Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 1393

  1   Le jeudi 22 avril 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  6   Apparemment, M. Tieger voulait s'adresser à nous.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

  8   J'essaierai d'être bref. Je me suis demandé s'il était préférable d'en

  9   parler maintenant ou plus tard, mais je me disais que si j'en parle

 10   maintenant, nous pourrons économiser du temps à long terme. C'est la

 11   question des liens entre les mesures de protection. Vous vous rappellerez

 12   que j'en ai parlé auparavant à huis clos partiel, lorsque j'ai évoqué tel

 13   ou tel incident survenu pendant l'audition du premier témoin. Vous savez

 14   que l'accusé avait établi un lien entre des mesures de protection et un tel

 15   témoin précis. Hier, d'autres exemples nous ont été fournis. Et je voudrais

 16   vraiment exhorter à ce que soient plus rigoureusement appliquées ces

 17   questions. Il faudrait rappeler qu'il y a un lien entre des témoins et des

 18   informations protégées qui risque de dévoiler l'identité des témoins

 19   concernés.

 20   Un exemple : il est intervenu au moment où l'accusé a dit qu'il

 21   n'allait pas donner le nom d'un village d'où était originaire la personne

 22   dont il allait donner une photo ainsi que le nom, mais il n'a pas donné de

 23   nom finalement. Cependant, le nom de l'adolescent est très connu. C'est un

 24   incident qui est devenu presque une cause célèbre, et il sera facile de

 25   reconnaître la personne en faisant une brève recherche sur internet. Voilà

 26   le type de lien dont vous avez dit hier, Monsieur le Président, qu'il faut

 27   trouver une solution pour éviter ce genre de problème.

 28   Autre exemple : l'accusé ne voulait pas afficher publiquement un document,

Page 1394

  1   pourtant il a lu un passage de celui-ci, et aussitôt après, il a aussi

  2   donné lecture du nom du village. Et aussitôt après, il a fait un lien en

  3   disant, Voilà, cet individu à emmener des gens de son village et du vôtre,

  4   faisant ainsi un lien direct.

  5   Je le souligne une fois de plus, nous sommes vivement préoccupés. Il

  6   faut respecter les mesures de protection. Il faut beaucoup plus de rigueur,

  7   me semble-t-il, pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de liens établis entre

  8   des informations protégées et des informations divulguées ici en audience

  9   publique. Je pense que ceci vaut pour toute question qui tendrait à savoir

 10   pourquoi on a demandé et accordé telles ou telles mesures de protection. Si

 11   une question est apposée de ce genre, il faut le faire à huis clos partiel.

 12   Je crois que je ne saurais trop le dire, il faut faire preuve d'une grande

 13   prudence.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger. J'espère que

 15   l'accusé, M. Karadzic, a parfaitement compris lui aussi. La Chambre, pour

 16   sa part, va veiller au grain.

 17   Faisons entrer le témoin.

 18   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Dans

 19   l'intervalle, j'aimerais évoquer un sujet.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense qu'il y ait eu violation en matière

 22   de communication s'agissant du prochain témoin. Ce document va faire

 23   l'objet d'une requête. Peut-on vous la remettre avant l'entrée du témoin,

 24   et de cette façon, vous saurez de quoi nous parlons lorsque nous allons

 25   soulever la question. Ça n'a pas été saisi au prétoire électronique. Ça

 26   faisait partie des communications en application du 66(B). Je peux vous

 27   donner un numéro et je pourrais demander à l'Accusation de nous la fournir,

 28   ou j'ai aussi une version papier, si vous la voulez. De cette façon,

Page 1395

  1   lorsque viendra le témoin, nous pourrons déposer une requête, et vous

  2   connaîtrez déjà la teneur.

  3   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais nous ne parlons pas du témoin

  4   que nous sommes en train d'auditionner ?

  5   M. ROBINSON : [interprétation] Non, non, je parle du suivant.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, est-ce que je peux dire quelque

  7   chose ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

  9   Maître Robinson, vous allez déposer une requête, avez-vous dit, une requête

 10   par écrit ?

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Non. Nous allions la faire oralement à

 12   l'audience. Nous avons vu ce document, et ce témoin est prévu aujourd'hui,

 13   vous voyez ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Votre Excellence.

 18   Je suis d'accord qu'il faut respecter les mesures de protection accordées,

 19   même si nous estimons qu'elles sont superflues et nuisibles. Mais vous

 20   savez que ces mesures, maintenant, englobent tout un domaine. Je ne suis

 21   pas autorisé à donner le nom du moindre village ni non plus du village où

 22   sont survenus ces quatre événements. Dans un de ces villages, il y a près

 23   de 2 000 habitants. Alors pourquoi est-ce que donner le nom d'un village ce

 24   serait donner aussi le nom d'une personne ? Ce que je crains c'est que

 25   l'Accusation se serve de ces mesures de protection pour, comment dire,

 26   éclipser un événement des plus importants et qui devrait occuper un plan

 27   primordial.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas prêt à accepter ces

Page 1396

  1   allégations qui diraient que ces mesures de protection sont superflues et

  2   nuisibles. Je ne pense pas non plus qu'il soit aussi difficile que ça de

  3   comprendre la nécessité de les respecter. Me Robinson, consultez-le, et

  4   veillez à façonner votre interrogatoire de manière à ne pas violer ces

  5   mesures de protection.

  6   Faisons entrer le témoin.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans l'attente de la venue de ce témoin, je

  8   n'ai pas donné de nom. J'ai dit simplement "votre village", et ce sont les

  9   interprètes qui ont donné le nom.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certes, mais si on identifie le nom d'un

 11   village et si l'on précise d'autres circonstances, ceci est susceptible de

 12   révéler l'identité d'un témoin. Soyez très prudent. Merci.

 13   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

 14   [Le témoin vient à la barre]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons bientôt recommencer, mais

 16   est-ce que vous auriez l'obligeance, Monsieur Robinson, de fournir un

 17   exemplaire du document.

 18   M. ROBINSON : [interprétation] Volontiers, Monsieur le Président. Je vais

 19   le faire aussitôt.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons bientôt commencer, mais je

 21   voudrais m'adresser à vous, Monsieur le Témoin.

 22   LE TÉMOIN : KDZ064 [Reprise]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre de première instance comprend

 25   que vous avez manifesté quelques inquiétudes auprès de la Section des

 26   Victimes et des Témoins quant à la façon dont vous avez été traité pendant

 27   votre déposition d'hier. A cet égard, j'aimerais dire quelques mots sur le

 28   sujet avant de reprendre les débats.

Page 1397

  1   Vous savez, c'est la nature intrinsèque du processus juridique dont

  2   connaît ce Tribunal que tous les témoins sont interrogés par les deux

  3   parties, donc par la partie qui a cité ce témoin, mais aussi par la partie

  4   adverse, ici en l'occurrence, par M. Karadzic, qui est accusé et qui a le

  5   droit de procéder à un contre-interrogatoire, non pas en tant qu'accusé,

  6   mais en tant que personne se défendant lui-même. C'est peut-être quelque

  7   chose que vous auriez du mal à comprendre. Néanmoins, ce témoin a prévu un

  8   article du Règlement à ce propos.

  9   Lorsqu'un témoin entre dans le prétoire et qu'il est sur le point d'être

 10   contre-interrogé, il doit ou elle doit accepter que sa déposition va être

 11   contestée, quelquefois de façon assez musclée. Par conséquent, au cours

 12   d'un tel contre-interrogatoire, les questions qui sont posées risquent

 13   d'être difficiles, âpres ou peuvent être perçues comme étant impolies,

 14   inadéquates.

 15   Mais la Chambre a pour rôle et devoir de veiller à ce qu'un témoin ne

 16   soit pas harcelé ni insulté ou ni ne subisse d'insultes verbales pendant le

 17   contre-interrogatoire. La Chambre doit aussi veiller à ce que les questions

 18   posées soient pertinentes au regard de l'acte d'accusation. La Chambre va

 19   dès lors intervenir, elle l'a d'ailleurs fait hier une fois. Sinon, comme

 20   le Juge Baird me le conseillait hier, c'est à vous, Monsieur le Témoin,

 21   qu'il incombe de répondre aux questions qui vous sont posées, bien sûr,

 22   dans la mesure de vos moyens. Il ne vous revient pas de demander pourquoi

 23   on vous pose ce genre de questions. Vous n'avez pas non plus le droit de

 24   refuser d'y répondre.

 25   Nous sommes navrés si vous avez le sentiment que vous avez subi un

 26   traitement inéquitable hier. La Chambre ne voulait pas du tout vous

 27   critiquer, loin de là, elle voulait simplement vous donner quelques lignes

 28   directrices qui lui semblaient nécessaires.

Page 1398

  1   N'oubliez pas, s'il vous plaît, gardez à l'esprit que c'est l'accusé, M.

  2   Karadzic, qui est ici au banc des accusés et qui doit répondre au risque

  3   des pénalités très conséquentes si en fin de procès, à l'issue de ceci, il

  4   est jugé coupable de ce que lui est reproché. En déposant ici, vous aidez

  5   les Juges à se former un avis qui se formulera de façon ultime dans le

  6   jugement, et M. Karadzic a le droit de contester votre crédibilité.

  7   Nous comprenons que ceci peut être, pour tout témoin d'ailleurs, une

  8   expérience pénible, et nous vous sommes vivement reconnaissants d'avoir

  9   bien voulu déposer ici et de subir une fois de plus cette procédure. La

 10   Chambre va faire l'impossible pour veiller à ce que les questions qui vous

 11   sont posées soient bien posées, de façon respectueuse, mais vous avez le

 12   devoir de répondre à ces questions et d'y répondre de la façon la plus

 13   concise possible.

 14   La Chambre ne va pas demander aux parties ni au témoin de réagir à cette

 15   intervention que je viens de faire.

 16   Vous avez consacré déjà une heure 45 minutes -- pardon, deux heures

 17   et 45 minutes au contre-interrogatoire. Vous aviez dit que vous auriez

 18   besoin en tout de quatre heures, ce qui veut dire que vous devriez terminer

 19   votre contre-interrogatoire au cours du premier volet de l'audience.

 20   Veuillez poursuivre votre contre-interrogatoire, Monsieur Karadzic.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. J'avais espéré que j'aurais un peu plus

 22   de temps si j'avais parcouru toute l'année 1995, mais…

 23   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 24   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, moi aussi, je suis inquiet. Je ne

 25   voulais pas vous insulter ni vous perturber. Loin de moi cette idée. Mais

 26   est-ce qu'on se connaissait avant la guerre ?

 27   R.  Non, non, je vous ai vu uniquement à la télévision.

 28   Q.  Merci. Hier, dernière page, page 110 du compte rendu d'audience, me

Page 1399

  1   semble-t-il, vous avez déclaré que vous étiez content de venir ici pour

  2   dire quel genre d'homme j'étais et pour avoir affaire à moi. C'est un droit

  3   qui vous revient, mais voici ce que je vous demande maintenant : est-ce que

  4   c'est quelqu'un qui vous a dit ça ou est-ce que c'est vous qui avez décidé

  5   de le faire ?

  6   R.  Non, personne ne m'a rien dit. Ce sont vos actes qui se passent de

  7   commentaire.

  8   Q.  Donc vous voulez, en fait, régler vos comptes avec moi ?

  9   R.  Pas du tout. Tout ce que je dis c'est que les actes que vous avez

 10   commis se passent de commentaire, ils disent tout très clairement.

 11   Q.  Désolé que vous ayez cet avis. Quoi qu'il en soit, vous avez dit

 12   qu'Elfeta Vaseli [phon], la personne dont nous avons parlé hier en rapport

 13   avec cet enfant -- je suis désolé -- enfin, vous avez dit que sa famille

 14   avait été tuée. Son père et son frère sont encore en vie, mais un de ses

 15   frères, qui était un volontaire dans l'armée croate a été tué, et un autre

 16   était dans l'armée musulmane. Elle se cache quelque part dans la

 17   fédération, mais ses frères sont en liberté, n'est-ce pas ?

 18   R.  Non. En fait, je ne sais rien de tout cela. Je ne pense pas avoir

 19   jamais vu cette femme de mes propres yeux.

 20   Q.  Vous ne savez pas, mais vous avez dit qu'elle avait un motif personnel

 21   de faire ce qu'elle a fait, n'est-ce pas ?

 22   R.  Mais j'ai entendu des gens dire que toute sa famille avait été tuée.

 23   Moi, je n'ai pas dit que je l'avais vu moi-même ou que j'en avais une

 24   connaissance directe et personnelle.

 25   Q.  Oui. Il y a une autre chose que je voudrais vérifier vu ce que vous

 26   avez dit hier. Est-ce que vous percevez une retraite ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Vous n'avez aucune retraite ?

Page 1400

  1   R.  Non.

  2   Q.  Et les années de service que vous avez de votre service dans l'armée de

  3   Bosnie, est-ce qu'elles sont comptées comme années de service ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  D'accord.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous prie de rectifier le compte rendu. On

  7   lui a confirmé les années qu'il a passé en service de l'ABiH.

  8   Q.  Cette période a été reconnue ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Voilà. Nous allons passer bientôt à l'année 1995 et à Srebrenica, mais

 11   auparavant, je voudrais voir une chose.

 12   Hier, j'ai dit que j'avais stoppé l'armée de la Republika Srpska à la

 13   frontière avec Srebrenica, parce que nous avions peur que les gens veulent

 14   se venger, car 1 200 Serbes avaient été tués dans la zone, et ça, tout le

 15   monde l'avait encore clairement à l'esprit.

 16   Qu'est-ce que vous avez en réponse à cela ?

 17   R.  Vous dites que vous les avez empêchés d'aller plus loin et empêcher que

 18   des choses se passent, mais qu'est-ce qui s'est passé à Potocari ?

 19   Q.  Mais je parle de 1993, ici. Est-ce que vous pourriez regarder les

 20   quatre lieux que je vais vous montrer.

 21   Première question : sur ces 1 200 personnes tuées, il y en a combien

 22   qui ont été tuées dans votre village et dans les environs ?

 23   R.  Dans mon village ?

 24   Q.  Oui.

 25   R.  Je ne sais pas.

 26   Q.  Mais savez-vous s'il y a beaucoup de gens qui ont été

 27   tués ?

 28   R.  Oui, il y en a beaucoup qui ont été tués, c'est vrai.

Page 1401

  1   M. KARADZIC : [interprétation] Je vais demander à M. l'Huissier de remettre

  2   ce papier où sont mentionnés quatre lieux au témoin.

  3   Q.  Vous n'avez pas à donner lecture de ces noms. Dites-moi simplement si

  4   ce sont bien des endroits qui se trouvent à proximité, autour de votre

  5   village.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc il ne faudra pas diffuser ce

  7   document à l'extérieur du prétoire.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que vous avez regardé ce document ?

 10   Inutile de le montrer à l'extérieur.

 11   Est-ce que vous voyez ces quatre lieux ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce qu'ils se trouvent autour de votre village ?

 14   R.  Oui.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Nous ne pouvons pas encore

 16   voir le document, parce que le rétroprojecteur ne fonctionne pas encore. Un

 17   instant, s'il vous plaît.

 18   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être que vous pourriez apporter ce

 20   document pour que les Juges le voient.

 21   Parfait. Poursuivez, Monsieur Karadzic.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que ce

 23   document soit déposé sous pli scellé, ce document qui donne les quatre

 24   localités.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Quelle sera la cote ?

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D44, sous scellé.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Poursuivons.

 28   M. KARADZIC : [interprétation] Peut-on afficher dans son système du

Page 1402

  1   prétoire électronique le document 1D859.

  2   Soyons prudents pour ce qui est des noms indiqués sur cette photo. Il ne

  3   faudrait peut-être pas que cette photographie soit diffusée à l'extérieur

  4   du prétoire, car on y voit le nom de la localité.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce qu'on pourrait faire, c'est de

  6   déplacer la photographie à l'écran de façon à ne pas voir la légende.

  7   Parfait, c'est fait.

  8   M. KARADZIC : [interprétation] Excellent, c'est résolu.

  9   Q.  Ces victimes que l'on voit sur cette photo, est-ce que ce sont des

 10   victimes de l'une de ces localités ?

 11   R.  Oui.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je demande le versement de ce document.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce ne sera pas difficile.

 14   Quelle sera la cote, Madame la Greffière ?

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D45, peut-être sous

 16   pli scellé à cause du nom.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pas d'objection. J'ai oublié de vous le

 18   demander.

 19   Monsieur Nicholls.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, pas de problème. Aucun inconvénient à

 21   ce que ce soit versé, peut-être sans le nom.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord. Merci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation] Peut-on maintenant afficher le document

 24   1D860. Nous allons peut-être adopter la même procédure que pour la

 25   photographie précédente. Nous allons uniquement montrer la photo, et pas la

 26   légende indiquant le nom de la localité. Merci.

 27   Q.  Est-ce que vous reconnaissez cet arbre ?

 28   R.  Non.

Page 1403

  1   Q.  Savez-vous que c'est un saule pleureur, ou plutôt, un arbre d'où on

  2   pendait les Serbes ?

  3   R.  Mais qui dit que des Serbes étaient pendus ? Ça c'est vraiment du

  4   mensonge à 100 %. Moi, j'ai vu des arbres qui ressemblaient à celui-ci, et

  5   vous aviez abattu des agneaux. On a vu une peau d'agneau en dessous d'un de

  6   ces arbres. C'est un mensonge.

  7   Q.  Ça a déjà été établi.

  8   R.  Mais on aurait pu pendre n'importe quoi à cet arbre, un pantalon, une

  9   chemise. Ce que vous dites, c'est un tissu de mensonges.

 10   M. KARADZIC : [interprétation] Peut-on avoir le document 1D861, pour

 11   montrer ce qu'on a trouvé à cet arbre. Je voudrais que les Juges le voient

 12   et voient aussi le lieu, puis on pourra dissimuler le nom de la localité,

 13   mais je voudrais d'abord que les Juges le voient. Je rappelle le numéro du

 14   document, 861.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, Karadzic, est-ce que vous savez où se

 16   trouve cet endroit ?

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Mais les enquêteurs le savent.

 19   R.  Mais attends. Est-ce que c'est un territoire serbe ou un village

 20   bosniaque ?

 21   Q.  Dans le village, il y avait partout des Serbes et des Bosniens.

 22   R.  Mais vous me dites, Karadzic, quand les Serbes sont venus, ils ont

 23   chassé tous les Musulmans de Bosnie, ils ont incendié toutes les maisons.

 24   Nous, on avait quatre mosquées qui, toutes, ont été détruites. Vous avez

 25   mis le feu à trois femmes, qui ont brûlé vives. Vous avez tué un homme, un

 26   vieillard de 80 ans qui ne voulait pas partir. Donc vous ne dites rien de

 27   tout ça. Maintenant, vous parlez de quelque chose qui a 2 ou 3 kilomètres

 28   dans un sens ou dans un autre, mais il n'y avait pas de village serbe à

Page 1404

  1   proximité. Alors, où est-ce que vous avez chassé tous ces gens ?

  2   Q.  Ici, c'est votre village, dans lequel vous avez tué les Serbes de votre

  3   village. Vous en avez capturé, des Serbes, qui étaient protégés par les

  4   conventions de Genève. Ceci a été établi.

  5   R.  Ça, ce n'est pas vrai.

  6   Q.  D'accord. Bien, nous allons montrer le procès-verbal du tribunal en

  7   temps utile.

  8   M. KARADZIC : [interprétation] Je demande le versement de ceci, 861.

  9   Est-ce qu'on peut montrer quelle était la situation rencontrée par

 10   l'armée serbe lorsqu'elle est entrée dans le village.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, que dites-vous à

 12   propos de toutes ces photographies, parce qu'il semble qu'on va en

 13   présenter plusieurs.

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] Je dirais que ces photographies ne

 15   présentent qu'une pertinence fort limitée, voire nulle. Je pense que si on

 16   peut demander au témoin d'enlever ses écouteurs, on lui a demandé où se

 17   trouvait cette arbre, il ne l'a pas reconnu.

 18   M. Karadzic a dit qu'il allait faire venir un témoin qui pourra discuter de

 19   cette enquête, et ce sera beaucoup plus intéressant de discuter de cette

 20   photo si nous avons quelqu'un qui connaît la situation du terrain. Car ces

 21   photos n'ont qu'une pertinence très limitée, même si elles sont difficiles

 22   à regarder. C'est des photos très dérangeantes.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'en suis à 100 % sûr. Ce n'est pas vrai,

 24   Monsieur. Ça c'est sûr et certain. C'est quelque chose monté de toutes

 25   pièces par les Serbes. Vous savez ce que les Serbes font, ils sont les

 26   seuls. Ils sont insurpassables dans cet art.

 27   Je ne sais pas si c'est cet arbre-ci, mais moi j'étais près d'un

 28   arbre qui ressemble à celui-ci, où ils ont mis un faisceau ou une barre

Page 1405

  1   pour pouvoir griller des moutons. Il y avait une peau de mouton.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi est-ce que nous ne

  3   demandons pas une cote provisoire pour toutes ces photos, je ne pense pas

  4   qu'il soit très utile de présenter chacune de ces photos au témoin. Il est

  5   peu probable qu'il confirme la moindre de ces photos. Je pense que vous

  6   aurez l'occasion de citer un témoin ou des témoins qui pourront parler

  7   directement de ces photos.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Excellence. Je voudrais

  9   brièvement montrer une partie du dossier de Tribunal, du dossier d'enquête.

