit ?

3 LE TÉMOIN : Je m'exprime probablement très mal. Ce que je veux dire, et

4 pourquoi ce critère, puisque c'est un élément plus exactement qu'un

5 critère, qui a été noté par mes confrères, je veux bien, qui ont fait les

6 rapports d'autopsie, qu'il manquait des ossements au corps. Il manquait un

7 -- je sais plus -- non, celui-là, il lui manquait par exemple un avant-

8 bras. Il manquait des ossements d'avant-bras. Il manquait un bout de pied.

9 Donc, sur les lieux où ils ont été découverts, on ne trouve pas ce pied. On

10 ne trouve pas cet avant-bras. Donc, on se pose la question de savoir

11 pourquoi ils ne sont pas là ?

12 Donc, nous avons donc évoqué, je dis bien, le fait qu'ils étaient

13 probablement -- ils sont venus d'ailleurs, et que lorsqu'on les a récupérés

14 ailleurs -- qui peut être dans la terre, par exemple, on n'ait pas ramassé

15 le corps en entier, parce qu'il était déjà disloqué du fait de la

16 putréfaction.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait votre

18 réponse. Mais pourquoi est-ce plus probable ? Enfin, comment dirais-je --

19 je ne sais pas combien d'ossements il y a dans un corps humain, mais disons

20 à titre d'exemple une centaine. Vous en trouvez 95. Vous avez trouvé les 95

21 ossements. Peut-être que ces 95 ont été transportés, ont été déplacés et

22 les cinq manquants ont été laissés quelque part. Ou tous les 100 avaient

23 toujours été au même endroit, mais les cinq manquants avaient été enlevé

24 par des bêtes, par des êtres humains, que sais-je encore, et transportés à

25 un autre endroit ?

26 LE TÉMOIN : Si je peux me permettre, je crois qu'il faut rester

27 raisonnables. Lorsque je vais mourir, mon corps va se trouver dans une

28 position et j'ai tous les ossements avec moi. Avec le temps, je vais perdre

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1 les masses musculaires. Les ossements vont se séparer. Mais je resterai

2 toujours dans la position dans laquelle vous m'avez mise en terre ou dans

3 le cercueil.

4 Bien. Lorsqu'on retrouve -- si on me retrouve au pied d'un mur en état de

5 dislocation, c'est-à-dire sans muscles, sans les parties molles, sans les -

6 - avec uniquement les os, et qu'on trouve qu'il me manque le pied, l'avant-

7 bras, voire même un fémur ou autre, on peut se poser des questions comme ça

8 touche plusieurs corps comme cela.

9 Donc on peut penser que peut-être on m'a transportée de l'endroit où

10 j'étais. On m'a enlevée, et on m'a mise -- on m'a remisée. Probablement, on

11 a versé mon cercueil, ou on a versé -- on m'a pelleté le corps et on aura

12 remis mon corps ailleurs. Probablement, les ossements sont restés dans

13 l'endroit initial au moment du déterrement.

14 Le prédateur est quelque chose de différent. Le prédateur est un

15 animal. Je sais qu'au Kosovo, il y a eu beaucoup de prédateurs, puisque

16 lorsque j'y suis allée - je suis rentrée en septembre - il y avait beaucoup

17 de chiens faméliques, c'est-à-dire qui sont en recherche de nourriture, et

18 que c'est vrai que les chiens s'attaquent -- peuvent s'attaquer au corps.

19 Nous avons dans l'examen qui a été fait un corps comme cela qui, selon

20 toute ressemblance, a été attaqué, parce que le fragment du corps est

21 trouvé à côté du corps, pas loin du corps, déchiqueté. Donc là, on peut

22 penser qu'il y a eu un prédateur.

23 Les prédateurs ne prennent pas l'os et ils ne s'en vont pas à des

24 kilomètres. Les prédateurs c'est généralement des chiens. Les chiens, quand

25 ils prennent leur proie, ils agrippent le muscle, ils secouent la tête pour

26 déchiqueter le muscle, mais l'os les intéresse peu. Il va rester balancé

27 par le chavirement de la tête, il n'ira pas à des kilomètres et des

28 kilomètres. Il sera retrouvé sur le lieu, à côté. Donc j'élimine les

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1 prédateurs pour la plupart de ces cas.

2 Et même, il y a eu des cas, et je pense qu'en lisant le rapport vous

3 avez dû le voir, il y avait des vêtements qui étaient là sans corps. Il y

4 en a d'autres où il y avait un ossement qui ne correspondait pas au corps.

5 C'est ce qu'ont relevé mes collègues. Donc, tout cela fait que c'est -- on

6 a l'impression d'un -- je dirais d'un mouvement, de quelque chose qui s'est

7 passée au moment -- avant la découverte.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de cette réponse.

9 Veuillez poursuivre, Maître Emmerson.

10 M. EMMERSON : [interprétation]

11 Q. Je pense que vous avez dit en ce qui concerne les critères concernant

12 tous les corps, vous avez dit, oui ou non, s'il y avait des lésions de

13 prédateur, n'est-ce pas ?

14 R. En effet.

15 Q. Par exemple, en ce qui concerne le R-4, vous avez dit qu'il y avait des

16 lésions de prédateur sur ce corps, n'est-ce pas ? Si vous regardez ce que

17 vous avez dit dans les conclusions concernant la réponse à la question 3

18 pour R-4, vous dites lésions de prédateur.

19 R. Oui, puisque j'ai d'ailleurs la photo sous les yeux. On voit très bien

20 que c'est déchiqueté et c'est près du corps.

21 Q. Est-ce que l'on peut partir du principe que dans chacun, avec chaque

22 corps où il y avait des ossements manquants, vous essayiez de savoir s'il y

23 avait une indication de lésions de prédateur ?

24 R. Oui, bien sûr. Quand on regarde les ossements et les photos faites par

25 mes collègues sur les tables d'autopsie, on voit bien qu'il manque des os.

26 Ces ossements ne sont plus là.

27 Prenons -- je ne sais pas -- prenons deux ou trois exemples, si vous

28 le souhaitez. Le R-5. Je vois sur la photo qu'il manque les jambes, il

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1 manque la partie inférieure des jambes, de la jambe gauche. Il manque le

2 fémur droit. Ce sont des os importants. D'ailleurs j'avais mis dans la

3 conclusion : "L'ensemble évoque -- la dissociation des ossements évoque une

4 manipulation." Ils sont dissociés et en plus ils ne sont pas là. Où sont --

5 d'ailleurs j'avais marqué : "Où sont les fragments osseux manquants ?"

6 Donc, c'est une question que se pose le médecin légiste qui a examiné les

7 corps.

8 Q. Est-ce qu'on peut revenir au R-4. Vous avez dit que le R-4 se trouvait

9 à la surface. Il s'agit du deuxième paragraphe : "Reposant en surface à

10 l'air libre apparaissant posé sur la terre, déchiqueté au niveau du tronc."

11 Alors, déchiqueté au niveau du tronc. Je voudrais être sûr d'avoir bien

12 compris. Enchevêtrement des ossements est quelque chose que vous avez

13 indiqué comme élément pertinent dans un certain nombre de cas, n'est-ce pas

14 ?

15 R. Nous sommes devant un cas différent. Ce n'est pas un enchevêtrement

16 d'os, c'est-à-dire un méli-mélo d'os. Là on est devant le tronc, c'est-à-

17 dire le corps qui est déchiqueté, c'est-à-dire qu'il y a des morceaux de

18 chair qui ont été extraits du corps, ce qui a fait évoquer la présence d'un

19 prédateur. D'ailleurs le corps était à la surface du sol.

20 Je tiens à signaler une chose importante, c'est que ce corps n'était pas si

21 vieux que ça. Il avait un à deux mois. Il y avait encore des parties

22 molles.

23 Q. En ce qui concerne la question numéro 3, effectivement le corps a été

24 trouvé à la surface, mais les vêtements étaient souillés de terre. Je

25 présume que ça veut dire qu'il y avait de la terre à l'intérieur des

26 vêtements, n'est-ce pas ?

27 R. J'ai travaillé sur les rapports de mes collègues. Quand on dit

28 "souillés de terre," c'est qu'il y a de la terre qui vient avec -- qui est

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1 sur le vêtement, qui colle aux vêtements. Parce que je pense que ce corps

2 était en état de putréfaction quand même, avec -- je vois que mes collègues

3 avaient même mis "mâché par des prédateurs." Voyez sur le corps R-4,

4 "L'état de putréfaction avancée." Mais il y a des -- quand un corps décède,

5 vous avez -- on a de l'eau dans le corps, si bien qu'il va y avoir des

6 humeurs qui vont partir du corps et se mettre sur ce qui nous entoure, nos

7 vêtements. On va avoir des humeurs putrides qui vont se mettre sur les

8 corps, si bien que les corps vont être -- les vêtements, excusez-moi, les

9 vêtements vont être un peu humides, et ils peuvent se recouvrir de terre à

10 ce moment-là s'il y a de la terre dans le milieu dans lequel ils sont.

11 Q. Merci. Oui, je vais revenir à la question des larves tout à l'heure.

12 Il y a un autre facteur que vous avez décrit dans votre rapport, la

13 présence ou l'absence de dessèchement. Est-ce que vous pouvez nous

14 expliquer ce que veut dire "dessèchement" dans ce contexte-ci.

15 R. Quand le corps décède, la peau -- l'enveloppe qui est notre peau va se

16 trouver au contact de l'air, et si on est dans un milieu très aéré, la peau

17 va sécher, va se déshydrater, perdre de l'eau, perdre sa consistance

18 élastique. Elle va se dessécher. Si bien que si on laisse passer le temps,

19 on peut aller jusqu'à la momification, c'est-à-dire l'aspect parcheminé,

20 l'aspect, je dirais, un peu cartonné de la peau qui a perdu son eau.

21 Donc le desséchement est témoin, si vous voulez, d'un passage à l'air

22 libre, ventilé, un peu long, enfin de quelques -- je dirais, de plus de 48

23 heures. Il faut être à l'air libre pendant plus de 48 heures pour avoir --

24 ou trois jours. Ça dépend du milieu, de tout, de l'humidité, de tout. Mais

25 on peut trouver que la peau va se dessécher, et ça c'est un critère qui

26 permet de dire que quand il n'y a pas de peau desséchée, c'est qu'ils n'ont

27 pas été à l'air libre d'emblée après la mort.

28 Q. Merci. Il y a un autre critère que vous évoquez pour plusieurs restes

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1 humains. C'est l'absence de pénétration dans le corps par des herbes ou par

2 des racines. Qu'est-ce qu'on peut s'attendre à trouver dans un corps si ce

3 corps est sur place depuis plusieurs mois ? Qu'est-ce qu'on peut s'attendre

4 à trouver sur un tel corps ?

5 M. DUTERTRE : Il n'y a pas de mention de racines dans le rapport. La langue

6 de Me Emmerson a peut-être fourché. Il y a effectivement mention de l'herbe

7 et de branchages, mais pas de racines.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Vous avez tout à fait raison. Il est

9 question de branches et pas de racines.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Reposez votre question.

11 M. EMMERSON : [interprétation] De manière plus générale.

12 Q. Dans un certain nombre de cas, vous évoquez l'absence de colonisation,

13 colonisation par la végétation, herbe, branches. Pouvez-vous nous aider à

14 comprendre pourquoi ceci est pertinent afin de déterminer la longueur du

15 séjour sur place ?

16 R. Lorsqu'un corps est mis sur la terre où il y a eu de l'herbe ou que la

17 terre a été retournée, ou qu'il y a eu un mouvement de terre, le corps va

18 reposer donc sur de la terre, et s'il y a de la végétation autour, parce

19 que le corps se trouve dans un petit -- je ne sais pas -- partout, il y a

20 de l'herbe remarquez, mais dans un endroit où il y a de l'herbe, l'herbe va

21 pousser autour du corps. Elle va pousser d'autant que le corps va perdre de

22 matière putride, qui va, je dirais, permettre à la végétation de pousser

23 autour. Donc le corps va être enrobé de végétation, voire même recouvert de

24 végétation. Et on peut trouver très souvent des corps dans des bois ou dans

25 des champs recouverts d'herbe parce que l'herbe elle continue son chemin,

26 elle ne s'arrête pas au niveau du corps.

27 Q. Merci. Pour chacune de vos conclusions pour chacun des corps, lorsque

28 vous vous prononcez sur la durée du séjour sur place, et lorsque vous vous

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1 prononcez sur le déplacement ou non du corps ou sur un enfouissement

2 initial éventuel, vous utilisez le terme de "totalité" -- enfin

3 "l'ensemble", l'ensemble évoque un enfouissement initial, l'ensemble évoque

4 un court séjour.

5 En réponse à la question de M. le Juge Orie au sujet des os manquants, vous

6 avez dit qu'aucune de ces choses ne doit être considérée comme un critère,

7 mais un élément qui entre en ligne de compte dans votre évaluation.

8 Ma question est la suivante : quand vous arrivez à la conclusion à laquelle

9 vous arrivez ici, pour arriver à ces conclusions, est-ce que vous avez

10 examiné tous ces facteurs ensemble pour vous forger une impression sur la

11 base de votre expérience, puisque vous nous dites que, par exemple, dans

12 cette région vous avez déjà exhumé plus de 400 corps ? Est-ce qu'il s'agit

13 donc d'une évaluation générale plutôt que d'une évaluation basée sur des

14 critères individuels ?

15 R. C'est une évaluation générale à partir d'éléments qui sont les photos,

16 qui sont les rapports d'autopsie, qui sont l'endroit où ils sont retrouvés,

17 qui sont l'état des corps décrit par mes collègues, l'état des corps que

18 moi je revois sur photo, et cetera. C'est un ensemble, si vous voulez.

19 C'est un ensemble d'éléments qui permettent de dire que nous évoquons telle

20 ou telle chose.

21 Q. Merci. Si vous me le permettez, j'aimerais qu'on parle maintenant des

22 larves. Je crois que M. Dutertre vous a fourni la transcription du compte

23 rendu d'audience de l'audition de M. Dourel, entomologiste légal.

24 Avant de vous donner la possibilité de vous prononcer sur sa déposition,

25 j'aimerais qu'on examine tout d'abord le corps numéro R-1 où il dit à la

26 question 2, pour le corps 1, vous dites : "Présence de larves de diptères

27 sur les vêtements et au niveau de la cavité crânienne."

28 Vous avez déclaré ensuite que "l'ensemble évoque un très court séjour sur

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1 les lieux".

2 J'aimerais maintenant qu'on examine le corps R-9 quelques instants. On voit

3 que pour le corps R-9, vous indiquez pas de larves, pas de mouches

4 décrites, pas d'herbes envahissantes colonisantes décrites. Il s'agit des

5 facteurs relatifs à l'environnement. Vous arrivez à la même conclusion, à

6 savoir l'ensemble évoque un très court séjour sur les lieux.

