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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-10-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
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4 LE PROCUREUR
5 c/
6 JELISIC
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8 Lundi 30 novembre 1998
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10 La séance est ouverte à 14 heures 45.
11 M. le Président. - Veuillez-vous asseoir. Monsieur le Greffier,
12 pouvez-vous annoncer le numéro de l'affaire.
13 M. le Greffier. - Il s'agit de l'affaire IT-95-10-T.
14 M. le Président. - Je salue les conseils de l'accusation qui va
15 se présenter, mais auparavant je voudrais que nous fassions rentrer
16 l'accusé.
17 (L'accusé est introduit dans le prétoire)
18 Vous pouvez vous asseoir, je vais vous demander ensuite votre
19 identité précise, Monsieur Jelisic, pour la bonne forme. Je voudrais que
20 les conseils de l'accusation se présentent, puis les conseils de la
21 défense. Monsieur Jelisic, vous pouvez vous asseoir. Je vous demanderai de
22 vous relever ensuite.
23 D'abord les conseils de l'accusation dans la présente affaire
24 peuvent-ils se présenter ?
25 M. Bowers (interprétation). - Bonjour monsieur le Président,
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1 messieurs les Juges, je m'appelle Terry Bowers, je représente le Bureau du
2 Procureur avec Me Vladimir Tocilovsky. A mes côtés également Me Jeffrey
3 Nice qui prendra ma place lorsque je quitterai le Tribunal d'ici quelques
4 temps. Merci.
5 M. le Président. - Vous voulez déjà nous quitter avant de
6 commencer, Monsieur Terry Bowers, ce n'est pas très gentil.
7 Les conseils de la défense ?
8 M. Londrovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.
9 Je m'appelle Veselin Londrovic, je suis avocat de Bijeljina. Je suis
10 accompagné par mes confrères M. Greaves de Grande-Bretagne et M. Babic de
11 Novi Sad.
12 M. le Président. - Est-ce que le confrère de Grande-Bretagne
13 peut m'épeler son nom et se présenter ?
14 M. Greaves (interprétation). - Je m'appelle Maître Michaël
15 Greaves.
16 M. le Président. - Merci beaucoup.
17 M. Greaves (interprétation). - Je suis du barreau d'Angleterre
18 et barreau du Pays de Galles, nous faisons une petite distinction entre ce
19 barreau-ci et celui de nos confrères écossais.
20 M. le Président. - Vous rentrez dans des problèmes de
21 nationalité, qui nous emmèneraient très loin. Vous êtes du barreau de
22 Grande-Bretagne.
23 Je voudrais également que M. Jelisic se lève et nous rappelle
24 son nom, son prénom, son âge, sa date de naissance, sa profession avant
25 son arrestation et son lieu de résidence avant son arrestation.
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1 Monsieur Jelisic, voulez-vous vous lever ? Est-ce que M. Jelisic
2 reçoit l'interprétation ? Apparemment, il y a un problème d'interprétation
3 pour M. Jelisic. Bien. Je vais vous demander de vous lever et de dire à
4 haute et intelligible voix, votre nom, votre prénom, votre date et votre
5 lieu de naissance, votre profession avant votre arrestation et votre lieu
6 de résidence avant votre arrestation.
7 M. Jelisic (interprétation). - Je m'appelle Goran Jelisic de
8 Bijeljina. Je suis né le 7 juin 1968 à Bijeljina. Avant, j'ai travaillé à
9 Semberija ; c'est une exploitation agricole à côté de Bijeljina.
10 M. le Président. - Et vous habitiez à Bijeljina je suppose
11 aussi ?
12 M. Jelisic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
13 M. le Président. - Je vous remercie, vous pouvez-vous asseoir.
14 Je dis à l'intention du public qu'il n'est pas coutumier que les Juges
15 prennent l'audience avec ce qui peut apparaître comme un grand retard,
16 simplement les Juges avaient à conférer sur un certain nombre de points
17 importants avant l'ouverture du présent procès. Nous allons poursuivre.
18 Je crois Monsieur le Procureur que vous allez faire une
19 déclaration liminaire avant le début du procès. C'est M. Bowers qui prend
20 la parole.
21 M. Bowers (interprétation). - Tout à fait Monsieur le Président,
22 je suis prêt à faire une déclaration liminaire, mais nous avons un certain
23 nombre de documents que nous souhaiterions vous soumettre avant.
24 Nous demandons d'abord une ordonnance aux fins de mesures de
25 protection, je ne sais pas si vous voulez d'abord trancher cela ?
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1 M. le Président. - Vous allez donc faire la présentation
2 liminaire de l'affaire dans le cadre de l'article 84, mais avant -asseyez-
3 vous, Monsieur le Procureur- je voudrais vous dire que, notamment pour le
4 public qui nous écoute et qui suit nos travaux, les audiences de ce
5 Tribunal étant publiques, sauf exceptions qui sont dûment expliquées, le
6 25 novembre, il y a donc quelques jours, les Juges de ce Tribunal -je vous
7 rappelle qu'il est composé à ma droite de M. le Juge Riad et à ma gauche
8 de M. le Juge Rodrigues, et que moi-même, qui en préside la formation, je
9 suis le Juge Jorda- nous avons essayé de répondre à une interrogation de
10 la
11 défense, et de l'accusé notamment, sur le point de savoir si l'accusé
12 était apte à comparaître lors de son procès. Et donc nous avons soumis
13 M. Jelisic à une expertise médicale, médico-psychologique.
14 Monsieur le Greffier, pouvez-vous rappeler les trois conclusions
15 du rapport du Dr Duits et du Dr Van der Veen, les deux psychiatres
16 assermentés ? Est-ce que vous les avez, sinon je les lirai moi-même si
17 vous ne les avez pas ? Vous les avez ?
18 M. le Greffier. - Alors trois questions avez été posées. Je
19 lis ?
20 M. le Président. - Vous lisez les conclusions et les réponses
21 aux questions posées, s'il vous plaît.
22 M. le Greffier. - La première question était : "L'accusé
23 souffre-t-il d'une maladie mentale, si oui de laquelle s'agit-il ?" La
24 réponse est : "Le patient ne souffre d'aucune maladie mentale, cependant
25 de trouble profond de la personnalité. En effet le patient présente une
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1 personnalité limite, et ce probablement depuis l'adolescence. Il a des
2 tendances narcissiques et antisociales venues vraisemblablement se greffer
3 sur un trouble du comportement préexistant."
4 M. le Président. - Je voudrais simplement que vous relisiez la
5 toute dernière conclusion, car je ne veux pas rentrer dans les détails
6 médicaux qui ne concernent pas le public. Je veux que nous sachions bien
7 que, par rapport aux interrogations légitimes que pourrait se poser la
8 défense, nous sachions notamment la dernière conclusion, Monsieur le
9 Greffier, sur l'aptitude à comparaître au procès.
10 Lisez uniquement la première périphrase : "L'accusé est-il apte
11 à comparaître lors du procès devant s'ouvrir le 30 novembre 1998, sachant
12 que la Chambre de première instance siégera pendant trois jours et
13 reprendra ses travaux en janvier 1999". Lisez simplement la première
14 phrase de cette conclusion, la deuxième étant plus médicale et ne
15 concernant pas le public, ne concerne que M. Jelisic, lui-même.
16 M. le Greffier. - Oui, le patient est apte à comparaître au
17 procès.
18 M. le Président. - Bien, c'est en l'état de ces conclusions qui
19 sont bien plus détaillées, mais que, pour des raisons que chacun
20 comprendra ici, nous ne pouvons pas divulguer, que M. Jelisic est donc
21 présent à son procès ce qui correspondait...
22 Oui, Maître Londrovic, vous voulez intervenir ? Je termine juste
23 ma phrase.
24 ... M Jelisic avait exprimé cette demande, mais également fait
25 confiance aux Juges pour savoir quel était le moment opportun où son
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1 procès commencerait.
2 Maître Londrovic, vous avez la parole.
3 M. Londrovic (interprétation). - Monsieur le Président, je
4 voudrais vous demander, s'il vous plaît, de passer à huis clos très
5 brièvement pour que la défense puisse soulever un certain nombre de
6 questions de procédure.
7 M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues. Vous
8 préférez les soulever avant la déclaration liminaire du Procureur,
9 Maître Londrovic ?
10 M. Londrovic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
11 (Les Juges se consultent sur le siège)
12 M. le Président. - Vous en avez pour longtemps,
13 Maître Londrovic, de vos questions ?
14 M. Greaves (interprétation). - En fait, c'est moi, Monsieur le
15 Président, qui vais discuter de ces sujets. Il me faudra une quinzaine de
16 minutes, environ.
17 M. le Président. - Nous allons passer à huis clos partiel pour
18 ces questions-là. Après, nous reprendrons en audience publique pour
19 l'exposé de la déclaration liminaire du Procureur.
20 Monsieur le Greffier, vous passez à huis clos partiel, s'il vous
21 plaît.
22 (Huis clos partiel)
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14 (Audience publique)
15 M. Greaves (interprétation). – Précisément, Monsieur le
16 Président, et je voudrais très rapidement reparler de l'article 21 du
17 statut. Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
18 que l’article 21, en son alinéa 4 décrit quelles sont les garanties
19 minimum qui doivent être assurées à un accusé.
20 Trois sont particulièrement pertinentes, notamment
21 l’article 21(iv)(b) indique que l'accusé a le droit de disposer du... et
22 des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, et il a le droit
23 de communiquer avec le conseil de son choix.
24 L’article 21(iv)(c) précise que l’accusé a le droit d’être jugé
25 sans retard excessif.
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1 Enfin, l’article 21(iv)(f) précise que l'accusé a le droit de se
2 faire assister gratuitement d’un interprète si l'accusé ne comprend pas ou
3 ne parle pas la langue employée à l’audience.
4 L'article 21(iv)(b) est particulièrement pertinent en l'espèce
5 puisqu'il garantit le droit de l'accusé à communiquer avec un Conseil de
6 son choix. L'accusé a choisi un Conseil principal, et il m'a choisi moi
7 pour être co-conseil. Mais jusqu'à présent, nous n'avons pas eu l'occasion
8 de communiquer réellement et d'établir quelle serait sa stratégie de
9 défense, et c'est la raison pour laquelle je me dis que si j'avais à mener
10 à bien un contre interrogatoire d'un témoin, je sentirais que je ne suis
11 pas tout à fait à même de le mener de manière efficace.
12 La troisième raison que nous invoquons est la suivante : nous
13 avions préparé un document qui établit trois moyens de défense spéciaux.
14 Ce document n'a pas encore été officiellement déposé au Greffe. Ces trois
15 éléments principaux de défense sont la défense d'alibis relatifs à des
16 événements qui se sont produits après le 19 mai 1992. Le deuxième moyen de
17 défense est l'atténuation de la responsabilité mentale, et le troisième
18 élément de défense spéciale est la contrainte de supérieur hiérarchique.
19 Je n'ai pas eu le temps de me pencher en détail sur ce document préparé
20 par mes collaborateurs.
21 D'autre part, Monsieur le Président, vous venez de faire
22 référence aux conclusions du rapport médical ; les conclusions de ce
23 rapport ont été lues publiquement. Ce rapport, à l'origine, est un
24 document néerlandais, il n'a pas encore été, pour autant que je sache,
25 traduit en anglais ou en français et je crois que la traduction ne sera
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1 disponible que mercredi prochain.
2 Ce rapport a trait à la question de savoir si l'accusé est apte
3 à suivre le procès, certes, mais il a un lien direct avec l'élément de
4 défense spéciale que nous invoquons, à savoir la question de l'atténuation
5 de la responsabilité mentale. Nous avons entendu ce qu'a dit le greffier
6 d'audience, et ce qu'a dit le greffier d'audience et ce qu'il a lu du
7 rapport nous permet de penser
8 que ce rapport a un trait direct avec la question de l'intention
9 délictueuse de l'accusé.
10 Nous comprenons fort bien, Monsieur le Président, qu'il y a ici,
11 à la Haye, des témoins qui sont prêts à comparaître devant la Chambre de
12 première instance, nous sommes bien conscients du fait que tout report de
13 leur comparution entraînera des retards que personne ne souhaite.
14 Je souhaite vous persuader, Monsieur le Président, que nous
15 partageons entièrement les préoccupations qui sont celles de la section
16 d'aide aux victimes et aux témoins, pour ce qui est de la venue des
17 témoins à la Haye et de leur comparution. Chacun souhaite que cela se
18 passe dans les meilleures conditions possibles, mais nous maintenons notre
19 demande de report de l'ouverture du procès.
20 Étant données les circonstances de l'espèce, Monsieur le
21 Président, nous pensons qu'il serait bon que soient assurées les garanties
22 qui sont stipulées à l'article 21. Ceci permettrait à l'ensemble de
23 l'équipe de la défense, choisie par l'accusé, de se préparer entièrement à
24 l'ouverture du procès.
25 Le chef d'accusation retenu contre l'accusé est excessivement
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1 grave et l'accusé pourrait se voir condamner à une peine de prison à
2 perpétuité. Il est fondamental que l'accusé ait la possibilité de savoir
3 et d'être convaincu du fait que ses conseils de la défense sont prêts, et
4 il est essentiel qu'il puisse communiquer librement avec ses conseils de
5 la défense. Bien sûr que ceci devra entraîner un certain retard, mais le
6 seul grief que cela entraînerait pour l'accusation serait le suivant : des
7 témoins sont venus ici à la Haye pour comparaître devant vous, ces témoins
8 devront malheureusement rentrer chez eux si vous décidez d'accéder à notre
9 demande, et je crois que nous essaierons bien sûr, de notre côté, de faire
10 en sorte que le retard encouru soit le plus mince possible.
