LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
LE PROCUREUR DU TRIBUNAL
CONTRE
DRAGAN JOKIC
ACTE D’ACCUSATION
En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 18 du Statut du Tribunal, le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie accuse :
DRAGAN JOKIC
de CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ et de VIOLATIONS DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, comme il est exposé ci-dessous :
L’ACCUSÉ
1. DRAGAN LJUBOMIR JOKIC est né le 20 août 1957 à Grbavci, village serbe situé dans la municipalité de Zvornik, en Bosnie. Il a étudié à l’école militaire des sous-officiers et à l’académie militaire. Il a suivi une formation en génie pour chefs de bataillon. Il a intégré la brigade de Zvornik à sa création, au début de la guerre en 1992, et y est resté jusqu’après le conflit. Pendant la période couverte par l’acte d’accusation, il était chef du génie de la 1e brigade d’infanterie de Zvornik avec le grade de commandant. Il est actuellement lieutenant-colonel au Département opérations du 5e corps de la VRS, basé à Sokolac en Bosnie-Herzégovine.
POSITION ET/OU POUVOIRS DE L’ACCUSÉ EN TANT QUE SUPÉRIEUR HIÉRARCHIQUE
2. En juillet 1995, DRAGAN JOKIC était commandant et occupait le poste de chef du génie de la brigade de Zvornik. En cette qualité, il était membre de l’état-major de la brigade et conseiller du commandant de la brigade et du chef d’état-major/commandant en second s’agissant des services du génie comme les ouvrages défensifs, le minage, les constructions de routes, et les projets de terrassement. Il était également chargé de planifier, de diriger, d’organiser et de superviser les activités de la compagnie du génie de la brigade de Zvornik, et était habilité à donner des ordres à la compagnie du génie, afin de mettre en oeuvre les instructions du chef de brigade et/ou du chef d’état-major/commandant en second.
3. De plus, DRAGAN JOKIC a été l’officier de permanence de la brigade de Zvornik pour une période de 24 heures à compter du 14 juillet 1995 au matin et jusqu’au 15 juillet 1995 au matin. À ce titre, il était le représentant désigné du chef de la brigade ou du chef d’état-major/commandant en second, et était présent au quartier général de la brigade pendant toute la durée de sa permanence. À cet égard, les ordres opérationnels du haut commandement (le corps de la Drina et l’état-major général) passaient par son intermédiaire, et il rédigeait les rapports de la brigade de Zvornik adressés au haut commandement, ou les lui transmettait. Au cas où le chef de brigade ou le chef d’état-major s’absentait temporairement du quartier général pendant la permanence, l’officier de permanence veillait à ce que leurs ordres soient transmis aux subordonnés, et que les rapports de ces derniers soient reçus en temps voulu. En tant que de besoin, l’officier de permanence transmettait ces rapports au chef de brigade ou au chef d’état-major/commandant en second. Il était le point focal de la coordination et de la communication dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik.
ALLÉGATIONS GÉNÉRALES
4. Pendant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, la République de Bosnie-Herzégovine était le théâtre d’un conflit armé.
5. Pendant toute la période visée, DRAGAN JOKIC était tenu de respecter les lois et coutumes régissant la conduite de la guerre.
6. Tous les actes et omissions qualifiés de crimes contre l’humanité s’inscrivaient dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique, dirigée contre la population civile musulmane de Bosnie de Srebrenica et de ses environs.
7. En vertu de l’article 7 1) du Statut du Tribunal, DRAGAN JOKIC est individuellement responsable des crimes qui lui sont reprochés dans le présent acte d’accusation. Est engagée la responsabilité pénale individuelle de quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter tout crime visé aux articles 3 et 5 du Statut du Tribunal.
8. DRAGAN JOKIC a pris part à une entreprise et un projet criminel, dont le but commun, décrit dans le présent acte d’accusation, était la détention, la capture, l’exécution sommaire par un peloton d’exécution, et l’enterrement de plus de cinq mille hommes et garçons musulmans de l’enclave de Srebrenica, ainsi que l’exhumation des cadavres et leur déplacement vers des lieux isolés pour qu’ils y soient à nouveau enfouis. Cette entreprise, planifiée à partir du 11 juillet 1995, a pris fin vers le 1er novembre 1995, comme cela est indiqué ci-après. Il est également précisé dans le présent acte d’accusation que Ratko Mladic, Radislav Krstic, Dragan Obrenovic, ainsi que d’autres membres des forces armées et de l’administration de la Republika Srpska ont participé à cette entreprise.