7 Pourriez-vous essayer d'aider les Juges de la Chambre à comprendre. Parce

8 que dans un cas, vous dites qu'il y avait présence de larves de diptères,

9 et dans l'autre cas, vous dites qu'il n'y a pas de larves. L'ensemble vous

10 amène à conclure que dans les deux cas le corps a été présent pendant un

11 très court temps sur les lieux. Pourriez-vous nous aider à comprendre

12 quelle est l'importance de la présence ou de l'absence de larves dans cette

13 évaluation ?

14 R. Je pense qu'il y a une différence je dirais majeure entre R-1 et R-9.

15 Elle est décrite dans le rapport.

16 Sur R-1, il y avait présence de larves de diptères sur les vêtements et au

17 niveau de cavité crânienne. J'ai précisé le nombre dans le rapport

18 d'autopsie de mes collègues.

19 Sur R-9, il n'a pas été décrit de larves de diptères, donc j'ai mentionné

20 qu'il n'y avait pas de larves ni de mouches de décrites.

21 Nous avons une différence majeure entre les deux corps, qui nous fait

22 aboutir à la même réponse. C'est que le corps R-1, je ne sais pas si vous

23 regardez le rapport, tous les deux se trouvaient en surface du sol. L'un

24 d'entre eux, c'est-à-dire R-1, est recouvert d'un sac en plastique posé sur

25 la partie haute du corps et un sac en jute sur le bas.

26 Or, le plastique par définition est une substance qui entraîne -- qui

27 retient l'humidité. Donc, il va y avoir une plus grande altération de la

28 partie haute du corps qui, elle, est recouverte d'un sac en plastique, et

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1 l'humidité fait que cela permet aux larves et aux œufs de se développer

2 plus rapidement et de se développer mieux, parce qu'ils sont un peu à

3 l'obscurité, ils sont bien, ils sont dans un milieu humide, donc ils vont

4 se développer.

5 En fait, la différence entre les deux vient simplement du fait qu'ils

6 ne sont pas tous les deux recouverts d'un sac en plastique, il n'y a que R-

7 1 qui a le sac en plastique. R-9 n'a pas de sac en plastique, il est à

8 l'air libre.

9 Q. J'essaie de recoller tout cela. Il y a un corps pour lequel il avait

10 été indiqué qu'il y avait des larves dans la cavité crânienne et pour

11 l'autre, ça n'a pas été indiqué, mais cela n'affecte pas votre conclusion

12 selon laquelle ces deux corps avaient été présents sur les lieux pendant

13 très peu de temps; est-ce bien exact ?

14 R. Monsieur, c'est un critère parmi les autres. L'ensemble des autres

15 critères nous permet de dire la même chose. Je comprends seulement R-1 a eu

16 des larves de diptères parce que le R-1 se trouvait dans des conditions qui

17 font que les larves de diptères se développaient encore plus vite.

18 Q. Merci. Maintenant, j'aimerais qu'on en vienne au rapport de M. Dourel,

19 entomologiste légal. Je vais résumer de manière très générale la nature de

20 sa déposition. Je vais essayer de ne pas me tromper. Il a dit qu'il n'était

21 pas possible d'indiquer la date du décès ou la durée du séjour du corps sur

22 les lieux en se basant sur la présence des larves ou l'absence de larves, à

23 moins d'avoir des données sur l'espèce concernée et sur les facteurs

24 relatifs à l'environnement qui existaient sur place. Ça c'est la première

25 chose.

26 J'aimerais savoir comment vous répondez à cela, puisque vous-mêmes vous

27 avez noté la présence ou l'absence de larves et que vous avez considéré que

28 c'était l'un des facteurs à prendre en compte dans votre évaluation

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1 générale.

2 R. -- avant toute chose, je souhaiterais dire que mon observation est la

3 même que celle des médecins légistes qui l'ont faite, puisque c'est eux qui

4 ont fait la remarque de larves ou d'absence de larves et j'ai travaillé sur

5 leurs dossiers.

6 Néanmoins, je pense que M. -- je ne le connais pas, je ne sais pas qui est

7 M. Dourel - M. Dourel, puisque vous l'avez dit et qu'on m'a expliqué ce

8 qu'il avait fait, je dirais est un technicien qui voit à travers une petite

9 petite lumière, si je peux me permettre --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je sais bien que vous avez un train à 19

11 heures 30, Madame, et que vous n'êtes pas disponible demain, mais

12 j'aimerais vous demander de bien vous concentrer sur la question.

13 On ne vous demande pas de vous prononcer sur les qualités de quelqu'un

14 qu'apparemment vous ne connaissez pas.

15 On ne vous demande pas ici d'attirer notre attention sur le fait que

16 vos conclusions sont les mêmes que celles de vos collègues. Ce que nous

17 vous demandons, c'est de répondre aux questions qui vous sont posées.

18 La question qui vous est posée, c'est ce que vous avez à dire quant à

19 ce qu'a dit M. Dourel au cours de sa déposition, à savoir que si on ne

20 connaît pas les données relatives aux conditions atmosphériques, si on ne

21 sait pas quelle est l'espèce des larves trouvées sur les corps, à ce

22 moment-là on n'est pas en mesure de rendre des conclusions sur la base de

23 l'absence et de la présence de ces larves.

24 Veuillez répondre à cette question, s'il vous plaît.

25 LE TÉMOIN : Pour répondre à cette question, j'ai été obligé de vous

26 expliquer que nous ne sommes pas dans le même cadre d'expertise.

27 L'expertise que j'ai faite avec mon collègue est une expertise médico-

28 légale de médecin légiste à partir d'observations d'autres médecins

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1 légistes. Le travail dont je ne dis pas quoi que ce soit, est un travail je

2 dirais de quelqu'un qui ne travaille pas sur les corps, pas sur le truc --

3 il travaille -- je veux dire de technique, sur un travail de technique

4 pure, scientifique si vous voulez, mais pas un travail de terrain là-

5 dessus.

6 Pour en revenir à cela, je ne suis pas d'accord sur le fait que les larves

7 de diptères, leur présence ou leur absence n'a pas de valeur. Je pense que

8 ça en a une puisque nous, médecins légistes, sommes formés à les observer.

9 Je pense que le fait du milieu ambiant effectivement, scientifiquement, ça

10 a une valeur. Je pense que quand un corps se trouve enterré au fond de la

11 terre, c'est-à-dire à 50, 80 centimètres du sol, je pense que les larves de

12 diptères n'apparaissent pas. Les larves de diptères n'apparaissent, et cela

13 c'est -- les larves de diptère apparaissent sur un corps dès que le corps

14 va mourir, les larves, les mouches -- les diptères, je dis bien, les

15 diptères sont les premiers à venir sur un corps humain. Les diptères ce

16 sont des mouches de différentes variétés. Il y a 100 000 variétés de

17 diptères dans le monde, Monsieur.

18 Ce sont des Canadiens qui ont écrit un article, ils en ont 7 000 chez eux.

19 Donc, les diptères, les mouches sont les premiers à venir sur le corps.

20 Elles vont pondre des petits œufs, généralement au niveau des petites

21 cavités. Ils ne sont pas toujours visibles, ces œufs. Il va falloir sept

22 jours à peu près pour qu'apparaisse l'asticot. L'asticot, on appelle cela

23 magot, mais l'asticot qui est une petite larve qui a des centimètres

24 différents selon qu'elle est membre -- selon l'espèce de mouches dont elle

25 provient. Et ces petites larves vont ensuite se transformer en pupes, et

26 les pupes qui sont l'enveloppe, si vous voulez, en quelque sorte, de la

27 larve va rester sur le corps, voire les vêtements, et elle disparaît à peu

28 -- elle apparaît généralement, la pupe je veux dire, vers -- entre dix et

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1 14 jours. Et le petit asticot --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous demander de vous

3 concentrer sur la question qui vous a été posée. Je pense qu'il n'y a aucun

4 désaccord quant au développement des larves et la pupaison.

5 Premièrement, est-ce que vous connaissez M. Dourel ? Est-ce que vous

6 le connaissez ?

7 LE TÉMOIN : [hors micro]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous connaissez son travail ?

9 Est-ce que vous connaissez la nature de son travail, son domaine

10 d'expertise, son niveau d'expertise ?

11 LE TÉMOIN : Je vais tout à l'heure --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etes-vous au fait des recherches qu'il a

13 menées, qu'il nous a présentées ?

14 LE TÉMOIN : [hors micro]

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etes-vous au fait de l'expérience qu'il

16 a accumulée tout au long de sa vie professionnelle ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourtant, vous vous permettez de

19 comparer son niveau d'expertise au vôtre, et c'est assez intéressant, en le

20 déqualifiant.

21 LE TÉMOIN : [hors micro]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous voulez, s'il vous plaît,

23 vous concentrer sur la question qui vous est posée. Veuillez, je vous prie,

24 vous concentrer sur la question qui vous est posée par Me Emmerson et qui

25 est la suivante. Avez-vous des observations à faire au sujet de la

26 déposition de M. Dourel qui nous dit que si on ne connaît pas les

27 circonstances, les données, et cetera, si on sait pas quelle est l'espèce

28 des diptères ou des larves concernées, on ne peut tirer aucune conclusion

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1 que ce soit de la présence ou de l'absence de ces larves --

2 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi. Je voudrais être sûr de bien

3 comprendre. Il est possible que je me trompe, mais je veux être sûr de

4 savoir où nous allons pour déterminer d'éventuelles questions que j'aurai à

5 poser.

6 J'avais compris que Mme le Professeur avait évoqué un article canadien où

7 il était question de quelque 7 000 sortes de mouches. Je ne sais pas si

8 elle répondait à la question ou non de Me Emmerson. Je voudrais être sûr.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'avais l'impression que le témoin

10 n'était pas concentré sur la question qui lui a été posée par Me Emmerson.

11 Et si Me Emmerson n'est pas d'accord, j'imagine qu'il va se manifester.

12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, j'entends bien. Mais comme je l'ai dit

13 à la Chambre de première instance, j'ai décidé de renoncer à mon contre-

14 interrogatoire pour accélérer la procédure.

15 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais je voudrais être sûr de bien tout

17 suivre.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu.

19 Maître Emmerson, j'ai reformulé votre question. J'espère que c'était bien

20 la vôtre.

21 M. EMMERSON : [interprétation] Je voudrais que le témoin puisse se

22 prononcer sur ce qui avait été dit par l'autre témoin, sur la pertinence et

23 son domaine d'expertise, et cetera.

24 Ça ne me gêne pas qu'elle nous réponde de la sorte --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça ne me gêne pas que le témoin se

26 prononce sur l'expertise d'un autre témoin, mais il faudrait au moins

27 savoir de quoi il s'agit, quel est ce témoin.

28 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, mais j'avais compris que l'Accusation

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1 avait fourni tous les éléments relatifs à M. Dourel au témoin. Elle dit

2 qu'il adopte une perspective beaucoup plus étroite qu'elle-même. Je crois

3 que c'est ce qu'elle a dit.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

5 M. EMMERSON : [interprétation]

6 Q. Pour bien comprendre M. Dourel, vous avez vu le rapport de M. Dourel,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Oui, Monsieur.

9 Q. Manifestement, il se concentre sur l'entomologie légale ?

10 R. Uniquement.

11 Q. Tout à fait. Je crois que vous avez également pu suivre sa déposition

12 en l'espèce. On vous a fourni le compte rendu d'audience de sa déposition

13 ici même ?

14 R. Oui, Monsieur.

15 Q. Il a reconnu qu'il s'agissait uniquement d'un critère et que votre

16 rapport s'appuyait sur une plus grande variété de critères ?

17 R. Oui, Monsieur.

18 Q. Quand on lui a présenté vos conclusions, il n'a pas été en désaccord.

19 Il a simplement dit qu'il n'était pas en mesure de les contestées ?

20 R. Oui.

21 Q. Veuillez, s'il vous plaît, essayer d'aider les Juges à bien comprendre

22 quelle est la différence entre l'approche que vous adoptez en tant que

23 médecin légiste qui a mené à bien des exhumations, et la perspective

24 beaucoup plus étroite qui est celle d'un entomologiste légal.

25 R. Je ne vais pas revenir sur M. Dourel. M. Dourel a fait son rapport.

26 Voilà.

27 Je dis simplement, pour répondre à votre question, Monsieur Emmerson,

28 depuis le début, c'est que je ne suis pas d'accord avec la -- ce que vous

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1 m'avez dit d'emblée, c'est-à-dire que c'est parce qu'on ne connaît pas la

2 mouche, parce qu'on ne connaît pas le milieu, c'est pas parce qu'on ne

3 connaît pas tout cela, si on n'a pas la variété de mouche, on ne peut pas

4 donner d'importance aux larves. Ça, je ne suis pas d'accord. Et c'est pour

5 ça que j'expliquais tout à l'heure à M. le Président qu'en fait la vue de

6 M. Dourel était plus réduite, parce qu'elle est purement technique. Et que

7 tout médecin légiste, quand il fait une observation d'un corps, il décrit

8 s'il y a ou non de larves. Il décrit s'il y a ou non des pupes. Donc, s'il

9 y a des larves de décrites, même si on ne connaît pas la variété de la

10 mouche, la larve elle est là. Donc, on ne peut pas ne pas en tenir compte.

11 Donc, je ne suis pas d'accord sur les propos que vous m'avez demandé de

12 dire au départ. J'aurais pu vous dire ça comme je le fais maintenant, mais

13 c'est pour vous expliquer que la vue est tout à fait différente. Une larve,

14 c'est une larve. L'absence de larves, c'est l'absence de larves. L'absence

15 de larves veut peut être dire que les corps ont été faits ailleurs.

16 Pour avoir connu le patron de M. Dourel, qui était [inaudible] M. Dourel a

17 écrit un article que j'avais amené, dans lequel il dit que l'absence de

18 larves veut dire que probablement le corps n'a pas -- a été déplacé. Il

19 utilise même les mots a été déplacés.

20 Donc, je dis je ne suis pas d'accord avec M. Dourel, qui dit que quand il y

21 a des larves ou qu'il n'y en a pas, puisqu'on ne connaît pas les faits de

22 la mouche, et cetera, que ça n'a pas de valeur. Je suis désolée, pour moi,

23 ça en a une, en tant que légiste. Une larve, c'est une larve. L'absence de

24 larves, c'est l'absence de larves. C'est un élément parmi d'autres. Voilà

25 pourquoi j'ai fait ce dérivatif. Je vous prie de m'en excuser.

26 Q. Oui.

27 Vous avez dit il y a quelques instants que les médecins légistes observent

28 ce genre de choses, et précédemment - il y a peut-être une erreur de

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1 traduction - vous avez dit que quand vous avez indiqué qu'il y avait

2 l'absence ou la présence de larves, vous avez dit que c'est quelque chose

3 que vous avez trouvé dans les rapports de vos collègues serbes.

4 R. [hors micro]

5 Q. Manifestement, ils ont estimé que c'était un facteur important qu'il

6 convenait de noter, n'est-ce pas ?