 10   Ça été effectué une fois que l'armée serbe est entrée dans cette localité.

 11   Ça, ça vient de sa localité. La colline, c'est la seule de son village. Il

 12   viendra la photo suivante, puis le 862.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, essayons --

 14   enfin, choisissez trois photos et montrez-les au témoin, et voyons ce qu'il

 15   peut nous dire au sujet de ces photos-là.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le 862,

 17   maintenant, je vous prie.

 18   Q.  Ici, on voit des exhumations effectuées par des instances judiciaires.

 19   C'est le tribunal qui l'a fait faire. Ça fait partie d'un dossier. Je

 20   voudrais d'abord vous demander si vous savez s'il y a eu des exhumations à

 21   cette colline ?

 22   R.  Non, je ne le sais pas. Si, il y a eu des gens d'enterrés là, il y a eu

 23   les quelques personnes tuées, je les ai vues. Ça, ce que j'ai vu, je le

 24   dis, mais pour ce qui est des hommes qu'on a pendus, ça c'est un mensonge à

 25   100 %. Parce que nous n'avions pas capturé des gens pour les pendre. Ça,

 26   c'est quelqu'un qu'il a inventé de toutes pièces. Ne dites pas n'importe

 27   quoi. Il n'y a aucune possibilité de prouver que qui que ce soit aurait été

 28   pendu. Il y a eu des gens qui ont été retrouvés au bout de trois mois, dit-

Page 1406

  1   on, à pendre comme cela. Mais ne dites pas de bêtises.

  2   M. KARADZIC : [interprétation] Bon. Le 1D642, je vous prie maintenant.

  3   Q.  Monsieur le Témoin, ce que je suis resté en dette par rapport à la

  4   journée d'hier pour ce qui est de l'affaire Milosevic, page 28 800, et ça

  5   va jusqu'au 28 833, page 15. Le président Milosevic vous a demandé avec

  6   quoi vous aviez tué tous ces Serbes, et vous avez répondu : Rien qu'avec

  7   des fusils; est-ce bien exact ?

  8   R.  Oui, oui.

  9   Q.  On verra maintenant que vous les avez tués ou massacrés une fois morts

 10   avec des objets contondants ou à l'arme blanche.

 11   R.  Je ne sais pas qui a massacré qui. Ça, je ne te le dirai pas. Je ne

 12   dirai pas oui, je ne dirai pas non. Ce que je sais te dire, c'est que tes

 13   combattants nous ont emmené une caisse de munitions. Ils sont allés vers un

 14   petit village où il y avait peut-être huit maisons à peine qu'ils n'avaient

 15   pas encore incendiées. Il y avait des habitants dans ces maisons.

 16   Lorsqu'ils sont arrivés à ce village, ils ont loupé le village et ils sont

 17   allés dans la direction opposée. Ils ont fait peut-être 1 ou 2 kilomètres à

 18   vol d'oiseau, et ils ont tiré depuis là pour toucher le pare-brise de ce

 19   petit camion TAM, et il y a quelqu'un qui a été blessé. Ils ont repris

 20   cette personne blessée et ils sont revenus sur leurs pas, et on a retrouvé

 21   là une caisse de munitions avec 5 000 balles, et si vous voulez que je vous

 22   le dise, ils ont été tués avec les munitions qu'ils ont emmenées là eux-

 23   mêmes.

 24   Q.  Ecoutez, je vous demande de vous conformer --

 25   R.  Justement --

 26   Q.  Est-ce que vous êtes en train de contester que ces gens ont été exhumés

 27   là-bas, et qu'à ces quatre localités-là on a trouvé des fosses communes ?

 28   Vous le niez ou le confirmez ?

Page 1407

  1   R.  Je ne sais pas. Je ne l'ai pas vu. Je sais qu'à un endroit on a enterré

  2   dans une tranchée que vous aviez tenue, là où vous avez tenu une ligne. Les

  3   gens ne voulaient pas creuser mais ils n'ont fait qu'enterrer les morts

  4   dedans.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, quelle est votre

  6   position au sujet de ce 860 de la Défense, que le témoin semble avoir

  7   confirmé dans une certaine mesure pour ce qui est des exhumations ?

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne l'ai pas sur

  9   notre écran, mais d'après mes souvenirs il a, je pense, dit, qu'il ne

 10   savait rien au sujet des exhumations. Il a juste entendu dire et vu que des

 11   gens avaient été tués.

 12   Pour revenir à l'arbre, le témoin a dit qu'il ne savait pas ce que

 13   c'était que cet arbre ni où il se trouvait ni ce que cela constituait. Donc

 14   on ne voit pas de fondement pour ce qui est d'un versement éventuel au

 15   dossier de ces pièces.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Revenons maintenant à sa réponse.

 17   Il a dit : "Non, je ne sais pas." Puis il a dit : "Oui, je sais qu'ils ont

 18   été ensevelis là-bas."

 19   C'est les lignes 8 et 9, page 14.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] En effet, Monsieur le Président. Pas

 21   d'objection. Mais le témoin n'a pas simplement pu dire que c'était la photo

 22   ou une photo prise à l'occasion de cette exhumation. Ça, il ne le savait

 23   pas.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et le 642, qui vient de nous être

 25   montré, c'est une pièce qui est prise dans l'affaire Milosevic ?

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui. Pas d'objection, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et la photo de l'arbre, le 640, ça

 28   semble être identique à l'une des photos qu'on a vues. Penchez-vous sur la

Page 1408

  1   page 5. Enfin, on verra plus tard si c'est identique ou pas.

  2   Nous allons lui attribuer une cote à des fins d'identification à ce 640,

  3   qui aura donc une cote qui sera… ?

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera le D45

  5   MFI.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser au dossier le 862 et

  7   le 642.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce serait la pièce D46 et la pièce D47,

  9   respectivement.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuons, Monsieur Karadzic.

 11   M. KARADZIC : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre maintenant la

 12   pièce D641, le 641.

 13   Q.  Il s'agit d'un procès-verbal de constat judiciaire. C'est le tribunal

 14   municipal de Zvornik. C'est daté du 22 février 1993. Il y a eu un constat

 15   des lieux. On dit quelle est la colline en question, puis on mentionne les

 16   différentes localités, c'est-à-dire sites, et vous avez à cet effet

 17   confirmé que ce sont des sites qui se trouvent dans votre région à vous.

 18   S'agissant de ces exhumations de corps et de l'identification de ces corps

 19   à partir de fosses communes qui étaient des gens ou des membres de l'armée

 20   de la Republika Srpska qui ont été capturés en novembre 1992 à Kamenica.

 21   R.  Non, non, ils n'ont pas été capturés. Ils ont été tués sur la ligne de

 22   front au combat.

 23   Q.  Ici c'est un PV, Monsieur.

 24   R.  Je vais te dire. A 90 % et plus c'étaient des gens qui n'étaient pas du

 25   tout venus du territoire de cette localité. C'était des gens venus

 26   d'ailleurs, tous.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut se référer à la page 3 du

 28   même document, je vous prie.

Page 1409

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 1410

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas de version anglaise de

  2   ce document, ou est-ce que ça existe ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non. Pour le moment, il n'y a pas de traduction

  4   encore.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Alors, on dit la personne numéro 15, le cadavre est déformé, le crâne

  7   est brisé. On a trouvé des traces de brûlures à l'estomac, avec une peau

  8   qui a été enlevée et brûlée. Il a été déterminé que c'est le fils de Savic

  9   Bogdan, né en 1949, d'un village du coin. Il a été identifié par son

 10   épouse.

 11   Alors, Monsieur, c'est une autre fosse. Il y a quatre fosses au total,

 12   quatre charniers. Dans chacun des cas de figure, il y a eu des mutilations,

 13   des têtes de coupées, des bras de coupés. On a brûlé les corps, on les a

 14   fait cuire à petit feu. Est-ce que vous dites que ce n'est pas vrai ?

 15   R.  Non, ce n'est pas vrai.

 16   Q.  Merci.

 17   R.  Si, il y avait un cadavre sans tête, mais on n'a pas cuit à petit feu

 18   qui que ce soit. Il y a peut-être eu des gens qui ont été massacrés ou

 19   mutilés parce qu'on les avait traînés, mais moi, j'affirme qu'autrement

 20   non.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce que le compte rendu reproduit

 22   fidèlement ce qui a été dit ? Ne nous attardons pas outre mesure. On vous

 23   fournira une traduction.

 24   Je voudrais donc que le 641 soit accepté aux côtés du 642, avec la totalité

 25   des autres documents.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas d'objection pour qu'il y ait un

 28   marquage, mais toujours est-il que nous n'avons pas de traduction. Je

Page 1411

  1   voudrais voir plus de teneur s'agissant de ce document. Et le témoin non

  2   plus n'a pas lu le document en question et  ne sait rien nous dire à son

  3   sujet, mais nous pouvons lui attribuer une cote provisoire.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, ce sera une cote à des fins

  5   d'identification en attendant la traduction.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D48 MFI.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour gagner du temps, nous allons

  8   également attribuer une cote MFI à la totalité des autres photos en

  9   attendant que ne soit fournie l'opportunité d'entendre le témoignage des

 10   autres témoins.

 11   Monsieur Karadzic, allons de l'avant et passez au sujet véritable.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Alors, pour en finir brièvement, on ne va pas s'attarder davantage.

 15   Est-ce qu'il est vrai de dire que l'armée serbe a fait son apparition dans

 16   votre région en novembre 1992 ?

 17   R.  Oui. C'est cette armée serbe qui nous a chassés de chez nous. Ils nous

 18   ont chassés de chez nous, ils ont incendié nos maisons. Moi, j'ai vu de mes

 19   yeux ma maison qui était en train de brûler, et des gens comme ça, je n'ai

 20   aucun regret, fasse le ciel qu'ils meurent tous. Que ceux qui veulent

 21   brûler les biens d'autrui ou déposséder autrui de leurs biens, fasse le

 22   ciel qu'ils ne rentrent jamais chez eux.

 23   Q.  Monsieur le Témoin, finissons-en avec cette partie, et passons en 1995.

 24   Je vais vous dire, Monsieur le Témoin, que si la -- enfin, je

 25   voudrais vous dire que l'armée serbe avait toléré votre façon ou votre

 26   coutume de leur tirer dans le dos jusqu'en 1992.

 27   R.  Ils nous ont tolérés à partir du 19 ou du 26 avril et jusqu'à cette

 28   date.

Page 1412

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Entre-temps, je voudrais demander au

  2   juriste de la Chambre de procéder à la distribution aux parties en présence

  3   de la totalité des photographies qui ont reçu des cotes aux fins

  4   d'identification.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ce sera fait.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que votre armée a, oui ou non, bloqué la

  8   route qui va de Konjevic Polje à Zvornik ? Jusque-là, nous ne pouvions pas

  9   nous en servir.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Est-ce que votre armée a fait des excursions vers Crni Vrh pour bloquer

 12   la route par Zapardi ?

 13   R.  Non, je n'en ai pas connaissance.

 14   Q.  Oui, je dois attendre un peu.

 15   Alors, Crni Vrh, ça se trouve près chez vous ou pas ?

 16   R.  Non.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on mette brièvement cette carte

 18   sur le rétroprojecteur. C'est une carte établie par la communauté

 19   internationale. Il me semble que c'est l'OTAN qui l'a faite, ou c'est la

 20   FORPRONU. Enfin, c'est le Procureur qui me l'a fait parvenir. Je voudrais

 21   que vous montriez cette partie-ci, Mademoiselle. Ça, on peut le diffuser à

 22   l'extérieur. Moi, je ne vois pas -- oui, bon. C'est bon maintenant.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez voir ici ? Entre Srebrenica

 25   et votre région, il y a des territoires placés sous contrôle serbe. Alors,

 26   depuis votre enclave ici, on peut voir que vous avez un débouché sur Crni

 27   Vrh, et il y a une inscription qui dit Crni Vrh. Je vous rappelle aussi que

 28   là-bas, vous aviez attaqué de dos, non seulement les soldats, mais vous

Page 1413

  1   vous êtes attaqués aussi à des convois civils, des transports civils, et

  2   vous avez abattu tout un autocar plein de civils ?

  3   R.  Où ? A Crni Vrh ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Mais entre Srebrenica et Crni Vrh, il y a 70 kilomètres. Alors comment

  6   pourrait-on y arriver ? Il fallait prendre des autobus pour y aller.

  7   Comment pouvait-il aller et sortir de Srebrenica ? Il pouvait arriver

  8   jusqu'à Potocari et Suceska. Mais nous nous attendions d'être abattus par

  9   quelqu'un. Tu compares ça, Srebrenica et Crni Vrh, moi, je ne sais vraiment

 10   pas.

 11   Q.  Merci, merci.

 12   R.  Si tu avais dit des localités plus proches, je veux bien, mais

 13   Srebrenica et Crni Vrh.

 14   R.  Ecoutez, Monsieur, Crni Vrh c'est non loin de Zapardi, là où il y a cet

 15   élément à trois dents, c'est la ligne.

 16   R.  Oui, mais je sais que c'est à 20 kilomètres de mon village, mais il y a

 17   70 kilomètres de là jusqu'à Srebrenica. Comment voulez-vous qu'il aille de

 18   Srebrenica à cet endroit ?

 19   Q.  Non, Monsieur, ils sont venus de votre village, avant la chute.

 20   R.  De mon village ? Mais nous, on n'avait pas la possibilité de nous

 21   défendre. Et comment voulez-vous que nous ayons pu quitter notre village

 22   pour aller attaquer ailleurs ?

 23   Q.  Moi -- je vous remercie.

 24   R.  C'est un type malade.

 25   Q.  C'est une carte de la FORPRONU qui montre que vous avez débouché sur la

 26   route Pale-Zvornik au niveau de Zapardi et que vous aviez mis en péril

 27   cette voie de communication. Donc vous aviez bloqué la route de Konjevic

 28   Polje, et ça, vous l'avez mise en péril. Là-bas, vous n'avez seulement tué

Page 1414

  1   des soldats, mais aussi des civils. Je ne dis pas vous, mais vos soldats,

  2   vos militaires. Et il y a même eu un autocar plein de civils à avoir péri;

  3   est-ce exact ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Bon.

  6   Monsieur, ce que je voudrais vous demander : qu'allez-vous dire si je vous

  7   affirme que les soldats n'en pouvaient plus de se faire tirer dans le dos

  8   et de voir toutes les routes coupées par vous ?

  9   R.  Mais dites-moi donc, Monsieur Karadzic, est-ce que vous vous êtes

 10   attaqué à la totalité de la Bosnie-Herzégovine ? Il n'y a pas une seule

 11   localité en Bosnie-Herzégovine où vous n'ayez pas attaqué. Trouvez-en donc

 12   une. Prenez la carte. Voilà, les Juges, l'acte d'accusation, votre conseil

 13   de la Défense. Dans la totalité de la Bosnie-Herzégovine, vous avez occupé

 14   le territoire, vous avez attaqué Sarajevo, Bihac, Zenica, Visoko, Olovo,

 15   Kladanj; il n'y a pas -- vous avez attaqué Tuzla. Il n'y a pas une seule

 16   localité où vous n'avez pas attaqué. Alors, si vous n'aviez attaqué qu'un

 17   endroit, mais vous avez attaqué partout, parce que vous aviez intérêt à

 18   attaquer partout.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi.

 20   Monsieur Nicholls, vous vouliez dire quelque chose.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, une partie du

 22   problème réside dans la façon dont les questions sont posées. Ce n'est pas

 23   une question, par exemple :

 24   "Merci, Monsieur. Qu'avez-vous à dire à ceci : si je vous dis que l'armée

 25   ne pouvait plus tolérer vos tirs dans le dos de nos soldats sur toutes les

 26   routes."

 27   Alors, il n'y a pas de question.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Moi, j'ai cru comprendre qu'il avait

Page 1415

  1   présenté sa cause au témoin, la cause qu'il défendait, que le témoin a

  2   niée.

  3   Allons de l'avant.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vous demande à ce que cette carte

  5   soit versée au dossier en tant que pièce à conviction de la Défense. 

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous avez dit que c'était une carte

  7   de la FORPRONU, et c'est vous qui avez marqué les inscriptions de la carte

  8   ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, c'est la FORPRONU. C'est la FORPRONU

 10   qui a indiqué comment se présentait la situation. La situation était

 11   surveillée par la FORPRONU.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce qu'on peut obtenir un numéro ERN ou

 14   un 65 ter pour savoir de quoi il s'agit au juste, parce qu'il n'y a aucune

 15   identification de consignée pour ce qui est de cette carte.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois pas ce document sur la liste

 17   de documents prévus pour le contre-interrogatoire. Etait-ce prévu sur la

 18   liste ?

 19   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, ce n'était pas le cas. Je n'ai pas fait

 20   objection, parce que je sais qu'occasionnellement ça arrive. Mais je ne

 21   sais pas exactement ce qu'on est en train de voir sur nos écrans.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que Mme l'Huissière peut remettre

 23   la carte à M. Nicholls pour qu'il puisse la voir.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si la carte n'était pas sur la liste, je vous

 25   prie de l'accepter à des fins d'identification. Il y en aura beaucoup, mais

 26   on ne va pas la verser aujourd'hui.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] M. Nicholls ne s'oppose pas à cette

 28   pratique, donc c'est bon. Mais pouvons-nous voir si M. Nicholls est à même

Page 1416

  1   de constater qu'elle est l'origine de cette carte.

  2   Nous pouvons aller de l'avant en attendant que M. Nicholls étudie la carte.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Compte tendu du peu de temps que j'ai à ma disposition, Monsieur le

  5   Témoin, il nous faut parcourir rapidement ou de façon cumulative les

  6   allégations ou affirmations suivantes.

  7   A l'occasion de cinq témoignages de votre part et à l'occasion de plusieurs

  8   déclarations et rapports établis par vos soins, quatre témoignages et cinq

  9   déclarations, il y a eu des éléments plutôt contradictoires pour ce qui est

 10   des détails qui, si on avait le temps voulu, pourraient être explorés. Mais

 11   je ne vais pas entrer dans la totalité des détails. Dites-nous seulement

 12   quand est-ce que vous avez quitté votre village ?

 13   R.  J'ai quitté mon village en 1993, peut-être vers le mois de février.

 14   Q.  Dans certains déclarations et témoignages, vous avez dit octobre 1992 ?

 15   R.  Non. Ils nous ont chassés en 1992. Ceux dont vous avez montré les

 16   photos tout à l'heure, c'est eux qui nous ont chassés, c'est eux qui ont

 17   incendiés nos maisons en octobre. Et eux, ils ont péris le 6 novembre. Ce

 18   sont les vôtres, là, ceux qui travaillaient en profondeur pour nous chasser

 19   et incendier nos maisons. Oui, ça s'est passé en octobre. On est partis,

 20   puis on est revenus et nous avons vécu dans des maisons incendiées. Une

 21   fois les femmes et les enfants partis, les Serbes ont réattaqués, et nous

 22   avons dû nous replier.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, je n'accepte pas ces

 25   déclarations de nature générale selon lesquelles le témoin aurait avancé

 26   des dates différentes pour ce qui est de son départ du village. J'ai

 27   demandé hier à ce que l'on fournisse des lignes directrices précises, parce

 28   que si maintenant on se réfère à des déclarations faites par le témoin, je

Page 1417

  1   demanderais à ce que les lignes directrices soient respectées et qu'à

  2   chaque fois, on donne la référence qui est évoquée par les soins de M.

  3   Karadzic lorsqu'il parle d'un point concret.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Alors, c'était dans son témoignage dans

  5   l'affaire Tolimir. Nous allons retrouver la référence. Mais j'ai besoin de

  6   beaucoup plus de temps si je dois reparcourir chacune des contradictions,

  7   qui sont fort nombreuses, commises par ce témoin à l'occasion de la

  8   totalité de ses témoignages.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je ne pense pas

 11   que ceci requiert beaucoup plus de temps. Il me semble que c'est un

 12   argument très faible pour ce qui est d'une prolongation des délais, alors

 13   que l'accusé est au courant de tout ce qui a été dit depuis octobre. Il a

 14   les déclarations depuis longtemps. La déclaration dans l'affaire Tolimir,

 15   on l'a communiquée dès qu'on a pu. Donc ce sont là des éléments pour

 16   procéder au contre-interrogatoire. Donc si on veut se préparer, ça ne prend

 17   pas tant de temps pour préparer les choses. Et ce n'est pas de la sorte

 18   qu'on prépare un contre-interrogatoire.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, allons de l'avant.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit du 513 au 5783, pages 7 et 8 pour ce

 21   qui est de l'affaire Tolimir.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Alors, veuillez nous dire brièvement comment s'est présenté votre

 24   déplacement jusqu'à Srebrenica ? Soyez bref.

 25   R.  Lorsque nous avons quitté notre village, nous sommes arrivés à Konjevic

 26   Polje et on a passé six jours dans une maison. Lorsque M. Morillon est

 27   arrivé, Morillon est allé à la mosquée Hrncica et il a hissé le drapeau des

 28   Nations Unies là-bas. Nous, on a tous quitté Konjevic Polje et on s'est

Page 1418

  1   retirés vers la localité de Pervani.

  2   Q.  Mais donnez-nous des dates.

  3   R.  Eh bien, je vous dis. Ça pourrait se situer vers le 5 ou le 6 mars;

  4   c'est là qu'on était à Konjevic Polje.