CHEFS D’ACCUSATION
CHEF 1
(EXTERMINATION)
9. Entre le 11 juillet 1995 environ et le 1er novembre 1995, DRAGAN JOKIC a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter le massacre et l’enterrement organisés de milliers d’hommes et de garçons musulmans de Bosnie que la VRS avait transportés depuis les environs de Bratunac et Potocari vers la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik.
10. Le massacre et l’enterrement de plus de cinq mille hommes et garçons musulmans de Bosnie de la «zone de sécurité» de Srebrenica ont eu lieu, du 14 juillet 1995 au 19 juillet 1995, en plusieurs endroits dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik et dans les environs de celle-ci, y compris :
10.1 Orahovac (près de Lazete) : Le 14 juillet 1995 ou vers cette date, des militaires de la VRS, sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont transporté des centaines d’hommes et de garçons musulmans de Bosnie de Bratunac et de ses environs, dans la zone de responsabilité de la brigade de Bratunac, à l’école de Grbavci dans le village d’Orahovac, dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik. Le 14 juillet 1995, des militaires de la VRS, membres de la compagnie de police militaire de la brigade de Zvornik et placés sous la direction et le commandement de Dragan Obrenovic, ont surveillé les hommes musulmans de Bosnie détenus dans l’école de Grbavci et leur ont bandé les yeux. Le même jour, des militaires de la VRS ont transporté les hommes musulmans de Bosnie de l’école de Grbavci vers un champ avoisinant. Ces militaires, qui se trouvaient sous la direction et le commandement de Ratko Mladic, de Radislav Krstic et de Dragan Obrenovic, ont alors ordonné à ces hommes musulmans de Bosnie de descendre des camions et les ont sommairement exécutés à l’arme automatique. De 800 à 1 000 Musulmans de Bosnie de sexe masculin ont été tués. Le 14 juillet 1995 et aux premières heures de la matinée du 15 juillet 1995 ou vers ces dates, des militaires de la VRS, membres de la compagnie du génie de la brigade de Zvornik qui se trouvaient sous la direction et le commandement de Ratko Mladic, de Radislav Krstic et de Dragan Obrenovic, ont utilisé de l’équipement lourd pour ensevelir les victimes dans des fosses communes creusées sur place, alors que les exécutions se poursuivaient. Le soir, des phares des engins de terrassement éclairaient les fosses et les sites des exécutions, qui se poursuivaient. DRAGAN JOKIC, en sa qualité de chef du génie de la brigade de Zvornik, a participé à la planification, la supervision, l’organisation et l’exécution de la phase de l’opération consistant à enfouir les cadavres. DRAGAN JOKIC, en tant qu’officier de permanence les 14 et 15 juillet 1995, a participé à la coordination des communications entre les officiers et les commandements de la VRS, au sujet du transport, de la détention, de l’exécution et de l’enfouissement des cadavres des Musulmans de Bosnie, et a adressé ou transmis à ses supérieurs des rapports et des mises à jour concernant l’évolution de l’ensemble de l’opération.