7 R. Bien sûr. Le médecin légiste doit noter tout ce qu'il observe. C'est

8 une règle. Ça fait partie du travail du médecin légiste. C'est un travail

9 d'observation.

10 Q. Puisqu'on parle d'ensemble d'éléments, de perspective plus ou moins

11 étroite, si on revient à la différentiation que vous avez faite entre un

12 critère qui permet de déterminer la date de la mort ou le séjour du corps

13 sur les lieux, d'une part, et d'autre part, un élément pour une évaluation

14 globale, pouvez-vous nous dire si la présence ou l'absence de larves de

15 diptères a été selon vous un facteur décisif dans un ou l'autre de ces cas

16 que vous avez examinés ?

17 R. Pour moi, c'est un élément avec d'autres.

18 Q. Merci. J'aimerais que l'on examine rapidement la conclusion de votre

19 rapport. Un instant je vous prie. J'aimerais tout d'abord que nous

20 examinions le deuxième paragraphe, page 118, où vous résumez les

21 informations que vous avez par ailleurs reprises dans votre rapport.

22 Au paragraphe 2, il est indiqué que : "Les six corps, les corps Re, trouvés

23 autour de la ferme économique présentent un état de décomposition

24 sensiblement identique en faveur d'une mort relativement récente, huit à 15

25 jours, voire trois semaines pour deux d'entre eux."

26 Vous maintenez cette conclusion ?

27 R. Oui, Monsieur.

28 Q. Merci. Je reviendrai ultérieurement à la première partie de ce

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1 paragraphe 3. J'aimerais que l'on examine maintenant le paragraphe 3(b). Ça

2 concerne les corps qui ont été retrouvés dans le canal.

3 En haut de la page 119, vous avez la conclusion suivante : "Mais rien

4 ne permet d'éliminer que les corps très altérés à l'état de squelette sans

5 larves de diptère n'aient été rapportés secondairement dans le canal et

6 mêlés à des corps plus récents. Le courant ayant enlevé des parties molles

7 putréfiées et lavé le squelette dans ses vêtements."

8 Est-ce que vous maintenez cette conclusion ?

9 R. [hors micro]

10 Q. Un peu plus bas, au point (c), vous parlez des corps qui étaient en

11 surface, à même le sol à proximité des parois du canal, et vous dites

12 qu'ils sont très altérés, et que leur aspect est en faveur d'une date de

13 mort supérieure à trois mois, deux mois ou entre un ou deux mois. Vous

14 dites que :

15 "Ils sont souvent incomplets, disloqués, sans larves de diptère, alors

16 qu'ils sont trouvés en surface du sol à l'air libre. Rien ne permet

17 d'éliminer qu'ils proviennent d'un enfouissement initial en terre et

18 transporter secondairement sur les lieux."

19 Est-ce que vous maintenez cette conclusion ?

20 R. [hors micro]

21 Q. Et vous nous avez dit aujourd'hui que vous estimez qu'il est fort

22 probable que c'est effectivement été le cas.

23 R. -- rapport, Monsieur.

24 Q. Et au point (d) -- au paragraphe (d) on parle des corps enfouis dans la

25 terre et vous dites que : "Ils sont altérés et fragmentés, à l'état de

26 squelette, entourés de boue."

27 Dans ces cas-là, vous dites qu'il n'est pas possible d'éliminer le fait

28 qu'ils ont été transportés à cet endroit.

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1 Est-ce que c'est une conclusion que vous maintenez ?

2 R. Bien sûr.

3 Q. Merci. Enfin, en bas de la page consacrée à vos conclusions, vous dites

4 : "De ce fait les circonstances au cours desquelles la mort s'est produite

5 ne peuvent pas être éclairées, ce qui laisse place à un grand doute quant

6 au lieu et au déroulement exact des faits."

7 Est-ce que vous maintenez cette conclusion, également ?

8 R. [hors micro]

9 Q. Merci. Je souhaiterais maintenant revenir toujours s'agissant des

10 conclusions, au paragraphe 3(a), vous faites référence ici à deux corps qui

11 sont visibles, et ce, au niveau du déversoir. Vous dites que : "Ils

12 présentent des signes d'immersion aux alentours d'une semaine."

13 Pourriez-vous, je vous prie, prendre -- enfin j'aimerais que l'on vous

14 remette les photographies qui se trouvent dans le classeur bleu.

15 C'est le volume trois du contre-interrogatoire médico-légal dans

16 Haradinaj. Il s'agit du classeur bleu.

17 Je souhaiterais attirer votre attention à l'intercalaire 1.

18 Professeur Lecomte, je sais que vous avez examiné ou visionné la vidéo. Il

19 s'agit maintenant d'un extrait de cette séquence vidéo, un extrait figé.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Je fais référence pour le compte rendu

21 d'audience à la pièce D31.

22 Q. Est-ce qu'il s'agit bien ici de deux corps, est-ce que c'est ces deux

23 corps-là que vous décrivez ici ?

24 R. A partir de documents que j'ai eu à voir, je confirme que ce sont ces

25 deux corps, oui.

26 Q. Merci. Je voudrais attirer votre attention d'abord à la partie qui se

27 trouve derrière l'intercalaire 2, pièce D43; est-ce que vous l'avez trouvée

28 ?

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1 Je voudrais simplement vous demander de bien confirmer si c'est bien la

2 photographie de laquelle on parle, Professeur ?

3 R. Celle qu'on m'a présentée n'est pas celle que j'ai au 2.

4 Q. Effectivement, en fait il y a peut-être une petite erreur. D'abord, je

5 voudrais que vous preniez l'intercalaire 2, du classeur, c'est la pièce

6 D43. Alors que je crois ce que nous avons à l'écran c'est la pièce D44. Je

7 ne sais pas si je me trompe.

8 M. EMMERSON : [interprétation] Pourrait-on, je vous prie, placer à l'écran

9 la pièce D43, je me suis peut-être trompé.

10 Q. Je vais vous reposer la question.

11 Derrière l'intercalaire 2, il y a une photographie, en fait c'est l'un des

12 deux corps présentés de façon plus détaillée. Il s'agit de la pièce D44.

13 Derrière l'intercalaire 3, nous avons une photo plus rapprochée des deux

14 autres corps qui sont le D43.

15 Je sais que vous avez visionné la séquence vidéo de ces deux corps qui les

16 montre plus en détail. J'aimerais savoir si vous vous rappelez si les

17 orteils et les doigts sont intacts, peut-être qu'on peut voir sur la vidéo.

18 R. Je pense que j'avais vu des signes au niveau des mains, mais votre

19 photo est je dirais est très, très floue. Je ne peux pas travaillé sur

20 cette photo. Je pense que j'avais dû travailler peut-être avec une loupe

21 ou, peut-être que j'ai travaillé autrement pour bien regarder les mains.

22 Parce que c'est un élément important, le séjour dans l'eau. La macération

23 de la peau est un élément important. Je ne sais plus pour ces deux cas-là,

24 mais je sais que j'ai noté sur deux cas qu'il y avait une macération de la

25 paume des mains qui était blanchâtre et que ça m'avait évoqué donc un

26 séjour dans l'eau qui était, je ne sais plus, mais je crois que c'était une

27 semaine, oui c'est ça.

28 Donc ça doit être eux je pense, Monsieur. Mais la photo là-dessus me permet

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1 de rien dire.

2 Q. Non, bien sûr, mais je crois que vous aviez les vidéos qui vous étaient

3 disponibles, n'est-ce pas ? Vous étiez en mesure de visionner les vidéos ?

4 R. Oui, on a regardé les vidéos, bien sûr, Monsieur.

5 Q. Oui, certainement.

6 R. Si nous nous sommes permis de mettre dans la conclusion du rapport que

7 la présence de signes d'immersion aux alentours d'une semaine, c'est qu'il

8 devait y avoir la macération, c'est-à-dire l'aspect blanchâtre, fripé de la

9 peau au niveau des mains.

10 Q. Si vous prenez votre rapport, sous "Discussion", il y a une série de

11 titres, de sous et on voit également "Etat des corps." Vous avez deux

12 tableaux. Après le deuxième tableau, tout de suite après le deuxième

13 tableau, vous avez fait une observation concernant ces deux corps. C'est à

14 la page 112 de la version en langue française. Je crois que c'est clair,

15 n'est-ce pas, que vous travaillez à partir de la vidéo, n'est-ce pas ?

16 R. Tout à fait, Monsieur.

17 Q. Vous dites que : "Ces deux corps augmentés de volume conservent une

18 coloration pigmentaire normale sans décomposition avancée. Les mains sont

19 décolorées, blanchâtres et fripées en début de macération, qui indique une

20 immersion récente de moins de deux semaines."

21 Est-ce que c'est exact ?

22 R. Monsieur, je maintiens ce que j'ai écrit.

23 Q. Serait-il possible à l'examen de ces deux photographies de dire -- et

24 bien sûr, il faut tenir compte du fait que vous avez visionné la vidéo.

25 Peut-on évaluer la durée, ou pendant combien de temps ces deux corps

26 avaient été morts ?

27 R. La mort est très récente puisqu'en fait les corps sont encore

28 ballonnés, ils sont encore gonflés. Mais il faudrait le voir de face,

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1 Monsieur, là ils sont de dos. Alors, vous savez c'est tout un travail hein.

2 La seule chose que j'ai pu noter, c'était -- j'ai noté une coloration

3 pigmentaire qui paraissait conservée. Maintenant, sur ces photos que vous

4 me présentez maintenant, je ne peux pas travailler. C'est trop flou. C'est

5 pas du tout -- ça ne serait pas un travail valable, Monsieur. Si j'ai noté

6 que les corps étaient augmentés de volume, ils sont pas -- ce ne sont pas

7 des ossements. C'est pas un squelette. C'est pas un -- donc, on a

8 l'impression que ces corps, il n'y a pas longtemps qu'ils sont dans l'eau.

9 Mais je pense que ces corps, ils sont tombés dans l'eau et sont dans l'eau,

10 quoi, il n'y a pas -- je veux dire, ils ne sont pas -- c'est pas des corps

11 qui ont été -- qui ont un temps de mort très important. C'est très court.

12 Très court.

13 Q. Oui, très bien. Donc, il était tout à fait clair dans votre rapport que

14 vous travailliez à même la vidéo.

15 Je ne vais pas demander que l'on montre la séquence vidéo, mais je

16 vous demanderais de prendre l'intercalaire 18, s'il vous plaît. Je

17 souhaiterais attirer votre attention à l'intercalaire 21, donc tout ce qui

18 suit après l'intercalaire 18. Donc l'intercalaire 21 jusqu'à l'intercalaire

19 23 -- plutôt 24.

20 Vous verrez les photographies qui montrent la récupération ou la levée du

21 corps pour ce qui est du corps R-21 et R-24. Est-ce que vous voyiez ces

22 deux photographies ?

23 R. Je suis pas du tout -- il faut que je reprenne mon rapport, je ne sais

24 pas où je suis là.

25 M. DUTERTRE : Est-ce qu'on pourrait voir -- je suis sûr que ces pièces sont

26 déjà versées au dossier. Est-ce qu'on pourrait avoir des "exhibit numbers"

27 donnés par Me Emmerson ? Toutes ces pièces ont dû être introduites à

28 travers M. Dunjic, pour la partie de relecture a posteriori, c'est

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1 préférable.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais effectivement, M. Dutertre a fait

3 une bonne observation. Donc chaque fois que vous pouvez identifier les

4 documents qui ont déjà été versés au dossier, je vous demanderais de le

5 faire.

6 M. EMMERSON : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous avons un index, et

7 nous avons les numéros puisque cet index a été préparé certaines de ces

8 photographies ont obtenu une cote ou ont été versées au dossier.

9 Pourrais-je d'abord vérifier quelles sont ces cotes ? Et je vous les

10 donnerai pour le compte rendu d'audience en temps voulu, eu égard --

11 maintenant, je demande que l'on se penche sur les photographies qui se

12 trouvent après l'intercalaire 21/24.

13 M. DUTERTRE : C'est une formule -- c'est une demande constante du parquet

14 qui n'est pas -- c'est pas la première fois qu'on le demande, mais

15 effectivement je serais satisfait par un document a posteriori.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, ça aurait été beaucoup plus

17 facile si vous aviez eu déjà ces cotes, afin de pouvoir les retrouver

18 immédiatement.

19 M. EMMERSON : [interprétation] En fait, j'ai deux intercalaires de ce jeu

20 de documents et je vous donnerai les pièces immédiatement lorsque je les

21 aurai trouvées.

22 Q. Donc, Madame, si vous pouvez trouver les passages pertinents dans votre

23 rapport où selon vous ce corps avait été mort depuis environ deux mois,

24 n'est-ce pas ?

25 R. Monsieur, excusez-moi de vous poser la question, parce que je suis

26 perdue là. J'ai tellement de corps qui m'arrivent que je ne sais plus où

27 j'en suis. Donc, est-ce que vous pouvez me préciser le corps que vous

28 souhaitez que je regarde ?

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est le corps 21, en fait. C'est le

2 même corps que le corps 24.

3 M. EMMERSON : [interprétation]

4 Q. Donc R-21 et R-24, ce sont les photographies que vous avez eues il y a

5 quelques instants.

6 Donc selon vous, ce corps avait été mort depuis environ deux mois, n'est-ce

7 pas ?

8 R. Oui, c'est ce que j'ai mis. J'ai mis : "Environ deux mois." Oui.

9 Q. Bien. Si vous prenez les deux photographies, si vous les examinez, si

10 vous vous -- je ne sais pas si vous lisez l'anglais, Professeur Lecomte. Le

11 rapport d'autopsie est en anglais. Est-ce que vous lisez la langue

12 anglaise, Professeur ?

13 R. Si.

14 Q. Alors je vous prierais de prendre l'intercalaire I --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme l'Huissière pourra-t-elle peut-être

16 venir en aide au témoin, car dans le classeur au numéro 21, il y a des

17 lettres A, B, et cetera. M. Emmerson attire votre attention --

18 M. EMMERSON : [interprétation] Où est la lettre I et J --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc 21/24 I.

20 M. EMMERSON : [interprétation] En fait, il s'agit du document qui se trouve

21 sur la liste 65 ter --

22 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le numéro.

23 M. EMMERSON : [interprétation]

24 Q. Si vous pouvez, je vous prie, Madame, prendre le rapport post-mortem

25 serbe derrière l'intercalaire -- derrière la lettre I, et ensuite vous avez

26 le rapport post-mortem serbe pour ce qui est du corps R-24 [comme

27 interprété]. Derrière l'intercalaire J, vous avez basé vos évaluations en

28 vous appuyant sur ces deux rapports, n'est-ce pas ?

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1 R. Sûrement, Monsieur.

2 Q. Merci beaucoup. Je suis vraiment désolé de vous demander de faire ceci

3 de cette façon, Professeur Lecomte, mais je vous demanderais de revenir à

4 l'intercalaire 2 du classeur, simplement pour vous rappeler de quelle

5 photographie il s'agit, s'agissant du corps dont on parle.

