Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 5 novembre 2007

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez citer le

  7   numéro de l'affaire au rôle.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour

  9   toutes les personnes dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-04-84-T,

 10   le Procureur contre Ramush Haradinaj et consorts.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 12   Bonjour, Madame le Témoin 28. Je tiens à vous rappeler que vous êtes

 13   toujours liée par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au

 14   début de votre déposition vendredi dernier. Par ailleurs, je voudrais

 15   également rappeler aux parties que si l'une des questions posées au témoin

 16   risque de donner lieu à une réponse pouvant permettre de reconnaître

 17   l'identité du témoin, il convient de passer immédiatement à huis clos

 18   partiel.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, je tiens à rappeler aux parties

 21   que les micros doivent être éteints au moment où le témoin répond aux

 22   questions qui lui sont posées.

 23   Monsieur Re, veuillez procéder.

 24   LE TÉMOIN: TÉMOIN SST7/28 [Reprise]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   M. RE : [interprétation] Bonjour, Témoin 28. Je commencerai par annoncer

 27   que nous disposons d'une déclaration expurgée de la déclaration dans le

 28   système du prétoire électronique et je crois savoir qu'il s'agit de la


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  1   pièce P1211 --

  2   L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent qu'ils lisent le compte rendu à

  3   l'écran mais qu'ils n'entendent pas M. Re.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, il y a un problème

  5   technique.

  6   Monsieur Re, peut-être pourriez-vous utiliser l'autre micro qui se

  7   trouve devant vous.

  8   M. RE : [interprétation] M'entendez-vous maintenant ? 

  9   Interrogatoire principal par M. Re : [Suite]

 10   Q.  [interprétation] Jeudi dernier dans l'après-midi, je vous posais,

 11   Témoin 28, des questions au sujet d'une partie précise de votre déclaration

 12   écrite. J'aimerais que nous revenions à présent sur le paragraphe 29 de

 13   celle-ci, dont vous avez un exemplaire sous les yeux. Ce passage se lit

 14   comme suit : "Un officier du MUP de Decani, dont je ne me rappelle plus le

 15   nom, m'a dit à peu près à ce moment-là…" - il s'agit du début mars 1998 -

 16   "que le pont de Jablanica a été démoli, probablement par l'UCK, afin

 17   d'empêcher le MUP de pénétrer dans Jablanica et de patrouiller dans le

 18   secteur."

 19   Ma question est la suivante, - et je me rends compte que cela fait

 20   pas mal de temps que vous avez eu ce texte pour la dernière fois sous les

 21   yeux, et que les évènements se sont produits, donc que vous vous appuyez

 22   sur votre mémoire - voici ma question : pourriez-vous donner des détails

 23   complémentaires aux Juges de la Chambre au sujet du pont en question ou de

 24   ce qu'on vous a dit exactement au sujet de sa destruction à ce moment-là ?

 25   R.  Pas vraiment davantage que ce que j'ai déjà dit. Je me rappelle peut-

 26   être éventuellement simplement les circonstances dans lesquelles cette

 27   conversation a eu lieu. C'était à un moment où le policier Prascevic avait

 28   été tué, au début du mois de mars. Je me rendais à Decani. J'ai parlé à son


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  1   épouse. Je pense que nous parlions de l'assassinat. Puis je me suis rendue

  2   au poste de police de Decani pour parler de ce qui s'était passé et de ce

  3   qui pouvait se trouver en arrière-plan de tout cela. Voilà l'entretien que

  4   j'ai eu.

  5   Q.  J'aimerais que nous passions maintenant aux paragraphes 34 et 35 de

  6   votre déclaration écrite. J'en demande l'affichage grâce au système

  7   sanction, avec expurgation. 

  8   J'aimerais vous interroger au sujet du paragraphe 34 -- ou plutôt 35,

  9   mais en faisant appel également au paragraphe 34. Vous dites : "C'était la

 10   dernière fois que des (expurgé) ont été autorisés à pénétrer sur les

 11   territoires sous contrôle de l'UCK dans la municipalité de Decani. L'un de

 12   nos enquêteurs m'a dit au mois d'avril que l'enquêteur, alors qu'il se

 13   dirigeait vers Glodjane, a été arrêté à un poste de contrôle de l'UCK à

 14   Pozar et que Daut Haradinaj en personne lui a refusé de poursuivre son

 15   chemin."

 16   Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que vous savez d'autre

 17   à ce sujet, qui se trouve dans votre déclaration écrite ?

 18   R.  Pas vraiment. Encore une fois, je ne peux que parler du contexte de ces

 19   évènements. Les derniers dix jours du mois d'avril ont été un moment où a

 20   eu lieu un affrontement entre l'UCK et les forces de police. Les réfugiés

 21   albanais s'enfuyaient vers Djakovica, si je me souviens bien, alors que les

 22   réfugiés serbes -- enfin les autres, si je puis m'exprimer ainsi, se

 23   dirigeaient vers l'auberge de jeunesse que l'on trouve derrière le

 24   monastère de Decani, et nous avons tous essayé en groupe d'interroger les

 25   réfugiés et de voir ce qui s'était passé. A ce moment-là l'un de nos

 26   enquêteurs a essayé de s'entretenir avec des réfugiés albanais en

 27   traversant le poste de contrôle de Pozar et s'est vu refuser ce passage.

 28   Q.  Dans ce passage de votre déclaration écrite, vous parlez de territoires


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  1   sous contrôle de l'UCK dans la municipalité de Decani. Quels étaient ces

  2   secteurs, pour autant que vous vous en souveniez, qui étaient sous contrôle

  3   de l'UCK ?

  4   R.  J'ai eu des renseignements qui indiquaient que Grabace [phon], Dubrava,

  5   Babaloc, Shaptej, Gramocelj étaient sous le contrôle des forces de police

  6   serbes, ainsi qu'un lotissement de Babaloc et qui se trouvait derrière

  7   pendant un certain temps.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous demander une précision.

  9   Vous avez parlé de Babaloc, ensuite vous avez parlé d'un lotissement, et

 10   vous avez fait la différence entre les deux. Lorsque vous dites

 11   "lotissement de Babaloc", parlez-vous de ces rues nouvellement créées qui

 12   comptent environ 50 à 80 nouvelles maisons d'habitation destinées aux

 13   réfugiés ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 16   M. EMMERSON : [interprétation] Une précision, Monsieur le Président.

 17   Lorsque le témoin, page 4, ligne 7 parle de cette période, je me demandais

 18   si une précision pourrait être apportée quant à la période exacte dont il

 19   est question aux paragraphes 34 et 35 de la déclaration écrite du témoin.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle de la période qui commence à Pâques,

 21   qui s'étend entre le 19 et le 30 avril à peu près. Par la suite, je ne suis

 22   pas au courant de ce qui s'est passé, car je n'étais plus présente sur les

 23   lieux.

 24   M. RE : [interprétation]

 25   Q.  Quelle était la source des renseignements que vous aviez au sujet du

 26   contrôle exercé par l'UCK sur ces secteurs dont vous venez de parler ?

 27   R.  J'ai des difficultés à m'en souvenir à l'heure actuelle, mais je crois

 28   que c'est à Djakovica, au comité de défense des droits de l'homme, que nous


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  1   avons obtenu ces renseignements, car c'était en général là que nous allions

  2   chercher des renseignements au sujet de ce qui se passait sur le terrain.

  3   Q.  Dans le rapport Spotlight 26, qui constitue la pièce 56 [comme

  4   interprété], que vous avez sous les yeux, page 17, ce rapport évoque, à la

  5   page numéro ERN 00649633, sous le paragraphe 9, la chose suivante :

  6   "Glodjane contrôlé par l'Armée de libération du Kosovo," et nous lisons

  7   ensuite :

  8   "Suite au 24 mars et aux affrontements qui ont eu lieu ce jour-là

  9   entre l'Armée de libération du Kosovo, des postes de contrôle ont été créés

 10   à l'entrée et à la sortie de Glodjane et ont empêché les journalistes de

 11   pénétrer dans le village."

 12   Est-ce que ce passage de ce rapport a bénéficié des renseignements dont

 13   vous disposiez au sujet de l'incident en question au moment de sa

 14   rédaction, ce que l'on trouve au paragraphe 35 de votre déclaration écrite,

 15   lorsque vous dites que des enquêteurs ont été empêchés d'entrer dans

 16   Glodjane en avril 1998 ? Est-ce qu'il y a un lien entre les deux, le fait

 17   que (expurgé) ont été

 18   interdits d'accès, et le fait que les journalistes ont été empêchés

 19   d'entrer dans Glodjane ?

 20   R.  Je n'établirais pas un lien entre les deux faits. J'avais des rapports

 21   importants avec tous les médias qui pénétraient dans ce lieu. Donc je ne

 22   suis pas sûre qu'il y a un rapport entre les deux.

 23   Q.  Pourriez-vous passer au paragraphe 40 de votre déclaration écrite où il

 24   est question du lotissement de réfugiés de Babaloc. Vous avez parlé de

 25   Babaloc il y a un instant.

 26   Je demande l'affichage du paragraphe 40 grâce au système Sanction.

 27   "En avril 1998, j'ai interrogé deux réfugiés du lotissement." Et vous avez

 28   obtenu leurs noms. Je poursuis la lecture : "Ils m'ont dit que ce soir-là,


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  1   en avril 1998, l'UCK avait attaqué la maison de Zarko Zlaticanin. La maison

  2   a été touchée, mais personne n'a été blessé. Le lendemain, plusieurs

  3   réfugiés sont partis pour Podgorica."

  4   Que vous ont-ils dit au sujet de l'attaque qui a eu lieu la nuit du 18

  5   avril 1998 ? Pourriez-vous dire ce que vous avez appris ?

  6   R.  Il m'est difficile de me rappeler exactement ce qu'ils ont dit,

  7   aujourd'hui. Je me souviens que je ne leur faisais pas entièrement

  8   confiance, car ils insistaient pour dire qu'il n'y avait aucun policier

  9   présent, qu'ils étaient simplement venus leur rendre visite. Je suis

 10   arrivée dans les villages albanais, je crois que c'était à Skivije, où des

 11   réfugiés albanais insistaient pour dire que les forces policières étaient

 12   présentes. Donc l'une des raisons pour lesquelles je me suis rendue sur

 13   place consistait à vérifier ce qui s'était passé. Mais ils m'ont dit que le

 14   18, à la veille de Pâques, des tirs ont été entendus en provenance du

 15   village de Babaloc -- si je me souviens bien, il y avait une forêt et une

 16   ravine entre le village albanais de Babaloc et le lotissement de Babaloc

 17   Ils m'ont également dit que ces attaques avaient déjà eu lieu en

 18   1997, mais avec une fréquence moindre. Le l8, des tirs importants ont

 19   commencé à être entendus à partir d'Uke e Baballoq, d'après ce qu'ils m'ont

 20   dit, et les Albanais criaient : "Bonnes Pâques." Ces tirs se sont

 21   poursuivis le 19, et dans l'après-midi du 19, les gens ne faisaient pas

 22   grand-chose, ils se cachaient, et ils ont été escortés jusqu'à l'auberge de

 23   jeunesse de Decani. Ensuite, ils sont revenus, si je me souviens bien, le

 24   20 - peut-être fais-je erreur sur la date - en tout cas, c'était un moment

 25   où les forces policières serbes ont repris ce secteur, parce que les

 26   réfugiés albanais parlaient de Baballoq e Suka. C'est un endroit où se

 27   trouvaient plus tard les forces policières serbes.

 28   M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  2   M. EMMERSON : [interprétation] Je crois ne pas avoir très bien suivi. Le

  3   témoin pourrait-elle préciser ?

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Témoin 28, je crois que Me Emmerson n'a

  5   pas tout à fait bien suivi ce que vous vouliez dire, notamment lorsque vous

  6   dites que vous avez peut-être fait une erreur.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je parlais simplement des dates au moment

  8   où ces événements se seraient produits. Parce que je me suis rendue à peu

  9   près au même moment dans divers village albanais où se trouvaient des

 10   réfugiés, et ils m'ont dit que finalement c'était le 20 qu'ils ont dû

 11   partir et prendre la fuite pour Erec, si je me souviens bien, parce que les

 12   forces policières serbes avaient commencé à prendre le contrôle d'Uke e

 13   Baballoq et avaient commencé à leur tirer dessus.

 14   Dans la même période, les forces policières serbes du lotissement de

 15   Babaloc, d'après ce qu'on m'a dit, c'était le 18 et le 19, ont été

 16   attaquées par l'UCK. Ma conclusion consiste à penser qu'il y a eu un

 17   affrontement, et que les réfugiés se sont mis à fuir dans diverses

 18   directions pour éviter ces affrontements.

 19   Je ne sais pas si j'ai été suffisamment précise.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une autre question. Vous avez dit

 21   un peu plus tôt : "Les dix derniers jours d'avril, un affrontement a opposé

 22   l'UCK et les forces policières, ainsi que les réfugiés albanais qui

 23   fuyaient vers Djakovica." 

 24   Si je me souviens bien, vous avez dit que les réfugiés serbes

 25   fuyaient, pour leur part, dans la direction de l'auberge de jeunesse qui se

 26   trouve derrière le monastère de Decani.

 27   J'aimerais vous poser la question suivante : en vous fondant sur les

 28   renseignements reçus par vous personnellement, et sur ce que vous avez vu


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  1   de vos yeux, pourriez-vous nous dire si les Serbes qui se sont enfuis l'ont

  2   fait au moment où l'UCK a attaqué ? Est-ce que les Albanais, pour leur

  3   part, se sont enfuis au moment où les Serbes ont attaqué ou est-ce qu'il

  4   s'agissait d'un conflit armé qui faisait rage et qui rendait très difficile

  5   la distinction entre qui attaquait et qui se défendait. Est-ce qu'il

  6   s'agissait simplement d'un échange de tirs d'une violence des deux côtés,

  7   qui a entraîné la fuite de toute la population, nonobstant le fait de

  8   savoir qui tirait ou qui attaquait, mais que simplement, la population a

  9   fui les villages où elle se trouvait afin de se défendre ? J'espère que

 10   vous avez bien compris ma question.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai compris.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cette fuite était une

 13   réaction précise à une attaque précise ou est-ce que c'était simplement un

 14   déchaînement de violence dans lequel plusieurs forces étaient impliquées,

 15   qu'il s'agisse de Serbes ou d'Albanais, où tout le monde a pris la fuite

 16   parce que la situation devenait trop dangereuse pour tout le monde ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas eu l'impression qu'il s'agissait

 18   de violence incontrôlée et généralisée et que l'agresseur était inconnu,

 19   notamment s'agissant du lotissement de Babaloc où se trouvaient les

 20   réfugiés, parce que les réfugiés ont parlé très clairement du village de

 21   Babaloc, qui était un village albanais, en disant qu'on leur avait tiré

 22   dessus, et qu'ils avaient pris la fuite sous escorte policière pour essayer

 23   d'atteindre l'auberge de jeunesse.

 24   La même chose s'est passée avec les réfugiés albanais. Ils disaient

 25   que les forces policières serbes occupaient très certainement certains

 26   secteurs et pilonnaient les villages, et que c'est la raison pour laquelle

 27   ils s'étaient enfuis.

 28   Voilà ce que je me rappelle aujourd'hui.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas eu l'impression que les

  2   gens fuyaient la violence de façon générale, et que peut-être ils ont mal

  3   interprété la situation en reprochant cette violence à leurs adversaires

  4   naturels, c'est-à-dire aux Albanais, pour les Serbes, et aux Serbes pour

  5   les Albanais ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] L'impression que j'ai eue, c'est que les deux

  7   insistaient pour dire qu'ils étaient sans arme. Bien entendu, les Serbes

  8   disaient qu'ils étaient désarmés, qu'ils étaient dans ce lotissement sans

  9   aucune arme, et les Albanais racontaient une histoire différente. Quant aux

 10   réfugiés albanais, ils insistaient pour dire que les hommes étaient restés

 11   pour garder les maisons.

 12   Mais mon sentiment à ce moment-là, c'est que deux groupes militaires

 13   s'étaient déjà constitués, qui se combattaient l'un l'autre, dont l'un

 14   était très faible, je veux parler de l'UCK, pas forcément totalement

 15   désarmée, mais prêt à combattre malgré une faiblesse par rapport aux forces

 16   de police serbes qui souhaitaient s'emparer de la route menant de Decani à

 17   Djakovica. Je pense que tout cela s'est passé durant ces dix jours et que

 18   cela concernait la route reliant Decani à Djakovica.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

 21   M. RE : [interprétation]

 22   Q.  Nous en venons maintenant à la partie de votre déclaration écrite qui

 23   va du paragraphe 44 au suivant. Je cite : "Des familles serbes ont quitté

 24   Dukagjini au début de l'année 1998."

 25   Est-ce que ce passage pourrait être affiché grâce au système Sanction.

 26   Au milieu de ce paragraphe 44, vous dites, je cite : "Nous avons reçu

 27   des renseignements indiquant que des civils serbes vivant dans des villages

 28   albanais avaient été enlevés par l'UCK et étaient portés disparus."


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  1   Deux phrases plus loin, vous dites, je cite : "(expurgé)

  2   (expurgé) a décidé d'enquêter sur ces accusations, et je suis

  3   arrivée à Decani au cours de la dernière semaine d'avril 1998 pour

  4   enquêter." Au paragraphe suivant, vous dites, je cite : "A Decani, j'ai

  5   dénombré 34 familles serbes qui avaient quitté leurs villages dans le

  6   secteur de Dukagjini, et résidaient à Decani en qualité de réfugiés."

  7   Voilà ce sur quoi j'aimerais me concentrer. D'abord, comment avez-vous

  8   dénombré ces 34 familles dont vous parlez dans cette phrase que je viens de

  9   citer, et dans une autre phrase vous parlez de 123 ?

 10   R.  Le chiffre de 123, je n'en connaissais pas la source. Je sais que je

 11   l'ai trouvé dans mon carnet de notes et c'est un chiffre qui s'est inscrit

 12   dans ma mémoire, mais je ne me souviens pas de la source qui justifie

 13   d'avoir noté ce chiffre.

 14   Quant aux 34 familles, je pense qu'il faut que j'indique au préalable

 15   que je ne les connaissais pas. Nous ne les connaissions pas. Nous avons

 16   reçu des rapports à partir du début du mois de mars indiquant que certaines

 17   familles étaient attaquées, et qu'elles commençaient déjà à partir, et

 18   notre responsable qui pouvait encore se rendre sur les lieux au mois de

 19   mars, il s'agissait d'un chercheur serbe, a interrogé ces familles. Donc,

 20   je connaissais ces familles.

 21   Lorsque je suis arrivée sur place, ce que je faisais en général, et

 22   je l'ai fait à ce moment-là, c'était de dessiner un plan. Ces villages ne

 23   m'étaient pas totalement inconnus. J'ai donc dessiné le plan de ces

 24   villages et je me suis concentrée sur le côté droit de la route, lorsque

 25   l'on tourne le dos à Djakovica et qu'on regarde vers Decani; autrement dit,

 26   je me suis concentrée sur la partie orientale de la route. Je n'ai pas,

 27   bien sûr, compté chaque personne que je voyais. C'était impossible. Mais ce

 28   que j'ai fait, c'est que j'ai dénombré les maisons et donc les foyers. Les


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  1   Serbes de ces villages étaient organisés comme l'étaient les familles

  2   albanaises. Donc, il y avait trois familles Popovic, cinq familles --

  3   enfin, cinq maisons où résidaient des familles Stojanovic, trois maisons

  4   correspondantes à une autre famille. Je crois que la tendance était d'une

  5   exagération des nombres. On parlait de plusieurs centaines de familles

  6   expulsées. Il est peut-être intéressant de mentionner à ce stade que cinq

  7   familles de Gramocelj, des familles albanaises de Gramocelj, m'a-t-on dit -

  8   parce que je n'ai pas rencontré ces familles - avaient refusé de prendre

  9   des armes. Plus tard, lorsque j'ai établi la liste des familles, j'ai

 10   appris qu'une certaine confusion était née du fait que certaines familles

 11   ne pouvaient pas être retrouvées par la suite sur la base de leurs noms.