10.2 École de Petkovci et «barrage» près de Petkovci : Le 14 juillet 1995 ou vers cette date, des militaires de la VRS, sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont transporté entre 800 et 1 000 hommes musulmans de Bosnie depuis des sites de détention de Bratunac et des environs vers l’école de Petkovci, dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik. Le 14 juillet 1995 ou vers cette date, des militaires de la VRS, placés sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont frappé, battu, agressé et tué à l’arme automatique les hommes musulmans détenus dans l’école. Le même soir et aux premières heures de la matinée du 15 juillet 1995 environ, des militaires de la VRS, membres de la brigade de Zvornik placés sous la direction et le commandement de Ratko Mladic, de Radislav Krstic et de Dragan Obrenovic, ont transporté de 800 à 1 000 hommes musulmans de Bosnie depuis l’école de Petkovci à un endroit situé en aval du barrage de Petkovci, également dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik. Les hommes musulmans de Bosnie ont été rassemblés en aval du barrage et sommairement exécutés à l’arme automatique par des soldats de la VRS placés sous le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic. Dans la matinée du 15 juillet 1995 environ, des militaires de la VRS, membres de la compagnie du génie de la brigade de Zvornik, placés sous la direction et le commandement de Ratko Mladic, Radislav Krstic et Dragan Obrenovic, ont utilisé des engins de terrassement et d’autres équipements lourds pour enlever les cadavres des victimes au fur et à mesure que les exécutions se poursuivaient. DRAGAN JOKIC, en sa qualité de chef du génie de la brigade de Zvornik, a participé à la planification, la supervision, l’organisation et l’exécution de la phase de l’opération consistant à enfouir les cadavres. DRAGAN JOKIC, en tant qu’officier de permanence de la brigade de Zvornik les 14 et 15 juillet 1995, a participé à la coordination des communications entre les officiers et les commandements de la VRS, au sujet du transport, de la détention, de l’exécution et de l’enfouissement des cadavres des Musulmans de Srebrenica, et a rédigé ou transmis à ses supérieurs des rapports et des mises à jour concernant l’évolution de l’opération.
10.3 École de Pilica : Les 14 et 15 juillet 1995 ou vers ces dates, des militaires de la VRS, placés sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont transporté environ 1 200 hommes musulmans de Bosnie depuis des centres de détention situés à Bratunac, vers l’école de Pilica, dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik. Les 14 et 15 juillet 1995 ou vers ces dates, sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, des militaires de la VRS, équipés d’armes automatiques, ont sommairement exécuté de nombreux hommes musulmans détenus à l’école ou qui venaient d’y arriver. Le 17 juillet 1995, la compagnie du génie de la brigade de Zvornik, agissant sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, a utilisé l’équipement lourd de la brigade de Zvornik pour placer les victimes des exécutions qui ont eu lieu à l’école de Pilica dans une fosse commune creusée à la ferme militaire de Branjevo. DRAGAN JOKIC, en sa qualité de chef du génie de la brigade de Zvornik, a participé à la planification, la supervision, l’organisation et l’exécution de la phase de l’opération consistant à enfouir les cadavres.
10.4 Ferme militaire de Branjevo : Le matin du 16 juillet 1995 ou vers cette date, des militaires de la VRS ont transporté, en car, environ 1 200 hommes musulmans de Bosnie depuis l’école de Pilica vers la ferme militaire de Branjevo. À leur arrivée, ces hommes musulmans de Bosnie ont été sommairement exécutés à l’arme automatique par des membres du 10e détachement de sabotage et de la brigade de Bratunac, tous placés sous le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic. Le 17 juillet 1995 ou vers cette date, la compagnie du génie de la brigade de Zvornik, sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, a utilisé l’équipement lourd de la brigade de Zvornik pour enfouir les cadavres de centaines de victimes dans une fosse commune creusée à la ferme militaire de Branjevo. DRAGAN JOKIC, en sa qualité de chef du génie de la brigade de Zvornik, a participé à la planification, la supervision, l’organisation et l’exécution de la phase de l’opération consistant à enfouir les cadavres.
10.5 Centre culturel de Pilica : Le 16 juillet 1995 ou vers cette date, après avoir pris part aux exécutions qui ont eu lieu à la ferme militaire de Branjevo, des militaires de la VRS, membres de la brigade de Bratunac placés sous le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, sont allés au centre culturel de Pilica, un village proche, et y ont sommairement exécuté à l’arme automatique les quelque 500 hommes qui s’y trouvaient. Le 17 juillet 1995, la compagnie du génie de la brigade de Zvornik, sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, a utilisé l’équipement lourd de la brigade de Zvornik pour enterrer les victimes des exécutions qui ont lieu au centre culturel de Pilica, dans une fosse commune creusée à la ferme militaire de Branjevo. DRAGAN JOKIC, en sa qualité de chef du génie de la brigade de Zvornik, a participé à la planification, la supervision, l’organisation et l’exécution de la phase de l’opération consistant à enfouir les cadavres.
