Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL    AFFAIRE N° IT-95-10-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Mardi 7 Septembre 1999

  4   L’audience est ouverte à 10 heures.

  5   M. le Président. - Veuillez vous asseoir. Monsieur le Greffier,

  6   veuillez introduire l'accusé, s'il vous plaît.

  7   (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

  8   Les interprètes sont là, je les salue.

  9   Les Interprètes. - Bonjour monsieur le Président, nous vous

 10   entendons.

 11   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

 12   M. le Président. - Je salue les conseils de l'accusation, les

 13   conseils de la défense, l'accusé, et je salue le témoin qui vient d'entrer

 14   et que nous avons appelé le témoin I.

 15   Témoin, vous restez debout quelques instants, le temps de prêter

 16   serment sur la formule qui va vous être tendue par l'huissier.

 17   Témoin I (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 18   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   M. le Président. - Merci, vous pouvez à présent vous asseoir.

 20   Vous êtes venu jusqu'à La Haye, Témoin I. Nous allons vous appeler

 21   témoin I puisque vous bénéficiez des mesures de protection que vous avez

 22   souhaitées avoir. Cela explique que vous soyez installé comme vous l'êtes

 23   à l'heure actuelle.

 24   Vous allez d'abord répondre aux questions du Procureur puisque

 25   vous êtes son témoin, ensuite ce sera le tour de la défense de l'accusé. A

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  1   votre gauche, se trouve M. Goran Jelisic. Ensuite, les Juges, s'ils le

  2   souhaitent, vous poseront les questions qu'ils jugeront utiles de vous

  3   poser.

  4   Je vous rappelle simplement que quand vous répondez, vous vous

  5   tournez vers les Juges. Les questions vous sont posées du côté droit ou du

  6   côté gauche, mais quand vous répondez vous vous tournez vers les Juges.

  7   Monsieur le Procureur, vous commencez. Maître Tochilovsky ?

  8   M. Tochilovsky (interprétation). - Je demanderai à l'huissier de

  9   bien vouloir placer sous les yeux du témoin le résumé de ses déclarations.

 10   (Le greffier et l'huissier s'exécute.)

 11   M. le Président. - Monsieur le Greffier, merci.

 12   Avant, il faudrait que le témoin identifie son nom -sans le

 13   prononcer- sur un document que l'on va lui mettre sous les yeux.

 14   Vous ne prononcez pas votre nom, vous vérifiez simplement et

 15   vous faites un signe de la tête si c'est bien votre identité.

 16   (Signe affirmatif du témoin.)

 17   Merci. Maintenant répondez aux questions du Procureur.

 18   M. Tochilovsky (interprétation). - Témoin I, le résumé que vous

 19   avez sous les yeux est-il le document que vous avez pu lire et admettre

 20   comme étant un résumé exact de vos déclarations ?

 21   Témoin I (interprétation). - Oui.

 22   M. Tochilovsky (interprétation). - Témoin I, j'aimerais d'abord

 23   vous poser quelques questions au sujet des événements qui se sont déroulés

 24   avant votre arrivée à Luka.

 25  (expurgé)

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  1  (expurgé)

  2   Témoin I (interprétation). - Oui.

  3   M. Tochilovsky (interprétation). - Etiez-vous présent lorsque

  4   Mustafa Ramic, ancien maire de Brcko, a prononcé une allocution devant les

  5   citoyens de la ville ?

  6   Témoin I (interprétation). - Oui.

  7   M. Tochilovsky (interprétation). - Vous rappelez-vous le jour de

  8   cette allocution ?

  9   Témoin I (interprétation). - Oui.

 10   M. Tochilovsky (interprétation). - Sur quoi portait cette

 11   allocution ?

 12   Témoin I (interprétation). - Il faut que je le dise ?

 13   M. Tochilovsky (interprétation). - Oui, dans les grandes lignes,

 14   brièvement, pouvez-vous nous dire de quoi il était question dans cette

 15   allocution ?

 16   Témoin I (interprétation). - Eh bien, le maire, Ramic, a parlé

 17   aux habitants de Brcko, par le biais de la radio locale,(expurgé)

 18   (expurgé). Il a demandé que s'apaisent les tensions et que la meilleure

 19   solution soit trouvée par des moyens pacifiques pour assurer la

 20   coexistence de tous les habitants de Brcko par la suite.

 21   M. Tochilovsky (interprétation). - Témoin I, avez-vous été

 22   arrêté le 4 mai 1992 ?

 23   Témoin I (interprétation). - Oui.

 24   M. Tochilovsky (interprétation). - Qui vous a fait prisonnier ?

 25   Témoin I (interprétation). - Des formations paramilitaires,

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  1   c'est-à-dire des forces serbes qui avaient occupé notre ville à ce moment-

  2   là.

  3   M. Tochilovsky (interprétation). - Y a-t-il eu d'autres

  4   personnes faites prisonnières en même temps que vous ce jour-là ?

  5   Témoin I (interprétation). - Oui.

  6   M. Tochilovsky (interprétation). - Quelle était leur

  7   appartenance ethnique ?

  8   Témoin I (interprétation). - La majorité était des Musulmans,

  9   des Bosniens, il y avait aussi quelques Croates, et aussi des gens qui

 10   appartenaient à des couples mixtes.

 11   M. Tochilovsky (interprétation). - Vous-même et d'autres

 12   personnes de votre voisinage avez-vous été emmenés jusqu'au centre

 13   médical ?

 14   Témoin I (interprétation). - Oui.

 15   M. Tochilovsky (interprétation). - Et ensuite vous a-t-on

 16   emmenés à la mosquée ?

 17   Témoin I (interprétation). - Oui.

 18   M. Tochilovsky (interprétation). - Combien de personnes ont été

 19   emmenées à la mosquée en même temps que vous ?

 20   Témoin I (interprétation). - Nous étions 80 à 90 dans la

 21   mosquée. Nous occupions la moitié de la mosquée.

 22   M. Tochilovsky (interprétation). - Quelle était l'appartenance

 23   ethnique de ces prisonniers ?

 24   Témoin I (interprétation). - J'ai déjà dit que la majorité

 25   d'entre eux étaient des Bosniens, des Musulmans, qu'il y avait aussi

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  1   quelques Croates et des gens issus de couples mixtes, de familles où le

  2   père était Croate et la mère Serbe par exemple. Il y avait par exemple un

  3   certain Goran, il s'appelait Goran aussi, il était avec nous à la mosquée.

  4   Je ne sais pas quelle était son appartenance ethnique exacte.

  5   M. Tochilovsky (interprétation). - Vous a-t-on interrogé dans la

  6   mosquée ?

  7   Témoin I (interprétation). - Oui.

  8   M. Tochilovsky (interprétation). - Comment vous a-t-on traité au

  9   cours de ces interrogatoires  ?

 10   Témoin I (interprétation). - Ils étaient en colère contre nous,

 11   il y en avait qui nous frappaient, ils nous insultaient, ils disaient

 12   qu'il fallait tous nous abattre, qu'il ne fallait laisser en vie que 5 %

 13   d'entre nous. Et puis ensuite, il y en avait d'autres qui entraient dans

 14   la pièce et qui nous disaient : "Ne vous inquiétez pas, la seule chose qui

 15   nous intéresse ce sont les Bérets verts, les membres du SDA ceux qui

 16   portent des armes".

 17   M. Tochilovsky (interprétation). - Avez-vous fourni des noms aux

 18   personnes qui vous interrogeaient ?

 19   Témoin I (interprétation). - Je ne sais pas exactement à quoi

 20   vous pensez.

 21   M. Tochilovsky (interprétation). - Avez-vous dit aux personnes

 22   qui vous interrogeaient quel était le nom de certaines personnes que vous

 23   connaissiez ?

 24   Témoin I (interprétation). - Oui, oui, j'ai donné des noms. J'ai

 25   dû le faire sous la contrainte.

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  1   M. Tochilovsky (interprétation). - Donc vous avez fourni aux

  2   personnes qui vous interrogeaient un certain nombre de noms, mais quelles

  3   étaient les allégations retenues contre ces personnes ?

  4   Témoin I (interprétation). - Eh bien, ils ont commencé par me

  5   donner une feuille de papier et un stylo. C'était pendant

  6   l'interrogatoire, et ils ont exigé de moi que j'écrive sur ce morceau de

  7   papier le nom des gens dont je savais qu'ils possédaient des armes, des

  8   habitants de Brcko.

  9   M. Tochilovsky (interprétation). - Et vous avez donné le nom de

 10   certaines personnes qui possédaient des armes, des fusils de chasse ou...

 11   Quel type d'armes exactement ?

 12   Témoin I (interprétation). - A ce moment-là, puisque j'étais

 13   menacé de mort si je n'écrivais pas un certain nombre de noms sur cette

 14   feuille, l'idée m’a traversé l'esprit de mettre par écrit le nom de

 15   certaines personnes pour lesquelles j'étais 100 % certain qu'elles

 16   possédaient des armes.

 17   M. Tochilovsky (interprétation). – Savez-vous ce qui est arrivé

 18   à ces personnes ensuite ?

 19   Témoin I (interprétation). - Malheureusement, et je ne sais pas

 20   si la cause en est que j'ai écrit leur nom sur cette feuille de papier,

 21   mais des quatre personnes dont j'ai écrit le nom deux on été tuées.

 22   M. Tochilovsky (interprétation). - Quel était le nom de ces deux

 23   personnes ?

 24   Témoin I (interprétation). – (expurgé) ,

 25   il s'appelait Ahmed Vatic et le deuxième s'appelait Hazim Vilic.

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  1   M. Tochilovsky (interprétation). - Quel était l'âge de ces

  2   hommes ?

  3   Témoin I (interprétation). – Ahmed Vatic, (expurgé)

  4   (expurgé), avait 71 ou 72 ans, peut-être même était-il plus âgé. Et

  5   l'autre homme, Hazim Vilic était un peu plus jeune que lui, il devait

  6   avoir à peu près 55 ans.

  7   M. Tochilovsky (interprétation). - Quand vous a-t-on transféré

  8   dans le camp de Luka ?

  9   Témoin I (interprétation). - J'ai été transféré de la caserne

 10   jusqu'au camp de Luka. Jusqu'à ce moment-là, j'étais dans la caserne avec

 11   les autres. Et dans cette caserne, nous venions d'un peu toutes les

 12   communautés locales de la ville, et c'est le 8 mai 1992 qu'ils nous ont

 13   transférés.

 14   M. Tochilovsky (interprétation). - Avez-vous vu à votre arrivée

 15   dans le camp un homme répondant au nom de Goran Jelisic ?

 16   Témoin I (interprétation). - Oui.

 17   M. Tochilovsky (interprétation). – Pouvez-vous décrire cet

 18   homme ? Quel était son aspect physique ?

 19   Témoin I (interprétation). - Il était mince, plus grand que moi,

 20   il portait un uniforme de policier, la tenue d'été de l'ancienne police,

 21   et il avait un pansement sur une main. Je ne sais pas exactement si

 22   c'était la main gauche ou la main droite. Quand je l’ai regardé pour la

 23   première fois, c'était au moment où il a apporté une boîte en plastique et

 24   il nous a donné l'ordre d'y placer nos objets personnels.

 25   M. Tochilovsky (interprétation). – S'est-il présenté ?

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  1   Témoin I (interprétation). - Au début, il a donc emporté cette

  2   caisse avec nos objets personnels et ensuite il est revenu.

  3   Quand il est entré cette deuxième fois, il portait une matraque

  4   à la main, une matraque en caoutchouc noir qui faisait à peu près un mètre

  5   de long et il a frappé le sol à l'aide de cette matraque pour attirer

  6   notre attention. Ensuite, au moment où nous regardions tous dans la

  7   direction où il se trouvait, il a dit : "Je suis l'Adolf serbe" et il a

  8   prononcé son nom.

  9   M. Tochilovsky (interprétation). - Des objections ont-elles été

 10   formulées par l'un des gardiens qui se trouvait là eu égard à ce que Goran

 11   exigeait de vous ?

 12   Témoin I (interprétation). - Oui.

 13   M. Tochilovsky (interprétation). - Que s'est-il passé ? Qui a

 14   formulé ces objections ?

 15   Témoin I (interprétation). - Goran nous disait que nous devions

 16   placer nos objets personnels et nos papiers d'identité dans cette caisse

 17   et pendant tout ce temps-là il y avait un homme qui portait un uniforme

 18   bigarré avec un ceinturon blanc et un fusil à la main.

 19   M. Tochilovsky (interprétation). - Apparemment, les interprètes

 20   ne vous suivent pas, Monsieur. Peut-être pourriez-vous ralentir un petit

 21   peu ?

 22   Témoin I (interprétation). - Oui, je peux.

 23   Et à un certain moment ce policier s'est adressé à Goran. Il lui

 24   a dit : "Pourquoi leur retires-tu leurs objets personnels ?". Il leur a

 25   dit que ces objets nous appartenaient, qu'ils étaient notre propriété.

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  1   M. Tochilovsky (interprétation). - Quelle a été la réaction de

  2   Goran ?

  3   Témoin I (interprétation). - Il a dit : "Mais est-ce que vous ne

  4   me les avez pas confiés ?" Et le policier a rétorqué que c'était lui qui

  5   était responsable de notre sort.

  6   Goran s'est alors fâché, il est sorti du hangar et s'est dirigé

  7   vers le bâtiment administratif. Après quoi, il est revenu et a dit à ce

  8   policier qu'on l'appelait au téléphone. Et ce policier n'est plus revenu,

  9   il ne nous a plus gardés par la suite.

 10   Ils ont fait venir un homme qui, lui, portait un uniforme de

 11   l'armée, un uniforme SMB de l'ancienne armée populaire yougoslave, qui

 12   portait un fusil-mitrailleur et nous visait avec ce fusil-mitrailleur. Il

 13   avait des cheveux longs.

 14   M. Tochilovsky (interprétation). - Témoin I, pouvez-vous dire

 15   aux Juges ce que vous savez de deux frères de Zvornik, très brièvement, en

 16   quelques mots ?

 17   Témoin I (interprétation). - Parmi les objets personnels que

 18   nous avons remis à Goran Jelisic se trouvaient aussi nos papiers

 19   d'identité : carte d'identité, permis de conduire, passeport, argent et

 20   tous autres objets de valeur.

 21   Et plus tard, quand Goran est revenu, il avait dans les mains

 22   des documents, je ne sais pas exactement si c'étaient des cartes

 23   d'identité, mais des documents et il nous a dit à ce moment-là : "Vous

 24   allez voir comment on traite des personnes dont il est avéré qu'elles font

 25   parties des Bérets verts".

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  1   Eux ils sont arrivés de Zvornik pour se battre sur le front. Il

  2   les a appelés par leur nom et leur prénom, et leur a dit : "Sortez d'ici

  3   -vous- les Bérets verts". C'étaient deux frères, deux frères jumeaux,

  4   identiques. Ils portaient les mêmes vêtements, les mêmes chaussures.

  5   Goran a remis l'un des deux frères à Cok, à Enver Cok, et Enver

  6   a fait rentrer ce garçon dans le bâtiment administratif. Quant à l'autre

  7   frère, Goran a commencé à le frapper à la porte du hangar. Cette porte

  8   était entrouverte et moi j'étais près de la porte. On pouvait voir comment

  9   Goran frappait l'un des deux frères avec sa matraque en l'insultant, en

 10   criant. Le garçon disait qu'il n'était coupable de rien et que c'est sans

 11   utilité qu'il le frappait, et toutes les personnes présentes, tous ceux

 12   qui se trouvaient dans le hangar, ont pu entendre cela. Les coups étaient

 13   sourds, mais forts. Le silence régnait, et on n'entendait que Goran et

 14   l'homme qu’il était en train de frapper. Cela a duré 10 à 15 minutes.

 15   Après quoi, on a entendu deux coups de feu.

 16   M. Tochilovsky (interprétation). – Témoin I, vous rappelez-vous

 17   si Cok a demandé à Jelisic ce qu'il convenait de faire avec l'autre

 18   frère ?

 19   Témoin I (interprétation). - Oui, oui, je me rappelle. Goran

 20   était en train de revenir de l'endroit où il avait tué l'un des deux

 21   frères et il portait à ce moment-là un revolver de marque Scorpion à la

 22   main, de couleur noire, équipé d'un silencieux. Et à ce moment-là, Enver

 23   est sorti d'un des bureaux ; il escortait l'autre frère. Il a demandé à

 24   Goran ce qu'il fallait faire avec le deuxième frère. Goran a esquissé un

 25   sourire et il a dit : "Amène-le vers l'autre parce qu'il en manque un de

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  1   frère pour qu'ils jouent au poker ensemble !".

  2   M. Tochilovsky (interprétation). - Qu'est-il arrivé à ce

  3   deuxième frère ?

  4   Témoin I (interprétation). – Enver l'a emmené dans la direction

  5   de l'endroit où son frère gisait au sol. Enver était à gauche et le

  6   deuxième frère à droite. Donc ils se sont dirigés vers le corps du premier

  7   frère et quand ils sont arrivés à deux ou trois mètres du cadavre du

  8   premier frère, Cok a un peu ralenti, mais le deuxième frère à continué à

  9   avancer. Et c'est à ce moment-là qu'il a levé la main, armée du revolver

 10   Scorpion et du silencieux, et qu'il lui a tiré deux balles, une dans la

 11   nuque et une dans l'estomac. Je ne sais pas s'il a d'abord tiré dans

 12   l'estomac et ensuite dans la nuque, ou l'inverse.

 13   M. Tochilovsky (interprétation). – Témoin I, vous rappelez-vous

 14   d'un homme répondant au nom de Javce dans le camp de Luka ?

 15   Témoin I (interprétation). - Oui, je me rappelle.

 16   M. Tochilovsky (interprétation). - Pouvez-vous dire brièvement

 17   aux Juges ce que vous savez du sort qui a été le sien dans le camp ?

 18   Témoin I (interprétation). - Je connaissais Javce, y compris

 19   avant son arrivée à Luka. Mais une fois à Luka, alors que je faisais la

 20   queue pour obtenir un laissez-passer, et j'étais là avec une trentaine de

 21   mes concitoyens, j'ai vu Javce qu'ils ont fait sortir. Ils l'ont fait

 22   sortir pour l'emmener jusqu'aux bâtiments administratifs. Là-bas, ils

 23   l'ont torturé, ils lui ont fait subir toutes sortes de violences, ils

 24   l'ont injurié ; et -bien sûr- tout cela nous pouvions l'entendre parce que

 25   la porte du bureau où ils se trouvaient était ouverte. Ils l'ont retenu

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  1   là-bas un certain temps. Ensuite, ils l'ont fait sortir. Il est arrivé à

  2   la porte, devant la porte, et on pouvait voir sur son corps les traces des

  3   mauvais traitements qu'il avait subis, des tortures qu'il avait subies. Il

  4   avait le visage en sang, les cheveux décoiffés et le regard un peu perdu.

  5   M. Tochilovsky (interprétation). - Vous dites qu'ils l'ont

  6   emmené dans le bâtiment administratif, mais à qui pensez-vous lorsque vous

  7   dites "ils" ? Qui l'a emmené du hangar jusqu'au bâtiment administratif ?

  8   Témoin I (interprétation). - Ranko Cesic.

  9   M. Tochilovsky (interprétation). – Et Ranko Cesic a-t-il demandé

 10   quelque chose à Goran Jelisic avant le départ de Javce pour le bâtiment

 11   administratif ?

 12   Témoin I (interprétation). - Oui.

 13   M. Tochilovsky (interprétation). - Que lui a-t-il demandé ?

 14   Témoin I (interprétation). - Il a demandé à Goran et à Enver

 15   lequel des deux hommes allait se charger de Javce.

 16   M. Tochilovsky (interprétation). - Quelle a été la réponse ? Qui

 17   d'ailleurs a répondu et quelle a été la réponse ?

 18   Témoin I (interprétation). - Goran à dit : "Donne-le moi, de

 19   toute façon je dois encore vider mon chargeur !".

 20   M. Tochilovsky (interprétation). - Et qu'est-il arrivé à ce

 21   moment-là à Javce ?

 22   Témoin I (interprétation). - Ils l'ont emmené lui aussi dans la

 23   direction de l'endroit où les deux frères, dont j'ai parlé tout à l'heure,

 24   avaient été tués. Une fois arrivés à cet endroit, ils lui ont tiré deux

 25   coups de feu, l'un dans l'estomac, l'autre dans la nuque, et c'est ainsi

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  1   que Jajve a été tué.

  2   M. Tochilovsky (interprétation). - Un homme répondant au nom de

  3   Danijel était-il dans le camp ?

  4   Témoin I (interprétation). - Oui, un temps assez bref. Ils ont

  5   amené Danijel et je ne me rappelle pas exactement qui l'a amené mais,

  6   après la grande entrée, ils l'ont dirigé vers l'endroit où les trois

  7   hommes dont je viens de parler avaient été tués. Il y avait autour de moi

  8   des hommes qui, eux aussi, avaient reçu un laissez-passer. Nous étions

  9   très entassés, très près les uns des autres, donc j'avais quelques

 10   difficultés à voir exactement ce qui se passait et je dois dire que juste

 11   à côté de moi se tenait mon frère, mon frère aîné, qui n'arrêtait pas de

 12   me dire : "Ne regarde pas par là". Et il me disait cela en colère, et il

 13   s'est servi de son corps pour m'empêcher de voir ce qui se passait dans

 14   cette direction.

 15   Je dois dire que de toute façon nous n'avions pas, ni moi ni les

 16   autres, la possibilité de bien regarder ce qui se passait autour de nous

 17   parce qu'on avait reçu l'ordre de garder le regard tourné vers le sol.

 18   Mais, chaque fois que c'était possible, nous glissions un regard pour

 19   essayer de voir ce qui se passait.

 20   M. Tochilovsky (interprétation). - Donc lorsque vous dites

 21   qu'ils ont emmené Danijel vers le lieu d'exécution, pouvez-vous nous dire

 22   qui l'a emmené ?

 23   Témoin I (interprétation). - Goran et Enver, dit Cok, l'ont

 24   emmené.

 25   M. Tochilovsky (interprétation). - Qu'est-il arrivé à cet homme

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  1   au moment où ils se sont approchés du lieu d'exécution ?

  2   Témoin I (interprétation). - Vous parlez de Danijel ?

  3   M. Tochilovsky (interprétation). - Oui, Danijel.

  4   Témoin I (interprétation). - On a entendu deux coups de feu et

  5   son corps est resté gisant au sol au même endroit que les autres hommes

  6   qui avaient été tués.