 12   Nous avons rédigé ce rapport plus tard, donc j'ai essayé de retrouver

 13   certaines familles, mais certaines qui avaient d'autres noms de famille

 14   étaient portées disparues.

 15   Il y avait deux femmes âgées, dont l'une était handicapée. Les Serbes de

 16   Decani m'ont dit qu'il s'agissait de la famille Vujorad Dara [phon] et de

 17   la famille Vujosevic, mais plus tard je me suis rendu compte que l'une de

 18   ces femmes était mariée et portait le nom de famille de Kovac ou quelque

 19   chose comme ça. Mais moi, c'est comme il figure sur le nom de Vujosevic sur

 20   ma liste.

 21   Ai-je bien répondu à question ?

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous essayez manifestement de vous

 23   expliquer suite à la question de M. Re. J'aimerais que M. Re s'intéresse

 24   aux passages qui intéressent plus particulièrement les Juges. Si nous avons

 25   encore une fois des questions à vous poser, nous interviendrons.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 27   M. RE : [interprétation]

 28   Q.  Puis-je vous ramener à votre dernière réponse. Vous avez dit, je cite :


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  1   "Nous recevions, à partir du début de mars, des rapports indiquant que

  2   certaines familles étaient attaquées et étaient déjà sur le point de

  3   partir."

  4   Quels étaient ces rapports que vous receviez, et quelle était la nature de

  5   ces agressions et de ces attaques ? Que vous a-t-on dit au sujet des

  6   attaques vécues par ces familles ? Qui attaquait ces familles, en d'autres

  7   termes, et dans quelles conditions ? Qu'avez-vous pu conclure suite à vos

  8   recherches ?

  9   R.  Je ne me souviens pas du nom de famille de ces familles que nous avons

 10   interrogées, mais c'est le (expurgé) qui s'est chargé

 11   de ces investigations. Je me souviens de certains noms et de certains

 12   villages visités par ce centre, et je sais que tout a commencé au début du

 13   mois de mars.

 14   Q.  D'accord. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre les noms des

 15   villages que vous avez en mémoire et ce qu'on vous a dit au sujet de ces

 16   attaques.

 17   R.  Je me rappelle une famille Fatic de Crmljane qui a parlé d'une bombe

 18   qui est tombée dans sa cour. Même chose pour la famille Culafic de Ratis,

 19   si je me souviens bien, mais je n'en suis pas tout à fait sûre, et il y

 20   avait une famille monténégrine de Rznic pour laquelle je sais que j'ai

 21   essayé de les retrouver plus tard, et j'ai entendu dire que leur fils

 22   vivait à Belgrade et que la famille est partie immédiatement après les

 23   affrontements à Glodjane.

 24   Puis non, je n'ai pas d'autres souvenirs. Je pourrais peut-être plus

 25   tard me rappeler le nom d'une quatrième famille.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En dehors de ces noms, vous rappelez-

 27   vous le lieu et ce qui s'est passé ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Personne n'a été blessé, si je me souviens


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  1   bien. Nous avons entendu des rapports diffusés par les médias serbes selon

  2   lesquels des maisons serbes avaient été attaquées. Notre chercheur est allé

  3   sur place. Il a interrogé ces personnes et a obtenu d'autres renseignements

  4   au sujet des bombardements. Pour la plupart, il s'agissait de

  5   bombardements, je m'en souviens, de bombes tombées dans les cours de ces

  6   maisons.

  7   M. RE : [interprétation]

  8   Q.  Qu'avez-vous entendu au sujet de l'identité de ceux qui avaient peut-

  9   être placé ces bombes dans ces cours ?

 10   R.  Je ne saurais le dire. Je ne m'en souviens pas. Parce que j'ai suivi

 11   l'évolution de l'UCK à Decani, en particulier, j'ai eu des renseignements

 12   au sujet de la présence de l'UCK à cet endroit, donc tout cela était

 13   logique. Mais je ne saurais dire s'il s'agissait de l'UCK, car je n'ai pas

 14   eu sous les yeux d'entretiens écrits.

 15   Mais je me souviens qu'il y avait un couvre-feu au début de 1998, et

 16   je me rappelle des entretiens qui ont été réalisés par notre représentant,

 17   un Serbe, avec une famille qui avait été empêchée de partir par l'UCK. Ça,

 18   c'est précis. Des tirs avaient été tirés sur une voiture. Personne n'avait

 19   été blessé. Je crois que d'autres entretiens ont également eu lieu.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous rappelez-vous -- quand vous dites

 21   "au début de 1998," de quel mois il s'agissait ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pense qu'il s'agissait de la fin du

 23   mois de décembre, des gens qui allaient vers le monastère. Quel monastère,

 24   je ne m'en souviens plus. Ils ont été arrêtés sur la route, interrogés par

 25   notre représentant serbe à qui ils ont expliqué qu'ils n'étaient pas au

 26   courant du couvre-feu, mais que d'autres Serbes étaient au courant. Ça, je

 27   m'en souviens. Je pourrais trouver cet entretien, si c'est important.

 28   M. RE : [interprétation]


Page 10189

  1   Q.  Vous vouliez dire fin 1997, donc ?

  2   R.  Oui, fin 1997.

  3   Q.  Vous parlez de couvre-feu. Quel couvre-feu ?

  4   R.  Un couvre-feu lié au fait que l'UCK contrôlait ce secteur, que les gens

  5   ne pouvaient pas sortir de leurs maisons. Puis, il y a eu d'autres familles

  6   concernées, si je me souviens bien, mais ce n'était pas à Decani. C'était à

  7   Klina -- Donji Petrovic [phon] à Klina. Les gens disaient qu'ils avaient

  8   pris les armes et qu'ils protégeaient leurs maisons par crainte d'une

  9   attaque de l'UCK, et ça c'était au mois de mars.

 10   Q.  Où a eu lieu cet incident impliquant une voiture qui a essuyé des tirs

 11   ?

 12   R.  Josanica, me semble-t-il. Quelque chose comme Josanica.

 13   Q.  Où cela se trouve-t-il ?

 14   R.  Cela devrait se trouver plus loin, plus près de Klina, au nord de

 15   Djakovica.

 16   Q.  D'accord.

 17   R.  Vers la frontière avec la région de Drenica.

 18   Q.  D'accord. Et le couvre-feu, c'était un couvre-feu imposé par l'UCK ou

 19   par quelqu'un d'autre ?

 20   R.  Par l'UCK. Cela figure dans la transcription de l'entretien.

 21   Q.  D'accord. Ces enlèvements de Serbes de souche dont il était question

 22   dans le rapport de "Human Rights Watch", sous le titre : "Violations du

 23   droit humanitaire au Kosovo," cela se trouve dans la pièce 999 de la liste

 24   65 ter.

 25   Passez à la page 78 et 79, où on trouve une note en bas de page dans

 26   laquelle il est question d'enlèvement de Serbes de souche --

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est un document déjà versé

 28   au dossier, Monsieur Re ?


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  1   M. RE : [interprétation] Non, mais j'en demanderais le versement.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un rapport assez long. Vous avez

  3   besoin de l'intégralité de ce rapport ?

  4   M. RE : [interprétation] Oui. C'est un rapport qui concerne toute l'année

  5   1998. C'est un rapport assez équilibré quant à ce qui se passait des deux

  6   côtés.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Permettez-moi, Monsieur le Président,

  8   au cas où l'Accusation demande le versement au dossier de cette pièce, nous

  9   allons élever une objection sur la base de l'arrêt rendu dans l'affaire

 10   Milutinovic au sujet de ce genre de documents. Et nous aurons plaisir à

 11   vous présenter des arguments complémentaires au moment voulu, mais pour

 12   l'instant je voulais simplement indiquer notre intention.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 14   Monsieur Re, ce rapport synthétise l'ensemble du conflit. Il pose

 15   pour le moins un problème, donc je commencerais d'abord par vous inciter à

 16   vous centrer sur les parties précises qui fondent vos questions.

 17   M. RE : [interprétation] C'est un document qui a une pertinence

 18   directe par rapport aux incidents figurant dans l'acte d'accusation. Il

 19   évoque un certain nombre de personnes dont les noms figurent dans l'acte

 20   d'accusation. C'est un premier pas dans mon interrogatoire de ce témoin.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 22   M. RE : [interprétation]

 23   Q.  Témoin 28, je voudrais simplement --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me pose des questions quant à la

 25   pertinence --

 26   M. GUY-SMITH : [interprétation] Toute une série d'objections va être

 27   élevée par rapport à ce type de document. Il serait donc peut-être prudent

 28   pour la Défense de déposer ses arguments par écrit. Mais je ne demande pas


Page 10191

  1   à la Chambre de se prononcer sur ce document particulier à l'instant.

  2   Je voulais simplement avertir la Chambre quant au fait que sur la

  3  base de la décision du 1er septembre 2006 relative à la demande de versement

  4   au dossier des documents consultés par le biais de Sandra Mitchell et de

  5   Frederick Abrahams, la Défense va élever objection.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Cela s'appliquera également --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, vous conviendrez que ceci

  9   est un problème qui se pose de façon récurrente par rapport à l'admission

 10   de synthèses provenant de tierces personnes, car je crois que ce que vous

 11   voulez c'est établir que ce qui se trouve dans ce rapport correspond à la

 12   vérité.

 13   M. RE : [interprétation] Oui. Les conclusions de "Human Rights Watch"

 14   permettent également de se prononcer quant au début des affrontements et à

 15   l'intensité de ces affrontements sur la base de ce qui s'est passé sur le

 16   terrain. On trouve cela en pages 91 à 93. Mais serait-il possible pour le

 17   moins de demander l'enregistrement aux fins d'identification pour le moment

 18   de ce document et d'en débattre plus tard ?

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien entendu, une fois que la

 20   déposition de ce témoin sera terminée, nous accepterons peut-être

 21   l'admission partielle de ce document et vous aurez à évoquer un grand

 22   nombre de documents éventuellement, mais peut-être ne serait-ce pas le cas.

 23   M. RE : [interprétation] Je ne pense pas que nous en arriverons là.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

 25   M. RE : [interprétation] Ce que je voulais simplement --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, alors MFI --

 27   M. RE : [interprétation] Je voulais simplement identifier certaines

 28   passages.


Page 10192

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

  2   M. RE : [interprétation] C'est tout ce que je voulais demander à ce témoin.

  3   M. EMMERSON : [interprétation] Je ne sais pas si la Chambre a déjà lu la

  4   déclaration écrite du témoin. Je suis sûr qu'aucune mesure de protection

  5   n'a été demandée, mais peut-être fais-je erreur, mais je ne vois pas

  6   mention de Peter Bouckaert de "Human Rights Watch".

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Fred Abrahams.

  8   M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi, Fred Abrahams, quel rapport

  9   avec ce rapport ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons pas encore lu ce texte, ce

 11   qui ne veut pas dire que nous ne sommes pas au courant qu'il va nous être

 12   soumis.

 13   M. EMMERSON : [interprétation] Bien. Nous savons que compte tenu de ce que

 14   M. Re a dit il y a quelques instants, il a l'intention d'utiliser pas mal

 15   de passages de cette déclaration qui vont faire l'objet d'objections, y

 16   compris la conclusion de M. Re par rapport à la date exacte du début des

 17   affrontements armés.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce rapport au moins de "Human

 19   Rights Watch", ce rapport peut-il avoir une cote MFI.

 20   Monsieur le Greffier ?

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira

 22   d'enregistrement aux fins d'identification sous la cote P1212.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 24   Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

 25   M. RE : [interprétation] Je voudrais simplement demander au témoin

 26   d'identifier certains passages de ce rapport qui concernent le travail

 27   réalisé au Kosovo en 1998. Le premier passage se trouve aux pages 78 et 79.

 28   Il est question d'enlèvement de Serbes de souche, et en note en bas de


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  1   page, 134 et 138, il est question du rapport de (expurgé)

  2   (expurgé).

  3   Q.  Je voulais vous demander de confirmer que tel est bien le cas avant de

  4   vous soumettre un autre passage.

  5   R.  D'accord.

  6   Q.  Je vous remercie.

  7   Pourrions-nous maintenant parler des incidents évoqués au paragraphe

  8   48 de votre déclaration, où vous dites avoir interrogé des réfugiés de

  9   Decani. Paragraphe 49, en fait.

 10   Affichage grâce à Sanction, je vous prie. Maintenant --

 11   R.  Je ne sais plus où vous en êtes.

 12   Q.  Paragraphe 49, où vous parlez d'un entretien avec la fille de Milovan

 13   et Milka Vlahovic, Nada Vlahovic.

 14   Excusez-moi ?

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Re.

 17   M. RE : [interprétation]

 18   Q.  Ensuite au paragraphe 51, vous parlez, je cite : "Des réfugiés qui

 19   m'ont dit que seuls des Serbes de souche étaient restés à Dasinovac, où la

 20   famille Milica Radunovic, Milos Radunovic, et la famille Markovic ont été

 21   interrogées."

 22   Je voudrais simplement vous renvoyer à la pièce MFI 1212, le rapport

 23   de "Human Rights Watch", note en bas de page 149, où il est question du

 24   rapport du (expurgé) qui constitue la pièce

 25   P6 ou P5 -- excusez-moi.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Il est permis de dire que le rapport de "Human Rights Watch" se fonde

 28   sur des informations indiquant --


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  -- obtenu par (expurgé), n'est-ce pas

  3   ?

  4   R.  Hm-hm.

  5   Q.  Passez maintenant à la page suivante, page 84 du rapport de "Human

  6   Rights Watch," où nous lisons, je cite :

  7   "Selon (expurgé) ainsi que le

  8   journal Blic, Bejta Gurum [phon] et Agron Berisa, tous les deux des Rom,

  9   ainsi qu'Ivan Zaric, un Serbe de souche, ont quitté Dolac le 20 mai pour se

 10   rendre dans le village Grabovica." "Human Rights Watch" fonde ce passage de

 11   ce rapport sur des renseignements recueillis par vos chercheurs sur le

 12   terrain au Kosovo à l'époque.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   J'aimerais maintenant passer à un autre passage, paragraphe 50. Au

 16   milieu de ce paragraphe, vous dites que : "les Serbes ont quitté le village

 17   et que seuls des hommes albanais sont restés." Je cite : "Selon mon

 18   expérience, c'était quelque chose qui se passait très souvent et qui était

 19   bien connu dans les endroits où l'UCK apparaissait en public. Les femmes et

 20   les enfants albanais partaient par crainte des affrontements entre l'UCK,

 21   le MUP ou l'armée yougoslave."

 22   Pourriez-vous rapidement dire aux Juges ce que vous avez vécu et comment

 23   vous en êtes arrivé à cette conclusion.

 24   R.  Mon expérience était que les forces de la police serbe étaient

 25   absolument dépourvues de contrôle une fois qu'il s'agissait d'affrontements

 26   ou entrant dans les villages où ils soupçonnaient qu'ils pourraient être

 27   attaqués par l'UCK, ce qui voulait dire alors que les habitants des

 28   villages albanais essayaient de sauver les enfants et les femmes et les


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  1   envoyer aussi loin que possible, de façon à ce qu'elles ne puissent pas --

  2   enfin, il s'agissait de leur sauver la vie, et c'était un cercle vicieux,

  3   dirais-je. Je ne sais pas qui devrait être vraiment blâmé en fin de compte,

  4   parce que la police serbe ne devrait pas non plus exagérer quel était le

  5   niveau des attaques subies et créer de nouvelles vagues de réfugiés,

  6   fondamentalement.

  7   A un certain moment au cours de l'été, c'est devenu vraiment grave. Oui, il

  8   est vrai que la plupart des Serbes nous disaient, je crois, Nada Vlahovic,

  9   mais également Ljubica Stojanovic, que, par exemple, avant les

 10   affrontements de Glodjane le 24 mars, ils avaient remarqué que certaines

 11   familles albanaises avaient quitté le village. Et parfois également des

 12   femmes albanaises ont dit que leurs maris restaient pour veiller sur la

 13   maison.

 14   Donc c'est la crainte des affrontements qui se produisaient et que

 15   quelqu'un puisse être tué.

 16   Q.  Je voudrais maintenant que vous regardiez le paragraphe 53. Est-ce

 17   qu'on peut le présenter par le logiciel Sanction, vous dites :

 18   "Certains réfugiés serbes qui se trouvaient à l'auberge de jeunesse à

 19   Decani m'ont dit qu'un Serbe du nom de Prilep, Branko Stamatovic avait

 20   disparu le 25 avril 1998."

 21   Est-ce que vous avez d'autres renseignements à ce sujet ? Dans la

 22   négative, je vais passer à autre chose.

 23   R.  Je pense que nous avons eu quelque chose dans un rapport, je ne sais

 24   pas -- je ne peux pas me rappeler, il y avait une source albanaise qui nous

 25   a dit que Branko avait été vu entrant avec la police serbe dans la maison

 26   de quelqu'un ou quelque chose de ce genre, mais je ne suis pas sûre que cet

 27   homme soit encore en vie.

 28   Q.  Pourriez-vous maintenant passer au paragraphe suivant, où il est dit :


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  1   "Conditions le long des routes principales vers la mi-1998", où vous dites

  2   :

  3   "Mes observations en voyageant fréquemment dans le secteur de

  4   Dukagjini en mars 1999" -- je dis à nouveau, "mars 1998 et à partir de là,

  5   c'était qu'il y avait escalade du conflit."

  6   Pourriez vous décrire pour la Chambre de première instance comment

  7   cette escalade du conflit à eu lieu telle que vous l'avez observée en mars

  8   1998 -- à partir de 1998 ?

  9   R.  A partir de mars, je ne me rappelle pas avoir vu de postes de contrôle

 10   de la police en si grand nombre. Les routes étaient ouvertes. Les cars et

 11   les bus pouvaient circuler, bien que certains d'entre eux aient été arrêtés

 12   et que parfois des personnes étaient enlevées en les faisant descendre de

 13   ces cars. 

 14   Ceci a beaucoup changé. Là encore, je parle de ces dix jours d'avril,

 15   fin avril, où les bus et les cars ont arrêté le travail. Il y avait un

 16   grand nombre de points de contrôle. De nombreux réfugiés albanais ont

 17   déposé et ont dit qu'ils pouvaient voir des convois, des convois de police

 18   et des convois militaires sur la route, en particulier entre Decani et

 19   Djakovica.

 20   J'ai entendu dire également que derrière le monastère sont arrivées

 21   des forces spéciales serbes et de l'autre côté des réfugiés albanais qui

 22   appelaient cet endroit Podi i Geshtenjave, je pense que c'est comme ça

 23   qu'on appelait ce lieu où ils se trouvaient installés. Il y a donc une

 24   tension qui s'est accrue et un plus grand nombre de réfugiés qui sont

 25   arrivés.

