Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 1

  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL      Affaire IT-95-10-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3  

  4   LE PROCUREUR

  5   c/

  6   JELISIC

  7  

  8         Lundi 30 novembre 1998

  9  

 10   La séance est ouverte à 14 heures 45.

 11   M. le Président. - Veuillez-vous asseoir. Monsieur le Greffier,

 12   pouvez-vous annoncer le numéro de l'affaire.

 13   M. le Greffier. - Il s'agit de l'affaire IT-95-10-T.

 14   M. le Président. - Je salue les conseils de l'accusation qui va

 15   se présenter, mais auparavant je voudrais que nous fassions rentrer

 16   l'accusé.

 17   (L'accusé est introduit dans le prétoire)

 18   Vous pouvez vous asseoir, je vais vous demander ensuite votre

 19   identité précise, Monsieur Jelisic, pour la bonne forme. Je voudrais que

 20   les conseils de l'accusation se présentent, puis les conseils de la

 21   défense. Monsieur Jelisic, vous pouvez vous asseoir. Je vous demanderai de

 22   vous relever ensuite.

 23   D'abord les conseils de l'accusation dans la présente affaire

 24   peuvent-ils se présenter ?

 25   M. Bowers (interprétation). - Bonjour monsieur le Président,


Page 2

  1   messieurs les Juges, je m'appelle Terry Bowers, je représente le Bureau du

  2   Procureur avec Me Vladimir Tocilovsky. A mes côtés également Me Jeffrey

  3   Nice qui prendra ma place lorsque je quitterai le Tribunal d'ici quelques

  4   temps. Merci.

  5   M. le Président. - Vous voulez déjà nous quitter avant de

  6   commencer, Monsieur Terry Bowers, ce n'est pas très gentil.

  7   Les conseils de la défense ?

  8   M. Londrovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

  9   Je m'appelle Veselin Londrovic, je suis avocat de Bijeljina. Je suis

 10   accompagné par mes confrères M. Greaves de Grande-Bretagne et M. Babic de

 11   Novi Sad.

 12   M. le Président. - Est-ce que le confrère de Grande-Bretagne

 13   peut m'épeler son nom et se présenter ?

 14   M. Greaves (interprétation). - Je m'appelle Maître Michaël

 15   Greaves.

 16   M. le Président. - Merci beaucoup.

 17   M. Greaves (interprétation). - Je suis du barreau d'Angleterre

 18   et barreau du Pays de Galles, nous faisons une petite distinction entre ce

 19   barreau-ci et celui de nos confrères écossais.

 20   M. le Président. - Vous rentrez dans des problèmes de

 21   nationalité, qui nous emmèneraient très loin. Vous êtes du barreau de

 22   Grande-Bretagne.

 23   Je voudrais également que M. Jelisic se lève et nous rappelle

 24   son nom, son prénom, son âge, sa date de naissance, sa profession avant

 25   son arrestation et son lieu de résidence avant son arrestation.


Page 3

  1   Monsieur Jelisic, voulez-vous vous lever ? Est-ce que M. Jelisic

  2   reçoit l'interprétation ? Apparemment, il y a un problème d'interprétation

  3   pour M. Jelisic. Bien. Je vais vous demander de vous lever et de dire à

  4   haute et intelligible voix, votre nom, votre prénom, votre date et votre

  5   lieu de naissance, votre profession avant votre arrestation et votre lieu

  6   de résidence avant votre arrestation.

  7   M. Jelisic (interprétation). - Je m'appelle Goran Jelisic de

  8   Bijeljina. Je suis né le 7 juin 1968 à Bijeljina. Avant, j'ai travaillé à

  9   Semberija ; c'est une exploitation agricole à côté de Bijeljina.

 10   M. le Président. - Et vous habitiez à Bijeljina je suppose

 11   aussi ?

 12   M. Jelisic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 13   M. le Président. - Je vous remercie, vous pouvez-vous asseoir.

 14   Je dis à l'intention du public qu'il n'est pas coutumier que les Juges

 15   prennent l'audience avec ce qui peut apparaître comme un grand retard,

 16   simplement les Juges avaient à conférer sur un certain nombre de points

 17   importants avant l'ouverture du présent procès. Nous allons poursuivre.

 18   Je crois Monsieur le Procureur que vous allez faire une

 19   déclaration liminaire avant le début du procès. C'est M. Bowers qui prend

 20   la parole.

 21   M. Bowers (interprétation). - Tout à fait Monsieur le Président,

 22   je suis prêt à faire une déclaration liminaire, mais nous avons un certain

 23   nombre de documents que nous souhaiterions vous soumettre avant.

 24   Nous demandons d'abord une ordonnance aux fins de mesures de

 25   protection, je ne sais pas si vous voulez d'abord trancher cela ?


Page 4

  1   M. le Président. - Vous allez donc faire la présentation

  2   liminaire de l'affaire dans le cadre de l'article 84, mais avant -asseyez-

  3   vous, Monsieur le Procureur- je voudrais vous dire que, notamment pour le

  4   public qui nous écoute et qui suit nos travaux, les audiences de ce

  5   Tribunal étant publiques, sauf exceptions qui sont dûment expliquées, le

  6   25 novembre, il y a donc quelques jours, les Juges de ce Tribunal -je vous

  7   rappelle qu'il est composé à ma droite de M. le Juge Riad et à ma gauche

  8   de M. le Juge Rodrigues, et que moi-même, qui en préside la formation, je

  9   suis le Juge Jorda- nous avons essayé de répondre à une interrogation de

 10   la

 11   défense, et de l'accusé notamment, sur le point de savoir si l'accusé

 12   était apte à comparaître lors de son procès. Et donc nous avons soumis

 13   M. Jelisic à une expertise médicale, médico-psychologique.

 14   Monsieur le Greffier, pouvez-vous rappeler les trois conclusions

 15   du rapport du Dr Duits et du Dr Van der Veen, les deux psychiatres

 16   assermentés ? Est-ce que vous les avez, sinon je les lirai moi-même si

 17   vous ne les avez pas ? Vous les avez ?

 18   M. le Greffier. - Alors trois questions avez été posées. Je

 19   lis ?

 20   M. le Président. - Vous lisez les conclusions et les réponses

 21   aux questions posées, s'il vous plaît.

 22   M. le Greffier. - La première question était : "L'accusé

 23   souffre-t-il d'une maladie mentale, si oui de laquelle s'agit-il ?" La

 24   réponse est : "Le patient ne souffre d'aucune maladie mentale, cependant

 25   de trouble profond de la personnalité. En effet le patient présente une


Page 5

  1   personnalité limite, et ce probablement depuis l'adolescence. Il a des

  2   tendances narcissiques et antisociales venues vraisemblablement se greffer

  3   sur un trouble du comportement préexistant."

  4   M. le Président. - Je voudrais simplement que vous relisiez la

  5   toute dernière conclusion, car je ne veux pas rentrer dans les détails

  6   médicaux qui ne concernent pas le public. Je veux que nous sachions bien

  7   que, par rapport aux interrogations légitimes que pourrait se poser la

  8   défense, nous sachions notamment la dernière conclusion, Monsieur le

  9   Greffier, sur l'aptitude à comparaître au procès.

 10   Lisez uniquement la première périphrase : "L'accusé est-il apte

 11   à comparaître lors du procès devant s'ouvrir le 30 novembre 1998, sachant

 12   que la Chambre de première instance siégera pendant trois jours et

 13   reprendra ses travaux en janvier 1999". Lisez simplement la première

 14   phrase de cette conclusion, la deuxième étant plus médicale et ne

 15   concernant pas le public, ne concerne que M. Jelisic, lui-même.

 16   M. le Greffier. - Oui, le patient est apte à comparaître au

 17   procès.

 18   M. le Président. - Bien, c'est en l'état de ces conclusions qui

 19   sont bien plus détaillées, mais que, pour des raisons que chacun

 20   comprendra ici, nous ne pouvons pas divulguer, que M. Jelisic est donc

 21   présent à son procès ce qui correspondait...

 22   Oui, Maître Londrovic, vous voulez intervenir ? Je termine juste

 23   ma phrase.

 24   ... M Jelisic avait exprimé cette demande, mais également fait

 25   confiance aux Juges pour savoir quel était le moment opportun où son


Page 6

  1   procès commencerait.

  2   Maître Londrovic, vous avez la parole.

  3   M. Londrovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

  4   voudrais vous demander, s'il vous plaît, de passer à huis clos très

  5   brièvement pour que la défense puisse soulever un certain nombre de

  6   questions de procédure.

  7   M. le Président. - Je me tourne vers mes collègues. Vous

  8   préférez les soulever avant la déclaration liminaire du Procureur,

  9   Maître Londrovic ?

 10   M. Londrovic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 11   (Les Juges se consultent sur le siège)

 12   M. le Président. - Vous en avez pour longtemps,

 13   Maître Londrovic, de vos questions ?

 14   M. Greaves (interprétation). - En fait, c'est moi, Monsieur le

 15   Président, qui vais discuter de ces sujets. Il me faudra une quinzaine de

 16   minutes, environ.

 17   M. le Président. - Nous allons passer à huis clos partiel pour

 18   ces questions-là. Après, nous reprendrons en audience publique pour

 19   l'exposé de la déclaration liminaire du Procureur.

 20   Monsieur le Greffier, vous passez à huis clos partiel, s'il vous

 21   plaît.

 22   (Huis clos partiel)

 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


Page 7

  1  

  2   

  3  

  4  

  5  

  6  

  7  

  8  

  9  

 10  

 11   Pages 7 à 10 - expurgées - audience à huis clos partiel.

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  


Page 11

  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (Audience publique)

 15   M. Greaves (interprétation). – Précisément, Monsieur le

 16   Président, et je voudrais très rapidement reparler de l'article 21 du

 17   statut. Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 18   que l’article 21, en son alinéa 4 décrit quelles sont les garanties

 19   minimum qui doivent être assurées à un accusé.

 20   Trois sont particulièrement pertinentes, notamment

 21   l’article 21(iv)(b) indique que l'accusé a le droit de disposer du... et

 22   des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, et il a le droit

 23   de communiquer avec le conseil de son choix.

 24   L’article 21(iv)(c) précise que l’accusé a le droit d’être jugé

 25   sans retard excessif.


Page 12

  1   Enfin, l’article 21(iv)(f) précise que l'accusé a le droit de se

  2   faire assister gratuitement d’un interprète si l'accusé ne comprend pas ou

  3   ne parle pas la langue employée à l’audience.

  4   L'article 21(iv)(b) est particulièrement pertinent en l'espèce

  5   puisqu'il garantit le droit de l'accusé à communiquer avec un Conseil de

  6   son choix. L'accusé a choisi un Conseil principal, et il m'a choisi moi

  7   pour être co-conseil. Mais jusqu'à présent, nous n'avons pas eu l'occasion

  8   de communiquer réellement et d'établir quelle serait sa stratégie de

  9   défense, et c'est la raison pour laquelle je me dis que si j'avais à mener

 10   à bien un contre interrogatoire d'un témoin, je sentirais que je ne suis

 11   pas tout à fait à même de le mener de manière efficace.

 12   La troisième raison que nous invoquons est la suivante : nous

 13   avions préparé un document qui établit trois moyens de défense spéciaux.

 14   Ce document n'a pas encore été officiellement déposé au Greffe. Ces trois

 15   éléments principaux de défense sont la défense d'alibis relatifs à des

 16   événements qui se sont produits après le 19 mai 1992. Le deuxième moyen de

 17   défense est l'atténuation de la responsabilité mentale, et le troisième

 18   élément de défense spéciale est la contrainte de supérieur hiérarchique.

 19   Je n'ai pas eu le temps de me pencher en détail sur ce document préparé

 20   par mes collaborateurs.

 21   D'autre part, Monsieur le Président, vous venez de faire

 22   référence aux conclusions du rapport médical ; les conclusions de ce

 23   rapport ont été lues publiquement. Ce rapport, à l'origine, est un

 24   document néerlandais, il n'a pas encore été, pour autant que je sache,

 25   traduit en anglais ou en français et je crois que la traduction ne sera


Page 13

  1   disponible que mercredi prochain.

  2   Ce rapport a trait à la question de savoir si l'accusé est apte

  3   à suivre le procès, certes, mais il a un lien direct avec l'élément de

  4   défense spéciale que nous invoquons, à savoir la question de l'atténuation

  5   de la responsabilité mentale. Nous avons entendu ce qu'a dit le greffier

  6   d'audience, et ce qu'a dit le greffier d'audience et ce qu'il a lu du

  7   rapport nous permet de penser

  8   que ce rapport a un trait direct avec la question de l'intention

  9   délictueuse de l'accusé.

 10   Nous comprenons fort bien, Monsieur le Président, qu'il y a ici,

 11   à la Haye, des témoins qui sont prêts à comparaître devant la Chambre de

 12   première instance, nous sommes bien conscients du fait que tout report de

 13   leur comparution entraînera des retards que personne ne souhaite.

 14   Je souhaite vous persuader, Monsieur le Président, que nous

 15   partageons entièrement les préoccupations qui sont celles de la section

 16   d'aide aux victimes et aux témoins, pour ce qui est de la venue des

 17   témoins à la Haye et de leur comparution. Chacun souhaite que cela se

 18   passe dans les meilleures conditions possibles, mais nous maintenons notre

 19   demande de report de l'ouverture du procès.

 20   Étant données les circonstances de l'espèce, Monsieur le

 21   Président, nous pensons qu'il serait bon que soient assurées les garanties

 22   qui sont stipulées à l'article 21. Ceci permettrait à l'ensemble de

 23   l'équipe de la défense, choisie par l'accusé, de se préparer entièrement à

 24   l'ouverture du procès.