  5   Q.  Et combien de temps êtes-vous restés à Pervani ?

  6   R.  Trois jours.

  7   Q.  Combien étiez-vous en tout ?

  8   R.  Moi et mes deux frères.

  9   Q.  Mais il n'y avait pas d'autres gens ?

 10   R.  Si. Il y avait des gens qui vivaient encore dans leurs propres maisons.

 11   Q.  Monsieur, donc vous n'étiez pas un grand groupe à avoir quitté votre

 12   village pour arriver à Konjevic Polje et puis pour finir à Srebrenica ?

 13   R.  Non. A Srebrenica, on était un grand groupe. Il y a toute une colonne

 14   qui est allée à Srebrenica, et on est partis tous ensemble.

 15   Q.  Vous avez déclaré, Monsieur, que vous étiez plusieurs centaines, n'est-

 16   ce pas ?

 17   R.  Non. Il y avait peut-être quelques milliers. La population y allait

 18   sans cesse. Nous, on s'est joints à la colonne pour y aller nous aussi.

 19   Q.  Quand est-ce que vous êtes arrivés à Srebrenica ?

 20   R.  Je pense que c'était à la date du 13 mars.

 21   Q.  Avant cela, votre famille est allée à Tuzla. Pourquoi n'y êtes-vous pas

 22   allé vous aussi ?

 23   R.  Non. Je vous l'ai expliqué hier pourquoi je n'y suis pas allé. Quand on

 24   a voulu aller tous ensemble à Tuzla, la route a été coupée. On ne pouvait

 25   pas passer. Nous voulions aller à Tuzla, et ce, avant que de devoir aller à

 26   Srebrenica.

 27   Q.  Bon. A Srebrenica, vous avez cultivé la terre d'un Serbe, n'est-ce pas

 28   ?

Page 1419

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et vous viviez dans la ville ou dans la campagne ?

  3   R.  En ville.

  4   Q.  Et le Serbe il était où, celui dont la terre a été cultivée par vous ?

  5   R.  Je n'en sais rien. Il était parti quelque part, il était réfugié

  6   quelque part.

  7   Q.  Vous avez dit que Srebrenica était démilitarisée. Je voudrais vous

  8   montrer à cet effet que le Procureur même ne l'affirme plus cela. Le

  9   secrétaire général des Nations Unies avait présenté un rapport au Conseil

 10   de sécurité disant que Srebrenica et les autres zones protégées étaient des

 11   places fortes de l'armée musulmane. Et le bureau du Procureur, dans une

 12   requête préalable au début du procès, numéro 52, a bien accepté que

 13   Srebrenica n'était pas démilitarisée, mais armée.

 14   R.  Bien, le secrétaire général en question devrait s'asseoir à côté de

 15   vous, et Yasushi Akashi de l'autre côté, pour être jugés avec vous. Les

 16   Nations Unies c'est la cause la plus importante de tous ces morts à

 17   Srebrenica. Ils ont désarmé la population et ils ont laissé les meurtriers

 18   les tuer tous. Vous savez, Monsieur, vous avez tué des enfants qui avaient

 19   à peine quelques minutes, jusqu'à des gens qui avaient plus de 90 ans.

 20   Q.  C'est au Procureur de le prouver cela.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous prie, de m'excuser. La question

 22   était de savoir si Srebrenica était une zone démilitarisée. Quelle est la

 23   réponse que vous apportez à cette question ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, c'était une zone

 25   démilitarisée.

 26   Mais savez-vous, Monsieur Karadzic, lorsque le Bataillon canadien est

 27   arrivé, vous avez commis un massacre très important en 1993. Durant le mois

 28   d'avril, 60 habitants ont été tués, des femmes, des enfants, des adultes,

Page 1420

  1   devant le bâtiment d'un établissement scolaire ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, nous n'avons pas

  3   beaucoup de temps, donc je vous prie de vous concentrer sur les questions.

  4   Passons à la question suivante, s'il vous plaît.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Par conséquent, le massacre que vous avez mentionné, nous avons des

  7   preuves qui montrent que cet acte a été commis par Naser Oric sur ordres de

  8   Sarajevo. Mais restons-en-là pour ceci.

  9   Quoi qu'il en soit, vous viviez à Srebrenica. Et j'aimerais savoir si ce

 10   dénommé Golic était à Srebrenica ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que Golic n'est pas un meurtrier qui a commis plusieurs meurtres

 13   ?

 14   R.  Je ne sais pas. Je n'avais pas vraiment de contacts sociaux avec lui.

 15   Q.  Qui était, en fait, le responsable de Srebrenica à

 16   l'époque ?

 17   R.  Bien, qui ? La population, je dirais. Il n'y avait pas vraiment de

 18   personne responsable. Il n'y avait pas de responsable au singulier ni au

 19   pluriel. C'étaient des populations pauvres. Nous n'avions pas de sel

 20   pendant des mois. Et vous ne pouvez être responsable que si vous avez

 21   beaucoup d'argent.

 22   Q.  Bien, qui était l'autorité principale à Srebrenica ?

 23   R.  Bien, le responsable de la municipalité, et c'est le même maintenant

 24   que celui qui était à l'époque lorsque Srebrenica est tombée.

 25   Q.  Est-ce qu'il n'y a pas eu des meurtres commis des deux côtés à

 26   Srebrenica ?

 27   R.  Je ne sais pas. Peut-être qu'il y a eu des cas isolés, mais je n'ai pas

 28   vu des gens prendre à parti d'autres gens à Srebrenica.

Page 1421

  1   Q.  Est-ce que vous avez entendu parler de Nurif Rizvanovic ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que vous acceptez qu'il a été tué par un groupe qui appartenait

  4   à Naser Oric ?

  5   R.  J'en ai entendu parler, mais je n'ai pas vu cela.

  6   Q.  Est-ce qu'il y avait des armes qui ont été amenées à Srebrenica durant

  7   la guerre ?

  8   R.  Ça, je ne sais pas non plus. J'étais un menu fretin, vous savez à

  9   Srebrenica. Je n'étais pas très important.

 10   Q.  Monsieur le Témoin, passons directement à 1995. Ce serait préférable,

 11   car j'ai noté un certain nombre de contradictions que je vais transmettre

 12   aux Juges de la Chambre de manière acceptable le moment voulu.

 13   Vous avez dit que vous n'avez jamais entendu ni vu de combats avant le 11

 14   juillet à Srebrenica, n'est-ce pas ?

 15   R.  C'est exact, il n'y avait pas de combats. Et des gens sont partis sans

 16   que des tirs aient été échangés.

 17   Q.  Vous avez dit, dans le compte rendu d'audience du procès du 11 mars

 18   2010, T-513 à T-5873, il s'agit de la page 519, je crois, voilà ce que vous

 19   avez dit :

 20   "Tout le monde a décidé de partir le 11 juillet 1995. Personne n'est resté

 21   à Srebrenica. Personne n'est resté à Srebrenica, mis à part les personnes

 22   handicapées, que les forces serbes ont probablement tuées si elles

 23   s'étaient trouvées face à face avec ces personnes handicapées. Tout le

 24   monde avait dû partir."

 25   Monsieur le Témoin, est-ce que l'armée serbe a vraiment tué des handicapés

 26   à Srebrenica ?

 27   R.  Je crois. Il y avait un homme de mon village. Son fils l'a fait sortir.

 28   Il avait entre 75 à 80 ans. Ce n'était pas un invalide, mais il ne pouvait

Page 1422

  1   pas vraiment marcher pendant très longtemps. Et ils disent qu'ils l'ont

  2   envoyé devant un bâtiment, et l'armée serbe est arrivée ce jour-là. L'homme

  3   n'a pas été transféré ailleurs, donc je suppose qu'il a été exécuté, qu'il

  4   a été tué immédiatement.

  5   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous avez vu plutôt que de ce

  6   que vous pensez qu'il s'est passé ?

  7   R.  Bien, il n'y a eu aucun signe d'échange, donc je suppose que les

  8   premières personnes qui sont arrivées l'ont tué. Maintenant, je ne sais pas

  9   s'il y avait quelqu'un d'autre. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ce

 10   vieil homme.

 11   Q.  Monsieur le Témoin, vous dites très souvent que vous n'avez plus jamais

 12   vu quelqu'un. Est-ce que cela signifie peut-être que cette personne aurait

 13   été transférée ailleurs ou qu'elle aurait fait l'objet d'un échange ?

 14   R.  Bien, je connais sa famille, son fils était présent. Il habitait pas

 15   loin de chez moi après la chute de Srebrenica en tant que réfugié. Son père

 16   n'est jamais revenu. Un de ses fils était basé à Tuzla.

 17   Q.  Monsieur le Témoin, M. Nicholls vous a dit hier, votre frère qui était

 18   handicapé, est arrivé, a monté à bord d'un véhicule, et de se rendre à

 19   Kladanj ou à Tuzla. Enfin, quoi qu'il en soit, de passer en territoire

 20   musulman. Est-il arrivé à faire ceci tout seul ou est-ce qu'on l'a aidé ?

 21   R.  Bien, il a eu beaucoup de chance, parce qu'on avait séparé différentes

 22   personnes les unes des autres. Et lorsqu'un soldat serbe est arrivé devant

 23   lui, il a dit : Bien, monte dans le camion. Alors qu'en fait il avait deux

 24   béquilles. Il a dit : Je ne peux pas monter à bord de ce camion. Et

 25   quelqu'un d'autre a dit : Bien, il y a un bus que vous pouvez utiliser, et

 26   il est donc monté à bord de ce bus. Donc une personne rom, je crois qu'il

 27   s'appelait Zano, il a dit : Appelez-le, et ils ont également arrivé à

 28   monter à bord de ce bus, et ils ont été acheminés ailleurs.

Page 1423

  1   Q.  Vous nous dites que tout le monde a décidé de quitter Srebrenica le 11.

  2   C'est ce que vous avez dit à un moment donné dans votre déposition. Puis

  3   dans le procès Popovic, il s'agit du compte rendu du 26 août - 742, c'est

  4   le numéro de la page - vous dites que quelqu'un est venu et vous a dit :

  5   Maintenant, nous devons quitter Srebrenica.

  6   R.  Personne n'a dit cela. Mais les gens ont décidé de se qu'ils allaient

  7   faire, ils ont décidé entre eux. Personne n'a informé qui que ce soit de

  8   quoi que ce soit.

  9   Q.  Et quelle a été la décision ?

 10   R.  Bien, bien sûr, les gens ont décidé de partir dans les bois, c'est

 11   ainsi qu'ils ont procédé.

 12   Q.  Nous avons donc deux groupes de personnes. Nous avons les personnes qui

 13   avaient décidé de partir dans les bois et de partir en direction de Tuzla

 14   et de combattre. Qu'en est-il des civils qui ont décidé de demander l'aide

 15   aux Nations Unies le 11 ?

 16   R.  Bien, il y avait de nombreuses personnes, des femmes, des enfants. Il y

 17   a qu'une seule femme qui n'est pas arrivée à se rendre à Potocari. Mais

 18   quoi qu'il en soit, les habitants de Potocari ont souffert de la même

 19   manière que ceux qui sont arrivés dans les bois. Très peu de personnes sont

 20   arrivées à traverser la frontière.

 21   Q.  Merci. J'aimerais savoir qui vous a aidés à vous rendre à Potocari ?

 22   R.  Il y avait des véhicules, des camions qui venaient de Srebrenica. Je ne

 23   sais pas si c'était la FORPRONU, mais il y avait des camions qui étaient

 24   basés à Srebrenica, puis il y avait des personnes qui étaient capables de

 25   prendre la route à pied et qui ont procédé de cette manière.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que M. Karadzic vérifiait la citation

 28   à la page 742, ou s'il ne s'agit pas d'une autre page du compte rendu

Page 1424

  1   d'audience ? Parce que le témoin n'a pas dit que quelqu'un est venu et lui

  2   a demandé de partir. Il a dit, en fait :

  3   "Nous avons pris la décision nous-mêmes."

  4   M. KARADZIC : [interprétation] Il s'agit de la citation suivante dans

  5   l'affaire Popovic :

  6   "Nous devons partir de Srebrenica."

  7   Donc, qui a dit cela ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Qui a dit cela ?

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Vous avez dit cela.

 11   R.  Non, non. Nous devions quitter Srebrenica. Les populations dans les

 12   hauteurs de Srebrenica sont parties la veille, et elles se sont retirées de

 13   la zone où se trouvait l'hôpital. Ensuite, il y a eu beaucoup de confusion.

 14   Les gens ne savaient pas vraiment que faire, et ils ont pris leur propre

 15   décision. Ils ont décidé de partir dans les bois.

 16   Q.  Vous parlez du groupe qui est parti avec l'armée en direction des bois.

 17   Tout d'abord, essayons de voir quand les personnes sont parties en

 18   direction de Potocari.

 19   R.  Les gens sont partis à Potocari le 11 juillet. Elles sont toutes

 20   parties le 11 juillet en direction de Potocari, et nous, nous avons

 21   traversé les zones boisées.

 22   Q.  Monsieur le Témoin, j'aimerais savoir si la FORPRONU vous a aidés. Est-

 23   ce que la FORPRONU a aidé les gens à se rendre à

 24   Potocari ?

 25   R.  Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que lorsque je suis parti de

 26   Srebrenica, un obus est tombé à proximité de la base de la FORPRONU. C'est

 27   là où les gens ont commencé à monter à bord de camions. Je crois qu'ils ont

 28   enlevé la partie qui couvrait le camion. Un homme qui était avec moi s'est

Page 1425

  1   séparé de sa fille. Sa fille est restée, elle pleurait, et nous, nous

  2   sommes partis en direction des bois.

  3   Q.  Quant à votre frère handicapé, est-il resté à Srebrenica ou est-ce

  4   qu'il s'est rendu à Potocari ?

  5   R.  Il est parti vers Potocari. Il s'agissait d'un homme handicapé

  6   également, qui n'avait plus qu'un bras, qui l'a aidé à se rendre à Potocari

  7   à bord d'un camion.

  8   Q.  Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que vous étiez rassemblés à

  9   Susnjari.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Combien y avait-il de personnes ?

 12   R.  Je pense qu'il y avait environ 15 000 personnes, peut-être un peu plus.

 13   Q.  C'est votre propre évaluation ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et parmi ces 15 000 personnes, combien étaient armées ?

 16   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas. Peut-être qu'il y avait 400 fusils.

 17   Q.  Des fusils ? Comment se fait-il qu'ils avaient d'un seul coup des armes

 18   ?

 19   R.  Je ne sais pas. J'étais de la troisième municipalité. Je ne connaissais

 20   pas ces personnes. Mais c'était peut-être un coup de chance. Peut-être

 21   qu'ils avaient caché ces armes. Les personnes qui étaient armées sont

 22   arrivées à traverser les lignes alors que ceux qui n'avaient pas des armes

 23   sont dans des charniers, ou peut-être qu'elles sont à Tuzla dans ces sacs.

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   R.  Non.

 26   Q.  Cependant, quand vous avez déposé dans l'affaire Krstic, il s'agit du

 27   compte rendu d'audience - en fait, c'était lors des audiences des 11 et 12

 28   avril. Page 2 652 - vous avez déclaré que les commandants étaient au

Page 1426

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 1427

  1   courant, qu'ils devraient être au courant de cela, à savoir de la décision

  2   de traverser les bois.

  3   R.  Pas du tout. Lorsque nous nous sommes rassemblés à Susnjari, il était

  4   évident que cette colonne a commencé à entrer en mouvement, et je ne peux

  5   pas vraiment me prononcer, moi. J'ai quitté Susnjari avec le dernier

  6   groupe. Je ne sais pas s'ils ont pris une décision pour savoir s'ils

  7   allaient partir ou pas. Il y avait trop de personnes qui faisaient partie

  8   de cette colonne. Quoi qu'il en soit, durant la nuit la colonne est partie,

  9   et moi, je suis parti en fin de l'après-midi le lendemain.

 10   Q.  Une colonne a été constituée à Susnjari ? A quelle date ?

 11   R.  Nous sommes arrivés le 11, donc probablement le 11 au soir. Cela

 12   signifie que j'ai quitté Susnjari le 12.

 13   Q.  Cette colonne était composée de combien de personnes ?

 14   R.  Je vous l'ai déjà dit, personne ne pouvait savoir combien il y avait de

 15   personnes dans cette colonne. Cette colonne était constamment étoffée par

 16   de nouvelles personnes. Tout le monde partait de cette manière.

 17   Q.  Ensuite, vous êtes passés par la forêt Buljin ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Il y a des éléments que je ne comprends pas. Où était votre frère ? Un

 20   moment vous aviez perdu de vue, ensuite vous l'avez retrouvé. Où est-ce que

 21   vous l'avez retrouvé ?

 22   R.  Nous avons traversé la forêt de Buljin, et on avait une bonne

 23   visibilité, puis la nuit est tombée. Je n'ai pas pu dormir. Cette nuit-là

 24   j'ai dormi sous un arbre. Lorsque je me suis levé, j'ai retrouvé mon frère.

 25   Il y avait un groupe qui allait de l'avant et un autre qui repartait en

 26   arrière. C'est ainsi que j'ai retrouvé mon frère.

 27   Q.  Dans l'affaire Popovic, lors des audiences des 24 et 25 août - numéro

 28   de page 648 - vous dites que vous avez retrouvé votre frère et que vous

Page 1428

  1   étiez assis à cet endroit-là.

  2   R.  Tout à fait. Nous sommes restés assis pendant quasiment toute la

  3   journée.

  4   Q.  La journée du 13 ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et un peu plus tard dans votre déposition, ou plutôt dans votre

  7   audition devant le juge d'instruction de la haute cour de Tuzla, le 29

  8   juillet 1995 à la page 5, voilà ce que vous dites. Il s'agit d'une

  9   traduction en anglais :

 10   "J'ai commencé à partir dans la direction de Konjevic Polje par le biais

 11   des forêts ou à travers les forêts au-dessus de Kamenica."

 12   Est-ce que c'est ce que vous avez dit ?

 13   R.  Non. Lorsque nous sommes partis en direction de Kamenica, c'est là que

 14   nous avons, en fait, décidé de nous rendre. Nous étions toujours dans la

 15   forêt. Nous n'avons pas vu un seul pré avant que nous entendions les appels

 16   des Serbes qui nous demandaient de nous rendre.

 17   Q.  Cependant, dans l'affaire Popovic votre déposition du 25, à la page

 18   643, vous dites quelque chose qui est similaire de ce que vous dites

 19   maintenant :

 20   "…Non, je ne sais pas. Je vous ai simplement dit que nous sommes passés par

 21   des villages qui avaient été incendiés, et nous savions qu'il s'agissait

 22   d'un village musulman, puisque ce village avait été incendié, et nous

 23   devions, en fait, nous rendre à cet endroit-là."

 24   Est-ce exact de dire que vous ne saviez pas où était Kamenica ?

 25   R.  Non, non. Mais de toute façon, il ne s'agit pas du village de Kamenica,

 26   il s'agit de Kamenice, qui faisait partie de la municipalité de Konjevic

 27   Polje.

 28   Q.  Et vous avez dit que vous avez découvert des corps de personnes qui

Page 1429

  1   avaient été tuées, et dans l'affaire Popovic, dans votre déposition - page

  2   du compte rendu d'audience 843 - vous dites que vous avez vu environ 50

  3   corps le long de la route ?

  4   R.  Oui, tout à fait.

  5   Q.  Cependant, dans l'affaire Tolimir, compte rendu d'audience du 11 mars

  6   2010, pages 513 à 584, ligne 10, vous avez dit :

  7   "Je pouvais voir des corps de civils dans la forêt à droite de la route. A

  8   gauche, il y avait une petite côte, et par conséquent, je ne pouvais pas

  9   voir les corps dans cette direction. Je ne sais pas comment ces personnes

 10   ont été tuées. J'ai vu un homme qui était dans un groupe de deux ou trois

 11   personnes, et j'ai vu qu'il y avait des corps également qui avaient été

 12   démembrés. Je crois qu'il y avait plus de 500 corps dans la forêt."

 13   R.  Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Je n'ai pas dit que des gens avaient

 14   été massacrés. Je ne me souviens pas -- et M. Tolimir ne m'a pas posé ce

 15   genre de questions.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est le moment de

 17   faire la pause. Je dois vous demander de combien de temps vous aurez encore

 18   besoin ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 20   Juges, j'ai parcouru différents sujets très rapidement et j'ai essayé

 21   d'identifier des incohérences. Cependant, nous arrivons à une période qui a

 22   suscité de nombreuses histoires incroyables, donc j'espère que je pourrais

 23   bénéficier au moins d'une autre séance, si possible.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez déjà consacré quatre heures à

 25   votre contre-interrogatoire. J'espère que vous pourrez conclure en l'espace

 26   d'une demi-heure lors de la prochaine séance.

 27   Monsieur Nicholls, pouvez-vous répondre à la question concernant la carte

 28   de la FORPRONU ?

Page 1430

  1   M. NICHOLLS : [interprétation] Non. Je ne connais pas cette carte,

  2   Monsieur le Président. Cette carte n'a pas de numéro ERN. Je n'ai jamais vu

  3   cette carte auparavant. Donc je vérifierai ceci après la pause.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait apporter

  5   une cote provisoire à cette carte ?

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, tout à fait.

  7   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] 

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce D69, en cote

  9   provisoire.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai une autre question à vous à poser,

 11   Monsieur Nicholls. Il s'agit des numéros de pages que M. Karadzic a

 12   mentionnés. Je ne pouvais pas trouver les passages.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Moi non plus je n'ai pas pu trouver cela --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourrez vérifier tout

 15   ceci pendant la pause de façon à ce qu'on puisse régler tout cela avant que

 16   nous reprenions notre audience ?