 26   Un autre point, il y a comme une frontière, et très souvent les

 27   médias rendaient compte du fait que l'armée yougoslave arrêtait les convois

 28   avec -- pas essentiellement les convois, mais des gens --arrêtant des


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  1   personnes qui portaient des armes en traversant la frontière. Je pense

  2   qu'il y a eu un grand nombre de réfugiés de Voksh -- je ne me sais plus

  3   comment c'était appelé, un autre endroit, qui se dirigeaient vers Djakovica

  4   à nouveau, venant de l'autre côté en direction de Djakovica. Craignant des

  5   affrontements, il se peut déjà qu'il y ait eu des affrontements qui se

  6   déroulaient. Je ne peux pas me rappeler.

  7   Mais oui, les routes commençaient à poser des problèmes. Ces routes

  8   en avril tout à fait. En mai en fait, dans presque tous les cas, il était

  9   difficile de se déplacer sur la route de Djakovica à Pristina.

 10   Q.  Bien. Que pouvez-vous dire concernant ce que vous avez vu quant à

 11   l'intensification des affrontements ? C'est cela qui m'intéresse plus

 12   particulièrement.

 13   R.  Je veux dire, je n'étais pas témoin du conflit. Je pouvais simplement

 14   mettre ensemble quelques éléments d'information que j'obtenais, et j'étais

 15   également préoccupée de savoir où envoyer des chercheurs, de ne pas envoyer

 16   des chercheurs serbes dans les zones contrôlées par l'UCK et qu'il n'y ait

 17   pas des chercheurs albanais qui passaient par les points de contrôle serbes

 18   qui étaient très en colère. Je suivais ce processus, et je pouvais voir

 19   qu'il y avait des points de contrôle où les gens étaient très inquiets, des

 20   policiers serbes derrière des sacs de sable qui faisaient ce qu'ils

 21   pouvaient pour garder les routes ouvertes en insistant que fondamentalement

 22   l'UCK allait fermer la route.

 23   Q.  Paragraphe 65, vous parlez d'un incident qui a eu lieu le 24 et le 25

 24   mai alors que vous étiez en train de circuler dans une jeep du (expurgé)

 25   (expurgé) en allant vers Pec ou Peja avec votre équipe

 26   pour faire des enquêtes concernant des abus de personnes qui se trouvaient

 27   détenues par la police serbe. Et au dernier paragraphe, vous dites : "Nous

 28   avons entendu dire que l'UCK avait également enlevé deux policiers près de


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  1   Prilep sur la route Decani-Djakovica."

  2   Je voudrais revérifier ce qu'il y a à ce sujet. Si vous pouviez

  3   regarder plus particulièrement le rapport Spotlight au point numéro 27 qui

  4   fait partie de la pièce P6.

  5   Regardant le paragraphe 2.24 qui se trouve à la page K0078707, il est

  6   question de l'enlèvement de policiers Nikola Jovanovic et Rade Popovic.

  7   Est-ce que c'est la même déclaration ?

  8   R.  Oui. Mais j'ai simplement appris des médias quelque chose d'autre se

  9   passait sur la route, mais pas seulement à Ljubenic, mais également autre

 10   chose qui s'est passée la veille. Je ne peux pas m'en rappeler davantage.

 11   Egalement, j'ai entendu dire qu'il y avait un rapport avec ce cas, qu'il y

 12   avait des négociations qui étaient en cours, mais il est vrai que ces

 13   policiers devaient être relâchés. Mais ça n'a pas réussi.

 14   Q.  Est-ce que vous pourriez revenir au paragraphe 75, s'il vous plaît.

 15   Est-ce qu'on pourrait également le présenter par le logiciel Sanction.

 16   M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi. Mais en ce qui concerne la

 17   dernière ligne de la dernière réponse, je me demande si le témoin pourrait

 18   nous indiquer quelle est la source, s'il vous plaît. La référence à des

 19   négociations.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je pense que c'était le quotidien, le

 21   journal Danas. Nous l'avons ici, je pense que c'est mentionné dans ce

 22   document auquel on se referait.

 23   Est-ce que vous pourriez m'aider à trouver le paragraphe en question

 24   ? Est-ce que vous pourriez m'aider parce que ceci concerne l'affaire

 25   Poparic -- Nikola Ivanic. Oui, il se peut que ceci soit -

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que c'est 224. On lit : "Le

 27   journal a également rendu compte du fait qu'il y avait des contacts entre

 28   les autorités de la police et l'UCK, relatifs à l'échange de policiers qui


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  1   avaient été faits prisonniers, ceci contre des vivres." 

  2   Est-ce que c'est de cela dont vous voulez parler ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En plus de ce que disaient les journaux,

  5   vous n'avez pas d'autres renseignements supplémentaires --

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- indépendamment de ce qui a été

  8   apporté.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, parce que ce rapport a été rédigé en

 10   partie dans le cadre d'une recherche et en partie sur ce dont rendaient

 11   compte les médias locaux. Et nous avons cité les sources.

 12   M. RE : [interprétation]

 13   Q.  Est-ce que nous pourrions maintenant regarder le paragraphe 75 qui est

 14   présenté par le logiciel Sanction. Vous parlez là des médias serbes et du

 15   fait que (expurgé) a rendu compte du fait

 16   qu'il y avait "des attaques de l'UCK qui s'intensifiaient contre les

 17   patrouilles du MUP sur la route Djakovica-Pec, y compris l'enlèvement et le

 18   meurtre de policiers et de civils."

 19   Puis vous parlez de votre appréciation de la situation en disant :

 20   "Sur la base de mes recherches sur le terrain, mon évaluation c'est

 21   qu'ils avaient à leur tour provoqué des mesures de rétorsion du MUP. Le MUP

 22   à ce moment-là a riposté par des tirs d'artillerie sans discrimination et

 23   le fait d'incendier des villages albanais."

 24   Puis vous poursuivez : "Ceci a eu pour résultat un exode des femmes

 25   et des enfants albanais. Dans l'intervalle, des hommes des villages

 26   albanais étaient mobilisés. Les mesures de rétorsion du MUP en 1998

 27   semblaient prendre précisément pour objectif des lieux tels que Decani et

 28   Ljubenic, mais au cours de l'été se sont étendues sur l'ensemble du Kosovo.


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  1   Le MUP avait besoin de contrôler la ville et les routes principales."

  2   Ce que je voulais vous demander, c'est de développer ceci, à savoir

  3   que le MUP avait besoin de contrôler les villes et les routes principales.

  4   Quel était votre renseignement dans le secteur de Dukagjini en mai 1998 ?

  5   R.  Je veux dire, là, c'est vraiment une opinion -- c'est pas vraiment une

  6   opinion. Ce n'est pas basé sur un fait. Le pur fait, c'est qu'il y avait

  7   une route qui se trouvait à la limite du côté occidental -- oui, du côté

  8   oriental de la route avec ces villages qui à l'époque étaient contrôlés

  9   vers la fin du mois de mai par l'UCK, je crois. Ensuite, il y avait cette

 10   frontière d'où venaient les armes -- c'était clairement une voie et telle

 11   était l'intention, et il y a la possibilité dans ce territoire pour que la

 12   voie soit ouverte et que des armes puissent entrer. Et les Serbes, pas

 13   seulement dans le cas de Decani, mais également à Orahovac où ailleurs,

 14   chaque fois que quelqu'un essayait de fermer la route ou que quelqu'un

 15   essayait de prendre le contrôle de la ville, tout simplement ils ne

 16   permettaient pas que cela puisse avoir lieu. 

 17   Je ne peux pas vous en dire plus. C'était juste mon appréciation.

 18   Q.  Je voudrais maintenant vous demander de revenir sur la déclaration que

 19   vous avez faite quand vous avez répondu au Président Orie lorsqu'il vous

 20   posait des questions sur les personnes qui fuyaient les violences en mars

 21   et avril 1998.

 22   Est-ce que vous seriez en mesure de déterminer à partir des questions que

 23   vous avez posées et de vos observations sur le terrain, s'il y avait un

 24   schéma sur ce que les Albanais ou les Serbes disaient au (expurgé)

 25   (expurgé) ?

 26   R.  Vous voulez dire plus particulièrement pour la région ? Parce que nous

 27   couvrions l'ensemble du Kosovo. Vous me posez la question pour Decani ?

 28   Q.  Cette région, oui. Decani, Dukagjini.


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  1   R.  Les Serbes en fait exprimaient tout simplement qu'ils croyaient qu'ils

  2   étaient pris pour cible, et on leur avait dit de quitter leurs maisons.

  3   Parfois ils craignaient d'être pris pour cible. Il y avait un grand nombre

  4   de compte rendus différents concernant des armées étrangères, comme ils les

  5   appelaient, dans le secteur de Decani, de sorte que certains d'entre eux,

  6   en fait, ont été arrêtés et battus, d'après ce que je comprends, au

  7   quartier général de l'UCK à Glodjane.

  8   Les Albanais de l'autre côté disaient presque toujours la même chose

  9   : "Les forces serbes sont sur Suka e Babaloc ou Suka Crmljanska", et c'est

 10   pour ça qu'ils ont insisté sur le fait qu'ils devaient partir. Les deux

 11   côtés n'étaient pas armés, tout au moins ceux que nous avons interrogés.

 12   Q.  Quels étaient vos renseignements sur la question de savoir qui prenait

 13   les Serbes pour cible ?

 14   R.  Si vous demandez aux Serbes, alors tous disaient -- ils utilisaient une

 15   série d'expressions. Ils disaient "des terroristes siptari, OVK, UCK." Il

 16   s'agit d'expressions qu'ils ont utilisées tout le temps.

 17   Toutefois, je dois dire que les médias serbes faisaient énormément de

 18   propagande contre les terroristes, et nous avons commencé à nous inquiéter

 19   à un certain stade, et je pense qu'il s'agit d'après mars, et que nous

 20   n'avons pas véritablement vu comment les choses se développaient. Tout ce

 21   que les Serbes disaient à ce sujet : Les terroristes ont fait ceci ou cela.

 22   C'est pour ça que nous avons essayé à ce moment-là d'identifier, pour

 23   l'essentiel, s'ils avaient des armes ou s'ils portaient des uniformes ou si

 24   c'était seulement une opinion qu'il s'agissait de terroristes qui

 25   attaquaient.

 26   Peut-être que c'est important d'évoquer un élément politique dans

 27   cette terminologie. Je ne sais pas, peut-être que c'est important, peut-

 28   être que ça ne l'est pas. Mais les Serbes pendant un moment ne voulaient


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  1   pas admettre qu'ils avaient en fait un conflit militaire, et voulaient

  2   faire percevoir qu'ils étaient d'honnêtes Albanais et qu'il y avait des

  3   terroristes et des bandes qui ravageaient alentour.

  4   Je pense que pendant un moment également, la LDK au Kosovo, quand ont

  5   commencé les affrontements -- ce que j'ai vu de la guerre -- ne voulait pas

  6   non plus admettre que l'UCK existait, et c'est la raison pour laquelle la

  7   plupart des Serbes utilisaient essentiellement l'expression "terroristes",

  8   "terroristes", "terroristes", mais également "OVK," et "UCK" également.

  9   Q.  Revenons sur vos observations et sur ce que vous avez pu vérifier et

 10   déterminer sur la base des questions que vous avez posées, de ce que vous

 11   avez vu sur les routes, qu'est-ce qui était le plus cohérent avec

 12   l'existence de l'UCK prenant pour cible des familles serbes ou est-ce que

 13   cela correspondait mieux à quelque chose d'autre ?

 14   R.  Je ne comprends pas la question.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

 16   M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous allons -- si le témoin

 18   n'a pas compris la question, alors la question pourrait être reformulée ou

 19   on pourrait poser une autre question. Une fois que la question est là,

 20   Maître Emmerson, je crois que --

 21   M. EMMERSON : [interprétation] Oui. Je pense que d'une façon plus générale

 22   je n'ai pas voulu interrompre jusqu'à maintenant. Mais nous sommes en train

 23   de nous éloigner de plus en plus des caractéristiques précises, et nous

 24   allons de plus en plus dans les généralisations et les appréciations.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair.

 26   M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que, si l'on peut dire, de toute

 27   façon nous allons bien au-delà des limites maintenant.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re.


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  1   M. RE : [interprétation] Je vais reformuler ma question.

  2   Q.  Ce que vous avez décrit comme étant la propagande dans les médias, pour

  3   les Serbes qui étaient quitté leurs villages, et qui vous avaient dit

  4   qu'ils avaient été pris pour cible, vous avez décrit dans votre déclaration

  5   -- il est dit qu'au Kosovo dans le secteur à ce moment-là vous avez observé

  6   des mouvements, et que des choses avaient lieu sur la route.

  7   Sur la base de tout ce que vous avez vu, est-ce que -- qu'est-ce que

  8   c'était -- ce que les Serbes vous disaient, cela correspondait à quoi ?

  9   R.  Je ne comprends toujours pas la question.

 10   M. EMMERSON : [interprétation] Est-ce que --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais voir si je peux résoudre la

 12   question.

 13   Vous avez dit un peu plus tôt - je vais retrouver le passage de votre

 14   déposition - vous avez dit que les Serbes ne voulaient pas admettre que

 15   l'UCK existait. C'était la raison pour laquelle les Serbes utilisaient

 16   essentiellement comme formule : "Les terroristes", "les terroristes" --

 17   mais également quelques autres mots ou expressions.

 18   Est-ce que j'ai bien compris votre réponse, à savoir que vous

 19   considériez que ceci ne correspondait pas à la réalité de ne pas vouloir

 20   admettre que l'UCK existait ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je pense en fait que l'UCK existait

 22   alors.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais quand pour la première fois

 24   avez-vous remarqué vous-même qu'il y avait cette négation de l'existence de

 25   l'UCK et qu'à votre avis ce n'était pas réaliste ? Quand est-ce que pour la

 26   première fois vous avez estimé que ce n'était pas réaliste ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez dire les Serbes ?

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.


Page 10205

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je veux dire immédiatement après l'événement

  2   de Likosane que j'ai mentionné dans l'après-midi de jeudi. Parce qu'il est

  3   évident qu'il y a une levée de la population. J'ai parlé à certaines

  4   sources à la LDK, et on m'a dit qu'il y avait déjà des groupes sur le

  5   terrain, ce n'était toujours pas l'armée. C'était en février 1998. Ça

  6   n'était toujours pas une armée, mais il y avait des personnes qui

  7   arrivaient en masse pour les appuyer. Les Albanais, en fait, avaient été

  8   déçus du fait que la question n'ait pas été réglée après Dayton et

  9   commençaient un processus de maintien de la paix.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors --

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc c'est ça que je pensais. Prekaz, là

 12   encore, le massacre important qui a eu lieu par la suite le 5 ou le 6. Là

 13   encore, je pense au recrutement des personnes. Il y a avait un mouvement

 14   réel qui se trouvait à la base.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maintenant, vous dites que les

 16   Serbes niaient l'existence de l'UCK, et je comprends que l'UCK, c'était

 17   l'Armée de libération du Kosovo ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En même temps, vous dites qu'en février

 20   1998, ce n'était toujours pas l'armée. Quand pour la première fois il vous

 21   est venu à l'esprit que cette négation de l'existence d'une armée ne

 22   correspondait pas à ce que vous considériez comme une armée, quand était-ce

 23   ? Ensuite je vous demanderais pourquoi vous avez considéré à un moment

 24   donné lorsque vous avez dit, en février : "pas encore une armée", ensuite -

 25   -

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas moi. La source au LDK m'a

 27   dit que ceci n'était toujours pas l'armée, mais recevait un appui très

 28   étendu. Nous étions toujours préoccupés. Mais si j'ai pensé il y a un mois


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  1   que ce ne serait pas la guerre, à partir de ce moment-là, je ne pouvais

  2   plus le dire.

  3   Donc c'est quelqu'un d'autre qui m'a dit cela. Je ne suis pas experte

  4   militaire. J'ai simplement vu en l'occurrence l'UCK -- oui, des soldats de

  5   l'UCK. Je les ai vus à Prekaz. J'en ai vu à Likosane. Egalement, ils

  6   dépassaient à Dreznica. J'ai eu quelques contacts avec des commandants là.

  7   J'étais consciente que c'était là.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous nous avez dit ça, vous

  9   parliez non seulement du secteur de Dukajini, mais également d'une zone

 10   plus vaste.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, la zone la plus étendue.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Monsieur Re, veuillez poursuivre.

 14   M. RE : [interprétation] Mais je n'ai pas d'autres questions à poser,

 15   Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Ce sont les trois conseils de la Défense qui vont vous poser des

 18   questions. Maître Emmerson.

 19   M. EMMERSON : [interprétation] Je pense que c'est bien cela, ce qui avait

 20   été prévu.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Témoin 28, vous allez maintenant être

 22   contre-interrogée par Me Emmerson, qui est le conseil pour M. Haradinaj.

 23   Veuillez poursuivre, Maître Emmerson.

 24   Contre-interrogatoire par M. Emmerson : 

 25   Q.  [interprétation] Pourrait-on, s'il vous plaît, demander au témoin --

 26   Témoin 28, pourriez-vous regarder, s'il vous plaît, le paragraphe 65 de

 27   votre déclaration de témoin. C'est juste une question préliminaire que je

 28   veux examiner avec vous, si vous me le permettez.


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  1   Au paragraphe 65, les premières lignes de ce paragraphe indiquent que

  2   le 24 ou le 25 mai, vous étiez en train de circuler avec votre équipe dans

  3   un véhicule pour enquêter sur des abus qui auraient eu lieu sous la garde

  4   de policiers serbes, pour dire aux juristes, aux avocats, les personnes des

  5   droits de l'homme locales et albanaises.

  6   Maintenant, vous poursuivez dans votre déclaration pour expliquer que

  7   lorsque vous êtes arrivée à Pec, vous avez entendu parler d'incidents qui

  8   s'étaient produits à Dolovo et Ljubenic, et j'y reviendrai. Mais je

  9   voudrais vous demander --

 10   R.  Juste un instant. Je suis tout à fait -- enfin, j'ai beaucoup réfléchi.

 11   Il y a deux lieux. L'un s'appelle Dolovo et l'autre s'appelle Dolac. Tout

 12   ceci suivait la route de Klina. Je ne suis pas sûre que si c'est Dolovo ou

 13   Dolac.

 14   Q.  Très bien. Nous reviendrons à la question de Ljubenic dans un moment,

 15   mais je voudrais maintenant vous demander, s'il vous plaît, si l'enquête à

 16   laquelle vous avez procédée, à quoi elle avait abouti en l'occurrence, si

 17   elle avait abouti à quelque chose. Je voulais vous demander si les

 18   questions que vous avez posées pendant cette enquête concernant les abus de

 19   prisonniers albanais détenus par la police serbe, qu'est-ce que vous avez

 20   trouvé ?

 21   R.  Vous voulez dire l'intention, l'intention véritable, les raisons pour

 22   lesquelles nous sommes allés là-bas ? En fait, nous avons renoncé à la

 23   deuxième, parce que nous avions déjà entendu qu'il y avait un problème pour

 24   Ljubenic, de sorte que les chercheurs albanais, le lendemain, sont

 25   immédiatement allés à Ljubenic, et les chercheurs serbes, ce jour-là, sont

 26   allés trouver quelqu'un qui avait été blessé, je crois dans ce cas, devant

 27   --

 28   Q.  Très bien. Mais cette mission pour enquêter --


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  1   R.  C'est que --

  2   Q.  -- la question dans laquelle sur les abus était abandonnée ?

  3   R.  -- abandonné.

  4   Q.  Est-ce que vous avez jamais repris ce projet ?

  5   R.  Mais ce n'était pas un projet. Je vais essayer de vous expliquer. Ce

  6   que nous avons véritablement fait - je crois que c'était en fait d'évaluer

  7   pour ce qui est de l'ensemble de l'équipe - nous avions lu quelque chose

  8   dans la matinée, en particulier les journaux, et nous avions vu KIC, qui

  9   est un centre d'information au Kosovo. Nous avions, à ce moment-là, pris

 10   connaissance d'un très grand nombre de noms, et il y avait des cas ou de la

 11   torture ou des abus pouvaient avoir été commis. De sorte que ce qui se

 12   passait avec KIC, ça représente 1 % de l'ensemble. Presque tout le reste

 13   concernait fondamentalement l'abus très étendu d'Albanais.