6 R. Répétez la question, Monsieur.

7 Q. Je n'ai pas encore posé la question.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, on ne vous a pas encore posé de

9 question. Pourriez-vous, je vous prie, simplement regarder derrière

10 l'intercalaire 2, vous trouverez la photographie.M. EMMERSON :

11 [interprétation]

12 Q. Simplement pour vous rappeler de quel corps il s'agit.

13 Est-il possible que le corps se trouvant derrière l'intercalaire 2 soit le

14 même ?

15 R. Vu l'état de décomposition décrit par mes collègues à l'autopsie, je

16 crains qu'il ne soit pas le même corps, puisque mes collègues -- j'ai noté

17 dans le rapport que je vous ai rendu -- qu'il s'agissait de deux parties de

18 corps décomposé, putréfié, squelettisé. Les parties molles sont absentes et

19 il y a une saponification sur les lieux, et qu'il n'y a pas de viscères

20 identifiables. Donc là, on n'est pas dans ce contexte. Peut-être pourriez-

21 vous m'expliquer ce qui se passe, mais moi je ne --

22 M. EMMERSON : [interprétation] Mais vous avez répondu à ma question, tout à

23 fait. Non, il n'est plus nécessaire d'expliquer quoi que ce soit. Il y a

24 bien sûr une raison évidente pour laquelle je vous ai posé cette question,

25 mais il n'est pas nécessaire d'insister sur ces raisons.

26 Je vous prierais maintenant de prendre l'intercalaire 29, s'il vous

27 plaît, qui a trait au corps R-29. Intercalaire 29, corps R-29. Si vous

28 pouvez parler du corps R-29 sur votre rapport à la page 69, et vous avez

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1 également inclus les photographies au rapport. Dans votre rapport, vu que

2 vous avez conclu que le corps R-29 avait été mort depuis plus de deux mois;

3 est-ce que c'est exact ?

4 R. Si j'ai écrit cela c'est que j'ai des éléments pour le dire, Monsieur.

5 C'est un squelette disloqué. Les parties molles sont putréfiées -- la peau

6 est saponifiée, mais j'ai noté qu'il y avait un détachement de la main

7 droite et des os manquants. Mais les os manquants sont probablement --

8 enfin j'en sais rien.

9 Q. Très bien, merci. Pourriez-vous, je vous prie, prendre une photographie

10 qui se trouve dans le dossier bleu. Vous verrez qu'à l'intercalaire 29, il

11 y a d'autres photos, en fait de ces restes humains. Je ne dis pas que vous

12 avez toutes les photographies dans le rapport médico-légal, mais vous

13 pouvez certainement voir l'état du corps, n'est-ce pas ?

14 R. Je pense qu'il y avait eu une erreur de numérotation, rappelez-vous.

15 Disons qu'il y a eu des problèmes de numérotation. Je ne suis pas

16 convaincue que ce soit le même corps que vous me présentez-là, Monsieur.

17 Q. Oui, je crois que nous avons pu éliminer les erreurs se trouvant -- ou

18 en relation avec ce groupe de corps, donc je crois que vous pouvez partir à

19 partir du principe que ce sont les photographies qui correspondent à ce

20 corps. Si vous prenez la photographie dans votre rapport, vous verrez qu'il

21 y a effectivement une correspondance entre cette photographie-là et les

22 photographies qui se trouvent dans le jeu de documents, dans le classeur.

23 Mais si -- moi, je vous pose une question. Si vous prenez les rapports du

24 médecin médico-légal s'agissant du corps R-29, on dit que ce corps est

25 complètement "dans un état de saponification sans tissus mous, les os sont

26 disloqués et dénudés et tous les os sont légèrement liés par des rubans de

27 tissus mous qui ont été putréfiés et présentent une couleur grise, gris

28 foncé."

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1 Est-ce que ceci correspond à votre évaluation s'agissant de ce que vous

2 avez dit tout à l'heure que ce corps avait été mort depuis plus de deux

3 mois ?

4 R. Ce corps-là ne correspond pas à un corps trouvé à cette image-là. Cette

5 image-là n'est pas du tout le même corps que ça. Ce n'est pas de -- ça

6 c'est un corps qui a de la terre dessus. Alors on est dans l'eau, donc je

7 pense que ce qui confirme ce que je dis et que je répète, c'est que la

8 levée de corps n'a pas été faite correctement.

9 M. DUTERTRE : Je ne comprends pas bien les photos qui sont manipulées par

10 le témoin, et pour avoir une idée claire, ce serait quand même utile

11 d'avoir des numéros de référence.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelles sont les cotes ou quels sont les

13 numéros correspondant aux photographies ? On pourrait s'assurer d'abord de

14 ceci.

15 Monsieur Emmerson, vous avez demandé au témoin, s'agissant de 29a, et

16 cetera.

17 M. EMMERSON : [interprétation]

18 Q. D'abord, je vais vous poser une question concernant la photographie 29

19 -- plutôt 21 et 21b [comme interprété].

20 Professeur Lecomte, regardez l'image, s'il vous plaît.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Regardez M. Emmerson, s'il vous plaît,

22 regardez ce qu'il vous montre.

23 M. EMMERSON : [interprétation]

24 Q. Vous avez ces photographies-là, n'est-ce pas ? Si vous prenez votre

25 rapport, si vous prenez la deuxième photographie dans votre rapport

26 s'agissant du corps R-29. Est-ce que vous avez ceci dans votre propre

27 rapport, Professeur Lecomte, est-ce que vous l'avez ?

28 R. Je n'ai pas la moindre -- je n'ai pas les mêmes éléments. J'ai

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1 travaillé sur le rapport de mes collègues. Le 29 --

2 Q. Très bien. En fait, nous avons R-28 à l'écran, malheureusement qui sème

3 encore plus de confusion.

4 Pour être tout à fait clair, Professeur Lecomte --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas encore de questions -- la

6 question n'a pas encore été posée.

7 M. EMMERSON : [interprétation] Non.

8 Q. Allons-y étape par étape.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etape par étape, effectivement.

10 M. EMMERSON : [interprétation]

11 Q. Si vous prenez votre propre rapport, vous avez fait quelques

12 conclusions pour le corps R-29, à la page 69 et à la page 70, n'est-ce pas

13 ?

14 R. Je n'ai pas compris la question, Monsieur. Le problème est là. Je n'ai

15 pas compris la question. Je suis perdue dans les numéros et les photos et

16 tout. Je ne peux pas répondre.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La seule chose que vous demande M.

18 Emmerson - et vous pourrez peut-être regarder votre écran - est-il exact de

19 dire que dans votre rapport, vous parlez de R-29 à la page que vous voyez à

20 l'écran en ce moment ? C'est la seule question qui vous a été posée.

21 LE TÉMOIN : R-29 c'est le corps qui est accroché dans les branchages que

22 l'on montre -- que vous m'avez montré à la photo ici.

23 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, pour pouvoir être tout à fait -

25 - pour avoir le compte rendu d'audience pour qu'il soit limpide, Monsieur

26 Emmerson, le témoin a dit qu'elle a décrit le corps R-29 tel qu'elle le

27 voit sur la photographie à l'intercalaire 29a, qui est le numéro ERN U003-

28 0042. Voilà.

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1 M. EMMERSON : [interprétation] C'est donc l'étape.

2 Q. Si vous prenez la page 670 de votre rapport, vous avez annexé deux

3 photographies du corps R-29.

4 M. DUTERTRE : Il n'y a pas de page 670, c'est peut-être une erreur.

5 M. EMMERSON : [interprétation] La page 70.

6 Q. J'ai dit page 70.

7 Voyez-vous la photographie que vous avez dans votre propre rapport. C'est à

8 la page 70, Professeur Lecomte ?

9 R. Oui, cette photographie me semble --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le problème étant, Monsieur Emmerson,

11 que la page précédente -- en fait il s'agit de deux photographies.

12 M. EMMERSON : [interprétation] C'est la page 68.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Entre 69 et 71, puisque cette page-là

14 n'est pas numérotée en fait d'après ce que je vois.

15 M. EMMERSON : [interprétation] Nous avons à l'écran maintenant la page 68,

16 il nous faudrait voir la page 70 à l'écran. En fait, c'est deux pages plus

17 loin. Deux pages après la page 68.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends.

19 Ce que vous dites, bien. C'est un problème de numérotation plutôt, voilà

20 nous avons la page 70.

21 M. EMMERSON : [interprétation]

22 Q. Nous pouvons voir en bas de ces deux photographies, il y a une

23 identification R-29, c'est-à-dire sur chaque photo nous pouvons voir R-29.

24 Professeur Lecomte, si vous regardez à l'écran qui se trouve devant vous,

25 vous verrez que le R-29 apparaît.

26 S'agissant de vos conclusions concernant ces restes humains disant que

27 cette personne a dû être morte depuis plus de deux mois, n'est-ce pas ?

28 R. Hm-hm.

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1 Q. Merci. Et pour reprendre maintenant le fichier bleu, je vous

2 demanderais de prendre l'intercalaire 3.

3 M. EMMERSON : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je fais

4 référence à la pièce D43.

5 Q. De nouveau, je vous demanderais de faire la même comparaison. Ce corps

6 que nous voyons sur la photographie-là, à votre gauche, à l'intercalaire 2,

7 on ne parle pas du même corps, n'est-ce pas ? Cela ne peut pas être le même

8 corps.

9 R. Je souhaite que ce soit bien écrit que cela montre la -- je dirais, la

10 mauvaise qualité du travail de levée de corps. Les photos sont refaites,

11 arrangées, refaites. On a des photos qui sont floues, qui sont, et cetera.

12 Moi, j'ai travaillé sur le corps R-29 qui avait été photographié sur la

13 levée de corps dans les branchages. J'ai travaillé sur le rapport de mes

14 collègues en ce qui concerne R-29, ce qui m'a permis de dire ça. Maintenant

15 le rapprocher de ce corps qui est là, je ne peux absolument pas le faire.

16 Ce n'est pas possible. Je ne peux pas travailler. Je ne peux pas répondre à

17 cette question, c'est pour cela j'attendais la question, je ne peux pas

18 répondre à cette question de comparaison des deux, je n'en sais rien,

19 Monsieur. Je ne peux pas vous le dire. Ce n'est pas un travail médico-légal

20 correct. Je ne peux pas faire ce genre de travail.

21 Q. Je vais essayer de vous poser une question très simple. Vous prenez la

22 photographie, il y a un corps qui était immergé dans l'eau et qui a passé

23 au moins deux semaines dans l'eau. Vous nous avez dit qu'il s'agissait

24 d'une mort récente. Est-ce que ceci pourrait correspondre avec les

25 ossements que nous voyons là, s'agissant de la personne R-29 ?

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je propose la façon de procéder

27 suivante, mettons à l'écran la première photographie, c'est-à-dire le corps

28 immergé dans l'eau. Je propose ensuite que l'on prenne la photographie R-

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1 29.

2 Madame Lecomte, nous allons vous montrer deux photographies : l'une

3 représentant un corps dans l'eau et l'autre photographie dont nous avons

4 parlé un peu plus tôt étant le corps R-29. La question qui vous sera posée

5 après avoir examiné ces deux corps sera de savoir si vous pensez qu'il est

6 possible qu'il s'agisse du même corps, c'est-à-dire qu'à un certain moment

7 donné le corps se trouve dans l'eau, donc un jour le corps se trouve dans

8 l'eau, et deux jours ou peut-être --

9 M. EMMERSON : [interprétation] Cinq jours.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord, cinq jours plus tard, le corps

11 R-29 que nous avons vu sur la photographie puisse se trouver dans cet état.

12 Alors je vous demanderais de vous préparer pour la comparaison de ces deux

13 photographies pour nous dire si en cinq jours vous pensez qu'il est

14 possible que ceci puisse être le même corps.

15 Monsieur Emmerson, vous avez tous les numéros, n'est-ce pas ?

16 M. EMMERSON : [aucune interprétation]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Commençons par le premier.

18 M. EMMERSON : [interprétation] La première photographie --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrait-on zoomer, s'il vous plaît.

20 M. EMMERSON : [interprétation] Non, ce n'est pas celui-là. Je voudrais que

21 l'on montre la pièce D43.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc D43.

23 M. EMMERSON : [interprétation] Pourrait-on zoomer, je vous prie.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. EMMERSON : [interprétation] Si vous le souhaitez, nous pourrions

26 également visionner la vidéo.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrait-on zoomer encore un petit peu

28 plus pour voir le corps un peu plus clairement. C'est peut-être un peu

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1 trop, bien. J'ai l'impression que ceci est bien.

2 Madame, pouvez-vous, je vous prie, vous pencher sur ce corps, car nous

3 allons vous demander si vous estimez qu'en cinq jours ce corps-ci pourrait

4 être le même corps que l'on voit sur la deuxième photographie.

5 M. EMMERSON : [interprétation] La deuxième photographie est la pièce 817

6 [comme interprété] sur la liste 65 ter, il s'agit de la page 27.

7 Voici la deuxième photographie.

8 Q. Ce corps, selon vous, vous avez évalué que ce corps a été mort il

9 y a plus de deux mois. Est-il possible que la photographie que nous avons

10 vue il y a quelques instants puisse se transformer en ceci en quelques

11 jours ?

12 R. Je ne peux répondre à cette question. Je ne la fuis pas. Mais là

13 au moins vous avez des vêtements, alors il faudrait déjà savoir si les

14 vêtements qui sont sur le corps de l'un, décrits par mes collègues

15 correspondent aux vêtements décrits par le 29. Je n'en ai pas souvenir.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regardais l'heure et je ne sais pas

17 combien de temps que vous avez besoin.

18 M. EMMERSON : [interprétation] Non, j'en ai terminé.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Guy-Smith.

20 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vais maintenir l'accord que j'ai fait.

21 Pas d'autres questions.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, que diriez-vous de

23 prendre une pause maintenant et vous allez pouvoir poser vos questions

24 supplémentaires après la pause. Est-ce que ça vous convient ?

25 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, d'ores et déjà, je ne suis pas sûr de

26 pouvoir terminer dans les temps, je tiens à le dire in limine litis. Je ne

27 sais pas si le temps qui me restera aujourd'hui sera suffisant pour faire

28 le tour des nombreuses questions soulevées par mes contradicteurs.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, c'est le résultat du fait que

2 l'Accusation ne demande pas le versement au dossier du deuxième rapport du

3 professeur Lecomte.

4 Madame le Professeur, nous allons prendre une pause de 20 minutes. Je

5 comprends tout à fait que vous avez des contraintes de temps.

6 Nous allons reprendre les travaux à 17 heures 50.

7 --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.

8 --- L'audience est reprise à 17 heures 53.

9 M. LE JUGE ORIE : -- une petite pause entre questions et réponses parce que

10 pour nos interprètes c'est toujours très difficile à traduire quand le

11 Procureur et le témoin parlent la même langue.

12 Monsieur Dutertre.

13 M. DUTERTRE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

14 Nouvel interrogatoire par M. Dutertre :

15 Q. Madame Lecomte, page 42 du transcript, aujourd'hui vous avez indiqué :

16 "Les chiens ne sont pas terriblement intéressés par les os."