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 25

 19   minutes.

 20   --- L'audience est suspendue à 15 heures 39.

 21   --- L'audience est reprise à 16 heures 06.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Effectivement, nous avons un nouveau membre de

 24   l'équipe, M. Patrick Hayden.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, bienvenue.

 26   Poursuivons, Monsieur Karadzic.

 27    L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   Avant de reprendre, je voudrais simplement vous donner des références.

Page 1431

  1   Popovic, 25 août 2006, lorsqu'il a été dit :

  2   "Les gens," c'est ce qu'on dit chez nous les gens, "il faut partir de

  3   Srebrenica."

  4   Page 17 -- non, ligne 17. C'est la page 814. Date, le 25 août 2006.

  5   Eh puis, il y avait Krstic : "Il fallait que les commandants le sachent."

  6   Le 11 avril 2000, ligne 5, page 2 652.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avançons.

  8   Excusez-moi, Monsieur Hayden. Effectivement, j'aurais dû laisser M. Tieger

  9   terminer.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Il y a quelques instants, vous avez dit quelque chose qui a semé la

 12   confusion dans mon esprit. Vous avez dit qu'il n'y avait pas eu de combat

 13   et qu'il y avait des gens qui étaient partis même avant le 11, le 9 et le

 14   10. Voulez-vous dire que Srebrenica n'était pas défendue, était abandonnée

 15   ?

 16   R.  Non, ce n'était pas défendu, Srebrenica.

 17   Q.  Vous dites que Srebrenica n'était pas défendue et que les Serbes ont pu

 18   simplement entrer comme ça ?

 19   R.  Mais bien sûr.

 20   Q.  Merci. Je vous l'ai dit, Monsieur le Témoin, vos déclarations

 21   présentent beaucoup de différences à beaucoup d'endroits. Je ne peux pas

 22   toutes les aborder, mais j'aimerais vous dire ceci.

 23   Vous avez décrit la colonne dans laquelle vous vous trouviez. Vous

 24   avez dit ceci : il y avait une colonne, et tout à fait à l'arrière, il y

 25   avait un véhicule blanc des Nations Unies. C'était l'aspect précis qu'avait

 26   la colonne des civils allant à Kladanj. Vous êtes allé à Kladanj ?

 27   R.  Non, j'ai été à Zvornik. Mais qui dit que la colonne est partie avec ce

 28   véhicule blanc ? Ce véhicule blanc, on l'a vu à Divic, devant l'hôtel

Page 1432

  1   Vidikovac. Mais moi, non, je ne suis pas allé à Kladanj. J'ai été à

  2   Zvornik.

  3   Q.  On n'a pas signalé de vol de véhicule de l'ONU. Vous dites qu'il y

  4   avait, tout à fait à l'arrière de votre colonne, un véhicule qui vous

  5   escortait.

  6   R.  Mais non, non, non. Le véhicule, il était tout à fait à l'avant. On l'a

  7   vu quand on est partis de la carrière vers Divic, où il y avait ce tunnel.

  8   Et j'ai vu ce véhicule dans la cour de l'école. C'est certain, il avait été

  9   confisqué à la FORPRONU.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Une fois de plus, objection au commentaire

 12   fait, qui dit, par exemple, il y a beaucoup d'incohérences, mais je ne

 13   pourrais pas toutes les aborder.Je pense qu'effectivement, s'il avait

 14   décelé des incohérences, il aurait pu le dire. Et de nouveau, ici, on ne

 15   donne pas de citations de la colonne. Et d'après le souvenir que j'ai, ce

 16   n'est pas une citation exacte. Là aussi, la dernière mention est

 17   incorrecte. Je vous rappelle ce qui a été dit dans le procès Tolimir, par

 18   exemple, à propos de cinq [comme interprété] cadavres qui étaient dans les

 19   bois. Ça ne se trouve pas aussi. Je pense que quand on fait un contre-

 20   interrogatoire, on doit être précis et soigneux.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez compris, Monsieur

 22   Karadzic ?

 23   Vous dites de façon générale ceci, par exemple, vous dites qu'il y a

 24   beaucoup de contradictions. C'est général, mais ça n'aide pas du tout la

 25   Chambre si ça reste général. Avançons.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis prêt à vous soumettre tout ceci par

 27   écrit pour vous dire à quoi ceci se réfère.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 1433

  1   Q.  Monsieur le Témoin, vous dites qu'ils criaient. C'est bien ce que vous

  2   avez dit, n'est-ce pas, vous avez dit qu'ils criaient et qu'ils disaient :

  3   Emmène-les à Alija, même si vous avez dit "Halija". Vous savez que les

  4   Serbes n'utilisent pas le phonème H au début des noms comme vous le faites.

  5   En fait, vous faites plus souvent recours au H. Emmène-les à Fikret et à

  6   Halija.

  7   R.  Ecoutez, quand nous avons passé la nuit à Bratunac, là où ils ont tué

  8   qui ils voulaient, ils cherchaient des gens dans ces villages bien connus

  9   de Srebrenica, et de là, ils ont dit : Emmenez-les à Fikret ou à Halija et

 10   faites-les procéder à un échange.

 11   Q.  Compte rendu d'audience Popovic 2006, 668. On parlait de quel Fikret

 12   ici ?

 13   R.  C'était sans doute Fikret Abdic. Il ne peut pas y en avoir d'autres.

 14   Q.  Est-ce que vous savez qu'à ce moment-là, Fikret Abdic et Alija

 15   Izetbegovic étaient des ennemis jurés, n'est-ce pas, et Fikret Abdic

 16   c'était un allié serbe ?

 17   R.  Oui, oui, c'était un allié serbe. Et sans doute qu'ils pensaient à

 18   Fikret Abdic. Mais ils ne l'ont pas dit. Moi, je n'ai pas dit : Emmène-les

 19   à Fikret Abdic et Alija Izetbegovic. Ils ont simplement dit : Emmène-les

 20   voir Alija et Fikret.

 21   Q.  Mais il n'y a pas d'autre Fikret connu ?

 22   R.  Je ne sais pas. Peut-être que oui. Peut-être que vous en

 23   connaissez un.

 24   Q.  En plus, vous avez dit qu'il y avait certains hommes d'Arkan sur place

 25   ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Vous êtes le seul à parler des hommes d'Arkan --

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Si l'Accusation veut suivre,

Page 1434

  1   vous devriez lui donner un numéro de page.

  2   Oui, Monsieur Nicholls. C'est ce que vous vouliez dire ?

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Tout à fait. Je me demandais où on était

  4   dans la chronologie de la déposition du témoin, parce que maintenant on

  5   parle des hommes d'Arkan. Je pense savoir où se trouve cette référence,

  6   mais j'aimerais avoir le numéro de page.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   Monsieur Karadzic, où est-ce qu'elle est cette page ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le compte rendu du 11 mars 2010, dans le

 10   procès Tolimir, et le numéro page c'est la page 526. A propos des hommes

 11   d'Arkan.

 12   Q.  Vous êtes le seul qui pouvait penser qu'Arkan et les hommes d'Arkan se

 13   trouvaient sur un même territoire qui faisait à peu près 100 kilomètres à

 14   l'époque en juillet 1995. Il n'y avait pas d'hommes d'Arkan sur ce terrain

 15   à l'époque.

 16   R.  Là où on nous a emmenés comme prisonniers dans ce champ, quand ils se

 17   sont relevés, ceux qui sont partis, ils ont dit : Ce sont les hommes

 18   d'Arkan. Les soldats qui se sont trouvés là, les premiers, puis qui ont été

 19   remplacés par d'autres, ce sont eux qui sont dit : Ce sont les hommes

 20   d'Arkan. Ce n'est pas moi qui l'ai dit.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, là, il faut

 23   revenir aux lignes directrices qu'il faut adopter. On n'est pas censé

 24   paraphraser la déclaration du témoin. Dans la mesure du possible, il faut

 25   en faire une lecture intégrale.

 26   Le témoin vient de répondre. Mais si vous regardez la citation, le

 27   témoin n'a pas dit - alors que la question laissait entendre qu'on parlait

 28   des hommes d'Arkan. Mais quand on voit, on ne sait pas où c'est, mais dans

Page 1435

  1   le contexte, c'est la prairie, le pré de Sandici. Ce n'est pas ce qu'a dit

  2   le témoin dans sa déclaration écrite. Ce qu'il a dit c'est qu'il y avait un

  3   autre groupe qui était supposé arriver, et ce groupe de soldats a dit :

  4   Voilà, ce sont les hommes d'Arkan, ici.

  5   Les lignes directrices interdisent qu'on ne modifie les dires du

  6   témoin. Il faut donc faire preuve de précision, je le rappelle une fois de

  7   plus en posant les questions.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout à fait d'accord. Si vous citez une

  9   déclaration antérieure du témoin, soyez précis, Monsieur Karadzic.

 10   Effectivement, on avait dit "2005" mais on voulait sans doute dire "1995."

 11   Merci, Monsieur Nicholls.

 12   Poursuivons.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Votre Excellence, le témoin a confirmé l'avoir

 14   dit lorsqu'il a répondu à ma question. Mais je n'ai pas assez de temps,

 15   vous voyez, mais il a dit : Voilà, ce sont les hommes d'Arkan. Il a dit

 16   dans le procès, dans le procès Tolimir, en 2010, page 526 du compte rendu

 17   d'audience, puis il a ajouté :

 18   "Plus tard, l'unité qui surveillait les prisonniers a été remplacée par une

 19   autre unité composée d'environ 50 hommes armés de fusils automatiques. Les

 20   gardes, avant de partir, nous ont dit que cette unité était composée

 21   d'hommes d'Arkan. Le témoin n'a pas pu voir les insignes arborés. Ces

 22   soldats portaient le même uniforme de camouflage, le même uniforme que ceux

 23   qui sont partis."

 24   C'est donc ce qui a été déclaré dans la déclaration du témoin du 14 et du

 25   15 août 1995.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur le Témoin, le 13, vous avez passé toute la journée dans les

 28   bois, n'est-ce pas ?

Page 1436

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Quand est-ce que vous vous êtes rendu ?

  3   R.  Je pense qu'il y avait un premier ultimatum, c'était jusqu'à 10 heures.

  4   Le deuxième, jusqu'après 4 heures, et on s'est rendu, je ne sais pas

  5   combien de temps ça a pris. C'était juste avant la tombée de la nuit.

  6   Q.  Quel jour vous êtes-vous rendu ?

  7   R.  Je pense que c'est 13.

  8   Q.  Vous pensez ou vous le savez ?

  9   R.  Mais c'était, bien sûr, le 13, parce qu'on est parti le 12, et le 13,

 10   on s'est rendu.

 11   Q.  Et où est-ce que vous vous êtes rendu, à quel endroit ?

 12   R.  Du côté de Sandici, il me semble.

 13   Q.  Savez-vous qui vivait à Sandici, personne n'y habitait ?

 14   R.  Personne n'y vivait avant, c'étaient les Musulmans.

 15   Q.  Mais c'est un village serbe ?

 16   R.  Peut-être que oui, mais il y a quand même beaucoup de Musulmans qui

 17   habitaient.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je montrer au témoin un document reçu hier

 19   soir, écrit par M. Naser Oric en personne. Je vais d'abord en donner

 20   lecture.

 21   "Conditions relatives à Sandici. Que nous ne pouvons pas remplir. Nous

 22   sommes d'accord pour un échange complet, sans armes; au contraire, nous

 23   n'allons pas nourrir vos gens."

 24   Nous avons la date du 10 juin, commandant de Srebrenica, et "on agira

 25   de façon sommaire," a-t-il dit.

 26   On a ici "po kratkom postupku", ça veut dire quoi dans votre langue ?

 27   R.  Quelle date ?

 28   Q.  Le 10 juin 1992. Qu'est-ce que ça veut dire quand Oric écrit : On va

Page 1437

  1   s'occuper de vos gens, comme ça de façon sommaire, on ne va pas leur donner

  2   à manger. Qu'est-ce que cela veut dire ?

  3   R.  Kravica c'était avant Sandici. On ne pouvait pas arriver à Sandici en

  4   passant par Kravica, comme vous, vous le dites.

  5   Q.  Mais il avait capturé des gens ?

  6   R.  Mais c'est loin de Srebrenica. Ça fait partie de Bratunac.

  7   Q.  Oui, mais Kravica ça fait partie de Bratunac aussi. Ça a été attaqué

  8   par Oric.

  9   R.  Mais tout est à tout le monde. S'ils ont attaqué d'autres, les autres

 10   les ont attaqués aussi. C'est tout à fait normal. Naser Oric, en 1992, il

 11   aurait été -- c'était en 1992, qui était en 1995.

 12   Q.  Mais qu'est-ce que ça veut dire, chez vous "po kratkom postupku",

 13   qu'est-ce que ça veut dire dans notre langue ?

 14   R.  Je ne sais pas si Naser Oric l'a signé. Je peux vous dire qu'il n'avait

 15   rien à voir avec Sandici à l'époque, je vous le garantis ça. Parce que

 16   Naser Oric, il était handicapé, il était assiégé en 1992. Tout ce qu'il

 17   pouvait faire au maximum, c'était capturer quelqu'un, mais il ne pouvait

 18   pas avoir une seule balle de qui que ce soit à l'époque.

 19   Q.  Ce n'est pas ce que je vous demande. Je vous demande ce que cette

 20   phrase veut dire dans notre langue.

 21   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas si cela veut dire qu'il faut les tuer ou

 22   les relâcher. Mais je ne pense pas que ce soit Naser Oric qui ait écrit ça

 23   du tout.

 24   Q.  Est-ce qu'on exécute quelqu'un sommairement ou est-ce qu'on les relâche

 25   ? Vous le savez ?

 26   R.  Mais c'est vous qui savez ça, parce que c'est vous qui avez fait ça de

 27   façon sommaire en Srebrenica en 1995. C'est vous qui êtes le mieux placé

 28   pour expliquer cette phrase aux Juges de la Chambre.

Page 1438

  1   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. Nous n'avons que peu de temps, et tout le

  2   monde sait ce que ça veut dire, "sommairement". "Po kratkom postupku", ça

  3   veut dire qu'une procédure abrégée, exécution sommaire.

  4   R.  C'est notre faute si vous nous avez exécutés ? C'est nous qui sommes

  5   coupables ? La seule culpabilité que nous avons, c'est d'avoir été chassé

  6   de nos foyers parce qu'on était Musulmans, et pas Serbes de Bosnie. Parce

  7   que c'était ça votre plan, c'était de créer un territoire ethnique, une

  8   Grande-Serbie. Parce que votre président, Slobodan Milosevic, il disait

  9   toujours : On veut que tous les Serbes vivent dans une seul et même Etat.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ce n'est pas vous qui

 11   déposez maintenant. Contentez-vous de poser une question au témoin. Une

 12   fois qu'il a répondu, posez-en une autre. Mais ne faites pas de discours,

 13   ce n'est d'aucune assistance pour la Chambre.

 14   Vous avez besoin d'encore combien de temps ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une dizaine de minutes. J'espère que ça

 16   suffira. Je ne peux pas avoir plus, mais j'aimerais passer à un autre lieu,

 17   Grabovci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Je sais plus où l'avez dit, mais vous avez dit que vous étiez monté en

 20   voiture sur la pente  --

 21   R.  Mais dans quel sens, quelle route ?

 22   Q.  Vous avez passé combien de temps à Bratunac ?

 23   R.  J'y ai passé toute la nuit. Nous sommes partis à l'aube. Nous sommes

 24   partis de Bratunac vers un Andagina Njiva, et nous avons monté cette côte,

 25   et c'est la seule fois qu'il était possible de voir la colonne à ce moment-

 26   là. On ne pouvait la voir nulle part ailleurs à Andagina Njiva. Donc parce

 27   que j'étais dans un camion remorque. Donc c'est seulement quand on montait,

 28   qu'on descendait, qu'on voyait quelque chose.

Page 1439

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer quelques instants à

 11   huis clos partiel ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous sommes maintenant à huis clos

 13   partiel.

 14   [Audience à huis clos partiel]

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 1440

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14   [Audience publique]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 16   La question était de savoir pourquoi vous ne l'aviez pas contacté. Pourquoi

 17   est-ce que vous ne vous étiez pas approché de

 18   lui ? Maintenant, vous pouvez répondre, Monsieur le Témoin.

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Essayez de ne pas oublier de ne pas

 26   donner de noms précis, s'il vous plaît. Est-ce que vous comprenez ce que je

 27   veux dire ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas le dire autrement.

Page 1441

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons passer quelques instants à

  2   huis clos partiel, et nous allons procéder à l'expurgation de la ligne 2 à

  3   la ligne 6.

  4   [Audience à huis clos partiel]

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 1442

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3   [Audience publique]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Karadzic.

  5   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  6   Q.  Monsieur le Témoin, le chauffeur qui vous a emmené de Konjevic Polje à

  7   Bratunac, c'était le même chauffeur que celui qui vous avait emmené au-delà

  8   ?

  9   R.  Oui. Oui. Ce chauffeur a conduit depuis le moment où on est monté

 10   jusqu'à Bratunac, puis de Bratunac à Orahovac.

 11   Q.  Et lui s'appelle Saban.

 12   R.  Non, non. Saban, c'est celui qui a été tué. Il était dans mon camion,

 13   et lorsque nous sommes arrivés à Bratunac il était chauffeur de son état.

 14   Il était chauffeur dans une entreprise, et il a parlé d'un garage

 15   quelconque, mais Saban, ce n'était pas un Serbe. Nous, on a été conduits

 16   par un Serbe.

 17   Q.  Revenons eu peu à l'école. On vous a bandé les yeux, c'est cela ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Où est-ce qu'on vous a bandé les yeux ?

 20   R.  A l'école.

 21   Q.  Est-ce qu'on vous a ligoté les poignets ?

 22   R.  Non. On m'a juste mis un bandeau sur les yeux.

 23   Q.  Mais c'était en quoi ?

 24   R.  Une espèce de tissu de chemise. Que sais-je, un tissu.

 25   Q.  Vous avez dit que ce bandeau, vous l'enleviez ça et là ?

 26   R.  Oui. On l'enlevait pendant qu'on remplissait le camion et on chargeait

 27   sur place. Puis lorsque le camion a commencé à rouler, nous on la -- enfin,

 28   on nous a d'abord demandé : Où est-ce que vous les emmenez ? Ils ont dit :

Page 1443

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 1444

  1   On les emmenait au camp. Les gens ne posaient plus de questions. Pour ne

  2   pas être malmenés, nous, on a remis les bandeaux une fois que le camion a

  3   démarré.

  4   Q.  Vous avez remis vous-mêmes les bandeaux ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Mais pourquoi ?

  7   R.  Mais on n'osait pas. On avait peur. Il y en avait un qui avait un béret

  8   rouge qui était avec nous. Il était assis à côté de nous, ou il était près

  9   du chauffeur. On ne sait pas trop.

 10   Q.  Ils étaient au total quatre ?

 11   R.  Qui ?

 12   Q.  Vous avez dit plus tôt qu'ils étaient plus de quatre.

 13   R.  Ils étaient plus de quatre. Lorsque celui qui avait conduit

 14   l'excavatrice avait dit qu'il resterait, l'autre lui avait laissé trois

 15   hommes. Ensuite, il a dit qu'il allait partir vers ce pré tondu pour

 16   continuer à tuer les gens. Ils étaient plus. Mais moi, j'ai entendu trois

 17   noms et un surnom.

 18   Q.  Merci. Ils tiraient avec quoi ?

 19   R.  Avec des armes automatiques. Je n'ai pas vu les armes, mais c'étaient

 20   des armes qui tiraient automatiquement.

 21   Q.  Est-ce qu'il y avait des cadavres déjà avant que vous arriviez ?

 22   R.  Il y avait des tas de cadavres. Il y avait peut-être la demie de la

 23   salle avant que je n'arrive qui était déjà parti, ou plus de la moitié.

 24   Q.  Expliquez-nous un peu, mais assez rapidement. Vous entrez. On vous met

 25   un bandeau. Vous passez par une espèce de rampe à bord d'un camion TAM.

 26   R.  Dans cette salle il y a une espèce de bâtiment connexe. Ils ont fait un

 27   trou dans le mur, et ils ont appuyé le bas du camion vers ce trou comme si

 28   c'était une espèce de rampe. Ils avaient peut-être peur que les civils ne

Page 1445

  1   voient et ne le disent à quelqu'un. Toujours est-il que j'ai vu sur place

  2   que le mur qu'on avait percé avait été renforcé avec des blocs en béton

  3   lorsque nous sommes allés par la suite faire le tour de ces lieux.

  4   Q.  Donc c'est les yeux bandés que vous êtes montés à bord du véhicule,

  5   n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Combien de pas pouvez-vous faire avec les yeux bandés ?

  8   R.  Mais c'était juste un ou deux pas de là où on était, et on était déjà

  9   monté.

 10   Q.  Et les corps, ils se trouvaient disséminés où ?

 11   R.  Ils étaient disséminés dans le pré, parce que les gens, ils tombaient

 12   dans le pré. Une fois que ce site était rempli, ils sont allés vers l'autre

 13   pré où on avait tondu l'herbe pour tuer les autres.

 14   Q.  Mais que faisait cette excavatrice ?

 15   R.  Elle creusait un trou, une fosse.

 16   Q.  Si je vous dis, Monsieur, que vous n'étiez pas à cet endroit-là, que me

 17   diriez-vous ?