 25   Le chef d'accusation retenu contre l'accusé est excessivement


Page 14

  1   grave et l'accusé pourrait se voir condamner à une peine de prison à

  2   perpétuité. Il est fondamental que l'accusé ait la possibilité de savoir

  3   et d'être convaincu du fait que ses conseils de la défense sont prêts, et

  4   il est essentiel qu'il puisse  communiquer librement avec ses conseils de

  5   la défense. Bien sûr que ceci devra entraîner un certain retard, mais le

  6   seul grief que cela entraînerait pour l'accusation serait le suivant : des

  7   témoins sont venus ici à la Haye pour comparaître devant vous, ces témoins

  8   devront malheureusement rentrer chez eux si vous décidez d'accéder à notre

  9   demande, et je crois que nous essaierons bien sûr, de notre côté, de faire

 10   en sorte que le retard encouru soit le plus mince possible.

 11   D'autre part, Monsieur le Président, ce petit retard nous

 12   permettra peut-être de redéfinir les questions que vous aurez à trancher,

 13   Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 14   J'ai parlé à mes collègues de l'accusation ce matin et j'ai précisé que

 15   nous pourrions, entre nous, essayer de voir si nous ne pouvions pas

 16   réduire le nombre de questions sur lesquelles vous aurez à vous prononcer.

 17   Au vu de tous ces éléments et de toutes ces circonstances,

 18   Monsieur le Président, nous vous demandons de faire droit à notre demande

 19   de report de la date d'ouverture du procès.

 20   M. le Président. - Vous ne nous avez pas dit l'essentiel

 21   Maître Greaves. Combien de temps vous voulez reporter le procès ? Ce que

 22   vous annoncez suppose une préparation très longue je vous signale.

 23   M. Greaves.(interprétation). - J'aurais deux dernières

 24   suggestions à faire, Monsieur le Président. Si vous êtes contre la

 25   proposition que je viens de formuler, j'aurais deux autres options


Page 15

  1   possibles. La première est la suivante : si vous souhaitez débuter ce

  2   procès, eh bien, vous ne pourrez entendre que la déclaration liminaire de

  3   l'accusation et ensuite suspendre l'audience.

  4   Ainsi, nous pourrions dire que nous avons effectivement ouvert

  5   le procès dans les délais prévus. Je ne sais pas combien de temps

  6   l'accusation a prévu pour sa déclaration liminaire, mais ceci pourrait

  7   nous amener jusqu'à demain matin.

  8   Deuxième option, et j'en ai parlé avec Me Bowers, et je sais que

  9   c'est une option qui ne plaît pas particulièrement à l'accusation, mais je

 10   vous la présente pour que vous puissiez l'étudier vous-même : nous

 11   pourrions ouvrir ce procès en entendant la déclaration liminaire de

 12   l'accusation et ensuite, nous pourrions citer certains témoins mais en ne

 13   procédant qu'à leur interrogatoire principal et en oubliant leur contre-

 14   interrogatoire pour l'instant.

 15   Je comprends que l'accusation est assez réticente devant cette

 16   suggestion, mais je l'ai proposée comme option éventuelle. Messieurs les

 17   Juges, je sais que les droits de l'accusé vous préoccupent beaucoup, que

 18   vous souhaitez que le procès soit rapide. C'est une question que j'ai

 19   étudiée moi-même, lorsque je vous ai demandé d'étudier les différents

 20   droits de l'accusé en vertu

 21   de l'article 21 du Statut.

 22   Nous en avons parlé longuement avec l'accusé lui-même, nous lui

 23   avons demandé son opinion sur l'éventuel retard quant à l'ouverture du

 24   procès et il a insisté pour que nous déclarions qu'il était tout à fait

 25   d'accord avec nos propositions, celles que nous avons formulé en son nom.


Page 16

  1   Par conséquent, il est tout à fait d'accord avec nous.

  2   Pour ce qui est de la question que vous venez de poser,

  3   Monsieur le Président, je crois que j'ai entendu parler du mois de

  4   janvier 1999, mais je voudrais que tout soit prêt au tout début de

  5   l'année, au 1er janvier.

  6   Je pense que je n'ai pas oublié d'argument. Y a-t-il d'autres

  7   questions ou arguments que je pourrais présenter ?

  8   M. le Président. - Pour que le débat soit très clair,

  9   Maître Greaves, nous allons essayer de demander à l'accusation ses

 10   observations. Je n'ai pas compris, Maître Greaves. Finalement, vous voulez

 11   que l'on retarde le procès pour M. Jelisic ou pour vous-même ? Pour

 12   l'instant, j'ai cru comprendre que c'est surtout pour vous qu'il fallait

 13   retarder le procès. C'est quand même vous qui n'étiez pas là au début,

 14   c'est vous qui arrivez aujourd'hui, c'est vous qui n'étiez pas à la

 15   conférence préalable au procès qui s'est tenue, je crois M. Fourmy, le

 16   18 novembre. J'ai entendu des arguments très pertinents sur les droits,

 17   j'ai même entendu le droit de l'accusé à un procès rapide. Et,

 18   aujourd'hui, vous nous arrivez, paré du prestige d'avoir participé au

 19   procès Celebici.

 20   J'ai cru comprendre que les arguments étaient surtout pour vous

 21   permettre de vous entretenir avec un accusé qui parle serbo-croate. Vous

 22   nous avez dit que vous saviez demander une bière en serbo-croate. Je ne

 23   sais pas si, d'ici la fin janvier, vous saurez parler le serbo-croate de

 24   façon à vous entretenir avec votre client. Ce n'est pas la première fois

 25   que nous avons un avocat anglo-saxon.


Page 17

  1   J'ai vérifié les textes, Maître Greaves, il suffit qu'un avocat

  2   sache parler l'une des

  3   deux langues du Tribunal. Nous avons plutôt le problème inverse, Maître,

  4   c'est parfois des avocats qui ne parlent que le serbo-croate et que le

  5   Greffe accepte néanmoins, contrairement aux textes en vigueur.

  6   Je ne sais pas si, au mois de janvier, vous parlerez le serbo-

  7   croate de façon à vous entretenir de façon particulièrement efficace avec

  8   l'accusé.

  9   Concernant l'accord de l'accusé, nous l'avons interrogé. Nous

 10   n'avons pas attendu que vous soyez là, Maître Greaves, pour interroger

 11   l'accusé. Il n'y a pas de fois où M. Jelisic est ici, sans que nous lui

 12   donnions la parole. Nous l'avons entendu, la dernière fois, réfuter,

 13   récuser Maître Kostic.

 14   Je me pose la question, Maître Greaves, si fin janvier, quand

 15   vous, vous serez prêt et que, par exemple M. Jelisic, ou vous-même, ou

 16   Me Londrovic, demandera la présence d'un quatrième défenseur, qui sera

 17   d'une nationalité tout à fait différente, nous aurons encore à permettre

 18   au défenseur...

 19   Je crois que les droits de l'accusé sont très pris au sérieux

 20   par vous, c'est votre mission, vous êtes commis d'office pour cela, mais

 21   également par les Juges. Mais les Juges ont également une mission tout

 22   aussi élevée.

 23   Je voudrais entendre d'abord le Procureur et ensuite, nous

 24   entendrons vos collègues de la défense.

 25   Monsieur Tocilovsky, si vous voulez prendre la parole.


Page 18

  1   M. Tocilovsky (interprétation). - Messieurs les Juges, cela fait

  2   plusieurs fois que nous nous retrouvons dans la même situation dans cette

  3   affaire. Goran Jelisic, ou plutôt son premier conseil de la défense, qui

  4   était M. Pantelic, s'est retiré de cette affaire en avril de cette année à

  5   la demande de l'accusé lui-même.

  6   Par la suite, en août 1998, M. Kostic a été désigné en tant que

  7   co-conseil de M. Jelisic. Peu de temps après, M. Kostic a demandé à ce que

  8   la date du procès soit reportée en

  9   novembre 1998. Toujours à la demande de l'accusé, M. Kostic s'est retiré

 10   de cette affaire. Et maintenant, c'est M. Greaves qui est désigné pour

 11   être le conseil de M. Jelisic. Ceci porte préjudice à la suite de cette

 12   procédure, à savoir qu'un nouveau report est demandé.

 13   Le fait est que M. Londrovic est toujours le conseil principal

 14   de M. Jelisic. M. Greaves n'est là que pour lui prêter assistance.

 15   M. Londrovic est le conseil principal de ce conseil et l'a été depuis

 16   avril 1998. Depuis cette date, il a eu plus de six mois pour lire les

 17   déclarations de témoins, pour préparer ses arguments et ses contre-

 18   interrogatoires.

 19   Par conséquent, l'accusation ne pense pas qu'il y ait une

 20   quelconque violation de l'article 21 du Statut. Par conséquent, nous

 21   faisons objection à tout report éventuel de l'ouverture de ce procès.

 22   Sur la préparation au contre interrogatoire de Me Greaves, l'un

 23   des co-conseils dans cette affaire, la défense peut commencer à contre

 24   interroger le premier témoin de l'accusation aujourd'hui et peut

 25   poursuivre ce contre-interrogatoire demain matin.


Page 19

  1   Par conséquent, pour un avocat si expérimenté que M. Greaves, je

  2   crois qu'il y aura suffisamment de temps pour préparer le contre-

  3   interrogatoire à la fois du premier témoin et du deuxième témoin de

  4   l'accusation, qui sera cité à la barre soit aujourd'hui soit demain.

  5   Par conséquent, l'accusation ne considère pas qu'il y ait de

  6   violation de l'article 21 et nous insistons sur le fait que l'ouverture du

  7   procès ne soit pas reportée, malgré la demande de la défense.

  8   Nous demandons donc que nos travaux commencent dès aujourd'hui.

  9   Merci Messieurs les Juges.

 10   M. le Président. - Mais avant de délibérer, je voudrais demander

 11   leur avis successivement à Me Londrovic, Me Babic et, ensuite, M. Jelisic.

 12   Maître Londrovic, cela correspond à quoi ? Vous étiez perdu ?

 13   Vous êtes le conseil principal de l'accusé depuis des mois. Vous ne nous

 14   avez pas annoncé cela, le 18 novembre, à la conférence de mise en état,

 15   que vous étiez en difficulté, que vous alliez faire appel à un autre

 16   avocat, bien au contraire ?

 17   Vous nous avez confirmé que Me Kostic, lorsque j'ai interrogé

 18   M. Jelisic, n'était plus le troisième conseil de l'accusé. Aujourd'hui, on

 19   voit surgir un adjoint. Vous pouvez donner quand même quelques

 20   explications aux Juges ? Nous les souhaitons. Vous avez la parole.

 21   M. Londrovic (interprétation). - Monsieur le Président, le

 22   18 novembre, lors de l'audience, l'accusé, Goran Jelisic, vous a dit que

 23   M. Kostic ne serait plus son co-conseil. M. Nicolas Kostic, l'avocat des

 24   États-Unis est malade, il est diabétique et puis il a une maladie de

 25   poumons et de toute façon, il ne pouvait pas remplir sa tâche, il ne


Page 20

  1   pouvait pas préparer la défense. M. Jelisic s'est énervé et il lui avait

  2   demandé tout simplement de partir, de ne plus être son Conseil. C'est moi

  3   qui aurait pu le faire à sa place et comme il avait insisté, M. Goran

  4   Jelisic, j'étais d'accord avec lui et j'en ai informé le Greffe.

  5   En ce qui me concerne, M. Babic également, nous considérons

  6   qu'il s'agit d'un procès extrêmement grave, je dirais même que c'est un

  7   procès historique car c'est pour la première fois qu'on va juger des

  8   crimes de génocide.

  9   M. Babic et moi-même nous connaissons le régime civiliste et

 10   nous devons être assistés par notre confrère M. Greaves, c'est sur lui que

 11   nous avons porté notre décision, étant donné qu'il connaît très bien le

 12   système juridique qui n'est pas celui que nous connaissons. Je suis sûr

 13   que, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous êtes un petit peu

 14   énervés d'entendre une telle défense, mais j'espère que vous allez quand

 15   même pouvoir retrouver confiance en la défense et que vous allez

 16   comprendre que c'est certainement la dernière fois, et que nous n'allons

 17   certainement pas réclamer un fois de plus d'ajourner les débats.

 18   C'est l'ouverture du procès, c'est la raison pour laquelle,

 19   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous vous prions de bien

 20   vouloir prendre en considération tous ces éléments et je me porte garant

 21   que nous n'allons plus jamais réclamer quoi que se soit comme

 22   modification, et que nous allons pouvoir très vite commencer le procès,

 23   car je pense que c'est entre le 25 et 29 qu'on avait prévu la suite du

 24   procès.

 25   Par conséquent, nous n'allons pas perdre beaucoup de temps, et


Page 21

  1   dans le cadre d'un procès extrêmement grave et pénible, la défense

  2   pourrait se préparer de manière beaucoup plus solide qu'elle n'est. Elle

  3   n'est pas préparée à ce point-là en ce moment. Merci Monsieur le

  4   Président.

  5   M. le Président. – Maître Babic, même question qu'à

  6   Me Londrovic… j'attends que vous ayez mis les écouteurs. Même question que

  7   je pose à Me Londrovic. Je n'avais pas cru comprendre, le 18 novembre, que

  8   vous alliez faire appel à renfort.

  9   M. Babic (interprétation). - Monsieur le Président, je ne

 10   pourrai pas dire quoi que ce soit de plus. C'est Me Londrovic qui a parlé

 11   en notre nom et en mon nom et au sien. Il est vrai que Me Londrovic et

 12   moi-même sont dans la situation où nous avons énormément de problèmes.

 13   Nous devons organiser tout ce qu'il faut, bien nous préparer

 14   véritablement, commencer le procès conformément au statut et au règlement

 15   de la procédure et des preuves.

 16   Nous pensons que nous avons véritablement résolu le problème de

 17   la composition de la défense et nous sommes sûrs que nous allons pouvoir

 18   nous préparer si on ajourne le procès comme ceci a été demandé par

 19   Me Londrovic. Merci Monsieur le Président et Messieurs les Juges.

 20   (Les Juges se consultent sur le Siège).