  7   Mais il y a une chose que je dois dire : chaque fois qu'ils

  8   tuaient quelqu'un, ils demandaient des volontaires pour emporter les

  9   cadavres. Certains de ceux qui se sont portés volontaires pour emporter

 10   les corps l'ont fait volontairement, ils n'avaient pas peur et ils se sont

 11   proposés. Mais il y en a d'autres qui ont été choisis par Goran. Goran se

 12   contentait de les désigner du doigt en disant : "Toi, toi et toi,

 13   emportez-moi ce corps".

 14   Quand Jasce a été tué, Goran a donc -de cette façon- pointé son

 15   doigt sur un homme qui se trouvait tout près d'une voiture. C'était un

 16   Bosnien, un Musulman, qui était donc debout à côté de la voiture. Goran

 17   l'a choisi en personne et lui a donné l'ordre de transporter le cadavre.

 18   (expurgé) . C'est un invalide, un homme qui a du mal à

 19   marcher. Il a un problème à une jambe. Donc ce Faruk, puisqu'il est

 20   invalide et puisqu'il avait du mal à l'idée de porter les yeux sur un

 21   cadavre, a prié Goran de choisir quelqu'un d'autre pour cette tâche. Et

 22   d'ailleurs deux hommes se sont portés volontaires (expurgé)

 23   (expurgé). Ils ont donc ramassé le cadavre de Jasce qu'ils ont emporté

 24   derrière le hangar en descendant la rue, c'était sans doute sur le côté

 25   droit, enfin ils l'ont laissé là-bas.

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  1   Plus tard, j'ai appris qu'à cet endroit là, il y avait un tas de

  2   cadavres.

  3   M. Tochilovsky (interprétation). - Merci Témoin I.

  4   Après votre libération du camp de Luka, avez-vous été arrêté une

  5   nouvelle fois ?

  6   Témoin I (interprétation). - Oui.

  7   M. Tochilovsky (interprétation). - Où avez-vous été retenu

  8   prisonnier après votre deuxième arrestation ?

  9   Témoin I (interprétation). - Quand on m'a délivré un laissez-

 10   passer à Luka, à moi et à mon frère, nous pensions tous les deux qu'il

 11   était dangereux de rentrer chez nous, dans notre communauté locale. Alors,

 12   nous sommes allés chez notre ami (expurgé). Nous sommes restés

 13   chez cet ami jusqu'au 14 juillet, date à laquelle, à 2 heures du matin, on

 14   est venu nous chercher, moi et mon voisin, on nous a mis dans des autobus

 15   et on nous a emmenés au camp de Batkovic.

 16   M. Tochilovsky (interprétation). - Avez-vous vu Goran Jelisic au

 17   camp de Batkovic ?

 18   Témoin I (interprétation). - Oui, mais pas à notre arrivée. Il y

 19   avait d'autres personnes qui étaient là-bas à ce moment. Goran était

 20   probablement à Luka encore pendant ce temps là. Cependant, peut-être un

 21   mois et demi ou deux mois plus tard, un jour, dans l'après-midi, Goran et

 22   venu dans le camp de Batkovic. Il était habillé en civil, il portait des

 23   vêtements de qualité et derrière la grille, à l'extérieur du camp, il y

 24   avait une fille, une jeune femme, qui l'attendait. Une dizaine de détenus

 25   se sont assemblés autour de lui et il a discuté avec eux. Il a même

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  1   cherché un certain Ohro une personne aux cheveux noirs. Goran était venu

  2   pour emmener avec lui deux personnes du camp de détenus, du camp de

  3   Batkovic, des détenus qui avaient été à Luka auparavant, il me semble

  4   qu'un de ces détenus était surnommé Muta et à ce moment-là, je me trouvais

  5   à une distance d'un mètre ou deux mètres de lui. Il plaisantait.

  6   Comme il connaissait un certain nombre de personnes qu'il avait

  7   déjà vues à Luka, il a attendu ces deux personnes qu'il était venu

  8   chercher, pour qu'elles prennent leurs affaires personnelles, et ensuite

  9   il les a emmenées. Il les a probablement emmenées, car après que je sois

 10   sorti du camp, j'ai entendu dire qu'il avait à ce moment besoin de

 11   quelqu'un, d'un homme qui avait été détenu à Luka, pour faire des

 12   déclarations, pour démentir dans les médias des informations selon

 13   lesquelles Luka était un camp et selon lesquelles Goran exécutait des

 14   hommes.

 15   J'ai aussi entendu dire plus tard que l'on a forcé ces personnes

 16   à faire aux médias de telles déclarations, des déclarations que Goran leur

 17   a demandé de faire.

 18   M. Tochilovsky (interprétation). - Donc, vous venez de

 19   mentionner le nom de Ohro. Goran cherchait Ohro afin de l'emmener dans

 20   l'objectif que vous venez de nous expliquer ?

 21   Témoin I (interprétation). -  Je dois clarifier quelque chose :

 22   il n'a pas cherché Ohro pour l'emmener avec lui, il a cherché deux autres

 23   personnes mais, en passant, il a demandé des nouvelles d'Ohro car c'était

 24   son assistant là-bas.

 25   M. Tochilovsky (interprétation). - Merci, Témoin I. J'ai

Page 901

  1   maintenant quelques questions à vous poser au sujet de listes et je

  2   voudrais demander l'assistance de l'huissier.

  3   M. le Président. - Auparavant, Maître Tochilovsky, je voudrais

  4   que vous précisiez bien quels sont les meurtres reconnus par l'accusé, sur

  5   lesquels il a plaidé coupable. J'ai identifié personnellement les chefs

  6   d'accusations 14 et 15, me semble-t-il, mais peut-être 16 et 17. Est-ce

  7   qu’il y en a d'autres dans l'acte d'accusation, s'il vous plaît ?

  8   M. Tochilovsky (interprétation). - Monsieur le Président,

  9   messieurs les Juges, le témoin, ainsi que d'autres témoins d'ailleurs,

 10   nous leur avons posé des questions au sujet des meurtres qui ont été

 11   reconnus par Goran Jelisic et pour lesquels il a plaidé coupable mais le

 12   principal objectif de nos questions à ce témoin, et à d'autres témoins, ce

 13   n'est pas de nous intéresser aux faits au sujet desquels Goran Jelisic a

 14   plaidé coupable, mais à la façon dont ces meurtres ont été commis, au

 15   comportement de Goran Jelisic, à ce qu'il a dit et tout ceci étant

 16   pertinent pour le chef d'accusation numéro 1.

 17   M. le Président. - Merci, c'était ce que je voulais que vous

 18   précisiez. Les Juges sont attachés, vous le savez, à ce que ces débats

 19   soient très précisément circonscrits au génocide.

 20   Merci, vous pouvez poursuivre.

 21   M. Tochilovsky (interprétation). - Pièce à conviction n° 12 tout

 22   d'abord. Cette liste vous a été présentée avant votre déposition. Pouvez-

 23   vous nous dire très rapidement si vous savez ce qu'il est advenu de

 24   certaines des personnes mentionnées sur cette liste et si c'est le cas, ce

 25   que vous savez ?

Page 902

  1   Becirevic Sakib, page 1, savez-vous ce qu'il est advenu de lui ?

  2   Témoin I (interprétation). - J'en ai entendu parler à la sortie

  3   du camp de Batkovic. Ce sont les personnes qui ont été détenues dans la

  4   salle de sport de Partizan qui m'en ont parlé. Elles ont été détenues au

  5   moment où Sakib a été tué.

  6   M. Tochilovsky (interprétation). - Page suivante, on peut lire

  7   le nom de Ahmed Hodzic, page 2.

  8   Témoin I (interprétation). - Je dois vous corriger, il s'agit de

  9   Ahmet Hodzic, (expurgé) Papa. Nous nous

 10   cachions dans les mêmes sous-sols, il se cachait avec ma famille et nous

 11   sommes sortis ensemble. Nous étions détenus ensemble dans la mosquée en

 12   bois à Kolobara. C'est là qu'ils l'ont séparé et il a été emmené au centre

 13   médical. Il a été torturé dans le centre médical et il a été interrogé.

 14   M. Tochilovsky (interprétation). - C'est ce que d'autres

 15   personnes vous ont dit, n'est-ce pas ?

 16   Témoin I (interprétation). - Oui oui.

 17   M. Tochilovsky (interprétation). - Page 3 maintenant, on peut

 18   lire le nom de Mujic Fadil. Très brièvement, pouvez-vous nous dire ce

 19   qu'il est advenu de Mujic Fadil ?

 20   Témoin I (interprétation). – (expurgé)

 21   (expurgé). Il était aussi avec moi à la mosquée

 22   et il a été transporté avec moi jusqu'à la caserne et depuis la caserne

 23   jusqu'à Luka.

 24   Il est resté à Luka après moi et j'ai appris des personnes qui

 25   ont été détenues avec lui qu'un soir on a appelé Fadil et qu'on l'a emmené

Page 903

  1   et qu'il n'est plus jamais revenu.

  2   M. Tochilovsky (interprétation). - Le nom suivant,

  3   Galib Muranjkovic. Savez-vous ce qui est arrivé à cette personne ?

  4   Témoin I (interprétation). – (expurgé)

  5   (expurgé). Il pensait qu'il allait se sauver s'il partait de Brcko à Janja.

  6   Cependant, j'ai aussi entendu dire qu'il a été tué à cet endroit.

  7   M. Tochilovsky (interprétation). - Nom suivant : Pasalic Mirsad.

  8   Monsieur le Témoin, si vous reconnaissez certains de vos voisins les plus

  9   proches ou de vos parents, je vous prie de ne pas indiquer cela. Donc je

 10   voudrais vous poser une question au sujet de Pasalic Mirsad. Savez-vous ce

 11   qui lui est arrivé ?

 12   Témoin I (interprétation). – (expurgé)

 13   (expurgé) . J'ai entendu dire qu'on l'a fait

 14   descendre de l'autobus au moment où on le transportait vers Brezovo Polje

 15   et qu'il a été tué juste après qu'on l'ai fait sortir de l'autobus.

 16   M. Tochilovsky (interprétation). - Page 4, Sabanovic Midhat ?

 17   Témoin I (interprétation). – (expurgé)

 18   (expurgé). Il a été tué chez lui, dans sa maison, dans la cour de sa

 19   maison.

 20   M. Tochilovsky (interprétation). - Le nom suivant, Kemal

 21   Sulejmanovic ?

 22   Témoin I (interprétation). - C'est le frère de Vasif

 23   Sulejmanovic. Il a été tué dans l'entreprise Lazer. On me l'a dit, ce sont

 24   les personnes que l'on a fait venir de Laser qui me l'ont dit au moment où

 25   elles sont arrivées à Luka.

Page 904

  1   M. Tochilovsky (interprétation). - Le nom suivant : Osman

  2   Suljic ?

  3   Témoin I (interprétation). – Osman Suljic, fils de Enver Suljic

  4   (expurgé). Il est né en 1961. Il était détenu dans la mosquée avec

  5   moi. On l'a laissé partir de Luka et il est rentré dans la communauté

  6   locale où il habitait. Il se trouvait chez lui avec son père qui était

  7   malade. Ma voisine m'a dit qu'il a été tué dans son jardin. Elle m'a dit

  8   qu'il a été égorgé.

  9   M. Tochilovsky (interprétation). – Le nom suivant  Terzic Ekrem,

 10   Enes et Muharem. En quelques mots pouvez-vous nous dire si vous savez ce

 11   qu'il est advenu de ces personnes, ce qui leur est arrivé ? Ne nous dites

 12   pas où ils habitaient, qui étaient leurs parents, contentez-vous s'il vous

 13   plaît de nous dire ce qui leur est arrivé si vous le savez.

 14   Témoin I (interprétation). - Eux aussi ont été détenus dans la

 15   mosquée avec moi. Après, on les a transporté à la caserne tous ensemble,

 16   nous y étions ensemble, et de la caserne on les a transportés à Luka. Ils

 17   étaient parmi les premiers à recevoir le laissez-passer pour sortir de

 18   Luka. Quand ils sont partis, quand ils sont rentrés chez eux, il nous

 19   faisaient des signes avec leur laissez-passer. Ils sont restés pendant un

 20   moment chez la belle-mère de Enes à Srpska Varos, mais quand ils n'avaient

 21   plus de nourriture, ils sont allés à Kolobara dans la communauté locale où

 22   ils vivaient auparavant.

 23   J'ai entendu dire qu'ils ont été tués chez eux. C'est aussi la

 24   voisine, une voisine qui me l'a dit car elle était chez elle à ce moment.

 25   Elle nous a dit qu'ils ont été tués pendant le pillage d'un appartement

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  1   car ils regardaient à travers la fenêtre et le rideau de la fenêtre à

  2   travers laquelle ils observaient ce qui se passait a bougé, ce qui a trahi

  3   leur présence. Par conséquent, on les a fait sortir de la maison et on les

  4   a tués tous les trois. C'est cette femme qui me l'a dit et si je ne dois

  5   pas, je préfère ne pas donner le nom de cette femme.

  6   M. Tochilovsky (interprétation). - Nous pouvons maintenant

  7   passer à la pièce à conviction n °13.

  8   Une fois de plus, pouvez-vous nous dire en quelques mots si vous

  9   savez ce qui est arrivé aux personnes que vous reconnaissez sur cette

 10   liste. La première personne est Midhat Sabanovic.

 11   Témoin I (interprétation). - J'ai dit qu'il a été tué dans la

 12   cour chez lui, devant sa maison.

 13   M. Tochilovsky (interprétation). – Numéro 2, vous nous en avez

 14   déjà parlé je crois n'est-ce pas ?

 15   Témoin I (interprétation). - Oui mais je n'ai pas dit tout ce

 16   que je savais à son sujet.

 17   M. Tochilovsky (interprétation). - Mais vous avez entendu dire

 18   qu'il avait été tué ?

 19   Témoin I (interprétation). - Oui, je l'ai entendu dire.

 20   M. Tochilovsky (interprétation). – Merci. Numéro 5, Amir

 21   Novalic. Avez-vous entendu quoi que ce soit à son sujet sur ce qui lui est

 22   arrivé ?

 23   Témoin I (interprétation). - Je le connaissais très bien et les

 24   détenus à Batkovic et à Luka m'ont dit qu'il a été tué dans le bâtiment du

 25   SUP.

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  1   M. Tochilovsky (interprétation). – Numéro 9,. Mustafa Medinic.

  2   Savez-vous ce qu'il est advenu de lui ?

  3   Témoin I (interprétation). - Ses voisins que l'on a fait venir

  4   ce jour-là dans la mosquée en bois m'ont dit que les deux frères Mustafa

  5   et Ado Mudinic ont été tués chez eux dans leur maison, car ils auraient

  6   été accusés d'être des tireurs embusqués.

  7   M. Tochilovsky (interprétation). - Vous venez de mentionner le

  8   n° 10, Ado Mudinic, vous nous dites donc qu'il a été tué.

  9   Irfan Topalcevic, le n° 11 maintenant.

 10   Témoin I (interprétation). - Irfan Topalcevic a aussi été tué

 11   dans sa maison.

 12   M. Tochilovsky (interprétation). - N° 12, Irfan Suljic.

 13   Témoin I (interprétation). - Il a été tué au même moment, le

 14   même jour où l'on a tué Ado et Mustafa Mudinic car ils sont voisins. J'ai

 15   appris cela dans l'un des trois camps, la mosquée, Luka ou Batkovic.

 16   M. Tochilovsky (interprétation). - N° 15, Muhamed Jakubovic.

 17   Témoin I (interprétation). - Muhamed Jakubovic, surnommé Ulika

 18   (expurgé) . Il

 19   fabriquait des objets en cuir de sorte qu'il a été tué à la porte de son

 20   jardin.

 21   M. Tochilovsky (interprétation). - Sakib Becirevic, le n° 16.

 22   Témoin I (interprétation). - Je le connaissais aussi. J'ai

 23   entendu parler de son sort par des personnes qui sont venues dans la

 24   partie de la municipalité de Brcko contrôlée par les troupes fédérales

 25   après qu'elles aient été échangées. C'est un homme dont je connais le nom

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  1   et le prénom qui me l'a dit, et cet homme m'a dit qu'on a fait sortir

  2   Sakib de la salle de sport Partizan, que c'est Ranko Cesic en personne qui

  3   l'a fait sortir. Il lui a enlevé ses menottes et il lui a dit de sauter

  4   par-dessus la barrière. Et quand Sakib l'a fait, Ranko l'a tué car il

  5   prétendait que celui-ci commençait à fuir.

  6   M. Tochilovsky (interprétation). - Merci. numéro suivant, n° 17,

  7   Sakib Edhemovic.

  8   Témoin I (interprétation). - Tout le monde à Brcko connaissait

  9   cet homme. C'était un médecin de renommée, il habitait dans le centre-

 10   ville. On m'a dit qu'il restait dans la ville de Brcko occupée et qu'il a

 11   été tué au milieu de la guerre.

 12   M. Tochilovsky (interprétation). - Le nom suivant, n° 19, 20,

 13   21, 22, les frères Terzic et Kemal Sulejmanovic. Est-ce que ce sont les

 14   personnes dont vous venez de nous parler en examinant la première liste ?

 15   Témoin I (interprétation). - Oui.

 16   M. Tochilovsky (interprétation). - Nom suivant, n° 23,

 17   Vasif Sulejmanovic.

 18   Témoin I (interprétation). – (expurgé)

 19   (expurgé) . Au début, quand ils ont été détenus dans la

 20   mosquée, moi aussi j'y étais. Un soldat serbe m'a fait sortir de la

 21   mosquée en bois qui se trouvait dans la communauté locale de Kolobara. Il

 22   m'a demandé si je connaissais Vasif et surtout si Vasif avait de l'argent

 23   sur lui. Le nom de cette personne, de ce Serbe était Milenko Radusic. Je

 24   lui ai répondu que je n'en savais rien et que je pensais que c'était son

 25   épouse qui avait pris l'argent. Milenko Radusic m'a dit que Vasic lui

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  1   avait raconté la même chose, mais qu'il avait tout de même incendié sa

  2   maison avec Zolja. J'ai encore vu Vasic à Brcko quelques fois avant que je

  3   sois déporté dans le camp de Batkovic. Après j'ai entendu dire qu'il a été

  4   tué pendant mon séjour dans le camp de Batkovic.

  5   M. Tochilovsky (interprétation). – Numéro 27 Muhamed

  6   Zelenjakovic. S'agit-il de l'homme que vous avez mentionné en parcourant

  7   la première liste. Est-ce la même personne ?

  8   Témoin I (interprétation). - Je ne sais pas si son nom figurait

  9   sur cette autre liste, (expurgé) .

 10   Il a été détenu avec nous dans la mosquée en bois à Kolobara et dans le

 11   centre médical ainsi que dans la caserne. A Luka on l'a laissé partir,

 12   rentrer chez lui, mais il a été tué dans sa maison avec son fils et j'ai

 13   entendu dire que sa maison a été incendiée.

 14   M. Tochilovsky (interprétation). – Numéro 30, Ahmed Fatic.

 15   Témoin I (interprétation). - J'ai une correction, il s'agit

 16   d'Ahmet -avec un "t"- Fatic. J'ai donné le nom de cette personne car

 17   c'était une personne qui possédait des armes. J'ai dit qu'il avait plus de

 18   70 ans. La voisine la plus proche est venue dans l'établissement Es après

 19   qu'on l'ait sortie du camp de Luka, et elle nous a dit qu'elle était allée

 20   rendre visite à son voisin car elle était étonnée de ne pas le voir. Mais

 21   dès qu'elle est rentrée dans la maison, elle nous a dit qu'elle a senti

 22   une odeur très forte et qu'il était couché dans la pièce. Il avait été tué

 23   et son corps commençait à se décomposer. Elle ne savait pas s'il avait été

 24   tué ou s'il était mort de mort naturelle.

 25   M. Tochilovsky (interprétation). - Numéro suivant, n 36, Osman

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  1   Vatic. C'est le dernier nom sur la liste.

  2   Témoin I (interprétation). - Je connaissais Osman Vatic, je

  3   connaissais aussi son épouse et ses deux filles. Je ne sais pas s'il était

  4   détenu à Luka, je l'ai vu pour la première fois pendant la guerre dans le

  5   camp de détention de Batkovic. C'est un homme qui avait une jambe en bois

  6   et dans le camp, j'ai vu personnellement, j'étais présent, lors d'un

  7   échange qui avait été organisé. On a désigné 40 détenus du camp de

  8   Batkovic pour qu'ils soient échangés. Un officier serbe à arrêté le bus à

  9   ce moment et il a dit de prendre aussi Osman Vatic pour qu'ils se

 10   débarrassent de lui. Ils l'ont emmené à Brcko devant les bâtiments du SUP

 11   avec les 40 autres personnes. Il était la 41ème  personne. On l'a fait

 12   sortir devant les bâtiments du SUP et on l'a tué.

 13   Je l'ai entendu de personnes qui sont restées à l'intérieur de

 14   l'autobus et qui sont venues plus tard sur le territoire libre à Brcko,

 15   c'est-à-dire le territoire fédéral.

 16   M. Tochilovsky (interprétation). - Merci Témoin I. Monsieur le

 17   Président, Messieurs les Juges je n'ai plus de questions à poser au

 18   témoin.

 19   M. le Président. - Bien. Nous suspendons l'audience pendant

 20   20 minutes et nous la reprendrons ensuite pour que le témoin soit

 21   contre-interrogé par Maître Greaves je suppose.

 22   L'audience, suspendue à 11 heures 25, est reprise à 12 heures.

 23   M. le Président. - L'audience est reprise, introduisez l'accusé,

 24   s'il vous plaît.

 25   (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

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  1   Maître Greaves, c'est à vous.

  2   M. Greaves (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

  3   Témoin I, pour commencer je vais vous demander si vous ne

  4   comprenez pas une de mes questions, n'hésitez pas à m'interrompre

  5   immédiatement pour me dire que vous ne comprenez pas et demandez-moi de

  6   répéter ma question ou de la reformuler. Est-ce que vous pouvez faire

  7   cela, s'il vous plaît ?

  8   Témoin I (interprétation). - Oui.

  9   M. Greaves (interprétation). - Merci. Je vais vous poser la

 10   question suivante au sujet de vous-même. Avant le déclenchement de la

 11   guerre aviez-vous une activité politique quelconque ?