 18   R.  Si, j'étais là-bas à 100 %. Moi, je te garantis. Je suis allé à cet

 19   endroit. Je garantis à 100 % que j'y étais. Et si vous pouvez garantir la

 20   chose, à vous la charge de la preuve. Je sais que vous pouvez garantir que

 21   ce qui s'est passé ne s'est pas passé et ce qui ne s'est pas passé ce

 22   serait passé, d'après vous.

 23   Q.  Monsieur, vous avez également indiqué que plusieurs jeunes soldats vous

 24   auraient dit, et je vais vous dire où est-ce que vous l'avez déclaré.

 25   Radoslav Krstic, le 11 novembre 2000, page 2 683,

 26   2 683. Et vous l'avez dit avant cela dans une déclaration lorsque vous avez

 27   été interviewé par un juge d'instruction au tribunal d'instance supérieure

 28   à Tuzla en juillet 1995. Vous avez dit que c'étaient des jeunes Chetniks ?

Page 1446

  1   R.  Oui, quelqu'un s'est adressé à eux qui se trouvaient plus près, et il

  2   leur a dit, Soldats, et ils ont dit qu'ils n'étaient pas soldats, qu'ils

  3   étaient Chetniks à Karadzic. Ils étaient vraiment jeunes. Il y en avait

  4   peut-être qui n'avait pas encore 18 ans. Ils étaient tellement endoctrinés

  5   qu'ils voulaient brandir des fusils là-haut en l'air, et dès que quelqu'un

  6   se plaignait, ils tiraient des coups de feu en l'air.

  7   Q.  Monsieur le Témoin, Karadzic a supprimé les catégories Chetniks et

  8   Partisans ?

  9   R.  Mais, Monsieur Karadzic, vous n'aviez pas à dire, vous, qu'ils étaient

 10   Chetniks. Eux, ils s'étaient qualifiés Chetniks. Il y en a qui sont fiers

 11   de se qualifier Chetniks. Et vous savez que la Serbie a placé un signe

 12   d'égalité entre Chetniks et Partisans. Donc c'est du pareil.

 13   Q.  Comment expliquez-vous qu'il y ait eu une fosse de creusée alors que

 14   les cadavres sont dans le pré ?

 15   R.  Monsieur Karadzic, ils n'ont enterré personne cette nuit-là. Lorsque

 16   j'ai fui, ils étaient de l'autre côté de la voie ferrée. Moi, je ne le

 17   savais pas. Quand j'ai commencé à courir le long de la montée, j'ai conclu

 18   que ça devait être forcément un passage à un niveau en surélévation. Et là-

 19   bas, il y avait des champs de maïs. Lorsque je suis retourné, on n'avait

 20   pas encore coupé le maïs jusqu'à ras le sol, les épis de maïs étaient

 21   encore là.

 22   Q.  Mais ce camarade, s'agissant de ce camarade, vous avez dit que vous

 23   l'aviez vu, et vous l'avez dit à l'occasion de cette interview, avec M.

 24   Kruzevski [phon] à la date du 26 janvier 1998 et le 4 janvier 1999. Vous

 25   avez dit -- attendez, oui, que :

 26   "…qu'il n'aurait pas vu ce monsieur qui est mentionné dans le paragraphe

 27   suivant, et il n'a juste reconnu que sa voix nasale."

 28   Donc vous, vous n'avez juste qu'entendu sa voix, c'est tout. Et dans le

Page 1447

  1   même témoignage, vous avez indiqué que vous n'aviez vu aucun soldat.

  2 R. Non, non. Il faisait nuit. (expurgé)-- et je le rementionne, c'est à 100 %

  3   que j'ai reconnu sa voix. Et eux, ils s'interpellaient par leurs prénoms,

  4   parce que quand vous connaissez quelqu'un depuis 15 ans, lorsqu'il parle

  5   dans une autre section et que vous l'entendez, vous pouvez quand même

  6   reconnaître sa voix.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas pourquoi vous

  8   voulez intervenir, est-ce à cause de la ligne 14 ? Ça nous nous en

  9   chargerons.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Non.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Je croyais bien que vous alliez le faire.

 13   C'était simplement pour les questions de précision. On parle d'une

 14   déclaration présentée au témoin, le 26 janvier 1998. Soyons clair. Le

 15   témoin dit bien qu'il a vu des soldats, jeunes de moins 20 ans, et il parle

 16   de la salle de sport à Orahovac, et plus tard il dit que quand il a reconnu

 17   la voix de ce collègue, à ce moment-là, il n'a pas vu de soldats qui

 18   étaient derrière lui. Je pense simplement que c'était important --

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais c'était clair vu la réponse fournie

 20   par le témoin.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] Je m'excuse, si c'était déjà clair --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais poursuivons.

 23   Monsieur Karadzic.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur le Témoin, après cela, vous avez rencontré un soldat serbe et

 26   vous avez marché à ses côtés pendant un certain temps. Vous, vous saviez

 27   qui il était, mais lui ne savait pas qui vous étiez, vous, n'est-ce pas ?

 28   R.  Non. Moi, j'avais pensé que c'était un soldat serbe, mais c'était un

Page 1448

  1   Bosnien.

  2   Q.  Et ensuite, vous indiquez qu'on vous a cherché toute la nuit ?

  3   R.  Non, non. On ne m'a pas cherché toute la nuit. Ils ont essayé pendant

  4   une minute ou deux de me retrouver, mais ils ne m'ont pas cherché toute la

  5   nuit.

  6   Q.  Mais attendez. Je veux vous dire comment vous avez dit.

  7   R.  Non. L'homme quand j'ai fui, j'ai passé la nuit. Le lendemain, ce même

  8   homme m'a vu, mais le lendemain non plus, il ne m'a pas dit qui il était,

  9   et j'ai fui sa présence.

 10   Q.  Voilà ce que vous avez dit, déclaration 13 et 14 août 1995, pages 8 et

 11   9, et vous avez déclaré ceci :

 12   "Il a pris son arme et son sac, et moi, j'ai pris un peu de matériel

 13   militaire que je n'ai pas reconnu. Il s'est mis à marcher devant moi, et je

 14   l'ai suivi. Je l'ai laissé prendre un peu d'avance, et puis je me suis mis

 15   à courir. Je me suis, après avoir couru un peu, caché dans des buissons.

 16   Apparemment, le soldat serbe avait été rejoint par d'autres et il a cherché

 17   à me trouver pendant un certain temps, puis il a abandonné sa recherche. A

 18   l'aube, j'ai décidé de reprendre la route, et le Serbe, qui manifestement

 19   était à ma recherche et m'avait cherché toute la nuit, m'a vu à ce moment-

 20   là et il m'a crié de m'arrêter. J'ai quand même réussi à m'enfuir, et il

 21   n'a pas tiré."

 22   Alors comment savez-vous maintenant que ce n'était pas un Serbe, et quand

 23   votre mémoire était plus fraîche en 1995, vous ayez dit que c'était un

 24   Serbe ?

 25   R.  Je vais vous expliquer comment ça s'est passé. Une fois arrivé, je

 26   savais à peu près où se trouvait cet endroit, qui était disponible.

 27   D'abord, lorsque je me suis approché de ce pré où on avait coupé l'herbe,

 28   il faisait nuit, et j'ai demandé : Est-ce que c'est bien ce tel poste de

Page 1449

  1   garde. On m'a dit oui. Et on m'a demandé : D'où tu viens ? J'ai dit :

  2   Srebrenica. Et on m'a demandé : Est-ce qu'il y a quelqu'un avec toi ? J'ai

  3   dit non. De là à savoir s'il avait un insigne ou pas, mais peu -- il m'a

  4   demandé si je fumais, et à l'époque je fumais encore. Il m'a dit : Prends

  5   une cigarette. Il avait des cigarettes à même le sol. Il n'a même pas voulu

  6   se pencher pour me la donner. Et quand il avait dit qu'il avait été mis

  7   sous les drapeaux par le Corps de Sarajevo-Romanija, j'ai pris peur et j'ai

  8   cru que c'était un Serbe.

  9   Au bout d'un mois ou deux, un neveu quelconque a dit : Demande à untel

 10   qu'untel lui avait dit, Mais pose-lui la question de savoir si je lui avais

 11   offert des cigarettes. Et c'est ainsi que j'ai appris que cet homme-là

 12   n'était pas un Serbe, mais un Bosnien.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vos Excellences, je ne vais pas aller au-delà,

 14   parce qu'il y a une multitude de détails, mais je ne veux pas entrer dans

 15   le moindre détail parce que tous ces petits détails font quelque chose

 16   d'assez massif. Et je préviens ce monsieur, je le mets en garde.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur, pour des raisons, j'estime que vous êtes un témoin préféré,

 19   que vous n'avez pas été au site d'exécution, vous n'avez pas été fusillé,

 20   vous n'avez pas réussi à vous sauver. Que dites-vous ?

 21   R.  Dieu fasse que tes enfants, Karadzic, si tu t'exprimes ainsi, que tu

 22   puisses les regarder dans leurs yeux morts, comme les femmes de Srebrenica

 23   ont regardé les yeux morts de leurs enfants. Que les gens de Srebrenica

 24   vous montrent les pièces de vêtements qui ont été retrouvées à la fosse

 25   commune. Je demanderais aux Juges de passer à huis clos partiel pour que je

 26   te dise où ils se trouvent, où ils ont été retrouvés, parce que je dois

 27   parler des noms de localités. Qu'on passe à huis clos partiel que je te

 28   dise où est-ce qu'on a retrouvé les yeux bandés de ceux qui s'y trouvaient.

Page 1450

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Est-ce que vous avez des

  2   questions supplémentaires, Monsieur Nicholls ?

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, est-ce que vous pensez que cet

  5   élément de preuve qui nous est parvenu hier soir tard dans la soirée, ce

  6   texte rédigé à la main par Naser Oric ? On vous le fera traduire, ou peut-

  7   être est-ce déjà le cas? Non, ce n'est pas traduit Donc cette pièce

  8   manuscrite, où il confirme qu'il allait exécuter les Serbes capturés à

  9   Sandici.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voici ce que nous allons faire. Nous

 11   allons d'abord laisser le témoin sortir du prétoire.

 12   Monsieur le Témoin, vous avez terminé votre déposition. Au nom des Juges de

 13   la Chambre et au nom du Tribunal, je tiens à vous remercier. Merci d'être

 14   venu pour témoigner à plusieurs reprises à La Haye. Nous vous en sommes

 15   très reconnaissants.

 16   Vous pouvez disposer.

 17   M. NICHOLLS : interprétation] Attendons que le témoin sorte du prétoire.

 18   [Le témoin se retire]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Je m'oppose au versement du document, du

 21   moins pour l'heure. Manifestement, ce document n'était pas prévu dans la

 22   liste, ça peut se passer, mais s'il est arrivé hier soir, je ne sais pas

 23   pourquoi on ne nous l'a pas communiqué avant la dernière pause. J'ai

 24   demandé d'où il venait, mais on n'a aucune indication quant à la provenance

 25   du document, la traduction non plus. Nous n'en connaissons pas l'origine,

 26   et le témoin ne le connaissait pas du tout. Je m'y oppose.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous voulez une cote

 28   provisoire plutôt que de rejeter le versement du document ?

Page 1451

  1   M. NICHOLLS : [interprétation] Mais je pense que rien ne justifie le

  2   versement du document. Il faut s'y opposer.

  3   [La Chambre de première instance se concerte]

  4   M. NICHOLLS : [interprétation] On peut simplement donner une cote pour

  5   montrer quel document --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera une cote provisoire pour

  7   identification tant qu'on n'a pas la traduction.

  8   Une cote, Monsieur le Greffier.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D70 MFI.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   Nous allons bientôt avoir le témoin suivant, mais je pense qu'auparavant Me

 12   Robinson avait un sujet à évoquer.

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Ce ne sera pas long.

 14   C'est une requête pour qu'il y ait constat de violation des

 15   obligations incombant à l'Accusation en matière de communication, et la

 16   mesure demandée ce serait le report du contre-interrogatoire du témoin

 17   jusqu'à lundi. C'est une requête que nous faisons ici même.

 18   Je vous ai fait parvenir un document qui nous a été communiqué la

 19   semaine dernière, c'est un mémorandum venant du témoin, l'ambassadeur

 20   Herbert Okun, à propos des réunions qu'il a eues à Sarajevo et à Belgrade

 21   le 20 décembre 1991. Herbert Okun est un témoin prévu depuis longtemps

 22   comme témoin en l'espèce. Il a témoigné dans le procès Milosevic en 2003,

 23   dans le procès Krajisnik en 2004. A notre connaissance, ce mémo n'a jamais

 24   été communiqué, en tout cas pas avant la semaine dernière.

 25   L'Accusation avait l'obligation de communiquer, obligation qui

 26   persistait le 20 mai 2009, et l'article 68 dit que les documents doivent

 27   être communiqués dans les meilleurs délais.

 28   Ce que va dire l'ambassadeur Okun concerne surtout le nombre de réunions

Page 1452

  1   qu'il a eues avec les Serbes à Belgrade, en Bosnie, notamment les six ou

  2   huit réunions qu'il a eues avec M. Karadzic. Il n'y a eu communication

  3   d'aucun mémo de M. Okun, à l'exception de celui-ci. Page 5 du mémo, il est

  4   dit que le Dr Karadzic lui a dit ceci :

  5   "Nous n'allons pas tirer le premier coup. Je suis un médecin et un poète,

  6   pas un soldat."

  7   C'est ce qu'il a dit en décembre 1991, avant le début des hostilités

  8   en Bosnie. Il est dit aussi dans ce mémo qu'Okun a rencontré le président

  9   Izetbegovic le même jour, qu'il lui a dit qu'ils étaient très surpris de

 10   voir ce qu'exigeait la Communauté européenne, à savoir qu'il fallait, avant

 11   le lundi suivant, remettre la demande d'indépendance, qu'il aurait préféré

 12   attendre et avoir des négociations. Mais la Communauté européenne ne leur

 13   avait laissé aucun choix. L'Allemagne et la Communauté européenne avaient

 14   renversé le processus, ce qui rendait les autres mesures plus difficiles.

 15   Et ceci c'est tout à fait conforme à ce que dit M. Karadzic quant aux

 16   raisons pour lesquelles la guerre a commencé. C'est un élément à décharge,

 17   notamment pour ce qui est de son intention alléguée de participer à

 18   l'entreprise criminelle commune à cette période avec l'intention présumée

 19   de commettre un génocide. Ses déclarations disent le contraire. Violation

 20   de communication.

 21   Nous savons que ce n'est pas simple de communiquer pour l'Accusation

 22   vu le nombre de documents. Nous l'avons souvent dit, elle s'est fort bien

 23   acquittée de cette obligation. Mais ici, ce ne fut pas le cas, et il faut

 24   que ce soit signalé et il faut aussi qu'il y ait un remède à cela.

 25   M. Okun devrait témoigner en interrogatoire principal pendant trois heures,

 26   ce qui veut dire que ce ne serait pas trop difficile de reporter le contre-

 27   interrogatoire jusqu'à lundi. Mais l'équipe de M. Karadzic et lui-même

 28   n'ont pas eu l'occasion de discuter du contenu du document, alors qu'il a

Page 1453

  1   sa place dans le contre-interrogatoire, et nous estimons avoir le droit

  2   d'en parler.

  3   Il n'y a aucune allégation de mauvaise foi que nous imputerions à

  4   l'Accusation. Mais nous devons demander qu'il y ait constat de violation de

  5   l'obligation de communication, et nous vous demandons de nous accorder la

  6   mesure souhaitée.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Même s'il y a violation, pourquoi

  8   n'êtes-vous pas à même, et je parle là à la Défense dans sa totalité,

  9   pourquoi est-ce que vous n'êtes pas à même de commencer le contre-

 10   interrogatoire sur les points qui n'ont rien à voir avec ce document ?

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Pour nous, le contre-interrogatoire, qu'est-

 12   ce que c'est, c'est un tout, et nous voulons avoir tous les documents avant

 13   de le commencer. Bien sûr qu'on peut contre-interroger sur certains sujets

 14   et pas d'autres, mais je crois qu'il est préférable que nous ayons la

 15   totalité des informations avant le début du contre-interrogatoire. Ici en

 16   l'occurrence, on parle d'une réunion capitale. C'est une des premières dans

 17   la chronologie des événements. C'est peut-être la deuxième d'ailleurs, et

 18   il est difficile de commencer un contre-interrogatoire sans ce document.

 19   Ce n'est pas une question absolument essentielle. La mesure que nous

 20   demandons est tout à fait modeste puisqu'on parle de quelques heures. On

 21   pourra s'attendre de toute façon à ce que le contre-interrogatoire ne

 22   commence que tard dans la journée de demain. Donc si, effectivement, il y a

 23   constat de violation, il faudrait qu'il y ait une peine qui l'assortisse,

 24   et la peine que nous demandons est ma foi fort modeste. Merci.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qui va réagir ? Monsieur Tieger ?

 26   M. TIEGER : [interprétation] Volontiers, Monsieur le Président.

 27   Rien ne justifie dans la procédure ou dans la pratique un tel retard,

 28   surtout pas si l'on fait valoir qu'il y aurait une violation, ou si l'on

Page 1454

  1   dit que parce qu'il y a violation il faut qu'il y ait un recours. Voyons

  2   les choses de façon pragmatique tout d'abord, puis nous prendrons la

  3   question de la procédure.

  4   S'agissant de la réunion à laquelle a fait allusion Me Robinson, ça

  5   fait l'espace de deux paragraphes. Même si on a laissé entendre que quelque

  6   part il faudra vraiment revoir tout l'agencement du contre-interrogatoire,

  7   je pense que ça peut s'insérer de toute façon, et nous savons que de toute

  8   façon le contre-interrogatoire va se poursuivre la semaine prochaine. Donc

  9   rien pratiquement ne justifie un tel report.

 10   En matière de procédure, on a d'abord dit que c'était une violation

 11   de l'article 66. Je suis content de voir que ce n'est plus ce qui est

 12   retenu.

 13   Pour ce qui est de l'article 68, nous avons communiqué à la Défense

 14   de façon très large des éléments qui peuvent être considérés par la Défense

 15   comme étant de l'article 68, mais ici, lorsqu'on affirme que ceci relève de

 16   l'article 68, il faut placer ceci dans son contexte. Il n'y a rien de neuf

 17   dans cette allégation selon laquelle la Communauté européenne aurait voulu

 18   faire reconnaître prématurément la Bosnie. Je relèverai que ceci se trouve

 19   dans d'autres parties des journaux personnels tenus par le témoin. Donc ce

 20   serait déjà incorporé dans le contre-interrogatoire dans la mesure où c'est

 21   considéré comme étant pertinent par la Défense, puisqu'il en parle

 22   ailleurs. Et ceci est vrai pour le reste.

 23   Ce n'est pas vraiment très bien délimité, même si on peut estimer qu'il y a

 24   violation technique - or, ce n'en est pas une - ça ne poserait pas de

 25   problème, parce qu'un tel report serait fort peu pratique et sans intérêt.

 26   Ceci dit, je remercie Me Robinson d'avoir bien voulu exprimer ici et

 27   faire acter au dossier les efforts poursuivis que fait l'Accusation. Je ne

 28   voulais pas que ceci tombe dans les oubliettes. Mais il se fait, qu'à mon

Page 1455

  1   avis - et c'est un avis tout à fait convaincu - il n'est pas nécessaire de

  2   faire procéder à un report. Autant utiliser le temps que nous avons, et je

  3   ne pense pas que les informations consignées dans ces deux paragraphes ne

  4   peuvent pas aisément être incorporés dans tout contre-interrogatoire quel

  5   qu'il soit.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi ce document n'a-t-il pas été

  7   communiqué plus tôt ? Pourriez-vous répondre à cette question ?

  8   M. TIEGER : [interprétation] Ecoutez, je ne sais pas. Si vraiment j'examine

  9   le document il peut y avoir une décision [inaudible]. Ce que disait la

 10   Défense au départ, c'est que ce document, lorsqu'on faisait la recherche de

 11   document relevé de l'article 66 aurait pu apparaître, mais ce n'est pas ce

 12   qu'a continué de dire la Défense fort à juste titre. Alors, je comprends

 13   parfaitement.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je me demandais ceci : est-ce que

 15   c'est une omission, ou est-ce que c'est par hasard que ça été omis, ou est-

 16   ce que vous avez décidé de ne pas communiquer ce document, parce qu'il ne

 17   relevait d'aucune catégorie que vous deviez communiquer à la Défense. C'est

 18   quoi ?

 19   M. TIEGER : [interprétation] Je l'ai appris cet après-midi. Je peux vous

 20   garantir que moi, personnellement, je ne me suis pas mis à la recherche de

 21   ce document, et je peux vous dire que je n'ai pas pris de décision

 22   délibérée. La communication s'est faite en application de la condition

 23   posée par l'article 66(B), et l'Accusation a réagi avec beaucoup de

 24   célérité, comme l'a dit M. Nicholls. Donc il y a d'abord une demande au

 25   titre de l'article 66. Nous avons répondu de façon rapide et efficace, puis

 26   je ne peux pas vous dire ce qui s'est ensuite produit.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais j'aurais voulu une explication plus

 28   précise. Vous dites que M. Okun va parler de ses réunions avec plusieurs

Page 1456

  1   dirigeants et l'accusé. Or, c'est ce mémo qui évoque toutes ces réunions.

  2   Je m'interrogeais, par conséquent. Pourquoi ce document n'a-t-il pas été

  3   incorporé dans la communication si ce n'était pas une omission ? Mais vous

  4   ne me donnez pas beaucoup de précision.