 21   M. le Président. - Avant que les Juges ne délibèrent sur le

 22   siège vraisemblablement, M. Jelisic vous pouvez vous lever, s'il vous

 23   plaît.

 24   (Le témoin s'exécute)

 25   M. le Président. – Alors, vous aviez, la dernière fois que nous


Page 22

  1   nous sommes vus, c'est-à-dire dans la conférence préalable au procès, nous

  2   avons examiné tous les contours du procès qui allait se dérouler quelques

  3   jours après. Et en ce qui concernait vos défenseurs, il était clair que

  4   vous ne souhaitiez plus avoir un de vos défenseurs, Me Kostic, et que vous

  5   faisiez confiance à Me Londrovic et Me Babic.

  6   Quel est votre point de vue à l'heure actuelle ?

  7   Est-ce que cela vous pose des problèmes particuliers ? Exprimez-

  8   vous avant que les Juges ne délibèrent. Vous avez des problèmes

  9   particuliers, vous avez donc vos deux défenseurs et vous en avez un

 10   troisième qui arrive, et qui va bien sûr s'adapter au cours du procès.

 11   Alors quel est votre point de vue, s'il vous plaît, expliquez-le aux

 12   Juges ?

 13   M. Jelisic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs

 14   les Juges, il y a quelques jours, il y a un certain nombre de problèmes

 15   qui se sont produits, effectivement en ce qui concerne la défense.

 16   Tout ce que je pourrais dire, c'est que j'appuie l'attitude de

 17   mes conseillers pour qu'ils assurent la qualité de ma défense et c'est

 18   dans mon intérêt, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 19   M. le Président. - Je vous en remercie. Les Juges vont délibérer

 20   sur le Siège.

 21   M. Jelisic (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

 22   (Les Juges se consultent sur le siège)

 23   M. le Président. – Bien, Maître Greaves, Maître Londrovic,

 24   Maître Babic, défenseurs, Maître Tocilovski, qui ont répondu, les Juges

 25   décident en fonction des considérations suivantes : ils considèrent


Page 23

  1   premièrement, qu'il y a déjà eu beaucoup de changements sur le banc de la

  2   défense depuis le début, depuis l’arrestation de Monsieur… en tout cas

  3   depuis que M. Jelisic est à La Haye.

  4   Deuxièmement, que Jelisic a en permanence eu deux défenseurs, de

  5   surcroît parlent la langue de l'accusé, dont Me Londrovic qui est le

  6   conseiller principal assisté de Me Babic, qui connaissent parfaitement le

  7   dossier.

  8   A Me Graves plus particulièrement, les Juges font observer qu'il

  9   n'y a pas de

 10   système juridique plus dominant qu'un autre. C'est vrai que vous

 11   retrouverez, les Juges font observer qu’on retrouve, à travers la lecture

 12   que vous ne manquerez pas de faire, Maître Greaves, du Règlement de preuve

 13   et de procédure, des traits caractéristiques de certains systèmes qui sont

 14   plus familiers à tel ou tel avocat venant de tel ou tel système. Mais le

 15   Règlement fait une place prépondérante également, en tout cas depuis

 16   juillet dernier, à l'initiative que les Juges doivent avoir.

 17   Quatrièmement, l'article 73 bis, de création récente, a créé une

 18   conférence préalable au procès qui clôture la phase préalable de l'enquête

 19   et met en forme le procès, tant au plan juridique qu’au plan factuel, en

 20   fixe en quelque sorte les contours. Que c'est dans ce cadre-là,

 21   d'ailleurs, que l'article 73 bis, paragraphe F permet, si la Chambre le

 22   demandait, elle ne l'a pas fait, mais si la défense l'avait voulu, de

 23   déposer sept jours au moins avant la date d’ouverture du procès -la

 24   conférence ayant eu lieu, je le rappelle, le 18 novembre- une liste de

 25   points de fait et de droit reconnus, ainsi qu'un mémoire préalable.


Page 24

  1   A cet égard, cinquièmement ou sixièmement, la Chambre fait

  2   valoir que s'agissant des défenses d'alibi, elles doivent être présentées

  3   en tout hypothèse avant le début du procès ; c’est l’article 67, et que

  4   cela a été fait d'ailleurs par la défense.

  5   Enfin, sur un plan plus factuel, avant de revenir aux principes,

  6   les Juges font observer que, hélas, pour des raisons tout à fait

  7   différentes et indépendantes d’ailleurs de la volonté des Juges, le procès

  8   va s'ouvrir pendant trois jours aujourd'hui, mais devra s’interrompre

  9   jusqu'à la fin du mois de janvier.

 10   Cela laissera donc à la défense, si cela était nécessaire et

 11   notamment à Me Greaves, le requérant, le temps tout à fait nécessaire pour

 12   se familiariser, non seulement avec le système juridique, non pas de la

 13   Common Law, mais du Tribunal Pénal International, et avec les éléments

 14   factuels du dossier qui lui permettra, bien entendu, de s’entretenir avec

 15   M. Jelisic, non seulement par l'intermédiaire des deux avocats qui parlent

 16   le serbo-croate, mais également par l'interprète que le greffe ne manque

 17   pas de mettre à la disposition des accusés au centre de détention.

 18   Enfin et surtout, les Juges prennent en considération à la fois

 19   les droits de l'accusé, mais également les intérêts supérieurs de la

 20   justice internationale. Les droits de l'accusé ne sont pas du tout

 21   sacrifiés aucunement. L'accusé a formulé, lors de la dernière conférence

 22   de mise en état, le souhait d'avoir un procès qui soit le plus rapide au

 23   possible.

 24   Les textes mêmes des statuts imposent aux Juges et demandent,

 25   selon les standards internationaux très élevés, que le procès soit


Page 25

  1   équitable et rapide. La solution qui est proposée ne conduirait pas à la

  2   rapidité bien au contraire. Quant à l'équité, les Juges estiment que

  3   l'accusé bénéficie d'une défense qui est très fortement structurée depuis

  4   le début de la procédure.

  5   Quant aux intérêts de la justice, il s'y mêle non seulement la

  6   défense que les Juges se font de la conception de leur mission, de la

  7   défense de l'ordre public international ; contrairement à ce que pense le

  8   requérant, il ne s'agit pas d'un système juridique où s'opposent

  9   l'accusation et la défense avec des Juges qui ne seraient que des arbitres

 10   neutres. L'intérêt de la justice commande aussi, et je renvoie la défense

 11   à la lecture détaillée du Règlement, à différentes dispositions, à

 12   l'intérêt supérieur que les Juges attachent à la manifestation de la

 13   vérité.

 14   Il y a enfin, je dis enfin, mais peut être le plus important,

 15   l'intérêt des victimes, et également l'intérêt des témoins. L'intérêt des

 16   témoins qui savent depuis aujourd'hui qu'ils doivent se présenter pour

 17   trois jours en janvier, donc tout retard dans le procès ne pourrait

 18   qu'agrandir le temps de protection, le temps qui est consacré à leur

 19   protection.

 20   Enfin, et c'était nécessaire, et pour conforter M. Greaves dans

 21   l'idée bien ancrée chez les Juges qu'il ne saurait être question de

 22   sacrifier le moins du monde les droits de l'accusé, si cela pouvait

 23   s'avérer nécessaire à un moment donné, il serait toujours réservé une

 24   possibilité de faire un contre-interrogatoire décalé dans le temps.

 25  


Page 26

  1   Les Juges ne le souhaitent pas, l'interrogateur principal en

  2   général, soit aujourd'hui le Procureur, demain vous, ne le souhaitent pas,

  3   mais c'était nécessaire, M. Greaves, les Juges seraient certainement

  4   sensibles à des requêtes en ce sens.

  5   C'est pour l'ensemble de ces considérations que le procès va

  6   commencer après une pause de dix minutes par la déclaration liminaire du

  7   Procureur.

  8   (L'audience, suspendue à 15 heures 40, est reprise à 16 heures)

  9   M. le Président. - Asseyez-vous, s'il vous plaît. Je souhaite

 10   que l'accusé rentre après les Juges. Il n'est pas convenable que l'accusé

 11   attende les Juges, nous ne faisons pas comme ça d'ordinaire, les Juges

 12   rentrent et on fait rentrer l'accusé. Vous voudrez bien y veiller

 13   désormais, merci.

 14   Monsieur le Procureur, vous avez la parole pour la déclaration

 15   liminaire conforme à l'article 84 de notre Règlement de preuve et de

 16   procédure. Vous avez la parole, Monsieur Bowers.

 17   M. Bowers (interprétation). - Merci Monsieur le Président. Avec

 18   votre autorisation, je vais commencer ma déclaration liminaire.

 19   La paix et la prospérité régnaient à Brcko avant que les combats

 20   n'y éclatent. Cette ville se trouve sur la rivière Save qui sépare la

 21   Croatie de la Bosnie-Herzégovine et qui dispose d'un port qui est appelé

 22   Luka.

 23   Luka est un ensemble de taille importante. Lorsque vous passez

 24   le portail d'entrée, vous trouvez à votre droite des bureaux et à votre

 25   gauche des hangars et entrepôts de très grande taille. La ville de Brcko,


Page 27

  1   tout comme la Bosnie-Herzégovine d'ailleurs, était une ville qui avait une

  2   population mixte constituée de Musulmans de Bosnie, de Serbes de Bosnie et

  3   de Croates de Bosnie qui vivaient ensemble. D'après le recensement de

  4   1991, les Musulmans de Bosnie représentaient 45 % de la population locale.

  5   Aujourd'hui, peu de Musulmans demeurent dans cette région.

  6   Vers 5 heures 30 du matin, le 30 avril 1992, la paix qui régnait

  7   à Brcko a volé en éclat sous le coup de deux explosions consécutives qui

  8   ont détruit deux des ponts qui enjambent la rivière Save. La première

  9   explosion a tué de nombreux piétons qui se trouvaient sur le pont au

 10   moment de l'explosion. Des bras, des jambes sont retombés dans les

 11   quartiers centraux de la ville. Les explosions marquaient le signal de

 12   départ de l'attaque lancée par les Serbes de Bosnie dont l'objectif était

 13   de prendre le contrôle de la ville.

 14   Brcko était une cible essentielle pour les Serbes de Bosnie

 15   parce qu'en effet, cette ville se trouve en plein milieu du couloir de

 16   Posabina comme on l'appelle, couloir qui relie la section ouest de la

 17   Bosnie, la Krajina avec les régions Est et Nord-Est, où demeurent les

 18   Serbes de Bosnie.

 19   Le corridor de Posabina était en fait une voie de passage entre

 20   les deux territoires géographiques tenus par les Serbes de Bosnie. C'est

 21   parce que Brcko était d'une telle importance que les Serbes de Bosnie ont

 22   déclenché une violente campagne de nettoyage ethnique dans la

 23   municipalité.

 24   Les unités d'artillerie de la JNA ont pilonné la ville, tandis

 25   que les milices locales, les unités paramilitaires d'autres régions de


Page 28

  1   Bosnie et de Serbie et d'autres unités volontaires ont formé ce que l'on

  2   peut appeler une véritable vague de destruction et ont mené à bien un

  3   nettoyage ethnique dans tout le secteur. Les habitants non serbes en ont

  4   été expulsés.

  5   L'accusé Goran Jelisic est l'un des individus qui a été envoyé à

  6   Brcko pour apporter sa contribution à la campagne de nettoyage ethnique.

  7   Avant la guerre, Goran Jelisic était un mécanicien agricole originaire de

  8   Bijeljina, une ville qui se trouve au sud-est de Brcko.

  9   Plus tôt, en 1992, un tribunal local avait condamné

 10   Goran Jelisic à trois années d'emprisonnement, il avait été reconnu

 11   coupable de fraude. Cependant, les autorités serbes de Bosnie avaient

 12   d'autres projets pour Jelisic et, très peu de temps après, Goran Jelisic

 13   s'est trouvé revêtu d'un uniforme de police en plein centre de Brcko.

 14   Sa présence dans cette ville en 1992 faisait partie de la

 15   stratégie des Serbes de Bosnie qui visait à ouvrir les portes de la

 16   prison, afin que suffisamment de personnes puissent participer à la mise

 17   en oeuvre des activités de nettoyage ethnique et aux activités

 18   génocidaires menées dans le courant de l'été et du printemps 1992.

 19   Nous ne savons pas quelle est la date exacte de l'arrivée de

 20   Goran Jelisic à Brcko, mais d'après certains témoins oculaires, nous

 21   savons que, dans le courant de la première semaine du mois de mai 1992,

 22   Goran Jelisic exécutait des prisonniers à l'extérieur du poste de police

 23   qui se trouve au centre ville de Brcko.

 24   Une photographie prise lors de ces exécutions a été diffusée

 25   dans la presse internationale. L'accusation vous soumettra cette


Page 29

  1   photographie dans le cadre de la présentation de ses éléments de preuve.

  2   Il s'agit là d'un élément spectaculaire qui vous montre quels étaient les

  3   agissements de Goran Jelisic à Brcko à cette époque-là.

  4   Goran Jelisic a reconnu qu'il était le policier que l'on voyait

  5   sur cette photographie, il a reconnu qu'il avait été le bourreau qui avait

  6   exécuté cette victime.

  7   Goran Jelisic ayant plaidé coupable, la Chambre de première

  8   instance sait désormais que Jelisic a abattu d'autres prisonniers à

  9   l'extérieur de ce poste de police.

 10   Après avoir exécuté ces détenus au poste de police,

 11   Goran Jelisic s'est rendu dans les entrepôts de Luka près de la rivière

 12   Save. C'est là que des centaines de Musulmans et Croates de Bosnie étaient

 13   détenus. Pendant deux semaines environ, Goran Jelisic a agi en tant que

 14   principal bourreau du camp de Luka. Il avait pouvoir de vie et de mort. Il

 15   tuait systématiquement et de façon répétée des détenus musulmans, ainsi

 16   que quelques Croates.

 17   Ses signes distinctifs étaient une chemise de police bleue, un

 18   revolver et une préférence marquée pour l'exécution de prisonniers au-

 19   dessus d'une grille de métal.