 12   Témoin I (interprétation). - Non.

 13   M. Greaves (interprétation). - Pendant la guerre ou depuis la

 14   guerre, avez-vous eu une activité politique ?

 15   Témoin I (interprétation). - Non.

 16   M. Greaves (interprétation). - Avez-vous adhéré à un parti

 17   politique ?

 18   Témoin I (interprétation). - Non.

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 25   M. Greaves (interprétation). – Témoin I, je vais maintenant

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  1   passer au point suivant. Entre ce moment-là et le moment où vous avez été

  2   arrêté, est-ce qu'une forme de conflit s'est déclenchée dans la zone de

  3   Brcko ?

  4   Témoin I (interprétation). - A partir de ce jour-là; à partir du

  5   1er mai dans l'après midi, on entendait de plus en plus de détonations et

  6   de coups de feu.

  7   M. Greaves (interprétation). – Ensuite, quand vous avez été

  8   évacués, est-ce que vous avez vu quoi que ce soit qui pouvait indiquer que

  9   des combats très durs avaient eu lieu à Brcko ?

 10   Témoin I (interprétation). - Oui.

 11   M. Greaves (interprétation). - Est-ce à dire que vous avez vu

 12   des immeubles qui avaient été détruits par des tirs d'artillerie, des murs

 13   d'immeubles criblés de balles ? Est-ce ce genre de choses que vous avez

 14   vu ?

 15   Témoin I (interprétation). - Je vais vous dire qu'entre le

 16   1er mai et le 4 mai, la période que j'ai passée au sous-sol, les forces

 17   serbes ont fait venir un char qu'ils ont placé à côté du centre médical.

 18   Dans des intervalles courts de quelques minutes, on entendait des

 19   détonations et à chaque fois, à chaque détonation, la porte de notre sous-

 20   sol tremblait car ces chars étaient placés à 70 mètres à peu près de

 21   l'endroit, de la maison où je me cachais. A ce moment-là, ces chars

 22   tiraient vers Plavac, Rijeka, Suljagica Sokak et Dizdarusa, ce sont des

 23   hameaux à l'extérieur de la ville. A chaque détonation quand l'obus

 24   touchait le goudron, on l'entendait toucher le goudron, et des coups de

 25   feu, des tirs venaient de partout, se dirigeant contre les portes, les

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  1   fenêtres, les toits et un obus a été tiré précisément dans le jardin de ma

  2   maison. Et il a causé des dommages sur le toit de ma maison et il a aussi

  3   abattu un arbre. La ligne téléphonique a été coupée également.

  4   M. le Président. - On peut peut-être poursuivre Maître, je crois

  5   que vous avez répondu à la question témoin I, poursuivez. Je ne voudrais

  6   pas que l'on s'éloigne trop du génocide. Je vous ramène toujours à cela,

  7   c'est le chef d'accusation 14. Nous sommes dans le chef d'accusation 14.

  8   M. Greaves (interprétation). - Monsieur le Président, permettez-

  9   moi de vous expliquer mes questions. La raison pour laquelle je

 10   m'intéresse aux combats qui ont eu lieu en mai dans la région de Brcko est

 11   la suivante : l'accusation a utilisé un certain nombre de fosses communes

 12   qui ont été trouvées dans la région. Nous nous efforçons de déterminer si

 13   des gens ont été tués dans le cadre de combats qui ont eu lieu en mai. Il

 14   est possible que si effectivement il y a eu des victimes, elles ont été

 15   placées dans des fosses communes. Bien entendu, l'accusation va nous dire

 16   que ces fosses communes contiennent les corps de personnes qui ont été

 17   tuées dans le cadre de génocide. Et nous, ce que nous nous efforçons de

 18   déterminer, c'est si ces fosses communes peuvent avoir une autre origine

 19   que le génocide.

 20   M. le Président. - (Hors micro).

 21   Je vous rappelle, comme d'ailleurs me le faisaient remarquer

 22   excellemment mes collègues, que Goran Jelisic n'est pas accusé de

 23   complicité de génocide, il est accusé de génocide. C'est l'accusation du

 24   Procureur c'est-à-dire que Goran Jelisic a eu l'intention, pour le

 25   Procureur, de détruire une partie importante ou significative de la

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  1   population musulmane bosniaque en tant que groupe national, ethnique ou

  2   religieux. C'est le Statut, alors ne refaisons pas toute la guerre dans la

  3   région de Brcko. C'est Jelisic qui aurait commis un génocide, ce ne sont

  4   pas les Juges qui ont posé l'accusation, c'est le Procureur. Je ne ramène

  5   pas que vous, Maître Greaves, je ramène aussi le Procureur, l'accusation

  6   de génocide. Pour tout le reste, l'accusé a plaidé coupable. Cela ne vous

  7   concerne pas directement Témoin I, ne vous inquiétez pas, ce sont des

  8   discussions de juristes mais qui sont très importantes pour l'accusé.

  9   Je ne critique pas votre travail, Maître Greaves, je ne voudrais

 10   simplement pas que l'on s'éloigne du chef d'accusation 1.

 11   M. Greaves (interprétation). - Je vous comprends très bien,

 12   Monsieur le Président, mais permettez-moi d'ajouter la chose suivante. Le

 13   nombre de gens qui ont été tués, c'est extrêmement important puisque vous

 14   devrez déterminer et décider si le nombre de personnes qui ont été tuées

 15   représente une part très importante de la population musulmane. Donc, le

 16   nombre de victimes est important, parce que si l'on peut établir par la

 17   preuve que les meurtres ont pu avoir une autre cause, à savoir les

 18   combats, donc si l'on peut établir qu'il s'agissait de victimes qui ne

 19   sont pas victimes de génocide, si effectivement il y a eu génocide, à ce

 20   moment-là, la question est tout à fait pertinente dans le cadre des

 21   décisions que vous devez prendre, Monsieur le Président.

 22   M. le Président. - Je le dis aussi bien au Procureur qu'à la

 23   défense, la question du conflit est une question qui est extrêmement

 24   discutée. Je vous rappelle que même notre Statut, qui d'ailleurs ne parle

 25   pas de conflit, dit, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-

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  1   après commis dans l'intention de détruire en tout ou en partie un groupe

  2   national, ethnique, racial ou religieux. Je comprends que l'on puisse

  3   discuter sur le terme de "partie", mais il s'agit de savoir très

  4   exactement ce que l'on reproche à l'accusé.

  5   Pour l'instant, avec mes collègues, nous lisons le chef

  6   d'accusation 1 : Le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-

  7   après. Donc, il faut que le Procureur démontre que les actes n'ont pas été

  8   commis par la direction de la Republika Srpska mais par M. Jelisic, dans

  9   l'intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique,

 10   racial ou religieux. En tout ou en partie. Je comprends bien ce que l'on

 11   veut Maître, mais c'est pour cela que je ramène toujours, non pas du tout

 12   par une sorte de monomanie, de rapidité, pas du tout. Vous savez très bien

 13   que les procès, quand ils doivent être longs ou lents, ils doivent être

 14   longs ou lents, ce n'est pas du tout la question. C'est simplement le

 15   ramener à l'objet exact dans lequel, et ça cela ne vous concerne pas

 16   Maître Greaves, mon observation vaut tout autant pour le Procureur que

 17   pour la défense.

 18   Cela étant, vous avez expliqué ce que vous vouliez faire et nous

 19   vous en remercions. Poursuivez, mais en essayant, vous comme le Procureur,

 20   de rester toujours dans le chef d'accusation 1. Goran Jelisic n'est pas en

 21   accusation pour complicité de génocide, mais pour génocide, c'est en tout

 22   cas le chef d'accusation 1 à l'heure actuelle.

 23   Poursuivez, Maître Greaves. Merci, Témoin I de votre patience et

 24   essayez de répondre de façon concise aux questions. Pourquoi ? Je vais

 25   vous expliquer : le Procureur ou la défense, dans ce système judiciaire

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  1   qui est le nôtre, ont un plan, ils savent où ils vont, ils ont un but,

  2   Me Greaves de défendre l'accusé et l'accusation de démontrer ce qu'on

  3   reproche à l'accusé. La question peut vous paraître un peu courte, vous

  4   pouvez avoir tendance à dire beaucoup d'autres choses, nous vous écoutons

  5   en général, mais essayez quand même de répondre bien précisément aux

  6   questions qui vous sont posées.

  7   Maître Greaves, poursuivez. C'est moi-même qui ai fait perdre un

  8   peu de temps mais je pensais, avec l'accord de mes collègues, que c'était

  9   peut-être nécessaire. Merci.

 10   M. Greaves (interprétation). – Merci beaucoup, Monsieur le

 11   Président. Puis-je demander au témoin s'il y a eu ou non des victimes ?

 12   C'est la question que je voulais poser au témoin et, Monsieur le

 13   Président, vous ne m'avez pas dit si je pouvais ou non poser cette

 14   question ?

 15   M. le Président. – Oui, posez cette question, Maître.

 16   M. Greaves (interprétation). – Merci beaucoup, Monsieur le

 17   Président. Monsieur I, là encore vous pouvez répondre de façon très

 18   concise à ma question. Est-ce qu'il y avait des victimes, des morts ou des

 19   blessés à la suite du conflit dont vous avez vu toutes les indications ?

 20   Témoin I (interprétation). - Il n'y a pas eu de signes visibles

 21   que ces hommes se trouvant peut-être dans les fosses communes ont été tués

 22   par des obus ; ils ont tous été tués d'une façon animale, uniquement à

 23   cause de leur appartenance ethnique, car ils étaient Musulmans ou Croates,

 24   ou bien parce qu'ils étaient membres d'un parti politique, ou bien parce

 25   que tout simplement on n'aimait pas quelqu'un. Et si cette personne avait

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  1   la malchance de se trouver à cet endroit à ce moment-là, elle était tuée.

  2   Même s'il y a eu des victimes des obus, ce nombre est

  3   certainement petit et ce sont des personnes venant des villages autour de

  4   Brcko, pas des personnes de Brcko car les Serbes pilonnaient avec

  5   l'artillerie lourde, Rajic, Palanka, Brcko, donc les villages qui étaient

  6   à la périphérie de la ville. Alors que les civils de la ville ont péri

  7   dans les camps, dans les sous-sols de leur maison, dans leur maison, dans

  8   les jardins de leur maison ou les cours, ou bien on les a amenés sur la

  9   rivière de la Save où ils ont été fusillés.

 10   Donc, toutes les victimes venant de la ville, 99 % d'entre eux

 11   ont été tués à bout portant, de très près, c'est-à-dire qu'ils ont été

 12   fusillés. On les a égorgés et ils ont été tués d'une autre façon.

 13   M. Greaves (interprétation). – Monsieur I, je voudrais

 14   maintenant que vous nous parliez de votre évacuation du centre médical.

 15   Est-il exact que 150 à 200 personnes ont été déplacées dans le cadre de ce

 16   transfert ?

 17   Témoin I (interprétation). – Le 4 mai, vers 12 heures à peu

 18   près, les forces serbes passaient par la rue où j'habitais. Ils appelaient

 19   les gens par les haut-parleurs, ils leur demandaient de sortir de leur

 20   maison et de leur sous-sol. Moi, j'ai dit qu'on ferait peut-être mieux de

 21   sortir et de nous diriger vers l'endroit où ils nous demandaient de nous

 22   rendre, à savoir le centre médical. J'ai pensé qu'on ferait mieux de

 23   partir que de rester dans les sous-sols.

 24   C'est alors qu'une colonne interminable de vieillards, de femmes

 25   et d'enfants s'est ébranlée et moi, j'étais à la tête de cette colonne. On

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  1   nous a amenés dans le centre médical. C'est là qu'on a séparé les femmes

  2   et les enfants. Il y avait des autobus qui les attendaient déjà. Ce sont

  3   ces autobus qui les ont transportés à un endroit inconnu. Alors que les

  4   hommes âgés entre 15 et 75 ans, ont été gardés devant le centre médical.

  5   M. Greaves (interprétation). Merci beaucoup, vous nous avez

  6   donné toutes sortes d'informations mais vous n'avez pas répondu à la

  7   question posée. Donc, je vous demanderai de bien vouloir garder présente à

  8   l'esprit la question que je vous pose et d'y répondre. Est-il exact

  9   que 150 à 200 personnes ont été évacuées et emmenées d'abord au centre

 10   médical ?

 11   Témoin I (interprétation). - Je n'appellerai pas cela une

 12   évacuation. Nous étions dans nos caves et nous sommes sortis de nos caves

 13   pour être emmenés devant le centre médical. Là-bas, on nous a interrogés,

 14   on nous a frappés, on nous a tués. Il n'y a pas eu de leur part une seule

 15   seconde agréable à notre égard. Ils nous frappaient sans raison, les uns

 16   après les autres, tous, y compris les enfants, les vieillards, les

 17   malades, qu'on soit malade ou en bonne santé, c'était pareil.

 18   M. Greaves (interprétation). – Monsieur I, vous allez passer

 19   beaucoup plus de temps que nécessaire ici si vous ne répondez pas aux

 20   questions. Je m'intéresse peu au fait de savoir si on appelle ça un

 21   exercice, une manœuvre, le déplacement de personnes ou une évacuation. Je

 22   vous demande quel est le nombre de personnes qui étaient concernées ?

 23   Témoin I (interprétation). - Ce quartier de ma communauté locale

 24   se compose de deux rues à peu près, et il y avait les hommes ; donc nous

 25   étions entre 150 et 200.

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  1   M. Greaves (interprétation). – Merci. Vous venez de nous dire

  2   sous serment que ces personnes qui ont été séparées pour être retenues

  3   devant le centre médical, avaient entre 15 et 75 ans. Est-il exact que ces

  4   personnes séparées de vous se composaient de femmes, d'enfants et d'hommes

  5   qui avaient moins de 18 ans ou plus de 60 ans, et que c'est ce que vous

  6   avez dit aux membres du Bureau du Procureur en fait ?

  7   Témoin I (interprétation). - Oui, vous avez raison. Certaines de

  8   ces personnes, certaines des personnes âgées ont été envoyées avec les

  9   femmes et les enfants, mais dans la mosquée.

 10   M. le Président. - Vous avez répondu, c'était la question que

 11   vous posait le défenseur. S'il souhaite avoir des détails il vous les

 12   demandera.

 13   Maître Greaves, vous poursuivez.

 14   Témoin I (interprétation). - Oui.

 15   M. Greaves (interprétation). - Parmi les personnes qui se

 16   trouvaient à cet endroit y avait-il, en fait, y compris des hommes serbes

 17   en âge de travailler ?

 18   Témoin I (interprétation). - Non, il n'y en avait pas.

 19   M. Greaves (interprétation). - Vous avez dit aux membres du

 20   Bureau du Procureur qu'un ami serbe vous avait dit que des Serbes en âge

 21   de travailler, des hommes, avaient été emmenés à la caserne et mobilisés.

 22   Vous rappelez-vous avoir dit cela ?

 23   Témoin I (interprétation). - Je ne sais pas comment l'appeler.

 24   Cet homme qui m'a dit cela était issu d'un couple mixte. Il est vrai que

 25   son prénom est Dragan, donc son père est sans doute serbe et sa mère

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  1   musulmane. Il était avec nous aussi dans la mosquée.

  2   M. Greaves (interprétation). - Vous a-t-il apporté des

  3   informations selon lesquelles les hommes qui n'accepteraient pas d'être

  4   mobilisés seraient en fait frappés et forcés de manger de l'herbe ?

  5   Témoin I (interprétation). - Cela c'est un autre homme qui me

  6   l'a dit.

  7   M. Greaves (interprétation). - Merci.

  8   Est-il exact que, lorsque vous étiez à la mosquée, vous avez été

  9   interrogé ?

 10   Témoin I (interprétation). - Oui.

 11   M. Greaves (interprétation). - Y avait-il un certain Kosta et un

 12   certain Mauzer qui participaient à cet interrogatoire ?

 13   Témoin I (interprétation). - Oui.

 14   M. Greaves (interprétation). - Et ce Kosta était-il en fait un

 15   homme répondant aux nom et prénom de Kosta Kostic ?

 16   Témoin I (interprétation). - C'est par la suite que j'ai appris

 17   que c'était bien son nom et son prénom.

 18   M. Greaves (interprétation). - Un homme dans la quarantaine,

 19   c'est bien cela ?

 20   Témoin I (interprétation). - Oui.

 21   Témoin I (interprétation). - Et le thème de l'interrogatoire que

 22   vous avez subi était le suivant : Mauzer, en fait, souhaitait savoir

 23   quelles informations vous aviez au sujet de personnes qui avaient

 24   participé à des opérations militaires, de personnes qui appartenaient à

 25   des partis politiques ou de personnes qui détenaient des armes. Est-ce

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  1   exact ?

  2   Témoin I (interprétation). - Oui c'est exact.

  3   M. Greaves (interprétation). - Deux au moins des personnes dont

  4   vous avez donné les noms comme étant des hommes qui possédaient des armes

  5   ont été tuées par la suite, bien que vous ne sachiez par exactement pour

  6   quelles raisons ils ont été tués, n'est-ce pas ?

  7   Témoin I (interprétation). - Oui, les quatre hommes dont j'ai

  8   donné les noms étaient tous chasseurs, mais deux ont été tués.

  9   M. Greaves (interprétation). - Vous avez dit dans votre

 10   déposition qu'un certain Danijel avait été tué à Luka. L'aviez vous vu

 11   auparavant à la mosquée ?

 12   Témoin I (interprétation). - Oui, je l'ai vu à la mosquée. Ils

 13   l'ont emmené au centre médical ou ils l'ont interrogé et frappé en même

 14   temps que Ahmet Hodzic, dit Papa, et les frères Terzic.

 15   M. Greaves (interprétation). - Ahmet Hodzic a-t-il été frappé

 16   parce qu'il avait une activité politique dans la région ? Est-ce pour

 17   l'essentiel la raison des mauvais traitements qu'il a subis ?

 18   Témoin I (interprétation). - Il était président de la communauté

 19   locale et membre du SDA. Les soldats qui étaient présents sur les lieux,

 20   un soldat en tout cas, a dit : "Mais pourquoi tu ne te portes pas

 21   volontaire puisque tu es président du parti ?". Il a répondu qu'il n'était

 22   pas président du parti, qu'il n'était que membre du parti. Ils l'ont fait

 23   sortir à ce moment-là et il n'est plus jamais revenu.

 24   M. Greaves (interprétation). - Et qu'en est-il de Danijel ? Y

 25   avait-il une raison justifiant le passage à tabac subi par cet homme ?

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  1   Témoin I (interprétation). -  Danijel, ils l'accusaient de

  2   posséder un révolver Scorpion chez lui à la maison.

  3   M. Greaves (interprétation). - C'était un homme jeune, en âge de

  4   combattre ?

  5   Témoin I (interprétation). - Il était en âge de combattre mais,

  6   pour autant que je le sache, il n'a participé à rien. Je le connaissais

  7   personnellement y compris avant cette période. Je le connaissais comme

  8   étant un habitant calme et tranquille, exemplaire.

  9   M. Greaves (interprétation). - Etes-vous au courant, Monsieur I,

 10   que d'autres personnes aient été interrogées pendant votre séjour dans la

 11   mosquée ?

 12   Témoin I (interprétation). - Oui.

 13   M. Greaves (interprétation). - L'objet de ces interrogatoires

 14   consistait-il à obtenir des renseignements au sujet de la résistance, la

 15   possession d'armes, de telle ou telle propriété ? Les questions portaient-

 16   elles aussi sur de l'argent, ce genre de chose ?

 17   Témoin I (interprétation). - Ils cherchaient sans arrêt des

 18   tireurs embusqués qui n'existaient pas ; ils cherchaient des armes qui

 19   n'existaient pas. Je connais plusieurs personnes qu'ils ont passées à

 20   tabac en les accusant de posséder des armes et je garantis que ces

 21   personnes ne possédaient pas d'armes. Donc ce n'étaient que des prétextes

 22   pour exercer des violences.

 23   M. Greaves (interprétation). - Est-il exact, Monsieur I, qu'un

 24   homme appelé Jasmin, fils de Fikret et un certain Midhat Kobilja leur ont

 25   donné des informations, une liste de noms de personnes possédant des armes

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  1   et étant membres du SDA ? Et Fikret était l'épicier ?

  2   Témoin I (interprétation). - Oui, il y en a eu qui ont accepté

  3   de parler pour sauver leur tête et qui ont dit des choses vraies et des

  4   choses fausses.

  5   M. Greaves (interprétation). - Pendant votre séjour dans la

  6   mosquée, un certain Suljic a été tué alors qu'il tentait de s'évader et un

  7   certain Enes Turkusic, si je ne m'abuse, a réussi à s'évader, lui ? C'est

  8   exact ?

  9   Témoin I (interprétation). - C'est exact, c'est cela.

 10   M. Greaves (interprétation). - J'aurais une question à vous

 11   poser rapidement qui n'a pas été posée jusqu'à présent. Est-il exact que

 12   lorsqu'ils ont découvert (expurgé)

 13   été pratiquement choisi sur le champ pour être interrogé ?

 14   Témoin I (interprétation). - Oui, c'est exact.

 15   M. Greaves (interprétation). - Monsieur I, suite à

 16   l'interrogatoire que vous avez subi, en fait au cours de cet

 17   interrogatoire, on vous a interrogé au sujet d'un club de tir, n'est-ce

 18   pas ?

 19   Témoin I (interprétation). - C'est cela.

 20   M. Greaves (interprétation). - N'avez-vous pas tenté de leur

 21   dire que les seules armes détenues par les membres de ce club de tir

 22   étaient des fusils à air comprimé, des armes à air comprimé ?

 23   Témoin I (interprétation). - Oui, c'est exact, vous avez raison,

 24   je pensais que c'était le cas.

 25   M. Greaves (interprétation). - Et on vous a emmené à ce moment-

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  1   là au club de tir et ils ont procédé à une fouille en votre présence ?

  2   Témoin I (interprétation). - Ils n'ont pas procédé à une

  3   fouille. Tout ce qui se trouvait dans les locaux de ce club de tir ils

  4   l'ont emporté dans des voitures. Ils ont emporté tout cela vers Bjelina.

  5   Il y avait des équipements techniques, des câbles de télévision, des

  6   magnétoscopes, des téléphones. Il y avait des fusils à air comprimé, des

  7   munitions de petit calibre et des fusils de compétition M 48.