11 D'autre part, Monsieur le Président, ce petit retard nous
12 permettra peut-être de redéfinir les questions que vous aurez à trancher,
13 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
14 J'ai parlé à mes collègues de l'accusation ce matin et j'ai précisé que
15 nous pourrions, entre nous, essayer de voir si nous ne pouvions pas
16 réduire le nombre de questions sur lesquelles vous aurez à vous prononcer.
17 Au vu de tous ces éléments et de toutes ces circonstances,
18 Monsieur le Président, nous vous demandons de faire droit à notre demande
19 de report de la date d'ouverture du procès.
20 M. le Président. - Vous ne nous avez pas dit l'essentiel
21 Maître Greaves. Combien de temps vous voulez reporter le procès ? Ce que
22 vous annoncez suppose une préparation très longue je vous signale.
23 M. Greaves.(interprétation). - J'aurais deux dernières
24 suggestions à faire, Monsieur le Président. Si vous êtes contre la
25 proposition que je viens de formuler, j'aurais deux autres options
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1 possibles. La première est la suivante : si vous souhaitez débuter ce
2 procès, eh bien, vous ne pourrez entendre que la déclaration liminaire de
3 l'accusation et ensuite suspendre l'audience.
4 Ainsi, nous pourrions dire que nous avons effectivement ouvert
5 le procès dans les délais prévus. Je ne sais pas combien de temps
6 l'accusation a prévu pour sa déclaration liminaire, mais ceci pourrait
7 nous amener jusqu'à demain matin.
8 Deuxième option, et j'en ai parlé avec Me Bowers, et je sais que
9 c'est une option qui ne plaît pas particulièrement à l'accusation, mais je
10 vous la présente pour que vous puissiez l'étudier vous-même : nous
11 pourrions ouvrir ce procès en entendant la déclaration liminaire de
12 l'accusation et ensuite, nous pourrions citer certains témoins mais en ne
13 procédant qu'à leur interrogatoire principal et en oubliant leur contre-
14 interrogatoire pour l'instant.
15 Je comprends que l'accusation est assez réticente devant cette
16 suggestion, mais je l'ai proposée comme option éventuelle. Messieurs les
17 Juges, je sais que les droits de l'accusé vous préoccupent beaucoup, que
18 vous souhaitez que le procès soit rapide. C'est une question que j'ai
19 étudiée moi-même, lorsque je vous ai demandé d'étudier les différents
20 droits de l'accusé en vertu
21 de l'article 21 du Statut.
22 Nous en avons parlé longuement avec l'accusé lui-même, nous lui
23 avons demandé son opinion sur l'éventuel retard quant à l'ouverture du
24 procès et il a insisté pour que nous déclarions qu'il était tout à fait
25 d'accord avec nos propositions, celles que nous avons formulé en son nom.
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1 Par conséquent, il est tout à fait d'accord avec nous.
2 Pour ce qui est de la question que vous venez de poser,
3 Monsieur le Président, je crois que j'ai entendu parler du mois de
4 janvier 1999, mais je voudrais que tout soit prêt au tout début de
5 l'année, au 1er janvier.
6 Je pense que je n'ai pas oublié d'argument. Y a-t-il d'autres
7 questions ou arguments que je pourrais présenter ?
8 M. le Président. - Pour que le débat soit très clair,
9 Maître Greaves, nous allons essayer de demander à l'accusation ses
10 observations. Je n'ai pas compris, Maître Greaves. Finalement, vous voulez
11 que l'on retarde le procès pour M. Jelisic ou pour vous-même ? Pour
12 l'instant, j'ai cru comprendre que c'est surtout pour vous qu'il fallait
13 retarder le procès. C'est quand même vous qui n'étiez pas là au début,
14 c'est vous qui arrivez aujourd'hui, c'est vous qui n'étiez pas à la
15 conférence préalable au procès qui s'est tenue, je crois M. Fourmy, le
16 18 novembre. J'ai entendu des arguments très pertinents sur les droits,
17 j'ai même entendu le droit de l'accusé à un procès rapide. Et,
18 aujourd'hui, vous nous arrivez, paré du prestige d'avoir participé au
19 procès Celebici.
20 J'ai cru comprendre que les arguments étaient surtout pour vous
21 permettre de vous entretenir avec un accusé qui parle serbo-croate. Vous
22 nous avez dit que vous saviez demander une bière en serbo-croate. Je ne
23 sais pas si, d'ici la fin janvier, vous saurez parler le serbo-croate de
24 façon à vous entretenir avec votre client. Ce n'est pas la première fois
25 que nous avons un avocat anglo-saxon.
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1 J'ai vérifié les textes, Maître Greaves, il suffit qu'un avocat
2 sache parler l'une des
3 deux langues du Tribunal. Nous avons plutôt le problème inverse, Maître,
4 c'est parfois des avocats qui ne parlent que le serbo-croate et que le
5 Greffe accepte néanmoins, contrairement aux textes en vigueur.
6 Je ne sais pas si, au mois de janvier, vous parlerez le serbo-
7 croate de façon à vous entretenir de façon particulièrement efficace avec
8 l'accusé.
9 Concernant l'accord de l'accusé, nous l'avons interrogé. Nous
10 n'avons pas attendu que vous soyez là, Maître Greaves, pour interroger
11 l'accusé. Il n'y a pas de fois où M. Jelisic est ici, sans que nous lui
12 donnions la parole. Nous l'avons entendu, la dernière fois, réfuter,
13 récuser Maître Kostic.
14 Je me pose la question, Maître Greaves, si fin janvier, quand
15 vous, vous serez prêt et que, par exemple M. Jelisic, ou vous-même, ou
16 Me Londrovic, demandera la présence d'un quatrième défenseur, qui sera
17 d'une nationalité tout à fait différente, nous aurons encore à permettre
18 au défenseur...
19 Je crois que les droits de l'accusé sont très pris au sérieux
20 par vous, c'est votre mission, vous êtes commis d'office pour cela, mais
21 également par les Juges. Mais les Juges ont également une mission tout
22 aussi élevée.
23 Je voudrais entendre d'abord le Procureur et ensuite, nous
24 entendrons vos collègues de la défense.
25 Monsieur Tocilovsky, si vous voulez prendre la parole.
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1 M. Tocilovsky (interprétation). - Messieurs les Juges, cela fait
2 plusieurs fois que nous nous retrouvons dans la même situation dans cette
3 affaire. Goran Jelisic, ou plutôt son premier conseil de la défense, qui
4 était M. Pantelic, s'est retiré de cette affaire en avril de cette année à
5 la demande de l'accusé lui-même.
6 Par la suite, en août 1998, M. Kostic a été désigné en tant que
7 co-conseil de M. Jelisic. Peu de temps après, M. Kostic a demandé à ce que
8 la date du procès soit reportée en
9 novembre 1998. Toujours à la demande de l'accusé, M. Kostic s'est retiré
10 de cette affaire. Et maintenant, c'est M. Greaves qui est désigné pour
11 être le conseil de M. Jelisic. Ceci porte préjudice à la suite de cette
12 procédure, à savoir qu'un nouveau report est demandé.
13 Le fait est que M. Londrovic est toujours le conseil principal
14 de M. Jelisic. M. Greaves n'est là que pour lui prêter assistance.
15 M. Londrovic est le conseil principal de ce conseil et l'a été depuis
16 avril 1998. Depuis cette date, il a eu plus de six mois pour lire les
17 déclarations de témoins, pour préparer ses arguments et ses contre-
18 interrogatoires.
19 Par conséquent, l'accusation ne pense pas qu'il y ait une
20 quelconque violation de l'article 21 du Statut. Par conséquent, nous
21 faisons objection à tout report éventuel de l'ouverture de ce procès.
22 Sur la préparation au contre interrogatoire de Me Greaves, l'un
23 des co-conseils dans cette affaire, la défense peut commencer à contre
24 interroger le premier témoin de l'accusation aujourd'hui et peut
25 poursuivre ce contre-interrogatoire demain matin.
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1 Par conséquent, pour un avocat si expérimenté que M. Greaves, je
2 crois qu'il y aura suffisamment de temps pour préparer le contre-
3 interrogatoire à la fois du premier témoin et du deuxième témoin de
4 l'accusation, qui sera cité à la barre soit aujourd'hui soit demain.
5 Par conséquent, l'accusation ne considère pas qu'il y ait de
6 violation de l'article 21 et nous insistons sur le fait que l'ouverture du
7 procès ne soit pas reportée, malgré la demande de la défense.
8 Nous demandons donc que nos travaux commencent dès aujourd'hui.
9 Merci Messieurs les Juges.
10 M. le Président. - Mais avant de délibérer, je voudrais demander
11 leur avis successivement à Me Londrovic, Me Babic et, ensuite, M. Jelisic.
12 Maître Londrovic, cela correspond à quoi ? Vous étiez perdu ?
13 Vous êtes le conseil principal de l'accusé depuis des mois. Vous ne nous
14 avez pas annoncé cela, le 18 novembre, à la conférence de mise en état,
15 que vous étiez en difficulté, que vous alliez faire appel à un autre
16 avocat, bien au contraire ?
17 Vous nous avez confirmé que Me Kostic, lorsque j'ai interrogé
18 M. Jelisic, n'était plus le troisième conseil de l'accusé. Aujourd'hui, on
19 voit surgir un adjoint. Vous pouvez donner quand même quelques
20 explications aux Juges ? Nous les souhaitons. Vous avez la parole.
21 M. Londrovic (interprétation). - Monsieur le Président, le
22 18 novembre, lors de l'audience, l'accusé, Goran Jelisic, vous a dit que
23 M. Kostic ne serait plus son co-conseil. M. Nicolas Kostic, l'avocat des
24 États-Unis est malade, il est diabétique et puis il a une maladie de
25 poumons et de toute façon, il ne pouvait pas remplir sa tâche, il ne
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1 pouvait pas préparer la défense. M. Jelisic s'est énervé et il lui avait
2 demandé tout simplement de partir, de ne plus être son Conseil. C'est moi
3 qui aurait pu le faire à sa place et comme il avait insisté, M. Goran
4 Jelisic, j'étais d'accord avec lui et j'en ai informé le Greffe.
5 En ce qui me concerne, M. Babic également, nous considérons
6 qu'il s'agit d'un procès extrêmement grave, je dirais même que c'est un
7 procès historique car c'est pour la première fois qu'on va juger des
8 crimes de génocide.
9 M. Babic et moi-même nous connaissons le régime civiliste et
10 nous devons être assistés par notre confrère M. Greaves, c'est sur lui que
11 nous avons porté notre décision, étant donné qu'il connaît très bien le
12 système juridique qui n'est pas celui que nous connaissons. Je suis sûr
13 que, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous êtes un petit peu
14 énervés d'entendre une telle défense, mais j'espère que vous allez quand
15 même pouvoir retrouver confiance en la défense et que vous allez
16 comprendre que c'est certainement la dernière fois, et que nous n'allons
17 certainement pas réclamer un fois de plus d'ajourner les débats.
18 C'est l'ouverture du procès, c'est la raison pour laquelle,
19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous vous prions de bien
20 vouloir prendre en considération tous ces éléments et je me porte garant
21 que nous n'allons plus jamais réclamer quoi que se soit comme
22 modification, et que nous allons pouvoir très vite commencer le procès,
23 car je pense que c'est entre le 25 et 29 qu'on avait prévu la suite du
24 procès.
25 Par conséquent, nous n'allons pas perdre beaucoup de temps, et
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1 dans le cadre d'un procès extrêmement grave et pénible, la défense
2 pourrait se préparer de manière beaucoup plus solide qu'elle n'est. Elle
3 n'est pas préparée à ce point-là en ce moment. Merci Monsieur le
4 Président.
5 M. le Président. – Maître Babic, même question qu'à
6 Me Londrovic… j'attends que vous ayez mis les écouteurs. Même question que
7 je pose à Me Londrovic. Je n'avais pas cru comprendre, le 18 novembre, que
8 vous alliez faire appel à renfort.
9 M. Babic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne
10 pourrai pas dire quoi que ce soit de plus. C'est Me Londrovic qui a parlé
11 en notre nom et en mon nom et au sien. Il est vrai que Me Londrovic et
12 moi-même sont dans la situation où nous avons énormément de problèmes.
13 Nous devons organiser tout ce qu'il faut, bien nous préparer
14 véritablement, commencer le procès conformément au statut et au règlement
15 de la procédure et des preuves.
16 Nous pensons que nous avons véritablement résolu le problème de
17 la composition de la défense et nous sommes sûrs que nous allons pouvoir
18 nous préparer si on ajourne le procès comme ceci a été demandé par
19 Me Londrovic. Merci Monsieur le Président et Messieurs les Juges.
20 (Les Juges se consultent sur le Siège).
21 M. le Président. - Avant que les Juges ne délibèrent sur le
22 siège vraisemblablement, M. Jelisic vous pouvez vous lever, s'il vous
23 plaît.