 20   Le champ couvert par ce procès sera beaucoup plus nettement

 21   délimité que dans le cadre d'autres procès entendus par ce Tribunal, car

 22   l'accusé a reconnu qu'il était coupable de douze des meurtres retenus dans

 23   l'acte d'accusation.

 24   La défense et le Bureau du Procureur ont ensemble soumis un

 25   certain nombre d'éléments factuels qui ont servi de fondement au plaidoyer


Page 30

  1   de culpabilité de l'accusé. Des enquêteurs du Bureau se sont entretenus

  2   longuement avec Goran Jelisic et il ne nie pas qu'il a commis des crimes

  3   multiples dans l'enceinte de Luka. Il a même reconnu qu'il avait commis

  4   des meurtres qui ne sont pas retenus contre lui dans l'acte d'accusation.

  5   Au cours de ce procès, nous vous soumettrons certaines des

  6   déclarations les plus révélatrices qui ont été faites par Goran Jelisic à

  7   nos enquêteurs. Du fait des points ayant fait l'objet d'un accord entre

  8   les parties et du fait des plaidoyers de culpabilité, l'accusation, dans

  9   le cadre de sa présentation des éléments à charge, démontrera notamment

 10   que Goran Jelisic a perpétré ces actes dans le cadre de ce qui constitue

 11   l'intention requise pour établir un crime de génocide.

 12   Comme le Tribunal le sait fort bien, afin de d'établir la

 13   culpabilité de Goran Jelisic pour génocide, l'accusation doit prouver au

 14   delà de tout doute raisonnable que Goran Jelisic a commis ces meurtres au

 15   poste de police et à Luka dans l'intention de détruire en tout ou en

 16   partie un groupe racial, ethnique ou religieux.

 17   Afin d'établir l'acte d'accusation, le Bureau du Procureur a

 18   déclaré que Goran Jelisic avait commis ces meurtres dans le cadre de son

 19   intention de détruire une partie de la population musulmane de Bosnie.

 20   D'emblée, il convient que souligner que, d'après la loi,

 21   Goran Jelisic pourrait être considéré comme coupable de génocide s'il

 22   avait commis un seul meurtre dans le cadre d'une intention de détruire un

 23   groupe racial, ethnique ou religieux.

 24   Cependant, en l'espèce, nous démontrerons que Goran Jelisic a

 25   tué un nombre


Page 31

  1   important de personnes au cours de cette explosion de folie génocidaire.

  2   Jamais nous ne pourrons établir le nombre exact de ces victimes. Si nous

  3   lui demandions d'établir ce nombre, il en serait lui-même incapable, car

  4   il a commis ces crimes sans s'apercevoir réellement de l'étendue de ses

  5   actes et sans essayer d'établir le nombre de ces exécutions.

  6   Si nous nous en tenons, ne serait-ce qu'à la plus petite

  7   proportion des chiffres avancés par Goran Jelisic, alors nous pouvons dire

  8   qu'il a tué plus de cent personnes. Certes, le nombre des victimes est un

  9   élément important pour engager les poursuites dans le cadre de ce procès,

 10   mais ici, l'accusation démontrera également qu'une proportion du groupe

 11   que Goran Jelisic souhaitait détruire était en fait une partie très

 12   importante de la population musulmane qui vivait à cette époque-là dans la

 13   municipalité de Brcko.

 14   Les autorités serbes de Bosnie qui se trouvaient dans la

 15   municipalité ont établi des listes des individus qui devaient être

 16   exécutés, ils ciblaient notamment les intellectuels, les hommes en âge de

 17   combattre et les dirigeants politiques de la région.

 18   A la fin de la présentation des éléments de preuve de

 19   l'accusation, vous vous apercevrez que le groupe ciblé par Goran Jelisic

 20   était important de par le fait qu'il regroupait tous les notables de la

 21   communauté musulmane de Bosnie de la région, mais également important par

 22   son nombre.

 23   Dans les affaires pénales, où l'accusation doit démontrer quelle

 24   était l'intention subjective de l'accusé, l'accusation doit souvent

 25   s'appuyer exclusivement sur des éléments de preuve indirects. C'est ainsi


Page 32

  1   qu'elle essaie de prouver l'existence de cette intention.

  2   Dans le cadre de cette affaire contre Goran Jelisic, cependant

  3   on s'aperçoit que cette affaire se distingue par l'atrocité des crimes qui

  4   ont été commis et également par le fait que nous disposons de nombreux

  5   témoins qui peuvent venir témoigner sur ce que Jelisic a dit au moment de

  6   ces meurtres.

  7   Les paroles prononcées par une personne sont l'indice le plus

  8   révélateur qui soit du fonctionnement de son esprit. Nous donnerons à

  9   cette Chambre la possibilité d'entendre et d'analyser les paroles

 10   utilisées par M. Jelisic lui-même, lorsqu'il perpétrait ces actes de

 11   génocide.

 12   Les arguments-clé de l'accusation seront confirmés par les

 13   témoins victimes qui ont vu et entendu Goran Jelisic, lorsque qu'il s'est

 14   rendu coupable des activités constituant des actes de génocide à Brcko. De

 15   nombreux témoignages se recouperont.

 16   Permettez-moi de passer en revue rapidement certains des

 17   témoignages que vous entendrez et qui prouveront l'intention requise pour

 18   établir le crime de génocide et le fait que cette intention existait chez

 19   Goran Jelisic.

 20   Tout d'abord, de nombreux témoins diront que Goran Jelisic se

 21   qualifiait lui-même d’"Adolf serbe". Au cours de sa comparution initiale

 22   devant ce Tribunal, il a lui-même avoué qu'il était surnommé "Adolf".

 23   Le contexte dans lequel Goran Jelisic a utilisé ce surnom

 24   démontrera clairement qu'il ne s'agissait pas simplement d'un caprice,

 25   mais que ce surnom était une référence directe aux activités de génocide


Page 33

  1   menées par Adolf Hitler au cours de la Seconde Guerre mondiale. En effet,

  2   l’un des témoins cite Goran Jelisic disant la chose suivante : "Hitler

  3   était le premier Adolf, je suis le second". Le fait que ce surnom ait été

  4   donné à Jelisic par des tierces personnes ou bien qu’il ait lui même

  5   choisi importe peu. Les témoignages montreront que, quelle que soit

  6   l'origine de ce surnom, Goran Jelisic a tiré une fierté perverse de ce nom

  7   devenu symbole de génocide.

  8   Outre l'utilisation de ce surnom "Adolf", de nombreux témoins

  9   déclareront que Jelisic se vantait devant tout le monde, que la raison

 10   pour laquelle il était venu à Brcko était de tuer les Musulmans et d’en

 11   tuer le plus grand nombre possible. Vous entendrez au moins la déclaration

 12   d'un témoin qui parlera d'une confrontation qui s'est produite lorsque

 13   Goran Jelisic a pris le contrôle du centre de détention de Luka.

 14   Lorsque Goran Jelisic a commencé à harceler les détenus, un

 15   Serbe de la région a

 16   essayé d’intervenir ; Goran Jelisic s’est alors fâché et a déclaré quelque

 17   chose de ce type : "Sais-tu qui je suis ?" Et a ajouté qu'il n'avait qu'à

 18   passer un simple coup de téléphone pour apprendre qui il était et pour

 19   résoudre le problème. Goran est parti et revenu, et selon le témoignage de

 20   ce témoin, Goran a maintenu son contrôle sur le camp. En revanche, le

 21   Serbe qui avait tenté d'intervenir n'est jamais réapparu.

 22   Goran Jelisic n’a pas dissimulé le fait que la raison pour

 23   laquelle il était venu à Brcko était bien de tuer le plus grand nombre de

 24   Musulmans possible. Un témoin dira que Jelisic s’est vanté d’avoir tué

 25   vingt ou trente Musulmans avant même d’avoir pris son café du matin. Au


Page 34

  1   cours de cette période de folie meurtrière, Goran Jelisic tenait ses

  2   comptes quotidiennement et essayait de dresser la liste du nombre de

  3   témoins qu'il avait tués.

  4   De nombreux témoins déclareront, devant ce Tribunal, que Goran

  5   Jelisic annonçait ses chiffres les plus récemment obtenus. Goran Jelisic

  6   disait souvent aux détenus combien de Musulmans il avait exécuté à des

  7   dates ou heures précises. Goran Jelisic disait également aux gardes, qui

  8   se trouvaient dans le camp de Luka, combien d’hommes et de femmes il avait

  9   tué.

 10   Jelisic se fixait souvent de vils objectifs en se promettant,

 11   par exemple, de ne pas prendre de repos avant d’avoir tué un certain

 12   nombre de détenus, une journée ou une autre.

 13   Selon les témoignages que vous entendrez, parfois Goran Jelisic

 14   refusait l’assistance qui lui était proposée par l'un ou l'autre des

 15   gardes en faisant remarquer qu’il se sentait encore en forme, même s'il

 16   venait de tuer plus de 60 personnes ce jour-là. Parfois ces chiffres

 17   pouvaient arriver jusqu'à 60 ou 70 personnes par jour et, pourtant, Goran

 18   Jelisic poursuivit son carnage quotidien.

 19   Un témoin victime dira également que Goran Jelisic n'était pas

 20   un outil réticent dans le cadre de cette campagne de génocide. Il n'a pas

 21   été forcé par les autorités serbes d’agir comme il l’a fait. Au contraire

 22   d’ailleurs. Le témoignage de cette personne établira clairement que Goran

 23   Jelisic était un participant efficace et enthousiaste à cette campagne de

 24   génocide.

 25   L'un des témoins a eu le malheur de se trouver avec Goran Jelisic lorsque


Page 35

  1   celui-ci a exécuté certaines personnes au-dessus de cette grille

  2   d’évacuation en métal. Comme nous l’avons déjà dit, Goran Jelisic

  3   exécutait fréquemment ses victimes au-dessus de cette grille en métal afin

  4   de s’épargner le plus possible la tâche de nettoyer les lieux après

  5   l’exécution. Cette grille en métal communiquait avec le système

  6   d’évacuation qui menait vers la rivière Save.

  7   Ce témoin, dont je viens de parler, dira qu'il a pu observer

  8   Goran Jelisic forçant un détenu à s’agenouiller au-dessus de cette grille

  9   et qu’il l'a ensuite tué d'une balle dans la tête. Jelisic s'est alors

 10   tourné vers le témoin et a dit quelque chose de ce type : "Je vois que tu

 11   as peur, mais c'est bien de tuer les gens comme ça. Moi je les tue bien.

 12   Je ne ressens rien."

 13   Goran Jelisic est devenu si efficace et si connu pour ses actes

 14   au cours de cette folie de génocide ou génocidaire, que même les autorités

 15   serbes de Bosnie ont dû tenter de le freiner. Certains témoins diront que

 16   vers le 19 ou le 20 mai 1992, certains responsables serbes de Bosnie ont

 17   transféré Goran hors du centre de détention de Luka.

 18   Cependant, à la mi-mai, lorsque Jelisic a entendu dire pour la

 19   première fois qu'un commandant de l'armée souhaitait mettre un terme à ces

 20   exécutions. Selon un témoin, Goran Jelisic a répondu la chose suivante, à

 21   savoir que lui, Goran Jelisic, était le chef et que la prison de Luka ne

 22   relevait pas de la compétence de l'armée.

 23   Jelisic a dit qu'il était prêt à mener une guerre contre

 24   l'armée, si l'armée voulait mettre un terme à ses exécutions. Quatre ou

 25   cinq jours plus tard, cependant une personne a réussi à faire transférer


Page 36

  1   Goran Jelisic hors du camp de Luka. Mais si ce transfert n'avait pas eu

  2   lieu, il aurait continué à assassiner toute la population des détenus du

  3   camp.

  4   Il est également important de souligner que Goran Jelisic

  5   comprenait très bien comment ses actes individuels s'intégraient dans la

  6   plus large campagne de génocide qui avait été lancée par les autorités

  7   serbes de Bosnie.

  8   Au cours d'entretiens avec des enquêteurs du bureau du

  9   Procureur, Jelisic a expliqué

 10   que lorsque qu'il est arrivé à Brcko, le responsable de la cellule de

 11   crise, serbe, lui a communiqué une liste de Musulmans et a donné à Jelisic

 12   l'instruction de tuer le plus grand nombre de Musulmans possible.

 13   Grâce aux témoignages que vous entendrez, vous verrez que Goran

 14   Jelisic n'était pas un simple garde dans le camp de Luka, mais qu'il

 15   faisait montre d'une autorité considérable, autorité qu'il exerçait

 16   également dans les faits. Notamment au cours de la nuit, Goran Jelisic

 17   avait toute liberté pour infliger le sort qu'il souhaitait aux détenus.

 18   Parfois et même fréquemment, il ordonnait aux gardes de l'assister dans

 19   ses activités et les gardes lui obéissaient.

 20   Aux détenus dont la vie était en danger, à chaque heure du jour

 21   et de la nuit, Goran Jelisic était la principale, voire l'unique, figure

 22   d'autorité comme le dit l'un des témoins : "Pour nous, il était comme un

 23   dieu ; de lui dépendait notre vie ou notre mort".

 24   Il est approprié et juste que le bureau du Procureur mette en

 25   accusation des individus tel que Goran Jelisic, parce que, sans la


Page 37

  1   présence de personnes prêtes à se livrer a ces exécutions dans les

  2   différentes régions géographiques, les autorités serbes de Bosnie

  3   n'auraient pas pu mettre en place le nettoyage ethnique et la campagne de

  4   génocide qu'ils ont lancée au printemps et à l'été 1992.

  5   Ainsi au terme des témoignages que vous entendrez, nous

  6   demanderons à ce Tribunal de condamner Goran Jelisic pour génocide parce

  7   que pour les victimes de Brcko, le visage du génocide est celui, était

  8   celui de Goran Jelisic.