  8   M. Greaves (interprétation). - Des fusils M 48 qui ne sont pas

  9   des fusils à air comprimé, n'est-ce pas ?

 10   Témoin I (interprétation). - C'est exact. Mais il n'y en avait

 11   pas beaucoup, deux ou trois. Mais par le passé ce club de tir avait y

 12   compris utilisé de telles armes pour les compétitions.

 13   M. Greaves (interprétation). - En quelques mots, il y avait huit

 14   caisses de munitions, cinq unités de munitions de petit calibre, huit

 15   revolvers de petit calibre, deux revolvers de grand calibre, des talkies-

 16   walkies, des fusils de petit calibre. Tout cela a été saisi également,

 17   n'est-ce pas ?

 18   Témoin I (interprétation). - Je ne me rappelle pas ce qu'il en

 19   est des fusils de chasse mais pour ce que vous venez de dire oui, vous

 20   avez raison.

 21   M. Greaves (interprétation). - Après qu'Ahmet Hodzic, surnommé

 22   Papa, ait été emmené, l'homme prénommé Jasmin, fils de l'épicier, leur a-

 23   t-il fourni d'autres informations ?

 24   Témoin I (interprétation). - En ce moment même je suis incapable

 25   de me rappeler cela avec précision car je n'étais pas présent. Mais je

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  1   suppose qu'il a pu dire quelque chose.

  2   M. Greaves (interprétation). - A-t-il donné le nom de deux

  3   personnes comme détenant des armes ?

  4   Témoin I (interprétation). - Oui, il a donné ces noms et ces

  5   personnes ont été emmenées au centre médical pour y subir un

  6   interrogatoire, après quoi ils les ont ramenés. Il était visible qu'ils

  7   avaient subi des violences.

  8   M. Greaves (interprétation). - Est-il exact que les frères

  9   Teslic se sont trouvés dans la mosquée ? Ou Terzic ?

 10   Témoin I (interprétation). - Les frères Terzic étaient à la

 11   mosquée.

 12   M. Greaves (interprétation). - Est-il exact qu'avant

 13   d'interroger l'un des deux frères, ils avaient déjà trouvé deux fusils de

 14   tireurs embusqués dans la maison de leur cousin Nermin Terzic et ils se

 15   sont mis à frapper ces hommes, les deux frères, en raison de leur lien de

 16   famille avec celui chez qui ils avaient trouvé les fusils ?

 17   Témoin I (interprétation). - Oui, c'est exact, mais je dois dire

 18   que ce cousin à eux avait un permis pour ces fusils. Et il était féru du

 19   sport que constituait la chasse, comme d'ailleurs il aimait beaucoup le

 20   sport que constituait la pêche. Le SUP et y compris la police savaient

 21   qu'il avait des armes puisque c'est à cet endroit que se trouvait une

 22   carte stipulant que ces hommes possédaient ces fusils.

 23   M. Greaves (interprétation). – Est-il exact également qu'un

 24   certain Milenko Radusic vous a interrogé à un certain moment ?

 25   Témoin I (interprétation). - Oui c'est exact.

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  1   M. Greaves (interprétation). – Qui vous a dit que sur le toit de

  2   la maison de Vasif Sulejmanovic on avait trouvé un fusil de tireur

  3   embusqué et qu'une action avait été entreprise contre cette position de

  4   tir ?

  5   Témoin I (interprétation). - Il n'est pas question de fusil. Ce

  6   Milenko Radusic nous demandait de l'argent. C'est pour cela.

  7   M. le Président. – Répondez de façon précise. La question est de

  8   savoir si on a trouvé un fusil de tireurs embusqués. Vous dites oui, non

  9   ou pas du tout, ou vous estimez que non, ou vous ne savez pas. Quelle est

 10   votre réponse ?

 11   Témoin I (interprétation). – Non, non.

 12   M. le Président. – Poursuivez Maître.

 13   M. Greaves (interprétation). – Monsieur le Président, je crains

 14   qu'il y ait un certain malentendu. Ce que je disais, à tort ou à raison

 15   d'ailleurs, la c'est que quelqu'un lui avait dit qu'un fusil se trouvait

 16   sur le toit de la maison et que cela était la cause d'une attaque contre

 17   cette maison. Je ne lui demandais pas si c'était exact ou inexact. Peut-

 18   être devrais-je reformuler ma question ?

 19   M. le Président. - Reformulez votre question. Moi-même je

 20   n'avais pas bien saisi.

 21   M. Greaves (interprétation). – Que cela soit exact ou non, le

 22   fait de savoir si ce fusil se trouvait sur le toit de la maison de Vasif

 23   Sulejmanovic, c'est l'accusation qui a été portée, qui a été bel et bien

 24   portée, c'est ce qu'on vous a dit n'est-ce pas ?

 25   Témoin I (interprétation). - Oui. C'est cela.

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  1   M. Greaves (interprétation). – Et la personne qui vous a dit

  2   cela vous a expliqué aussi qu'en raison de ces soupçons, la maison avait

  3   été attaquée avec un lance-roquettes anti-chars ?

  4   Témoin I (interprétation). – Non, cette personne ne m'a pas dit

  5   cela.

  6   M. Greaves (interprétation). – La raison pour laquelle je vous

  7   pose cette question, c'est que c'est ce que vous avez dit aux autorités de

  8   Bosnie-Herzégovine en janvier 1993.

  9   Témoin I (interprétation). - Je me rappelle que Milenko Radusic

 10   m'a fait sortir de la mosquée et qu'il m'a interrogé au sujet de Vasif

 11   Sulejmanovic en me demandant s'il possédait de l'argent car ce Milenko

 12   Radusic ne s'intéressait pas à la détention d'armes, la seule chose qui

 13   l'intéressait c'était l'argent, les bijoux etc..

 14   M. Greaves (interprétation). – Monsieur I, j'aimerais que nous

 15   passions maintenant au sujet suivant. Pendant votre détention dans la

 16   mosquée, est-il exact qu'un groupe de médecins serbes ont été amenés dans

 17   les locaux et que certaines personnes ont été soignées, toute personne

 18   blessée ou malade a été soignée ?

 19   Témoin I (interprétation). - Des médecins sont arrivés, je ne

 20   sais pas s'ils étaient tous serbes. En tout cas, il y a eu un moment où

 21   l'on a autorisé ces médecins à pénétrer dans la mosquée pour panser les

 22   personnes qui avaient une blessure à la tête ou sur d'autres parties du

 23   corps.

 24   M. Greaves (interprétation). – Et il est arrivé un moment où

 25   l'on vous a emmenés à la caserne. Toutes les personnes détenues dans la

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  1   mosquée ont-elles été emmenées dans la caserne ?

  2   Témoin I (interprétation). – Oui, ils nous ont transférés dans

  3   la caserne de façon à pouvoir en placer d'autres dans la mosquée. Mais il

  4   y en a qui sont restés dans la mosquée, comme il y en avait qui étaient

  5   restés au centre médical.

  6   M. Greaves (interprétation). – Quand vous êtes arrivé dans la

  7   caserne, s'y trouvait-il déjà quelqu'un ?

  8   Témoin I (interprétation). - Oui. Surtout des habitants du

  9   centre de la ville.

 10   M. Greaves (interprétation). – Et s'agissait-il d'hommes en âge

 11   de combattre, c'est-à-dire dont l'âge variait entre 18 et 60 ans, comme

 12   c'était le cas pour vous ?

 13   Témoin I (interprétation). - Non, ce n'était pas le cas de tous.

 14   M. Greaves (interprétation). – Mais de la majorité ?

 15   Témoin I (interprétation). - Oui, il y avait aussi des femmes.

 16   M. Greaves (interprétation). – Parmi les personnes enfermées

 17   dans la caserne, il y avait également quelque serbes, est-ce exact ou

 18   pas ?

 19   Témoin I (interprétation). - Vous parlez de serbes en état de

 20   détention ou de soldats serbes ?

 21   M. Greaves (interprétation). – Je parle de serbes en état de

 22   détention, Monsieur I.

 23   Témoin I (interprétation). – Oui, il y en avait issus de couples

 24   mixtes.

 25   M. Greaves (interprétation). – Pouvez-vous m'aider sur le point

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  1   suivant: la personne connue sous le nom de Jasce, Jasmin Kumurovic se

  2   trouvait-elle à la caserne ?

  3   Témoin I (interprétation). - Oui, il y était.

  4   M. Greaves (interprétation). – A-t-il été mis à part dans la

  5   caserne en raison du fait qu'il aurait craché sur un serbe ?

  6   Témoin I (interprétation). - Oui mais il n'a pas été mis à part.

  7   Simplement, l'homme qui l'a regardé à ce moment-là l'a reconnu et lui a

  8   dit : "Te voilà ! Eh bien, fais une petite promenade pour que je n'ai pas

  9   à te faire marcher en t'envoyant une balle". Et il a répondu :

 10   "Pourquoi ?". Ce à quoi l'homme à rétorqué qu'il y a pas mal de temps il

 11   avait craché sur une jeune fille qui était membre de sa famille dans un

 12   café.

 13   M. Greaves (interprétation). - Cet homme était-il Dragan

 14   Tanaskovic ?

 15   Témoin I (interprétation). - Oui.

 16   M. Greaves (interprétation). - L'avez-vous vu à Luka, ce Dragan

 17   Tanaskovic ?

 18   Témoin I (interprétation). - Oui.

 19   M. Greaves (interprétation). - J'aimerais que nous parlions

 20   maintenant de votre transfert au camp de Luka. Combien d'entre vous

 21   avaient été transférés dans le camp de Luka ?

 22   Témoin I (interprétation). - Il y avait à peu près cinq

 23   autobus ; cinq véhicules des transports publics, de la société Lazer.

 24   M. Greaves (interprétation). - Est-il exact que 300 personnes à

 25   peu près ont été transférées avec vous jusqu'au camp de Luka ?

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  1   Témoin I (interprétation). - Je suppose que le nombre était

  2   encore plus important.

  3   M. Greaves (interprétation). - Monsieur le Président, je vous

  4   demande un instant, je me suis un peu perdu dans mes notes.

  5   Beaucoup plus de 300 ?

  6   Témoin I (interprétation). - Je ne peux pas l'estimer avec

  7   précision mais vraiment nous étions assez nombreux.

  8   Quand nous sommes tous entrés dans le hangar, et nous étions

  9   serrés les uns contre les autres, nous occupions la moitié du hangar. Donc

 10   je ne peux pas vous donner un chiffre exact.

 11   M. Greaves (interprétation). - Avez-vous immédiatement été

 12   installés dans le hangar ?

 13   Témoin I (interprétation). - Non. D'abord, lorsque les autobus

 14   sont entrés à Luka, ils se sont arrêtés et nous avons attendu un certain

 15   temps dans les autobus, sans doute attendions-nous l'arrivée de quelqu'un.

 16   Mais ensuite, ils ont ouvert la porte avant, celle qui se trouve à côté du

 17   chauffeur, et nous sommes descendus, l'un derrière l'autre, avant de

 18   pénétrer dans le hangar.

 19   A l'entrée se trouvait une boîte. Au début c'était une boîte en

 20   carton et ensuite, quand Goran est arrivé, il a apporté une boîte en

 21   plastique. Mais tout cela allait trop lentement, alors il y a eu un moment

 22   où ils nous ont tous fait pénétrer dans le hangar et c'est après l'entrée

 23   dans le hangar qu'ils nous ont enlevé nos objets personnels.

 24   M. Greaves (interprétation). - Quand on vous a fait entrer dans

 25   le hangar, s'y trouvait-il déjà des personnes qui étaient arrivées à Luka

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  1   avant vous ?

  2   Témoin I (interprétation). - Pour autant que je m'en souvienne,

  3   il n'y avait personne, en tout cas dans cette salle-là. Je ne sais pas ce

  4   qu'il en était du reste. Tout ce que je sais, c'est que nous avons reçu

  5   l'ordre de prendre un balai, c'est un ordre qui a été donné à certains

  6   d'entre nous, et on nous a ordonné de nettoyer le sol de cette pièce qui

  7   était jonchée de débris de verre. En effet, il y avait pas mal de

  8   détonations à ce moment-là, le hangar était près d'un pont et chaque fois

  9   qu'ils essayaient de détruire le pont, des vitres étaient cassées. Donc,

 10   nous avons dû balayer, après quoi on nous a donné l'ordre de nous asseoir

 11   et de garder les yeux baissés avec les mains derrière le dos.

 12   M. Greaves (interprétation). - Je vais maintenant passer à un

 13   sujet un peu différent, Monsieur le Président. Je pensais que c'était

 14   peut-être un moment approprié pour la pause ?

 15   M. le Président. - Oui, tout à fait d'accord. L'audience

 16   reprendra à 14 heures 30.

 17   L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35.

 18   M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé.

 19   (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

 20   M. le Président. - Maître Nice, oui ?

 21   M. Nice (interprétation). - Avant la fin du contre-

 22   interrogatoire je voudrais dire deux choses.

 23   Premièrement, on nous a fait remarquer qu'avec tous les témoins,

 24   et pas uniquement ce témoin, lorsque nous parcourons la liste, cela

 25   provoque des difficultés pour l'administration parce que cela donne

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  1   beaucoup de travail à vos assistants : il leur est très difficile de

  2   prendre en compte tous les passages qui pourraient porter atteinte à la

  3   vie privée du témoin ou à son anonymat. Et il a été suggéré que lorsqu'on

  4   passe en revue la liste, on pourrait le faire en huis clos partiel.

  5   Bien entendu, je suis conscient de votre désir de tenir le

  6   procès en audience publique autant que possible.

  7   Deuxième chose : j'espère que je ne provoquerai pas votre

  8   irritation mais je m’inquiète de la longueur du contre-interrogatoire. Il

  9   me semble que de nombreuses questions qui sont posées ne constituent pas

 10   un contre-interrogatoire mais qu'il s'agit de répétitions. Et dans un cas

 11   comme celui-ci où, par exemple, on donne un nom au témoin que l'accusé a

 12   associé avec lui-même, par lequel il s'est désigné, il me semble qu'il

 13   s'agit uniquement de répétition. Je pense donc qu'il serait peut-être bon

 14   d’y remédier pour gagner du temps.

 15   M. le Président. - Il y a peut-être un problème de traduction.

 16   Je n'ai pas très bien compris la fin ; je ne sais pas si c'est un problème

 17   de traduction. Dans un cas comme celui de cette preuve, par exemple un

 18   témoin qui a donné le nom, qu'est-ce que vous avez voulu dire là ? Je n'ai

 19   pas très bien compris. Je demande à l'interprète de prendre un soin

 20   particulier à m'interpréter ce qu'a dit en final Maître Nice.

 21   M. Nice (interprétation). - Je vais essayer de reformuler.

 22   L'utilité du contre-interrogatoire est la suivante. Lorsqu'on donne des

 23   preuves, par exemple lorsqu'une personne utilise un nom particulier pour

 24   se décrire elle-même ou bien lorsqu'il apparaît que l'accusé a dit quelque

 25   chose au sujet de ses intentions, l'un des objectifs du contre-

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  1   interrogatoire est de voir si cela est accepté ou bien si cela ne

  2   correspond pas à la vérité. Nous n'avons, avec ce témoin, pas eu affaire

  3   beaucoup à ce genre de questions mais nous n'avons eu plutôt des

  4   répétitions de la part de la défense. C'est ce qui me gêne.

  5   M. le Président. - Oui. Sur le premier point, je vais en

  6   conférer très rapidement avec mes collègues.

  7   (Les Juges se concertent sur le siège.)

  8   Maître Greaves, d'abord est-ce que vous voulez apporter une

  9   réponse à ce qu'a dit votre confrère de l'accusation s'il vous plaît ?

 10   M. Greaves (interprétation). - Je n'ai pas d'objection à ce que

 11   nous passions en huis clos partiel lorsque nous parlons des listes. Ce

 12   matin on a bien vu les difficultés pratiques qu'implique l'étude de cette

 13   liste, et je ne critique personne à ce sujet, mais c'est vrai qu'il y a

 14   des difficultés qui se posent parce qu'on peut établir les liens de

 15   parenté qui peuvent exister entre certaines personnes. Je pense qu'en

 16   effet ce ne serait pas une mauvaise idée de passer en huis clos partiel.

 17   Bien entendu, il est nécessaire de tenir la majorité des audiences en

 18   audience publique, tout en ayant bien conscience des difficultés posées

 19   par l'étude de ces listes.

 20   Deuxièmement, je rejette les accusations qui sont faites au

 21   sujet de ma conduite professionnelle. Le contre-interrogatoire que j'ai

 22   fait ce matin a été assez long, non pas parce que j'ai répété des

 23   questions mais parce que le témoin n'a pas répondu aux questions que je

 24   lui posais. C'est pourquoi je rejette cette affirmation qui est portée à

 25   mon endroit.

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  1   M. le Président. - Les Juges décident que désormais, l'examen

  2   des deux listes sera fait en session à huis clos partiel avec, je le dis à

  3   l'intention du public nombreux qui cet après-midi nous écoute ; c'est

  4   uniquement certains aspects qui pourraient faire en sorte que le témoin

  5   qui est protégé soit reconnu aisément à travers les interrogatoires ou

  6   contre-interrogatoires qui portent sur cette liste.

  7   Deuxième point : nous sommes inquiets de la longueur du contre-

  8   interrogatoire. Les Juges, soucieux de maintenir les débats dans le cadre

  9   posé par l'article 90 (G), c'est-à-dire (telle est leur mission, entre

 10   autres) rendre l'interrogatoire et la présentation des éléments de preuve

 11   efficaces et éviter toute perte de temps qui serait inutile, souhaitent

 12   que la longueur, que le temps du contre-interrogatoire soit, autant que

 13   faire se peut, autant que possible (et je voudrais que ce soit bien

 14   traduit dans le texte) adapté à la longueur de l'interrogatoire principal

 15   avec, bien entendu, une marge de souplesse et de flexibilité qui protège

 16   l'accusé ; évidemment, sinon il serait très facile pour l'accusation de

 17   faire un interrogatoire principal de trois minutes et ensuite de dire à la

 18   défense, donc à l'accusé, qu'il n'a que trois minutes pour contre-

 19   interroger. Donc, ce sont les Juges qui en fonction des pouvoirs que leur

 20   donnent les textes, appliqueront ce principe avec flexibilité. Autant que

 21   faire se peut, ce doit être nos critères, la direction vers laquelle nous

 22   devons aller. Le temps du contre-interrogatoire doit être autant que

 23   possible adapté à l'interrogatoire principal.

 24   Le deuxième point qui est un point de règle, c'est l'article

 25   90 (H), le contre-interrogatoire doit se limiter aux points évoqués dans

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  1   l'interrogatoire principal. C'est une règle fondamentale. Le Procureur a

  2   convoqué son témoin, il le fait parler d'un certain nombre de points et le

  3   contre-interrogatoire doit porter sur ces points-là.

  4   Evidemment, je n'oublie pas la troisième question qui est la

  5   crédibilité du témoin, mais l'interrogatoire qui lui n'est pas limité aux

  6   points évoqués dans l'interrogatoire principal, la crédibilité du témoin

  7   qui est un droit fondamental de la défense doit pouvoir toujours être fait

  8   et nous y veillerons de façon plus stricte.

  9   Enfin je demande à Maître Greaves de ne pas faire répéter

 10   inutilement le témoin. Les questions peuvent être présentées comme étant :

 11   vous avez dit ceci dans votre interrogatoire principal, et ensuite vous

 12   avancez dans les questions subséquentes que vous jugez utile.

 13   C'est ainsi que nous pensons que nous pourrions essayer de faire

 14   en sorte que vendredi 17, nous puissions terminer la présentation des

 15   preuves de l'accusation..

 16   Enfin, dernier point, et en plein accord avec mes collègues

 17   évidemment, ces règles qui s'appliquent maintenant à la défense,

 18   s'appliqueront mutatis mutandis à l'accusation, lorsque la défense

 19   convoquera elle-même ses témoins principaux évidemment.

 20   Voilà. Maintenant nous pouvons poursuivre. Je rappelle pour le

 21   public que nous sommes dans le contre-interrogatoire d'un témoin protégé

 22   que nous appelons le témoin I.

 23   Maître Greaves c'est à vous et j'en profite tout de suite pour

 24   vous demander combien de temps à peu près il vous reste ? Vous avez pris,

 25   je vous rappelle, environ une heure et quart, une heure dix ce matin,

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  1   n'est-ce pas, Monsieur le Greffier.

  2   M. Abtahi (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,

  3   exactement une heure.

  4   M. le Président. - Vous contre-interrogez exactement depuis une

  5   heure. Il faut reconnaître que l'accusation elle-même pour son propre

  6   témoin avait pris ?

  7   M. Abtahi (interprétation). - Une heure et dix minutes.

  8   M. le Président. - Nous n'allons pas vous imposer de terminer en

  9   10 minutes pour vous montrer que c'est en flexibilité et nuance, et en

 10   plein respect des droits de l'accusé, que nous vous demandons pendant

 11   combien de temps, et à peu près, vous resterez.

12   Enfin je demanderai au témoin de répondre le plus confusément

 13   possible.

 14   M. Greaves (interprétation). – Monsieur le Président, pour être

 15   juste, je crois que l'interrogatoire principal ce matin a plutôt duré une

 16   heure et demie.

 17   M. le Président. - Je dois reconnaître Maître Greaves que

 18   j'avais le sentiment qu'il avait duré plutôt une heure et demie.

 19   Monsieur le Greffier, vous êtes sûr de votre chiffre ?

 20   M. Greaves (interprétation). – Il m'a semblé que nous avions

 21   commencé assez vite et que nous avions fini vers 11 heures 25, donc cela

 22   fait environ une heure et demie.

 23   M. le Président. - D'accord.

 24   M. Greaves (interprétation). – Puis-je en revenir à la

 25   difficulté posée par ces témoins qui ne répondent pas aux questions qu'on

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  1   leur pose.

  2   Je ne veux pas interrompre les témoins lorsqu'ils ne répondent pas aux

  3   questions que je leur pose, sinon on m'accusera de les harceler.

  4   Cependant, je vous serais reconnaissant, Monsieur le Président, de mettre

  5   en garde le témoin dès qu'il s'éloigne des questions que je lui pose.

  6   Comme vous l'avez certainement remarqué, je pose des questions qui sont

  7   assez brèves, mais le problème c'est que les témoins ne répondent pas à

  8   mes questions mais aux questions auxquelles ils aimeraient répondre.