24 (Le témoin s'exécute)
25 M. le Président. – Alors, vous aviez, la dernière fois que nous
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1 nous sommes vus, c'est-à-dire dans la conférence préalable au procès, nous
2 avons examiné tous les contours du procès qui allait se dérouler quelques
3 jours après. Et en ce qui concernait vos défenseurs, il était clair que
4 vous ne souhaitiez plus avoir un de vos défenseurs, Me Kostic, et que vous
5 faisiez confiance à Me Londrovic et Me Babic.
6 Quel est votre point de vue à l'heure actuelle ?
7 Est-ce que cela vous pose des problèmes particuliers ? Exprimez-
8 vous avant que les Juges ne délibèrent. Vous avez des problèmes
9 particuliers, vous avez donc vos deux défenseurs et vous en avez un
10 troisième qui arrive, et qui va bien sûr s'adapter au cours du procès.
11 Alors quel est votre point de vue, s'il vous plaît, expliquez-le aux
12 Juges ?
13 M. Jelisic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs
14 les Juges, il y a quelques jours, il y a un certain nombre de problèmes
15 qui se sont produits, effectivement en ce qui concerne la défense.
16 Tout ce que je pourrais dire, c'est que j'appuie l'attitude de
17 mes conseillers pour qu'ils assurent la qualité de ma défense et c'est
18 dans mon intérêt, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
19 M. le Président. - Je vous en remercie. Les Juges vont délibérer
20 sur le Siège.
21 M. Jelisic (interprétation). - Merci Monsieur le Président.
22 (Les Juges se consultent sur le siège)
23 M. le Président. – Bien, Maître Greaves, Maître Londrovic,
24 Maître Babic, défenseurs, Maître Tocilovski, qui ont répondu, les Juges
25 décident en fonction des considérations suivantes : ils considèrent
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1 premièrement, qu'il y a déjà eu beaucoup de changements sur le banc de la
2 défense depuis le début, depuis l’arrestation de Monsieur… en tout cas
3 depuis que M. Jelisic est à La Haye.
4 Deuxièmement, que Jelisic a en permanence eu deux défenseurs, de
5 surcroît parlent la langue de l'accusé, dont Me Londrovic qui est le
6 conseiller principal assisté de Me Babic, qui connaissent parfaitement le
7 dossier.
8 A Me Graves plus particulièrement, les Juges font observer qu'il
9 n'y a pas de
10 système juridique plus dominant qu'un autre. C'est vrai que vous
11 retrouverez, les Juges font observer qu’on retrouve, à travers la lecture
12 que vous ne manquerez pas de faire, Maître Greaves, du Règlement de preuve
13 et de procédure, des traits caractéristiques de certains systèmes qui sont
14 plus familiers à tel ou tel avocat venant de tel ou tel système. Mais le
15 Règlement fait une place prépondérante également, en tout cas depuis
16 juillet dernier, à l'initiative que les Juges doivent avoir.
17 Quatrièmement, l'article 73 bis, de création récente, a créé une
18 conférence préalable au procès qui clôture la phase préalable de l'enquête
19 et met en forme le procès, tant au plan juridique qu’au plan factuel, en
20 fixe en quelque sorte les contours. Que c'est dans ce cadre-là,
21 d'ailleurs, que l'article 73 bis, paragraphe F permet, si la Chambre le
22 demandait, elle ne l'a pas fait, mais si la défense l'avait voulu, de
23 déposer sept jours au moins avant la date d’ouverture du procès -la
24 conférence ayant eu lieu, je le rappelle, le 18 novembre- une liste de
25 points de fait et de droit reconnus, ainsi qu'un mémoire préalable.
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1 A cet égard, cinquièmement ou sixièmement, la Chambre fait
2 valoir que s'agissant des défenses d'alibi, elles doivent être présentées
3 en tout hypothèse avant le début du procès ; c’est l’article 67, et que
4 cela a été fait d'ailleurs par la défense.
5 Enfin, sur un plan plus factuel, avant de revenir aux principes,
6 les Juges font observer que, hélas, pour des raisons tout à fait
7 différentes et indépendantes d’ailleurs de la volonté des Juges, le procès
8 va s'ouvrir pendant trois jours aujourd'hui, mais devra s’interrompre
9 jusqu'à la fin du mois de janvier.
10 Cela laissera donc à la défense, si cela était nécessaire et
11 notamment à Me Greaves, le requérant, le temps tout à fait nécessaire pour
12 se familiariser, non seulement avec le système juridique, non pas de la
13 Common Law, mais du Tribunal Pénal International, et avec les éléments
14 factuels du dossier qui lui permettra, bien entendu, de s’entretenir avec
15 M. Jelisic, non seulement par l'intermédiaire des deux avocats qui parlent
16 le serbo-croate, mais également par l'interprète que le greffe ne manque
17 pas de mettre à la disposition des accusés au centre de détention.
18 Enfin et surtout, les Juges prennent en considération à la fois
19 les droits de l'accusé, mais également les intérêts supérieurs de la
20 justice internationale. Les droits de l'accusé ne sont pas du tout
21 sacrifiés aucunement. L'accusé a formulé, lors de la dernière conférence
22 de mise en état, le souhait d'avoir un procès qui soit le plus rapide au
23 possible.
24 Les textes mêmes des statuts imposent aux Juges et demandent,
25 selon les standards internationaux très élevés, que le procès soit
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1 équitable et rapide. La solution qui est proposée ne conduirait pas à la
2 rapidité bien au contraire. Quant à l'équité, les Juges estiment que
3 l'accusé bénéficie d'une défense qui est très fortement structurée depuis
4 le début de la procédure.
5 Quant aux intérêts de la justice, il s'y mêle non seulement la
6 défense que les Juges se font de la conception de leur mission, de la
7 défense de l'ordre public international ; contrairement à ce que pense le
8 requérant, il ne s'agit pas d'un système juridique où s'opposent
9 l'accusation et la défense avec des Juges qui ne seraient que des arbitres
10 neutres. L'intérêt de la justice commande aussi, et je renvoie la défense
11 à la lecture détaillée du Règlement, à différentes dispositions, à
12 l'intérêt supérieur que les Juges attachent à la manifestation de la
13 vérité.
14 Il y a enfin, je dis enfin, mais peut être le plus important,
15 l'intérêt des victimes, et également l'intérêt des témoins. L'intérêt des
16 témoins qui savent depuis aujourd'hui qu'ils doivent se présenter pour
17 trois jours en janvier, donc tout retard dans le procès ne pourrait
18 qu'agrandir le temps de protection, le temps qui est consacré à leur
19 protection.
20 Enfin, et c'était nécessaire, et pour conforter M. Greaves dans
21 l'idée bien ancrée chez les Juges qu'il ne saurait être question de
22 sacrifier le moins du monde les droits de l'accusé, si cela pouvait
23 s'avérer nécessaire à un moment donné, il serait toujours réservé une
24 possibilité de faire un contre-interrogatoire décalé dans le temps.
25
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1 Les Juges ne le souhaitent pas, l'interrogateur principal en
2 général, soit aujourd'hui le Procureur, demain vous, ne le souhaitent pas,
3 mais c'était nécessaire, M. Greaves, les Juges seraient certainement
4 sensibles à des requêtes en ce sens.
5 C'est pour l'ensemble de ces considérations que le procès va
6 commencer après une pause de dix minutes par la déclaration liminaire du
7 Procureur.
8 (L'audience, suspendue à 15 heures 40, est reprise à 16 heures)
9 M. le Président. - Asseyez-vous, s'il vous plaît. Je souhaite
10 que l'accusé rentre après les Juges. Il n'est pas convenable que l'accusé
11 attende les Juges, nous ne faisons pas comme ça d'ordinaire, les Juges
12 rentrent et on fait rentrer l'accusé. Vous voudrez bien y veiller
13 désormais, merci.
14 Monsieur le Procureur, vous avez la parole pour la déclaration
15 liminaire conforme à l'article 84 de notre Règlement de preuve et de
16 procédure. Vous avez la parole, Monsieur Bowers.
17 M. Bowers (interprétation). - Merci Monsieur le Président. Avec
18 votre autorisation, je vais commencer ma déclaration liminaire.
19 La paix et la prospérité régnaient à Brcko avant que les combats
20 n'y éclatent. Cette ville se trouve sur la rivière Save qui sépare la
21 Croatie de la Bosnie-Herzégovine et qui dispose d'un port qui est appelé
22 Luka.
23 Luka est un ensemble de taille importante. Lorsque vous passez
24 le portail d'entrée, vous trouvez à votre droite des bureaux et à votre
25 gauche des hangars et entrepôts de très grande taille. La ville de Brcko,
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1 tout comme la Bosnie-Herzégovine d'ailleurs, était une ville qui avait une
2 population mixte constituée de Musulmans de Bosnie, de Serbes de Bosnie et
3 de Croates de Bosnie qui vivaient ensemble. D'après le recensement de
4 1991, les Musulmans de Bosnie représentaient 45 % de la population locale.
5 Aujourd'hui, peu de Musulmans demeurent dans cette région.
6 Vers 5 heures 30 du matin, le 30 avril 1992, la paix qui régnait
7 à Brcko a volé en éclat sous le coup de deux explosions consécutives qui
8 ont détruit deux des ponts qui enjambent la rivière Save. La première
9 explosion a tué de nombreux piétons qui se trouvaient sur le pont au
10 moment de l'explosion. Des bras, des jambes sont retombés dans les
11 quartiers centraux de la ville. Les explosions marquaient le signal de
12 départ de l'attaque lancée par les Serbes de Bosnie dont l'objectif était
13 de prendre le contrôle de la ville.
14 Brcko était une cible essentielle pour les Serbes de Bosnie
15 parce qu'en effet, cette ville se trouve en plein milieu du couloir de
16 Posabina comme on l'appelle, couloir qui relie la section ouest de la
17 Bosnie, la Krajina avec les régions Est et Nord-Est, où demeurent les
18 Serbes de Bosnie.
19 Le corridor de Posabina était en fait une voie de passage entre
20 les deux territoires géographiques tenus par les Serbes de Bosnie. C'est
21 parce que Brcko était d'une telle importance que les Serbes de Bosnie ont
22 déclenché une violente campagne de nettoyage ethnique dans la
23 municipalité.
24 Les unités d'artillerie de la JNA ont pilonné la ville, tandis
25 que les milices locales, les unités paramilitaires d'autres régions de
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1 Bosnie et de Serbie et d'autres unités volontaires ont formé ce que l'on
2 peut appeler une véritable vague de destruction et ont mené à bien un
3 nettoyage ethnique dans tout le secteur. Les habitants non serbes en ont
4 été expulsés.
5 L'accusé Goran Jelisic est l'un des individus qui a été envoyé à
6 Brcko pour apporter sa contribution à la campagne de nettoyage ethnique.
7 Avant la guerre, Goran Jelisic était un mécanicien agricole originaire de
8 Bijeljina, une ville qui se trouve au sud-est de Brcko.
9 Plus tôt, en 1992, un tribunal local avait condamné
10 Goran Jelisic à trois années d'emprisonnement, il avait été reconnu
11 coupable de fraude. Cependant, les autorités serbes de Bosnie avaient
12 d'autres projets pour Jelisic et, très peu de temps après, Goran Jelisic
13 s'est trouvé revêtu d'un uniforme de police en plein centre de Brcko.
14 Sa présence dans cette ville en 1992 faisait partie de la
15 stratégie des Serbes de Bosnie qui visait à ouvrir les portes de la
16 prison, afin que suffisamment de personnes puissent participer à la mise
17 en oeuvre des activités de nettoyage ethnique et aux activités
18 génocidaires menées dans le courant de l'été et du printemps 1992.
19 Nous ne savons pas quelle est la date exacte de l'arrivée de
20 Goran Jelisic à Brcko, mais d'après certains témoins oculaires, nous
21 savons que, dans le courant de la première semaine du mois de mai 1992,
22 Goran Jelisic exécutait des prisonniers à l'extérieur du poste de police
23 qui se trouve au centre ville de Brcko.
24 Une photographie prise lors de ces exécutions a été diffusée
25 dans la presse internationale. L'accusation vous soumettra cette
Page 29
1 photographie dans le cadre de la présentation de ses éléments de preuve.
2 Il s'agit là d'un élément spectaculaire qui vous montre quels étaient les
3 agissements de Goran Jelisic à Brcko à cette époque-là.
4 Goran Jelisic a reconnu qu'il était le policier que l'on voyait
5 sur cette photographie, il a reconnu qu'il avait été le bourreau qui avait
6 exécuté cette victime.
7 Goran Jelisic ayant plaidé coupable, la Chambre de première
8 instance sait désormais que Jelisic a abattu d'autres prisonniers à
9 l'extérieur de ce poste de police.
10 Après avoir exécuté ces détenus au poste de police,
11 Goran Jelisic s'est rendu dans les entrepôts de Luka près de la rivière
12 Save. C'est là que des centaines de Musulmans et Croates de Bosnie étaient
13 détenus. Pendant deux semaines environ, Goran Jelisic a agi en tant que
14 principal bourreau du camp de Luka. Il avait pouvoir de vie et de mort. Il
15 tuait systématiquement et de façon répétée des détenus musulmans, ainsi
16 que quelques Croates.
17 Ses signes distinctifs étaient une chemise de police bleue, un
18 revolver et une préférence marquée pour l'exécution de prisonniers au-
19 dessus d'une grille de métal.