  9   M. le Président. - Merci Monsieur le Procureur. Avant de

 10   procéder au début de la présentation de vos témoins, il convient peut-être

 11   de poser un certain nombre de principes.

 12   Vous savez que les règles du Statut, enfin du Règlement ont

 13   changé notablement sur un certain nombre de points et donnent un certain

 14   nombre de pouvoirs aux Juges qui sont peut-être plus importants.

 15   Je le dis également à l'intention de Me Greaves et il retrouvera

 16   là non pas des dispositions typiques de la Common Law, mais des

 17   dispositions tout simplement qui sont nées de l'expérience que les Juges

 18   ont commencé à acquérir à la suite des premiers procès.

 19   Je voudrais donc appeler l'attention, pour aujourd'hui du

 20   Procureur, mais au moment venu de la défense, sur l'article notamment

 21   90(g) de notre Règlement de preuve et de procédure, Monsieur le Procureur,

 22   que vous garderez en mémoire lorsque vous présenterez vos témoins .

 23   Je vous rappelle que la Chambre de première instance exerce un

 24   contrôle sur les modalités de l'interrogatoire des témoins et de la

 25   présentation des éléments de preuve, ainsi que sur l'ordre dans lequel ils


Page 38

  1   interviennent de manière à rendre l'interrogatoire et la présentation des

  2   éléments de preuve efficaces pour l'établissement de la vérité.

  3   Deuxièmement, éviter toute perte de temps inutile.

  4   L'article 90(h) de notre Règlement dit que le contre-interrogatoire, je le

  5   dis à l'intention de la défense, se limite aux points évoqués dans

  6   l'interrogatoire principal ou à ceux ayant trait à la crédibilité du

  7   témoin. Néanmoins la Chambre peut, si elle le juge bon, autoriser des

  8   questions sur d'autres sujets.

  9   Cette règle a donné lieu dans d'autres procès à des

 10   interprétations délicates, il s'agit d'une règle qui est très familière de

 11   ceux qui pratiquent les systèmes juridiques anglo-saxons. S'agissant du

 12   Tribunal Pénal, elle est parfois d'une application mal aisée. Et les Juges

 13   tiennent du Règlement la possibilité d'adapter avec flexibilité cette

 14   règle, dans la mesure où il ne serait pas équitable, et en tout cas les

 15   Juges ne retrouveraient pas la mission qui est la leur de découvrir la

 16   vérité, si on se contentait évidemment de calquer le contre-interrogatoire

 17   uniquement sur les questions traitées par l'interrogatoire principal.

 18   Ce serait trop facile évidemment, le témoin cité par

 19   l'interrogateur principal serait amené à venir témoigner sur une toute

 20   petite partie de son expérience et évidemment ferait échapper par là-même

 21   au contre-interrogatoire toute possibilité de profiter de la présence du

 22   témoin, qui peut-être par ailleurs aurait eu une expérience importante

 23   pour permettre

 24   l'élucidation de telle ou telle incrimination.

 25   Je vous rappellerais que le nouvel article 73 bis (c) permet à


Page 39

  1   la Chambre d'écourter les interrogatoires, alors ceci évidemment sera fait

  2   avec flexibilité également, avec délicatesse aussi. Les témoins ne sont

  3   pas tous de la même...n'ont pas tous vécu les mêmes expériences.

  4   Un officier de la Forpronu peut peut-être être écourté plus

  5   facilement qu'une personne qui a été violée ou qui a subi un long martyre.

  6   Mais, néanmoins, je le rappelle aujourd'hui à l'accusation, demain à la

  7   défense; les Juges tiennent des textes le pouvoir d'écourter les

  8   interrogatoires. Tout ceci pour éviter évidemment la longueur des débats,

  9   une longueur excessive des débats.

 10   Enfin une disposition que vous connaissez mieux, l'article 98

 11   donne aux Chambres, Me Greaves le lira avec profit également, un pouvoir

 12   -peut-être qu'il ne retrouvera pas dans des textes du Common Law- les

 13   Chambres ont le pouvoir d'ordonner de leur propre initiative la production

 14   de moyens de preuve supplémentaires et le cas échéant les Juges ne s'en

 15   priveront pas.

 16   C'est un rappel des textes dont les Juges souhaiteraient que,

 17   aujourd'hui l'accusation, demain la défense, fassent leur profit. Hors de

 18   quoi, évidemment, les Juges seraient amenés à intervenir, ce qu'ils ne

 19   souhaitent pas.

 20   S'agissant maintenant alors des témoins, j'appelle l'attention

 21   du Procureur sur le fait que quand vous citez un témoin, les Juges

 22   attachent de l'importance que ce témoin, Monsieur Bowers ou Monsieur

 23   Tocilovsky, témoigne en relation avec ce que vous voulez prouver dans

 24   l'acte d'accusation.

 25   Autrement dit, et pour ne pas nous obliger à intervenir, ne


Page 40

  1   faites pas raconter toute son expérience à un témoin si ce n'est pas utile

  2   pour éclairer tel ou tel point très particulier de l'incrimination. Ce

  3   n'est pas la peine, le témoin est fatigué, c'est déjà très pénible de

  4   venir jusqu'à La Haye. Souvent c'est non seulement très éloigné de leur

  5   territoire, mais de surcroît, il faut se

  6   mettre à la place des témoins qui arrivent dans ce monde judiciaire, dont

  7   ils ne sont non seulement pas familiers dans leur propre pays, mais encore

  8   moins dans une structure comme la nôtre.

  9   Troisième point : les Juges seraient sensibles aussi à ce que

 10   vous soyez toujours, vous colliez le plus près possible aux éléments de

 11   l'incrimination. Vous faites venir un témoin pour lui demander d'éclaircir

 12   des points particuliers par rapport à l'acte d'accusation.

 13   Un témoin vient pour dire qu'une maison a brûlé ou un témoin

 14   vient pour dire que sa maison a brûlé. Bien sur ça peut être important

 15   qu'il cite autre chose et, de ce point de vue-là, ne vous en privez pas,

 16   mais essayez toujours de faire en sorte de ne pas perdre de vue le sens

 17   final de ce que vous poursuivez, vous l'accusation, vous la défense,

 18   c'est-à-dire vous, l'accusation, d'établir par exemple aujourd'hui les

 19   éléments constitutifs du crime de génocide -et ceci, bien entendu, nous

 20   sommes devant un Tribunal, nous ne sommes pas devant une commission

 21   d'enquête, nous ne sommes pas devant une commission qui fait un rapport

 22   sur une situation devant une commission internationale, nous sommes des

 23   Juges qui devons bien entendu arriver, au-delà de tout doute raisonnable,

 24   arriver à dire si un accusé est innocent ou coupable au regard de textes

 25   de droit pénal international.


Page 41

  1   Pour l'ensemble de ces considérations, les Juges feront déposer,

  2   je le dis pour Me Bowers et Me Tocilovsky, le témoin librement. Nous

  3   adapterons en fonction du témoin, bien entendu. Il y a des témoins qui ne

  4   peuvent pas s'exprimer et, à ce moment-là, nous vous demanderons

  5   d'intervenir tout de suite.

  6   Dans la majeure partie des cas, nous avons, vous nous avez donné

  7   un mémoire qui est maintenant prévu par les textes, où, bien entendu, nous

  8   connaissons la trame générale de ce pourquoi un témoin a été convoqué.

  9   En général donc, le témoin déposera librement sur les événements

 10   et nous verrons en fonction des documents que vous nous avez adressés,

 11   conformément au texte du Règlement, nous verrons évidemment s'il n'a pas

 12   couvert le champ de son témoignage ou si au contraire il le couvre trop

 13   par des répétitions qui peuvent être lourdes pour lui et pour tout le

 14   monde.

 15   Alors c'est ensuite que nous vous demanderons de reprendre

 16   l'interrogatoire du témoin, mais pas du tout pour lui faire répéter la

 17   même chose, ce serait d'ailleurs cruel pour le témoin, mais pour lui faire

 18   répéter... non pas pour lui faire répéter, mais pour lui faire préciser

 19   parce qu'évidemment par rapport à votre stratégie aujourd'hui, demain la

 20   stratégie de la défense, vous trouverez peut-être que le témoin n'a pas

 21   couvert tout ce que vous auriez souhaité qu'il apporte comme témoignage

 22   devant les Juges internationaux.

 23   Voilà comment nous allons procéder. Pour les pièces à

 24   conviction, Monsieur le Greffier, l'expérience d'autres procès nous a

 25   amenés qu'il était de bonne administration que le matin ou avant


Page 42

  1   l'audience, le Greffe soit avisé des pièces à conviction qui seront

  2   présentées, pour ne pas que nous perdions un temps inutile à les chercher.

  3   Il faut donc que le Greffier soit avisé des pièces que vous

  4   comptez présenter aux Juges dans la journée ou en tout cas dans la demi-

  5   journée, de sorte que quand vous citez une pièce, ceci vaut aujourd'hui

  6   pour l'accusation, cela vaudra demain pour la défense, ces pièces le plus

  7   rapidement possible.

  8   S'agissant toujours des pièces à conviction, les Juges tiennent,

  9   lorsque les pièces sont présentées sur rétroprojecteur, je le dis à

 10   l'intention de nos techniciens si compétents que je remercie toujours de

 11   leurs bons soins, de les présenter en même temps sur le moniteur de la

 12   galerie du public, sauf bien entendu lorsque l'audience est à huis clos.

 13   Je rappelle que le principe, ce sont les audiences publiques.

 14   C'est ainsi dans tous les grands systèmes judiciaires et il en est ainsi

 15   ici tout particulièrement où s'exerce la justice internationale. Donc en

 16   principe, quand une pièce est montrée aux Juges par le biais du

 17   rétroprojecteur et du moniteur, il convient que très rapidement les

 18   moniteurs qui sont dans la galerie du public puissent également les

 19   diffuser. Voilà à peu près les principes.

 20   Enfin, il y avait un dernier point, mais je me tourne vers

 21   M. Fourmy, je crois qu'il faudrait que nous prenions une ordonnance sur

 22   les contacts entre les témoins et les différentes parties, mais nous en

 23   reparlerons, afin qu'il y ait une cloison étanche entre les parties dès

 24   lors qu'elles sont citées, partant du principe que peut-être que là aussi

 25   ça peut changer par rapport à tel ou tel autre système, mais encore une


Page 43

  1   fois le Tribunal n'est lié par aucun système pour -c'est le but de ce

  2   genre d'ordonnances- bien marquer que le témoin devient un témoin de la

  3   justice dès lors qu'il est cité. Il est bien sûr le témoin cité par

  4   l'accusation et par la défense, mais dès qu'il pénètre dans cette

  5   enceinte, il devient le témoin à la disposition des Juges. Ceci aussi,

  6   nous y veillerons.

  7   La défense doit savoir aussi que, lorsqu'il y a une mesure de

  8   protection à prendre, indépendamment des mesures qui ont déjà été prises,

  9   il suffit que vous présentiez une requête et, si même la présentation de

 10   la requête doit se faire à huis clos, vous l'avez vu d'ailleurs tout à

 11   l'heure, nous avons commencé à huis clos, les Juges y sont sensibles et

 12   nous ordonnons un huis clos partiel pour que vous puissiez au moins

 13   exposer votre requête. Voilà donc les grands principes essentiels.

 14   Je me tourne vers mes collègues pour savoir s'ils ont d'autres

 15   observations ? Non. Nous y reviendrons peut-être, plus tard, au cours des

 16   débats. Bien.

 17   Monsieur le Procureur, nous pouvons tout de suite commencer.

 18   M. Tocilovsky (interprétation). - Monsieur le Président,

 19   Messieurs les Juges, avant de faire entrer le premier témoin de

 20   l'accusation, nous aimerions simplement soulever un certain nombre de

 21   points pratiques.

 22   Tout d'abord, conformément à l'article 90 du Règlement de ce

 23   Tribunal, il est stipulé que, sur demande de la Chambre, un enquêteur peut

 24   comparaître à titre de témoin dès lors que cet enquêteur a suivi les

 25   débats en audience. Suite à ces dispositions, nous demanderions à la


Page 44

  1   Chambre de bien vouloir appliquer cet article du Règlement à un de nos

  2   enquêteurs.

  3   M. le Président. - Quel paragraphe ?

  4   M. Tocilovsky (interprétation). - Je me réfère à

  5   l'article 90 (e), Monsieur le Président.

  6   Nous demanderions, Monsieur le Président, à la Chambre de bien

  7   vouloir retenir l'article 90 (e) et de bien vouloir permettre qu'un

  8   enquêteur suive les débats en prétoire.

  9   M. le Président. - Je vais consulter mes collègues.

 10   (Les juges se consultent sur le siège.)

 11   M. le Président. - Les Juges sont d'accord, faisant observer que

 12   l'article 90 (e) s'applique aussi bien à l'accusation qu'à la défense.

 13   Bien, poursuivez.

 14   M. Tocilovsky (interprétation). - Le deuxième point que je

 15   souhaite soulever, Monsieur le Président, est celui de la protection des

 16   témoins qui viendront ici déposer devant vous, au cours de ces trois

 17   premiers jours d'audience.

 18   Lors de leur arrivée à La Haye, les témoins de l'accusation ont

 19   demandé à faire l'objet de certaines mesures de protection, mesures

 20   envisagées à l'article 75 du Règlement. Suite à cette demande des témoins,

 21   nous demandons à la Chambre de première instance de bien vouloir prendre

 22   un certain nombre de mesures de protection qui feront que, lors de

 23   témoignages en audience publique, les éléments permettant l'identification

 24   des témoins ne soient pas diffusés au public et aux médias.

 25   Nous allons discuter des mesures de protection à appliquer avec


Page 45

  1   la défense, nous en avons parlé avec la défense, et elle n'a aucune

  2   objection à élever.

  3   Quelles sont les mesures que nous demandons pour les huit

  4   premiers témoins que nous allons entendre ? Ce sont les suivantes et je

  5   précise que nous avons décidé de ces mesures en coopération étroite avec

  6   la Section d'aide aux victimes et aux témoins.