  9   Je ne vais pas commencer à interrompre les témoins parce que je

 10   sais que l'on m'accusera de les harceler.

 11   M. le Président. – Il n'est pas question de les harceler. Vous

 12   avez tout à fait le droit d'interrompre le témoin, c'est tout à fait votre

 13   droit, nous l'avons vu dans d'autres procès ici.

 14   Simplement, c'est vrai, et je m'adresse ici au Témoin I plus

 15   particulièrement, il faut qu'il sache que nous avons maintenant une assez

 16   longue expérience de ce Tribunal, et qu'évidemment, que ce soit le

 17   Procureur, la défense ou les Juges, nous entendons en premier vos

 18   souffrances, ce que vous avez vécu vous Témoin I dans ce sinistre hangar,

 19   et qu'il est évidemment toujours cruel et un peu sauvage de dire à un

 20   témoin : "Arrêtez-vous, vous ne répondez pas à la question". C'est cela

 21   qui fait que nous appliquons tous avec nuance ceci.

 22   Je vous demande d'essayer de vous concentrer, il faut que la

 23   défense puisse faire son travail ; son travail, c'est de défendre

 24   l'accusé. C'est cela une enceinte judiciaire démocratique et civilisée.

 25   Je vous demande de vous concentrer sur la question et d'y

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  1   répondre. Quand vous avez envie de développer, bien entendu je ne peux

  2   pas, compte tenu de ce que vous avez vécu, -je n'aime pas trop- vous

  3   interrompre, mais je n'hésiterais pas à l'avenir à le faire davantage pour

  4   que les débats, ne serait-ce que pour que ceux qui vont vous suivre à

  5   votre banc, les autres témoins, les autres victimes, puissent aussi avoir

  6   le temps de s'exprimer.

  7   Vous me comprenez ? Bien. Nous allons essayer.

  8   Maître Greaves, vous ne m'avez pas répondu sur le temps que vous

  9   aviez présent à l'esprit pour terminer votre contre-interrogatoire, si le

 10   témoin bien entendu vous le permet.

 11   M. Greaves (interprétation). – Je pense en avoir fini en moins

 12   d'une heure.

 13   M. le Président. - J'espère que ce sera vraiment moins d'une

 14   heure Maître Greaves, je vous le demande.

 15   Allez-y.

 16   M. Greaves (interprétation). – Monsieur I, ce matin vous nous

 17   avez dit que vous avez trouvé des débris de verre dans le hangar. Il y

 18   avait des fenêtres en haut, sur la façade du hangar. Est-ce que ce verre

 19   venait de là ?

 20   Témoin I (interprétation). - Je crois que oui.

 21   M. le Président. - Je regrette, il vous l'a expliqué cela ! Il

 22   vous a dit que le hangar avait des vitres, qu'il y avait des explosions et

 23   que ce sont ces explosions qui provoquaient… Là, je m'excuse, la première

 24   question tombe très mal... Ceci a déjà été expliqué, en tout cas moi je

 25   l'ai noté. Poursuivez, question suivante.

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  1   M. Greaves (interprétation). – En ce qui concerne le nombre de

  2   personnes qui étaient avec vous à ce moment-là, y avait-il 300 personnes ?

  3   Excusez-moi, je me reprends.

  4   A Luka ?

  5   Témoin I (interprétation). - Je pense que vous m'avez déjà posé

  6   cette question, je ne peux pas vous donner le nombre exact, mais je pense

  7   que nous étions même plus de 300.

  8   M. Greaves (interprétation). – Pendant la journée que vous avez

  9   passée là-bas, est-ce que des gens ont été relâchés ?

 10   Témoin I (interprétation). - Oui.

 11   M. Greaves (interprétation). – Ils ont été relâchés après avoir

 12   été interrogés ?

 13   Témoin I (interprétation). - Certains ont été d'abord interrogés

 14   et ensuite on les a relâchés, ils ont été interrogés à Luka, et d'autres

 15   ont été interrogés dans la mosquée ou bien dans le centre médical. C'est

 16   le cas des frères Terzic.

 17   M. le Président. - Nous parlons du hangar, Témoin I. Nous

 18   parlons du hangar, concentrez-vous.

 19   Témoin I (interprétation). - Certains détenus ont été laissés

 20   partir de Luka alors qu'ils ont été interrogés au préalable, alors que

 21   d'autres ont pu partir sans avoir été interrogés du tout.

 22   M. Greaves (interprétation). - Les gens qui ont été relâchés de

 23   Luka, quel est le pourcentage du nombre de gens qui étaient avec vous qui

 24   ont été relâchés ?

 25   Témoin I (interprétation). - On a laissé partir deux groupes. Il

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  1   y avait un groupe d'à peu près 10 personnes et un deuxième groupe -dont je

  2   faisais partie- où il y avait entre 30 et 40 personnes.

  3   M. Greaves (interprétation). - Savez-vous si ces gens ont reçu

  4   un laissez-passer ou un autre document qui leur a permis d'être relâchés ?

  5   Témoin I (interprétation). - Oui, on leur délivrait des laissez-

6   passer, qui ont été imprimés, des formulaires pré-imprimés sur lesquels on

  7   inscrivait le nom et le prénom de la personne. Moi, j'ai reçu ce laissez-

  8   passer, mais il a été déchiré dans le camp de Batkovic

  9   M. Greaves (interprétation). - Vous nous dites "imprimés", est-

 10   ce qu'il s'agissait de formulaires qui avaient été tapés à la machine ou

 11   bien qui avaient été imprimés dans une imprimerie ?

 12   Témoin I (interprétation). - Je pense qu'il s'agissait d'une

 13   impression en série, à l'aide d'une machine à imprimer.

 14   M. Greaves (interprétation). - Le laissez-passer que l'on vous a

 15   remis, est-ce qu'il a été signé en votre présence ?

 16   Témoin I (interprétation). - Les laissez-passer ont été signés à

 17   l'avance. Devant nous, on ne faisait qu'inscrire le nom des personnes qui

 18   allaient être relâchées.

 19   M. Greaves (interprétation). - Avez-vous pu sur votre laissez-

 20   passer voir qui l'avait signé ? Lire son nom ?

 21   Témoin I (interprétation). - Je sais qu'il y avait un sceau des

 22   régions autonomes de Semberija et de Majevica, alors que la signature

 23   elle-même n'était pas très claire.

 24   M. Greaves (interprétation). - Vous avez été relâché, ensuite

 25   avez-vous utiliser ce laissez-passer pour vous déplacer ?

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  1   Témoin I (interprétation). - C'est avec ce laissez-passer que

  2   j'ai pu sortir et me rendre à l'établissement Es. Cependant, ce laissez-

  3   passer m'a été enlevé le lendemain et on m'a dit que ce laissez-passer

  4   n'était plus valable, alors on nous a en a délivré un autre laissez-passer

  5   à SUP. C'est Ranko Cesic, en personne, qui est venu et qui a déchiré ce

  6   laissez-passer.

  7   M. Greaves (interprétation). - Une question maintenant sur ce

  8   que vous avez entendu dire au sujet du meurtre des 2 frères à Zvornik.

  9   Est-il exact que vous avez entendu Goran Jelisic dire qu'il était possible

 10   que ces hommes aient été identifiés comme des Bérets verts, que c'étaient

 11   des Albanais qui venaient du Kosovo et qui étaient venus pour se battre

 12   contre les Serbes ?

 13   Témoin I (interprétation). - Je pense que la question que vous

 14   me posez n'est pas exacte. Il a tout simplement dit que ce sont les

 15   personnes dont il est avéré qu'elles faisaient partie des Bérets verts et

 16   qu'il allait montrer comment il fallait les traiter. Il n'a pas du tout

 17   parler du Kosovo, il a juste dit que c'étaient des Albanais, des Chiptas

 18   comme on les appelle, alors que ce sont des personne de Zvornik?

 19   M. le Président. - Allez-y, Maître Greaves.

 20   M. Greaves (interprétation). - Avec tout le respect que je dois

 21   à la Chambre, je vais maintenant dire quelque chose au Témoin qui ne

 22   correspond pas à ce qu'il vient de nous dire.

 23   Monsieur le Témoin, vous avez fait une déclaration le 3 janvier

 24   1993 aux autorités de Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous vous en

 25   souvenez ?

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  1   Témoin I (interprétation). - A peu près, oui, je me rappelle de

  2   certaines choses.

  3   M. Greaves (interprétation). - Avez-vous signé cette déclaration

  4   une fois que vous l'avez faite ?

  5   Témoin I (interprétation). - Oui.

  6   M. Greaves (interprétation). - Acceptez-vous qu'à la fin de

  7   cette déclaration on pouvait lire la chose suivante : "Je déclare pour

  8   finir que j'ai présenté ici mes observations personnelles, que tout ce que

  9   j'ai dit correspond à la vérité, est véridique, et que je vais le

 10   confirmer en signant cette déclaration. D'autre part, je suis prêt à

 11   répéter ce que j'ai dit dans cette déclaration devant un tribunal ou

 12   devant une organisation internationale si cela s'avère nécessaire". Fin de

 13   citation.

 14   Est-ce que vous admettez avoir déclaré ceci à la fin de votre

 15   déclaration ?

 16   Témoin I (interprétation). - Quand j'ai fait ma déclaration

 17   devant les autorités de Bosnie-Herzégovine, je ne l'ai pas fait sous

 18   serment.

 19   J'aurais besoin de temps, en discutant avec les autres personnes

 20   présentes, pour mettre les choses à leur place, pour les situer.

 21   M. Greaves (interprétation). - Parmi ceux qui ont reçu un

 22   laissez-passer ce jour-là, est-ce qu'il y avait les frères Terzic, les

 23   trois frères : Muharem, Ekrem et Enes ?

 24   Témoin I (interprétation). - Ils y étaient.

 25   M. Greaves (interprétation). - On peut lire, sur le compte

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  1   rendu, que la réponse du témoin n'a pas été entendu. Est-ce que vous

  2   pouvez la répéter, est-ce que vous pouvez répéter votre réponse, Monsieur

  3   le Témoin ?

  4   Témoin I (interprétation). - Vous voulez que je répète ma

  5   dernière réponse ? Oui, les frères étaient présents.

  6   M. Greaves (interprétation). - Est-ce qu’ils ont reçu des

  7   laissez-passer ?

  8   Témoin I (interprétation). - Ils sont sortis avant moi. Ils

  9   étaient dans le groupe qui est sorti avant nous. Ils nous ont fait des

 10   signes d'adieu avec leur laissez-passer quand on les a laissé partir.

 11   M. Greaves (interprétation). - Au sujet de votre frère, quant à

 12   savoir s'il devait recevoir ou non une pièce d'identité ou un laissez-

 13   passer, Goran Jelisic était présent, donc est-il exact qu'un homme du nom

 14   de Dragan Tanaskovic se trouvait également là et observait la scène ?

 15   Témoin I (interprétation). - Oui, c'est exact.

 16   M. Greaves (interprétation). - Et il est également exact que

 17   Goran Jelisic s'est adressé à lui et lui a demandé son avis pour savoir si

 18   vous-même, ou votre frère et vous-même, deviez tous deux êtres libérés, et

 19   que l'autre lui a répondu que vous deviez tous deux être libérés ?

 20   Témoin I (interprétation). - Je pense que Goran Jelisic

 21   jouissait d'une plus grande autorité à l'époque et que Dragan, puisqu'il

 22   me connaissait personnellement, lui a demandé de nous laisser partir.

 23   M. Tochilovsky (interprétation). - Monsieur le Président,

 24   messieurs les Juges, lorsque la défense fait référence à la déclaration du

 25   témoin, je souhaiterais qu'elle le fasse de façon correcte. En effet, dans

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  1   la déclaration on peut lire : "Goran l'a regardé, lui a jeté un coup

  2   d'oeil et Dragan a dit cela, etc...". De la façon dont la défense a

  3   présenté la question, on a l'impression que Goran a demandé son avis à

  4   Dragan. Or, dans le résumé de la déclaration du témoin, on peut lire que

  5   Goran s'est contenté de jeter un coup d'oeil vers Dragan.

  6   M. Greaves (interprétation). - Il serait peut-être utile que mon

  7   honorable collègue écoute bien ce que je dis. Je n'ai pas dit qu'il avait

  8   demandé son avis à Dragan mais seulement qu'il l'avait consulté.

  9   M. Tochilovsky (interprétation). - Vous avez dit dans votre

 10   question : "Goran Jelisic s'est adressé à Dragan pour savoir si vous et

 11   votre frère deviez tous deux être libérés". Or, cela ne se trouve pas dans

 12   le résumé de la déclaration.

 13   M. Greaves (interprétation). - Cela dépend de l'interprétation

 14   que l'on fait des termes "jeter un coup d'oeil à quelqu'un" et de ce que

 15   cela peut signifier.

 16   M. le Président. - Ecoutez, les Juges sont alertés sur ce

 17   malentendu et nous ferons verser la déclaration en question comme pièce à

 18   conviction le moment venu.

 19   Poursuivez, Maître Greaves.

 20   M. Greaves (interprétation). - Un instant je vous prie.

 21   Monsieur I, pendant le temps que vous avez passé à Luka ce jour-

 22   là, est-ce que vous avez entendu un interrogatoire qui était mené par

 23   Ranko Cesic ?

 24   Témoin I (interprétation). - Moi, j'étais assez éloigné du

 25   bureau où Ranko faisait entrer les gens qu'il voulait interroger, de sorte

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  1   que j'ai uniquement pu l'entendre injurier et j'ai pu entendre aussi des

  2   cris venant de ce bureau.

  3   M. Greaves (interprétation). - Plus tard, ce même jour, est-ce

  4   que vous avez entendu Ranko Cesic dire autre chose au sujet des laissez-

  5   passer ?

  6   Témoin I (interprétation). - Oui.

  7   M. Greaves (interprétation). - Est il exact qu'il est sorti d'un

  8   des bureaux et qu'il a exigé de savoir qui avait délivré des laissez-

  9   passer ?

 10   Témoin I (interprétation). - Oui.

 11   M. Greaves (interprétation). - Est-ce qu'il a exprimé sa colère

 12   à ce sujet parce que vous-même et d'autres personnes aviez reçu des

 13   laissez-passer alors que vous étiez membre du SDA, que cela soit

 14   d'ailleurs vrai ou non. En tout cas, sa colère était due au fait qu'il

 15   pensait que des membres du SDA avaient été relâchés ?

 16   Témoin I (interprétation). - Je dois dire que je n'étais pas

 17   membre d'un parti quelconque mais que je pense qu'il était en colère parce

 18   qu'on m'avait délivré un laissez-passer car j'avais eu un incident, une

 19   dispute dans un café quelques années avant la guerre.

 20   M. Greaves (interprétation). - Vous avez dit au Bureau du

 21   Procureur la chose suivante ; je vais en donner lecture pour qu'il n'y ait

 22   aucun malentendu. Je cite : "Nous attendions notre laissez-passer. A ce

 23   moment-là, Ranko est sorti du bureau et a demandé : "Qui délivre les

 24   laissez-passer ?". Ranko était furieux à mon égard je crois, parce que

 25   certains de mes amis et des membres de ma famille étaient membres du SDA".

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  1   Fin de citation.

  2   Vous souvenez-vous avoir dit cela aux membres du Bureau du

  3   Procureur ?

  4   Témoin I (interprétation). - Je m'en souviens mais je pense

  5   qu'il était plus en colère à cause de moi car il connaissait à peine mes

  6   cousins.

  7   M. Greaves (interprétation). - Qu'est-ce qui vous a amené à

  8   penser, comme vous l'avez dit au Bureau du Procureur, qu'il ne faisait pas

  9   référence uniquement à vous mais à des membres de votre famille ? Est-ce

 10   que vous l'avez déduit de certains de ses propos ?

 11   Témoin I (interprétation). - De tous mes cousins, toute ma

 12   famille que je connais, il n'y en avait qu'un seul qui était membre du

 13   parti du SDA mais je doute que Ranko ait connu ce cousin. Tous les autres

 14   membres de ma famille n'étaient soit pas dans la politique, soit ils

 15   étaient membres du parti SDP.

 16   M. Greaves (interprétation). - Eventuellement, est-ce que vous

 17   avez formé une file afin de recevoir vos laissez-passer ?

 18   Témoin I (interprétation). - Non, nous ne nous sommes pas mis

 19   dans une file, nous étions tous ensemble, nous formions un groupe. Peut-

 20   être qu'il y avait deux ou trois files. Nous n'étions pas l'un derrière

 21   l'autre.

 22   M. Greaves (interprétation). - Alors que vous attendiez votre

 23   laissez-passer, est-ce que vous avez remarqué deux hommes, Petar Karinovic

 24   et Dragi Satesic ? Est-ce que vous avez remarqué ces deux inspecteurs qui

 25   se trouvaient dans un bureau ?

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  1   Témoin I (interprétation). - Oui.

  2   M. Greaves (interprétation). - Est-il exact qu'ils étaient en

  3   train de vérifier certains papiers tirés des dossiers de la police, du

  4   SUP, du commissariat ?

  5   Témoin I (interprétation). - Je le pense car ils se trouvaient

  6   dans une pièce qui se situe à droite, juste à côté de l'entrée, où il y

  7   avait une fenêtre et où il y avait des rideaux. Beaucoup de personnes ont

  8   pu quitter Luka grâce à eux.

  9   M. Greaves (interprétation). - Je souhaite vous poser la

 10   question suivante : après ce que vous avez vu, est-ce que vous êtes

 11   parvenu à vous convaincre que c'étaient eux qui décidaient qui était

 12   relâché et qui devait être abattu ? Est-ce bien exact ? Est-ce la

 13   conclusion que vous en avez tiré ?

 14   Témoin I (interprétation). - Je ne peux pas affirmer ce que je

 15   n'ai pas vu.

 16   M. Greaves (interprétation). - Monsieur I, vous avez dit aux

 17   autorités de Bosnie-Herzégovine en 1993 la chose suivante (je cite) :

 18   "Pendant que tout cela se passait, Petar Karenovic et Dragi Satecic se

 19   trouvaient dans un bureau où ils vérifiaient les dossiers de la police, du

 20   SUP, et d'un signe de tête ils décidaient qui devait être relâché et qui

 21   devait être abattu". Fin de citation.

 22   C'est ce que vous avez vu, n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez

 23   déclaré aux autorités de Bosnie-Herzégovine au sujet de ce qui s'était

 24   passé à ce moment-là ?

 25   Témoin I (interprétation). - Si vous voulez, je peux expliciter

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  1   cette réponse.

  2   M. le Président. - Oui, j'aimerais que vous explicitiez cette

  3   réponse, s'il vous plaît.

  4   Témoin I (interprétation). - Ces deux inspecteurs apportaient

  5   des cartons du SUP avec des pièces d'identité. Ces pièces d'identité se

  6   trouvaient dans l'immeuble du SUP. Des listes avaient déjà été établies

  7   contenant les noms des personnes pour lesquelles on ne souhaitait pas

  8   qu'elles restent dans la ville. Goran allait dans ce bureau et

  9   probablement obtenait les pièces d'identité des personnes dont on avait

 10   mis les documents, les pièces d'identité à côté. Elles se trouvaient dans

 11   ces cartons, mais je ne peux pas affirmer cependant que c'étaient ces deux

 12   personnes qui décidaient qui allait être fusillé et qui n'allait pas

 13   l'être, car j'ai pu voir que Goran Cok a fusillé des gens sans avoir vu

 14   leur pièce d'identité.

 15   M. Greaves (interprétation). – Maintenant je souhaiterais vous

 16   interroger sur le sujet du moment à Luka où Jasmin Kumorovic a été emmené

 17   par Ranko dans l'un des bureaux. Vous souvenez-vous avoir vu Goran Jelisic

 18   venir pour parler aux prisonniers ?

 19   Témoin I (interprétation). - Oui.

 20   M. Greaves (interprétation). – Est-il exact qu'il a dit la chose

 21   suivante, je cite : "Ceux qui ne sont pas coupables n'ont pas à avoir

 22   peur. Moi, je ne suis intéressé que par les Bérets Verts et par les

 23   membres de la Défense territoriale". Fin de citation. Il a également

 24   ajouté que les civils resteraient un petit moment au camp et ensuite ils

 25   seraient relâchés ?

Page 953

  1   Témoin I (interprétation). – Oui, c'est ce que j'avais en tête.

  2   M. Greaves (interprétation). – Qu'avez-vous compris par ce terme

  3   de "civil" qu'il a utilisé ?

  4   Témoin I (interprétation). - Je pense que les civils sont des

  5   personnes qui sont restées dans leur maison avec leur famille, avec leurs

  6   enfants qui ne sont pas allés sur le front, qui étaient là par la grâce de

  7   gens qui sont venus de l'extérieur et des gens qui venaient de l'extérieur

  8   de la ville, des alentours de la ville de Brcko, mais aussi de la ville

  9   même de Brcko, bien sûr de nationalité serbe.

 10   M. Greaves (interprétation). – Pouvez-vous nous apporter votre

 11   concours au sujet du point suivant : dans l'une de vos deux déclarations,

 12   déclaration faite avant votre déposition, vous avez parlé de Danijel

 13   Ibrahimovic qui a été passé à tabac à la mosquée. Vous n'avez dit à aucun

 14   moment que vous aviez assisté à son meurtre. Pouvez-vous nous expliquer

 15   ceci ?

 16   Témoin I (interprétation). - Oui, je peux. Je connaissais en

 17   partie cet homme, bien qu'il habite dans ma communauté locale. Je ne l'ai

 18   vu que quelques fois au cours de ma vie. Pour la première fois, je l'ai

 19   rencontré dans la mosquée et c'est de la mosquée qu'on l'a fait sortir

 20   pour l'amener dans le centre médical. C'est là qu'on l'a interrogé, car on

 21   l'accusait d'être en possession d'une arme de type Scorpion.

 22   Ensuite, alors que je me trouvais dans la caserne, je ne l'ai

 23   pas revu, parce qu'il est probablement resté au centre médical, mais je

 24   l'ai revu à Luka dans l'après-midi, il faisait presque nuit, j'ai vu qu'on

 25   l'a fait venir, qu'il est arrivé de l'entrée principale de Luka, il est

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  1   passé à côté de notre groupe, le groupe qui attendait les laissez passer,

  2   et on l'a amené pour l'abattre.