20 Le champ couvert par ce procès sera beaucoup plus nettement
21 délimité que dans le cadre d'autres procès entendus par ce Tribunal, car
22 l'accusé a reconnu qu'il était coupable de douze des meurtres retenus dans
23 l'acte d'accusation.
24 La défense et le Bureau du Procureur ont ensemble soumis un
25 certain nombre d'éléments factuels qui ont servi de fondement au plaidoyer
Page 30
1 de culpabilité de l'accusé. Des enquêteurs du Bureau se sont entretenus
2 longuement avec Goran Jelisic et il ne nie pas qu'il a commis des crimes
3 multiples dans l'enceinte de Luka. Il a même reconnu qu'il avait commis
4 des meurtres qui ne sont pas retenus contre lui dans l'acte d'accusation.
5 Au cours de ce procès, nous vous soumettrons certaines des
6 déclarations les plus révélatrices qui ont été faites par Goran Jelisic à
7 nos enquêteurs. Du fait des points ayant fait l'objet d'un accord entre
8 les parties et du fait des plaidoyers de culpabilité, l'accusation, dans
9 le cadre de sa présentation des éléments à charge, démontrera notamment
10 que Goran Jelisic a perpétré ces actes dans le cadre de ce qui constitue
11 l'intention requise pour établir un crime de génocide.
12 Comme le Tribunal le sait fort bien, afin de d'établir la
13 culpabilité de Goran Jelisic pour génocide, l'accusation doit prouver au
14 delà de tout doute raisonnable que Goran Jelisic a commis ces meurtres au
15 poste de police et à Luka dans l'intention de détruire en tout ou en
16 partie un groupe racial, ethnique ou religieux.
17 Afin d'établir l'acte d'accusation, le Bureau du Procureur a
18 déclaré que Goran Jelisic avait commis ces meurtres dans le cadre de son
19 intention de détruire une partie de la population musulmane de Bosnie.
20 D'emblée, il convient que souligner que, d'après la loi,
21 Goran Jelisic pourrait être considéré comme coupable de génocide s'il
22 avait commis un seul meurtre dans le cadre d'une intention de détruire un
23 groupe racial, ethnique ou religieux.
24 Cependant, en l'espèce, nous démontrerons que Goran Jelisic a
25 tué un nombre
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1 important de personnes au cours de cette explosion de folie génocidaire.
2 Jamais nous ne pourrons établir le nombre exact de ces victimes. Si nous
3 lui demandions d'établir ce nombre, il en serait lui-même incapable, car
4 il a commis ces crimes sans s'apercevoir réellement de l'étendue de ses
5 actes et sans essayer d'établir le nombre de ces exécutions.
6 Si nous nous en tenons, ne serait-ce qu'à la plus petite
7 proportion des chiffres avancés par Goran Jelisic, alors nous pouvons dire
8 qu'il a tué plus de cent personnes. Certes, le nombre des victimes est un
9 élément important pour engager les poursuites dans le cadre de ce procès,
10 mais ici, l'accusation démontrera également qu'une proportion du groupe
11 que Goran Jelisic souhaitait détruire était en fait une partie très
12 importante de la population musulmane qui vivait à cette époque-là dans la
13 municipalité de Brcko.
14 Les autorités serbes de Bosnie qui se trouvaient dans la
15 municipalité ont établi des listes des individus qui devaient être
16 exécutés, ils ciblaient notamment les intellectuels, les hommes en âge de
17 combattre et les dirigeants politiques de la région.
18 A la fin de la présentation des éléments de preuve de
19 l'accusation, vous vous apercevrez que le groupe ciblé par Goran Jelisic
20 était important de par le fait qu'il regroupait tous les notables de la
21 communauté musulmane de Bosnie de la région, mais également important par
22 son nombre.
23 Dans les affaires pénales, où l'accusation doit démontrer quelle
24 était l'intention subjective de l'accusé, l'accusation doit souvent
25 s'appuyer exclusivement sur des éléments de preuve indirects. C'est ainsi
Page 32
1 qu'elle essaie de prouver l'existence de cette intention.
2 Dans le cadre de cette affaire contre Goran Jelisic, cependant
3 on s'aperçoit que cette affaire se distingue par l'atrocité des crimes qui
4 ont été commis et également par le fait que nous disposons de nombreux
5 témoins qui peuvent venir témoigner sur ce que Jelisic a dit au moment de
6 ces meurtres.
7 Les paroles prononcées par une personne sont l'indice le plus
8 révélateur qui soit du fonctionnement de son esprit. Nous donnerons à
9 cette Chambre la possibilité d'entendre et d'analyser les paroles
10 utilisées par M. Jelisic lui-même, lorsqu'il perpétrait ces actes de
11 génocide.
12 Les arguments-clé de l'accusation seront confirmés par les
13 témoins victimes qui ont vu et entendu Goran Jelisic, lorsque qu'il s'est
14 rendu coupable des activités constituant des actes de génocide à Brcko. De
15 nombreux témoignages se recouperont.
16 Permettez-moi de passer en revue rapidement certains des
17 témoignages que vous entendrez et qui prouveront l'intention requise pour
18 établir le crime de génocide et le fait que cette intention existait chez
19 Goran Jelisic.
20 Tout d'abord, de nombreux témoins diront que Goran Jelisic se
21 qualifiait lui-même d’"Adolf serbe". Au cours de sa comparution initiale
22 devant ce Tribunal, il a lui-même avoué qu'il était surnommé "Adolf".
23 Le contexte dans lequel Goran Jelisic a utilisé ce surnom
24 démontrera clairement qu'il ne s'agissait pas simplement d'un caprice,
25 mais que ce surnom était une référence directe aux activités de génocide
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1 menées par Adolf Hitler au cours de la Seconde Guerre mondiale. En effet,
2 l’un des témoins cite Goran Jelisic disant la chose suivante : "Hitler
3 était le premier Adolf, je suis le second". Le fait que ce surnom ait été
4 donné à Jelisic par des tierces personnes ou bien qu’il ait lui même
5 choisi importe peu. Les témoignages montreront que, quelle que soit
6 l'origine de ce surnom, Goran Jelisic a tiré une fierté perverse de ce nom
7 devenu symbole de génocide.
8 Outre l'utilisation de ce surnom "Adolf", de nombreux témoins
9 déclareront que Jelisic se vantait devant tout le monde, que la raison
10 pour laquelle il était venu à Brcko était de tuer les Musulmans et d’en
11 tuer le plus grand nombre possible. Vous entendrez au moins la déclaration
12 d'un témoin qui parlera d'une confrontation qui s'est produite lorsque
13 Goran Jelisic a pris le contrôle du centre de détention de Luka.
14 Lorsque Goran Jelisic a commencé à harceler les détenus, un
15 Serbe de la région a
16 essayé d’intervenir ; Goran Jelisic s’est alors fâché et a déclaré quelque
17 chose de ce type : "Sais-tu qui je suis ?" Et a ajouté qu'il n'avait qu'à
18 passer un simple coup de téléphone pour apprendre qui il était et pour
19 résoudre le problème. Goran est parti et revenu, et selon le témoignage de
20 ce témoin, Goran a maintenu son contrôle sur le camp. En revanche, le
21 Serbe qui avait tenté d'intervenir n'est jamais réapparu.
22 Goran Jelisic n’a pas dissimulé le fait que la raison pour
23 laquelle il était venu à Brcko était bien de tuer le plus grand nombre de
24 Musulmans possible. Un témoin dira que Jelisic s’est vanté d’avoir tué
25 vingt ou trente Musulmans avant même d’avoir pris son café du matin. Au
Page 34
1 cours de cette période de folie meurtrière, Goran Jelisic tenait ses
2 comptes quotidiennement et essayait de dresser la liste du nombre de
3 témoins qu'il avait tués.
4 De nombreux témoins déclareront, devant ce Tribunal, que Goran
5 Jelisic annonçait ses chiffres les plus récemment obtenus. Goran Jelisic
6 disait souvent aux détenus combien de Musulmans il avait exécuté à des
7 dates ou heures précises. Goran Jelisic disait également aux gardes, qui
8 se trouvaient dans le camp de Luka, combien d’hommes et de femmes il avait
9 tué.
10 Jelisic se fixait souvent de vils objectifs en se promettant,
11 par exemple, de ne pas prendre de repos avant d’avoir tué un certain
12 nombre de détenus, une journée ou une autre.
13 Selon les témoignages que vous entendrez, parfois Goran Jelisic
14 refusait l’assistance qui lui était proposée par l'un ou l'autre des
15 gardes en faisant remarquer qu’il se sentait encore en forme, même s'il
16 venait de tuer plus de 60 personnes ce jour-là. Parfois ces chiffres
17 pouvaient arriver jusqu'à 60 ou 70 personnes par jour et, pourtant, Goran
18 Jelisic poursuivit son carnage quotidien.
19 Un témoin victime dira également que Goran Jelisic n'était pas
20 un outil réticent dans le cadre de cette campagne de génocide. Il n'a pas
21 été forcé par les autorités serbes d’agir comme il l’a fait. Au contraire
22 d’ailleurs. Le témoignage de cette personne établira clairement que Goran
23 Jelisic était un participant efficace et enthousiaste à cette campagne de
24 génocide.
25 L'un des témoins a eu le malheur de se trouver avec Goran Jelisic lorsque
Page 35
1 celui-ci a exécuté certaines personnes au-dessus de cette grille
2 d’évacuation en métal. Comme nous l’avons déjà dit, Goran Jelisic
3 exécutait fréquemment ses victimes au-dessus de cette grille en métal afin
4 de s’épargner le plus possible la tâche de nettoyer les lieux après
5 l’exécution. Cette grille en métal communiquait avec le système
6 d’évacuation qui menait vers la rivière Save.
7 Ce témoin, dont je viens de parler, dira qu'il a pu observer
8 Goran Jelisic forçant un détenu à s’agenouiller au-dessus de cette grille
9 et qu’il l'a ensuite tué d'une balle dans la tête. Jelisic s'est alors
10 tourné vers le témoin et a dit quelque chose de ce type : "Je vois que tu
11 as peur, mais c'est bien de tuer les gens comme ça. Moi je les tue bien.
12 Je ne ressens rien."
13 Goran Jelisic est devenu si efficace et si connu pour ses actes
14 au cours de cette folie de génocide ou génocidaire, que même les autorités
15 serbes de Bosnie ont dû tenter de le freiner. Certains témoins diront que
16 vers le 19 ou le 20 mai 1992, certains responsables serbes de Bosnie ont
17 transféré Goran hors du centre de détention de Luka.
18 Cependant, à la mi-mai, lorsque Jelisic a entendu dire pour la
19 première fois qu'un commandant de l'armée souhaitait mettre un terme à ces
20 exécutions. Selon un témoin, Goran Jelisic a répondu la chose suivante, à
21 savoir que lui, Goran Jelisic, était le chef et que la prison de Luka ne
22 relevait pas de la compétence de l'armée.
23 Jelisic a dit qu'il était prêt à mener une guerre contre
24 l'armée, si l'armée voulait mettre un terme à ses exécutions. Quatre ou
25 cinq jours plus tard, cependant une personne a réussi à faire transférer
Page 36
1 Goran Jelisic hors du camp de Luka. Mais si ce transfert n'avait pas eu
2 lieu, il aurait continué à assassiner toute la population des détenus du
3 camp.
4 Il est également important de souligner que Goran Jelisic
5 comprenait très bien comment ses actes individuels s'intégraient dans la
6 plus large campagne de génocide qui avait été lancée par les autorités
7 serbes de Bosnie.
8 Au cours d'entretiens avec des enquêteurs du bureau du
9 Procureur, Jelisic a expliqué
10 que lorsque qu'il est arrivé à Brcko, le responsable de la cellule de
11 crise, serbe, lui a communiqué une liste de Musulmans et a donné à Jelisic
12 l'instruction de tuer le plus grand nombre de Musulmans possible.
13 Grâce aux témoignages que vous entendrez, vous verrez que Goran
14 Jelisic n'était pas un simple garde dans le camp de Luka, mais qu'il
15 faisait montre d'une autorité considérable, autorité qu'il exerçait
16 également dans les faits. Notamment au cours de la nuit, Goran Jelisic
17 avait toute liberté pour infliger le sort qu'il souhaitait aux détenus.
18 Parfois et même fréquemment, il ordonnait aux gardes de l'assister dans
19 ses activités et les gardes lui obéissaient.
20 Aux détenus dont la vie était en danger, à chaque heure du jour
21 et de la nuit, Goran Jelisic était la principale, voire l'unique, figure
22 d'autorité comme le dit l'un des témoins : "Pour nous, il était comme un
23 dieu ; de lui dépendait notre vie ou notre mort".
24 Il est approprié et juste que le bureau du Procureur mette en
25 accusation des individus tel que Goran Jelisic, parce que, sans la
Page 37
1 présence de personnes prêtes à se livrer a ces exécutions dans les
2 différentes régions géographiques, les autorités serbes de Bosnie
3 n'auraient pas pu mettre en place le nettoyage ethnique et la campagne de
4 génocide qu'ils ont lancée au printemps et à l'été 1992.
5 Ainsi au terme des témoignages que vous entendrez, nous
6 demanderons à ce Tribunal de condamner Goran Jelisic pour génocide parce
7 que pour les victimes de Brcko, le visage du génocide est celui, était
8 celui de Goran Jelisic.