  7   Je répète que ces mesures sont prévues à l'article 75 B(i) du

  8   Règlement. Nous demandons que tous les éléments d'information et que tous

  9   les noms et prénoms des témoins soient expurgés des documents qui seront

 10   diffusés au public.

 11   Nous demandons que lors de la déposition des témoins, les traits

 12   de leur visage soient déformés sur les écrans de la Chambre et de la

 13   galerie du public et qu'un pseudonyme soit attribué à ces témoins.

 14   La requête écrite déposée par l'accusation va rapidement être

 15   déposée auprès du Greffe, mais les noms des témoins qui réclament ces

 16   mesures, nous en disposons d'ores et déjà, Monsieur le Président, et je

 17   peux vous les communiquer dans le cadre d'une audience à huis clos.

 18   Nous demandons ces mesures pour six témoins.

 19   M. le Président. - Vous prévoyez six témoins pour les trois

 20   journées ?

 21   M. Tocilovsky (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 22   Nous souhaiterions entendre six témoins au cours de ces trois jours

 23   d'audience.

 24   M. le Président. - Vous voulez présenter la requête tout de

 25   suite ? Si vous avez une requête écrite, on peut statuer immédiatement,


Page 46

  1   surtout si la défense n'a pas d'objection.

  2   Monsieur le Greffier, vous avez une requête écrite ou n'est-elle

  3   pas encore arrivée, ne serait-ce que pour le témoin de cet après-midi ?

  4   M. le Greffier. - (Inaudible)

  5   M. le Président. - Vous pouvez faire un petit huis clos partiel

  6   de dix minutes pour nous exposer au moins les mesures à prendre pour le

  7   témoin qui va comparaître dans quelques minutes. Quelques minutes de huis

  8   clos partiel surtout si la défense est d'accord.

  9   (Huis clos partiel)

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   (expurgée)

 21   (expurgée)

 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


Page 47

  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   (expurgée)

  5   (expurgée)

  6   (expurgée)

  7   (expurgée)

  8   (expurgée)

  9   (expurgée)

 10   (expurgée)

 11   (expurgée)

 12   (expurgée)

 13   (expurgée)

 14   (expurgée)

 15   (expurgée)

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   (expurgée)

 21   (expurgée)

 22   Audience publique.

 23   L'audience, suspendue à 16 heures 40, est reprise à 17 heures 15

 24   M. le Président. - L'audience est reprise, veuillez vous

 25   asseoir. Faites entrer l'accusé s'il vous plaît.


Page 48

  1   (L'huissier s'exécute)

  2   (Le témoin était déjà dans le prétoire)

  3   M. le Président. - J'ai demandé à ce que l'huissier donne

  4   d'abord tout de suite les écouteurs au témoin. On devrait être habitué à

  5   ça. Vous m'entendez, témoin A, veuillez vous lever, s'il vous plaît,

  6   voilà. Vous vous levez et on vous branche le micro en même temps.

  7   (Le témoin se lève)

  8   Est-ce que vous m'entendez ? Restez debout, s'il vous plaît.

  9   Levez-vous, le micro est assez puissant. Merci d'être venu. Vous allez

 10   d'abord... vous n'allez pas prononcer votre nom, l'huissier va vous tendre

 11   puis sur un papier le nom qui est le vôtre et vous n'allez pas le

 12   prononcer, simplement pour que nous puissions nous assurer de votre

 13   identité. Est-ce que vous êtes d'accord ? Est-ce que c'est bien votre

 14   nom ? On lui a tendu le document ?

 15   (L'huissier s'exécute)

 16   Pouvez-vous lire, est-ce que c'est bien votre nom ? Tendez le

 17   document au témoin, s'il vous plaît.

 18   (L'huissier s'exécute)

 19   Témoin A (interprétation). - Oui.

 20   M. le Président. - Restez debout encore quelques secondes,

 21   l'huissier va vous tendre le serment que vous allez prononcer et le lire.

 22   Répétez ce serment, s'il vous plaît.

 23   Témoin A (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 24   dirai la vérité toute la vérité et rien que la vérité.

 25   M. le Président. - Vous pouvez à présent vous asseoir.


Page 49

  1   Nous allons vous appeler "témoin A". Vous avez accepté de venir

  2   à la demande de l'accusation dans le procès intenté ici contre l'accusé

  3   Goran Jelisic qui est ici présent devant le Tribunal pénal international,

  4   il est accusé de génocide.

  5   Vous avez fait l'objet de mesures de protection de témoin, c'est

  6   ce qui explique que le son de votre voix n'est pas reconnaissable et vous

  7   avez un pseudonyme et toutes les mesures sont prises en charge par l'unité

  8   de protection des victimes.

  9   Le Procureur va vous poser quelques questions préalables,

 10   ensuite vous ferez une déposition sur les événements tels que vous les

 11   avez vécus. Nous verrons à quel moment il faut vous interrompre pour qu'on

 12   vous pose des questions. Quand vous aurez fini votre déposition, le

 13   Procureur vous posera des questions, puis la défense, puis les Juges vous

 14   poseront des questions.

 15   Peut-être est-ce que vous avez, Monsieur le Procureur, quelques

 16   questions préalables juste avant que le témoin ne fasse sa déposition,

 17   quelques questions préalables qui vous seraient utiles pour permettre au

 18   témoin de commencer sa déposition dans le cadre où vous voulez situer son

 19   récit ?

 20   M. Tocilovsky (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

 21   vais commencer par un certain nombre de questions. Je demanderai au témoin

 22   de nous apporter des informations de caractère très général.

 23   Témoin A, je vais vous poser certaines questions d'ordre

 24   général. Ma première question est la suivante : quel est votre âge ?

 25   (L'interprète n'a pas entendu la réponse du témoin)


Page 50

  1   M. Tocilovsky (interprétation). - Êtes-vous Musulman de Bosnie ?

  2   Témoin A (interprétation). - Oui.

  3   M. le Président. - Témoin A, c'est le Président qui vous parle.

  4   Je sais que ça va être très difficile pour vous, mais essayez de

  5   parler sans crainte. C'est un peu intimidant pour vous, mais prenez vos

  6   aises, n'ayez crainte, approchez-vous un peu du micro pour que les

  7   interprètes puissent traduire ce que vous dites. Essayez de vous relaxer,

  8   de vous détendre si vous pouvez.

  9   Si, à un moment donné, vous n'êtes pas bien, si vous êtes en

 10   difficulté, n'hésitez pas à nous le dire et nous interromprons. De toute

 11   façon, nous allons interrompre à 18 heures mais, si vous aviez le moindre

 12   problème, n'hésitez pas à le dire.

 13   Monsieur le Greffier ?

 14   Monsieur le Procureur, vous aviez demandé la distorsion de la

 15   voix ? Non, c’était uniquement du visage ? Distorsion faciale ?

 16   M. Tocilovski (interprétation). - Nous n'avons demandé que la

 17   déformation des traits du témoin.

 18   M. le Président. - Poursuivez.

 19   M. Tocilovski (interprétation). – Bien, encore une question

 20   d'information générale. Monsieur, où résidiez-vous avant la guerre ?

 21   (expurgé)

 22   (expurgé)

 23   M. Tocilovski (interprétation). – Monsieur le Président, si vous

 24   m'en donnez l'autorisation, je vais poser un série de questions au témoin.

 25   Des questions qui sont directement


Page 51

  1   liées aux faits au coeur de cette affaire.

  2   M. le Président. – (hors micro)… et vous verrez qu’on y arrivera

  3   très bien. Et puis, ce sera flexible en fonction des témoins. L’idée des

  4   Juges, c'est que vous arriviez à mettre le témoin un peu… j’allais dire

  5   sur la rampe de lancement où il va ensuite faire son récit comme il

  6   l'entend. Et après son récit, vous reprendrez des questions qui vous sont

  7   nécessaires sans le faire répéter forcément les mêmes choses. Allez y.

  8   M. Tocilovski (interprétation). – Témoin A, avez-vous été placé

  9   en détention dans le camp de Luka ?

 10   Témoin A (interprétation). - Oui.

 11   M. Tocilovski (interprétation). - Pourriez-vous expliquer aux

 12   Juges à quelle date vous êtes arrivé dans ce camp ?

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15   M. Tocilovski (interprétation). - Pourriez-vous nous dire ce qui

 16   vous est arrivé lorsque vous êtes arrivé à Luka ?

 17   Témoin A (interprétation). - Est-ce que vous pouvez m'aider un

 18   petit peu pour me dire ce que vous voulez que je vous décrive ? Le moment

 19   où je suis arrivé ou ce qui s'est passé une fois quand j'étais déjà sur

 20   place dans le camp ?

 21   M. Tocilovski (interprétation). – Eh bien tout d’abord,

 22   pourriez-vous expliquer aux Juges ce qui est arrivé juste au moment où

 23   l'on vous a amené dans le camp ?

 24   Témoin A (interprétation). – Eh bien, tout de suite quand nous

 25   sommes arrivés, on nous a demandé de nous aligner contre un mur dans le


Page 52

  1   hangar, celui qui nous avait emmenés et qui était responsable pour nous.

  2   Eh bien, je ne sais pas comment vous dire, mais c'était quelqu'un qui

  3   était responsable et qui s'était chargé de nous emmener dans le camp de

  4   Luka. Il s'est adressé aux soldats et il a dit : "J'ai amené encore de

  5   nouveaux "balija"". Et je parle des soldats, des soldats serbes qui se

  6   trouvaient sur place.

  7   Je ne sais pas comment m’exprimer, nous on les appelait

  8   "chetniks" et eux ils nous appelaient "balija". Ils ont commencé à nous

  9   donner des coups de pieds, ils nous ont appelés "balija", des gens qui

 10   sont des turcs, que personne n’allait pouvoir s'enfuir et certainement pas

 11   rester en vie.

 12   M. Tocilovski (interprétation). – Témoin A, vous avez déclaré…

 13   Témoin A (interprétation). - Il s'agissait des gardes du camp.

 14   M. Tocilovski (interprétation). - Pardon de vous interrompre,

 15   Témoin A, mais ma question est la suivante : lorsque vous êtes arrivé dans

 16   le camp, vous nous avez dit que l’on vous avez traité de "balija". Est-ce

 17   que ce terme constitue, en fait, une insulte à l'encontre des Musulmans ?

 18   Témoin A (interprétation). - Excusez-moi. Je voudrais vous

 19   demander si vous voulez que je vous donne une explication plus détaillée.

 20   Parce qu’il faudrait quand même que je parle un peu plus longtemps parce

 21   que sinon, vous n'allez jamais comprendre ce que ça veut dire "balija".

 22   M. le Président. – Exprimez-vous comme vous le souhaitez, depuis

 23   le moment où vous êtes arrivé au camp, pourquoi vous êtes arrivé au camp,

 24   qu’est-ce qui s’y est passé. Et quand le Procureur le souhaite, il vous

 25   interrompt et il vous posera des questions. Vous faites comme vous voulez.


Page 53

  1   Monsieur le Procureur, ne soyez pas… l'essentiel pour les Juges

  2   c'est qu'on ne répète pas, qu’on ne fasse pas répéter au témoin toujours

  3   les mêmes éléments. Mais vous procédez… si vous jugez préférable et si le

  4   témoin préfère qu’on lui pose des questions détaillées, c'est comme vous

  5   voulez.

  6   M. Tocilovski (interprétation). - Est-ce que l'huissier pourrait

  7   venir m’aider ? Je voudrais demander à l’huissier de bien vouloir placer

  8   la pièce de l'accusation 341 devant le témoin et je demanderai également à

  9   ce que des exemplaires de cette pièce soient communiqués

 10   au conseil de la partie adverse et aux Juges.

 11   M. le Président. - Nous avons un petit problème technique,

 12   puisque justement on a distordu votre… il y a le problème de la voix et

 13   donc, il faut… les interprètes n'entendent pas très bien ce que vous

 14   dites.

 15   M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce numéro 2, le numéro 1

 16   étant le nom qui a été communiqué tout à l'heure.

 17   (Le greffier distribue la pièce numéro 2 aux Juges et au

 18   témoin).

 19   M. Tocilovski (interprétation). – Témoin A, sur cette photo,

 20   voyons-nous le hangar dans lequel vous avez été détenu ?

 21   Témoin A (interprétation). - Oui.

 22   M. Tocilovski (interprétation). - Est-ce que vous avez eu

 23   l'occasion de m'indiquer un certain nombre de lieux sur cette photographie

 24   ou des endroits qui seront cités par vous dans le cadre de votre

 25   témoignage aujourd'hui ?


Page 54

  1   Témoin A (interprétation). - Oui.

  2   M. Tocilovski (interprétation). - Le point marqué X2 est-il le

  3   point qui indique l'emplacement où l’on vous a demandé de vous aligner

  4   après votre arrivée dans le camp ?

  5   Témoin A (interprétation). - Oui.

  6   M. Tocilovski (interprétation). – Goran Jelisic, faisait-il

  7   partie du groupe de soldats qui se trouvaient à proximité du hangar lors

  8   de votre arrivée ?

  9   Témoin A (interprétation). – Goran Jelisic n'était pas devant le

 10   hangar, il est arrivé cinq minutes plus tard. Il y avait quelqu'un, de

 11   soldat, qui l'avait appelé, il s’était trouvé dans un bureau ensemble avec

 12   Ivan Repic.

 13   M. Tocilovsky (interprétation). - Goran Jelisic s'est-il

 14   présenté à vous ?

 15   Témoin A (interprétation). - Non, il avait dit qu'il était

 16   directeur du centre de rassemblement. Il avait tout simplement expliqué

 17   que nous sommes emmenés dans ce centre,

 18   que nous sommes des détenus, qu'on allait nous interroger et que ceux qui

 19   sont coupables, qu'ils allaient être tués, d'autres qu'ils allaient être

 20   mis en liberté. Et d'après lui, il ne croyait pas qu'il y avait aucun

 21   balija qui aurait pu ne pas être coupable et qui aurait pu être mis en

 22   liberté.