17 Est-ce que je vous ai bien compris ? Est-ce que c'est un problème de

18 traduction ou c'est bien ce que vous avez dit ?

19 R. Les chiens préfèrent la chair aux os. Quand il y a de la chair, les

20 chiens se précipitent sur la chair plus que sur l'os. L'os -- il faut qu'il

21 y ait de la chair autour pour que le chien aime l'os.

22 Q. Quelles sont vos qualifications précises dans le domaine canin, et

23 renards, autres rongeurs en général ?

24 R. J'ai fait un travail à l'académie dentaire, l'Académie nationale de

25 dentaire à Paris, sur les morsures, tous les types de morsures. Morsures

26 par les hommes, morsures par les chiens, morsures par les requins, morsures

27 par les rats, morsures par -- et nous avons en fait une iconographie

28 importante à l'institut médico-légal, pour lequel je travaille depuis 20

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1 ans maintenant, plus de 20 ans, et j'ai vu beaucoup de corps qui étaient

2 trouvés en forêt, trouvés dans des squats ou trouvés dans des endroits où

3 les rats, où les chiens mangent les maîtres pour les réveiller, ils les

4 mangent parfois, lorsqu'ils sont morts.

5 Q. Sur la base de cette connaissance, vous excluez qu'un chien puisse

6 partir avec un os.

7 R. Un os sans chair, oui.

8 Q. Je vois. Question assez générale. Est-ce que vous pouvez nous décrire

9 quelles sont les limites d'une expertise sur dossier ?

10 R. Bien sûr. Toute expertise a des limites quelles qu'elles soient. Les

11 limites sur un tel dossier, parlant de ce dossier-là, sont les -- toutes

12 les missions qui tournent autour de la levée de corps. Il n'y a pas eu de

13 photos plan. C'est-à-dire de photos d'ensemble. Il n'y a pas eu de photos,

14 systématiquement, comme nous le faisons lorsqu'il y a une catastrophe ou

15 lorsqu'il y a beaucoup de corps, systématiquement, des photos en

16 grossissant sur le corps, à partir de la photo plan. Il n'y a pas eu ce

17 travail de photo plan correctement fait sur les lieux. D'où la discordance

18 peut-être de corps, de ci -- et cetera. Je pense que ça été un écueil

19 terrible.

20 Q. Merci. Sur la documentation photographique, vous indiquez notamment,

21 c'est page 22 dans votre premier rapport, que l'équipe vidéo n'apporte

22 aucun élément médico-légal complémentaire. Les clips ne sont pas

23 exploitables dans le cadre d'une étude médico-légale.

24 Ma question est la suivante : quelle influence cela a sur votre rapport ?

25 R. Le clip sur mon rapport, non -- sur le travail que j'ai eu à faire

26 pour faire le rapport, oui, énorme. Parce qu'il a fallu revoir, et re-

27 revoir, essayer de classer. Tout ça c'est un travail énorme. Pas du tout

28 facilité par les clips.

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1 Les clips prenaient des corps, prenaient des hautes personnalités,

2 prenaient des gens, prenaient des arbres, des choses, mais les clips ne

3 montraient pas un travail correctement fait avec la rigueur et un travail

4 vraiment je dirais de professionnel.

5 Q. Vous manquiez de suffisamment de documents pour pouvoir avoir une

6 vision complète ?

7 R. Je vous ai -- je me suis permis de vous dire que ces clips nous ont

8 demandé un travail énorme pour reconstituer, pour travailler sur le rapport

9 que je vous ai rendu.

10 Deuxième remarque, les photos sont sans ordre, sans technicité, des photos

11 parfois floues, des photos qui ne sont pas des photos comme nous faisons :

12 des photos de plan au départ et des grossissements sur les corps. Il n'y a

13 rien de tout ça. Il y a un corps, un autre corps, une épaule, les

14 chaussures d'un monsieur qui ramasse, un arbre, tout ça, c'est pas du

15 travail de -- correctement fait.

16 Q. C'était un travail pas très crédible.

17 R. Ça été une gêne importante pour reclasser tout.

18 Q. J'aimerais appeler à l'écran la pièce 65 ter 2076. C'est l'aide-mémoire

19 qui a été établi - deux tableaux - et qui a été envoyé la semaine dernière

20 au Pr Lecomte.

21 M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel sera le statut de ce document ?

23 M. GUY-SMITH : [interprétation] Quel est la base juridique de son

24 utilisation. Parce que là-dedans, il y a entre autres des opinions de la

25 part de M. Dutertre lui-même. Je ne sais pas ce qu'il est train d'essayer

26 de faire.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, comment souhaitez-

28 vous l'utiliser ?

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1 M. DUTERTRE : Je l'utilise comme support papier aide-mémoire pour faciliter

2 le travail de tout un chacun et permettre à chacun de suivre.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour nous ou pour le témoin ?

4 M. DUTERTRE : [hors micro]

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'une certaine façon, c'est un peu

6 directif en ce qui concerne les conclusions qu'on peut en tirer, surtout la

7 première partie.

8 M. DUTERTRE : Elle sert surtout pour avoir des références et des "exhibits

9 number" et ce genre de choses et naviguer plus vite, compte tenu du temps

10 limité qui est imparti.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends.

12 Serait-il possible d'avoir en ce qui concerne le premier tableau, la

13 colonne de gauche à l'écran où il y a une référence donnée au rapport ?

14 Ensuite vous allez pouvoir poser des questions au témoin là-dessus.

15 M. DUTERTRE : [hors micro]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que le conseil de la Défense peut

17 accepter cette façon de procéder ?

18 M. EMMERSON : [interprétation] J'ai des préoccupations en ce qui concerne

19 le deuxième tableau de la même façon.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons voir par la suite quoi

21 faire du deuxième tableau. Nous allons commencer de cette façon avec le

22 premier.

23 Veuillez poursuivre, Monsieur Dutertre.

24 M. DUTERTRE :

25 Q. Professeur Lecomte, ces deux tableaux qui vous ont été envoyés la

26 semaine dernière, donc un premier tableau qui a trait à de possibles

27 erreurs, est-ce que vous avez pris connaissance de ce document ?

28 R. Oui, Monsieur.

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1 Q. Le fait qu'il y a des -- est-ce que vous êtes d'accord avec ce document

2 ou simplement en partie ou pas du tout ?

3 R. Ce document est votre document.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que le témoin a répondu à la

5 question -- c'est ainsi que je m'attendais à ce qu'elle réponde à cette

6 question.

7 Monsieur Dutertre, que voulez-vous dire quand vous dites : êtes-vous

8 d'accord avec le document ? Donc, l'existence du document, ou les bonnes

9 références ?

10 M. DUTERTRE : Les erreurs mentionnés dans ce document, Monsieur le

11 Président. Mais compte tenu de la réponse, je peux directement passer à ces

12 différentes erreurs, juste pour obtenir des clarifications.

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous revenons au problème que nous avions

14 eu au début. Il y a des questions directives qui sont posées et il y a

15 risque de récuser son propre témoin.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith, M. Dutertre a appelé

17 ce témoin, et voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il n'a

18 pas fait appel à des preuves potentielles, parce que, comme il l'a dit,

19 cela n'est pas conforme aux normes standards de ce que l'on peut attendre

20 de la part d'un tel expert, étant donné ces erreurs dont on parle.

21 La Défense a décidé de présenter ses preuves. Dans les circonstances, bien

22 sûr, M. Dutertre ne souhaite aucunement récuser son témoin, mais il n'a pas

23 d'autres possibilités que de faire ce qu'il est en train de faire, étant

24 donné que c'est la Défense qui a présenté ce matériel.

25 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je comprends tout à fait, bien sûr,

26 l'interprétation de vous, Monsieur le Président, de la position de M.

27 Dutertre. Etant donné qu'il cherchait à présenter un rapport de la part du

28 même témoin expert, il trouve des fautes dans le deuxième rapport, je pense

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1 qu'il essaie d'éviter de tirer des conclusions qu'il préfère ne pas tirer.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

3 M. GUY-SMITH : [interprétation] Il a reçu des informations de la part d'un

4 autre expert, des informations assez limitées. Ma préoccupation est la

5 suivante, s'il souhaite poser des questions en ce qui concerne le premier

6 tableau --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a certaines questions qui me

8 semblent moins dramatiques que d'autres. Nous allons voir.

9 M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons voir s'il y avait eu, par

11 exemple, un film qui a été tourné, c'est peut-être moins critique --

12 Monsieur Dutertre, vous pourrez poursuivre, mais nous sommes dans une

13 situation sui generis en ce qui concerne ces deux rapports d'expert. Vous

14 serez suivi de très près non seulement par les Juges, mais aussi par la

15 Défense. Veuille poursuivre.

16 M. DUTERTRE : [inaudible] on rappellera par mémoire que nous n'avions pas

17 souhaité appeler le témoin du tout.

18 Q. Page 107 de votre rapport, sixième ligne, il est marqué que "35 corps

19 ou fragments de corps, numérotation R, ont été retrouvés au niveau du canal

20 Radonjic." Est-ce que cette insertion est exacte dans la mesure où le

21 professeur Aleksandric mentionne qu'un certain nombre de marqueurs -- qu'un

22 certain nombre de marqueurs ont été attribués à des effets vestimentaires,

23 et c'est également confirmé dans les pages 24, 52, 63 et 78 de votre second

24 rapport ?

25 R. Il ne s'agit pas d'une erreur. Il s'agit tout simplement d'une

26 rotation, comme font les médecins légistes quand ils trouvent quelque chose

27 à côté d'un corps. Donc, c'est une numérotation à 35 qui nous a ramené à

28 31.

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1 Q. Et ma question est : il ne s'agit pas de 35 corps ou fragments de corps

2 numérotés. Il y en a moins puisqu'il y a certains marqueurs qui sont

3 attribués à des vêtements.

4 R. A des vêtements. Et il y en a un où il y a effectivement quelques os.

5 Donc, ce sont des fragments de corps, ce sont des fragments de qui ce qui

6 pourrait -- ce sont des fragments. Ce sont des numérotations, si vous le

7 voulez, oui. Si vous le voulez, c'est la numérotation effectivement.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, je pense qu'il vaut

9 mieux poursuivre. Ce n'est pas une question très critique.

10 M. DUTERTRE : Ça montre qu'il y a un certain nombre de coquilles, mais --

11 ce qui n'est pas sans importance. C'est ce qu'essaie de montrer le parquet.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais posez la question en parlant

13 de numérotation d'articles vestimentaires, nous savons très bien qu'il y a

14 souvent deux numéros pour un corps. Est-ce que cela a un impact en ce qui

15 concerne les conclusions ? C'est cela la question la plus importante après

16 tout dans le cadre d'un rapport d'expert.

17 M. DUTERTRE : C'est la précision qu'il y aura eu du travail fait.

18 Q. Page 4 de votre rapport, vous parlez des numérotations "RE" pour la

19 ferme économique, et vous marquez les fragments R-5 et R-7 ont été

20 rapprochés et ne forment qu'un seul corps. Est-ce que c'est R-5 et R-7 ou

21 RE-5 et RE-7 ?

22 R. Non, c'est RE-5 et RE-7. C'est une coquille de rapport, comme il peut y

23 avoir des coquilles de rapport, mais ça rentre dans un travail, si vous

24 voulez, qui est d'ensemble.

25 Q. Page 113, paragraphe 4, il est question des corps R-21, R-22, R-23, R-

26 24. Et vous indiquez : "Les corps R-21, R-22, R-23 --

27 R. C'est R-21.

28 Q. C'est R-21. Il y a bien une coquille là aussi ?

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1 R. Il y a des coquilles partout dans tous les rapports.

2 Q. R-20 et R-24 seraient un seul et même corps. C'est ça qu'il faut lire ?

3 R. Ce qu'il faut voir, c'est l'ensemble du rapport, et pas voir la

4 coquille R-21 puisque après elle est remise d'ailleurs dans le système.

5 Q. Très bien. Concernant le corps R-10, page 33 du rapport, il est indiqué

6 que le corps est visible, trouvé sur la terre, avec beaucoup de cailloux,

7 au pied du mur en béton. Vous indiquez ensuite qu'il s'agit d'un corps à

8 l'air libre et qu'il n'y a pas de dessèchement.

9 Je comprends bien que le fait que le corps était à l'air libre est un des

10 éléments sur lesquels vous vous êtes basée pour parvenir à votre conclusion

11 sur la durée de présence de ce corps sur les lieux.

12 R. Entre autres.

13 Q. Entre autres.

14 M. DUTERTRE : J'aimerais faire jouer la vidéo P452, de la minute 24.24 à

15 24.35.

16 [Diffusion de la cassette vidéo]

17 M. DUTERTRE :

18 Q. Voilà la situation du corps R-10 avant l'exhumation, qu'on voit sous

19 une pile de gravats.

20 Maintenant, j'aimerais jouer la même vidéo, mais de la minute 59.50 à 1.36.

21 [Diffusion de la cassette vidéo]

22 M. DUTERTRE : On pourrait s'arrêter à 1.00. Je crois qu'il n'y a pas de

23 discussion sur le fait que c'est bien le marqueur 10 qui est à l'écran.

24 On peut continuer.

25 [Diffusion de la cassette vidéo]

26 M. DUTERTRE :

27 Q. Professeur, est-ce que le corps R-10 qu'on voit ici est un corps qui

28 vous apparaît être visible et à l'air libre ?

Page 8837

1 R. Premièrement, vous m'avez montré une vidéo dans laquelle il y a un tas

2 de cailloux. Je veux bien croire que c'est sous le tas de cailloux qu'il a

3 été trouvé.

4 La deuxième partie de la vidéo que vous me montrez montre des gens en train

5 de gratter des cailloux ou de les repousser pour trouver un corps enrobé

6 dans la terre.

7 Je veux bien dire une chose : de toute façon, ce corps n'est pas enterré.

8 Enterré veut dire creuser un trou pour mettre le corps.

9 Q. Ma question est de savoir si -- est-ce qu'il est visible à l'air

10 libre ?

11 R. Il est visible. Il y a des ossements qui sont visibles. Sur les photos

12 sur lesquelles je me suis basée, on voit qu'il est quand même pas enterré.

13 Il n'est pas dans le trou. "Visible" est peut être un mot qui est -- là

14 encore, qui peut être -- je dirais, trop important pour vous. Mais je crois

15 qu'il aurait fallu peut-être, à ce moment-là, signaler à l'expert, comme à

16 toute expertise, que tous les mots vont compter dans leur qualité, leurs

17 machins, et cetera.

18 Pour moi, il est sur la terre parce qu'il n'est pas dans la terre, c'est-à-

19 dire enterré par la terre. Il y a des cailloux autour. D'ailleurs, j'ai

20 marqué avec beaucoup de cailloux, au pied d'un mur en béton. C'est les

21 photos sur lesquelles je me suis attachée pour dire qu'il est visible,

22 parce que pour moi, on voit déjà le corps qui apparaît sur les photos sur

23 lesquelles je me suis attachée.

