LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit: M. le Juge Claude Jorda, Président

M. le Juge Fouad Riad

M. le Juge Almiro Simoes Rodrigues

Assistée de: M. Jean-Jacques Heintz, Greffier-adjoint

Décision rendue le: 11 décembre 1998

 

LE PROCUREUR

C/

GORAN JELISIC

 

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DECISION RELATIVE A LA COMMUNICATION ENTRE LES PARTIES ET LES TEMOINS

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Le Bureau du Procureur:

M. Geoffrey Nice
M. Vladimir Tochilovsky

Le Conseil de la Défense :

Veselin Londrovic
Michael Greaves
Jovan Babic

 

LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE I du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (ci-après « Tribunal international »),

VU les articles 54, et 90 B) et G) du Règlement de procédure et de preuve (ci-après « Règlement »),

VU l’article 14 du Code de déontologie pour les avocats comparaissant devant le Tribunal international (ci-après « Code de déontologie »),

VU la « décision relative à la communication entre les parties et leurs témoins » rendue en date du 21 septembre 1998 par la Chambre de première instance II, dans l’affaire « le Procureur c/ Kupresic et consorts »,

ATTENDU qu’aux termes de l’article 90 B) du Règlement, les témoins doivent s’engager solennellement à dire la vérité, avant de déposer devant les Chambres,

ATTENDU qu’à partir de cette déclaration solennelle au plus tard, les témoins ne doivent plus être considérés comme les témoins de l’une des parties au procès mais seulement comme les témoins de la justice,

ATTENDU que les juges peuvent prendre toutes les mesures nécessaires pour parvenir à la manifestation matérielle de la vérité des faits de l’inculpation, et notamment « rendre l’interrogatoire et la présentation des éléments de preuve efficaces pour l’établissement de la vérité » (article 90 G) du Règlement),

ATTENDU de surcroît, que toute discussion entre les parties et le témoin relative à la teneur de sa déposition, après ladite déclaration solennelle, risquerait de mettre en cause l’intégrité de cette déposition ou la crédibilité du témoin,

ATTENDU enfin, qu’aux termes de l’article 14 du Code de déontologie, les conseils ont l’obligation de « veille[r] en toute circonstance à préserver l’intégrité des moyens de preuve, qu’ils soient écrits, testimoniaux ou autres, produits à l’intention du Tribunal ou susceptibles de l’être »,

PAR CES MOTIFS,

ORDONNE à l’Accusation et à la Défense de ne plus s’entretenir avec les témoins cités à l’audience, après que ceux-ci ont fait leur déclaration solennelle conformément à l’article 90 B) du Règlement,

ORDONNE à l’une des parties qui souhaiterait s’entretenir avec un témoin après sa déclaration solennelle d’en informer préalablement la Division d’aide aux victimes et aux témoins et la partie adverse,

DIT que, si la partie adverse a des raisons suffisantes de croire que cet entretien pourrait porter atteinte à l’intégrité d’une déposition ou à la crédibilité du témoin, elle pourra saisir la Chambre de première instance,

ORDONNE en tant que besoin à la Division d’aide aux victimes et aux témoins de prendre en charge les témoins dès après leur déclaration solennelle, et de leur apporter le soutien moral et psychologique nécessaire pendant toute la durée de leur comparution devant les Chambres, et ce jusqu’à ce que leur déposition soit entièrement terminée, et d’informer la Chambre de toute difficulté éventuelle dans l’application de la présente décision.

Fait en français et en anglais, la version française faisant foi.

 

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Claude Jorda

Président de la chambre de première instance

Le 11 décembre 1998,

A La Haye,

Pays-Bas.

[Sceau du Tribunal]