 14   Q.  Oui.

 15   R.  Je ne peux rien dire de ce projet particulier. Il se poursuivait de

 16   jour en jour.

 17   Q.  Très bien. Si vous pourriez regarder maintenant le paragraphe 26 de

 18   votre déclaration un moment, vous affirmez là, dans la première phrase

 19   qu'il était "bien connu qu'il y avait de la corruption à tous les niveaux

 20   dans les systèmes judiciaires de Kosovo."

 21   Un peu plus loin au bas de ce paragraphe, vous parlez d'une pratique

 22   qui était connue sous le nom de conversations d'informations.

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et vous dites : "Ceci était l'expression normale utilisée par la police

 25   serbe lorsqu'ils avaient l'intention de passer à tabac ou de torturer des

 26   personnes de façon à leur arracher des renseignements ou des aveux."

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Je pourrais vous demander, s'il vous plaît, d'expliquer la base de vos


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  1   affirmations, sur quoi vous vous fondez pour cela.

  2   R.  Les discussions d'informations étaient quelque chose qui n'étaient pas

  3   seulement présentées au Kosovo. J'avais personnellement été invitée

  4   plusieurs fois à des discussions d'informations. Ceci voulait dire pas

  5   seulement pour s'informer, mais il y avait de nombreux Albanais qui m'ont

  6   dit que ceci voulait véritablement dire des passages à tabac et des

  7   tortures infligées à des personnes à la prison. Mais, sur une partie de ces

  8   structures de commandement serbe, fondamentalement elles obtenaient de

  9   l'argent et disaient : Bien alors, nous allons faire payer pour cela.

 10   Parfois ils prétendaient que c'était le cas, parfois pas. Mais, en fait,

 11   c'était des tâches tout à fait rémunératrices du point de vue financier.

 12   Q.  Au paragraphe 34 de votre déclaration, lorsque vous parlez des

 13   conséquences de l'incident de Gllogjan le 24 mars, vous dites que vous avez

 14   reçu des comptes rendus selon lesquels de nombreux Albanais locaux ont été

 15   arrêtés et emmenés au poste de police de Decani, où ils étaient interrogés

 16   et passés à tabac.

 17   Ma première question, c'est : quelle était la source de ces rapports

 18   ?

 19   R.  La source, c'était des témoins albanais, témoins donc de l'évènement et

 20   il s'agissait de l'intervention de la police à Glodjane. Parce que nous

 21   avions des chercheurs albanais qui ont posé des questions concernant

 22   l'évènement. Pour autant que je puisse m'en souvenir, il y avait également

 23   une école où les enfants avaient peur et où les parents essayaient de

 24   sauver les enfants. Je crois également que la police serbe a employé

 25   certains hommes, des Albanais, comme couverture, comme otages, ou quelque

 26   chose de ce genre.

 27   Q.  C'était des rapports que vous avez reçus d'Albanais qui étaient passés

 28   à tabac pendant les interrogatoires ?


Page 10210

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Est-ce que c'était unique ou est-ce que c'était des informations

  3   typiques que vous receviez concernant les traitements infligés à des

  4   suspects albanais qui se trouvaient gardés par la police serbe au Kosovo

  5   occidental à ce moment-là ?

  6   R.  C'était typique dans l'ensemble du Kosovo, et pas seulement au Kosovo

  7   occidental.

  8   Q.  Est-ce que vous seriez en mesure de donner davantage de renseignements

  9   concernant cette pratique, si c'était bien une pratique ?

 10   R.  Oui, je suis sûre vous pouvez trouver au (expurgé)

 11   de nombreuses auditions que nous avons faites auprès de personnes qui ont

 12   été battues et torturées, en particulier après la chute d'Orahovac. Je me

 13   rappelle qu'ils ont parlé du fait que certaines personnes, des Albanais --

 14   non pas certaines; un grand nombre plus tard ont été emmenées à Stimlje ou

 15   quelque part -- Prizren, au poste de police de Prizren, et que, je crois,

 16   certaines d'entre eux ont été tuées. Pour certaines personnes, je sais

 17   qu'elles ont été tuées dans les prisons.

 18   Q.  Nous allons voir maintenant avec vous dans un moment si nous pouvons

 19   reprendre cette observation. Est-ce que nous pourrions regarder juste

 20   brièvement le rapport que vous a présenté M. Re tout à l'heure - il avait

 21   reçu une cote pour identification - des violations des droits humanitaires

 22   dans le rapport Kosovo. Je voudrais poser ces questions, si vous me

 23   permettez, sans préjudice, des questions d'admissibilité du document.

 24   R.  Est-ce que je pourrais le voir à l'écran ?

 25   Q.  Oui. Maintenant, je vais vous poser des questions concernant la pièce

 26   P1212. A la page 53 du document, je voudrais vous poser des questions à ce

 27   sujet. Excusez-moi, je pense que nous avons là la page 45. Ça doit être la

 28   page 53. C'est celle-là.


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Le document, la première phrase parle de détentions arbitraires ainsi

  3   que d'arrestations d'Albanais de souche et de l'escalade rapide du conflit

  4   à travers 1998.

  5   Si je peux vous demander de passer maintenant au paragraphe suivant,

  6   il y est dit, je cite :

  7   "En juillet et en août, des individus ont continué à être arrêtés de

  8   manière croissante, y compris des défenseurs des droits humanitaires, des

  9   travailleurs de droits humanitaires, des membres de partis politiques, des

 10   médecins, des avocats et des personnes qui ont subi des abus physiques

 11   alors qu'ils étaient gardées par "Human Rights Watch," et c'était des cas

 12   nombreux et il y a pas mal d'élément de preuves à partir d'avocats et de

 13   membres de leur famille, des prisonniers qui ont été torturés et

 14   maltraités" --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson, vous êtes en train de

 16   lire.

 17   M. EMMERSON : [interprétation]

 18   Q.  "Que la torture et les mauvais traitements de prisonniers est chose

 19   commune, et en particulier dans les postes de police durant les premiers

 20   jours de garde. C'est-à-dire de mars à août 1998, cinq personnes" --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Emmerson. Monsieur Emmerson.

 22   M. EMMERSON : [interprétation] C'est trop rapide ?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La traduction française vient de

 24   terminer.

 25   M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi. C'est mon erreur habituelle.

 26   Q.  Si je peux reprendre. "A partir de mars jusqu'à août 1998, cinq

 27   personnes sont mortes des suites de la torture alors qu'elles étaient

 28   gardées par la police et centaines d'autres ont été passées à tabac."


Page 10212

  1   Ensuite, il est fait référence à un accès restreint.

  2   Juste au bas de cette section-là, il y a deux lignes, je lis : "Dans

  3   le passé, des procès liés au terrorisme ont été marqués d'irrégularité

  4   notoire, aussi bien que par l'utilisation de la torture dans le but

  5   d'extraire des confessions."

  6   Je voudrais vous demander ce que vous connaissez au sujet de ce genre de

  7   pratique et si vous avez des informations quant à savoir s'il s'agissait de

  8   pratique systématique.

  9   R.  Il s'agissait de pratique systématique. Les avocats très exactement

 10   qu'ils ont mentionné ici, c'était des avocats avec lesquels j'avais des

 11   contacts bien établis, ils ont été les sources de différents éléments

 12   d'information, et c'était de différents cas avec (expurgé).

 13   Ils avaient également leurs propres avocats, et à cause de cela ils

 14   suivaient une procédure différente pour que nous puissions alerter le

 15   public si quelque chose se passait. Mais très souvent, si, il s'agissait de

 16   procédure, de pratique systématique.

 17   D'après ce que j'ai compris, comment puis-je dire, ceci est peut-être

 18   lié à l'histoire et peut-être pas important, mais en 1996, 1997, il y a eu

 19   un nombre d'attaques sur différentes cibles, généralement les forces de

 20   police et parfois des Albanais. L'UCK en fait mettait la possibilité de

 21   ceci. Il y avait un cercle. C'était généralement leur manière de procéder.

 22   Ils entraient dans la maison pour arrêter tout le monde, ensuite ils

 23   torturaient les membres de la famille pour extraire, comment dire, des

 24   éléments d'information où des confessions.

 25   Q.  Je voudrais vous parler dans le contexte de cette recherche faite par

 26   (expurgé), s'il vous plaît, et vous demander

 27   d'examiner le document qui a été marqué aux fins d'identification comme

 28   étant la pièce D194.


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  1   Je vais vous demander de passer en revue, ce document, et examiner

  2   les passages spécifiques dudit document.

  3   M. EMMERSON : [interprétation] Je vais vous demander de bien vouloir

  4   distribuer la liasse de documents qui se trouve ici.

  5   Q.  Le document, ou le passage qui figure à l'intercalaire 2 de cette

  6   liasse, il s'agit de la pièce D194. Il s'agit d'un rapport du (expurgé)

  7   (expurgé), signé par Natasa Kandic, portant la date de novembre

  8   2001, qui fait référence à des événements qui sont déroulés en 1998 et

  9   1999.

 10   Puis-je vous maintenant demander à l'intercalaire 2A -- ou plutôt 2B,

 11   puis-je vous demander d'examiner la page 12, tout d'abord. Aux deux tiers

 12   de la page, le dernier paragraphe entier avant la citation, je cite :

 13   "La torture était systématiquement appliquée aux citoyens albanais de

 14   souche qui étaient faits prisonniers. Ils étaient soumis aux méthodes les

 15   plus sévères de maltraitance psychologique et physique, ainsi qu'à des

 16   traitements cruels et dégradants tout au long de leur détention."

 17   Ensuite, il y a une référence faite aux conditions dans lesquelles les gens

 18   étaient détenus avec déni de soins médicaux, de nourriture, de boisson et

 19   de traitement médical.

 20   "Ils étaient punis de manière cruelle et inhumaine en étant attachés

 21   à des poteaux électriques, battus avec des bâtons, avec des battes de

 22   baseball, y compris de la torture en utilisant des chocs électriques."

 23   Ensuite, il y a une référence à une liste d'individus pour lesquels

 24   il semblerait y avoir des indications très précises qu'ils étaient morts en

 25   détention suite à leur torture.

 26   Maintenant, il s'agit d'un groupe d'individus auquel vous faisiez

 27   référence auparavant, n'est-ce pas ?

 28   R.  Non, non, ça c'est pour les noms dont je me souvienne. Je connais bien


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  1   ces noms, sauf un.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Rexhep Musaku, je ne me souviens pas de ce

  4   nom-là. Ceci enfin -- pour ce qui est du (expurgé), mais

  5   les chercheurs interviewaient également ou interrogeaient des membres des

  6   familles sur les manières dont les prisonniers étaient arrêtés et ce qui se

  7   passait.

  8   Concrètement, je reconnais les noms, mais je ne connais pas les

  9   détails. Excepté Rexhep, je ne reconnaissais pas les noms.

 10   M. EMMERSON : [interprétation]

 11   Q.  Basé sur les entrevues vous étiez en train de mener au cours de la

 12   période dans laquelle vous étiez au Kosovo, étiez-vous d'accord pour dire

 13   que la torture était appliquée de manière systématique ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Merci. Pourriez-vous maintenant examiner le paragraphe 20, s'il vous

 16   plaît -- ou excusez-moi, la page 20, le paragraphe 2.1. Encore une fois, en

 17   référence aux déclarations reçues par (expurgé).

 18   En bas de page il y a un paragraphe qui lit comme suit : "Les

 19   Albanais détenus étaient souvent maltraités pendant des heures pour qu'ils

 20   finissent par admettre un acte et signent finalement une déclaration et

 21   qu'ils répètent la même histoire au juge chargé de l'enquête, une histoire

 22   qui leur avait été extorquée par les organes du MUP. Avant qu'un accusé

 23   nous soit emmené devant le juge enquêteur, les membres du MUP combinaient

 24   leurs méthodes de violence (en les battant avec des bâtons, leur infligeant

 25   la faim, la soif et le manque de sommeil) avec des menaces, pour former les

 26   prisonniers à faire une déclaration."

 27   Ensuite, voici un exemple :

 28   "On a dit à Faik Hoti qu'il 'serait tué' pendant qu'on a dit à Danush


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  1   Kurtaj qu'il serait torturé s'il revenait de l'entrevue par le juge, et

  2   s'il changeait la déclaration qu'il avait confirmée auprès des membres de

  3   la police."

  4   Ma première question est la suivante : est-ce que cette information

  5   reflète de manière précise les informations qui vous ont été données par

  6   les avocats que vous avez interviewés ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Deuxièmement, nous avons entendu des éléments de preuve --

  9   R.  Bien que ce cas remonte à la période où je n'étais pas là moi-même,

 10   mais enfin ceci reflète malgré tout --

 11   Q.  Bien.

 12   M. RE : [interprétation] Pouvons-nous clarifier ceci. Il apparaît d'après

 13   mes lectures de ce rapport que ceci fait référence à des événements soit en

 14   1999 ou dans des endroits en dehors de la zone qui est couverte par l'acte

 15   d'accusation. Si M. Emmerson veut bien clarifier cela, je serais satisfait

 16   de l'entendre poursuivre.

 17   M. EMMERSON : [interprétation] Bien --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

 19   M. EMMERSON : [interprétation] Il y a une série d'exemples spécifiques qui

 20   ont été donnés, certains à l'intérieur de la zone d'accusation, et d'autres

 21   à l'extérieur. Par exemple, il y avait un exemple en 1999 au mois de mai

 22   dans la municipalité de Pec et durant ladite période d'accusation. Mais la

 23   question que je suis en train de poser au témoin est basée sur des

 24   entrevues qu'elle a menées, dont les conclusions ou non correspondent au

 25   rapport et aux informations qu'elle a obtenues à partir de prisonniers

 26   albanais et de leurs avocats.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re, je crois qu'enfin ceci

 28   clarifie, mais évidemment ceci correspond avec des événements qui ont pris


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  1   place par la suite, ensuite, évidemment ce ne soit peut-être pas

  2   entièrement pertinent.

  3   M. EMMERSON : [interprétation] Oui, mais peut-être devrais-je clarifier

  4   ceci avec le témoin.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors veuillez se faire.

  6   M. EMMERSON : [interprétation]

  7   Q.  Est-ce que ceci correspondait à l'information qui vous avait été donnée

  8   au sujet des détentions durant l'année 1998 ?

  9   R.  Oui.

 10   M. RE : [interprétation] Je soulève encore une objection. Ceci ne la rend

 11   pas pertinente. Le fait est que les rapports du (expurgé)

 12   (expurgé) réfère à des événements en 1999 -- ça ne les rend pas

 13   pertinents quant aux actes qui auraient pu être commis par des Serbes en

 14   1998 dans la zone couverte par l'acte d'accusation --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien --

 16   M. RE : [interprétation] -- qui plus est, quelle est la pertinence des

 17   allégations devant ce Tribunal ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que je comprends, Me Emmerson

 19   maintenant demande -- c'est une information que nous trouvons dans le

 20   rapport, si elle couvre l'acte d'accusation d'une certaine manière, elle

 21   est à l'extérieur de la période couverte par l'acte d'accusation, à savoir

 22   si elle correspondait avec l'information qui vous a été donnée par les

 23   personnes détenues durant 1998.

 24   Je crois que les détentions de 1998 sont importantes, et ce qui s'est

 25   passé par la suite pourrait --

 26   M. EMMERSON : [interprétation] Exactement. C'est pour ça que je ne me base

 27   pas sur les entrevues, mais sur le témoignage du témoin qui est reflété

 28   ici. 


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous vous, s'il vous plaît,

  2   vous concentrer sur ce que dans les interviews le témoin a dit au sujet des

  3   détentions en 1998.

  4   M. EMMERSON : [interprétation] Oui, exactement.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

  6   M. EMMERSON : [interprétation]

  7   Q.  Laissez-moi justement, simplement pour les choses soient très claires,

  8   vous mettre en position spécifique. D'après les entrevues menées par vous-

  9   même et l'organisation, entrevues de prisonniers albanais et de leurs

 10   avocats, était-ce quelque chose de courant dont il vous était fait état que

 11   la torture était pratiquée ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Etait-ce si courant qu'on pourrait l'appeler, à votre avis,

 14   "systématique" ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Et que cela aurait pu couvrir toute la zone du Kosovo, y compris la

 17   zone de Dukagjin ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et --

 20   R.  Surtout -- surtout après que les arrestations aient eu lieu, après les

 21   affrontements durant l'été entre l'UCK et les forces de police. Il y avait

 22   des arrestations systématiques, et quiconque était arrêté était torturé.

 23   Q.  Mais vous avez remarqué qu'il y avait des allégations semblables entre

 24   --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrions-nous -- ou pourrais-je d'abord

 26   vous demander : quand vous parlez des affrontements de l'été, faites-vous

 27   référence à l'été 1998 ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, 1998.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  2   Veuillez poursuivre, Maître Emmerson.

  3   M. EMMERSON : [interprétation]

  4   Q.  Mais vous avez enregistré vous-même au sein de votre organisation des

  5   allégations semblables ayant été faites au début du mois de mars, selon

  6   lesquelles ces affrontements se produisaient ?

  7   R.  En 1997 également.

  8   Q.  Maintenant, si l'on fait référence au passage que je viens d'évoquer,

  9   il y a eu un rapport au cours duquel un individu qui a été menacé, s'il ne

 10   répétait pas devant le juge qui menait l'enquête une déclaration selon

 11   laquelle il avait été battu alors qu'il était gardé par la police -- il a

 12   été menacé d'être battu quand il revenait de son entrevue par le juge

 13   chargé de l'enquête.

 14   Je voudrais vous demander si vous pourriez nous aider un petit peu. Nous

 15   avons entendu un témoignage dans le prétoire selon lequel une personne a

 16   été amenée au juge chargé de l'enquête, et il n'était pas ramené à la garde

 17   du MUP, mais ensuite était envoyé en détention où il ne pourrait pas être

 18   passé à tabac par les officiers qui avaient usé de la force pour leur

 19   extraire leur confession.

 20   R.  Hm-hm.

 21   Q.  Pouvez-vous nous aider à comprendre ce qui est juste et ce qui ne l'est

 22   pas dans ce système, d'après la manière dont vous avez compris les choses ?

 23   R.  Je dois dire que lorsque je travaillais là, mes responsabilités étaient

 24   simplement de coordonner les choses et les événements, les événements, les

 25   événements. Et également de suivre les procès. J'étais tenu au courant avec

 26   l'avancée du temps, mais je ne suivais pas les audiences mêmes.

 27   Q.  Oui.

 28   R.  Donc je n'ai eu ce genre d'information qu'en écoutant mes collègues,


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  1   les avocats, ainsi que d'autres.

  2   Q.  Basé sur les conversations que vous avez tenues avec vos collègues et

  3   les avocats, est-ce qu'il y avait des allégations de la part de gens qui

  4   avaient été menacés par le MUP de mauvais traitements s'ils ne répétaient

  5   pas les déclarations qu'ils avaient donnés devant le juge chargé de

  6   l'enquête -- ils étaient menacés d'être passés à tabac ?