24 Ce n'est pas un corps qu'on est obligé d'enlever avec une pelleteuse, comme

25 nous l'avons fait dans le travail avant.

26 Q. Est-ce que vous avez vu que la personne à droite avait une pioche ?

27 R. Oui, une pioche --

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes en train de parler de la

Page 8838

1 visibilité de fragments d'ossements ou de tout le corps. Nous avons déjà vu

2 les photos, la vidéo. Certains éléments du corps étaient apparemment

3 visibles, d'autres ne l'étaient pas.

4 M. DUTERTRE : Les corps visibles, il y avait R-10. C'est un peu long à tout

5 montrer

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une des premières choses que j'ai vues

7 étaient -- le professeur Aleksandric a dit qu'il y avait des fragments

8 d'ossements qui étaient visibles à la surface d'un tas de pierres, et je

9 l'ai vu en train de manipuler ce qui semblait être une mâchoire inférieure,

10 et il la mettait de côté --

11 Mais quelle est l'importance de tout cela ? Est-ce qu'on doit vraiment y

12 passer du temps ?

13 M. DUTERTRE : Monsieur le Président, on tire des conclusions du fait qu'un

14 corps était à l'air libre ou ne pas à l'air libre pour savoir -- déterminer

15 s'il a passé un temps court, pas court, ou long sur les lieux. Encore faut-

16 il que les observations au départ soient tout à fait exactes. Le corps R-10

17 n'était ni visible ni à l'air libre. Il était sous la pile de gravats. Et

18 les os qui étaient visibles, c'était R-10-1, ce que je peux montrer par un

19 enchaînement de photos.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons déjà vu ce film vidéo. Nous

21 avons entendu la remarque faite par le Professeur Lecomte. Qu'est-ce qu'on

22 peut en tirer de plus ? Je pense qu'il faut poursuivre.

23 M. DUTERTRE : Effectivement, moi aussi, ça me paraît clair.

24 Q. Vous indiquez, Professeur, que le corps R-10 est dans un milieu

25 ventilé. Et je comprends correctement que c'est ce qui intervient ici dans

26 votre conclusion ?

27 R. Pour moi, lorsqu'un corps n'est pas enterré ou dans un milieu clos,

28 c'est-à-dire enterré, c'est-à-dire creusé dans la terre à 50, 80

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1 centimètres ou dans un cercueil clos -- ce corps-là, il est sous des

2 cailloux, des cailloux dans lesquels il y a toujours un interstice d'air

3 qui passe. Pour moi, il y a un passage, même s'il y a quand même un petit

4 passage d'air, même s'il y a un monticule de cailloux. Bon voilà --

5 Q. Entendu --

6 R. -- c'est un critère qui pour moi n'est pas -- il n'est pas à

7 l'air libre aussi bien que les autres. Je suis d'accord avec vous là-

8 dessus, mais il est enrobé de boue, mais il n'est pas enterré. Je veux

9 dire, enfin, il est sur la terre.

10 Q. J'ai bien compris votre réponse, je vous remercie. Sur l'image qu'on

11 voit à l'écran --

12 M. LE JUGE STOLE : [interprétation] En ce qui concerne la conclusion qui se

13 trouve ici : "la pile de gravats où on trouve le corps R-10, l'endroit

14 n'est pas ventilé." S'agit-il de votre conclusion ou d'une conclusion

15 d'expert ?

16 M. DUTERTRE : M. Aleksandric a dit lui-même que le corps était enterré et

17 qu'il l'a déterré de la pile de gravats.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est pas déterré.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, pour être tout à fait

20 clair, cette colonne indique "commentaire". C'est le commentaire de qui ?

21 M. DUTERTRE : Ceci provient du parquet avec des références dans la colonne

22 de droite pour indiquer en quoi elle est fondée.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'autre chose, mais la colonne

24 du milieu, ce sont des commentaires du parquet ?

25 M. DUTERTRE : Tout à fait.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

27 M. DUTERTRE :

28 Q. Sur l'image on voit une grosse trace d'humidité sur les lieux,

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1 Professeur. Est-ce que vous pensez qu'elle correspond -- que c'est le

2 propre d'un milieu ventilé ?

3 R. Je crois que déjà on fait une erreur de base quand on dit que le

4 professeur Aleksandric dit qu'il a "déterré le corps", "déterré", il

5 faudrait qu'il soit dans la terre, creuser un trou dans la terre, enseveli.

6 Or, il est -- on déterre pas un amas de cailloux, on repousse un amas de

7 cailloux --

8 Q. Ce n'était pas la --

9 R. -- on ne déterre pas. Donc il n'est pas déterré.

10 Deuxièmement, il y a une chose qui est importante, la trace d'humidité, je

11 suis tout à fait d'accord pour dire qu'il y a une trace d'humidité. Je

12 pense en fait que les orages, les pluies importantes -- c'est un terrain

13 qui est en pente. Les pluies importantes ravinent, ravinent, ravinent et

14 vont se bloquer sur le mur, d'où il y a humidité et le corps près de

15 l'humidité. Donc ce corps effectivement n'a pas dessèchement de ses

16 vêtements, ni de son corps, ni rien.

17 Mais il faut bien -- je tiens à dire quelque chose quand même. C'est

18 que, pour apprécier tout cela, et je répète ce que j'ai dit tout à l'heure,

19 c'est un ensemble d'éléments. On ne peut pas se baser sur uniquement le

20 fait qu'il y a pas de dessèchement. Forcément, il n'y a pas de dessèchement

21 on est près du -- donc il y a quand même quelque chose qui est importante.

22 Il y a la présence d'un fil barbelé, personne n'en parle. Ce fil barbelé

23 d'où il vient ? Donc on est --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Lecomte, je comprends que

25 M. Dutertre n'est pas en train d'essayer d'obtenir d'autres remarques en ce

26 qui concerne le dessèchement du corps mais plutôt par rapport à la

27 ventilation.

28 Veuillez poursuivre, Monsieur Dutertre.

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1 M. DUTERTRE : Je passe maintenant aux corps R-14 et R-15, Monsieur le

2 Président, qui font l'objet des pages 41 et 43 dans le rapport. R-14 et R-

3 15, pages 41 et 43.

4 Q. Pour R-14, vous indiquez "corps qui n'a pas de larves de diptères alors

5 que le corps est en surface à l'air libre."

6 Et pour R-15, "le corps repose sur le sol en terre avec des cailloux."

7 Je comprends que le fait que le corps est à l'air libre intervient

8 également comme élément permettant d'asseoir vos conclusions quant à la

9 durée de présence de ce corps sur les lieux.

10 R. J'ai bien dit et je répète que pour asseoir le fait d'un très court

11 séjour sur les lieux, c'est plusieurs arguments qui sont utilisés.

12 Q. J'ai compris. Mais ça fait partie des critères que vous avez utilisés.

13 R. Ça fait partie non des critères, des éléments --

14 Q. Des éléments --

15 R. -- je tiens à dire que quand un corps n'est pas enfoui, à partir

16 du moment où il n'est pas enfoui dans un milieu fermé, il peut être, il est

17 ventilé. Même s'il y a des cailloux autour -- quand vous regardez les

18 photos sur lesquelles j'ai travaillé, qui ont été prises, à la page 42,

19 vous voyiez qu'on voit les morceaux de corps, d'ailleurs c'est numéroté.

20 Q. Je vous remercie, oui. Mais je vais précisément revenir sur ces photos.

21 Le rapport du Dr Aleksandric, "exhibit" 412, page 3, mais je me contente de

22 le citer, indique :

23 [interprétation] "En dehors de l'enclos en béton, il y avait un tas

24 de graviers. Il n'y avait pas d'ossements humains ni de fragments à cet

25 endroit, mais étant donné qu'il y avait eu des dommages provoqués par des

26 projectiles sur le mur, qui surplombait le tas de graviers, l'on suppose

27 qu'il pourrait y avoir un corps sous le tas de graviers. Une fois enlevé,

28 deux autres corps ont été découverts, à savoir R-14 et R-15."

Page 8842

1 [en français] -- montrer la vidéo P452, 08 minutes 15 secondes à 08 minutes

2 19 secondes, qui montre le tas de graviers en question. On peut la jouer.

3 [Diffusion de la cassette vidéo]

4 M. DUTERTRE : Un problème technique apparemment sur la sélection. On est à

5 -- sans incidence, je passe sur la partie 36 minutes 02 à 36 minutes 49

6 secondes.

7 [Diffusion de la cassette vidéo]

8 M. DUTERTRE : On voit des personnes en train de creuser dans ce tas.

9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi. Je demanderais à M. Dutertre

10 de ne pas faire de commentaire. Nous voyons tous de quoi il s'agit.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre.

12 M. DUTERTRE : [hors micro]

13 [Diffusion de la cassette vidéo]

14 M. DUTERTRE : On peut arrêter là. Et maintenant j'aimerais passer à un

15 autre clip qui est un 65 ter 2074, de 7 minutes 26 secondes à 8 minutes 45

16 secondes.

17 [Diffusion de la cassette vidéo]

18 M. DUTERTRE : On pourrait peut-être partir au début de cette vidéo.

19 [Diffusion de la cassette vidéo]

20 M. DUTERTRE : Voilà.

21 [Diffusion de la cassette vidéo]

22 M. DUTERTRE : On peut s'arrêter maintenant à 7 minutes 50 secondes. C'est

23 suffisant.

24 Je voudrais un numéro d'exhibit pour cette vidéo, Monsieur le Président, si

25 possible.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P929.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Des objections ? Pas d'objections ? La

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1 pièce est versée au dossier.

2 M. DUTERTRE :

3 Q. Les corps R-14 et R-15 vous paraissent-ils des corps à l'air libre

4 ainsi que vous le mentionnez dans votre rapport ?

5 R. Alors, je vais revenir sur deux choses. La première, c'est que cette

6 vidéo, c'est une vidéo. Le rapport du Pr - je ne me rappelle plus son nom

7 que vous m'avez cité --

8 Q. Aleksandric.

9 R. -- a autant que valeur que le mien.

10 Nous sommes, je le répète, une aide pour la justice -- [imperceptible]

11 justiciables -- mais une aide pour la justice. Deuxièmement, si je peux

12 revoir ce document. Il y a deux choses qui me paraissent quand même

13 importantes. C'est que tous les éléments qui sont enlevés à la pelle, je

14 dis bien à la pelle -- est gratté, sont des cailloux. Les corps n'étaient

15 pas enterrés. La preuve, c'est qu'ils les jettent de l'autre côté, et de

16 l'autre côté, vous les avez, ce sont des cailloux.

17 Donc on peut dire -- faire dire à n'importe quel document photo, à

18 n'importe quelle chose, ce qu'on peut bien vouloir lui faire dire.

19 Q. Je vous remercie --

20 R. Personnellement, je me base uniquement sur les choses d'ordre général.

21 Je crois qu'on ne peut pas demander plus de finesse à des documents qui ne

22 sont pas fins. Donc, on peut simplement dire, et je maintiens, que les

23 corps reposent sur le sol, sur la terre, et qu'ils sont effectivement

24 entourés de cailloux, voire recouverts de cailloux, ce sont des cailloux,

25 c'est pas du ciment fixe. Il y a tout à fait passage d'air.

26 Q. Le Pr Aleksandric, qui était sur les lieux -- Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, un débat sans fin au

28 sujet d'un corps sous un tas de graviers, un tel débat n'est pas très

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1 utile, à savoir s'il y a pu y avoir ventilation ou pas, savoir si le corps

2 est couvert de terre, est sous terre, et cetera. Tout cela, tous ces

3 exemples nous montrent que, selon le Pr Lecomte, si un corps n'est pas en

4 sous terre, vraiment concrètement sous terre, bien sous terre, même si

5 c'est un corps qui est recouvert par beaucoup d'éléments dont elle estime

6 qu'ils ne font pas que le corps est sous terre, mais si le corps est au-

7 dessus de la terre, à ce moment-là, on nous l'a expliqué, la ventilation

8 est toujours possible.

9 Je ne sais pas ce que vous aviez encore l'intention de nous montrer,

10 mais cela n'est pas très utile. Il s'agit là presque d'une discussion

11 sémantique plus qu'autre chose.

12 Veuillez continuer.

13 M. DUTERTRE : Au-delà de la discussion sémantique, Monsieur le Président,

14 mais il y a un certain nombre de difficultés de ce même ordre.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Dutertre.

16 M. DUTERTRE : Effectivement.

17 Q. Sur les questions entomologiques, est-ce que je comprends bien que vous

18 avez utilisé le critère entomologique comme un des éléments pour parvenir à

19 vos conclusions dans les différents corps ?

20 R. Entre autres, Monsieur.

21 Q. Est-ce que vous avez une formation universitaire d'entomologiste,

22 Professeur ?

23 R. Non, j'ai reçu une formation de médecin légiste, Monsieur. Le médecin

24 légiste, il se doit de travailler aussi bien le -- pardon ? J'ai une

25 formation de médecin légiste dans sa généralité, Monsieur, c'est-à-dire

26 qu'un médecin légiste travaille aussi sur l'autopsie, qu'un médecin légiste

27 travail sur toute la médecine légale. Nous avons une formation qui durait

28 deux ans, Monsieur. C'est uniquement la formation médico-légale, et nous

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1 travaillons aussi sur la terre. Nous travaillons sur les morsures, nous

2 travaillons sur un tas de choses, Monsieur, et notamment sur la vermine,

3 puisque nous devons la décrire. Nous ne devons pas interpréter, mais nous

4 devons décrire, Monsieur.

5 M. DUTERTRE : Précisément sur --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith, vous vous étiez levé.

7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je souhaitais intervenir au sujet de la

8 dernière question par M. Dutertre. On a l'impression qu'il essaie de

9 récuser son propre au témoin.

10 Deuxièmement, l'Accusation a cité de nombreux experts en l'espèce qui ont

11 donné des commentaires sur des domaines connexes.

12 Or, nous savons très bien que le domaine de la médecine légale prend en

13 compte toute sorte de domaines connexes.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est bien compris. Veuillez

15 poursuivre, Monsieur Dutertre.

16 M. DUTERTRE : Pour autant --

17 Q. M. Dourel nous explique qu'à l'IRCG, il passe un an à se former à

18 l'identification des espèces immatures, donc des larves. Quelle est votre

19 formation spécifique sur les identifications en matière de larves ?

20 R. Non, je crois que je ne vais pas continuer à travailler comme cela,

21 parce que, Monsieur, à l'IRCG, je vous ai déjà dit qu'on travaillait sur la

22 -- sur l'évolution de la larve dans un bocal. Ils font des travaux et des

23 recherches. Donc, ils ne savent pas actuellement sur des moutons qu'ils

24 enterrent et qu'ils déterrent au fil du temps. Moi -- je dis le problème

25 n'est pas là. Chacun son domaine. Chacun son travail. Le problème, il est

26 qu'en tant que médecin légiste -- et mes collègues de -- serbes qui ont

27 fait les rapports d'autopsie les ont notés. Même certains les ont mesurés.