9 M. le Président. - Merci Monsieur le Procureur. Avant de
10 procéder au début de la présentation de vos témoins, il convient peut-être
11 de poser un certain nombre de principes.
12 Vous savez que les règles du Statut, enfin du Règlement ont
13 changé notablement sur un certain nombre de points et donnent un certain
14 nombre de pouvoirs aux Juges qui sont peut-être plus importants.
15 Je le dis également à l'intention de Me Greaves et il retrouvera
16 là non pas des dispositions typiques de la Common Law, mais des
17 dispositions tout simplement qui sont nées de l'expérience que les Juges
18 ont commencé à acquérir à la suite des premiers procès.
19 Je voudrais donc appeler l'attention, pour aujourd'hui du
20 Procureur, mais au moment venu de la défense, sur l'article notamment
21 90(g) de notre Règlement de preuve et de procédure, Monsieur le Procureur,
22 que vous garderez en mémoire lorsque vous présenterez vos témoins .
23 Je vous rappelle que la Chambre de première instance exerce un
24 contrôle sur les modalités de l'interrogatoire des témoins et de la
25 présentation des éléments de preuve, ainsi que sur l'ordre dans lequel ils
Page 38
1 interviennent de manière à rendre l'interrogatoire et la présentation des
2 éléments de preuve efficaces pour l'établissement de la vérité.
3 Deuxièmement, éviter toute perte de temps inutile.
4 L'article 90(h) de notre Règlement dit que le contre-interrogatoire, je le
5 dis à l'intention de la défense, se limite aux points évoqués dans
6 l'interrogatoire principal ou à ceux ayant trait à la crédibilité du
7 témoin. Néanmoins la Chambre peut, si elle le juge bon, autoriser des
8 questions sur d'autres sujets.
9 Cette règle a donné lieu dans d'autres procès à des
10 interprétations délicates, il s'agit d'une règle qui est très familière de
11 ceux qui pratiquent les systèmes juridiques anglo-saxons. S'agissant du
12 Tribunal Pénal, elle est parfois d'une application mal aisée. Et les Juges
13 tiennent du Règlement la possibilité d'adapter avec flexibilité cette
14 règle, dans la mesure où il ne serait pas équitable, et en tout cas les
15 Juges ne retrouveraient pas la mission qui est la leur de découvrir la
16 vérité, si on se contentait évidemment de calquer le contre-interrogatoire
17 uniquement sur les questions traitées par l'interrogatoire principal.
18 Ce serait trop facile évidemment, le témoin cité par
19 l'interrogateur principal serait amené à venir témoigner sur une toute
20 petite partie de son expérience et évidemment ferait échapper par là-même
21 au contre-interrogatoire toute possibilité de profiter de la présence du
22 témoin, qui peut-être par ailleurs aurait eu une expérience importante
23 pour permettre
24 l'élucidation de telle ou telle incrimination.
25 Je vous rappellerais que le nouvel article 73 bis (c) permet à
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1 la Chambre d'écourter les interrogatoires, alors ceci évidemment sera fait
2 avec flexibilité également, avec délicatesse aussi. Les témoins ne sont
3 pas tous de la même...n'ont pas tous vécu les mêmes expériences.
4 Un officier de la Forpronu peut peut-être être écourté plus
5 facilement qu'une personne qui a été violée ou qui a subi un long martyre.
6 Mais, néanmoins, je le rappelle aujourd'hui à l'accusation, demain à la
7 défense; les Juges tiennent des textes le pouvoir d'écourter les
8 interrogatoires. Tout ceci pour éviter évidemment la longueur des débats,
9 une longueur excessive des débats.
10 Enfin une disposition que vous connaissez mieux, l'article 98
11 donne aux Chambres, Me Greaves le lira avec profit également, un pouvoir
12 -peut-être qu'il ne retrouvera pas dans des textes du Common Law- les
13 Chambres ont le pouvoir d'ordonner de leur propre initiative la production
14 de moyens de preuve supplémentaires et le cas échéant les Juges ne s'en
15 priveront pas.
16 C'est un rappel des textes dont les Juges souhaiteraient que,
17 aujourd'hui l'accusation, demain la défense, fassent leur profit. Hors de
18 quoi, évidemment, les Juges seraient amenés à intervenir, ce qu'ils ne
19 souhaitent pas.
20 S'agissant maintenant alors des témoins, j'appelle l'attention
21 du Procureur sur le fait que quand vous citez un témoin, les Juges
22 attachent de l'importance que ce témoin, Monsieur Bowers ou Monsieur
23 Tocilovsky, témoigne en relation avec ce que vous voulez prouver dans
24 l'acte d'accusation.
25 Autrement dit, et pour ne pas nous obliger à intervenir, ne
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1 faites pas raconter toute son expérience à un témoin si ce n'est pas utile
2 pour éclairer tel ou tel point très particulier de l'incrimination. Ce
3 n'est pas la peine, le témoin est fatigué, c'est déjà très pénible de
4 venir jusqu'à La Haye. Souvent c'est non seulement très éloigné de leur
5 territoire, mais de surcroît, il faut se
6 mettre à la place des témoins qui arrivent dans ce monde judiciaire, dont
7 ils ne sont non seulement pas familiers dans leur propre pays, mais encore
8 moins dans une structure comme la nôtre.
9 Troisième point : les Juges seraient sensibles aussi à ce que
10 vous soyez toujours, vous colliez le plus près possible aux éléments de
11 l'incrimination. Vous faites venir un témoin pour lui demander d'éclaircir
12 des points particuliers par rapport à l'acte d'accusation.
13 Un témoin vient pour dire qu'une maison a brûlé ou un témoin
14 vient pour dire que sa maison a brûlé. Bien sur ça peut être important
15 qu'il cite autre chose et, de ce point de vue-là, ne vous en privez pas,
16 mais essayez toujours de faire en sorte de ne pas perdre de vue le sens
17 final de ce que vous poursuivez, vous l'accusation, vous la défense,
18 c'est-à-dire vous, l'accusation, d'établir par exemple aujourd'hui les
19 éléments constitutifs du crime de génocide -et ceci, bien entendu, nous
20 sommes devant un Tribunal, nous ne sommes pas devant une commission
21 d'enquête, nous ne sommes pas devant une commission qui fait un rapport
22 sur une situation devant une commission internationale, nous sommes des
23 Juges qui devons bien entendu arriver, au-delà de tout doute raisonnable,
24 arriver à dire si un accusé est innocent ou coupable au regard de textes
25 de droit pénal international.
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1 Pour l'ensemble de ces considérations, les Juges feront déposer,
2 je le dis pour Me Bowers et Me Tocilovsky, le témoin librement. Nous
3 adapterons en fonction du témoin, bien entendu. Il y a des témoins qui ne
4 peuvent pas s'exprimer et, à ce moment-là, nous vous demanderons
5 d'intervenir tout de suite.
6 Dans la majeure partie des cas, nous avons, vous nous avez donné
7 un mémoire qui est maintenant prévu par les textes, où, bien entendu, nous
8 connaissons la trame générale de ce pourquoi un témoin a été convoqué.
9 En général donc, le témoin déposera librement sur les événements
10 et nous verrons en fonction des documents que vous nous avez adressés,
11 conformément au texte du Règlement, nous verrons évidemment s'il n'a pas
12 couvert le champ de son témoignage ou si au contraire il le couvre trop
13 par des répétitions qui peuvent être lourdes pour lui et pour tout le
14 monde.
15 Alors c'est ensuite que nous vous demanderons de reprendre
16 l'interrogatoire du témoin, mais pas du tout pour lui faire répéter la
17 même chose, ce serait d'ailleurs cruel pour le témoin, mais pour lui faire
18 répéter... non pas pour lui faire répéter, mais pour lui faire préciser
19 parce qu'évidemment par rapport à votre stratégie aujourd'hui, demain la
20 stratégie de la défense, vous trouverez peut-être que le témoin n'a pas
21 couvert tout ce que vous auriez souhaité qu'il apporte comme témoignage
22 devant les Juges internationaux.
23 Voilà comment nous allons procéder. Pour les pièces à
24 conviction, Monsieur le Greffier, l'expérience d'autres procès nous a
25 amenés qu'il était de bonne administration que le matin ou avant
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1 l'audience, le Greffe soit avisé des pièces à conviction qui seront
2 présentées, pour ne pas que nous perdions un temps inutile à les chercher.
3 Il faut donc que le Greffier soit avisé des pièces que vous
4 comptez présenter aux Juges dans la journée ou en tout cas dans la demi-
5 journée, de sorte que quand vous citez une pièce, ceci vaut aujourd'hui
6 pour l'accusation, cela vaudra demain pour la défense, ces pièces le plus
7 rapidement possible.
8 S'agissant toujours des pièces à conviction, les Juges tiennent,
9 lorsque les pièces sont présentées sur rétroprojecteur, je le dis à
10 l'intention de nos techniciens si compétents que je remercie toujours de
11 leurs bons soins, de les présenter en même temps sur le moniteur de la
12 galerie du public, sauf bien entendu lorsque l'audience est à huis clos.
13 Je rappelle que le principe, ce sont les audiences publiques.
14 C'est ainsi dans tous les grands systèmes judiciaires et il en est ainsi
15 ici tout particulièrement où s'exerce la justice internationale. Donc en
16 principe, quand une pièce est montrée aux Juges par le biais du
17 rétroprojecteur et du moniteur, il convient que très rapidement les
18 moniteurs qui sont dans la galerie du public puissent également les
19 diffuser. Voilà à peu près les principes.
20 Enfin, il y avait un dernier point, mais je me tourne vers
21 M. Fourmy, je crois qu'il faudrait que nous prenions une ordonnance sur
22 les contacts entre les témoins et les différentes parties, mais nous en
23 reparlerons, afin qu'il y ait une cloison étanche entre les parties dès
24 lors qu'elles sont citées, partant du principe que peut-être que là aussi
25 ça peut changer par rapport à tel ou tel autre système, mais encore une
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1 fois le Tribunal n'est lié par aucun système pour -c'est le but de ce
2 genre d'ordonnances- bien marquer que le témoin devient un témoin de la
3 justice dès lors qu'il est cité. Il est bien sûr le témoin cité par
4 l'accusation et par la défense, mais dès qu'il pénètre dans cette
5 enceinte, il devient le témoin à la disposition des Juges. Ceci aussi,
6 nous y veillerons.
7 La défense doit savoir aussi que, lorsqu'il y a une mesure de
8 protection à prendre, indépendamment des mesures qui ont déjà été prises,
9 il suffit que vous présentiez une requête et, si même la présentation de
10 la requête doit se faire à huis clos, vous l'avez vu d'ailleurs tout à
11 l'heure, nous avons commencé à huis clos, les Juges y sont sensibles et
12 nous ordonnons un huis clos partiel pour que vous puissiez au moins
13 exposer votre requête. Voilà donc les grands principes essentiels.
14 Je me tourne vers mes collègues pour savoir s'ils ont d'autres
15 observations ? Non. Nous y reviendrons peut-être, plus tard, au cours des
16 débats. Bien.
17 Monsieur le Procureur, nous pouvons tout de suite commencer.
18 M. Tocilovsky (interprétation). - Monsieur le Président,
19 Messieurs les Juges, avant de faire entrer le premier témoin de
20 l'accusation, nous aimerions simplement soulever un certain nombre de
21 points pratiques.
22 Tout d'abord, conformément à l'article 90 du Règlement de ce
23 Tribunal, il est stipulé que, sur demande de la Chambre, un enquêteur peut
24 comparaître à titre de témoin dès lors que cet enquêteur a suivi les
25 débats en audience. Suite à ces dispositions, nous demanderions à la
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1 Chambre de bien vouloir appliquer cet article du Règlement à un de nos
2 enquêteurs.
3 M. le Président. - Quel paragraphe ?
4 M. Tocilovsky (interprétation). - Je me réfère à
5 l'article 90 (e), Monsieur le Président.
6 Nous demanderions, Monsieur le Président, à la Chambre de bien
7 vouloir retenir l'article 90 (e) et de bien vouloir permettre qu'un
8 enquêteur suive les débats en prétoire.
9 M. le Président. - Je vais consulter mes collègues.
10 (Les juges se consultent sur le siège.)
11 M. le Président. - Les Juges sont d'accord, faisant observer que
12 l'article 90 (e) s'applique aussi bien à l'accusation qu'à la défense.
13 Bien, poursuivez.
14 M. Tocilovsky (interprétation). - Le deuxième point que je
15 souhaite soulever, Monsieur le Président, est celui de la protection des
16 témoins qui viendront ici déposer devant vous, au cours de ces trois
17 premiers jours d'audience.
18 Lors de leur arrivée à La Haye, les témoins de l'accusation ont
19 demandé à faire l'objet de certaines mesures de protection, mesures
20 envisagées à l'article 75 du Règlement. Suite à cette demande des témoins,
21 nous demandons à la Chambre de première instance de bien vouloir prendre
22 un certain nombre de mesures de protection qui feront que, lors de
23 témoignages en audience publique, les éléments permettant l'identification
24 des témoins ne soient pas diffusés au public et aux médias.
25 Nous allons discuter des mesures de protection à appliquer avec
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1 la défense, nous en avons parlé avec la défense, et elle n'a aucune
2 objection à élever.