  3   Je dois dire que je n'ai pas vu exactement qui était la personne

  4   qui l'a abattu ; était-ce Goran ou Enver, car mon frère, celui qui était

  5   juste à côté de moi, m'a caché cette scène avec son propre corps, et il

  6   m'a dit de ne pas regarder dans cette direction, car je pense que

  7   quelqu'un parmi les gardes aurait pu voir que j'étais en train d'observer

  8   cette scène et il aurait pu me tuer pour cela.

  9   Quand j'ai entendu deux coups de feu, j'ai réussi à jeter un

 10   regard à la dérobée dans cette direction entre un garde et le corps de mon

 11   frère et j'ai vu Danijel qui gisait sur le sol à 20 mètres de nous. Il

 12   portait un blouson en cuir.

 13   M. Greaves (interprétation). – Monsieur I, sauf votre respect,

 14   vous n'avez pas répondu à ma question. Comment se fait-il que dans votre

 15   déclaration, la seule fois que vous avez parlé de Danijel, c'était pour

 16   parler de son passage à tabac à la mosquée, mais vous n'avez à aucun

 17   moment dans cette déclaration parlé de son meurtre, pourquoi ?

 18   M. le Président. - Le point figure au point 18 du résumé, Maître

 19   Greaves, dans la déclaration de Bosnie-Herzégovine.

 20   M. Greaves (interprétation). – Dans la déclaration faite aux

 21   autorités de Bosnie-Herzégovine, je n'ai pas parlé du résumé.

 22   M. le Président. - D'accord, excusez-moi. Répondez Témoin I.

 23   Témoin I (interprétation). - Je vais répondre à cette question.

 24   Je n'étais pas sûr de l'auteur de ces meurtres, c'est pour cela que je ne

 25   l'ai pas dit.

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  1   M. le Président. - Le témoin s'est déjà expliqué sur les

  2   contradictions, je crois Maître Greaves, en tout cas sur ce qui ne

  3   correspondrait pas d'une déclaration à une autre, je vous le rappelle.

  4   Merci.

  5   M. Greaves (interprétation). – Monsieur le Président, il y a une

  6   autre question que je souhaiterais soulever, je vous prie de m'excuser, je

  7   n'avais pas réalisé que vous étiez en train de parler avec les autres

  8   Juges. J'ai une autre question à poser au témoin au sujet de personnes

  9   qu'il a dit avoir vues.

 10   Vous nous dites que vous avez vu Goran Jelisic au camp de

 11   Batkovic, vous nous avez dit dans quelles circonstances. Dans les

 12   déclarations que vous avez faites au bureau du Procureur et aux autorités

 13   de Bosnie-Herzégovine, pourquoi n'avez-vous jamais fait mention de cette

 14   visite au camp ?

 15   Témoin I (interprétation). - Puisque je considère qu'il est

 16   important de dire au moins aujourd'hui que cet homme a été tué ce jour-là,

 17   mais malheureusement je n'ai pas vu qui l'a tué. J'ai uniquement vu Goran

 18   et Enver revenir de l'endroit où la personne a été abattue.

 19   M. le Président. - Ce n'était pas la question qui vous a été

 20   posée, Témoin I.

 21   Témoin I (interprétation). - Je ne vous comprends pas. Pourriez-

 22   vous m'expliquer de quoi il s'agit ?

 23   M. le Président. - A Maître Greaves de reformuler sa question.

 24   M. Greaves (interprétation). - Monsieur I, vous avez déclaré

 25   dans votre déposition que vous aviez vu Goran Jelisic au camp de Batkovic

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  1   et vous nous avez décrit les circonstances de cette visite.

  2   Cependant, vous n'avez pas dit avoir vu Goran Jelisic au camp de

  3   Batkovic dans votre déclaration aux autorités de Bosnie-Herzégovine et

  4   dans votre déclaration au Bureau du Procureur.

  5   Pouvez-vous expliquer aux Juges pourquoi, si c'est un point dont

  6   vous nous avez parlé aujourd'hui, vous ne l'avez jamais mentionné

  7   auparavant ?

  8   Témoin I (interprétation). - Je peux vous faire une réponse

  9   rapide à cette question. La raison est la suivante, les autorités de

 10   Bosnie-Herzégovine quand elles m'ont interrogé, ne me posaient pas de

 11   questions au sujet du camp de Batkovic, elles ne s'intéressaient qu'au

 12   camp de Luka.

 13   Et pour la deuxième fois, c'était pareil avec la deuxième

 14   déclaration, on m'a posé des questions au sujet du camp de Luka et ils

 15   m'ont dit que le reste ne les intéressait pas.

 16   M. Greaves (interprétation). - Un instant, je vous prie,

 17   Monsieur le Président. On vient d'attirer mon attention sur un point

 18   particulier.

 19   Monsieur le Président, nous avons rencontré une difficulté, un

 20   problème et je souhaiterais que nous puissions en discuter en dehors de la

 21   présence du témoin, si vous le permettez.

 22   M. le Président. - En dehors de la présence du témoin ou à huis

 23   clos ? Cela va beaucoup ralentir. Est-ce un problème qui surgit

 24   maintenant ?

 25   M. Greaves (interprétation). - En dehors de la présence du

Page 957

  1   témoin, sans le témoin, Monsieur le Président.

  2   M. le Président. - Je vais consulter mes collègues.

  3   (Les Juges se concertent sur le siège.)

  4   Je demande à Maître Greaves et à Maître Nice ou à Maître

  5   Tochinovsky de s'approcher du Bureau des Juges, avec un interprète, et de

  6   venir expliquer ce dont il s'agit, car sinon nous allons perdre beaucoup

  7   de temps à faire sortir et à faire rentrer le témoin à nouveau.

  8   Je voudrais disposer de la présence d'un interprète et mes

  9   collègues également.

 10   M. le Président. - Témoin I, vous allez enlever vos écouteurs

 11   s'il vous plaît, et vous restez assis où vous êtes.

 12   Bien, Maître Greaves, c'est une décision très lourde de

 13   conséquences que viennent de prendre les Juges. Vous savez que nous avons

 14   observé beaucoup de retard dans cette affaire. Les Juges sont conscients

 15   que l'accusé a des droits, mais ils voudraient que votre position soit

 16   parfaitement justifiée. Et si elle ne l'est pas, évidemment, les Juges en

 17   tireront des conséquences à l'avenir dans ce procès. Nous vous écoutons.

 18   M. Greaves (interprétation). - Je vous prie de m'excuser,

 19   j'avais éteint mon micro.

 20   Puis-je attirer votre attention sur la dernière réponse fournie

 21   par le témoin qui se lit comme suit. Il est question des raisons pour

 22   lesquelles il n'a pas discuté de la question avant en disant que ceux qui

 23   l'interrogeaient ne s'intéressaient qu'au camp de Luka dans les questions

 24   qu'ils posaient jusqu'à ce moment-là.

 25   La déclaration qu'il a fournie aux autorités de Bosnie-

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  1   Herzégovine existe en version originale BCS et en version anglaise

  2   traduite. Dans la version originale, il apparaît clairement que ce témoin

  3   a reçu des questions qui portaient aussi bien sur Luka que sur Batkovic.

  4   La traduction, elle, se lit comme suit : en haut de la page, on voit une

  5   indication de l'identité de la personne qui recueille la déclaration,

  6   ensuite on voit la date et le fondement juridique du recueil de cette

  7   déclaration, puis nous voyons le titre "Recueil d'une déclaration de

  8   témoin" et ensuite le texte en anglais traduit qui n'existe pas dans la

  9   version en BCS dans l'original, qui décrit les autorités juridiques sur

 10   lesquelles s'appuie le recueil de cette déclaration.

 11   Ce qui manque, ce sont dix lignes dans lesquelles on détaille

 12   les sujets qui ont fait l'objet de questions posées à la personne, c'est

 13   ce qui existe donc dans l'original mais pas dans la version traduite en

 14   anglais. Le fait que le témoin ait reçu des questions qui portaient à la

 15   fois sur Batkovic et sur Luka apparaît dans la version en BCS et pas dans

 16   la version anglaise. La même chose s'est produite pour une autre

 17   déclaration qui nous a été communiquée et, pour autant que je me rappelle,

 18   aucune déclaration que j'aie vue, liée à ce témoin, ne contient une telle

 19   référence alors que l'on me dit que dans les versions en BCS cette

 20   référence s'y trouve toujours.

 21   Donc les personnes qui travaillent sur la base d'un texte en

 22   anglais se voient privées de ce qui, manifestement, est une partie

 23   importante de ce qui fait l'objet de la communication de pièces.

 24   Autrement dit, il est permis de penser qu'un montage a eu lieu,

 25   un montage qui ne peut pas se justifier sur des arguments de sécurité par

Page 959

  1   exemple et cela empêche en tout cas les personnes membres de l'équipe de

  2   le de la défense qui ne parlent qu'anglais de savoir la totalité de ce

  3   qu'elles ont à savoir. Et la même remarque s'applique, je pense, à toutes

  4   les autres déclarations de même nature qui nous ont été communiquées.

  5   Monsieur le Président et messieurs les Juges, vous verrez, sur

  6   la base de la dernière question et de la dernière réponse, que si ce fait

  7   n'avait pas été porté à mon attention, je n'aurais pas pu savoir

  8   exactement les questions qui étaient posées au témoin, ce que le témoin

  9   s'est vu demander, ce qui bien sûr constitue un préjudice pour l'accusé.

 10   Or, dans le paragraphe en question de la version BCS, nous

 11   voyons que les personnes qui interrogeaient ce témoin lui posaient des

 12   questions portant précisément sur ce sujet.

 13   Alors ce que je dis est la chose suivante : nous avons besoin de

 14   savoir combien d'autres déclarations ont des passages qui ont été

 15   supprimés et nous disons que cette erreur doit être corrigée immédiatement

 16   car, dans le cas contraire, nous ne sommes pas en mesure de préparer de

 17   façon convenable notre travail si la communication des pièces ne s'est pas

 18   faite de façon convenable, c'est-à-dire si des informations très

 19   importantes ont été retirées de certains des textes qui nous ont été

 20   communiqués.

 21   M. le Président. - Maître Tochinovsky, vous pouvez répondre.

 22   M. Tochilovsky (interprétation). - Monsieur le Président,

 23   Messieurs les Juges, j'aimerais apporter quelques corrections à ce que

 24   vient de dire le conseil de la défense.

 25   Cette déclaration a été faite par le témoin devant les autorités

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  1   de Bosnie-Herzégovine en langue bosniaque, pas en anglais. Le document

  2   original est donc rédigé en langue bosniaque. Selon l'article 66 de notre

  3   Règlement de Procédure et de Preuve, les déclarations communiquées à la

  4   défense, doivent l'être dans une langue comprise par l'accusé. Les

  5   déclarations de témoins ont été communiquées en langue bosniaque, c'est-à-

  6   dire dans la langue que l'accusé et le chef de l'équipe de la défense

  7   comprennent bien, puisque c'est leur langue maternelle.

  8   Quant à la version anglaise de ces déclarations, elle ne

  9   constituent que des documents internes qui ont été préparés au profit des

 10   enquêteurs, car les enquêteurs ne comprennent pas la langue bosniaque et

 11   ne la parlent pas.

 12   Les déclarations recueillies par le gouvernement bosniaque en

 13   langue bosniaque, ont été traduites en anglais. Et conformément à nos

 14   obligations, nous avons communiqué à la défense les documents originaux en

 15   langue bosniaque, qui comportent l'intégralité des paragraphes.

 16   La défense a ces documents en sa possession, elle a eu la

 17   possibilité de les lire à son gré.

 18   S'agissant de la version anglaise, qui n'a été préparée que pour

 19   notre utilisation interne si je puis m'exprimer ainsi, si la défense n'est

 20   pas satisfaite de la qualité de la traduction, de l'original en anglais,

 21   eh bien elle peut nous retourner cette traduction, car il n'est pas

 22   question là de communication de déclarations.

 23   Lorsque nous parlons de communication et d'obligation de

 24   communiquer les déclarations, nous parlons de déclarations en langue

 25   bosniaque.

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  1   Maintenant s'agissant de ce paragraphe particulier, je pense

  2   qu'il a été supprimé car il comporte des informations qui permettent

  3   d'identifier le témoin. On y trouve le nom du témoin, son lieu de

  4   naissance, sa date de naissance, le numéro de sa carte d'identité, son

  5   lieu de résidence, l'endroit où il travaille, le nom de certains de ses

  6   parents, c'est à la fin de ce paragraphe, qui est un paragraphe distinct,

  7   un paragraphe introductif, qui ne fait pas partie intégrale du reste du

  8   texte.

  9   A la fin, il est stipulé que tel et tel témoin répondant à telle

 10   et telle identité, a été interrogé au sujet des événements survenus dans

 11   la ville de Brcko, dans le camp de Luka et dans le camp de Batkovic, à

 12   Gorni Rajic, etc.

 13   Donc ce paragraphe, parce qu'il comportait des éléments

 14   d'identification, a été supprimé, mais la déclaration du témoin originale

 15   a été communiquée à la défense sans aucune suppression, et -de l'avis du

 16   Bureau du Procureur- elle a respecté son obligation de communication,

 17   puisqu'elle a communiqué à la défense un texte qui dans son format est

 18   absolument identique à celui qu'elle avait elle-même en sa possession et

 19   qui est rédigé dans la langue que comprend l'accusé, la langue bosniaque.

 20   M. Greaves (interprétation). – Monsieur le Président, il semble

 21   que mon collègue n'a pas bien compris de quoi il est question ici. Rien à

 22   voir avec la nécessité de cacher l'identité du témoin car, de toute façon,

 23   ces informations sont fournies à la défense dans le document original,

 24   donc ce que nous venons d'entendre n'a aucun sens.

 25   Deuxièmement, j'aimerais attirer l'attention de chacun ici sur

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  1   l'article 68 qui traite de la communication des moyens de preuve à

  2   décharge. Cet article se lit comme suit, je cite : "Le Procureur informe

  3   la défense aussitôt que possible de l'existence des éléments de preuve

  4   dont il a connaissance, qui sont de nature à disculper en tout ou partie

  5   l'accusé, ou qui pourraient porter atteinte à la crédibilité des éléments

  6   de preuve de l'accusation". Fin de citation..

  7   Donc Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est en vertu

  8   de cet article du Règlement que des documents, y compris contradictoires,

  9   sont communiqués, parce que cela permet de porter atteinte à la

 10   crédibilité d'un témoin.

 11   Monsieur le Président, voilà donc le texte qui nous intéresse.

 12   L'article 66 pour sa part traite de deux catégories de documents, il se

 13   lit comme suit, je cite : "Sous réserve des dispositions des articles 53

 14   et 69, le Procureur communique à la défense dans une langue que l'accusé

 15   comprend...", et à ce moment-là nous voyons la définition de deux

 16   catégories de documents.

 17   Le document dont nous sommes en train de parler ne rentre dans

 18   aucune de ces deux catégories, je le dis avec tout le respect que je dois

 19   au Tribunal. Les rédacteurs du Règlement ont sans doute pensé au fait que

 20   les exigences concernant la langue devaient être limitées à ces deux

 21   catégories de documents.

 22   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous disons

 23   qu'il y a eu communication d'un document qui a été monté.

 24   M. le Président. - Est-ce que la déclaration devant les

 25   autorités bosniaques vous a été fournie dans la langue que comprend

Page 963

  1   l'accusé et que comprend Me Londrovic sous sa forme la plus complète, oui

  2   ou non ?

  3   M. Greaves (interprétation). – Oui, oui.

  4   M. le Président. - Je me tourne vers Maître Londrovic, leader de

  5   la défense. Avez-vous eu cette déclaration ?

  6   Maître Londrovic, avez-vous eu cette déclaration devant les

  7   autorités bosniaques dont, à chaque témoin, vous donnez lecture pour le

  8   mettre en contradiction avec les déclarations qu'il a faites devant le

  9   Bureau du Procureur ? Oui ou non, avez-vous eu la déclaration complète ?

 10   M. Londrovic (interprétation). – Moi, personnellement oui,

 11   Monsieur le Président.

 12   M. le Président. – Est-ce que Me Greaves a eu également la

 13   déclaration complète ?

 14   M. Londrovic (interprétation). – Dans la version en anglais des

 15   déclarations remises à Me Greaves, non, il n'a pas l'intégralité.

 16   M. le Président. - Est-ce que vous êtes leader de la défense

 17   Maître Londrovic ?

 18   M. Londrovic (interprétation). – Monsieur le Président, je suis

 19   le premier conseil de la défense?

 20   M. le Président. - Est-ce que vous avez un interprète payé par

 21   le Tribunal à votre disposition pour vous permettre de faciliter vos

 22   relations entre Me Greaves, votre co-défenseur dans l'équipe, et vous

 23   même, oui ou non ?

 24   M. Londrovic (interprétation). – Oui.

 25   M. le Président. - Alors je me tourne à présent vers mes

Page 964

  1   collègues.

  2   (Les Juges se concertent sur le siège.)

  3   M. Greaves (interprétation). – Monsieur le Président, j'aimerais

  4   ajouter un point si vous me le permettez.

  5   M. le Président. - Oui, mais un point, je vous accorde un point

  6   et un seul et ensuite nous faisons la pause. Maître Londrovic est leader

  7   de la défense, il a eu la déclaration en serbo-croate depuis le début. Il

  8   vous appartient de vous coordonner. D'ailleurs, dans tous les procès

  9   auxquels on assiste ici c'est souvent la partie serbo-croate qui contre-

 10   interroge le témoin quand il est un témoin serbo-croate. Je n'y peux rien

 11   si vous avez choisi Me Greaves qui parle la langue anglaise et qui donc

 12   n'a suivi que la version anglaise.

 13   Je vous accorde un point et je vous demande de le traiter très

 14   rapidement, Maître Greaves. Nous perdons beaucoup de temps dans cette

 15   affaire en ce moment et je ne suis pas disposé à ce qu'on continue à

 16   perdre autant de temps. Alors un point, Maître Greaves, un seul,

 17   rapidement.

 18   M. Greaves (interprétation). - Monsieur le Président, le Greffe

 19   ne paye pas pour de nouvelles traductions de documents qui sont déjà entre

 20   les mains des conseils de la défense. Il est donc impossible pour nous de

 21   l'obtenir, nous avons effectivement une interprète, mais nous n'aurons pas

 22   la possibilité, l'autorisation de faire retraduire des documents qui nous

 23   ont déjà été communiqués en anglais parce que tout simplement ce travail

 24   ne sera pas payé.

 25   M. le Président. - Bien. Je crois que vous avez un interprète.

Page 965

  1   Premièrement, vous avez eu une déclaration en serbo-croate communiquée au

  2   leader de la défense qui est Me Londrovic, vous avez un système de

  3   traduction et d'interprétation. Il existe des contradictions ou peut-être

  4   des lacunes dans la traduction, ce n'est pas le problème pour l'instant

  5   des Juges, nous avons perdu beaucoup de temps. Nous allons prendre une

  6   pause d'un quart-d'heure et nous reprendrons ensuite votre contre-

  7   interrogatoire que je vous demanderai de terminer dans un temps minimum de

  8   15 minutes, dernier délai. L'audience est suspendue.

  9   L'audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 15.

 10   M. le Président. - L'audience est reprise. Introduisez l'accusé,

 11   s'il vous plaît.

 12   (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

 13   Considérant l'article 90 (G) et l'article 90 (H) auxquels je

 14   vous demande de vous reporter mais que j'ai cités déjà à plusieurs

 15   reprises, Maître Greaves je vous demanderai d'achever votre contre-

 16   interrogatoire en 15 minutes. Nous vous donnons 15 minutes pour achever

 17   votre contre-interrogatoire, s'il vous plaît.

 18   Bien, il est donc 16 heures 20 environ et vous avez 15 minutes

 19   devant vous pour aller à l'essentiel de ce qui a été traité dans

 20   l'interrogatoire principal, je vous en prie. Allez-y, c'est à vous.

 21   M. Greaves (interprétation). - Monsieur I, je vais maintenant

 22   passer à la liste de personnes au sujet de laquelle on vous a posé des

 23   questions pendant l'interrogatoire principal.

 24   M. le Président. - Normalement nous passons en session à huis

 25   clos partiel quand nous abordons la liste, c'est tout au moins ce que nous

Page 966

  1   avions décidé tout à l'heure et je pense que tout le monde en était

  2   d'accord. Donc, je vous demande, Monsieur le Greffier, de passer en huis

  3   clos partiel. Nous y sommes ?

  4   M. Abtahi. - Nous y sommes.

  5   Audience à huis clos partiel.

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 12   Pages 967 à 971 - expurgées - audience à huis clos partiel.

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 12   Audience publique.

 13   M. le Président. - Poursuivez.

 14   M. Tochilovsky (interprétation). - Est-il exact que les

 15   Musulmans constituaient la majorité de la population de la ville ?

 16   Témoin I (interprétation). - Oui.

 17   M. Tochilovsky (interprétation). - Les zones qui ont fait

 18   l'objet de ces pilonnages, est-ce que c'étaient des zones qui étaient

 19   habitées par des Serbes ? En d'autres termes, est-ce que les zones qui ont

 20   été pilonnées étaient des zones de la ville qui étaient habitées en

 21   majorité par les Serbes ou par les Musulmans ?

 22   Témoin I (interprétation). - On n'a pas du tout pilonné des

 23   zones habitées par les Serbes, on a pilonné les zones qui étaient à cent

 24   pour cent musulmanes comme Brcko, Palanka, Rahic, Maoca et d'autres

 25   villages comme Bizdarusa, Klamac, Begovaca, Brod, Suljagic Sokak à

Page 973

  1   l'extérieur de la ville.

  2   M. Tochilovsky (interprétation). - Merci.

  3   Dernière question. En réponse à une question de la défense, vous

  4   avez dit que certains Serbes qui venaient de mariages mixtes ont été

  5   détenus dans les casernes. Est-ce que vous avez fait référence à des

  6   Serbes qui étaient mariés à des non-Serbes, y compris des Musulmans ?

  7   Témoin I (interprétation). - Non.

  8   M. Tochilovsky (interprétation). - Qu'est-ce que vous entendez

  9   par mariages mixtes ?

 10   Témoin I (interprétation). - Je pense que la mère était serbe et

 11   le père musulman, ou vice versa, et on laissait partir ces gens

 12   immédiatement.

 13   M. Tochilovsky (interprétation). - Merci.

 14   Je n'ai pas de questions supplémentaires pour le témoin,

 15   monsieur le Président, messieurs les Juges.