28 Donc, c'est un travail de médecin légiste, de reconnaître une larve de

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1 diptère.

2 Je dis bien de diptère. Une larve de coléoptère, je dis bien que ce

3 n'est pas du tout pareil. La larve de coléoptère, elle a des pattes. Elle a

4 des petites -- des petites [imperceptible] pour manger la peau. Elle arrive

5 en troisième -- en troisième séquence. La larve de diptère, c'est la larve

6 de la mouche. C'est l'asticot. Donc, c'est une formation que nous avons qui

7 n'est sûrement pas une formation aussi approfondie que celle que vous me

8 reprochez de ne pas avoir. Mais j'ai la formation de tous les médecins

9 légistes je dirais du monde et de la base, qui est de reconnaître un

10 asticot d'une larve de coléoptère.

11 Q. Très bien. Ça, je ne fais aucun reproche. J'essaie de savoir plus

12 clairement quelle est la situation.

13 Est-ce que vous agréez au fait que M. Dourel est plus spécialisé que vous

14 en matière entomologique ?

15 R. Ecoutez, sûrement, je ne le connais pas. Je connaissais son ancien

16 patron --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Dutertre --

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Dutertre, nous ne demandons pas

20 au témoin de se prononcer sur le niveau d'expertise d'un autre témoin.

21 Quand on est médecin généraliste, on sait très bien comment fonctionne le

22 cœur, mais on a peut-être pas le connaissance qu'un cardiologue. Voilà.

23 Donc, nous avons très bien compris ce qu'il en était. Nous avons très bien

24 compris ce qu'il ressortait de la déposition de M. Dourel, à savoir qu'il

25 s'est bien entendu beaucoup plus intéressé à cette question-là qu'un

26 médecin légiste. Je ne pense pas que ces questions et ces réponses vont

27 beaucoup nous faire avancer.

28 Veuillez continuer.

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1 M. DUTERTRE :

2 Q. Je crois comprendre que vous ne partagez pas les conclusions de

3 M. Dourel, et je prends donc différents exemples. Dans votre rapport à

4 propos des rapports R-1, R-2 et R-4, vous indiquez la présence de larves de

5 diptères. Je comprends bien que vous basez -- que la présence de larves de

6 diptères est un des éléments qui assoient vos conclusions.

7 R. C'est un des éléments parmi les autres.

8 Q. Entendu.

9 R. Si je n'ai pas fait -- je tiens à dire quelque chose. Là je trouve

10 qu'il y a un procès d'intention à mon égard. Je ne vais pas [inaudible]

11 Monsieur le Président. Concernant le travail de mon collègue, mon collègue

12 travaille sur les larves. Moi, je travaille sur la -- sur une -- sur

13 l'aspect de la larve, et sur la -- je décris la larve. Je ne vais pas aller

14 dans la pupe de la larve, et cetera, et cetera. Donc, je vous dis

15 simplement que nous ne travaillons pas dans le même domaine. Lui, il

16 travaille à travers une lumière qui est plus étroite, puisqu'il est

17 technicien de la mouche. Moi, je ne suis pas technicienne de la mouche. Je

18 suis technicienne de médecine légale. Donc, on est dans un contexte

19 totalement différent. Alors, je n'ai pas à dire quoi que ce soit.

20 D'ailleurs, mes collègues - qui ont fait le rapport d'autopsie - serbes,

21 mes collègues serbes qui ont fait le rapport d'autopsie, eux aussi ils ont

22 dit "larves de diptère," puisque -- puisqu'ils ont dit magots. Ils l'ont

23 décrit. Ils n'ont pas été au-delà. Donc, je ne vois pas en quoi cela change

24 quelque chose. Une larve de diptère, c'est une larve de diptère. Point. Ça

25 n'apporte rien de plus ce rapport ou le débat.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'ayez pas l'impression, Madame, que

27 vous êtes attaquée ici, agressée ici, ce n'est nullement l'intention de la

28 Chambre. Cela ne signifie pas pour autant que l'on ne peut pas essayer de

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1 mettre à l'épreuve la déposition d'un témoin, d'un expert. Je pense que

2 c'est ce qu'est en train d'essayer de faire M. Dutertre.

3 Essayez, s'il vous plaît, de vous concentrer sur les questions qui

4 vous sont posées.

5 Monsieur Dutertre, vous savez qu'au sujet des spécialistes on dit que

6 la spécialisation est le fait de se spécialiser c'est d'en savoir beaucoup

7 plus sur beaucoup moins, jusqu'à ce que finalement on ne sache rien sur

8 rien.

9 M. DUTERTRE : [chevauchement]

10 Q. Les Serbes ne disent pas le rapport que ce sont des "vers de diptères",

11 ils n'emploient pas cette expression. Page 6 594 du transcript, M. Dourel

12 conclut que les indications contenues dans le rapport d'autopsie R-1 "ne

13 permettent pas de conclure qu'il s'agit de larves de diptères."

14 Et il ajoute qu'il y a notamment des larves de coléoptères très

15 difficiles à distinguer des larves de diptères à l'œil nu.

16 Dans la mesure où -- et la situation se présente de la même manière pour R-

17 2 et R-4.

18 Dans la mesure où vous n'aviez pas de prélèvements de larves et où

19 les seules indications assez brèves sont celles --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, je lis au compte

21 rendu d'audience qu'il s'agit de la pièce 6594 et je vérifie la déposition

22 de M. Dourel et cela ne correspond pas.

23 M. DUTERTRE : 8594

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, continuez.

25 M. DUTERTRE :

26 Q. Vous n'aviez pas de prélèvements de larves, et où les indications des

27 médecins serbes pour R-1, R-2 et R-4 sur les larves sont assez brèves,

28 pouvez-vous être sûre à 100 % que les larves mentionnées pour R-1, R-2 et

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1 R-4 sont des larves de diptères plutôt par exemple que des larves de

2 coléoptères ?

3 R. Alors, je vais garder mon calme, Monsieur le Président. Mais la larve

4 de diptères est la plus fréquente sur le corps pour la bonne raison que ça

5 vient d'une mouche. Or, le coléoptère c'est un genre de scarabée. Il arrive

6 bien après, il n'arrive pas d'emblée. Le plus fréquent c'est la mouche. La

7 mouche elle arrive, elle pond un œuf, elle donne une larve. Le coléoptère

8 est un scarabée qui a de petite ailes aussi, mais qui a une carapace, qui

9 arrive plus tard, et deuxièmement la larve n'est pas la même. Je ne peux

10 pas dire que c'est une larve de diptère ou une larve de coléoptère, mais du

11 fait de la fréquence des mouches qui se posent sur tout morceau de viande,

12 voire de fromage, ou alors de n'importe quoi, les mouches pondent une

13 larve de diptère.

14 Mais je ne suis pas allée au-delà, je ne suis pas allée examiner s'il y

15 avait des machins. Je n'avais pas les prélèvements comme vous le dites très

16 justement. Là-dessus, mon collègue, enfin le collègue, le technicien que

17 vous avez pris a raison quand il dit qu'on ne peut pas dire quand c'est un

18 coléoptère ou si c'est un diptère. Moi, je dis que le diptère qui arrive

19 sur le corps, la mouche qui arrive sur le corps, c'est la plus fréquente. A

20 99,9 % c'est une mouche qui arrive et pas un coléoptère. Donc

21 effectivement, il aurait fallu le prélever, il fallait regarder l'ensemble

22 des choses. Là où logiquement --

23 Q. Vous ne pouvez pas dire à 100 % que c'est larve de diptère plutôt que

24 d'un coléoptère ?

25 R. Je l'ai dit à 99,99 %.

26 Q. Sur le corps R-3, est-ce que je comprends correctement que l'absence de

27 mouche ou de larve de diptères fait aussi partie des éléments qui vous font

28 asseoir vos conclusions ?

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1 R. D'abord, ce ne sont pas des conclusions formelles. Je croyais vous

2 avoir adressé le rapport et je pensais que vous l'aviez lu. J'ai mis dessus

3 évoque, évoque et je dis que c'est un ensemble d'éléments. J'ai dit tout à

4 l'heure pour répondre aux différents avocats, que c'est sur un ensemble

5 d'éléments. Notamment, je vous dis bien la pratique des corps exhumés qui

6 me fait dire que -- qui nous fait dire que cela évoque. Ce n'est pas un

7 argument strict, ce n'est pas un argument formel comme l'herbe, ce n'est

8 pas un argument formel non plus. C'est ce qui se voit le plus souvent dans

9 l'ensemble des choses.

10 Q. Entendu. L'expert, M. Dourel, pages 8 595 et 8 596 du transcript, a dit

11 qu'à un certain moment les larves migrent dans le sol et que pour effectuer

12 l'expertise entomologique, il faut des prélèvements dans le sol. A défaut

13 de prélèvements, précise-t-il, il est impossible d'exclure qu'un corps

14 dépourvu de larves n'a pas été colonisé à l'endroit où il se trouve par des

15 larves ayant migrés dans le sol.

16 Vous décrivez le corps R-3, Professeur, comme étant - et selon vos propres

17 observations - un corps dont la squelettisation est très avancée. On y est

18 à la page 18 dans la version française.

19 L'expert, M. Dourel, explique - page 8 605 -- M. Dourel explique page 8 605

20 du transcript, qu'un corps squelettisé sans tissus mous est un corps qui

21 n'est plus attractif pour les insectes nécrophages.

22 Vous nous confirmez bien que vous n'aviez pas de prélèvements dans le sol

23 pour R-3 ?

24 R. Je ne vais pas répondre à cette question, Monsieur. Parce que je ne

25 suis pas d'accord. Pour deux raisons. La première des choses c'est que les

26 mouches, je dirais, vont près des corps, et si le corps est squelettisé, ce

27 qui est le cas de corps-là, il ne faut pas oublié une chose, qu'il avait

28 des vêtements imprégnés de matière putride. Alors déjà, rien que les

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1 vêtements imprégnés de matière putride, attirent les mouches.

2 Q. Vous n'avez pas entendu ma question.

3 R. Mais je me permets de -- car elle est trop longue, Monsieur votre

4 question. Votre question doit être de plus petites questions, de façon que

5 je puisse réponde. C'est trop long.

6 Q. C'est trop long pour la compréhension de tout à chacun.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelles sont les questions que doit

8 poser M. Dutertre, c'est à moi de le dire, mais tout du moins, Madame le

9 Professeur a une bonne suggestion en fait. C'est tout à fait exact que de

10 dire que plutôt que de résumer des passages assez longs, vous devriez en

11 fait poser des questions précises.

12 Mais la question était de savoir s'il y avait des prélèvements de sol qui

13 ont été pris et si Mme Lecomte avait ces échantillons du sol à sa

14 disponibilité. Ensuite, elle a fait un commentaire sur l'introduction de la

15 question plutôt que de répondre à la question.

16 Est-ce que je vous ai bien compris, Madame Lecomte, en réalité il n'y a pas

17 eu d'échantillonnages faits au niveau du sol.

18 M. DUTERTRE : Ma question était --

19 LE TÉMOIN : Si je peux me permettre, c'est quelque chose d'important. C'est

20 que le carottage n'est pas une nécessité pour avoir la confirmation qu'il y

21 a ou non des larves. Les larves quand elles vont se poser, elles se posent

22 sur les vêtements qui contiennent des matières putrides. Les larves vont

23 laisser des pupes, des traces qui vont se mettre dans les fibres des

24 vêtements et qu'il faut voir. Deuxièmement, les larves, elles vont migrer

25 pour se mettre à l'obscurité, à deux ou trois centimètres dans le sol, pas

26 plus. Donc une carotte de deux ou trois centimètres, c'est tout de suite

27 relevé quasiment.

28 Il faut bien lire tous les mots du rapport de M. Dourel, puisqu'on en

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1 est à examiner son rapport. Tous les mots peuvent, autant que les miens,

2 donc je ne peux pas les absorber tels quels dans un grand ensemble et

3 entendre des choses qui, en elles-mêmes séparément, méritent d'être

4 reprises. Je ne suis pas d'accord.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Lecomte, je voulais

6 simplement dire qu'il s'agissait simplement d'une question factuelle en

7 fait, on ne vous pose qu'une question sur ce fait, sur un fait particulier.

8 Mais bien sûr, il est certain que la Chambre ou les Juges de la

9 Chambre évalueront, à savoir quelle est l'expertise qui aide aux Juges de

10 la Chambre pour en arriver à une conclusion finale.

11 Monsieur Dutertre, c'est à vous, veuillez poursuivre je vous prie.

12 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Ma question est la suivante : faute de prélèvements dans le sol, vous

14 est-il possible d'exclure absolument que le corps R-3 n'a pas été colonisé

15 antérieurement à l'endroit où il a été trouvé ?

16 R. Je ne peux pas répondre à une telle question. D'abord, premièrement, il

17 aurait fallu demander au professeur qui a été sur les lieux s'il avait fait

18 des carottages, on n'en sait rien.

19 Deuxièmement, on ne sait pas parce qu'il n'y a pas eu de carottage, je le

20 répète, qu'il n'y a pas eu de larves. Donc, le problème c'est qu'il peut y

21 avoir des traces, des traces de pupe qui restent. Le pupe c'est les

22 enveloppes de la larve avant qu'elle s'en aille, qui veulent se mettre sur

23 les vêtements ou sur le -- ou sur le -- l'une des parties du corps. Donc, à

24 partir du moment où elles ne sont pas décrites, c'est qu'il n'y en a pas.

25 Mais le carottage ou pas carottage, ce n'est pas un problème.

26 Le légiste, lui, il se base -- on travaille dans deux domaines

27 différents. Je pense qu'il aurait peut-être fallu demander à votre expert

28 de se rapprocher de -- peut-être du rapport pour qu'on puisse lui expliquer

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1 ce qu'il en était. Parce que je crois que là on est parti dans deux

2 domaines qui sont totalement différents. Ou alors, il fallu lui demander de

3 travailler sur le rapport à ma place, Monsieur.

4 Q. M. Dourel, page 8 618 du transcript indique que l'absence de

5 larves visibles ne veut pas dire qu'il n'y a pas de larves de diptère. Il a

6 dit qu'il peut y avoir des larves qui sont de très petite taille, qui

7 appartiennent à la famille des calliphoridae, réputées pour intervenir sur

8 les corps en dernière phase de décomposition et qui sont de très petite

9 taille. Est-ce que c'est un élément que vous avez pris en considération

10 lors de votre expertise.

11 R. Bien sûr.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Dutertre, essayons de

13 séparer les choses très clairement. D'après ce que je comprends, d'après le

14 témoignage de ce témoin, notre témoin a vu des photographies, a vu des

15 experts, mais elle ne s'est pas rendue sur les lieux, elle n'a pas vu

16 personnellement ces corps.