  5   M. TIEGER : [interprétation] J'essaie d'aider la Chambre comme la Défense.

  6   Rappelez-vous que l'Accusation a fourni une liste indiquant les réunions

  7   que nous pensions évoquer pendant l'interrogatoire principal. Je ne sais

  8   pas à quoi Me Robinson fait allusion, mais ce n'est pas une de ces

  9   réunions. Ce n'est pas que nous avons [inaudible]. Nous allons parler de

 10   cette réunion sans fournir le document qui en parlait. Peut-être qu'il y a

 11   eu méprise sur ce point.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. Non, non. Là, je suis

 13   d'accord. Ça ne relève pas du 66(B)(ii). C'est une déclaration préalable du

 14   témoin. Est-ce que ça relève de l'article 68 ou pas ? En tout cas, c'est

 15   pertinent. Bon. Je vous comprends. Un instant, s'il vous plaît.

 16   Les Juges vont se consulter sur le siège.

 17   [La Chambre de première instance se concerte]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre vont se

 19   consulter durant la pause, et nous prendrons une décision après la pause.

 20   Faisons entrer le témoin.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Je dois, en fait, changer de place avec M.

 22   Nicholls, et nous devons changer d'ordinateur. Donc je voudrais savoir si

 23   on pourra avoir quelques moments pour cela.

 24   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En fait, il est préférable de faire la

 27   pause maintenant. Dans ce cas-là, nous pourrons ensuite avoir notre

 28   dernière séance de la journée.

Page 1457

  1   Très bien. Nous allons donc faire une pause de 25 minutes.

  2   --- L'audience est suspendue à 17 heures 05.

  3   --- L'audience est reprise à 17 heures 31.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je me demandais si je

  6   pourrais avoir quelques secondes pour développer ce que j'avais abordé

  7   avant la pause. Je serai bref.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 10   Tout d'abord, je voudrais préciser, si ce n'était pas clair auparavant, que

 11   ce document a été communiqué il y a plus d'une semaine, si mes informations

 12   sont exactes. Je crois que c'était le 14 avril. Donc la Défense a eu neuf

 13   jours pour déterminer s'ils avaient besoin de deux jours supplémentaires,

 14   c'est-à-dire le week-end, pour consulter ce document. Ceci signifie qu'ils

 15   auraient pu attirer votre attention auparavant de façon à ce qu'on n'ait

 16   pas à traiter de ceci très rapidement. On a parlé de la question de

 17   l'article 66 ainsi que de l'article 68, qui a été mentionné durant les

 18   arguments des deux parties. Peut-être que l'on aurait pu être plus clair en

 19   disant que l'Accusation a été très claire, notamment dans le cadre de son

 20   mémoire préalable au procès ainsi que dans ses déclarations liminaires.

 21   Nous avons donc eu la possibilité de le faire, à savoir que la perspective

 22   d'une Bosnie indépendante et souveraine constituait l'anathème pour les

 23   dirigeants serbes de Bosnie et pour M. Karadzic. Les circonstances qui

 24   emmenaient à cela ne constituent pas, en fait, des éléments relevant de

 25   l'article 68, mais sont tout à fait dénués de tout lien logique, et les

 26   arguments stipulant que les facteurs qui avaient emmené à cette situation

 27   relevaient de l'article 68 nous remmèneraient à des événements qui avaient

 28   précédé ceci et à la Deuxième Guerre mondiale ainsi qu'à la bataille de

Page 1458

  1   Kosovo-Polje. Ces questions peuvent être pertinentes de temps en temps,

  2   dans le cadre de l'interrogatoire de certains témoins, mais ne relèvent pas

  3   de l'article 68 ni des facteurs importants qui ont emmené à l'existence ou

  4   qui auraient pu emmener à l'existence d'une Bosnie indépendante et

  5   souveraine, auxquelles l'opposé était accusé.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Robinson.

  8   M. ROBINSON : [interprétation] L'Accusation a insisté pour fournir une

  9   communication afin d'obtenir un CD auprès de l'UDNU du quartier

 10   pénitencier, mais c'est très difficile d'obtenir un CD pour que celui-ci

 11   soit utilisé au niveau du quartier pénitentiaire. Il s'agit d'un document

 12   que l'on devrait avoir reçu bien plus tôt. Encore une fois, nous ne

 13   demandons pas un énorme changement. Il va s'agir d'un long procès avec

 14   beaucoup d'aspects qui seront abordés, et je pense qu'à ce stade, les Juges

 15   de la Chambre devraient s'assurer qu l'on respecte les obligations de

 16   communication de l'Accusation, et lorsque ces obligations ne sont pas

 17   respectées, il serait bon de s'assurer que des mesures soient prises en

 18   conséquence.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Robinson.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Juste pour préciser, nous n'avons pas insisté

 21   qu'il y ait une communication par CD à M. Karadzic au niveau du quartier

 22   pénitentiaire. Nous sommes tout à fait disposés à fournir ces éléments à M.

 23   Robinson.

 24   Je dirais que M. Robinson est présent ici pour des questions d'ordre

 25   procédural et pour soulever des objections, mais pas pour les questions sur

 26   le fond. Ce n'est pas son rôle dans les interrogatoires.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 28   Mais voilà notre conclusion :

Page 1459

  1   Les Juges de la Chambre se sont penchés sur ce document, et les Juges

  2   de la Chambre sont d'avis que même si c'est un point qui ne relève pas des

  3   obligations de communication de l'Accusation en vertu de l'article 66(A),

  4   cela pourrait relever de l'article 68 et, par conséquent, et conformément

  5   aux règles, ce document aurait dû être communiqué à M. Karadzic dès que

  6   possible.

  7   Les Juges de la Chambre sont, par conséquent, préoccupés par le fait

  8   qu'un document de cette nature n'ait été communiqué à l'accusé que très

  9   récemment et, par conséquent, nous vous demandons, Monsieur Tieger, à vous

 10   renseigner auprès des membres de votre équipe pour essayer de savoir

 11   pourquoi cette communication a été si tardive et pour vous assurer

 12   également que nous ne nous retrouvions pas dans cette situation à l'avenir.

 13   Cependant, compte tenu du temps qui nous est imparti avant la fin de la

 14   semaine, je pense qu'il est fort peu probable que nous arrivions au contre-

 15   interrogatoire de l'ambassadeur Okun avant demain, si ce n'est avant lundi.

 16   Par conséquent, nous étudierons à nouveau la question demain, et à l'issue

 17   de l'interrogatoire principal, nous verrons si nous poursuivons avec le

 18   contre-interrogatoire ou si nous reportons le reste de sa déposition à

 19   lundi.

 20   Maintenant, je pense que nous pouvons faire entrer le témoin.

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons demandé à

 22   ce qu'un de nos stagiaires puissent participer également au débat ici. Nous

 23   avons un interne qui prépare les dépositions et les déclarations de nos

 24   différents témoins. Ceci nous permettrait de nous aider et ceci permettrait

 25   également à des internes d'être présents dans le prétoire, ou à des

 26   stagiaires, de façon à ce que nous puissions également travailler plus

 27   facilement.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me rappeler

Page 1460

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13   

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 1461

  1   quelle était notre ordonnance ?

  2   M. ROBINSON : [interprétation] L'ordonnance stipulait qu'il pouvait y avoir

  3   deux personnes qui seraient en permanence dans le prétoire, c'est-à-dire

  4   moi-même et M. Sladojevic, et que nous devions demander la permission si

  5   d'autres personnes rejoignaient notre équipe.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va envisager votre requête et

  7   vous donnera une décision demain.

  8   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Robinson, est-ce qu'il est

  9   important que les stagiaires soient présents dès aujourd'hui, ou lorsque le

 10   contre-interrogatoire commencera ?

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Ce serait utile qu'ils soient présents et

 12   qu'ils puissent entendre également les dépositions, notamment lorsque

 13   celles-ci se font à huis clos ou à huis clos partiel. A l'avenir, ce serait

 14   utile également qu'ils soient présents tant pour les interrogatoires

 15   principaux que pour les contre-interrogatoires.

 16   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur. Est-ce

 18   que vous pouvez lire la déclaration solennelle.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 20   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 21   LE TÉMOIN : HERBERT OKUN [Assermenté]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir, s'il vous

 24   plaît.

 25   Monsieur l'Ambassadeur Okun, j'ai cru comprendre que vous êtes présent à La

 26   Haye depuis un certain temps, donc je voudrais vous remercier au nom de mes

 27   collègues pour votre patience, et vous remercier également d'être resté à

 28   La Haye jusqu'à aujourd'hui.

Page 1462

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Interrogatoire principal par M. Tieger :

  5   Q.  [interprétation] Bonjour.

  6   R.  Bonjour.

  7   Q.  Je voudrais commencer par quelques formalités. Vous avez déjà déposé

  8   devant ce Tribunal à plusieurs reprises; est-ce exact ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et vous avez notamment déposé dans l'affaire du Procureur contre

 11   Momcilo Krajisnik, en juin 2004, c'est-à-dire du 22 au 25 juillet 2004;

 12   est-ce exact ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, avez-vous eu la possibilité de consulter le

 15   compte rendu de votre déposition dans l'affaire Krajisnik ? Est-ce que vous

 16   pourriez nous confirmer que celle-ci reflète fidèlement votre déposition

 17   dans le prétoire ?

 18   R.  Je l'ai examinée et c'était tout à fait fidèle.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit du document de la liste 65 ter

 20   90005.

 21   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous fourniriez les mêmes

 22   informations aujourd'hui devant les Juges de cette Chambre si l'on vous

 23   posait des questions similaires ?

 24   R.  Oui.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais verser ce document de la liste 65

 26   ter 90005, conformément à l'article 92 ter.

 27   M. ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

Page 1463

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P776.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  3   Monsieur Tieger, allez-y.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, avec la permission des

  5   Juges de la Chambre, je vais lire le résumé de la déposition de

  6   l'ambassadeur, telle qu'elle a été versée.

  7   De 1991 à 1997, l'ambassadeur Okun a officié en tant que conseiller spécial

  8   et adjoint au ministère du secrétaire général des Nations Unies, l'ancien

  9   secrétaire d'Etat américain, Cyrus Vance. Avant de travailler en ex-

 10   Yougoslavie, l'ambassadeur Okun a officié pendant 37 ans au sein du

 11   ministère des Affaires étrangères américain. Il a notamment assuré les

 12   négociations de traités de haut niveau entre les Etats-Unis et l'Union

 13   soviétique.

 14   Le secrétaire général a, au départ, demandé à l'ambassadeur Okun et

 15   au secrétaire d'Etat Vance de traiter les problèmes liés au conflit en

 16   Croatie en 1991, et grâce à leurs efforts, une opération de maintien de la

 17   paix a été constituée le 2 janvier 1992.

 18   En raison des peurs qui étaient les leurs que le conflit en Croatie se

 19   reproduise en Bosnie-Herzégovine, à la fin de l'année 1991 et au début de

 20   l'année 1992, l'ambassadeur Okun et le secrétaire d'Etat Cyrus Vance se

 21   sont rencontrés avec les dirigeants de Bosnie-Herzégovine, y compris

 22   l'accusé. Le rôle en Bosnie-Herzégovine s'est intensifié avec la création

 23   de la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie lors de la conférence

 24   de Londres en août 1992. Le secrétaire d'Etat, Vance et Lord David Owen,

 25   étaient les présidents de cette conférence, et l'ambassadeur Okun a été

 26   nommé coprésident.

 27   De septembre 1992 à mai 1993, des négociations intenses ont été réalisées

 28   entre les parties belligérantes afin de mettre sur pied le plan de paix

Page 1464

  1   Vance-Owen. Les Serbes de Bosnie ont finalement rejeté ce plan en mai 1993.

  2   De décembre 1991 à mai 1993, l'ambassadeur Okun a rencontré les dirigeants

  3   serbes de Bosnie à 50 ou 60 reprises, y compris l'accusé. Ceci a constitué

  4   plus de 40 réunions. Durant cette période, l'ambassadeur a consigné sur des

  5   carnets ses impressions concernant ces réunions. Il a fourni ces carnets à

  6   la Cour. Ces notes représentent un compte rendu exhaustif, mais et ne

  7   constituent, en fait, que les aspects importants de la réunion.

  8   L'ambassadeur Okun se rappelle les arguments qui avaient souvent été

  9   avancés par M. Karadzic, à savoir que le génocide de la Deuxième Guerre

 10   mondiale avait vu la population des Serbes décliner et que, par conséquent,

 11   les Serbes étaient devenus une minorité; que les Serbes étaient encore une

 12   fois menacés par les Musulmans; et que les Musulmans prévoyaient de diriger

 13   la Bosnie-Herzégovine en raison du fort taux de natalité; et que les

 14   différentes communautés ethniques ne pouvaient plus vivre ensemble en

 15   raison de la haine qui les animait.

 16   Durant leur première réunion en décembre 1991, avant le début du

 17   conflit, l'accusé a expliqué à l'ambassadeur Okun que si les "opstina"

 18   serbes de Bosnie n'étaient pas reliés à la Yougoslavie - c'est ce qu'ils

 19   souhaitaient - la guerre serait inévitable. Après le début du conflit,

 20   l'accusé a mentionné aux négociateurs que les Serbes de Bosnie arrêteraient

 21   le combat seulement une fois qu'une carte aurait fait l'objet d'un accord.

 22   L'ambassadeur Okun a déjà expliqué que les objectifs dans le cadre de la

 23   guerre des Serbes de Bosnie étaient tout d'abord d'avoir leur propre Etat;

 24   deuxièmement, de disposer d'un Etat jouissant d'une continuité territoriale

 25   et étant contiguë à la Serbie; troisièmement, que l'Etat devrait bénéficier

 26   d'une pureté ethnique optimale; et quatrièmement, qu'il devrait y avoir une

 27   relation spéciale entre l'Etat et la Serbie; cinquième objectif, la

 28   division de la ville de Sarajevo; et sixièmement, un droit de veto pour

Page 1465

  1   tous les pouvoirs résiduels qui seraient encore dans les mains du

  2   gouvernement central de Bosnie-Herzégovine.

  3   L'ambassadeur et le secrétaire d'Etat, Vance, ont reçu des informations

  4   détaillées de la MOCE, de la FORPRONU, du CICR, ainsi que du HCR des

  5   Nations Unies concernant des civils qui étaient détenus dans des camps

  6   ainsi que des activités de nettoyage ethnique. Ces questions ont été

  7   soulevées à de nombreuses occasions avec l'accusé. En réponse, l'accusé a

  8   mentionné le génocide contre les Serbes durant la Deuxième Guerre mondiale

  9   et d'autres crimes qui avaient été commis contre les Serbes par des non-

 10   Serbes.

 11   Les dirigeants serbes de Bosnie ont adopté la position dans les

 12   négociations qui consistait à mentionner les changements démographiques

 13   récents qui avaient occasionné le nettoyage ethnique, en décrivant aux

 14   négociateurs que les dirigeants serbes de Bosnie devaient prendre en compte

 15   les réalités ethniques. Les revendications des Serbes de Bosnie dans la

 16   région de la vallée de la Drina, par exemple, étaient basées sur ce

 17   nettoyage ethnique. Cette position était également reflétée par la

 18   préférence de l'accusé à résoudre les problèmes liés aux territoires

 19   contestés par le biais d'un référendum, ce qui favoriserait ceux qui

 20   étaient à l'origine du nettoyage ethnique. Le souhait de la division de la

 21   ville de Sarajevo revenait très souvent dans la rhétorique des Serbes de

 22   Bosnie. Le bombardement des zones civiles de la ville de Sarajevo a suscité

 23   des protestations qui ont été proférées à l'attention de l'accusé.

 24   L'ambassadeur Okun pensait que l'objectif de ces bombardements était tout

 25   d'abord de terroriser la population; deuxièmement d'utiliser le

 26   bombardement pour diviser la ville conformément aux objectifs; et

 27   troisièmement de montrer aux Serbes de Bosnie que leur armée était

 28   puissante et, par conséquent, de galvaniser leurs forces.

Page 1466

  1   L'accusé a été très clair à de nombreuses occasions en mentionnant qu'il y

  2   avait un contrôle total sur l'armée des Serbes de Bosnie, et lors d'une

  3   réunion en septembre 1992, il a dit aux négociateurs qu'ils pouvaient tout

  4   faire, que l'armée avait un commandement unifié et qu'il avait plein

  5   pouvoir.

  6   Ceci conclu ce résumé.

  7   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, en guise d'introduction, je voudrais que les

  8   Juges de la Chambre comprennent votre parcours. Je resterai bref, car je

  9   comprends en même temps qu'il est difficile de pouvoir synthétiser une

 10   longue carrière et une carrière illustre, mais je pense qu'il est important

 11   de mentionner les grandes lignes. Tout d'abord, vous avez travaillé au sein

 12   du ministère des Affaires étrangères américain pendant 37 ans; est-ce exact

 13   ?

 14   R.  Oui, et j'ai continué à travailler après ma retraite.

 15   Q.  Et vous avez été ambassadeur des Etats-Unis en RDA de 1980 à 1983 ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et vous avez été représentant permanent adjoint et ambassadeur des

 18   Nations Unies auprès des Nations Unies de 1985 à 1989, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et durant cette période, vous étiez également responsable des

 21   négociations de traités importants avec les deux grandes puissances; est-ce

 22   exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et vous avez été vice-président de la délégation américaine lors des

 25   pourparlers SALT II avec l'Union soviétique, qui ont eu pour point d'orgue

 26   la signature de cet accord START [comme interprété] II entre le président

 27   Carter et le président Brezhnev lors d'un sommet qui s'est tenu à Vienne en

 28   juin 1979; est-ce exact ?

Page 1467

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous étiez également vice-président de la délégation américaine pour la

  3   négociation du Traité sur la prévention des incidents en haute mer ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Puis --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous essayons d'écouter également les

  9   autres langues et il est difficile de voir où les pauses sont effectuées

 10   entre vos questions et vos réponses. Est-ce que vous pouvez vous assurer

 11   que vous fassiez des pauses ?

 12   M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait.

 13   Q.  En ce qui concerne ces négociations concernant le Traité de prévention

 14   des incidents en haute mer, ceci a mené à la signature d'un accord entre le

 15   président Nixon et le président Brezhnev; est-ce exact ?

 16   R.  Oui, en mai 1972.

 17   Q.  Et vous avez également été président ou vice-président de la délégation

 18   américaine lors des pourparlers trilatéraux entre les Etats-Unis, le

 19   Royaume-Uni et l'Union soviétique; est-ce exact ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et avant que vous quittiez le département d'Etat - je manquerais à mes

 22   devoirs si je ne mentionnais pas cela - vous avez officié à l'ambassade des

 23   Etats-Unis à Moscou au début des années 1960. Est-ce exact de dire que vous

 24   étiez responsable lors de la crise des missiles à Cuba, de la traduction de

 25   lettres échangées entre le président Khrouchtchev et le président Kennedy;

 26   est-ce

 27   exact ?

 28   R.  Oui.

Page 1468

  1   Q.  Et, Monsieur l'Ambassadeur, après avoir pris votre retraite du

  2   département d'Etat entre 1991 et 1997, vous avez été conseillé spécial et

  3   adjoint à l'émissaire du secrétaire général des Nations Unies; est-ce exact

  4   ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  De 1991 à 1993, puis de 1993 à 1997 -- ou plutôt, en 1995, vous avez

  7   officié dans les pourparlers concernant un différend entre la Grèce et la

  8   Macédoine ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et vous étiez également conseiller spécial au niveau de la Commission

 11   internationale des personnes portées disparues ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et pour conclure, vous avez également été maître de conférence à

 14   l'école de droit international et de relations internationales à partir de

 15   1992, ainsi qu'à la faculté de droit de Yale pendant environ 10 ans, ainsi

 16   qu'à l'école des études internationales de Johns Hopkins ?

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  Je voudrais maintenant que nous nous concentrions sur vos activités

 19   entre 1991 et 1993. Est-ce que vous pourriez nous dire comment vous et le

 20   secrétaire d'Etat, Vance Owen, avez pris pour responsabilité ou votre poste

 21   en tant qu'émissaire ou adjoint à l'émissaire du secrétaire général ?

 22   R.  On nous a demandé d'assumer ces responsabilités. C'est le secrétaire

 23   général des Nations Unies qui nous a demandé cela. A l'époque, il

 24   s'agissait de Javier Perez de Cuellar. C'était au tout début du mois

 25   d'octobre 1991.

 26   Q.  Et dans votre position dans l'affaire Krajisnik, vous avez participé à

 27   une mission d'enquête, ensuite vous avez participé au lancement d'une

 28   opération de maintien de la paix qui permettrait d'arriver à une cessation

Page 1469

  1   des hostilités en Croatie. Vous aviez dit qu'avec le secrétaire d'Etat,

  2   Vance, vous avez contribué ou vous étiez chargés de mettre fin aux combats

  3   en Croatie; est-ce exact ?

  4   R.  Oui, c'est exact, mis à part le fait que nous avions suggéré cette

  5   opération de maintien de la paix, et ceci a été accepté par les Nations

  6   Unies, par son Conseil de sécurité, après la cessation des hostilités. Ceci

  7   avait été accepté par les parties au conflit.

  8   Q.  Et cette cessation des hostilités a commencé en janvier 1992; est-ce

  9   exact ?

 10   R.  En fait, cela a commencé en novembre 1991, avec la signature d'un

 11   accord initial de cessation des hostilités, sous réserve que certaines

 12   conditions soient remplies. Ces conditions ont ensuite été remplies, et un

 13   accord de mise en œuvre a confirmé la cessation complète des hostilités, et

 14   un nouvel accord a été signé à Sarajevo le 2 janvier 1992.