  7   R.  Oui, c'était typique.

  8   Q.  Encore une fois, pouvez-vous formuler un commentaire sur le fait que je

  9   vous suggère qu'il n'était pas possible que le MUP passe à tabac un suspect

 10   après qu'il ou elle soit apparu devant le juge chargé de l'enquête ?

 11   R.  Je ne peux pas formuler de commentaire sur ce point-là.

 12   Q.  Très bien. je vous remercie.

 13   M. EMMERSON : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que l'heure

 14   avance. Serait-ce un bon moment pour faire la pause ?

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ce serait un bon moment.

 16   Pourrais-je demander en même temps au conseil de la Défense de combien de

 17   temps il pense avoir besoin ?

 18   M. EMMERSON : [interprétation] J'ai encore pas mal de documents à passer en

 19   revue avec ce témoin. Puis-je vous donner une estimation du temps dont nous

 20   aurons besoin lorsque nous revenons après la pause ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 22   M. EMMERSON : [interprétation] Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, nous allons prendre une

 24   pause jusqu'à 16 heures 15.

 25   --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

 26   --- L'audience est reprise à 16 heures 33.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excuses de la Chambre pour ce retard au

 28   démarrage.


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  1   Maître Emmerson, à vous.

  2   M. EMMERSON : [interprétation]

  3   Q.  Je vous demanderais de revenir quelques instants au paragraphe 46

  4   de votre déclaration écrite, où vous parlez d'entretiens qui ont été menés

  5   avec des familles serbes à Decani.

  6   Voici ce que je voudrais vous demander, vous dites : "Nous avons

  7   interrogé autant de réfugiés que possible." Lorsque vous dites "nous avons

  8   interrogé" ou "nous nous sommes entretenus avec" --

  9   Peut-être pourrait-on --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passer à huis partiel.

 11   M. EMMERSON : [interprétation] Oui, quelques instants, Monsieur le

 12   Président.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 14   le Président. 

 15   [Audience à huis clos partiel]

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 28   [Audience publique]


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

  2   M. EMMERSON : [interprétation]

  3   Q.  J'aimerais simplement voir si j'ai bien compris la déposition que

  4   vous avez faite jusqu'à présent, à savoir concernant les incidents armés

  5   dans le secteur de Babaloc au mois d'avril.

  6   Si nous pouvions pour commencer, s'il vous plaît, regarder le

  7   paragraphe 42 de votre déclaration. Vous dites que pour autant que vous

  8   puissiez vous en souvenir à l'époque, il s'agit du 28 avril, il n'y avait

  9   pas de poste du MUP basé dans ce lieu, bien que vous ayez eu des

 10   renseignements provenant de réfugiés selon lesquels le MUP faisait des

 11   patrouilles régulières.

 12   Puis vous dites, plutôt -- en ce qui concerne vos auditions de

 13   réfugiés albanais, qu'ils ont insisté sur le fait que la police tirait sur

 14   eux depuis Suka Baballoq, Suka Crmljane, de sorte que les comptes rendus

 15   que vous receviez de réfugiés albanais du Agro-Combinat derrière la station

 16   de Baballoq, est-ce que j'ai bien compris ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Donc pour les déclarations que vous avez reçues des réfugiés, ceci

 19   comprenait la suggestion que la police leur tirait dessus à partir des

 20   hameaux eux-mêmes ?

 21   R.  Oui, mais après le 20, parce qu'à l'époque les réfugiés avaient

 22   commencé à quitter les villages.

 23   Q.  Est-ce que vous avez réussi à procéder vous-même à des enquêtes

 24   concernant le déploiement de forces de polices serbes ou de militaires

 25   serbes à Babaloc et autour du camp de réfugiés ?

 26   R.  J'étais en voiture - et ceci semble étonnant - mais je suis allée en

 27   voiture jusqu'à l'Agro-Combinat. J'ai laissé les chargés de recherche

 28   albanais dans certains des villages près de Djakovica. Je suis allée


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  1   jusqu'au Agro-Combinat pour aller vérifier là-bas, et je n'ai vu aucun

  2   mouvement là-bas. Mais gardez à l'esprit que nous parlons du 29, et je

  3   crois que tout ceci avait déjà eu lieu --

  4   Q.  Oui.

  5   R.  -- entre le 20 et le 25.

  6   Q.  Revenons au 22 environ pour un moment.

  7   Nous avons entendu d'un homme nommé Rade Repic, qui était commandant

  8   d'une compagnie PJP du MUP, qui était arrivée pour donner la relève à une

  9   autre compagnie du PJP en mai. Ce qu'il nous a dit, c'est qu'en mai la plus

 10   grande partie de sa compagnie, de 130 à 150 hommes, avait été déployée dans

 11   le secteur de Baballoq avec des postes d'observation à Suka Baballoq et

 12   dans le voisinage.

 13   Maintenant, est-ce que vous avez vu s'il y avait eu des déploiements de ce

 14   genre à Suka Baballoq ?

 15   R.  Non. Mais "Suka" veut dire en fait le haut d'une colline.

 16   Q.  Oui.

 17   R.  Je n'ai pas vu cela. Mais c'était en avril. Il parle du mois de mai.

 18   Q.  C'est exact. Mais vous avez reçu des rapports de tirs d'armes à feu à

 19   Suka Baballoq en avril, n'est-ce pas ?

 20   R.  Suka Babaloc et Suka --

 21   Q.  Oui, mais vous n'avez pas été en mesure de vérifier s'il y avait des

 22   forces du PJP dans le secteur ?

 23   R.  Non, ce secteur était vide au moment où j'y suis arrivée. Littéralement

 24   vide. Simplement --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrais-je vous demander encore une

 26   fois, s'il vous plaît, de faire une brève pause entre les questions et les

 27   réponses. 

 28   Lorsque vous avez parlé des comptes rendus concernant des coups de


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  1   feu de Suka Babaloc en avril, vous avez également dit que Suka Babaloc et

  2   Suka --

  3   R.  Suka Crmljanska.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  5   M. EMMERSON : [interprétation]

  6   Q.  Il a également dit dans sa déposition que ces hommes avaient été

  7   déployés à cet endroit-là, et qu'ils occupaient matériellement des locaux

  8   dans le camp de réfugiés qui était en partie près de la route.

  9   R.  C'est tout à fait possible. C'est ce que les témoins albanais ont dit

 10   dans leurs dépositions.

 11   Q.  C'est ce qu'ils vous ont dit. Et ils vous ont dit que c'était également

 12   en avril; c'est bien cela ?

 13   R.  Ils disaient cela en avril, oui.

 14   Q.  Mais vous n'ayez pas vu d'éléments du MUP --

 15   R.  Je n'en ai pas vu.

 16   Q.  -- lorsque vous êtes allée à l'Agro-Combinat, les comptes rendus

 17   que vous receviez correspondaient bien avec le fait qu'il y avait --

 18   R.  En mai. Mais je peux dire que j'avais des réserves à ce sujet, parce

 19   qu'en réalité la première fois que j'ai entendu que des forces spéciales --

 20   que davantage de troupes étaient en train de venir et étaient pratiquement

 21   en train de se préparer au conflit qui commencerait à la mi-mai, j'ai

 22   compris avec une chargée de recherche qui était venue également à Decani

 23   pour l'audition de réfugiés serbes, qu'elle n'avait pas été autorisée à

 24   aller à l'auberge de jeunesse parce qu'il y avait des forces de police qui

 25   s'y trouvaient.

 26   Q.  Vous dites au paragraphe 42, d'après ce que j'ai compris, dans la

 27   deuxième phrase, vous dites :

 28   "Mes renseignements provenant des réfugiés étaient que le MUP était


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  1   là et faisait des patrouilles régulières dans le secteur."

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Vous voulez dire que dans le secteur autour du hameau de Baballoq ?

  4   R.  Le hameau de Babaloc, oui.

  5   Q.  Et ces réfugiés dont vous parlez dans ce hameau auraient été des

  6   réfugiés serbes ?

  7   R.  Ou Monténégrins.

  8   Q.  Oui, excusez-moi, des réfugiés serbes ou monténégrins.

  9   Est-ce que vous avez réussi à établir à ce moment-là exactement où étaient

 10   ces patrouilles au mois d'avril ?

 11   R.  Non. Elles se sont simplement plaintes du fait que personne ne les

 12   aidait, sauf la police serbe qui leur rendait visite de temps à autre.

 13   Q.  Oui. Venant aux incidents que vous décrivez entre le 18 et le 28 avril,

 14   je voudrais simplement voir si vous pouviez nous aider sur un autre point,

 15   s'il vous plaît. Donnez-moi un instant.

 16   Pourrions-nous, s'il vous plaît, maintenant présenter à l'écran la pièce

 17   P84. Il ne faut pas que celle-ci soit présentée au public, parce qu'elle a

 18   été déposée sous pli scellé, d'après ce que j'ai compris. 

 19   Ce document que nous voyons ici, Témoin, c'est un rapport de

 20   situation émanant de l'attaché britannique rendant compte du fait qu'un

 21   engagement armé du côté de Baballoq le 22 avril a eu lieu. Vous voyez cela

 22   ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et si nous regardons le résumé :

 25   "La RFY a été avertie" - c'est-à-dire avertie par le gouvernement

 26   britannique - "de préoccupations au fait qu'on rendait compte d'une

 27   participation de l'armée yougoslave à des combats autour de Babaloc le 22

 28   avril."


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  1   Ensuite, sous la rubrique : "Détails" :

  2   "Les télécons dont il est question ont discuté des rapports des médias

  3   concernant des combats autour de Babaloc" - un lieu est indiqué - "dans

  4   lesquels l'armée yougoslave, dit-on, avait été impliquée, et nos motifs

  5   pour considérer qu'ils sont crédibles. Il a été convenu que je devrais

  6   immédiatement avertir la République fédérale de Yougoslavie de nos

  7   préoccupations."

  8   Et si nous pouvons maintenant passer --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

 10   M. EMMERSON : [interprétation]

 11   Q.  C'est qu'on saute le paragraphe 3 qui décrit la conversation avec le

 12   chef de cabinet. On reprend au paragraphe 4 :

 13   "Le premier secrétaire (à Pristina) a ensuite parlé à un certain nombre de

 14   journalistes qui rendaient compte des événements. Il y avait des points de

 15   vue divergents entre ceux qui pensaient que les forces de l'armée et les

 16   forces spéciales étaient impliquées, d'autres soutenant qu'il n'y avait

 17   aucune preuve directe de cela. Il semble que des forces serbes (quelle

 18   qu'ait été leur composition) dans le secteur aient été renforcées hier avec

 19   une position établie sur la colline surplombant le village. Aujourd'hui,

 20   les Albanais ont réagi, ce qui a conduit à des échanges de coups de feu, il

 21   est possible même que cela comprenne des tirs de mortiers."

 22   Voyez-vous cela ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  A l'évidence, vous pouvez voir.

 25   M. EMMERSON : [interprétation] Excusez-moi, nous étions juste en train

 26   d'attendre la fin.

 27   Q.  Vous pouvez voir que ce document est daté du 22 avril, mais il a trait

 28   à des événements qui ont eu lieu avant cela, y compris l'arrivée précise et


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  1   l'échange ayant eu lieu veille.

  2   R.  Oui, le 21.

  3   Q.  Oui. Est-ce que c'est l'engagement armé que vous décriviez plus tôt,

  4   croyez-vous ?

  5   R.  Oui, sauf que d'après ce qu'on m'a dit ce n'était pas de côté-là qu'il

  6   y a avait eu des tirs le 19, à Pâques, du côté de Babaloc, vers le hameau.

  7   Q.  Oui.

  8   R.  Et c'est ainsi que des réfugiés albanais ont fait état d'avions de

  9   l'armée de l'air.

 10   Q.  Des avions militaires qui avaient fait leur apparition dans le secteur

 11   ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Pour en revenir à la question posée par le Président Orie, je veux

 14   dire, vous avez eu certaines impressions qui vous ont été données par des

 15   civils serbes, y compris, par exemple, l'impression que vous avez reçue

 16   concernant l'incident qui a eu lieu au camp de réfugiés de Baballoq le 28

 17   avril ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce qu'il vous semble clair que c'était des engagements armés qui

 20   avaient lieu entre des forces militaires serbes assez considérables et des

 21   forces de l'autre côté au cours de cette période d'avril ?

 22   R.  Oui, effectivement, en commençant le 19.

 23   Q.  Et vous ne savez pas où les forces serbes étaient basées en ce qui

 24   concerne le camp de réfugiés de Baballoq à ce stade ?

 25   R.  Non, sauf ce que les réfugiés albanais ont dit, et ce que les réfugiés

 26   serbes ont dit.

 27   Q.  Et les Albanais vous ont dit qu'ils se trouvaient dans le camp de

 28   réfugiés et qu'on a tiré de là ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et les réfugiés serbes vous ont dit qu'ils faisaient des patrouilles

  3   dans le secteur ?

  4   R.  Pas seulement cela, mais ceci était contradictoire également du point

  5   de vue des dates, parce que les réfugiés serbes avaient dit en fait que les

  6   forces albanaises de l'UCK se trouvaient à Suka e Babaloc les 18 et 19.

  7   Q.  De sorte que --

  8   R.  Je pense qu'ils ont mentionné les routes le 19, de sorte que l'UCK

  9   contrôlait la route de Decani-Djakovica.

 10   Q.  Donc, il y a des contradictions dans ce tableau --

 11   R.  Oui.

 12   Q.  -- mais qu'il y avait des engagements armés qui avaient eu lieu des

 13   deux côtés ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Je vous remercie. Juste une ou deux questions, si vous permettez,

 16   brièvement.

 17   A partir du paragraphe 78 et la suite, on décrit certaines questions qui

 18   concernaient l'arrivée de la FARK. Et juste pour bien comprendre la base de

 19   vos souvenirs, vous indiquez au paragraphe 78 que vous pensez qu'ils sont

 20   arrivés du côté du mois de mai ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Un peu plus loin, vous décrivez -- donnez-moi une seconde. Une

 23   situation concernant la route à Isnic, route conduisant à l'évacuation --

 24   R.  Une évacuation.

 25   Q.  -- de civils et de soldats de la FARK, vous décrivez ceci comme ayant

 26   eu lieu au mois de juillet.

 27   R.  Oui, je pense que c'était en juillet pendant l'été.

 28   Q.  Oui, je veux dire, vous n'avez pas d'archives là-dessus ou de


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  1   renseignements concernant les sources de vos informations pour cela ?

  2   R.  Non, pas vraiment.

  3   Q.  Non je veux dire, est-ce que vous accepteriez que vous pourriez vous

  4   tromper de quelques mois ?

  5   R.  Vous voulez dire pour ce qui est de l'été, pour certains réfugiés ou la

  6   FARK ?

  7   Q.  Pour l'arrivée de la FARK et les questions que vous décrivez.

  8   R.  Je ne suis pas sûre. Je pense que pour la même période à la fin du mois

  9   d'avril, il y avait eu des obsèques très importantes, là encore à Erec.

 10   C'est pour cela que c'était un évènement politique important.

 11   Q.  Il se peut que nous ne parlions pas de la même chose ici. Avant que

 12   vous ne poursuiviez, je vous posais des questions concernant les dates

 13   qu'on vous a données en ce qui concernait tout d'abord l'arrivée.

 14   R.  C'est cela que j'explique.

 15   Q.  Excusez-moi.

 16   R.  Je suis en train d'essayer de vous expliquer pourquoi je pense que cela

 17   a eu lieu en mai. En mars et avril, la LKD ne savait pas encore comment

 18   traiter avec les apparitions de l'UCK et les combats. Vers la fin d'avril,

 19   lors de ces obsèques très importants, des grands noms politiques ont été

 20   entendus à Erec, il y avait une sorte d'invitation populaire à un

 21   soulèvement.

 22   Q.  Et alors ?

 23   R.  J'ai cela à l'esprit maintenant. Je crois que c'est exact. D'une

 24   certaine façon cela va avec l'apparition de la FARK.

 25   Q.  Oui, est-ce que vous accepteriez que leur arrivée au Kosovo pourrait

 26   avoir eu lieu aussi tard que la dernière semaine de juin ?

 27   R.  Je ne pense pas qu'ils soient arrivés si tard.

 28   Q.  J'essaie simplement de sonder les sources et l'exactitude de votre


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  1   information. L'incident à Isnic où Vukmir Mrksic a lancé un ultimatum pour

  2   la livraison des armes. Vous placez cela à la fin juillet. Est-ce que cela

  3   aurait pu être aussi tard qu'en septembre ?

  4   R.  Pas vraiment, c'était l'été. C'était le moment où Orahovac a également

  5   été attaquée.

  6   Q.  Merci.

  7   R.  Je le pense.

  8   Q.  Finalement, au paragraphe 82, vous décrivez la décision de Tahir Zemaj

  9   de rendre les armes et ainsi de suite. Vous faites référence aux Albanais

 10   que vous avez entendus par la suite ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  En disant ce que Ramush Haradinaj en pensait de cette décision.

 13   Pour commencer pourriez-vous nous lire, s'il vous plaît, le nom des

 14   personnes si vous les connaissez qui vous ont donné ces renseignements ?

 15   R.  C'était du ouïe-dire fondamentalement, je ne pense pas que je puisse du

 16   tout donner cela.

 17   Q.  Bien, mais c'est très important.

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pour nous, pour que nous puissions comprendre.

 20   R.  Oui, parce que vraiment c'est également ce que j'ai dit au Bureau du

 21   Procureur. Je pense que pour cela ma déposition n'est pas d'une grande

 22   importance. Je veux dire, je n'étais pas témoin des crime ou victime de

 23   crime.

 24   Q.  Mais juste --

 25   R.  Le fait que l'on en parlait d'une façon dont vous faites certaines

 26   choses et entendez autre chose, c'est comme cela que cela se passe dans les

 27   Balkans.

 28   Q.  Qu'est-ce que nous pouvons considérer, s'il vous plaît, ce que vous


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  1   avez consigné ici, c'était une déclaration de la position de M. Haradinaj,

  2   mais cela n'était que rien de plus que des rumeurs ou des bavardages ?

  3   R.  Je ne sais pas ce qu'il a véritablement dit. Je ne suis même pas sûre

  4   que ces personnes m'aient dit qu'ils en étaient témoins.

  5   Q.  Oui.

  6   R.  On sait très bien cela au Kosovo. Et alors -

  7   Q.  Je vous remercie beaucoup.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith ou Maître Harvey, qui

  9   va commencer ?

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai proposé et lui il a proposé à son

 11   tour.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, veuillez continuer.

 13   Témoin 28, vous allez maintenant être contre-interrogé par Maître

 14   Guy-Smith qui est le conseil de M. Balaj.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Considérant le temps qu'il a fallu pour

 16   commencer, peut-être que la Chambre souhaiterait maintenant, je ne sais

 17   pas, je souhaiterais savoir.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, nous sommes revenus plus tard

 19   que prévu.

 20   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est exact.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans les circonstances normales,

 22   j'aurais suspendu la séance à 6 heures moins le quart pour vingt minutes,

 23   ensuite il nous aurait resté 55 minutes après la suspension.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] O.K.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous dites que j'ai besoin de tant de

 26   temps, nous pourrions en fait envisager de suspendre la séance rien qu'une

 27   fois que vous aurez fini.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation] Bien.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A moins que ce ne soit trop tard ?

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ne sais pas. Peut-être que nous serons

  3   peut-être en mesure d'en terminer à l'heure normale.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Six heures moins le quart.