3 Quelles sont les mesures que nous demandons pour les huit
4 premiers témoins que nous allons entendre ? Ce sont les suivantes et je
5 précise que nous avons décidé de ces mesures en coopération étroite avec
6 la Section d'aide aux victimes et aux témoins.
7 Je répète que ces mesures sont prévues à l'article 75 B(i) du
8 Règlement. Nous demandons que tous les éléments d'information et que tous
9 les noms et prénoms des témoins soient expurgés des documents qui seront
10 diffusés au public.
11 Nous demandons que lors de la déposition des témoins, les traits
12 de leur visage soient déformés sur les écrans de la Chambre et de la
13 galerie du public et qu'un pseudonyme soit attribué à ces témoins.
14 La requête écrite déposée par l'accusation va rapidement être
15 déposée auprès du Greffe, mais les noms des témoins qui réclament ces
16 mesures, nous en disposons d'ores et déjà, Monsieur le Président, et je
17 peux vous les communiquer dans le cadre d'une audience à huis clos.
18 Nous demandons ces mesures pour six témoins.
19 M. le Président. - Vous prévoyez six témoins pour les trois
20 journées ?
21 M. Tocilovsky (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
22 Nous souhaiterions entendre six témoins au cours de ces trois jours
23 d'audience.
24 M. le Président. - Vous voulez présenter la requête tout de
25 suite ? Si vous avez une requête écrite, on peut statuer immédiatement,
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1 surtout si la défense n'a pas d'objection.
2 Monsieur le Greffier, vous avez une requête écrite ou n'est-elle
3 pas encore arrivée, ne serait-ce que pour le témoin de cet après-midi ?
4 M. le Greffier. - (Inaudible)
5 M. le Président. - Vous pouvez faire un petit huis clos partiel
6 de dix minutes pour nous exposer au moins les mesures à prendre pour le
7 témoin qui va comparaître dans quelques minutes. Quelques minutes de huis
8 clos partiel surtout si la défense est d'accord.
9 (Huis clos partiel)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
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15 (expurgée)
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19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 Audience publique.
23 L'audience, suspendue à 16 heures 40, est reprise à 17 heures 15
24 M. le Président. - L'audience est reprise, veuillez vous
25 asseoir. Faites entrer l'accusé s'il vous plaît.
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1 (L'huissier s'exécute)
2 (Le témoin était déjà dans le prétoire)
3 M. le Président. - J'ai demandé à ce que l'huissier donne
4 d'abord tout de suite les écouteurs au témoin. On devrait être habitué à
5 ça. Vous m'entendez, témoin A, veuillez vous lever, s'il vous plaît,
6 voilà. Vous vous levez et on vous branche le micro en même temps.
7 (Le témoin se lève)
8 Est-ce que vous m'entendez ? Restez debout, s'il vous plaît.
9 Levez-vous, le micro est assez puissant. Merci d'être venu. Vous allez
10 d'abord... vous n'allez pas prononcer votre nom, l'huissier va vous tendre
11 puis sur un papier le nom qui est le vôtre et vous n'allez pas le
12 prononcer, simplement pour que nous puissions nous assurer de votre
13 identité. Est-ce que vous êtes d'accord ? Est-ce que c'est bien votre
14 nom ? On lui a tendu le document ?
15 (L'huissier s'exécute)
16 Pouvez-vous lire, est-ce que c'est bien votre nom ? Tendez le
17 document au témoin, s'il vous plaît.
18 (L'huissier s'exécute)
19 Témoin A (interprétation). - Oui.
20 M. le Président. - Restez debout encore quelques secondes,
21 l'huissier va vous tendre le serment que vous allez prononcer et le lire.
22 Répétez ce serment, s'il vous plaît.
23 Témoin A (interprétation). - Je déclare solennellement que je
24 dirai la vérité toute la vérité et rien que la vérité.
25 M. le Président. - Vous pouvez à présent vous asseoir.
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1 Nous allons vous appeler "témoin A". Vous avez accepté de venir
2 à la demande de l'accusation dans le procès intenté ici contre l'accusé
3 Goran Jelisic qui est ici présent devant le Tribunal pénal international,
4 il est accusé de génocide.
5 Vous avez fait l'objet de mesures de protection de témoin, c'est
6 ce qui explique que le son de votre voix n'est pas reconnaissable et vous
7 avez un pseudonyme et toutes les mesures sont prises en charge par l'unité
8 de protection des victimes.
9 Le Procureur va vous poser quelques questions préalables,
10 ensuite vous ferez une déposition sur les événements tels que vous les
11 avez vécus. Nous verrons à quel moment il faut vous interrompre pour qu'on
12 vous pose des questions. Quand vous aurez fini votre déposition, le
13 Procureur vous posera des questions, puis la défense, puis les Juges vous
14 poseront des questions.
15 Peut-être est-ce que vous avez, Monsieur le Procureur, quelques
16 questions préalables juste avant que le témoin ne fasse sa déposition,
17 quelques questions préalables qui vous seraient utiles pour permettre au
18 témoin de commencer sa déposition dans le cadre où vous voulez situer son
19 récit ?
20 M. Tocilovsky (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je
21 vais commencer par un certain nombre de questions. Je demanderai au témoin
22 de nous apporter des informations de caractère très général.
23 Témoin A, je vais vous poser certaines questions d'ordre
24 général. Ma première question est la suivante : quel est votre âge ?
25 (L'interprète n'a pas entendu la réponse du témoin)
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1 M. Tocilovsky (interprétation). - Êtes-vous Musulman de Bosnie ?
2 Témoin A (interprétation). - Oui.
3 M. le Président. - Témoin A, c'est le Président qui vous parle.
4 Je sais que ça va être très difficile pour vous, mais essayez de
5 parler sans crainte. C'est un peu intimidant pour vous, mais prenez vos
6 aises, n'ayez crainte, approchez-vous un peu du micro pour que les
7 interprètes puissent traduire ce que vous dites. Essayez de vous relaxer,
8 de vous détendre si vous pouvez.
9 Si, à un moment donné, vous n'êtes pas bien, si vous êtes en
10 difficulté, n'hésitez pas à nous le dire et nous interromprons. De toute
11 façon, nous allons interrompre à 18 heures mais, si vous aviez le moindre
12 problème, n'hésitez pas à le dire.
13 Monsieur le Greffier ?
14 Monsieur le Procureur, vous aviez demandé la distorsion de la
15 voix ? Non, c’était uniquement du visage ? Distorsion faciale ?
16 M. Tocilovski (interprétation). - Nous n'avons demandé que la
17 déformation des traits du témoin.
18 M. le Président. - Poursuivez.
19 M. Tocilovski (interprétation). – Bien, encore une question
20 d'information générale. Monsieur, où résidiez-vous avant la guerre ?
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 M. Tocilovski (interprétation). – Monsieur le Président, si vous
24 m'en donnez l'autorisation, je vais poser un série de questions au témoin.
25 Des questions qui sont directement
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1 liées aux faits au coeur de cette affaire.
2 M. le Président. – (hors micro)… et vous verrez qu’on y arrivera
3 très bien. Et puis, ce sera flexible en fonction des témoins. L’idée des
4 Juges, c'est que vous arriviez à mettre le témoin un peu… j’allais dire
5 sur la rampe de lancement où il va ensuite faire son récit comme il
6 l'entend. Et après son récit, vous reprendrez des questions qui vous sont
7 nécessaires sans le faire répéter forcément les mêmes choses. Allez y.
8 M. Tocilovski (interprétation). – Témoin A, avez-vous été placé
9 en détention dans le camp de Luka ?
10 Témoin A (interprétation). - Oui.
11 M. Tocilovski (interprétation). - Pourriez-vous expliquer aux
12 Juges à quelle date vous êtes arrivé dans ce camp ?
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 M. Tocilovski (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce qui
16 vous est arrivé lorsque vous êtes arrivé à Luka ?
17 Témoin A (interprétation). - Est-ce que vous pouvez m'aider un
18 petit peu pour me dire ce que vous voulez que je vous décrive ? Le moment
19 où je suis arrivé ou ce qui s'est passé une fois quand j'étais déjà sur
20 place dans le camp ?
21 M. Tocilovski (interprétation). – Eh bien tout d’abord,
22 pourriez-vous expliquer aux Juges ce qui est arrivé juste au moment où
23 l'on vous a amené dans le camp ?
24 Témoin A (interprétation). – Eh bien, tout de suite quand nous
25 sommes arrivés, on nous a demandé de nous aligner contre un mur dans le
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1 hangar, celui qui nous avait emmenés et qui était responsable pour nous.
2 Eh bien, je ne sais pas comment vous dire, mais c'était quelqu'un qui
3 était responsable et qui s'était chargé de nous emmener dans le camp de
4 Luka. Il s'est adressé aux soldats et il a dit : "J'ai amené encore de
5 nouveaux "balija"". Et je parle des soldats, des soldats serbes qui se
6 trouvaient sur place.
7 Je ne sais pas comment m’exprimer, nous on les appelait
8 "chetniks" et eux ils nous appelaient "balija". Ils ont commencé à nous
9 donner des coups de pieds, ils nous ont appelés "balija", des gens qui
10 sont des turcs, que personne n’allait pouvoir s'enfuir et certainement pas
11 rester en vie.
12 M. Tocilovski (interprétation). – Témoin A, vous avez déclaré…
13 Témoin A (interprétation). - Il s'agissait des gardes du camp.
14 M. Tocilovski (interprétation). - Pardon de vous interrompre,
15 Témoin A, mais ma question est la suivante : lorsque vous êtes arrivé dans
16 le camp, vous nous avez dit que l’on vous avez traité de "balija". Est-ce
17 que ce terme constitue, en fait, une insulte à l'encontre des Musulmans ?
18 Témoin A (interprétation). - Excusez-moi. Je voudrais vous
19 demander si vous voulez que je vous donne une explication plus détaillée.
20 Parce qu’il faudrait quand même que je parle un peu plus longtemps parce
21 que sinon, vous n'allez jamais comprendre ce que ça veut dire "balija".
22 M. le Président. – Exprimez-vous comme vous le souhaitez, depuis
23 le moment où vous êtes arrivé au camp, pourquoi vous êtes arrivé au camp,
24 qu’est-ce qui s’y est passé. Et quand le Procureur le souhaite, il vous
25 interrompt et il vous posera des questions. Vous faites comme vous voulez.
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1 Monsieur le Procureur, ne soyez pas… l'essentiel pour les Juges
2 c'est qu'on ne répète pas, qu’on ne fasse pas répéter au témoin toujours
3 les mêmes éléments. Mais vous procédez… si vous jugez préférable et si le
4 témoin préfère qu’on lui pose des questions détaillées, c'est comme vous
5 voulez.
6 M. Tocilovski (interprétation). - Est-ce que l'huissier pourrait
7 venir m’aider ? Je voudrais demander à l’huissier de bien vouloir placer
8 la pièce de l'accusation 341 devant le témoin et je demanderai également à
9 ce que des exemplaires de cette pièce soient communiqués
10 au conseil de la partie adverse et aux Juges.
11 M. le Président. - Nous avons un petit problème technique,
12 puisque justement on a distordu votre… il y a le problème de la voix et
13 donc, il faut… les interprètes n'entendent pas très bien ce que vous
14 dites.
15 M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce numéro 2, le numéro 1
16 étant le nom qui a été communiqué tout à l'heure.
17 (Le greffier distribue la pièce numéro 2 aux Juges et au
18 témoin).
19 M. Tocilovski (interprétation). – Témoin A, sur cette photo,
20 voyons-nous le hangar dans lequel vous avez été détenu ?
21 Témoin A (interprétation). - Oui.
22 M. Tocilovski (interprétation). - Est-ce que vous avez eu
23 l'occasion de m'indiquer un certain nombre de lieux sur cette photographie
24 ou des endroits qui seront cités par vous dans le cadre de votre
25 témoignage aujourd'hui ?
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1 Témoin A (interprétation). - Oui.
2 M. Tocilovski (interprétation). - Le point marqué X2 est-il le
3 point qui indique l'emplacement où l’on vous a demandé de vous aligner
4 après votre arrivée dans le camp ?
5 Témoin A (interprétation). - Oui.
6 M. Tocilovski (interprétation). – Goran Jelisic, faisait-il
7 partie du groupe de soldats qui se trouvaient à proximité du hangar lors
8 de votre arrivée ?
9 Témoin A (interprétation). – Goran Jelisic n'était pas devant le
10 hangar, il est arrivé cinq minutes plus tard. Il y avait quelqu'un, de
11 soldat, qui l'avait appelé, il s’était trouvé dans un bureau ensemble avec
12 Ivan Repic.
13 M. Tocilovsky (interprétation). - Goran Jelisic s'est-il
14 présenté à vous ?
15 Témoin A (interprétation). - Non, il avait dit qu'il était
16 directeur du centre de rassemblement. Il avait tout simplement expliqué
17 que nous sommes emmenés dans ce centre,
18 que nous sommes des détenus, qu'on allait nous interroger et que ceux qui
19 sont coupables, qu'ils allaient être tués, d'autres qu'ils allaient être
20 mis en liberté. Et d'après lui, il ne croyait pas qu'il y avait aucun
21 balija qui aurait pu ne pas être coupable et qui aurait pu être mis en
22 liberté.