 15   Q.  Nous avons parlé de l'accord de cessation des hostilités initial, puis

 16   nous avions l'accord de mise en œuvre, puis nous avons parlé de l'accord de

 17   cessation complète des hostilités. Est-ce que vos efforts ont continué dans

 18   la région ?

 19   R.  Effectivement.

 20   Q.  Et vous vous êtes concentrés sur quelles activités ?

 21   R.  Tout d'abord, nous voulions nous assurer que l'accord de mise en œuvre

 22   soit appliqué. Il s'agissait de l'accord du 2 janvier concernant la

 23   cessation des hostilités. Nous avons également observé l'arrivée des forces

 24   de maintien de la paix en Croatie, et c'était la première fois dans

 25   l'histoire des Nations Unies que des troupes de maintien de la paix étaient

 26   envoyées en Europe. Cela a pris plusieurs mois. Et, en fait, ça ne s'est

 27   pas produit immédiatement. Le déploiement a commencé en mars 1992.

 28   En même temps, la situation en Bosnie-Herzégovine empirait, et ceci a

Page 1470

  1   attiré notre attention. Une fois que le conflit a commencé en mars 1992 en

  2   Bosnie-Herzégovine, nous avons été très occupés.

  3   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais replacer quelque peu ces événements

  4   dans leur contexte.

  5   Dans vos dépositions précédentes, vous avez expliqué que durant cette

  6   période, c'est-à-dire à la fin de l'année 1991 et durant le premier

  7   semestre de l'année 1992, dans vos efforts avec le secrétaire d'Etat,

  8   Vance, la Communauté européenne était également activement engagée dans des

  9   efforts pour arriver à une résolution pacifique de la situation dans la

 10   région; est-ce exact ?

 11   R.  Effectivement, à l'époque il s'agissait de la Communauté européenne, et

 12   celle-ci était effectivement responsable des négociations politiques sur

 13   l'avenir de l'ex-Yougoslavie.

 14   Q.  Est-ce exact de dire que ces efforts se sont transformés en la

 15   conférence sur la Yougoslavie, qui a été présidée par Lord Carrington ?

 16   R.  Effectivement. La conférence a commencé en juillet 1991, c'est-à-dire

 17   très rapidement après le début des hostilités entre la Croatie et l'ex-

 18   Yougoslavie, et cela a duré jusqu'au août 1992.

 19   Q.  Que s'est-il passé en août 1992, Monsieur l'Ambassadeur ?

 20   R.  En août 1992, le gouvernement britannique assurait la présidence de la

 21   Communauté européenne, et c'est ce gouvernement qui a convoqué une

 22   conférence internationale tout à fait à la fin du mois d'août 1992. Deux

 23   objectifs étaient recherchés.

 24   Le premier, c'était de reconnaître que la conférence sur l'ex-

 25   Yougoslavie avait échoué, n'avait pas réussi à résoudre ce problème parce

 26   que, manifestement, il y avait des combats violents en Bosnie-Herzégovine.

 27   Deuxième objectif recherché : il s'agissait de constituer une nouvelle

 28   conférence pour la paix où il y aurait participation de la Communauté

Page 1471

  1   européenne et des Nations Unies à la fois. Cette conférence a commencé à

  2   exister en septembre, début septembre 1992, et on l'a appelée, Conférence

  3   internationale sur l'ex-Yougoslavie.Q.  Vous nous avez indiqué que cette

  4   conférence internationale pour l'ex-Yougoslavie était une conférence où la

  5   Communauté européenne et les Nations Unies intervenaient ensemble. Alors,

  6   qui est-ce qui représentait les Nations Unies, et qui est-ce qui

  7   représentait la Communauté européenne ?

  8   R.  Il y avait eu deux coprésidents : Lord Owen, David Owen, ex-ministre

  9   britannique des Affaires étrangères, qui représentait la Communauté

 10   européenne. Les Nations Unies, elles, étaient représentées par le

 11   coprésident M. Cyrus Vance, ex-secrétaire d'Etat des Etats-Unis d'Amérique,

 12   c'est-à-dire ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis.

 13   Q.  Quel était votre rôle dans cette conférence sur l'ex-Yougoslavie ?

 14   R.  J'étais l'adjoint du coprésident représentant les Nations Unies, et

 15   l'ambassadeur Peter Hall, un estimé diplomate britannique, était l'adjoint

 16   ou le remplaçant du coprésident du côté de la Communauté européenne.

 17   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous pouvez décrire à l'intention

 18   des Juges de la Chambre, rapidement, comment vous, le secrétaire Vance,

 19   Lord Owen et l'ambassadeur Hall travailliez ou oeuvriez en faveur de

 20   l'aboutissement à une solution pacifique, et dites-nous à quel point vos

 21   efforts étaient intenses.

 22   R.  La conférence se réunissait à Genève, en Suisse. A Genève, il y a eu de

 23   représentées toutes les parties au conflit en Bosnie-Herzégovine, et ce,

 24   pour des négociations qui ont duré 24 heures par jour. Les parties en

 25   présence se réunissaient entre elles, avec nous. Nous, on se réunissait

 26   bilatéralement avec certaines délégations. C'était donc une activité fort

 27   intense.

 28   Q.  Avec qui vous réunissiez-vous à l'époque ? Par exemple, est-ce que vous

Page 1472

  1   ne rencontriez que les représentants des parties au conflit, ou est-ce que

  2   vous avez rencontré d'autres leaders de cette partie du monde ?

  3   R.  Nous avons rencontré les membres des parties belligérantes et d'autres

  4   leaders, le tout de l'ex-Yougoslavie, et ainsi qu'en provenance des pays

  5   voisins. Toutefois, ces réunions se tenaient, de façon primordiale, avec

  6   les parties belligérantes de l'ex-Yougoslavie, c'est-à-dire les parties au

  7   conflit en Bosnie.

  8   Q.  Dans les efforts déployés visant à vous procurer le plus possible

  9   d'informations utiles pour évaluer la situation lors de vos réunions avec

 10   différents leaders, est-ce que vous avez également eu l'occasion de

 11   rencontrer des communautés de la communauté internationale, des

 12   organisations non gouvernementales, et cetera ?

 13   R.  Oui. Nous avons eu à rencontrer les représentants les plus éminents de

 14   la scène internationale, par exemple, ceux du comité international de la

 15   Croix-Rouge. En sus, nous avons eu un groupe subordonné au sein de notre

 16   conférence qui était conduite par Mme Ogata, qui était le haut représentant

 17   des Nations Unies aux réfugiés. C'était un partenaire actif. Nous avons

 18   également eu à rencontrer des représentants de la FORPRONU, et c'est le nom

 19   qui a été accordé à cette opération de maintien de la paix par les Nations

 20   Unies, tant pour ce qui est de la Croatie que de la Bosnie-Herzégovine, et

 21   d'autres. Nous avons rencontré des représentants d'autres organisations non

 22   gouvernementales, par, exemple, Tadeusz Mazowiecki, ex-ministre polonais

 23   des Affaires étrangères qui, une fois qu'il a quitté ses fonctions à

 24   Varsovie, s'est vu nommé rapporteur spécial pour les droits de l'homme en

 25   Bosnie-Herzégovine. Donc nous avons eu à contacter tous ces gens-là.

 26   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, dans le résumé de votre témoignage antérieur

 27   dans l'affaire Krajisnik, j'ai déjà évoqué le fait que vous avez tenu à

 28   jour des journaux, des notes que vous consignées pendant le déploiement de

Page 1473

  1   tous ces efforts. D'abord, est-ce que ces documents que vous avez devant

  2   vous, c'est bien ceux qu'étaient ces notes ?

  3   R.  Oui, ce sont ces cahiers de notes.

  4   Q.  Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges de la Chambre quelle était

  5   la finalité de la consignation de ces notes pour ce qui est -- enfin,

  6   quelle est votre expérience avec ce type de notes ? Quelle est la nature

  7   des entrées que vous y avez apposées ?

  8   R.  J'ai toujours eu la coutume, lorsqu'il y a eu des réunions importantes

  9   sur une longue période d'années, ou de longues années durant, prendre des

 10   notes. C'est devenu d'une importance cruciale pour ce qui est de l'ex-

 11   Yougoslavie, et cela l'a été à compter du tout premier moment, en raison de

 12   l'intensité des efforts déployés par moi-même, par le secrétaire Vance, et

 13   la quantité des réunions individuelles que nous pouvions avoir en une même

 14   journée. Par exemple, bon nombre de journées commençaient à 8 heures du

 15   matin et se terminaient après minuit. Et pendant cette période de temps on

 16   avait cinq ou six réunions avec cinq ou six délégations différentes

 17   représentant deux, voire trois parties belligérantes. Et pour savoir qui a

 18   dit quoi à qui, à la fin d'une telle journée, il fallait que je prenne

 19   forcément des notes lors de la tenue de ces réunions. Je n'ai pas hésité à

 20   le faire du fait de l'urgence. Ce n'était guère un secret. Mes cahiers de

 21   notes étaient sur la table devant moi tout comme maintenant, sauf qu'à

 22   l'époque je prenais des notes. Je ne suis pas un sténotypiste ou un

 23   sténographe, mais après avoir entendu les commentaires de toutes les

 24   parties - et c'était souvent les mêmes arguments - il était facile, je dois

 25   dire, il était facile de distinguer ce qu'il y a d'important de ce qu'il ne

 26   l'était pas, et mettre sur papier, coucher sur papier, l'essentiel de ce

 27   qui s'est dit à l'occasion de ces réunions. Donc séparer le grain de

 28   l'ivraie. Ces cahiers de notes, ou ces notes, ont été fort utiles pour ce

Page 1474

  1   qui est des négociateurs.

  2   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous avez expliqué lors de votre témoignage

  3   dans l'affaire Krajisnik qu'il importait pour un négociateur de comprendre

  4   et d'évaluer les personnes contactées, c'est-à-dire supposer leur niveau

  5   d'importance, le poids de leurs arguments pour ce qui est des questions

  6   contestées, leurs relations mutuelles, leur sincérité, et que c'était une

  7   expérience que l'on acquérait avec le temps et l'exercice. Alors, il était

  8   également important de savoir quels étaient les objectifs des individus

  9   avec lesquels vous négociiez.

 10   R.  Oui. Je dirais que cela était d'une importance tout à fait cruciale.

 11   Q.  En guise de résultante de ces nombreuses réunions avec les membres de

 12   la direction des Serbes de Bosnie, ainsi qu'avec l'accusé en particulier,

 13   avez-vous pu identifier les objectifs de guerre de la direction des Serbes

 14   de Bosnie, c'est-à-dire avez-vous été en mesure d'identifier les objectifs

 15   de guerre du Dr Karadzic ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Pouvez-vous les décrire à l'attention des Juges de la Chambre, je vous

 18   prie ?

 19   R.  Vous les avez déjà énumérés. Je peux le faire une fois de plus, si vous

 20   le souhaitez. Voilà de quoi il s'agissait : créer un Etat à part à

 21   l'intérieur de la Bosnie qui s'appelait la Republika Srpska, reconnu sur le

 22   plan du droit; ensuite, cette Republika Srpska était censée constituer un

 23   territoire en continuité. Donc ne pas avoir un territoire morcelé, et avoir

 24   une continuité géographique avec la Serbie; troisièmement, la Republika

 25   Srpska était censée être le plus homogène possible; les Serbes de Bosnie

 26   disaient souvent "ethniquement pur"; quatrièmement, la Republika Srpska

 27   devait avoir, ou était censée avoir, des "relations spéciales" avec la

 28   République de Serbie. Tout le monde avait compris que ceci sous-entendait,

Page 1475

  1   si possible, être intégré à la Serbie; cinquièmement, la direction de la

  2   Republika Srpska devait pouvoir disposer d'un droit de veto absolu pour ce

  3   qui est du reste de l'autorité qui demeurerait situé au niveau du

  4   gouvernement central à Sarajevo, parce que l'on avait carrément compris

  5   qu'il resterait un gouvernement nominal qui représenterait le pays tout

  6   entier et qui se trouverait à Sarajevo; et sixième et dernier objectif,

  7   c'était de partager Sarajevo entre les Musulmans de Bosnie et les Serbes de

  8   Bosnie. Les autres parties avaient également leurs objectifs de guerre.

  9   Mais oui, excusez-moi. Vous m'avez également demandé si le Dr

 10   Karadzic avait considéré ces objectifs comme étant les siens. Alors, je

 11   dirais que oui, tout comme le corpus politique tout entier de l'Etat des

 12   Serbes de Bosnie, parce qu'ils avaient fait siens la plupart de ces

 13   objectifs, notamment les objectifs géographiques, à la date du 12 mai 1992

 14   lors de la tenue d'une réunion de l'assemblée des Serbes de Bosnie.

 15   Ces objectifs n'ont pas constitué un secret. Les Serbes de Bosnie étaient

 16   tout à fait francs, sincères, en nous parlant de ces objectifs-là.

 17   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous avez déjà mentionné le fait que les autres

 18   parties avaient aussi des objectifs de guerre à elles. Peut-être serait-il

 19   à un moment opportun de nous les énumérer aussi ?

 20   R.  Certes. Les autres parties n'avaient pas autant d'exigences, mais

 21   avaient aussi des objectifs de guerre. Les Musulmans de Bosnie voulaient un

 22   Etat unitariste, une autorité centralisée à Sarajevo, et quelque autorité

 23   ou compétence administrative résiduelle à l'extérieur de la capitale. Ils

 24   voulaient donc avoir un pouvoir majoritaire parce qu'ils étaient déjà assez

 25   nombreux. Ils constituaient 44 % de la population de Bosnie-Herzégovine en

 26   1991, et ils s'attendaient à disposer un jour ou l'autre d'une majorité

 27   absolue.

 28   Le dernier des points pour ce qui est de leurs objectifs de guerre était

Page 1476

  1   une chose contestée, à savoir dans quelle mesure y aurait-il une Bosnie-

  2   Herzégovine qui serait gérée par les Musulmans de Bosnie, deviendrait-elle

  3   un Etat islamique ? C'est la raison pour laquelle c'était une question en

  4   suspens, parce que le Parti de l'Action démocratique, le SDA, le Parti des

  5   Musulmans de Bosnie, était lui-même subdivisé en partie ou volet séculaire,

  6   donc laïc, et un autre volet qui était plus religieusement inspiré.

  7   Et s'agissant des Croates de Bosnie, eux, ils avaient voté en disant que la

  8   Bosnie-Herzégovine devait quitter la Fédération yougoslave et déclarer son

  9   indépendance. Deuxièmement, ils ont créé leur propre Etat, qu'ils ont

 10   appelé Communauté d'Herceg-Bosna, qui était une espèce d'Etat créé par

 11   analogie à la Republika Srpska. Eux aussi souhaitaient disposer d'une

 12   continuité territoriale s'appuyant sur la mère patrie, à savoir la Croatie,

 13   et s'attendaient qu'un jour ou l'autre, de façon formelle ou informelle,

 14   cette Communauté croate d'Herceg-Bosna finirait par avoir aussi une

 15   relation tout à fait spéciale, peut-être même voir une réunification avec

 16   la République de Croatie.

 17   Vous voyez donc que du point de vue de certains aspects, les Serbes de

 18   Bosnie et les Croates de Bosnie avaient des objectifs parallèles les uns

 19   aux autres. Bien entendu, à certains points de vue, ils étaient

 20   complètement opposés les uns aux autres. Ceci vous indique toutefois quelle

 21   était la complexité de la situation des combats sur le terrain, parce que

 22   les objectifs, parfois, convergeaient, parfois les parties se battaient

 23   l'une contre l'autre, et parfois certaines de ces parties essayaient ou

 24   passaient des accords entre elles sur le terrain. C'était quelque chose de

 25   tout à fait habituel.

 26   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous nous avez parlé de la continuité

 27   territoriale, ou des exigences visant à établir une continuité territoriale

 28   afin que cet Etat vienne à avoir une frontière avec la Serbie. Vous avez

Page 1477

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17   

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 1478

  1   dit que le Dr Karadzic et les leaders des Serbes de Bosnie le voulaient.

  2   Vous ont-ils, à quelque moment que ce soit, présenté une carte, un dessin,

  3   une présentation graphique de ce qui constituait leurs exigences ?

  4   R.  Oui, bien sûr, c'est le cas. Nous avons eu à examiner la situation

  5   militaire pour commencer pour savoir où les armées se trouvaient, où il y

  6   avait ligne de confrontation, où se trouvaient les forces des Serbes de

  7   Bosnie, donc de la VRS, et ce qui les intéressait. Nous avons disposé de

  8   cartes qui étaient élaborées à notre intention. Parfois, les leaders des

  9   trois parties, les Musulmans, les Serbes et les Croates, dessinaient devant

 10   nous, à la main, ce qu'ils voulaient. Et il y avait des cartes officielles

 11   également qui étaient distribuées aux négociateurs à la conférence

 12   internationale sur l'ex-Yougoslavie en tant que cartes traduisant les

 13   aspirations des parties en présence du point de vue du partage des

 14   territoires. Il n'y avait donc aucune espèce de difficulté du point de vue

 15   de savoir quels étaient les secteurs de Bosnie-Herzégovine que convoitait

 16   tel ou tel autre parti pour soi.

 17   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je vais vous demander à présent de vous tourner

 18   vers la réunion qui s'est tenue à la date du 10 septembre 1992.

 19   Il s'agit de la pièce 65 ter 06534, page 45. Pour le greffier,

 20   j'indique qu'il s'agit de la page 45.

 21   Je pense que nous avons maintenant, au numéro 1, la réunion qui

 22   commence à 17 heures. Est-ce que vous avez ce texte en ce qui concerne la

 23   conférence internationale pour l'ex-Yougoslavie ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Nous avons ici un croquis, et apparemment c'est une carte. Est-ce que

 26   vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre ce que ceci représente ?

 27   R.  Volontiers. C'est un croquis que j'ai tracé d'une carte que nous a

 28   donnée M. Karadzic, carte qui montrait -- en fait, la carte avec

Page 1479

  1   juxtaposées sur cette carte les zones serbes. Cette carte, c'était M. Henry

  2   Darwin qui l'avait préparée. Henry Darwin, c'est un juriste britannique qui

  3   avait travaillé avec Lord Owen et l'ambassadeur Cutileiro au cours du

  4   printemps et de l'été 1992 en Bosnie-Herzégovine. Donc il y avait cette

  5   carte, et superposé à cette carte, il y avait le transparent préparé par M.

  6   Karadzic qui montrait l'endroit où se trouvaient les forces serbes de

  7   Bosnie. Et moi, j'en ai fait un croquis un peu sommaire dans mon propre

  8   journal.

  9   Q.  Je vous demande tout d'abord, avant de poursuivre, ceci : on voit des

 10   parties rayées; c'est ça ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  C'était la zone contrôlée par les forces de M. Karadzic et par les

 13   Serbes de Bosnie, d'après M. Karadzic ?

 14   R.  C'est tout à fait exact. Nous sommes alors en septembre 1992, et les

 15   Serbes de Bosnie contrôlaient à peu près 70 % du territoire de l'Etat de

 16   Bosnie.

 17   Q.  Il y a eu d'autres réunions plus tard et est-ce qu'au cours de celles-

 18   ci, M. Karadzic et d'autres dirigeants serbes de Bosnie ont fait référence

 19   à cette zone ? Est-ce que M. Karadzic et les autres dirigeants ont dit si

 20   ces zones représentaient des zones de Bosnie-Herzégovine qu'ils

 21   revendiquaient ?

 22   R.  Tout à fait.

 23   Q.  Prenons maintenant la réunion qui s'est tenue le 11 octobre 1992.

 24   Ce sera le document de la liste 65 ter 06536, page 34 plus exactement.

 25   Je pense que vous avez ces notes sous les yeux ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Prenons la troisième page de celles qui relatent cette réunion :

 28   "Kara - 'Le principal problème, ce sont les frontières de Tito.'"

Page 1480

  1   Pourriez-vous nous expliquer comment cette réunion s'est déroulée, réunion

  2   qui en arrive au "tracé d'une carte à la main".

  3   R.  Les dirigeants serbes de Bosnie affirmaient sans cesse, et M. Karadzic

  4   était parmi eux, ils affirmaient que les Serbes avaient été maltraités par

  5   Tito et que lorsque les frontières républicaines avaient été tracées après

  6   la Seconde Guerre mondiale, ils avaient été lésés. Mais ce n'était pas

  7   vrai, et ce n'était sûrement pas vrai pour la Bosnie-Herzégovine, dont les

  8   frontières, en 1991, étaient pratiquement identiques à celles qui avaient

  9   été tracées par Bismark au congrès de Berlin en 1878. Pour le dire plus

 10   précisément, les frontières de la Bosnie sont parmi les plus anciennes, pas

 11   seulement des Balkans, mais de l'Europe. Alors, ce qui est vrai c'est que

 12   Tito, nous savons qu'il était à moitié Croate, à moitié Slovène et qu'il

 13   n'aimait pas beaucoup les Serbes, ce qui est vrai c'est que pour ce qui est

 14   de la Serbie même, là, Tito voulait effectivement réduire la puissance de

 15   la Serbie au sein de son Etat. Ce qu'il a fait surtout -- j'allais dire en

 16   enlevant, mais plutôt je devrais dire en créant la Macédoine qu'il a prise

 17   au corps même de la Serbie. Jusqu'en 1946, disons que ce qu'on appelle

 18   aujourd'hui la République de Macédoine ça avait été la Serbie méridionale.