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous allons terminer selon le temps qui

  6   nous a été normalement imparti en tout état de cause.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Harvey, pourriez-vous, s'il

  8   vous plaît, nous donner une indication même avant d'avoir entendu les

  9   questions posées par Me Guy-Smith.

 10   M. HARVEY : [interprétation] Je serai bref.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous remercie. Veuillez

 12   poursuivre, Maître Guy-Smith.

 13   Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith : 

 14   Q.  [interprétation] Témoin 28, vous avez tout à l'heure mentionné dans

 15   votre déclaration d'aujourd'hui que vous vous étiez fondée sur un certain

 16   nombre de sources de renseignements que vous avez compilées. Si j'ai bien

 17   compris, est-ce que c'est l'une des sources du conseil pour la défense des

 18   droits de l'homme et des libertés au Kosovo ?

 19   R.  Oui.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith, si vous le voulez

 21   bien, je vous interromps un instant. Je viens de recevoir une demande

 22   d'urgence. Il faut que j'interrompe à 17 heures 30. Par conséquent, nous

 23   suspendons à séances à 17 heures 30. Excusez-moi, mais je n'étais pas

 24   conscient de cela.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce n'est pas un problème.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a deux minutes.

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce n'est pas un problème.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.


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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Peut-être que nous pourrions aller en

  2   audience à huis clos partiel pour un moment.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allons en audience à huis clos partiel.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

  5   partiel.

  6   [Audience à huis clos partiel]

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 15   [Audience publique]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Greffier.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suis conscient du fait qu'il est

 18   nécessaire d'éteindre les microphones lorsqu'un témoin répond à la

 19   question. C'est exact ? Merci.

 20   Q.  Je souhaiterais, si vous le voulez bien, que l'on passe au rapport

 21   numéro "402". Je crois que l'intercalaire dit 402. Pour ce qui est de la

 22   cote dans le logiciel e-court, c'est 2D001116.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il faut y attribuer un numéro

 24   de façon à ce que vous puissiez le présenter pour versement au dossier,

 25   Maître Guy-Smith ?

 26   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il va recevoir une


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  1   cote aux fins d'identification en tant que D195.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

  3   M. GUY-SMITH : [interprétation] Si l'on pouvait commencer à la page 1 du

  4   passage concernant les commentaires. Par cela, je veux dire le tout premier

  5   paragraphe avant qu'on ne discute des événements dans la région de Drenica

  6   et alentours.

  7   Q.  Est-ce que vous étiez au courant de l'arrestation de Rasim Muhamet

  8   Selmanaj ?

  9   R.  Oui, je l'étais. Plus tard, il a également été passé en jugement devant

 10   un tribunal serbe.

 11   Q.  Si nous pouvons passer à la page 2, la date étant le 27 mars sous le

 12   titre "Shtime." Est-ce que vous êtes au courant de ce qui s'est passé avec

 13   Shefqet Krasniqi, qui était un professeur gravement malade et qui avait été

 14   fortement maltraité, menacé d'emprisonnement en tant qu'organisateur

 15   possible des manifestations albanaises ?

 16   R.  Excusez-moi, je n'arrive pas à trouver cette partie du rapport.

 17   Non, pas dans ce cas-ci. Je ne peux pas me souvenir. Je ne peux pas

 18   me rappeler.

 19   Q.  Bien. En mars 1998, il y a eu une série de manifestations qui avaient

 20   encore lieu dans tout le Kosovo. C'était des manifestations pacifiques,

 21   comme on pourrait les appeler, par lesquelles des Albanais protestaient

 22   contre ce qu'ils percevaient comme étant des abus de la part de Serbes, ou

 23   des agressions autrement de la part des Serbes et de mauvais traitement.

 24   Est-ce que c'est une façon correcte de présenter les choses ?

 25   R.  Des protestations. J'étais là lorsque les protestations ont eu lieu.

 26   Ensuite, elles ont eu lieu après les événements de Prekaz. Je crois que des

 27   femmes également ont protesté, ainsi que des étudiants pour le massacre qui

 28   a eu lieu à Prekaz, si c'est bien de ces protestations que nous parlons, en


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  1   mars.

  2   Q.  Après ces protestations en mars, est-ce que vous avez été au courant du

  3   fait que ceux qui faisaient ces protestations, ou une partie d'entre eux,

  4   avaient été arrêtés par la police serbe pour leurs activités de

  5   protestations pacifiques ?

  6   R.  Je pense que nous avons couvert ces arrestations. Je ne peux pas me

  7   rappeler maintenant des cas précis, mais nous avons suivi la question.

  8   Q.  Est-ce que vous avez appris si oui ou non certains de ces

  9   protestataires, après avoir été arrêtés, ont subi des blessures, après

 10   avoir été arrêtés avoir été mis en prison, quelle que soit la période où

 11   ils ont été mis en prison ?

 12   R.  Tout ce que je peux dire, c'est que je m'attendrais à ce que

 13   probablement ils aient été passés à tabac lorsqu'ils étaient arrêtés, mais

 14   je ne peux pas me rappeler quelque chose de précis où un nom précis

 15   maintenant.

 16   Q.  Si vous ne pouvez pas vous rappeler de noms précis, cela va. Je

 17   comprends votre attitude générale concernant la situation.

 18   Poursuivant ce qui est dit dans ce rapport, le 28 mars il est dit

 19   que : "Un avion des forces armées de l'armée yougoslave a survolé en

 20   passant très bas autour du territoire de Gjakova, à la frontière avec

 21   l'Albanie. Vers midi, un convoi de militaires et un convoi de polices de

 22   Gjakova se trouvaient situés à Kodra e Hasit, village à sept kilomètres non

 23   loin de la ville."

 24   Q.  Est-ce que votre organisation était au courant de ce type de

 25   mobilisation, plus particulièrement cette mobilisation-là ?

 26   R.  Nous avons reçu des rapports et nous avons interrogé des personnes qui

 27   s'enfuyaient de la zone frontalière vers Djakovica. Il y avait des comptes

 28   rendus fréquents concernant le fait que des militaires empêchaient la


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  1   contrebande d'armes et également que certaines personnes avaient été

  2   portées disparues.

  3   Q.  Une dernière question avant que nous ne fassions la pause. Il y a des

  4   rapports selon lesquels, d'après ce que j'ai bien compris de votre

  5   déclaration, que vous avez reçu des rapports quotidiens. Vous obteniez les

  6   informations en même temps que les événements se déroulaient.

  7   R.  Oui.

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Pouvons-nous prendre une pause maintenant,

  9   Monsieur le Président ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons prendre la pause

 11   maintenant.

 12   D'après ce que je suppose, nous allons maintenant prendre une pause de 20

 13   minutes. Nous allons reprendre à 17 heures 50, mais je ne peux pas vous

 14   promettre cela. Tout le monde doit rester en stand-by jusqu'à six heures

 15   moins dix.

 16   --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.

 17   --- L'audience est reprise à 17 heures 58.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith, puis-je m'attendre à

 19   ce que vous n'excédiez pas 18 heures 15 ?

 20   Veuillez poursuivre.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je ferai de mon mieux.

 22   M. HARVEY : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si

 23   je puis vous indiquer, il est peu probable que j'aie plus d'une question à

 24   poser à ce témoin, donc Me Guy-Smith aura peut-être tout le loisir

 25   d'utiliser un petit peu plus de temps.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Harvey. Veuillez

 27   poursuivre, Maître Guy-Smith.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.


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  1   Q.  Une des choses qui se passait, c'était outre recevoir les

  2   rapports quotidiens, il y avait aussi des rapports tardifs qui vous

  3   arrivaient sur les événements qui se produisaient sur le terrain au cours

  4   de la même période; est-ce que exact ?

  5   R.  Je n'ai pas bien compris votre question. Veuillez la répéter ?

  6   Q.  Absolument. Mis à part recevoir des informations de façon

  7   quotidienne sur ce qui se passait, vous receviez également des informations

  8   sur des événements qui s'étaient déroulés précédemment, et vous obteniez

  9   l'information un petit peu plus tard, un petit peu plus tard dans la

 10   semaine, par exemple ?

 11   R.  Oui. Plus tard dans la semaine, c'est bien cela.

 12   Q.  Par exemple, je regarde ici la page 3, et je suis encore en train de

 13   lire le même rapport que nous avons déjà vu. C'est le rapport qui porte le

 14   numéro 402, ce qui est sous le titre : "Information tardive."

 15   Si vous regardez le bas de la page, ou plus bas sur cette même page,

 16   un, deux ou trois paragraphes à partir du bas, il y est dit, je cite :

 17   "Le 19 mars, après la protestation pacifique des Albanais, certains

 18   Serbes en armes ont poursuivi des étudiants avec le" - et ici, il y a les

 19   noms de gismania [phon] - "et ils les ont forcés à sauter dans la rivière

 20   Drini i Bardhe."

 21   La question que je vous pose est la suivante : est-ce que vous avez

 22   vu cela ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  La question que je voudrais vous poser, c'était : non seulement y

 25   avait-il des tensions croissantes entre les civils albanais et la police,

 26   mais il y avait aussi des tensions croissantes entre les civils serbes et

 27   les civils albanais durant cette même période de temps, à cause des

 28   événements qui se déroulaient ? 


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  1   R.  Oui, parce qu'en fait pendant ce temps-là les Serbes semblaient avoir

  2   des difficultés.

  3   M. GUY-SMITH : [interprétation] Bien. Maintenant, si nous pouvions passer

  4   au rapport suivant, qui est le rapport numéro 403, la pièce 2D1110, et si

  5   nous pouvions obtenir une cote MFI pour cela, s'il vous plaît, je vous

  6   serais très reconnaissant.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier ?

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, cette pièce

  9   sera marquée aux fins d'identification sous la cote D196.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Si nous pourrions poursuivre, j'aimerais

 12   passer à la page 2, qui traite des événements de la date du 2 avril.

 13   Q.  Le 2 avril, il est indiqué sous l'intitulé : "Mitrovica," pouvons-nous

 14   --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voulez-vous attendre, s'il vous plaît --

 16   Veuillez poursuivre.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

 18   Q.  Sous l'intitulé "Mitrovica," il est dit : "Les points de contrôle ont

 19   été renforcés." Ce sont des postes de contrôle, alors que vous étiez en

 20   train de vous déplacer dans cette zone ?

 21   R.  Oui, c'était les postes de contrôle disséminés dans la région;

 22   Glogovac, Mitrovica et Srbica.

 23   Q.  Maintenant, si nous passons au 4 avril, il est dit, sous

 24   l'intitulé "Skenderaj," je cite, que : "A cinq heures du matin le village

 25   de Lausha a été bombardé avec différents types d'armes."

 26   Etiez-vous au courant de ce bombardement ?

 27   R.  Nous étions au courant et nous avons interrogé nombre de villageois de

 28   Dreznica.


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  1   Q.  Et finalement sur cette page, il est dit, je cite : "Les événements

  2   dans le district de Decan." Et si vous regardez plus bas sur la page, à

  3   partir de la première ligne de "Decan," un, deux ou trois, ou la quatrième

  4   ligne à partir de là, il est dit, je cite :

  5   "La situation la plus grave se trouve dans les villages de Gllogjan,

  6   Dubrave, Shaptej et Prekolluke."

  7   R.  Prekolluke.

  8   Q.  Merci, Prekolluke. Etiez-vous au courant de --

  9   R.  Non, je ne vois pas ceci. Ou est-ce ça ? En avril ?

 10   Q.  Oui, oui, sous l'intitulé : "Les événements dans le district de Decan."

 11   R.  Hm-hm. Et quelle était la date ?

 12   Q.  La date est toujours celle du 4 avril. Et si vous allez plus bas sur la

 13   page, à partir de là, il y a le mot "Decan." Vous descendez une, deux,

 14   trois, quatre lignes plus bas, et la phrase commence par les mots : "La

 15   situation la plus grave est celle dans les villages de Gllogjan, Dubrave …"

 16   Vous voyez cela ?

 17   R.  Oui. C'est ça.

 18   Q.  Etait-ce quelque chose dont vous étiez au courant à l'époque où c'est

 19   arrivé, le 4 avril ?

 20   R.  Non, pas le 4 avril. J'étais au courant que Hime Haradinaj a été

 21   enterré et qu'il est mort de ses blessures dans la forêt.

 22   Q.  Bien. Si nous passons à la page suivante. Il semble que nous

 23   repartons en arrière dans le temps, pour ce qui est des dates.

 24   Si nous examinons les dates des 30 et 31 mars, vous avez mentionné le

 25   fait que certaines personnes ont été appelées pour être interrogées avec

 26   des entrevues informelles et vous avez expliqué aux Juges de la Chambre ce

 27   qu'étaient ces conversations informatives.

 28   J'aimerais que vous examiniez, tout d'abord, le 30 mars dans la


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  1   région de Prizren. Il y est dit à la seconde ligne qu'Isa Berisha (1972),

  2   je suppose qu'il s'agit de sa date de naissance, "était encore une fois

  3   convoquée à la police sous le prétexte qu'il était membre de l'UCK. On lui

  4   a ordonné de se présenter le 6 avril. Il a été physiquement maltraité."

  5   Ensuite, le 31 mars, sous la ligne Kacanik, je crois qu'il est

  6   indiqué qu'un homme a été convoqué pour des conversations informatives

  7   encore une fois dans le but de faire rapport, et la même chose est arrivée

  8   à Haki, qui est né en 1943. Il a également été convoqué pour des

  9   conversations informatives; est-ce exact ?

 10   R.  Je ne reconnais pas ces cas-là en particulier. Nous n'avons pas

 11   reconnu ces cas-là.

 12   Q.  Bien, mais --

 13   R.  Nous ne pouvions pas gérer tant d'abus différents. Nous devions

 14   choisir certains cas que nous traitions ensuite dans un registre plus

 15   approfondi.

 16   Q.  J'ai bien compris. Pour ce qui est du langage utilisée, "des

 17   conversations informatives", ça c'était une explication qui était utilisée

 18   non seulement par votre groupe, mais aussi par ce groupe pour décrire en

 19   particulier des convocations de villageois par la police au poste de police

 20   dont la résultante était telle que vous nous l'avez dit, des passages à

 21   tabac ainsi que d'autres mauvais traitements ? Donc il est bien compris que

 22   quand vous avez vu ces mots "conversations informatives," il y a eu

 23   certaines préoccupations au sujet du genre d'abus de droits humains

 24   concernant lesdits individus.

 25   R.  Oui, oui.

 26   Q.  Si nous pouvons maintenant nous tourner à la page 5 du même

 27   document, sous l'intitulé : "Information tardive." A Kline -- et ici il est

 28   dit, je cite :


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  1   "Le 5 mars, Mark Oroshi (1959) du village de Leskoc, un militant de

  2   la LDK, a été convoqué au tribunal de district dirigé par les Serbes à

  3   Klina."

  4   Maintenant, à ce moment-là - c'est-à-dire, je veux dire, au mois

  5   d'avril - la LDK était engagée dans ce qui était considéré, de manière

  6   générale, comme une tentative pacifique de solution, n'est-ce pas ?

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith, vous êtes en

  8   train d'avancer à une vitesse qui dépasse de loin --

  9   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai bien compris. Je vais ralentir.

 10   Q.  Est-ce que vous avez ma question encore à l'esprit ?

 11   R.  Oui. Je crois qu'à ce moment-là je me souviens de la situation

 12   politique. Les Serbes -- enfin, le régime serbe ne faisait pas véritable de

 13   différence entre l'UCK et la LDK, donc tout était mis sur le dos de la LDK,

 14   tout ce qui se passait avec des différentes activités de l'UCK.

 15   Q.  Bien. Cet homme a été convoqué au tribunal du district de Klina dirigé

 16   par les Serbes. Il a été arrêté, gravement maltraité pour avoir été membre

 17   de l'UCK, ou être membre de l'UCK. La police a menacé de lui couper ses

 18   parties génitales, et à cause des blessures qui lui ont été infligées, il a

 19   dû chercher des soins médicaux. Le 16 mars, encore une fois il a été appelé

 20   au tribunal.

 21   Etes-vous au courant de ce cas-là en particulier ?

 22   R.  De celui-là en particulier, non.

 23   Q.  Donc, il y a un certain nombre d'autres cas --

 24   M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Excusez-moi.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, Monsieur le Président [comme

 26   interprété].

 27   M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Monsieur Guy-Smith, pourriez-vous

 28   ralentir, s'il vous plaît.


Page 10261

  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je peux ralentir. Je suis simplement

  2   préoccupé, Monsieur le Président. Si je puis parler franchement enfin, je

  3   suis en train de regarder l'heure tourner et je suis seulement en train

  4   d'examiner le deuxième des 23 rapports que j'ai examinés et je voudrais les

  5   passer tous en revue.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je me suis branché sur le canal français

  8   pour travailler avec les interprètes.

  9   M. RE : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re.

 11   M. RE : [interprétation] Pour ce qui est du calendrier, nous avons un

 12   autre témoin qui est ici en ce moment. Il faut simplement informer les

 13   Juges de la Chambre ainsi que les parties que le témoin a porté quelques

 14   changements mineurs à sa déclaration 92 ter, et que ses modifications sont

 15   en train d'être traduites.

 16   Maintenant, M. Di Fazio a dit qu'il pouvait informer la Défense oralement

 17   quand ces traductions seront disponibles et de donner un exemplaire ou

 18   commencer avec le témoin oralement si nous vous arrivons à la fois ou

 19   commencer dès demain matin. Ce sont les différentes options qui se

 20   présentent à nous en ce moment.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pour ce qui est de notre calendrier

 22   pour les jours à venir et pour les semaines à venir, je n'aimerais pas même

 23   perdre une minute dans ce prétoire, mais je suis au courant que les Juges

 24   de la Chambre aujourd'hui ont pris quelques temps, si je puis dire. Il y a

 25   de bonnes raisons à cela.

 26   Maître Guy-Smith, même avec la vitesse nécessaire pour que le français

 27   suive, combien de temps avez-vous ou pensez-vous encore avoir besoin ? Dix

 28   minutes ?


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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je crois que de manière réaliste, j'aurais

  2   besoin d'encore 20 à 25 minutes.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de temps auriez-vous besoin pour

  4   les questions supplémentaires ?

  5   M. RE : [interprétation] J'aurais besoin d'environ cinq minutes.

  6   Mais pour ce qui est du témoin suivant, puis-je dire qu'il est arrivé

  7   dans nos bureaux à 16 heures, parce qu'il a eu un retard à l'aéroport. Donc

  8   nous ne sommes pas encore arrivés à lui parler entre ici et 4 heures. J'ai

  9   fait tout ce que je pouvais pour --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Emmerson.

 11   M. EMMERSON : [interprétation] Pardonnez-moi de me lever, mais je suis un

 12   petit peu étonné parce que je ne suis pas au courant du fait que

 13   l'Accusation a une nouvelle déclaration 92 ter pour le prochain témoin.

 14   M. RE : [interprétation] Non, non, non, c'est sa déclaration préalable.

 15   Nous, simplement, nous avons --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sa déclaration.

 17   M. RE : [interprétation] Nous voulons simplement l'adopter, c'est tout.

 18   Ce que nous étions en train de faire, nous sommes simplement en train

 19   d'utiliser la même déclaration préalable.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est celle de février 2006. C'est sa

 21   déclaration-là, oui.

 22   M. EMMERSON : [interprétation] Bien, s'il est suggéré que --

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je propose qu'à ce moment nous ne

 24   prenions pas de décision définitive sur le point de savoir si nous pouvons

 25   continuer et certainement ne pas embêter le Témoin 28 avec nos discussions

 26   de procédure.