10.6 Kozluk : Les 15 et 16 juillet 1995 ou vers ces dates, des militaires de la VRS, placés sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont transporté environ 500 hommes musulmans de Bosnie dans un lieu isolé près de la ville de Kozluk, dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik. Ces hommes ont alors été sommairement exécutés à l’arme automatique par des militaires de la VRS. Le 16 juillet 1995 ou vers cette date, des militaires de la VRS appartenant à la compagnie du génie de la brigade de Zvornik, sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont enterré les victimes de ces exécutions dans une fosse commune creusée sur place. DRAGAN JOKIC, en sa qualité de chef du génie de la brigade de Zvornik, a participé à la planification, la supervision, l’organisation et l’exécution de la phase de l’opération consistant à enfouir les cadavres.
Par ses actes et omissions décrits aux paragraphes 9 et 10 ci-dessus, DRAGAN JOKIC s’est rendu coupable de :
CHEF 1 : Extermination, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 b) et 7 1) du Statut du Tribunal.
CHEFS 2 et 3
(ASSASSINAT - MEURTRE)
11. Le Procureur renvoie ici aux allégations contenues dans les paragraphes 9 et 10 ci-dessus.
Par ses actes et omissions décrits aux paragraphes 9 et 10 ci-dessus, DRAGAN JOKIC s’est rendu coupable de :
CHEF 2 : Assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 a) et 7 1) du Statut du Tribunal ;
et,
CHEF 3 : Meurtre, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3 et 7 1) du Statut et reconnue par l’article 3 1 a) des Conventions de Genève.
CHEF 4
(PERSÉCUTIONS)
12. Le Procureur renvoie ici aux allégations contenues aux paragraphes 9 et 10 ci-dessus.
13. À partir du 11 juillet 1995 et jusqu’au 1er novembre 1995, DRAGAN JOKIC a planifié, incité à commettre, ordonné, commis, ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime contre l’humanité, à savoir la persécution, à Srebrenica et dans ses environs, des civils musulmans de Bosnie pour des raisons politiques, raciales ou religieuses.
14. Le crime de persécution a été perpétré, exécuté et mis en oeuvre par ou à travers les moyens suivants :
a) le traitement cruel et inhumain de civils et de prisonniers de guerre musulmans de Bosnie pendant leur transport et leur détention dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik, notamment sous forme de graves sévices corporels et par le biais de la terreur ; et,
b) le meurtre de milliers de civils et de prisonniers de guerre musulmans de Bosnie dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik.
Par ces actes ou omissions, et par ceux décrits aux paragraphes 9 et 10, DRAGAN JOKIC s’est rendu coupable de :
CHEF 4 : Persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 h) et 7 1) du Statut du Tribunal.
FAITS ADDITIONNELS
15. Après l’éclatement du conflit armé en République de Bosnie-Herzégovine au printemps 1992, des forces militaires et paramilitaires serbes de Bosnie ont occupé des agglomérations, des villes et des villages dans la partie orientale du pays et ont participé à une campagne de nettoyage ethnique qui a provoqué un exode des civils musulmans de Bosnie vers les enclaves de Srebrenica, de Gorazde et de Zepa.
16. Le 16 avril 1993, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’Organisation, a adopté la résolution 819, dans laquelle il exigeait que toutes les parties au conflit en République de Bosnie-Herzégovine traitent Srebrenica et ses environs comme une «zone de sécurité», à l’abri de toute attaque armée et de tout autre acte d’hostilité.
17. Le 6 juillet 1995 ou vers cette date, des unités du corps de la Drina de l’armée des Serbes de Bosnie (la «VRS») ont bombardé Srebrenica et attaqué des postes d’observation des Nations Unies situés dans la «zone de sécurité» et tenus par des éléments néerlandais. L’attaque de la «zone de sécurité» de Srebrenica par le corps de la Drina s’est poursuivie jusqu’au 11 juillet 1995, date à laquelle des forces des Loups de la Drina, de la brigade de Bratunac et d’autres unités de la VRS ont pénétré dans Srebrenica.