 16   M. le Président. - Nous ne sommes plus très loin de la fin de

 17   votre déposition Témoin I, mais je sais que mes collègues ont quelques

 18   questions à vous poser. Je me tourne d'abord vers Monsieur le Juge Riad.

 19   M. Riad (interprétation). - Bonjour, Témoin I. Je voudrais

 20   arriver à mieux comprendre certaines choses et j'espère que vous pourrez

 21   m'aider.

 22   Vous avez été arrêté le 4 mai 1992. Est-ce que vous savez

 23   pourquoi vous avez été arrêté ? Est-ce qu'on vous l'a dit, est-ce que vous

 24   avez essayé de savoir pourquoi on vous avait arrêté ?

 25   Témoin I (interprétation). - Non, je ne le comprends même pas

Page 974

  1   aujourd'hui. J'avais plusieurs amis de différentes nationalités, j'avais

  2   plus d'amis d'autres nationalités, des Serbes et des Croates, que de

  3   Musulmans avant la guerre. Mon père m'apprenait à ne pas regarder les gens

  4   d'après leur appartenance ethnique, qu'il fallait juste faire la

  5   différence entre les bons et les mauvais. Et quand ceci a commencé à

  6   Brcko, j'ai été surpris de voir la façon dont se comportaient mes

  7   camarades. Certains d'entre eux passaient à côté de moi sans me dire

  8   bonjour, je ne m'attendais pas à plus que cela mais ils ne disaient rien

  9   car ils avaient de la haine, on leur a appris la haine et ils ont changé

 10   du jour au lendemain. Avant ces événements, peut-être quelques mois

 11   auparavant, nous sortions ensemble, nous nous rendions dans les

 12   discothèques, dans les cafés.

 13   M. Riad (interprétation). - Merci, merci.

 14   Vous avez dit que quelques années avant ces événements, il s'est

 15   produit un incident dans un café. Est-ce que lors de cet incident vous

 16   avez pris officiellement position contre un Serbe ? Est-ce que c'était

 17   avec un Serbe que vous avez eu des problèmes ?

 18   Témoin I (interprétation). - Non, cet incident était assez bref.

 19   C'était l'heure de la fermeture du bar et j'ai voulu rentrer chez moi mais

 20   Ranko Cesic est arrivé. Il avait visiblement bu. Donc nous nous sommes

 21   disputés verbalement et celui-ci m'a donné une gifle et j'ai répondu bien

 22   sûr. Et c'est pour cela que j'avais peur qu'il me remarque à Luka. Cela

 23   s'est produit deux années auparavant, avant le début de la guerre.

 24   M. Riad (interprétation). - Donc, ça n'a aucun rapport avec

 25   votre arrestation.

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  1   Témoin I (interprétation). - Non.

  2   M. Riad (interprétation). - Vous avez été arrêté uniquement à

  3   cause de votre appartenance ethnique, parce que vous êtes un Musulman de

  4   Bosnie ?

  5   (Signe affirmatif du témoin.)

  6   Mais pourquoi après vous a-t-on libéré ? Parce que, comme vous

  7   nous l'avez dit, vous avez dénoncé quatre personnes ? C'est pour cela que

  8   vous avez été libéré ?

  9   Témoin I (interprétation). - Je doute que ce soit la raison,

 10   non, car quelques jours se sont écoulés depuis que j'ai donné le nom de

 11   ces quatre personnes, ce n'était pas la raison. La raison résidait dans le

 12   fait que j'étais bon ami avec Dragan Tanaskovic ; et quand il est rentré à

 13   la maison, il a dit à sa mère qu'il m'avait vu dans la caserne et sa mère

 14   lui a répondu de me trouver et de ne pas rentrer sans moi car sa mère

 15   m'aimait.

 16   M. Riad (interprétation). - Donc, si je comprends bien, sans cet

 17   ami serbe, vous n'auriez pas été libéré, et d'ailleurs personne n'était

 18   libéré s'il n'avait pas d'ami serbe ?

 19   Témoin I (interprétation). - Oui, c'est exact.

 20   M. Riad (interprétation). - Vous avez également dit qu'un homme

 21   répondant au nom de Danijel Ibrahamovic a été arrêté et interné parce

 22   qu'il détenait un pistolet militaire Scorpion et ensuite vous avez dit

 23   qu'il avait été liquidé. Etait-ce une des raisons qui expliquait la

 24   liquidation de certaines personnes ou bien est-ce que cela aurait pu se

 25   produire même sans ce fait ?

Page 976

  1   Témoin I (interprétation). - Cela aurait pu se produire sans

  2   cela et il y a eu beaucoup de cas où cela s'est produit. Je vais vous

  3   citer un exemple : dans l'immeuble où j'étais, dans l'établissement Es,

  4   juste à côté de mon immeuble, il y avait un autre immeuble et c'est de là

  5   qu'on a amené un jeune homme qui était le champion d'Etat de kayak, et

  6   pour l'unique raison que c'était un sportif, qu'il conduisait une bonne

  7   voiture et qu'il avait un bel aspect physique.

  8   M. Riad (interprétation). - C'est aussi une des raisons pour

  9   lesquelles certains ont été liquidés.

 10   Témoin I (interprétation). - C'est exact.

 11   M. Riad (interprétation). - Donc il n'y avait pas de raison,

 12   n'importe qui courait le risque d'être liquidé, qu'il soit riche ou

 13   pauvre ?

 14   Témoin I (interprétation). - Je peux vous donner un autre

 15   exemple : à Luka; quand il faisait nuit, on ne pouvait pas voir qui était

 16   qui. Ils prenaient quelqu'un par la manche, lui ordonnaient de se lever,

 17   ils l'amenaient quelque part et il le tuaient ou bien ils lui donnaient un

 18   coup de pied en lui ordonnant de se lever. Il y a eu beaucoup de cas comme

 19   ça.

 20   M. Riad (interprétation). - Et à ce moment-là, quand cette

 21   personne se levait, qu'est-ce qu'on lui disait ?

 22   Témoin I (interprétation). - On la faisait sortir et puis on la

 23   fusillait, elle n'avait pas le droit de dire quoi que ce soit.

 24   M. Riad (interprétation). - Pourquoi, parce qu'il était

 25   Bosnien ?

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  1   Témoin I (interprétation). - Oui, parce qu'il était Bosnien ou

  2   Croate. Moi, je n'ai passé aucune nuit à Luka.

  3   M. Riad (interprétation). - Il n'y avait aucune autre raison ?

  4   Témoin I (interprétation). - Uniquement parce qu'il était

  5   Bosnien ou Croate.

  6   M. le Président. - Merci, Monsieur le Juge.

  7   Monsieur le Juge Rodrigues ?

  8   M. Rodrigues. – Témoin I, bonjour. J'ai essentiellement deux

  9   questions pour vous. Vous avez dit que quand vous étiez à la mosquée, ils

 10   disaient qu'il faudrait laisser seulement 5 %. J'ai bien compris ?

 11   (Signe affirmatif du témoin.)

 12   Ma question est celle-ci : qui disait cela ?

 13   Témoin I (interprétation). - Des personnes rentraient sans arrêt

 14   dans la mosquée, des personnes portant des uniformes. Ils avaient des

 15   insignes différents. Il y en avait qui appartenaient à Seselj ou à Arkan,

 16   il y avait beaucoup de formations paramilitaires.

 17   M. Rodrigues. - Mais s'agissait-il des formations paramilitaires

 18   serbes ou d'autres ?

 19   Témoin I (interprétation). - Serbes, oui.

 20   M. Rodrigues. - De qui disaient-ils cela ? 5 % de qui ?

 21   Témoin I (interprétation). – 5 % de la population totale de

 22   Brcko. On pensait uniquement aux Bosniens et aux Croates.

 23   M. Rodrigues. - A quoi ou pourquoi c'est seulement 5 % ?

 24   Témoin I (interprétation). - C'est ce dont ils avaient besoin

 25   pour faire le ménage, pour nettoyer les rues ou pour travailler la nuit,

Page 978

  1   ils voulaient donner tous les travaux pénibles à ces gens-là.

  2   M. Rodrigues. - C'était essentiellement ma première question.

  3   Deuxième question : vous avez dit aussi, à propos des deux

  4   inspecteurs de police qui étaient dans l'interrogatoire fait par les

  5   autorités de Bosnie, je crois que vous avez parlé d'une liste avec les

  6   personnes qui devaient être relaxées ou tuées, parce qu'indésirables dans

  7   la vie, plus ou moins. Je ne sais pas si j'ai bien compris. C'est cela que

  8   vous avez dit ?

  9   Témoin I (interprétation). - Oui.

 10   M. Rodrigues. - Ma question : est-ce que vous savez qui avait

 11   établi cette liste ?

 12   Témoin I (interprétation). - Je peux vous donner une

 13   information. Quand on m'a laissé partir de Luka et quand j'ai été dans

 14   l'établissement Es, un ami de nationalité serbe est venu me chercher pour

 15   brancher son poste de télévision sur une batterie. Son nom était

 16   Zoran Markovic. A l'époque il n'y avait pas d'électricité à Brcko dans les

 17   maisons et les appartements alors qu'il y avait un match en cours, un

 18   match de football pour la coupe. Et il est venu me chercher pour que je

 19   lui permette de suivre ce match. Alors que nous étions assis chez lui, il

 20   m'a montré une liste de personnes qu'il était censé liquider lui-même. Il

 21   m'a dit qu'il appelait ces gens par téléphone la nuit pour qu'ils se

 22   cachent. Peut-être pas tous. Tout a été planifié à l'avance.

 23   M. Rodrigues. - Par qui tout avait été planifié à l'avance ? Qui

 24   avait planifié cela ?

 25   Témoin I (interprétation). - Je ne sais pas qui était la

Page 979

  1   personne chargée de ce projet mais quand on regarde la suite des

  2   événements, le cours des événements, je pense que ce sont les partis

  3   nationalistes qui sont les vraies coupables, c'est le SDS.

  4   M. Rodrigues. - Les personnes qui disaient à la mosquée qu'il

  5   faudrait laisser seulement 5 %, les deux inspecteurs de police qui avaient

  6   une liste avec les personnes qu'il faudrait tuer ou relâcher, est-ce que

  7   ces personnes avaient quelque relation avec M. Goran Jelisic ?

  8   Témoin I (interprétation). - En ce qui concerne les détenus à la

  9   mosquée, je n'en suis pas sûr mais je pense que c'était le cas pour les

 10   détenus de Luka car Goran ne connaissait pas les habitants de Brcko.

 11   Quelqu'un devait être là pour lui montrer qui est qui, qui devait séparer

 12   les pièces d'identité de ces gens.

 13   M. Rodrigues. - Une autre chose seulement pour terminer.

 14   Vous avez parlé de cette liste qu'il a faite. Tout ce que vous

 15   m'avez dit maintenant, vous l'avez déjà dit auparavant soit aux autorités

 16   de Bosnie soit au Procureur, où est-ce la première fois que vous parlez de

 17   cela ?

 18   Témoin I (interprétation). - C'est la première fois que j'en

 19   parle de façon plus large.

 20   M. Rodrigues. - Pourquoi parlez-vous pour la première fois

 21   aujourd'hui et maintenant de façon plus large comme vous l'avez dit ?

 22   Pourquoi ?

 23   Témoin I (interprétation). - Je vais juste vous dire qu'au

 24   moment où j'ai fait ma première déclaration devant les autorités de

 25   Bosnie-Herzégovine je l'ai fait pendant trois jours et la personne qui m'a

Page 980

  1   interrogé m'a dit que ma déclaration était plus importante que la

  2   déclaration de tous les autres détenus, mais il n'avait plus de patience,

  3   il n'a pas pu continuer, il était trop fatigué. Et moi j'ai insisté pour

  4   qu'il continue, pour qu'il m'entende jusqu'au bout. Il m'a répondu que

  5   c'était suffisant.

  6   M. Rodrigues. - A propos, les déclarations que vous avez faites

  7   aux autorités de Bosnie-Herzégovine, les investigateurs vous posaient des

  8   questions et vous répondiez ou faisiez-vous une déclaration spontanée que

  9   les enquêteurs notaient, ou est-ce que les choses se passaient

 10   différemment ? Comment les choses se sont-elles passées ?

 11   Témoin I (interprétation). - C'était une déclaration spontanée.

 12   Je dois vous dire que j'ai fait ma déclaration avant que je ne sois emmené

 13   dans le camp de Batkovic, juste après avoir été remis en liberté du camp

 14   de Luka. Sinon elle aurait été plus précise, plus détaillée, mais on nous

 15   a emmenés dans le camp pour nous effacer la mémoire. On mangeait la

 16   nourriture qui n'était pas salée dans des petites quantités et le temps

 17   aussi a joué en faveur de l'oubli. Donc je n'ai pas pu me rappeler de tout

 18   au moment où je suis arrivé, où j'ai été remis en liberté du camp de

 19   Batkovic. Après, quand on y pense, on se rappelle des détails.

 20   M. Rodrigues. - Je n'ai pas d'autres questions. Merci beaucoup

 21   Témoin I. Merci beaucoup Monsieur le Président.

 22   M. le Président. - Merci Monsieur le Juge. J'ai une question à

 23   vous poser : après toutes ces épreuves que vous avez passées dans le camp

 24   de Luka, quelle est finalement votre impression finale sur le rôle que

 25   jouait l'accusé. Est-ce qu’il vous donnait l'impression de diriger les

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  1   opérations ou d'être finalement un simple exécutant ? Est-ce que vous

  2   pouvez nous apporter une précision ?

  3   Témoin I (interprétation). - Je pourrais dire qu'il avait les

  4   deux fonctions : il exécutait les ordres mais il choisissait lui-même les

  5   victimes. Il pouvait choisir de ne pas fusiller quelqu'un malgré les

  6   ordres mais il agissait souvent de son propre gré, d'après sa propre

  7   volonté.

  8   M. le Président. - Oui, allez-y.

  9   Témoin I (interprétation). - Par exemple, il n'était pas obligé

 10   de frapper autant les gens, de les frapper avec des matraques aussi

 11   énormes. S'il fallait les tuer, il aurait pu les assassiner immédiatement,

 12   mais lui il choisissait des objets : des matraques et il ne faisait que

 13   les achever.

 14   M. le Président. - Merci. Voilà, c'est fini. Vous avez fait

 15   preuve de beaucoup de patience et le Tribunal vous exprime toute sa

 16   gratitude.

 17   A présent, on va prendre quelques précautions pour vous

 18   raccompagner, avant d'introduire le témoin suivant. Il faudrait donc

 19   fermer les rideaux et l'unité de protection des témoins va s'occuper de

 20   vous.

 21   On vous souhaite un retour serein. Vous avez fait votre devoir,

 22   vous êtes venu ici. Il fallait beaucoup de courage pour le faire et vous

 23   l'avez fait. Donc, on vous en est reconnaissant.

 24   Merci.

 25   Témoin I (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

Page 982

  1   (Le témoin est raccompagné par M. Tochilovsky).

  2   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience).

  3   M. le Président. - Est-ce que vous m'entendez ?

  4   Il ne peut pas me répondre, Monsieur l'huissier, il faut lui

  5   brancher les micros, voyons, comment voulez-vous que je m'adresse à lui et

  6   qu'il me réponde et puis il fallait le laisser assis.

  7   Vous allez nous lire votre déclaration de serment. Allez-y, nous

  8   vous écoutons.

  9   Témoin J (interprétation). - Oui. Je déclare solennellement que

 10   je dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

 11   M. le Président. - Asseyez-vous. Nous allons vous appeler

 12   Témoin J, car vous êtes un témoin qui bénéfice de mesures de protection

 13   ordonnées par le Tribunal. Merci d'être venu.

 14   Vous allez d'abord entendre les questions du Procureur qui vous

 15   a expliqué comment tout ceci allait se passer et ensuite,

 16   vraisemblablement demain, vous entendrez les questions des défenseurs de

 17   l'accusé. Vous êtes dans le procès intenté par le Procureur contre

 18   l'accusé Goran Jelisic, ici présent sur votre gauche dans cette enceinte.

 19   Je vois M. Nice qui va prendre l'interrogatoire. Allez-y, nous

 20   vous écoutons. L'identité du témoin ? Tendez-lui le document pour qu'il

 21   reconnaisse son nom, mais ne le prononcez pas, s'il vous plaît. Merci.

 22   Monsieur Nice ?

 23   M. Nice (interprétation). - Témoin J, avez-vous eu l'occasion de

 24   lire un résumé de ce que vous allez nous déclarer ou de ce que vous allez

 25   peut-être nous déclarer aujourd'hui dans le cadre de votre déposition et

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  1   est-ce que cela correspond à la réalité ?

  2   Témoin J (interprétation). - Oui.

  3   M. Nice (interprétation). - Avant le conflit, est-ce que vous

  4   travailliez en tant qu'économiste pour une entreprise privée ?

  5   Témoin J (interprétation). - Oui.

  6   M. Nice (interprétation). - Le 30 avril 1992, vous trouviez-vous

  7   avec votre famille à Klanak, un quartier dont la population était à

  8   majorité musulmane, et ensuite le 3 mai, vous êtes-vous rendu à Kolobara

  9   où pendant un certain temps vous avez résidé dans le sous-sol d'un

 10   immeuble ?

 11   Témoin J (interprétation). - Oui.

 12   M. Nice (interprétation). - Le 4 mai, avez-vous été arrêté par

 13   des soldats serbes dont certains portaient des uniformes de la JNA et

 14   d'autres les uniformes bleus des forces de protection civile ?

 15   Témoin J (interprétation). - Oui.

 16   M. Nice (interprétation). - Est-ce que les hommes et les femmes

 17   ont été séparés et les hommes ensuite ont été conduits à la mosquée, et, à

 18   votre avis, combien y avait-il de personnes dans la mosquée ?

 19   Témoin J (interprétation). - Plus de 100.

 20   M. Nice (interprétation). - Dans la mosquée, étiez-vous sous la

 21   garde d'hommes en uniforme dont certains que vous avez pu identifier, ou

 22   vous avez pu identifier l'organisation à laquelle ils appartenaient ?

 23   Témoin J (interprétation). - Oui.

 24   M. Nice (interprétation). - Et vous avez pensé à ce moment-là

 25   qu'ils venaient de quelle organisation ? A quel groupe appartenaient-ils

Page 984

  1   ces hommes ?

  2   Témoin J (interprétation). - Ils venaient de différents groupes,

  3   des soldats d'Arkan, des Aigles blancs et d'autres formations.

  4   M. le Président. - Excusez-moi. Quand vous répondez, efforcez-

  5   vous de vous tourner vers les Juges, Témoin J, si vous pouvez. Merci.

  6   M. Nice (interprétation). - Pendant votre séjour à la mosquée,

  7   est-ce que certains ont été interrogés ?

  8   Témoin J (interprétation). - Oui.

  9   M. Nice (interprétation). - Qui était interrogé pendant que vous

 10   vous trouviez à la mosquée ? Quel genre de gens ?

 11   Témoin J (interprétation). - Je me souviens le plus qu'ils ont

 12   interrogé Papa, il s'appelle en réalité Ahmet Hodzic. Ils ont aussi

 13   interrogé un certain nombre de personnes plus jeunes que je connaissais de

 14   vue mais je ne connaissais pas leur nom.

 15   M. Nice (interprétation). - Papa qui, avant le conflit, était

 16   président du comité local du SDA, n'est-ce pas ?

 17   Témoin J (interprétation). - Il était Président de la communauté

 18   locale du Kolobara et il était membre du SDA.

 19   M. Nice (interprétation). - Est-ce qu'il y avait là-bas un jeune

 20   homme qui a essayé de s'enfuir ?

 21   Témoin J (interprétation). - Oui, c'était Zikret Suljic,

 22   surnommé Kike.

 23   M. Nice (interprétation). - Que lui est-il arrivé quand il a

 24   essayé de s'échapper ?

 25   Témoin J (interprétation). - Dans cette confusion générale, un

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  1   soldat, je pense qu'il était membre de la formation d'Arkan, nous a

  2   ordonné de nous coucher par terre et a tiré une rafale. Cet homme était à

  3   côté de la fenêtre, comme s'il voulait sauter par la fenêtre de la mosquée

  4   et il lui a tiré des balles dans le dos.

  5   M. Nice (interprétation). - Vous a-t-on transféré de la mosquée

  6   vers un autre endroit et, si c'est le cas, vers où vous a-t-on transféré ?

  7   Témoin J (interprétation). - Oui j'ai été transféré avec 15

  8   autres personnes à peu près dans la caserne.

  9   M. Nice (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

 10   demandé au témoin de regarder cette carte avant la déposition, mais si le

 11   témoin peut regarder cette carte, elle pourra être également communiquée à

 12   Messieurs les Juges et je pense qu'elle sera utile pour tout le monde. Si

 13   le témoin ne peut pas nous fournir des informations en regardant cette

 14   carte, à ce moment-là je la présenterai à un autre témoin qui lui, je

 15   crois, pourra nous fournir des informations pertinentes.

 16   M. Abtahi. - Pièce 33 de l'accusation.

 17   M. Nice (interprétation). - Merci. Etes-vous capable de lire une

 18   carte, Monsieur le Témoin J ?

 19   M. Greaves (interprétation). - Nous n'avons qu'une copie. Nous

 20   serait-il possible d'en avoir une deuxième, s'il vous plaît ?

 21   M. Nice (interprétation). - La voilà.

 22   Monsieur le Témoin J, êtes-vous capable de lire une carte ? Je

 23   vous demande de placer la carte sur le rétroprojecteur, de mettre le

 24   fleuve ou la rivière en haut. Monsieur le Témoin, je vous prie de prendre

 25   le pointeur et pour indiquer quoi que ce soit, utilisez ce pointeur. Ne

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  1   vous penchez pas sur le rétroprojecteur afin que l'on ne vous vois pas. Je

  2   vous prie d'indiquer les endroits que vous souhaitez indiquer non pas sur

  3   l'écran mais sur le rétroprojecteur même. On verra ensuite ce que vous

  4   souhaitez nous indiquer sur l'écran.

  5   Donc très rapidement, est-ce que ceci nous montre la rivière qui

  6   va du nord-ouest à l'est avec ce qui était à l'époque le pont principal ?

  7   Est-ce que vous pouvez indiquer sur la carte le pont ?

  8   (Le témoin l'indique.)