 27   Veuillez poursuivre, Maître Guy-Smith.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation] Si nous pouvons maintenant examiner le


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  1   rapport suivant, qui est le rapport 406, la pièce 2D1101, et nous pouvions

  2   avoir une cote MFI, je vous en serais très reconnaissant.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, cette pièce sera

  5   marquée aux fins d'identification comme étant la pièce D197.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Si nous pouvons maintenant examiner la page

  8   2.

  9   Q.  Ceci a trait à des événements qui s'en sont déroulés le 21 avril, en

 10   parlant de ce qui se passait à Decan. Il y est déclaré que : "A 10 heures

 11   45 du matin, les officiers de police serbes, ainsi que les forces

 12   militaires, ont attaqué à l'artillerie et au mortier le village de

 13   Baballoq. Les forces serbes, accompagnées de voitures blindés, étaient

 14   positionnées à Suka e Baballoq et dans les environs du camp de réfugiés." 

 15   Il est également dit dans le même paragraphe, et je laisse tomber

 16   certaines portions :

 17   "Les villages feront des tentatives pour organiser leur propre

 18   défense."

 19   Pour ce qui est des villages qui s'organisent pour se défendre, j'en

 20   déduis que ce à quoi ils font référence ici, si vous le savez, ce sont les

 21   villageois albanais, dans les villages, par exemple, de Likoshan, Qirez,

 22   Prekaze, dans lesquels il y a des civils albanais qui, préoccupés de voir

 23   ce qui se passait avec les forces militaires serbes, faisaient de leur

 24   mieux pour essayer de trouver un moyen pour défendre leurs propres maisons.

 25   R.  Ma compréhension de ces évènements est quelque peu différente, mais je

 26   crois qu'il y a eu une attaque sur le camp de Babaloc le 18 et le 19, et

 27   qu'après cela les forces militaires serbes -- et je crois que j'ai

 28   également dit qu'il s'agissait d'avions militaires, comme vous l'avez très


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  1   justement dit, on ripostait à cette attaque et on supprimait cela. A ce

  2   moment-là il s'agissait probablement du 21, et donc cela est vrai comme je

  3   l'ai dit.

  4   Je ne suis pas sûre de savoir si c'était simplement les villageois

  5   qui se défendaient à ce moment-là.

  6   Q.  Si nous passons au jour suivant, le 22, à Decan, il y est dit :

  7   "Depuis les petites heures du matin, les forces de police et

  8   militaires de la région du Lac de Radoniqi, des villages de Palabaldh et

  9   Boka, ainsi que le camp de réfugiés de Baballoq, ont bombardé Suka e

 10   Baballoq et Baballoq même."

 11   La question que je vous pose est la suivante : à partir de ce moment-

 12   là en avril, étiez-vous au courant de l'utilisation massive de

 13   bombardements par les forces de police serbes ainsi que d'autres forces sur

 14   ces villages ? Et quand je dis village, je parle de villages habités par

 15   des civils albanais.

 16   R.  Oui, ce sont des réfugiés albanais dont je parle. Pour ce qui est des

 17   bombardements, je ne suis pas sûre que les forces militaires étaient celles

 18   du Lac de Radonjic, simplement Suka Babaloc, pas Babaloc même. A Suka

 19   Crmljanska, alors que d'autres villages étaient essentiellement sous le

 20   contrôle de l'UCK, c'est ce que j'en savais à l'époque. Oui, ils

 21   bombardaient les villages.

 22   Q.  Les villages qui étaient bombardés étaient des villages dans lesquels

 23   il y avait une nombreuse population civile qui soutenait ou non les idées

 24   de base de l'UCK, ils étaient des compagnons de route, si je puis dire.

 25   R.  Oui, c'est possible. C'est possible parce que je n'ai jamais rencontré

 26   des officiers de police serbe qui faisaient véritablement la différence

 27   entre les civils ou les membres de l'UCK ou supporters de l'UCK. Ils

 28   pensaient simplement que c'était la même chose.


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  1   Q.  Je pense que la semaine dernière vous avez mentionné un individu du nom

  2   d'Arkan ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  J'aimerais vous demander de vous reporter à la page 7 de ce document.

  5   Sous l'intitulé "Pristina", il est dit :

  6   "Quatre camions militaires remplis de soldats ont paradé le long de

  7   la route de Jabllanice à Kodra e Trimave. Arkan a été vu à Hajvalia au

  8   cours d'une visite effectuée auprès des unités de forces spéciales serbes."

  9   R.  J'ai entendu dire plusieurs fois qu'Arkan était ici et là. Mais je ne

 10   crois pas qu'il était là vraiment au Kosovo, je crois que ses unités à ce

 11   moment-là étaient en train d'interférer là. Je crois qu'il s'agissait

 12   d'unités différentes, différentes unités, différentes troupes de

 13   paramilitaires. Mais je crois que nombre de villageois albanais pensaient

 14   toujours qu'Arkan allait venir ou décrivaient les unités d'Arkan -- en tout

 15   cas, je n'étais pas au courant du fait qu'Arkan était là.

 16   Q.  Pour un instant, si je puis, vous avez dit "différentes unités et

 17   différentes troupes de paramilitaires." J'en déduis qu'au cours de votre

 18   recherche ce que vous avez découvert au cours de l'époque c'est, mis à part

 19   votre croyance qu'il s'agissait d'Arkan ou non qui était là au Kosovo,

 20   qu'il y avait d'autres troupes paramilitaires qui étaient actives dans la

 21   région à l'époque.

 22   R.  Oui, si on clarifie ce que veut dire exactement "paramilitaires", parce

 23   que je crois qu'ils étaient contrôlés par le centre à Belgrade, donc

 24   c'était plutôt ad hoc. Mais en 1998, il n'y avait pas de forces ad hoc qui

 25   venaient tout simplement là et faire ce qu'elles voulaient. Non, elles

 26   étaient contrôlées.

 27   J'en connaissais deux. Une qui s'appelait Munja, la foudre, qui

 28   venait de Pec.  Et j'ai vu Sheshirdzije, comme on les appelait, je ne sais


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  1   pas comment cela se traduit en anglais, c'est-à-dire quelqu'un qui porte un

  2   chapeau. Je les ai vues comme tel, mais je crois qu'il y avait différents

  3   types de forces spéciales. Je ne suis pas une experte militaire, donc je ne

  4   peux pas vous en dire plus.

  5   Q.  J'aimerais maintenant me tourner vers la page 9 de ce même document, si

  6   vous le voulez bien. Sous la phrase qui commence par "Gjilan", la dernière

  7   phrase sous cet intitulé, il y est dit : "Le 18 avril, les autorités serbes

  8   dans la prison de Gjilan ont exigé que les prisonniers albanais votent lors

  9   du référendum à venir du 23 avril."

 10   Tout d'abord, vous souvenez-vous de ce référendum du 23 avril, de

 11   quoi il traitait ?

 12   R.  Oui, je crois que c'est un référendum qu'a lancé le gouvernement de

 13   Milosevic pour la non ingérence de la communauté internationale dans les

 14   affaires. Je crois qu'il s'agissait de cela. Je ne sais pas pour ce cas-ci

 15   en particulier.

 16   Q.  Est-ce que vous-mêmes ou votre organisation avez jamais reçu des

 17   informations selon lesquelles ces personnes qui ont été arrêtées dans des

 18   prisons serbes avaient été forcées à voter d'une manière ou d'une autre ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Bien. Si nous pouvons maintenant revenir -- ou plutôt examiner le

 21   rapport suivant, qui porte la cote 2D1122, rapport numéro 408.

 22   On vient de me corriger, ce devrait être la pièce 2D001122.

 23   Pourrais-je avoir une cote MFI, s'il vous plaît ?

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document sera marqué aux fins

 25   d'identification comme étant ?

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] D198, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation]


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  1   Q.  Au cours de la période au cours de laquelle vous avez effectué

  2   votre recherche, avez-vous entendu dire que les militaires serbes

  3   utilisaient des lumières vives de nuit comme un moyen pour soit intimider

  4   la population, soit je dirais plutôt inquiéter la population, la faire

  5   paniquer. Je fais référence à la page 2 sous l'intitulé "premier mai", où

  6   il est dit bien plus bas sous l'intitulé "Decan", juste avant l'intitulé

  7   Halil Imer Lokaj. Mais ce qui m'intéresse, c'est la phrase suivante :

  8   "Au cours de la nuit, les forces militaires pointaient leurs

  9   réflecteurs vers des maisons pour semer la panique. On ouvrait le feu en

 10   direction du village de Baballoq."

 11   Nous avons entendu des témoignages selon lesquels des forces serbes

 12   avaient vu des lumières pendant la nuit dans la région qu'elles

 13   attribuaient à l'UCK. La question que je vous pose est la suivante, avez-

 14   vous jamais reçu des informations selon lesquelles les forces serbes

 15   utilisaient cette forme particulière de "belligérer", si je puis dire.

 16   R.  Je n'ai jamais entendu dire cela.

 17   Q.  [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Re.

 19   M. RE : [interprétation] Je ne me souviens pas que ceci ait été avancé, je

 20   crois que cela aurait dû être enregistré sous la Règle 90 (H), le témoin,

 21   je crois qu'il s'agissait de Rade Repic, qui a témoigné de cela.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela veut dire que Me Guy-Smith devrait

 23   soumettre cette affaire au témoin ?

 24   M. RE : [interprétation] Oui, je crois que cette question aurait dû être

 25   posée au témoin approprié au moment approprié. Je voulais simplement

 26   relever ceci en passant, que cela aurait dû être posé à point nommé.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais puisque le témoin n'est plus

 28   au courant de quoi que ce soit, poursuivons.


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  1   Maître Guy-Smith.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai pris bonne note de l'objection de Me

  3   Re et je suis sûr que --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela figure au compte rendu d'audience.

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation] A un moment, nous allons traiter des

  6   questions de ce qui est bon pour quelque chose est bon pour une autre à

  7   différents moments de l'interrogation de l'Accusation, mais je traiterai de

  8   ceci plus tard.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, laissons cela de côté pour le

 10   moment.

 11   Veuillez poursuivre.

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 13   Q.  Voulez-vous indiquer --

 14   L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.

 15   M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Micro, s'il vous plaît.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Si je pouvais avoir une cote MFI pour cela,

 17   s'il vous plaît.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je voudrais revenir au rapport numéro 411

 20   [comme interprété] 2D001094. Pourrions-nous avoir une cote à MFI, s'il vous

 21   plaît.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document

 23   portera la cote D199.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 26   Q.  J'aimerais appeler votre attention sur la date du 21 mai. Sous le

 27   titre "Decan", nous lisons ce qui suit :

 28   "La situation dans la région de Decan continue à être grave, il y


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  1   avait des tirs et des pilonnages dirigés vers le village de Baballoq. La

  2   ville a continué à être assiégée, la police et l'armée paradaient dans la

  3   ville pour faire montre de leur force. La situation est très grave,

  4   notamment dans les villages frontaliers avec l'Albanie et à Junik, où des

  5   réfugiés armés participent aux attaquent contre les villages albanais."

  6   Durant vos recherches, avez-vous eu connaissance d'un programme

  7   établi à Belgrade selon lequel tous les hommes serbes devaient devenir des

  8   combattants réservistes de l'armée et recevoir une arme.

  9   R.  Ce n'est pas une invention de Milosevic. En fait, cela avait cours dans

 10   tous les pays communistes. La base même de l'armée yougoslave consistait à

 11   penser que tout civil devait avoir une arme et devait être considéré comme

 12   un réserviste pendant toute sa vie jusqu'à disons l'âge de 55 ou à peu

 13   près. Donc c'était une espèce de loi en Yougoslavie.

 14   Ce que je savais, c'est que des tentatives avaient été faites pour

 15   armer des civils serbes à partir du début du mois de mars principalement

 16   dans les villages où la population s'inquiétait beaucoup d'attaques

 17   éventuelles, et j'ai eu connaissance également du fait que la police serbe

 18   a aidé assez souvent à ce genre d'entreprise lorsque les Serbes étaient

 19   attaqués, comme par exemple dans la municipalité de Klina. Donc ils se

 20   défendaient un petit peu, puis ils se rendaient, s'en allaient et fuyaient.

 21   La police serbe n'avait pas le pouvoir de pénétrer ou de faire quoi que ce

 22   soit à ce moment-là dans ces villages.

 23   C'était au mois de mai, et principalement dans le village de Klina.

 24   Q.  Je vous remercie.

 25   Dans le même document, voyons ce qui est écrit pour la journée du 22

 26   mai. Sous le titre "Peja", nous lisons que "des forces policières

 27   importantes armées d'armes lourdes étaient stationnées sur la colline

 28   surplombant les villages de Gllogjan et de Nepole."


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  1   Est-ce que vous étiez au courant de cela ?

  2   R.  Parlez-vous du Glodjane qui se trouve dans la municipalité de Decani ?

  3   Je n'étais pas au courant de cela, et je doute de sa véracité. Je crois que

  4   la première fois que la police serbe a pénétré dans la municipalité de

  5   Glodjane, c'était à la fin du mois août au moment où une offensive

  6   importante a été lancée. Les forces serbes ont tenté de lancer neuf

  7   offensives dans la direction de Glodjane mais n'ont jamais pénétré dans ce

  8   secteur, pour autant que je le sache. Neuf offensives destinées à pénétrer

  9   Rznic et Glodjane.

 10   Q.  Pour que tout soit clair, si j'ai bien compris, vous receviez les

 11   rapports KIC tous les jours ?

 12   R.  Rapports KIC, oui. Mais je suis bien consciente que ces rapports

 13   méritent d'être vérifiés. Je n'ai pas connaissance que la police serbe ait

 14   pénétré dans Glodjane dans la période allant disons du 25 avril jusqu'à la

 15   fin du mois d'août. Je ne dis pas que j'en doute, je ne dis pas que c'est

 16   vrai, je dis simplement que je n'étais pas au courant et que cela me

 17   surprend.

 18   Q.  En gardant cela à l'esprit, passons à la page 4 où il est question de

 19   la journée du 23 mai, à Decan toujours. Nous lisons :

 20   "Des forces de police importantes étaient stationnées sur un

 21   carrefour non loin de Prejlep sur la route reliant Decani à Gjakova. La

 22   police a ouvert le feu vers le village de Prejlep et de Dranoc. La

 23   situation est très dramatique : 20 blindés transport de troupes, deux

 24   voitures blindées, deux canons, et des forces policières en grand nombre

 25   s'efforcent de traverser les villages de Carrabreg i Poshtem et Prejlep,

 26   mais se trouvent affrontées aux forces de l'UCK."

 27   R.  Ce que j'ai compris, c'est qu'à partir du 23 mai, date à laquelle

 28   l'offensive a réellement commencé, les forces policières et militaires


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  1   serbes ont augmenté leurs effectifs numériques présents sur place, ainsi

  2   que probablement la partie adverse qui se préparait aux affrontements en

  3   contrôlant la route et en bloquant la route qui allait vers la frontière.

  4   C'est ce que j'ai cru comprendre des événements de l'époque.

  5   M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Pardon, nous n'avons pas bien

  6   compris. Au début de votre réponse, vous avez dit que ce que vous aviez

  7   compris, "c'est qu'entre le 23 mai et le 21 mai" --

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je voulais dire entre le 23 mai et le 31

  9   mai.

 10   M. LE JUGE HOEPFEL : [interprétation] Donc entre le 23 et le 31 mai.

 11   D'accord, merci.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 14   Q.  Passons maintenant au rapport numéro 106 [comme interprété],

 15   document 2D001134.

 16   J'aimerais un numéro MFI.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Document D200, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 20   M. GUY-SMITH : [interprétation] Examinons le passage qui se trouve au

 21   milieu de la page, qui se lit comme suit :

 22   "Le 21 mai [comme interprété], la situation dans les villages du

 23   district de Decan ainsi que dans les villages voisins est dramatique. La

 24   guerre bat son plein entre les forces policières serbes, l'armée et les

 25   paramilitaires d'une part, et les villageois albanais de l'autre."

 26   R.  Oui, c'est vrai. Le 21 [comme interprété] mai dans la matinée de vrais

 27   combats ont commencé entre les policiers serbes, et ce que je n'appellerais

 28   pas des "villageois albanais", mais l'UCK pour ma part.


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  1   Q.  Lorsque vous dites que vous pensez qu'il s'agit en fait de l'UCK,

  2   aviez-vous à ce moment-là des renseignements indiquant que certains

  3   villageois étaient également en train de combattre, en dehors des membres

  4   de l'UCK ?

  5   R.  Ce que je savais de l'UCK à l'époque, c'est que l'UCK ne comptait pas

  6   de nombreux soldats, ce n'était pas une armée puissante, mais elle

  7   bénéficiait de l'appui des villageois qui finalement rejoignaient l'UCK

  8   parce qu'ils croyaient à cette forme de combat, eu égard à l'avenir du

  9   Kosovo, ou simplement parce qu'ils avaient reçu des armes par crainte d'une

 10   vengeance serbe. Mais il s'agissait en tout cas d'un mélange de villageois

 11   armés et de soldats de l'UCK. Je devrais d'ailleurs parler de conscrits de

 12   l'UCK. Si je me souviens bien, ces combats ont duré plus de sept jours, et

 13   les médias n'étaient pas autorisés à pénétrer dans cette zone -- pas du

 14   tout. Je m'y suis trouvée ultérieurement et j'ai vu plusieurs maisons qui

 15   avaient brûlé. C'était une période très difficile pour tous les civils dans

 16   cette région à ce moment-là.

 17   Q.  Dans cette période, est-ce que la fondation de Mère Teresa ne

 18   travaillait pas dans cette région pour s'efforcer d'aider les civils qui

 19   souffraient de ce qui se passait dans ce secteur à l'époque ?

 20   R.  Je me souviens, la fondation de Mère Teresa qui y travaillait. Oui,

 21   effectivement.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle est la pertinence de votre

 23   dernière question, Maître Guy-Smith ? Je me pose de plus en plus la

 24   question à ce sujet.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il a été question au cours des débats de

 26   médecins qui s'étaient vu interdire de dispenser des soins. C'est quelque

 27   chose qui s'est passé sur les lieux, et les gens qui étaient en mesure --

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Posez au témoin une question qui porte


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  1   sur le point que vous estimez pertinent. Je suppose qu'on ne peut pas

  2   empêcher un médecin de travailler s'il n'y a pas de médecins, ça c'est

  3   certain. Mais venez-en au fait, Maître, si vous avez à l'esprit une

  4   question précise. Veuillez procéder.

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  6   Q.  Passons à la page 7 de ce même document, sous le titre "Peja". Cela

  7   concerne encore une fois la journée du 21 mai. Avez-vous eu connaissance

  8   d'affrontements dans le village de Raushiq ?

  9   R.  Non, je crois que Raushiq a eu lieu plus tard durant l'été, les

 10   affrontements avec l'armée à Raushiq.

 11   Q.  Très bien. Passons au rapport suivant, le rapport numéro 148 [comme

 12   interprété] 2001156 ?

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut une cote, je suppose ?