17 Donc, à savoir si cet expert a envisagé la possibilité que les larves

18 qui n'ont pas été vues par d'autres personnes et qui ne sont pas inscrites

19 dans le rapport si elles étaient là, c'est une question très difficile.

20 Elle ne peut pas le savoir. Cela voudrait dire que vous lui demandez si

21 elle a tenu compte -- d'ailleurs, je n'ai pas eu l'impression de par son

22 témoignage jusqu'à maintenant, donc vous lui demandez si elle a tenu compte

23 du fait que les experts qui étaient sur les lieux auraient peut-être pu

24 omettre d'inscrire quelque chose dans le rapport. Il faut essayer de

25 clairement comprendre quelle est la situation.

26 D'abord, si on ne fait pas état de larves dans le rapport, il y a

27 deux possibilités : soit que les larves étaient présentes et on n'en a pas

28 fait rapport ou qu'il n'y avait pas de larves. Donc, comment est-ce que ce

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1 témoin expert peut nous faire des commentaires sur cela ?

2 Si, par exemple, vous demandez au témoin expert s'il est possible que

3 des erreurs aient été faites par les experts qui se trouvaient sur les

4 lieux, à ce moment-là on pourrait très facilement nous livrer à des

5 conjectures plutôt que de préciser des points sur les faits.

6 Alors, veuillez poursuivre, je vous prie, mais essayez de formuler,

7 je vous prie, vos questions très précisément, de façon précise.

8 M. DUTERTRE : Je vais m'efforcer, Monsieur le Président, mais pour des

9 raisons de temps, je passe à un autre sujet, et je crains de ne pas en

10 avoir fini en réalité avec tous les points que je voulais évoquer.

11 Q. Concernant la végétation, est-ce que vous-même ou le Dr Vorhauer avait

12 un diplôme universitaire en botanique, Docteur ?

13 R. J'ai déjà fait 12 ans d'étude, Monsieur, et je ne suis pas botaniste.

14 Mais vous auriez dû lui demander - et je vais le transmettre à mon collègue

15 - un troisième rapport pour travailler avec d'autres experts, notamment des

16 experts en larves, en mouches, et des experts en agronomie, si vous le

17 souhaitez. Je regrette que vous n'ayez pas demandé ce troisième rapport et

18 que vous me preniez là, devant la Cour, pour faire la synthèse d'un rapport

19 que j'ai feuilleté rapidement, parce que j'ai trouvé que ce rapport n'était

20 pas une réalité en lui-même, n'était pas assez proche de la réalité pour

21 pouvoir être relevé.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Lecomte, j'ai invité M. Dutertre

23 de vous poser des questions très précises, mais vous aviez commencé à

24 répondre à une question qui n'avait pas encore été posée.

25 Donc, Monsieur Dutertre, de nouveau je vous demanderais de poser une

26 question ou la question.

27 M. DUTERTRE :

28 Q. La question qui n'est pas dans le transcript était de savoir si vous

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1 aviez un diplôme, vous-même ou le Dr Vorhauer, un diplôme universitaire en

2 botanique.

3 R. Alors, je vais répéter que j'ai effectué 12 ans d'étude et tout le

4 reste du travail de médecin légiste est un travail qui doit se faire

5 normalement en collégialité - je dis bien en collégialité, Monsieur

6 Dutertre - je dis bien en collégialité avec d'autres experts qui sont

7 spécifiques, Monsieur Dutertre. Je ne sais pas si vous entendez ma réponse.

8 Le travail d'un expert est toujours en collégialité, je dis bien, avec

9 d'autres experts.

10 Dans toutes les expertises que j'ai fais, je prends toujours un expert en

11 d'autres sujets; c'est-à-dire un expert en cardiologie. Je prends un expert

12 en --

13 Q. Attendez, attendez --

14 R. Je bien une chose, ce n'est pas en essayant d'attaquer mon diplôme que

15 je n'ai pas sur si ou ça que vous ferez avancer le problème. J'ai

16 [inaudible] en mouches ou en [inaudible]. Je dois normalement, en tant

17 qu'expert, m'entourer d'autres experts et travailler en collégialité avec

18 eux.

19 Q. Entendu --

20 R. Voilà le travail d'un bon légiste.

21 Q. C'est bien --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Lecomte, ce n'est pas une attaque

23 faite à votre endroit.

24 LE TÉMOIN : [hors micro]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre ne l'a pas perçu comme ceci,

26 mais c'est une façon technique d'approcher. Malheureusement, nous sommes

27 juristes. C'est une façon, c'est une technique pour établir quel est le

28 niveau d'éducation que quelqu'un a, quels sont les diplômes dont dispose le

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1 témoin --

2 LE TÉMOIN : [hors micro]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'entrons pas dans un débat, bien sûr.

4 Je sais que vous devez partir, que vous avez des contraintes de temps --

5 LE TÉMOIN : [hors micro]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes vraiment désolés si vous

7 vous êtes sentie sous attaque, mais M. Dutertre ne vous a pas attaquée. Il

8 vous pose des questions.

9 Monsieur Dutertre, veuillez poursuivre.

10 LE TÉMOIN : [hors micro]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Lecomte --

12 LE TÉMOIN : [hors micro]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- à la fin de votre témoignage, je vais

14 vous permettre de faire les commentaires que vous aimeriez faire, mais pour

15 l'instant nous avons des contraintes de temps, et nous vous permettrons de

16 dire ce que vous aviez à nous dire après votre déposition.

17 Monsieur Dutertre, veuillez poursuivre, je vous prie.

18 M. DUTERTRE : Merci, Monsieur le Président. J'aimerais jouer la vidéo qui a

19 déjà reçu un numéro d'exhibit précédemment, qui est la vidéo V00748, de la

20 minute 5 à la minute 5.11. Je ne sais plus le numéro d'exhibit en fait,

21 mais c'est la précédente.

22 [Diffusion de la cassette vidéo]

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'espère que vous

24 avez trouvé la séquence. Vous pouvez la passer.

25 M. DUTERTRE : Je la repasse peut-être.

26 [Diffusion de la cassette vidéo]

27 M. DUTERTRE : Et on peut stopper là, à 5 minutes 10.

28 Q. Professeur, est-ce que vous diriez que dans cette pente il y a

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1 énormément de végétation, beaucoup de végétation, peu de végétation, assez

2 peu de végétation ?

3 R. Sur la photographie que j'ai c'est une image, elle est floue, vous

4 remarquez. Vous remarquez qu'elle est floue quand même, Monsieur Dutertre ?

5 Q. Oui, oui, oui. Sur ce que vous pouvez voir.

6 R. Oui, mais vous remarquez qu'elle est floue.

7 Q. Elle n'est pas d'une qualité idéale, mais est-ce que vous pouvez

8 répondre à ma question néanmoins ?

9 R. Difficilement. Il y a l'air d'avoir du vert, mais je trouve que la

10 photo est floue pour pouvoir l'interpréter.

11 Q. Je vois --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris la réponse du

13 témoin, elle nous répond qu'eu égard à la qualité de l'image elle n'est pas

14 en mesure de se prononcer sur le niveau de végétation se trouvant sur ce

15 terrain.

16 Veuillez poursuivre, je vous prie.

17 M. DUTERTRE : Veuillez affichez la pièce P400, page 12.

18 J'aimerais qu'on agrandisse la photo 60, -- [interprétation] droite.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voulez-vous bien répéter la question

20 avec une --

21 M. DUTERTRE : -- photo marquée 60 qui est celle en bas à droitePlutôt 56,

22 je me suis trompé, excusez-moi, c'est la 57 que j'aimerais agrandir, en

23 haut à gauche.

24 Q. Cette photo est d'une meilleure qualité, et ma question est la suivante

25 : est-ce qu'en observant cette photo, vous pensez que les surfaces en terre

26 sont égales, inférieures, plus importantes que les surfaces, disons en vert

27 avec végétation ?

28 R. Je vais me permettre de faire une remarque avant de répondre très

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1 précisément à la question. Je voudrais savoir si cette photo a été prise

2 avec les corps ayant été enlevés et le terrain ait été marqué par les

3 corps, voire remués par les gens qui ont fait la levée de corps.

4 Q. Les corps apparaissent - nous pourrons peut-être zoomer - mais on voit

5 encore les corps apparaîtrent clairement en bas du mur et dans la pente.

6 C'est donc avant exhumation.

7 R. Dans l'ensemble des corps, je dis bien.

8 Q. L'ensemble des corps.

9 R. Parce que là je ne suis pas convaincue, Monsieur --

10 Q. Nous voyons les corps ici.

11 R. Oui, vous en voyez un ou deux. Mais nous ne voyez pas l'ensemble des

12 corps. Il y en avait quand même, je crois plus d'une --

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Lecomte, je pense que vous avez

14 comprise ce que nous avions en tête mais en fait vous n'êtes pas là pour

15 lire dans nos esprits mais pour répondre aux questions.

16 Une question pourrait se poser sur le moment auquel cette photo a été prise

17 ? Une question pertinente par rapport à cette photo, certes.

18 Néanmoins, je vous demande de bien vouloir répondre aux questions, mais il

19 n'y aura pas de questions, car nous nous approchons de 19 heures, et je

20 sais très bien que vous devez partir.

21 Monsieur Dutertre, je pense que vous n'avez pas encore terminé vos

22 questions supplémentaires ?

23 M. DUTERTRE : C'est évident. Mais ce qui implique qu'on puisse

24 éventuellement rappeler le Dr Lecomte.

25 LE TÉMOIN : Je verrai si je peux venir.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous demandez l'autorisation donc de

27 rappeler le Pr Lecomte.

28 M. DUTERTRE : Je voudrais seulement savoir si le Pr Lecomte peut venir

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1 demain.

2 LE TÉMOIN : Non.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre prendront la

5 décision pour savoir si nous allons vous autoriser, Monsieur Dutertre, à

6 rappeler le Pr Lecomte. Bien sûr, en vérifiant la disponibilité du Pr

7 Lecomte.

8 Je pars du principe que la Défense accepterait que le Pr Lecomte soit

9 rappelée étant donné qu'il y a une certaine confusion en ce qui concerne

10 l'ordre suivi dans l'interrogatoire principal, contre-interrogatoire, et

11 cetera.

12 M. EMMERSON : [interprétation] Je suis tout à fait neutre.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

14 M. GUY-SMITH : [interprétation] La même façon, je donnerais ma réponse.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey.

16 M. HARVEY : [interprétation] Je suis comme la Suisse.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Dutertre, ça veut dire que

18 la Chambre va se pencher sur la question pour savoir si vous aurez la

19 possibilité de rappeler le témoin pour des questions supplémentaires. Ça

20 dépendra aussi de la possibilité que de notre côté que nous ayons d'autres

21 questions.

22 Quelle que soit la décision de la Chambre, Madame Lecomte, et quel que soit

23 le moment où vous serez rappelée, je comprends que vous devez partir.

24 Très rapidement, Monsieur Dutertre --

25 M. DUTERTRE : -- que le Pr Lecomte peut revenir demain ? Est-ce qu'elle a

26 des engagements qui peuvent être reportés ?

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non. Nous avons été informés de

28 l'impossibilité pour le Pr Lecomte de venir demain et elle a d'autres

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1 arrangements prévus pour aujourd'hui, donc elle viendra quelques semaines

2 plus tard. C'est l'information que nous avons reçue. Le Pr Lecomte me

3 corrigera, si ce n'est pas le cas.

4 Professeur Lecomte, étant donné qu'il y a une possibilité que vous soyez

5 rappelée pour répondre à des questions supplémentaires, je dois vous dire

6 que vous devez parler avec personne de votre témoignage, du témoignage que

7 vous avez déjà donné et éventuellement du témoignage que vous allez donner

8 par la suite. C'est l'instruction que je dois vous donner. Si une décision

9 est prise qui n'a pas besoin de vous rappeler, vous en seriez informée à ce

10 moment-là, bien sûr, vous êtes tout à fait libre de parler de votre

11 témoignage avec d'autres.

12 Je demande à Mme l'huissière de bien vouloir escorter le témoin en dehors

13 du prétoire.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons bien sûr -- étant donné

16 d'ailleurs que je vous ai promis de le faire nous vous permettrons de faire

17 des remarques. Et d'ailleurs, si c'est la seule raison pour laquelle vous

18 êtes rappelée, vous serez peut-être invitée à le faire par écrit et nous

19 l'envoyer, je vous libère, je sais que vous êtes très pressée.

20 Merci beaucoup.

21 LE TÉMOIN : [hors micro]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

23 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne sais pas ce qu'envisage de faire,

24 Monsieur le Président, pour demain.

25 [Le témoin se retire]

26 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je viens de recevoir un e-mail, un

27 courriel. Je n'ai pas encore reçu une réponse de l'Accusation en ce qui

28 concerne la question que nous avions soulevée. Cela concerne les arguments

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1 qui devraient être présentés entre 5 heures et 6 heures. Je ne sais pas si

2 le document est déjà disponible.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai demandé à mon équipe de m'en

4 informer immédiatement mais nous n'avons rien reçu. Peut-être que mon

5 équipe l'a reçu, mais les Juges n'ont pas reçu.

6 M. RE : [interprétation] Vous ne l'avez pas reçu parce que ce n'est

7 pas encore finalisé, mais ce sera fait très rapidement.

8 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

9 M. GUY-SMITH : [interprétation] Comment voulez-vous --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, il va falloir que j'en parle avec

11 mes collègues.

12 Je ne peux pas répondre à votre question pour l'instant. En ce qui concerne

13 le dernier jour, il y a aussi d'autres questions à prendre en

14 considération, bien sûr, la Chambre est disponible 24 heures sur 24, mais,

15 bon, parfois ce n'est pas absolument toutes les 24 heures où nous sommes

16 disponibles.

17 Nous allons voir comment procéder par la suite, et vous en serez informés.

18 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pars du principe que nous n'allons pas

19 nous réunir vers 4, 5, 6, demain matin.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'oserais pas vous obliger à vous

21 présenter à une heure si tôt.

22 Bien sûr, les informations seront données demain.

23 M. DUTERTRE : Le rapport du Dr Dourel n'a pas encore reçu de numéro

24 d'"exibit," Et je voudrais savoir si un numéro peut lui être donné.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je vais vérifier. Le rapport

26 Dourel n'a pas encore été numéroté; c'est cela ?

27 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le greffier donnera un numéro, mais nous

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1 allons suspendre l'audience, lever l'audience.

2 Monsieur le Greffier --

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] P930.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des objections en ce qui

5 concerne le rapport Dourel ?

6 Je vois des têtes qui opinent du chef, trois fois, donc cela veut dire que

7 ce rapport est versé au dossier.

8 Toutes mes excuses à l'équipe technique et aux interprètes, nous allons

9 maintenant lever l'audience jusqu'à demain après-midi, dans la même

10 chambre, à 14 heures 15.

11 --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le jeudi 4 octobre

12 2007, à 14 heures 15.

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