 23   M. Tocilovsky (interprétation). - Goran Jelisic s'est-il

 24   présenté après la première journée à d'autres reprises ?

 25   M. Riad (interprétation). - Je crois qu'il y a une erreur.


Page 55

  1   Qu'avez-vous dit ? Qu'il n'y avait pas un seul corps, qu'il n'était pas

  2   coupable ou un seul balija qui n'était pas coupable ?

  3   M. Tocilovsky (interprétation). - Avez-vous parlé de balija ou

  4   de corps ? Pourriez-vous expliquer ceci aux Juges, s'il vous plaît ?

  5   Témoin A (interprétation). - Il avait parlé de balija, il

  6   pensait dire qu'aucun balija ne pouvait partir, enfin que de toute façon

  7   tous les balija sont coupables. Personne ne pouvait être parti en liberté,

  8   donc il ne croyait pas que balija, à partir du moment où il était

  9   Musulman, qu'il pouvait ne pas être coupable. Par conséquent, il avait dit

 10   que tous les Musulmans étaient coupables, que cette nation n'existait pas,

 11   que nous sommes une nation qui a été inventée, que nous sommes d'origine

 12   des Turcs. Et c'est dans ce sens-là qu'il a parlé de balija.

 13   Par conséquent, que c'étaient les Musulmans qui en étaient

 14   coupables. Ils sont coupables parce qu'ils vivent encore et qu'il fallait

 15   les exterminer. C'est à cela qu'il pensait.

 16   M. Tocilovsky (interprétation). - Goran Jelisic s’est-il

 17   présenté par la suite au cours d'autres occasions ou a-t-il utilisé

 18   d'autres noms pour se présenter que le sien ?

 19   Témoin A (interprétation). - Oui, je ne peux pas me souvenir

 20   exactement si c'était le jour même ou le lendemain, mais il est venu dans

 21   le hangar une fois que nous étions déjà installés dans le hangar ; il est

 22   rentré dans le hangar et il y avait d'autres personnes qui sont arrivées

 23   après notre groupe.

 24   Il s'est adressé à ceux qui étaient dans la première partie du

 25   hangar ; il a dit qu'il s'appelait Goran Jelisic et qu'il était "l'Adolf"


Page 56

  1   et que c'est lui qui avait commandé le groupe qui

  2   avait détruit le pont sur la rivière de la Save et que, d'après les

  3   estimations, il y avait une centaine de personnes qui ont été victimes sur

  4   ce pont, des femmes, des hommes, des enfants, même des bébés.

  5   Il avait dit qu'il avait tué, dans le camp de Luka,

  6   150 personnes à peu près et que ce n'était pas encore tout, qu'il allait

  7   poursuive son oeuvre.

  8   M. Tocilovsky (interprétation). - Pour ce qui est de Goran

  9   Jelisic donc, avez-vous vu son image, sa photographie dans les journaux ou

 10   à la télévision lorsque vous avez quitté le camp ?

 11   Témoin A (interprétation). - Non.

 12   M. Tocilovsky (interprétation). - Pourriez-vous le reconnaître

 13   si vous étiez amené à le revoir ?

 14   Témoin A (interprétation). - Même si plus de six ans se sont

 15   écoulés depuis cet événement, il y a beaucoup de choses qui ont changé

 16   dans ma vie également après ces années passées dans le camp, mais je suis

 17   sûr que je l'aurais reconnu.

 18   M. Tocilovsky (interprétation). - Voyez-vous Goran Jelisic dans

 19   ce prétoire ?

 20   (Le témoin regarde l'accusé.)

 21   Témoin A (interprétation). - Je ne suis pas sûr, mais je vais

 22   demander, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, que M. Jelisic se

 23   lève et qu'il enlève sa manche, parce que de toute façon, sur le bras

 24   gauche, il avait également une blessure. Il prétend que cela date depuis

 25   le conflit en Croatie.


Page 57

  1   (Jelisic se lève et lève les bras dénudés)

  2   Témoin A (interprétation). - Je ne vois pas très clairement, je

  3   suis désolé, Monsieur le Président, mais je sais qu'il avait la trace

  4   d'une blessure et il avait prétendu que c'était en Croatie qu'il l'a eue

  5   parce qu'il s'était trouvé dans un camp à l'époque.

  6   J'ai appris ultérieurement, par d'autres détenus qui étaient

  7   dans le camp de Luka, que

  8   cette blessure...

  9   M. le Président. - Une seconde.

 10   (Les Juges se consultent sur le siège)

 11   M. le Président. - Monsieur le Procureur, pouvez-vous vous

 12   approcher du bureau des Juges ; je demanderai à Me Londrovic, à Me Greaves

 13   de s'approcher également. Asseyez vous, Monsieur Jelisic.

 14   (L'accusé s'exécute.)

 15   (Les Juges se consultent sur le siège, en présence de Me

 16   Londrovic, Me Greaves et de M. le Procureur.)

 17   (Les Juges se consultent, à nouveau)

 18   M. le Président. - Il ne sera pas procédé à ce type de

 19   reconstitution, par contre les Juges vont demander au témoin pourquoi

 20   c'était cette cicatrice sur le poignet qui vous aurait permis de

 21   reconnaître l'accusé que vous n'avez pas reconnu même si c'était de loin ?

 22   Pourquoi vous pouvez dire cela aux Juges, s'il vous plaît ?

 23   Témoin A (interprétation). - Eh bien, Monsieur le Président,

 24   parce qu'il nous avait montré cette cicatrice à nous tous qui étions dans

 25   le hangar. Il a essayé de nous raconter que, lui-même, il s'était trouvé à


Page 58

  1   un moment donné dans un camp en Croatie, il a été volontaire, et que ce

  2   sont les Croates qui lui ont donné ce coup de couteau et qu'il avait cette

  3   blessure et qu'ils ont même mis du sel sur cette blessure.

  4   Par conséquent, il nous a montré cette cicatrice, et pas

  5   uniquement à moi, mais à nous autres, à tout le monde.

  6   M. le Président. - Bien, écoutez nous vous remercions, Témoin A,

  7   vous pouvez poursuivre, Maître.

  8   M. Riad (interprétation). - Témoin A, est-ce que vous avez une

  9   bonne vue ? Vous voyez bien de loin ou vous n'arrivez pas à voir bien de

 10   loin ? Vous pouvez reconnaître quelqu'un

 11   à distance ou non ?

 12   Témoin A (interprétation). - Eh bien, si je vois quelqu'un

 13   régulièrement, tous les jours, ou si j'ai vu quelqu'un il y a un an, je

 14   l'aurais reconnu, mais je ne l'ai pas vu depuis six ans, même plus de six

 15   ans. Et lui-même il a changé. Ce n'est plus du point de vue physique la

 16   même personne, même s'il y a un certain nombre de traits de visage que je

 17   reconnais, mais ce n'est pas la même chose, ce n'est pas le même visage

 18   que celui que j'ai vu il y a six ans. Il a changé, il a changé lui aussi,

 19   comme moi j'ai changé.

 20   M. Riad (interprétation). - Merci beaucoup.

 21   M. le Président. - Maître Tocilovsky, vous pouvez passer à

 22   d'autres questions. Allez y.

 23   M. Tocilovsky (interprétation). - Goran Jelisic portait-il un

 24   uniforme lorsque vous vous trouviez à Luka ?

 25   Témoin A (interprétation). - Oui, il portait l'uniforme.


Page 59

  1   M. Tocilovsky (interprétation). - Pour ce qui est de cette

  2   cicatrice, vous venez d'expliquer aux Juges que Goran Jelisic l'a

  3   présentée comme étant une cicatrice d'une blessure qu'il avait subi

  4   lorsqu'il était en détention en Croatie. Auriez-vous vous-même d'autres

  5   explications pouvant justifier la présence de cette cicatrice ? En avez-

  6   vous entendues d'autres ?

  7   Témoin A (interprétation). - Oui, j'ai appris par d'autres

  8   personnes, ceux qui étaient détenus dans le camp de Luka, il avait raconté

  9   un autre histoire à d'autres personnes. Il avait dit que c'était une

 10   blessure qu'il avait eu au moment où il voulait tuer Fritz, c'est le

 11   surnom d'un enquêteur, enquêteur de la municipalité, et son nom de famille

 12   est Novalic. Il est décédé depuis, il a été tué plutôt par la main de

 13   Jelisic et selon ce qu'il nous a dit, ce qu'il a déclaré, d'autres témoins

 14   l'on dit également, l'ont confirmé, il a essayé de s'attaquer à Jelisic

 15   avec une hache pour se défendre parce que Jelisic voulait le tuer, ce

 16   qu'il a fait enfin de compte.

 17   M. Tocilovsky (interprétation). - Témoin A, pouvez-vous nous

 18   dire ce qui s'est produit au cours de cette première nuit dans le camp de

 19   Luka, ce qu’il vous est arrivé à vous et à d'autres détenus qui se

 20   trouvaient avec vous ?

 21   Témoin A (interprétation). - Tout d'abord, on a commencé à nous

 22   maltraiter devant le hangar au moment où on nous a alignés et au moment où

 23   nous étions emmenés. Cela a duré pendant un certain temps parce que vous

 24   savez, quand vous avez très peur, vous ne pensez pas à l’heure et vous ne

 25   pouvez pas vraiment situer les coups qui vous ont été donnés. Vous essayez


Page 60

  1   d’éviter les coups et surtout de rester en vie. C'est le seul objectif que

  2   vous avez. Donc, vous ne comptez pas le temps. Mais après un certain

  3   moment, on nous a battus et on nous a fait rentrer dans la première partie

  4   du hangar. On nous a demandés de nous asseoir sur le béton ; il n'y avait

  5   rien sur le béton.

  6   M. Tocilovski (interprétation). – Qu’est-il advenu de vous et

  7   des autres détenus qui se trouvaient avec vous au cours de la nuit ? Que

  8   s'est-il passé ?

  9   Témoin A (interprétation). – Eh bien, nous sommes restés comme

 10   ça, assis, pendant la journée entière jusqu'à 8 heures du soir ou peut-

 11   être 7 heures et demie. On a fermé les portes du hangar, la porte par

 12   laquelle nous sommes rentrés. On avait entendu les chansons de

 13   l’extérieur, les chansons de chetniks, ils nous ont provoqués, ils ont dit

 14   que : "Peu de temps se passerait, puis les Balijas vont être exterminés".

 15   On avait entendu la musique, on a entendu les chansons. Et

 16   pendant la nuit, moi je ne peux pas vous dire exactement à quel moment ça

 17   s'est passé, parce qu’on nous a pris toutes les affaires, tout ce qu’on

 18   avait, toutes les montres, tout ce qu’on avait comme bijoux ou d’autres

 19   choses, même les documents d'ailleurs on nous a pris. Mais c'était avant

 20   minuit.

 21   La porte s'est ouverte, pas tout à fait, c'est juste pour que

 22   l'homme puisse passer. C'était pratiquement dans l'entrebâillement de la

 23   porte que l'homme pouvait passer. La personne qui est rentrée avait

 24   demandé les quatre volontaires qui devaient, soi-disant, faire quelque

 25   chose.


Page 61

  1   Eh bien, nous, on ne savait absolument pas que, en dehors de

  2   nous qui étions dans le hangar, il y en avait d'autres qui y étaient

  3   installés. Parce que, dans la partie où nous étions, dans le compartiment

  4   où nous étions, il y avait au milieu également une autre porte qui

  5   conduisait vers l'autre partie du hangar, et comme il faisait la nuit et

  6   la porte était fermée, on pouvait pas voir les gens qui se trouvaient de

  7   l'autre côté, on ne pensait même pas qu'il y en avait. Ce n’est qu’au

  8   moment où la porte a été ouverte et quand les gens ont commencé à sortir,

  9   que nous nous sommes rendu compte que nous n'étions pas les seuls, qu'il y

 10   en avait d'autres également qui étaient dans ce même hangar.

 11   Il y avait quatre personnes qui sont sorties de cette deuxième

 12   partie du hangar. Nous avons entendu qu'on passait à tabac ces quatre

 13   volontaires qui sont sortis, qu'on les insulte, on les appelle Balija, on

 14   insulte leur mère musulmane, on les appelait également "une bande des

 15   Turcs".

 16   Et moi-même je n'ai rien vu, je ne pouvais rien voir, mais j'ai

 17   entendu les voix, j’ai entendu tout ce qui a été dit. Les gens

 18   gémissaient, hurlaient, pleuraient, suppliaient de ne pas rien faire à

 19   leur égard en disant qu'ils n'étaient pas coupables. Il y avait donc les

 20   hurlements, les gémissements, les coups également qu'on entendait et

 21   l’écho de ces coups.

 22   On avait entendu la voix. Et je l'ai reconnue par la suite cette

 23   voix, parce que je l'avais entendue plusieurs fois, à plusieurs reprises,

 24   les jours qui s’en sont suivis : "Couche-toi, mets la tête sur la grille".

 25   Et ensuite l'autre voix qui rétorquait : "Je vous en supplie, je ne suis


Page 62

  1   pas coupable, pourquoi moi, je n'ai rien fait". Et encore une fois des

  2   gémissements, des hurlements de la même personne probablement. Je ne

  3   pouvais pas voir à travers le mur. Et ceci ne pouvait pas aider la

  4   personne en question, mais on avait entendu ce tir avec le pistolet, avec

  5   un silencieux, et ensuite, très peu après, des vibrations, des vibrations

  6   à travers le béton, car, moi, j'étais assis par terre comme je l'ai dit.

  7   Il y avait juste un mur qui me séparait de la place où les gens étaient

  8   tués.