 19   Et Tito avait aussi donné un statut d'autonomie au sein de la Serbie à la

 20   région traditionnelle de la Vojvodine dans le nord et au Kosovo dans le

 21   sud. Il est donc juste de dire que Tito avait cherché à réduire le pouvoir

 22   qu'avait la Serbie au sein de la Yougoslavie, mais il n'est pas exact de

 23   dire qu'il aurait fait de même en Bosnie-Herzégovine. Là, il a pris

 24   d'autres mesures que n'ont pas aimées du tout, mais pas du tout, les

 25   Croates comme les Serbes de Bosnie. Ces mesures concernaient les Musulmans

 26   de Bosnie-Herzégovine, mais la question du tracé de la frontière n'a pas

 27   porté à polémique.

 28   Q.  Vous avez dit, entre parenthèses, vers -- à peu près vers le tiers de

Page 1481

  1   la page, vous dites :

  2   "(Carte qu'il a tracée)."

  3   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, nous avions demandé, et

  4   vous le savez, que soit ajouté à la liste 65 ter le document 9292 [comme

  5   interprété]. Si vous faites droit à cette demande, j'aimerais l'ajouter et

  6   l'afficher maintenant.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pourriez me redonner le numéro ?

  8   M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit du 27791.

  9   M. ROBINSON : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est fait droit à votre requête.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 12   Peut-on afficher ce document à l'écran.

 13   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous avons ici une carte que vous avez tracée

 14   lorsque vous avez déposé dans l'affaire Prlic. Est-ce ici la façon dont

 15   vous avez rendu la carte qu'avait tracée le 11 octobre 1992 le Dr Karadzic

 16   ?

 17   R.  Oui, tout à fait, c'est ce qu'il avait fait et ça correspond. C'est

 18   comme si c'était un fer à cheval autour de la Bosnie centrale, avec une

 19   zone verte disons, une zone musulmane, et tout à fait à la gauche, vous

 20   avez donc la Cazinska Krajina en partie occidentale en Bosnie, qu'on va

 21   appeler pendant le conflit la poche de Bihac.

 22   Q.  Et est-ce qu'on voit ici superposée la carte tracée par M. Karadzic au

 23   cours de cette discussion qui portait sur les zones que revendiquaient les

 24   Serbes de Bosnie, zones qui devraient être laissées aux Croates et aux

 25   Musulmans ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Soyons plus précis. Donc à l'extérieur du fer à cheval, si l'on suit le

 28   contour de ce fer à cheval, est-ce que la zone extérieure serait la zone

Page 1482

  1   donnée, ou revendiquée plus exactement, par les Serbes de Bosnie ?

  2   R.  Oui. Si vous regardez la partie qui se trouve sur la droite de la

  3   carte, dans le fond, c'est la frontière que forme la rivière de la Drina

  4   avec la Serbie, il est aisé de voir qu'est revendiquée pratiquement toute

  5   la rive occidentale de la Drina. Jusque tout en haut à droite, dans la

  6   région de la Semberija, il y a une espèce de crochet autour de la Posavina,

  7   tout en haut dans la partie supérieure de la carte, où vous avez la Sava,

  8   cette rivière qui sépare la Bosnie-Herzégovine de la Croatie, et puis vous

  9   avez la partie occidentale de la Bosnie, une grande partie en bleu, qui

 10   serait une partie surtout serbe. Les zones litigieuses, les zones

 11   difficiles, du moins dans l'optique des Serbes de Bosnie, c'étaient les

 12   zones qui longeaient la Drina. Vous voyez qu'il y a beaucoup de vert sur

 13   cette carte, et vous avez en vert les opstina, ou municipalités, où il y

 14   avait une majorité ou une pluralité musulmane. Et tout en haut de la carte,

 15   une fois de plus, vous avez des zones en rose, et là, vous avez les opstina

 16   avec une majorité de Croates de Bosnie. Pourquoi ces zones étaient-elles

 17   vitales pour les Serbes de Bosnie, ils l'ont dit clairement. Ils voulaient

 18   la continuité avec la Serbie, pour le dire autrement, ils voulaient

 19   éliminer la rivière de la Drina en tant que frontière. Au nord, là où en

 20   haut de la carte vous avez les zones en rose, comment dire, se superposait

 21   la route qui va de Belgrade à Bijeljina, de Brcko à Banja Luka; c'est donc

 22   ce couloir qui va de la capitale de la Serbie à la capitale des Serbes de

 23   Bosnie, à savoir Banja Luka. Ça, ça a été un thème récurant qu'ont

 24   mentionné tous les dirigeants serbes de Bosnie, le général Mladic, entre

 25   autres, tous ont dit que c'était un objectif fondamental et une nécessité

 26   première.

 27   La Bosnie centrale, cette carte vous le montre, c'est une adjonction au

 28   fond de zones de Croates et de Musulmans de Bosnie, et c'était donc moins

Page 1483

  1   intéressant pour les Serbes de Bosnie, même si dans la Bosnie centrale, il

  2   y avait des parties qui les intéressent, par exemple, les monts Ozren,

  3   entre autres. Mais ce fer à cheval c'était la configuration que devait

  4   prendre l'Etat serbe de Bosnie à venir.

  5   Q.  Je ne sais pas s'il y a un problème de traduction.

  6   Il n'y a pas de méprise à propos de la carte, je veux m'en assurer, nous

  7   avons ce fer à cheval qui va du côté gauche de la carte jusqu'à une zone

  8   indiquée par le chiffre "2". Il y a aussi une ligne qui a été barrée. Est-

  9   ce que c'était une erreur qu'on a simplement supprimée ?

 10   R.  Oui, c'était une erreur que j'ai d'abord commise lorsque j'ai commencé

 11   à tracer la carte.

 12   Q.  Très bien. Et à l'intérieur du fer à cheval, on voit les régions "9",

 13   "10", et cetera, mais il y a aussi une forme triangulaire. Pour éviter

 14   toute confusion, je vous demande ceci, à l'exception de cette forme

 15   triangulaire, d'après M. Karadzic, qui devait recevoir ce territoire ?

 16   R.  On s'attendait à ce que la partie centrale, celle qui se trouve à

 17   l'intérieur du fer à cheval, cette zone devrait être, au fond, contrôlée

 18   par des Croates de Bosnie, et la partie triangulaire, elle, devait être une

 19   zone contrôlée par les Musulmans de Bosnie. Si vous tracez une ligne qui

 20   part de Sarajevo, qui va à Tuzla, à Zenica, à Travnik, puis qui retourne à

 21   Sarajevo, vous avez, au fond, ainsi tracé le périmètre d'une zone où les

 22   Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie s'attendaient à ce qu'elle

 23   soit musulmane. Donc, ça ne représente pas une grande partie du territoire

 24   de Bosnie.

 25   Q.  Quelques autres références à propos de cartes. D'abord, on voit une

 26   référence à une réunion de 2 décembre 1992.

 27   C'est le numéro 065371. C'est la page 29 dans le système du prétoire

 28   électronique.

Page 1484

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous demandez d'abord le versement

  2   de celle-ci ?

  3   M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous parlons d'abord du

  5   carnet de notes de l'ambassadeur ? Vous demandez le versement --

  6   M. TIEGER : [interprétation] J'allais demander le versement de toutes les

  7   pièces connexes, mais peut-être à la fin. A vous de décider.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Prenons-les au fur et à mesure.

  9   Vous ne faites pas opposition au versement des journaux ou carnets

 10   personnels.

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Exact.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et la carte ?

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Là non plus.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il y a trois carnets, ou

 15   est-ce qu'il y en a plus ?

 16   M. TIEGER : [interprétation] Il y en a --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Neuf en tout ?

 18   M. TIEGER : [interprétation] Effectivement.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez, je pense qu'il y a en tout 18,

 20   19 points. Ils ne sont pas si nombreux que ça.

 21   M. TIEGER : [interprétation] C'est juste.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il une objection à l'un ou l'autre

 23   de ces points ?

 24   L'INTERPRÈTE : Me Robinson a son micro qui n'est pas branché, mais il

 25   semble dire qu'il n'a pas d'objection. L'interprète précise qu'il y a trop

 26   de micros branchés dans le prétoire.

 27   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection pour ce qui est du

 28   versement des documents visés par l'article 65 ter.

Page 1485

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ils sont tous versés. Vous aurez sous

  2   peu la liste que va préparer le greffier.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Je précise qu'il y a 13 carnets de notes.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   Je demanderais simplement une précision. Dans ces points, il y a deux

  6   extraits de la 34e et de la 37e séances de l'assemblée nationale de la

  7   Republika Srpska. Je suppose que vous allez uniquement demander le

  8   versement des parties que va mentionner l'ambassadeur pendant son audition.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait. Je le dirais d'ailleurs aussi,

 10   finalement vous aurez l'intégralité de ces séances, mais vous avez raison

 11   pour ce qui est des passages évoqués par l'ambassadeur.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 13   Poursuivons.

 14   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je veux que ce soit clair, Monsieur

 16   Tieger. Vous demandiez aussi le versement de l'indexe du sommaire, mais

 17   c'était uniquement ce sommaire destiné à nous aider comme aide-mémoire.

 18   C'était un sommaire ?

 19   M. TIEGER : [interprétation] Exactement.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, ce ne sera pas une pièce en tant

 21   que telle.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de cette précision.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Me permettez-vous un commentaire à ce stade ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Volontiers.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] M. Tieger a dit qu'il y avait 13 carnets de

 27   notes. En fait, il y en a 16.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

Page 1486

  1   M. TIEGER : [interprétation] Moi aussi, je vous remercie de cette

  2   précision.

  3   Peut-on afficher le document de la liste 65 ter, 06537, page 29. 06537.

  4   Non, ce n'est pas la bonne date. C'est bien 06537 ? Peut-être que c'est

  5   538. Page 29 de la pièce 06538.

  6   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous avons ici la réunion du 2 décembre 1992.

  7   Nous le voyons à l'écran, sur la page de gauche. Il y a "CRV" comme

  8   locuteur, je suppose que c'est M. Vance, et "DLO", je suppose que c'est

  9   Lord Owen. Regardez la quatrième mention dans l'intervention de Lord Owen.

 10   A propos de son intervention, il dit :

 11   "Toujours en désaccord avec les Serbes de Bosnie, qui veulent une zone sous

 12   forme de fer à cheval."

 13   Est-ce qu'ici il est fait référence à ces mêmes zones au fer à cheval que

 14   nous venons de voir, telles qu'elles avaient été tracées par M. Karadzic au

 15   cours de ces deux réunions ?

 16   R.  Oui.  

 17   M. TIEGER : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage du document

 18   45272 de la liste 65 ter. Est-ce que l'on pourrait passer sur le système

 19   Sanction, s'il vous plaît.

 20   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, durant votre déposition dans l'affaire

 21   Krajisnik, vous avez eu la possibilité de visionner une vidéo de M.

 22   Krajisnik qui présentait une carte avec un film qui avait été rajouté sur

 23   cette carte, et est-ce qu'il s'agit d'un arrêt sur image de cette vidéo que

 24   vous voyez à l'écran ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Et est-ce qu'il s'agit de la même partie en forme de fer à cheval que

 27   nous avons déjà vue qui constituait le territoire réclamé par les Serbes de

 28   Bosnie ?

Page 1487

  1   R.  Oui.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander qu'on affiche

  3   le document de la liste 65 ter 11313.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît.

  5   Monsieur Robinson, lorsque vous avez dit que vous n'aviez pas d'objection,

  6   vous parliez également des pièces supplémentaires qui allaient être

  7   utilisées ?

  8   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, effectivement.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Donc tous ces documents seront

 10   traités par ce fonctionnaire du Tribunal.

 11   Vous pouvez continuer, Monsieur Tieger.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 13   Je voudrais, Monsieur l'Ambassadeur, que vous vous concentriez sur cette

 14   carte.

 15   Q.  Je voudrais que l'on parle de la zone qui constitue les régions au sein

 16   de la Bosnie-Herzégovine revendiquées par les Serbes de Bosnie. Il s'agit

 17   de la région qui constitue cette partie en forme de fer à cheval. Est-ce

 18   que ces parties étaient, en majorité, peuplées par des peuples de Bosnie ?

 19   R.  Dans certaines régions, effectivement. Dans d'autres, non. Vous pouvez

 20   le voir, si vous regardez la carte constituant la représentation ethnique

 21   de Bosnie-Herzégovine, Bosnie-Herzégovine, à droite, à la frontière entre

 22   la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, à savoir, la rivière de la Drina, vous

 23   voyez qu'il y a beaucoup de zones en vert, et cela signifie que la majorité

 24   de ces provinces étaient peuplées de Musulmans. Je crois qu'il y avait sept

 25   provinces -- je vous prie de m'excuser, il ne s'agissait pas de

 26   "provinces," mais d'"opstina, de municipalités". Au total, il y en avait

 27   sept qui étaient peuplées majoritairement de Musulmans, avant la guerre,

 28   sur la Drina, donc de Zvornik au nord à Foca dans le sud. Il y a très peu

Page 1488

  1   de Musulmans qui continuent à vivre dans ces zones en raison du nettoyage

  2   ethnique, et constituent une partie de la Republika Srpska à l'heure

  3   actuelle. La totalité de la région de la Drina fait partie aujourd'hui de

  4   la Republika Srpska, y compris les zones anciennement à majorité musulmane,

  5   qui sont maintenant des zones serbes.

  6   Q.  En ce qui concerne les Musulmans qui vivaient dans ces régions,

  7   Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais vous poser quelques questions

  8   concernant ce que M. Karadzic vous a dit concernant ces Musulmans.

  9   Tout d'abord, vous avez expliqué, dans votre déposition dans l'affaire

 10   Krajisnik, que M. Karadzic vous avait parlé du taux de fécondité des

 11   Musulmans. Est-ce que vous pourriez l'expliquer aux Juges de la Chambre ?

 12   R.  Oui. En fait, ce qui le préoccupait, c'est que le taux de fécondité des

 13   Musulmans de Bosnie qui était, si j'ai bien compris, beaucoup plus élevé

 14   que ceux des Croates de Bosnie ou des Serbes de Bosnie, que ce taux de

 15   fécondité, en l'espace d'un laps de temps assez court, donnerait une

 16   majorité absolue à la population musulmane en Bosnie-Herzégovine. Etant

 17   donné qu'on savait que les Musulmans de Bosnie voulaient un Etat unitaire,

 18   c'est-à-dire un vote pour une personne, il était très préoccupé par la

 19   position dans laquelle se trouvaient les Serbes de Bosnie.

 20   Q.  J'aimerais que nous passions au carnet numéro 4, qui parle de la

 21   mission Vance. C'est une réunion du 2 décembre 1991.

 22   Il s'agit du document 6530 -- 0653 [comme interprété] de la liste 65 ter,

 23   page 21.

 24   Monsieur l'Ambassadeur, dans votre carnet, il s'agit de la page 45.

 25   R.  Oui, je suis à cette page.

 26   Q.  Sur la page de droite qui est à l'écran, qui commence par "Belgrade,

 27   12/2/91," puis vous avez un premier intervenant avec ces initiales "RK," je

 28   suppose qu'il s'agit de Radovan Karadzic.

Page 1489

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et à la quatrième entrée, en partant du haut ?

  3   R.  Bien, ceci est tout à fait cohérent avec ce que je disais, avec ce que

  4   M. Karadzic avait mentionné, à savoir que lors de notre première réunion,

  5   nous nous sommes réunis pour la première fois - nous nous sommes rencontrés

  6   pour la première fois à Belgrade - et il parlait du taux de fécondité élevé

  7   des Musulmans qui leur permettrait d'atteindre leurs objectifs et leurs

  8   souhaits, à savoir que la Bosnie leur revienne, et qu'ils pourraient

  9   diriger à eux seuls la Bosnie.

 10   Q.  Est-ce que M. Karadzic, lors de cette même réunion, vous a dit ce qu'il

 11   pensait, que les Musulmans et que M. Izetbegovic voulaient faire de la

 12   Bosnie ?

 13   R.  Oui. M. Karadzic m'a parlé de la position d'Alija Izetbegovic, le

 14   président, à l'époque, de la Bosnie-Herzégovine, qui voulait transformer la

 15   Bosnie-Herzégovine en un Etat islamique, avec la Loi de la Sharia, et les

 16   autres caractéristiques de l'Islam.

 17   Q.  Je voudrais revenir à une autre partie de vos carnets concernant le

 18   même thème.

 19   Il s'agit d'une réunion du 17 septembre 1992, document 06535 de la liste 65

 20   ter, page 26.

 21   Pour vous, Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit du recueil numéro 2 ICFY, et

 22   il s'agit de la sixième page concernant la réunion dont je viens de parler.

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que nous voyons encore une fois M. Karadzic parlant du taux de

 25   fécondité des Musulmans qui présentait une menace pour les Serbes ?

 26   R.  Oui, c'est exact. Pour répondre à une question du secrétaire d'Etat,

 27   Vance, concernant la situation actuelle, il a répondu que les Musulmans

 28   perdaient, parce que leurs objectifs n'étaient pas réalistes. Ni les

Page 1490

  1   Croates ni les Serbes ne permettraient cela, et qu'Izetbegovic voulait, en

  2   fait, prendre le contrôle ou régner grâce à ce taux de fécondité élevé.

  3   Q.  En plus du fait que le Musulmans voulaient régner en raison d'un taux

  4   de fécondité élevé et de l'imposition d'une loi islamique, est-ce que M.

  5   Karadzic a parlé également d'autres menaces auxquelles les Serbes allaient

  6   peut-être faire face ? Par exemple, est-ce qu'il a parlé de menaces plus

  7   existentialistes ?

  8   R.  Oui, de manière générale, puisqu'il faisait constamment référence au

  9   génocide de la Deuxième Guerre mondiale en Bosnie-Herzégovine contre les

 10   Serbes de Bosnie, c'était un thème récurant, et par conséquent, cela

 11   constituait une trame dans les discussions avec M. Karadzic. Ceci avait

 12   également des retombées géographiques, car la position officielle des

 13   Serbes de Bosnie concernant leur république autoproclamée, la Republika

 14   Srpska, était la suivante : les Serbes étaient majoritaires avant la

 15   Deuxième Guerre mondiale, mais les Serbes ont été éliminés par ce génocide,

 16   et par conséquent, ces zones où les Serbes étaient majoritaires devaient en

 17   fait revenir à Republika Srpska. Par conséquent, il y avait un aspect plus

 18   existentialiste.

 19   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous faites constamment référence au génocide

 20   de la Deuxième Guerre mondiale. Est-ce que vous avez parlé avec M. Karadzic

 21   du fait que ce thème était récurant dans ses propos ?

 22   R.  Je ne sais pas si je l'ai mentionné à plusieurs reprises, mais je me

 23   souviens qu'au début de nos rencontres j'étais, pour ainsi dire, choqué par

 24   ces références qui revenaient souvent. Je lui ai dit à un moment donné que

 25   s'il continuait à penser de cette manière, il commettrait lui-même un

 26   génocide, que les Serbes de Bosnie commettraient un génocide. C'était avant

 27   que les combats commencent. Je dois dire que je n'étais pas tout à fait

 28   sérieux. C'était plutôt une manière d'exprimer le fait que j'étais frappé

Page 1491

  1   par ses références constantes au génocide de la Deuxième Guerre mondiale,

  2   et que ceci n'était pas justifié dans le comportement des Serbes de Bosnie.

  3   Mais dans mes carnets il y a une entrée - je ne voulais pas que ceci soit

  4   rédigé sur le ton de la plaisanterie - mais j'avais mentionné

  5   qu'aujourd'hui, bizarrement, M. Karadzic n'a pas mentionné le génocide des

  6   Serbes depuis au moins trois minutes, parce que c'était une rengaine

  7   habituelle chez lui.

  8   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais que nous passions au document 06532

  9   de la liste 65 ter, page 43.

 10   Q.  Il s'agit du livret numéro 6 de la Mission Vance. En fait, c'est à

 11   l'écran. C'est une réunion qui s'est tenue de 2 heures 45 à 3 heures 45 le

 12   5 mars 1992.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce que c'est la réunion que vous venez de mentionner et l'entrée

 15   que vous venez de citer ?

 16   R.  Oui. J'ai écrit, et je cite :

 17   "Résumé : Karadzic est encore plus mélodramatique qu'avant, mais cela fait

 18   au moins trois minutes qu'il n'a pas mentionné le mot 'génocide' dans la

 19   conversation."

 20   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur,  nous allons

 22   lever la séance pour aujourd'hui et nous reprendrons demain à 14 heures 15.

 23   Je n'ai pas besoin de vous rappeler que vous ne devez pas parler de votre

 24   déposition avec qui que ce soit.

 25   Monsieur Tieger, vous n'avez pas mentionné les numéros de pièces quand vous

 26   avez parlé des différentes pièces, mais j'espère que le fonctionnaire du

 27   Tribunal pourra transmettre les numéros aux parties durant la matinée de

 28   demain, et j'espère que nous reprendrons demain après-midi, et que vous

Page 1492

  1   n'oublierez pas de mentionner ces numéros de pièce.

  2   M. TIEGER : [interprétation] En fait, il s'agit plutôt des numéros de la

  3   liste 65 ter. Je vous ai bien compris, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   Bonne soirée à tous.

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7   --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le vendredi 23

  8   avril 2010, à 14 heures 15.

  9  

 10  

 11  

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28