18. Les Musulmans de Bosnie, hommes, femmes et enfants, qui se trouvaient à Srebrenica après le commencement de l’attaque de la VRS ont réagi de deux manières différentes. Plusieurs milliers de femmes, d’enfants et quelques hommes, pour la plupart âgés, ont fui vers la base des Nations Unies à Potocari, située dans la «zone de sécurité» de Srebrenica, où ils ont demandé au bataillon néerlandais d’assurer leur protection. Les civils musulmans de Bosnie sont restés à Potocari ou dans les environs du 11 au 13 juillet 1995, avant d’être transportés par la force en car et en camion, sous le contrôle de la VRS.
19. Un second groupe d’environ 15 000 hommes musulmans de Bosnie, accompagnés de quelques femmes et enfants, s’est rassemblé dans le village de Susnjari, près de Srebrenica, dans la soirée du 11 juillet 1995 et, formant une gigantesque colonne, a pris la fuite à travers les bois en direction de Tuzla. Ce groupe était composé pour environ un tiers de militaires musulmans de Bosnie armés, et pour le reste, de militaires sans armes et de civils.
20. Le 12 juillet 1995, Ratko Mladic et Radislav Krstic, ainsi que d’autres représentants de la VRS et des autorités civiles des Serbes de Bosnie, ont rencontré à l’Hôtel Fontana à Bratunac des officiers de l’armée néerlandaise et des représentants des Musulmans de Bosnie réfugiés à Potocari. Lors de cette rencontre, Ratko Mladic a expliqué au groupe qu’il superviserait le transport des réfugiés de Potocari et qu’il voulait voir tous les hommes musulmans de Bosnie âgés de 16 à 60 ans environ, pour vérifier s’il y avait parmi eux d’éventuels criminels de guerre.
21. Le 12 juillet 1995, en présence de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, environ 50 à 60 cars et camions sont arrivés près de la base militaire des Nations Unies à Potocari. Peu après l’arrivée de ces véhicules, le processus de transport par la force des réfugiés musulmans de Bosnie a commencé. Au fur et à mesure que les femmes, les enfants et les hommes musulmans de Bosnie montaient à bord des cars et des camions, des militaires serbes de Bosnie séparaient les hommes des femmes et des enfants, confisquaient et détruisaient leurs objets personnels et plaçaient les hommes en détention à Potocari et dans les environs, sans organiser la distribution de nourriture et d’eau en quantité suffisante.
22. Entre la soirée du 11 juillet 1995 et le matin du 12 juillet 1995, les Musulmans de Bosnie qui s’étaient rassemblés à Susnjari ont formé une gigantesque colonne et ont commencé leur marche à travers les bois en direction de Tuzla.
23. Dans une tentative d’intercepter la colonne, des forces serbes de Bosnie, appuyées par des véhicules blindés de transport de troupes, des chars, des canons antiaériens et des pièces d’artillerie, se sont positionnées le long de la route reliant Bratunac à Milici et en d’autres lieux des zones de responsabilité des brigades de la VRS basées à Bratunac, Zvornik et Milici. Certains membres armés de la colonne de Musulmans de Bosnie en fuite ont engagé le combat avec les forces serbes de Bosnie. Les 12 et 13 juillet 1995 et par la suite, des milliers de Musulmans de Bosnie de la colonne en fuite ont été capturés par les forces militaires serbes de Bosnie ou se sont livrés à elles.
24. Entre le 11 juillet et le 1er novembre 1995, des forces de la VRS ont pris part à de nombreux incidents au cours desquels des hommes musulmans de Bosnie qui venaient d’être capturés ont été tués par opportunisme, ainsi qu’à l’exécution sommaire systématique d’hommes musulmans de Bosnie, qui avaient d’abord été incarcérés avant d’être transportés par la force aux différents lieux d’exécution situés sur le territoire contrôlé par le corps de la Drina de la VRS. Les forces de la VRS ont exécuté des milliers d’hommes musulmans de Bosnie.