23 M. Tocilovsky (interprétation). - Goran Jelisic s'est-il
24 présenté après la première journée à d'autres reprises ?
25 M. Riad (interprétation). - Je crois qu'il y a une erreur.
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1 Qu'avez-vous dit ? Qu'il n'y avait pas un seul corps, qu'il n'était pas
2 coupable ou un seul balija qui n'était pas coupable ?
3 M. Tocilovsky (interprétation). - Avez-vous parlé de balija ou
4 de corps ? Pourriez-vous expliquer ceci aux Juges, s'il vous plaît ?
5 Témoin A (interprétation). - Il avait parlé de balija, il
6 pensait dire qu'aucun balija ne pouvait partir, enfin que de toute façon
7 tous les balija sont coupables. Personne ne pouvait être parti en liberté,
8 donc il ne croyait pas que balija, à partir du moment où il était
9 Musulman, qu'il pouvait ne pas être coupable. Par conséquent, il avait dit
10 que tous les Musulmans étaient coupables, que cette nation n'existait pas,
11 que nous sommes une nation qui a été inventée, que nous sommes d'origine
12 des Turcs. Et c'est dans ce sens-là qu'il a parlé de balija.
13 Par conséquent, que c'étaient les Musulmans qui en étaient
14 coupables. Ils sont coupables parce qu'ils vivent encore et qu'il fallait
15 les exterminer. C'est à cela qu'il pensait.
16 M. Tocilovsky (interprétation). - Goran Jelisic s’est-il
17 présenté par la suite au cours d'autres occasions ou a-t-il utilisé
18 d'autres noms pour se présenter que le sien ?
19 Témoin A (interprétation). - Oui, je ne peux pas me souvenir
20 exactement si c'était le jour même ou le lendemain, mais il est venu dans
21 le hangar une fois que nous étions déjà installés dans le hangar ; il est
22 rentré dans le hangar et il y avait d'autres personnes qui sont arrivées
23 après notre groupe.
24 Il s'est adressé à ceux qui étaient dans la première partie du
25 hangar ; il a dit qu'il s'appelait Goran Jelisic et qu'il était "l'Adolf"
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1 et que c'est lui qui avait commandé le groupe qui
2 avait détruit le pont sur la rivière de la Save et que, d'après les
3 estimations, il y avait une centaine de personnes qui ont été victimes sur
4 ce pont, des femmes, des hommes, des enfants, même des bébés.
5 Il avait dit qu'il avait tué, dans le camp de Luka,
6 150 personnes à peu près et que ce n'était pas encore tout, qu'il allait
7 poursuive son oeuvre.
8 M. Tocilovsky (interprétation). - Pour ce qui est de Goran
9 Jelisic donc, avez-vous vu son image, sa photographie dans les journaux ou
10 à la télévision lorsque vous avez quitté le camp ?
11 Témoin A (interprétation). - Non.
12 M. Tocilovsky (interprétation). - Pourriez-vous le reconnaître
13 si vous étiez amené à le revoir ?
14 Témoin A (interprétation). - Même si plus de six ans se sont
15 écoulés depuis cet événement, il y a beaucoup de choses qui ont changé
16 dans ma vie également après ces années passées dans le camp, mais je suis
17 sûr que je l'aurais reconnu.
18 M. Tocilovsky (interprétation). - Voyez-vous Goran Jelisic dans
19 ce prétoire ?
20 (Le témoin regarde l'accusé.)
21 Témoin A (interprétation). - Je ne suis pas sûr, mais je vais
22 demander, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, que M. Jelisic se
23 lève et qu'il enlève sa manche, parce que de toute façon, sur le bras
24 gauche, il avait également une blessure. Il prétend que cela date depuis
25 le conflit en Croatie.
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1 (Jelisic se lève et lève les bras dénudés)
2 Témoin A (interprétation). - Je ne vois pas très clairement, je
3 suis désolé, Monsieur le Président, mais je sais qu'il avait la trace
4 d'une blessure et il avait prétendu que c'était en Croatie qu'il l'a eue
5 parce qu'il s'était trouvé dans un camp à l'époque.
6 J'ai appris ultérieurement, par d'autres détenus qui étaient
7 dans le camp de Luka, que
8 cette blessure...
9 M. le Président. - Une seconde.
10 (Les Juges se consultent sur le siège)
11 M. le Président. - Monsieur le Procureur, pouvez-vous vous
12 approcher du bureau des Juges ; je demanderai à Me Londrovic, à Me Greaves
13 de s'approcher également. Asseyez vous, Monsieur Jelisic.
14 (L'accusé s'exécute.)
15 (Les Juges se consultent sur le siège, en présence de Me
16 Londrovic, Me Greaves et de M. le Procureur.)
17 (Les Juges se consultent, à nouveau)
18 M. le Président. - Il ne sera pas procédé à ce type de
19 reconstitution, par contre les Juges vont demander au témoin pourquoi
20 c'était cette cicatrice sur le poignet qui vous aurait permis de
21 reconnaître l'accusé que vous n'avez pas reconnu même si c'était de loin ?
22 Pourquoi vous pouvez dire cela aux Juges, s'il vous plaît ?
23 Témoin A (interprétation). - Eh bien, Monsieur le Président,
24 parce qu'il nous avait montré cette cicatrice à nous tous qui étions dans
25 le hangar. Il a essayé de nous raconter que, lui-même, il s'était trouvé à
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1 un moment donné dans un camp en Croatie, il a été volontaire, et que ce
2 sont les Croates qui lui ont donné ce coup de couteau et qu'il avait cette
3 blessure et qu'ils ont même mis du sel sur cette blessure.
4 Par conséquent, il nous a montré cette cicatrice, et pas
5 uniquement à moi, mais à nous autres, à tout le monde.
6 M. le Président. - Bien, écoutez nous vous remercions, Témoin A,
7 vous pouvez poursuivre, Maître.
8 M. Riad (interprétation). - Témoin A, est-ce que vous avez une
9 bonne vue ? Vous voyez bien de loin ou vous n'arrivez pas à voir bien de
10 loin ? Vous pouvez reconnaître quelqu'un
11 à distance ou non ?
12 Témoin A (interprétation). - Eh bien, si je vois quelqu'un
13 régulièrement, tous les jours, ou si j'ai vu quelqu'un il y a un an, je
14 l'aurais reconnu, mais je ne l'ai pas vu depuis six ans, même plus de six
15 ans. Et lui-même il a changé. Ce n'est plus du point de vue physique la
16 même personne, même s'il y a un certain nombre de traits de visage que je
17 reconnais, mais ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le même visage
18 que celui que j'ai vu il y a six ans. Il a changé, il a changé lui aussi,
19 comme moi j'ai changé.
20 M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.
21 M. le Président. - Maître Tocilovsky, vous pouvez passer à
22 d'autres questions. Allez y.
23 M. Tocilovsky (interprétation). - Goran Jelisic portait-il un
24 uniforme lorsque vous vous trouviez à Luka ?
25 Témoin A (interprétation). - Oui, il portait l'uniforme.
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1 M. Tocilovsky (interprétation). - Pour ce qui est de cette
2 cicatrice, vous venez d'expliquer aux Juges que Goran Jelisic l'a
3 présentée comme étant une cicatrice d'une blessure qu'il avait subi
4 lorsqu'il était en détention en Croatie. Auriez-vous vous-même d'autres
5 explications pouvant justifier la présence de cette cicatrice ? En avez-
6 vous entendues d'autres ?
7 Témoin A (interprétation). - Oui, j'ai appris par d'autres
8 personnes, ceux qui étaient détenus dans le camp de Luka, il avait raconté
9 un autre histoire à d'autres personnes. Il avait dit que c'était une
10 blessure qu'il avait eu au moment où il voulait tuer Fritz, c'est le
11 surnom d'un enquêteur, enquêteur de la municipalité, et son nom de famille
12 est Novalic. Il est décédé depuis, il a été tué plutôt par la main de
13 Jelisic et selon ce qu'il nous a dit, ce qu'il a déclaré, d'autres témoins
14 l'on dit également, l'ont confirmé, il a essayé de s'attaquer à Jelisic
15 avec une hache pour se défendre parce que Jelisic voulait le tuer, ce
16 qu'il a fait enfin de compte.
17 M. Tocilovsky (interprétation). - Témoin A, pouvez-vous nous
18 dire ce qui s'est produit au cours de cette première nuit dans le camp de
19 Luka, ce qu’il vous est arrivé à vous et à d'autres détenus qui se
20 trouvaient avec vous ?
21 Témoin A (interprétation). - Tout d'abord, on a commencé à nous
22 maltraiter devant le hangar au moment où on nous a alignés et au moment où
23 nous étions emmenés. Cela a duré pendant un certain temps parce que vous
24 savez, quand vous avez très peur, vous ne pensez pas à l’heure et vous ne
25 pouvez pas vraiment situer les coups qui vous ont été donnés. Vous essayez
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1 d’éviter les coups et surtout de rester en vie. C'est le seul objectif que
2 vous avez. Donc, vous ne comptez pas le temps. Mais après un certain
3 moment, on nous a battus et on nous a fait rentrer dans la première partie
4 du hangar. On nous a demandés de nous asseoir sur le béton ; il n'y avait
5 rien sur le béton.
6 M. Tocilovski (interprétation). – Qu’est-il advenu de vous et
7 des autres détenus qui se trouvaient avec vous au cours de la nuit ? Que
8 s'est-il passé ?
9 Témoin A (interprétation). – Eh bien, nous sommes restés comme
10 ça, assis, pendant la journée entière jusqu'à 8 heures du soir ou peut-
11 être 7 heures et demie. On a fermé les portes du hangar, la porte par
12 laquelle nous sommes rentrés. On avait entendu les chansons de
13 l’extérieur, les chansons de chetniks, ils nous ont provoqués, ils ont dit
14 que : "Peu de temps se passerait, puis les Balijas vont être exterminés".
15 On avait entendu la musique, on a entendu les chansons. Et
16 pendant la nuit, moi je ne peux pas vous dire exactement à quel moment ça
17 s'est passé, parce qu’on nous a pris toutes les affaires, tout ce qu’on
18 avait, toutes les montres, tout ce qu’on avait comme bijoux ou d’autres
19 choses, même les documents d'ailleurs on nous a pris. Mais c'était avant
20 minuit.
21 La porte s'est ouverte, pas tout à fait, c'est juste pour que
22 l'homme puisse passer. C'était pratiquement dans l'entrebâillement de la
23 porte que l'homme pouvait passer. La personne qui est rentrée avait
24 demandé les quatre volontaires qui devaient, soi-disant, faire quelque
25 chose.
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1 Eh bien, nous, on ne savait absolument pas que, en dehors de
2 nous qui étions dans le hangar, il y en avait d'autres qui y étaient
3 installés. Parce que, dans la partie où nous étions, dans le compartiment
4 où nous étions, il y avait au milieu également une autre porte qui
5 conduisait vers l'autre partie du hangar, et comme il faisait la nuit et
6 la porte était fermée, on pouvait pas voir les gens qui se trouvaient de
7 l'autre côté, on ne pensait même pas qu'il y en avait. Ce n’est qu’au
8 moment où la porte a été ouverte et quand les gens ont commencé à sortir,
9 que nous nous sommes rendu compte que nous n'étions pas les seuls, qu'il y
10 en avait d'autres également qui étaient dans ce même hangar.
11 Il y avait quatre personnes qui sont sorties de cette deuxième
12 partie du hangar. Nous avons entendu qu'on passait à tabac ces quatre
13 volontaires qui sont sortis, qu'on les insulte, on les appelle Balija, on
14 insulte leur mère musulmane, on les appelait également "une bande des
15 Turcs".
16 Et moi-même je n'ai rien vu, je ne pouvais rien voir, mais j'ai
17 entendu les voix, j’ai entendu tout ce qui a été dit. Les gens
18 gémissaient, hurlaient, pleuraient, suppliaient de ne pas rien faire à
19 leur égard en disant qu'ils n'étaient pas coupables. Il y avait donc les
20 hurlements, les gémissements, les coups également qu'on entendait et
21 l’écho de ces coups.
22 On avait entendu la voix. Et je l'ai reconnue par la suite cette
23 voix, parce que je l'avais entendue plusieurs fois, à plusieurs reprises,
24 les jours qui s’en sont suivis : "Couche-toi, mets la tête sur la grille".
25 Et ensuite l'autre voix qui rétorquait : "Je vous en supplie, je ne suis
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1 pas coupable, pourquoi moi, je n'ai rien fait". Et encore une fois des
2 gémissements, des hurlements de la même personne probablement. Je ne
3 pouvais pas voir à travers le mur. Et ceci ne pouvait pas aider la
4 personne en question, mais on avait entendu ce tir avec le pistolet, avec
5 un silencieux, et ensuite, très peu après, des vibrations, des vibrations
6 à travers le béton, car, moi, j'étais assis par terre comme je l'ai dit.
7 Il y avait juste un mur qui me séparait de la place où les gens étaient
8 tués.
9 Après ça, deux, trois minutes après une telle séquence, après
10 une telle scène, une fois de plus un tir, encore une fois le corps qui
11 s'écroulait, on l'entendait. Et avant les hurlements, les gémissements,
12 toujours les mêmes questions : "Je vous supplie, je n’ai rien fait, j'ai
13 toujours vécu en bon terme avec les Serbes, je n'ai rien fait de mal à
14 l'égard des Serbes". Mais malheureusement, ça ne les a pas aidés. Et
15 toujours la même histoire, ça se répétait.