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] En effet.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] D201, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 18   Q.  J'aimerais appeler votre attention sur la page 2 de ce document

 19   sous le titre "Prishtina". Avez-vous eu connaissance du fait qu'un nombre

 20   de plus en plus important de soldats arrivait dans la région, et je cite un

 21   passage :

 22   "Six voitures à bord desquelles se trouvaient des réservistes, et

 23   deux véhicules blindés abritant probablement des armes, sont arrivés à

 24   Fushe-Kosova aux environs de 10 heures du matin à la gare ferroviaire. Plus

 25   d'un millier de soldats serbes sont arrivés à la gare ferroviaire de

 26   Prishtine."

 27   R.  Vous pourriez me rappeler la date ?

 28   Q.  Le 8 juin.


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  1   R.  Pristina, non. Je ne me rappelle pas avoir vu une présence militaire à

  2   Pristina. A Pec oui, mais pas à Pristina.

  3   Q.  Passons à la page 3, correspondant à la journée du 9 juin, sous le

  4   titre "Gjakova". On y voit une indication selon laquelle : "Les villages de

  5   Reka e Keqe et d'autres villages du district de Decan auraient été pilonnés

  6   à partir de bases militaires", et on voit une liste de noms de bases

  7   militaires. "Et Suka e Biteshit pendant toute la nuit. Aujourd'hui, Skivan

  8   déserté par la population qui est partie ailleurs a été pilonné. Le

  9   pilonnage à partir de Boka e Zhdrelle vers la centrale hydraulique de

 10   Radoniqi risque d'endommager le barrage, et ce faisant, de mettre en danger

 11   toute la population de la plaine de Dukagjini. Des forces serbes

 12   importantes sont concentrées en ville et surveillent toutes les entrées et

 13   sorties."

 14   Etait-ce une préoccupation pour votre organisation, le fait que les Serbes

 15   risquaient d'inonder la pleine en endommageant le barrage ?

 16   R.  Je dois dire que je n'ai jamais entendu parler de cela. Je ne pense

 17   même pas qu'ils auraient pu le faire, car pour autant que je le sache la

 18   centrale hydraulique de Radonjic était à l'arrière des villages qu'ils

 19   n'ont cessé d'attaquer jusqu'à la fin du mois d'août.

 20   Q.  Nous avons un certain nombre de rapports que je n'avais pas compulsés

 21   avec vous, mais voici ma question, car vous avez eu l'occasion de lire ces

 22   rapports, vous receviez des renseignements tous les jours. Eu égard aux

 23   civils albanais qui ont été tués, les renseignements que vous avez reçus à

 24   ce sujet et qui sont contenus dans ces rapports sont-ils exacts d'après

 25   vous ? Je vous demande de répondre en vous fondant sur votre expérience.

 26   R.  Mon expérience était que ce rapport évitait quelque peu de mentionner

 27   l'UCK et présentait quelque peu tous ces habitants du village comme

 28   combattants, ce qui en fait n'était pas tout à fait la vérité. Lorsque nous


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  1   avons essayé de vérifier ça sur le terrain, ce qu'ils avaient dit comme

  2   étant des abus, de la torture, très souvent ça s'est révélé exact, mais il

  3   n'a jamais été question dans ces rapports de quoi que ce soit qui se

  4   passait avec les autres, je veux dires les minorités à ce stade, les

  5   Serbes. Donc je dirais oui, mais c'était quelque peu altéré dans le sens

  6   d'une situation qui convenait pour le publier dans les médias

  7   internationaux et créer une opinion publique, quelque peu. C'était mon

  8   sentiment.

  9   Q.  Est-ce que vous connaissiez un monsieur qui était un juriste, un

 10   avocat, un membre du conseil du CDHRF du nom de Rukiqi ?

 11   R.  Oui.

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Pourrait-on revenir à la pièce D186, le

 13   rapport numéro 426.

 14   Q.  Je voudrais parler avec vous de ce qui se trouve au bas de la

 15   page 1.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith, bien sûr je ne sais

 17   pas quelle va être votre prochaine question, mais la Chambre n'a pas eu

 18   l'impression que le fait de parcourir ces rapports avec autant de détail

 19   pouvait beaucoup aider les membres de la Chambre, mais bien entendu puisque

 20   vous retournez à un de ces rapports maintenant, il se peut que ce soit

 21   différent. Nous l'espérons.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 23   Q.  Précédemment, vous aviez parlé de questions qui avaient trait à

 24   la procédure judiciaire dans les questions posées par Me Emmerson. La

 25   question que je vous pose, c'est de savoir si les renseignements qui sont

 26   donnés là, d'après vos propres recherches, sont exacts, à savoir que Destan

 27   Rukiqi, "juriste, membre du conseil de la CDHRF, a été condamné à 60 jours

 28   de prison et il a été envoyé purger sa peine. Comme Rukiqi n'a pas pu


Page 10277

  1   examiner le dossier de son client, il a accusé Danica Marinkovic, le juge,

  2   de jouer le rôle d'un policier."

  3   Est-ce que vous avez connaissance de cela, du fait qu'un juge aurait

  4   joué le rôle d'un policier ?

  5   R.  Oui, je suis au courant, je pense pouvoir me rappeller qu'il y avait eu

  6   ce litige. Je ne suis pas sûre qu'il ait été envoyé pour 16 jours en

  7   prison, mais je sais qu'il y avait litige. Je suis désolée de dire que je

  8   n'étais pas au courant de cela. Mais peut-être que je l'étais à ce moment-

  9   là, et qu'aujourd'hui je ne m'en souviens pas.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous souhaiterions si possible, Maître

 11   Guy-Smith --

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais en l'occurrence --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Puisqu'il ne reste que 10 minutes,

 14   je vous invite à en terminer.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est ce que je vais faire.

 16   Q.  En l'occurrence, ce qui s'est passé avec M. Rukiqi -- pourrait-on

 17   voir la pièce 2D001180, rapport numéro 427 ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut une cote, Maître Guy-Smith ?

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il s'agit de 2D001180.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document reçoit une cote provisoire

 22   pour indentification en tant que D202, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] A la page 6, après la rubrique "Prishtina".

 25   "Le fait d'avoir été grièvement torturé dans la prison à Prishtina,

 26   Destan Rukiqi, juriste et membre du conseil du CDHRF à Prishtina, a été

 27   emmené à l'hôpital. Son état de santé est qualifié comme étant très grave."

 28   Est-ce que vous étiez au courant ?


Page 10278

  1   R.  Non, je ne savais pas qu'il était à l'hôpital. Je savais qu'il y avait

  2   litige, une sorte de procédure qui était en cours.

  3   Q.  Vous aviez dit tout à l'heure qu'il y avait eu quelques difficultés, je

  4   crois, il était difficile pour des personnes d'avoir accès aux membres de

  5   leurs familles et à leurs avocats --

  6   R.  Oui.

  7   Q.  -- après qu'ils aient été arrêtés.

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Pourrait-on voir la pièce 2D001209 --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith.

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Le rapport numéro 429.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Guy-Smith, j'ai déjà dit tout à

 13   l'heure que la Chambre ne trouvait pas grandement aidée par la série de vos

 14   questions.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai le français et l'anglais. Je m'en

 18   occupe.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voua ai dit que nous sentions que

 20   nous ne tirions pas grande utilité de la série de vos questions. Et je vous

 21   ai invité à en terminer et j'ai dit que vous auriez dix minutes.

 22   Est-ce que vous voudriez bien -- je veux dire, vous êtes maintenant

 23   en train de demander qu'on présente un autre document de façon à savoir

 24   toute une série de choses alors que le témoin - de savoir si le témoin - on

 25   a demandé si elle était au courant de quelque chose, parfois elle l'est,

 26   parfois elle ne l'est pas. Il y a toute une série de questions

 27   personnelles, savoir si elle savait personnellement telle ou telle chose.

 28   Ce n'est pas de votre faute, Témoin 28.


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est impossible de tout se rappeler --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Guy-Smith pourriez-vous,

  3   s'il vous plaît, terminer votre contre-interrogatoire dans les deux minutes

  4   qui viennent.

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui.

  6   Q.  Du point de vue des renseignements que vous receviez

  7   quotidiennement de cette organisation, serait-il juste de dire en résumé

  8   que vous receviez des renseignements concernant la mort de ressortissants

  9   albanais, les attaques contre les villages, la suppression de toute une

 10   série de droits, pour ce qui est de la période commençant en mars et

 11   jusqu'à y compris septembre.

 12   R.  Oui. C'est cela. Ces rapports mentionnaient exactement cela.

 13   Q.  Est-ce que ce sont ces rapports sur lesquels vous vous êtes fondée pour

 14   juger si vos efforts devaient porter plus particulièrement sur des abus

 15   concernant les droits de l'homme ?

 16   R.  Bien, c'est une des sources que nous --

 17   Q.  Oui. Je comprends. Une des sources entre autres.

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Merci.

 20   M. GUY-SMITH : [interprétation] En ce qui concerne un point, Monsieur le

 21   Président, est-ce que je pourrais demander au témoin d'identifier les

 22   autres rapports qui restent. Je pense que pour tous les rapports, elle

 23   serait peut-être à même d'identifier les derniers rapports auxquels on

 24   pourra attribuer des cotes provisoires MFI, à cause du peu de temps qui

 25   reste, et ensuite nous pourrons traiter de la question de savoir s'ils

 26   peuvent être admis au dossier un peu plus tard. Quelle que soit la voie que

 27   vous choisissez pour régler la question.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a -- qu'est-ce qu'elle


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  1   devrait à ce moment-là identifier ? Ces rapports ? Je pense que vous lui

  2   avez présenté toute une série de rapports. Elle a répondu aux questions à

  3   ce sujet sans très précisément --

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] Elle avait dit plus tôt qu'elle avait reçu

  5   des renseignements --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] -- qu'elle avait reçu des renseignements

  8   sur une base quotidienne ou sur une base hebdomadaire et qu'elle

  9   reconnaissait ces rapports.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Re, est-ce qu'il y aurait

 11   litige concernant des rapports analogues, mais avec d'autres numéros et

 12   d'autre renseignements comme faisant partie de ce que savait le témoin

 13   lorsqu'elle travaillait à ce moment-là ?

 14   M. RE : [interprétation] Je n'en ai aucune idée, Monsieur le Président. Je

 15   n'avais pas posé de question au témoin du tout concernant ces rapports-là

 16   individuellement.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non.

 18   M. RE : [interprétation] Peut-être que oui, peut-être que non.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous vous êtes fondée sur ces

 20   rapports pendant tout le temps que vous avez travaillé au Kosovo ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne me fondais pas dessus. J'utilisais

 22   ça comme une source.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous utilisiez ça comme une source

 24   pour vous centrer, faire porter votre attention sur --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ça va bien.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous discuterons de cela plus tard,


Page 10281

  1   Maître Guy-Smith, sur le point de savoir si ces rapports nous sont utiles,

  2   mais il y a une chose qui est claire, c'est que ce type de rapports ont été

  3   utilisés par le témoin de façon à pouvoir concentrer son attention sur

  4   certains points.

  5   Maître Harvey --

  6   Ce n'est pas -- bon, ce ne sera pas un problème pour l'avenir.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Maintenant --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce point qui est l'autre.

  9   M. GUY-SMITH : [interprétation] Bien. Il se pourrait qu'il y ait d'autres

 10   questions qui se posent, mais je crois que pour le moment nous allons

 11   obtenir des cotes MFI pour le reste d'entre eux, pour qu'aucune question ne

 12   se pose sur le point de savoir si ces rapports existent.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, informer

 14   M. Re dès que possible de quels sont ces rapports dans l'ensemble.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Absolument.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons voir --

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Avec cela, j'en ai terminé.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 19   Maître Harvey.

 20   M. HARVEY : [interprétation] Il y a un rapport sur lequel je souhaiterais

 21   une cote provisoire MFI. Il s'agit du 2D001215, rapport numéro 428, si on

 22   peut présenter celui-là.

 23   Contre-interrogatoire par M. Harvey : 

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Témoin 28.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur le Greffier, qu'est-ce que

 26   ce sera ?

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera le D203.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Témoin 28, ceci me donne l'occasion


Page 10282

  1   de vous dire que M. Harvey est le conseil de M. Brahimaj.

  2   Veuillez poursuivre.

  3   M. HARVEY : [interprétation] C'était juste que j'étais sur le point de vous

  4   dire, Témoin.

  5   Q. Est-ce qu'on pourrait faire défiler le document vers le bas de la page,

  6   s'il vous plaît. Merci. Un peu plus haut. Un peu plus loin encore. Très

  7   bien. Merci.

  8   Ce document-là encore, est-ce que vous vous rappelez ce qui est

  9   décrit en haut de ce document concernant le harcèlement et la répression

 10   très étendus perpétrés par la police serbe et autres autorités au Kosovo

 11   depuis le 2 août jusqu'au 6 août 1998 ?

 12   R.  Je ne me rappelle pas que ceci ait été limité du 2 au 6.

 13   Q.  Oui, je pense bien.

 14   R.  Je pense qu'à la mi-juillet il y a eu une tentative des forces serbes

 15   de faire disparaître, de supprimer l'existence de l'UCK dans différents

 16   villages. A ce moment-là, je pense que plus de 40 % du territoire était

 17   déjà contrôlé par l'UCK, pour autant que je puisse le comprendre pour les

 18   villages.

 19   En vérité, ce qui se passait c'est qu'ils commençaient à presser ces

 20   villages et à les bombarder village par village. Les réfugiés s'enfuyaient

 21   et allaient dans une autre municipalité jusqu'au moment où nous sommes

 22   arrivés à une situation véritablement catastrophique. Mais je ne me

 23   rappelle pas si c'était ou que c'était entre le 2 et le 6. Il se peut juste

 24   que pour cette municipalité-ci telle ait été la situation qui existait à ce

 25   moment-là.

 26   Q.  Je vous remercie pour cela. Je voudrais simplement qu'on se centre

 27   maintenant sur la période couverte par ce rapport. Nous voyons vers le bas

 28   de la page ici, il est dit :


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  1   "Du 4 au 5 juillet," -- et peut-être que vous seriez d'accord avec

  2   moi pour dire qu'il doit y avoir là une faute de frappe ou une erreur. En

  3   fait, ils voulaient parler du mois d'août ici.

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   Q.  Donc il faudrait lire du "4 au 5 août" et non juillet.

  6   R.  [aucune interprétation]

  7   Q.  Il y a une liste de personnes qui ont été tuées à Jabllanice e

  8   Dushkajes, près de Decan.

  9   Je ne sais pas si l'un quelconque de ces noms vous est connu, mais

 10   l'un des facteurs c'est que l'on remarque, en regardant cet aspect du

 11   rapport, l'âge très avancé des victimes.

 12   Je ne sais pas si vous connaissez un tant soit peu mon client, Lahi

 13   Brahimaj. Est-ce que vous le connaissez ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Donc vous ne pourriez pas nous aider en nous disant si Aze Ibrahimaj et

 16   Zize Zekaj sont respectivement sa mère et son frère ?

 17   R.  Non, je ne sais pas.

 18   Q.  J'en ai terminé pour l'instant avec ce document, je vous remercie.

 19   Eu égard au paragraphe 28 de votre déclaration 92 ter, vous faites, dans ce

 20   paragraphe, référence à une conversation que vous avez eue avec une équipe

 21   de télévision américaine.

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Les enquêtes sur Jabllanice découvrent un commandant local de l'UCK

 24   dont ils disent qu'il portait une longue barbe blanche.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Je crois qu'il est à peu près évident que mon client, quelles soient

 27   les circonstances, aurait du mal à se faire pousser une longue barbe

 28   blanche. Je ne vous demande pas de répondre à cette observation.


Page 10284

  1   R.  Est-ce que cela vous ennuie si je vous interromps pour dire quelque

  2   chose de Jablanica ?

  3   Q.  Laissez-moi d'abord terminer ma question après quoi j'entendrais un

  4   commentaire de votre part. Tous vos commentaires sont certainement utiles.

  5   Je vous demande de nous dire si cette description correspond à un certain

  6   Sadri Zeneli ? Est-ce que vous avez entendu parler d'un Sadri Zeneli qui

  7   aurait été commandant local à Jabllanice ?

  8   R.  Non, pas du tout.

  9   Q.  Si vous voulez maintenant ajouter quelques mots au sujet de Jabllanice,

 10   faites-le.

 11   R.  Oui. Cela a peut-être son intérêt. Est-ce que nous sommes en audience

 12   publique ? Oui ?

 13   Il est peut-être intéressant de savoir --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela signifie que vous

 15   voudriez rester en audience publique ou vous préféreriez que nous passions

 16   --

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je crois qu'il faudrait rester en

 18   audience publique.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est peut-être intéressant de savoir que

 21   moi-même et le chercheur dont j'ai déjà parlé précédemment ont interrogé

 22   deux personnes au mois de mai, deux personnes âgées, qui avaient beaucoup

 23   de mal à parler serbe et qui étaient originaires de Jablanica et déjà

 24   complètement assimilées. Ces personnes nous ont dit qu'au mois de janvier

 25   1998 elles avaient reçu l'ordre de quitter Jablanica par des personnes

 26   inconnues qu'elles n'avaient jamais rencontrées avant. Ce sont des gens qui

 27   n'avaient pas d'enfants et qui n'avaient pas très envie de quitter

 28   l'endroit. Leurs voisins s'étaient efforcés de les protéger pendant des


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  1   mois, mais un moment est arrivé où les voisins ont décidé qu'ils ne

  2   pouvaient plus les protéger. Ils ont donc placés à bord d'un camion la

  3   farine et le sucre qu'ils possédaient et ils sont partis.

  4   Nous les avons retrouvés à Pec dans un centre de réfugiés. Mais c'est la

  5   première fois que j'entends parler de cette équipe de télévision à

  6   Jablanica et du fait que des tranchées auraient été creusées ou que des

  7   visages inconnus étaient vus en janvier 1998.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Harvey.

  9   Est-ce que vous avez d'autres questions ?

 10   M. HARVEY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

 11   Président. Je voudrais simplement indiquer une correction, page 110 du

 12   compte rendu d'audience, ligne 24. Il faut lire "grand-mère", au lieu de

 13   frère. Je vous remercie, Témoin.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Harvey.

 15   Monsieur Re, je regarde l'horloge en même temps que je vous parle. Il nous

 16   faut prendre une décision. Est-ce que nous demanderons au témoin de revenir

 17   demain matin, ou est-ce que nous pouvons en terminer ce soir, auquel cas

 18   nous ne pouvons pas demander aux interprètes, aux techniciens et aux

 19   procès-verbalistes de rester davantage que deux ou trois minutes.

 20   M. RE : [interprétation] Il me faudra sans doute dix minutes.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est trop pour aujourd'hui.

 22   Malheureusement, il nous faut suspendre jusqu'à demain.

 23   J'aurais préféré ne pas devoir vous demander de revenir demain, mais

 24   malheureusement nous n'en avons pas terminé. Cela ne prendra pas très

 25   longtemps. Je ne sais pas -- ce sera le matin. Je ne sais pas si des

 26   dispositions étaient prises pour organiser votre voyage de retour.

 27   L'INTERPRÈTE : Signe négative de la tête du témoin.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quoi qu'il en soit, je suis tenu de vous


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  1   informer qu'il ne vous faut parler à personne de votre déposition, qu'il

  2   s'agisse de la partie de la déposition que vous avez déjà faite, ou de

  3   celle qui va venir. Nous aimerions vous revoir demain matin à 9 heures dans

  4   une salle différente de celle où nous sommes aujourd'hui.

  5   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela se passera dans la salle d'audience

  7   numéro II. Vous n'en aurez pas pour longtemps demain matin.

  8   Nous suspendons l'audience jusqu'à demain, 6 novembre, 9 heures du matin,

  9   salle d'audience numéro II.

 10   --- L'audience est levée à 19 heures 07 et reprendra le mardi 6

 11   novembre 2007, à 9 heures 00.

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