  9   Je ne sais pas si vous pouvez nous montrer sur cette carte où se

 10   trouvait la mosquée, si c'est le cas, pouvez-vous nous l'indiquer sinon

 11   j'essaierai de formuler ma question d'une façon différente ?

 12   (Le témoin indique une zone qui se trouve dans le coin supérieur

 13   gauche de la carte.)

 14   M. Nice (interprétation). - La caserne où l'on vous a emmené, où

 15   se trouvait-elle ?

 16   Je crois que pour cela il faudra un peu monter la carte sur le

 17   rétroprojecteur... Ou peut-être pas.

 18   (Le témoin indique une zone qui se trouve au centre de la

 19   ville.)

 20   Sur ce document, dans le coin inférieur droit, on voit une zone

 21   et il est indiqué qu'il s'agit de casernes, mais ce ne sont pas les

 22   casernes où l'on vous a emmené ?

 23   (Signe négatif du témoin.)

 24   M. Nice (interprétation). - Je reviendrai à ce plan ou à cette

 25   carte un peu plus tard.

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  1   On vous a donc emmené à la caserne. Est-ce qu’il y avait

  2   d'autres hommes qui venaient d'autres quartiers de Brcko ou d'ailleurs qui

  3   ont été amenés là ?

  4   Témoin J (interprétation). - Oui.

  5   M. Nice (interprétation). - Et ces hommes, de quelle zone

  6   venaient-ils ?

  7   Témoin J (interprétation). - Ils venaient pour la plupart de

  8   Brcko Novo, de Mujkici, Meraje.

  9   M. Nice (interprétation). - Et ces quartiers et ces districts ce

 10   sont des quartiers ou des districts dont la composition ethnique et la

 11   répartition ethnique étaient bien particulières à l'époque ?

 12   Témoin J (interprétation). - A Brcko Novo, c'est une population

 13   mixte alors qu'à Meraje ou Mujkici, ce sont principalement des Musulmans.

 14   M. Nice (interprétation). - Mujkici, est-ce que cela se trouve à

 15   l'intérieur de Brcko ou est-ce que c'est en dehors de la ville ?

 16   Témoin J (interprétation). - C'est à peu près à 1000 mètres de

 17   la mosquée où nous étions enfermés, juste à côté du stade.

 18   M. Nice (interprétation). - Très bien, et le stade je crois que

 19   nous pouvons le voir sur ce plan. En tout cas je peux voir un stade.

 20   Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez voir le stade sur

 21   cette carte ? Le stade qui est près de Mujkici ?

 22   Témoin J (interprétation). - Oui.

 23   M. Nice (interprétation). - Cela se trouve dans le coin

 24   supérieur gauche du document, merci.

 25   Suite à votre transfert à la caserne et le jour suivant, est-ce

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  1   que vous vous êtes porté volontaire pour faire quelque chose ?

  2   Témoin J (interprétation). - Oui, à nettoyer les débris de

  3   verres autour de l'immeuble du SUP, des verres qui ont été brisés suite à

  4   l'explosion après que le pont ait été détruit.

  5   M. Nice (interprétation). - Monsieur le Témoin, peut-être vous

  6   sera t-il difficile d'identifier le centre-ville sur un plan aussi petit

  7   que celui-ci mais nous voyons où le pont à explosé, a sauté, et nous vous

  8   demandons où vous vous trouviez pour procéder aux travaux de nettoyage

  9   auxquels vous avez procédé ?

 10   (Le témoin montre l'endroit avec le pointeur.)

 11   M. Abtahi. - Pièce 34 de l'accusation.

 12   M. Nice (interprétation). - La photographie aérienne que vous

13   voyez en ce moment, représente-t-elle la partie de la ville où vous vous

 14   êtes rendu lorsque vous vous êtes porté volontaire pour effectuer ces

 15   travaux de nettoyage ?

 16   Témoin J (interprétation). - Oui.

 17   M. Nice (interprétation). - Pourquoi vous êtes-vous porté

 18   volontaire pour y effectuer ce travail ?

 19   (Sourire du témoin.)

 20   Témoin J (interprétation). - Juste à ce moment-là, je ne savais

 21   pas que la guerre avait véritablement commencé, je ne savais pas dans quoi

 22   j'étais enfoncé et je pensais que peut-être cela me donnerait l'occasion

 23   de traverser la Save à la nage.

 24   M. Nice (interprétation). - Je vous prierai de bien vouloir

 25   regarder cette photographie et de nous indiquer où se trouve le

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  1   commissariat de police.

  2   Témoin J (interprétation). - Oui.

  3   (Le témoin indique l'endroit avec son pointeur.)

  4   M. Nice (interprétation). - Le bâtiment que nous regardons, et

  5   je dis cela de façon à ce que nous nous orientions en vue de la

  6   photographie suivante, il y a trois arbres n'est-ce pas, devant le

  7   bâtiment, un à gauche et deux sur la droite du bâtiment. Vous les voyez

  8   n'est-ce pas ?

  9   Témoin J (interprétation). - Oui.

 10   M. Abtahi. - Pièce 35 de l'accusation.

 11   M. Nice (interprétation). - Sur cette photographie à présent

 12   nous voyons sur la droite, le commissariat de police et pratiquement au

 13   centre de la photographie, ces deux arbres précisément que nous avons vus

 14   tout à l'heure sur la photographie aérienne.

 15   Témoin J (interprétation). - Oui.

 16   M. Nice (interprétation). - Donc, essayons de revenir

 17   mentalement à la photographie aérienne. Avec celle-ci, nous sommes

 18   descendus du haut de la photographie vers le bas.

 19   Témoin J (interprétation). - Oui.

 20   M. Nice (interprétation). - Lorsque vous vous êtes rendu en

 21   ville pour procéder à ces travaux de nettoyage, êtes-vous allé au

 22   commissariat de police ?

 23   Témoin J (interprétation). - Pas tout de suite. Mon groupe ne

 24   l'a pas fait tout de suite, certains ont pénétré à l'intérieur du

 25   bâtiment, une dizaine de personnes, les autres sont restés à l'extérieur.

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  1   M. Nice (interprétation). - Par la suite êtes-vous entré dans le

  2   commissariat de police et y avez-vous subi un interrogatoire ?

  3   Témoin J (interprétation). - Oui.

  4   M. Nice (interprétation). - Quand vous étiez à l'intérieur du

  5   bâtiment, avez-vous entendu quelque chose de particulier ? Quelque chose

  6   s'est-il produit ?

  7   Témoin J (interprétation). - Quand je suis arrivé dans la

  8   dernière salle du premier étage, escorté par deux soldats qui portaient un

  9   uniforme de camouflage, j'ai entendu des coups de feu à l'extérieur et les

 10   deux soldats ont quitté la salle et sont sortis. Pour ma part, j'ai essayé

 11   également de sortir immédiatement derrière eux. J'ai donc quitté la pièce.

 12   M. Nice (interprétation). - En chemin vers l'extérieur, alors

 13   que vous sortiez, qu'avez-vous vu ?

 14   Témoin J (interprétation). - Au milieu du couloir, j'ai vu

 15   Sead Muranjkic surnommé Pidza qui était couché au sol, il se tenait la

 16   jambe et j'ai pensé qu'il était blessé. Et dans une autre pièce à gauche

 17   de l'entrée se trouvait Sead Karagic, dont la moitié du corps était à

 18   l'intérieur de la pièce et les jambes à l'extérieur. Il était sur le sol

 19   et il avait une hachette plantée dans le dos.

 20   M. Nice (interprétation). - Ces deux hommes avaient-ils quelque

 21   chose à voir avec votre venue en ville ?

 22   Témoin J (interprétation). - Oui.

 23   M. Nice (interprétation). - Y avait-il un troisième homme,

 24   Hasan Jasarevic, dans votre groupe ?

 25   Témoin J (interprétation). - Il a sans doute pénétré dans le

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  1   bâtiment et voulu ensuite s'évader et les coups de feu que nous avons

  2   entendus ont été causés par cette tentative d'évasion.

  3   M. Nice (interprétation). - Avez-vous vu cette tentative

  4   d'évasion ?

  5   Témoin J (interprétation). – Non puisque j'étais à l'intérieur

  6   du bâtiment dans la dernière pièce là-bas.

  7   M. Nice (interprétation). - Je vous demanderai maintenant de

  8   répondre par oui ou par non. Vous a-t-on dit ce qui était arrivé à cet

  9   homme oui ou non ?

 10   Témoin J (interprétation). - Oui.

 11   M. Nice (interprétation). - Qui vous l'a dit ?

 12   Témoin J (interprétation). - Des jeunes gens qui nettoyaient,

 13   qui balayaient dehors et qui ne se trouvaient pas à l'intérieur du

 14   bâtiment à ce moment-là.

 15   M. Nice (interprétation). - Que vous ont-ils dit qui était

 16   arrivé à cet homme ?

 17   Témoin J (interprétation). - Ils m'ont dit qu'il avait été

 18   arrêté devant le kiosque de Oslo Bodzenje et que Goran Jelisic l'a emmené

 19   entre le SUP et Agro Banka et que c'est là qu'il l'a abattu.

 20   M. Nice (interprétation). - Je vous prierai de regarder encore

 21   une fois la photographie qui est toujours à l'écran. Est-ce qu'on y voit

 22   le kiosque dont vous venez de parler et ou également la banque, et si oui,

 23   pouvez-vous nous indiquer ces bâtiments avec le pointeur ?

 24   Témoin J (interprétation). - Le kiosque se trouve ici et la

 25   banque se voit mal, mais normalement elle devrait être ici. On la voit mal

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  1   à cause de ce qu'il y a devant.

  2   M. Nice (interprétation). – Oui, on voit le nom de la banque en

  3   lettres majuscules sur la façade. Merci.

  4   Après cet incident au poste de police, qu'avez-vous fait, êtes-

  5   vous retourné dans le bâtiment pour la fin de votre interrogatoire, avez-

  6   vous continué à balayer ou quoi d'autre ?

  7   Témoin J (interprétation). - J'ai continué à balayer.

  8   M. Nice (interprétation). - Quel est l'endroit où vous balayiez

  9   et de quelle façon le faisiez-vous ?

 10   Témoin J (interprétation). - Eh bien je balayais là, dans la

 11   rue, devant le bâtiment, depuis l'entrée du SUP, du commissariat de

 12   police, jusqu'à ce kiosque qui est ici, et puis de l'autre côté jusqu'au

 13   cinéma, Oslo Bodzenje, l'ancien cinéma.

 14   M. Nice (interprétation). - Je demanderai que l'on remette sous

 15   les yeux du témoin la photographie antérieure.

 16   Pouvez-vous, je vous prie, vous aider du pointeur pour nous

 17   montrer quel était le secteur où vous avez fait ces travaux de nettoyage ?

 18   (Le témoin indique le secteur à l'aide du pointeur.)

 19   M. Nice (interprétation). - Oui. Pendant que vous effectuiez ces

 20   travaux de nettoyage, avez-vous vu un homme originaire de Cinteraj ?

 21   Témoin J (interprétation). - Oui.

 22   M. Nice (interprétation). – Où se trouvait-il, que faisait-il,

 23   que lui est-il arrivé ?

 24   Témoin J (interprétation). - Il se trouvait ici au moment où je

 25   l'ai vu.

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  1   (Le témoin indique un endroit avec le pointeur.)

  2   Moi, je balayais là et je me dirigeais vers le bas. Il était

  3   escorté de deux soldats qui marchaient avec lui et Goran aussi qui était

  4   avec eux, derrière.

  5   M. Nice (interprétation). – Saviez-vous à ce moment-là quelle

  6   était l'identité de l'un ou l'autre de ces deux policiers ?

  7   Témoin J (interprétation). - Non.

  8   M. Nice (interprétation). – Et à ce moment-là, vous venez

  9   d'utiliser le pronom Goran, mais saviez-vous qui était Goran à ce moment-

 10   là ou bien l'avez-vous appris plus tard ?

 11   Témoin J (interprétation). – J'ai fait connaissance avec lui

 12   plus tard ou, pour être plus précis, il s'est présenté lui-même à nous.

 13   M. Nice (interprétation). - Plus tard ?

 14   Témoin J (interprétation). - Plus tard, plus tard, oui.

 15   M. Nice (interprétation). - Je vous demandai à présent de

 16   regarder la présente photographie tout en gardant celle-ci sur le

 17   rétroprojecteur, si vous le voulez bien.

 18   M. Abtahi. - Pièce de l'accusation 36.

 19   M. Nice (interprétation). - Avant de placer cette photographie

 20   sur le rétroprojecteur, je vous prierai de garder sous les yeux la

 21   photographie aérienne qui s'y trouve en ce moment et de suivre la route

 22   que l'on y voit vers la gauche et puis de nous montrer la rue qui va vers

 23   le bas de la photographie aérienne à l'aide du pointeur et de nous dire

 24   quels sont les bâtiments qui la bordent.

 25   Témoin J (interprétation). - Le commissariat de police, le

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  1   cinéma Oslo Bodzenje, la poste, le centre des métiers, la coopérative.

  2   M. Nice (interprétation). - Et quels sont les bâtiments qui

  3   bordent cette petite allée que l'on voit juste en face de la rue dont vous

  4   venez de parler si vous vous le rappelez ?

  5   Témoin J (interprétation). - Vous pensez à celle-ci, ici ?

  6   M. Nice (interprétation). – Non, non celle qui descend vers le

  7   bas de la photographie.

  8   Témoin J (interprétation). - Celle-ci ?

  9   M. Nice (interprétation). – Non, non celle qui va vers le bas.

 10   Témoin J (interprétation). - Celle-ci va vers la Save.

 11   M. Nice (interprétation). – Bien, peut-être pourrons-nous en

 12   parler avec la photographie suivante. Peut-on la mettre sur le

 13   rétroprojecteur ? Merci.

 14   Reconnaissez-vous cette rue ou cette allée ?

 15   Témoin J (interprétation). - Oui.

 16   M. Nice (interprétation). - En vous fondant sur les bâtiments

 17   qui se trouvent sur la droite, qui sont plutôt modernes et en regardant

 18   également les bâtiments qui sont sur la gauche, peut-on revenir maintenant

 19   sur la photographie aérienne de tout à l'heure et nous dire quels sont les

 20   bâtiments qui bordent cette allée et où elle se trouve sur la photographie

 21   antérieure ?

 22   (Le témoin indique l'allée à l'aide du pointeur)

 23   M. Nice (interprétation). - Très bien. Lorsque vous avez vu cet

 24   homme accompagné des deux officiers de police et de l'homme qui, plus

 25   tard, allait se présenter sous le prénom de Goran, où allaient-il et que

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  1   s'est-il passé ?

  2   Témoin J (interprétation). - Ils allaient vers cette petite rue

  3   qui se trouve derrière le centre des métiers. J'ai entendu des coups de

  4   feu et Goran est revenu vers nous.

  5   M. Nice (interprétation). - Le jeune homme, lui, est-il revenu

  6   ou pas ?

  7   Témoin J (interprétation). - Non.

  8   M. Nice (interprétation). - Avez-vous vu plus tard un véhicule

  9   qui se dirigeait vers l'endroit où vous aviez vu aller le jeune homme ?

 10   Témoin J (interprétation). – Oui.

 11   M. Nice (interprétation). - De quel genre de véhicule

 12   s'agissait-il ?

 13   Témoin J (interprétation). - C'était un camion frigorifique de

 14   la société Bimex.

 15   M. Nice (interprétation). - Ce camion est-il allé vers l'allée,

 16   a-t-il pénétré dans l'allée ? Dites-nous exactement ce qu'il a fait.

 17   Témoin J (interprétation). - Je n'en suis pas tout à fait sûr,

 18   mais je sais qu'il est allé vers en bas. Moi, je n'avais pas tellement le

 19   droit de regarder où allaient les véhicules mais je sais qu'il se

 20   dirigeait vers cette rue.

 21   M. Nice (interprétation). - L'homme que vous aviez vu marcher

 22   derrière les deux policiers et derrière le jeune homme, comment s'est-il

 23   présenté à vous ? Pouvez-vous nous le dire ?

 24   Témoin J (interprétation). - Eh bien, quand nous travaillions,

 25   il arrivait souvent que Goran, -d'ailleurs je ne savais pas qu'il

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  1   s'appelait Goran à ce moment-là- vienne et qu'il reparte, et à un moment,

  2   il nous a placés devant l'entrée du commissariat de police et il nous a

  3   divisés en trois groupes en nous donnant l'ordre de regarder le drapeau

  4   serbe et de chanter des chants serbes, surtout d'ailleurs des chants de

  5   combat. Il était assis sur une chaise en bois et il nous a dit à ce

  6   moment-là qu'il s'appelait Goran Jelisic, qu'il était l'Adolf serbe et que

  7   nous ferions mieux de bien retenir ce nom.

  8   M. Nice (interprétation). - A combien d'entre vous a-t-il donné

  9   l'ordre de chanter en regardant le drapeau serbe ?

 10   Témoin J (interprétation). - 15, 16 à peu près. Cela peut

 11   dépendre parce qu'il arrivait que certains restent dans la partie

 12   supérieure du bâtiment à balayer les débris de verre, mais je pense que

 13   nous étions 15 à 16.

 14   M. Nice (interprétation). - Le premier interrogatoire que vous

 15   avez subi a été interrompu par des événements survenus à l'extérieur et à

 16   l'intérieur du commissariat de police. Avez-vous été interrogé une

 17   nouvelle fois par la suite ?

 18   Témoin J (interprétation). - Moi non.

 19   M. Nice (interprétation). - Par qui ?

 20   Témoin J (interprétation). - J'ai dit que je n'avais pas subi de

 21   nouvel interrogatoire.

 22   M. Nice (interprétation). - Excusez-moi.

 23   Témoin J (interprétation). - Si je puis le dire, j'ai été

 24   interrogé par Goran que je ne connaissais pas à l'époque tout à fait au

 25   début. C'était au début, il y avait Goran et un policier en uniforme bleu

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  1   et quand nous transportions les débris de verre, il nous a donc donné

  2   l'ordre d'arrêter le travail, de poser ces débris de verre et il a

  3   commencé à nous demander de parler du SDA, des jeunes membres de l'unité

  4   Zengas, des Musulmans, etc. C'était tout à fait au début. Et après nous

  5   avons pénétré dans le bâtiment.

  6   M. Nice (interprétation). - Très bien. Mais je vais encore vous

  7   poser quelques questions.

  8   Lorsque Goran vous a posé ces questions, que vous a-t-il dit ?

  9   Ou qu'a-t-il fait s'il a fait quelque chose ?

 10   Témoin J (interprétation). - Au moment où il m'interrogeait,

 11   puisque je ne répondais pas, il m'a frappé de sa matraque sur les épaules

 12   et la tête, et lorsque j'ai reçu un coup un peu plus fort que les autres,

 13   j'ai interposé mon bras et il m'a donc frappé à l'aide de sa matraque sur

 14   la main, sur le dos de la main. J'ai une cicatrice. Et puisque je me

 15   défendais, sa matraque a volé et il s'est mis à m'insulter, à insulter ma

 16   mère "Balija" en me disant comment est-ce que j'ai osé lever la main

 17   contre lui.

 18   Et je crois que quatre balles de son chargeur sont tombées au

 19   sol à ce moment-là. Il avait ce chargeur à la ceinture. Il a ordonné aux

 20   soldats, à ce moment-là, de me séparer des autres et m'a promis que je

 21   serais le dernier a être tué dans mon groupe parce que je pouvais tout de

 22   même transporter quelque chose.

 23   M. Nice (interprétation). - Transporter quoi ?

 24   Témoin J (interprétation). - Eh bien, sans doute les corps des

 25   personnes qu'il avait le dessein de tuer ce jour-là.

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  1   M. Nice (interprétation). - De façon à nous assurer des lieux,

  2   de l'ordonnancement des événements, pour autant que vous puissiez nous y

  3   aider, je vous demande si ces questions posées par Goran et le fait qu'il

  4   vous ait dit que vous seriez le dernier à être tué, si cela s'est passé

  5   tout à fait au début avant les événements du poste de police.

  6   Témoin J (interprétation). - Oui.

  7   M. Nice (interprétation). - Et après, vous êtes allé...

  8   Témoin J (interprétation). - Non, avant, c'était avant les

  9   incidents du commissariat.

 10   M. Nice (interprétation). - Oui. Et donc après, vous êtes allé

 11   balayer la rue et après cela vous avez vu le jeune homme de Cinteraj qui

 12   descendait l'allée.

 13   Témoin J (interprétation). - Oui.

 14   M. Nice (interprétation). - Avez-vous aussi, ce même jour, vu un

 15   homme connu sous le surnom de Papa  ?

 16   Témoin J (interprétation). - Oui.

 17   M. Nice (interprétation). - L'avez-vous vu avant ou après votre

 18   interrogatoire ?

 19   Témoin J (interprétation). - Après mon interrogatoire.

 20   M. Nice (interprétation). - Que faisiez-vous à ce moment-là et

 21   qu'avez-vous vu, je vous prie ?

 22   Témoin J (interprétation). - Eh bien, je balayais la rue aussi

 23   devant le bâtiment. Je l'ai vu sortir du bâtiment du commissariat de

 24   police avec la main bandée et il avait un problème à une jambe, donc il

 25   marchait lentement. Goran marchait derrière lui et il y avait aussi deux

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  1   soldats qui l'escortaient de chaque côté. Et ils sont partis...

  2   M. Nice (interprétation). - Une minute je vous prie.

  3   M. le Président. - Je regardais simplement l'heure. Il est quand

  4   même maintenant 17 heures 35. Je crois que les interprètes doivent être

  5   fatigués et comme de toute façon vous ne pourrez pas terminer ce soir, je

  6   pense, Monsieur Nice ?

  7   M. Nice (interprétation). - Non, Monsieur le Président, car je

  8   dois interroger le témoin au sujet de la liste et cela prend toujours un

  9   peu de temps.

 10   M. le Président. - Donc je propose que demain nous nous

 11   retrouvions à 14 heures. C'est cela, monsieur le Greffier ?

 12   M. Abtahi. - Oui, c'est cela, Monsieur le Président, à

 13   14 heures.

 14   M. le Président. - Donc, l'audience, Témoin J, reprendra demain.

 15   Vous allez rester à La Haye, on va s'occuper de vous, et nous vous

 16   souhaitons une bonne soirée.

 17   L'audience est levée. Elle reprend demain à 14 heures.

 18   L'audience est levée à 17 heures 30.

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