  9   Après ça, deux, trois minutes après une telle séquence, après

 10   une telle scène, une fois de plus un tir, encore une fois le corps qui

 11   s'écroulait, on l'entendait. Et avant les hurlements, les gémissements,

 12   toujours les mêmes questions : "Je vous supplie, je n’ai rien fait, j'ai

 13   toujours vécu en bon terme avec les Serbes, je n'ai rien fait de mal à

 14   l'égard des Serbes". Mais malheureusement, ça ne les a pas aidés. Et

 15   toujours la même histoire, ça se répétait.

 16   Là maintenant, je vous en parle, Monsieur le Président,

 17   Messieurs les Juges, moi je n'ai rien vu, je vous le répète, parce qu’il y

 18   avait un mur. Je n'ai rien vu de mes propres yeux, mais je l'ai entendu.

 19   Mais moi-même également, j'étais volontaire à deux reprises et je suis

 20   sorti dehors. Et j'ai vu par la suite, de mes propres yeux, comment les

 21   gens ont été maltraités, comment on les a battus.

 22   M. Tocilovski (interprétation). – S’il vous plaît, puis-je vous

 23   interrompre un instant Témoin A ?

 24   Au moment où vous vous êtes porté volontaire pour sortir du

 25   bâtiment, que s’est-il passé ? A quels incidents avez-vous assistés


Page 63

  1   lorsque vous êtes sorti du bâtiment ? Je vous invite à utiliser la

  2   pièce 2, que vous avez sous les yeux, pour nous dire où vous vous trouviez

  3   lorsque les événements auxquels vous avez assistés se sont produits.

  4   Témoin A (interprétation). - Eh bien je suis sorti comme les

  5   quatre volontaires, on nous a appelés donc moi, c'était le deuxième ou le

  6   troisième jour, je ne me souviens pas exactement, j'étais parmi les quatre

  7   bénévoles. Il y avait une dizaine de groupes par quatre qui étaient sortis

  8   avant moi. Eh bien de toute façon, les gens ils avaient peur, ils

  9   n'osaient plus sortir, ils s'attendaient à ce qui allait leur arriver et

 10   ensuite on les a appelés : "Sortez Balijas, ça n'est pas la peine que nous

 11   enfoncions la porte, que nous vous fassions sortir, que nous vous disions

 12   qui parmi vous va sortir".

 13   J'avais tellement peur, cette peur panique qui m'avait pris au

 14   bout de deux ou trois jours, notamment le 3 mai, j'ai été maltraité par

 15   les Chetniks, ça m'était complètement égal, et je

 16   me suis dit, je vais sortir, et je vais une fois pour toutes en finir avec

 17   toutes ces souffrances et toutes ces épreuves. Et puis, je me suis dit que

 18   ça m'était absolument égal que ce soit aujourd'hui ou le lendemain, de

 19   toute façon nous allions tous y passer de la même façon.

 20   Je suis par conséquent sorti et, à la porte, on a commencé à

 21   nous donner des coups de pieds, à nous insulter, à faire du bruit :

 22   "Balijas, personne ne pourra vous sauver". On nous a injuriés, on a

 23   injurié nos mères musulmanes, tout ce qui leur venait à l'esprit, ils

 24   disaient n'importe quoi et puis on nous a alignés en cet endroit que je

 25   marque par le pointeur. Ils nous ont demandé de rester l'un a côté de


Page 64

  1   l'autre, de baisser la tête, de mettre les mains sur le dos.

  2   M. Tocilovsky (interprétation). - Excusez-moi, parlez-vous de

  3   l'endroit X1 tel qu'il est indiqué sur la photographie, simplement pour le

  4   compte rendu ?

  5   Témoin A (interprétation). - Oui c'est X1, c'est là où je me

  6   suis trouvé.

  7   M. Tocilovsky (interprétation). - Et que s’est-il passé ensuite,

  8   une fois que vous êtes sortis du bâtiment ?

  9   Témoin A (interprétation). - Moi j'étais le troisième dans la

 10   file, de ce côté là que je pointe, c'est la fin du hangar ou le début si

 11   vous voulez. Devant moi il y avait deux personnes, j'étais le troisième et

 12   derrière moi il y avait encore un quatrième.

 13   Deuxième dans la file, dans notre groupe, Ivan Repic, surnommé

 14   Repic, s'est approché. Les autres soldats ont cessé de nous battre. Il a

 15   pris ce deuxième homme du groupe, il lui avait demandé de se coucher sur

 16   l'asphalte, ici même, et de mettre sa tête sur cette grille qui est

 17   marquée par X3 sur la photo. L'homme en question avait supplié, il avait

 18   dit : "Laissez-moi, je vous en prie". Tout le monde répétait à peu près la

 19   même chose parce que tout le monde voulait poursuivre, voulait vivre, de

 20   le laisser, mais malheureusement, eux, ils ne les écoutaient pas, et par

 21   conséquent chacun était obligé de se mettre par terre, de mettre la tête

 22   sur la grille et ils étaient obligés de le faire, soi-disant bénévolement.

 23   De toute façon, eux ils s'en fichaient, ils ne se préoccupaient

 24   pas comment ça allait

 25   se passer. J'ai même eu l'impression qu'ils avaient presque retrouvé le


Page 65

  1   plaisir au moment où ils entendaient la victime les supplier. Plus la

  2   victime les suppliait, plus elle demandait de le laisser en vie, plus ils

  3   retrouvaient le plaisir dans cet acte de meurtre.

  4   Et quand je suis sorti, donc la première fois, ça s'est passé de

  5   cette façon, c'est Jelisic qui avait tué les personnes en question. La

  6   deuxième fois quand je suis sorti, c'était Miroslav qui avait tué les gens

  7   et moi j'avais toujours ce sentiment.

  8   Et ce sentiment je le maintiens, je le garde, qu'ils avaient

  9   tout simplement tué les gens qui ne pouvaient pas être secourus par qui

 10   que ce soit et qu'ils y prenaient du plaisir.

 11   Souvent, je me suis posé la question, si ces gens-là, que je ne

 12   peux même pas appeler des hommes, ce sont des animaux, des animaux qui

 13   sont dans le corps humain, s'ils auraient eu le courage, quelque part dans

 14   la rue, de se battre et de nous regarder dans les yeux. Comment dans ce

 15   cas-là se seraient-ils comportés ? Mais on n'était pas armés, on était

 16   sans rien, on ne pouvait pas se défendre, ils étaient vingt contre un. Eh

 17   bien ils étaient très courageux et c'est avec le plaisir qu'ils le

 18   faisaient.

 19   M. le Président. - Maître, vous avez encore une question à

 20   poser ?

 21   M. Tocilovsky (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 22   Témoin A, après que Goran Jelisic a tué différentes personnes,

 23   vous a t-il donné l'ordre de transporter les corps ?

 24   Témoin A (interprétation). - Oui.

 25   M. Tocilovsky (interprétation). - Et où avez-vous dû emmener ces


Page 66

  1   corps ? Vous a-t-on précisé l'endroit où vous deviez les emmener ?

  2   Témoin A (interprétation). - On m'avait demandé à moi, et puis

  3   le premier homme qui était dans la même file, parce que nous étions quatre

  4   au total, et il était le premier devant moi comme je l'ai dit, ils nous

  5   ont forcés, parce qu'on nous a battus, de soulever le corps mort et de le

  6   transporter.

  7   Eh bien, j'ai pris cet homme par les mains, l'autre par les

  8   pieds et nous l'avons transporté jusqu'à l'endroit que je pointe avec le

  9   pointeur, le début, l'angle du hangar que je vous montre et, derrière, il

 10   y avait un camion qui était garé, c'était le réfrigérateur, enfin c'était

 11   un camion frigorifique, il y avait une porte qui était ouverte, il faisait

 12   sombre et nous nous sommes approchés de ce camion frigorifique, nous avons

 13   mis le corps sans vie dans le camion et, là, j'ai vu qu'il y avait

 14   d'autres corps sans vie dans ce camion.

 15   Nous nous sommes retournés encore une fois, on nous a battus, on

 16   nous a insultés et ils nous ont dit : "C'est ce qui vous attend

 17   également". Nous nous sommes une fois de plus mis en groupe, qui

 18   maintenant ne comptait que les trois personnes. Eh bien dans ce deuxième

 19   groupe, moi j'étais le premier dans la file pendant qu'on nous battait au

 20   retour.

 21   Ce monsieur qui était devant moi, il avait couru, et moi

 22   derrière lui, et nous nous sommes rangés l'un à côté de l'autre. Mais nous

 23   ne sommes pas restés en paix longtemps. Il y a un autre qui a été sorti,

 24   le même qui avait emportait le corps, le corps sans vie, avec moi-même, et

 25   il a été tué de la même façon comme le premier.


Page 67

  1   M. Tocilovsky (interprétation). - Qui a tué cet homme ?

  2   Témoin A (interprétation). - Le premier et le deuxième homme ont

  3   été tués par Goran Jelisic. Et il avait dit : "Un Balija de moins".

  4   Après cela, moi-même et l'autre homme qui est resté parce que

  5   nous étions à deux maintenant, nous avons une fois de plus été forcés

  6   d'emmener le corps sans vie jusqu'au camion frigorifique, de le mettre

  7   dans le camion. Et ensuite on nous a une fois de plus battu, mais cette

  8   fois-ci nous avons pensé que c'était à notre tour. Ils ont continué à nous

  9   battre et ils nous ont poussés vers la porte du hangar, ils nous ont dit :

 10   "Rentrez les Balijas, rentrez à l'intérieur. Et préparez vous. Les jours

 11   suivants ça sera à votre tour."

 12   Très peu après, dix minutes, un quart d'heure peut-être, peut-

 13   être même un peu moins, car pour nous les minutes c'étaient les heures, et

 14   les heures comme les années. On a fait appel à de nouveaux volontaires,

 15   soi-disant, et c'est comme ça qu'ils ont poursuivi pendant les heures

 16   matinales et très tôt le matin, vers quatre heures, cinq heures du matin.

 17   Eh bien ensuite quand la nuit tombait, il y avait un groupe de

 18   sept à huit personnes qui ont été appelées. Eh bien ces gens-là étaient

 19   forcés de nettoyer le sang, le sang qui était partout dans la grille, sur

 20   la grille et autour, pour enlever les traces, enlever les traces des actes

 21   sauvages qu'ils avaient commis, de leurs crimes.

 22   Et ça se répétait, ça se répétait d'une nuit à l'autre, jusqu'au

 23   petit matin, jusqu'au jour où Goran Jelisic était rentré dans le hangar,

 24   avec le commandant Dzurkovic, avec un capitaine qui l'avait accompagné et

 25   qui portait l'uniforme de l'ex-JNA. Tout comme le commandant Dzurkovic, il


Page 68

  1   y avait quelques gardes du corps qui étaient avec eux, et c'est là où ils

  2   avaient lu... non pas lu, mais ils nous ont dit qu'il était interdit de

  3   tuer et de maltraiter les détenus du camp. Les gens ont commencé à

  4   applaudir.

  5   Il y en avait qui l'ont pris et qui l'ont mis sur les épaules.

  6   Mais moi, j'étais blessé au plus profond de mon être car, à ce moment-là,

  7   je ne pouvais pas m'imaginer qu'après tout ce qui s'était passé, après

  8   tout ce que cet être, qui n'est pas un être humain mais un animal, avait

  9   fait que les gens l'ont porté sur les épaules. Je ne pouvais pas

 10   applaudir, je ne pouvais pas non plus le porter sur mes épaules. Moi, je

 11   pense que j'en aurais eu honte.

 12   Mais ultérieurement j'ai compris ces gens-là car à partir du

 13   moment où il avait prononcé ces mots, à partir du moment où ils ont dit

 14   qu'il y avait quelqu'un qui avait émis un ordre et que ce quelqu'un se

 15   trouvait au sommet, cet ordre voulait dire que nous sommes nés de nouveau,

 16   que nous avons le droit de vivre, que nous avons survécu, ce que

 17   malheureusement les autres n'ont pas pu.

 18   Après cet événement, je ne sais pas si c'était ce jour-là ou le

 19   lendemain, un garde est rentré dans le hangar avec un grand cahier, avec

 20   un crayon à la main, et il nous avait ordonné de nous aligner et il a

 21   commencé à noter nos noms et nos prénoms, nos dates de naissance, nos

 22   adresses, notre lieu de résidence d'autrefois, car l'adresse...notre

 23   adresse au moment où il en prenait note, c'était le camp, le camp Luka.

 24   Donc on nous a demandé notre adresse précédente. Ce n'est qu'à ce moment-

 25   là que nous sommes devenus des êtres humains qui portaient les prénoms,


Page 69

  1   les noms avec des anciennes adresses, avec une nouvelle adresse : camp de

  2   Luka.

  3   M. Tocilovsky (interprétation). - Puis-je vous interrompre un

  4   instant, Témoin A, s'il vous plaît ? Je n'aurai que questions

  5   supplémentaires pour aujourd'hui Monsieur le Président.

  6   M. le Président. - Il est de 18 heures 15. L'audience devait

  7   s'arrêter à 6 heures. Ce témoin, même s'il n'a pas comparu beaucoup de

  8   temps, ravive là des souvenirs très émotionnants.

  9   Témoin A, nous allons arrêter, nous allons reprendre demain à

 10   10 heures. Essayez non pas d'oublier mais de vous détendre. La Division

 11   d'aide aux témoins victimes s'occupe du témoin A Monsieur le Procureur ?

 12   Il est pris en charge ?

 13   M. Tocilovsky (interprétation). - Oui nous pourrions donc

 14   continuer demain Monsieur le Président avec ce témoin.

 15   M. le Président. - Je veux dire, il est pris en charge ce soir,

 16   la division d'aide aux victimes le prend en charge, il n'est pas seul,

 17   n'est-ce pas ?

 18   M. Tocilovsky (interprétation). - Oui. Effectivement la division

 19   d'aide aux victimes et aux témoins prend en charge ce témoin et s'en

 20   occupe.

 21   M. le Président. - Eh bien écoutez l'audience est levée, elle

 22   reprendra demain matin à 10 heures.

 23   L'audience est levée à 18 heures 15.

 24  

 25