25. Entre le 10 juillet 1995 et le 1er novembre 1995, les forces de la VRS ont soit expulsé soit tué la plupart des Musulmans de Bosnie de l’enclave de Srebrenica. Ces actions ont permis aux forces de la VRS d’éliminer quasiment toute présence musulmane de Bosnie dans la région de l’enclave de Srebrenica, poursuivant ainsi la campagne de nettoyage ethnique qui avait commencé au printemps 1992.
26. Du 11 juillet 1995 au 1er novembre 1995 approximativement, des exécutions d’hommes musulmans de Bosnie ont été organisées à grande échelle, en plusieurs lieux de l’enclave de Srebrenica et de ses environs, notamment :
26.1 Potocari : Les 12 et 13 juillet 1995, des unités militaires de la VRS, notamment des membres de la brigade de Bratunac placés sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont sommairement exécuté des hommes musulmans de Bosnie en divers lieux situés aux alentours de la base des Nations Unies à Potocari, où ces hommes s’étaient réfugiés.
26.2 Kravica : Le 13 juillet 1995, des soldats de la VRS placés sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont transporté par la force et sommairement exécuté des centaines d’hommes musulmans de Bosnie qui avaient été emprisonnés dans un vaste entrepôt situé dans le village de Kravica.
26.3 Bratunac : Entre le 12 et le 14 juillet 1995, des militaires de la VRS, placés sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont transporté par la force à Bratunac et dans ses environs, nombre des hommes musulmans de Bosnie détenus à Potocari ou capturés sur la route reliant Bratunac à Milici. Entre le 12 et le 15 juillet 1995, des militaires de la VRS, sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont tué par opportunisme de nombreux Musulmans de Bosnie de sexe masculin détenus en divers endroits dans la région de Bratunac.
26.4 Tisca : Les 12 et 13 juillet 1995, des militaires de la VRS, sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont transporté par la force des femmes et des enfants musulmans, qui, à Potocari, avaient été séparés des hommes de leur famille, à un endroit situé près du village de Tisca, à partir duquel ils ont été autorisés à passer en territoire contrôlé par les Musulmans de Bosnie. Cependant, des militaires de la VRS ont trouvé des hommes musulmans de Bosnie dans ce groupe. Ils les ont séparés du groupe et les ont emmenés dans un champ isolé, où ils les ont sommairement exécutés.
26.5 Vallée de la Cerska : Le 13 juillet 1995 ou vers cette date, des militaires serbes de Bosnie, placés sous la direction et le commandement, entre autres, de Ratko Mladic et de Radislav Krstic, ont transporté par la force 150 hommes musulmans de Bosnie à un lieu situé au bord d’une piste de la vallée de la Cerska, où ils les ont sommairement exécutés.
26.6 Exécutions dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik : Entre le 14 et le 19 juillet 1995, des milliers de Musulmans de Bosnie ont été capturés et emmenés dans la zone de responsabilité de la brigade de Zvornik, où ils ont été exécutés. Les exécutions ont notamment eu lieu à Orahovac (près de Lazete), à l’école de Petkovci, au «barrage» situé près de Petkovci, à l’école de Pilica, à la ferme militaire de Branjevo, à Kozluk et à Nezuk.
27. Entre le 1er août 1995 et le 1er novembre 1995 environ, des unités de la VRS ont participé à un effort organisé et exhaustif visant à dissimuler les meurtres et les exécutions commis dans les zones de responsabilité des brigades de Zvornik et de Bratunac, en déterrant les cadavres des fosses communes d’origine (à la ferme militaire de Branjevo, à Kozluk, au «barrage» situé près de Petkovci, à Orahovac et à Glogova), et en les transférant dans des fosses secondaires : douze fosses le long de la route de Cancari (contenant des cadavres provenant de la ferme militaire de Branjevo et de Kozluk) ; quatre fosses près de Lipje (contenant des cadavres provenant du «barrage» situé près de Petkovci) ; sept fosses près de Hodzici (contenant des cadavres provenant d’Orahovac) et six fosses près de Zeleni Jadar (contenant des cadavres provenant de Glogova).
Le Procureur adjoint
/signé/
Graham Blewitt
Sceau du Bureau du Procureur du TPIY
Fait le 28 mai 2001
La Haye (Pays-Bas)