16 Là maintenant, je vous en parle, Monsieur le Président,
17 Messieurs les Juges, moi je n'ai rien vu, je vous le répète, parce qu’il y
18 avait un mur. Je n'ai rien vu de mes propres yeux, mais je l'ai entendu.
19 Mais moi-même également, j'étais volontaire à deux reprises et je suis
20 sorti dehors. Et j'ai vu par la suite, de mes propres yeux, comment les
21 gens ont été maltraités, comment on les a battus.
22 M. Tocilovski (interprétation). – S’il vous plaît, puis-je vous
23 interrompre un instant Témoin A ?
24 Au moment où vous vous êtes porté volontaire pour sortir du
25 bâtiment, que s’est-il passé ? A quels incidents avez-vous assistés
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1 lorsque vous êtes sorti du bâtiment ? Je vous invite à utiliser la
2 pièce 2, que vous avez sous les yeux, pour nous dire où vous vous trouviez
3 lorsque les événements auxquels vous avez assistés se sont produits.
4 Témoin A (interprétation). - Eh bien je suis sorti comme les
5 quatre volontaires, on nous a appelés donc moi, c'était le deuxième ou le
6 troisième jour, je ne me souviens pas exactement, j'étais parmi les quatre
7 bénévoles. Il y avait une dizaine de groupes par quatre qui étaient sortis
8 avant moi. Eh bien de toute façon, les gens ils avaient peur, ils
9 n'osaient plus sortir, ils s'attendaient à ce qui allait leur arriver et
10 ensuite on les a appelés : "Sortez Balijas, ça n'est pas la peine que nous
11 enfoncions la porte, que nous vous fassions sortir, que nous vous disions
12 qui parmi vous va sortir".
13 J'avais tellement peur, cette peur panique qui m'avait pris au
14 bout de deux ou trois jours, notamment le 3 mai, j'ai été maltraité par
15 les Chetniks, ça m'était complètement égal, et je
16 me suis dit, je vais sortir, et je vais une fois pour toutes en finir avec
17 toutes ces souffrances et toutes ces épreuves. Et puis, je me suis dit que
18 ça m'était absolument égal que ce soit aujourd'hui ou le lendemain, de
19 toute façon nous allions tous y passer de la même façon.
20 Je suis par conséquent sorti et, à la porte, on a commencé à
21 nous donner des coups de pieds, à nous insulter, à faire du bruit :
22 "Balijas, personne ne pourra vous sauver". On nous a injuriés, on a
23 injurié nos mères musulmanes, tout ce qui leur venait à l'esprit, ils
24 disaient n'importe quoi et puis on nous a alignés en cet endroit que je
25 marque par le pointeur. Ils nous ont demandé de rester l'un a côté de
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1 l'autre, de baisser la tête, de mettre les mains sur le dos.
2 M. Tocilovsky (interprétation). - Excusez-moi, parlez-vous de
3 l'endroit X1 tel qu'il est indiqué sur la photographie, simplement pour le
4 compte rendu ?
5 Témoin A (interprétation). - Oui c'est X1, c'est là où je me
6 suis trouvé.
7 M. Tocilovsky (interprétation). - Et que s’est-il passé ensuite,
8 une fois que vous êtes sortis du bâtiment ?
9 Témoin A (interprétation). - Moi j'étais le troisième dans la
10 file, de ce côté là que je pointe, c'est la fin du hangar ou le début si
11 vous voulez. Devant moi il y avait deux personnes, j'étais le troisième et
12 derrière moi il y avait encore un quatrième.
13 Deuxième dans la file, dans notre groupe, Ivan Repic, surnommé
14 Repic, s'est approché. Les autres soldats ont cessé de nous battre. Il a
15 pris ce deuxième homme du groupe, il lui avait demandé de se coucher sur
16 l'asphalte, ici même, et de mettre sa tête sur cette grille qui est
17 marquée par X3 sur la photo. L'homme en question avait supplié, il avait
18 dit : "Laissez-moi, je vous en prie". Tout le monde répétait à peu près la
19 même chose parce que tout le monde voulait poursuivre, voulait vivre, de
20 le laisser, mais malheureusement, eux, ils ne les écoutaient pas, et par
21 conséquent chacun était obligé de se mettre par terre, de mettre la tête
22 sur la grille et ils étaient obligés de le faire, soi-disant bénévolement.
23 De toute façon, eux ils s'en fichaient, ils ne se préoccupaient
24 pas comment ça allait
25 se passer. J'ai même eu l'impression qu'ils avaient presque retrouvé le
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1 plaisir au moment où ils entendaient la victime les supplier. Plus la
2 victime les suppliait, plus elle demandait de le laisser en vie, plus ils
3 retrouvaient le plaisir dans cet acte de meurtre.
4 Et quand je suis sorti, donc la première fois, ça s'est passé de
5 cette façon, c'est Jelisic qui avait tué les personnes en question. La
6 deuxième fois quand je suis sorti, c'était Miroslav qui avait tué les gens
7 et moi j'avais toujours ce sentiment.
8 Et ce sentiment je le maintiens, je le garde, qu'ils avaient
9 tout simplement tué les gens qui ne pouvaient pas être secourus par qui
10 que ce soit et qu'ils y prenaient du plaisir.
11 Souvent, je me suis posé la question, si ces gens-là, que je ne
12 peux même pas appeler des hommes, ce sont des animaux, des animaux qui
13 sont dans le corps humain, s'ils auraient eu le courage, quelque part dans
14 la rue, de se battre et de nous regarder dans les yeux. Comment dans ce
15 cas-là se seraient-ils comportés ? Mais on n'était pas armés, on était
16 sans rien, on ne pouvait pas se défendre, ils étaient vingt contre un. Eh
17 bien ils étaient très courageux et c'est avec le plaisir qu'ils le
18 faisaient.
19 M. le Président. - Maître, vous avez encore une question à
20 poser ?
21 M. Tocilovsky (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
22 Témoin A, après que Goran Jelisic a tué différentes personnes,
23 vous a t-il donné l'ordre de transporter les corps ?
24 Témoin A (interprétation). - Oui.
25 M. Tocilovsky (interprétation). - Et où avez-vous dû emmener ces
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1 corps ? Vous a-t-on précisé l'endroit où vous deviez les emmener ?
2 Témoin A (interprétation). - On m'avait demandé à moi, et puis
3 le premier homme qui était dans la même file, parce que nous étions quatre
4 au total, et il était le premier devant moi comme je l'ai dit, ils nous
5 ont forcés, parce qu'on nous a battus, de soulever le corps mort et de le
6 transporter.
7 Eh bien, j'ai pris cet homme par les mains, l'autre par les
8 pieds et nous l'avons transporté jusqu'à l'endroit que je pointe avec le
9 pointeur, le début, l'angle du hangar que je vous montre et, derrière, il
10 y avait un camion qui était garé, c'était le réfrigérateur, enfin c'était
11 un camion frigorifique, il y avait une porte qui était ouverte, il faisait
12 sombre et nous nous sommes approchés de ce camion frigorifique, nous avons
13 mis le corps sans vie dans le camion et, là, j'ai vu qu'il y avait
14 d'autres corps sans vie dans ce camion.
15 Nous nous sommes retournés encore une fois, on nous a battus, on
16 nous a insultés et ils nous ont dit : "C'est ce qui vous attend
17 également". Nous nous sommes une fois de plus mis en groupe, qui
18 maintenant ne comptait que les trois personnes. Eh bien dans ce deuxième
19 groupe, moi j'étais le premier dans la file pendant qu'on nous battait au
20 retour.
21 Ce monsieur qui était devant moi, il avait couru, et moi
22 derrière lui, et nous nous sommes rangés l'un à côté de l'autre. Mais nous
23 ne sommes pas restés en paix longtemps. Il y a un autre qui a été sorti,
24 le même qui avait emportait le corps, le corps sans vie, avec moi-même, et
25 il a été tué de la même façon comme le premier.
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1 M. Tocilovsky (interprétation). - Qui a tué cet homme ?
2 Témoin A (interprétation). - Le premier et le deuxième homme ont
3 été tués par Goran Jelisic. Et il avait dit : "Un Balija de moins".
4 Après cela, moi-même et l'autre homme qui est resté parce que
5 nous étions à deux maintenant, nous avons une fois de plus été forcés
6 d'emmener le corps sans vie jusqu'au camion frigorifique, de le mettre
7 dans le camion. Et ensuite on nous a une fois de plus battu, mais cette
8 fois-ci nous avons pensé que c'était à notre tour. Ils ont continué à nous
9 battre et ils nous ont poussés vers la porte du hangar, ils nous ont dit :
10 "Rentrez les Balijas, rentrez à l'intérieur. Et préparez vous. Les jours
11 suivants ça sera à votre tour."
12 Très peu après, dix minutes, un quart d'heure peut-être, peut-
13 être même un peu moins, car pour nous les minutes c'étaient les heures, et
14 les heures comme les années. On a fait appel à de nouveaux volontaires,
15 soi-disant, et c'est comme ça qu'ils ont poursuivi pendant les heures
16 matinales et très tôt le matin, vers quatre heures, cinq heures du matin.
17 Eh bien ensuite quand la nuit tombait, il y avait un groupe de
18 sept à huit personnes qui ont été appelées. Eh bien ces gens-là étaient
19 forcés de nettoyer le sang, le sang qui était partout dans la grille, sur
20 la grille et autour, pour enlever les traces, enlever les traces des actes
21 sauvages qu'ils avaient commis, de leurs crimes.
22 Et ça se répétait, ça se répétait d'une nuit à l'autre, jusqu'au
23 petit matin, jusqu'au jour où Goran Jelisic était rentré dans le hangar,
24 avec le commandant Dzurkovic, avec un capitaine qui l'avait accompagné et
25 qui portait l'uniforme de l'ex-JNA. Tout comme le commandant Dzurkovic, il
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1 y avait quelques gardes du corps qui étaient avec eux, et c'est là où ils
2 avaient lu... non pas lu, mais ils nous ont dit qu'il était interdit de
3 tuer et de maltraiter les détenus du camp. Les gens ont commencé à
4 applaudir.
5 Il y en avait qui l'ont pris et qui l'ont mis sur les épaules.
6 Mais moi, j'étais blessé au plus profond de mon être car, à ce moment-là,
7 je ne pouvais pas m'imaginer qu'après tout ce qui s'était passé, après
8 tout ce que cet être, qui n'est pas un être humain mais un animal, avait
9 fait que les gens l'ont porté sur les épaules. Je ne pouvais pas
10 applaudir, je ne pouvais pas non plus le porter sur mes épaules. Moi, je
11 pense que j'en aurais eu honte.
12 Mais ultérieurement j'ai compris ces gens-là car à partir du
13 moment où il avait prononcé ces mots, à partir du moment où ils ont dit
14 qu'il y avait quelqu'un qui avait émis un ordre et que ce quelqu'un se
15 trouvait au sommet, cet ordre voulait dire que nous sommes nés de nouveau,
16 que nous avons le droit de vivre, que nous avons survécu, ce que
17 malheureusement les autres n'ont pas pu.
18 Après cet événement, je ne sais pas si c'était ce jour-là ou le
19 lendemain, un garde est rentré dans le hangar avec un grand cahier, avec
20 un crayon à la main, et il nous avait ordonné de nous aligner et il a
21 commencé à noter nos noms et nos prénoms, nos dates de naissance, nos
22 adresses, notre lieu de résidence d'autrefois, car l'adresse...notre
23 adresse au moment où il en prenait note, c'était le camp, le camp Luka.
24 Donc on nous a demandé notre adresse précédente. Ce n'est qu'à ce moment-
25 là que nous sommes devenus des êtres humains qui portaient les prénoms,
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1 les noms avec des anciennes adresses, avec une nouvelle adresse : camp de
2 Luka.
3 M. Tocilovsky (interprétation). - Puis-je vous interrompre un
4 instant, Témoin A, s'il vous plaît ? Je n'aurai que questions
5 supplémentaires pour aujourd'hui Monsieur le Président.
6 M. le Président. - Il est de 18 heures 15. L'audience devait
7 s'arrêter à 6 heures. Ce témoin, même s'il n'a pas comparu beaucoup de
8 temps, ravive là des souvenirs très émotionnants.
9 Témoin A, nous allons arrêter, nous allons reprendre demain à
10 10 heures. Essayez non pas d'oublier mais de vous détendre. La Division
11 d'aide aux témoins victimes s'occupe du témoin A Monsieur le Procureur ?
12 Il est pris en charge ?
13 M. Tocilovsky (interprétation). - Oui nous pourrions donc
14 continuer demain Monsieur le Président avec ce témoin.
15 M. le Président. - Je veux dire, il est pris en charge ce soir,
16 la division d'aide aux victimes le prend en charge, il n'est pas seul,
17 n'est-ce pas ?
18 M. Tocilovsky (interprétation). - Oui. Effectivement la division
19 d'aide aux victimes et aux témoins prend en charge ce témoin et s'en
20 occupe.
21 M. le Président. - Eh bien écoutez l'audience est levée, elle
22 reprendra demain matin à 10 heures.
23 L'audience est levée à 18 heures 15.
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